Athénée de Naucratis Livre 13
Athénée de Naucratis Livre 13
Athénée de Naucratis Livre 13
De l'Amour
Le Livre XIII des Deipnosophistes
1. Un jour, mon cher Timocrate, le pote comique Antiphans lut
une de ses pices au roi Alexandre. Visiblement, ce dernier n'apprcia
pas du tout, et le pote lui dit : Prince, pour aimer cela, il faut avoir
dn des repas o chacun paie son cot, et avoir reu, en l'honneur
d'une courtisane, des coups et en avoir souvent donns. C'est ce
que nous rapporte Lycophron de Chalcis dans son ouvrage Sur la
Comdie. Quant nous, aprs avoir entendu parler des femmes
maries et des courtisanes, nous allons maintenant nous pencher sur
des histoires d'amour et les raconter des gens avertis. Mais pour
mmoriser cette longue liste rotique, nous devons d'abord invoquer
la Muse rato. En prliminaires, jetons-lui ces quelques mots :
Je t'en prie, rato, viens et reste mes cts, puis dis-moi tout ce
qui a trait l'amour et toutes les affaires de cur.
Les fianailles Lacdmone - Les deux pouses de Socrate
2. Quand il fit son loge des femmes maries, notre hte minent
cita un passage dHermippos, tir de son livre sur les Lgislateurs,
disant qu' Lacdmone on avait l'habitude d'enfermer dans une
pice obscure des jeunes filles avec des garons clibataires. Chacun
deux, aprs avoir mis la main sur l'une delles, devait la ramener
pour l'pouser, sans dot. Voil pourquoi Lysandre fut inflig d'une
amende pour avoir abandonn la premire fille qu'il avait prise pour
en pouser une autre bien plus belle. Clarchos de Soli indique dans
son livre sur les Proverbes :
On ne peut que s'tonner, dit Aristote, que nulle part dans l'Iliade,
Homre ne fasse mention d'une concubine couchant avec Mnlas,
bien que ce prince ait donn des femmes tout le monde. Pourtant,
tout au long du pome, on voit des vieillards, tels que Nestor et
Phnix, qui sont au lit avec des femmes. Il est vrai quau temps de
Les courtisanes
6. Mais nos femmes maries ne sont pas comme celles dcrites par
Euboulos dans ses Marchandes de couronnes :
Qu'il meure de male mort, ce niais qui prend femme par deux fois.
Pour la premire, je ne le blmerai pas : il n'avait aucune exprience
de ce flau ; en revanche, pour l'autre, il savait quoi s'en tenir sur la
mchancet d'une femme.
Il poursuit ainsi :
Mme chose pour la guerre dite Crisique, que relate Callisthne dans
son livre sur la Guerre sacre, un conflit au cours duquel les hommes
de Cirrha combattirent les Phocidiens pendant dix ans. Les Cirrhens
avaient enlev non seulement Mgisto, fille du Phocidien Plagon,
mais aussi les filles Argiennes, rencontres alors qu'elles revenaient
du sanctuaire de Delphes. Ce fut au cours de la dixime anne que
Cirrha fut prise.
On sait aussi que des lignages entiers furent ravags par laction des
femmes : celui de Philippe, le pre d'Alexandre, par son mariage avec
Cloptre ; celui d'Hracls, par son remariage avec Iole, fille
d'Eurytos ; de Thse, par la faute de Phdre, fille de Minos ;
d'Athamas, par son mariage avec Thmisto, fille d'Hypse ; de Jason,
par son mariage avec Glauk, fille de Cron ; et d'Agamemnon,
cause de Cassandre.
Mme l'expdition de Cambyse contre l'gypte, selon Ctsias, eut
pour origine une femme. Cambyse, ayant entendu dire que les
femmes gyptiennes avaient un merveilleux savoir-faire amoureux,
demanda Amasis, roi d'gypte, de lui offrir la main dune de ses
filles. Mais Amasis refusa, craignant qu'elle ft traite en concubine
plutt qu'en pouse royale. Il lui envoya donc la fille d'Apris, Neittis.
Prcisons quApris avait t dchu de la royaut d'gypte aprs sa
dfaite par les Cyrnens, et assassin par Amasis. Cambyse, ayant
got le plaisir avec cette Neittis - qui lavait pour le moins troubl fut bientt inform de son histoire : quand elle le supplia de venger le
meurtre d'Apris, il le fit de bonne grce et dclara la guerre aux
gyptiens.
Mais Dinon, dans son Histoire de la Perse, et Lykas de Naucratis,
dans le troisime livre de son Histoire gyptienne, affirme, de leur
ct, que Neittis fut envoye par Amasis Cyrus ; elle engendra
Cambyse qui, pour venger sa mre, entreprit une expdition en
gypte.
Douris de Samos nous dit que la premire guerre opposant deux
femmes fut celle qui clata entre Olympias et Eurydice. Olympias,
accompagne de tambourins pour donner l'assaut, ressemblait une
vraie Bacchante, tandis qu'Eurydice, forme la stratgie militaire
par Cynna, princesse d'Illyrie, tait arme de la tte au pied la
mode macdonienne.
ros
Dans les mentalits athniennes, ros est loin dtre un simple dieu
prsidant aux rapports sexuels, puisque dans l'Acadmie, dont on sait
de toute vidence quil tait consacr Athna, on avait rig une
statue de lui, et cest ces deux divinits que lon sacrifiait.
Les gens de Thespies clbrent les rotidides avec autant de ferveur
religieuse que les Athniens lors des Panathnes, les lens lors des
Olympies, ou les Rhodiens lors des Halies. En rgle gnrale, ros
est honor dans tous les sacrifices publics.
Ainsi, les Lacdmoniens offrent ros des sacrifices prliminaires
avant de se ranger en ordre de bataille, parce qu'ils pensent que leur
salut et leur victoire ne dpendent que de l'amiti qui lie les hommes
entre eux.
Avant de se livrer au combat, les Crtois choisissent dans leurs
troupes les plus beaux des soldats pour leur faire faire un sacrifice
ros, comme le rapporte Sosicrats.
Thbes, le bataillon dit sacr comprend des amants et des
aims qui honorent la majest du dieu en recherchant une mort
glorieuse plutt quune vie de dshonneur dont on ne manquerait pas
de leur faire reproche.
Quant aux Samiens, Erxias, dans son Histoire de Colophon, nous
rappelle quils avaient difi un gymnase ros et institu des ftes
en son honneur, les leutheria.
Enfin, c'est grce ros que les Athniens renourent avec la libert.
Et quand ils furent exils, les Pisistratides neurent de cesse que de
souiller et de blmer tout ce qui avait trait ce dieu.
ros : pourquoi des ailes ?
13. Aprs ces considrations, Plutarque cita de mmoire les vers du
Phdre dAlexis:
dun dieu. Par Athna et par les dieux, je ne puis vraiment pas le
dfinir : il est un peu tout cela la fois, et je crois lavoir ainsi bien
cern.
Cest pourquoi ce pote, faisant la part des choses sur les effets
d'ros, ajoute ceci :
Il tend deux flches avec son arc : lune nous apporte une vie
dlicieuse, lautre sme la ruine dans notre existence.
Qui ose prtendre que les amoureux sont sans cervelle ? Celui qui
laffirme est certainement lui-mme un abruti. En effet, si lon
supprimait les plaisirs de la vie, il ne resterait plus qu' mourir. Tenez,
moi, j'aime une joueuse de flte, une jeune fille : serais-je stupide, par
tous les dieux ? Elle est superbe, dune belle taille, experte dans son
art. Et franchement, il mest plus agrable de la regarder que de
distribuer des billets aux pauvres pour quils aillent au thtre.
N'est-ce pas justice qu'ros ait t banni de leur domaine par les
douze dieux ? Il avait la mchante habitude de les importuner et de
semer la discorde quand il vivait en leur compagnie. Il tait tellement
insolent et arrogant quils finirent par lui couper les ailes pour
l'empcher de voler nouveau dans le ciel. Ils lexilrent ici, sur terre,
donnant les ailes la seule Victoire, comme un butin pris lennemi.
15. Aprs avoir rappel ces vers d'Alexis, Myrtilos regarda avec
insistance en direction des reprsentants de la secte du portique ;
puis il cita ces vers tirs des Iambes dHermias de Courion :
amour et modestie
Ni chez un garon, ni chez une fille dore, ni chez une femme aux
seins dresss, la beaut ne peut se concevoir sans la pudeur. C'est la
pudeur qui sme la graine qui fera spanouir la fleur de la beaut.
Et Aristote affirme que les amoureux ne regardent du corps de leur
bien-aim que les yeux, l o se niche la pudeur. Et Sophocle, si je ne
me trompe, fait dire Hippodamie quand elle voque la beaut de
Plops :
Tu as de beaux yeux !
17. Licymnios de Chios nous affirme quHypnos, amoureux du jeune
Endymion, ne lui fermait pas les yeux pendant son sommeil ; non, il
lui relevait les paupires, lendormait, puis jouissait de la vision de ses
prunelles. Mais que je vous rapporte les propres vers du pote :
Hypnos, bloui par le feu de son regard, lui laissait, en lendormant,
les yeux grands ouverts.
De mme, voici ce que dit Sappho propos dun homme admir
entre tous pour son physique considr comme une splendeur :
Tiens-toi devant moi, mon ami, et ouvre largement tex yeux
charmants.
Et que dit Anacron ?
18. Mais, vous les Stociens, vous prfrez vous exhiber avec vos
mignons et leurs jolis mentons bien lisses.
Sachez pourtant que le fait de se raser est une mode hrite du
temps d'Alexandre, comme le souligne Chrysippe dans le quatrime
livre de son ouvrage sur le Beau et le Plaisir. Je pense quil nest pas
inopportun de vous rappeler ce quil nous dit ce sujet. Le
personnage mest infiniment sympathique tant pour limmense
rudition que pour le caractre si temprant. Je vous livre ses propos :
La coutume de se raser la barbe prit de lampleur sous le rgne
dAlexandre. Jusque-l, les anciens ne se rasaient gure et je le
prouve : le joueur de flte Timothos portait une trs longue barbe
mais russissait nanmoins jouer de son instrument. Athnes, il
ny a pas si longtemps, le premier homme qui se rasa de prs fut
affubl du surnom de Tondu . C'est pourquoi, Alexis, si je me
souviens bien, dit ceci :
Si tu vois un homme dont tous les poils ont disparu soit par la
poix, soit par lpilation, de deux choses lune : soit il veut nous dire
par l quil part en campagne et dsire faire ce qui est indigne dune
barbe ; soit il est possd par un vice bien typique des richards. Par
les dieux, en quoi ces pauvres petits poils vous embarrassent-ils ?
Aprs tout, grce eux, vous apparaissez au moins comme des
hommes, des vrais ! moins que vous ayez la secrte intention de
vous opposer eux par vos agissements ?
Diogne, voyant un homme avec un menton glabre, lui lana :
Reprocherais-tu la nature de tavoir fait homme et non point
femme ?
Un autre jour, apercevant un individu cheval, bien ras, parfum et
vtu comme le sont habituellement ces gens aux murs
particulires, il scria qu'il avait autrefois cherch comprendre ce
qui signifiait le mot putain de cheval et qu'il avait enfin compris.
Rhodes, bien que la loi interdise de se raser, nul nest inquit, et
ce, pour la simple raison que tout le monde se rase. Byzance, cest
la mme chose : on punit quiconque possde un rasoir mais le toutvenant a recourt lui !
Voil ce que dit cet excellent Chrysippe.
et les stociens dans tout cela ?
19. Znon, qui tait un sage, lui, avait dj augur, sil faut en croire
Antigonos de Carystos, de votre manire de vivre et de votre vertu
hypocrite, et il proclamait que ceux qui auraient mal assimils vos
prceptes ou nen auraient pas saisi un tratre mot, deviendraient des
tres rpugnants, semblables aux disciples dvoys d'Aristippe, tous
rompus dinsolence. Et cest ainsi quon vous voit, pour la plupart
d'entre vous, tout ratatins et tout crasseux du point de vue moral
autant que du point de vue physique. force de vanter la sobrit de
votre mise, on finit par vous retrouver croulant sur le seuil de
lavarice, menant une vie mesquine, vous enveloppant de manteaux
minables, uss jusqu la corde, chargeant vos chaussures de clous,
et traitant invariablement de tapette, quiconque a eu le malheur de
se parfumer et de revtir une tunique vos yeux trop moelleuse. Ah !
avec un tel quipement, vous ne devriez pas tre si pres au gain et
vous acoquiner avec des minets bien pils - tant par devant que par
derrire - eux qui vous accompagnent
au Lyce avec des sophistes, qui sont, par Zeus ! maigrichons,
ayant le ventre creux et la peau sur les os,
pour ne citer quAntiphans.
La beaut
20. Mais je peux aussi faire lloge de la beaut.
Dans les cortges masculins, on choisit les garons les mieux faits
pour porter les objets cultuels.
Toi, Solon, tu as fait l une loi dutilit publique, car cest toi, qui, le
premier, dit-on, compris la ncessit de cette institution
dmocratique et bienfaitrice, Zeus m'en est tmoin ! Il est important
que je dise cela. Notre ville fourmillait de pauvre garons que la
nature contraignait durement, si bien quils sgaraient sur des
chemins nfastes : pour eux, tu as achet, puis install en divers
endroits des femmes fort bien quipes et prtes lemploi. Elles se
montrent nues : ainsi, elles ne peuvent tromper sur la marchandise ;
jette un coup d'il tout. Peut-tre es-tu un peu morose ? Il y des
choses qui t'affligent. Mais la porte est grande ouverte. Prix : une
obole; laisse-toi faire ! Pas de chichis ! Tu en auras pour ton argent,
comme tu veux et de la manire que tu veux. Tu sors. Dis-lui d'aller se
faire voir ailleurs : elle n'est rien pour toi.
De son ct, Aspasie, lamie de Socrate, engagea toute une arme de
jolies filles, tel point que la Grce fut vite inonde de ses catins,
comme lindique, non sans ironie, le plaisant Aristophane, quand il dit,
propos de la guerre de Ploponnse, que Pericls en alluma
ltincelle par passion pour Aspasie, qui venait alors de perdre deux
de ses filles enleves par les Mgariens :
Une putain, Simaith, ayant t enleve par des jeunes gens avins
sur la route de Mgare, les Mgariens, rouges de colre, enlevrent
leur tour, deux des prostitues d'Aspasie ; et cest ainsi quclata un
conflit gnral de tous les Hellnes... pour trois putes !
elle tait jeunette, par appt du gain, elle est devenue arrogante et
sauvage, bien quelle ne se laisst pas voir facilement, telle
Pharnabaze. Maintenant quelle a derrire elle une longue carrire et
que les magnifiques proportions de son corps se sont bien avachies, il
est plus facile de la voir que de cracher ; bien plus, elle est toujours
en sortie, toujours entre deux vins, acceptant un gros statre ou trois
petites oboles, soffrant indiffremment aux vieillards comme aux
jeunes. Loiseau est tellement apprivois, mon cher, quelle va
prendre l'argent directement dans votre main.
Anaxandrids parle galement de Las dans sa Grontomania, et
passe en revue quelques autres courtisanes :
- Tu connais Las, celle de Corinthe ?
- videmment !
- Elle a une amie appele Antia
- Cest aussi notre chouchoute !
- Oui, par Zeus, c'tait au temps merveilleux o florissaient Lagisca,
mais aussi Tholyt, qui avait un minois si charmant quelle aurait pu
devenir une nouvelle Ocimon.
Rglement de compte entre philosophes
27. Tel est le conseil que je tinvite suivre, camarade Myrtilos ! Et,
pour finir, je te citerai un extrait de la Chasseresse de Philtairos :
Maintenant que tu es vieux, renonce tes manies ! Tu ne sais pas
que mourir en baisant nest pas la chose au monde la plus reluisante !
Prends le cas de Phormisios, qui mourut ainsi.
Je peux aussi te citer encore quelques autres vers, pris dans les
Marathoniens de Timocls, et qui devraient te sduire :
Quel est le mieux : coucher avec une donzelle effarouche ou avec
une pute ? Ah ! presser la chair encore juvnile et ferme de la fille,
goter son teint, son haleine frache, par les dieux du ciel ! Certes,
tout n'est pas encore au point chez elle, il faut lutter un peu, subir de
sa main dlicate quelques bonnes racles, quelques coups. Mais,
somme toute, cela ajoute au plaisir, par Zeus tout puissant !
Cynulcos voulait en dire beaucoup plus, mais Ulpien, soucieux de
dfendre l'honneur de Myrtilos, tenta de se jeter sur lui. Mais Myrtilos,
qui ne pouvait souffrir les Syriens, ne le lui permit pas et lui lana ces
mots, en citant Callimaque:
Nos espoirs ne sont pas tombs aussi bas au point de demander
laide de nos ennemis.
Oui, nous pouvons nous dfendre par nous-mmes, Cynulcos, et je
vais te dire ceci :
quand quelquun monnaye ses faveurs : on use alors dun mot ayant
lorigine un sens tout fait honnte. Mnandre a compris cela et,
dans la Caution, il fait nettement la distinction entre la compagne ,
au sens noble et la compagne au sens pjoratif:
Vous faites le travail non pas des prostitues mais celui d'amies :
dans les deux cas, le mot est identique ; mais si la prononciation est
dfectueuse, on commet vite une grosse bvue !
Un peu plus tard, il crivit une ode qui fut chante lors du repas
sacrificatoire, dont les premiers vers s'adressent aux courtisanes
sacrifiant Aphrodite en mme temps que Xnophon. Les voici :
reine de Chypre, ici, dans ce sanctuaire, Xnophon a offert en
pture une troupe de cent filles, heureux que son vu ait t exauc.
35. Sans forcment tomber des nues, convenons quil peut exister
des gens qui samourachent dune femme simplement par ou-dire.
Ainsi, dans le livre X de ses Histoires d'Alexandre, Chars de Mytilne
parle de ces hommes qui aiment des femmes sans jamais les avoir
vues, except dans leurs rves. Mais coutons ce quil nous dit :
Hystasps avait un frre cadet appel Zariadrs. Les gens du pays
prtendaient quils taient ns des uvres d'Aphrodite et d'Adonis.
Hystasps tait le matre de la Mdie et des contres infrieures,
tandis que Zariadrs gouvernait les rgions suprieures, des Portes
Caspiennes au fleuve Tanas.
Homarts, qui tait roi des Marathi, dont linfluence stendait au
del du Tanas, avait une fille nomme Odatis. Des chroniques
racontent quun jour Odatis vit en songe Zoriadrs et tomba
perdument amoureuse de lui. La mme aventure survint galement
pour elle Zariadrs. Ds lors ils ne cessrent de fantasmer l'un pour
l'autre par rves interposs. Odatis tait la plus belle femme de l'Asie,
et Zariadrs, de son ct, tait considr comme le plus bel homme.
Zariadrs exprima Homarts son dsir fervent d'pouser Odatis.
Mais Homarts refusa, parce que, nayant pas d'enfants mles, il
voulait la donner en mariage un homme de sa propre maison.
Peu aprs, Homarts convoqua les princes du royaume, ainsi que
ses amis et parents, pour clbrer les noces de sa fille, en sabstenant
bien de dvoiler le nom de llu.
Quand livresse fut gnrale, le pre fit venir Odatis au banquet, et
lui dclara devant les invits runis :
Odatis, ma chre fille, aujourd'hui nous clbrons tes noces.
Regarde autour de toi, scrute chaque visage, puis prends une coupe
dor, remplis-la de vin, et offre-la celui que tu voudrais comme
poux.
Et la pauvre fille, aprs avoir regard autour delle, quitta bientt les
lieux, les yeux en larmes. En effet, son unique dsir tait de voir
Zariadrs, lequel avait t averti par elle de la crmonie.
Zariadrs avait tabli son camp le long du fleuve Tanas, qu'il
traversa linsu de son arme, accompagn seulement de son
cocher, avec lequel il slana sur son char en pleine nuit, parcourant
dune seule traite un immense territoire denviron 800 stades. Arriv
lendroit o les noces se clbraient, il abandonna char et cocher, et
continua son chemin, dguis en Scythe.
Fils de putes
38. Timothe, le gnral athnien la chose nest pas un secret
tait le fils d'une prostitue thrace, qui se distingua toutefois par sa
grande classe. Il est vrai que les putains qui se transforment en
femmes honorables sont gnralement bien plus fiables que ces
dames qui se glorifient de leur respectabilit.
Alors qu'on glosait sur le fait quil tait n dune telle mre,
Timothe rpondit :
Oui, cest vrai, et de plus, je lui sais gr de mavoir fait fils de
Conon.
Philtairos, qui fut roi de Pergame et des rgions connues sous le nom
de Caene, tait le fils d'une joueuse de flte appele Boa, une
prostitue originaire de Paphlagonie : cest en tout cas ce que
rapporte Carystios de Pergame dans ses Commentaires historiques.
Quant l'orateur Aristophon, celui-l mme qui proposa sous
l'archontat d'Euclide une loi selon laquelle quiconque ntait pas issu
dune femme ne dans la cit devait tre dclar illgitime, il fut
confondu par le pote comique Calliads qui rvla quil tait n, en
fait, des amours de la courtisane Chorgis. Encore une fois, cest
Carystios qui nous apprend la chose dans le troisime livre de ses
Commentaires.
Poursuivons notre propos. Dmtrios Poliorcte aima la folie la
joueuse de flte Lamia, dont il eut une fille, - peut-tre Phila.
Soit dit en passant, cette Lamia tait, aux dires de Polmon, la fille
de Clanor d'Athnes, et elle aurait fait construire le portique de
Sycione, un ouvrage auquel Polmon a consacr lun de ses crits.
Dmtrios fut aussi pris de Laena, une athnienne, et de bien
dautres courtisanes encore.
Obscnits royales
39. Quant au pote comique Machon, voici ce quil dit dans son
recueil de Sentences :
En raison de sa sensualit exacerbe, digne dune lionne, Lena
prenait du bon temps auprs de Dmtrios. On raconte quun jour,
Lamia ayant chevauch le roi dune faon si experte, celui-ci ne put
que len fliciter. Elle dit alors au prince : Pour cela aussi, si tu le
veux, prends Lena !
Lamia avait un sens inn de la rpartie ; elle tait tout aussi pleine
d'esprit que Gnathaena, dont nous reparlerons plus tard. Machon
crit encore ceci au sujet de Lamia :
Lors d'un banquet, le roi Dmtrios montrait Lamia toute une
srie de parfums. Prcisons que cette Lamia tait une joueuse de
Courtisanes de Macdoine
Le livre ! .
Or Mania rpondit :
Cest le dserteur, mon cher !
Plus tard, quand Mania fut nouveau invite chez lui, elle neut de
cesse que de railler ce dserteur qui stait dbarrass de son
bouclier au cours du combat. Le soldat, fort contrari par ses propos,
la fit chasser. Mais le lendemain, elle lui dit :
Ne monte pas sur tes grands chevaux aprs ce que je tai dit, mon
bel ami. Ce nest pas toi qui as perdu ton bouclier dans ta fuite, non,
cest l'homme qui te lavait prt.
Au cours dun repas qui se donnait dans la maison de Mania, lun
des convives, un espce de pervers libidineux, lentoura de ses bras
pour tenter de l'embrasser. Peu aprs, il lui demanda :
Comment veux-tu que je te baise ? Par devant par derrire ?
Riant aux clats, Mania lui fit cette rplique cinglante :
Ah ! je prfre par devant, mon ami. En effet, jai grand peur que,
si je maccroupis, tu me broutes mort la toison comme un sale
bouc !
Tout souriant, il lui rpondit : Oh ! pour toi, trois oboles, pas plus !
On rapporte quun jeune Pontin qui avait couch avec elle, avait
exig, au petit matin, de la prendre par derrire. Voici ce quelle lui
rpondit :
Pauvre fou ! Tu veux mes fesses alors quil est grand temps de
mener les cochons au pturage?
Chroniques demi-mondaines (II)
Mais sachez que la belle Athnes, que nous aimons tant, a produit,
plus que tout autre cit, mme les plus populeuses, une incroyable
succession de courtisanes dont je parlerai plus loin, selon mes
moyens. Aristophane de Byzance a recens pour cette ville pas moins
de cent trente-cinq courtisanes. Apollodore augmente le chiffre et
Gorgias fait de mme. Tous deux dclarent qu'Aristophane a exclu de
sa liste les courtisanes suivantes : Tipsy, Lampyris et Euphrosyne.
Cette dernire tait la fille dun teinturier.
En outre, Aristophane aurait omis bien dautres femmes encore :
Mgist, Agallis, Thaumarion, Thoclia la Corneille ,
Lnaitocystos, Astra, Gnathaina et sa grand-mre Gnathainion, sans
oublier Sig, Synoris, surnomme la lampe , Euclia, Gryma,
Thryallis, Chimaira et Lampas.
Sagissant de Gnathaina, nous avons dj vu que Diphilos, le pote
comique, en tait perdument amoureux. Dailleurs, Lyncos de
Samos ne dit pas autre chose dans ses Dits Mmorables.
Une fois, dans un concours dramatique, il fut si dcri par le public
quon lexpulsa du thtre. Venu se rfugier chez Gnathaina, Diphilos
lui demanda de lui laver les pieds.
En as-tu vraiment besoin, lui dit-elle, nes-tu pas venu chez moi, la
tte renverse ?
Gnathaina avait en effet un sens de la rpartie qui tenait du gnie.
Elle ntait pas la seule tre doue dune remarquable
intelligence. De nombreuses courtisanes, trs frues de culture,
occupaient une grande partie de leur temps sinstruire et affiner
leur esprit. De fait, elles avaient dvelopp dans leur conversation
une certaine causticit.
Prenons le cas de Glycra. Celle-ci fut accuse par Stilpon aux
dires de Satyros dans ses Vies de corrompre la jeunesse. Voici quelle
fut sa dfense :
On peut nous mettre dans le mme sac, mon cher Stilpon. On dit
que tu corromps tes disciples en leur enseignant des sophismes
totalement inutiles, qui ne servent qu provoquer des disputes. Moi,
je fais exactement la mme chose, mais dun point de vue sexuel. Il
ny a donc pas faire de diffrence entre ceux qui sont victimes des
agissements dun philosophe et ceux qui sortent des bras dune
putain.
Rappelons pour mmoire ces vers dAgathon :
Une femme, parce quelle est inactive par le corps, est forcment
active par lesprit.
gnathaina
47. Lyncos nous a conserv toute une srie de bons mots attribus
Gnathaina. En voici quelques-uns :
Un gigolo, qui vivait aux crochets dune vieille femme, avait une sant
florissante.
Bravo, lui dit Gnathaina, ton mignon petit corps est fort robuste.
- Ah ! quadviendrait-il de moi si je ne couchais pas avec elle !
- Cest simple, reprit-elle, tu mourrais de faim !
Quand Pausanias dit la Citerne tomba dans une jarre alors quil
dansait, la courtisane lui lana :
Zut alors, dit-elle, la citerne est tombe dans la jarre !
Un jour quon lui offrait du vin dans une coupe minuscule, on lui dit :
Il a seize ans.
Elle rpondit alors :
Cest trs petit malgr son ge !
Lors dune beuverie fort anime, des jeunes hommes en vinrent aux
mains pour obtenir ses faveurs. celui qui avait t vaincu, elle dit :
Ce nest pas grave, gamin. Quand on gagne ce jeu, on nobtient
aucun laurier et on perdrait mme de largent.
Un client, qui avait un jour donn une mine sa fille, continuait lui
rendre visite, mais sans plus rien lui offrir.
Dis-moi, mon ami, tu te crois ici chez Hippomachos l'entraneur
sportif, qui lon donne une mine une fois pour toute ?
Phryn lui dit un jour :
Suppose que tu tiens une pierre...
- Eh bien, je te la donnerais pour te torcher le cul, rpondit-elle.
En effet, lune souffrait de la pierre et lautre de diarrhe.
Au cours dun banquet, un plat doignons aux lentilles devait tre
servi aux invits. Or la jeune esclave, par maladresse, renversa
quelques lentilles qui allrent se glisser dans sa poitrine.
Ah ! dit Gnathaina, la coquine cherche nous faire savourer ses
lolos aux lentilles !
Aprs une reprsentation triomphale de ses pigones, Andronicos le
tragique voulut boire chez notre courtisane. Lorsque lesclave charg
de payer les frais de la dpense arriva, elle scria :
Pauvre dment ! Quel mot as-tu dit l ? (vers tir probablement
des pigones)
Un fieff bavard lui contait avec mille dtails comment il tait venu
de lHellespont.
Ainsi donc, dit-elle, tu nas jamais fait escale dans la premire ville
de ce pays ?
- Laquelle, demanda-t-il, intrigu ?
- Sigeion, bien sr ! (Sigeion signifie aussi tais-toi ! )
Un homme venu dans sa maison, lui demanda, en voyant des ufs
dans un plat sils taient crus ou durs.
- Ils sont chers, mon mignon, dit-elle.
Quand Chrphon vint sinviter un festin sans y avoir t convi,
elle lui porta un toast en disant ces mots :
la tienne, jeune firot !
- Mais je ne suis pas firot ?
- Oh si, il faut ltre pour venir comme a sans avoir t invit.
50. Je nignore pas quil a exist des courtisanes qui ont t, soit
dfendues, soit mises en accusation par des hommes dEtat.
Quelques exemples.
Dmosthne fait mention; dans son Discours Androtion, de Sinop
et de Phanostrate.
Au sujet de Sinop, Hrodicos de Crats indique, au sixime livre de
ses Personnages de Comdie, qu'on lavait surnomme Abydos
car elle tait trs vieille (Abydos symbolisait la ville ruine). Ce
surnom est en effet utilis par de nombreux comiques, tels
Antiphans dans son Arcadien, son Jardinier, sa Couturire, son
Pcheur et son Poussin.
Alexis fait de mme dans sa Clobuline, et Callicrats dans sa
Moschion.
Pour ce qui concerne Phanostrate, Apollodore, dans son livre sur les
Courtisanes athniennes, ajoute quon lavait surnomme le seuil
des poux parce quelle avait coutume de spouiller allgrement sur
la pas de sa porte.
Hypride, dans son Discours contre Aristagoras dit ceci :
Et encore, vous les appelez de la mme faon, les sardines !
Sardines tait le sobriquet donn deux donzelles, sur lesquelles
Apollodore, dj cit plus haut, crit ces mots :
Stagonion et Anthis taient surs. Si on les avait surnommes
sardines , cest parce quelles avaient le teint clair, les yeux
globuleux et navaient que la peau sur les os.
Antiphans nous indique dans son ouvrage consacr aux courtisanes,
que Nicostratis avait reu le mme sobriquet.
Hypride, encore lui, dans son Discours contre Mantithos, accus
de coups et blessures, fait allusion en passant Glycra :
Il aimait emmener dans son chariot Glycra, fille de Thalassis.
Il nest pas du tout certain quil sagisse de la Glycra qui vcut
auprs dHarpalos. Thopompe crit, dans sa Lettre sur les Affaires de
Chios, envoye Alexandre, quaprs la mort de Pythionic, Harpalos
la fit venir d'Athnes. Elle fut aussitt accueillie au palais royal de
Tarse et, en tant que reine, ordre fut donn au peuple de la cit de lui
faire allgeance. Harpalos alla jusqu refuser les couronnes quon lui
offrait si Glycra ne sen voyait pas offertes dans le mme temps.
Rhossos, on raconte quil fit riger une statue en bronze de sa
matresse aux cts de la sienne.
Toutes ces informations sont condenses dans lHistoire d'Alexandre
de Clitarchos.
Agen, court drame satyrique dont lauteur serait, soit Python de
Catane, soit le roi Alexandre lui-mme, voque galement la
personne de Glycra :
Silence, jeune homme ! Ton souffle est plus frntique encore que
celui de ta propre mre.
Dans une ode chorale, le pote parle ainsi de Thoris : Thoris est
vraiment charmante. Au soir de sa vie, nous rapporte Hgsandros,
Sophocle tomba amoureux de la courtisane Archipp et il fit d'elle son
hritire. Le fait que Sophocle tait dj trs vieux quand Archipp
vcut avec lui, est attest par l'ancien amant de la femme, qui on
demandait, non sans esprit, ce qu'elle pouvait bien faire avec le vieux
Sophocle :
Lysias, dans le Discours contre Las, (sil est bien de lui !), la nomme
avec d'autres courtisanes :
On raconte aussi que, bien que mari, il amena chez lui un jeune
homme appel Cnosion. Sa femme, en guise de vengeance, coucha
finalement avec ce Cnosion...
Laodic tait une amie de Dana. Cette dernire lui tmoignait une
confiance sans bornes. Dana tait la fille de Lontion, la mme qui
tudia auprs d'Epicure, le philosophe de la nature. Elle devint la
matresse de Sophron.
Quand elle apprit que Laodic voulait assassiner Sophron, elle lui
rvla la teneur du complot d'un signe de la tte. Lui, ayant feint de
se prter au dsir de Laodic, lui demanda deux jours de rflexion ; ce
dlai accept, il s'enfuit phse dans la nuit.
Quand Laodic apprit la trahison de Dana, elle fit jeter la
malheureuse au fond d'un prcipice, oubliant leur amiti passe. On
raconte que Dana, mise en accusation par Laodic, et se sachant en
danger, ne daigna pas mme lui faire l'aumne d'une parole. Alors
qu'on la menait au prcipice, elle avoua ne pas tre tonne du peu
de cas que les hommes faisaient de la puissance divine. Voici ce
qu'elle aurait dclar : J'ai sauv mon bien-aim, et voil la
rcompense offerte par les dieux ; pendant ce temps, Laodic, qui a
voulu tuer son propre poux, est toujours comble d'honneurs.
Bacchis et Plangon
66. Plangon de Milet, fut aussi une courtisane clbre. Dote d'une
beaut radieuse, elle fut aime par un jeune homme natif de
Colophon, qui avait dj une matresse rpondant au nom de Bacchis
de Samos. Le jeune homme parlait souvent de la beaut de Bacchis,
au point que Plangon essaya de le dtourner d'elle. Ses efforts tant
vous l'chec, elle exigea de lui, comme prix dun rendez-vous, une
chose impossible raliser, savoir le don du collier de Bacchis. Ce
collier est demeur fameux. Comme il tait profondment amoureux
de Plangon, il supplia Bacchis de ne pas le laisser mourir de chagrin.
Bacchis, visiblement mue par sa passion, lui donna finalement le
collier. Mais Plangon, sensible la gnrosit de sa rivale, lui renvoya
l'objet, et coucha malgr tout avec le garon. Et depuis lors, les deux
femmes, devenues amies, se partagrent librement leur amant.
Enthousiasms par cet acte, les Ioniens surnommrent Plangon
Pasiphile (aime de tous), selon le tmoignage de Mntor, dans
son ouvrage sur les Offrandes votives. Archiloque en parle aussi :
Harpalos et Pythionic
monument fort coteux. A ce sujet, relisons ce passage tir du vingtdeuxime livre des Histoires de Posidonios :
Nous avons affaire une femme qui a offert ses charmes tout le
monde et pour un prix modique. Et c'est pour cette crature qu'il a eu
le toupet, lui, qui se prtend ton ami, d'lever un mausole et un
sanctuaire et de lui donner le nom d'Aphrodite Pythionic. Par cette
action, il a montr son mpris l'gard des dieux et souill la fonction
que tu lui as confie.
Et, dans ces vers, Chamlon prtend que Sappho aurait ainsi
rpondu :
L'hymne que tu vas prononcer, muse au trne d'or, est celui que
l'homme de Tos, vieil homme glorieux de la terre hospitalire aux
belles femmes, chanta pour notre seul plaisir.
Aphrodite
73. Je pense avoir bien prouv quelles puissantes divinits sont ros
et Aphrodite d'or. Et je vous cite avec ces vers d'Euripide, tels qu'ils
me reviennent l'esprit.
Ne vois-tu pas comme Aphrodite est une grande desse ? Tu ne
pourrais me dcrire, ni mesurer sa grandeur, ni savoir jusqu'o
s'tend sa puissance. C'est elle qui me nourrit, toi, moi et l'ensemble
des mortels. La preuve ? Les mots sont impuissants l'voquer et
c'est l'uvre que je veux te montrer sa suprmatie. La terre a
besoin de la pluie : or, quand la terre est sche et devient strile,
l'humidit est son seul recours. Le ciel vnrable, gonfl de pluie,
aime couler sur la terre, et c'est par la grce d'Aphrodite. Et lorsque
les deux lments se confondent, ils engendrent et entretiennent
toutes les choses par lesquelles la race des mortels vit et prospre.
Citons encore le trs vnrable Eschyle, qui, dans les Danades,
prsente ainsi Aphrodite :
Le ciel chaste aime violer la terre, et l'amour s'en empare et
l'treint. Du fond du ciel, la pluie, lment mle, tombe et imbibe la
terre, apportant aux mortels le pturage pour les moutons et la vie
pour Dmter : c'est ainsi que les arbres fleurissent par cette union
pluviale. Et moi, de tout cela, je suis la cause.
Paideia et Paidika
75. Archytas, l'auteur d'une thorie musicale, prtend c'est ce que
nous rapporte Chamlon - qu'Alcman a ouvert la voie aux auteurs
des chansons rotiques, et qu'il fut le premier crire une chanson
licencieuse : il est vrai qu'il avait l'habitude de frquenter des femmes
et qu'il tait fort expert dans ce genre de posie. Voici un extrait d'un
de ses chants :
Ibycos et Pindare
76. Ibycos de Rhgion jeta dans un cri :
Quand vient le printemps, on voit surgir sur les bords sinueux des
fleuves l'arbre chtif qui porte le coing, et dans les lieux charmants o
s'tendent les jardins des vierges, le pampre prcieux des vignes
serpente en croissant. Moi, ros ne me laisse jamais en repos, et
Bore de Thrace me torture de sa foudre puissante lorsque, dlgu
par Cypris, il assche cruellement mon cur. Depuis ma jeunesse, il
domine mon cur.
Charon de Chalcis avait un garon qui tait cher son cur. Lors
d'une beuverie collective, dans la maison de Cratros, Alexandre fit
l'loge de ce beau jeune homme : alors, Charon proposa son
mignon d'aller embrasser le roi. Mais celui-ci lui dit : "Non, je ne le
ferai pas, car de ce plaisir, tu ne gagneras que souffrance.
Notre pote parlait et agissait avec esprit, tant dans les moments de
fte que dans l'intimit. Cependant, en politique, il faut bien convenir
qu'il n'tait pas trs efficace, et qu'il se comportait comme n'importe
quel reprsentant des classes suprieures.
Sophocle et le manteau
82. Hironymos de Rhodes raconte ceci dans ses Commentaires
historiques :
Un jour, Sophocle amena un beau garon derrire les remparts de la
cit pour faire l'amour avec lui. Le garon se dvtit et tendit son
petit manteau sur l'herbe, puis se joignit Sophocle sous son
magnifique manteau. Quand la passade fut termine, le garon
droba le manteau de Sophocle, lui laissant sa pauvre pelisse.
Naturellement, cette msaventure fit jaser. Quand Euripide l'apprit, il
se moqua de son rival, avouant qu'il avait, lui aussi, tt de ce garon
mais qu'il s'tait content de le payer normalement, tandis que
Sophocle avait t jou en raison de ses propres excs. Sophocle,
inform de cette mdisance, adressa Euripide l'pigramme
suivante, o il faisait intervenir le Soleil et Bore, faisant ainsi allusion
au got qu'avait Euripide pour l'adultre :
C'tait Hlios et non un garon, Euripide, qui par sa chaleur, m'a
laiss nu. Mais toi, quand tu baises l'pouse d'un autre, c'est Bore
qui t'unit elle. Et tu es bien sot de jeter sa semence dans le champ
d'autrui, et d'amener en plus chez toi ce voyou dros.
83. Thopompe, dans son trait sur les Trsors pills Delphes, dit
qu'Asopichos, le mignon d'paminondas, avait fait graver sur son
bouclier le trophe de Leuctres, une cit o il avait t chapp
maints dangers. Il dit encore que ce bouclier fut ensuite consacr
dans le portique de Delphes.
Dans le mme ouvrage, Thopompe rapporte que Phayllos, tyran de
Phoce, tait amateur de femmes, alors que son frre prfrait, lui,
les garons ; ce dernier fut tellement pris du fils de Pythodoros de
Sicyone, un beau jeune homme venu Delphes consacrer quelques
mches de ses cheveux, quil lui offrit quatre trilles dor, en fait, une
offrande de Sybaris quil avait dtourn.
Quant Phayllos, il donna la joueuse de flte Bromias, la fille de
Deiniads, une coupe dargent, offrande votive des Phocens, ainsi
quune couronne de lierre en or, don des Pparthiens. Laissons
parler Thopompe :
Cette fille aurait jou de la lyre aux jeux pythiques, si elle n'en avait
pas t empche par la foule.
On raconte quOnomarchos puisa dans les offrandes des phsiens
pour offrir son bien-aim, Physcidas, fils de Lycolas de Trichonios,
une couronne de laurier en or. Ce beau garon avait t envoy chez
Philippe par son propre pre afin quil y fut prostitu. Mais Philippe le
congdia sans lavoir touch aucunement. Une autre fois,
Onomarchos gratifia le gracieux Damippos, fils d'pilycos
d'Amphipolis, dune une offrande de Pleisthns.
Pharsalia, une danseuse thessalienne, Philomlos offrit galement
une couronne de laurier en or, offrande des gens de Lampsaque. On
sait que cette Pharsalia prit Mtaponte dans un march, par les
propres mains des devins. On raconte quune voix stait mise retentir
dun laurier en bronze que les Mtapontins avaient consacr pour
clbrer la visite dans leur patrie dAristas de Proconde, lequel
prtendait revenir du pays des Hyperborens. Au mme instant, on
vit surgir Pharsalia au cur du march : aussitt, les devins, pris de
fureur, se jetrent sur elle et la mirent en pices. Plus tard, quand on
voulut savoir la raison dun tel crime, on saperut que la jeune
femme avait t punie pour avoir drob la couronne offerte au dieu
de Delphes.
84. Prenez garde, chers amis philosophes, qui pratiquez une passion
contraire la nature, vous qui dshonorez la desse de l'amour : vous
pourriez bien subir le mme chtiment ! Certes, les garons restent
beaux, tant quils ressemblent des filles : cest en tout cas ce
quaurait dit la courtisane Glycra, selon Clarchos.
Quant moi, jestime que Clonymos le Spartiate a agi tout fait
en conformit avec la nature, puisquil a t le premier des hommes
prendre comme otages, chez les Mtapontins, deux cents filles et
deux cents femmes dune grande beaut et dune prestigieuse
noblesse. Douris de Samos rapporte ce fait dans le troisime livre son
Histoire d'Agathocls. Car, moi aussi, comme le dit si bien dEpicrats
dans son Anti-Lais :
J'ai appris fond toutes les secrets de l'amour chez Sappho,
Mltos, Cleomns et Lamynthios.
Mais vous, mes chers philosophes, si jamais vous aimez des femmes
et que vous constatiez que votre bonheur est inaccessible,
apprenez... (lacune)
Lamour cesse alors, comme l'affirme Clarchos. Des exemples ?
Non loin de la fontaine de Pirne, un taureau essaya de saillir une
vache de bronze ! Dans le mme genre, une chienne, une colombe et
une oie avaient t peints sur des tableaux : or chacune des peintures
fut prise dassaut, lune par un chien, l'autre par un pigeon, et la
troisime par un jars. Malgr leur ardeur, ils ne purent apprcier
ces choses et ils finirent par renoncer.
Clisophos de Slymbria renona de mme. Lui, tomba perdument
amoureux dune statue en marbre de Paros. Nous tions Samos.
Notre homme senferma dans le temple avec lespoir de faire lamour
la statue. Mais il se heurta la froideur et la rsistance du marbre,
tant et si bien quil renona son dsir. Il prit alors un bout de viande
et baisa avec cet objet
Cette histoire est raconte par le pote Alexis dans la pice,
intitule La Peinture :
Un cas semblable se produisit, dit-on, Samos. Un homme conut
une vive passion pour une jeune fille de marbre, et senferma dans le
temple.
Philmon, lui aussi, parla de cette aventure en ces termes :
Mais Samos, un jour un homme tomba amoureux d'une image de
marbre, si bien quil senferma dans le temple.
Prcisons que cette statue fut sculpte par Ctsicls, comme nous
lapprend Ados de Mytilne dans son livre sur les Sculpteurs.
Polmon - ou lauteur du livre sur la Grce - dit ceci :
Milet, non loin des gens qui transportaient les restes de Coirianos,
comme s'ils voulaient participer aux funrailles de cet homme.
86. Mais vous, mes chers philosophes, vous tes plus cruels et moins
polics dans vos curs que les dauphins et les lphants. Il est vrai
que Perse de Cition crie haut et fort ces mots dans ses Souvenirs de
Banquet :
Il est tout fait normal qu'un homme sous lempire du vin se laisse
aller parler de sexe. En effet, tous autant que nous sommes, nous
inclinons vers ce genre de conversation quand nous buvons plus quil
ne faut. C'est pourquoi il faut fliciter ceux qui en usent avec
modration, et blmer ceux qui senivrent vulgairement. Si quelques
habiles dialecticiens se mettent jeter des syllogismes en plein cur
dun banquet bien arros, on pourrait les critiquer car la chose est
peu circonstancie. Il peut arriver quun homme sage senivre. Et
ceux qui se sont jurs de rester sobres, on sait bien quils ne tiennent
que peu de temps : ds quune mchante petite coupe leur passe
entre les mains, ils se montrent bientt dans toute leur grossiret.
C'est ce qui arriva, il y a peu, aux ambassadeurs envoys par
Antigone. Ceux-ci djeunaient avec solennit et dcence, selon leurs
coutumes, ne jetant pas un seul regard sur nous, ni mme entre eux.
Cependant, alors que le vin commenait faire son effet, on vit entrer
pour le divertissement des danseuses thessaliennes qui dansrent,
comme elles en ont lhabitude, cest--dire dire nues sous leur pagne.
Les hommes ne pouvant plus se retenir, se levrent soudain de leurs
88. Ce pote aimait visiblement les fleurs, s'il faut en croire les vers
suivants :
puises de fatigue, elles s'tait affales sur des lits de calament,
froissant les ptales sombres des violettes et des crocus, imprimaient
leurs teintes brillantes sur les toffes de leur manteau, cependant que
la luxuriante marjolaine, nourrie de rose, tirait ses tiges fines sur
l'herbe moelleuse des prs.
Dans Io, il appelle les fleurs : Filles du printemps .
Il rpandait aux alentours les filles du printemps florissant.
Mais dans le Centaure, pice crite en divers mtres, elles sont les
enfants des prs:
"L une arme infinie de jeunes filles, s'est mise en route sans armes,
pour aller gaiement la chasse des enfants des prs."
Dans son Dionysos, il crit :
Le lierre, compagnons des choeurs dansants, ns des fils de l'anne.