La Voix Ses Troubles Che Les Enseignants
La Voix Ses Troubles Che Les Enseignants
La Voix Ses Troubles Che Les Enseignants
Ses troubles
chez les enseignants
La voix
Ses troubles chez les enseignants
ISBN 2-85598-854-3
Dans la mme collection thers de glycol. Quels risques pour la sant ? 1999
Obsit. Dpistage et prvention chez lenfant. 2000
Asthme et rhinites dorigine professionnelle. 2000
Expertise collective
La voix
Ses troubles
chez les enseignants
Cet ouvrage prsente les travaux du groupe dexperts runis par lInserm
dans le cadre de la procdure dexpertise collective, pour rpondre la
demande de la Mutuelle gnrale de lducation nationale (MGEN) concernant la voix et ses troubles chez les enseignants. Ce travail sappuie sur les
donnes scientifiques disponibles en date du deuxime semestre 2005. Environ 570 articles ont constitu la base documentaire de cette expertise.
Le Centre dexpertise collective de lInserm a assur la coordination de cette
expertise collective.
SAN SOUCI,
VII
Assistance bibliographique
Chantal RONDET-GRELLIER, documentaliste, Centre dexpertise collective de
lInserm, Facult de mdecine Xavier-Bichat, Paris
VIII
Sommaire
Avant-propos ......................................................................................
XI
Analyse
1. Approches historique et pistmologique
des recherches sur la parole et la voix .............................................
2. Mcanismes physiques de la voix ....................................................
3. Mcanismes physiologiques de la voix ............................................
4. Pathologies associes lusage professionnel de la voix ..................
5. Donnes pidmiologiques ..............................................................
6. Mthodes diagnostiques...................................................................
7. Traitements mdicaux et chirurgicaux ............................................
8. Prise en charge rducative .............................................................
9. Programmes de prvention ..............................................................
1
101
119
139
153
181
193
205
225
239
Communications
Objet inconscient de la voix, la perte, le savoir et le corps ...................
Approche cognitivo-comportementale dans la prvention
et la prise en charge ................................................................................
Donnes pidmiologiques issues de lEnqute Sant MGEN 2005......
Apport des acousticiens face aux troubles de la voix des enseignants ...
Impact des conditions acoustiques sur la voix des enseignants..............
277
285
289
299
311
Annexes
chelle GRBAS......................................................................................
Questionnaire Voice Handicap Index 30 (VHI 30) .................................
Questionnaire Voice Handicap Index 10 (VHI 10) .................................
327
329
331
IX
Avant-propos
XI
XII
ANALYSE
1
Approches historique
et pistmologique
des recherches sur la parole
et la voix
ANALYSE
quils fabriquaient des outils de pierre labors, les bifaces). Les langues
seraient contemporaines de lmergence dune pense symbolique, au dbut
du palolithique suprieur, plus vraisemblablement chez lHomo sapiens (plus
discute chez lHomo neandertalensis). En tmoignerait une convergence de
pratiques : les premires spultures, les dbuts de la parure et les peintures
rupestres (les plus anciennes connues tant celles de la grotte Chauvet,
dates denviron 32 000 ans avant lpoque prsente). Les mains ngatives
aux doigts incomplets, dessines selon la technique du pochoir lpoque
gravettienne (environ 28 000 ans avant le prsent) sur les parois des grottes
de Gargas (Hautes-Pyrnes) et de Cosquer (prs de Marseille), attesteraient
lexistence dun langage gestuel. Il aurait t utilis, en plus de leur(s) langue(s), par des peuples chasseurs pour rpondre aux ncessits dune communication silencieuse pendant certains pisodes de la chasse, comme par
exemple lafft. La volont den laisser des traces constituerait lune des premires attestations de la picturalit avant le dveloppement des critures
proprement dites.
Avnement des critures
logographiques (avec une part variable de phonographie). La premire criture phonographique labore serait celle des Phniciens. Adapte la
langue smitique quelle reprsente, o les voyelles sont prvisibles, cest une
criture consonantique. Les Grecs parviendront au stade alphabtique complet, en notant aussi les voyelles, indispensables la comprhension de leur
langue indo-europenne (entre le Xe et le VIIIe sicle av. J-C). La reprsentation crite, phonographique, qui ne concerne pourtant quun nombre
rduit de langues parles dans le monde, va marquer durablement, dans la
tradition des analyses occidentales des langues, les relations entre la parole
articule, privilgie, et la voix, plus continue, sacrifie parce que moins
bien reprsentable dans lcrit.
Premires analyses et classifications des units phoniques des langues
Deux grandes traditions danalyse et de classement des ralisations phoniques vont tre entreprises sparment : celle des grammairiens hindous et
celle des Grecs.
Analyse et classification hindoues
ANALYSE
(I.14), et le Verbe sest fait chair et il a habit parmi nous (par lincarnation du Verbe, Dieu a une prsence personnelle et sensible parmi les hommes). Ce dernier texte sera amplement comment, ds lantiquit tardive
chrtienne, par les Pres de lglise et, en particulier, Saint-Augustin
(354-430, auteur dune thorie complte du signe) puis par les thologiens
du Moyen ge. La seule vrit, rvle, concernant lorigine du monde, de
lhomme et du langage, reprsente par la Bible, sera la version officielle
dfendue par lglise et elle ne sera vritablement remise en question quau
XIXe sicle, en particulier avec la thorie de lvolution de Charles Darwin
(1859). Aux tats-Unis, les mouvements chrtiens crationnistes, dont les
promoteurs du dessein intelligent, sopposent toujours lenseignement de la
thorie de lvolution.
Efficacit de la parole et de la voix pour argumenter et persuader
Avec la philosophie grecque nat une rflexion approfondie sur le langage, la
parole et la voix. Les Grecs ont t beaucoup plus curieux de la structure et
de lorigine du langage que des changements et de la diversit des langues.
Dans le Cratyle , Platon, par lintermdiaire de Socrate, sinterroge sur
lorigine du langage et pose cette question, qui sera continuellement repose,
sur les relations entre le langage et la ralit : les mots signifient-ils par
nature (phusei) ou par convention (thesei) ? La rponse cette question
mobilisera les philosophes, les grammairiens puis les linguistes jusqu
lheure actuelle. On doit aussi aux Grecs la diffrenciation, trs marque
idologiquement, de la parole et de la voix.
Diffrenciation de la parole et de la voix chez les Grecs
Dans son trait De lme , Aristote prcise : la voix est un son produit
par un animal vivant mais pas avec nimporte quelle partie, elle consiste
dans le choc de lair qui a t inspir contre ce qui est appel la trache
artre, sous lagencement de lme pour ces parties [] Tous les sons produits par des cratures vivantes ne font pas une voix (car quelquun peut
faire un son avec la langue ou en toussant) mais ce qui cause le choc doit
avoir une me et laccompagner de quelque phantasme [image mentale] car
la voix est un son qui est le signe de quelque chose. La prcision est apporte dans De linterprtation (Aristote, 1984) : la voix est le signe des
passions de lesprit. Cest dans Politique quAristote dfinit la parole :
lhomme est le seul animal que la nature a dot du don de la parole. La
voix est une simple indication du plaisir et de la douleur et on la trouve chez
dautres animaux. Le pouvoir de la parole est destin exposer ce qui est
ANALYSE
salutaire ou ce qui est nuisible et donc de la mme manire ce qui est vrai et
ce qui est faux. Elle est caractristique de lhomme qui est le seul avoir le
sens du bien et du mal, du vrai ou du faux, et la participation dans ces choses
fait une famille aussi bien quune socit [] Cest dans ce sens que la parole
est naturelle lhomme qui est par nature un animal politique ou civil.
Galien (130-200), tout en restant proche de la tradition dHippocrate
( uvres compltes , 1839-1861), dans De locis affectis , complte, en
philosophe-mdecin, ces dfinitions dAristote : la voix et la parole ne
sont pas la mme chose mais la voix est plutt la fonction des organes
vocaux et la parole celle des organes qui appartiennent la parole dont la
langue est le plus important et aussi le nez, les lvres et les dents qui apportent leur contribution. Les instruments vocaux sont le larynx et les muscles
qui le mettent en mouvement aussi bien que les nerfs qui transportent leur
facult vers le cerveau. Nous avons dmontr dans notre Trait sur la voix
que lair expir devient voix en tant frapp par les cartilages du larynx
comme par des pics.
Parole et voix dans la rhtorique grecque
tes par le discours ; Nous portons autant de jugements diffrents selon que
nous anime un sentiment de tristesse ou de joie, damiti ou de haine
(Aristote, Rhtorique I ). Il faut donc se donner une reprsentation des
comportements, des actions ou des situations susceptibles de dclencher la
passion souhaite chez lauditeur. Do la ncessit de connatre les passions
qui vont surtout sexprimer par la voix.
Les phases dlaboration du discours font intervenir successivement lheuresis
(correspondant latin : inventio ), recherche des arguments et des moyens
de persuasion relatifs au genre du discours, puis la taxis (dispositio ), mise
en ordre des arguments, organisation du discours, ensuite la lexis
(elocutio ), choix des moyens linguistiques adapts au style du discours
(bas, mdiocre, sublime). Cest dans la lexis que se placent les tropes, les
figures de sons, les mtaplasmes. Les figures de rythme sont particulirement
importantes pour le grec dont la prosodie fait alterner des brves et des longues. Mais surtout, il convient dinsister sur le rle fondamental de la
priode avec ses trois moments : monte (protase), sommet, chute (apodose). La dernire partie de la chute tant la clausule. La priode va tre le
point de dpart dune rflexion avant la lettre sur la fonction syntaxique de
lintonation. Elle constitue lidal de lcriture antique, la partition, actualisable par lintonation, qui fait passer largumentation, suivie de bout en bout
par loreille durant tout le droulement de la priode. Cest une sorte de
legato de la parole et lon comprend mieux toute la littrature et le grand
nombre de termes que les Grecs vont utiliser pour stigmatiser tous les cas de
dysfluence quils soient accidentels ou constitutifs : bredouillement, bgaiement La fluidit de lmission vocale est recherche. Mais ceci nempche
pas que lon puisse utiliser une mlodie suspensive pour entretenir les attentes de lauditeur. Le choix des figures se fait en fonction de la personnalit
de lorateur mais aussi en fonction des registres du discours : simple, moyen,
lev. Lhypocrisis (actio ) est la partie la plus importante pour lorateur
(Dmosthne 384-322 av. J-C) (Dmosthne, rditions de 1968 et 2003).
Cest la prononciation effective du discours, loralisation dune parole trs
labore par crit et mmorise avant dtre finalement prononce. Cest l
que la voix est valorise mais au sein de tout un ensemble verbo-moteur o
la mimo-gestualit joue un rle dterminant. Lenseignement de la rhtorique va donc assurer la transmission des connaissances acquises sur le corps
parlant mais aussi dune exprience cumule sur le rle de la voix, par les
matres de dclamation, et qui va traverser les sicles.
ANALYSE
Les Romains sont davantage proccups par lutilisation de techniques permettant dexploiter au mieux les possibilits vocales ou gestuelles des
orateurs : ce sont davantage des praticiens de la parole efficace (Rousselle,
1983).
La Rhtorique Herennius (anonyme, entre 86 et 83 av. J-C) est lun des
tout premiers manuels rdigs Rome sur lart de la parole1. Dans le livre III,
lActio, lauteur spare les qualits de la voix des mouvements du corps.
1. Rhtorique Herennius. Texte tabli et traduit par G. Achard, Les Belles Lettres, 3e tirage, Paris,
2003
10
ANALYSE
11
La rflexion de dOckham (1295-1350), un autre grand nom de la Scolastique, mais nominaliste, sera reprise par la linguistique contemporaine qui
retiendra chez lui une pense proche de lexprience et de la pratique du discours (Alfri, 1989). Seront aussi rediscutes sa thorie du signe et sa conception de la science qui, tout en visant les existants singuliers, a pour objet
les concepts, qui sont des significations (et non pas des ralits).
Parole et voix profanes ou religieuses
Dans la civilisation mdivale, la posie, qui sexprime dans les langues indignes vulgaires, assume les fonctions que remplit la voix dans les cultures
oralit primaire. Ainsi, pour Zumthor (1987), il y a au Moyen ge trois
catgories de personnes : celle dont loralit est sans contact avec lcriture
(majoritairement les paysans), celle oralit mixte avec une influence
externe de lcrit, celle oralit seconde qui est recompose partir de
lcriture. Lorsquun interprte lit dans un livre, lautorit provient du livre
(lecture publique). Lorsque le pote interprte un texte mmoris ou improvis, sa voix seule confre au texte son autorit. Cest une parole forte qui
assume un lien social, avec une autorit telle quelle se rapproche de celle du
juge ou du prcheur. la fin du Moyen ge, la prdominance du modle
scriptural dvalue la parole vive. On assiste alors une marginalisation des
communications vocales rejetes dans les cultures populaires. Lutilisation
religieuse de la voix projete, dans lglise ou la cathdrale, est plus contrainte que celle de lorateur politique dont soccupait prfrentiellement la
rhtorique grecque. Le prdicateur doit mettre sa voix au service de la parole
de Dieu mais il doit, cependant, la faire passer auprs de ses auditeurs et
adapter son sermon aux fidles qui lcoutent. Les manuels de lart de prcher exercent un certain nombre de censures sur la vitesse dlocution, sur le
phras et surtout sur les gestes (gestualit ne doit pas devenir gesticulation).
Rmi dAuxerre, au IXe sicle, qualifie le geste d habit de la voix rappelant ainsi le lien indissociable de loralit avec la gestualit. Remarquons
aussi que les gestes sont utiliss dans le rituel religieux ce qui leur confre
une valeur sacre.
Dans la liturgie catholique, en plus de la lecture des Textes Saints, du sermon, des chants, apparaissent aussi des moments de psalmodie. Celle-ci est
prsente aussi chez les croyants juifs ou musulmans. Les auteurs arabes sintressent particulirement la psalmodie du Coran4, en ce quelle facilite
llan du croyant vers Dieu. Sensuit la description dun grand nombre de
varits de voix dont certaines sont proscrites pour la psalmodie du Coran.
Toute une codification se met ainsi en place en dictant des rgles propos,
par exemple, des relations entre la prononciation et lintonation. Larabe
12
ANALYSE
Les clercs ont une attitude ddaigneuse vis--vis des vulgaires tant persiste le prestige du latin chez les lettrs : il est la fois la langue valeur religieuse de la Vulgate (version latine de la Bible), la langue diplomatique
et celle des grands textes philosophiques et scientifiques.
Il faut donc relever dautant plus ceux qui vont satteler la tche de dcrire
les vulgaires . La plus ancienne grammaire dun vulgaire dEurope est
irlandaise : l Auraicept na n Eces 5. Cest la premire description du phnomne de lnition dans les langues celtiques. Plus remarquable encore est
l Edda de Snorri Sturluson (1179-1241) qui est une description de la prononciation du vieux norois. Lauteur y invente le principe de la description
phonologique : un son ne peut tre distingu que si, remplac par un autre,
il entrane un changement de sens. Cest tout le problme pistmologique
dune innovation isole qui a besoin de sintgrer dans un ensemble pour
pouvoir tre diffuse. Cest, a posteriori, une fois que la phonologie sera bien
installe que cette tentative sera apprcie sa juste valeur.
13
Le latin conserve sa prminence (Colombat, 1999) et sert mme de fondement aux recherches sur les causes logiques de lorganisation linguistique,
pour Scaliger dans De causis linguae latinae (1540). Pour lui, la grammaire, qui doit commencer par une analyse phontique, nest plus un art
mais une science. Pourtant, lutilisation du latin subit des attaques : ldit de
Villers-Cotterets, de 1539, impose le franais, la place du latin, comme
langue de ladministration. Des grammaires des langues modernes paraissent,
mme si le latin reste le modle selon lequel les autres langues sont dcrites.
Joan Dafydd Rhys fait, dans Italica pronunciatione , une analyse compare
de litalien et dautres langues europennes. Dans la grammaire du danois de
Jacques Mathias, De literis libri duo (Ble, 1586), est dress un systme
articulatoire cohrent des voyelles et des consonnes. Ce livre jouera un rle
important dans la mise au point de lorthographe du danois. Les relations
entre les reprsentations crite et orale des langues font lobjet de recherches
et de publications de la part des grammairiens-phonticiens qui laborent
des projets de rforme de lorthographe. Hart (1551) et Ballokar (1580) en
prsentent un pour langlais. En France, Meigret (1542) (rimpression de
1972), Guillaume des Autels, Bourguignon (1548), Peletier du Mans
(1550), Ramus (1562), du Baf (1574) et Rambaud (1578) proposent des
rformes de lorthographe du franais.
Anatomie et pathologie
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Cette orientation vers une tude de faits plus concrets favorise les recherches
anatomiques et les tudes de cas pathologiques. Ainsi, des dessins du larynx et
des plis vocaux sont excuts par Lonard de Vinci (1490) et par Bartolomeo
Eustachi (retrouvs et publis en 1714) (dont les reproductions des organes
vocaux sont graves par Giulio de Musi), sans oublier les planches anatomiques de Vesale (1543). Influenc par la relecture des auteurs grecs et latins,
Erasme, dans De recta latini graecique sermonis pronuntiatione (1528),
reprend toute la terminologie ancienne des troubles de la parole et de la voix
et propose mme des exercices de rducation. Une analyse de cas, due
Hieronymus Mercurialis (en 1580) et rappele par Wollock (en 1990),
ANALYSE
montre bien la part de la tradition hrite des auteurs anciens (en particulier
les Problemata dAristote) et les dbuts dun vritable raisonnement mdical. Hieronymus Fabricius de Aquapendente (1537-1619), professeur danatomie Padoue, donne une bonne description anatomique de lorgane vocal
partir de laquelle il prcise bien le rle des cordes vocales dans la production
de la voix (De visione, voce et auditu ). Le mdecin se dmarque aussi des
croyances populaires qui sont soumises la critique, par exemple, par Laurent
Joubert dans son ouvrage publi en 1578, Erreurs populaires au fait de la
mdecine et rgime de sant . Dans le domaine de lanalyse du matriau
sonore des langues, cette priode a servi de relais pour recueillir et transmettre
la tradition ancienne tout en ladaptant aux situations plus concrtes auxquelles elle tait confronte.
15
Alors que les lments phoniques continuent dtre pris en charge par les
grammaires, de nouvelles tudes, plus spcifiques, apparaissent. En tmoigne la satire de Molire dans Le bourgeois gentilhomme (1670), directement inspire par la lecture du Discours physique de la parole de
Graud de Cordemoy (1668). Ainsi, dans De spreeckonst ( Art de la
parole ), Petrus Montanus dcrit, en 1635, les diffrentes parties du conduit vocal et analyse les positions des articulations. Louvrage de Robinson,
en 1617, sintitule aussi The art of pronunciation . John Wallis, en 1652,
fait prcder sa Grammatica linguae anglicanae dun trait, De loquela ,
consacr au mode de production des sons articuls. Sa classification des
voyelles en trois lieux darticulation sera reprise durant toute la seconde
moiti du XVIIe sicle. Il classe aussi les consonnes en labiales, palatines et
gutturales. Dautre part, Louis de Courcillon de Dangeau prsente, en 1694,
une premire tentative de classement, plus systmatique, des consonnes
franaises et il est aussi le premier bien dcrire les voyelles nasales du
franais.
Lintrt marqu pour les sons de la parole se manifeste aussi au travers de la
recherche de langues universelles (ce fut une proccupation constante de
Leibniz, tout au long de sa vie). Parmi les nombreux travaux, on peut citer
ceux de Loodwick (A common writing , 1647), Beck (The universal
character , 1657), Dalgarno (Ars signorum , 1661), Wilkins (Essay
towards a real character qui contient les premiers schmas darticulations
phontiques, 1668). De son ct, Helmont avait en 1667 mis en relation des
reprsentations articulatoires avec les caractres de lcriture hbraque.
Loodwick publie aussi une tude sur les tons.
Dbuts des tudes scientifiques de la voix et de la parole et leurs applications
16
ANALYSE
Les applications de ces tudes approfondies vont tre faites surtout pour
enseigner aux malentendants (Ruben, 2005). Le prcurseur avait t Pedro
Ponce de Leon (mort en 1584) dont la mthode a t perdue. Il est suivi par
Juan Pablo Bonet qui, en 1620, publie Madrid Reduccion de las letras y
arte para ensear a hablar los mudos . On notera aussi louvrage de Amman,
en 1692, Surdus loquens , celui de Holder, Elements of Speech , en 1669,
ainsi que celui de Dalgarno, Didascalocophus, or the Deaf and Dumb Mans
Lector , en 1680.
Modle unique de la langue pour le franais
17
18
Mais, plus encore, cest le thme de lorigine du langage, en fait lie lorigine
de lentendement, qui donne lieu un grand nombre de discussions et de
publications. Labord reste essentiellement spculatif avec une part importante didologie hrite des sicles prcdents comme, par exemple, la
thorie des climats dj applique aux langues par Charles de Bovelles, au
XVIe sicle (Couzinet et Staszak, 1998). Cette ide est souvent utilise pour
renforcer lopposition entre la voix et larticulation (avec la production des
consonnes). La barbarie linguistique est le fait des peuples nordiques, responsables des grandes invasions. Les langues du Nord, surtout les gotiques, se
caractrisent par la rudesse de leurs consonnes et sont opposes, ce titre, aux
langues du Sud, plus douces, plus musicales. Do la responsabilit des langues
du Nord dans la dgnrescence de la musique primitive et sa sparation de la
parole. Cette thse, dveloppe par Jean-Jacques Rousseau dans Essai sur
lorigine des langues o il est parl de la mlodie et de limitation musicale
(crit en 1756 et publi en 1781), va contribuer diffuser lide dune identit
ANALYSE
19
publier, en 1765, un ouvrage traitant de La formation mcanique des langues et des principes physiques de ltymologie avec comme but []
dobserver les oprations corporelles de lorgane vocal, celui dobserver les
oprations de lesprit humain dans lusage de la parole .
Cette recherche dmancipation vis--vis de la lettre crite conduira mme
James Harris, dans Hermes, Philosophical Inquiry Concerning Universal
Grammar (1751) entreprendre une analyse mthodique qui nest pas sans
voquer celle qui caractrisera la phonologie universelle au XXe sicle :
cest une vingtaine de sons lmentaires que nous devons cette varit
de signes articuls qui ont suffi exprimer les penses et les sentiments de
cette multitude immense qui compose les gnrations dhommes passs et
prsents. Mais ne nous y trompons pas, lexpression la prononciation des
lettres aura la vie dure et elle continue dtre utilise de nos jours.
La classification des voyelles et des consonnes des langues progresse (Rey,
2004) et les premires reprsentations gomtriques apparaissent. Celle de
Hellwag dbute la longue srie des triangles vocaliques (qui sont souvent, en
fait, des trapzes !) avec sa Dissertatio inauguralis ph ysiologico-medica de formatione loquelae (soutenue Tubingen, en 1781). Il est suivi par Ernst
Chladni (1756-1827) qui sappuie non seulement sur larticulation mais aussi
sur les diffrences perues auditivement pour construire son triangle .
Dans le premier tiers du sicle suivant, on pourra considrer la connaissance
de la formation des voyelles comme parfaitement tablie ainsi quen tmoigne cette citation extraite de Wheatstone (1837) et reprise par Malmberg
(1971) (elle est donne ici en traduction franaise) : Les voyelles sont formes par la voix, modifie (mais non interrompue) par les positions diverses
de la langue et des lvres. Leurs diffrences dpendent des proportions existant entre louverture des lvres et de la cavit interne de la bouche, laquelle
est modifie par les diffrents degrs dlvation de la langue.
20
Ces tentatives de notation de la prononciation des langues, en saffranchissant des critures traditionnelles, dclenchent toute une rflexion sur le rle
des lments prosodiques des langues et, en particulier, de lintonation, dans
la signification du message parl. Ainsi, Condillac, toujours dans son Essai
sur lorigine des connaissances humaines crit : Dans lorigine des langues, les hommes neurent pendant longtemps pour exprimer les sentiments
de lme que les signes naturels auxquels ils donnrent le caractre de signes
dinstitution. Or les cris naturels introduisent ncessairement lusage des
inflexions violentes, puisque diffrents sentiments ont pour signe le mme
son, vari sur diffrents tons. Ah, par exemple, exprime ladmiration, la douleur, le plaisir, la tristesse, la joie, la crainte, le dgot et presque tous les
sentiments de lme. On pourrait improprement donner le nom de chant
cette manire de prononcer [] Jviterai de le faire [] Il ne suffit point
pour un chant que les sons sy succdent par des degrs trs distincts, il faut
encore quils soient assez soutenus pour faire entendre leurs harmoniques et
ANALYSE
21
Le XVIIIe sicle demeure la grande poque des salons particuliers anims par
des femmes, telles Mesdames Geoffrin du Deffand ou Julie de lEspinasse.
ANALYSE
23
24
Alors que les tudes de la prononciation des langues ont conduit un certain
nombre de grammairiens prendre leurs distances vis--vis des formes crites, celles-ci rapparaissent au premier plan dans les recherches des comparatistes. Cette philologie compare est rendue ncessaire par la
comparaison dtats anciens des langues pour lesquelles il nexiste que des
attestations crites (Cerquiglini, 1989). Le fait quil sagisse aussi et surtout
dune grammaire compare ne favorise pas, dans un premier temps, le
recours des connaissances phontiques solidement tablies, le raisonnement pouvant prendre appui sur des lettres. Les travaux entrepris principalement en Allemagne, avec comme arrire-plan la recherche de la langue
originelle, la Ursprache , vont tre influencs dabord par les mthodes
des sciences naturelles puis par la mthode historique proprement dite, avec
ANALYSE
25
26
Les tenants de la grammaire compare appuyaient souvent leur raisonnement sur des correspondances entre les ralisations phoniques de plusieurs
langues, sur des lois phontiques (Collinge, 1985), lexemple de la loi de
premire mutation consonantique des frres Grimm. Mais ces correspondances, dfinies de manire assez large, taient souvent mises en dfaut et, pour
rendre compte des irrgularits, les raisonnements les plus alambiqus
taient utiliss. Avec les no-grammairiens, la recherche de lois va aller plus
loin : il y a aussi une loi pour expliquer les irrgularits (selon Verner,
1875) et il faut donc la trouver. Do lide de lois dtermines, sans exceptions, lexemple de la loi de Verner qui fait intervenir la place de laccent
pour rendre compte de lvolution des consonnes [ t ] intervocaliques.
La linguistique devient alors une science historique, appliquant des lois phontiques rigoureuses et engages dans une recherche prcise des tats de
langue intermdiaires dans lvolution des langues. Ceci correspond lapoge du triomphe de lhistoire dans la pense allemande du XIXe sicle.
Herman Paul (1846-1921) peut alors dire : la seule tude scientifique du
langage est la mthode historique . Mais, dans le cas de la linguistique
ANALYSE
sautonomisant, la mthode historique apparat comme une arme pour combattre ltude du langage comme prtexte pour accder la connaissance de
la pense. Pourtant, tout en quittant le domaine de la pure spculation, les
linguistes prouvent la ncessit de complter les rfrences physiologiques
mcanistes pour sintresser la partie spirituelle du processus
linguistique . Ainsi, les no-grammairiens, comme Brugmann (1849-1919),
se rapprochent de la psychologie, mais il sagit de celle de lindividu responsable dinnovations linguistiques, (encore teinte de romantisme). Cette
forme de psychologie sera critique par Wundt (1832-1920), lun des crateurs de la psychologie comme science humaine mais avec une orientation
plus sociale. Dautre part, le caractre absolu des lois phontiques sera critiqu par Schuchardt (1842-1927) qui montrera tout lintrt quil y a prendre en considration des facteurs plus externes, comme les contacts de
langues, la gographie linguistique ou encore le bilinguisme (ce qui sera
lobjet des enqutes dialectologiques).
Recherches linguistiques en France : la grammaire gnrale,
les idologues et lorientation vers des applications pratiques
La France se tient lcart du grand mouvement de la grammaire compare
pendant la plus grande partie du XIXe sicle. Seul Franois Raynouard
(1761-1836) fait exception et publie, entre 1816 et 1821, un Choix des
posies des troubadours contenant la grammaire compare des langues de
lEurope latine dans leurs rapports avec la langue des troubadours . Ce travail remarquable par le nombre de langues compares est parti dune ide
fausse (reprise de Dante), celle du provenal mre de toutes les langues nolatines.
Grammaire gnrale contre grammaire compare
27
Grammaire gnrale . Cest que lenseignement public, aprs la rvolution de 1789, a subi une profonde mutation en France, en particulier avec la
premire loi sur lenseignement primaire de la Convention et lenseignement dans les coles Centrales . Le mouvement va samplifier tout au
long du XIXe sicle avec, en 1852, la loi Guizot sur lenseignement primaire
et, en 1880, la rforme scolaire de Jules Ferry.
cette tradition de la grammaire gnrale, explicitement promue par
Sylvestre de Sacy aux dpens de la grammaire compare, sajoute linfluence
constante de Condillac, relaye par Destutt de Tracy, avec cette ide matresse de lenracinement de lintelligible dans le sensible. Si la plupart des
idologues prendront leurs distances par rapport ltude des ides et de
leur origine, telle que la pratiquait Condillac, ils restent fondamentalement
attachs sa mthode dobservation, lcart de toutes proccupations
mtaphysiques : do leur rticence vis--vis des grands systmes dogmatiques allemands. Peut-tre faut-il aussi incriminer lexprience, encore plus
douloureuse, du dogmatisme rvolutionnaire aprs 1789 et la succession des
rgimes politiques qui aboutiront une stabilit politique relative avec la
troisime rpublique, proclame le 4 septembre 1870. La position critique
lgard de la grammaire compare se retrouve chez Michel Bral, pourtant
traducteur en franais de louvrage majeur de Franz Bopp, et mme encore
chez Antoine Meillet dont les travaux philologiques de la fin du XIXe sicle
se caractrisent par une rigueur mthodologique exemplaire (Mounin,
1967).
Offensive puriste
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Si le XIXe sicle voit la ralisation dun grand nombre de grammaires scolaires, toutes nauront pas la tenue des grammaires gnrales du dbut. Ce qui
nempche pas la Grammaire des grammaires de Girault-Duvivier,
publie en 1811, de parvenir sa douzime dition en 1837. Avec leur
Grammaire nationale (1834), les frres Bescherelle rigeront en doctrine
le recours des exemples emprunts aux bons crivains , ce qui a pour
effet de creuser encore plus le foss qui spare ce modle prestigieux des
usages familiers de la langue et encore plus du parler populaire qui demeurent proscrits. Il en est de mme du franais dialectal, contamin encore
par lutilisation des langues rgionales (certes, plus rduite, surtout dans le
cadre scolaire). Le contrle sexerce surtout sur la reprsentation crite de la
langue dont on craint, dans ce cas aussi, quelle ne subisse linfluence des
usages oraux. La connaissance de ces derniers ne peut tre que ngative : ils
sont recenss comme fautifs par les grammaires et, de manire systmatique,
par les cacologies. Ainsi, le Manuel du provenal ou les provenalismes
corrigs lusage des habitants des dpartements des Bouches-du-Rhne, du
Var, des Basses Alpes, du Vaucluse et du Gard , publi en 1836 par le
comte Gabrielli de Gubbio, sous les initiales C.D.G., comporte un relev des
fautes de prononciation, des sons vicieux dont il faut absolument se dbar-
ANALYSE
rasser pour ntre pas tent de les reproduire par crit. La barre est haut place, comme en tmoigne, en premire page, cette citation de Berchoux :
La langue que parlaient [sic] Racine et Fnelon nous suffirait, Messieurs, si
vous le trouviez bon .
Au chapitre III, de la prononciation , le comte de Gabrielli ne relve pas
seulement les formes fautives mais crit de vritables petits pastiches, des
parodies o il imite le franais provenalis. Cest aussi ce quil fait (en deux
alexandrins hors norme !) pour stigmatiser lintonation particulire qui
rsulte du maintien des e muets [sic], trs appuys par les provenaux.
Il utilise pour cela une notation musicale qui reste encore, lpoque, la
seule faon relativement prcise de noter lintonation :
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Une tentative de ralisation dun systme rationnel de transcription phontique est luvre dAdrien Flin qui publie, en 1851, le premier
Dictionnaire de la prononciation de la langue franaise o il se propose
dindiquer par une seule lettre chacun des sons et articulations de notre
langue. Il sagit toujours de rendre compte de la bonne prononciation de
lusage de la bonne compagnie. Ce dictionnaire de prononciation sera
suivi par celui de Michaelis et Passy en 1897. Charles Thurot, dans son
ouvrage De la prononciation franaise depuis le commencement du
XVIe sicle daprs les tmoignages des grammairiens , publi en 1881, ralise une synthse de lapport des grammairiens-phontistes lhistoire de la
prononciation. Pour que la liste des contributions cette histoire soit plus
complte il faut y ajouter, au moins, les auteurs de cacologies et les
phonographes du vocabulaire . Parmi ces derniers, Littr, dans son dictionnaire, apporte un tmoignage prcieux pour un pisode plus rcent, la
disparition des ll mouills et leur remplacement par y , en relevant
tous les mots o figure cette prononciation (qualifie de fautive). Par exemple, dans larticle pouilleux, euse , /poulle, l l e z, ll mouills et
non /pou ye/ (cette dernire est devenue la norme). Ces orthographes
modifies ont permis denregistrer, depuis le XVIe sicle au moins, les
modifications de prononciation (souvent considres comme des formes fautives) au nom dune norme qui a elle-mme volu. Pendant une grande
partie du XIXe sicle, la reprsentation crite demeure la rfrence essentielle des analyses linguistiques, tant dans leur aspect historique, philologique, que dans la transmission dune norme unique de la langue confie
linstitution scolaire. Ainsi, Sylvestre de Sacy, minent professeur darabe au
Collge de France et philologue renomm de cette langue, reconnat quil
est incapable de converser en arabe : je nai eu pour matre que des
livres . Les usages parls, dont la diversit sociale ou gographique est stigmatise, sont vite ramens une norme orale unique (Auroux, 1998), mais
plus difficile imposer, qui correspond une prononciation centrale de
notables ( les gens de bonne compagnie ). La cassure va se produire
lorsquil sagira de dvelopper (non sans difficults) dautres mthodes
denseignement ncessairement plus orales, comme celles des langues vivantes trangres, ou mieux daller enregistrer dans les campagnes les attestations de parlers rgionaux, souvent non crits et dj menacs de disparition
aprs leur condamnation par la Convention en 1794. Il convient de remarquer, une poque o le matriel denregistrement nest pas encore diffus,
que, pour rendre compte des usages parls des langues, la premire proccupation sera nouveau de les crire ou, plus prcisment, de les transcrire
(par un moyen graphique appropri).
ANALYSE
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Cette recherche sinscrit dans un grand mouvement dlaboration de systmes de transcription des langues (Kemp, 1994). On peut citer, sans prtendre lexhaustivit, celui de Fline pour le franais (en 1851), lalphabet
standard de Lepsius (en 1855), celui de John Lindell pour le sudois, Otto
Jespersen pour le danois (sans parler de son systme analphabtique). Isaac
Pitman avait publi, en 1840, son ouvrage Phonography : a Writing by
Sound et, en 1847, un alphabet phonotypique pour langlais, en association
avec Ellis (qui servira de modle Paul Passy). Dans une tout autre perspective, Alexander Melville Bell publie, en 1867, son Visible Speech , alphabet
organique qui utilise des caractres iconiques pour reproduire les positions
des articulateurs pendant la prononciation. Certains de ces systmes, comme
celui de Lepsius, taient dune grande complexit et, tout en tant revenus,
pour la plupart, lcriture alphabtique, se proposaient de noter chaque
articulation par un caractre distinct . En 1886, Otto Jespersen propose de
crer un alphabet phontique international pour transcrire toutes les langues. Aprs des essais prliminaires, une version parat, en 1888, sous
linfluence conjointe de Paul Passy, Daniel Jones et Henry Sweet, avec
lapparition dun point de vue phonmique dans le choix des caractreslettres (ou caractres pleins) : un caractre spar pour un son distinctif,
cest--dire pour chaque son qui, utilis la place dun autre dans la mme
ANALYSE
langue, entrane un changement de signification du mot. Ce principe simplificateur est adapt, tout la fois, aux besoins des enseignants de langues
combins et aux ncessits dune vise universaliste. En 1889 est cre
lAssociation Phontique des Professeurs de Langues Vivantes avec
comme revue Le matre phontique , crit en transcription phontique
(et qui paratra sous cette forme jusquen 1971). En 1897, elle est remplace
par lAssociation phontique internationale destine permettre
lavancement de la phontique et de ses applications . la fin du sicle,
l Alphabet Phontique International prend une forme trs comparable
(avec quelques rectifications et ladjonction de nouveaux caractres) celle
quil a actuellement. Dans un souci de simplicit, dict par des besoins pdagogiques, il tait prconis dviter au maximum lutilisation de caractres
sajoutant aux caractres-lettres (provenant en priorit de lalphabet latin)
pour les modifier, les diacritiques. Mais lon a affaire une association de
spcialistes que sont les phonticiens. Aprs Henry Sweet, qui en a formul
le principe, il sera recommand de distinguer entre deux transcriptions :
lune, conome en caractres, la transcription large (plus proche du systme
ou de la norme dune langue particulire) et lautre, la transcription troite
(plus contextualise, allophonique), charge de rendre compte des formes
variables des units phoniques dans le discours pour des raisons contextuelles ou situationnelles. Mais il sagit, dans ce dernier cas, dune transcription
dexpert (elle vaut donc par ce que vaut lexpert !) qui perd le garde-fou de
la rfrence symbolique la signification. Ce type de transcription prendra
une autre valeur lorsquil sera mis en relation avec les analyses physiques et
physiologiques de la phontique exprimentale mais il nen sera pas moins
critiqu.
Lanalyse de la prononciation des langues devient une fin en soi et sort du
cadre des grammaires (mais tout en restant normative). Pour les phonticiens spcialistes de phontique descriptive (ou phontique pratique ),
souvent dune langue particulire, l oreille constitue le meilleur instrument danalyse. Les principaux phonticiens reprsentants de lpoque
classique sont Paul Passy en France, Henry Sweet en Angleterre, John
Storm en Norvge, Eduard Sievers en Allemagne ou encore Otto Jespersen
au Danemark. La dmarche perceptuelle, qui est la leur, compltera les
recherches entreprises, selon un point de vue historique, par la grammaire
compare et les no-grammairiens. Otto Jespersen (1860-1943), dans
Progress in Language with Special References to English (1894), dveloppe
lide, reprise dans ses ouvrages ultrieurs, que les langues, conues comme
des systmes complets, se simplifient au cours de leur histoire pour faire face
de nouveaux besoins communicationnels.
Dialectologie
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ANALYSE
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La synthse mcanique du conduit vocal se poursuit selon les modles fournis par Kratzenstein et surtout Von Kempelen au XVIIIe sicle. Plusieurs
machines parlantes fonctionnent au XIXe sicle : celle de Posch, en
1828, ou de Sir Wheatstone, prsente Dublin, en 1835, ou encore de
ANALYSE
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et mme aprs celui-ci !). Il nest pas possible de passer directement des
mesures acoustiques objectives (certes indispensables comme garants scientifiques) des interprtations linguistiques (subjectives) comme cela est encore
souvent le cas.
Les appareils dj disponibles laissaient esprer des tudes acoustiques des
phnomnes prosodiques et surtout des paramtres physiques responsables de
la perception de laccent et de lintonation. En ralit, les analyses vont
rester auditives et ce nest qu la fin du sicle, en 1899, quun phonticien,
Lonce Roudet, propose une mthode exprimentale pour ltude de
laccent (Roudet, 1889). Son systme est fond sur le calcul des frquences, des intensits, des dures. Il voulait ainsi parvenir une reprsentation aussi claire que la notation musicale et dune exactitude absolue . Et il
concluait, avec une prvision optimiste non vrifie dans le court terme :
rien ne peut dsormais entraver les recherches sur ce point . Il faudra,
cependant, attendre peu prs un demi sicle pour que ces tudes objectives
des variations de la frquence fondamentale de la voix soient entreprises
grande chelle.
Conservation et transmission du son distance
Aprs les images, les sons vont pouvoir, leur tour, tre transmis et surtout
conservs, entrant en concurrence avec lcriture qui avait t jusqualors le
seul moyen denregistrement de la parole et de sa transmission dans le
temps, comme lont montr les tudes de linguistique historique de ce sicle.
Ainsi, linvention du tlphone, en 1876 par Alexander Graham Bell, va
relancer la discussion sur le phonocentrisme et la primaut accorde loral
(Bell sest aussi impliqu directement dans la dmutisation des sourds). En
1895, Marconi invente la transmission de la parole par TSF.
Mais, plus encore, lvnement important pour les analyses de la parole et de
la voix rside dans la possibilit de conserver les sons : les paroles ne senvolent plus et peuvent aussi rester. En 1877, Charles Cros invente le principe
du phonographe (qui nest plus lexicographe !). Edison le suit de prs, la
mme anne. Lappareil deviendra vraiment oprationnel en 1888 avec les
supports cylindriques amovibles en cire. En 1889, le gramophone est invent
par mile Berliner (sur un principe dmile Scott) : lenregistrement se fait
sur un disque recouvert de cire. En 1898, apparaissent les premiers enregistrements magntiques sur fil dacier de Poulsen. La parole et la voix acquirent une nouvelle matrialit : on peut les conserver et les rcouter, hors de
la prsence de celui qui les a produites.
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Les documents, provenant des nouvelles analyses instrumentales et judicieusement choisis, gardent un rle dexemplification, dans la plupart des cas,
dautant plus que les applications lenseignement des langues ou la
pathologie du langage restent prioritairement vises. Ceci explique que les
ANALYSE
statistiques ne sont que trs peu utilises, souvent rduites des comptages.
Pourtant, le XIXe sicle a t lobjet dintenses recherches mathmatiques,
avec Pierre Simon de Laplace (1749-1827) pour les bases thoriques du
calcul probabiliste (1812) et Boole qui publie, en 1847, Mathematical Analysis of Logic (Les fondements de la logique symbolique mathmatique).
Cest surtout dans le domaine des statistiques et du calcul des probabilits
que les travaux sont plus nombreux, avec Carl Friedrich Gauss (1777-1855)
et la mthode des moindres carrs (sans oublier ses recherches sur les nombres imaginaires). Adolphe Qutelet (1796-1874) est considr comme le
fondateur des statistiques modernes. Laplace publie en 1812 sa Thorie
analytique des probabilits et enfin Antoine Auguste Carnot (1801-1877)
son ouvrage sur le calcul des probabilits. Cest dans le domaine du lexique
que les statistiques vont tre appliques par Kaeding qui, entre 1897 et 1898,
publie Hufigkertswrterbuch der deutschen Sprache , Berlin. En vue
dtablir un systme de stnographie, il entreprend la premire grande analyse dun corpus de textes crits ( partir dune dizaine de millions de mots et
dune vingtaine de millions de syllabes). Il est lorigine de la notion de
vocabulaire de base dune langue (qui sera reprise par Elridge, en 1911, dans
Six Thousand Common English Words ). Mais cest un philologue amricain, George Kinsley Zipf (1902-1950) qui, au sicle suivant, tablira son
principe du moindre effort qui, reformul sous le nom de loi de Zipf,
demeure le pilier de la linguistique statistique.
Cest dans ce contexte scientifique et technique, favorable aux analyses physiques et physiologiques de la parole et de la voix, quest cr le premier
laboratoire de phontique exprimentale Paris.
Le laboratoire de phontique exprimentale et son crateur,
labb Rousselot (1846-1924)
Les analyses exprimentales de la parole et de la voix (surtout sous son
aspect phonatoire) ne se dveloppent pas en raction, mais de manire complmentaire, aux recherches conduites en linguistique historique et en dialectologie (Antoine et Martin, 1995 ; Carton, 1995). Certes, on se situe en
de de la perception auditive, dans une sorte de micro-phontique mais
dont les rsultats doivent tre toujours compars ceux obtenus par une
coute attentive des paroles prononces. La connaissance approfondie de
loralit prsente ne peut quclairer celle du pass, rvle forcment
partir de la seule criture. Plus encore, la phontique exprimentale
(le terme est discut) nest pas scientifique parce quelle utilise des appareils
mais parce quelle contribue aussi et surtout analyser plus finement des
phnomnes dj abords scientifiquement par la linguistique historique.
Fort de ce raisonnement, labb Rousselot (1846-1924) se prsente comme le
dfenseur dune phontique linguistique. En 1889, il est titulaire dune
chaire de phontique exprimentale lInstitut Catholique de Paris et, aprs
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ANALYSE
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Est-ce dire que la mdecine nest pas concerne par ces vices ? Absolument pas. Si, la plupart du temps, ce nest pas de lordre de la thrapeutique,
en revanche, lhygine intervient prioritairement. Tout ce qui est exercice,
gymnastique, ncessite lavis du mdecin. Lexercice modr ne peut avoir
que des consquences favorables, par exemple sur le dveloppement musculaire (en loccurrence, les muscles de la respiration, par exemple), mais
lexcs peut aussi provoquer des accidents. Ceci apparat trs nettement dans
larticle dclamation de Panckoucke : la dclamation est une modification que la voix reoit lorsque nous sommes mus par quelques passions ou
par quelques grands intrts et qui annonce cette motion ceux qui nous
coutent . Cette dclamation naturelle nest plus distingue, dans le corps
de larticle, de la dclamation thtrale qui limite (mimesis). Dautre part,
la dclamation doit tre considre sous le point de vue mdical comme
un exercice plus ou moins violent des organes de la voix et de la respiration
ANALYSE
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ses deux aspects seulement, voix parle et voix chante (le troisime, la voix
pathtique ou accentue, dont il tait question au dbut du sicle en rfrence Rousseau, est maintenant laiss de ct).
La premire mention du terme orthophonie, dans son sens non linguistique,
est atteste avec la cration Paris, en 1828, dun organisme priv,
l Institut orthophonique du docteur Marc Colombat. Celui-ci avait mis
au point une mthode dorthophonie pour le redressement du bgaiement et
des vices de parole (1831 et 1834). Son uvre est continue par son fils,
mile, qui publie, en 1874, Lorthophonie au point de vue pdagogique
et, en 1887, un Trait dorthophonie . Mais il faudra attendre le XXe sicle
pour que la pratique rducative orthophonique, sous contrle mdical, soit
officiellement reconnue. Cest au dbut de ce mme sicle (en 1905 exactement) quest cre, la facult de mdecine de Berlin, la premire chaire de
phoniatrie occupe par H. Gutzmann (cf. sites Internet de Charpy8 et de
Wollock et Perello9).
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Comme dans bien dautres domaines scientifiques, le grand ple de recherches sur le langage au XXe sicle va se dplacer de lEurope vers les tatsUnis dAmrique (sans oublier le rle prcurseur de lamricain Whitney, au
sicle prcdent et son influence sur Ferdinand de Saussure qui lui doit la
conception de la langue comme une institution sociale). Aprs un cheminement parallle (avec cependant des caractristiques spcifiques) du structuralisme dans les deux continents, cest en Amrique que se dveloppera la
grammaire gnrative de Noam Chomsky (mais avec, cette fois-ci,
linfluence de Roman Jakobson, install aux tats-Unis, aprs avoir t lun
des grands reprsentants de la phonologie praguoise).
ANALYSE
Linguistique de la langue
la fin du XIXe sicle et encore pendant une partie du XXe, un grand
nombre de linguistes considrent la linguistique comme une science historique. Ce qui peut paratre lgitime : toute langue, en perptuelle volution, est un produit de lhistoire. Le renouvellement thorique du
XXe sicle va provenir dun linguiste europaniste rput, lorigine des
grands principes du structuralisme appliqus la linguistique, Ferdinand de
Saussure (1857-1913). Son cours, dispens luniversit de Genve, rdig
daprs des notes dtudiants, runies par Charles Bally et Albert Sechehaye,
parat, de manire posthume, en 1916, sous le titre : Cours de linguistique
gnrale . partir dun certain nombre de dichotomies, Ferdinand de Saussure prcise lobjet de la linguistique. Ce nest pas le langage, multiforme et
htroclite, certes facult de parler des tres humains mais qui peut tre
abord lgitimement dun grand nombre de points de vue : philosophique,
physiologique, psychologique et bien dautres. Lobjet de la linguistique cest
la langue , produit social de la facult du langage et ensemble de con-
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La phonologie va jouir dun statut exceptionnel dans les recherches linguistiques du XXe sicle (Laks et Rialland, 1993 ; Laks, 1997 et 2000) : avec la
phonologie, la linguistique sest vraiment constitue comme science du langage (Boltanski, 1999). Cest aussi dans le domaine phonologique que les
grandes options thoriques et les mthodes de la linguistique se verront continuellement mises lpreuve (Dell et coll., 1984). Il faut bien reconnatre,
cependant, que la phonologie a emprunt une voie qui avait t soigneusement balise par les connaissances accumules en phontique pendant plus
de deux mille ans. Toujours dans la perspective fonctionnaliste de Nicolas
Troubetzkoy, la phonologie nenvisage principalement en fait de son que ce
qui remplit une fonction distinctive dans la langue. Les oppositions phoniques qui, dans une langue donne peuvent diffrencier les significations
intellectuelles de deux mots, sont appeles oppositions phonologiques
(ou oppositions distinctives). Ce sont elles qui permettent de dfinir lunit
phonologique minimale, le phonme, qui entre au moins dans une opposition phonologique et qui peut, dans une langue donne, diffrencier des
significations intellectuelles . Mais le phonme est-il vraiment lunit minimale dans la mesure o il est constitu lui-mme de traits distinctifs ? Pour
Troubetzkoy, le phonme est bien lunit phonologique minimale qui, du
point de vue dune langue donne, ne se laisse pas analyser en units plus
petites et successives . Ce qui aboutira la dfinition du phonme dun
autre grand reprsentant du Cercle de Linguistique de Prague, Roman
Jakobson : un faisceau de traits distinctifs qui se ralisent simultanment
(et non successivement). Troubetzkoy a apport la rigueur thorique de
Ferdinand de Saussure un complment mthodologique tout aussi rigoureux
pour identifier les phonmes, invariants, en les distinguant des variantes
combinatoires (conditionnes par lenvironnement phonique) et des variantes facultatives (en particulier stylistiques valeur motionnelle ou sociale).
Le classement des phonmes est tout aussi rigoureux : oppositions privatives,
graduelles, quipollentes. partir des oppositions privatives, il va dfinir la
notion de marque (qui est centrale dans la phonologie dclarative actuelle).
La marque est une particularit phonique dont lexistence ou la non-existence, dans une unit donne, loppose aux units de mme nature de la
langue . Par exemple, en franais, le phonme /b/ soppose au phonme /p/
pour distinguer la signification des mots pain et bain , par le trait de
sonorit (ou de voix ). Le phonme /b/ est marqu par rapport /p/ non
marqu. On peut mesurer, par cet exemple, toute la distance qui spare lanalyse physiologique de la phonation, telle quelle na cess de se dvelopper
ANALYSE
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ANALYSE
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Ces trois fonctions sont lies et intimement unies dans un acte de parole.
Cependant, lauditeur parat capable danalyser ce systme complexe en ses
parties constitutives. Mais Troubetzkoy reconnat, lui-mme, quil est plus
facile pour le phonologue dabstraire des phnomnes que de distinguer
entre procds expressifs et appellatifs. Comme il existe une grande disproportion entre la phonologie reprsentative, qui regroupe un grand nombre
de faits, et les phonologies expressive et appellative, qui ne concernent
ANALYSE
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Il dite, en 1938, Acta Linguistica , une revue internationale de linguistique structurale qui peut tre considre comme le grand dpart du structuralisme europen. En 1943, parat son ouvrage majeur, traduit en franais en
1968 sous le titre : Prolgomnes une thorie du langage . Hjelmslev se
prsente comme le continuateur le plus orthodoxe de la pense de Ferdinand
de Saussure. La glossmatique, quil cre en 1936, se rclame du principe
dimmanence, tude de la langue en elle-mme et pour elle-mme .
Hjelmslev distingue deux plans de rfrence de la langue, celui de lexpression et celui du contenu (quil analyse aussi en traits distinctifs de signification, selon le modle phonologique, en fonction du principe disomorphisme
des deux plans de rfrence, expression et contenu). Cest aussi la thorie
structuraliste qui est alle le plus loin dans la conception de la langue
comme une forme et non comme une substance, en se fondant sur une axiomatisation o les dfinitions de base et les principes sont explicits (en particulier, la commutation pour isoler les phonmes). Hjelmslev aboutit ainsi
une sorte dalgbre pour formaliser lanalyse de toutes les langues, modle de
rigueur, mais qui, par sa volont de rejet de la substance (en loccurrence
phonique), apparat particulirement dsincarne. pistmologiquement,
cette tentative est celle qui est alle le plus loin pour faire de la linguistique
une science de la forme.
Retour au fonctionnalisme et les consquences de la double articulation
du langage
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ANALYSE
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Structuralisme amricain
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Impliqu, lui aussi, dans des recherches sur les langues amrindiennes
(lalgonquin, le mnomini, entre autres), Lonard Bloomfield publie une
premire version de son ouvrage fondamental, Language. Introduction to
the Study of Language , en 1914, alors quil est encore sous linfluence de la
psychologie de Wundt. Il en publie, en 1933, une nouvelle version,
Language , avec un revirement complet : il y dfend des thses anti-mentalistes relevant dun positivisme pouss lextrme (jusquau physicalisme).
Pour lui, les signaux linguistiques nont rien voir ni avec la physiologie ni
avec la neurologie. Son anti-mentalisme le pousse adhrer aux thses du
behaviorisme qui va dominer, aux tats-Unis, jusquau milieu du XXe sicle
avec Watson (1878-1958) et surtout Skinner (1904-1990). Le behaviorisme
est fond sur ltude des comportements extrieurs des tres humains, que
lon peut enregistrer et mesurer, et de la relation stimulus-rponse. Cette
influence conduit Bloomfield rduire au maximum le recours au sens, principalement en phonologie, ltablissement de la signification tant, pour lui,
le point faible de lanalyse linguistique. Les phonmes sont isols par commutation et, sil les oppose par leurs traits distinctifs (pour lesquels il faut
faire intervenir la signification), Bloomfield a recours la distribution de
manire privilgie, en valorisant ltude de lenvironnement dans les procdures de dcouverte des phonmes. Lonard Bloomfield va former la plupart
des grands linguistes amricains. Deux ouvrages fondamentaux diffusent aux
tats-Unis les principes de lanalyse structurale : Outline of Linguistics , de
Bloch et Trager (1942) et le Manual of Phonology (1955) de Charles
Hockett (1914-2000).
ANALYSE
Distributionnalisme de Harris
Roman Jakobson, qui avait jou un rle prdominant dans les travaux du
Cercle de Linguistique de Prague, sexile aux tats-Unis au moment de la
seconde guerre mondiale, en 1941. Avec laide dun ingnieur, Gunnar Fant,
et dun phonologue, Morris Halle, il labore une matrice universelle de traits
distinctifs fondement acoustique (tout en restant attach aux autres principes de la phonologie praguoise). Louvrage qui rsulte de cette collaboration,
Preliminaries to Speech Analysis: the Distinctive Features and their Correlates ,
parat, Cambridge (Massachussetts), en 1951, avec une dition revue corrige et augmente, en 1963. Les traits configurationnels (culminatifs et
dmarcatifs) ne sont pas envisags ni les traits expressifs. Parmi les traits distinctifs, les traits prosodiques sont rappels (ils concernent le ton, la force, la
quantit) mais les auteurs limitent leur prsentation aux traits intrinsques
(qui ne sont pas dfinis par rapport la syllabe). Ce sont les composants
ultimes du langage, par rapport auxquels chaque langue particulire se dfinit par un choix spcifique. Leur identification est faite partir de composants du signal acoustique de parole analys spectralement. Les pr-requis
articulatoires sont rappels pour faciliter leur utilisation. Il sagit, pour
Roman Jakobson, comme il la rappel souvent, de dresser une sorte de
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ANALYSE
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lments phonologiques, syntaxiques ou smantiques, les universaux substantiels de la thorie linguistique, mais elle englobe aussi des universaux formels, des principes gnraux qui dterminent la forme des rgles et leur
mode de fonctionnement dans les grammaires des diffrentes langues. La
thorie linguistique doit tre assez gnrale pour sappliquer chaque langue
naturelle mais pas trop pour conserver sa spcificit et viter quelle ne
sapplique nimporte quel moyen de communication.
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ANALYSE
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sera ncessaire de renvoyer deux structures profondes (et ainsi savoir enfin
qui aime mieux qui).
La grammaire gnrative chomskyenne volue continuellement, en accord
avec sa conception hypothtico-dductive. Cette volution est jalonne par
la publication douvrages donnant ltat successif des modles labors :
Syntactic Structures (1957) et Aspects of the Theory of Syntax (1965)
dfinissent le modle standard. En 1970, apparat le modle standard tendu
avec la thorie X-barre , prsente dans Remarks on Nominalization et,
en 1975, Reflections on Language (est dveloppe lide de construction
endocentrique et de tte). La thorie des traces est expose, en 1977, dans
Essays on Form and Interpretation . On assiste un rle de plus en plus
grand des structures de surface dans linterprtation smantique et une
rduction des transformations qui tendent se raliser sous la forme de
dplacements ( dplacer-a ). La thorie du gouvernement et du liage est
expose, en 1981, dans Lectures on Government and Binding et Some Concepts and Consequences of the Theory of Government and Binding (1982). La
grammaire suniversalise de plus en plus. Elle est prsente comme un
ensemble de modules. Les principes gnraux universels rduisent le recours
aux rgles.
La comparaison des langues nintervient que pour conforter la thorie universelle, les aspects particuliers des langues tant renvoys des sous-thories spcifiques (relation principes-paramtres). Dans la version la plus
rcente, la thorie minimaliste (The Minimalist Program , en 1995), la
structure de surface est nouveau enrichie, en structure profonde, des lments abstraits catgoriels qui peuvent se manifester en surface dans certaines langues et pas dans dautres. La transformation dplacer-a est soumise
des lois dconomie pour limiter les oprations possibles (do le nom de
minimalisme).
Grammaires gnratives dissidentes : les grammaires dunification
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Les grammaires dunification se donnent comme tche dliminer les transformations et de ne retenir que le niveau de surface comme reprsentation
syntaxique. Les transformations sont remplaces par des contraintes statiques de bonne formation : cest en ce sens que ces modles sont appels
dclaratifs (et non procduraux) et monotones (on ne peut quajouter de
ANALYSE
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cadre (uni)linaire, laccent tait analys comme un reprsentant des proprits intrinsques des segments, lgal dautres traits. Cette proprit segmentale tait ensuite manipule dans des rgles de rcriture cycliques. La
phonologie mtrique de Liberman et Prince (1977), On Stress and Linguistic
Rhythm , sest dveloppe partir de la critique du traitement des phnomnes accentuels du Sound Pattern of English . Laccent est dfini comme
une prominence relative, lie une organisation hirarchique de la chane
sonore, et dcrite laide darborescences tiquetes (comme cela est fait
dans le domaine syntaxique). Dans toutes les langues, la structure des prominences accentuelles traduit, au niveau phontique, une organisation sousjacente en constituants mtriques.
Prince, en 1983, puis Selkirk, en 1984, prsentent un modle des structures
accentuelles produites au niveau de la grille, seul instrument formel pour
rendre compte des prominences. Les modles, grilles seules, sont des applications mtriques de la reprsentation segmentale, plus proches de la structure de surface phontique. En fait, les arborescences mtriques incorporent
deux notions diffrentes : celle de structure hirarchique et celle de lorganisation de la chane en constituants. La hirarchie des prominences accentuelles nest pas considre comme un patron autonome mais comme la
traduction accentuelle dune organisation abstraite de la chane sonore en
constituants mtriques lmentaires. La source de laccentuation nest pas
une simple concatnation de positions dans la chane sonore mais correspond une segmentation morphologique ou lexicale prexistante. Ce qui
favorise la reprsentation de laccent en grille et constituants.
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Pour lintonation, quel peut tre le rapport entre les constituants prosodiques et les structures syntaxiques de surface ? Aprs les travaux de Selkirk
( partir de 1972), Nespor et Vogel publient, en 1986, Prosodic Phonology .
La reprsentation phonologique dun nonc apparat comme une structure
hirarchise de constituants qui sont, dans lordre : lnonc phonologique,
le syntagme intonatif, le syntagme phonologique, le mot phonologique (ou
prosodique), le pied, la syllabe, la more. Les constituants sont des domaines
lintrieur desquels sappliquent des principes ncessaires la formalisation
des phnomnes concerns. Le mot prosodique, le syntagme phonologique
et le syntagme intonatif sont utiliss pour lanalyse des phnomnes accentuels et intonatifs. Les structures syntaxiques de surface et les structures prosodiques se ressemblent formellement : elles apparaissent comme des
constituants enchsss dans dautres constituants avec un ordre de succession. La structure prosodique pourrait donc tre drive de la structure
morpho-syntaxique et les rgles convertiraient la structure de surface en
caractristiques prosodiques. Mais il y a aussi une constituance prosodique
(Pierrehumbert et Beckman, 1988) : les structures prosodiques doivent tre
reprsentes aussi sous forme darbres et non pas de suites. Mais la structure
syntaxique nest pas suffisante pour construire les constituants syntaxiques, des
informations non syntaxiques doivent tre prises en compte, en particulier des
ANALYSE
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Au dbut du XXe sicle, les techniques danalyse articulatoires, plutt statiques, fournissaient des documents dont les profils caractristiques taient
mis en relation avec les segments de la reprsentation symbolique : ainsi, le
palatogramme dune consonne tait attribu directement une consonne
(mme si la variabilit contextuelle avait t remarque : il tait prconis
dutiliser une voyelle neutre , comme a ). Bien que les analyses kymographiques, arodynamiques, soient plutt dynamiques, il est possible dy
reprer, l encore, les profils types des consonnes fermeture, les occlusives.
Aussi a-t-on pris lhabitude de segmenter ce genre de documents, ne seraitce que pour mesurer les dures des ralisations successives. Les segments
obtenus taient ainsi considrs comme une concrtisation des units linguistiques. Aprs la ralisation, ds le dbut du XXe sicle, des premires
radiographies des voyelles (elles aussi statiques ), les premiers films radiologiques (sous incidence de profil) dun sujet parlant sont tourns, en 1930,
par Guntzman et Gottheiner. Ce sera un premier choc : tous ces mouvements se succdent rapidement comme un ballet o lon est bien en peine
de retrouver des gestes nettement individualisables. En 1933, Menzerath et
De Lacerda emploient, semble-t-il les premiers, le terme de coarticulation.
Peut-tre ont-ils t prcds par les tenants de la lecture labiale pour les
malentendants qui avaient d se rendre compte, eux aussi, de faits
comparables : lorsquon prononce la voyelle u prcde dune consonne
p dans le mot pue , la protrusion des lvres se produit avant que la
voyelle u nait t elle-mme articule. On comprend mieux la raction
de retrait des phonologues praguois mis en face de tels faits. Pour eux, il y a
deux phonmes /p/ et /y/ en se rfrant leur fonction distinctive : ces deux
phonmes servent diffrencier des significations ( pue est distinct de
pie ). Il nen demeure pas moins que, pendant la production de la parole,
les mouvements des diffrents articulateurs, lors des ralisations phoniques
successives, se chevauchent et mme interagissent les uns sur les autres.
un moment donn du temps, dans le droulement de la parole continue,
une configuration densemble du conduit vocal ne peut tre mise en relation
bi-univoque avec un segment de la reprsentation symbolique. Les effets
sont observables aussi partir danalyses acoustiques (coarticulation acoustique). Ces phnomnes peuvent ne pas tre audibles et, pour les mettre en
vidence, il faut recourir diffrentes analyses acoustiques et physiologiques.
ANALYSE
somme toute, quun catalogue dutilisation de techniques. Tout au plus pourrait-on dgager quelques tendances, en prenant le risque de passer sous
silence des chercheurs qui ont jou un rle dterminant ou de surestimer,
par manque de recul, certains thmes de discussion vite abandonns. Aussi
convient-il de favoriser un point de vue plus pistmologique quhistorique
et de choisir un grand thme de dbats entre spcialistes du domaine. La
question retenue, qui a donn lieu une rflexion approfondie et un
affrontement dides, particulirement rvlateur des enjeux scientifiques en
cause, est celle de la coarticulation.
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Les phnomnes qui concernent la variabilit des units phoniques, en fonction des contextes dans lesquels elles apparaissent, sont habituellement
regroups de faon diffrente. Une partie de ces faits, audibles, les assimilations, relvent de la comptence en phonologie gnrative et elles occasionnent une modification des traits. Par exemple, en franais, on note la
modification de la consonne d dans la squence il na pas d(e)
chance . Elle se dvoise au contact de ch et lon entend tch (cest
donc le trait de voisement qui est modifi). En revanche, la coarticulation,
considre comme provenant de proprits mcaniques dajustement de la
taille du conduit vocal, appartient au domaine de la performance. Cest la
ANALYSE
Cette thorie, due Lindblom (1983), attribue un nouveau rle la phontique pour rendre compte de la variabilit de la parole. La phontique ne
doit pas se proccuper de savoir comment les units linguistiques se ralisent
dans la parole mais dexpliquer et de faire driver les formes linguistiques de
principes fonds sur la substance et appartenant au langage parl avec ses
aspects biologiques, sociologiques et communicatifs. Selon cette thorie de
la variabilit adaptative ou de lhyper-hypo-parole , la variation phontique nest pas une consquence de linertie des organes de la parole mais
provient dune adaptation continuelle de la production de la parole en fonction des besoins de la situation de communication. Certaines situations
ncessitent un haut degr de contraste perceptif, dautres un moindre contraste, ce qui permet plus de variabilit (donc, la perception, dune certaine
faon, oriente, modle la production). Les premires expriences ont port
surtout sur laspect acoustique de la parole (analyses spectrographiques),
dans le cas de Lindblom (Lindblom, 1990), et elles ont t plus diversifies,
par la suite, pour contrler certaines hypothses. Les caractristiques acoustiques dune mme ralisation varient selon un continuum de sur- ou de sousarticulation, dhyper- ou dhypo-parole. La coarticulation est considre
comme un comportement moindre cot, une manire conomique de parler. Le systme moteur de la parole est gouvern par le principe dconomie.
Lindblom introduit alors la notion de cible acoustique, sorte de configuration spectrale idale, dtache de tout contexte et vers laquelle les voyelles
produites, rellement, tendent. Les modifications des valeurs des frquences
des formants varient en fonction de la dure de la voyelle. Avec de longues
dures, la cible tend tre atteinte, lorsque la dure dcrot les mouvements
sont rduits et la cible non atteinte. Ainsi, la modification du timbre de la
voyelle, la rduction vocalique, est un processus articulatoire qui dpend
essentiellement de la dure et nest pas un processus phonologique. Cest la
rponse automatique du systme moteur une augmentation de la vitesse
des commandes motrices. Le locuteur peut ainsi sadapter diffrentes situations et choisit des stratgies dvitement ou de rduction de la coarticulation ou, au contraire, la favorise (hyper- et hypo-parole). Pour les plus
rcentes volutions du modle de la cible vocalique non atteinte, dautres
variables interviennent, en plus de la dure, comme le style de parole. Pour
en tester lintervention, de nouvelles expriences sur des voyelles accentues
de langlo-amricain sont entreprises avec cette nouvelle variable : style de
parole courant et surarticulation. La parole courante fait lobjet dune stratgie de recherche du moindre cot et elle se caractrise par des variations de
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La thorie de la coproduction est labore partir dun modle informatique, un modle orient par la tche (Kelso et coll., 1986). lentre du
modle, on trouve les gestes phontiques, les units dynamiques de la pho-
ANALYSE
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discrte qui en est donne habituellement serait fausse). En phonologie gesturale, lacoustique et la perception sont un effet de la production (alors que
pour Lindblom la perception oriente la production).
Approches complmentaires : acoustique, perception, articulation
et catgorisation
Ce cas exemplaire de la coarticulation montre bien la dynamique de recherche qui rgne, actuellement, dans les laboratoires, avec une confrontation
des cadres thoriques (Ohala, 1991), la construction de modles et leur validation par des expriences et, dans le cas inverse, la modification des modles ou leur abandon. Les protocoles exprimentaux sont de plus en plus
labors pour prendre en compte, simultanment, les reprsentations articulatoire, acoustique et perceptive.
Ainsi, la non linarit dans les relations entre les paramtres articulatoires et
les consquences aux niveaux acoustique et perceptif ont t bien mis en
vidence par la thorie quantique de Stevens (1972-1989) : une lgre
modification, mais cruciale, dun paramtre articulatoire peut engendrer un
phnomne acoustique important. linverse, dans dautres cas, des modifications articulatoires importantes ont peu deffet sur le plan acoustique ou
perceptif. Les squences de segments seraient choisies par les langues de
manire traverser des rgions qui produisent des changements rapides, lesquels servent de repres dans le flux acoustique (sorte de balisage du flux
sonore des langues). De mme, des recherches sur la perception et la catgorisation ont t conduites, dans le cadre de la perception catgorielle, depuis
les travaux de Liberman et coll. (1957). Elles ont t compltes par dautres
investigations sur la perception catgorielle chez le nourrisson, par Eimas,
Siqueland, Juczyk et Vogorito (1971). Mais cette perception catgorielle
existe aussi chez lanimal (expriences de Kuhl et Miller sur les chinchillas,
en 1975). Enfin, la dcouverte de leffet magnet par Kuhl, en 1980, puis,
en 1993, la mise en vidence de cet effet, exclusivement chez les humains
adultes et nourrissons. Ce qui reviendrait dire que les humains natraient
avec un quipement, commun tous les vertbrs, de frontires auditives
naturelles mais auraient une aptitude particulire apprendre les catgories
du langage articul.
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ANALYSE
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Lanalyse fine de la langue parle, dans des situations courantes, sest mise en
place de manire tardive, historiquement. Elle a certainement t facilite
ANALYSE
83
Dans la dernire partie du XXe sicle, un renouvellement thorique important conduit remettre en question la rpartition structures profondes/
structures de surface et prconiser une phonologie de surface caractrise
par des contraintes, la thorie de loptimalit, avec une remise en question
des implications cognitivistes au profit dune conception plus connexionniste.
Les laboratoires (de phontique mais aussi de phoniatrie, les centres de
recherche sur la voix) prennent en charge ce qui relve du physique et du
physiologique (mais est-il possible de rduire ces aspects des sons qui ont
un sens ?). Les points de vue se confrontent pour rendre compte des phnomnes continus de la parole tels quils apparaissent dans les reprsentations acoustiques et physiologiques, dans leur relation avec la perception. Il
en rsulte une dynamique de recherche ingale sur le langage, la parole, la
voix. Le rle rciproque des universaux linguistiques et de la spcificit des
langues (idiosyncrasies) entrane une comparaison des langues du monde qui
navait jamais t autant approfondie. Les tudes phonologiques restaient
orientes, dans un premier temps, vers la recherche dinvariants. La variation, surtout due des causes externes, ntait pas prise en compte alors quil
sagit dune des caractristiques essentielles des langues. La sociolinguistique
et les analyses conversationnelles vont alors revenir vers des tudes juges
plus descriptives quexplicatives, avec cependant des tentatives de formalisation et des explications partielles. Ainsi, la sociolinguistique explique et
peut mme prdire le changement historique des langues. La proccupation
tardive ( combien !) de se rapprocher dune parole spontane , porteuse
dmotions, va dtacher un certain nombre de chercheurs des courants
dominants de la recherche linguistique. Dans la seconde moiti du
XXe sicle et au dbut de celui-ci, linformatisation de la plupart des disciplines scientifiques entrane une nouvelle volution, dautant plus importante
quelle se produit lintrieur dun nouveau paradigme scientifique, celui des
sciences cognitives. La mtaphore de lordinateur y apparat de manire
plus ou moins explicite pour rendre compte du fonctionnement crbral. La
linguistique, qui a jou un rle dterminant depuis le dbut avec le cognitivisme, et les autres disciplines concernes sont convoques dans une vaste
collaboration interdisciplinaire. Cet largissement des perspectives dtude
du langage saccompagne, dans les domaines de spcialit, dune micro-analyse des phnomnes vocaux dont tmoignent les travaux sur le timbre
vocal.
84
Que devient alors lhomme parlant, dans lunicit de son exprience personnelle du langage ? La nature profonde du langage rsulte, dune manire
assez tonnante, de son dcoupage de lespace phonique par le sens
(et linverse). Ce nest pas un moindre paradoxe que lhomme ait russi y
mnager sa part de signifiance ses risques et prils. Nest-ce pas la voix
qui est le propre de lhomme ?
ANALYSE
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100
ANALYSE
2
Mcanismes physiques de la voix
101
chercheurs prfrent tudier des proprits du signal de parole qui constituent des indices perceptivement pertinents, cest--dire des indices qui prdisent la qualit vocale perue.
Ce qui suit tente dexpliquer qualitativement le maintien de la vibration des
cordes vocales en invoquant une chane de causalit circulaire entre le flux
dair respiratoire et lobstacle que forment les plis laryngs sur son passage.
Suit une discussion des dviations des cycles vocaux de la priodicit stricte,
dviations qui sont des indices sonores du degr denrouement peru.
Lessentiel du chapitre concerne une classification possible de lensemble des
indices sonores proposs afin de dcrire les anomalies de la voix. Ces propositions sont multiples et disparates dans leurs objectifs. Le chapitre se termine par une brve discussion des problmes connus des indices actuels du
timbre vocal.
102
ANALYSE
Les forces de freinages sopposent toujours au mouvement. Afin de maintenir le mouvement, un apport continuel dnergie de lextrieur est ncessaire. Cette nergie est apporte par le flux dair pulmonaire (Giovanni
et coll., 2002). Les troisimes sont les forces qui sont dues la pression de
lair dans la glotte. Cette pression dpend de la pression de lair dans les poumons, dans la trache ainsi que de la vitesse variable de lcoulement de lair
travers la glotte dont la taille et la forme voluent.
Deux autres lments expliquent la vibration. Le premier concerne les
masses des plis vocaux. Les masses confrent aux plis une inertie qui maintient leur mouvement en labsence dautres forces. Le deuxime est la forme
changeante de la glotte car lair scoule plus rapidement dans une glotte
divergente que convergente. Une glotte divergente est une glotte qui est
plus large en aval quen amont. Le changement de la vitesse de lcoulement
au cours dun cycle de vibration est crucial pour le maintien des vibrations
car un flux dair rapide exerce une force plus faible sur les plis quun flux lent
(Titze, 1994 ; Alipour et Scherer, 2000).
ce stade sont runis tous les lments ncessaires une explication qualitative de la vibration (Ishizaka et Flanagan, 1972 ; Gunter, 2003). Le locuteur prpare le voisement en tendant les plis et en pivotant les cartilages
arytnodes qui rapprochent les plis du plan sagittal mdian du larynx. ce
moment, la glotte est ferme ou presque ferme. Le locuteur dmarre la
vibration en augmentant la pression de lair dans la trache. La pression
dans la trache va vaincre les forces lastiques des plis qui finissent par
scarter par en bas. La forme de la glotte est convergente cest--dire que la
glotte est plus large en amont quen aval (tape a). Une fois que les plis
commencent scarter, le flux dair dmarre travers la glotte. Il continue
carter les plis aussi longtemps que les forces arodynamiques sont plus
grandes que les forces lastiques. En gnral, le mouvement dcartement se
poursuit jusqu ce que le bord suprieur de la glotte (la sortie du ct du
pharynx) soit aussi large que le bord infrieur (lentre du ct de la trache). ce moment, la forme de la glotte change dune forme convergente
en une forme divergente (tape b). Ds que la forme est devenue divergente,
le jet dair dcolle de la paroi de la glotte lendroit o la section droite est
la plus faible. Par consquent, la vitesse de lcoulement augmente et la pression de lair lintrieur de la glotte diminue. Les forces exerces par lair sur
les plis ne peuvent plus contrecarrer les forces lastiques, et la glotte se
ferme. Au moment de la fermeture complte, tout mouvement sarrte, et le
processus reprend ltape a (tape c).
Le voisement sarrte lorsque la pression dans la trache diminue trop parce
que lair pulmonaire est puis et que le locuteur doit inspirer, ou plus normalement, lorsque le locuteur carte les plis en pivotant les arytnodes vers
lextrieur. Lcartement des plis rend impossible le maintien de la pression
de lair dans la trache et les vibrations sarrtent.
103
104
Les plis vocaux peuvent vibrer dans des rgimes caractriss par des cycles
adjacents diffrents. Les sons de parole sont, ce moment, souvent perus
comme enrous. On peut distinguer les rgimes suivants, sur la base des
spectres des sons de parole (Behrman et coll., 1998) :
le rgime dit modal ou neutre produit des cycles de parole rguliers avec
un spectre qui comprend une seule srie dharmoniques ;
les voix diplophoniques sont caractrises par de brves squences de
cycles vocaux ingaux qui se rptent. Les spectres comprennent plusieurs
sries dharmoniques dont les frquences fondamentales sont dans des rapports rationnels simples ;
la bi-phonation dsigne un rgime vibratoire qui est caractris par un
spectre discret comprenant des sries dharmoniques dont les frquences fondamentales sont dans des rapports irrationnels. Par consquent, le signal de
parole est apriodique ;
ANALYSE
certaines voix sont caractrises par des squences de cycles dont les
dures, les amplitudes ou les formes fluctuent alatoirement. Les spectres
correspondants sont continus, la voix est perue comme rauque.
Amplification de la gigue et du shimmy vocal
La gigue vocale (vocal jitter) dsigne les petites perturbations rapides des
dures des cycles glottiques. Les origines sont inconnues. On cite couramment des causes neurologiques, lcoulement turbulent de lair travers la
glotte, la rpartition ingale de mucus sur les plis vocaux (Pinto et Titze,
1990). Lamplification de la gigue vocale est parfois observe en prsence de
pathologies ; elle devrait sexpliquer par une modification de la rponse du
systme laryng des perturbations qui, en tant que telles, ne sont pas ncessairement affectes par la pathologie (Schoentgen, 2001).
Le shimmy vocal (vocal shimmy ou shimmer) dsigne de petites perturbations
de lamplitude des cycles de parole. Les causes du shimmy vocal sont supposes
tre les mmes que celles de la gigue vocale. Mais la transformation dans le
conduit vocal de la gigue vocale en shimmy vocal, ainsi que le report variable
dnergie acoustique dun cycle lautre contribuent galement au shimmy des
cycles de parole (Schoentgen, 2003).
Souvent, une petite perturbation rapide des dures et des amplitudes des cycles
de parole est dsigne par les termes anglais jitter et shimmer (ou shimmy)
quelle quen soit la cause exacte.
Tremblement vocal
Le tremblement vocal dsigne des oscillations lentes de la frquence
(1-15 Hz) ou de lamplitude instantane des sons de parole voiss. Les causes
sont physiologiques (respiration, battement cardiaque) et pathologiques (parkinsonisme, tremblement crbelleux). Par analogie avec le shimmy vocal,
le tremblement de la frquence vocale contribue au tremblement de lamplitude des cycles de parole. Une cause extra-larynge est le tremblement des
articulateurs du conduit vocal (Dejonckere et coll., 1996 ; Schoentgen, 2002
et 2003).
Bruit de turbulence excessif
Lcoulement turbulent de lair travers un orifice ou la collision dun jet
dair turbulent avec un obstacle gnre un signal acoustique. Il est peru
comme un bruit large bande spectrale quand la turbulence est pleinement
dveloppe. Lintensit du bruit dpend de linteraction du flux avec des
obstacles ventuels, ainsi que de la vitesse de lcoulement (Stevens, 1998).
105
106
Cette section donne une vue densemble des indices phonatoires des troubles de la voix et propose un cadre de classification. En gnral, les indices
phonatoires ou indices acoustiques sont des attributs numriques ou mesures
qui rsument des proprits du signal de parole, ou dautres signaux qui ont
t obtenus de faon non invasive, et qui ont une pertinence clinique. Typiquement, lacquisition dindices phonatoires implique lenregistrement
(de faon non invasive) de signaux qui renseignent sur le fonctionnement
laryng, le traitement de signal qui vacue des proprits superflues du signal
et le rsum des proprits cliniquement pertinentes laide de quelques
nombres.
ANALYSE
Une grande varit de pathologies et handicaps qui ont un effet sur la voix a
t examine. Typiquement, sont distingus les troubles de la voix rsultant
de changements organiques des plis vocaux et les troubles dits dysfonctionnels
qui ne sont pas la consquence de changements structuraux ou organiques
directement observables, mais ventuellement, la consquence dun contrle
non optimal de la part du locuteur (Boone et coll., 2004). Les troubles de la
voix causs par des problmes moteurs constituent une troisime catgorie.
Les voix de locuteurs parkinsoniens font partie de cette catgorie, par exemple. Les voix dites de substitution forment une catgorie part. Ce sont des
voix dont la production repose sur des mcanismes artificiels ou naturels alternatifs. Elles permettent des personnes qui ont perdu la facult de produire la
voix grce aux vrais plis vocaux, de communiquer oralement.
La question est de savoir si des troubles de la voix qui ont des causes diffrentes devraient tres dcrits laide dindices phonatoires distincts ; cette question est reste sans rponse. En gnral, des problmes de la parole et de la
voix qui sont causs par des troubles moteurs sont examins sparment des
107
troubles causs par des pathologies larynges (Till et coll., 1994 ; Bunton et
Weismer, 2002). Une exception possible est la paralysie des cordes vocales.
Matriaux linguistiques
Les tches se rapportent aux activits qui sont exiges des locuteurs pendant
lvaluation vocale. Les tches les plus courantes sont la production de la
parole, y compris le soutien de sons de parole isols (Dejonckere et coll.,
1996), le chant (ventuellement) (Elliot et coll., 1995 ; Rothman et coll.,
2001), le chargement vocal ainsi que le profilage vocal.
Le chargement vocal consiste en la mesure des indices phonatoires dun
locuteur, suivi par la lecture haute voix pendant un laps de temps important (pendant 45 minutes, par exemple) puis dune nouvelle mesure des
mmes indices. Lobjectif est de suivre des modifications vocales qui seraient
la consquence dune charge vocale importante (Vilkman et coll., 1997 ;
Mann et coll., 1999 ; Rantala et Vilkman, 1999 ; Vilkman et coll., 1999 ;
Bckstrom et coll., 2003).
Le profilage est la mise en vidence des limites des performances vocales
dun sujet, cest--dire la voix la plus faible et la plus forte possible, la voix la
plus aigu et la plus grave possible, et ainsi de suite. Ces limites ne sont pas
toujours absolues. Elles peuvent tre dtermines par rapport une tche, la
lecture dun texte haute voix, par exemple (Stemple, 1993 ; Heylen
et coll., 2002). Le temps maximum de phonation explore les limites des performances vocales, mais il est souvent assimil une mesure des performances arodynamiques.
Performances
108
ANALYSE
Les registres de parole qui sont couramment dcrits sont, du plus grave au
plus aigu, le craqu, la voix modale et le falsetto (Spencer et Titze, 2001 ;
Heylen et coll., 2002).
Les types phonatoires sont situs dans un intervalle qui embrasse ltendue
entre la phonation hypo-fonctionnelle et hyper-fonctionnelle. Couramment, une voix faible ou souffle est assimile une phonation hypofonctionnelle et une voix presse une phonation hyper-fonctionnelle
(Alku et Vilkman, 1996 ; Vilkman et coll., 2002 ; Bergan et coll., 2004).
Les types phonatoires intermdiaires sont appels neutres ou normaux et,
occasionnellement, fluides (flow phonation). Le terme voix faible serait
plus appropri que voix souffle , car la perception ventuelle dun
excs de bruit de turbulence nest pas rserve aux voix hypo-fonctionnelles.
Le voisement renvoie la facult du locuteur de basculer entre la vibration et labsence de vibration des plis vocaux lors de la production des sons
de parole afin de raliser lopposition phontique entre segments voiss et
non-voiss (Bunton et Weismer, 2002). La prosodie repose sur la facult
du locuteur de contrler lintonation, laccentuation et le rythme ainsi que
le dbit de parole (Coleman et Markham, 1991 ; Stone et Rainey, 1991).
Finalement, la qualit vocale dsigne le timbre vocal, cest--dire lenrouement, la raucit, le chevrotement, le tremblement vocal (Wolfe et
Martin, 1997 ; Schoentgen et coll., 2000 ; Wuyts et coll., 2000).
Capteurs
109
Une distinction essentielle entre indices repose sur les symptmes vocaux
qui sont viss. Les symptmes vocaux sont les proprits de la parole qui
sont cliniquement pertinentes, qui sont affectes par ltat de glotte et
quon tente de mettre en vidence laide dun traitement du signal. Typiquement, on fait la distinction entre les dyspriodicits du signal, la morphologie du signal, les traits supra-segmentaux, et la coordination entre
vnements glottiques et supraglottiques.
110
La coordination se rfre au timing des dbuts et fins du voisement par rapport des vnements supraglottiques. Des exemples dvnements supraglottiques pertinents sont la fermeture et la dtente des consonnes ou
lattaque et le dclin des voyelles. Un trait de coordination qui est souvent
tudi est le dlai dtablissement du voisement qui est lintervalle temporel
entre la dtente dune consonne plosive ou fricative et le dbut du voisement de la voyelle qui suit. Cet intervalle est positif lorsque le voisement
suit la dtente et ngatif dans le cas oppos. Le dlai dtablissement du voisement est un trait perceptif sur lequel repose la distinction entre consonnes
voises et non-voises. Cet intervalle, qui dpend de la langue, peut tre trs
bref et exige un contrle fin du timing de linitiation du voisement par rapport la dtente de la consonne. Cest pourquoi, le dlai dtablissement du
voisement est souvent tudi dans le contexte des troubles moteurs ou des
voix de substitution qui sont susceptibles de rendre cette coordination difficile (Bunton et Weismer, 2002).
ANALYSE
111
cycle lautre dans des squences de cycles de dure ingale, ainsi que le
tremblement des articulateurs supraglottiques (Decoster et Debruyne,
1997 ; Wolfe et Martin, 1997 ; Giovanni et coll., 1999 ; Mann et coll.,
1999 ; Schoentgen, 2003).
Corrlation
112
Les indices vocaux, dont lusage clinique est rpandu, quantifient les irrgularits des cycles vocaux. Des exemples typiques sont les quotients de perturbation de la priode et de lamplitude, la gigue en pourcentage (jitter in %),
le rapport harmonique bruit Trs souvent, le traitement du signal repose
sur des hypothses de stationnarit et de priodicit locale qui permettent
des mthodes heuristiques de dtecter et disoler les cycles de parole ou les
harmoniques du spectre. Ces heuristiques peuvent chouer lorsque la voix
est svrement enroue. Par consquent, des erreurs dinsertion ou domission de cycles ou dharmoniques sont frquentes dans le cas de signaux irrguliers. Ces erreurs biaisent les valeurs des indices mesurs. Ainsi, les indices
vocaux qui dcrivent des perturbations vocales sont considrs fiables uniquement lorsquils sont extraits de sons voiss soutenus par des locuteurs faiblement ou modrment enrous.
Un deuxime problme est la prcision de la mesure des dures des cycles de
parole. En effet, les perturbations des dures peuvent tre faibles, cest--dire
moins de 1 % pour les dures et moins de 10 % pour les amplitudes des
cycles. Par consquent, le traitement du signal est exigeant pour garantir la
ANALYSE
prcision des mesures qui sont facilement biaises par le bruit de quantification, le bruit additif
tiquetage
Ltiquetage rfre ici la coutume de donner aux indices vocaux des noms
qui font allusion aux symptmes vocaux viss et non aux grandeurs qui ont
t mesures rellement. Par exemple, des indices rsumant les dyspriodicits des dures des cycles vocaux sont souvent dsigns par le terme de gigue
vocale, quoique ces perturbations des dures soient facilement influences
par des facteurs aussi divers que la frquence phonatoire moyenne, le bruit
de turbulence, le tremblement de la frquence phonatoire, les rgimes vibratoires non-modaux et lintonation.
Redondance
Une critique souvent formule est que beaucoup dindices acoustiques sont
seulement obtenus avec fiabilit pour des fragments stationnaires de sons
soutenus. Les raisons ont t discutes dans la section sur le traitement de
signal. Une consquence est quactuellement les effets des pathologies larynges sur la parole connecte ou naturelle sont mal compris. Les problmes
non rsolus ne concernent pas uniquement le traitement de signal, mais
aussi le choix des indices phonatoires, le choix du matriau linguistique,
ainsi que lvaluation perceptuelle de fragments de parole connecte qui
sont courts ou phontiquement complexes.
Le tableau 2.I rsume quelques facteurs qui diffrencient les approches de
lvaluation de la voix.
113
Signaux
Matriaux
Symptmes
Tches
Performances
Capteurs
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117
ANALYSE
3
Mcanismes physiologiques
de la voix
Sur le plan anatomo-physiologique, la production de la parole ncessite : une
source dnergie (les poumons) ; un transducteur dnergie permettant la
transformation de lnergie arienne en onde acoustique (les plis vocaux,
anciennement appels les cordes vocales) ; un systme permettant de mettre
en forme lnergie sonore pour produire de la parole (le conduit vocal form
par les articulateurs et les cavits de rsonance). Ce modle est bas sur les
thories nonces par Fant (1970). Le larynx produit un son qui est ensuite
filtr par le conduit vocal pour faire ressortir les caractristiques de
chaque phonme (unit linguistique minimale). Les articulateurs sont les
structures anatomiques dont la morphologie se modifie pendant la parole
telles les lvres, la langue, le pharynx, le voile du palais et le larynx supraglottique. Les rsonateurs sont les cavits de rsonance (pharynx, cavits buccale
et nasale) et les cavits rigides naso-sinusiennes qui interviennent pour modifier le son laryng. La trache, dans certains cas de dysphonie, se comporte
comme un rsonateur. Les modifications de la configuration du conduit
vocal, comme par exemple la position de la langue, crent des modifications
des frquences de rsonance. Celles-ci modifient les proprits spectrales des
sons de parole appeles formants. La parole est le rsultat de leffet du filtre
acoustique du conduit vocal sur la source sonore larynge (Fant, 1970).
Ladefoged (1988) a dfini la qualit vocale comme tant le rsultat dune configuration glottique produisant un son qui est ensuite modul par le conduit
vocal. Cette dfinition est trs gnrale et sapplique toutes les productions
vocales quelles soient normales ou dysphoniques. Elle prend en compte les
deux dimensions de la voix reprsentes par le son laryng et la fonction
larynge. Lvaluation dune dysphonie comportera donc toujours une valuation du son laryng et de la fonction larynge.
119
120
Les mesures arodynamiques valuent lutilisation larynge de lair pulmonaire pour la fonction du voisement et de la parole. Les mthodes de mesure
employes en pratique clinique courante sont non-invasives. Le temps
maximum de phonation (TMP) est un test simple qui permet de quantifier
lutilisation de lair pulmonaire dans la phonation. Le sujet inspire profondment et tente de faire durer lmission dune voyelle tenue (le /a/ en gnral) le plus longtemps possible. Un temps maximum de phonation normal
est de lordre de 15 20 secondes (Woodson et Cannito, 1998). Ce temps
maximum de phonation dpend de la quantit dair contenu dans les poumons, et par consquent de la capacit vitale pulmonaire. Le temps maximum de phonation est par dfinition plus court chez la femme que chez
lhomme, et encore plus court chez lenfant. Les pathologies pulmonaires et
la chirurgie pulmonaire rduisent galement la capacit vitale. Pour corriger
ANALYSE
121
La rgulation larynge de la frquence fondamentale fait intervenir les muscles laryngs (intrinsques et extrinsques) associs la pression de lair dans
la trache et la rgion sous-glottique. Lactivit musculaire larynge dtermine
la position du pli vocal pour rguler la surface de louverture glottique (Berke
et Gerratt, 1993). Elle rgule aussi les caractristiques des composantes
vibrantes : la muqueuse et le muscle vocal. En phonation normale en mode
grave, les muscle adducteurs, et notamment les muscles thyro-arytnodiens,
crico-arytnodiens postrieurs et inter-arytnodiens sont actifs, alors que
lactivit des muscles cricothyrodiens est minime (Ayache et coll., 2002).
Le muscle thyro-arytnodien a pour action de relcher la muqueuse et
dpaissir le pli vocal, ce qui diminue la frquence fondamentale du voisement. En mode falsetto correspondant une augmentation importante de la
frquence fondamentale, lactivit du muscle cricothyrodien (le muscle tenseur du pli vocal) augmente alors que lactivit du muscle thyro-arytnodien
diminue. Cependant, les tudes rcentes en lectromyographie (EMG) semblent montrer la complexit des interactions musculaires dans le contrle de
la frquence fondamentale (Ayache et coll., 2002). Les dsquilibres musculaires sont des facteurs non ngligeables de dysfonctionnement vocal bien que
leur origine ne soit pas toujours simple dterminer (Vilkman et coll., 1996).
Biomcanique de la muqueuse des plis vocaux
122
ANALYSE
123
124
ANALYSE
125
126
Les variations de la qualit vocale refltent diffrents ajustements des organes phonatoires. La qualit de la voix est le son caractristique de la voix
dun sujet.
ANALYSE
127
Rgles mthodologiques
128
ANALYSE
Handicap et voix
Un trouble de la voix peut avoir un impact bien plus important que ne laisse
prsager la perturbation acoustique car il retentit sur la vie professionnelle et
sociale dun individu ; il retentit galement sur le mental, le physique,
lmotionnel et la communication (Smith et coll., 1996 ; Franic et coll.,
2005).
Notion de handicap
Outre lvaluation perceptive, la notion du vcu des troubles vocaux par le
sujet lui-mme, du retentissement et des consquences de la pathologie
vocale au quotidien devrait faire partie de lexpertise vocale (Wilson et coll.,
2002). Les critres mdicaux dvaluation dun trouble de la voix ne refltent pas le degr de handicap de communication. Il est important de laisser
la place lautovaluation par le patient de son degr de handicap, ce dernier ntant pas toujours corrl la ralit objective de la dysphonie.
La Classification internationale du handicap par lOrganisation mondiale de
la sant (OMS) considre le degr de handicap comme la consquence dun
trouble qui limite les activits dun individu et ceci autant cause du trouble
dit objectif que de facteurs personnels et environnementaux, qui peu-
129
vent modifier la perception que le patient a de son trouble. Cest une dfinition multidimensionnelle qui admet qu trouble similaire, deux personnes
peuvent exprimenter des limitations diffrentes de leur activit, du fait de
leurs diffrences personnelles et environnementales. Cette classification
prend en compte les aspects sociaux du handicap et propose un mcanisme
pour tablir limpact de lenvironnement social et physique sur le fonctionnement dune personne. Cest lenvironnement qui doit sadapter chaque
personne et non le contraire .
La Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la
sant (CIF) a t reconnue par 191 pays comme la nouvelle norme internationale pour dcrire et mesurer la sant et le handicap. Alors que les indicateurs traditionnels se fondent sur les taux de mortalit dans les populations,
la CIF fait passer le centre dintrt sur la vie, cest--dire la faon dont les
gens vivent avec leurs pathologies et amliorent leurs conditions de vie pour
avoir une existence productive et enrichissante. Selon lOMS10, la CIF
modifie notre vision du handicap, qui nest plus le problme dun groupe
minoritaire et ne se limite plus des tres humains atteints de dficiences
visibles ou assis dans des fauteuils roulants .
chelles dautovaluation
Les chelles dautovaluation doivent permettre de rpondre aux questions
concernant le vcu du patient par rapport sa voix, au quotidien. Plusieurs
outils dautovaluation de la qualit de vie sont actuellement notre
disposition :
le Voice Handicap Index (VHI) (Jacobson et coll., 1997) : il comprend
30 items regroups en 3 sous-chelles (physique, motionnelle, fonctionnelle) de 10 items chacune. Une grille de rponses cinq degrs de svrit
est propose. Cette grille schelonne de 0 (non, jamais de problme)
4 (oui, toujours un problme) (annexe 2). On obtient un rsultat allant de
0 120. On considre alors que plus le score augmente, plus le degr de handicap ressenti augmente et donc que la qualit de vie diminue. Cest
lchelle la plus utilise lheure actuelle (Benninger et coll., 1998 ; Murry
et Rosen, 2000 ; Rosen et coll., 2000 ; Rosen et Murry, 2000 ; Hogikyan et
Rosen, 2002) ;
le Medical Outcomes Study Short Form 36 (MOS SF-36) (Leplge
et coll., 1998) : bien que ce soit un questionnaire gnrique, le MOS SF-36
est couramment utilis dans les tudes sur des pathologies vocales. Cette
chelle sintresse huit domaines gnralement affects par une maladie ou
un traitement. Cette chelle entre dans le programme dvaluation internationale de la qualit de vie (Ware et Gandec, 1998) ; elle est traduite,
130
10. http://www.oms.fr
ANALYSE
131
132
ANALYSE
lement une dysphonie mais galement son retentissement sur le vcu vocal
dun sujet.
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137
ANALYSE
4
Pathologies associes
lusage professionnel de la voix
139
voix excdent les limites de scurit (appliques dans le cadre de la mdecine du travail) pour les autres tissus et organes du corps humain (Griffin,
1990). Cette forme de surcharge ( overdose ) induit des cycles de lsionrparation tissulaire (Titze, 1994).
Le niveau dintensit moyen de la phonation crot, chez le sujet normal,
denviron 3 dB lorsque le niveau de bruit ambiant augmente de 10 dB
(Van Heusden et coll., 1979 ; Dejonckere et Ppin, 1983) ; or, dans les jardins denfants par exemple, le niveau sonore varie couramment entre 75 et
80 dB (Truchon-Cagnon et Htu, 1988 ; Vilkman, 1996). Par ailleurs, le fait
de parler intensit plus leve entrane une augmentation de la frquence
fondamentale moyenne (0,2 0,5 demi-ton par dB, avec allure exponentielle) (Buekers et Kingma, 1997). Le fait de devoir lever la voix en contexte de classe constitue un facteur de risque pour lapparition de nodules
vocaux chez les enseignants (Perez Fernandez et coll., 2003). Par ailleurs,
dun point de vue purement phontique, le fait dlever lintensit de la voix
(par un accroissement de la pression sous-glottique) accrot principalement
lnergie acoustique des phonmes voiss, et beaucoup moins celle des phonmes consonantiques, alors que ce sont ces derniers qui sont essentiels pour
lintelligibilit de la parole (Sanders, 1993 ; Crandell et coll., 1995).
Une distinction peut tre faite entre les notions de surmenage vocal
(overuse) et de malmenage vocal (misuse) (Giovanni et coll., 2004) : le surmenage est la situation o le sujet, pour des raisons professionnelles le plus
souvent (mais parfois aussi pour des raisons psychologiques), utilise sa voix
un niveau supra-physiologique et/ou ne la repose pas adquatement. Le malmenage est une situation dans laquelle le sujet utilise sa voix de faon
incorrecte : par exemple avec des attaques vocaliques dures ou des coups de
glotte systmatiques.
140
ANALYSE
Altrations larynges
Un certain nombre daltrations larynges, en particulier de la muqueuse des
plis vocaux, sont mettre en rapport avec la notion de raction tissulaire de
surcharge biomcanique (conditions phonatoires supra-physiologiques,
phonotraumatisme) (Herrington-Hall et coll., 1988 ; Dejonckere et coll.,
1994 ; Dikkers et Nikkels, 1995 ; Colton et Casper, 1996). Il sagit, dune
part, de lrythme et de ldme des plis vocaux (notion de laryngite )
141
142
ANALYSE
143
entre les bords libres des plis vocaux une localisation particulire : lunion
du tiers antrieur et des deux tiers postrieurs cest--dire la moiti de la
partie vibrante de la corde. Ce mode vibratoire requiert trois conditions
biomcaniques : une adduction dorsale incomplte ; une position de repos
incurve (plutt que rectiligne), autour de laquelle se fait le mouvement
oscillatoire ; et une amplitude doscillation suffisante (faute de quoi le
contact na pas lieu) (Dejonckere et coll., 1994 ; Dejonckere, 2001a)
(figure 4.2). Il en rsulte un contact limit entre les bords libres des plis
vocaux, environ lunion du tiers ventral et du tiers moyen. cet endroit se
focalise le phonotraumatisme, consistant en une alternance de percussions
et de tractions, ces dernires dues aux forces dadhsion et de cohsion du
mucus. Le modle simule une oscillation damplitude croissante (de gauche
droite), symtriquement par rapport une position de repos lgrement
incurve. Cette incurvation peut rsulter de la prdominance des forces lastiques (ligament vocal-cone lastique) lorsque le muscle vocal prsente un
certain degr dhypotonie (par exemple d la fatigue). Une amplitude suffisante est ncessaire, faute de quoi il ny a pas de contact.
144
ANALYSE
Figure 4.3 : Diffrents stades volutifs de nodules vocaux sur le plan histopathologique. A : Image normale ; B : dme sous-pithlial ; C : dme faisant place un processus de fibrose, lpithlium peut donner lieu de la
kratose ; D : Reste ddme sous-pithlial, fibrose et hyperplasie pithliale ; E : Fibrose sous-pithliale (daprs Chagnon et Stone, 1996)
145
Prdominance fminine
La pathologie vocale en gnral, et les nodules vocaux en particulier, surviennent de faon trs largement prpondrante chez la femme. Le principal
facteur est la frquence vibratoire moyenne de la voix parle, et donc la frquence du microtraumatisme ventuel (115 Hz chez lhomme et 210 Hz
chez la femme) (Kawase et coll., 1982 ; Dejonckere, 2001b) (figure 4.4).
146
Par ailleurs, une lgre insuffisance docclusion glottique dorsale est presque
considrer comme physiologique chez la femme (majorit des sujets normaux) (Sulter et coll., 1996). Lincurvation du bord libre apparat avec la
fatigue vocale, et lamplitude doscillation suffisante requise pour provoquer
le microtraumatisme accompagne naturellement la projection vocale et la
ncessit dlever le niveau sonore. Les patientes porteuses de nodules
vocaux semblent en effet avoir en moyenne un profil psychologique les portant ragir la fatigue vocale dbutante par un comportement de forage
(Roy et coll., 2000). La rversibilit, qui peut sestimer par une observation
ANALYSE
Figure 4.4 : Histogramme de frquence des cas de nodules vocaux diagnostiqus dans un centre hospitalier universitaire, selon lge et le sexe (daprs
Dejonckere et coll., 1994)
147
148
Nanmoins, Simberg (2004) arrive la conclusion quun traitement fonctionnel (rducatif) donn en petits groupes aux tudiants problmes
vocaux identifis par un test vocal de dpistage constitue une mthode
conomiquement rentable pour traiter des problmes vocaux encore discrets un stade prcoce.
ANALYSE
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ANALYSE
5
Donnes pidmiologiques
Une revue de la littrature scientifique a t ralise en se limitant essentiellement aux parutions des dix dernires annes. Les auteurs retenus sont
essentiellement internationaux avec une reprsentation dquipes europennes. Les publications franaises concernant les troubles de la voix sont trs
peu nombreuses, aussi bien dans le domaine des spcialits de lORL ou de la
phoniatrie, que dans les domaines de la mdecine du travail, de la sant
publique, et de la mdecine de prvention.
Cette pnurie franaise peut sexpliquer par diffrentes hypothses : les phoniatres (spcialit de lORL dans la plupart des pays europens) sont peu
nombreux ; les publications sont sur de petits chantillons de populations
trs spcifiques (surtout artistes, chanteurs), cependant la phoniatrie nest
pas limite au domaine de lart ; la mdecine du travail et la mdecine de
prvention ne publient pas assez sur ce sujet.
Dans lesprit du public, le consultant de premier recours est probablement
lORL ou le mdecin gnraliste. La comptence spcifique des phoniatres
est probablement moins connue du grand public. La comprhension des spcificits de survenue des troubles de la voix nest pas suffisamment diffuse et
connue dans la population gnrale.
153
5,0
4,5
4,0
3,5
3,0
2,5
2,0
1,5
1,0
0,5
0
B
DK
Finl
NL
PL
UK
tablissements denseignement
suprieur
Enseignants
887 600
88 800
419 400
56 800
154
Donnes pidmiologiques
ANALYSE
155
156
Les tablissements scolaires bnficient peu de la visite dun mdecin de prvention dans le cadre de lactivit de tiers temps (permettant ltude des
conditions relles du mtier denseignant). Les points surveills et renseigns
sont pour lessentiel : lhygine des cuisines, la scurit des ateliers, la scurit des laboratoires, lergonomie des salles de classe (sans dtails). La lourdeur des tches administratives et la multiplicit de partenaires semblent un
facteur limitant pour le fonctionnement des services de prvention. Les
moyens dvolus la mdecine de prvention servent prioritairement au
suivi des personnels en difficult . Cette activit tant qualifie de
prvention secondaire .
Donnes pidmiologiques
ANALYSE
11. Ltude E3N est la composante franaise de lEuropean Prospective Investigation into Cancer
and Nutrition (EPIC) coordonn par le Centre International de Recherches sur le Cancer (CIRC).
157
158
Les tudes sur les troubles de la voix impliquent de dfinir dune part le
terme trouble de la voix et dautre part la mthodologie de production des
donnes.
Donnes pidmiologiques
ANALYSE
Problme de dfinition
159
160
Laguaite, 1972
7-15
3-9
Donnes pidmiologiques
ANALYSE
Lsions larynges
Herrington-Hall et coll. (1988), dans une tude rtrospective chez des consultants en ORL (n = 1 262), notent que les lsions larynges les plus frquentes sont les nodules, ldme, les polypes, les dysphonies fonctionnelles
et psychogniques ne constituant que 2,4 % et 2,6 % respectivement des
pathologies larynges (tableau 5.III).
Tableau 5.III : Principales pathologies rencontres par les consultants ORL
(N = 1 262) (daprs Herrington-Hall et coll., 1988)
Pathologies
Nodules
21,6
dmes
14,1
Polypes
11,4
Absence danomalies
7,9
Laryngites
4,2
Dysphonies fonctionnelles
2,4
Dysphonies psychognes
2,6
Pourcentage
denseignants parmi
les consultants
Pourcentage de la population
active reprsente
par les enseignants
1981-1983
(sur 3 ans)
1 262
3,4
nc
1991-1993
174
16,4
4,2
Fritzell, 1996
Sude
1992-1993
(sur 6 mois)
1 212
16,3
5,9
448
15,0
nc
Rfrences
Pays
1998
nc : non communiqu
162
Donnes pidmiologiques
N
total
Retrait
Examen
normal
Nodule
dme
Polype
Problme
psychologique
Cancer
Autres
pathologies
196
20
25
59
92
Femme au foyer
98
19
23
19
15
11
11
Ouvrier
53
21
16
Sans emploi
30
10
Dirigeant
22
10
12
Enseignant
26
13
tudiant
14
14
Secrtaire
11
Chanteur
13
13
Infirmire
ANALYSE
Type dtablissement
N
(Ens/N Ens)*
lmentaire
1 243/1 279
11,0
6,2
Primaire et secondaire
242/178
15,0
6,0
Le tableau 5.VII rapporte les frquences de troubles de la voix chez les enseignants (au moins une fois au cours de la carrire).
163
Niveau
Population
(N)
Maternelles
Primaire
Collges
Puyelo-Sanclemente, Primaire
1993
Roy et coll., 2004b
Primaire et
lmentaire
Questionnaire
40
nc
51
96,7
66
48
95-98
nc
58
307
258
763
1 243
Nbre
Troubles
Retour de
questionnaires dcoles de la voix
(%)
(%)
49
Transmis par
les directeurs
dcoles
nc : non communiqu
Donnes pidmiologiques
ANALYSE
Enseignants dbutants
Les tudiants en gnral constituent une population risque vocal. Dans
ltude de Herrington-Hall et coll. (1988), ils sont le 7e groupe le plus
important de consultants pour troubles vocaux (n = 1 262). Pour Fritzell
(1996), sur une priode de 6 mois dactivit, ils reprsentent le 4e groupe de
patients qui consultent pour troubles de la voix.
La symptomatologie exprime est varie, en particulier chez des tudiants en
chant. Selon Sapir et coll. (1996), 61 % des tudiants atteints de troubles de
la voix se plaignent de trois symptmes et plus, et 47 % dclarent avoir
recours des soins mdicaux pour problmes de voix depuis le dbut de leur
activit de chant.
Simberg et coll. (2000) notent que, ds le premier mois dactivit, 34 % des
enseignants dbutants (n = 226) se plaignent de deux (ou plus) symptmes
vocaux. Au bout dun an dactivit, ce chiffre se stabilise 20 %. Lexamen
laryngoscopique des enseignants se plaignant de troubles vocaux met en vidence des lsions type de nodules chez 21 % des examins, ce qui corres-
165
166
Donnes pidmiologiques
Pathologies
0-14 ans
15-24 ans
25-44 ans
45-64 ans
Nodules
74
35
103
51
Polypes
46
61
26
dme
17
67
57
33
Absence danomalies
27
42
20
+ de 64 ans
Laryngite
21
17
10
Dysphonies
fonctionnelles
11
20
83
196
180
93
93
356
435
285
Autres
Total
ANALYSE
Tableau 5.VIII : Distribution des pathologies larynges selon lge (HerringtonHall et coll., 1988)
Pourcentage de troubles
de la voix
Roy et coll. (2004b) relvent que, lorsque les questionns sont affects dun
trouble de la voix, 18,6 % ont un trouble chronique (plus de 4 semaines). Il
existe une volution dans le temps, illustre par une augmentation de la prvalence, aussi bien chez les enseignants que chez les non-enseignants. Les
enseignants interrogs rapportent plus de troubles de la voix partir de la
tranche dge 40-49 ans (figure 5.2). Dans la tranche dge 50-59 ans, il
existe un pic important de personnels enseignants souffrant datteinte de la
voix. Selon Roy et coll. (2004b), le genre fminin, la dure denseignement
(16 ans et plus), des pisodes de rhinites, asthmes, atteinte des sinus, affections des voies ariennes suprieures sont significativement associs avec des
troubles de la voix. Russell et coll. (1998) relvent galement que les enseignants de plus de 50 ans se plaignent davantage de problme de voix.
Dautres auteurs rapportent que la relation avec lge est associe avec une
recherche de bilan vocal (Labastida, 1961), ainsi que la survenue de pathologies larynges avec un trouble fonctionnel de la voix pour la tranche dge
45-64 ans (Coyle et coll., 2001).
16
14
12
10
8
Enseignants
Non enseignants
6
4
2
0
20 - 29 ans
30 - 39 ans
40 - 49 ans
50 - 59 ans
60 et plus
Figure 5.2 : Troubles de la voix en fonction de lge (daprs Roy et coll., 2004b)
167
Facteurs environnementaux
Le bruit, les substances toxiques de lenvironnement sont des facteurs majeurs
que lon devrait prendre en compte systmatiquement dans toutes les tudes
sur les troubles de la voix.
Bruit
Leffet Lombard est laugmentation de la production vocale ds que le bruit
ambiant augmente. Cet effet quasi physiologique est la mise en vidence de la
boucle audio-phonatoire qui est un facteur majeur de forage vocal. Il est souvent trait comme une vidence dans les tudes sur les troubles de la voix et
comme une donne acquise rapporte de mauvaises qualits acoustiques des
locaux. Ce facteur particulier est une valeur physique mesurable (peu mesur, il
nest pas un lment de la culture mdicale ), qui peut tre utilise pour les
tudes des troubles de la voix. Il se situe la limite des comptences des mdecins et met en lumire la ncessit dune quipe pluridisciplinaire pour les
tudes en milieu professionnel.
Notion de rverbration
La diffusion dun bruit se fait dans toutes les directions partir dun point
source (par exemple le locuteur) avec les caractristiques physiques dune onde
sonore. Une premire onde, ou onde directe, atteint le rcepteur (par exemple
llve) directement avec un maximum dnergie. Il existe des ondes subissant
des rflexions (avec plus ou moins dattnuation) en rencontrant diffrents
lments matriels (plus ou moins absorbeurs de lnergie acoustique) qui continuent se propager et reviennent nouveau vers le rcepteur. Ces ondes, en
fonction du temps, vont dcrotre vers le rcepteur et contribuent la notion
de rverbration (au maximum avec un effet dcho) (figure 5.3). Le message
auditif est plus facile comprendre si le temps de rverbration est faible. La
taille des locaux est un facteur majeur de rverbration (gymnase, rfectoire),
la nature des matriaux intervenant galement dans une moindre mesure.
Son direct
Premires rflexions
Sons rverbrs
Bruit
168
Temps
Donnes pidmiologiques
ANALYSE
En France, le bruit dans les coles a fait lobjet de larrt du 25 avril 2003
relatif la limitation du bruit dans les tablissements denseignement. Ce
texte ne sapplique que pour les tablissements neufs et les parties nouvelles.
Comme lindique le tableau comparatif (tableau 5.IX), les limites recommandes par cet arrt sont plus leves que les recommandations de lOMS. Pour
dautres situations (lyce technique par exemple), les limites en matire de
bruit sont fixes par le code du travail (<85 dB).
En fvrier 2004, le Ministre de lcologie dans le cadre du plan national de
lutte contre le bruit a entrepris la rhabilitation acoustique des tablissements
accueillant de jeunes enfants soit 500 cantines scolaires, 500 crches,
500 salles de repos dcole maternelle et 250 tablissements de sport rgulirement utiliss par les scolaires. Au motif que : les lves ont des difficults
dattention car aucun endroit calme ne leur est rserv (des niveaux de
90 dB(A) sont couramment observs) , lobjectif est autant que faire se
peut de ramener le niveau sonore dans les locaux 70 dB(A) avec un temps
de rverbration 1,2 s .
La notion du bruit, demble circonscrite dans un niveau purement acoustique
en particulier pour les mesures atteindre, ne prend pas suffisamment en
compte la fonction de communication dun message informatif, objectif primordial de lactivit vocale de lenseignant. Il existe une entit metteur-rcepteur dun point de vue acoustique, mais aussi un couple enseignant-lve. Une
agence gouvernementale amricaine (United States Access Board) rsume ce que
les parents attendent de la qualit et de lefficacit de lcole frquente par
leurs enfants. Les enseignants sont-ils bons ? Expriments ? Les livres et le
matriel sont-ils rcents, efficaces ? Les enfants ont-ils accs des mthodes
modernes, des ordinateurs et autre technologies ? Mais cette agence souligne
aussi une question trs importante souvent oublie et non remarque par le
public : est-ce que mon enfant entend et comprend ce qui se dit dans la salle de
classe ?
Bruit environnemental en dehors de lcole
169
tats-Unis
American Speech-language
Hearing Association (2005)
ANSI S12-60 2002
30 dB : salle vide
35 dB : 566 m3
40 dB : > 566 m3
Leq dB(A) sur 1 heure continue la
plus bruyante
Grande Bretagne
Building Bulletin 93
OMS
Recommandations WHO
35 dB
Leq dB(A) sur le cours
<1s
< 0,6 voire infrieur pour mal-entendants
France
Arrt du 25 avril 2003
Bruit continu
33 dB : bibliothques, salle
musique, salle repos, infirmerie
38 dB : locaux denseignements
Bruit intermittent
38 dB : bibliothques, salle
musique, salle repos, infirmerie
43 dB : locaux denseignements
Bruits dus aux quipements
techniques du btiment
* Tr60 : temps mis par lnergie sonore pour dcrotre de 60 dB lextinction de la source sonore ; Leq : level equivalent
170
Les jeunes enfants ont des capacits dattention rduites et une grande
distractivit ; leur habilet entendre et discriminer le message dans la
parole est limite. Cette capacit est particulirement peu mature jusqu
lge denviron 13 ans (Crandell, 1995). De nombreuses tudes ont tabli
que les enfants plus jeunes sont plus vulnrables aux effets polluants du
bruit et de la rverbration (Dockrell, 2004). Pour les enfants en cole
maternelle (de 2 ans 6 ans), ceux gs de 6 ans font un usage des informa-
Donnes pidmiologiques
ANALYSE
tions tires du visage de lenseignant ; mais tous sont capables destimer les
situations de difficults entendre lenseignant. LAmerican Speech-Language Hearing Association (ASHA, 2005) a relev de nombreuses tudes qui
concluent que pour les enfants dont la langue maternelle nest pas la
langue enseigne, pour les enfants souffrant de troubles des apprentissages,
de troubles de lattention et de troubles auditifs, une puissance acoustique
plus importante (rapport signal/bruit) est ncessaire. La prvalence de
lotite moyenne chez lenfant est estime 70 % pour les enfants dge
infrieur 5 ans et 14 % pour ceux de 5-17 ans avec une perte auditive
de 20 dB.
Donnes sur le bruit mesur dans les coles
Pays/lieux
Nombre moyen
dlves
ge moyen
(ans)
Bruit (dB)
Finitzo-Hiebert,
1988
tats-Unis
Dallas et Chicago
25
nc
58-60 dB
Hay et Comins,
1995
Grande-Bretagne
22-30
7-12
Shield
et Dockrell, 2004
Grande-Bretagne
Londres
Extrieur 142 coles
Intrieur 16 coles
7-32
4-11
171
lorsquelles sont en activit. noter quil existe une influence des systmes
de chauffage, de ventilation avec air conditionn, qui est un facteur de
majoration du bruit de fond. Lenvironnement bruyant de lcole (aroport,
trafic routier) est prendre en compte (66 dB en classe). Le bruit dans les
classes de cours semble varier dans son intensit suivant les enseignants
(Comins, 1995), ce qui amne se poser la question de facteurs non acoustiques dans la survenue du bruit. En France, Sarfati (1987) voquait la ncessit de la thtralisation de lenseignement comme mesure permettant de
moins forcer sur son organe. Concernant des enseignants dbutants adresss
par le rectorat pour bilan phoniatrique, il remarquait une thtralisation
moyenne.
Toxicologie
Pendant plusieurs annes, les enqutes sur les troubles de la voix menes
chez les enseignants relevaient dans les rponses des personnes
questionnes : la qualit de lair (dry), la poussire (dusty) et ces items
taient transcrits de faon trs imprcise. La littrature est pauvre dans ce
domaine, mais on devrait tre plus vigilant compte tenu de lexistence possible de nombreux polluants dans lenvironnement en situation de travail.
La littrature en mdecine du travail sur les polluants et la survenue dpisode pneumologique (syndrome de Brooks, asthme professionnel, pneumopathie alvolaire) est au contraire trs abondante. Du fait de la structure
anatomique et cellulaire du larynx analogue lpithlium bronchique, les
futures enqutes devraient tenir compte des circonstances environnementales non seulement dans lapparition des problmes pulmonaires mais aussi
dans celle des troubles de la voix.
172
Une valuation a priori des risques devrait tenir compte des polluants dj
recenss et des activits particulires (colles, peinture, autres) ou ralisations de travaux du btiment dans les locaux denseignement pendant les
heures doccupation par le personnel enseignant. Dans dautres secteurs
dactivits professionnelles, ces notions de pollutions environnementales
ont t releves dans leur lien avec la survenue de dysphonie. Perkner et
coll. (1998) ont soulign le rle de polluants dans la survenue de syndrome
de dysfonction des cordes vocales dont le diagnostic est souvent confondu
avec lasthme. Richter et coll. (2002) ont mis en vidence des circonstances datteintes larynges chez des chanteurs dopra par des substances utilises dans les dcors ou utilises lors de la mise en scne. Cette tude est
rvlatrice de la complexit dune situation de travail, car elle met en vidence les conditions de survenue dun accident dexposition avec des polluants dans le cadre dune activit artistique a priori sans rapport avec
celui-ci (par exemple du formaldhyde dgag par du charbon, de la silice
inhale pendant une rptition) (tableau 5.XI).
Donnes pidmiologiques
Rfrences
Substances
ANALYSE
Turner, 1991
Acide sulfurique
Ammoniaque
Inflammation exprimentale
Charbon de bois
Hemmage, toux
Diquat (pesticides)
Dysphonie
Formaldhyde
Laryngite
Formaldhyde
Gaz fron
Pharyngo-laryngite
Isocyanates (mousse)
Brown, 1954
Mercure
Dysphonie
Pollens
Dysphonie et asthme
173
estim 18,3 %. Dans ltude de Russel et coll. (1998), 37,8 % des enseignants ont t absents au moins un jour lanne prcdente du fait de troubles
de la voix. Dans ltude dUrrutikoetxea et coll. (1995), 17 % des professeurs
ont t en arrt de travail un certain moment cause de leur voix.
En France, nous navons pas trouv de donnes particulires. Mais concernant lenseignement de second degr, partir de 55 ans, un professeur sur
trois est temps partiel (modalit moins utilis par les hommes). Ds 35 ans,
le temps partiel est 10 fois plus utilis par les femmes que par les hommes.
Consquences financires
Aux tats-Unis, le cot li labsentisme et aux traitements mis en uvre
est estim par Verdolini et Ramig (2001) 2,5 billions de dollars par an.
Pour lanne 2000, avec 2,9 millions denseignants dans le secteur public, le
Centre national de statistique de lducation des tats-Unis (Lubman et
Sutherland, 1999) a estim les rpercussions de la pollution lie au bruit
dans les classes 2 jours par an dabsentisme d aux troubles de la voix ; un
cot de remplacement de lenseignant pour un montant de 220 $ par jour
(un cot annuel cumulatif de 638 millions de dollars, soit par tablissement
denseignement le montant de 7 500 $ de cot pour le budget).
Dans certains pays europens (Angleterre, Finlande, Pologne), les troubles de
la voix lis lexercice professionnel sont reconnus comme des atteintes pour
maladies professionnelles (Vilkman, 2004). Ainsi, en Pologne, cest le plus
grand groupe datteintes professionnelles dclares ; en 2002, 1 225 nouveaux
cas dclars soit une augmentation dun quart un tiers depuis 5 ans. En Finlande, 10 % des enseignants ont un problme svre , 5 % ont une capacit professionnelle remise en cause (Vilkman, 2000). Pour Vilkman, cette
absence de reconnaissance en maladie professionnelle dans beaucoup de pays
est souligner et revt un caractre injuste.
174
Des tudes initiales avaient relev des atteintes plus frquentes chez les
enseignants en cole primaire. Les tudes plus rcentes et mieux construites
mettent en vidence que certains postes pourraient tre plus risque (chimie, chant). Lexistence dans la carrire dantcdents de troubles de la voix
est constante.
Donnes pidmiologiques
ANALYSE
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179
ANALYSE
6
Mthodes diagnostiques
Bilan fonctionnel
Le bilan fonctionnel comporte trois parties : linterrogatoire du patient,
lanalyse perceptive de la voix et lanalyse subjective par le patient de son
handicap vocal.
Interrogatoire
Linterrogatoire du patient est sans doute la partie la plus longue car il est
important de comprendre quelles sont ses plaintes et comment la voix est
utilise. Linterrogatoire permet dans le mme temps de faire lanalyse perceptive de la voix.
Bien videmment, on va senqurir de lutilisation professionnelle de la voix
parle, mais aussi porte ou projete ( forte intensit) et de la voix chante,
181
du nombre dheures par jour et par semaine, des conditions de travail (bruit
ambiant, acoustique de la salle, scheresse de lair, milieu extrieur).
Il faut rpertorier les plaintes : la fatigue et le forage vocal sont en gnral les
premires manifestations, saccompagnant dun essoufflement la phonation,
dune altration de la hauteur tonale (voix aggrave ou dcale dans laigu),
de limpossibilit de chanter ou de moduler, de modifier le timbre (raucit,
voix criarde, nasillarde), de la perte du contrle de lintensit. Il faut connatre lanciennet des troubles, leur frquence de survenue, la capacit de rcupration (le lendemain, pendant le week-end, ou peu peu, seulement
pendant de petites vacances ou les grandes vacances pour un enseignant).
On recherchera les symptmes associs : inconfort, douleur, toux, hemmage
(tics de raclement de gorge), sensation de boule dans la gorge . Les facteurs favorisants ou aggravants communs toute pathologie vocale seront
galement recherchs : le tabagisme actif ou passif, lallergie respiratoire, certains traitements mdicaux (hormonaux, vise dermatologique), les antcdents mdicaux, chirurgicaux, traumatiques tels un coup du lapin, des signes
de reflux gastro-sophagien, une diminution de laudition, des douleurs cervicales (Hillman et coll., 1989 ; Bouchayer, 1995 ; Stemple et coll., 1995 ;
Rantala et coll., 1998 ; Airo et coll., 2000 ; Szabo et coll., 2003).
Ce long entretien permet dvaluer les plaintes du patient, dapprcier ses
contraintes professionnelles, dvaluer son tat psychologique et le retentissement ventuel des troubles vocaux, dcouter la voix et den faire une analyse perceptive tout en apprciant le geste vocal (technique respiratoire,
posture, dtente notamment du cou et des mchoires) et de demander au
patient dautovaluer la qualit de sa voix.
Analyse perceptive
Lanalyse perceptive de la voix est effectue laide de lchelle GRBAS,
dcrite par Hirano (1981), trs largement utilise dans le monde, dont la
validit et la fiabilit ont t dmontres par de nombreuses tudes. Cette
chelle comporte les items suivants : grade (impression globale de la qualit
de la voix ou degr daltration), roughness (raucit), breathiness (souffle audible), asthenicity (voix hypotonique, faible, peu intense), strained (voix hyperkintique, serre, force), auquel on peut ajouter un item I pour instabilit
(Crevier-Buchman et coll., 1993 ; Millet et Dejonckere, 1998). Chacun des
items de lchelle est cot de 0 (normal ou absent) 3 (trs altr).
Analyse subjective ou autovaluation
182
Lanalyse subjective par le patient de son handicap vocal peut tre faite
laide de diffrents questionnaires dont le plus complet (exploration des
domaines physique, fonctionnel, motionnel) et le plus long est le Voice
Mthodes diagnostiques
ANALYSE
Mesures acoustiques
Tous les paramtres acoustiques de la voix peuvent tre altrs : la hauteur
(ou frquence ou tonalit), lintensit, le timbre qui donne toute la couleur
la voix, mais aussi le dbit ou larticulation.
Les mesures acoustiques sont non invasives (innocuit totale). Elles donnent
des rsultats quantitatifs objectifs dun chantillon de voix et sont maintenant informatises.
Diffrents problmes mritent dtre soulevs car il nexiste pas vraiment,
lheure actuelle, de consensus mme si la Socit europenne de laryngologie a formul des recommandations. Cela tient la complexit physioacoustique de la phonation et linstabilit du signal vocal.
Les difficults sont lies aux diffrentes faons de recueillir le signal acoustique, lchantillon de voix qui est analys. Elles sont fonction du matriel
disponible et des habitudes de chacun et suscitent toujours des dbats entre
les experts. Les diffrentes publications refltent bien cette absence de procdure standard ou de normalisation ; quil sagisse de ltude des voix normales ou pathologiques, de la comparaison des chanteurs et des nonchanteurs, des analyses sur des voyelles tenues, de la parole spontane ou sur
un texte de lecture, du recueil du signal microphonique (quel micro, quelle
distance ?), du signal lectrolaryngographique (bas sur la mesure de la
variation de limpdance lectrique des tissus du cou, reprsentant lalternance des phases de contact et douverture des cordes vocales), de lvaluation globale comme le phontogramme ou la mesure dindices particuliers
partir des paramtres acoustiques, dont 250 ont t rpertoris. Enfin, si les
systmes danalyse sont informatiss, il existe des programmes ddis des plus
simples aux plus sophistiqus, des plus classiques aux plus rcents tels les systmes MP3.
Classiquement, on analyse la frquence vocale, lintensit et le timbre.
183
Frquence fondamentale
La frquence fondamentale ou F0, exprime en Hertz ou en notation musicale, est appele aussi fondamental usuel (tonalit la plus souvent utilise
par un sujet donn). Elle peut tre visualise sous la forme dune courbe
mlodique si lanalyse est continue, ou moyenne (histogrammes). Ses
micro-perturbations (fluctuations court terme), responsables dirrgularits
dans la voix, sont exprimes par un cfficient appel jitter.
Intensit
Lintensit, exprime en dcibels (dB), est calcule sur une moyenne ou sur
des intensits sonores minimale et maximale. Les micro-perturbations de
lamplitude dun cycle lautre sont exprimes par le schimmer.
Analyse du timbre
Lanalyse du timbre est plus complexe. Lanalyse spectrale des harmoniques
qui portent une certaine quantit dnergie apparat sous forme de raies. Elle
est surtout utilise dans lanalyse de la parole et de la voix chante. Elle renseigne sur la quantit de souffle sur la voix (considr comme un bruit) et
sur le degr dinstabilit du signal. La mesure la plus classique est celle du
rapport nergie des harmoniques/nergie du bruit ou HNR, exprim en dB.
Diffrentes analyses sont possibles selon que lon veut tudier les harmoniques (spectre bande troite ou bandes larges) pour les formants des voyelles ou des consonnes sonores dans larticulation. Le HNR diminue avec lge
alors que linstabilit vocale augmente. Lanalyse spectrale moyenne de
longue dure ou LTAS (Long Time Average Spectrum) montre une augmentation de lnergie dans les hautes frquences en cas de fatigue vocale
(Dejonckere, 1986 ; Gramming, 1991 ; Crevier-Buchman et coll., 1993 ;
Eustace et coll., 1996 ; Gelfer et coll., 1996 ; Rantala et coll., 1997 ; Harris
et coll., 2000 ; Ferrand, 2002 ; Orr et coll., 2002 ; Gonzalez et coll., 2003 ;
Guerrier et coll., 2004).
Phontogramme
184
Mthodes diagnostiques
ANALYSE
lintensit la plus faible possible sur toute ltendue de la voix. Il a fait lobjet
de nombreuses tudes, comparant des sujets chanteurs et non chanteurs. Il est
intressant de faire un phontogramme par registre laryng. Les deux principaux registres sont dsigns de la faon suivante : chest ou modal ou mcanisme I ou lourd pour la voix de poitrine ou mdium ; falsetto pour
lhomme, head pour la femme ou mcanisme II ou lger pour la voix aigu
ou de tte. Les deux phontogrammes sont superposs et renseignent aussi
bien sur la technique vocale que sur les capacits acoustiques du vibrateur
laryng. On a propos aussi un phontogramme en trois dimensions, en y
associant une mesure arodynamique celle du temps de phonation (Gramming, 1991 ; Dejonckere, 1996 ; Neuschaefer-Rube et coll., 1997 ; Harris et
coll., 2000 ; Roubeau et coll., 2004).
Mesures arodynamiques
Les mesures arodynamiques apprcient la qualit du souffle, qui va conditionner la qualit de lmission vocale. Certaines sont simples, non invasives
et ncessitent seulement un chronomtre.
Bilan tiologique
Lexamen clinique est fait par un mdecin spcialiste, ORL ou phoniatre.
Aprs une palpation soigneuse du cou, les cavits de rsonance sont
inspectes : nez, bouche, tat dentaire, articulation temporo-mandibulaire.
Deux organes sont essentiels dans larticulation et la fabrication du timbre
185
de la voix : la langue (mobilit et position de repos, qui ne doit pas tre trop
recule ou trop ascensionne, idalement la pointe contre les dents du bas)
et le voile du palais (longueur, mobilit).
Endoscopie larynge
Lendoscopie larynge est ltape capitale du diagnostic. Ralise avec un
systme optique, fibre souple introduite par le nez (nasofibroscopie) ou
endoscope rigide dans la bouche, elle seule permet dapprcier la morphologie du larynx, la dynamique larynge et de visualiser la vibration des cordes
vocales par la stroboscopie. Ltude du comportement laryng se fait en
phonation sur une voyelle tenue // ou /i/ diffrentes hauteurs tonales
(mcanisme I et II) et intensit confortable et forte. Sont tudis la forme
des cordes vocales, la couleur, la longueur, la mobilit en respiration et en
phonation, la rgularit de la face suprieure et du bord libre (existence de
lsions uni- ou bilatrales), la qualit de la fermeture ou daccolement, la
symtrie, la position et laspect des cartilages arytnodes, les commissures
antrieure et postrieure, les bandes ventriculaires. Lorsque lon dispose
dune lumire stroboscopique (que tous les spcialistes nont pas en raison
de son cot), une analyse plus fine du comportement vibratoire peut tre
faite : rgularit, amplitude, symtrie de phase et damplitude de la vibration (le critre le plus difficile valuer tant lasymtrie), les phases de fermeture et douverture et leur dure relative, la prsence et la libert de
londulation muqueuse, le comportement vibratoire de la lsion sil en
existe. Cet examen peut tre film et enregistr (document mdicolgal)
(Bouchayer, 1995 ; Dejonckere, 1998 ; Millet et Dejonckere, 1998 ; Kelly
et Fischer, 1999 ; Harris, 2000). Il existe un protocole dexamen standardis
propos par la Socit europenne de laryngologie (Dejonckere et coll.,
2003).
Au terme de ce bilan vocal, qui doit comprendre au moins un bilan fonctionnel, des mesures acoustiques (frquence fondamentale, intensit), un
TMP et une endoscopie larynge, le diagnostic de la dysphonie est le plus
souvent tabli : dysphonie purement dysfonctionnelle avec cordes vocales
anatomiquement normales, ou lsion des cordes vocales dans un cadre souvent dysfonctionnel. Les lsions bnignes les plus souvent rencontres,
notamment chez les enseignants, sont les nodules bilatraux, le polype unilatral, ldme des cordes vocales.
186
Mthodes diagnostiques
ANALYSE
Il peut parfois tre ncessaire davoir recours dautres examens pour prciser un diagnostic ou proposer une prise en charge particulire.
Autres examens
Ils seront demands en fonction de la pathologie rencontre ou souponne :
preuves fonctionnelles respiratoires, en cas de problme ventilatoire ou
dasthme ;
imagerie mdicale : radiographie du rachis cervical (traumatisme, raideur,
inversion de courbure), scanner du larynx avec ou sans injection en cas de
tumeur, de traumatisme, de trouble de la mobilit (paralysie rcurrentielle,
atteinte de larticulation crico-arytnodienne), IRM, lectromyographie
larynge qui est un examen invasif ncessitant une quipe entrane avec
ORL-phoniatre et neurophysiologiste. Llectromyographie larynge sera
demande devant un trouble de la mobilit et surtout pour faire le diagnostic
et le traitement dune dystonie larynge (dysphonie spasmodique) par injection de toxine botulique (Marion et coll., 1992 ; American Association of
Electrodiagnostic Medicine, 2003 ; Sataloff et coll., 2003) ;
bilan de laudition : il est effectu en cas de gne auditive avre ou de
gne dans le bruit, ce qui est une plainte frquente. Laudiomtrie classique
(tonale en conduction arienne et osseuse avec tympanomtrie et recherche
du rflexe stapdien) peut tre complte par un test de rsistance de lintelligibilit vocale dans le bruit (Elbaz et coll., 1992 ; Garin et Galle, 2002).
Enseignants
Des tudes ralises sur des groupes denseignants, tentent de dgager quelques notions cls videmment connues depuis longtemps : un des problmes auxquels lenseignant est confront est de garder une voix en bonne
sant (Orr et coll., 2002), et de nombreux troubles vocaux sont lis une
surcharge vocale pouvant tre value sur deux critres qui sont le temps de
parole et le niveau sonore pendant le travail (Airo et coll., 2000).
Le bruit ambiant est un flau car il affecte lintelligibilit du langage, donc
du message que transmet lenseignant, compromettant ainsi lapprentissage
de ses lves. Il est responsable aussi daltration de laudition. LOMS
recommande de ne pas dpasser un seuil de 75 dB pendant 8 heures pour
viter une perte auditive, seuil qui nous semble dj lev.
Rappelons quen France, il existe le dcret n 2001-1016 du 5 novembre
2001 portant cration dun document relatif lvaluation des risques pour
187
Bruit ambiant
Le bruit ambiant a t mesur dans un jardin denfant en Sude par deux
tudes. La premire tude rapporte des seuils allant de 72 88 dBA, avec des
pics de 117 120 dBA (Szabo et coll., 2003). Ces rsultats sont corrobors
par ltude de Sdersten et coll. (2002), avec un bruit ambiant moyen de
76,1 dBA, ce qui dpasse de 20 dB la valeur recommande pour que lintelligibilit soit conserve (50 55 dBA). 50 dBA, lintelligibilit est maintenue 99 %.
Les enseignants les plus touchs par les problmes vocaux sont ceux du primaire (fatigue vocale et nodules), les professeurs dducation physique et
sportive et les professeurs de musique et de chant.
Selon une tude finlandaise (Simberg et coll., 2001), 20 % des tudiantsenseignants ont un problme de voix car, dune manire gnrale, ils parlent
plus fort et plus longtemps que les autres.
Le temps moyen de phonation pour des enseignants de maternelle reprsente 16,9 20 % du temps total analys sur une journe de travail, alors
quil est en moyenne de 5 % pour le personnel mdical ou administratif et de
7 % pour un phoniatre (Sdersten et coll., 2002 ; Szabo et coll., 2003). Les
enseignants de maternelle ont une intensit moyenne plus forte de 9,1 dB et
utilisent une voix plus aigu, avec une moyenne de 247 Hz pour les femmes
qui se sont prtes cette tude, alors que leur frquence moyenne usuelle
est de 202 Hz.
Une tude amricaine (Wolfe et coll., 2002) a rvl que 44 % des professeurs darobic, qui utilisent une voix projete ( forte intensit) en mme
temps quils font un exercice physique, avec un temps de phonation long, se
plaignent dune perte partielle ou totale de leur voix pendant ou aprs leur
cours, dun enrouement et utilisent une frquence fondamentale de voix
plus aigu.
Les plaintes les plus frquentes sont un enrouement le matin (28 %), un
hemmage (20 %), avec une prvalence de 32 72 % pour un enrouement et
une fatigue vocale (Simberg et coll., 2001 ; Sdersten et coll., 2002).
188
Les facteurs prdictifs dune dysphonie, dans un but de dpistage et de prvention, pourraient tre dtermins laide dun questionnaire qui serait
complt par une analyse perceptive faite par le personnel de sant. En cas
de positivit, les auteurs proposent un examen clinique ou un bilan ortho-
Mthodes diagnostiques
ANALYSE
phonique (Simberg et coll., 2001). Les groupes risque ont une diminution du TMP, des capacits intonatives et de lintensit maximum possible.
En conclusion, nous rappellerons les recommandations du Comit de phoniatrie de la Socit europenne de laryngologie sur le bilan vocal, qui doit
comporter : un enregistrement audio-digital de la voix pathologique, une
analyse perceptive de la voix avec lchelle GRBAS, une vidolaryngostroboscopie, des mesures arodynamiques (TMP, capacit vitale, quotient de
phonation), des mesures acoustiques (jitter, shimmer, phontogramme) et
une valuation subjective (qualit, rpercussion quotidienne, professionnelle).
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191
ANALYSE
7
Traitements mdicaux
et chirurgicaux
193
194
Les traitements par arosols nont pas fait lobjet dune dmonstration de leur
efficacit dans le traitement des laryngites notamment en cas dassociation
mdicamenteuse. En labsence de consensus, il semble prudent de nutiliser
que des arosols de srum physiologique ( vise dhumidification) avec
ventuellement un corticode ( vise anti-inflammatoire) (Moren et coll.,
1993). La dure de prescription est galement de 3 6 jours. Il a t dmontr, dans les minutes qui suivent ladministration dun arosol de srum phy-
ANALYSE
195
caractre durgence et quun dlai dau moins 2 4 semaines semble raisonnable entre la dcision de raliser cette chirurgie et la chirurgie elle-mme.
De mme, le geste chirurgical doit tre considr comme un geste complmentaire du traitement de fond qui reste la rducation orthophonique et la
prise en charge du forage vocal (Bouchayer et Cornut, 1992 ; Courey
et coll., 1995 ; Giovanni et coll., 2000 ; Zeitels et coll., 2002 ; Remacle
et coll., 2003 ; Guerrier et coll., 2004).
Intervention chirurgicale sous anesthsie gnrale
La microchirurgie larynge consiste en lintroduction dun laryngoscope
(tube mtallique) dans la cavit buccale jusquau contact du larynx et ncessite une anesthsie gnrale. Il sagit dun geste bref mais qui ncessite une
analgsie puissante en raison du caractre trs rflexogne du larynx. Le
geste est donc souvent ralis sous anesthsie gnrale avec ou sans intubation ou encore avec jet-ventilation, plus rarement sous neuroleptanalgsie.
Le patient est la plupart du temps hospitalis au moins pour la journe ou
pour une ou deux nuits suivant le rgime rglementaire de ltablissement et
en fonction des exigences anesthsiques. Comme tout geste ralis sous
anesthsie gnrale, le patient doit bnficier dune consultation danesthsie distance. En pratique, les contre-indications mdicales sont rares en
dehors des traitements anticoagulants ou antiagrgants plaquettaires qui
peuvent amener retarder ventuellement lintervention de quelques jours.
Instruments
Le laryngoscope permet de visualiser les cordes vocales directement en refoulant la langue en avant. Il existe une grande varit de laryngoscopes diffrents par leur taille, leur forme. Habituellement, ils sont suspendus une
tablette fixe au-dessus du thorax du patient ; il sagit du laryngoscope en suspension (figure 7.1).
196
Figure 7.1 : Mise en place du laryngoscope sous anesthsie gnrale. Audessus du patient, le microscope opratoire avec le laser
ANALYSE
Parmi les principaux risques, il faut citer celui de bris dentaire lors de lintroduction du laryngoscope ou encore de douleurs de larticulation mandibulaire, parfois de douleurs linguales lies la pression du laryngoscope. Enfin,
dans certains cas, sans que cela soit rellement prvisible avant lintervention, les conditions anatomiques locales rendent impossible la mise en place
du laryngoscope et lintervention ne peut avoir lieu.
La visualisation fait appel soit un microscope opratoire soit des optiques
grossissantes, lavantage du microscope tant de librer les deux mains du
chirurgien.
Les gestes chirurgicaux eux-mmes sont effectus laide dinstruments spcifiques permettant les gestes lmentaires de toute chirurgie : cartement,
dcollement, prhension, section. Certains chirurgiens utilisent un laser
CO2 dont le rayon, coaxial la vise du microscope permet de sectionner la
muqueuse et de coaguler les micro-vaisseaux. Avec les lasers les plus rcents,
les effets thermiques non dsirs (brlure de la muqueuse autour de la zone de
section) ont diminu notamment en raison de la diminution de la taille du
faisceau, au point que, actuellement, il nexiste aucun argument document
pour recommander une section en microchirurgie plutt quune section par
laser ou inversement (figure 7.2) (Remacle et coll., 1999 ; Benninger, 2000).
Figure 7.2 : Mode daction du laser CO2. Au centre, une zone de vaporisation cellulaire de 270 microns entoure dune zone de carbonisation qui
dpend de la puissance et de la dure du tir laser
Mesures associes
Le repos vocal post-opratoire ne fait lobjet daucun consensus. Il semble
communment admis que 4 8 jours de repos vocal complet sont souhaitables. Cette priode permet la mise au repos de la muqueuse cordale en cours
de cicatrisation. Habituellement, il est recommand au patient de ne pas
chuchoter car aussitt quil essaiera de communiquer en chuchotant dans le
bruit ou un minimum de distance, il mettra en jeu des mcanismes de forage dont il aura le plus grand mal se dbarrasser ensuite.
197
Il nexiste aucun argument publi pour proposer au patient opr un traitement complmentaire anti-infectieux ni anti-inflammatoire. Lorsque la suspicion clinique est forte, il peut tre licite de proposer un traitement
dpreuve du reflux gastro-sophagien.
Larrt du tabac chez le patient fumeur doit tre voqu avec lui ; il doit y
tre fortement incit et les mesures mdicales pouvant laider doivent tre
mises en route. Il nest cependant pas licite de refuser un traitement chirurgical un patient qui nentend pas arrter de fumer. De mme, larrt du
tabac simultanment au repos vocal risque dentraner une frustration
extrmement forte, elle-mme susceptible de diminuer les chances de russite du sevrage tabagique. Dans certains cas, il est prfrable de dissocier
dans le temps larrt du tabac et lintervention elle-mme.
198
La reprise du travail ne doit pas tre trop prcoce car les efforts vocaux survenant sur des cordes vocales insuffisamment cicatrises sont susceptibles
dentraner des difficults vocales durables et dans certains cas, la rcidive des
lsions. En pratique, il est conseill de prvoir 5 7 semaines darrt de travail aprs la date de lintervention.
ANALYSE
199
rgles. Dans dautres cas, ils sont plus fluides et il est possible daspirer cet
dme aprs avoir ralis une section longitudinale de la muqueuse au niveau
de sa face suprieure (figure 7.4).
Les suites aprs chirurgie de ldme de Reinke sont les plus longues observes en microphonochirurgie du fait de limportance du geste chirurgical
ralis lchelle des cordes vocales. Cest en effet la totalit de lespace de
Reinke, le plus souvent des deux cts, qui a t dcoll et traumatis par
laspiration et le geste chirurgical. La dure de la cicatrisation est donc
longue et le patient devra tre prvenu que lamlioration de la voix ne doit
pas tre attendue avant 6 8 semaines et que, en attendant, la voix sera
assez souvent trs altre. Les modalits de la rducation orthophonique et
de larrt de travail doivent tenir compte de cette dure de cicatrisation.
Granulomes
Les granulomes de lapophyse vocale sont la plupart du temps traits par exrse laser et certains chirurgiens utilisent en fin dintervention un procd
complmentaire dattouchement avec de la mitomycine ou dinfiltration de
cortisone in situ de manire retarder la rcidive parfois extrmement rapide.
Les indications chirurgicales en cas de granulome doivent tre poses avec
beaucoup de prudence car les rcidives sont parfois extrmement rapides et
parfois plus volumineuses que la lsion initiale. En cas de lsion de premire main , le recours la chirurgie peut tre inspir par la ncessit
dobtenir une certitude histologique. En cas de rcidive, les indications doivent tre encore plus parcimonieuses et faire une part importante au traitement dpreuve du reflux gastro-sophagien et la rducation orthophonique lorsque le bilan confirme lexistence dun forage important.
ANALYSE
des difficults vocales plus importantes chez eux. Nous prsentons ici quelques une dentre elles.
Lsions congnitales
Certains patients prsentent, au niveau des cordes vocales, des sillons (ou
sulcus) qui correspondent une absence localise de tissu sous-muqueux, un
peu la manire dune vergeture cutane. Lors de la phonation, cette perte
de substance localise entrane une fuite dair glottique. Les bords et le fond
de ces lsions peuvent tre rigides et entraner une aggravation des difficults
vibratoires en phonation. Ces lsions sont trs proches des kystes pidermiques des cordes vocales dont elles partagent sans doute la nature congnitale.
Ces lsions peuvent tre responsables de dysphonie importante caractrise
par une voix faible et souffle.
Le traitement microchirurgical des sulcus est techniquement difficile car le
principe est de dcoller la muqueuse du ligament vocal lendroit prcis o
se trouve ladhrence. Surtout, les suites sont particulirement difficiles avec
une dysphonie post-opratoire durable et des rsultats vocaux toujours trs
infrieurs une voix normale. Pour ces raisons, le traitement chirurgical est
le plus souvent rserv aux formes les plus svres mais ce type de situation
est rarement rencontr chez lenseignant.
On rencontre en ralit plus souvent, lors de lexamen des cordes vocales
sous anesthsie gnrale ou lors dune intervention pour nodule ou polype,
des sulcus qui taient passs inaperus lors des examens phoniatriques. La
responsabilit de ces sulcus dans la gense des nodules et polypes a t voque et il a t propos de traiter chirurgicalement ces lsions lors de leur
dcouverte. Cependant, le consensus actuel en phonochirurgie est plutt de
se limiter, en cas de dcouverte dune telle lsion, la constater et la documenter puis denvisager secondairement avec le patient une ventuelle chirurgie en fonction des rsultats obtenus par le seul traitement des nodules.
201
Propositions
Les difficults vocales chez lenseignant ncessitent le plus souvent un repos
vocal, aussi bien en phase aigu quaprs microchirurgie. Sur le plan administratif, larrt de travail est impos par ce repos vocal mais il est certain
que les capacits de travail intellectuel ne sont pas modifies et il pourrait
donc tre envisag pour lenseignant des modalits intermdiaires entre le
travail habituel et larrt complet, comme des tches administratives, de
documentation, de gestion de site Internet qui ne ncessitent pas de
charge vocale spcifique et qui pourraient viter lenseignant la coupure
brutale avec son travail et ses lves.
En conclusion, chez lenseignant le traitement chirurgical est le plus souvent assorti dun arrt de travail avec arrt de lactivit vocale pendant au
moins 3 6 semaines en fonction du geste chirurgical effectu. La reprise de
lactivit vocale professionnelle temps complet ne peut intervenir quaprs
un bilan de la qualit de la voix et de ses possibilits car il existe un risque
svre de rechute en cas de reprise trop prcoce avant la gurison complte
des cordes vocales. Dans certains cas, si cela est possible sur le plan professionnel, il est propos une reprise de lactivit denseignement proprement
dite temps partiel.
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203
ANALYSE
8
Prise en charge rducative
Les enseignants font partie des dix professions les plus exposes parmi les
mtiers quil est impossible dexercer sans la voix : professeur darobic, professeur de danse, instructeur militaire, responsable de dock, prtre, annonceur daroport, chanteurs et comdiens, tlphonistes, hommes daffaires,
avocats, juges, vendeurs sur les marchs Sans oublier les acteurs de la
scurit civile pour lesquels la perte de la voix peut devenir dangereuse pour
lensemble des personnes quils contactent : infirmires, pompiers, agents de
police (Martin, 2000).
Avec la perte de la voix, surgissent des risques de perte en cascades : perte de
la communication, perte du travail et de linsertion sociale (20 % darrt
maladie chez les enseignants contre 4 % dans les autres professions), perte
financire, perte identitaire. Quand la voix ne va plus, ce nest pas seulement un organe qui est malade, cest toute une vie qui bascule 12. Cest en
connaissant ces risques que lon peut comprendre quels sont les enjeux dune
prise en charge vocale dune personne dysphonique.
Ces enjeux appartiennent aux risques de la perte du travail et donc de
linsertion sociale, mais aussi et dans une large mesure aux aspects psychologiques. Le caractre de chaque individu se manifeste dans son comportement et donc, par lintermdiaire de sa voix, dans sa communication
verbale. On constate ainsi limportance et limpact que peuvent avoir les
remarques faites sur la voix. Combien il est blessant de sentendre dire Ta
voix a ne va pas, elle mcorche, cest une horreur ! Parle plus fort, tu es
pnible, croire que tu ne sais pas ce que tu veux dire ! On dirait la voix
dun ogre qui meurt de faim ! 13. Remarques dautant plus blessantes que
cette voix ne correspond plus au caractre de la personne et quelle se sent
impuissante la retrouver.
La rducation vocale va donc mobiliser des affects, parfois trs simplement
mais parfois puissamment, et qui surprennent alors le patient. Le thrapeute
de la voix se doit de les connatre et de savoir y faire face et ainsi daccompagner son terme la rcupration vocale dans cette traverse particulire.
205
Les orthophonistes ont une formation spcifique (Bac+4), et sont des auxiliaires mdicaux. Ils ne portent pas de diagnostic. Leur pratique est centre
ANALYSE
sur la rducation pour laquelle ils reoivent une formation spcifique lors
de leurs tudes et en formation continue post-universitaire.
Une vritable prise en charge rducative ncessite une maturit personnelle afin de respecter en priorit lidentit vocale et les exigences vocales
du groupe social dappartenance selon les principes psychiques des pulsions
vocales et des principes de communication (Charpy, 2002). Cela ncessite
des qualits dcoute et dempathie ainsi quune solide formation personnelle. Il sagira donc deffectuer une rducation sur mesure, au rythme du
sujet (Le Huche et Charpy, 2002) en respectant les indications diagnostiques et les orientations thrapeutiques mdicamenteuses ou chirurgicales.
Les professeurs de chant ou les coachs prennent parfois en charge les troubles
vocaux que peuvent rencontrer les enseignants. Il sagit l non pas dune thrapie mais dune optimisation des possibilits vocales (Timmermans et coll.,
2004). Lenseignement vise amliorer un geste vocal dans un but esthtique, au rythme du groupe musical ou choral ou des exigences musicales
dune partition.
Gardeux-Zanotti (2002) pointe les drives possibles de ces deux situations.
Pour le professeur de chant, la voix est premire, elle est sa proccupation
principale, le sujet risquant dtre lobjet vocal du professeur. Alors quen
thrapie, le patient est au premier plan, le dsordre vocal tant lexpression
dune souffrance dans un cadre gnral. Cette souffrance peut tre lobjet
dinterprtations diverses et parfois dune psychothrapie sauvage cest-dire dinterprtations sans laccord du patient. Il faut donc rester vigilant
lors dune prise en charge thrapeutique vocale bien respecter ces deux
limites fondamentales sous peine de retentissement dramatique sinon dommageable.
Les informations prodigues aux enseignants seffectuent par lintermdiaire
des IUFM, des mdecins du travail ou par des actions ponctuelles des spcialistes de la voix. Bien quelles soient de plus en plus nombreuses, elles restent encore trop rares. Les attentes des enseignants quant cette formation
vocale sont prcises par ltude de Martin (2000). Parmi eux, 30 % attendent des informations gnrales et 28 % dsirent apprendre soigner leur
voix. Un tiers des enseignants considrent que leur voix interfre avec leur
capacit enseigner. Quatre vingt dix huit pour cent des enseignants sont
persuads du bienfait dune formation vocale, dautant que 60 % dentre eux
ont dj eu des symptmes vocaux varis : fatigabilit, aphonie, perte de la
voix forte, changement de tessiture, forage (20 80 %) et le plus souvent
scheresse et fatigue. Ce surmenage est attribu pour 44 % lactivit scolaire, 12 % au froid et 11 % au stress (Martin, 2000).
Grce ltude des consquences de ces formations, on a pu constater une
amlioration vocale pour 58 % des participants. Cette amlioration restait
stable pour 84 %. Ces bons rsultats sont encourageants pour solliciter des
formations en plus grand nombre.
207
Projection vocale
La voix est non seulement produite mais aussi destine tre entendue et
avoir par lintermdiaire de la parole une action sur linterlocuteur. Cest ce
qui est en uvre lors de la projection vocale qui est un vritable acte projectif cest--dire inscrit dans une intention dagir.
Cela revient donc poser le rle de la voix dans la parole cest--dire dans la
relation dun change verbal et dfinir la place de la projection vocale
dans lchange verbal. La parole tant un processus, elle participe la dynamique psychique. Les grandes conceptions de la psychiatrie moderne permettent dillustrer les fonctions psychiques de la voix qui la dfinissent
comme fondateur dune identit vocale.
Nous aborderons en premier les conditions de la projection vocale. Linterlocuteur, au premier plan, est tenu dcouter sinon dtre intress. La voix
est alerte ou active, dintensit moyenne forte. Ces conditions sont runies
prfrentiellement dans les situations qui sont qualifies de situations de
projection vocale : celles dinformer, de poser une question, daffirmer, de
prendre part une discussion intressante mais galement parler un public,
donner un ordre, appeler une personne ce qui fait appel alors la voix forte.
La voix de projection vocale ne ncessite pas forcment une forte intensit.
La voix projete nest pas dfinie comme la voix forte ou dappel, mais la
voix adresse un interlocuteur avec lintention dagir ou de partager une
situation dchange.
208
Dans cette situation de projection vocale est alors mise en jeu la dynamique
de la projection vocale compose de quatre lments principaux :
la certitude defficacit de sa voix dans la situation donne. Toute perte
de la confiance defficacit vocale gnre des compensations gnralement
du type de la voix dinsistance pour secourir la voix (premier pallier vers le
forage) ;
ANALYSE
210
14. Alain Delbe relate les stades vocaux. Voir : Delbe A. Le stade vocal. ditions LHarmattan,
Paris, 1995 : 186p
ANALYSE
211
Stress et voix
Le stress est un facteur rcurrent et prdominant chez les enseignants. Une
enqute auprs de 257 enseignants montre que 20 % considrent leur mtier
comme trs, voire extrmement stressant (Butcher, 1995).
On retrouve quatre facteurs prdominants gnrant le stress :
la dmotivation scolaire de leurs lves ;
la dtrioration des conditions de travail ;
laugmentation des pressions temporelles ;
le manque de soutien de lcole (Kyriacou et Sutcliffe, 1978).
Les hauts niveaux de stress sont rpertoris par Butcher (1995). Il sagit
principalement des conflits relationnels interpersonnels : les anxits familiales ou les conflits de couple, une perte de lestime de soi et un sentiment
dincapacit, le fardeau de responsabilits associ au sentiment de manquer
daide dans son milieu professionnel, la survenue dun ou plusieurs vnements difficiles vivre, ainsi que la difficult dire leurs sentiments et leurs
opinions (vritable conflit de paroles ). Le thrapeute doit le plus possible tenir compte de ces facteurs de stress qui sont particuliers pour les enseignants. Il doit veiller dans la mesure du possible leur rsolution.
Les consquences du stress sur lexpressivit motionnelle ont t tudies
par Laukkanen et coll. (1996). Lexpression vocale des motions et laction
du stress agissent simultanment sur la frquence fondamentale F0, la pression intra-orale et la colonne dair. La frquence fondamentale F0 et la pression larynge SPL (Sound Pressure Level) refltent des composantes
psychophysiologiques et changent selon le type de stress et les conditions
dmotion (neutre, surprise, triste, enthousiaste, colre). La colonne dair
semble plus indpendante de F0 et de SPL.
Laukanen et coll. (1996) proposent un modle de ractions psychologiques en cascade constitu de trois phases :
212
ANALYSE
213
214
Lvaluation de latteinte dysphonique permet de guider le programme thrapeutique qui sera dfini avec le patient. Llaboration du programme thrapeutique se rfre quelques concepts gnraux : ducation du patient,
prsentation dune hygine vocale avec rduction des excs vocaux, accord
commun des buts et des attentes, capacit du patient apprcier les changements vocaux, prsentation de la technique thrapeutique par le rducateur
(Casper et Murry, 2000). Les informations et les conseils donns au patient
relatifs lviction des facteurs irritants, les abus vocaux et la responsabilit
ANALYSE
215
216
On abordera les conditions de la projection vocale, ses situations et sa dynamique, ainsi que ce qui dtermine les diffrents styles de voix lie
lintention : voix de rflexion et voix confidentielle, voix de projection
ANALYSE
217
Rfrences
Entranement de lcoute
Relaxations spcifiques
Respiration diaphragmatique
Coordination phono-respiratoire
Martin, 1987
La voix confidentielle
La voix rsonnante
Le Huche, 2002
Rfrences
Placement vocal
Boone, 1982
Froeschels, 1952
Positions linguales
chauffement vocal
Les exercices facilitants sont diversement utiliss par les thrapeutes : bourdonnements (77 %) ; manipulations larynges (60 %) ; vibrations labiales
(60 %) ; soupirs voiss (52 %) ; indications de dtentes (38 %) ; modifications posturales (37 %) ; repositionnement lingual (33 %) ; respiration prphonatoire et phonatoire (25 %) ; rsistance au flux dair (23 %) ; parler
lger (13 %) ; vocalise (8 %) ; surarticulation (6 %) (Behrman, 2005).
218
ANALYSE
219
groupe tmoin ou groupe placebo versus groupes avec traitements rducatifs (Stemple et coll., 1994) ;
autovaluation du handicap (VHI, EVA ou chelle visuelle analogique de
3 questions, DSI ou Dysphonia Severity Index) ;
tests dcoutes (jury naf et dexperts) ;
spectre moyen long terme (LTAS ou Long Stage Average Spectrum)
(Kitzing et Akerlund, 1993) ;
endoscopie et stroboscopies ;
tudes acoustiques et arodynamiques, GRBAS ;
temps maximum de phonation (TMP) et test S/Z (remis en cause par
Trole et Trudeau, 1997) ;
voyelles tenues, lecture ou parole spontane (Fex et coll., 1994) ;
phontogramme (Dejonckere et coll., 2003 ; Speyer et coll., 2002, 2003,
2004a et b).
Ces valuations confirment toutes lintrt de la rducation vocale lors
datteintes symptomatiques, fonctionnelles et/ou organiques de la voix dues
aux mcanismes de forage.
Ainsi, lefficacit thrapeutique de la rducation a t largement prouve
ces dernires annes par de multiples tudes de cas (Rossiter et coll., 1995),
randomises (MacKensie et coll., 2001 ; Roy et coll., 2001), contre groupe
placebo (Stemple et coll., 1994), ou encore multicentriques (Speyer et coll.,
2002). Les tudes internationales en Europe, aux tats-Unis et au Japon ont
largement contribu confirmer cet intrt. On ne peut quencourager sa
mise en uvre en troite collaboration avec tous les intervenants professionnels de la voix.
En conclusion, bien quil y ait une volont de la part de lducation nationale de dvelopper les formations vocales pour aider les enseignants professer, ces formations restent trs insuffisantes en nombre, pour la plupart
optionnelles et limites 2 ou 3 heures pour toute une carrire. Un plan
interprofessionnel engageant tous les acteurs concerns par la prise en
charge vocale pourrait tre envisag.
Un travail dlaboration entre psychologues, psychanalystes, psychiatres et
phoniatres permettrait dassocier une rflexion clinique une thorisation
de la voix qui fait actuellement dfaut. Cette collaboration contribuerait
lamlioration de la prise en charge des dysphoniques.
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220
ANALYSE
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224
ANALYSE
9
Programmes de prvention
Un tiers de la population active a besoin de la voix pour effectuer sa profession. Le risque davoir des troubles de la voix est rel, surtout pour les enseignants (de Jong et coll., 2005). Ltude de Van de Heyning et coll. (1996)
montre que les trois premires annes dexercice professionnel sont des
annes critiques pour la voix.
Au niveau de la lgislation europenne, les diffrentes organisations soulignent les risques pour la sant et insistent sur les mesures de vigilance.
LOccupational Safety and Health (OSH), le Committee for Standardisation
(CEN) et lEuropean Agency for Health and Safety at Work (EAHSW) sont
trois organisations qui essayent de rguler la scurit au travail :
le OSH identifie et contrle les risques pour la sant. Cette organisation
soccupe de la reconnaissance et du contrle des maladies professionnelles ;
le CEN dcrit les critres ergonomiques qui peuvent tre appliqus au
domaine de la voix et de la parole. Le terme de Vocoergonomics dsigne un
domaine multidisciplinaire aussi bien scientifique que pratique ;
le EAHSW prconise que lemployeur prenne des mesures pour assurer la
scurit et la sant de lemploy (Vilkman, 2001).
Malgr lexistence de ces organisations et les recommandations de la lgislation, les mesures de prvention nexistent pas. Cette situation demanderait
une solution bien structure. Suite la progression du nombre des problmes
vocaux engendrant des absences frquentes, la prise de conscience augmente
et les premiers programmes de prvention font leur apparition.
225
Lieu
Mthode
Population concerne
Utah*
Description du programme
Enseignants
Ohlsson, 1993
Sude**
Donnes subjectives
et objectives
Enseignants
Chan, 1994
Hong Kong*
Donnes objectives
Enseignants
Comins, 1998
Angleterre*
Description du programme
Enseignants
Australie*
Donnes subjectives
Enseignants
Pennsylvanie*
Description du programme
Chanteurs
Caroline*
Donnes subjectives
Chanteurs
Floride*
Donnes subjectives
Enseignants
Finlande**
Donnes subjectives
Standardistes
Belgique**
Donnes subjectives
et objectives
Acteurs et prsentateurs
Simberg, 2004
Finlande**
Donnes subjectives
Enseignants
Irlande**
Donnes subjectives
et objectives
Enseignants
Vienne**
Donnes subjectives
et objectives
Enseignants
*Approche indirecte
**Approche indirecte et directe
226
La diffrence entre les deux approches rside dans le fait que lapproche
indirecte tente dliminer les causes des problmes vocaux en proposant des
mesures prendre, tandis que lapproche directe met laccent sur les exercices vocaux.
Programmes de prvention
ANALYSE
Approche indirecte
Lapproche indirecte met laccent sur lhygine vocale et sur la comprhension de lanatomie et de la physiologie du larynx et des cordes vocales.
Lhygine vocale consiste en une numration de directives pour viter
les troubles vocaux. Dans la littrature, on insiste sur une liste de
dont et do : ce quil ne faut pas faire (dont ) et ce quil faut faire
(do ) pour prendre soin de sa voix. Cependant, laccent est plus souvent mis sur ce quon ne peut pas faire (Irving et coll., 1997; Murry et
Rosen, 2000).
La liste des dont , prsente par le tableau 9.II, nest pas exhaustive et
comporte surtout des conseils pour conserver sa voix et des mesures pour
viter le reflux gastro-sophagien.
Tableau 9.II : Les dont pour viter les troubles vocaux et le reflux gastrosophagien ( ce quil ne faut pas faire )
Conserver la voix en vitant de :
Le tabac
Lalcool
ternuer bruyamment
Biller bruyamment
La corpulence
Toussoter chroniquement
La nourriture pice
Chuchoter excessivement
La liste des do est trs courte et trop vague (tableau 9.III). Des prescriptions comme bien manger, contrler le stress et se reposer beaucoup ne
sont pas assez prcises.
227
Tableau 9.III : Les do pour prendre soin de la voix ( ce quil faut faire )
Il faut essayer de :
Contrler le stress
Beaucoup se reposer
tre panoui
Rire beaucoup mais avec un appui du diaphragme
Utiliser la respiration abdominale
Bien manger
Traiter son corps avec respect
Humidifier sa chambre coucher
Slectionner son contraceptif avec un ORL
Boire beaucoup deau : pie pale, sing clear (2 3 litres/jour)
Il est important de donner des conseils trs prcis et surtout des conseils
positifs ainsi que dexpliquer de faon approfondie les recommandations afin
damliorer leur comprhension et de stimuler le dsir de les suivre (voice
care ; Timmermans et coll., 2005).
Par exemple, lhumidification de lappareil vocal est primordiale pour soigner la voix : la muqueuse doit rester humide pour garantir sa souplesse. Il ne
suffit pas de boire beaucoup. Il faut indiquer le moment et la quantit
requise. Il vaut mieux boire un verre toutes les heures que boire la mme
quantit un moment concentr dans la soire. Lhumidification de la
muqueuse doit se faire de faon continue pour garantir une bonne qualit
vocale. En milieu professionnel, les chanteurs connaissent bien la locution
pie pale, sing clear cest--dire Plus on boit, plus on produit une urine
claire, et mieux on chante . Il faut aussi veiller un degr dhumidit suffisant dans lhabitation (entre 25-40 %). Le degr dhumidit peut tre rgl
par une installation professionnelle mais il est aussi possible de recourir aux
petits rservoirs deau quon fixe aux radiateurs. Une aration rgulire,
lpoussetage de lespace de vie et de sommeil contribue galement crer
un environnement propice la sant de la voix.
228
Manger sain est un bienfait pour tous. Mais celui qui dpend professionnellement de sa voix, il est conseill de veiller particulirement certaines habitudes nutritionnelles, surtout sil est soumis des horaires irrguliers et des
situations de stress. Ces deux facteurs sont souvent lorigine du reflux
gastro-sophagien. Pour prvenir le reflux, il faudrait laisser un laps de temps
de deux heures entre le repas et lheure du coucher. On vite ainsi que les
sucs gastriques refluent vers lsophage. En position allonge, sous leffet de
la gravit, certains sucs peuvent parvenir jusquaux cordes vocales. Les personnes sensibles ce phnomne ressentent des aigreurs et peuvent souffrir
de laryngite cause par le reflux. On peut y remdier en prenant certaines
Programmes de prvention
ANALYSE
30
25
Score
20
Acteurs
Jardinires d'enfants
Orthophonistes
Norme
15
10
5
0
VHI F
VHI E
VHI P
VHI T
Subdivisions - Total
Figure 9.1 : Rsultats du VHI (Voice Handicap Index) pour les professionnels
de la voix (VHI F : VHI fonctionnel ; VHI E : VHI motionnel ; VHI P : VHI
physique ; VHI T : VHI total)
229
230
Programmes de prvention
ANALYSE
Figure 9.3 : Exercice avec un bouchon de lige pour amliorer les comptences
articulatoires
231
Programmes de prvention
232
Programmes de prvention
ANALYSE
niveau des coles, il faudrait un dispositif global qui tienne compte de toutes
les personnes concernes. Les programmes de prvention et leur valuation
scientifique sont encore rares.
Contenu
Priode
Test
Thorie
Training
Entranement vocal
Aprs le stage
Transfert
233
Au dbut de ltude
G2
G2
G1
G0
G1
G0
G1
G0
6
5
4,6
4
3,7
3
Dbut
Aprs 9 mois
Aprs 18 mois
2
2
1
0
234
Figure 9.5 : Rsultats du Dysphonia Severity Index (DSI) aprs un entranement de 9 et 18 mois chez un groupe observ (n = 23) (daprs Timmermans
et coll., 2004 et 2005)
Programmes de prvention
ANALYSE
Domaine
Contenu
Training
Thrapie directe
Guide
Tests et information
Vido instructive
Thrapie indirecte
235
Laccent est mis sur la prvention des troubles vocaux par des actions trs
concrtes : lapprentissage des diffrentes techniques pour garder la voix en
bonne sant, ladaptation de lacoustique de la salle de classe, la rpartition
des leons pour viter de parler trop longuement, une bonne humidit
atmosphrique et la possibilit dutiliser un amplificateur si besoin. Simberg
(2004) indique que lutilisation dun amplificateur doit devenir habituelle
mais que ceci nest pas un substitut pour lhygine vocale. En revanche,
Titze (2001) met laccent sur lentranement car il est persuad que lamplificateur aggrave les mauvaises habitudes et il indique que la voix est moins
expressive. Lamlioration de lacoustique de la salle de classe est primordiale.
Ces dernires annes, la recherche a mis en vidence une augmentation de
la pollution acoustique parce que les lves bavardent bruyamment. De plus,
le nombre dlves a augment dans les classes. Des tudes sur une priode
de 12 ans prouvent que les symptmes vocaux des enseignants se sont aggravs cause de cette volution.
En conclusion, la prvention est primordiale et les diffrentes tudes confirment quelle a un effet positif. La lgislation europenne prconise ces
actions de prvention.
Une action de prvention au dbut de la formation professionnelle des
futurs enseignants est un moyen de prvenir dventuels troubles de la voix.
Une recherche structure pour valuer leffet de cette prvention est ncessaire. Celle-ci aura certainement des rpercussions sur lorganisation de
lenseignement.
Au niveau des enseignants en poste, on peut recourir un programme pour
les problmes existants. Lvolution des classes plus surcharges avec une
tolrance plus grande au bavardage des lves renforce la ncessit dun programme de prvention qui implique toute lquipe de lcole.
Une recherche approfondie sur leffet de lutilisation dun amplificateur
dans la salle de classe et des mesures pour amliorer lacoustique reste
faire.
Lamlioration de la voix est un travail quotidien du respect de lhygine
vocale, de sensibilisation et dentranement.
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238
Synthse
Les troubles de la voix sont frquents chez les enseignants. Un tiers dentre
eux considre que ces troubles interfrent avec leur capacit enseigner.
Une approche dpistmologie historique de la parole et de la voix a donc
trouv naturellement sa place dans cette analyse de la littrature.
SYNTHESE
Les troubles de la voix sont les consquences ressenties, perceptibles ou audibles dune anomalie ou dune lsion organique acquise ou congnitale des plis
vocaux. Il peut sagir galement dun contrle dficient de la respiration ou de
larticulation larynge ou encore dune difficult psychologique. Les lsions
organiques acquises peuvent tmoigner dun malmenage ou surmenage vocal.
Les agents physiques, chimiques ou infectieux de lenvironnement jouent un
rle important sur le bon ou mauvais fonctionnement des plis vocaux.
Les pathologies de la voix font lobjet dun traitement mdical ou chirurgical
et ncessitent le plus souvent un arrt de lactivit vocale. La rducation,
partie intgrante du traitement, doit sadapter la situation personnelle et au
contexte de la dysphonie. La dmarche de prvention comporte des actions
dinformation, de sensibilisation et des exercices dentranement. Elle peut
galement sintresser aux conditions de lenvironnement acoustique, en particulier pour les enseignants, et agir sur cet environnement pour amliorer
lefficacit de la communication.
239
sous-tendent. Plus encore, le terme gnrique de parole devra tre, luimme, mieux dfini afin de rendre compte de la diffrenciation, historiquement prcoce, entre parole et voix.
Les premires spultures humaines, la parure et les peintures rupestres tmoignent de lmergence de la pense symbolique chez lhomme et, peut-tre,
est-elle lie, de manire indirecte, lexistence dun langage. Avec la naissance des critures, au moins 25 000 ans plus tard, apparaissent les premires
preuves directes dune rflexion et/ou dune action sur le langage. Mais cette
rflexion se prcise, quelques sicles av. J-C, avec les analyses articulatoires
ralises sur le sanscrit par les grammairiens hindous dans le but de prserver
leur langue fonction sacre (et synthtises au IVe sicle av. J-C par
Panini). Cest aussi dans un contexte religieux, celui de lapparition de la
premire religion du Livre avec la Bible, que se manifeste, ds les premiers
versets de la Gense, une conception du langage comme nomenclature : la
cration du monde par la parole de Dieu.
Les philosophes grecs dveloppent une rflexion approfondie sur le langage
mais partir dune curiosit limite leur seule langue. On leur doit, en particulier, les premires dfinitions de la voix et de la parole. Ainsi, Aristote
(384-322 av. J-C) distingue bien la voix produite dans la rgion de la trache artre et qui est le signe des passions de lme (il constate quon la
trouve aussi chez dautres animaux). En revanche, lhomme est le seul
animal que la nature a dot du don de la parole , et il prcise mme la
parole est naturelle lhomme qui est par nature un animal politique ou
civil . Galien, bien plus tard (130-200), en philosophe-mdecin apportera
des prcisions anatomiques et physiologiques supplmentaires en associant la
voix au fonctionnement des organes vocaux et la parole aux organes tels
que la langue [] le nez, les lvres et les dents .
Les Grecs nen restent pas une analyse partielle mais vont dvelopper une
vritable synthse, une thorie gnrale du raisonnement, partir de deux
grandes techniques, la dialectique, art de la discussion controverse (dont les
matres demeurent Socrate et Platon), et surtout la rhtorique, art du discours public (si important dans une dmocratie).
Largumentation objective runit les arguments logiques destins faire
adhrer un auditeur des propositions nouvelles prsentes par lorateur en
partant du sens commun ou doxa. Pour la seconde argumentation, subjective, au choix des mots et des arguments sajoutent le ton de la voix, le dbit
de la parole mais aussi les gestes, les mimiques, la posture. Elle comprend
lethos, image morale que lorateur donne de lui-mme par son discours, et le
pathos, passions que lorateur fait natre chez ses auditeurs et par lesquelles il
entrane leur adhsion.
240
Synthse
SYNTHESE
241
(le mot pens avec les syllabes) diffrencis des processus moteurs de la
parole : le mot de la voix (le mot prononc avec ses syllabes).
La posie assume aussi, au dbut du Moyen ge, les fonctions que remplit la
voix parle dans les cultures oralit primaire. Lautre forme orale, lart oratoire, est mise en uvre en chaire par le prdicateur qui doit obir des contraintes nouvelles : il met sa voix au service de la parole de Dieu pour
entraner ladhsion de son auditoire (et aussi pour limpressionner lorsquil
est question des dangers encourus par les pcheurs).
Cest par lintermdiaire des lettrs arabes que va se faire laccs plus direct
aux textes des philosophes grecs. Mais les grammairiens arabes vont aussi
dvelopper une tude de leur langue, larabe classique, qui, comme dans le cas
du sanscrit, est une langue sacre, celle du Coran. Il convient donc de bien la
prononcer et toute une analyse fine des lieux darticulation est destine contrler cette prononciation. Limportance accorde la psalmodie du Coran
conduit un recensement des catgories vocales dont certaines sont considres comme incompatibles avec loralisation du Texte saint. En particulier il
faut veiller, lorsque lon adoucit le son, ne pas perdre la ligne mlodique.
la Renaissance, limprim va peu peu simposer mais la lecture haute
voix et lart de bien prononcer continuent dtre valoriss dans les pratiques
culturelles o loralit est ncessaire : oraison, posie, thtre. Une certaine
suspicion transparat : si un texte bien prononc touche son auditoire, les
effets vocaux ne doivent pas prendre le pas sur son contenu.
Lintrt se porte davantage sur les langues vulgaires mme si le latin
reste le modle de description grammaticale. Les premiers grammairiens
phonticiens sont stimuls par les projets de rforme de lorthographe.
Dautre part, la curiosit vis--vis de lanatomie du corps humain se
dveloppe : Lonard de Vinci dessine une srie de planches du larynx. La
recherche sur le langage, la Renaissance, tend prendre ses distances par
rapport aux spculations des sicles prcdents et ainsi une importance plus
grande est accorde lanalyse de faits concrets.
242
Au XVIIe sicle, si lloquence continue de sexprimer lglise et au thtre, les premiers salons souvrent o la parole schange dans lintimit dune
relation qui concerne un petit nombre de personnes choisies. Lart de la
conversation se dveloppe alors dans un milieu social privilgi par la naissance ou par largent. Il convient de respecter les biensances et le bon usage
de la langue est rglement : il y a un art du bien parler. La prononciation de
la langue est toujours tudie dans les grammaires (bien que lune des plus
prestigieuses, celle de Port Royal, innove peu dans ce domaine). Les analyses
phontiques pour elles-mmes et les classifications, tant des voyelles que
des consonnes, sont modifies et saffinent. Ainsi, Dangeau publie en 1694
un classement des consonnes qui en fait un prcurseur de la phonologie franaise. Plus encore, le XVIIe sicle est celui des dbuts dune tude scientifique de la voix que Marin Mersenne propose dappeler la phoniscopie .
Synthse
SYNTHESE
Le XVIIIe sicle est marqu par une trs grande curiosit vis--vis du langage
et en particulier de son origine. La rflexion philosophique est primordiale
et les travaux les plus influents sur lorigine de lentendement sont ceux
de Locke, Hobbes, Hume, Leibniz et, en France, Condillac qui formule de
manire nette, en 1746, la thorie de larbitrarit du signe linguistique. La
distinction tranche entre voix parle et voix chante, pourtant taye
darguments solides, est remise en question par Jean-Jacques Rousseau auteur
dune vritable conception anthropologique de la voix : la musique et plus
prcisment le chant seraient lorigine du langage parl.
Les salons continuent de jouer le rle de caisse de rsonance pour les
artistes et les savants mais ces derniers peuvent aussi se retrouver dans les
Acadmies qui sont presque toutes cres (la dernire, lAcadmie de mdecine, sera cre au dbut du sicle suivant).
La recherche linguistique progresse avec la parution de grammaires dun
nombre croissant de langues. Ce qui entrane aussi les premires grandes
tentatives dappariement des langues (Gyarmathi fonde la parent du hongrois et du finnois). La discussion persistante concernant les rformes de
lorthographe continue de stimuler les analyses phontiques qui sautonomisent davantage par rapport aux grammaires.
Les tudes anatomiques et surtout physiologiques du larynx progressent. La
production de la voix humaine est dcrite par analogie avec des instruments
de musique par Dodart, en 1700, et Ferrein ( qui lon doit les termes de
cordes vocales ), en 1741.
Les premiers travaux de phontique exprimentale voient le jour avec la
construction des machines parlantes de labb Mical et de Von Kempelen,
premires grandes simulations mcaniques des phnomnes de production
de la parole humaine associant source vocale et rsonateurs supraglottiques.
243
244
Synthse
SYNTHESE
nonciation fautive. Mais cette recherche sera plus pousse dans deux autres
domaines : celui de lenseignement des langues vivantes (en commenant
par langlais), avec Paul Passy puis Daniel Jones, et celui de la dialectologie.
Dans ce dernier cas, il sagit de recueillir les formes parles des langues rgionales de la France, menaces de disparition surtout avec lacclration du
mouvement de centralisation politique conscutif la rvolution franaise
de 1789. Deux alphabets de transcription phontique sont alors crs, selon
deux points de vue diffrents. Celui de lAssociation phontique internationale (cre en 1886), vocation dabord pdagogique, utilisant un nombre
de caractres restreint et plus orient vers la caractrisation dunits invariantes, lautre, celui des romanistes , destin rendre compte de la variabilit des formes orales des patois . Ce nouvel outil va revaloriser une
phontique loreille qui, dune manire complmentaire la recherche
en linguistique historique, se consacre la description phontique des langues alors parles en Europe, mais dans une perspective qui demeure orthopique, en sattachant promouvoir une norme. La transcription phontique
se trouve alors investie dun rle (qui avait t pendant longtemps, en partie,
celui de lcriture orthographique) de conservation de donnes provenant
des langues parles. Linvention du phonographe, par Edison en 1878,
remettra en question cette fonction de la transcription. La dialectologie, en
recueillant la parole sur les lieux mmes o elle a t mise (la campagne
franaise), apparat comme une linguistique de terrain , fonde sur des
observations concrtes dindividus parlants et se dmarque ainsi de toute linguistique spculative, souvent marque idologiquement. La question
demeure, toutefois, de savoir si une accumulation de faits peut remplacer une
thorie.
Tout au long du sicle, des innovations techniques vont permettre une
meilleure analyse physique et physiologique des phnomnes de la parole et
de la voix. Cest le cas, par exemple, du laryngoscope, miroir grce auquel on
peut procder lexamen, in vivo, des cordes vocales. Ce dispositif, utilis en
1854 par Manuel Garcia, est surtout diffus par Johan Nepomak Czermak
grce lapport complmentaire de la lumire artificielle. Dans le domaine
de la production de la parole, le kymographe, invent par Karl Ludwig en
1847, va renforcer le dveloppement de la mthode graphique, en France,
sous limpulsion de Jules tienne Marey.
Par ailleurs, les analyses acoustiques se perfectionnent dans deux directions
qui ne cesseront de se concurrencer ; lune, plus mathmatique, issue des travaux de Joseph Fourier consacrs la thorie analytique de la chaleur
(1822) et lautre, plus physique, avec les tudes de Von Helmholtz sur le
timbre des sons de la musique, puis de la parole, laide de rsonateurs.
Ces avances scientifiques et techniques sont favorables la cration de
laboratoires de phontique exprimentale dont lun des tout premiers est
celui de labb Rousselot, dabord hberg lInstitut catholique de Paris,
puis au Collge de France en 1897. Ce laboratoire devient vite un lieu de
245
rencontre et dchange entre phonticiens, ducateurs, mdecins et rducateurs. Suzanne Borel-Maisonny, lve de labb Rousselot, se spcialisera en
rducation des troubles du langage, de la parole et de la voix. Bien que le
terme dorthophonie ait t cr en 1828, il faudra attendre le XXe sicle
pour que la pratique rducative orthophonique, en cabinet et sous contrle
mdical, soit reconnue officiellement. Le terme de phoniatrie apparatra en
Allemagne, toujours dans un contexte de recherches en phontique exprimentale conduites sous la direction de H. Gutzman. Celui-ci sera nomm
professeur de phoniatrie Berlin en 1905.
Labb Rousselot, qui avait soutenu une thse en dialectologie, solidement
form en linguistique historique, a toujours prsent la phontique exprimentale comme un moyen daccder une connaissance plus affine des
processus dvolution phontique des langues, alors mme que la linguistique
sautonomisait comme science historique. Il arrivera convaincre les dialectologues de lintrt des analyses exprimentales de leurs parlers mais les
autres linguistes et mme une partie des phonticiens loreille , tel Paul
Passy, se montreront trs rticents et mme critiques vis--vis de lutilisation
dune instrumentation juge superflue (loreille demeure pour eux le
meilleur instrument danalyse de la parole et de la voix). Mme si labb
Rousselot ne cesse de plaider pour une phontique linguistique, les diffrentes pratiques phontiques apparaissent trop diffrencies pour sintgrer, en
totalit, dans la linguistique (surtout telle quelle est conue alors).
Une premire scission est opre par les deux reprsentants les plus prestigieux de lcole de Kazan (en Pologne), Baudouin de Courtenay et
Kruzewski. Ils proposent de scinder la phontique en deux parties
indpendantes : lune, anthropophonique, considre les sons du point de
vue objectif de la physique et de la physiologie, lautre, la phontique au
sens strict ou encore morphologico-tymologique, soccupe des sons en relation avec le sens des mots. Dans ce dernier cas, le terme de son lui-mme
est rejet et Kruzewski propose de le remplacer par celui de phonme
(emprunt Ferdinand de Saussure qui le tient lui-mme de DufricheDesgenette, 1873).
En France et dans une perspective diffrente, Michel Bral qui est lorigine
(avec Baudry) du terme de phontique, science des sons du langage , cre
en 1897, en regard, le terme de smantique, science des significations .
Comme le constate G. Bergougnioux dans son ouvrage Aux origines de la
linguistique franaise (1994) : du double statut du langage matriel par
sa composante sonore [] et mental par son sens [] la linguistique a
quelque difficult assumer lhtrognit .
246
Quoi quil en soit, les laboratoires de phontique exprimentale, qui se dvelopperont au sicle suivant en France et dans tout le monde, poursuivront
lexemple de leur illustre devancier, continueront rassembler les diffrents
spcialistes des analyses de la parole et surtout de la voix, phonticiens, dia-
Synthse
lectologues, enseignants, mdecins, rducateurs, ingnieurs. Tous se retrouveront avec une mme volont de recherche interdisciplinaire, dautant plus
mritoire quelle sera difficile maintenir au sicle suivant avec le durcissement de lautonomisation des disciplines, lhyperspcialisation et leurs consquences institutionnelles.
SYNTHESE
247
aussi la parole et la voix replaces dans le cadre plus gnral de la communication parle. Toutes ces tudes se caractrisent par un approfondissement
continu grce lutilisation de moyens technologiques qui nont cess de se
perfectionner tout au long du sicle dernier et au dbut de celui-ci : les analyses mcaniques sont renouveles par le dveloppement de llectronique,
elle-mme rcemment supplante par linformatique. Les postes de travail
informatiques, munis de logiciels continuellement remis jour pour sadapter, avec plus ou moins de bonheur aux besoins sans cesse changeants des
chercheurs et des praticiens, ont profondment modifi le contexte des
tudes scientifiques de la parole et de la voix ainsi que la diffusion des rsultats tant au niveau des recherches fondamentales que des applications. Il
serait fastidieux de recenser tous les moyens techniques danalyses acoustiques et physiologiques qui se sont succds. Soulignons, toutefois, quon leur
doit une connaissance affine des processus de la parole et de la voix. Linformatique a permis de regrouper sur une mme reprsentation, en temps rel,
des analyses synchrones provenant de sources diffrentes. Ceci a culmin
avec le multimdia grce auquel les gestes, les mimiques, les changes de
regards sont mis en relation avec lanalyse acoustique des signaux de parole
elle-mme complte par la perception (donnant lieu des transcriptions
phontiques fines). Ces analyses sont sous-tendues par des plans dexprience
rigoureux afin de contrler lextrme variabilit des phnomnes linguistiques. Mais on peut leur reprocher de porter sur une parole (et une voix) de
laboratoire dont le caractre artificiel a t souvent critiqu. Toutefois,
lorsque la valeur confre certains paramtres phontiques est discutable, il
est possible de simuler la parole et la voix grce la synthse analogique du
conduit vocal avec une source elle-mme simule. Dautre part, la reconnaissance analytique de la parole a t un remarquable moyen de comprhension
des processus cruciaux du dcodage acoustico-phontique (du signal acoustique au sens). Les recherches sont poursuivies actuellement sur des bases plus
mathmatiques, dans un souci de fiabilit, pour les diffrentes applications de
la reconnaissance de la parole.
248
La philosophie continentale , reste largement influence par la phnomnologie, dveloppe une rflexion sur lintentionnalit, concept souvent
appliqu aux conduites langagires. Un largissement des perspectives
dtude de lactivit langagire sest produit partir de la rflexion philosophique sur le langage ordinaire initie par Wittgenstein et poursuivie
par plusieurs reprsentants de la philosophie analytique surtout anglosaxonne (avec Austin pour le courant pragmatique). Les analyses conversationnelles se consacrent ce langage courant et tudient, par exemple, la
succession des prises de parole dans des situations de communication habituelle. Elles font intervenir aussi la part relative des comptences individuelles et du contexte social dans lorganisation des changes langagiers.
Lobjet de lanalyse des conversations est alors le discours dans linteraction
avec son systme de tours de parole (lauditeur est plus quun simple fairevaloir dans lacte de communication). Ainsi, une description fine des
Synthse
Dautre part, la sparation entre parole et voix, comme deux tapes bien distinctes de la production des units phoniques du langage, nest plus aussi
assure. Cest dailleurs la conclusion laquelle parviennent les rducateurs
lorsquils se proccupent du placement de la voix qui fait aussi intervenir largement des phnomnes supraglottiques. Dans la mme perspective, un
complment de lAlphabet phontique international a t ralis en 1994
pour transcrire le langage pathologique. Cest non seulement la parole qui
est concerne par cette extension (extIPA) mais aussi la qualit vocale grce
lutilisation de caractres spcifiques. Un systme de balises tiquetes
permet disoler, dans la transcription phontique, des squences vocales particulires de lnonciation.
Une nouvelle tape a t franchie, surtout dans le dernier tiers du
XXe sicle, avec le dveloppement des sciences cognitives qui analysent le
fonctionnement du cerveau dans la production de la parole, laide de
limagerie crbrale (elle sajoute de manire gnrale lutilisation in vivo
de limagerie mdicale qui na cess de se perfectionner tout au long de ce
sicle). Les recherches pralables en neurolinguistique avaient montr dj
toute la fascinante complexit du fonctionnement crbral dans les modifications pathologiques du langage caractrisant les diffrents types daphasie.
La mise en relation entre les donnes issues dune exprience cumule
(de nature souvent holistique), sur plus de 2 000 ans, des phonasques
grecs aux orthophonistes et phoniatres, et les analyses scientifiques de laboratoire, plus fragmentaires, demeure assez dlicate. Cet approfondissement et
cet largissement des analyses de la parole et de la voix ne sont pas sans soulever de nouvelles questions pistmologiques : comment grer cette
complexit ? Par un recours linterdisciplinarit ? Lexprimentation
permet bien de contrler la variabilit des phnomnes linguistiques mais
elle doit saccompagner souvent dune simulation ou plus gnralement
dune modlisation plus synthtique (do le rle crucial jou par la formalisation).
Quen est-il de la parole et de la voix dans la classe ? La position de lenseignant vis--vis des apprenants a elle-mme profondment chang comme
on peut le constater en ce dbut du XXIe sicle. Il parat de plus en plus dif-
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250
Le son produit par lcoulement puls de lair travers la glotte en oscillation sappelle la voix. La voix est produite par la transformation de lnergie
arienne en nergie acoustique. Cette transformation est sous la dpendance
de plusieurs facteurs qui sont dorigine arodynamique (pression sous-glottique) et biomcanique (masse, raideur, viscosit du vibrateur, tension et con-
Synthse
SYNTHESE
251
252
Peu dtudes existent sur lusage direct pendant la rducation des indices
acoustiques de la qualit de la voix. Cet usage des indices acoustiques consisterait informer le patient sur sa voix et sur lvolution de sa qualit.
Lusage en rducation est justifi par lobservation que seuls les indices
acoustiques vhiculent une information pertinente sur la voix du patient,
qui serait la mme pour le thrapeute et le patient (biofeedback). Le signal de
parole propag dans lair est unique en ce sens quil est commun au locuteur
Synthse
253
Un trouble de la voix peut avoir un impact bien plus important que ne laisse
prsager la perturbation acoustique car il retentit sur la vie professionnelle et
sociale dun individu ; il retentit galement sur le mental, le physique,
lmotionnel et la communication.
Les critres mdicaux dvaluation dun trouble de la voix ne refltent pas le
degr de handicap de communication. Il est important de laisser la place
lvaluation par le patient de son degr de handicap, ce dernier ntant pas
toujours corrl la ralit objective de la dysphonie.
La Classification internationale du handicap par lOMS considre le handicap comme la consquence dun trouble qui limite les activits dun individu
et ceci autant cause du trouble dit objectif que de facteurs personnels et
environnementaux, qui peuvent modifier la perception que le patient a de
son trouble. Cest une dfinition multidimensionnelle qui admet qu trouble
similaire, deux personnes peuvent exprimenter des limitations diffrentes
de leur activit, du fait de leurs diffrences personnelles et environnementales. Cette classification prend en compte les aspects sociaux du handicap et
propose un mcanisme pour tablir limpact de lenvironnement social et
physique sur le fonctionnement dune personne. Cest lenvironnement qui
doit sadapter chaque personne et non le contraire.
Aux tats-Unis, le Ministre de la sant a estim de 30 150 billions de dollars par an le cot des troubles de la voix en termes de perte de productivit,
traitement et ducation. En France, il nexiste pas encore dtude similaire
de sant publique sur les consquences financires des troubles vocaux chez
les professionnels de la voix.
254
Synthse
SYNTHESE
255
lvaluation perceptive de la qualit vocale, lexamen clinique laryngoscopique, ou sur certains tests vocaux physiques, tels le temps maximum de phonation (TMP) ou ltude de la dynamique de la frquence fondamentale de
la parole en fonction du niveau dintensit sonore impos. La sensibilit et
la spcificit paraissent jusqu prsent insuffisantes pour en faire conseiller
la diffusion.
256
Les tudes montrent galement que chez les enseignants qui demeurent dans
la profession, la prvalence des problmes vocaux crot avec lge, pour
atteindre un maximum dans le groupe dge 50-59 ans. La prvalence est
trs nettement suprieure chez les femmes.
Pourcentage de troubles
de la voix
Synthse
16
14
12
10
8
Enseignants
Non enseignants
6
4
2
0
20 - 29 ans
30 - 39 ans
40 - 49 ans
50 - 59 ans
60 et plus
SYNTHESE
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Normes ou recommandations
tats-Unis
American Speech-language
Hearing Association (2005)
ANSI S12-60 2002
30 dB : salle vide
35 dB : 566 m3
40 dB : > 566 m3
Leq dB(A) sur 1 heure continue
la plus bruyante
Grande-Bretagne
Building Bulletin 93
OMS
Recommandations WHO
35 dB
Leq dB(A) sur le cours
<1s
< 0,6 voire infrieur
pour malentendants
France
Arrt du 25 avril 2003
Bruit continu
33 dB : bibliothques, salle musique,
salle repos, infirmerie
38 dB : locaux denseignements
Bruit intermittent
38 dB : bibliothques, salle musique,
salle repos, infirmerie
43 dB : locaux denseignements
Bruits dus aux quipements
techniques du btiment
* Tr60 : temps mis par lnergie sonore pour dcrotre de 60 dB lextinction de la source sonore ; Leq : level
equivalent
Synthse
SYNTHESE
259
260
Tous les paramtres acoustiques de la voix peuvent tre altrs : hauteur (ou
frquence ou tonalit), intensit, timbre, dbit, articulation. Lanalyse
acoustique objective permet de mesurer tous ces paramtres ; la difficult
rside dans labsence de consensus quant la pertinence des indices mesurs,
leur corrlation avec lvaluation subjective et les constatations anatomiques. Cela tient linstabilit de la voix en tant que signal dun point de vue
physique, la manire dont on recueille le signal (acoustique ou microphonique, lectrolaryngographique), au matriau phontique analys (voyelle
ou parole continue), aux conditions dmission vocale (intensit moyenne,
forte intensit, frquence usuelle, voix parle, voix chante). Tous les systmes danalyse sont informatiss, avec des programmes ddis, des plus simples aux plus sophistiqus, analysant de faon simultane un ou plusieurs
paramtres. Cest une question de choix et de moyens.
Synthse
SYNTHESE
Les mesures arodynamiques apprcient les pressions et les dbits dair. Certaines sont simples effectuer, comme le temps maximum de phonation ou
TMP, dautres ncessitent un appareillage plus sophistiqu avec des capteurs
de dbit.
Le bilan tiologique est fait par le mdecin spcialiste, ORL ou phoniatre.
Lexamen clinique tudie la qualit des rsonateurs (bouche, dents, langue,
voile du palais, articulation temporo-mandibulaire). Lexamen laryng en est
le moment essentiel et indispensable car il tudie laspect morphologique et
la dynamique des cordes vocales. Il est ralis avec des optiques souples
(nasofibroscopie) ou rigides qui fournissent une image de grande qualit et
permettent dy coupler une stroboscopie. En gnral, un enregistrement
vido numrique est effectu lors de lexamen. On tudie la morphologie des
cordes vocales (couleur, longueur, existence de lsions), leur mobilit et en
stroboscopie, la qualit de leur accolement, lamplitude de londulation
muqueuse et sa symtrie. Il existe un protocole dexamen standardis recommand par la Socit europenne de laryngologie.
Au terme de ce bilan vocal, qui doit comprendre au moins un bilan fonctionnel (fait par un phoniatre ou un orthophoniste), des mesures acoustiques
(frquence fondamentale, intensit), un TMP et une endoscopie larynge,
un diagnostic de dysphonie est le plus souvent tabli : il sagit notamment de
dysphonie purement dysfonctionnelle avec cordes vocales anatomiquement
normales, ou lsions des cordes vocales dans un cadre le plus souvent dysfonctionnel. Les nodules bilatraux, le polype unilatral ou ldme des
cordes vocales sont les lsions que lon retrouve le plus frquemment, en
particulier chez les enseignants.
Le pronostic est apprci et la prise en charge est propose : un traitement
mdical simple sil sagit par exemple dune laryngite ou dun reflux gastrosophagien, une rducation orthophonique ou phoniatrique pour redonner
un bon geste vocal dans le cadre dysfonctionnel, un traitement chirurgical si cela est ncessaire et qui sera encadr ou au moins suivi dune rducation, car cest souvent la dysfonction qui, la longue, a cr la lsion.
Il peut parfois tre ncessaire davoir recours dautres examens pour prciser un diagnostic ou proposer une prise en charge particulire : bilan de
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262
La chirurgie correspond au traitement de lsions installes de faon chronique. La plupart du temps, les lsions spcifiques conscutives au forage
vocal chez lenseignant bnficient dune prise en charge rducative et le
traitement chirurgical nintervient quen cas dchec de celui-ci.
Synthse
Le malmenage et le surmenage vocal sont au centre des processus dapparition des lsions dysfonctionnelles. Leur prise en charge doit donc tre avant
tout axe sur le dysfonctionnement et la chirurgie des cordes vocales doit
toujours tre encadre de mesures dhygine vocale, telles que le port dun
dispositif damplification, de traitements mdicaux des pathologies associes et surtout de mesures rducatives. Dans tous les cas, une rducation
orthophonique sera propose au moins en post-opratoire. Il est toujours
prfrable que le patient rencontre lorthophoniste avant lintervention chirurgicale.
SYNTHESE
Dans les phases chroniques de la dysphonie, il nexiste pas non plus de traitement spcifique ayant fait ses preuves pour lamlioration de la voix. Un
certain nombre de patients doivent cependant tre pris en charge pour des
maladies reprsentant un facteur favorisant pour lapparition dune dysphonie. Cest le cas notamment des traitements vise anti-acide gastrique chez
les patients prsentant un reflux gastro-sophagien.
La chirurgie consiste en lintroduction dun laryngoscope (tube mtallique)
dans la cavit buccale sous anesthsie gnrale, le plus souvent avec intubation oro-trachale. Ce tube permet de visualiser les cordes vocales directement ou laide dun microscope opratoire. Il sagit dun geste bref mais le
patient est la plupart du temps hospitalis au moins pour la journe ou pour
une ou deux nuits suivant le rgime rglementaire de ltablissement.
Comme tout geste chirurgical, le patient doit tre prvenu des risques de ce
type dintervention.
La chirurgie est effectue laide dinstruments spcifiques permettant les
gestes lmentaires de toute chirurgie : cartement, dcollement, prhension, section. Certains chirurgiens utilisent un laser CO2 dont le rayon,
coaxial la vise du microscope, permet de sectionner la muqueuse et de
coaguler les micro-vaisseaux. Avec les lasers les plus rcents, les effets thermiques non dsirs (brlure de la muqueuse autour de la zone de section)
ont diminu et actuellement, il nexiste aucun argument document pour
recommander une section en microchirurgie plutt quune section par laser
ou inversement.
Le traitement des lsions nodulaires et des polypes consiste alors saisir le
polype et lcarter du plan du ligament vocal en profondeur, de manire
pratiquer lexrse en tissu sain la plus conomique possible. Certains chirurgiens pratiquent une infiltration de lespace de Reinke de manire raliser
une hydro-dissection . Lexrse est ralise indiffremment par microchirurgie ou au laser. Aprs exrse, il nest pas ncessaire de suturer les
berges de lexrse. Lintervention ne saigne pratiquement pas. La pice
dexrse est systmatiquement adresse en laboratoire dhistologie pour
analyse. Au rveil, le patient ne souffre en gnral pas du tout. Malgr
labsence de consensus, il est gnralement recommand dobserver un repos
vocal absolu de quelques jours.
263
Les autres traitements chirurgicaux sont des variantes. Les dmes sont parfois trs proches des polypes du point de vue de leur aspect et de leur consistance. Lexrse en est alors ralise selon les mmes rgles. Dans dautres
cas, ils sont plus fluides et il est possible daspirer cet dme aprs avoir
ralis une section longitudinale de la muqueuse au niveau de sa face suprieure. Les granulomes de lapophyse vocale sont plutt traits par exrse
laser et certains chirurgiens utilisent en fin dintervention un procd complmentaire dattouchement avec de la mitomycine ou dinfiltration de cortisone in situ. Enfin, les autres techniques chirurgicales ne sont pas spcifiques
aux enseignants et ne sont pas prsentes ici.
Chez lenseignant, le traitement chirurgical est le plus souvent assorti dun
arrt de travail. Pour la priode post-opratoire, les auteurs recommandent
un arrt de lactivit vocale pendant au moins 3 6 semaines en fonction du
geste chirurgical effectu. La reprise de lactivit vocale professionnelle
temps complet ne peut intervenir quaprs un bilan de la qualit de la voix
et de ses possibilits car il existe un risque svre de rechute en cas de reprise
trop prcoce avant la gurison complte des cordes vocales. Dans certains
cas, si cela est possible sur le plan professionnel, il est propos une reprise de
lactivit denseignement proprement dite temps partiel.
264
La voix se fabrique grce au fonctionnement synchrone de plusieurs systmes qui ont des fonctionnements habituellement indpendants : la cavit
bucco-pharynge et la langue, le larynx, le systme respiratoire, le systme
musculaire abdomino-diaphragmatique. Ces systmes lorsquils sont conjoints subissent des contraintes dans lexcution de leurs mouvements ou de
leurs associations : si la respiration est dmesure et trs nergique, il sy
associe une contraction musculaire cervicale qui va enserrer le larynx et
Synthse
donc rduire sa mobilit, les pressions larynges trop faibles ou trop fortes
vont amoindrir lefficacit vibratoire qui pourra tre contre-balance par
une tonicit linguo-pharynge ce qui modifiera le timbre vocal. Ces contraintes ont donc une marge dadaptation rduite au-del de laquelle les
symptmes vont se manifester, cliniques puis organiques.
Quand la marge de contrainte de ce systme est dpasse, il y a alors une dysphonie. On constate demble que la voix nest pas univoque et que sa prise
en charge mritera dtre organique, fonctionnelle et psychique pour rpondre entirement la place cruciale quoccupe la voix chez ltre humain.
SYNTHESE
La prise en charge des symptmes vocaux seffectue en gnral par des ORL,
des phoniatres et des orthophonistes qui sont des thrapeutes. Ils considrent le patient dans sa globalit et sont capables dapprhender les facteurs
organiques, somatiques, fonctionnels et psychologiques. Cela implique des
qualits dcoute et dempathie ainsi quune solide formation personnelle.
Une vritable prise en charge rducative ncessite une maturit personnelle du rducateur afin de respecter en tout premier lieu lidentit culturelle et les exigences vocales du groupe social dappartenance en tenant
compte de la dimension psychique propre la voix et aux principes de communication. Il sagira donc deffectuer une rducation sur mesure, au
rythme du sujet, en respectant les indications diagnostiques et les orientations thrapeutiques mdicamenteuses ou chirurgicales.
Les professeurs de chant ou les coachs prennent en charge les problmes
vocaux que peuvent rencontrer les enseignants. Il sagit l non pas dune
thrapie mais dune optimisation des possibilits vocales. Lenseignement
vise amliorer un geste vocal dans un but esthtique, au rythme du groupe
musical ou choral, ou des exigences musicales dune partition.
Les recherches spcifiques vocales se multiplient depuis le dbut du
XXe sicle au travers de nombreuses socits savantes et de laboratoires de
recherches. Les formations sont dispenses auprs des enseignants grce aux
Instituts universitaires de formation des matres (IUFM) mais restent encore
trop rares bien que les enseignants soient persuads du bienfait dune formation vocale, dautant que 60 % dentre eux ont dj eu des symptmes
vocaux (fatigabilit, aphonie, perte de la voix forte, changement de timbre).
Une thrapie rducative se construit en fonction du diagnostic organique
et fonctionnel dans la mesure o la rducation aura des traits spcifiques
adapts la pathologie en cours. Les principales lsions organiques auxquelles sont exposes les enseignants sont des lsions de forage : polype, nodule,
dme. Les dysphonies dorigine fonctionnelle comportent les fatigabilits
vocales, les changements de timbre et les incapacits la voix forte, les
aphonies. Une place particulire doit tre rserve aux aphonies psychognes dans le cadre de leur survenue et dans leur prise en charge spcifique.
La rducation doit sadapter la situation personnelle de lenseignant et au
contexte de dysphonie (collge, cole maternelle ou universit, locaux
265
266
Synthse
SYNTHESE
267
268
Les programmes rcents de prvention utilisent lapproche directe et prsentent une subdivision qui repose sur les quatre lettres TTTT : Test, Theory,
Training et Transfer. Les tests sont indispensables pour identifier les
caractristiques de la voix. La theory correspond lapproche indirecte, le
training aux exercices vocaux. Le transfer (mise en application) contrle la pratique de lhygine vocale et lapplication des techniques vocales
dans la vie quotidienne. Lentranement en groupe aboutit un effet positif
sur le fonctionnement et la qualit de la voix. Aprs un entranement de
18 mois, une diffrence significative (p < 0,001) dans la qualit de la voix
est dmontre. Le groupe qui a reu un entranement obtient un DSI (Dysphonia Severity Index) de 4,3 alors que le DSI est de 3,2 pour le groupe qui na
pas reu lentranement. Le DSI est un indice acoustique qui renseigne sur la
qualit de la voix : un score de - 5 caractrise une voix de mauvaise qualit,
un score de + 5 une voix de bonne qualit. Le DSI informe sur lvolution
de la qualit de la voix.
Synthse
Groupe entran
Groupe non entran
5
4
DSI
3
2
se
Temps 1
SYNTHESE
Temps 2
269
Recommandations
SYNTHESE
271
272
Recommandations
Les rsultats dessais-pilotes raliss aux tats-Unis, mais uniquement valus court terme, sont dcrits comme extrmement intressants, avec des
bnfices tant pour les enseignants que pour les enseigns. La notion de confort pour lenseignant est ressentie de faon vidente par les intresss.
SYNTHESE
Le groupe dexperts recommande de dvelopper des recherches sur des prototypes damplificateurs de la voix. Les problmes principaux qui restent
rsoudre semblent dordre technique (amlioration de la qualit, ncessit
dviter lenseignant des rglages pendant son activit, optimisation du
placement/maintien du microphone sans fil, type et placement des hautparleurs, ajustement optimal du rapport signal/bruit). Une fois le prototype ralis, il pourrait tre install dans un certain nombre de classespilotes.
DVELOPPER DES TECHNIQUES PERFORMANTES PERMETTANT UNE VALUATION
FONCTIONNELLE DE LA VOIX
273
Communications
Un enseignant perd la voix . Voici un nonc qui vaut comme un constat il arrive en effet ces professionnels de la voix den voir la profration altre, voire compromise mais aussi bien comme une conjoncture
qui mrite lexamen, voire le phras dune formation symptomatique ou
fantasmatique. Quel lien y-a-t-il entre la voix et lenseignant, qui engage
son dsir propre d enseigner et les dboires de ce que lon appelle son
organe ?
COMMUNICATIONS
277
278
Dune part, la voix est ce qui est le reprsentant le plus intime du sujet, la
condition corporelle de la profration. Cest ce qui est la frontire du corps
et de la langue. Dautre part, elle renvoie une altrit dont le locuteur a la
rvlation, quand il lentend de lextrieur (par exemple, sur un magntophone), souvent surpris davoir sentendre parler travers ses inflexions, sa
prosodie, son timbre, ses variations de hauteur et dintensit. La voix pointe
donc une altrit intime au cur du sujet. Comme si ctait lautre qui parlait, quand je donne de la voix .
Si la voix est physiquement impossible sans le corps, elle est aussi hors-corps,
dans la mesure o on peut dsigner comme voix tout ce qui ralise une
opration dappel lautre : ainsi de la voix dun texte. La voix vient de
la glotte, certes, mais elle ny sjourne pas. La preuve : elle peut manquer
lappel. Cest en ce sens que le symptme peut constituer un moment de
vrit de la fonction inconsciente de la voix.
Le sujet a-phone
Laphonie consomme un divorce ponctuel et critique entre le sujet et sa voix
(phon) puisque le sujet se spare alors pour un temps de sa voix moins
que sa voix ne fasse une fugue, qui fait quelle abandonne le lieu o elle est
cense sjourner.
La glotte est cette grotte dans laquelle le sujet pense que sa voix sjourne,
creux dont il peut lextraire son gr selon ses besoins. Or, voil
quelle schappe. O est-elle pendant ce temps o le larynx se trouve insonoris ?
COMMUNICATIONS
279
280
Lintransmissible et sa voix
On voit les perspectives que cela ouvre sur le moment rvlateur de laphonie de lenseignant.
Que veut un enseignant, entendons celui qui se tient dans son acte de parole
et adhre sa fonction ? On peut dire quil veut intresser lautre afin
daccomplir sa tche de faon satisfaisante. Mais cela ne dit rien sur le dsir
en jeu et en acte. Quel est le fantasme qui, au-del de la singularit des configurations subjectives, soutient sa profession ? Cest celle de transmettre quelque chose de son savoir, entendons de lobjet-cause de son dsir,
soit dintresser lautre son dsir denseigner. Il le fait en actant un savoir
au moyen dune parole qui doit atteindre lautre, laffecter corporellement et
ce faisant dans les termes du fantasme lui ouvrir la jouissance de lAutre,
en sa version de savoir. Faute de quoi le circuit pulsionnel tournerait vide,
le wagon revenant vide sa station de dpart.
281
On sait que lenseignant doit parler beaucoup, longtemps, de faon ritrative et insistante, re-dire inlassablement et maintenir, au moyen de la voix,
le contact avec lesprit-corps , la psych-soma des enseigns . Cela
comporte frquemment un forcing de la voix. Mais la voix ne suse pas seulement parce que lon sen sert. Ainsi, un enseignant dont les enseigns ne
veulent pas de la parole viennent humilier son objet. La perte de voix signe
ce moment mlancolique.
Le sujet alors se spare, il boude en quelque sorte. Sa voix le snobe. Bref,
il sagit dun chagrin damour , dun sinistre du transfert en mme temps
quun repli narcissique. On comprend en quoi On ( un enseignant )
perd la voix prend sa dimension dtre dchiffrable comme la mise en acte
dun phras fantasmatique, au cur mme du symptme produit.
Freud situait lducation du ct des mtiers impossibles , avec la politique et lanalyse, dans la mesure o on peut tre sr davance du caractre
insuffisant du rsultat escompt et espr (Freud, 1937). Cest aussi le dsir
dont on est incurable , alors mme quil doit des degrs divers chroniquement, se confrontant au dsir ambivalent de lenseign. Que ce mtier
soit impossible (unmglich ) en confirme la vocation . L o lanalyste
silencieux fait usage parcimonieusement de sa voix, le politique et lducateur-enseignant en font un usage dterminant. Le propre de ce dernier est de
sengager dans cette pulsion de savoir si puissante. La-phonie, en ses
diverses et subtiles modalits, marque en quelque sorte cet aveu de linenseignable en forme de haut-le-corps . Preuve que la parole se produit en
quelque sorte sur fond daphonie. Ce qui en fait le caractre poignant et passionnel
Paul-Laurent Assoun15
Professeur lUniversit Paris-7 Diderot
BIBLIOGRAPHIE
ASSOUN PL.
282
ASSOUN PL.
FREUD S. Le
LAPLANCHE J
COMMUNICATIONS
LACAN J.
283
Approche
cognitivo-comportementale
dans la prvention et la prise
en charge
COMMUNICATIONS
285
286
Lorsquun patient arrive dans le cabinet dun thrapeute cognitivo-comportementaliste, celui-ci dmarre la relation thrapeutique par une analyse
fonctionnelle , savoir un interrogatoire cherchant mettre en vidence
COMMUNICATIONS
287
lhypothse tant que les troubles vocaux sont conditionns en partie par
des facteurs cognitifs eux-mmes gnrateurs de lanxit.
Finalement, il sera question de la modification des comportements travers la
mise en place de tches et dexpriences (au sens scientifique du terme) : travailler la voix et la communication en jeu de rle avec le thrapeute ; tester le
rsultat dune nouvelle voix sur les lves ; dpasser les vitements :
reprendre le travail lorsque le sujet est arrt, aider confronter une classe
particulirement redoute.
Rosemarie Bourgault
288
La Fondation MGEN pour la sant publique a mis en place une tude longitudinale qui permettra tous les quatre ou cinq ans de suivre ltat de sant et
didentifier les principaux facteurs de risque observs sur un grand chantillon dadhrents majeurs tirs au sort au niveau national indpendamment
de leur ge et de leur lieu dhabitation. LEnqute Sant MGEN est destine
valuer les effets court, moyen et long termes de la vie professionnelle sur
la sant physique et mentale, mais aussi sur lutilisation du systme de soins.
Parmi les nombreux items tudis dans cette enqute, figure un certain
nombre de questions sur les troubles de la voix. Alors que trs peu de donnes pidmiologiques sont disponibles en France pour les enseignants, cette
enqute a permis de collecter des donnes sur la prvalence de troubles de la
voix sur un chantillon de prs de 4 000 enseignants franais.
COMMUNICATIONS
Matriel et mthode
Population dtude et procdure dchantillonnage
La population dtude est constitue des assurs sociaux16 (grs rgime obligatoire et rgime complmentaire) de la MGEN ; elle est compose 65 %
denseignants, les 35 % restants concernent des employs et cadres de la
fonction publique, directeurs dtablissements, chercheurs...
En 2005, 20 099 mutualistes gs de 18 ans et plus ont t tirs au sort au
niveau national (France mtropolitaine et Dom-Tom) la proportionnelle
et ont reu un questionnaire par courrier. Cette enqute a fait lobjet dune
autorisation par la Cnil et tait totalement anonyme. Le taux global de
rponse obtenu aprs 2 relances conscutives a t de 53 % (soit un effectif
de 10 288 rpondants).
16. Une vague complmentaire denqutes se droule en 2006 de manire intgrer les ayants
droit lchantillon (9 500 autres individus ont reu un questionnaire). Les donnes prsentes
dans ce document ne portent que sur la campagne denqute de 2005.
289
Description de lchantillon
Les donnes prsentes dans ce document ne concernent que les enseignants
en activit professionnelle au nombre de 3 904. titre indicatif, sur les
10 288 rpondants lenqute, 6 078 personnes sont ges de moins de
60 ans, 4 210 personnes sont ges de plus de 60 ans dont 2 722 enseignants
la retraite.
Le tableau I prsente les caractristiques socio-dmographiques de lchantillon compos des 3 904 enseignants en activit ainsi que le type dtablissement o lenseignement est effectu.
Tableau I : Caractristiques de lchantillon tudi
Femme
(N = 2 538)
(%)
Homme
(N = 1 366)
(%)
Total
(N = 3 904)
(%)
De 18 25 ans
1,60
3,10
2,60
De 26 35 ans
19,50
20,80
20,40
De 36 45 ans
23,10
29,50
27,30
De 46 55 ans
34,20
32,60
33,10
De 56 65 ans
21,30
14,00
16,50
Plus de 66 ans
0,20
0,04
0,10
0,70
1,10
0,90
1,30
13,90
9,40
14,80
22,20
19,60
Maternelle
Primaire
Collge
23,70
24,10
23,90
Lyce gnral
18,90
13,40
15,30
Lyce technique
11,60
7,40
8,90
tablissements suprieurs
19,00
10,60
13,60
tablissements spcialiss
10,30
7,40
8,40
Instrument
Quatre questions sur les troubles de la voix ont t poses dans une partie du
questionnaire ddie la sant gnrale (tableau II).
Tableau II : Questions sur les troubles de la voix
G14
290
Toujours
Souvent
Rarement
Jamais
La voix raille
G14
Mal la gorge
G15
Y a-t-il des moments o ces problmes de voix ou de gorge sont plus importants ?
Oui
G15a
Non
Ne sait pas
Dbut de la journe
Fin de la journe
Dbut de lanne
Dbut de trimestre
Fin de trimestre
Fin de lanne
G16
Non
Ne sait pas
Prvalences
COMMUNICATIONS
Non-enseignant (N = 1 889)
% ayant rpondu
toujours ou souvent G14
Homme
26
22
Femme*
50
35
291
Femme
% ayant rpondu
toujours ou souvent G14
De 18 25 ans
18
47
De 26 35 ans
33
60
De 36 45 ans
24
47
De 46 55 ans
25
46
De 56 65 ans
22
47
noter une diffrence significative 5 % entre la rpartition par classe dge entre les hommes et les femmes,
ainsi quune diffrence significative 5 % entre classes dge uniquement chez les femmes.
Il na pas t observ de diffrence statistiquement significative des prvalences des troubles de la voix entre classe dge chez les hommes ; en revanche, chez les femmes les prvalences diffrent entre les classes dge avec des
prvalences plus fortes chez les 26 35 ans.
Le tableau V prsente les prvalences des troubles de la voix en fonction du
type dtablissement et de la classe.
Tableau V : Prvalence des troubles de la voix selon le type dtablissement
o exercent les enseignants
Homme
% ayant rpondu
toujours ou souvent G14
292
Femme
% ayant rpondu
toujours ou souvent G14
20
50
Maternelle
33
55
Primaire
24
51
Collge
30
50
Lyce gnral
25
45
Lyce technique
25
47
tablissements suprieurs
25
46
tablissements spcialiss
25
47
noter une diffrence significative 5 % entre la rpartition par type dtablissement entre les hommes et les
femmes.
Femme
% ayant rpondu
toujours ou souvent G14
Musique
40
54
EPS/danse
29
46
Autres disciplines
25
51
noter une diffrence significative 5 % entre la rpartition par discipline enseigne entre les hommes et les femmes.
COMMUNICATIONS
17. Ces observations nont pas t faites de manire statistiquement significative lorsque lon utilise
2 ans comme point de coupure.
293
Tableau VII : Prvalence par type de troubles de la voix chez les enseignants
en activit
Homme
% ayant rpondu
toujours ou souvent G14
Voix raille*
Femme
% ayant rpondu
toujours ou souvent G14
23
11
21
Mal la gorge*
16
31
13
Extinction de voix*
Les troubles les plus frquemment dclars sont pour les deux sexes le mal
la gorge , suivi chez les hommes du chat dans la gorge , et de la voix
raille chez la femme.
Le moment de survenue des troubles de la voix chez les enseignants varie
selon le moment de la journe, la priode du trimestre ou de lanne
(tableau VIII).
Tableau VIII : Moment de survenue de ces problmes de voix chez les
enseignants
Homme
% ayant rpondu oui
Femme
% ayant rpondu oui
Dbut de journe
19
15
Fin de journe
80
84
Dbut du trimestre*
30
20
Fin du trimestre**
70
80
Dbut danne*
77
63
Fin danne*
22
37
Chez les hommes comme chez les femmes, les problmes de voix sont dclars comme survenant davantage en fin de journe, en fin de trimestre et en
dbut danne.
Comorbidit avec les troubles psychiatriques
294
Diagnostic Interview Short Form) (Robins et coll., 1988) sous sa forme autoadministre. Ce questionnaire permet ainsi la construction des algorithmes
diagnostiques selon les critres du DSM-IV (DSM-IV, 1994) et de la CIM-10
(OMS, 1994) pour les troubles dpressifs et anxieux, plus spcifiquement les
troubles phobiques, lanxit gnralise et le stress post-traumatique. La
prvalence des troubles de la voix est rapporte en fonction du diagnostic de
troubles de sant mentale (tableau IX).
Tableau IX : Prvalence des troubles de la voix en fonction du diagnostic de
certains troubles de sant mentale chez les enseignants en activit
Femme
% ayant rpondu
toujours ou souvent
G14
Oui
39
61
Non
24
47
Oui
36
60
Non
25
48
Oui
50
57
Non
25
49
Oui
53
55
Non
25
49
Oui
28
61
Non
25
49
COMMUNICATIONS
Homme
% ayant rpondu
toujours ou souvent
G14
*Diffrence significative 5 % entre les prvalences des troubles de la voix en fonction de la prsence ou non dun
trouble psychiatrique.
Les prvalences des troubles de la voix sont plus leves chez les enseignants
prsentant un diagnostic positif de trouble de sant mentale, aussi bien chez
les hommes que chez les femmes. Cependant, les diffrences ne sont pas statistiquement significatives pour la nvrose post-traumatique.
295
Homme
% ayant rpondu
toujours ou souvent G14
Femme
% ayant rpondu
toujours ou souvent G14
Oui
32
55
Non
23
44
*Diffrence significative 5 % entre les prvalences des troubles de la voix en fonction de la prsence ou non
dun arrt de travail.
Les prvalences des troubles de la voix sont plus leves chez les enseignants
ayant dclar au moins un arrt de travail aussi bien chez les hommes que
chez les femmes.
En conclusion, face la pauvret des donnes pidmiologiques disponibles
en France sur la prvalence des troubles de la voix chez les enseignants, les
donnes de lEnqute Sant MGEN apportent des lments descriptifs trs
intressants. Les troubles de la voix sont ainsi trs frquents chez les enseignants, en particulier chez les femmes. Les associations observes avec les
troubles psychiatriques et les arrts de travail confirment quil peut exister
un contexte parfois plus complexe que la simple dfaillance mcanique
autour de ces troubles de la voix.
Les facteurs de risque professionnels, les facteurs aggravants du mtier
denseignant et les facteurs de risque environnementaux sont donc considrer dans leur globalit pour permettre une meilleure prise en charge de ces
troubles dun point de vue prventif et thrapeutique. Le suivi des participants lEnqute Sant MGEN permettra de suivre lvolution de ces troubles de la voix au cours des annes venir et dtudier leurs dterminants de
manire plus prcise.
Elna Nerrire
Epidmiologiste, Fondation dentreprise
MGEN pour la Sant Publique
BIBLIOGRAPHIE
296
COMMUNICATIONS
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conjunction with different diagnostic systems and in different cultures. Arch Gen
Psychiatry 1988, 45 : 1069-1077
297
Lorsquil sadresse un groupe, tout locuteur est soumis un rflexe naturel destin maintenir un rapport signal/bruit permettant la comprhension du message. Au moment o lactivit des occupants gnre un niveau
de bruit suprieur au niveau de bruit ambiant dans la salle non occupe,
les locuteurs ragissent naturellement par une augmentation de leur
niveau de voix en relation directe avec leur perception du niveau de bruit
ambiant.
COMMUNICATIONS
299
Avant de traiter spcifiquement de leffort vocal des locuteurs dans des environnements dfavorables, nous prsenterons un tat global de lenvironnement acoustique quotidien dans les salles de classe, les normes et recommandations qui sy rattachent ainsi que les solutions passives et actives qui
permettent de renforcer la voix du locuteur.
300
301
de
classe :
rglementations
et
Us general accounting office. "Report on condition of Americas schools" GAO/HEHS-95-61, Feb. 1, 1995
Digeste de la construction au Canada CBD-92-F : Lacoustique des salles publiques (Canada publi lorigine
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Arrt du 9 janvier 1995 relatif la limitation du bruit dans les tablissements denseignement
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http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/Visu?cid=125065&indice=1&table=JORF&ligneDeb=1
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Standard AS/NZS 2107:2000 Acoustics Recommended design sound levels and reverberation times for building
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ANSI S12.60-2002 : Acoustical Performance criteria, design requirements, and guidelines for schools
(tats-Unis - Juin 2002)
Intelligibilit de la parole dans les salles de classe Recommandation BIAP
(Bureau International dAudiophonologie) 09/10-4 (Belgique - Fvrier 2003)
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Temps de rverbration
302
Pour ce qui est du temps de rverbration dans les salles de classe, on peut le
mesurer de 0,3 s jusqu des valeurs telles que 3 s, alors que la rglementation
franaise donne une fourchette entre 0,4 s et 0,8 s ou entre 0,6 s et 1,2 s
selon le volume de la salle (Brel, 1994 ; Bistafa et Bradley, 2000 et 2001 ;
Hodgson et Nosal, 2002). Les recommandations internationales donnent
une limite maximale allant de 0,4 s 1,2 s selon le volume. Il est toutefois
reconnu aujourdhui quun temps de rverbration trop court peut tre
lorigine dautres problmes lis des niveaux de voix trop faibles lorsque la
distance entre le professeur et llve est leve, ce qui est inacceptable.
Il devrait tre soulign quactuellement, les designs architecturaux et acoustiques labors dans un objectif dintelligibilit de la parole cherchent
atteindre un temps de rverbration optimis et non simplement rduit. Les
tudes scientifiques nous mettent en garde contre un comportement de
diminution abusif du temps de rverbration (Bradley, 1986 ; Bradley et coll.,
2003).
COMMUNICATIONS
Les niveaux mesurs varient entre une voix faible et une voix forte, de
55 dBA 80 dBA 1 m en face du professeur (Bistafa et Bradley, 2001). La
limite infrieure accepte pour le niveau de voix dans les salles de classe est
50 dBA. Cette limite est considre comme tant trs faible, mais toutefois
acceptable. Par exemple, le niveau de voix peru par un lve assis au dernier rang ( 10 m du professeur) serait de 50 dBA dans le cas o la voix du
professeur serait maintenue un niveau de 65 dBA 1 m.
303
ci sajuste galement en prsence dun environnement acoustique dfavorable, pour tenter de compenser la dgradation de lintelligibilit du message.
Leffort vocal est non seulement caractris par une hausse du niveau sonore
de la voix, mais galement par une modification des paramtres acoustiques
du signal, comme par exemple llvation de la frquence fondamentale et
de la frquence de certains formants, ou la modification de la dure des consonnes et des voyelles.
COMMUNICATIONS
305
le nombre dlves ;
le type dactivit ;
le comportement des lves, cest--dire leur niveau dagitation ;
lacoustique de la salle (rverbration, rsonances, chos, rflexions...).
COMMUNICATIONS
307
BIBLIOGRAPHIE
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846-854
BRADLEY JS, REICH RD, NORCROSS SG.
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SUTHERLAND L, LUBMAN D.
THIELE R.
TRAUNMLLER H, ERIKSSON A.
310
Mthodologie du projet
Les outils utiliss pour mesurer lacoustique des salles et pour valuer les
troubles de la voix des enseignants sont dcrits.
311
Les troubles de la voix sont caractriss par une multitude de facteurs variables selon les observateurs et les mthodes diagnostiques. Il est donc utile
Un texte Nordwind und Sonne dune dure dune minute et des voyelles
tenues au moins deux secondes font lobjet dun enregistrement numrique
en utilisant des microphones, amplificateurs et convertisseurs A/D de haute
qualit dans une chambre absorbante.
COMMUNICATIONS
313
Ralisation du projet
Vingt-cinq enseignants de lcole Aretzstrasse ont particip librement au
projet. Il ny avait pas de slection des enseignants. taient accepts tous
ceux qui voulaient participer.
Interview des enseignants
314
COMMUNICATIONS
315
1,60
1,40
1,20
1,00
Salle 1
Salle 2
Salle 3
Salle 4
0,80
0,60
0,40
8000
6300
5000
4000
3150
2500
2000
10000
Frquence [Hz]
1600
1250
800
1000
630
500
400
315
250
200
160
125
80
0,00
100
0,20
316
COMMUNICATIONS
1,40
1,20
Salle 1 vide
Salle 2 vide
Salle 3 vide
Salle 4 vide
Salle 1 avec absorbeur
Salle 2 avec absorbeur
Salle 3 avec absorbeur
Salle 4 avec absorbeur
Salle 1 avec absorbeur et lves
Salle 2 avec absorbeur et lves
1,00
0,80
0,60
0,40
630
800
1000
1250
1600
2000
2500
3150
4000
5000
6300
8000
10000
0,00
80
100
125
160
200
250
315
400
500
0,20
Frquence [Hz]
317
Rsultats
Les rsultats concernent lacoustique des salles et les pr-examens de la voix
des enseignants.
318
Temps [s]
1,5
0,5
0
80
125
200
315
500
800
1250
Frquence [Hz]
2000
3150
5000
8000
COMMUNICATIONS
Figure 5 : Analyse spectrale du temps de rverbration et de lindice dintelligibilit de la parole (STI) des quatre salles avant et aprs lamnagement ;
mesure 1 : avant amnagement, mesure 2 : aprs amnagement
Temps de rverbration
319
trs mauvaise
0,3 0,45
insuffisante
0,45 0,6
satisfaisante
0,6 0,75
bonne
> 0,75
excellente
La valeur STI de 0,45 est souvent note valeur minimale ou limite ; cela
signifie quil faut latteindre ou la dpasser. Par exprience, on trouve quune
augmentation de la valeur STI entre 0,4 et 0,5 correspond aux amliorations
les plus perceptibles. cet gard, les valeurs STI sont juges satisfaisantes en
tous cas. Il faut quand mme tenir compte du fait que les mesures sont effectues sans bruit de fond, mme si la salle est occupe. La prsence dun bruit
compos de multiples signaux de parole produit une valeur STI plus basse,
qui va en diminuant avec le niveau sonore.
Rduction du bruit
320
COMMUNICATIONS
Dans la figure 6, les rsultats des pr-examens sont visualiss. On voit quun
cinquime des enseignants prsente des problmes en phoniatrie (groupe
risque aprs examen mdical). Trs peu denseignants prsentent des problmes mis en vidence par audiomtrie. Les effectifs des examens orthophoniques et acoustiques sont plus ou moins galement distribus et suggrent
que deux tiers des enseignants examins (sans risque, faiblement risque et
risque) prsentent des problmes orthophoniques svres ou lgers.
90
80
70
60
50
40
30
20
mdical
logopdique
audiomtrique
Examen
enrouement
sans risque
faiblement risque
fortement risque
sans risque
faiblement risque
fortement risque
sans risque
faiblement risque
fortement risque
sans risque
faiblement risque
sans risque
fortement risque
10
fortement risque
100
phontogramme
321
Les rsultats des exprimentations sur le surmenage vocal ne sont pas encore
disponibles, cette exprimentation nayant pas encore eu lieu.
En conclusion, les rsultats de lanalyse des salles indiquent que les conditions
acoustiques de certaines salles de classe sont mauvaises et quil est ncessaire de
les corriger. Une amlioration significative de lacoustique des salles est ralise
par la modification des plafonds par absorbeurs acoustiques et des sols par tapis.
Les pr-examens mdicaux, orthophoniques, audiomtriques et acoustiques
de la moiti du personnel enseignant de lcole montrent une augmentation
des troubles de la voix significative qui est typique pour des locuteurs professionnels. Une analyse statistique de la diffrence entre les enseignants
hommes et femmes nest pas possible cause du nombre insuffisant des
enseignants hommes (n = 6), mais on observe une tendance moindre dindications mdicales et orthophoniques chez les enseignants masculins.
Il est prvu la mesure de leffet de lacoustique de la salle sur la qualit de la
voix des enseignants en comparant deux conditions diffrentes. Une incertitude dans lanalyse de la qualit de la voix rsulte des multiples facteurs qui
linfluencent. Limportance des aspects psychiques, sociaux, de la dynamique
de groupe dans la classe est difficile estimer.
La partie finale du projet est donc ncessaire pour confirmer ou infirmer
lhypothse que lamlioration de lacoustique des salles permet une rduction de la charge vocale des enseignants.
La comparaison directe de la qualit de la voix des enseignants slectionns
avant et aprs les cours dans les salles optimises et non optimises est effectue
pour savoir si lacoustique des salles peut modifier significativement la qualit
de la voix pendant une priode courte. Si cette partie du projet ne donne pas
une preuve fiable, cela ne signifie pas que les conditions acoustiques sont ngligeables. En effet, la plupart des troubles de la voix rsultent dun surmenage
persistant. De nouvelles mthodes devront tre appliques pour prouver la relation entre lacoustique des salles et la qualit de la voix des enseignants.
Malte Kob18
Gottfried Behler
Oliver Goldschmidt
Christiane Neuschaefer-Rube
Klinik fr Phoniatrie, Pdaudiologie und Kommunikationsstrungen RWTH
Aachen, Allemagne
Anja Kamprolf
Institut fr Technische Akus tik, RWTH Aachen, Allemagne
322
18. Nous remercions les enseignants de lcole Aretzschule pour leur coopration pendant ltude.
Nous sommes reconnaissants aux collaborateurs de la clinique de phoniatrie, audiologie pdiatrique et dysfonctionnement de la communication pour lexcution de la partie clinique du projet.
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KLINGHOLZ F, MARTIN F.
COMMUNICATIONS
MICHAELIS D.
323
Annexes
Annexe 1
ANNEXE 1
chelle
Description
Grade
Rough
Breathy
Asthenic
Strained
ANNEXE
chelle GRBAS
327
Annexe 2
ANNEXE 2
(2)
(3)
(4)
PJ
PT
P2
F3
P4
F5
F6
E7
F8
E9
P10
F11
F12
P13
P14
E15
F16
P17
P18
F19
P20
P21
F22
E23
E24
E25
P26
E27
ANNEXE
F1
(0)
329
E28
E29
E30
330
(0)
(1)
(2)
(3)
(4)
PJ
PT
Annexe 3
ANNEXE 3
F1
F3
P10
P14
F16
P17
F19
F22
E23
E25
(0
)
(1)
(2)
(3)
(4)
PJ
PT
ANNEXE
19. ROSEN CA, LEE AS, OSBORNE J, ZULLO T, MURRY T. Development and validation of the
voice handicap index-10. Laryngoscope 2004, 114 : 1549-1556.
331