Bouderbala N. - La Formation Du Système Foncier Au Maroc - 133-134++

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1.

LA FORMATION DU SYSTEME FONCIER


AU MAROC
Ngib

1.

BOUDERBALA

UNE EXTRAORDINAIRE DIVERSITE

Le rgime juridique de la terre au Maroc prsente une extraordinaire diversit de statuts. Selon les auteurs, le nombre et la dnomination changent: A. Mesurer (1) en dnombre 8 dont 7 indignes >: Terres mortes, terres melk, terres collectives des tribus,
terres makhzen, terres 19Uich, terres des tribus de naiba, bien
habous > et une moderne terres immatricules >. Paul Decroux (2)
en cite 8: terres immatricules, habous, droits coutumiers musulm.:"ns, terres collectives, guich, terres situes l'intrieur des pri~etres d'irrigation, bien de familles, lotissements etc... Paul Pascon
Signale l'existence de 7 statuts principaux et de 27 sous-statuts (1).
Cette profusion a plusieurs raisons:
La premire est d'ordre terminologique: c'est l'abus du concept
de Siatut foncier >. II faudrait rserver ce terme la dsignation
d'Un individu juridique > dfini par un rgime cohrent:
- nature du droit de proprit (individuel-collectif, priv-public,
droit minent-jouissance)
- rgime de l'exploitation
- dlimitation
- enregistrement etc...
- dvolution successorale etc...

Peut-on, dans ces conditions, appeler statut, une simple rgle-

( 1) La proprit foncire au Maroc. Vuibert, 1921.


(2) Droit Foncier Marocain. Editions Laporte, Rabat, 1972.
(3) Cours ronot de Sociologie du dveloppement. lA et VH2 mai 1971.

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mentation de la dvolution successorale (Rabous priv), un dmembrement de la proprit i(droit de 19Za), quelques restrictions apportes au rgime de la proprit prive melk (bien de famille, lotissements), une procdure d'enregistrement et de dlimitation de la proprit (l'immatriculation)? Seules semblent constituer des statuts, les
terres collectives, les terres melk, les terres domaniales, les autres
rgimes :l> ne constituant que des dispositions partielles, des cas particuliers de ces 3 grandes catgories. La question reste videmment
creuser...
La deuxime raison suggre par Paul Decroux (1), est la
diversit des sources du droit foncier marocain, relevant de systmes
juridiques - je dirais de socits - diffrentes. Il y a chevauchements, imbrications, superpositions de dispositions partielles du orf,
du chra et du Code Civil franais. Par exemple la procdure de
l'immatriculation peut se superposer pratiquement tous les autres
rgimes (melk, collectif, domaniaL). Autre exemple: le rgime successoral suit le statut personnel: une proprit prive, immatricule
ou non, selon qu'elle appartienne un juif, un musulman ou un
tranger sera rgie par le droit des successions hbraque, musulman ou franais.
Une troisime raison nous fait quitter le droit pour le fait:
la diversit et la complexit des rgimes fonciers est lie, bien sr,
l'volution et la combinaison de modes de production. Un survol
rapide de l'histoire foncire conduirait lier la proprit collective
un MP tribal, berbre, prislamique; prsenter la proprit priv(
melk comme cration de l'islam et convergence de la rsistance d'un
MP patriarcal et de l'mergence d'une proprit individuelle citadine;
identifier l'apparition et l'extension du domaine de l'Etat c Makhzen >
avec la consolid.ation de l'Etat centralis et enfin dater l'apparition de la proprit cadastre capitaliste ~ de l'arrive des gom.
tres de la colonisation. Ce serait une vue beaucoup trop schmatique:
Les pasteurs arabes connaissaient la proprit tribale avant leur arrive
au Maghreb et les sdentaires berbres la proprit prive avanl
l'installation des Romains (2). Le domaine foncier de l'Etat n'est pa
apparu avec l'Islam: les principes berbres le constiturent, selo'
toute vraisemblance, comme domaine royal ~, sur les terres enle
ves aux Puniques (1). Ouant Rome, ce domaine O'ager publicm
(1) Droit Foncier Marocain Rabat. 1972.
(2) Ch. A. Julien: Histoire de l'Afrique du Nord.
(3) Massinissa laisse ses 44 ou 45 fils un domaine de "lus de 40000 t
(Ch. A. Julien), op. cit.

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f~t l'lment central de sa politique de colonisation et de sa politIque agraire. Enfin le cadastre n'tait pas inconnu avant les modernes services topographiques. Jacques Berque (4) rappelle que la
photo arienne rvle dans certaines valles irrigues du Haut Atlas
une savante et trs ancienne cadastration en alvoles de roches, et
en Tunisie le gomtrique quadrillage de la cadastration romaine qui
couvre tout le territoire et ordonne jusqu' aujourd'hui l'espace: villes, communications et mme parcellaire.
.
On le voit, on ne saurait trop se garder de simplifier. Chaque
Institution foncire s'est historiquement constitue par une combinaiSon complexe de dterminations. Le rgime actuel de la terre plonge
donc de profondes racines dans l'histoire de la socit rurale et la
connaissance de la formation historique du systme foncier marocain
est une des conditions de sa transformation par une rforme agraire.
Dne connaissance utile du systme foncier devra donc rendre compte
de sa formation dans ses relations avec la succession, la combinaison, la composition des MP. Ce que nous savons ne nous permet
pas encore de le faire avec quelque rigueur.

2. LES ETAPES DE LA FORMATION DU SYSTEME


En attendant, hasardons quelques hypothses sur l'volution du
droit des terres en liaison avec le milieu (parcours, valle irrigue,
o~sis: ..) les rapports sociaux (famille agnatique, tribu, classes, colomsatIon) et les systmes juridiques dominants (orl, droit romain, chra,
code civil).
2.1. Avant l'Islam: La ralit dominante c'est la terre de
tribu. Il y a bien sOr dans les valles, les oasis et autour de quelqu.es villes une proprit enclose dans des limites nettes. La propnt foncire ne s'aventure pas au-del des troites limites de
l'agriculture sdentaire, o la terre est rare pour des raisons colOgiques (pente, irrigation) ou de scurit et o les hommes sont
n~mbreux. A l'Ouest du MSlghreb o l'urbanisation est beaucoup plus
faIble, o la pntration romaine est limite, la colonisation romaine
et son cadastre moins voyants, l'espace rural n'oppose que de rares
limites au libre dplacement des tribus de pasteurs. La terre de tnou
alors ce n'est pas une proprit c'est un territoire, espace politique
dont l'tendue et la localisation dpend du poids dmographique, de
la capacit militaire du groupe et des traits passs avec les groupes

--

(4) Droit des terres et intgration sociale au Maghreb. Cahier Inter.


Soc., 1958. c Le systme agraire au Maghreb ~, Maspro, 1963.

de

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voisins. La terre n'est pas rare: elle est la tribu pour autant que
la tribu a des hommes pour l'occuper et qu'elle n'a pas rencontr
d'autres groupes plus puissants dans son expansion. Cette ralit
mouvante fait, bien sr, obstacle l'apparition de limites foncires
nettes. Pendant toute cette priode, l'abondance relative de terre met
le rgime foncier davantage sous la dpendance du milieu physique
et moins sous celle des rapports sociaux: Jacques Berque traduit
cela en parlant de droit cologique :) (1).
2.2. Avec l'Islam sur un fonds de pratiques anciennes, qui, pour
l'essentiel, se maintiennent ou se transforment lentement, se superposent des institutions nouvelles; la greffe prend quelques sicles mais
il faut bien user ici du raccourci.

Un caractre du rgime foncier apport par l'Islam explique


l'essentiel des transformations foncires partir de la conqute: c'est
le dmembrement de la proprit foncire en proprit minente
(Raqaba) et usufruit Untifa, tassarouf). Dans toute l'tendue des terres de conqute, la proprit minente appartient la communaut
musulmane (oumma), en fait au prince (2) et l'usufruit ses occupants (en gnral des tribus) (1). Les consquences sont immenses.
a. TI ne peut y avoir, en droit, hors d'Arabie, concentration entre
les mains d'une mme personne de la proprit minente et de l'usufruit, c'est--dire qu'il y a prohibition du rgime Melk.
b. Le droit minent est exerc par le souverain, thoriquemen
au nom de la Communaut. Lui donnant un pouvoir permanent SUl
toutes les terres, il constitue l'instrument principal de la politiqU(
fiscale, de la politique agraire et de la politique tout court. El
effet, la Raqaba est la lgitimation du prlvement de l'impt, d
la constitution d'un domaine d'Etat et donc de la concession su
ce domaine d'[qtd, baux emphytotiques, permettant la constitutio
de domaines personnels que l'on a pu comparer aux fiefs > d
la fodalit europenne.

L'volution du droit des terres aprs la conqute confirme l'im


portance de cette proprit minente. Cette volution doit d'abor
tre examine du point de vue fiscal car il est fondamental.
(1) Droit des terres et intgration sociale, op. cit.
(2) Depuis Abdel Moumen si l'on en croit A. Mesureur op. cit, p. 1
(3) Voir sur ce point Cahen, c Leons d'histoire musulmane ~, Rono-Stn
bourg et c L'volution de l'Iqta > in Annales Eco. Sts., Civilisatio
janvier-mars 1953 PP. 25-52.

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En effet, le rgime des terres de conqute est d'abord un droit


fiscal. A l'arrive des Arabes, le droit fiscal est un droit personnel:
il distingue seulement entre musulmans et non-musulmans. Les musulmans ne payent que la Zakat, aumne volontaire faible. Les nonmusulmans payent, en contrepartie du droit minent reconnu la
oumma, la Djizya, capitation ou impt par tte et surtout le kharadj,
un trs lourd impt foncier. En revanche, une fois cette contribution
acquitte, les anciens occupants du sol peuvent, en toute libert,
conserver leur organisation et notamment leurs anciennes coutumes
agraires.
Cependant, les conversions en masse l'Islam, tarissent peu
peu les rentres fiscales et menacent le Bit El Mal. A la fin des
Ommeyades, pour conjurer ce risque, une rforme d'importance historique vient bouleverser le droit fiscal: toutes les terres qui taient
encore terres de kharadj l'poque sont dclares, quelle que soit la
Cn,fession de leurs occupants, terre de kharadj titre dfinitif:
ainsi le statut personnel devient statut rel, le droit fiscal fix au
sol devient droit foncier. Le rgime de la terre en prenant une fois
pour toutes le nom de l'impt qui lui fut appliqu (1), se fixe dans un
statut indpendant du statut de la .personne et devient dj une valeur
moins immobilire (2).
Dj la belle unit du droit de la conqute qui ne distinguait
qu'entre les terres d'Etat (proprit directe de l'Etat califal: terres
sans matres, terres confisques) et les anciens statuts (terres de
kharadj), confronte aux institutions en place commence se rpartir
en statuts dont la diversit prfigure celle d'aujourd'hui:

- Te"es melk: En droit elles n'existent pas, on l'a vu, hors


d'Arabie. En fait, ce statut c arabe ~ s'est dvelopp par tablissement de colons arabes, achats par les Arabes, hritages et conversion.
Ces terres llont soumises la zakat et l'achour (dme).

- Te"es de Kharadj: Ce sont toutes les terres appartenant


des non-musulmans la date de la transformation du kharaj en
statut rel: essentiellement les terres de tribus que le protectorat
(1) Voir "MILUOT:' c Les terres collectives sont des terres de Kharadj . ht

(2)

Introduction l'tude du droit musulman Paris, 1953.


du kharadj mrite de faire l'objet d'une tude dans
de M. Rodinson (Islam et Capitalisme) sur les rapports
a rehgton, du droit et des rapports sociaux de production.

r.ede1ttent. volution
d~. oelIle

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dnommera terres collectives. Evidemment l'emprise de la tutelle


du Makhzen sur ces terres, la charge de l'impt varie avec la capacit de rsistance d~ contribuables >. J. BERQUE (1) rappelle ce
propos qu'en Orient o la tutelle tait mieux affirme, ces terres
s'appelaient bled Miri t(terres du prince) alors qu'elles gardent au
Maghreb le nom de bled Jma.

- Terres d'Elal: Constitu par les terres sans matres, ou en


dshrence, ou confisques, ce domaine a servi d'instrument principal (mais non exclusif, les terres de kharadj ont galement jou
un rle) de la politique foncire de l'Etat. C'est sur ce fonds qu'ont
t dcou.ps les domaines personnels concds par Iqta' des notables, des chOlfas ou des fondations religieuses et qu'ont t installes.
parfois, les tribus guich en contrepartie des servicej militaires rendus.
Cependant, bien que la raqaba exerce par le souverain ait constitu l'instrument principal, il ne faut pas en exagrer la porte. Lorsque la tutelle se distendait, cas qui n'taient pas rares, d'importantes
transformations agraires pouvaient se produire dans un cadre plus
restreint: apparition endogne d'un pouvoir personnel au sein de
la tribu, ou aux frontires des tribus, sur une base militaire ou
religieuse avec accaparement foncier sous forme d'apanage ou de
habous. Plus souvent encore, ces pouvoirs apparus indpendamment
du Makhzen renforaient leurs situations en se faisant reconnatre
par le pouvoir central.
2.3. La colonisation
Toute la logique du systme foncier de la colonisation rside
dans les ncessits suivantes:
-

Trouver les formules juridiques permettant l'installation de


la colonisation foncire;

Assurer la seurit de la proprit coloniale et l'ordre tabli


la campagne;
Adopter un rgime de la .proprit foncire permettant le
dveloppement de l'exploitation capitaliste.

a. Installer un puissant secteur de colonisation foncire


Si l'objectif est unanimement reconnu (dveloppement d'une colonisation foncire), les moyens d'y parvenir ont provoqu sous le pro(1) Le systme agraire au Maghreb, op. it.

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tectorat un dbat qui n'a jamais rellement cess, entre les partisans
d'une colonisation sauvage libre de toute entrave juridique et ceux
d'une installation plus soucieuse de l'avenir long terme et donc,
subordonnant les accaparements au maintien de l'ordre ') dans les
campagnes. En fait c'est une solution de compromis qui est adopte:
D'une part, un dispostif de protection des terres indignes , est
mis en face (protection des terres de tribu, lgislation sur le bien
de famille ' mais d'autre part de larges possibilits sont ouvertes
l'acquisition par des Europens, non seulement titre priv sur le
melk mais galement sur les terres collectives. L'article 10 du dahir
du 27 avril 1919 sur les terres collectives est une remarquable illustration de ce compromis: La proprit des terres collectives ne
peut tre acquise que par l'Etat, cette acquisition ne peut avoir lieu
qu'en vue de crer des primtres de colonisation ,.
Le fonds des terres de colonisation se constitue sur des domaines
divers: Avant mme l'tablissement du protectorat, achats dans le
Maroc du Nord-Ouest par l'intermdiaire de la procdure de la c protection >, de la Convention de Madrid (3 juillet 1880) de l'acte
d'Algsiras (7 avril 1906) imposs par les puissances europennes.

Ds l'tablissement du protectorat, une intense activit lgislative ouvre des voies lgales l'installation des colons. L'Etat du
protectorat reprenant son compte la thorie du domaine minent,
et des terres de conqute, reconstitue et tend le domaine Makhzen,
restaure et consolide la tutelle sur les terres de tribus et sur les
terres constitues en habolls public, introduit la distinction entre
domaine public et domaine priv de l'Etat (1).
Les terres contrles par l'Etat colonial sont ainsi trs nombreuses: il installe des primtres de colonisation sur les terres
makhzen et sur les terres dites collectives , (2) (article 10 du dahir
du 27 avril 1919), permet l'installation permanente des colons sur
les terres collectives par le tour de passe-passe juridique des ali11Jltions perptuelles de jouissance, encourage les achats privs sur les
terres melk par l'octroi de langes crdits. Enfin il gnralise, au
bnfice quasi exclusif des acheteurs trangers la garantie de la proprit que constitue l'immatriculation >.
(1) Da?ir sur le Habous public (21 juillet 1913), l'immatriculation des prC)prIts foncires (12 aot 1913), le domaine public (1 er juillet 1914),
les terres collectives (27 avril 1919).
(2) Vd,0Ouir J. GadiUe, c La colonisation officielle au Maroc " in Cahiers
tre-Mer, oct.-dc., 1955.

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b. Maintenir un contrle politique rigoureux sur les campagnes

Cependant, le rythme de ces accaparements n'est pas uniformment acclr: command par les besoins de la mtropole, la conjoncture conomique, il reste toujours sous le contrle de l'Etat
colonial qui ne cesse d'arbitrer entre les apptits des colons et la
volont de contrle politique de la toute puissante direction des Affaires Indignes. Les premiers, par le canal de leurs influentes chambres d'Agriculture, obtiennent quand mme que le secteur colonial
atteigne la superficie notable du million d'hectares sur les meilleures
terres du pays et de multiples avantages et soutiens la production
agricole c: moderne :1>. La seconde obtient que des rserves foncires :1> soient conserves pour les collectivits, rserves soumises
la tutelle, toute puissante de l'administration, son. contrle politique incessant. L'adoption du statut des terres collectives en 1919
est bien le point de convergence de ces diffrents projets:
En premier lieu fixant au sol les tribus (1), les enfermant dans
les bornes de la dlimitation administrative, cette loi vient mettre
opportunment un terme leur divagation qui menace la scurit
de la proprit coloniale. Mais en mme temps, elle entoure ces
c rserves d'un cordon sanitaire juridique (inalinabilit, insaisissabilit, imprescriptibilit) dont l'effcacit se mesure, au moins, aux
campalgnes incessantes des colons contre la loi.
Quelle que soit l'ampleur des empitements, on peut dire que
la protection n'a pas t inoprante: 6 millions d'hectares de
c terres collectives ~ dont un million de terres de cultures n'ont
pas encore t dmembres en 1956.
Voil donc un des objectifs de cette lgislation: protger la
proprit coloniale en fixant les collectivits dans les limites strictes
mais en mme temps crer d'inexpugnables c: rserves :1> foncires pour
retenir la paysannerie la campagne et limiter l'xode rural et les
dangers de l'urbanisation.
En second lieu, les institutions cres en 1919 visent permettre
un contrle total des collectivits, poser littralement un verrou sur
la socit rurale de faon y prvenir la moindre vellit d'expression politique. N'oublions pas que le texte du 27 avril 1919 n'a pas
pour objet principal de dfinir le rgime de la proprit et de l'exploi(1) A. Mesureur, de faon significative, donne au dahir sur les terres collectives le titre suivant: c L'immobilisation de la proprit collective
aux mains des tribus ~, c La proprit foncire au Maroc ., Vuibert,
Paris 1921, p. 85.

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tation sur les terres des tribus mais d'organiser c: la tutelle administrative des collectivits indignes >. Ce n'est pas le lieu ici de dcrire
l'ampleur du pouvoir de tutelle, un bref aperu suffira. L'article 1er
donne le ton: c: Le droit de proprit des tribus... ne peut s'exercer
que sous la tutelle de l'Etat... c: La tutelle n'est pas exerce par une
administration technique (agriculture par exemple), mais par le c: directeur des Affaires Indignes et du service de renseignements ~ qui
devient, en 1937, le directeur des c: Affaires Politiques >. Le tuteur
a qualit pour prendre seul un certain nombre d'importantes mesures (le partage, par exemple: article 4) et la jma ne prend aucune
dcision sans son autorisation (location, alinnation de jouissance,
acquisition. utilisation des revenus, etc...).
Les collectivits, ternelles mineures, sont ainsi maintenues dans
un tat de dpendance totale. Le carcan qu'on leur impose et qu'on
prsente comme un respect de leurs usages immmoriaux n'est que
la copie fige et dforme de la coutume d'une tribu, les Bni Ahsen
du Rharb dont on arrte l'volution dans un texte rigide. TI vise
dtruire les groupements en tant qu'unit politique, dissoudre les
solidarits antrieures pour laisser l'individu seul face l'administration.
L'unit ethnique de l'espace est clate en terres de fractions,
de tribus, de douars. Les nouvelles frontires brisent les finages, les
complmentarits, soustraient les forts et les merjas l'usage collectif (1).
Enfin et surtout le protectorat franais tablit une sparation
dfinitive entre les collectivits comme personnes morales de droit
priv, propritaires et gestionnaires de biens (les petites jma des terres collectives) et les collectivits comme personnes morales de droit
public (les trop vastes communes rurales) assurant le fonctionnement
de services publics municipaux (voirie, souks, etc..). En enlevant ces
prrogatives de droit public aux t1 ibus et en les faisant exercer dans
un cadre trop vaste pour exprimer rellement les besoins des collectivits rurales.. l'autorit coloniale coupe court, l encore, tout possibilit d'expression politique. Le colonisateur espagnol, plus pragmatique, n'avait pas, quant lui, t jusque l: une srie de dahirs ('2)
(1) TI ne s'agit nuillement de regretter l'affaiblissement des formes ethnique8
d'organisation sociale et le dveloppement de formes plus territoriales
mais de constater cette volution et ses consquences sur l'organisation
<kls campagnes.
(2) Voir Sur ce point A. GUILLAUME, c: La proprit~ collective au Maroc ~,
Rabat 1960.

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de 1916 1952 rglemente dans la zone Nord, de faon moins rigide,


les collectivits. Des organes reprsentatifs, la c junta rural :. au
niveau de la fraction et la c yema > au niveau du douar n'ont,
certes, aucun pouvoir de dcision mais; du moins, concentrent dans
la mme personne morale des attributions lies la proprit immobilire collective (comme les jmas du dahir de 1919) mais galement des attributions caractre de service public (travaux d'intrt
collectif, dfense des droits conomiques et sociaux de la collectivit et reprsentation de ces intrts en justice et face l'administration).

c. La mise en place d'exploitation de type capitaliste


A. Mesureur, juriste et officier d'occupation l'aube du Protectorat, pntr de l'esprit de la colonisation dans son innocence
premire, se plaint en 1921 des entraves apportes la libre entreprise des colons par le dahir de 1919. La plOcdure de l'alination
perptuelle de jouissance, pourtant invente au bnfice des colons,
lui parat un dtour c peu en conformit avec les usages de l'exploitation moderne: le capital ne cherche pas se lier avec une telle
indtermination... >. TI faut au c colon pourvu de capitaux, le seul
qui puisse russir >... c une situation nette, loyale, marchande qui
puisse se raliser, se transformer suivant les besoins du march >.
Dans les zones rserves l'expansion de la proprit tram3re,
le protectort va introduire deux institutions favorables au dveloppement de la production agricole capitaliste que Mesureur, souhaite.
1. Les proprits foncires europennes prives sont soumises
au rgime de proprit du Code civil franais: absolu, individualiste,
abstrait et universitaire (1); il s'oppose brutalement aux principaux
caractres du systme foncier marocain: diversit de statuts adapts
des situations particulires, caractre communautaire, dmembrements
multiples, rgime successoral consacrant la prminence de la famille
agnatique.
2. Les proprits foncires europennes sont les bnficiaires,
qt!asi exclusives de c l'immatriculation >, procdure nouvelle d'enregistrement de la proprit foncire.
Cette procdure permet la fois la preuve juridique du droit
de proprit, de sa contenance, de sa localisation exacte. Le titre
foncier dlivr au propritaire sur lequel sont portes tout~ les
(1) Voir P. VIAU, c Rvolution agricole et proprit foncire

~.

Paris 1962.

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spcifications (hypothque, servitudes...) comporte galement un plan


de sa proprit dont tous les sommets sont indiqus en coordonnes.
Ainsi le droit de proprit, moins attach au sol, moins dpendant
du consensus du groupe et du tmoignage des voisins, est la fois
mieux Igaranti et plus mobile. La vente, la location, le crdit en sont
facilits. Une condition essentielle l'tablissement des exploitations
agricoles capitaliste est ainsi tablie.
Bien avant l'Indpendance, les lments essentiels du rigime foncier actuel sont mis en place: cantonnement d'une paysannerie qui
explose dmogl aphiquement sur des terre6 collectives ~ encore
soumises l'troite tutelle de l'Etat mais pntres de toutes parts par
des appropriations multiples: colons, notables chorlas et grands cads
et simple melkisation par des ayants-droit mieux placs. La proprit melk progresse au dpens des collectifs, guichs, habous, makhzen
et sur ce melk la construction de la proprit commence restructurer l'espace: largissement et consolidation des domaines latifundiaires par l'administration coloniale et son cadastre. Emergence d'une
bourgeoisie foncire citadine et rurale qui introduit prudemment capital
et salariat. Fragilit du petit propritaire indpendant qui, peine
sorti du statut communautaire perd ses moyens de production et se
p~oltarise. Cette proltarisation produit un nombre toujours croissant de paysans sans terre dont seulement une partie trouve s'employer comme ouvrier ou mtayer, les autres tant contraints l'exode.
Enfin, la proprit prive immatricule, dbarrasse des dpendances
et incertitudes pesant sur tous les autres statuts, apparat comme
l'instrument foncier privillgi pour l'introduction du capitalisme. Ce
statut a vocation intgrer les autres et unifier le rgime juridique
de la terre au Maroc. C'est incontestablement le statut le plus dynamique: constatons pourtant la rsistance des autres statuts et la
modestie de la progression de l'immatriculation que ne peut totalement expliquer la lenteur de la procdure: 1 million d'hectares avant
1956. L'indpendance va acclrer le rythme mais surtout va ouv.rir
d'autres et multiples voies la pntration du capital dans l'agriculture.

2.4. Les tendances de l'volution agraire depuis l'Indpendance


Les deux ples d'volution depuis 1956 sont la transformation
du secteur de colonisation et l'intervention de l'Etat dans les primtres d'irrigation.

24.1. Le destin du secteur de colonisation


a. La rcupration des terres de colonisation et l'expropriation

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des grands propritaires fonciers compromis avec l'occupant sont des


revendications permanentes du mouvement national, qu'il lie la
liquidation de la situation coloniale. Elles constituent en gnral les
premires mesures de souverainet lie l'indpendance nationale.
Ainsi l'Algrie et la Tunisie avaient ds 1963, effac sur la totalit
de leurs territoires les marques de la proprit coloniale.
Au Maroc, la rcupration du patrimoine foncier a t beaucoup
plus lente (1). Commence en mai 1959 avec la rsiliation des APJ,
consenties aux colons sur 35 000 ha et la confiscation en septembre
de la mme anne de domaines appartenant 193 personnes frappes d'indignit nationale (2), elle n'est srieusement entreprise qu'en
septembre 1963 par le transfert au domaine priv de l'Etat de 250 000
ha de terres de colonisation officielle, soit 25 % dl,l secteur colonial.
Dix ans passent entre cette rcupr~tion et l'annonce le 3 mars 1973
de la reprise des tenes encore possdes par des trangers ou des
socits. Il a donc fallu plus de quinze ans pour la seule rcupration des terres accapares par la colonisation. Encore cette rcupration n'est-elle nullement une nationalisation mais simplement une
c marocanisation . En effet, une partie importante (plus de la moiti)
du million d'hectares de terre trangre semble avoir chapp au
contrle juridique de l'Etat par vente des acheteurs priv.<j marocains.
b. Affectation et gestion des terres trangres
La rcupration du patrimoine foncier a toujours t prsente
non seulement par le mouvement national mais galement pa~ les
documents officiels et l'autorit comme ayant un objectif quasi exclusif: redistribution de ces terres la paysannerie spolie. Le transfert
l'Etat dans un premier temps n'tait prsent que comme une
simple procdure pralable juridique ncessaire une redistribution.
Dix ans aprs, c'est une toute autre ralit qui apparat: le c gteau
colonial a excit bien des convoitises et si le transfert des terres
coloniales l'Etat apparat bien comme une solution d'attente, cette
attente a dbouch sur une toute autre solution que la restitution
intgrale la paysannerie!
Les terres collectives ayant fait retour aux collectivits aprs
rsiliation des alinations perptuelles de jouissance par dahir du
(0 Voir Bouderbala,

c: Aspect du problme agraire au Maroc


n 123-124-125.
(2) Amnisties le 8 avril 1963.

~.

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9 mai 1959 n'ont pas effectivement t remises ces collectifs mais


au conseil du tutelle. Une partie seulement a t lotie.
Les terres confisques (27 000 ha dont 12500 pour le seul
Glaoui) mises sous sequestre et places sous la tutelle du ministre
des Finances n'ont dans leur majeure partie, pas fait l'objet de
redistribution et les revenus de ces domaines ont pu, aux termes d'un
dahir du 16 mars 1959, tre verss aux familles des personnes dpossdes.
Les terres de colonisation officielle, rcupres entre 1964 et
1966 n'ont pas t entirement distribues. Certains lots avaient dj
t acquis par des nationaux privs entre 1956 et 1963 et l'Etat
a reconnu par dahir la lgalit de ces achats. Le rythme des distributions a t extrmement lent, moins de 5000 ha par an jusqu'en
1970. Il s'est acclr depuis, mais le total des distributions ce
jour i(l85 000 ha) (1) ne concerne pas plus de 2 % de la croissance
dmographique: 40 000 chefs de foyers ruraux nouveaux par an.
Par ailleurs les parties complantes des fermes rcupres n'ont
pas fait l'objet de distribution, ni d'aucune autre forme de gestion
avec participation des travailleurs.
On aurait pu, sur ces plantations, qui constituent et de loin, les
parties les plus productives du Il: fonds rcupr >, installer des formes
d'auto-gestion ou de cO-fgestion avec distribution des parts sociales
aux travailleurs. Le gouvernement a prfr crer en 1972 une socit
commerciale fonds public, la S.O.D.E.A., pour grer ces plantations. Quelle affectation auront les revenus? Alimenteront-ils ce fonds
financier de la Rforme Agraire cr par les textes du 4 juillet 1966
et qui n'a jamais fonctionn?
Enfin, la gestion des terres rcupres par l'administration, que
ce soit sous la forme administrative par le service autonome des
exploitations agricoles entre 1963 et 1965, sous forme de grance par
la Centrale de Gestion des Exploitations Agricoles, sous la tutelle du
Ministre de l'Agriculture entre 1965 et 1967, et enfin directement
par le Ministre de l'Intrieur (Service des Exploitations agricoles
pro..inciales), n'a de l'aveu des responsables eux-mmes, jamais donn
satisfaction: qualifie de bureaucratique >, d'incomptente sur le
plan technique et d'irrgulire sur le plan financier elle n'a, c'est
le moins qu'on puisse dire, nullement contribu amliorer les conditions de production dans les exploitations paysannes.
(1) Fin 1976, ce total des terres distribues atteint 275.000 ha (Division de la

Rforme Agraire: Ministre de l'Agriculture et de la Rforme Agraire).

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On le voit, jusqu' ces deux dernires annes, le domaine colonial n'a gure t utilis massivement pour crer, par lotissement, un
large secteur d'exploitations familiales viables . Cependant, si les
ventes des Marocains privs contribuent la constitution d'un capitalisme agraire national de grandes fermes modernes ~, on peut
dire, d'aprs l'exemple du Rharb, que les consquences sont plus complexes: dans la rgion du Rharb, 10 % des acheteurs de tenes de
colons ont achet des proprits de plus de 100 ha et regroupent
60 % de la superficie rachete. Mais si l'on examine l'ensemble du
secteur, qui tait auparavant colonial et capitaliste 100 %, on s'aperoit que l'importance de la gl ande ferme capitaliste a diminu. Il
y a morcellement des grandes exploitations coloniales puisqu'entre
1963 et 1971, il Y a environ 300 acheteurs pour 100 vendeurs seulement et surtout que 25 % des acheteurs ont achet des lots de
moins de 5 ha!
Si l'on ajoute que 50 % des acheteurs ont acquis des lots de
5 20 ha, c'est--dire situs dans la catgorie moyenne d"exploitants entrant dans le cadie d'une stratlgie de type B.I.R.D., on voit
que l'installation d'un capitalisme agraire national s'est accompagne
d'une rgression dans l'esp.ace, de l'ex-secteur capitaliste colonial et
du renforcement d'une classe de moyens propritaires.

2.4.2. L'intervention de l'Etat dans les primtres d'irrigation


La politique des c grands barrages )) commence sous le Protectorat et accentue depuis la cration de l'ONI et l'objectif du
c million d'hectares irrigus sont les lignes de forces de l'intervention de l'Etat dans la pmduction agricole.
Cette politique qui comporte, bien sr, un programme rugraire,
donne la priorit des priorits l'agriculture (1). L'objectif c'est la
rentabilit financire d'investissements tls lourds sur prts internationaux de la BIRD notamment (2).
Le modle mis au point par les techniciens pour atteindre cet
objectif vise une rationalisation capitaliste de la production par
substitution de formes modernes aux institutions agraires traditionnelles : liquidation des terres collectives et habous pour faire
place nette la proprit prive immatricule, remembrement et im(1) Le 3 octobre 1968, le docteur Benhima alors Premier Ministre

dclare
dans le Tadla: c L'action du rgne de S.M. Hassa:n II est fonde l'heure
actuelle et pour les 10 ans venir sur ne dveloppement de l'Agriculture >.
(2) La Banque estime qu'en dessous d'un taux de rentabilit interne de 10 %
les projets ne sont plus c conomiques )).

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matriculation d'ensemble, rforme des baux ruraux avec liquidation du


colonat partiaire (Khobza) et extension du salariat, limitation du morcellement par une rforme du rgime successoral (3).
Den ire cette vision moderniste ce sont, trs concrtement les
conditions juridiques du dveloppement agricole capitaliste qui sont
runies. Cependant les textes officiels prsentent cette politique comme ayant des objectifs techniques neutres. Ils ne tranchent pas sur
un point fondamental: Qui va tre l'acteur principal, le support et
le bnficiaire de ce plOjet: la paysannerie dans son ensemble, les
gros exploitations modernes capitalistes ou le petit propritaire indpendant (exploitations viables)? Selon les poques, les textes, les personnes c'est parfois l'un, parfois l'autre, le plus souvent tous la fois.
Bien que parfois la politique agricole ait t prsente comme devant
se faire d'abord au bnfice de la classe paysanne, tout indique
(Code des investissements agricoles, modestie des redistributions foncires, absence d'organisation de la paysannerie) qu'il ne s'agit pas
l d'un objectif retenir. Par contre, la cration et le renforcement
d'un secteur d'exploitations familiales viables (paysannerie moyenne)
coexiste avec le dveloppement incontestable de la grande ferme >.
En fait, il s'agit des 2 volets d'une mme politique:
1. D'un ct l'encouragement l'exploitation viable de 5 ha
en irrigu qui constitue l'essentiel de la face officielle, lgislative et
volontariste du projet: disttibution de lots de 5 ha en irrigu, lutte
contre le morcellement de la proprit et de l'exploitation en lots de
moins de 5 ha, exemption de la participation directe :) pour les
petits propritaires, stabilit de l'exploitation (lgislation sur les baux
ruraux), soutien technique et financier (1). Le petit propritaire est inscrit dans un rseau serr d'obligations, de contrles, de sanctions
administratives qu'il n'a pas ngoci: assolements obligatoires, techniques culturales imposes, adhsion force des c coopratives >.
La russite du projet suppose l'adhsion des producteurs. Cette adhsion n'est pas ngocie avec des unions paysannes, reprsentatives
des intrts des petits agriculteurs mais on pense l'obtenir par la
contrainte administrative. Ds lors, cet objectif apparat comme marginaI: faiblesses des redistributions foncires, inefficacit et coOt de
l'intervention publique aggravs par l'isolement des producteurs et
leur passivit. Ce n'est pas dans ce secteur des lotissements et de
la petite proprit melk que les changements importants pour l'ensemble se produisent.
(3) Rforme comprises essentiellement dans le Code des InvestiiSements Agricoles de Juillet 1969.

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2. D'un autre ct, les obstacles la libre circulation des biens


et des hommes ayant t balays, ce que l'on appelle le libre jeu
des mcanismes conomiques fait prvaloir la concentration foncire,
l'ouverture au march, la pntration du capital, le dveloppement
du salariat. Les protections anciennes (statut des collectifs), ont eu
quelque efficacit parce qu'elles taient rigides et absolues. Ds
qu'une brche est ouverte - transformation des ex-ayants droit des
collectifs en propritaires melk dans l'indivision ces forteresses
sont emportes malgr les petits garde-fous juridiques que l'administration a placs en deuxime ligne Oes cessions de parts indivises
ne peuvent avoir lieu qu'au profit d'un indivisaire) (II).
Ces deux voies produisent des consquences diffrentes en ce
qui concerne la formation des 19l'oupes sociaux et en ce qui concerne
l'emploi et la fixation de population rurale la campagne. Mais
une chelle et un rythme diffrents, on peut dire qu'intgrant totalement les exploitations au march, elles ouvre l'une et l'autre largement la production agricole au capital.
Ainsi, partie de la constatation de la diversit des statuts fonciers, cette rflexion y revient aprs un bref survol de leur volution.
Mais dsormais cette complexit est mise en perspective historique:
C'est autour de trois ples essentiels que s'est joue l'histoire foncire: tenitoire de tribu, domaine minent du makhzen et proprit
prive melk puis immatricule. Le domaine tribal, territoire ouvert
des pasteurs est devenue terre de kharadj lorsque l'Etat musulman
a enlev aux ti ibus le domaine minent puis proprit collective dlimite sous le Protectorat et enfin aujourd'hui est en train de disparRitte en fait et en droit.Le domaine de fEtat a servi constituer
les habous et terres de zaouias, les domaines caidaux puis plus tard,
les colons et l'infrastructure coloniale et l'Indpendance des fortunes
prives et quelques lotissements. La proprit prive, melk puis immatricule est aujour'hui le rgime dynamique qui s'tend aux dpens
de tous les autres (collectifs, domaine priv de l'Etat, habous) et sur
lequel se produit fortement la concentration foncire capitaliste. Le
sens de l'volution actuelle laisse prvoir, dans un avenir proche, un
rgime foncier unifi et simplifi dans lequel ne subsisteront plus que
deux catgories de terres: les terres du domaine public et la pr0prit prive.
Rabat, 4.7.1973.
Ngib
(5) Code des Investissements Agricoles.

BouDBltBALA

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