Trahir Michaud Seminaire
Trahir Michaud Seminaire
Trahir Michaud Seminaire
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cas qui semblent aller dans le sens dune telle dcision. Politiques de
lamiti (1994), par exemple, se prsente explicitement comme
lexpansion de la premire sance du sminaire de 1988-1989, et
lon y retrouve en fait la trace dautres sances aussi 9 : Derrida
exprime l clairement le vu de prparer plus tard la publication
dune srie de travaux de sminaires 10. Deux sances du Sminaire
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15 Cette hantise quant ce que lautre fera de mes restes, de moi une fois
mort, traverse tout le second volume du Sminaire La bte et le souverain,
comme la aussi relev Marie-Louise Mallet, qui cite ce passage de la
Cinquime sance. Le 5 fvrier 2003 : Quest-ce que lautre ou les
autres au moment o il sagit de rpondre la ncessit de faire quelque
chose de moi, de faire de moi quelque chose ou leur chose ds linstant o je
serai, comme dit le peuple, parti, cest--dire dcd, pass, trpass, cest-dire spar dans lloignement du pas ou du trpas [], quand je ne serai
plus l, da, quand je serai, selon toute apparence, absolument sans dfense,
dsarm, entre leurs mains, cest--dire, comme on dit, pour ainsi dire,
mort ?/ Comment et quoi procderont-ils dans le temps qui suivra le
dcs ? []/ Notez bien que dans la question [] jai dj prsuppos, sans
rien savoir de ce que veut dire mort dans le syntagme quand je serai, etc.,
mort, [jai dj prsuppos] une pr-dfinition de la mort, de ltre-mort,
savoir qutre mort, avant de vouloir dire tout autre chose, signifie, pour
moi, tre livr, dans ce qui reste de moi, comme dans tous mes restes, tre
expos ou livr sans aucune dfense possible, une fois totalement dsarm,
lautre, aux autres. Et si peu que je sache de ce que veut dire laltrit de
lautre ou des autres, jai bien d prsupposer que lautre, les autres, ce sont
prcisment ceux qui peuvent toujours mourir aprs moi, me survivre et
disposer ainsi de ce qui reste de moi, de mes restes. Les autres, quest-ce
que cest ? [] [L]es autres ce sont ceux et celles devant lesquel(le)s je suis
dsarm, sans dfense, lautre cest ce qui pourrait toujours, un jour, faire
de moi et de mes restes quelque chose, une chose, sa chose, quels que
soient le respect ou la pompe, par vocation funbre, avec lesquels il traitera
cette chose singulire quon appelle mes restes. Lautre mapparat comme
autre en tant que tel, en tant que celui, celle ou ceux qui peuvent me
survivre, survivre mon dcs et procder alors comme ils lentendent,
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Par ailleurs, pour aborder ce corpus des sminaires dun autre angle
(vous aurez compris que je suis moi-mme dans cet expos par
quatre chemins une ligne tout en pointills et en zigzags), on
pourrait galement rappeler, non sans pertinence mais avec quelque
inquitude, les propositions derridiennes au sujet de larchive mme.
Car plus et mieux que quiconque, Derrida a thoris avec force les
devrait tre mdit sans fin. Si je navais pas conjoint dans la problmatique
la bte et le souverain, je gage que la force et le pouvoir organisateur de ce
mot allemand si difficile traduire, mais qui informe, qui donne forme
tout le texte heideggrien, ne me serait jamais apparue comme telle. Pas
plus quil nest apparu, ma connaissance, dautres. (SBSII, 383) (Cest
Jacques Derrida qui souligne.) Michel Lisse signale galement la
dconstruction onto-thologico-politique porte par ce mot dans son texte
Chaque homme est une le (Magazine littraire (Paris), Derrida en
hritage , no 498, juin 2010, p. 75). On se rappellera que dans Un ver
soie (Voiles, avec Hlne Cixous, Paris : ditions Galile, coll. Incises ,
1998), Jacques Derrida avait labor une telle scne o, jusquau tout
dernier mot , le mot gardait de la sorte la puissance dune rvlation
ou dune vraison imprvisible. Or cest ce qui arrive effectivement avec
walten , qui ouvre dans ce dernier Sminaire une telle scne de lecture,
dveloppant jusquau dernier mot et jusqu la fin de ce trac de lecture
sa puissance, sa porte, de manire aussi impressionnante que troublante.
32 Jean-Luc Nancy, LAdoration, op. cit., p. 147.
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dire que les choses sont plus compliques et que, quand on parle
dvnement, et plus encore dvnement textuel dans le Sminaire
ou dans le reste de luvre de Derrida, il faudrait garder lesprit
cette proposition, quil a lui-mme archive dans son uvre, et qui
inquite justement cette dlimitation entre performance, prsent et
vnement : Lune dentre elles [ces problmatiques de styles
diffrents], qui me tient de plus en plus cur, concernerait
lantinomie paradoxale de la performativit et de lvnement. []
Ce qui arrive, par dfinition, ce qui advient imprvisiblement et
singulirement, cela se moque du performatif 37.
Comme le soulignent aussi de manire pertinente les organisateurs
du colloque Cours et sminaires comme style de pense dans
largumentaire, en fondant ses choix sur un certain imaginaire de
lauteur dont elle publie lenseignement, lentreprise ditoriale se
rvle partie prenante dune relecture des grands penseurs : cest
l une trs intressante question, en effet, qui devrait galement
nous retenir dautant plus, peut-tre, quil est difficile pour la
partie prenante de garder assez dacuit et de distance pour
sautoanalyser avec quelque efficace Pour linstant, je dirai
seulement que les diteurs de luvre de Derrida, tout comme ses
lecteurs sans doute, font sans cesse lpreuve de laporie dcrite par
lui dans le Sminaire sur Le parjure et le pardon et qui prend la
forme suivante : il sagirait la fois de ne pas toucher et de toucher ;
de ne pas ajouter luvre, dune part, et de ne pas la diminuer,
dautre part ; de respecter sans trahir, de trahir pour rester fidle.
Risque redoutable auquel saffronte lditeur qui se sent lavance
inscrit, voire prescrit dans luvre quil donne lire38. Je cite
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Ibid., p. 19.
Ibid.
42 Ibid., p. 18.
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derridien qui nest pas donn davance (mme pas comme horizon,
ou horizon dattente), qui se forme au fur et mesure de son propre
frayage, et qui, tout en empruntant nombre dtours, digressions et
voies de traverse, nest jamais pour autant alatoire ou hasardeux.
Enfin, il serait videmment absurde de prtendre que le Sminaire
de Derrida est dnu dexposition logique : cest au contraire son
constant souci pdagogique de rendre celui-ci le plus apparent
possible. Bref, on le voit : le Sminaire de Derrida questionne de
lintrieur tous les prsupposs menant la conceptualisation des
questions de largumentaire, comme on pourrait le montrer en
examinant de plus prs les trois foyers principaux autour desquels il
se concentre ( Donner prennit lvnement , Une pense
incertaine et Llaboration dune communaut des lecteurs).
Sur chacun de ces points aussi, le Sminaire de Derrida, ni
confidentiel ni magistral, la fois crit et oral, thtralis et mis en
scne, selon un dispositif o la figure du lecteur/auditeur nest pas
simplement externe (adresse, apostrophe, invocation complice ou
adversative), mais galement tendue tout un jeu de voix internes
et intimes au discours mme (objections, dialogue avec soi , etc.),
ouvre autrement ces questions formules en termes de strictes
oppositions et en dplace, en dconstruit si lon veut, les termes
et prsupposs. Le Sminaire La bte et le souverain donne donc un
tour de plus la forme mme de toutes ces questions, les anticipant
et les orientant de lintrieur, comme le laisse bien entendre
lexergue cite en ouverture de ce texte.
Dans H. C. pour la vie, cest dire, Derrida nous aura aura, selon
cette modalit du futur antrieur quil aura tant interroge mis
en garde contre toutes ces tentations de lecture arraisonnantes
(tentation gntique, programmatique, effets de cohrence et de
cohsion homognisantes, tlologie) qui consistent voul[oir]
rtrospectivement lire davance tous les futurs antrieurs de
luvre, (ce quon peut toujours faire mais quon ne peut ni ne doit
jamais faire) [] 45, dit-il dans une parenthse. Ce nest donc pas
cela qui devrait dabord nous retenir la lecture de son sminaire
ni avant-texte , ni brouillon-en-vue-de , ni tlologie, ni
Jacques Derrida, H. C. pour la vie, cest dire, Paris : ditions Galile, coll.
La philosophie en effet , 2002, p. 128.
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