Typologie Des Genres de Discours

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Typologie des genres de discours

Par Dominique Maingueneau

(texte issu dune rcriture des pages 180-187 du livre Le Discours littraire. Paratopie et
scne dnonciation, Paris, Armand Colin, 2004)

Typologie des genres de discours


Une difficult majeure quand on rflchit sur les genres est que les analystes du discours ont
tendance privilgier, explicitement ou non, tel ou tel type de donnes (la conversation, la
littrature, les mdias, etc.), au lieu de prendre d'emble acte de la radicale diversit des
productions verbales. On l'imagine aisment : selon que l'on prend pour corpus de rfrence
la conversation ordinaire ou des romans d'avant-garde, on aura des conceptions bien
diffrentes de la gnricit.
Depuis l'Antiquit, d'ailleurs, la rflexion sur le genre est htrogne, elle se nourrit de deux
traditions, qui d'ailleurs se rclament toutes deux d'Aristote : celle de la potique et celle de la
rhtorique, cette dernire ayant propos la clbre tripartition entre genres judiciaire ,
dlibratif et pidictique . Avec le dclin de la rhtorique, ce sont surtout les genres et
sous-genres de la littrature qui sont passs au premier plan. L'largissement rcent de la
notion de genre l'ensemble des activits verbales n'est pas sans consquences ; en effet, d'un
ct l'analyse du discours utilise une catgorie qui s'est charge de sens au cours d'une trs
longue histoire, d'un autre ct la littrature se trouve aujourd'hui analyse travers une
catgorie d'analyse du discours dont le nom lui est familier mais qui n'est plus vritablement
la sienne.
On peut distinguer deux grands rgimes du discours : le rgime conversationnel et les genres
institus. Ces deux rgimes obissent des logiques distinctes, mme s'il existe des pratiques
verbales qui se situent sur leur frontire. Les genres conversationnels ne sont pas
troitement lis des lieux institutionnels, des rles, des scripts relativement stables. Leur
composition et leur thmatique sont en gnral trs instables et leur cadre se transforme sans
cesse : ce sont les contraintes locales et horizontales , c'est--dire les stratgies
d'ajustement et de ngociation entre les interlocuteurs, qui l'emportent. En fait, les interactions
conversationnelles sont difficilement divisibles en genres bien distincts ; se demander si une
conversation entre collgues dans leur lieu de travail relve du mme genre que la
conversation des mmes individus s'ils se rencontrent dans la rue, c'est bien autre chose que se
demander si un conseil d'administration et un cours d'universit sont deux genres distincts.
Les genres institus , en revanche, regroupent les genres qu'on pourrait dire routiniers
et les genres auctoriaux .
Les genres auctoriaux sont le fait de l'auteur lui-mme, ventuellement d'un diteur. En
gnral, leur caractre auctorial se manifeste par une indication paratextuelle, dans le titre ou
le sous-titre : mditation , essai , dissertation , aphorismes , trait ... Ils sont
particulirement prsents dans certains types de discours : littraire, bien sr, mais aussi
philosophique, religieux, politique, journalistique...En attribuant telle tiquette telle uvre,
on indique comment on prtend que son texte soit reu, on instaure de manire non ngocie
un cadre pour son activit discursive.

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Par Dominique Maingueneau

Les genres routiniers sont les genres qu'tudient avec prdilection les analystes de discours :
le magazine, le boniment de camelot, l'interview radiophonique, la dissertation littraire, le
dbat tlvis, la consultation mdicale, le journal quotidien, etc. Les rles jous par leurs
partenaires sont fixs a priori et restent normalement inchangs pendant l'acte de
communication. Ce sont ceux qui correspondent le mieux la dfinition du genre de discours
comme dispositif de communication dfini socio-historiquement. Pour de tels genres, cela n'a
pas grand sens de se demander qui les a invents, o et quand ; un rudit - supposer que ce
soit possible - peut toujours retrouver qui a publi le premier journal quotidien, qui a fait le
premier talk-show la tlvision ou la premire ordonnance mdicale, mais ici la question
de la source n'est pas pertinente pour les usagers. Les paramtres qui les constituent rsultent
en effet de la stabilisation de contraintes lies une activit verbale qui s'exerce dans une
situation sociale dtermine. A l'intrieur de ces genres routiniers on peut dfinir une chelle :
d'un ct les genres totalement ritualiss, qui laissent une marge de variation minime (actes
juridiques, par exemple), de l'autre ceux qui, l'intrieur d'un script peu contraignant, laissent
une grande part aux variations personnelles.
Quand on tudie les discours littraire, philosophique, politique, etc. on n'a affaire qu' des
genres institus . Mme si une uvre littraire se prsente comme la mimsis d'une
conversation (dans une comdie par exemple), il ne peut videmment s'agir d'un genre
conversationnel, puisqu'il existe un auteur qui a agenc de manire non ngocie l'ensemble
des rpliques.
Les analystes du discours s'intressent plutt ceux que nous avons dsigns plus haut
comme routiniers , abandonnant les genres auctoriaux aux spcialistes de littrature, de
philosophie, de religion, etc. Ce faisant, ils reconduisent le partage qu'a impos l'esthtique
romantique entre textes intransitifs , expression de la vision du monde d'une
individualit cratrice, et textes transitifs , de bien moindre prestige, qui seraient au service
des ncessits de la vie sociale. Pourtant, il n'y a aucune raison thorique srieuse pour que
l'analyse du discours n'apprhende qu'une partie de la production verbale et que les
spcialistes de littrature ne rapportent pas la gnricit des textes qu'ils tudient celle de
l'ensemble des productions verbales. Plutt que d'accepter un tel partage, qui n'a d'autre
justification que des habitudes ou des dcoupages institutionnels, il vaut mieux envisager les
genres institus dans toute leur diversit. C'est dans cet esprit que nous proposons de
distinguer quatre modes de gnricit institue, selon la relation qui s'tablit entre ce que nous
appelons scne gnrique et scnographie .
Comme on va le voir, le discours littraire abrite des genres qui relvent de modes distincts.
Si la tragdie grecque ou le sermon de l'poque classique, par exemple, sont des dispositifs de
communication qui contraignent l'ensemble des paramtres des uvres (longueur, thmatique,
registre de langue, etc.), en revanche la gnricit des Illuminations de Rimbaud ressortit
une catgorisation singulire impose par son auteur. La notion d'auteur en est galement
affecte : l'crivain du XVIIe sicle qui crit une tragdie rgulire, le prdicateur qui rdige
un sermon ne se trouvent pas dans la mme position que l'auteur souverain du XIXe sicle qui
prtend dfinir lui-mme la gnricit de son uvre.
Les quatre modes sont les suivants :
- Genres institus de mode (1) : ce sont des genres institus qui ne sont pas ou peu sujets
variation. Les participants se conforment strictement leurs contraintes : courrier commercial,
annuaire tlphonique, fiches administratives, actes notaris, changes entre avions et tour de
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contrle... Ils sont caractriss par des formules et des schmes compositionnels prtablis sur
lesquels s'exerce un fort contrle, pour lesquels les participants sont pratiquement
interchangeables. Il est impossible de parler d' auteur pour de tels genres. On se trouve
trs en de des contraintes qu'impose la littrature.
- Genres institus de mode (2) : ce sont des genres pour lesquels les locuteurs produisent des
textes individus, mais soumis des cahiers des charges qui dfinissent l'ensemble des
paramtres de l'acte communicationnel : journal tlvis, fait divers, guides de voyage, etc. Ils
suivent en gnral une scnographie prfrentielle, attendue, mais ils tolrent des carts, c'est-dire le recours des scnographies plus originales : un guide de voyage, par exemple, peut
s'carter des routines du genre et se prsenter travers une scnographie originale (une
conversation entre amis, un rcit d'aventures, etc.). Prenons un exemple les premires
Provinciales de Pascal. Au lieu de rdiger des pamphlets selon les voies usuelles de la
polmique religieuse de l'poque, il a prsent une srie de Lettres censes crites un ami de
province par un parisien ignorant des dbats thologiques. Un tel texte ne met pas en cause la
scne gnrique ; il s'inscrit l'intrieur d'une activit verbale codifie, prtablie, pice dans
cet ensemble d'activits que forme une controverse politico-religieuse au XVIIe sicle. Certes,
il se prsente travers une mise en scne originale - pistolaire en l'occurrence - mais il se
soumet au cahier des charges du genre, qui prescrit la thmatique, la dure, les rles des
participants, etc. Ici l'auteur donne seulement ce genre une inflexion particulire, sachant
que de toute faon cela reste un pamphlet.
- Genres institus de mode (3) : pour ces genres (publicits, chansons, missions de
tlvision...) il n'existe pas de scnographie prfrentielle : de savoir que tel texte est une
affiche publicitaire ne permet pas de prvoir travers quelle scnographie il va tre nonc.
Certes, bien souvent des habitudes se prennent (cela contribue dfinir des positionnements,
des styles , etc.), mais il est de la nature de ces genres d'inciter l'innovation. Ce ncessaire
renouvellement est li au fait qu'ils doivent capter un public qui, prcisment, n'est pas captif,
en lui assignant une identit en harmonie avec celle prte leur instance auctoriale (qu'il
s'agisse d'un artiste ou d'une marque commerciale). L'innovation nanmoins n'a pas ici pour
fonction de contester la scne gnrique : sauf exceptions, un chanteur de varits ne met pas
en cause le genre chanson de varit , un publicitaire le genre affiche publicitaire .
- Genres institus de mode (4) : ce sont les genres proprement auctoriaux, ceux pour lesquels
la notion mme de genre pose problme. Genres de mode (4) et de mode (3) sont proches
par bien des aspects : ils ne se contentent pas de suivre un modle attendu, ils entendent capter
leur public en instaurant une scne d'nonciation originale qui donne sens leur propre
activit verbale, ainsi mise en harmonie avec le contenu mme du discours. Mais avec les
genres de mode (4) il s'agit de genres qui sont par nature non saturs , de genres dont la
scne gnrique est prise dans une incompltude constitutive. C'est un auteur pleinement
individu (associ une biographie, une exprience singulires) qu'il revient d'autocatgoriser
sa production verbale Dans le cas d'un genre de mode (4), des dnominations comme
mditation , utopie , rapport , etc., sont censes contribuer de manire dcisive
dfinir de quelle faon et quel titre le texte correspondant doit tre reu. Ici le nom donn ne
peut tre remplac par un autre (une rverie n'est pas une fantaisie ...) : ce n'est pas une
simple tiquette permettant d'identifier une pratique verbale indpendante, mais la
consquence d'une dcision personnelle, qui participe d'un acte de positionnement l'intrieur
d'un certain champ et qui est associ une mmoire intertextuelle. C'est par rapport cette
mmoire que les actes de catgorisation gnrique prennent sens et c'est cette mmoire qui
conserve la trace du geste des auteurs. L'tiquette ainsi confre par l'auteur ne caractrise
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qu'une part de la ralit communicative du texte ; en effet, si un crivain appelle son uvre
fantaisie , cette catgorie rvle peu du processus de communication effectivement
impliqu : alors qu'une tiquette comme newsmagazine mobilise l'ensemble des
paramtres caractristiques d'un certain genre de discours, fantaisie ne rfre pas aux
multiples contraintes qui caractrisent un certain genre de posie dans une socit donne
(elle ne permet pas de dterminer dans quel champ il intervient, par quel canal il passe, quel
est son mode de production et de consommation, son organisation textuelle, etc.). De mme,
l'auteur d'un roman pistolaire ne se contente pas de remplir le cahier des charges du genre, en
l'occurrence celui d'un roman, car le roman (ds lors qu'il ne s'agit pas d'un roman de mode
(3), qui relve de la paralittrature) participe d'une littrature qui est affecte d'une
indtermination gnrique constitutive.
Pour ces genres de mode (4), troitement lis aux discours constituants, les textes ne
correspondent donc pas des activits discursives bien balises dans l'espace social : les
genres publicitaires, tlvisuels, politiques imposent leur prsence, ils sont lis certaines
activits sociales aux finalits prtablies. Rien de tel pour les textes premiers des discours
philosophique, religieux, littraire... : l' auteur y construit son identit travers son
nonciation. On sort de la rhtorique au sens strict (un ensemble de techniques de persuasion),
pour aller vers une indtermination foncire des finalits mmes du discours. Un homme
politique qui rdige un programme lectoral mne un raisonnement stratgique : il vise
produire un effet limit (un vote) et raisonne en termes de moyen et de fin. Ce n'est pas le cas
avec un discours constituant, o travers le choix qu'ils font de recourir des dialogues ,
des mditations , des rflexions ... les auteurs entendent dfinir en dernire instance ce
que sont le Vrai et la philosophie, le Beau et la littrature, etc.

Hypergenres, cadrages interprtatifs, classes gnalogiques


On l'a vu, pour les genres institus de mode (1) et (2), l'tiquette gnrique n'a rien de
ncessaire. Les textes s'y montrent, par leur manire d'tre, comme relevant de tel ou tel
genre, qui est reconnu par les agents, en fonction de leur comptence communicationnelle.
Rien n'empche cependant de cumuler le montr et le dit ; par exemple, lorsqu'un parti
politique publie un texte avec le titre programme du parti X . Comme pour les actes de
langage, o l'explicitation de la force illocutoire n'est pas insignifiante, le fait de nommer ou
de ne pas nommer le genre dont relve un texte fait sens. Dans les genres de mode (4), en
revanche, l'tiquetage inflchit de manire dcisive l'interprtation du texte, mme s'il semble
de prime abord redondant : lorsque Aldous Huxley inscrit sous Brave new world (1932)
l'indication paratextuelle A novel , c'est une manire (ironique) pour l'auteur de signaler au
lecteur que prcisment ce n'est peut-tre pas tout fait une fiction, comme en tmoigne
l'pigraphe de N. Berdiaef : Les utopies apparaissent bien plus ralisables qu'on ne le croyait
autrefois.
C'est quand il y a un cart par rapport ce que semble montrer le texte que la signification du
geste de catgorisation est la plus forte : Pouchkine appelant roman Eugne Onguine, qui
se prsente pourtant comme un long pome, ou Andr Gide intitulant sotie Les Caves du
Vatican (1914), livre qui se prsente manifestement comme un roman. Mais les conditions de
circulation et de consommation des uvres de Pouchkine ou de Gide n'auraient pas t
significativement modifies si les tiquettes avaient chang, si Gide par exemple avait appel

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son rcit promenade ou farce , et non sotie . C'est essentiellement l'interprtation du


texte qui est concerne.
On prendra garde toutefois de rapporter ces carts aux configurations esthtiques dont ils
participent. Quand Pouchkine appelle roman un pome, il institue dlibrment un cart
destin orienter la lecture du texte. Mais quand Molire inscrit comdie dans le paratexte
de Dom Juan, on peut considrer qu'il s'agit d'une catgorisation par dfaut, non d'un cart
dlibr : dans le systme des genres en vigueur son poque, la comdie tait le seul genre
susceptible d'accueillir ce texte qui, l'poque romantique, aurait sans nul doute t nomm
drame . Les tiquettes imposes par l'auteur ne sont pas toutes de mme type. A priori, une
tiquette peut viser plutt les proprits formelles d'un texte, plutt son interprtation, ou
combiner les deux.
- Les tiquettes formelles
Pour les tiquettes rfrant un type d'organisation textuelle, on mentionnera en premier lieu
ce que nous avons appel des hypergenres. Il s'agit de catgorisations comme dialogue ,
lettre , essai , journal , dialogue , etc. qui permettent de formater le texte. Ce
n'est pas, comme le genre de discours, un dispositif de communication historiquement dfini,
mais un mode d'organisation textuelle aux contraintes pauvres, qu'on retrouve des poques
et dans des lieux les plus divers et l'intrieur duquel peuvent se dvelopper des mises en
scne de la parole trs varies. Le dialogue, qui en Occident a structur une multitude de
textes pendant quelque deux mille cinq cents ans, est un bon exemple d'hypergenre. Il suffit
de faire converser au moins deux locuteurs pour pouvoir parler de dialogue . Si le dialogue
- comme l'change pistolaire - a t si constamment utilis, c'est que, par sa proximit avec
l'change conversationnel, il permettait de formater des contenus trs divers. Au XVI sicle
il a constitu la forme dominante de l'expression du dbat d'ides, alors qu'au XVII c'est
l'hypergenre pistolaire qui a pris sa place. Les auteurs vritables, nanmoins, smantisent
ncessairement les modes de formatage de leurs contenus , c'est--dire que l'hypergenre
n'est pas un simple moule pour des contenus qui en seraient indpendants : la manire dont
Platon exploite le dialogue ne fait qu'un avec l'univers de sens qu'institue son uvre.
- Les cadrages interprtatifs
Quand l'tiquette concerne l'interprtation du texte, on pourrait parler de cadrage interprtatif.
En intitulant Monstertragdie sa pice Erdgeist (1902), F. Wedekind indique de quelle
manire il prtend qu'elle soit reue : une tragdie monstrueuse. De la mme manire, Gide
affecte l'tiquette sotie ses Caves du Vatican pour donner une tonalit bouffonne un
rcit qui se prsente pourtant comme un roman : il procde au dtournement d'un genre
thtral mdival.
En littrature ou en philosophie, la pratique du cadrage interprtatif est surtout le fait
d'uvres postrieures au XVIII sicle : l'crivain, rcusant la soumission aux contraintes
prtablies, prtend dfinir lui-mme le statut de son uvre. De l une tendance brouiller
parfois la diffrence entre catgorisation gnrique et titre : les Mditations du pote
romantique A. de Lamartine, les Contemplations de Victor Hugo peuvent se lire aussi bien
comme des titres que comme des tiquettes gnriques de mode (4). Dans le cas du recueil de
Hugo - comme chez Gide mais d'une tout autre manire - la souverainet de l'auteur se
manifeste dans toute sa force : une contemplation n'est pas une activit verbale.

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-Les tiquetages formels et smantiques


Le plus souvent, les tiquettes sont la fois formelles et smantiques. C'est le cas avec les
classes gnalogiques. Par ce terme J.-M. Schaeffer (1989) dsigne ces sries qui se
construisent par ressemblance plus ou moins grande avec une ou plusieurs uvres
prototypiques. L'appartenance une classe gnalogique contraint pour une part variable la
fois l'organisation textuelle et le sens. Goethe, par exemple, place ses Elgies romaines dans
la classe gnalogique de l'lgie latine pour des raisons de forme (il s'agit d'une succession
de distiques), mais aussi parce qu'il existe un certain nombre de similitudes dans le ton et la
thmatique avec ses modles latins, qui sont d'ailleurs voqus dans son texte. Les tiquettes
de classes gnalogiques peuvent traverser les poques, les rgimes de la littrature. Mais
dans la mesure o ces classes gnalogiques s'appuient sur une mmoire partage, l'indication
explicite de sa source n'a rien de ncessaire : Virgile n'a pas besoin de prciser que l'Enide
s'appuie sur Homre.
Nanmoins, ce type d'tiquetage ne repose pas toujours sur la seule mmoire des uvres.
Certes, c'est bien par rapport l'intertexte, saint Augustin prcisment, que Rousseau
catgorise les Confessions, mais il existe galement dans les activits verbales de la vie
religieuse catholique un genre routinier appel confession , qui joue un rle fondamental
cette poque. L'auteur s'appuie donc la fois sur la mmoire collective des uvres et sur les
activits langagires contemporaines, il catgorise tout ou partie de la scne d'nonciation
construite par le texte en captant une catgorie gnrique routinire de sont temps.
Entre les trois types d'tiquetage que nous venons de distinguer il ne peut y avoir tanchit :
c'est une affaire de dominance. Pour bien des indications gnriques il est difficile de trancher
entre l'inscription dans une chane de ressemblance et un simple clairage de la signification
de l'uvre. Le cadrage interprtatif pur n'est rellement prsent que s'il y a cart manifeste
avec l'tiquetage revendiqu.

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