De L'écologie À L'autonomie
De L'écologie À L'autonomie
De L'écologie À L'autonomie
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Cornelius Castoriadis
Je suis content d’être ici et de vous voir. Et je sociétés, qu’elle a placé ces activités au centre de la vie
suis très surpris du nombre des participants ; très sociale, qu’elle leur a accordé une importance qu’elles
agréablement surpris et heureux. Mais en même temps, n’avaient pas autrefois ni ailleurs.
ça augmente ma peur de vous décevoir, d’autant qu’en
parlant avec Dany [Cohn-Bendit] avant de venir ici, il me De même, tout le monde sait aujourd’hui, ou tout le
disait qu’il ne savait pas ce qu’il dirait, qu’il monde croit savoir, que la prétendue neutralité, la
improviserait. Lui, il en a l’habitude et on sait, prétendue instrumentalité de la technique et même du
historiquement, qu’il s’en tire très bien (rires). Quant à savoir scientifique sont des illusions. En vérité, même
moi, j’aurais voulu consacrer plus de temps que je n’ai cette expression est insuffisante, et masque l’essentiel
pu le faire à la préparation de ce que je compte vous de la question. Car la présentation de la science et de la
dire. technique comme des moyens neutres ou comme de purs
et simples instruments, n’est pas simple « illusion » : elle
Mais peut-être, en fin de compte, ça n’aurait pas fait de fait précisément partie de l’institution contemporaine de
différence car les quatre ou cinq choses que j’ai à dire, la société - c’est-à-dire, elle fait partie de l’imaginaire
vous le verrez, aboutissent à des points d’interrogation, social dominant de notre époque.
et ils auraient abouti à des points d’interrogation de
toute façon. Et je crois que le sens d’une soirée comme On peut cerner cet imaginaire social dominant en une
celle-ci c’est précisément de faire parler les gens ; de phrase : la visée centrale de la vie sociale c’est
vous faire parler, soit sur les questions qui sont déjà l’expansion illimitée de la maîtrise rationnelle. Bien
ouvertes pour vous, soit - et là, ce serait un gain entendu, lorsqu’on y regarde de près - et il n’est pas
considérable - sur des questions nouvelles qui surgissent nécessaire d’y aller très très près pour le voir - cette
dans le débat, avec l’aide peut-être de ceux qui ont été maîtrise est une pseudo-maîtrise, et cette rationalité une
chargés de l’introduire. pseudo-rationalité. Il n’empêche que c’est celui-là, le
noyau des significations imaginaires sociales qui tiennent
Aujourd’hui tout le monde sait, tout le monde croit ensemble la société contemporaine. Et cela, ce n’est pas
savoir - ce n’était pas le cas il n’y a guère - que la seulement le cas dans les pays de capitalisme dit privé
science et la technique sont très essentiellement ou occidental. C’est également le cas dans les pays
insérées, inscrites, enracinées dans une institution prétendument « socialistes », dans les pays de l’Est, ou
donnée de la société. De même, que la science et la les mêmes instruments, les mêmes usines, les mêmes
technique de l’époque contemporaine n’ont rien de procédures d’organisation et de savoir sont mis
transhistorique, n’ont pas de valeur qui soit au-delà de également au service de cette même signification
toute interrogation, qu’elles appartiennent au contraire imaginaire sociale, à savoir l’expansion illimitée d’une
à cette institution social-historique qu’est le capitalisme prétendue maîtrise prétendument rationnelle.
tel qu’il est né en Occident il y a quelques siècles. C’est
là une vérité générale. On sait que chaque société crée J’ouvrirai ici une parenthèse, car nous ne pouvons quand
sa technique et son type de savoir, comme aussi son type même pas discuter en faisant abstraction de ce qui est
de transmission du savoir. On sait aussi que la société en train de se passer dans l’actualité mondiale et qui est
capitaliste, non seulement a été très loin dans la très grave. Nous voyons beaucoup plus clairement
création et le développement d’un type de savoir et d’un aujourd’hui, avec l’Afghanistan - je dirai, plus
type de technologie qui la différencie de toutes les exactement : les gens peuvent voir, quant à moi, je
autres, mais, et cela aussi la différencie des autres prétends que cela fait trente-cinq ans que je le vois - que
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la coexistence et l’antagonisme de ces deux sous- Cette adhésion est. certes, contradictoire : elle va de
systèmes dont chacun prétend posséder le monopole de pair avec des moments de révolte contre le système.
la voie par laquelle on parviendra à la « maîtrise Mais c’est une adhésion quand même, et ce n’est pas une
rationnelle » du tout sont en train de frôler le point où il simple passivité. Cela on peut le voir facilement autour
risque d’y avoir effectivement une maîtrise totalement de soi. Et du reste, si les gens n’adhéraient pas
rationnelle du seul véritable maître, comme dirait Hegel, effectivement au système, tout serait par terre dans les
c’est-à-dire de la mort. six heures qui suivraient. Pour n’en prendre qu’un
exemple : cette merveille d’« organisation » et de
Vous savez que la domination de cet imaginaire « rationalité » qu’est l’usine capitaliste - ou, plus
commence d’abord moyennant la forme de l’expansion généralement, toute entreprise capitaliste, à l’Ouest
illimitée des forces productives - de la « richesse », du comme à l’Est - ne produirait rien du tout, elle
« capital ». Cette expansion devient rapidement s’effondrerait rapidement sous le poids de l’absurdité de
extension et développement du savoir nécessaire pour sa réglementation et des antinomies internes qui
l’augmentation de la production, c’est-à-dire de la caractérisent sa pseudo-« rationalité », si les travailleurs
technologie, et de la science. Finalement, la tendance à ne la faisaient pas fonctionner une fois sur deux à
la réorganisation et à la reconstruction « rationnelles » l’encontre de cette réglementation - et très au-delà de
de toutes les sphères de la vie sociale - la production, ce qu’expliqueraient la contrainte ou l’effet des
l’administration, l’éducation, la culture, etc. - « stimulants matériels ».
transforme toute l’institution de la société et pénètre de
plus en plus à l’intérieur de toutes les activités. Cette adhésion tient à des processus extrêmement
complexes, qu’il n’est pas question d’analyser ici. Car
Mais vous savez aussi que, malgré ses prétentions, cette ces processus constituent ce que j’appelle la fabrication
institution de la société est déchirée par une foule de sociale de l’individu et des individus - de nous tous - dans
contradictions internes, que son histoire est traversée et par la société capitaliste instituée, telle qu’elle
par des conflits sociaux importants. A nos yeux, ces existe.
conflits expriment essentiellement le fait que la société
contemporaine est divisée asymétriquement et J’évoquerai simplement deux aspects de cette
antagoniquement entre dominants et dominés, et que fabrication. L’un concerne l’instillation aux gens, des la
cette division se traduit notamment, par les faits de plus tendre enfance, d’un rapport à l’autorité, d’un
l’exploitation et de l’oppression. De ce point de vue, certain type de rapport à un certain type d’autorité. Et
nous devrions dire qu’en droit, l’immense majorité des l’autre, l’instillation aux gens d’un ensemble de besoins,
gens qui vivent dans la société actuelle devraient à la satisfaction desquels ils seront par la suite attelés
s’opposer à la forme établie de l’institution de la toute leur vie durant.
société. Mais aussi, il est difficile de croire que si tel
était le cas, cette société pourrait se maintenir D’abord, l’autorité. Lorsque l’on considère la société
longtemps ou même aurait pu se maintenir jusqu’à contemporaine et qu’on la compare à celles qui l’ont
aujourd’hui. Il y a donc une question très importante qui précédée, on constate une différence importante :
se pose : comment cette société arrive-t-elle à se aujourd’hui, l’autorité se présente comme désacralisée,
maintenir et à tenir ensemble, alors qu’elle devrait il n’y a plus de rois par la grâce de Dieu.
susciter l’opposition de la grande majorité de ses
membres ? Daniel Cohn-Bendit : Tu es en Belgique.
Il y a une réponse qu’il faut éliminer définitivement de Cornelius Castoriadis : Je n’oublie pas que je suis en
nos esprits, et qui caractérise toute la vieille mentalité Belgique. Mais je ne crois pas que le roi des Belges soit
de gauche : l’idée que le système établi ne tiendrait que considéré comme roi par la grâce de Dieu. Je pense que
par la répression et la manipulation des gens, en un sens cela doit être un principe du droit constitutionnel belge,
extérieur et superficiel du terme manipulation. que s’il y a un roi des Belges, c’est parce que le peuple
belge a souverainement décidé qu’il aurait un roi - non ?
Cette idée est totalement fausse et, ce qui est encore (Rires)
plus grave, elle est pernicieuse parce qu’elle masque la
profondeur du problème social et politique. Si nous On penserait donc que l’autorité, aujourd’hui, est
voulons vraiment lutter contre le système, et aussi, si désacralisée. Mais en réalité ce n’est pas vrai. Ce qui,
nous voulons voir les problèmes auxquels se heurte autrefois, sacralisait l’autorité, c’était la religion :
aujourd’hui par exemple un mouvement comme le comme le disait saint Paul, dans l’Epître aux Romains,
mouvement écologique, nous devons comprendre une « tout pouvoir vient de Dieu ». Autre chose a pris
vérité élémentaire qui paraîtra très désagréable à aujourd’hui la place de la religion et de Dieu : quelque
certains : le système tient parce qu’il réussit à créer chose qui n’est pas pour nous « sacré », mais qui a
l’adhésion des gens à ce qui est. Il réussit à créer, tant réussi, tant bien que mal, à s’installer socialement
bien que mal, pour la majorité des gens et pendant la comme l’équivalent pratique du sacré, comme une sorte
grande majorité des moments de leur vie, leur adhésion de substitut de religion, une religion plate et aplatie. Et
au mode de vie effectif, institué, concret de cette cela est l’idée, la représentation, la signification
société. C’est de cette constatation fondamentale que imaginaire du savoir et de la technique.
l’on doit partir, si l’on veut avoir une activité qui ne soit
pas futile et vaine.
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Je ne veux pas dire par là, bien entendu, que ceux qui théorème de Pythagore, ou quelque chose qui a le même
exercent le pouvoir « savent ». Mais ils prétendent savoir nom, non seulement continue à « être vrai » (on peut
et c’est au nom de ce prétendu savoir - savoir spécialisé, assortir cette expression de tous les guillemets et les
scientifique, technique - qu’ils justifient leur pouvoir aux points d’interrogation que l’on voudra), mais apparaît
yeux de la population. Et s’ils peuvent le faire, c’est que comme infiniment plus vrai que ne pouvait le penser
la population y croit, qu’elle a été dressée pour y croire. Pythagore lui-même, puisque l’énoncé présent du
Ainsi, en France, on est accablé d’un président de la théorème de Pythagore, tel que vous le trouverez dans
République qui se prétend spécialiste de l’économie. Ce un traité contemporain d’analyse, en constitue une
« spécialiste », lorsqu’il était encore ministre des immense généralisation. Cela s’appelle toujours
Finances, tenait des discours à la Chambre où il alignait théorème de Pythagore, mais cela s’énonce : dans tout
pendant trois heures des statistiques avec quatre chiffres espace préhilbertien, le carré de la norme de la somme
décimaux. Cela veut dire qu’il aurait dû être recalé en de deux vecteurs orthogonaux est égal à la somme des
première année d’une UER d’économie, car une carrés de leurs normes.
statistique avec quatre chiffres décimaux en matière de
prix et de production n’a strictement aucun sens : au Ou, pour prendre un autre exemple : il n’y a pas de
mieux, dans ces domaines, on peut parler à dix pour cent société possible sans arithmétique - aussi archaïque,
près. Il n’empêche que le président Giscard, qui n’est primitive, sauvage soit cette société. Mais où s’arrête
pas économiste, a réussi à déterrer un dinosaure du donc l’arithmétique ? Cela aussi fait partie de la question
prétendu savoir économique, nommé Raymond Barre du savoir. Il est trop facile d’évacuer cette question en
(rires et applaudissements), qu’il a baptisé en public « le disant, comme un récent micro-farceur parisien, que le
meilleur économiste de France ». Moyennant quoi le totalitarisme c’est les savants au pouvoir : ce qui
bordel de l’économie française est à présent beaucoup évidemment ne fait qu’accréditer et renforcer la
plus grand que ce qu’il était il y a trois ans et aussi que mystification idéologique dominante. Comme si Staline,
ce qu’il aurait été si un concierge quelconque avait été qui dirigeait les opérations de l’Armée russe pendant la
président du Conseil (rires). deuxième guerre mondiale sur une mappemonde, comme
l’a révélé Khrouchtchev, était un « savant au pouvoir » !
De cela, il y a une conclusion pratique à tirer. Il y a un Mais il est aussi trop facile d’évacuer la question, comme
terrain de lutte, notamment pour des gens comme vous, cela se fait souvent dans notre milieu et par des gens qui
comme nous tous ici qui avons plus ou moins affaire avec nous sont proches, en voulant jeter par-dessus bord en
les activités intellectuelles ou scientifiques. Il s’agit de bloc la science et la technique comme telles, parce
montrer, en premier lieu, que le pouvoir à l’époque qu’elles seraient de purs produits du système établi ; on
actuelle n’est pas le savoir ; que non seulement il ne sait aboutit ainsi à éliminer l’interrogation portant sur le
pas tout, mais même qu’il sait beaucoup moins de choses monde, sur nous-mêmes, sur notre savoir.
que n’en savent les gens en général, et qu’à cela il y a
des raisons profondes et organiques. Et, en deuxième J’en viens maintenant à l’autre dimension du processus
lieu, que ce « savoir » dont se réclame le pouvoir, même de fabrication sociale de l’individu, celle qui concerne
lorsqu’il existe, a un caractère bien particulier, partiel et les « besoins ». Bien évidemment, il n’existe pas de
biaisé à la base. « besoins naturels » de l’être humain, dans aucune
définition du terme « naturel » - sauf peut-être dans une
Mais il y a aussi une question que je ne veux pas taire - définition philosophique où la nature serait quelque
bien que ce ne soit pas une des questions sur lesquelles chose de tout à fait différent de ce que vous pensez
nous devrions nous étendre ce soir. C’est que - oubliant d’habitude sous ce terme : une « nature » selon Aristote,
maintenant tout à fait MM. Giscard, Barre et consorts - il ou Spinoza, quelque chose comme une norme à la fois
y a un véritable problème du savoir, et même de la idéale et réelle. Outre que nous ne sommes pas là ce soir
technique, qui nous interpelle effectivement en tant que pour discuter ce type de questions philosophiques, cette
ce savoir et même cette technique dépassent acception du terme « nature » ne nous intéresse pas pour
l’institution présente de la société. Même si l’on admet - une raison précise : on ne voit pas comment on pourrait
comme je le fais - que l’orientation, les fins, le mode de se mettre d’accord socialement pour définir des besoins
transmission et l’organisation interne du savoir qui correspondraient à cette « nature »-là.
scientifique sont ancrés dans le système social actuel,
plus même, qu’ils lui sont, en un sens, consubstantiels ; Il n’y a pas de besoins naturels. Toute société crée un
même alors, il faut accepter qu’il y a la création de ensemble de besoins pour ses membres et leur apprend
quelque chose qui dépasse certainement l’époque que la vie ne vaut la peine d’être vécue, et même ne
contemporaine. Cela est vrai aussi, d’ailleurs, pour les peut être matériellement vécue que si ces besoins-là
époques antérieures de l’histoire. sont « satisfaits » tant bien que mal. Quelle est la
spécificité du capitalisme à cet égard ? En premier lieu,
Pour prendre un exemple facile, le théorème de c’est que le capitalisme n’a pu surgir, se maintenir, se
Pythagore a été découvert et démontré il y a vingt-cinq développer, se stabiliser (malgré et avec les intenses
siècles à Samos ou je ne sais où, peu importe. Il est clair luttes ouvrières qui ont déchiré son histoire) qu’en
qu’il a été découvert dans un contexte nullement mettant au centre de tout les besoins « économiques ».
« neutre », formé par un ensemble de schèmes Un musulman, ou un hindou, mettra de côté de l’argent
imaginaires indissociablement et profondément liés à la toute sa vie durant, pour faire le pèlerinage de La
conception grecque du monde, à l’institution imaginaire Mecque ou de tel temple ; c’est là pour lui un « besoin ».
grecque du monde, comme toute la géométrie grecque. Cela n’en est pas un pour un individu fabriqué par la
Cela n’empêche pas que, vingt-cinq siècles après, ce culture capitaliste : ce pèlerinage, c’est une superstition
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ou une lubie. Mais pour ce même individu, ce n’est pas La crise de l’énergie n’a de sens comme crise, et n’est
superstition ou lubie, mais « besoin » absolu, que d’avoir crise, que par rapport au modèle présent de société.
une voiture ou de changer de voiture tous les trois ans, C’est cette société-ci qui a besoin, chaque année, de
ou d’avoir une télévision-couleur dès que cette télévision 10 % de pétrole ou d’énergie de plus pour pouvoir
existe. continuer à tourner. Cela veut dire que la crise de
l’énergie est, en un sens, crise de cette société. Ainsi,
En deuxième lieu, donc, le capitalisme réussit à créer elle contient en germe - c’est là une question à laquelle
une humanité pour laquelle, plus ou moins et tant bien c’est beaucoup plus à vous qu’à moi de répondre - la
que mal, ces « besoins » sont à peu près tout ce qui mise en cause par les gens de l’ensemble du système ;
compte dans la vie. Et, en troisième lieu - et c’est un des mais peut-être contient-elle aussi en germe la possibilité
points qui nous séparent radicalement d’une vue comme que les gens suivent au plan politique les courants les
celle que Marx pouvait avoir de la société capitaliste -, plus aberrants, les plus monstrueux. Car, telle qu’elle
ces besoins qu’il crée, le capitalisme, tant bien que mal est, cette société ne pourrait probablement pas
et la plupart du temps, il les satisfait. Comme on dirait continuer si on ne lui assurait pas ce ronron de la
en anglais : He promises the goods, and he delivers the consommation croissante. Elle pourrait se remettre en
goods. La camelote, elle est là, les magasins en cause, en disant : ce que l’on est en train de faire est
regorgent - et vous n’avez qu’à travailler pour pouvoir en complètement fou, la façon selon laquelle on vit est
acheter. Vous n’avez qu’à être sages et à travailler, vous absurde. Mais elle pourrait aussi s’agripper au mode de
gagnerez plus, vous grimperez, vous en achèterez plus, vie actuel, en se disant : tel parti a la solution, ou : il n’y
et voilà. Et l’expérience historique est là pour montrer a qu’à mettre à la porte les juifs, les Arabes, ou je ne
qu’à quelques exceptions près, ça marche : ça marche, sais pas qui, pour résoudre nos problèmes.
ça produit, ça travaille, ça achète, ça consomme et ça
remarche. Telle est la question qui se pose, et que je vous pose,
actuellement : où en est la crise du mode de vie
A cette étape de la discussion, la question n’est pas de capitaliste pour les gens ? Et que pourrait être une
savoir si nous « critiquons » cet ensemble de besoins d’un activité politique lucide qui accélère la prise de
point de vue personnel, de goût, humain, philosophique, conscience de l’absurdité du système et aide les gens à
biologique, médical ou ce que vous voudrez. La question dégager les critiques du système qui, certainement, se
porte sur les faits, sur lesquels il ne faut pas nourrir forment déjà à droite et à gauche ?
d’illusions. Brièvement parlant, cette société marche
parce que les gens tiennent à avoir une voiture et qu’ils Je voudrais aborder maintenant, en liaison immédiate
peuvent, en général, l’avoir, et qu’ils peuvent acheter de avec ce qui précède, le mouvement écologique. Il me
l’essence pour cette voiture. C’est pourquoi il faut semble que l’on peut observer, dans l’histoire de la
comprendre qu’une des choses qui pourraient mettre par société moderne, une sorte d’évolution du champ sur
terre le système social en Occident ce n’est pas la lequel ont porté les mises en cause, les contestations, les
« paupérisation », absolue ou relative, mais, par révoltes, les révolutions. Il me semble aussi que cette
exemple, le fait que les gouvernements ne puissent plus évolution peut être quelque peu éclairée si on se réfère à
fournir aux automobilistes de l’essence. ces deux dimensions de l’institution de la société que
j’évoquais tout à l’heure : l’instillation aux individus
Il faut bien réaliser ce que cela signifie. Lorsque nous d’un schème d’autorité et l’instillation aux individus d’un
parlons du problème de l’énergie, du nucléaire, etc., schème de besoins. Le mouvement ouvrier a mis en
c’est en fait tout le fonctionnement politique et social cause, dès le départ, l’ensemble de l’organisation de la
qui est impliqué, et tout le mode de vie contemporain. Il société, mais d’une manière qui, rétrospectivement, ne
en est ainsi à la fois « objectivement » et du point de vue peut manquer de nous apparaître comme quelque peu
des gens, et à cet égard nos critiques de l’abrutissement abstraite. Ce que le mouvement ouvrier attaquait
consommationniste comptent peu. surtout, c’était la dimension de l’autorité - c’est-à-dire
la domination qui en est le versant « objectif ». Même
On peut facilement illustrer la situation, moyennant les sur ce point il laissait dans l’ombre - c’était quasiment
futurs - et déjà présents et passés - discours électoraux fatal à l’époque - des aspects tout à fait décisifs du
du citoyen Marchais, expliquant : primo, si vous n’avez problème de l’autorité et de la domination, donc aussi
plus d’essence pour rouler, c’est la faute des trusts, des des problèmes politiques de la reconstruction d’une
multinationales et du gouvernement qui fait leur jeu ; et, société autonome. Certains de ces aspects ont été mis en
secundo, si le Parti communiste vient au pouvoir, il vous question par la suite ; et surtout, plus récemment, par le
donnera de l’essence parce qu’il ne se soumettra plus mouvement des femmes et le mouvement des jeunes, qui
aux multinationales mais aussi parce que notre grande ont attaqué les schèmes, les figures et les relations
alliée, amie du peuple français et grand producteur de d’autorité tels qu’ils existent dans d’autres sphères de la
pétrole, l’Union soviétique, nous en fournira (peu vie sociale.
importe si les choses commencent à aller très mal là-bas
également, à cet égard aussi). On voit là un scénario Ce que le mouvement écologique a mis en question, de
possible ; comme aussi il existe un scénario possible du son côté, c’est l’autre dimension : le schème et la
côté apparemment opposé - je dis bien apparemment -, structure des besoins, le mode de vie. Et cela constitue
c’est-à-dire du côté d’une démagogie néofasciste, qui un dépassement capital de ce qui peut être vu comme le
pourrait se développer à partir de la crise de l’énergie et caractère unilatéral des mouvements antérieurs. Ce qui
de ses retombées de toutes sortes. est en jeu dans le mouvement écologique est toute la
conception, toute la position des rapports entre
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l’humanité et le monde, et finalement la question de ce que nous disons : pas de sonorisation dans une salle
centrale et éternelle : qu’est-ce que la vie humaine ? comme celle-ci - mais c’est déjà fait (rires) ; pas de
Nous vivons pour quoi faire ? téléphone ; pas de blocs opératoires en chirurgie (après
tout, Illich affirme que la médecine ne fait qu’augmenter
A cette question, il existe déjà une réponse, et on la le taux de mortalité) ; pas de radios, libres ou pas ; pas
connaît : c’est la réponse capitaliste. Permettez-moi ici de magnétophones ; pas de disques de Keith Jarret,
une parenthèse et un rapide retour en arrière. La plus comme j’en entendais tout à l’heure dans votre club,
belle et la plus concise formulation de l’esprit du etc. Il faut réaliser qu’il n’y a pratiquement aucun objet
capitalisme que je connaisse, c’est l’énoncé de la vie moderne qui d’une façon ou d’une autre,
programmatique bien connu de Descartes : atteindre au directement ou indirectement, n’implique l’électricité.
savoir et à la vérité pour « nous rendre maîtres et Ce rejet total est peut-être acceptable - mais il faut le
possesseurs de la nature ». C’est dans cet énoncé du savoir, et il faut le dire.
grand philosophe rationaliste que l’on voit le plus
clairement l’illusion, la folie, l’absurdité du capitalisme Ou alors, la seule chose qui serait logique, c’est de
(comme aussi d’une certaine philosophie et d’une proposer d’autres sources d’énergie, d’affirmer et de
certaine théologie qui le précèdent). Qu’est-ce que cela montrer qu’il n’est pas nécessaire de se priver
veut dire, nous rendre maîtres et possesseurs de la d’électricité si l’on exclut les centrales nucléaires, à
nature ? Remarquez aussi que sur cette idée privée de condition de réformer l’ensemble du système de
sens se fondent aussi bien le capitalisme que l’œuvre de production d’énergie de telle sorte que seules entrent en
Marx et le marxisme. jeu des énergies renouvelables. Comme je suis certain
que vous connaissez beaucoup plus de choses que moi sur
Or ce qui apparaît, peut-être en tâtonnant et en les énergies renouvelables, ce n’est pas la peine que je
balbutiant, à travers le mouvement écologique, c’est que m’étende sur cette question considérée en elle-même.
certainement nous ne voulons pas être maîtres et Mais la question des énergies renouvelables dépasse de
possesseurs de la nature. D’abord, parce que nous avons loin la question des énergies renouvelables. D’abord, elle
compris que cela ne veut rien dire, que cela n’a pas de implique la totalité de la production ; et puis (ou plutôt
sens - si ce n’est d’asservir la société à un projet absurde en même temps) elle implique la totalité de
et aux structures de domination qui l’incarnent. Et, l’organisation sociale. La seule tentative que je
ensuite, parce que nous voulons un autre rapport à la connaisse personnellement de prendre en compte
nature et au monde ; et cela veut dire aussi un autre sérieusement l’ensemble de la question, c’est le projet
mode de vie, et d’autres besoins. Alter sur lequel travaille en France le mathématicien
Philippe Courrège avec un minuscule groupe de
Mais la question est : quel mode de vie, et quels collaborateurs bénévoles. Je dis sérieusement, parce que
besoins ? Que voulons-nous ? Et qui, comment, à partir de Courrège a tout de suite vu qu’il ne s’agit pas seulement
quoi, peut répondre à ces questions ? Répondre, d’assurer la production d’énergies renouvelables, que
j’entends, non pas dans le savoir absolu, mais en cela impliquait la totalité de la production et, par
connaissance de cause, et dans la lucidité ? conséquent, il s’est attaqué à la construction d’un petit
« système » complet (ou plutôt, d’une grande gamme de
A mes yeux, le mouvement écologique est apparu comme tels systèmes, dépendant chacun des objectifs finals
un des mouvements qui tendent vers l’autonomie de la qu’on se propose), d’une matrice bouclée qui couvre la
société ; et chaque fois que j’ai eu à en parler, totalité des « entrées » et des « sorties » d’une petite
oralement ou par écrit, je l’ai inclus dans la série de ces région à peu près autarcique.
mouvements dont je parlais tout à l’heure. Dans le
mouvement écologique il s’agit, en premier lieu, de Mais je dis sérieusement aussi, parce que Courrège a
l’autonomie par rapport à un système technico-productif, également vu, et il le dit, que ce qui sur le plan
prétendument inévitable ou prétendument optimal : le « technique » et « économique » est une solution sinon
système technico-productif qui est là dans la société simple au moins faisable, soulève des problèmes
actuelle. Mais il est absolument certain que le politiques et sociaux (il dit : sociétaux) immenses : la
mouvement écologique, par les questions qu’il soulève, définition des objectifs finals de la production,
dépasse de loin cette question du système technico- l’acceptation par la communauté d’un état stationnaire,
productif, qu’il engage potentiellement tout le problème la gestion de l’ensemble, etc. Ici, je peux dire que je me
politique et tout le problème social. Je vais m’expliquer sens en terrain familier : non pas que je possède,
et terminer là-dessus. évidemment, la solution, mais parce que ce sont des
questions sur lesquelles je réfléchis et je travaille depuis
Que le mouvement écologique engage tout le problème trente ans et qui deviennent à la fois plus précises et
politique et tout le problème social, on peut le voir plus claires lorsque l’on donne un soubassement concret
immédiatement à partir d’une question apparemment à l’idée d’unités sociales autogouvernées et vivant pour
limitée. J’espère que vous m’excuserez si je vous dis des une bonne partie sur des ressources locales
choses que vous avez dû entendre déjà des dizaines de renouvelables.
fois, et si je les dis de façon abrupte. La lutte
antinucléaire : oui, très bien, bravo. Mais est-ce que cela Mais il reste ce que montre, « négativement » si je peux
veut dire en même temps : lutte antiélectricité ? Si oui, dire, le projet Alter : si on veut toucher au problème de
alors il faut le dire, tout de suite, fortement et l’énergie, il faut toucher à tout. Or tout cela n’est ni de
clairement. Et il faut dire aussi : nous sommes contre la théorie, ni de la littérature. On sait que dès
l’électricité, et nous connaissons toutes les implications maintenant les gouvernements disent que sans centrales
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nucléaires il n’y aura plus d’électricité dans quelques moi la question de la possibilité d’une transformation
années ; et, certainement, si rien d’autre ne se passe et radicale, révolutionnaire, de la société : est-ce que les
comme, depuis 1973, ces gouvernements n’ont fait que humains ont la capacité et surtout la volonté de s’auto-
bavarder sur le problème de l’énergie sans rien faire de gouverner (je dis surtout la volonté, car à mes yeux la
réel, il finira bien par arriver quelque chose comme la « capacité » ne fait pas vraiment problème) ? Est-ce
rupture de charge du réseau en France l’année dernière. qu’ils veulent vraiment être maîtres d’eux-mêmes ? Car,
après tout, s’ils le voulaient, rien ne pourrait les en
Maintenant, d’un autre côté, les projets concernant les empêcher : cela, on le sait depuis Rosa Luxemburg,
énergies renouvelables sont en partie récupérables à des depuis La Boëtie, même depuis les Grecs.
fins que l’on ne pourrait même pas appeler réformistes :
à des fins de pur et simple colmatage du système Mais, petit à petit, un autre aspect de cette question -
existant. Et, au-delà de cette question de récupération, de la question de la possibilité d’une transformation
cela conduit à une autre interrogation : est-ce qu’un radicale de la société - a commencé à m’apparaître, et à
« réformisme » antinucléaire, énergétique, écologique a me préoccuper de plus en plus. C’est qu’une autre
un sens et peut être lucidement appuyé ? J’entends ici société, une société autonome, n’implique pas
par « réformisme » le soutien accordé à des mesures seulement l’autogestion, l’auto-gouvernement, l’auto-
partielles que nous considérons comme valables et ayant institution. Elle implique une autre culture, au sens le
un sens (c’est-à-dire qui ne sont pas annulées du fait plus profond de ce terme. Elle implique un autre mode
qu’elles s’insèrent dans un système global qui, lui, n’est de vie, d’autres besoins, d’autres orientations de la vie
pas changé). Par exemple, les lois contre la pollution des humaine. Car vous serez d’accord avec moi pour dire
cours d’eau - lois qui laissent en place tout le reste : les qu’un socialisme des embouteillages est une absurdité
multinationales, l’Etat, le parti communiste, le roi, etc. dans les termes, et que la solution socialiste de ce
Une certaine position traditionnelle répondait à cette problème ne serait pas d’éliminer les embouteillages en
question par la négative. On disait : on se bat pour la quadruplant la largeur des Champs-Elysées. Qu’est-ce
Révolution, et un des sous-produits de la Révolution sera donc que ces villes ? Qu’est-ce que les gens qui les
la non-pollution des rivières (comme aussi l’émancipation remplissent ont vraiment envie de faire ? Comment
des femmes, la réforme de l’éducation, etc.). diable se fait-il qu’ils « préfèrent » avoir leurs voitures et
passer des heures chaque jour dans les embouteillages,
Nous savons que cette réponse est absurde et plutôt qu’autre chose ?
mystificatrice, et heureusement les femmes ou les
étudiants ont cessé d’attendre la Révolution pour exiger Poser le problème d’une nouvelle société, c’est poser le
et obtenir des changements effectifs dans leur condition. problème d’une création culturelle extraordinaire. Et la
Je pense que la même chose vaut pour la lutte question qui se pose, et que je vous pose, est : est-ce
écologique : il y a, par exemple et entre mille autres, que de cette création culturelle nous avons, devant nous,
une grave question de la pollution des cours d’eau, et la des signes précurseurs et avant-coureurs ? Nous qui
lutte contre cet état de choses a pleinement un sens, à rejetons, du moins en paroles, le mode de vie capitaliste
condition que l’on sache ce que l’on fait, que l’on soit et ce qu’il implique - et il implique tout, absolument
lucide. Cela veut dire que l’on sait qu’actuellement on tout ce qui existe aujourd’hui - est-ce que nous voyons
lutte pour tel objectif partiel, parce qu’il a une certaine autour de nous naître un autre mode de vie qui
valeur, et que l’on sait aussi que ce dont on demande préannonce, qui préfigure quelque chose de nouveau,
l’introduction ou l’application, aussi longtemps que le quelque chose qui donnerait un contenu substantif à
système actuel existera, aura nécessairement une l’idée d’autogestion, d’autogouvernement, d’autonomie,
signification ambiguë et même pourra être détourné de d’auto-institution ? Autrement dit : l’idée
sa finalité initiale. Vous savez que la Sécurité sociale a d’autogouvernement peut-elle prendre sa pleine force,
été, dans beaucoup de pays, une conquête arrachée de atteindre son plein appel, si elle n’est pas aussi portée
haute lutte par la classe ouvrière. Mais vous savez aussi par d’autres souhaits, par d’autres « besoins » qui ne
qu’il y a des marxistes qui expliquent - et après tout, ce peuvent pas être satisfaits dans le système social
n’est pas totalement faux d’un certain point de vue - que contemporain ?
la Sécurité sociale fait fonctionner le système capitaliste
parce qu’elle sert à l’entretien de la force de travail. Et Nous autres, probablement, nous qui sommes ici,
alors ? Est-ce qu’à partir de cet argument, on pouvons sans doute penser à de tels besoins, nous les
demanderait la suppression de la Sécurité sociale ? éprouvons, et peut-être pour nous ils comptent
beaucoup. Par exemple, que sais-je, pouvoir aller quand
Je terminerai en abordant le problème qui me paraît le on veut flâner deux jours dans les bois. Mais la question
plus profond, le plus critique, critique au sens initial du n’est évidemment pas là ; il ne s’agit pas de nos souhaits
mot crise : moment et processus de décision. Parler et besoins à nous, mais de ceux de la grande masse des
d’une société autonome, de l’autonomie de la société gens. Et l’on se demande : est-ce que quelque chose de
non seulement à l’égard de telle couche dominante ce genre, le rejet des besoins nourris actuellement par le
particulière mais à l’égard de sa propre institution, des système et l’apparition d’autres visées, commence à
besoins, des techniques, etc., présuppose à la fois la poindre, à apparaître comme important pour les gens qui
capacité et la volonté des humains de s’auto-gouverner, vivent aujourd’hui ?
au sens le plus fort de ce terme. Pendant très longtemps,
en fait dès le début de la période où je faisais, avec mes Et finalement : est-ce qu’ici, sur ce point, sur cette
camarades, Socialisme ou Barbarie, c’était ligne, nous ne rencontrons pas effectivement la limite de
essentiellement dans ces termes que se formulait pour la pensée et de l’action politiques ? Car bien entendu,
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comme toute pensée et toute action, celle-ci aussi doit société. Autolimitation qui a deux versants : la limitation
avoir une limite - et doit s’efforcer de la reconnaître. par la société de ce qu’elle considère comme les
Est-ce que cette limite n’est pas, sur ce point, celle-ci : souhaits, tendances, actes, etc., inacceptables de telle
que ni nous, ni personne ne peut décider d’un mode de ou telle partie de ses membres ; mais aussi,
vie pour les autres ? Nous disons, nous pouvons dire, nous autolimitation de la société elle-même dans la
avons le droit de dire que nous sommes contre le mode réglementation, la régulation, la législation qu’elle
de vie contemporain - ce qui, encore une fois, implique à exerce sur ses membres. Le problème positif et
peu près tout ce qui existe, et non seulement la substantif du droit c’est de pouvoir concevoir une société
construction de telle centrale nucléaire, qui n’en est qui à la fois est fondée sur des règles universelles
qu’une implication du énième ordre. Mais dire que nous substantives (l’interdiction du meurtre n’est pas une
sommes contre tel mode de vie, cela introduit par la règle « formelle » et en même temps est compatible
bande un problème formidable : ce que l’on peut appeler avec la plus grande diversité possible de création
le problème du droit au sens le plus général, non pas culturelle et donc aussi de modes de vie et de systèmes
simplement du droit formel, mais du droit comme de besoins (je ne parle pas du folklore pour touristes). Et
contenu. Que se passe-t-il, si les autres continuent de cette synthèse, cette conciliation nous ne pouvons pas la
vouloir de cet autre mode de vie ? Je prendrai sortir de notre tête. Et si nous la sortions, cela ne
volontairement un exemple extrême et absurde, parce servirait à rien. Elle sortira de la société elle-même, ou
qu’il est proche du point de départ de notre réunion. elle ne sortira pas.
Supposez qu’il y ait des gens qui non seulement veulent Reconnaître cette limite à la pensée et à l’action
de l’électricité, mais veulent spécifiquement de politiques, c’est s’interdire de refaire le travail des
l’électricité d’origine nucléaire. Vous leur offrez toute philosophes politiques du passé, se substituant à la
l’électricité du monde, ils n’en veulent pas : ils veulent société et décidant, comme Platon et même Aristote,
qu’elle soit nucléaire. Tous les goûts sont dans la nature. que telle gamme musicale est bonne pour l’éducation des
Qu’est-ce que vous direz dans un tel cas, qu’est-ce que jeunes, tandis que telle autre est mauvaise et doit donc
nous dirons ? Nous dirons, je suppose : il y a une décision être interdite dans la cité. Cela n’implique nullement
majoritaire (du moins nous espérons qu’elle le serait) qui que nous renoncions à notre propre pensée, à notre
interdit aux gens de satisfaire leur goût de se fournir en propre action, à notre point de vue, ni que nous
électricité spécifiquement nucléaire. Exemple, encore acceptions aveuglément et religieusement tout ce que la
une fois, absurde - et facile à régler. Mais vous pouvez société et l’histoire peuvent produire. C’est finalement
aisément imaginer des milliers d’autres, qui ne sont ni encore un point de vue abstrait de philosophe qui amène
absurdes ni faciles à régler. Car ce qui est posé dans le Marx à décider (car c’est lui qui le décide) que ce que
mode de vie est finalement cette question : jusqu’où l’histoire décidera ou a déjà décidé est bon. (L’histoire a
peut aller le « droit » (la possibilité effective, presque décidé pour le Goulag.) Nous maintenons notre
légalement et collectivement assurée) de chaque responsabilité, notre jugement, notre pensée et notre
individu, de chaque groupe, de chaque commune, de action, mais nous en reconnaissons aussi la limite. Et
chaque nation d’agir comme il l’entend à partir du reconnaître cette limite, c’est donner son plein contenu
moment où nous savons - nous le savions depuis toujours, à ce que nous disons sur le fond, à savoir qu’une
mais l’écologie nous le rappelle avec force - que nous politique révolutionnaire aujourd’hui est en premier lieu
sommes tous embarqués sur le même rafiot planétaire, et avant tout la reconnaissance de l’autonomie des gens,
et que ce que chacun fait peut se répercuter sur tous ? c’est-à-dire la reconnaissance de la société elle-même
La question de l’autogouvernement, de l’autonomie de la comme source ultime de création institutionnelle.
société est aussi la question de l’autolimitation de la
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