Tout Le Monde Couche Avec Tout Le Monde
Tout Le Monde Couche Avec Tout Le Monde
Tout Le Monde Couche Avec Tout Le Monde
http://feministesentousgenres.blogs.nouvelobs.com/archive/2011/12/15/tout-lemonde-couche-avec-tout-le-monde.html
Dans le cadre dun change entre nous, Thamy Ayouch, psychanalyste, Matre de
confrences en psychopathologie lUniversit de Lille 3, et Professor Visitante
Estrangeiro lUniversidade de So Paulo, pingle la normativit qui se pare de
psychanalyse pour dnoncer les prtendus nouveaux dsordres amoureux.
Sur le site du trs Jacques-Alain Millerien Lacan Quotidien (en guise du pain ?), la
psychanalyste Marie-Hlne Brousse publiait rcemment Les nouveaux dsordres
Lamour au temps du Tout le monde couche avec tout le monde, Le savoir de
Christophe Honor [1].
menace
par
la
contre-nature
dune
banalisation
de
Par del lhomophobie patente que cet exemple confirme, on serait en droit de se
demander au nom de qui M.-H Brousse parle, et o elle puise son savoir. Rpondre
quil sagit ici de ce que lui confient ses analysants reviendrait nouveau gnraliser
abusivement le fantasme ventuel de quelques-uns. La sexualit gay dans les
backrooms reste, faut-il le rappeler, une pratique choisie, non dominante, et non
exclusive dautres pratiques ou modalits de lien. Pourtant, cest, semble-t-il, au nom
dune connaissance assurment experte en la matire que M.-H. Brousse statue ici sur
son droulement, sa vise, sa fantasmatique, et la libert qu'on peut avoir de s'y
prter, de s'y refuser ou de la subvertir de l'intrieur. Que penser de ces allgations
sans nuances, empreintes de la normativit la plus ordinaire (la moins avise et
labore, la moins mme de sinterroger sur sa posture nonciative en un mot, la
moins psychanalyse), sinon qu'elles trahissent une totale mconnaissance de ce
qu'elles dcrivent ? moins quelles ne soient terrorises
Le mot est lch : la dimension polymorphe de la sexualit infantile est ici agie, signe
manifeste de perversion, conue comme propension raliser les fantasmes qui
structurent la sexualit de chacun, plutt qu les refouler. Notons toutefois quen
psychanalyse, la notion de perversion est complexe, et peut servir qualifier, lorsque
lusage en est peu avis, autant lauteur du meurtre en srie que celui du cunnilingus.
La catgorie des perversions sexuelles est tout droit hrite de la psychiatrie du
XIXe sicle, qui, par les pousailles peu heureuses du mdical et du juridique, dfinit
comme perverse toute pratique considre comme dviante par rapport lacte
sexuel tenu pour normal , nommment le cot visant obtenir lorgasme par
pntration gnitale avec un(e) partenaire de sexe oppos.
En entriner lusage le plus grossier revient ici perptrer une double erreur. En effet,
le vocable inscrit toute considration dans un irrductible cadre idologique, comme le
rappelait dj Georges Lanteri-Laura en 1979 :
En matire de perversions, cest la doxa qui dlimite le champ des phnomnes dont
traite lpistm : lopinion vient indiquer le domaine des comportements pervers, et
la connaissance reste cet gard tributaire de lopinion, mme si elle modifie en cours
de route ltendue de ce champ [3].
En psychopathologie analytique, le terme devrait donc saccompagner dune
conscience de sa dtermination historique. Il invite ainsi un usage nuanc, soucieux
de diffrencier les pratiques sexuelles diffrant du cot membrum virile in vaginam,
qui, consenties, ne sont pas plus perverses lorsquelles prfrent loreille ou le doigt de
pied aux organes gnitaux, dune part, et, dautre part, le dni de valeur de lautre, le
rduisant un objet-ustensile, propre la perversion. Aucune pratique sexuelle nest
en soi perverse : elles peuvent le devenir lorsque, au mme titre que la manipulation
ou le harclement moral, elles servent de voie lexercice dun dni de laltrit
dautrui. En outre, la limitation du cot la pntration gnitale avec un partenaire de
sexe oppos, dans le cadre des liens sociaux traditionnels nimmunise gure contre
la perversion.
Ce qui toutefois rend la position de M.-H. Brousse encore plus problmatique tient la
confusion quelle effectue entre sexualit et sexuel-infantile. Hormis pour
dnaturaliser la sexualit humaine et la dtacher du destin biologique de la
reproduction [4], la psychanalyse ne sintresse pas aux pratiques sexuelles.
Remettant en question les fausses vidences, la thorie analytique dfinit le sexuelinfantile comme ce gain de plaisir irrductible la satisfaction dune fonction vitale,
et qui rgit le rapport de chacun lensemble de ses intrts, sa gestion de
langoisse, et son vitement du d-plaisir. Il semble alors bien surprenant quune
psychanalyste effectue cette double mprise, rabattant le sexuel-infantile sur le sexuel,
et confondant linfantile et lenfant, pour dpourvoir ladulte de sexuel-infantile.
M.-H. Brousse prtend alors illustrer son analyse des murs dissolues contemporaines
par une revue critique, aussi expdie qudifiante, des films de Christophe Honor, et
qui vise rappeler, a contrario, lontologie immuable des assignations sociales.
Ainsi, Dans Paris, par exemple, permet-il la psychanalyste de fustiger le pre qui fait
la mre ou la mre qui fait la femme, autant de sujets qui ne se limitent pas aux rles
quil leur revient de jouer. Un pre est un pre, une mre une mre, une femme une
femme, la tautologie martle avec raison les vidences saines que la subversion
pourrait branler. Suivons ces pas aviss et n'hsitons pas l'affirmer : une sotte est
une sotte...
Passons les analyses, tout aussi claires, des autres films de C. Honor, pour parvenir
alors la conclusion magistrale du texte. la question Dans le contexte du tout le
monde couche que devient lamour ? , rpond une limitation du dsir ce qui
mouille ou bande . La dtumescence de lorgane auquel M.-H. Brousse rduit le
dsir ne tarde pas alors sannoncer : a ne dure pas au-del de la satisfaction des
corps .
Mais, ne peut-on manquer de demander, do M.-H. Brousse tire-t-elle donc sa
science ? Des propos de ses analysants, quelle nhsite pas dcontextualiser, de sa
comprhension avise du cinma franais de ces dernires annes, ou de ses
Invoquant la vanit du plaisir dans ses accents jansnistes, M.-H. Brousse peut
alors dclarer le rapport sexuel illusoire sans lamour. Que ne relit-elle son Lacan,
serait-on tent de dire, pour dcouvrir qu'il y s'agit, dans l'un comme dans l'autre, de
semblant, de captation imaginaire, et que le il n'y a pas de rapport sexuel que
proclamait le psychanalyste n'est pas entendre de manire si littrale dfaut de
cela, M.-H. Brousse prfre dplorer que la mort, en ce XXIe sicle dboussol, ne
vienne plus nous signifier la valeur de l'amour : car jadis, la mort signait le srieux de
lamour, en rendant rel le rapport sexuel illusoire . Doit-on alors regretter la faste
poque du cholra, de la peste ou des guerres en tout genre, qui assurment,
mettraient fin toutes les perversions, ou du moins les inscriraient dans l'amour, la
mort ?... Et lon entend en cho le "Viva la muerte" des phalangistes de la guerre
d'Espagne.
La posture de M.-H. Brousse nest malheureusement pas bien originale : elle rejoint la
cohorte de ceux qui entendent professer, au nom de la psychanalyse, la version la plus
licite du sexe, de lamour et du lien social, et dont les cris dorfraie se sont fait
entendre publiquement au moment du PaCS ou dans le dbat sur lhomoparentalit.
Les voici toujours prompts prescrire ou proscrire les modalits symboliques de la
rencontre, de lalliance ou de la filiation, statuer sur les questions que se pose une
socit rlaborant les formes de lien entre ses sujets, ou inscrire la sexuation et les
pratiques sexuelles dans un vritable dispositif de sexualit (Foucault) [6]. Faut-il
croire que parce quils crient plus fort que dautres, et le font devant les mdias, ce sont
les seuls reprsentants de la psychanalyse ?
On peut certes, au nom de la psychanalyse, gratifier la communaut de ses
prfrences subjectives exemptes de lanalyse du contre-transfert, et reproduire les
strotypes les plus poussifs dans un habillage de mtapsychologie ternitaire. Mais
on renonce alors parler en psychanalyste. Omettre dinterroger sur la posture
depuis laquelle est mis un discours, sur son adresse, son axe narcissique et son
inscription historique, nest-ce pas l une rsistance auto-immunitaire de la
psychanalyse son dehors comme elle-mme (Derrida) [6] ?
Que reste-t-il dans ce monde dvast ? demande la dernire phrase du texte. Bien
peu dintelligence, ou de psychanalyse, serait-on enclin rpondre en en achevant la
lecture...
Thamy Ayouch
Notes
[1] http://www.lacanquotidien.fr/blog/wp-content/uploads/2011...
[2] M.H. Brousse crit : La banalisation, la lgalisation et la lgitimation de
lhomosexualit, la mutation des modes de procration opre par la science,
aujourdhui de plus en plus radicalement distincte de la vie sexuelle, ainsi que le
dveloppement de grande envergure dune imagerie sexuelle accessible tous sur le
web, ont eu une quadruple consquence
(http://www.lacanquotidien.fr/blog/wp-content/uploads/2011/11/LQ-811.pdf).
[3] Georges Lanteri-Laura, Lecture des perversions. Histoire de leur appropriation
mdicale, Masson, Paris, 1979.
[4] Voir, par exemple, Freud, S. (1987). Trois essais sur la thorie sexuelle,Paris,
Gallimard, Folio Essais, ou Freud, S. (1968) et Pulsions et destins des pulsions in S.
Freud, Mtapsychologie. Paris, Gallimard, Folio Essais.
teoria e historicidade , Revista AdVerbum, v. 4 (2), n. Aot-dcembre 2009, pp. 7894. Disponible en ligne :
http://www.psicanaliseefilosofia.com.br/adverbum/vol4_2/0...
[7] Jacques Derrida, tats d'me de la psychanalyse. Adresse aux tats Gnraux de la
Psychanalyse, Paris, Galile, 2000.
Ouvrage
Thamy Ayouch, Daniel Beaune, Folies contemporaines, LHarmattan, Paris, 2009
Articles paraitre
La psychanalyse : une pense magique , Cliniques Mditerranennes(2012)
Genealogia da intersubjetividade e figurabilidade do afeto: Winnicott e MerleauPonty , Psicologia USP (2012)
Clinica da lngua : vias associativas interlingsticas, traduo e transferncia
, Psicologia, cincia e profisso (2012)
Articles publis
Desmentindo as falsas comparaces: do corpo perceptivo ao corpo fantasmtico.
Sobre fenomenologia e psicanalise do corpo , Aurora, Revista de filosofa da
PUCPR, v. 22 n. 31 jul./dez. 2010, pp 495-513. Disponible en ligne :
http://www2.pucpr.br/reol/index.php/rf?dd1=4483&dd99=...
instituio
fenomenolgica
na
psicanlise
afeto,
teoria