Cogito Et Histoire de La Folie
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TUDE CRITIQUE
1961,673 p.
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J. Derrida
qu'il se laisse indiquer en particulier travers ce que Descartes a dit
- ou ce qu'on croit qu'il a dit ou voulu dire. En me demandant si
l'interprtationse justifie,je me demande donc dj deux choses, je
me pose deux questions prjudiciellesen une :
a. A-t-onbien comprisle signe lui-mme,en lui-mme? Autrement
dit, a-t-on bien entendu ce que Descartes a dit et voulu dire ? Cette
comprhensiondu signe en lui-mme,dans sa matire immdiate de
signe, si je puis dire, n'est que le premiermoment,mais c'est aussi la
et de toute prtention
condition indispensable de toute hermneutique
passer du signe au signifi.Quand, d'une faon gnrale,on essaie de
passer d'un langage patent un langage latent, il faut qu'on s'assure
d'abord en toute rigueurdu sens patent. Il faut,par exemple,que l'analyste parle d'abord la mme langue que le malade.
b. Deuxime implicationde la premirequestion : l'intentiondclare
de Descartes une foisentendue- comme signe - a-t-elleavec la structure historique totale laquelle on veut la rapporterle rapport qu'on
veut lui assigner? A-t-ellela significationhistoriquequ'on veut lui assigner ?
A-t-ellela significationhistoriquequ'on veut lui assigner,c'est--dire,
pardonnez-moi,encore deux questions en une :
- a-t-elle la significationhistorique qu'on veut lui assigner,a-t-elle
cettesignification,telle significationhistorique que Foucault veut lui
assigner?
- a-t-elle la significationhistoriquequ'on veut lui assigner ? Cette
significations'puise-t-elleen son historicit? Autrementdit, est-elle
pleinement et de part en part historique au sens classique de ce
mot ?
2. Deuxime srie de questions (et ici nous dborderonsun peu le
cas de Descartes,le cas du Cogito cartsienque nous n'examineronsplus
en lui-mme,mais comme l'index d'une problmatique plus gnrale) :
est-ce que, la lumire de la relecturedu Cogito cartsien que nous
seronsconduits proposer(ou plutt rappelercar je le dis tout de suite,
elle sera d'une certain faon la lecturela plus classique, la plus banale,
mme si elle n'est pas la plus facile), donc, est-ce que, la lumirede
cette relecture,il ne sera pas possible d'interrogercertainesprsuppositions philosophiqueset mthodologiquesde cette histoirefoucaldienne
de la folie ? Certainesseulement, parce que l'entreprisede Foucault
est trop riche, elle fait signe, comme on dit aujourd'hui, dans trop de
directionspour se laisser prcderpar une mthode ou mme par une
philosophie,au sens traditionnelde ce mot. Et s'il est vrai, commele dit
Foucault, commel'avoue Foucault citant Pascal, que l'on ne peut parler
de la folie que par rapport cet autretour de folie qui permetaux
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/. Derrida
instant,de sa propreinstance et non pas dans le langage de la Raison,
dans le langage de la psychiatriesur la folie- la dimensionagonistique
et la dimensionrhtoriquedu sur se recouvrantici, - sur une folie
dj crase sous elle, domine, terrasse,renferme,c'est--direconstitue en objet et exile comme l'Autre d'un langage et d'un sens historique qu'on a voulu confondreavec le Logos lui-mme. Histoire ndn
de la psychiatrie,dit Foucault, mais de la folieelle-mme,dans sa vivacit, avant toute capture par le savoir.
II s'agit donc, pour Foucault, d'chapper au pige ou la navet
objectivistes qui consisteraient crire, dans le langage de la raison
classique, en utilisantles conceptsqui ont t les instrumentshistorique
d'une capture de la folie, criredans le langage poli et policier de la
raison, une histoirede la folie sauvage elle-mme,telle qu'elle se tient
et respireavant d'tre prise et paralyse dans les filetsde cette mme
raisonclassique. La volontd'viterce pige est constantechez Foucault.
Elle est ce qu'il y a de plus audacieux, de plus sduisant dans cette
tentative.Ce qui lui donne aussi son admirabletension.Mais c'est aussi,
je le dis sans jouer, ce qu'il y a de plus foudans son projet. Et il est remarquable que cette volont obstine d'viter le pige - c'est--dire le
pige que la raison classique a tendu la folieet celui qu'elle tend maintenant Foucault qui veut crireune histoirede la folieelle-mmesans
rpterl'agressionrationaliste,cette volont d'viter le pige s'exprime
conciliables au premierabord. C'est dire
de deux faons difficilement
le
dans
malaise.
qu'elle s'exprime
Tantt Foucault refuseen bloc le langage de la raison, qui est celui
de l'Ordre (c'est--dire la foisdu systmede l'objectivitou de la rationalit universelle,dont la psychiatrieveut tre l'expression,et de l'ordre
de la cit, le droit de cit philosophiquerecouvrantle droit de cit tout
court, et le philosophique fonctionnant,dans l'unit d'une certaine
structure,commela mtaphoreou la mtaphysiquedu politique). Alors
il critdes phrases de ce type (il vient d'voquer le dialogue rompuentre
raison et folie la fin du xvine sicle, rupturequi se serait solde par
l'annexion de la totalit du langage - et du droit au langage - la raison psychiatrique,dlguepar la raison sociale et la raisond'tat. On a
coup la parole la folie) : Le langage de la psychiatrie,qui est monologue de la raison sur la folien'a pu s'tablir que sur un tel silence. Je
n'ai pas voulu faire l'histoirede ce langage ; plutt l'archologiede ce
silence. Et traverstout le livrecourtce thmequi lie la folieau silence,
aux mots sans langage ou sans sujet parlant , murmureobstin
d'un langage qui parlerait tout seul, sans sujet parlant et sans interavant d'avoir
locuteur,tass sur lui-mme,nou la gorge,s'effondrant
. sans clat au silence dont il ne
atteint toute formulationet retournant
s'est jamais dparti. Racine calcine du sens (p. vi). Faire l'histoirede la folie elle-mme,c'est donc faire l'archologie d'ua silence.
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/. Derrida
le cheminde son exil. Le malheur des fous,le malheurinterminablede
leur silence, c'est que leurs meilleure porte-parolesont ceux qui les
trahissentle mieux ; c'est que, quand on veut dire leur silence lui-mme,
on est dj pass l'ennemiet du ct de Tordre,mme si dans Tordre,
on se bat contreTordreet si on le met en question dans son origine.l
n'y a pas de cheval de Troie dont n'ait raison la Raison (en gnral).
La grandeur indpassable, irremplaable,impriale de Tordre de la
Raison, ce qui fait qu'elle n'est pas un ordre ou une structurede fait,
une structurehistoriquedtermine,une structureparmi d'autres possibles, c'est qu'on ne peut en appeler contre elle qu' elle, on ne peut
protestercontre elle qu'en elle. Ce qui revient faire comparatreune
dterminationhistorique de la raison devant le tribunal de la Raison
en gnral.La rvolutioncontrela raison,sous la formehistoriquede la
raison classique, bien sr (mais celle-ci n'est qu'un exemple dtermin
de la Raison, en gnral. Et c'est cause de cette unicit de la Raison
penseret par consque l'expression histoirede la raison est difficile
la
la
folie
contrela raison ne
une
histoire
de
rvolution
),
quent aussi
une
selon
dimension
se
faire
hglienne laquelle, pour
peut
qu'en elle,
ma part,j'ai t trs sensible,dans le livre de Foucault, malgrl'absence
de rfrencetrs nourrie Hegel. Ne pouvant oprer qu' Vintrieur
de la raison ds qu'elle se profre,la rvolutioncontrela raison a donc
toujours l'tendue limite de ce qu'on appelle, prcismentdans le
langage du ministrede Vintrieur,une agitation. Un peu comme la
rvolutionanti-colonialistene peut se librerde l'Europe ou de l'Occident empiriquesde fait, qu'au nom de l'Europe transcendantale,c'est-dire de la Raison, et en se laissant d'abord gagnerpar ses valeurs,son
langage, ses sciences, ses techniques, ses armes ; contamination ou
incohrenceirrductiblequ'aucun cri - je pense celui de Fanon - ne
peut exorciser,si pur et si intransigeantsoit-il.
Comme Foucault est le premier avoir conscience, une conscience
aigu de cettegageureet de la ncessitde parler,et de puiserson langage
la source d'une raison plus profondeque celle qui affleure l'ge classique, comme Foucault prouve une ncessit de parler qui chappe au
projet objectiviste de la raison classique, ncessit de parler ft-ceau
prix d'une guerre dclare du langage de la raison contre lui-mme,
guerreo le langage se reprendraitsans cesse, se dtruiraitsans cesse
ou recommenceraitsans cesse le geste de sa propre destruction,alors la
prtention l'archologiedu silence,prtentionpuriste,intransigeante,
non-violente,non-dialectique,cette prtentionest trs souvent, dans le
livre de Foucault, contrebalance,quilibre,je diraispresque contredite,
par un propos qui n'est pas seulementl'aveu d'une difficultmais la
formulationd'un autreprojet ; qui n'est pas un pis-allermais un projet
diffrentet peut-treplus ambitieux, plus efficacementambitieux que
le premier.
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/. Derrida
ont pu se produireet peuvent tre aujourd'hui compriset noncs. (A
supposer du moins qu'ils puissent l'tre ; mais nous nous plaons ici
dans l'hypothsede Foucault.)
Donc si le livre de Foucault, malgrles impossibilitset les difficults
reconnues,a pu tre crit, nous sommes en droit de nous demander,
de lui demander quoi en dernierrecoursil a appuy ce langage sans
recourset sans appui : qui nonce le non-recours? qui a crit et qui doit
entendre,dans quel langage et partir de quelle situation historique
du logos, qui a critet qui doit entendrecette histoirede la folie? Car
ce n'est pas un hasard si c'est aujourd'hui qu'un tel projet a pu tre
form. Il faut bien supposer, sans oublier, bien au contraire,l'audace
du geste de pense dans YHistoirede la folie,qu'une certainelibration
de la foliea commenc,que la psychiatries'est ouverte,que le concept
de foliecommedraison,s'il a jamais eu une unit,s'est disloqu. Et que
c'est dans l'ouverturede cette dislocationqu'un tel projet a pu trouver
son origineet son passage historiques.
Si Foucault est plus qu'un autre sensibleet attentif ce type de question, il semble toutefoisqu'il n'ait pas accept de leur reconnatreun
caractre de pralable mthodologiqueou philosophique. Et il est vrai
qu'une fois la question entendue, et la difficultde droit,y consacrer
un travail pralable et conduit striliserou paralysertoute enqute
prospective.Celle-ci peut prouver dans son acte que le mouvementde
la parole au sujet de la folie est possible. Mais le fondementde cette
possibilitn'est-il pas encore trop classique ?
Le livre de Foucault est de ceux qui ne s'abandonnent pas cette
allgresseprospectivedans l'enqute. C'est pourquoi il faut faire apparatre ici, derrirel'aveu de la difficultconcernant l'archologie du
un projetqui contredit
silence,il faut faireapparatreun projet diffrent,
peut-trecelui de l'archologiedu silence. Un projet diffrent
qui n'est
ni un pis-aller,ni un projet de rechangemme si Foucault semble parfois le prsenterainsi.
Il s'agit, puisque le silence dont on veut fairel'archologien'est pas
un mutismeou une non-paroleoriginairemais un silence survenu,une
parole interloquesur ordre,il s'agit donc, l'intrieurd'un logos qui a
prcd la dchirureraison-folie, l'intrieurd'un logos laissant dialoguer en lui ce qu'on a appel plus tard raison et folie (draison),laissant librementcirculeren lui et s'changer raison et folie comme on
laissait circulerles fous dans la cit au MoyenAge, il s'agit, l'intrieur
de ce logos du libre-change,d'accder l'origine du protectionnisme
d'une raison qui tient se mettre l'abri et se constituerdes gardefous, se constituerelle-mmeen garde-fou.Il s'agit donc d'accder
au point o le dialogue a t rompu, s'est partag en deux soliloques,
d'accder ce que Foucault appelle d'un mot trs fortla Dcision. La
Dcision lie et spare du mme coup raison et folieet elle doit s'entendre
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y. Derrito
diffrencede la raison classique, il n'avait pas de contraire l.
[Je lis : Les Grecs avaient rapport quelque chose qu'ils appelaient
upt;.Ce rapport n'tait pas seulement de condamnation; l'existence
de Thrasymaque ou celle de Callicls suffit le montrer,mme si leur
discoursnous est transmis,envelopp dj dans la dialectiquerassurante
de Socrate. Mais le Logos grec n'avait pas de contraire.]
II faudraitdonc supposer que le Logos grec n'avait pas de contraire,
c'est--direen un mot que les Grecs se tenaient immdiatementauprs
du Logos lmentaire,primordialet indivis,en lequel toute contradiction
en gnral,toute guerre,ici toute polmique, ne pourraientapparatre
Dans ce cas, dans cettehypothse,il faudraitadmettre,
qu'ultrieurement.
ce que Foucault ne fait surtoutpas, que dans leur totalit,l'histoireet
la descendance de ce que Foucault appelle la dialectique rassurantede
Socrate ft dj dchue et exile hors de ce Logos grec qui n'aurait pas
eu de contraire.Car si la dialectique socratique est rassurante,au sens
o l'entend Foucault, c'est qu'elle a dj expuls, exclu, objectiv ou,
ce qui est curieusementla mme chose, assimil soi et matriscomme
un de ses moments, envelopp l'Autre de la raison, et qu'elle s'est
elle-mmerassrne,rassure en une certitudepr-cartsienne,en une
sophrosune,en une sagesse, en une logique.
Par consquent,il faut : a. ou bien que le momentsocratique et toute
sa postritparticipentimmdiatement ce Logos grec qui n'aurait pas
de contraire; et donc que la dialectiquesocratiquene soit pas rassurante
(nous aurons peut-tretout l'heure l'occasion de montrerqu'elle ne
l'est pas plus que le Cogito cartsien).Dans ce cas, dans cette hypothse,
la fascinationpar les Prsocratiques, laquelle Nietzsche,puis Heideggeret
quelques autresnous ont provoqus, comporteraitune part de mystification dont il resterait requrirles motivationshistorico-philosophiques.
b. ou bien que le moment socratique et la victoire dialectique sur
VUbris calliclennemarquent dj une dportationet un exil du Logos
hors de lui-mme,et la blessureen lui d'une dcision,d'une diffrence
;
et alors la structured'exclusion que Foucault veut dcrire dans son
livre ne serait pas ne avec la raison classique. Elle serait consomme
et rassure et rassise depuis des sicles dans la philosophie.Elle serait
essentielleau tout de l'histoirede la philosophieet de la raison. L'ge
classique n'aurait cet gard ni spcificitni privilge.Et tous les signes
que Foucault rassemblesous le titre de Stuliiferanavis ne se joueraient
qu' la surfaced'une dissensioninvtre.La libre circulationdes fous,
outre qu'elle n'est pas si libre, si simplementlibre que cela, ne serait
qu'un piphnomnesocio-conomique la surface d'une raison dj
divise contreelle-mmedepuis Taube de son originegrecque. Qu'on me
pardonnece langage qui, malgrles apparences,n'est rienmoinsqu'a idane futpas pro1. P. m. Le passagede la confrence
qui est entrecrochets
rsum.
nonc,maissimplement
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/. Derrida
lable. Ce serait sans gravitsi Foucault ne se servait de ce mot qu'entre
guillemets,comme du langage des autres, de ceux qui, dans la priode
qu'il tudie, s'en sont servi comme d'un instrumenthistorique. Mais
tout se passe comme si Foucault savait ce que Folie veut dire. Tout
se passe commesi, en permanenceet en sous-jacence,une pr-comprhension sre et rigoureusedu concept de folie, de sa dfinitionnominale
au moins, tait possible et acquise. En fait, on pourrait montrerque,
dans l'intentionde Foucault, sinon dans la pense historiquequ'il tudie,
le concept de folierecouvretout ce qu'on peut rangersous le titrede la
ngativit.On imagine alors le type de problmesque pose un tel usage
de la notion. On pourraitposer des questionsde mmetype propos de
la notion de vrit qui court travers tout le livre....) Je fermecette
longue parenthse.Donc, quel que soit le rapport des Grecs PUbris,
et de Socrate au Logos originaire,il est en tous cas certainque la raison
classique et dj la raison mdivale avaient, elles, rapport la raison
grecque et que c'est dans le milieu de cet hritageplus ou moins immdiatementaperu, plus ou moins ml d'autres lignes traditionnelles,
que s'est dveloppel'aventureou la msaventurede la raison classique.
Si la dissensiondate de Socrate, alors la situationdu fou - supposer
qu'il y ait alors quelque chose qu'on puisse traduirepar fou - dans le
monde socratique et post-socratiquemritaitpeut-tred'tre interroge
au premierchef. Sans cela, et comme Foucault ne procde pas de faon
purementapriorique,sa descriptionhistoriquepose les problmesbanals
mais invitablesde la priodisation,des limitationsgographiques,politiques, ethnologiques,etc.... Si l'inverse, l'unit sans contraire et
sans exclusion du Logos s'est prservejusqu' la crise classique,
alors celle-ciest, si je puis dire, secondaireet drive. Elle n'engage pas
le tout de la raison. Et dans ce cas, soit dit au passage, le discourssocratique n'aurait donc rien de rassurant.La crise classique se dvelopperait
partir de et dans la traditionlmentaired'un Logos qui n'a pas de
contrairemais porte en lui et dit toute contradictiondtermine.Cette
doctrinede la traditiondu Sens et de la Raison et t d'autant plus
ncessairequ'elle peut seule donnerun sens et une rationaliten gnral
au discoursde Foucault et tout discourssur la guerreentre raison et
draison.Car ces discoursentendenttre entendus.]
2. J'ai dit tout l'heure qu'il tait gnantpour deux raisonsde laisser
dans la pnombrel'histoire du logos pr-classique,histoirequi n'tait
pas une prhistoire.La deuxime raison, que j'voquerai brivement
avant de passer Descartes,tient ce que Foucault lie avec profondeur
le partage, la dissension, la possibilitmme de l'histoire.Le partage
est l'originemme de l'histoire. La ncessitde la folie,crit Foucault,
tout au long de l'histoirede l'Occident est lie ce geste de dcision qui
dtache du bruit de fond et de sa monotoniecontinueun langage signi472
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un
la
conduire
raison
loge
(il n'y a
plus ambitieux, qui
de
la
d'une
mais
cette
fois
raison
raison)
d'loge, par essence, que
plus
profondeque celle qui s'oppose et se dterminedans un conflithistoriquementdtermin.Hegel encore, toujours.... Ce n'est donc pas un
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7. Derrida
pis-aller mai une ambition plus ambitieuse, mme si Foucault crit
ceci : dfautde cette inaccessible puret primitive(de la folie ellemme),l'tude structuraledoit remontervers la dcisionqui lie et spare
la foisraison et folie; elle doit tendre dcouvrirl'change perptuel,
l'obscure racine commune, l'affrontementoriginaire qui donne sens
l'unit aussi bien qu' l'opposition du sens et de l'insens (p. vu,
nous soulignons).
Telle serait, trop schmatiquementmais aussi, pardonnez-moi,trop
longuementvoque, l'intentionde Foucault. J'espreque mes questions
ne lui ont pas fait violence.
Avant de dcrirele momento la Raison, l'ge classique, va rduire
la folie au silence par ce qu'il appelle un trange coup de force
de la folie
Foucault montre comment l'exclusion et le renfermement
trouventune sorte de logementstructuralprpar par l'histoire d'une
autre exclusion : celle de la lpre. Je ne peux malheureusementpas
m'arrter ces brillants passages du chapitre intitul Stultiferanavis
qui poseraient aussi de nombreusesquestions.
J'en viens donc au coup de force, au grand renfermement
qui, avec
la crationau milieudu xvne sicle, des maisons d'internementpour les
fous... et quelques autres, serait l'avnementet la premiretape d'un
processusclassique que Foucault dcrittout au long de son livre. Sans
qu'on sache d'ailleurs si un vnementcomme la crationd'une maison
d'internementest un signe parmi d'autres, un symptmefondamental
ou une cause. Ce type de questions pourrait paratre extrieur une
c'est--direpour laquelle,
mthodequi se veut prcismentstructuraliste,
dans la totalit structurale,tout est solidaireet circulairede telle sorte
que les problmes classiques de la causalit auraient pour origine un
malentendu.Peut-tre.Mais je me demande si, quand il s'agit d'histoire,
strictest possibleet s'il peut surtoutviter,ne serait-ce
un structuralisme
dans l'ordre de ses descriptions,toute question tioet
l'ordre
que pour
toute
portant, disons, sur le centre de gravit de la
question
logique,
structure.En renonantlgitimement un certain style de causalit,
on n'a peut-tre pas le droit de renoncer toute requte tiologique.
Le passage consacr Descartes ouvre prcismentle chapitre sur
Il ouvre donc le livre lui-mmeet sa situation
Le grand renfermement.
est
assez
insolite. L, vraiment,la question que je
du
en tte
chapitre
viens de poser me parait inluctable. On ne sait pas si ce passage sur
la premiredes Mditations,que Foucault interprtecomme un renfermementphilosophiquede la folie,on ne sait pas si ce passage est destin
donnerla note, en prlude au drame historiqueet politico-social,au
drametotalqui va se jouer. Ce coup de force, dcritdans la dimension
du savoir thortiqueet de la mtaphysique,est-ce un symptme,une
cause, un langage ? Que faut-il supposer ou lucider pour que cette
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Le coup de forceseraitopr par Descartes dans la premiredes Mditationset il consisteraittrs sommairementen une expulsion sommaire
de la possibilitde la folie hors de la pense elle-mme.
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/. Derrida
Je lis d'abord le passage dcisifde Descartes, celui que cite Foucault.
Puis nous suivronsla lecturede ce texte par Foucault. Enfinnous ferons
dialoguer Descartes et Foucault.
Descartes crit ceci (c'est au moment o il entreprendde se dfaire
de toutes les opinions qu'il avait jusqu'ici en sa crance et de commencertout de nouveau ds les fondements: a primis fundamentis.
Pour cela, il lui suffitde ruinerles fondementsancienssans avoir douter
de ses opinionsune une, car la ruine des fondementsentraneavec soi
tout le reste de l'difice.L'un de ces fondementsfragilesde la connaissance, le plus naturellementapparent, c'est la sensibilit. Les sens
nous trompent quelquefois, ils peuvent donc me tromper toujours :
aussi vais-je soumettreau doute toute connaissanced'originesensible) :
Tout ce que j'ai reu jusqu' prsentpour le plus vrai, et assur, je
l'ai appris des sens, ou par les sens : Or j'ai quelquefoisprouv que ces
sens taienttrompeurs,et il est de la prudencede ne se fierjamais entirement ceux qui nous ont une fois tromps.
Descartes va la ligne.
Mais (sed forte...j'insiste sur le forteque le Duc de Luynes n'avait
pas traduit,omissionque Descartes n'a pas jug ncessaire de corriger
lorsqu'il a revu la traduction. Il vaut donc mieux, comme dit Baillet
confrerle franaisavec le latin quand on lit les Mditations.C'est
seulementdans la deuxime dition franaise de Clerselierque le sed
forteprendtoutesa valeuret il est traduitpar un mais peut-trequ'encore
que... . Je signale ce point qui rvleratout l'heure son importance).
Je poursuis donc ma lecture : Mais, peut-trequ'encore que les sens
nous trompent quelquefois touchant les choses peu sensibles, et fort
loignes(je souligne,) il s'en rencontrepeut-tre beaucoup d'autres,
desquelles on ne peut pas raisonnablementdouter, quoique nous les
connaissionspar leur moyen.... II y aurait donc, peut-trey aurait-il
donc des connaissancesd'originesensibledont il ne serait pas raisonnable
de douter. Par exemple,poursuitDescartes, que je sois ici, assis auprs
du feu,vtu d'une robe de chambre,ayant ce papier entreles mains,et
autres choses de cette nature. Et commentest-ce que je pourraisnier
que ces mainset ce corps-cisoient moi ? si ce n'est Ipeut-treque je me
compare ces insenss, de qui le cerveau est tellement troubl et
offusqupar les noires vapeurs de la bile, qu'ils assurent constamment qu'ils sont des rois, lorsqu'ils sont trs pauvres, qu'ils sont vtus
d'or et de pourpre,lorsqu'ilssonttout nus, ou s'imaginenttre des cruches
ou avoir un corpsde verre
Et voici la phrase la plus significativeaux yeux de Foucault : Mais
quoi, ce sont des fous, sed amentessunt isti, et je ne serais pas moins
extravagant (dmens) si je me rglais sur leurs exemples.
J'interrompsma citation non sur cette fin de paragraphe, mais sur
le premiermot du paragraphesuivant qui rinscritles lignesque je viens
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/. Derrida
il contourneYventualitdu rve ou de Terreur.... Ni le sommeilpeupl
d'images, ni la claire conscience que les sens se trompentne peuvent
porterle doute au point extrmede son universalit; admettonsque les
yeux nous doivent, supposons maintenantque nous sommes endormis , la vritne glisserapas tout entiredans la nuit. Pour la folie,il
en est autrement. Plus loin : Dans l'conomiedu doute,il y a un dsquilibre entre folie,d'une part, rve et erreurde l'autre. Leur situation
est diffrente
par rapport la vrit et celui qui la cherche; songes
ou illusionssont surmontsdans la structurede la vrit; mais la folie
est exclue par le sujet qui doute.
II semble bien, en effet,que Descartes ne creuse pas l'exprience de
la foliejusqu' la rencontred'un noyau irrductiblemais intrieur la
folieelle-mme.Il ne s'intressepas la folie,il n'en accueille pas l'hypothse,il ne la considrepas. Il l'exclut par dcret. Je serais extravagant
si je croyaisque j'avais un corpsde verre.Or c'est exclu puisque je pense.
Anticipantsur le momentdu Cogito qui devra attendredes tapes nombreuses et trs rigoureuses dans leur consquence, Foucault crit...
a impossibilitd'tre fou, essentiellenon l'objet de la pense, mais au
sujet qui pense . C'est de l'intrioritmme de la pense que la folie
serait chasse, rcuse, dnonce dans son impossibilitmme.
Foucault est le premier, ma connaissance, avoir ainsi isol, dans
cette Mditation,le dlireet la foliede la sensibilitet des songes. A les
avoir isols dans leur sens philosophique et leur fonctionmthodologique. C'est l'originalitde sa lecture. Mais si les interprtesclassiques
n'avaient pas jug cette dissociationopportune,est-cepar inattention?
Avant de rpondre cette question, ou plutt avant de continuer la
poser, remarquonsavec Foucault que ce dcret d'exclusionqui annonce
le dcretpolitique du grand renfermement,
qui l'annonce, ou lui rpond,
ou le traduit,ou l'accompagne,qui en est en tous cas solidaire,ce dcret
et t impossiblepour un Montaigne,par exemple,dont on sait combien
il tait hant par la possibilitd'tre ou de devenirfou,dans l'acte mme
de sa pense et de part en part. Le dcret cartsienmarque donc, dit
Foucault, l'avnement d'une ratio . Mais comme l'avnement d'une
ratio ne s'puise pas dans le progrsd'un rationalisme, Foucault
laisse l Descartes pour s'intresser la structurehistorique (politicosociale) dont le geste cartsienn'est que l'un des signes. Car a plus d'un
signe , dit Foucault, trahitl'vnementclassique .
Nous avons essay de lire Foucault. Tentons maintenantde relire
navementDescartes et de voir, avant de rpterla question du rapport
entre le signe et la structure, tentons de voir, comme je l'avais
annonc,ce que peut tre le sens du signe lui-mme.(Puisque le signe ici
a dj l'autonomie d'un discours philosophique,est dj un rapportde
signifiant signifi).
En relisant Descartes, je remarque deux choses :
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J. Derrida
Descartes qui nous intresseici... Car de vrai les peintres,lors mme
qu'ils s'tudient avec le plus d'artifice reprsenterdes Sirnes et des
Satyres par des formesbizarres, et extraordinaires,ne leur peuvent
pas toutefoisattribuerdes formes,et des naturesentirementnouvelles,,
mais font seulementun certain mlange et compositiondes membres
de diversanimaux ; ou bien si peut-treleur imaginationest assez extravagante,pour inventerquelque chose de si nouveau, que jamais nous
n'ayons rien vu de semblable,et qu'ainsi leur ouvrage nous reprsente
une chose purementfeinteet absolumentfausse ; certes tout le moins
les couleurs dont ils le composent doivent-ellestre vritables. Et par
la mme raison,encore que ces choses gnrales, savoir, des yeux, une
tte, des mains, et autres semblables,pussent tre imaginaires: il faut
toutefoisavouer qu'il y a des choses encoreplus simples,et plus universelles, qui sont vraies et existantes, du mlange desquelles, ni plus ni
moins que de celui des vritablescouleurs,toutes ces images des choses
qui rsidenten notrepense, soit vraies et relles,soit feinteset fantastiques, sont formes.De ce genre de choses est la nature corporelleen
gnral,et son tendue,leur qualit ou grandeur,et leur nombre; comme
aussi le lieu o elles sont,le temps qui mesureleur dure,et autres semblables. C'est pourquoi peut-treque de l nous ne concluronspas mal,
si nous disons que la Physique, PAstronomie,la Mdecine,et toutes les
autres sciences qui dpendentde la considrationdes choses composes,
sont fort douteuses et incertaines; mais que l'Arithmtique,la Gomtrie,et les autres sciences de cette nature, qui ne traitent que de
choses fortsimples,et fortgnrales,sans se mettrebeaucoup en peine
si elles sont dans la nature,ou si elles n'y sont pas, contiennentquelque
chose de certain,et d'indubitable; car soit que je veille, ou que je dorme,
deux et trois joints ensemble formeronttoujours le nombre de cinq,
et le carrn'aura jamais plus de quatre cts ; et il ne semblepas possible
que des vrits si apparentes puissent tre souponnesd'aucune fausset, ou d'incertitude.
Et je remarque que le paragraphe suivant commence aussi par un
toutefois (verumtamen)auquel nous aurons nous intressertout
l'heure.
Ainsi la certitudede cette simplicitou gnralitintelligible- qui
sera peu aprs soumiseau doute mtaphysique,artificielet hyperbolique
avec la fictionde Malin Gnie - n'est pas du tout obtenue par une
rductioncontinue dcouvrant enfin la rsistance d'un noyau de certitude sensible ou imaginative.Il y a passage un autre ordre et discontinuit.Le noyau est purementintelligibleet la certitude,encore
naturelleet provisoire,que l'on atteint ainsi, suppose une ruptureradisensible
cale avec les sens. A ce momentde l'analyse, aucune signification
ou imaginative,en tant que telle, n'est sauve, aucune invulnrabilit
du sensible au doute n'est prouve. Toute signification,toute ide
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naf,
prendre
comptelorsqu'ilcrit:
Et commentest-ceque je pourraisnierque ces mainset ce corps-ci
de qui..., etc.
soient moi ? Si ce n'estque je mecompare cesinsenss,
Et je ne seraispas moins extravagantsi je me rglaissur leurs
exemples...
du sed fortequi
On voit quel est le sens pdagogiqueet rhtorique
de l'objection
commandetoutce paragraphe.
C'est le maispeut-tre
feinte.Descartesvient de dire que toutesles connaissancesd'origine
sensiblepeuventle tromper.Il feintde s'adresserl'objectiontonne
et qui lui dit :
du non-philosophe
imaginaire
qu'unetelleaudace effraie
les
sans
vous
seriezfouet
toutes
connaissances
sensibles,
non,pas
quoi
de se rglersurles fous,de nousproposerun disil seraitdraisonnable
coursde fou.Descartesse faitVchode cetteobjection: Puisqueje suis
je ne suispas fou,ni vous,et nous
l, que j'cris,que vous m'entendez,
sommesentregenssenss.L'exemplede la folien'estdoncpas rvlateur
de l'ide sensible.Soit. Descartesacquiesce ce pointde
de la fragilit
naturelpour
vue naturelou pluttil feintde se reposerdans ce confort
s'en dlogeret
et plus dfinitivement
mieux et plus radicalement
son interlocuteur.
Soit, dit-il,vous pensezque je seraisfoude
inquiter
douterque je sois assis auprsdu feu,etc., que je seraisextravagant
des fous. Je vais donc vous proposerune
de me rglersur l'exemple]
vous
paratrabien plusnaturelle,qui ne vous dpaysera
hypothse
qui
plus universelle
pas, parcequ'il s'agit d'une exprienceplus commune,
.aussique cellede la folie: et c'estcelledu sommeilet du rve.Descartes
sensibles
dveloppealorscettehypothse
qui ruineratousles fondements
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/. Derriia
de la connaissanceet ne mettra nu que les fondementsintellectuels
de
la certitude.Cette hypothse,surtout,ne fuirapas la possibilitd'extravagances - pistmologique8- bien plus graves que celles de la folie
au songe n'est donc pas, bien au contraire,en retraitpar
Cette rfrence
rapport la possibilitd'une folieque Descartes aurait tenue en respect
ou mme exclue. Elle constitue, dans Tordre mthodique qui est ici
le ntre, l'exaspration hyperbolique de l'hypothse de la folie. Celleci n'affectait,de manire contingenteet partielle,que certainesrgion
de la perceptionsensible. Il ne s'agit d'ailleurs pas ici, pour Descartes,
de dterminer
le conceptde la foliemais de se servirde la notioncourante
d'extravagance des finsjuridiques et mthodologiques,pour poser des
questions de droit concernant seulementla vritdes ides. Ce qu'il
faut ici retenir,c'est que, de ce point de vue, le dormeur,ou le rveur,
est plus fou que le fou. Ou du moins,le rveur,au regard du problme
de la connaissancequi intresseici Descartes, est plus loin de la perception vraie que le fou. C'est dans le cas du sommeilet non dans celui de
l'extravagance que la totalitabsolue des ides d'originesensible devient
suspecte,est privede valeur objective selon l'expressionde M. Guroult. L'hypothse de l'extravagance n'tait donc pas un bon exemple,
un exemple rvlateur; ce n'tait pas un bon instrumentde doute. Et
ceci au moins pour deux raisons :
a. Il ne couvre pas la totalitdu champ de la perceptionsensible. Le
fou ne se trompepas toujours et en tout ; il ne se trompepas assez, il
n'est jamais assez fou.
b. C'est un exemple inefficaceet malheureuxdans l'ordrepdagogique
car il rencontrela rsistancedu non-philosophequi n'a pas l'audace de
suivre le philosophe quand celui-ci admet qu'il pourrait bien tre fou
au momento il parle.
Rendons la parole Foucault. Devant la situation du texte cartsien
dontje viens d'indiquer le principe,Foucault pourrait- et cette foisje
ne fais que prolongerla logique de son livre sans m'appuyersur aucun
texte - Foucault pourraitnous rappeler deux vritsqui justifieraient
en deuxime lecture son interprtation,celle-cine diffrantalors qu'en
apparence de celle que je viens de proposer.
1. Ce qui apparat, cette deuximelecture,c'est que pour Descartes,
la folie n'est pense que comme un cas, parmi d'autres, et non le plus
grave, de l'erreursensible. (Foucault se placerait alors dans la perspective de la dterminationde fait et non de l'usage juridique du concept
de foliepar Descartes). La folien'est qu'une faute des sens et du corps,
un peu plus grave que celle qui guettetout hommeveill mais normalr
beaucoup moins grave, dans l'ordre pistmologique,que celle laquelle
nous sommes toujours livrs dans le rve. Alors n'y a-t-il pas, dirait
sans doute Foucault, dans cette rductionde la folie un exemple,
un cas de l'erreursensible,une exclusion,un renfermement
de la folie,.
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/. Derrida
qui ne sera plus seulementun dsordredu corps, de l'objet, du corpsobjet hors des frontiresde la res cogitans,hors de la cit police et rassure de la subjectivitpensante,mais d'une foliequi introduirala subversiondans la pense pure, dans ses objets purementintelligibles,dans
le champ des ides claires et distinctes,dans le domaine des vrits
mathmatiquesqui chappaient au doute naturel.
Cette foisla folie,l'extravagance n'pargneplus rien,ni la perception
de mon corps, ni les perceptionspurementintellectuelles.Et Descartes
admet successivement:
a. Ce qu'il feignaitde ne pas admettreen conversant avec le nonphilosophe. Je lis (Descartes vient d'voquer ce certain mauvais
gnie non moins rus et trompeurque puissant ) : Je penserai que le
Ciel, l'air, la terre,les couleurs,les figures,les sons, et toutes les choses
extrieuresque nous voyons, ne sont que des illusions et tromperies,
dont il se sert pour tromperma crdulit.Je me considreraimoi-mme
comme n'ayant point de mains, point d'yeux, point de chair, point de
sang, comme n'ayant aucun sens, mais croyantfaussementavoir toutes
ces choses.... Ce propos sera repris dans la deuxime des Mditations. Nous sommes donc bien loin du cong donn plus haut
l'extravagance...
b. Descartes admet ce qui chappait au doute naturel : II se peut
fairequ'il (il s'agit ici du Dieu trompeuravant le recoursau Malin Gnie)
ait voulu que je me trompetoutes les fois que je fais l'addition de deux
et de trois,ou que je nombreles cts d'un carr, etc....1
Ainsi ni les ides d'originesensible,ni les ides d'origineintellectuelle
ne seront l'abri dans cette nouvelle phase du doute et ce qui tait tout
l'heure cart sous le nom d'extravagance est maintenant accueilli
dans l'intrioritla plus essentiellede la pense.
Il s'agit d'une oprationphilosophiqueet juridique (mais la premire
phase du doute l'tait dj), d'une opration qui ne nomme plus la
folieet qui met nu des possibilitsde droit.En droit,rien ne s'oppose
la subversionnommeextravagancedans le premierdoute, bien qu'en
fait et d'un point de vue naturel, pour Descartes, pour son lecteur et
pour nous, aucune inquitude naturelle ne soit possible quant cette
subversionde fait. (A vrai dire,pour aller au fonddes choses,il faudrait
aborder directementpour elle-mme la question du fait et du droit
dans les rapportsdu Cogito et de la folie.) Sous ce confortnaturel,sous
cette confianceapparemmentpr-philosophique,se cache la reconnaissance d'une vrit d'essence et de droit : savoir que le discourset la
communicationphilosophiques (c'est--direle langage lui-mme), s'ils
doiventavoir un sens intelligible,c'est--direse conformer leur essence
1. Il s'agit ici de l'ordre des raisonstel qu'il est.suivi dans les Mditations.On
sait que dans le Discours(4e partie) le douteatteintde faontrsinitiale les plus
o les hommes,parfois, fontdes paralogismos
.
simplesmatiresde gomtrie
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ce
plutt qu' tel autre, mais li par
min,
pas impos
essence un coup de force, un interditqui ouvrent l'histoire et la
parole. En gnral.C'est dans la dimensionde l'historiciten gnral,
qui ne se confondni avec une ternitanhistorique,ni avec quelque
moment empiriquementdterminde l'histoire des faits, la part de
silence irrductiblequi porte et hante le langage, et hors de laquelle
seule, et contrelaquelle seule il peut surgir; contre dsignantici la
foisle fondcontrelequel la formes'enlvepar forceet l'adversairecontre
lequel je m'assure et me rassure par force. Bien que le silence de la
folie soit l'absence d'uvre, il n'est pas le simple exergue de l'uvre,
il n'est pas hors d'uvre pour le langage et le sens. Il en est aussi,
comme le non-sens,la limiteet la ressourceprofonde.Bien sr, essentialiser ainsila folie, on risque d'en dissoudrela dterminationde fait
dans le travail psychiatrique.C'est une menace permanente,mais elle
ne devrait pas dcouragerle psychiatreexigeant et patient.
il est fait appel l'tre
1. -C'est--direds que, plus ou moinsimplicitement,
(avant mme la dterminationen essence et existence); ce qui ne peut signifier
que se laisserappelerpar l'tre.L'tre ne seraitpas ce qu'il est si la Parole le prcdait ou l'appelait simplement.
485
Revue de Mta. - N 4, 1963.
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/ Derrida
Si bien que, pour en revenir Descartes,tout philosopheou tout sujet
parlant (et le philosophen'est que le sujet parlant par exellence) devant
voquer la folie Vintrieurde la pense (et non seulementdu corps
ou de quelque instanceextrinsque),ne peut le faireque dans la dimension de la possibilitet dans le langage de la fictionou dans la fiction
du langage. Par l mme,il se rassureen son langage contrela foliede
fait- qui peut parfoisparatretrsbavarde, c'est un autre problme,il prend ses distances,la distance indispensablepour pouvoir continuer
parleret vivre. Mais il n'y a pas l une dfaillanceou une recherche
de scuritpropre tel ou tel langagehistorique(par exemple,la recherche
de la certitude dans le style cartsien),mais l'essence et au projet
mme de tout langage en gnral; et mme des plus fousen apparence ;
et mmeet surtoutde ceux qui, par l'loge de la folie,par la complicit
avec la folie,se mesurentau plus proche de la folie. Le langage tant la
rupturemme avec la folie,il est encore plus conforme son essence et
sa vocation, il rompt encore mieux avec elle s'il se mesureplus librement elle et s'en approche davantage : jusqu' n'en tre plus spar
que par la feuilletransparente dont parle Joyce,par soi-mme,car
cette diaphanitn'est rien d'autre que le langage, le sens, la possibilit,
et la discrtionlmentaired'un Rien qui neutralise Tout. En ce sens,
je serais tent de considrerle livre de Foucault comme un puissant
geste de protectionet de renfermement.Un geste cartsien pour le
xxe sicle. Une rcuprationde la ngativit. En apparence, c'est la
Raison qu'il renferme son tour, mais, comme le fitDescartes, c'est la
raisond'hier qu'il choisit comme cible, et non la possibilitdu sens en
gnral.
2. Quant la deuxime vrit que Foucault aurait pu nous opposer,
elle semble aussi ne valoir que pour la phase naturelledu doute. Non
seulementDescartes ne met plus la folie la porte dans la phase du
doute radical, non seulementil en installe la possibilitmenaante au
cur de l'intelligible,mais il ne permet aucune connaissance dtermine de lui chapper en droit. Menaant le tout de la connaissance,
l'extravagance - l'hypothse de l'extravagance - n'en est pas une
modificationinterne.A aucun moment la connaissancene pourra donc
elle seule dominerla folieet la matriser,c'est--direl'objectiver.Tant
que le doute ne sera pas lev videmment.
L'acte du Cogitoet la certituded'existerqui lui est attache chappent
bien, pour la premirefois, la folie; mais outre qu'il ne s'agit plus l,
pour la premirefois, d'une connaissance objective et reprsentative,
on ne peut plus dire la lettre que le Cogito chappe la folie parce
qu'il se tiendraithors de sa prise,ou parce que, commele dit Foucault,
moi qui pense, je ne peux pas tre fou , mais bien parce que dans son
instant,dans son instance propre,l'acte du Cogito vaut mmesi je suis
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trop rompus son schma plus qu' son exprienceaigu, son audace
folleconsistedonc faireretourvers un point originairequi n'appartient
leur oppoplus au couple d'une raison et d'une draison dtermines,
sitionou leur alternative.Que je sois fou ou non, Cogito,sum. A tous
les sens de ce mot, la folie n'est donc qu'un cas de la pense (dans la
pense). Il s'agit alors de faireretraitevers un point o toute contradiction dterminesous la forme de telle structurehistorique de fait
peut apparatreet apparatrecommerelative ce point-zroo le sens
et le non-sensdterminsse rejoignenten leur originecommune.De ce
point-zro,dtermincomme Cogito par Descartes, on pourrait peuttre direceci, du point de vue qui est en ce momentle ntre.
Invulnrable toute contradictiondtermineentre raison et draison, il est le point partir duquel l'histoiredes formesdterminesde
cette contradiction,de ce dialogue entam ou rompu peut apparatre,
apparatrecommetel et tre dit. Il est le point de certitudeinentamable
o s'enracinela possibilitdu rcitfoucaldien,comme le rcit,aussi bien,
de la totalit, ou plutt de toutesles formesdterminesdes changes
entreraison et folie. Il est le point1o s'enracinele projet de penserla
totaliten lui chappant. En lui chappant, c'est--direen excdant la
totalit,ce qui n'estpossible- dans l'tant - que versl'infiniou le nant:
mme si la totalit de ce que je pense est affectde faussetou de folie,
mmesi la totalitdu monden'existepas, mmesi le non-sensa envahila
totalitdu monde,y comprisle contenude ma pense,je pense, je suis
pendantque je pense. Mme si je n'accde pas ici en fait la totalit,si je
1. Il s'agitmoinsd'un pointque d'une originantetemporelleen gnral.
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/. Derrida
ne la comprendsni ae l'embrasseen fait,je formuleun tel projetet ce projet a un sens tel qu'il ne se dfinitqu'au regardd'une pr-comprhension
de la totalit infinieet indtermine.C'est pourquoi, en cet excs du
possible,du droit et du sens sur le rel, le fait et l'tant, ce projet est
fou et reconnatla folie comme sa libertet sa proprepossibilit.C'est
pourquoi il n'est pas humain au sens de la facticitanthropologique
mais bien mtaphysiqueet dmonique,en ce qu'il se reconnatdans sa
guerreavec le dmon,avec le Malin Gnie du non-sens,et se mesure sa
hauteur,lui rsisteen rduisanten soi l'hommenaturel.En ce sens,rien
n'est moinsrassurantque le Cogitodans son momentinauguralet propre.
Ce projet d'excder la totalit du monde, comme totalit de ce que je
puis penser en gnral,n'est pas plus rassuranteque la dialectique de
Socrate quand elle dborde aussi la totalit de l'tant ou de l'tance
en nous plantant dans la lumire d'un soleil cach qui est sirxeiva
xr
oO&ac Et Glaucon ne s'y est pas tromp quand il s'criaitalors : Dieu !
quelle hyperbole dmonique! Sortovi*;u-K^ol^ qu'on traduit assez
platementpeut-trepar merveilleusetranscendance. Cette hyperbole
dmonique va plus loin que la passion de l'Optcqui n'est qu'une modificationpathologique de l'tant appel homme. L'upt;se tient l'intrieur du monde. Elle implique, supposer qu'elle soit drglement
et dmesure,le drglementet la dmesurefondamentalesde l'hyperbole qui ouvre et fondele monde commetel en l'excdant. L'Ubris n'est
excessiveet excdanteque dans l'espace ouvertpar l'hyperboledmonique
Dans la mesure ou pointe,dans le doute et dans le Cogito cartsien,
ce projet d'un excs inou et singulier,d'un excs vers le non-dtermin,
vers le rien ou l'Infini, d'un excs dbordantla totalit de ce que l'on
peut penser, de la totalit de l'tance et du sens dtermins,de la
totalit de l'histoirede fait, dans cette mesure,toute entreprises'efforant de le rduire, de l'enfermerdans une structure historique
dtermine,si comprehensivesoit-elle,risque d'en manquer l'essentiel,
d'en mousser la pointe elle-mme. Elle risque de lui faire son
tour violence (car il y a aussi des violences l'gard des rationalistes
et l'gard du sens, du bon sens ; et c'est peut-trece que montreen
dfinitiveFoucault, car les victimesdont il nous parle sont toujours
les porteursdu sens, les vrais porteursdu vrai et du bon sens dissimul,
celui du partage , celui qui ne
opprimpar le bon sens determine,
se partage pas assez et qui se dterminetrop vite), elle risque son tour
de lui faire violence et une violence de style totalitaireet historiciste
qui perd le sens et l'origine du sens. J'entends totalitaire au sens
structuralistede ce mot mais je ne suis pas sr que les deux sens de ce
mot ne se fassentpas signe dans l'histoire.Le totalitarismestructuraliste opreraitici un acte de renfermement
du Cogito qui serait de mme
type que celui des violencesde l'ge classique. Je ne dis pas que le livre
de Foucault soit totalitaire,puisqu'il pose au moinsau dpartla question
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de l'historicit
de Porigine
en gnral,
se librantainside Phistoricisme
:
dis
en
le
dans
du
la
mise
en
uvre
court
je
parfois risque
projet.
qu'il
bien : quand je dis que faireentrerdans le mondece
Entendons-nous
qui n'y est pas et que supposele monde,quandje dis que le compelle
intrare (exerguedu chapitresurle grandrenfermement)
devientla violenceelle-mme
lorsqu'ilse tourneversl'hyperbole
pourla fairerentrer
est
dansle monde,quandje dis que cetterduction
l'intra-mondanit
et le sensmmede ce qu'on appellela violenceet rendensuite
Porigine
possiblestoutesles camisolesde force,je n'en appellepas un autre
vasive. Il s'agiraitl d'une
monde, quelquealibi ou transcendance
autrepossibilit
de violence,d'ailleurssouventcomplicede la premire.
dterJe croisdoncqu'on peuttoutrduire une totalithistorique
ou mtaphysique
mine (chez Descartes)sauf le projet hyperbolique
de la philosophie,
le momentde la
qui est le momentphilosophique
et de la liberttranscendantale.
Or ce momentest
pense elle-mme
du ct du rcitrcitantet non du rcitrcitde Foucault.Et il ne se
dans
laissepas conter,il ne se laisse pas objectivercommevnement
une histoiredterminante.
dans le mouvement
J'entendsbien qu'il n'y a pas seulement,
qu'on
le
cette
pointehyperboliquequi devraittre,
appelle Cogitocartsien,
Ds qu'il a atteintcette
commetoutefoliepureen gnral,silencieuse.
se
cherche
Descartes
rassurer, garantirle Cogitolui-mme
pointe,
en Dieu, identifier
Pacte du Cogitoavec Pacte d'une raisonraison*
le Cogito.C'est--dire
et rflchit
nable. Et il le fait ds qu'il profre
le Cogitoqui ne vautlui-mme
ds qu'il doittemporaliser
que dansl'insdans ce pointou
de la penseattentive elle-mme,
tantde l'intuition,
cettepointede l'instant.Et c'est ce lien entrele Cogitoet le mouvementde la temporalisation
qu'il faudraitse rendreattentifici. Car
si le Cogitovaut mmepourle foule plus fou,il fautn'trepas fouen
le
le communiquer,
en communiquer
le retenir,
fait pour le rflchir,
la
sens.Et ici avec Dieu etavec une certaineMmoire,commenceraient
et la criseessentielles.
dfaillance
le rapatriement
Et ici commencerait
et follevenants'abriter,se rassurer
prcipitde l'errancehyperbolique
dans l'ordredes raisonspourreprendre
possessiondes vritsabandonet
itinraire
et folleredevient
nes.C'est ici que l'errancehyperbolique
assur et rsolu surnotremondeexistant
mthode,cheminement
que Dieu nousa renducommeterreferme.Car c'est Dieu seul qui, finade sortird'un Cogitoqui peut toujoursrester
lement,me permettant
c'est Dieu seul qui garantit
en son momentpropreune foliesilencieuse,
mon
mes reprsentations
et mes dterminations
cognitives,c'est--dire
discourscontrela folie.Car il ne faitaucun douteque pour Descartes,
c'est Dieu seul * qui me protgecontreune folie laquelle le Cogito^
de la Raison
1. Mais Dieu, c'est l'autre nomde l'Absolu de la Raison elle-mme,
et du sensen gnral.
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7. Derrida
en son instancepropre,ne pourraitque s'ouvrirde la faonla plus hospitalire. Et la lecturede Foucault me parait forteet illuminantenon pas
l'tape du texte qu'il cite, et qui est antrieureet infrieureau Cogito,
mais partir du moment qui succde immdiatement l'exprience
instantanedu Cogito en sa pointe la plus aigu o raison et foliene se
sont pas encore spares, quand prendrele parti du Cogito,ce n'est pas
prendrele parti de la raisoncommeordreraisonnableni celui du dsordre
et de la folie, mais ressaisirla source partirde laquelle raison et folie
peuvent se dtermineret se dire. L'interprtationde Foucault me
parait illuminante partir du moment o le Cogito doit se rflchir
et se profrerdans un discours philosophique organis. C'est--dire
presque toutle temps.Car si le Cogito vaut mme pour le fou, tre fou
- si, encore une fois,cetteexpressiona un sens philosophiqueunivoque,
ce que je ne crois pas : elle dit simplementl'autre de chaque forme
dterminedu Logos, - tre fou, c'est ne pouvoir rflchiret dire son
cogito, c'est--dire le faire apparatre comme tel pour un autre ; un
autre qui peut tre moi-mme.(C'est un point que je n'aurai pas
le temps de dvelopper ce soir.) A partir du moment o Descartes
nonce le Cogito, il l'inscrit dans un systme de dductions et de
protections qui trahissent sa source vive et contraignentl'errance
propre du Cogito pour contournerl'erreur.Au fond, en passant sous
silence le problme de parole que pose le Cogito, Descartes semble
sou8-entendreque penser et dire le clair et le distinct,c'est la mme
chose. On peut dire ce qu'on pense et qu'on pense sans le trahir.De faon
analogue - analogue seulement- Saint Anselmevoyait dans Vinsipiens,
dans l'insens,quelqu'un qui ne pensait pas parce qu'il ne pouvait pas
penser ce qu'il disait. La folie tait aussi pour lui un silence,le silence
bavard d'une pense qui ne pensait pas ses mots. C'est aussi un point
sur lequel il faudrait s'tendre davantage. En tous cas, le Cogito est
uvre ds qu'il se rassure en son dire. Mais il est folie avant l'uvre.
Le fou, s'il peut la limite rcuserle Malin Gnie,ne peut en tous cas
se le dire. Il ne peut donc pas le dire. En tous cas, Foucault a raison dans
la mesure o le projet de contraindrel'errance animait dj un doute
qui s'est toujours propos comme mthodique. Cette identificationdu
Cogito et de la raison raisonnable- normale - n'a mme pas besoin
d'attendre- en faitsinonen droit- les preuvesde l'existenced'un Dieu
verace comme suprme garde-fou.Cette identificationintervientds le
momento Descartes dtermine
la lumirenaturelle(qui en sa sourceindterminedevraitvaloir mme pour les fous), au momento il s'arrache
la folieen dterminantla lumirenaturellepar une srie de principes
et d'axiomes (axiome de causalit selon lequel il doit y avoir au moins
autant de ralit dans la cause que dans l'effet; puis, aprs que cet
axiome aura permis de prouver l'existence de Dieu, l'axiome de a la
lumire naturelle qui nous enseigne que la tromperiedpend ncessai490
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/. Derrida
dialogue entre l'hyperbole et la structurefinie, entre l'excs sur la
totalit et la totalit close, dans la diffrenceentre l'histoireet l'historicit; c'est--diredans le lieu ou plutt le momento le Cogito et
tout ce qu'il symboliseici (folie, dmesure, hyperbole,etc..) se disent,
se rassurentet dchoient, s'oublient ncessairementjusqu' leur ractivation, leur rveil dans un autre dire de l'excs qui sera aussi plus
tard une autre dchance et une autre crise. Ds son premiersouffl,
la parole, soumise ce rythmetemporelde crise et de rveil, n'ouvre
son espace de parole qu'en enfermantla folie.Ce rythmen'est d'ailleurs
pas une alternancequi serait de surcrottemporelle.C'est le mouvement
de la temporalisationelle-mmeen ce qui l'unitau mouvementdu Logos.
Mais cette librationviolente de la parole n'est possible et ne peut se
poursuivre,commeparole authentique,que dans la mesureo elle se garde,
o elle est la mmoirede ce geste de violenceoriginaire,et dans la mesure
o elle se tientrsolument,en conscience,au plus prochede l'abus qu'est
l'usage de la parole,juste assez prs pour direla violence,pour dialoguer
avec soi commeviolenceirrductible,juste assez loin pour vivreet vivre
comme parole. C'est en cela que la crise ou l'oubli n'est peut-trepas
l'accident mais la destine de la philosophieparlante qui ne peut vivre
qu'en enfermantla folie mais qui mourrait comme pense et sous une
violence encore pire si une nouvelle parole chaque instantne librait
l'ancienne folie tout en enfermanten elle, dans son prsent,le fou du
jour. C'est grce seulement cette oppressionde la folieque peut rgner
une pense-finie,c'est--direune histoire.Sans s'en tenir un moment
historique dterminmais en tendant cette vrit l'historiciten
ne peut
gnral,on pourraitpeut-tredire que le rgned'une pense-finie
s'tablir que sur le renfermement
et l'humiliation et l'enchanement
et la drisionplus ou moins dguise du fou en nous, d'un fou qui ne
peut jamais tre que le fou d'un Logos, comme Pre, comme Matre,
comme Roi.
Mais cela, c'est un autre propos et une autre histoire. Je conclurai
en citant encore Foucault. Longtemps aprs le passage sur Descartes,
quelque trois cents pages plus loin, Foucault crit (p. 415), dans le
souffled'un remords,pour annoncerle Neveu de Rameau : Dans le
moment o le doute abordait ses prils majeurs, Descartes prenait
consciencequ'il ne pouvait pas trefou- (tiret)quitte reconnatrelongtemps encore et jusqu'au Malin Gnie que toutes les puissances de la
draison veillaient autour de sa pense. Eh bien, ce que nous avons
essay de faire ce soir, c'est de nous installer dans l'intervalle de ce
remords,remordsde Foucault, remordsde Descartes selon Foucault ;
dans l'espace de ce quitte reconnatrelongtempsencore... , nous
avons essay de ne pas oublier, de ne pas teindrela lumirede cette
veille des puissances de la draison autour du Cogito. Nous avons
essay de nous acquitterenvers le geste par lesquel Descartes s'acquitte
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J. Derrida
du choix et du partage entreles deux voies
Dcision au sens du xpfvav,
en
son
Parmnide
ipome,la voie du Logos et la non-voie,
spares par
le labyrinthe,le palintrope o se perd le Logos ; la voie du Sens et celle
du Non-Sens; de l'tre et du Non-tre. Partage partirduquel, aprs
lequel, le Logos, dans la violence ncessaire de son irruption,se spare
de soi comme folie,s'exile et oublie son origineet sa proprepossibilit.
Ce qu'on appelle la finitude,n'est-cepas la PossibilitcommeCrise?Une
certaine identit de la consciencede crise et de l'oubli de la crise ? De
la pense de la ngativitet de la rductionde la ngativit?
Crise de raison enfin,accs la raison et accs de raison. Car ce que
Michel Foucault nous apprend penser,c'est qu'il existe des crises de
raison trangementcomplicesde ce que le monde appelle des crises de
folie.
Jacques Derrida.
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