"Cartel Du Yaourt". Amendes de 192,7 M Pour 11 Fabricants
"Cartel Du Yaourt". Amendes de 192,7 M Pour 11 Fabricants
"Cartel Du Yaourt". Amendes de 192,7 M Pour 11 Fabricants
Vu les procs-verbaux du 20 dcembre 2013 et du 11 avril 2014 par lesquels les socits
Laiterie H. Triballat, Yeo Frais, 3A Groupe et Sodiaal Union, venant aux droits de
3A Coop, Lactalis Nestl Ultra Frais MDD, Lactalis Nestl Produits Frais et Lactalis
Nestl Ultra Frais, Lactalis Beurres & Crmes et Groupe Lactalis, Lata, Cooprative
agricole laitire Les Matres Laitiers du Cotentin , Socit cooprative Laiterie
cooprative alsacienne Alsace Lait, Novandie et Andros et Cie ont dclar ne pas contester
les griefs qui leur ont t notifis et ont demand le bnfice des dispositions du III de
larticle L. 464-2 du code de commerce ;
Vu les observations prsentes par les socits Yoplait France et Yoplait SAS, Laiterie H.
Triballat, Yeo Frais, 3A Groupe et Sodiaal Union, venant aux droits de 3A Coop, Lactalis
Nestl Ultra Frais MDD, Lactalis Nestl Produits Frais et Lactalis Nestl Ultra Frais,
Lactalis Beurres & Crmes et Groupe Lactalis, Lata, Cooprative agricole laitire Les
Matres Laitiers du Cotentin, Senagral et Senagral Holding, Socit cooprative Laiterie
cooprative alsacienne Alsace Lait, Laiterie de Saint Malo et Socit industrielle laitire du
Lon, Novandie et Andros et Cie, et par le commissaire du Gouvernement ;
Vu les autres pices du dossier ;
Les rapporteurs, la rapporteure gnrale adjointe, le commissaire du Gouvernement et les
reprsentants des socits Yoplait France et Yoplait SAS, Laiterie H. Triballat, Yeo Frais,
3A Groupe et Sodiaal Union, venant aux droits de 3A Coop, Lactalis Nestl Ultra Frais
MDD, Lactalis Nestl Produits Frais et Lactalis Nestl Ultra Frais, Lactalis Beurres &
Crmes et Groupe Lactalis, Lata, Cooprative agricole laitire Les Matres Laitiers du
Cotentin, Senagral et Senagral Holding, Socit cooprative Laiterie cooprative
alsacienne Alsace Lait, Laiterie de Saint Malo et Socit industrielle laitire du Lon,
Novandie et Andros et Cie, entendus lors de la sance de lAutorit de la concurrence
du 26 novembre 2014,
Adopte la dcision suivante :
SOMMAIRE
I. Constatations .................................................................................... 7
A.
1. YOPLAIT .................................................................................................................. 11
2. SENAGRAL ............................................................................................................... 12
3. LES SOCITS DU GROUPE LACTALIS ..................................................................... 12
4. NOVANDIE................................................................................................................ 13
5. LES MATRES LAITIERS DU COTENTIN (MLC)...................................................... 14
6. LATA ....................................................................................................................... 14
7. ALSACE LAIT ........................................................................................................... 15
8. LAITERIE DE SAINT MALO (LSM) .......................................................................... 15
9. YEO FRAIS (GROUPE 3A) ........................................................................................ 15
10. LAITERIES H. TRIBALLAT (LHT OU RIANS ) ................................................... 15
D.
1. GRIEF N 1 ............................................................................................................... 36
2. GRIEF N 2 ............................................................................................................... 37
F.
II.
Discussion ..................................................................................... 40
A.
B.
F.
I.
Constatations
A.
1.
Les pratiques mises en uvre dans le secteur de la fabrication de produits laitiers frais en
France, ont t portes la connaissance de lAutorit de la concurrence (ci-aprs,
lAutorit ) par des socits qui ont sollicit le bnfice de la clmence en application
du IV de larticle L. 464-2 du code de commerce. Ces demandes ont t prsentes aux
dates et dans lordre suivant :
-
le 12 aot 2011 pour les socits General Mills Inc., General Mills France, General
Mills Holding France SAS, Yoplait SAS et Yoplait France SAS (ci-aprs,
General Mills ou Yoplait ) ;
le 22 fvrier 2012, pour les socits Senagral, Senoble Holding, Senagral Holding
et Senoble Desserts Premium, (ci-aprs, Senagral ou Senoble).
2.
3.
4.
5.
LAutorit a, par lavis n 12-AC-01 dat du 19 janvier 2012, accord aux socits du
groupe General Mills le bnfice conditionnel de la clmence avec une exonration totale
de sanction encourue pour les pratiques dnonces.
2. LA DEMANDE DE SENAGRAL
6.
7.
Cette demande, la seconde en rang darrive aprs celle de General Mills, est intervenue
quelques jours aprs le droulement doprations de visite et saisie. Les pratiques
dnonces par le demandeur de clmence de second rang concernaient :
-
les lments dont disposait dj l'Autorit s'agissant des produits laitiers frais
vendus sous marques de distributeurs (MDD) (cote 20 12-0009AC) ;
une entente entre Senagral et la socit Laiterie H. Triballat / Rians concernant les
marchs des fromages frais lisss (fromage blanc) et des fromages frais mouls
(faisselles) sur le segment MDD (cote 85 12-0009AC).
8.
9.
B.
10.
La premire transformation du lait donne lieu la fabrication de deux types de produits, les
produits de consommation courante, dune part, et les ingrdients laitiers utiliss par
lindustrie agroalimentaire (beurre en vrac, poudre de lait, etc.), dautre part.
11.
Parmi les produits laitiers frais ou ultra-frais destins la consommation grand public, la
lgislation franaise opre une distinction selon des caractristiques physiques prcises ou
des processus de fabrication. Elle rserve ainsi les appellations yaourts et fromages
frais des produits rpondant des critres spcifiques qui permettent de les distinguer.
12.
14.
Enfin, dautres produits laitiers frais pour lesquels le risque de confusion par le
consommateur est moindre sont nanmoins soumis des normes prcises. Ainsi, larticle 8
du dcret n 80-313 du 23 avril 1980 prcise que la crme frache ne doit pas avoir subi
de traitement thermique d'assainissement autre que celui de la pasteurisation et avoir t
conditionne sur le lieu de production dans les vingt-quatre heures suivant celle-ci .
2. LES SPCIFICITS DE LA PRODUCTION LAITIRE
15.
16.
La collecte dans les 70 000 exploitations laitires franaises est ralise 46 % par des
entreprises prives et 54 % par des coopratives qui procdent la transformation du lait.
ce titre, il convient de prciser que dans le secteur laitier, comme dans tout autre secteur
agricole, la cration de coopratives vise, grce une mise en commun de moyens,
assurer un dbouch et valoriser la production des socitaires, qui sont galement les
producteurs. Ces derniers sengagent apporter lintgralit de leur production la
cooprative qui se trouve elle-mme dans lobligation de collecter et de rmunrer
lintgralit des volumes qui lui sont apports.
17.
18.
19.
Aprs une hausse importante entre 2007 et 2008, le prix du lait a connu une forte volatilit
avec une tendance baissire gnrale lanne suivante.
20.
Cette tendance gnralise na pas pargn les producteurs de lait europens rendus plus
tributaires de la conjoncture internationale par la baisse des prix dintervention fixs par la
9
22.
Les volutions du prix du lait ne sont pas sans consquence pour le reste de la filire. En
effet, les dispositions franaises et europennes dencadrement des prix du lait permettent
aux producteurs de les rpercuter en aval de la filire, mais aucun dispositif de cette nature
nexiste en faveur des fabricants de produits laitiers qui doivent donc faire face aux fortes
hausses du prix de leur principal intrant, sans garantie de pouvoir les rpercuter dans le
cadre de leur ngociation avec la grande distribution, principal dbouch des produits
laitiers frais.
b) La distribution des produits laitiers frais
23.
24.
Les GMS restent le principal dbouch des fabricants de produits laitiers puisque 92 % des
ventes au dtail de yaourts, fromages frais, crmes fraches et desserts lacts sont ralises
en grandes surfaces alimentaires, pour un montant denviron 5 milliards deuros en 2013.
Les GMS disposent donc dun fort pouvoir de ngociation vis--vis des producteurs.
25.
Ce pouvoir est encore accru sagissant des ngociations relatives aux MDD qui
reprsentent environ 50 % des ventes prcites en volumes et 40 % en valeur. En effet, la
10
distinction entre marque de distributeur et marque de fabricant conduit des relations trs
diffrentes entre distributeurs et producteurs. Selon larticle 112-6 du code de la
consommation () Est considr comme produit vendu sous marque de distributeur le
produit dont les caractristiques ont t dfinies par l'entreprise ou le groupe d'entreprises
qui en assure la vente au dtail et qui est le propritaire de la marque sous laquelle il est
vendu . Le lien commercial est donc moins une relation de distribution quune relation de
sous-traitance.
26.
27.
Les GMS disposent de toute latitude pour dcider des modalits dorganisation des appels
doffres telles que la frquence des consultations, le regroupement ou, au contraire, la
segmentation des produits concerns, la dure des contrats et leur degr de formalisme. La
variation permanente de ces modalits et labsence de visibilit vis--vis du consommateur
accroissent le pouvoir de ngociation des GMS et laissent peu de marge de manuvre aux
producteurs de produits laitiers quelle que soit leur taille.
C.
28.
Dans les dix dernires annes, le secteur a connu un vaste mouvement de consolidation
visant permettre aux oprateurs de mieux rsister la hausse des cours du lait et
renforcer leur pouvoir vis--vis de la grande distribution. Le secteur de la fabrication des
produits laitiers en France est dsormais structur autour de quatre grands groupes privs
ou coopratifs, et compte dautres acteurs secondaires (cotes 30648 30 746).
29.
lexception notable du groupe Danone qui nest pas prsent sur le segment des MDD, les
plus importants producteurs de produits laitiers sont concerns par les pratiques
dnonces : Yoplait, Senagral, Lactalis, Novandie, Matres Laitiers du Cotentin, Lata,
Alsace Lait, Laiterie de Saint Malo, Yeo Frais et Laiterie H. Triballat.
1. YOPLAIT
30.
La socit Yoplait SAS est dtenue par la socit General Mills. En juillet 2011, General
Mills a acquis une participation majoritaire dans le capital de Yoplait SAS et en assume
depuis le contrle oprationnel. General Mills dtient 51 % de Yoplait SAS contre 49 %
pour Sodiaal. Yoplait SAS dtient elle-mme 100 % de Yoplait France.
31.
11
2. SENAGRAL
32.
Cr en 1921, Senoble est un groupe familial prsent en France et en Europe dans plusieurs
secteurs dactivits (cotes 21 22 12-0009AC) :
33.
la production de produits laitiers frais (yaourts, fromages frais, crme frache, desserts
laitiers frais) qui est essentiellement destine la commercialisation de MDD auprs des
GMS. Les activits sous marque Senoble ou sous licence de marque (Oasis, Weight
Watchers) et celles ralises dans le secteur de la RHF reprsentent chacune moins
de 10 % de ses volumes ;
34.
35.
36.
37.
38.
Fond en 1933, le groupe Lactalis, dtenu par la famille Besnier, est le premier groupe
laitier mondial. Lactivit du groupe Lactalis en matire de produit laitier frais relve de
diffrentes filiales :
-
En 2006, Lactalis et Nestl ont cr une filiale commune, Lactalis Nestl Produits
Frais (ci-aprs, LNPF ), dont ils dtiennent respectivement 60 % et 40 %. LNPF
commercialise des produits laitiers frais (yaourts, desserts lacts et fromages frais)
dans neuf pays europens dont la France (cote 30556). LNPF commercialise aussi
bien des produits sous MDD que sous MDF.
LNPF dtient 100 % la socit Lactalis Nestl Ultra Frais (ci-aprs, LNUF )
qui elle-mme dtient 99,99 % de LNUF Marques et de LNUF MDD. LNUF
Marques commercialise les produits ultra frais marque de fournisseur tandis
que LNUF MDD commercialise les produits marque de distributeur (cotes 30591
30 602).
12
4. NOVANDIE
39.
La socit Novandie SNC est une filiale 99,99 % dAndros et Cie SAS spcialise dans
la fabrication de produits laitiers frais. Elle produit des yaourts, des fromages frais et des
desserts (crmes desserts, mousses, desserts labors) mais ne fabrique pas de crme
frache, ni de faisselle ou de fromage blanc grand format (cote 11434).
40.
Novandie dtient la marque commerciale Mamie Nova par le biais dune filiale
commune, Nova SNC, dtenue 94 % par Novandie SNC et 6 % par Even (cotes 30605
30 609). Nova SNC gre la marque Mamie Nova (cote 11435).
41.
Lactivit RHF est gre au sein du groupe Andros par lunit Andros Restauration
rattache Andros SNC, filiale 99,99 % dAndros et Cie. Novandie SNC et Andros SNC
sont lies par un contrat dagent commercial (cotes 30605 30 609).
42.
Tradifrais SNC, gre par Novandie, produit des desserts adultes labors ,
essentiellement marque (90 % la marque Bonne Maman ). Novandie assure la
gestion industrielle de Tradifrais tandis quAndros est en charge de la commercialisation
des produits marque Bonne Maman (cotes 30605 30 609).
13
43.
La Cooprative Agricole Laitire Les Matres Laitiers du Cotentin (ci-aprs, MLC ) est
spcialise dans la fabrication de produits laitiers frais.
44.
MLC est active sur le segment MDD, qui reprsente 60 % de son activit en volumes. Elle
fabrique galement des produits sous marque de fabriquant distribus uniquement en RHF,
notamment Matres Laitiers du Cotentin et Valco , reprsentant 30 % de son activit
en volumes. Enfin, MLC joue le rle de sous-traitant pour des producteurs franais ou
trangers dont Danone, Yoplait, Even, Novandie, Senagral.
45.
MLC est propritaire du rseau de distribution France Frais qui regroupe des
ngociants (grossistes distributeurs) de produits laitiers frais destins au secteur de la RHF.
France Frais ne distribue pas uniquement des produits fabriqus par MLC.
6. LATA
46.
La socit Lata est une socit filiale de trois groupes coopratifs bretons : Triskalia
(18,42 %), Even (50,57 %) et Terrena (31,01 %) (Cote 11025). Lata collecte du lait pour
14
ces trois coopratives laitires dans les Ctes-dArmor, le Finistre, le Morbihan et la Loire
Atlantique (Cote 11025). Elle fabrique et commercialise des produits laitiers de divers
types (beurres, fromages, ultra-frais), mais galement des ingrdients pour lindustrie
agroalimentaire ou lalimentation animale.
47.
En matire de produits laitiers frais, Lata est prsente exclusivement sur le segment des
yaourts tuvs. Elle produit galement du fromage blanc, des yaourts boire, des laits
ferments et de la crme frache. Elle nest pas prsente dans le secteur des crmes dessert.
48.
Lata est propritaire de la marque Paysan Breton et dtient en partage les marques
Mamie Nova (avec Novandie, cf. ci-dessus) et Rgilait, avec Sodiaal.
7. ALSACE LAIT
49.
Alsace Lait est le nom commercial de la Socit cooprative agricole Laiterie cooprative
alsacienne Alsace Lait. En 2009, Alsace Lait a acquis 100 % du capital de la socit Savoie
Yaourt.
50.
Alsace Lait a ralis un chiffre daffaires de 120 millions deuros en 2011, dont 90 % en
France (Cote 11202). Les deux tiers de lactivit dAlsace Lait correspondent la vente
aux GMS et le tiers restant rsulte de lactivit RHF. Les ventes des MDD reprsentent
55 % du chiffre daffaires ralis avec les GMS, les produits MDF (essentiellement du
fromage frais) reprsentent 35 % du chiffre daffaires.
8. LAITERIE DE SAINT MALO (LSM)
51.
Fonde en 1948, la Laiterie de Saint Malo (ci-aprs, LSM ) est aujourdhui dtenue
100 % par le groupe SILL (Socits industrielles Laitires du Lon).
52.
Elle est essentiellement prsente sur deux segments de march : dune part la fabrication de
poudre de lait pour lindustrie chocolatire, qui reprsente 50 % de son activit et, dautre
part, la fabrication de produits laitiers frais tels que les yaourts, le fromage frais et, de
faon rsiduelle, la crme frache.
9. YEO FRAIS (GROUPE 3A)
53.
La socit Yo frais est dtenue 100 % par 3A Groupe, elle-mme filiale 100 % de
Alliance Agro Alimentaire Cooprative (ci-aprs, 3A Coop ) (cote 30565). Au dbut de
lanne 2014, la cooprative Sodiaal Union a rachet 3A Coop.
54.
Yeo Frais produit essentiellement des yaourts et, de faon rsiduelle, de la crme frache.
En revanche, elle ne produit ni fromages frais, ni crmes dessert. La commercialisation de
ses produits se fait 95 % sous marque de distributeur. Yeo Frais est en outre prsent dans
le secteur de la RHF, rpondant une demande locale.
10. LAITERIES H. TRIBALLAT (LHT OU RIANS )
55.
La socit Laiteries H. Triballat (ci-aprs, LHT ), qui exploite la marque Rians , est
spcialise dans la fabrication de trois types de produits laitiers frais (cote 30583) : les
15
faisselles et les fromages blancs de campagne sous MDD et MDF, les desserts lacts frais
tels que les crmes brles, les les flottantes ou encore les crmes aux ufs et les yaourts
base de laits de chvre et de brebis.
56.
LHT possde plusieurs filiales dont certaines disposent dune totale autonomie
commerciale telle que la SAS Fromagerie de la Bresse qui fabrique galement des
faisselles.
D.
57.
Linstruction a tabli lexistence depuis 2006 de pratiques consistant en des runions et des
changes tlphoniques nombreux entre entreprises concurrentes qui ont t le support de
pratiques concertes ou daccords portant sur les prix et des rpartitions de volumes dans le
secteur des produits laitiers en MDD. Les modalits (1) et lobjet (2) des pratiques mises
en uvre seront prsents ci-aprs.
58.
En revanche, les pratiques relatives la RHF ainsi que laccord bilatral concernant les
fromages blancs qui avaient t dnonces par le demandeur de clmence de second rang
nont pu tre tablies.
1. LES MODALITS DE CONCERTATION ENTRE CONCURRENTS
59.
Les lments du dossier montrent que les entreprises mises en cause se sont concertes
de nombreuses reprises lors de runions physiques (a) ou loccasion dappels
tlphoniques et denvois de SMS (b).
a) Les runions entre concurrents
60.
La tenue de runions rgulires entre les concurrents est atteste par les dclarations des
demandeurs de clmence. Au soutien des explications fournies dans sa dclaration, Yoplait
a apport de nombreuses pices telles que des factures ou des relevs de frais de
dplacement, ainsi que des notes manuscrites prises par son reprsentant, M. X, lors des
runions. Senagral a, quant lui, rvl lexistence dautres runions, et apport des
explications et des pices complmentaires sur les runions dj dnonces par le premier
demandeur.
61.
62.
Le premier demandeur de clmence a indiqu que des runions entre socits concurrentes
ont eu lieu partir de 2002 . Des pices du dossier tablissent lexistence dune
premire runion au mois de janvier 2002, qui corrobore les dclarations du premier
demandeur de clmence.
63.
Pour le second demandeur, les contacts ont pu avoir lieu avant fin 2006, mais ils nont
pas donn lieu des changes significatifs (cote 25 12-0009AC) et la premire runion
dnonce date du mois de septembre 2006 (cote 31 12-0009AC).
16
64.
Toutefois, les pices du dossier nont pas permis dtablir la continuit des runions entre
2002 et 2006 dnonce par le premier demandeur de clmence, mme sous la forme
attnue envisage par le second demandeur. Les pratiques de janvier 2002 nont donc pu
tre relies celles de la priode 2006-2012 par des preuves matrielles.
65.
Dans ses dclarations, General Mills a fourni une description gnrale du systme
dorganisation et du droulement de ces runions :
Les participants l'entente se rencontrent physiquement intervalles plus ou moins
rguliers suivant les priodes ().
La frquence des runions a t variable selon les priodes. Pour en reprendre les grandes
tendances, les runions taient plus nombreuses au dbut de l'entente avec en moyenne
environ quatre runions par an. partir de 2002 se sont ajoutes des runions
quadripartites entre Novandie, Senoble, Yoplait et Lactalis pour coordonner de manire
plus efficace les rponses aux appels d'offres ainsi que les hausses de prix. Sur la priode
couverte par le carnet [Carnet de notes manuscrites de M. X], sept runions ont eu lieu
entre dcembre 2006 et dcembre 2007 et cinq en 2008. Puis, les participants devenant de
plus en plus prudents, mais aussi en raison des mauvaises relations entre Novandie et
Senoble, aucune runion n'a eu lieu en 2009 et 2010. En 2011, les concurrents se sont de
nouveau runis deux reprises pour coordonner deux hausses de prix successives. [] .
Ces runions ont gnralement lieu dans des htels rservs tour de rle par chacun des
participants. Les lieux des runions changent chaque fois pour des raisons de
discrtion (cote 119 11-0067AC).
66.
La description donne par General Mills de lorganisation des runions, tour de rle, dans
des htels, selon une frquence variable, a t confirme par M. Z, le responsable MDD de
LHT, lors de son audition le 20 mars 2013 (cote 30584).
67.
68.
Il apparat ainsi que seuls les reprsentants des quatre leaders du secteur Yoplait (M. X),
Novandie (M. A), Lactalis (M. B) et Senagral (M. Y) prolongeaient, dans un cadre priv,
des changes professionnels secrets ce qui confirme le caractre quadripartite du
noyau de lentente, pour reprendre le terme utilis par le demandeur de clmence.
69.
Le croisement des informations issues de ces diverses sources a permis dtablir pour
chaque runion la date, le lieu de sa tenue, les socits prsentes et lobjet de la runion.
Ces analyses ont montr que, dun point de vue quantitatif, ces quatre entreprises taient
celles qui avaient particip au plus grand nombre de runions, une vingtaine pendant la
dure de lentente contre moins de dix pour toutes les autres.
70.
Tableau : Participation des diffrentes entreprises aux runions entre concurrents (cotes 41701-41743)
Dates
Yoplait
Senagral
Novandie
Lactalis
Nestl UF
MDD
Lactalis
B&C
Lata
Yeo
MLC
Alsace
Rians
LSM
18
22
19
20
10
11
31/01/02
27/09/06
06/12/06
08/02/07
11/04/07
06/06/07
04/07/07
05/09/07
12/11/07
05/03/08
13/05/08
22/07/08
14/10/08
17/12/08
12/05/09
08/06/09
15/6/10
26/10/10
04/01/11
19/01/11
22/06/11
24/11/11
Total
71.
72.
73.
secret ddi l'entente . Cette ligne ouverte et paye par Yoplait nest pas officiellement
attribue M. X, elle ne figure pas sur ses cartes professionnelles et son nom n'apparat pas
sur les factures (cote 473 11-0067AC). General Mills a galement fourni la liste de
contacts de concurrents figurant dans le rpertoire du tlphone secret de M. X (cotes 701
710 11-0067AC et cote 363 11-0067AC).
74.
Lors des oprations de visite et saisie, les services dinstruction ont obtenu les factures
dtailles des tlphones appartenant aux interlocuteurs de M. X (cotes 41678-41679,
41680-41681 et 41683-41689). Lanalyse de ces donnes a permis de constater quun
nombre significatif de contacts bilatraux ont eu lieu entre les salaris des diffrentes
entreprises concurrentes (cotes 14683-41689). Ces contacts ont mme t particulirement
frquents, voire quotidiens, entre Novandie, Lactalis, Yoplait et Senagral.
75.
76.
Dans certains cas, le contenu de SMS et de messages vocaux entre les reprsentants de
MLC, Alsace Lait, LSM, Lata, Senagral, Yoplait, Lactalis et Novandie a pu tre recueilli
lors des oprations de visites et saisies, notamment dans les locaux de MLC (cote 3724),
LSM (cotes 3408 3409) et Senagral (cote 1555), ainsi que par les lments apports par
les demandeurs de clmence (cotes 701 710 11-0067AC et cotes 207
214 12-0009AC). Ces contenus ont apport la preuve du caractre anticoncurrentiel des
contacts tlphoniques et des changes de SMS.
2. LOBJET DE LA CONCERTATION
77.
Les lments du dossier ont montr que les diffrents contacts entre les entreprises
concurrentes ont donn lieu des discussions portant sur les prix et les augmentations
tarifaires (a). Ils ont, en outre, permis de nouer des accords sur les augmentations tarifaires
(b), les volumes (c) et les appels doffres organiss par les GMS (d).
a) Des discussions portant sur les prix et les augmentations tarifaires
78.
Les dclarations des salaris des diffrentes socits ainsi que les notes manuscrites
montrent que les runions physiques ou les appels tlphoniques taient loccasion pour les
entreprises concurrentes dchanger des informations confidentielles sur les hausses de
prix pratiques vis--vis des clients distributeurs et sur les niveaux de prix des produits
vendus.
Une concertation sur les hausses tarifaires.
79.
80.
titre dexemple, les notes prises par M. X lors de la runion du 11 avril 2007 font
apparatre des changes au sujet des hausses de prix venir prvues par le concurrent
Lactalis pour le mois de juillet 2007 :
19
Runion Novotel
11/04/07
Hausse Lactalis [illisible] hausse annonce fin avril pour dbut juillet
1 % non ngociable
Leclerc : entre 1 et 1,5 % au 01 mai [illisible] (cote 190 11-0067AC)
81.
De mme, les notes prises par M. X au cours de la runion du 6 juin 2007 mentionnent des
hausses de prix venir (entre fin juin 2007 et novembre 2007).
Runion
06/06/07
-Nova +2 % net
Andros +5 %
84.
Une autre runion organise Rennes le 19 janvier 2011 avec un ordre du jour principal
sur les produits bio a permis des changes sur les hausses de prix des produits
conventionnels, comme le montrent les notes manuscrites de M. C (Lata) (cote 4993) :
85.
prix pratiques sur les produits conventionnels c'est--dire non bio et la seconde
colonne correspond aux dcisions des intervenants commercialisant ces produits
(cotes 11028 11 029).
86.
Mais des changes bilatraux sur les hausses futures pouvaient galement avoir lieu par
tlphone comme la indiqu M. D (Yeo) : Oui, j'ai eu des contacts tlphoniques avec
les salaris des entreprises concurrentes. Le sujet est toujours le mme, celui des hausses
de prix. Nous nous informons sur nos hausses de prix respectives, annonces en GMS,
passes ou non. (cote 30569). De mme, un SMS adress par M. E (MLC) M. F
(Alsace Lait) mentionne des hausses : prospectus Lidl avec Fr. frais vanille 100*8
1,19 !?! Gros souci pour annoncer nos hausses ! (1,45 chez itm [Intermarch] ! C.Q
(cote 3724).
Des changes dinformations sur les niveaux de prix de gros pratiqus
87.
Les runions sont galement le lieu dchanges sur les prix. Ainsi, les notes prises par
M. X (Yoplait) lors de la runion du 6 dcembre 2006 montrent la communication aux
concurrents du prix pratiqu par Senagral chez le distributeur Lidl pour les yaourts aux
fruits Y. fruits Senoble en dessous de 1 (cote 185 11-0067AC).
88.
Des changes dinformations sur les niveaux de prix ont galement eu lieu lors de la
runion du 11 avril 2007. Les notes prises cette occasion par M. X (Yoplait) montrent
que les prix pratiqus par Alsace Lait chez ITM pour le fromage blanc 20 % ont fait lobjet
dune communication (cote 190- 110067-AC).
89.
90.
Certains contacts sont galement loccasion dchanges sur les niveaux de prix futurs ou
dj pratiqus pour des rfrences de produits identifies chez les diffrents clients.
91.
Ainsi, il ressort dun SMS du 11 janvier 2011 que M. Y (Senagral) a inform M. E (MLC)
du prix de vente 3 fois net dune rfrence prcise chez le client Auchan (cotes 701
710 11-0067AC).
92.
93.
Le contenu de certains SMS fait apparatre des changes sur les prix et la stratgie des
entreprises. Ainsi, le 18 juillet 2011 M. H (LSM) adresse M. C (Lata) le message
suivant : Bonsoir mr C. Le dossier carrefour pse 4100 tn j'ai eu mr I. ce soir qui me
demande une baisse de 3.5 pour conserver le dossier !! Soit. 1,63 le 16. 0,41 le 4 1.230 le
12. Prix totalement fou par rapport aux hausses venir. Sans engagement et plan prcis
de rattrapage de 2200 tn avant ce vendredi je plongerais !!! Dans l'attente donc de votre
proposition avant que cela cause des dommages des intervenants autres du march je
suis dispo demain pour en discuter cordialement m. H (cotes 3408 3409).
21
95.
96.
97.
Cette runion du 8 fvrier 2007, intitule Runion hausse tarif dans le carnet de notes
de M. X (cote 186 11-0067AC) tait, daprs les dclarations de Yoplait, ddie au
sujet de la hausse des tarifs (cote 463 11-0067AC). Il est prcis dans ces mmes
dclarations que les participants se sont mis daccord sur lorigine des augmentations de
cots pouvant justifier la hausse auprs de leurs clients . Ces notes font effectivement
apparatre une dcomposition des hausses de prix demandes aux distributeurs :
augmentation en lait et fromage , accord sur les grands principes [] lait +1.5 % au
trimestre => 3 % , sucre baisse des subventions + canicule , augmentation des prix
des fruits+canicule (cote 186 11-0067AC).
98.
Ainsi, les concurrents se sont coordonns sur les justifications apportes leurs clients
pour motiver leurs hausses de prix. Cette runion a, daprs les dclarations de Yoplait,
donn lieu un accord prcis sur les hausses de prix (cote 463 11-0067AC). Ainsi, le
carnet de M. X (Yoplait) contient diffrents tableaux indiquant, pour les diffrentes
socits prsentes la runion, les taux de hausses pratiqus chez les diffrents clients par
22
type de produits. Un de ces tableaux est reproduit ci-dessous (cotes 187 188 110067AC) :
Tableau contenu dans les notes manuscrites prises par M. X lors de la runion du 8 fvrier 2007
99.
Une telle coordination se retrouve dans les notes manuscrites de Yoplait prises dans
dautres runions. Ainsi, celles du 4 juillet 2007 indiquent : hausse 1er oct. 3 % dessert
4 % yaourts 5 % FF + CF . Yoplait a ainsi dcrit ces mentions : La hausse gnrale des
tarifs devait prendre effet au 1er octobre 2007 selon les principes suivants : +3 % sur les
desserts, +4 % sur les yaourts et de +5 % sur les fromages frais et la crme frache .
Yoplait a pralablement expliqu : Lors de cette runion, les participants ont fait un tour
de table pour faire le point, client par client, sur lenvoi par chaque fournisseur des lettres
de hausse (cote 123 11-0067AC). Ltendue de la coordination sur les hausses et leur
calendrier a t confirm par Senagral qui a dclar : cette runion avait pour objet de
prparer lenvoi des annonces de hausse (cote 33 12-0009AC).
100. La runion du 5 septembre 2007 a galement t largement consacre aux hausses de prix,
dans un contexte de hausse de prix du lait. Ainsi, M. E (MLC) a dclar : En 2007 il y
avait un contexte trs tendu et particulier parce que nous subissions des hausses trs fortes
du prix du lait. Nous tions alors entre le marteau et l'enclume : d'un ct le prix du lait
augmentait (). D'autre part, les distributeurs ne voulaient pas entendre parler de
hausses. Alors il y a eu des runions entre oprateurs concurrents, dont celle-ci, je ne vous
le cacherai pas. II arrive un moment o cela devient vital de revaloriser nos prix en se
fixant des objectifs, objectifs que nous n'avons jamais atteints (cote 10189). Ces propos
ont t confirms par les dclarations de Yoplait (cote 462 11-0067AC), Senagral (cotes
33 34 12-0009AC) et Lata (cote 11030). Les notes prises par M. E (cote 4405) et M. X
mentionnent les mmes taux de hausse pour le 1er janvier 2008, ce qui indique une
coordination entre concurrents sur les hausses venir (cote 194 11-0067AC).
101. Enfin, les runions du 4 janvier 2011 puis du 22 juin 2011 ont galement port sur une
coordination des hausses de prix entre les concurrents. General Mills a dailleurs
23
prcis lors de sa demande de clmence : 2011 a t une anne active pour le cartel en
matire de coordination de hausses de prix. En effet, deux hausses ont t coup sur coup
passes, au printemps 2011, puis pendant l't 2011, par les producteurs de produits
laitiers frais en MDD (cotes 458 460 11-0067AC).
102. General Mills a ainsi dcrit la runion du 4 janvier 2011: Aprs un tour de table dtaill
de ltat des hausses pour lanne 2010 coule, acteur par acteur, les participants se sont
coordonns sur les principes de la premire hausse pour 2011. () La discussion qui s'est
tenue sur la base de ce document a abouti la dcision d'annoncer aux clients une hausse
de 8 % avec pour objectif d'obtenir rellement une hausse de 6 % et une hausse moyenne
cumule sur 2010/2011 de l'ordre de 10 % (cotes 458 460 11-0067AC).
103. Novandie a confirm limportance de cette runion du 4 janvier 2011 qui marquait la
reprise du fonctionnement normal de lentente aprs lpisode du conflit avec Senagral
pacifi en 2010 : La runion du 4 janvier 2011 marque la fin temporaire (un an) de la
priode de conqute de volumes. Le march des matires premires se remet disjoncter
fin 2010 (explosion du prix du lait et du sucre l'automne 2010). Les industriels en ont
conclu qu'il fallait passer des hausses. J'ai t contact par Yoplait mais galement par
Senoble et Lactalis. Ceci explique la runion du 4 janvier 2011. Nous avons tous mis le
souhait de passer les hausses (cotes 11438 11 439).
104. Outre cet accord sur les hausses de prix, les concurrents ont galement coordonn le
discours tenir sur les justifications pouvant motiver les hausses de prix vis--vis des
distributeurs.
105. Selon les notes de M. X (Yoplait), les hausses devaient tre justifies par laugmentation
du prix du lait de 3,5 %, des emballages de 20 % ainsi que des cots de transport et
dnergie. Elles devaient en outre tre annonces aux clients selon un calendrier prcis, soit
entre le 15 fvrier et le 1er mars (cotes 239 242 11-0067AC).
106. Enfin, les commandes devaient tre stoppes le 1er mars en cas de refus oppos par les
clients puisque selon les termes utiliss par Yoplait, un mcanisme de sanction des
distributeurs rcalcitrants avait t prvu (cotes 458 460 11-0067AC). Tous ces
lments ressortent aussi des notes prises lors de cette runion par M. E (MLC)
(cote 4406), M. A (Novandie) (cote 96) et sont confirms par les propos de M. C (Lata)
(cotes 11026-11027) et ceux de M. D (Yo) (cote 30568).
107. Ce schma comportant un accord sur les hausses, leur justification, leur calendrier et le
systme de rtorsion vis--vis des distributeurs rticents, a t repris lors de la runion du
22 juin 2011.
108. Enfin, la runion du 4 janvier 2011 a aussi permis la fixation de prix planchers. Dans ses
dclarations, Yoplait a ainsi expliqu : Senoble, en la personne de son reprsentant M. Y,
a distribu et prsent en dbut de discussion un tableau ralis par ses soins prsentant
sa vision de l'accord qui pourrait tre trouv entre les participants l'entente sur cette
hausse de tarifs. Ce document prpar par Senoble reprend les prix de vente aux
distributeurs avant hausse, le niveau de hausse coordonne propos (colonne en rouge), le
prix de vente aux distributeurs aprs application de la hausse propose, ainsi que le prix
plancher en de duquel les participants s'accorderaient ne pas descendre aprs le
passage de la hausse. () Une dcomposition de la hausse produit par produit a t acte
et des prix plancher fixs .
109. Le tableau qui a servi de support la runion figurait dans le carnet de M. X (Yoplait)
(voir figure suivante). Ce dernier la par ailleurs partiellement reproduit dans ses notes
(cote 242 11-0067 AC) :
24
Figure 6 : Tableau ayant servi de support la runion du 4 janvier 2011 (carnet de M. X , Yoplait)
La mise en application des accords conclus sur les hausses tarifaires en 2011
110. Les documents apports par Yoplait et Senagral lappui de leurs demandes de clmence
et les documents saisis lors des oprations de visite et saisie du 9 fvrier 2012 dmontrent
que les accords sur les hausses tarifaires conclus entre les socits concurrentes lors des
runions de janvier et juin 2011 ont t mis en uvre.
111. Conscutivement la runion du 4 janvier 2011, les entreprises participantes, lexception
de Yeo Frais et Lata, ont appliqu laccord. Elles ont en effet envoy leurs clients des
demandes de hausses tarifaires correspondant celles convenues lors de cette rencontre,
accompagnes des mmes justifications -une hausse du prix du lait de lordre de 3,5 % et
de celui des emballages denviron 20 %- et prvoyant une application au plus tard au dbut
du mois de mars 2011.
112. Le tableau ci-dessous synthtise les lments relatifs ces envois pour chacune des
entreprises :
25
Tableau 17 : Rcapitulatif des envois de courriers appliquant les hausses de prix par les entreprises
prsentes lors de la runion du 4 janvier 2011
Entreprises
expditrices
Dates denvoi
Entreprises destinataires
Rfrences dossier
10 janvier 2011 et
12 janvier 2011
Novandie
14 janvier 2011
Senagral
11 janvier 2011
Carrefour
MLC
EMC
Cote 3866
Yoplait
Alsace Lait
26 janvier 2011
Cote 38 12-0009AC
113. De mme, dans les semaines qui ont suivi la runion du 22 juin 2011, les concurrents ont
contact les distributeurs par courrier pour solliciter des hausses de tarifs applicables au 1er
octobre 2011 et justifies par une augmentation du prix du lait de 20 % sur les deux
dernires annes, une augmentation du prix du plastique de 45 % et du carton de 30 %. Le
tableau ci-dessous synthtise les lments relatifs ces envois pour chacune des
entreprises.
Tableau 18 : rcapitulatif des envois de courriers appliquant les hausses de prix par les entreprises
prsentes lors de la runion du 22 juin 2011
Entreprises
Date denvoi
Entreprises destinataires
Rfrences dossier
Yoplait
aot 2011
Alsace Lait
21 et 26 juillet
2011
Novandie
juillet 2011
MLC
27 juillet 2011
Auchan
cote 4097
LNUF MDD
28 juillet 2011
expditrices
26
115. Dans sa dclaration, General Mills a dcrit comme suit les mcanismes de compensation
de volumes mis en place par les socits concurrentes :
Lorsque l'un des acteurs de l'entente perd des volumes, s'il n'en a pas t inform
directement par le concurrent qui les a pris, il est inform par le client. Le concurrent ls
contacte alors l'oprateur qui lui a pris les volumes.
Les volumes perdus sont dus mais ne sont pas ncessairement compenss immdiatement.
Se cre alors une dette dont est redevable l'acteur qui a gagn des volumes au dtriment de
son concurrent. Cette dette est rembourse au crditeur ds lors qu'une opportunit existe
ou se prsente (par exemple, un nouvel appel d'offres sur lequel le dbiteur laissera la
priorit au crditeur). S'il est ncessaire de crer l'opportunit, le crditeur prendra les
volumes et informera ensuite ou en parallle le dbiteur que la dette a t ou est en passe
d'tre rgle.
Chaque acteur de l'entente sait ce qu'il doit, ce qu'on lui doit et qui le lui doit un instant
T. Aucune centralisation des informations sur les volumes dus n'est effectue par le cartel,
pas plus qu'il ne semble y avoir chez le Demandeur [Yoplait] de document rcapitulatif en
favorisant le suivi. Les participants l'entente semblent tout moment se souvenir du
montant de leurs crances et dettes (cote 457 11-0067AC).
116. Les auditions du directeur commercial de Senagral et du responsable MDD chez LHT ont
confirm que, lors des appels doffres, le principe respecter tait celui de ne pas prendre
de volumes au fournisseur en place (cotes 634 635 12-0009AC et cotes 30584
30 585).
Les compensations de volumes
117. Conformment aux dclarations de Yoplait prcites, certaines runions visent tablir des
bilans de volumes et conduisent des accords de compensation ou de rcupration de
volumes.
118. Ainsi, lors de la runion du 15 juin 2010, qui marque la fin de la guerre entre Novandie et
Senagral, M. Y (Senagral) et M. A (Novandie) dressent le bilan, en termes de volumes, de
leur msentente passagre. Selon, Senagral, cest cette occasion quun accord sur les
volumes a t scell et que les volumes pris de part et dautre pendant la guerre des prix
et le solde rcuprer ont t convenus (cotes 608 609 12-0009AC). Ceci a t
confirm par M. Y lors de son audition (cote 634 12-0009AC).
Laccord de gel des volumes dcid le 4 janvier 2011
119. Le 4 janvier 2011, sest tenue lhtel Holiday Inn de Bougival la premire runion
runissant la plupart des acteurs depuis le dbut du conflit entre Novandie et Senagral.
cette occasion, les participants ont voqu la future hausse de prix et les concurrents se
sont engags sur un gel des prises de volumes qui apparaissait comme une condition
ncessaire cette hausse de prix sans comportement de franc-tireur.
120. Lors de son audition du 22 novembre 2012, le reprsentant de Lata est revenu sur la
signification des notes prises lors de cette runion : La mention rgles : pas de prise de
volume sur 12 mois jusqu'au 31/12/2011 signifie que les hausses de prix dcides au
cours de la runion en question ne peuvent s'appliquer que si les acteurs ne se gnent pas
les uns les autres, c'est--dire si les acteurs n'essaient pas de prendre les volumes des
autres (cote 11029). Une formule similaire figure dans les notes prises par M. E (MLC) :
engagement de chacun sur un gel total (cote 4406). Ce gel des volumes sinterprte
comme un pacte de non-agression destin clore le conflit entre Senagral et Novandie.
27
0067AC). Ces propos ont t confirms par les notes de M. X (cotes 214 215 110067AC et de M. E (MLC) (cotes 4402 4403).
e) Les pratiques portant sur les appels doffres lancs par les clients GMS
126. Sagissant plus prcisment des pratiques mises en uvre lors des appels doffres des
GMS sur les produits laitiers frais, le premier demandeur la clmence a indiqu que :
Un autre volet de l'entente consiste pour les concurrents du secteur MDD coordonner
leurs rponses ces appels d'offres afin :
- soit de protger la position du fournisseur en place si cela est possible, les concurrents
mettant des offres de couverture d'un niveau de prix suprieur celui du fournisseur en
place ;
- soit, si la position du fournisseur en place n'est pas tenable et qu'il est probable qu'il
perde les volumes de toute faon, de faire en sorte qu'un autre fournisseur dsign se voit
attribuer les volumes (les autres acteurs positionnant leurs offres respectives un niveau
permettant de le garantir). Dans ce cas, le nouvel attributaire devra ces volumes au
fournisseur qui les a perdus. La dette ainsi cre pourra tre acquitte selon les
modalits de compensation dj voques.
La coordination peut aussi se faire a posteriori. Si un concurrent a pris des volumes un
fournisseur en place, les termes de l'entente sont tels que ces volumes pris sont dus
celui qui les a perdus, une dette tant cre (cote 464 11-0067AC). ()
Afin de garantir le succs du concurrent qui est cens gagner l'appel d'offres d'un
distributeur, des offres de couverture sont prsentes par les concurrents. Certains
concurrents refusent parfois galement de rpondre en invoquant une incapacit
produire (cote 455 11-0067AC).
127. Quant au second demandeur de clmence, il confirme que de nombreux changes ont eu
lieu entre certains de ses reprsentants et salaris et les reprsentants et salaris de
concurrents concernant les produits laitiers frais MDD et plus prcisment les hausses de
prix rendues ncessaires par l'augmentation des matires premires et des cots de
production ainsi que concernant les appels d'offres passs par les principaux distributeurs
franais (cote 25 12-0009AC).
128. Outre les dclarations prcdentes, de nombreux lments au dossier, tels que les notes
manuscrites prises par M. X (Yoplait), les dclarations recueillies lors des auditions
menes par linstruction et les pices saisies dans le cadre de lopration de visite et saisie
tmoignent de frquents changes dinformations confidentielles entre concurrents
pralablement au dpt des rponses aux appels doffres et de lexistence daccords visant
coordonner les rponses aux appels doffres lancs par les GMS.
129. Le croisement de ces diverses sources a permis dtablir lexistence des pratiques
anticoncurrentielles mises en uvre par les entreprises concernes lors des appels doffres.
Quelques exemples de ces pratiques sont dtaills ci-aprs.
Appel doffres Leader Price de septembre 2008
130. Pour un appel doffres de Leader Price de septembre 2008, un tableau saisi chez MLC,
intitul Appel doffres Ultra Frais Marque Leader Price , comprend de nombreuses
rfrences de petits suisses et de fromages frais auxquelles sont associes des mentions de
prix ainsi que des noms de concurrents ( Yoplait , Novandie ). Sous ce tableau, des
annotations manuscrites montrent que les prix indiqus dans le tableau sont les prix de
29
Yoplait et Novandie destins cet appel doffres, comme cela a dailleurs t confirm par
des pices similaires retrouves dans le carnet de M. X (Yoplait).
131. Les cotations de Novandie dans le cadre de cet appel doffres, pour lensemble des
rfrences en cause, sont trs proches des prix figurant dans les pices saisies chez les
concurrents, MLC et Yoplait.
132. Pour le mme appel doffres, la comparaison entre les cotations soumises par Senagral et
LNUF MDD et les prix figurant dans les notes manuscrites de M. X montrent, pour la
socit Senagral, une identit parfaite et, pour la socit LNUF MDD, une trs forte
proximit.
133. Enfin, les notes manuscrites de M. X, datant du mois daot 2008, mentionnent les prix
dAlsace Lait pour deux rfrences de produits et les prix de LSM pour 4 rfrences de
produits. Les cotations remises dans le cadre de cet appel doffres par Alsace Lait sont
identiques aux prix qui figurent dans le carnet de M. X (Yoplait) (cote 210 11-0067AC et
cote 31694). En revanche, elles sont assez diffrentes pour LSM.
134. Il rsulte ainsi de lensemble des lments prsents ci-dessus, que des informations
confidentielles portant sur les prix ont t changes entre les socits Novandie, Senagral,
Yoplait, LNUF MDD, MLC et Alsace Lait dans le cadre de lappel doffres lanc par
Leader Price en aot-septembre 2008.
Appel doffres de Carrefour de dcembre 2009
135. Pour lappel doffres de Carrefour de dcembre 2009, des changes dinformations ont eu
lieu entre Senagral et Alsace Lait. Sur ce point, le reprsentant de Senagral a indiqu :
Chez Carrefour nous avons t attaqus par Novandie en CD, Bifi, YAF pulps, et cela
concernait 12 000 tonnes environ. Face une telle aubaine qui se prsentait lui,
l'acheteur a tent de nous faire baisser nos prix pour les autres produits, dont les CF et les
FB. S'en sont suivi fin 2009 des changes avec Alsace Lait o il m'a demand nos prix et
je les lui ai donns. Il m'a alors dit qu'il coterait au-dessus de nous, j'tais rassur. Alsace
n'avait pas intrt de toute faon entretenir un contentieux avec nous et
rciproquement (cote 30643).
136. Il ressort galement de courriels internes Alsace Lait que des informations de prix ont t
transmises par les socits 3A (Yo Frais) et Even (Lata) : Cot 3A, il ny a eu aucune
offre sur la crme mais mon interlocuteur reconnat avoir baiss ses prix de 10 20 %
pour contrer les attaques Novandie. Ct Even RAS . Ces courriels rvlent en outre que
Senagral a galement contact LSM pour vrifier dventuelles attaques . Enfin,
lanalyse des appels tlphoniques montre que, durant la priode suspecte, de nombreux
contacts ont t passs par M. Y (Senagral) aux autres entreprises concurrentes concernes.
Ce point est dailleurs confirm par Senagral.
Appel doffres dAuchan en juillet 2010
137. Comme la expliqu par le premier demandeur de clmence, une autre pratique mise en
uvre dans le cadre des appels doffres est le dpt doffres de couverture. La consultation
lance par Auchan en juillet 2010 en est une illustration.
138. Dans un courriel envoy en aot (cotes 542 11-0067AC), le distributeur stonne des
propositions finalement soumises par Yoplait qui na cot que sur trois rfrences avec des
cotations suprieures aux prix de Senagral, conformment la mention figurant dans les
notes manuscrites de M. X (Yoplait) se mettre au dessus . Pour les autres rfrences,
Yoplait na pas propos de cotations. Ce point est confirm tant pas les dclarations de
Senagral que par les cotations soumises par cette dernire (cote 42 12/0009AC).
30
139. Enfin, dans le cadre de ce mme appel doffres, les dclarations et pices saisies
concernant Alsace Lait et MLC montrent un accord entre ces deux entreprises sagissant
des fromages frais commercialiss chez Auchan.
140. Il rsulte donc de lensemble des lments de preuve ci-dessus que lors de cette
consultation, Yoplait a remis une offre de couverture destine favoriser Senagral. Quant
MLC et Alsace Lait, elles ont coordonn leurs tarifs afin de ne pas se faire concurrence.
Appel doffres de Leclerc en septembre 2010
141. Lappel doffres lanc par Leclerc en septembre 2010 concernait diffrents types de
fromages frais. Un courriel interne dAlsace Lait concernant le lot de 500 tonnes de
fromage frais sucr 20 % en conditionnement 8x100g indique : Il faudra quon en parle
car Lactalis considre que ce nest pas un dveloppement mais la continuit de sa gamme
de nature ! Il a peur quen postulant un prix agressif, il soit oblig de baisser son prix en
nature 20 % 8*100g . Ces changes ont eu lieu le 15 septembre 2010 tandis que les
cotations ont t remises lacheteur le 29 septembre et 1er octobre 2010. Des changes
dinformations confidentielles ont donc eu lieu entre Alsace Lait et LNUF MDD pendant
lappel doffres lanc par Leclerc en septembre 2010.
Appel doffres de Carrefour en octobre 2010
142. Pour lappel doffres de Carrefour en octobre 2010, les dclarations de M. Y (Senagral),
des courriers internes Alsace Lait et des changes tlphoniques intervenus entre
Senagral, Alsace Lait et Lactalis B&C montrent que des changes dinformations portant
sur les prix des crmes fraches ont eu lieu durant la consultation en cause entre les socits
Senagral, Lactalis B&C et Alsace Lait. Ainsi, M. Y a indiqu : La partie crme frache
est gre par E D pour Lactalis. Ce dernier a toujours respect les accords quelques
drapages prs. Oui nous nous sommes parl avec M. D sur ce dossier, ils faisaient la CF
MDD chez Carrefour. Ces derniers devaient mettre la pression sur Alsace Lait avec ses
premiers prix et nous vrifions ce qu'il en est des prix sur la CF 1er prix paisse. Tout le
monde a finalement conserv ses marchs sur cette consultation (cote 30644).
Appel doffres dEMC en juin 2011
143. Des offres de couverture en faveur de Yoplait ont t dposes dans le cadre dune
consultation dEMC datant de juin 2011 et portant sur diffrentes rfrences de fromages
blancs nature et vanille.
144. Les notes de M. X relatives cette consultation font apparatre diffrentes indications de
prix pour les rfrences objet de la consultation. En particulier, figurent dans ces notes un
prix actuel , un prix accord , un prix lactel et un prix propal . Le prix actuel
correspond aux prix envoys par Yoplait au dbut du mois de juin 2011 : il sagit des prix
en cours au moment de la consultation lance par EMC. Yoplait a expliqu que le prix
accord correspondait au prix plancher en dessous duquel les concurrents, LNUF MDD
en particulier, ne devaient pas descendre de telle sorte que Yoplait soit le moins-disant et
remporte ainsi le march (cote 466 11-0067AC). Les cotations soumises par Yoplait
correspondent quant elles la colonne propal des notes manuscrites, ces cotations
tant effectivement lgrement infrieures aux prix plancher sous lesquels LNUF MDD ne
devait pas descendre.
145. Ces annotations, en particulier la mention accord de Lactel, Senoble, MLC, Alsace Lait,
Nova, Even , montrent que les concurrents ont coordonn leurs rponses lappel
doffres. Les nombreux contacts tlphoniques passs durant la priode dlaboration des
offres par les intresss sont un indice supplmentaire de coordination (cotes 373 390
31
11-0067AC, cotes 10 202 10387, cotes 8097 8454, cotes 310 409 12-0009AC,
cotes 2846 2941, cotes 5093 5219, cotes 10889 10 941)
146. Il rsulte de ces lments de preuve que les socits LNUF MDD, Yoplait, Novandie,
Alsace Lait, Senagral, MLC et Even se sont accordes sur les prix des rfrences objet de
la consultation lance par EMC en juin juillet 2011.
Autres appels doffres ayant donn lieu des pratiques anticoncurrentielles
147. Sagissant de lappel doffres lanc par le distributeur Leclerc en dcembre 2009, les
pices saisies chez Alsace Lait dmontrent lexistence dun accord consistant pour cette
dernire remettre une offre de couverture destine permettre LNUF MDD demporter
le march (cote 2514).
148. Les lments au dossier indiquent quun appel doffres lanc par EMC en avril 2011 a t
loccasion pour les socits Alsace Lait et Lactalis B&C de saccorder sur le prix des
produits crme prix gagnant . Lactalis ayant demand Alsace Lait le dpt dune offre
de couverture destine lui permettre demporter le march (cotes 2543 2544,
cote 32004 et cote 11204).
149. Sans aller jusqu un accord complet sur les rponses de chaque concurrent aux appels
doffres, des coordinations ont galement t mises en uvre par les entreprises pour
neutraliser la pression concurrentielle, par exemple les contacts qui ont prcd lappel
doffres lanc par Carrefour sur les yaourts au bifidus en aot 2008. Dans le cadre de sa
demande de clmence, General Mills a indiqu que lobjectif de la runion tait
notamment de coordonner des rponses un appel doffre de Carrefour sur des yaourts au
bifidus (cote 470 11-0067AC). Ceci a t confirm par les dclarations du second
demandeur de clmence, Senagral (cote 35 12-0009AC).
150. Le carnet de notes de M. X montre que les salaris des socits prsentes lors de cette
runion (Yoplait, Senagral, Lactalis et Novandie) ont effectivement chang des
informations relatives aux cotations pour cet appel doffres dans les jours qui ont suivi,
notamment le 25 juillet 2008 et le 30 juillet 2008 (cotes 202 203 11-0067AC).
Synthse sur les appels doffres
151. Au-del des exemples dtaills ci-dessus, les pices du dossier ont permis de recenser
dix-huit consultations lors desquelles des pratiques anticoncurrentielles ont eu lieu en
prsence de socits mises en cause. Elles sont prsentes dans le tableau suivant :
32
Tableau 19 : Participation des entreprises aux concertations dans le cadre des appels doffres ou
consultations lancs par les clients distributeurs
changes dinformation
Lactalis
Yoplait
Senagral
B&C
LNUF
MDD
Novandie
Auchan
Mai 2011
Carrefour
dc. 2009
Carrefour
juin 2011
Carrefour
dc. 2011
Carrefour
Oct. 2010
EMC aout
sept. 2008
EMC
fvrier mars
2010
Leclerc
sept. Oct.
2006
Leclerc
sept. 2010
Carrefour
Oct. Nov.
2008
ITM
2010
mai
Aldi
2012
fv.
nov.
Auchan
juillet aot
2010
EMC avril
2011
ITM
2010
mai
Leclerc dc.
2009
EMC juin
juillet 2011
33
Lata
Yeo
MLC
Alsace
Lait
Rians
LSM
a) Description de lpisode
152. Dans leur dclaration, les premiers demandeurs de clmence ont fait tat dune priode
quils ont qualifie de guerre des prix entre Novandie et Senoble, principalement
pendant lanne 2009. Ils ont notamment apport les prcisions suivantes : Un incident a
maill l'histoire du cartel sans remettre en cause son fonctionnement ni l'interrompre.
Une guerre des prix a eu lieu entre Novandie et Senoble, partir de mi-2008 et jusqu'en
2010. Cette guerre a t initie par Novandie qui a cibl des volumes de Senoble. Cet
pisode a pris fin aprs les appels d'offres lancs par Casino / Leader Price en mars
2010 (/) (cotes 476 et 477 11-0067AC).
153. Lerreur matrielle de la demande de clmence mentionnant un dbut mi-2008 au lieu
de mi-2009 a t rectifie par la suite et lexistence de ce conflit commercial a t
confirme et prcise par le second demandeur de clmence (cote 25 12-0009AC). Ces
dclarations ont t corrobores par dautres pices du dossier.
154. Dans des documents internes, la socit Novandie, qui est lorigine du conflit, se rfre
explicitement la guerre des prix en tant que stratgie pour essayer de nous en
sortir (cote 180), faisant allusion au fait que la socit avait besoin de volumes pour
rentabiliser un nouveau site de production ouvert en 2007, au moment o le march des
MDD se retournait.
155. Le directeur gnral de Novandie a prcisment dcrit le dclenchement de cet pisode :
Senoble tait un partenaire historique de Carrefour, mais Carrefour s'est rendu compte
que Senoble vendait plus cher Carrefour qu' Dia (Carrefour et Dia appartenaient au
groupe Carrefour). Nous en avons profit pour prendre 17 000 T chez Carrefour en 2009
au dtriment principalement de Senoble. Nous avons ensuite pris des volumes dans les
autres enseignes : 10 000 T chez Systme U, chez Auchan et galement (produits fabriqus
par Senoble, Yoplait, Even, Lactalis...) .
156. Daprs les dclarations des demandeurs de clmence, le conflit a pris fin la suite de
lintervention de LNUF MDD (Lactalis) qui a uvr pour rapprocher Senoble et Novandie
(cotes 477 11-0067AC et 36 12-0009AC).
157. Senagral a prcis les circonstances de cette rconciliation bauche dans le cadre de deux
runions. Une premire runion sest tenue le 15 juin 2010 : Ce dner s'est tenu entre
Monsieur Y et M. B (LNUF MDD), la suite d'une runion qui a eu lieu au domicile de M.
A (Novandie), au cours de laquelle M. B tait parvenu rapprocher Senagral et Novandie.
C'est au cours de cette runion que les volumes pris de part et d'autre pendant la guerre
des prix et le solde rcuprer ont t convenus. [] (cotes 608 609 12-0009AC).
158. Cette amorce de rconciliation est confirme par les notes manuscrites dates du 17 juin
2010, prises par M. F, directeur commercial dAlsace Lait (cote 2641). Quant la seconde
runion de rconciliation du 26 octobre 2010, Senagral a dclar : Les participants
cette runion incluaient vraisemblablement des reprsentants des socits Novandie,
Lactalis, Senagral. Yoplait n'tait pas prsent cette runion. Ils se sont runis pour faire
un bilan de la guerre des prix entre Novandie et Senagral et tablir leur rconciliation
(cote 37 12-0009AC).
159. Il ressort des dclarations concordantes des demandeurs de clmence, des pices du dossier
et des dclarations de Novandie, que lpisode dit de guerre des prix a vritablement
dbut au cours du mois de septembre 2009, loccasion dun appel doffres lanc par
34
35
E.
168. Au vu des lments prcdemment rappels, les services dinstruction ont notifi deux
griefs aux entreprises concernes.
1. GRIEF N 1
169. Les services dinstruction ont tout dabord reproch aux socits ci-aprs :
-
Yoplait France (RCS n 440 767 549) en tant quauteure des faits et la socit
Yoplait (RCS n 332 390 145), en tant que mre 100 % de la premire,
Senagral (RCS n 705 580 108) en tant quauteure des faits et la socit Senagral
Holding (RCS n 537 955 254), en tant que mre 100 % de la premire,
LNUF MDD (RCS n 489 823 856) en tant quauteure des faits et la socit
LNUF (RCS n 490 476 033), en tant que mre 100 % de la premire, et
galement la socit LNPF (RCS n 490 379 500) en tant que mre 99.99 % de
la seconde,
Lactalis B&C (RCS n 402 776 322) en tant quauteure des faits et la socit
Groupe Lactalis (RCS n 331 142 554), mre 99.98 % de la premire,
Novandie (RCS n 314 603 051) en tant quauteure des faits et la socit Andros
et Cie (RCS n 395 287 519), en tant que mre 99.99 % de la premire,
Laiterie de Saint Malo (RCS n 895 780 377) en tant quauteure des faits et la
Socit Industrielle laitire du Lon (RCS n 636 220 220), en tant que mre
100 % de la premire,
Yo Frais (RCS n 387 819 196) en tant quauteure des faits et la socit 3A
Groupe (RCS n 443 108 444), en tant que mre 100 % de la premire, ainsi qu
la socit Alliance Agro Alimentaire Cooprative (3A Coop, RCS n 775 580 616)
en que mre 100 % de la deuxime,
Laiterie H Triballat (RCS n 583 720 644) en tant quauteure des faits,
davoir, dans le secteur de la commercialisation des produits laitiers frais sous MDD,
mis en uvre sur le territoire national, des pratiques concertes consistant en des
changes dinformations sensibles, portant sur les prix actuels et venir des produits
laitiers, portant sur les taux de hausses futures des tarifs de ces mmes produits, portant
sur la stratgie commerciale respective des socits en cause. Ces changes ont eu lieu,
soit au cours de runions secrtes et informelles tenues de manire rgulire, soit
loccasion de contacts tlphoniques trs frquents. Ces changes ont galement eu lieu
loccasion ou au cours dappels doffres et de consultations tarifaires mises par les
clients distributeurs des entreprises destinataires des griefs.
36
Ces pratiques ont permis la mise en place, par les entreprises en cause, dune concertation
destine coordonner leurs politiques tarifaires et commerciales, lever lincertitude sur la
stratgie des concurrents et ainsi faire obstacle la fixation des prix par le libre jeu du
march. La coordination des hausses tarifaires a permis aux socits en cause de
substituer au libre jeu du march une collusion entre concurrents. Les changes au cours
des appels doffres ont permis la leve de lincertitude quant aux intentions de chaque
entreprise et ainsi faire chec la fixation des prix par le libre jeu du march et le libre
exercice de la concurrence par dautres entreprises.
Ces pratiques ont un objet anticoncurrentiel et sont prohibes par les articles 101 TFUE et
L. 420-1 1 et 2 du code de commerce.
170. Ces pratiques ont t mises en uvre au moins depuis le 6 dcembre 2006 jusquau
9 fvrier 2012. La participation respective des entreprises la pratique stablit comme
suit :
Tableau 20 : Dure de participation aux pratiques pour le grief n 1
Raison sociale
Yoplait France
6 dcembre 2006
9 fvrier 2012
6 dcembre 2006
9 fvrier 2012
6 dcembre 2006
9 fvrier 2012
Octobre 2008
9 fvrier 2012
Novandie
6 dcembre 2006
9 fvrier 2012
6 dcembre 2006
9 fvrier 2012
Lata
6 dcembre 2006
9 fvrier 2012
8 fvrier 2007
9 fvrier 2012
9 fvrier 2012
Yo frais
8 fvrier 2007
9 fvrier 2012
6 dcembre 2006
5 septembre 2007
2. GRIEF N 2
171. Les services dinstruction ont galement reproch aux socits ci-aprs :
37
Yoplait France (RCS n 440 767 549) en tant quauteure des faits et la socit
Yoplait (RCS n 332 390 145), en tant que mre 100 % de la premire,
Senagral (RCS n 705 580 108) en tant quauteure des faits et la socit Senagral
Holding (RCS n 537 955 254), en tant que mre 100 % de la premire,
LNUF MDD (RCS n 489 823 856) en tant quauteure des faits et la socit
LNUF (RCS n 490 476 033), en tant que mre 100 % de la premire, et
galement la socit LNPF (RCS n 490 379 500) en tant que mre 99.99 % de
la seconde,
Lactalis B&C (RCS n 402 776 322) en tant quauteure des faits et la socit
Groupe Lactalis (RCS n 331 142 554), mre 99.98 % de la premire,
Novandie (RCS n 314 603 051) en tant quauteure des faits et la socit Andros
et Cie (RCS n 395 287 519), en tant que mre 99.99 % de la premire,
Laiterie de Saint Malo (RCS n 895 780 377) en tant quauteure des faits et la
Socit Industrielle laitire du Lon (RCS n 636 220 220), en tant que mre
100 % de la premire,
Yo Frais (RCS n 387 819 196) en tant quauteure des faits et la socit 3A
Groupe (RCS n 443 108 444), en tant que mre 100 % de la premire, ainsi qu
la socit Alliance Agro Alimentaire Cooprative (3A Coop, RCS n 775 580 616)
en que mre 100 % de la deuxime,
Laiterie H Triballat (RCS n 583 720 644) en tant quauteure des faits,
davoir, dans le secteur des produits laitiers frais commercialiss sous MDD et sur le
territoire national :
au cours de runions secrtes, entre le 6 dcembre 2006 et le 17 dcembre 2008, puis entre
le 4 janvier 2011 et le 9 fvrier 2012, dfini en commun des taux de hausses de prix par
familles de produits, de stre coordonnes sur la chronologie dapplication de ces
hausses en clientle et de stre coordonnes sur les argumentaires dvelopps pour
justifier ces hausses ;
pris part, entre le 15 juin 2010 et le 9 fvrier 2012, un accord anticoncurrentiel portant
sur la fixation des volumes en sabstenant de capter des marchs de produits dtenus par
les socits concurrentes ;
pris part, entre le 15 juin 2010 et le 9 fvrier 2012, un accord anticoncurrentiel portant
sur les prix des produits objets des appels doffres et se traduisant notamment par la
remise doffres de couverture.
Ces pratiques ont conduit une rpartition de march, ont fait obstacle la fixation des
prix par le libre jeu du march et ont ainsi limit le libre exercice de la concurrence, en ne
permettant pas certains oprateurs de se distinguer dans leur politique tarifaire, du fait
notamment de gains defficience ou de productivit quils auraient raliss.
38
Ces pratiques ont un objet anticoncurrentiel et sont prohibes par les articles 101 TFUE et
L. 420-1 1, 2 et 4 du code de commerce.
172. La prise de participation aux pratiques des socits en cause et la dure de celle-ci
stablissent comme suit :
Tableau 21 : Dure de participation aux pratiques pour le grief n 2
Raison sociale
Yoplait
France
Senagral (ex
Senoble
France)
(LNUF MDD)
Lactalis
Beurres et
crmes
Novandie
Cooprative
Agricole
Laitire Les
Matres
Laitiers du
Cotentin
Lata
Socit
cooprative
agricole
Laiterie
cooprative
alsacienne
Alsace Lait
Laiterie de
Saint Malo
Participation ponctuelle
loccasion dun appel
doffres en juin 2011
Yo frais
Laiteries H.
Triballat
(LHT)
39
F.
173. Certaines socits ont sollicit la mise en uvre des dispositions du III de larticle L. 464-2
du code de commerce, dite procdure de non-contestation des griefs.
174. Dans la prsente affaire, huit des entreprises concernes et leurs socits mres ont sign
un procs-verbal de mise en uvre du III de larticle L.464-2 du code de commerce et
dpos des propositions dengagements.
175. Il sagit de Lactalis Nestl Ultra frais MDD (LNUF MDD) et Lactalis Nestl Ultra frais
(LNUF) Lactalis Nestl Produits frais (LNPF), Lactalis Beurres et crmes (LB&C) et
Groupe Lactalis, de Novandie et Andros et Cie, de la Cooprative Agricole Laitire Les
Matres Laitiers du Cotentin , de Lata, de la Socit cooprative agricole Laiterie
cooprative alsacienne Alsace Lait, de Yo frais et dAlliance Agro Alimentaire
Cooprative (3A COOP) et 3A Groupe et de la Laiteries H. Triballat LHT.
176. La rapporteure gnrale a propos daccorder un taux, compris entre 15 et 22 %, de
rduction damende aux entits du groupe Lactalis prcites et un taux de rduction
compris entre 15 % 20 % pour les autres entreprises.
II.
A.
Discussion
SUR LAPPLICATION DES RGLES DE CONCURRENCE DE LUNION
177. Les griefs ont t notifis sur le fondement des articles L. 420-1 du code de commerce et
101 du TFUE.
178. Selon la jurisprudence de lUnion et la Communication de la Commission europenne
portant lignes directrices relatives la notion daffectation du commerce figurant aux
articles 101 et 102 du TFUE, trois lments doivent tre runis pour que des pratiques
soient susceptibles daffecter sensiblement le commerce entre tats membres : lexistence
de commerce entre tats membres portant sur les produits ou les services en cause,
lexistence de pratiques susceptibles daffecter ces changes et le caractre sensible de
cette affectation.
179. Les pratiques examines dans la prsente affaire concernent le secteur de la fabrication et
de la commercialisation des produits laitiers sous MDD et ont t mises en uvre par onze
entreprises parmi lesquelles figurent les principaux acteurs du march dont limplantation
et les activits de commercialisation dpassent le cadre national. Ces pratiques ont pris la
forme de pratiques concertes consistant en un change dinformations concernant les prix
venir, les hausses tarifaires et la stratgie des entreprises ainsi que daccords
anticoncurrentiels portant sur les prix, les volumes et le rsultat dappel doffres nationaux
qui ont t mises en uvre sur lensemble du territoire national. Elles sont donc
susceptibles davoir affect le courant dchanges entre tats membres. Par ailleurs, les
parties en cause remplissent les conditions poses par les lignes directrices prcites
relatives aux critres permettant de prsumer de laffectation sensible du commerce. En
effet, les entreprises concernes regroupent la majeure partie des producteurs de produits
40
laitiers frais marque de distributeur franais, dont les quatre acteurs les plus importants
du secteur, pour des ventes suprieures un milliard deuros.
180. Ainsi, les pratiques en cause doivent tre examines tant au regard des rgles de
concurrence internes que de celles de lUnion, ce que les parties ne contestent pas.
B.
181. titre liminaire, il faut rappeler que lorsque les pratiques en cause sont examines au titre
de la prohibition des ententes, comme cest le cas en lespce, il nest pas ncessaire de
dfinir le march avec prcision ds lors que le secteur a t suffisamment identifi pour
qualifier les pratiques observes et permettre de les imputer aux oprateurs qui les ont
mises en uvre (voir notamment arrt du Tribunal de lUnion europenne
du 12 septembre 2007, William Prym/Commission, T-30/05, Rec. p. II-107, point 86 et
dcision de lAutorit de la concurrence n 13-D-12 du 28 mai 2013 relative des
pratiques mises en uvre dans le secteur de la commercialisation de commodits
chimiques, paragraphes 574 et 575).
1. LE MARCH DE PRODUITS
182. Dans leur pratique dcisionnelle, les autorits de concurrence ont envisag une
segmentation du secteur des produits laitiers frais ou ultra-frais selon plusieurs critres tels
que le type de produit concern, le canal de distribution emprunt et le positionnement
commercial choisi (dcision de la Commission n COMP/M.4344, Lactalis/Nestl/JV (II)
du 19 septembre 2006, dcision de la Commission n COMP/M.5046, Friesland
Foods/Campina du 17 dcembre 2008, dcision de la Commission Cas n COMP/M.6441,
Senoble/Agrial/Senagral/JV du 9 mars 2012).
183. La lgislation franaise opre, quant elle, une distinction entre diffrents types de
produits laitiers frais et rserve les appellations yaourts , fromages frais et crmes
fraches ceux qui correspondent une dfinition spcifique.
184. Ces diffrents types de produits laitiers frais sont galement retenus par la Commission
europenne qui a distingu le march des yaourts ou laits ferments ; le march des
fromages frais (dcision de la Commission n COMP/M.6441, Senoble/Agrial/Senagral/JV
prcite) ; le march de la crme liquide laitire qui comprend la crme frache et la crme
longue conservation (dcision de la Commission n COMP/M.5046, Friesland
Foods/Campina prcite) ; enfin, le march des desserts lacts ultra-frais (dcision de la
Commission n COMP/M.4344, Lactalis / Nestl / JV (II) prcite).
185. Les autorits de concurrence ont, en outre, envisag dans ces diffrentes dcisions une
sous-segmentation des marchs selon que la vente est effectue sous marque de fabricant
ou sous marque de distributeur mais ont finalement laiss ouverte la question dune
segmentation plus fine du march des produits laitiers frais entre MDD et MDF.
186. Les marchs de produits des yaourts, des formages frais, des crmes fraches et des
desserts lacts concerns par les pratiques sont, dans la prsente affaire, limits au segment
de la vente sous MDD.
41
2. LE MARCH GOGRAPHIQUE
187. Quelle que soit la segmentation retenue, les marchs des produits laitiers sont de dimension
nationale en raison des diffrences de prix, des prfrences des consommateurs, de la forte
prsence de marques nationales et du faible volume des importations.
188. Les spcificits des produits MDD confortent la dimension nationale du march. En effet,
la plupart des marques de distributeur sont de dimension nationale. En outre, chaque pays
revt certaines spcificits en matire de ngociations commerciales avec la grande
distribution.
189. Il sen dduit que le march est de dimension nationale.
C.
42
194. Senagral et Senagral Holding, demandeurs de clmence de second rang, ont galement
demand bnficier de la procdure de non-contestation des griefs prvue au III de
larticle L. 464-2 du code de commerce, mais cette demande a t refuse par la
rapporteure gnrale. Celle-ci a en effet estim que les gains procduraux rsultant de la
procdure de non-contestation des griefs demande par Senagral et Senagral Holding
ntaient pas suffisants pour justifier que ces entreprises puissent la cumuler avec la
procdure de clmence.
195. Ce refus a conduit ces entreprises prsenter des observations crites au soutien de leur
demande de mise en uvre du III de larticle L.464-2 du code de commerce sans toutefois
contester formellement leur participation aux pratiques. Nanmoins, sans quil soit besoin
dtablir nouveau le caractre prohib des pratiques qui constituent les griefs qui leur ont
t notifis, il convient de dmontrer leur participation ces pratiques conformment la
jurisprudence rappele ci-dessus.
196. La socit Senagral a, dans le cadre dune procdure de clmence, dnonc des pratiques
dentente auxquelles elle a particip et consistant se concerter entre concurrents sur les
prix actuels, les hausses futures de ces prix, la rpartition des volumes et la stratgie
commerciale respective des socits en cause. Ces pratiques ont t tablies notamment sur
la base de pices ou de tmoignages quelle a elle-mme verss au dossier. La proposition
dexonration partielle de sanction propose dans le cadre de sa demande de clmence a
ainsi pu tre valorise au regard du rle central dun de ses salaris dans lorganisation des
runions et de sa participation permanente aux changes bilatraux, y compris pendant la
priode dite de guerre des prix , pendant laquelle la concertation sest poursuivie
malgr linterruption temporaire des rencontres physiques de lentente, comme Senagral
la reconnu dans ses dpositions.
197. La participation de Senagral aux pratiques est donc tablie.
3. EN CE QUI CONCERNE LA PARTICIPATION DE LAITERIE DE SAINT MALO (LSM) AUX
PRATIQUES
ralit, cot au mme niveau de prix que Lata, voire un niveau infrieur sur une des
rfrences, ce qui nest pas cohrent avec lhypothse dune offre de couverture.
201. Enfin, le contexte de ce march semble plutt avoir t concurrentiel comme lindique la
dclaration de Lata qui dcrit ainsi sa position vis--vis de LSM, titulaire en place de ce
march : Nous avons constat son attaque sur le bio (700 T) ainsi que 2000 tonnes chez
ITM [Intermarch]. Nous avons ragi en attaquant sur lappel doffres Carrefour . Cette
dclaration mentionnant une attaque en prix, nest pas cohrente avec lhypothse
dune offre de couverture de son concurrent.
202. Ces lments ne sont donc pas suffisants pour tablir une pratique doffre de couverture
dans le cadre de la consultation lance par Carrefour en juin 2011 imputable LSM. Cette
dernire doit donc tre mise hors de cause sagissant du second grief.
b) Sagissant de la participation de LSM la pratique dcrite dans le premier grief
Le standard de preuve en matire de runions anticoncurrentielles
203. En ce qui concerne le standard de preuve de la participation dune entreprise une entente
horizontale, il convient de rappeler quune entreprise doit sabstenir rigoureusement de
participer des prises de contact, directes ou indirectes, avec ses concurrents en vue
dchanger sur leurs politiques commerciales et notamment sur le prix des biens ou des
services quelles offrent sur le march. Ce type de runion nappelle quune rponse de la
part des entreprises : refuser dy participer ou, si la bonne foi du participant est surprise, se
distancier sans dlai et publiquement du mcanisme anticoncurrentiel dont la runion est le
support. La participation une seule de ces runions, mme si elle est passive, suffit en
effet conforter le mcanisme de lentente : dune part, elle renseigne sur le comportement
commercial que les autres acteurs ont dcid dadopter sur le march, alors que
lautonomie quexige la concurrence entre entreprises suppose que ces dernires restent
dans lincertitude sur la stratgie de leurs concurrents ; dautre part, elle permet aux
participants plus actifs descompter que labsence dopposition de lentreprise en cause ne
viendra pas perturber le jeu collusif (dcision n 07-D-48 du Conseil du 18 dcembre 2007,
prcite, paragraphe 180, confirme par arrt de la cour dappel de Paris
du 25 fvrier 2009, prcit, p. 9 ; voir galement arrt prcit de la Cour de justice
du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., C-8/08, Rec. p. I-04529, point 60).
Apprciation en ce qui concerne LSM
204. La notification des griefs reproche LSM davoir particip la pratique concerte vise
par le premier grief sur la priode du mois daot 2008 au 9 fvrier 2012.
205. Aprs le premier tour de contradictoire, le rapport a considr quune des pratiques avait
t retenue par erreur et a rectifi cette dure. Il a en consquence propos de retenir la
participation de LSM pour le premier grief sur deux priodes, la premire allant
du 1er aot 2008 au 7 octobre 2008 et la seconde du 19 janvier 2011 au 9 fvrier 2012.
206. La socit LSM et la socit SILL, qui la dtient 100 % et a t mise en cause ce titre,
ont contest ce premier grief.
207. Une fois rectifie lerreur matrielle comme la fait juste titre le rapport, les seuls indices
de concertation qui demeurent pour la premire priode concernent un appel doffres de
lt 2008. Ce sont des indications de prix, dailleurs errones, attribues LSM et figurant
sur le carnet de Yoplait, sans mention crite de leur origine et sans que lauteur des notes
44
ait pu confirmer leur origine. Ces indices sont insuffisants pour tablir la participation de
LSM la pratique concerte en 2008.
208. Ainsi, aucun change dinformation, ni aucune participation une runion nont t tablis
sur la priode allant du 1er aot 2008 au 18 janvier 2011. En revanche, de multiples
preuves de concertation impliquant LSM figurent au dossier sur la priode allant
du 19 janvier 2011 fvrier 2012.
La runion de Rennes du 19 janvier 2011
209. LSM ne conteste pas avoir particip la runion organise Rennes le 19 janvier 2011
mais considre, dune part, que cette runion navait pas dobjet anticoncurrentiel car elle
portait sur des sujets techniques concernant les produits bio et, dautre part, quen toute
hypothse le salari de LSM qui y assistait, tout en reconnaissant y avoir entendu des
informations sensibles, prtend avoir adopt une attitude passive cette occasion.
210. Mais la description de la runion par le reprsentant de LSM, M. H, confirme la teneur
anticoncurrentielle des discussions qui sy sont tenues.
211. Dans le procs-verbal daudition du 14 dcembre 2012 (cote 11364), M. H, reprsentant de
LSM, indique J'ai particip une runion Rennes sur le bio et une Paris, celle dont
nous avons parl plus haut. Rennes c'tait l'initiative d'Eurial et de Senoble sur le
bio .
212. Il nest donc pas contest que la runion en cause tait une simple runion informelle entre
concurrents organise par deux entreprises. Et le caractre anticoncurrentiel des
discussions est tabli par les notes de sance et les dclarations de M. C (Lata) qui, lors de
son audition du 22 novembre 2012, a dclar : Les indications figurant dans le tableau
droite de la mention Gel oui signifient que Senoble a annonc des hausses de 9 % sur
les yaourts, 9 % sur les fromages blancs, 11 % sur la crme, 5 % sur les desserts. La
premire colonne Convent correspond aux hausses de prix pratiques sur les produits
conventionnels c'est--dire non bio et la seconde colonne correspond aux dcisions des
intervenants commercialisant ces produits. Les prix figurant dans les tableaux en bas de la
page sont des prix cibles c'est--dire dcids par les intervenants dont nous ne faisons pas
partie (cotes 11028 11 029, soulignement ajout).
213. Le caractre anticoncurrentiel de ces discussions nest dailleurs pas formellement contest
par le reprsentant de LSM, qui indique au contraire : Ils ont essay de me faire rentrer
dans le systme mais je n'y suis jamais all. J'ai cout beaucoup de choses au cours de
ces runions, mais je n'ai jamais exploit les choses au sens o je ne me suis jamais
entendu avec ces gens l (cote 11364).
214. Mais cet argument est sans pertinence ds lors que cest la teneur des propos et non
lattitude personnelle dun participant une runion qui permet de dterminer le caractre
anticoncurrentiel ou non des changes entre entreprises concurrentes.
215. Il est donc tabli que la runion du 19 janvier 2011, loin de porter uniquement sur des
questions techniques relatives au march du bio, a permis dvoquer des hausses de prix.
Des prix cibles ont t annoncs par des concurrents sur les produits conventionnels et le
reprsentant de LSM tait parfaitement conscient du caractre anticoncurrentiel de ces
changes, auquel il dit ne pas avoir adhr mais dont il ne sest pas publiquement distanci
comme cela est dmontr ci-aprs.
45
Rcapitulatif des principaux appels tlphoniques mis par les salaris des entreprises participant aux
pratiques vers le tlphone portable professionnel de M. H (LSM)
Priode considre
Nombre dappels
Nombre de SMS
Even / Lata M. C
18
Lactalis M. B
16
Novandie M. A
M. Y (Portable officiel)
22
M. Y (Portable secret)
124
Senoble
Rcapitulatif des principaux appels tlphoniques passs par M. H entre mai et dcembre 2011
Socit
Nom du salari
Nombre dappels
Nombres de SMS
Even/Lata
M. C
41
13
Lactalis
M. B
Novandie
M. A
Yoplait
M. X
Senoble
M. Y
105
25
224. Selon LSM, les conversations tlphoniques auraient port sur des informations non
confidentielles concernant les relations commerciales prennes existant entre LSM et
certains de ses concurrents ou auraient concern des menaces de concurrents
lencontre de LSM concernant son entre et son dveloppement sur certains marchs .
225. Toutefois, ces justifications ne sauraient expliquer les contacts en nombre changs entre
LSM et Senoble : 230 appels et 25 SMS en moins dun an. Dune part, ceux-ci ne peuvent
rsulter des relations commerciales existant entre LSM et Senoble puisquaucune
preuve de telles relations sur la priode concerne na t apporte par LSM. Dautre part,
lhypothse dappels de menace doit elle aussi tre carte puisque M. H na pas seulement
reu des appels du reprsentant de Senagral, mais a aussi appel M. Y plus de 100
reprises sur la priode concerne et lui a envoy 25 SMS.
226. Lhypothse de conversations sur des sujets extra-professionnels nest pas plus
crdible, ds lors que M. H la lui-mme dmentie lors de son audition en indiquant que
M. Y (Senagral) au-del du fait quil est coordinateur des pratiques, est quelquun de
cordial. Je lappelais pour avoir des infos et cela nallait pas au-del . Cette explication
confirme au contraire le caractre professionnel des changes tlphoniques.
227. Il faut cet gard relever les contradictions de LSM qui prtend ignorer lexistence dune
concertation gnrale alors que son salari a dclar lors de son audition pendant lenqute,
avant mme la notification des griefs et laccs au dossier, que M. Y (Senagral) est le
coordinateur des pratiques .
47
237. La question de la hausse chez Leclerc qui proccupe Senagral dj voque lors du
djeuner multilatral de LSM avec les principaux acteurs du secteur, puisque dans le
compte-rendu qui en a t fait en interne, le 13 octobre 2011, LSM a prcisment relev :
Sur la MDD volont de revalorisation de 5 6 % en priorit chez Leclerc (cote 3501).
238. Cette proposition de rencontre avec LSM a t mise en uvre sans tarder puisque lagenda
lectronique de M. Y indique pour le lundi 12 dcembre 2011 M. H porte Maillot
(cote 1617).
239. Senagral a confirm lexistence de cette rencontre et en a prcis les circonstances : un
rendez-vous entre Monsieur H (Malo) et Monsieur M. Y a eu lieu le 12 dcembre 2011,
Porte Maillot Paris (Annexe 31). Alors que les problmes survenus avec Even
mentionns ci-dessus avaient t solutionns, Malo a attaqu sur des marchs de yaourts
bio chez Leclerc 2000 tonnes Lactalis et Senoble. Monsieur Y a donc rencontr Monsieur
H pour lui demander des explications. Suite a ce rendez-vous Monsieur Y a appel
Monsieur H pendant 16 min le 16 dcembre 2011. (cote 41 12/0009AC).
240. Lors de son audition, M. H a reconnu avoir rencontr M. Y lors dun djeuner organis
Porte Maillot le 12 dcembre 2011 et dclar : Oui ctait un truc informel, il ma invit
au Mridien Porte Maillot, nous avons pass une heure ensemble. ce moment il savait
que javais pris le dossier bio Leclerc. Il cherchait me convaincre de me retirer du
dossier. Il ma dit Tu as pris 2200 tonnes cela narrange personne . Jai refus bien
entendu. Nous avons ensuite parl de la pluie et du beau temps (cote 11366).
241. Ces dclarations et le contenu de cette rencontre confirment plus encore que, conscient du
rle actif jou par M. Y dans la coordination des pratiques , pour reprendre ses propres
termes, M. H nhsitait pas le rencontrer dans des htels pour discuter des sujets
concernant les relations avec la grande distribution et ses concurrents.
Conclusion sur la priode du 19 janvier 2011 au 9 fvrier 2012
242. La Cour de cassation a jug quune pratique anticoncurrentielle continue est tablie
lorsque l'tat dlictuel se prolonge dans le temps par la ritration constante ou par la
persistance de la volont anticoncurrentielle aprs l'acte initial sans qu'un acte matriel
ait ncessairement la renouveler dans le temps (Cour de cass., chambre commerciale,
15 mars 2011, n 09-017055).
243. La persistance de la volont anticoncurrentielle est tablie par le fait de ne pas se
dmarquer dune entente aprs une seule runion et notamment par le fait de sengager
dans dautres pratiques qui montrent que les entreprises ont continu se concerter soit
en provoquant d'autres runions, soit en prenant des contacts et changeant des
informations (Dcision du Conseil de la concurrence n 07-D-15 du 9 mai 2007 relative
des pratiques mises en uvre dans les marchs publics relatifs aux lyces d'Ile-de-France,
point 183).
244. Les faits de lespce tablissent clairement cette persistance sagissant de la seconde
priode de commission des pratiques retenues lencontre de LSM, soit du 19 janvier 2011
au 9 fvrier 2012.
245. La runion de Rennes du 19 janvier 2011 constitue, du fait de sa prsence et des changes
auxquels elle assiste, ladhsion de principe de LSM la pratique, adhsion confirme par
la participation au djeuner secret en banlieue parisienne de lt 2011, puis par les
changes de SMS de juillet 2011 entre LSM, Even et Senoble voquant un rattrapage ou un
rcupration de volumes dans le cadre dappels doffres de la grande distribution, et enfin
par le rendez-vous au Mridien de la Porte Maillot de dcembre 2011 qui, selon son
49
organisateur, Senoble, tait justifi par les mmes questions, sans compter les centaines de
contacts tlphoniques qui ont accompagn ces contacts physiques, confirmant ladhsion
de LSM laccord de volont anticoncurrentiel tout au long de la priode concerne.
246. Du 19 janvier 2011 au 9 fvrier 2012, date des oprations de visite et saisie, Laiterie de
Saint Malo (LSM) a donc renouvel de faon constante et persistante son adhsion aux
comportements anticoncurrentiels. Sa participation aux pratiques concertes vises par le
premier grief sur cette priode est pleinement tablie.
D.
SUR LIMPUTABILIT
50
Si cette personne morale a chang de dnomination sociale ou de forme juridique, elle nen
continue pas moins rpondre de linfraction commise.
251. En revanche, lorsque la personne morale responsable de lexploitation de lentreprise qui a
commis les pratiques a cess dexister juridiquement, ces pratiques doivent tre imputes
la personne morale laquelle lentreprise a juridiquement t transmise, cest--dire celle
qui a reu les droits et obligations de la personne auteur de linfraction, et, dfaut dune
telle transmission, celle qui assure en fait sa continuit conomique et fonctionnelle
(arrts BNP Paribas e.a., prcit, et de la cour dappel de Paris du 14 janvier 2009, Eurelec
Midi Pyrnes e.a., n 2008/01095, p. 5).
2. APPRCIATION AU CAS DESPCE
a) Sagissant de Yoplait
252. Les griefs ont t notifis aux socits Yoplait France et Yoplait SAS. Yoplait SAS dtient
100 % du capital de Yoplait France. Le capital de Yoplait SAS est quant lui dtenu
49 % par la Socit Sodiaal et 51 % par la socit General Mills Inc.
253. Au vu de ces lments, il convient de retenir la responsabilit de Yoplait France en tant
quauteure des pratiques et celle de Yoplait SAS, dtentrice de Yoplait France 100 %, en
raison de sa qualit de socit-mre ayant exerc une influence dterminante sur le
comportement de sa filiale pendant la priode de commission des pratiques, ce qui nest
pas contest par les intresses.
b) Sagissant de Senagral
254. Les griefs ont t notifis aux socits Senagral et Senagral Holding qui nont t cres
quen mars 2012 postrieurement aux faits en cause dans la prsente affaire.
255. La socit Senoble France a pris entre 2006 et 2012, avant la cration de Senagral, une part
active aux pratiques vises par les griefs. Mais en dcembre 2011, elle a dpos au greffe
du tribunal de commerce une demande de changement de nom pour prendre la nouvelle la
dnomination Senagral en gardant le mme numro de RCS. Senagral et Senoble
France dsignent donc, au sens du droit de la concurrence, la mme entreprise auteure des
pratiques commises entre 2006 et 2012, nonobstant son changement de nom.
256. Par ailleurs, la Commission europenne a autoris, le 20 fvrier 2012 (dcision de la
Commission Cas n COMP/M.6441, Senoble/Agrial/Senagral/JV) la cration de la socit
Senagral Holding, codtenue part gale par Senoble et par la cooprative Agrial travers
sa filiale Fila, devenue effective le 16 mars 2012. Dans le mme temps, le capital de la
socit Senagral a t apport Senagral Holding qui la dtient donc 100 %.
257. Au vu de ces lments, il convient de retenir la responsabilit de Senagral en tant
quauteure des faits sous le nom de Senoble et celle de Senagral Holding, dtentrice
100 % du capital de Senagral en raison de sa qualit de socit-mre ayant exerc une
influence dterminante sur le comportement de sa filiale pendant la priode de commission
des pratiques, ce qui nest pas contest par les intresses.
51
c) Sagissant de Lactalis
258. Les griefs ont t notifis aux socits Lactalis Nestl Ultra-Frais MDD (LNUF MDD),
Lactalis Nestl Ultra-Frais (LNUF), Lactalis Nestl Produits Frais (LNPF), Lactalis
Beurres & Crmes et Groupe Lactalis, qui ne les contestent pas.
259. En 2006, Lactalis et Nestl ont cr LNPF, filiale commune dont elles dtiennent
respectivement 60 % et 40 % du capital. Au sein du groupe Lactalis, LNPF est la structure
en charge des produits frais. Elle dtient 100 % du capital de la socit LNUF qui ellemme dtient 99,99 % de la filiale LNUF MDD, spcialise sur le segment des produits
marque de distributeur. En outre, la structure du groupe Lactalis comporte une entit
spcialise dans la production des corps gras, tels que les crmes fraches et UHT. Cette
entit, Lactalis Beurre & Crmes ( Lactalis B&C ), est dtenue 99,99 % par la socit
Groupe Lactalis.
260. Au vu de ces lments, il y a lieu de retenir la responsabilit de LNUF MDD en tant
quauteure des pratiques et de LNUF et LNPF, en raison de leur qualit de socit-mre
ayant exerc une influence dterminante sur le comportement de leur filiale pendant la
priode de commission des pratiques. De mme, il convient de retenir la responsabilit de
Lactalis B&C en tant quauteure des pratiques et de la socit Groupe Lactalis, en raison
de sa qualit de socit-mre ayant exerc une influence dterminante sur le comportement
de sa filiale pendant la priode de commission des pratiques, ce qui nest pas contest par
les intresses.
d) Sagissant de Novandie
261. Les griefs ont t notifis aux socits Novandie et Andros et Cie, qui ne les contestent
pas. La socit Novandie, spcialise dans la production de produits laitiers frais,
appartient la socit Andros et Cie SAS qui dtient 99,99 % de son capital.
262. Au vu de ces lments, il convient de retenir la responsabilit de Novandie, en tant
quauteure des faits, et dAndros et Cie, dtentrice du capital de Novandie 99,99 %, en
raison de sa qualit de socit-mre ayant exerc une influence dterminante sur le
comportement de sa filiale pendant la priode de commission des pratiques, ce qui nest
pas contest par les intresses.
e) Sagissant de MLC
263. Les griefs ont t notifis la socit Les Matres Laitiers du Cotentin ( MLC ), qui
ne les conteste pas. Il convient de retenir la responsabilit de MLC en tant quauteure des
pratiques, ce qui nest pas davantage contest par cette entreprise.
f) Sagissant de Alsace Lait
264. Les griefs ont t notifis la socit cooprative agricole Laiterie cooprative
alsacienne Alsace Lait ( Alsace Lait ) qui ne les conteste pas. Il convient de retenir la
responsabilit dAlsace Lait en tant quauteure des pratiques, ce qui nest pas davantage
contest par cette entreprise.
52
g) Sagissant de Lata
265. Les griefs ont t notifis la socit la socit Lata qui ne les conteste pas. Il convient
de retenir la responsabilit de Lata en tant quauteure des pratiques, ce qui nest pas
davantage contest par cette entreprise.
h) Sagissant de Yo Frais
266. Les griefs ont t notifis aux socits Yo frais, Alliance Agro Alimentaire Cooprative
( 3A Coop ) et 3A Groupe, qui ne les contestent pas.
267. Jusquen 2014, Yo frais tait une filiale 100 % de 3A Groupe, elle-mme dtenue
100 % par 3A Coop (Cote 30565). La prise de contrle exclusif de 3A Coop par la
cooprative Sodiaal a t accepte par dcision de lAutorit de la concurrence
du 15 novembre 2013 (Dcision n 13-DCC-162). Puis 3A Coop a t radie du RCS
le 18 fvrier 2014 et ses activits ont t reprises par la socit Sodiaal Union venue
volontairement aux droits de 3A Coop comme cela ressort du procs-verbal de noncontestation des griefs sign le 11 avril 2014 (cote 44329).
268. Au vu de ces lments, il y a lieu de retenir la responsabilit de Yo Frais en tant
quauteure des pratiques et de Sodiaal, dtentrice de 100 % du capital de Yo frais et
venant aux droits de 3A Coop aprs sa radiation, en raison de sa qualit de socit-mre
ayant exerc une influence dterminante sur le comportement de sa filiale pendant la
priode de commission des pratiques, ce qui nest pas contest par les intresses.
i) Sagissant de Laiterie H Triballat
269. Les griefs ont t notifis la socit la socit Laiterie H Triballat ( LHT ) qui ne les
conteste pas. Il convient de retenir la responsabilit de LHT en tant quauteure des faits, ce
qui nest pas davantage contest par cette entreprise.
j) Sagissant de LSM
270. Les griefs ont t notifis la socit Laiterie de Saint Malo et la Socit Industrielle
Laitire du Lon qui ont dpos des observations pour contester leur participation aux
pratiques. La participation de LSM aux pratiques vises par le premier grief a t tablie
mais a t carte pour le second grief.
271. Jusquen 2008, LSM tait dtenue par la famille fondatrice Gizard et par la Laiterie
nouvelle de lArguenon, filiale de Coopagri et Terrena. En 2008, elle a t rachete par le
groupe SILL (Socits industrielle Laitires du Lon) qui la dtient 100 %.
272. Au vu de ce qui prcde, il convient de retenir la responsabilit de LSM en tant quauteure
des pratiques vises par le premier grief et de la Socit SILL, dtentrice 100 % de LSM,
en raison de sa qualit de socit-mre ayant exerc une influence dterminante sur le
comportement de sa filiale pendant la priode de commission des pratiques, ce qui nest
pas contest par les intresses.
53
E.
273. Le troisime alina du I de larticle L. 464-2 du code de commerce prvoit que les
sanctions pcuniaires sont proportionnes la gravit des faits reprochs, limportance
du dommage caus lconomie, la situation individuelle de lorganisme ou de
lentreprise sanctionne ou du groupe auquel lentreprise appartient et lventuelle
ritration de pratiques prohibes .
274. Par ailleurs, lAutorit apprcie les critres lgaux noncs ci-dessus selon les modalits
dcrites dans son communiqu du 16 mai 2011 relatif la mthode de dtermination des
sanctions pcuniaires.
275. Lorsque plusieurs griefs ont t notifis, lAutorit peut imposer chaque entreprise mise
en cause plusieurs sanctions correspondant plusieurs infractions (arrt de la Cour de
cassation du 29 juin 2007, socit Bouygues Tlcom), en dterminant chacune delles en
fonction des critres prvus par le code de commerce (voir, en ce sens larrt de la Cour de
cassation du 12 juillet 2011, Lafarge).
276. Mais lAutorit peut aussi dcider, pour chaque entreprise mise en cause, une sanction
unique correspondant plusieurs infractions (voir, en ce sens, les arrts de la Cour de
cassation du 22 novembre 2005, socit Dexxon Data Media, et de la cour dappel de Paris
du 28 janvier 2009, EPSE Jou Club). cette fin, elle peut ne prendre en considration,
comme assiette, quune seule et mme valeur des ventes, en relation avec lensemble des
pratiques en cause.
277. En lespce, les deux griefs notifis concernent les mmes entreprises et visent des
pratiques mises en uvre sur le mme march, savoir le march des produits laitiers frais
sous MDD, et sur la mme priode. En effet, les entreprises mises en cause ont particip
aux concertations vises par le premier grief du 6 dcembre 2006 au 9 fvrier 2012,
priode continue qui englobe celles durant lesquelles les ententes vises par le second grief
ont t mises en uvre.
278. Cette identit des priodes, des marchs et de lobjet gnral poursuivi par les diffrentes
ententes empche de distinguer les effets potentiels ou rels produits sur le march par
lune et lautre de ces infractions et dapprcier sparment le dommage caus
lconomie par chacun des griefs.
279. Partant, lAutorit dterminera une seule sanction au titre des deux griefs pour chacune des
entreprises mises en cause, en tenant compte de la participation de celle-ci aux diffrentes
pratiques. cette fin, seront successivement examines : la valeur des ventes, la gravit
des pratiques, limportance du dommage caus lconomie et la situation individuelle des
mis en cause.
F.
280. Selon une pratique dcisionnelle constante, il convient de retenir, comme assiette de la
sanction, la valeur des ventes de lensemble des catgories de produits ou de services en
relation avec les infractions commises par chacune des entreprises en cause durant le
dernier exercice comptable complet de participation ces infractions. Ce paramtre
54
Senagral
Novandie
Lactalis B&C
18 547 404
MLC
85 300 766
Yeo Frais
49 708 000
Lata
30 280 793
Alsace Lait
42 721 480
LSM
8 597 586
Valeur des ventes affectes en 2007
LHT
24 669 019
55
entreprise denvergure sur le march des produits laitiers frais sous MDF pouvoir entrer
efficacement sur le march des produits sous MDD. Or, cette entre ne correspond pas
son positionnement stratgique actuel. La contestabilit de la position des industriels
prsents sur le march des produits laitiers frais sous MDD est donc faible court terme.
Llasticit-prix de la demande
300. La Commission europenne a relev dans le cadre de lexamen de lopration
concentration entre Campina et Friesland Foods que la demande agrge de produits
laitiers est communment considre comme inlastique en termes de prix. La raison en
est, partiellement, que les produits laitiers sont destins la consommation humaine et
quils nont pas de nombreux substituts () . (Voir dcision COMP/M.5046 (Friesland
Foods/Campina, 17 dcembre 2008, p.477 478).
301. Ce constat est galement valable sagissant des produits laitiers frais sous marque de
distributeur. En effet, la sensibilit des consommateurs aux prix des produits laitiers frais
vendus sous MDD apparat relativement faible. En cas de hausse des prix des produits
vendus sous MDD, les consommateurs ne peuvent gnralement pas se reporter sur des
articles moins chers, car les produits MDD constituent lessentiel du segment dentre de
gamme. Les consommateurs qui les achtent rgulirement pour des raisons de prix sont
donc relativement captifs de ces produits bon march et peu susceptibles de se reporter sur
des produits positionns plus haut en gamme.
302. Il faut nanmoins rappeler que les hausses de prix sur le march de gros sont dabord
supportes par les distributeurs, qui peuvent dcider de les rpercuter en tout ou partie sur
les prix de dtails qui affectent directement les consommateurs.
303. MLC prsente par ailleurs une analyse cense dmontrer que la demande de produits
laitiers en MDD est fortement lastique. Selon ltude conomique de MLC (page 28),
lanalyse conomtrique propose explique les variations du volume de chaque produit par
le prix de ces produits. Mais une telle analyse dsagrge conclut ncessairement des
niveaux dlasticit levs : en effet, en raction la hausse de prix dun produit de MDD,
de nombreux consommateurs se reportent sur dautres produits de MDD. Or, au cas
despce, le dommage rsulte de pratiques qui ont concern tous les produits laitiers frais
commercialiss sous MDD. Lanalyse pertinente pour lvaluation du dommage
lconomie aurait donc d reposer sur une analyse des variations de la demande pour
lensemble des produits laitiers lorsque les prix de lensemble de ces produits augmentent.
La dcision prcite COMP/M.5046 [Friesland Foods/Campina, 17 dcembre 2008, p.477
478] relevait ainsi 8. La demande agrge de produits laitiers est communment
considre comme inlastique en termes de prix. La raison en est, partiellement, que les
produits laitiers sont destins la consommation humaine et quils nont pas de nombreux
substituts (), puis : 10. Si la demande de produits laitiers est relativement inlastique
au niveau agrg, ce nest pas vrai au niveau du produit parce que les produits laitiers
peuvent se concurrencer entre eux .
304. Les parties nont donc pas apport dlments convaincants de nature remettre en cause
la faible llasticit-prix de la demande des produits laitiers frais en gnral, et des produits
laitiers frais vendus sous MDD en particulier.
Le contre- pouvoir des distributeurs
305. Le secteur des produits laitiers frais est caractris par une forte dpendance des fabricants
vis--vis des grandes et moyennes surfaces qui reprsentent 92 % de leurs dbouchs.
Cette dpendance est encore plus forte pour les produits sous MDD, puisque les fabricants
sont, en fait, des sous-traitants choisis par appels doffres. Les fabricants ne sont donc pas
58
identifiables par le consommateur final et ne peuvent se diffrencier les uns des autres pour
fidliser leur clientle.
306. En outre, la segmentation des approvisionnements, la dure variable des contrats, les
relations commerciales non formalises par des documents crits sont autant de pratiques
qui accroissent le pouvoir de ngociation des distributeurs au dtriment des fabricants.
307. Enfin, les fabricants de produits laitiers sont intgrs dans la filire laitire, qui connat,
depuis la crise du lait survenue entre 2007 et 2009, une forte volatilit des prix de la
matire premire. La rpercussion de ces variations de prix sur les distributeurs est toujours
difficile, ce qui accentue encore la fragilit des industriels, notamment lorsquils sont
adosss des groupements de producteurs auxquels ils ont consenti des garanties dachat
de la matire premire.
308. Cette circonstance particulire, qui est de nature attnuer le dommage caus lconomie
par les pratiques en cause, sera prise en compte dans la fixation de la sanction.
Sur les consquences conjoncturelles et structurelles des pratiques
Apprciation gnrale des tudes verses au dossier
309. Les socits Lata, LNUF MDD, Matres Laitiers du Cotentin, Novandie, Laiterie de Saint
Malo et Senagral ont chacune soumis une tude conomique visant quantifier une partie
du dommage lconomie grce une analyse conomtrique du surprix caus par les
pratiques. Leurs rsultats remettent en cause lexistence dun effet des pratiques sur les
prix. Seule ltude produite par la socit Novandie met en vidence un effet positif et
significatif des pratiques sur les prix du yaourt MDD, limit la premire phase de
lentente (soit de dcembre 2006 septembre 2009, c'est--dire avant lpisode qualifi par
les parties de guerre des prix de septembre 2009 juin 2010) et compris entre 3,7 % et
4,7 %.
310. Mais les donnes de prix analyses par certaines des tudes conomiques ne sont pas
pertinentes pour apprcier le dommage caus. En particulier, les socits Senagral, LSM et
Lata analysent leurs propres prix de vente sans rfrence aux prix pratiqus par leurs
concurrents mis en cause ou sur lensemble du march affect. Or, le dommage caus
lconomie par une pratique anticoncurrentielle sapprcie de faon globale. De plus,
parmi ces trois entreprises, seule la socit Senagral dveloppe une analyse portant sur la
totalit de la priode des pratiques. Or, les prix de la socit Senagral ne peuvent tre
considrs comme reprsentatifs des prix pratiqus sur lensemble du march puisque cette
entreprise nen reprsente que 30 %. Les arguments prsents sur la base de ces donnes
individuelles doivent donc tre carts.
311. Par ailleurs, lanalyse du dommage lconomie sur la seule base des prix de dtail, telle
que propose par Novandie et LNUF MDD, ne permet pas non plus didentifier le surprix
caus par les pratiques dnonces, lesquelles ont port sur les prix ngocis par les
fabricants avec les distributeurs. Comme cela a t rappel plus haut, les comportements
des distributeurs peuvent influencer le surprix mesur au stade du dtail, soit la hausse
(par exemple, si les distributeurs accroissent leurs marges de dtail pendant les pratiques),
soit la baisse (sils diminuent leurs marges de dtail pendant les pratiques). Comme le
souligne ltude conomique soumise par Novandie (p.26), ltude des prix de vente aux
consommateurs ne peut donc reflter que de manire trs imparfaite limpact des
pratiques [] . De plus, ltude conomtrique soumise par la socit LNUF MDD ne
couvre que la priode allant doctobre 2010 avril 2014. Les analyses prsentes par les
socits Novandie et LNUF MDD ne peuvent donc tre utilement retenues pour tenter de
59
INSEE - Indice de prix de production de lindustrie franaise pour le march franais Prix de march
CPF 10.51 Yaourts et laits ferments MDD
dlibr, produites aprs la sance tenue par lAutorit de la concurrence, Alsace Lait,
MLC et LHT rappellent par exemple quelles ne produisent pas de yaourts vendus sous
MDD. Les segments de march se diffrencient donc galement en fonction de lidentit
des acteurs prsents et de leur nombre. Les conditions dexercice de la concurrence, et par
consquent limpact des pratiques, peuvent donc nouveau tre diffrents selon les
segments de march tudis.
315. La reprsentativit dune analyse du surprix caus par les pratiques reposant sur les indices
INSEE de prix la production des yaourts et laits ferments MDD au regard de lensemble
du march des produits laitiers frais vendus sous MDD est donc incertaine. Une telle
analyse demeure nanmoins informative des prix pratiqus par les mises en cause sur ce
segment de march, lequel reprsente une part significative du march affect.
Sur les
61
tudi soit suffisamment proche de celui des yaourts et laits ferments vendus sous
MDD .
320. cet gard, si les prix pratiqus sur le segment des yaourts et laits ferments de marque
nationale comme base de comparaison peuvent constituer une rfrence pertinente, la fin
de lentente, en entrainant une chute des prix des yaourts sous MDD, a pu contraindre les
prix des yaourts sous marque de fabricant une diminution similaire, avec pour
consquence de minorer le surprix mesur. En outre, des comportements tarifaires
spcifiques au secteur des marques de fabricants, comme les rductions de prix du groupe
Danone ou la prise en compte par ces industriels de la rforme des marges arrire, ont
galement pu entraner des diminutions de prix qui lui sont spcifiques.
Sur la mthode destimation
utilise
321. ces incertitudes relatives aux priodes et marchs de rfrence susceptibles dtre
employs dans les estimations conomtriques sajoute galement une rserve importante
quant la mthode destimation utilise. Celle-ci suppose en effet que les cots des
intrants, et plus particulirement le prix dachat du lait, affectent le prix des produits
laitiers frais de la mme manire pendant lentente et pendant les priodes de contrle. Or,
cette entente visait justement faciliter la rpercussion des hausses de prix du lait, comme
lillustre le graphique prcdent prsentant lvolution du prix du lait la production et
lvolution du prix industriel des yaourts et laits ferments sous MDD (voir paragraphe
313) et qui montre que durant la priode de guerre des prix ou aprs les oprations de visite
et saisie, les industriels nont pas t en mesure de rpercuter les hausses de prix du lait
dans le prix des yaourts. Ltude conomique soumise par la socit Lata souligne
galement que la rpercussion des fluctuations des prix du lait dans les fluctuations des
prix industriels est () beaucoup plus importante avant mars 2012, priode des pratiques
quaprs (p.22). C'est donc uniquement lorsque les entreprises parviennent se
coordonner que le prix du yaourt suit les volutions la hausse du prix du lait. linverse,
les tudes conomtriques qui estiment la relation entre le prix du lait et le prix du yaourt
sur l'ensemble des mois et annes disponibles, y compris ceux affects par l'entente,
supposent que les entreprises sont en mesure de rpercuter le prix du lait sur leur prix de
vente des yaourts de la mme manire pendant la priode des pratiques et en dehors de
celle-ci, ce qui peut donc avoir pour consquence de sous-estimer le surprix caus par
lentente.
Conclusion
322. En rponse aux tudes conomiques soumises par les parties, pour la premire phase de
lentente, allant de dcembre 2006 aot 2009, la prise en compte de la priode de guerre
des prix et/ou de la priode postrieure aux pratiques dans la priode de rfrence et
lexclusion de la priode antrieure aux pratiques conduisent, selon les estimations des
services dinstruction, un surprix compris entre 6 et 10 % selon la mthode utilise. Les
parties ont fait valoir dans des notes en dlibr que la priode antrieure aux pratiques
devait tre incluse dans les estimations (sans pour autant la considrer comme une priode
de rfrence concurrentielle), avec pour effet, selon elles, de rduire le surprix estim caus
par les pratiques. Dautres modifications de nature diminuer le montant de surprix ont
galement t proposes par les parties (modification des variables explicatives utilises
dans le modle ou modification des dures dinertie). Quelles que soient les divergences
sur la mthode, les notes en dlibr produites par les parties confortent lapprciation
selon laquelle les pratiques mises en uvre entre dcembre 2006 et aot 2009 ont
effectivement engendr un surprix : en effet, toutes les modifications des estimations
62
introduites par les parties dans les notes en dlibr concluent lexistence dun surprix
significatif pendant la premire phase de lentente ds lors que, pour les raisons
mentionnes prcdemment (paragraphe 316), la priode de contrle ne couvre pas la
priode antrieure aux pratiques notifies.
323. En revanche, postrieurement cette date, aucune des estimations ralises nidentifie de
surprix significatif. En effet, si lpisode qualifi de guerre des prix sest termin en
juin 2010, cest uniquement lors dune runion de janvier 2011 que les souhaits de hausse
de prix ont t mis par les industriels (NG cote 41 819). Par ailleurs, ces hausses de prix
nont pu tre immdiatement mises en uvre par les industriels. Comme lindique la figure
supra prsentant lvolution du prix des yaourts MDD, le niveau moyen des prix pendant
la deuxime phase des pratiques, bien que croissant, est, en moyenne, modr, notamment
par rapport aux prix observs postrieurement aux oprations de visite et saisie. Pour
autant, du fait du biais de spcification mentionn prcdemment et des autres limites des
estimations prsentes au dossier, il ne peut tre affirm avec certitude que la mme hausse
de prix aurait pu tre mise en uvre en labsence des pratiques.
Conclusion sur le dommage lconomie
324. Lensemble des lments dcrits plus haut confirme que les pratiques ont caus de manire
certaine un dommage lconomique sur la priode 2006-2012, dont lexistence nest pas
utilement contredite par les entreprises en cause.
c) Conclusion sur la proportion de la valeur des ventes prendre en compte
325. Compte tenu de lapprciation, faite ci-dessus, relative la gravit des faits et de
limportance du dommage caus lconomie, il y a lieu de retenir, pour dterminer le
montant de base de la sanction inflige aux entreprises en cause, au titre des deux griefs
pris ensemble, une proportion de 16 % de la valeur de leurs ventes de produits laitiers frais
sous MDD. Ce taux unique couvre les deux griefs.
3. LA PRISE EN COMPTE DE LA DURE
326. Dans le cas dinfractions qui se sont prolonges plus dune anne, lAutorit sest engage
prendre en compte leur dure selon les modalits pratiques suivantes : la proportion
retenue, pour donner une traduction chiffre la gravit des faits et limportance du
dommage caus lconomie, est applique une fois, au titre de la premire anne
complte de mise en uvre du comportement en cause, la valeur des ventes de rfrence,
puis la moiti de cette valeur, au titre de chacune des annes compltes de mise en uvre
suivantes. Au-del de cette dernire anne complte, la priode restante est prise en compte
au mois prs, dans la mesure o les lments du dossier le permettent.
327. Cette mthode se traduit par un coefficient multiplicateur, dfini proportionnellement la
dure individuelle de participation de chacune des entreprises aux pratiques et appliqu la
proportion de la valeur des ventes effectues par chacune dentre elles pendant lexercice
comptable retenu comme rfrence.
328. Afin de garantir lindividualisation et la proportionnalit des sanctions en lespce,
lAutorit dtermine la dure de participation aux infractions de chacune des entreprises
concernes.
63
329. En lespce, la dure de participation au premier grief englobe les pisodes discontinus
durant lesquels les trois infractions successives (voir paragraphe 172) qui forment le
second grief ont t commises.
330. Dans la situation particulire de lespce o lAutorit choisit de prononcer une sanction
unique pour deux griefs distincts, dont le premier absorbe entirement dans le temps le
second, il parat quitable de retenir un coefficient multiplicateur tenant compte de la dure
du seul premier grief plutt que de cumuler les dures des deux griefs. Le coefficient
multiplicateur reflte ce choix, favorable aux entreprises, que celles-ci aient particip la
totalit des pratiques dcrites (Yoplait, Senagral, LNUF MDD, Novandie, MLC, Lata),
la quasi-totalit de celles-ci (Alsace Lait, Yeo) ou quelles y aient pris part pour une dure
plus courte, qui englobe galement celle constate leur encontre en ce qui concerne le
second grief (LHT, Lactalis B&C). Il y a donc lieu de retenir les coefficients
multiplicateurs suivants :
Entreprises
Dure de
participation aux
pratiques
Coefficient
multiplicateur
Yoplait
5 ans et 2 mois
3.08
Senagral
5 ans et 2 mois
3.08
LNUF MDD
5 ans et 2 mois
3.08
Novandie
5 ans et 2 mois
3.08
MLC
5 ans et 2 mois
3.08
Lata
5 ans et 2 mois
3.08
LHT
8 mois
0.66
Lactalis
B&C
3 ans et 4 mois
2.16
Alsace Lait
5 ans
3.0
Yeo Frais
5 ans
3.0
Montant de base
intermdiaire (en euros)
55 038 824
155 849 750
118 200 911
82 201 820
6 409 983
42 036 217
14 922 375
20 506 310
23 859 840
2 605 048
Yoplait
Snagral
Novandie
LNUF MDD
Lactalis B&C
MLC
Lata
Alsace Lait
Yeo Frais
LHT
64
Yoplait
35 700 000
Senagral
Novandie
76 800 000
LNUF MDD
53 400 000
MLC
27 300 000
Lata
9 600 000
Alsace Lait
13 300 000
Socits du groupe 2
Lactalis B&C
3 800 000
Yeo Frais
14 300 000
Socits du groupe 3
LHT
1 600 000
336. La socit LSM, qui nest concerne que pour une anne de participation au titre du seul
premier grief est dans une situation particulire. Il ne serait pas quitable de lui appliquer le
mme mode de calcul que celui retenu pour les entreprises ayant particip aux deux griefs.
337. Pour tenir compte la fois du poids marginal de cet oprateur sur le march des produits
laitiers frais vendus sous MDD et de la circonstance trs spcifique rappel au paragraphe
prcdent, il y a lieu dinfliger solidairement la socit Laiterie de Saint Malo, au titre de
sa participation aux pratiques, et la Socit Industrielle laitire du Lon LSM qui la
dtient 100 %, au titre de linfluence dterminante sur sa filiale avec qui elle constitue
une unit conomique, une sanction pcuniaire qui sera limite 300 000 .
65
338. Eu gard la gravit des faits, limportance du dommage caus lconomie par les
pratiques en cause autre que LSM dont la sanction a t fixe au paragraphe 337 et la
prise en compte des dures de participation effectives des diffrents mis en cause, les
montants de base de la sanction pcuniaire sont les suivants :
G.
Socits
Yoplait
35 700 000
Senagral
Novandie
76 800 000
LNUF MDD
53 400 000
Lactalis B&C
3 800 000
MLC
27 300 000
Yeo Frais
14 300 000
Alsace Lait
13 300 000
Lata
9 600 000
LHT
1 600 000
LSM
300 000
lentreprise concerne mne lessentiel de son activit sur le secteur ou march en relation
avec linfraction (entreprise mono-produit ). La sanction peut aussi tre adapte la
hausse pour tenir compte du fait que lentreprise concerne ou le groupe auquel elle
appartient dispose dune taille, dune puissance conomique ou de ressources globales
importantes, notamment par rapport aux autres auteurs de linfraction (voir, en ce sens,
arrt de la cour dappel de Paris du 30 janvier 2014, Colgate Palmolive service SA,
n 2012/00723)
342. cet gard, la Cour de cassation a dj eu loccasion de prciser que lefficacit de la lutte
contre les pratiques anticoncurrentielles requiert que la sanction pcuniaire soit
effectivement dissuasive au regard de la situation financire propre chaque entreprise au
moment o elle est sanctionne (Cass. com., 18 septembre 2012, Sphora). Elle a
nanmoins prcis, sagissant des filiales dont lautonomie de comportement a t
constate, quun tel alourdissement de la sanction serait justifi ds lors que l'appartenance
un grand groupe a jou un rle dans la mise en uvre des pratiques anticoncurrentielles
ou est de nature influer sur l'apprciation de la gravit de ces pratiques (Cass. com., 18
fvrier 2014, Pateu et Morin, n 12-27643).
b) Application au cas despce
En ce qui concerne Yoplait
343. Les socits Yoplait France et Yoplait SAS sont dtenues 51 % par le groupe General
Mills qui dispose dune taille, dune puissance conomique et de ressources globales
importantes. Il dtient un portefeuille de marques alimentaires tendu et exerce ses
activits en Europe, en Amrique et en Asie. En 2013, ce groupe a ralis un chiffre
daffaires consolid, incluant les comptes de Yoplait, de 17,8 milliards de dollars,
soit 13,4 milliards deuros, avec un taux de change moyen pour lanne 2013.
344. General Mills revendique, par ailleurs, lexercice dun vritable contrle oprationnel
(cote 450 11/0067AC) sur ses filiales nouvellement acquises et une implication vritable
dans leur fonctionnement, comme en tmoigne linitiative quelle a prise de demander, en
leur nom, la mise en uvre de la procdure de clmence auprs de lAutorit.
345. En outre, la place importante quoccupe Yoplait sur le march franais des produits laitiers
MDD et son appartenance un groupe denvergure international lui permet de faire partie
du cercle restreint constitu par les quatre principales entreprises du secteur dont
limplication dans lentente a eu un effet dentranement sur les acteurs secondaires.
346. Au vu de ces lments, lappartenance de Yoplait un groupe de grande taille doit tre
retenue afin de garantir le caractre dissuasif de la sanction et il y a lieu daugmenter de
25 % la sanction inflige aux socits Yoplait SAS et Yoplait France.
En ce qui concerne LNUF MDD et Lactalis B&C
347. LNUF MDD et Lactalis B&C appartiennent au groupe Lactalis qui dispose dune taille,
dune puissance conomique et de ressources globales importantes au regard des moyennes
du secteur. Ainsi, en 2013 le groupe Lactalis a ralis un chiffre daffaires consolid de
15,9 milliards deuros. Il est un acteur national et international majeur, actif sur tous les
segments du secteur des produits laitiers frais.
348. Ces deux socits ont t tenues responsables, en tant quauteurs des pratiques, celles-ci
ayant en outre t imputes Groupe Lactalis, socit mre de Lactalis B&C, et aux
socits mres de premier et second rang de LNUF MDD, soit LNUF et LNPF, cette
67
dernire tant une filiale commune du groupe Nestl et du groupe Lactalis, ce dernier
dtenant 60 % de son capital.
349. La place importante quoccupe Lactalis sur le march franais des produits laitiers MDD et
son appartenance un groupe denvergure international lui permettent de faire partie du
cercle restreint constitu par les quatre principales entreprises du secteur dont limplication
dans lentente a eu un effet dentranement sur les acteurs secondaires.
350. Au vu de ces lments, pour proportionner la sanction la puissance conomique du
groupe auquel elles appartiennent et garantir son caractre dissuasif, il y a lieu daugmenter
de 25 % la sanction inflige aux socits LNUF MDD, Lactalis B&C, LNUF et LNPF.
351. Enfin, le caractre dentreprise monoproduit revendiqu par LNUF MDD nest pas tabli
puisquil drive du choix du groupe Lactalis de cantonner ses activits de produits frais
vendus sous MDD dans une filiale ddie. La spcialisation de LNUF MDD, qui rsulte
par construction dun choix dorganisation interne duquel on ne peut tirer aucune
consquence conomique pour le fonctionnement du march, ne permet pas daffirmer que
la valeur des ventes affectes par les pratiques reprsente une part essentielle de lactivit
du groupe Lactalis au sens du point 48 du communiqu sur les sanctions du 16 mai 2011.
En ce qui concerne Senagral
352. Le rle de franc tireur revendiqu par Senagral nest pas tabli puisque, dans le conflit
lopposant Novandie, linitiative de la dviation par rapport lentente revient
Novandie et non Senagral qui a au contraire maintenu des contacts tlphoniques
intenses avec les autres entreprises parties lentente pendant cette priode. Senagral na
donc pas jou un rle de franc-tireur.
353. Enfin, les lments transmis par Senagral sur la valeur des ventes ralise en 2011 ne
permettent pas de considrer que Senagral prsente les caractristiques dune entreprise
monoproduit au sens du point 48 du communiqu sur le calcul des sanctions.
En ce qui concerne Novandie
354. Novandie revendique le statut de franc-tireur pour avoir t lorigine de lpisode dit de
guerre des prix qui a perturb le fonctionnement de lentente de mi-2009 mi-2010.
355. Il est tabli que Novandie est lorigine du conflit commercial, qui a notamment oppos
Novandie Senagral pendant la priode mentionne. La msentente entre ces deux acteurs
majeurs du secteur a conduit une dsorganisation des pratiques qui a dur plusieurs mois
durant lesquels les runions physiques ont t interrompues et les effets de lentente sur le
march fortement attnus.
356. Novandie a donc adopt pendant au moins une anne un comportement suffisamment
concurrentiel pour perturber le fonctionnement mme du cartel. Il convient donc, mme si
cette perturbation a t limite dans le temps et sest acheve par un retour du franc-tireur
au sein de lentente, de faire bnficier Novandie dune rduction de 15 % du montant de
la sanction inflige au titre de cette circonstance attnuante.
En ce qui concerne LHT
357. LHT invoque des circonstances attnuantes aux titres de son abandon prcoce des
pratiques, de son statut de suiveur et de sa coopration avec lAutorit au cours de la phase
dinstruction.
68
Montant intermdiaire
Yoplait
44 700 000
Senagral
Novandie
65 300 000
LNUF MDD
66 700 000
Lactalis B&C
4 800 000
27 300 000
Yo
14 300 000
Alsace Lait
13 300 000
Lata
9 600 000
LHT
1 600 000
LSM
300 000
Socit cooprative agricole Laiterie cooprative alsacienne Alsace Lait slve donc 6,2
millions deuros. Ce plafond est infrieur au montant intermdiaire de 13 300 000 euros : il
convient donc dcrter la sanction au niveau du maximum lgal prcit.
Concernant Lata
371. Le chiffre daffaires mondial consolid hors taxes le plus lev connu ralis par le groupe
Even, qui consolide les comptes de la socit Lata, tait de 2 060 000 000 euros au 31
dcembre 2013. Du fait de la mise en uvre de la procdure de non-contestation des griefs,
le montant maximum de la sanction pour la socit Lata slve donc 103 M. Ce
montant est suprieur au montant de la sanction 9,6 M figurant au tableau paragraphe
359.
Concernant Laiterie H Triballat
372. Le chiffre daffaires mondial consolid hors taxes le plus lev connu ralis par le groupe
Laiterie H Triballat tait de 284 084 520 euros au 31 dcembre 2013. Du fait de la mise en
uvre de la procdure de non-contestation des griefs, le montant maximum de la sanction
pour la socit Laiterie H Triballat slve donc 14,2 M euros. Ce montant est suprieur
au montant de la sanction de 1,6 M figurant au tableau paragraphe 359.
Concernant LSM
373. Le chiffre daffaires mondial consolid hors taxes le plus lev connu ralis par le groupe
Socit industrielle Laitires du Lon, qui consolide les comptes de LSM, tait de
326 823 664 euros au 31 dcembre 2011. Le montant maximum de la sanction pour la
socit LSM slve 32,6 M. Ce montant est suprieur au montant de la sanction
de 300 000 figurant au tableau paragraphe 359.
b) Sur lapplication du IV de larticle L. 464-2 du code de commerce
374. Dans le cadre de la prsente procdure, deux entreprises ont bnfici dun avis de
clmence, il sagit de Yoplait et de Snagral.
La situation de Yoplait, premier demandeur de clmence
375. Par avis n 12-AC-01 du 19 janvier 2012, les socits General Mills Inc., General Mills
France, General Mills Holding France SAS, Yoplait SAS et Yoplait France SAS ont
obtenu le bnfice conditionnel de la clmence avec une exonration totale des sanctions
aux titres des pratiques anticoncurrentielles mises en uvre dans le secteur des produits
laitiers frais MDD.
376. Il ressort de lensemble des lments du dossier, ainsi que du droulement de la procdure,
que les socits General Mills Inc., General Mills France, General Mills Holding France
SAS, Yoplait SAS et Yoplait France SAS nont enfreint aucune des conditions qui leur
avaient t imposes pour bnficier dune exonration totale de sanction. Elles doivent
ds lors, tre exonres de toute sanction pcuniaire.
La situation de Senagral, second demandeur de clmence
377. Par un avis n 13-AC-03 du 6 mars 2013, les socits Senagral, Senoble Holding, Senagral
Holding et Senoble Desserts Premium (secondes demandeuses de clmence) ont obtenu
une rduction conditionnelle de sanction comprise entre 25 % 40 % concernant les
pratiques dnonces relatives aux produits laitiers frais commercialiss sous MDD en
71
GMS et relatives aux produits laitiers frais destins la RHF. Sagissant des pratiques
dnonces dans le secteur des fromages frais lisss et de la faisselle compter davril 2008,
qui nont pas fait lobjet de griefs, les demandeurs ont obtenu le bnfice conditionnel
dune exonration totale.
378. Il ressort de lensemble des lments du dossier, ainsi que du droulement de la procdure,
que les socits Senagral, Senoble Holding, Senagral Holding et Senoble Desserts
Premium ont rempli les obligations de coopration inhrentes la procdure de clmence
et doivent bnficier dune exonration partielle de sanction pour un taux quil convient de
dterminer en fonction de la valeur ajoute apporte par ces socits la dmonstration des
infractions dnonces.
379. tant donn que les lments fournis au sujet de la RHF se sont avrs insuffisants pour
tablir la ralit des pratiques dnonces dans ce domaine, les demandeuses ne sauraient se
voir accorder le maximum de rduction fix par lavis de clmence et, a fortiori,
revendiquer une rvaluation la hausse de cette rduction.
380. Au vu de ce qui prcde, il y a lieu daccorder aux demandeuses de clmence de second
rang une exonration de sanction de 35 % pour les pratiques poursuivies. Sa sanction doit
donc tre ramene de 101,3 M 65,8 M.
c) Sur lapplication du III de larticle L. 464-2 du code de commerce
381. Le III de larticle L. 464-2 du code de commerce permet au rapporteur gnral de proposer
lAutorit de tenir compte, dans le cadre de la dtermination de la sanction, du fait
quune entreprise ou un organisme choisit de ne pas contester les griefs qui lui ont t
notifis. Le rapporteur gnral peut, par ailleurs, lui proposer de tenir compte du fait que
lintress sengage en outre modifier son comportement pour lavenir.
382. La renonciation contester les griefs de la part dune entreprise ne peut conduire
accorder lintresse quune rduction de sanction relativement limite. Ce sont, le cas
chant, la nature et la qualit des engagements prsents par lentreprise loccasion de la
procdure de non-contestation des griefs qui peuvent permettre daccorder une rduction
de sanction plus importante, dans la mesure o ils sont substantiels, crdibles et vrifiables.
383. En lespce, les engagements proposs par les socits Novandie, LNUF MDD et Lactalis
B&C, MLC, Yo Frais, Lata, Alsace Lait, LHT, qui consistent en la mise en uvre de
programmes de conformit trs comparables dans leur substance, leur tendue et leur
valeur. Il convient donc de leur accorder une rduction de 16 % du montant de leur
sanction au titre de la procdure de non-contestation des griefs.
384. Les sanctions doivent donc tre ramenes 54,8 M pour Novandie, 56,1 M pour LNUF
MDD, 4 M pour Lactalis B&C, 22,9 M pour MLC, 12 M pour Yeo Frais, 8,1 M pour
Lata, 5,2 M pour Alsace Lait et 1,4 M pour LHT.
d) Sur la mise en uvre cumule du III et du IV de larticle L. 464-2 du code de
commerce
Rappel des principes
385. La procdure de clmence prvue au IV de larticle L. 464-2 du code de commerce a pour
objectif de permettre une entreprise qui participe avec dautres une pratique
anticoncurrentielle de rvler linfraction et de contribuer son tablissement en
contrepartie dune exonration totale ou partielle de sanction.
72
aprs avoir fourni la premire ne constitue pas un gain procdural susceptible dtre pris en
compte au titre de la non-contestation du second grief.
396. Au surplus, sa participation aux pratiques du second grief est tablie pour les mmes
raisons que celles indiques au sujet du premier grief. En effet, ds lors que ces pratiques
sont tablies, notamment parce quelles ne sont pas contestes par plusieurs des entreprises
qui y ont particip, seule la participation de Senagral doit tre dmontre, ce qui a t fait
abondamment, notamment partir des pices saisies et des pices complmentaires
apportes par Senagral lappui de sa demande de clmence.
e) Sur la situation financire des entreprises
397. Au titre des lments propres la situation de chaque entreprise ou organisme en cause,
lAutorit sest en dernier lieu engage apprcier les difficults financires particulires
de nature diminuer la capacit contributive dont les parties invoquent lexistence, selon
les modalits pratiques indiques dans le communiqu du 16 mai 2011 prcit.
398. Il appartient en effet lentreprise de justifier lexistence de telles difficults en sappuyant
sur des preuves fiables, compltes et objectives attestant de leur ralit et de leurs
consquences concrtes sur sa capacit contributive (voir, en ce sens, arrt de la cour
dappel de Paris du 11 octobre 2012, prcit, p. 73).
399. ce titre, plusieurs entreprises ont invoqu lexistence de difficults financires
particulires de nature, selon elles, limiter leur capacit contributive.
400. Sagissant de Senagral, lexamen des lments financiers et comptables quelle a
communiqus lappui de sa demande conduit lAutorit constater quils constituent des
preuves fiables, compltes et objectives attestant de lexistence de difficults financires
particulires et actuelles affectant sa capacit sacquitter de la sanction que lAutorit
envisage de lui imposer, comme indiqu au paragraphe 380 ci-dessus. Il convient donc de
rduire sa sanction de 65,8 M 46 M.
401. Sagissant de Novandie, lexamen des lments financiers et comptables quelle a
communiqus lappui de sa demande conduit lAutorit constater quils constituent des
preuves fiables, compltes et objectives attestant de lexistence de difficults financires
particulires et actuelles affectant sa capacit sacquitter de la sanction que lAutorit
envisage de lui imposer, comme indiqu au paragraphe 384 ci-dessus. Il convient donc de
rduire sa sanction de 54,8 M 38,3 M.
402. Sagissant de la Laiterie H. Triballat, lanalyse des lments financiers et comptables
communiqus conduit lAutorit considrer quils nattestent pas de difficults
financires particulires empchant cette entreprise en lespce de sacquitter de la
sanction envisage au paragraphe 384, ci-dessus. Au vu de ce qui prcde, aucune
rduction de sanction ne peut tre accorde LHT au titre de la capacit contributive.
403. Sagissant des Matres Laitiers du Cotentin, lanalyse des lments financiers et
comptables communiqus conduit lAutorit considrer quils nattestent pas de
difficults financires particulires empchant cette entreprise en lespce de sacquitter de
la sanction envisage au paragraphe 384 ci-dessus. Au vu de ce qui prcde, aucune
rduction de sanction ne peut tre accorde Matres Laitiers du Cotentin au titre de la
capacit contributive.
404. Sagissant dAlsace Lait, lanalyse des lments financiers et comptables communiqus
natteste pas de difficults financires particulires mettant en cause sa capacit
contributive au jour du prononc de la sanction.
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405. Cependant, la situation financire de cette cooprative, bien que bnficiaire, demeure
fragile compte tenu de sa petite taille et de la limitation rgionale de son activit de collecte
de lait. Si le montant de la sanction tait maintenu au niveau qui a t fix avant ltape
dindividualisation, son paiement constituerait une charge excessive qui affecterait
ngativement la structure de son bilan et, surtout, mettrait en pril sa capacit
dinvestissement pour plusieurs annes, au dtriment de lanimation concurrentielle du
march laquelle elle contribue. Ces consquences paraissent disproportionnes par
rapport leffet dissuasif recherch par la sanction, qui sera suffisamment atteint en
ramenant la sanction 3,6 M.
3. LE MONTANT FINAL DE LA SANCTION
406. Eu gard tout ce qui prcde, il y a lieu dimposer les sanctions suivantes :
Entreprises
Yoplait
Senagral
46 000 000
Novandie
38 300 000
LNUF MDD
56 100 000
Lactalis B&C
4 000 000
MLC
22 900 000
Yo
12 000 000
Lata
8 100 000
Alsace Lait
3 600 000
LHT
1 400 000
LSM
300 000
407. Aux termes du I de larticle L. 464-2, cinquime alina, du code de commerce, lAutorit
de la concurrence peut ordonner la publication, la diffusion ou laffichage de sa dcision
ou dun extrait de celle-ci selon les modalits quelle prcise. Les frais sont supports par
la personne intresse.
408. En lespce, afin dinformer les consommateurs et professionnels de la prsente dcision et
de les inciter la vigilance vis--vis des pratiques condamnes, il y a lieu dordonner la
publication, frais partags des entreprises sanctionnes et au prorata de leurs sanctions
pcuniaires, dans les ditions papier des journaux Le Monde et LSA , du rsum de
la prsente dcision figurant ci-aprs :
Le 11 mars 2015, lAutorit de la concurrence a rendu une dcision par laquelle elle
sanctionne, hauteur de 192 700 000 millions deuros deux pratiques mises en uvre dans
le secteur des produits laitiers frais ayant permis entre 2006 et dbut 2012 aux socits
Yoplait, Snagral, Novandie, Lactalis Nestl Ultra Frais MDD, Lactalis Beurres
&Crmes, la Cooprative agricole laitire Les Matres Laitiers du Cotentin, Yeo Frais,
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Yoplait
Senagral
46 000 000
Novandie
38 300 000
LNUF MDD
56 100 000
Lactalis B&C
4 000 000
MLC
22 900 000
Yo
12 000 000
Lata
8 100 000
Alsace Lait
3 600 000
LHT
1 400 000
LSM
300 000
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DCISION
Article 1er : Il est tabli que les socits Yoplait France et Yoplait SAS, Senagral et
Senagral Holding, Novandie et Andros et Cie, Lactalis Nestl Ultra Frais MDD, Lactalis
Nestl Ultra Frais et Lactalis Nestl Produits Frais, Lactalis Beurres & Crmes et Groupe
Lactalis, Cooprative agricole laitire Les Matres Laitiers du Cotentin, Yeo Frais,
3A Groupe et Sodiaal Union, venant aux droits de 3A Coop, Lata, cooprative Laiterie
cooprative alsacienne Alsace Lait, Laiterie H. Triballat, Laiterie de Saint Malo et Socit
industrielle laitire du Lon, ont enfreint les dispositions de l'article 101 Trait sur le
Fonctionnement de lUnion Europenne et L. 420-1 du code de commerce en mettant en
uvre des pratiques concertes sur le march des produits laitiers frais vendus sous MDD
pour une dure, variable selon les entreprises, comprise entre le 6 dcembre 2006 et
le 9 fvrier 2012.
Article 2 : Il est tabli que les socits Yoplait France et Yoplait SAS, Senagral et
Senagral Holding, Novandie et Andros et Cie, Lactalis Nestl Ultra Frais MDD, Lactalis
Nestl Ultra Frais et Lactalis Nestl Produits Frais, Lactalis Beurres & Crmes et Groupe
Lactalis, Cooprative agricole laitire Les Matres Laitiers du Cotentin, Yeo Frais, 3A
Groupe et Sodiaal Union, venant aux droits de 3A Coop, Lata, cooprative Laiterie
cooprative alsacienne Alsace Lait, Laiterie H. Triballat, ont enfreint les dispositions de
l'article 101 TFUE et L. 420-1 du code de commerce, chacune dans la seule mesure releve
par la prsente dcision, pour stre entendues dans le secteur des produits laitiers frais
commercialiss sous MDD entre le 6 dcembre 2006 et le 17 dcembre 2008, puis entre le
4 janvier 2011 et le 9 fvrier 2012, sur des taux de hausses de prix par familles de produits,
et stre entendues, entre le 15 juin 2010 et le 9 fvrier 2012, sur des rpartitions de
volumes et sur les rponses des appels doffres de distributeurs.
Article 3 : Sont infliges, au titre des pratiques vises aux articles 1 et 2, les sanctions
pcuniaires suivantes :
56 100 000 euros, solidairement aux socits Lactalis Nestl Ultra Frais MDD,
Lactalis Nestl Produits Frais et Lactalis Nestl Ultra Frais ;
4 000 000 euros, solidairement aux socits Lactalis Beurres & Crmes et Groupe
Lactalis ;
12 000 000 euros, solidairement aux socits Yeo Frais, 3A Groupe et Sodiaal
Union, venant aux droits de 3A Coop;
Article 4 : Les socits Yoplait France et Yoplait SAS sont exonres de sanction
pcuniaire en application du IV de larticle L.464-2 du code de commerce.
Article 5 : Il est enjoint aux socits Senagral et Senagral Holding, Novandie et Andros et
Cie, Lactalis Nestl Ultra Frais MDD, Lactalis Nestl Ultra Frais et Lactalis Nestl
Produits Frais, Lactalis Beurres & Crmes et Groupe Lactalis, Cooprative agricole laitire
Les Matres Laitiers du Cotentin, Yeo Frais, 3A Groupe et Sodiaal Union, venant aux
droits de 3A Coop, Lata, cooprative Laiterie cooprative alsacienne Alsace Lait, Laiterie
H. Triballat, de se conformer en tous points aux engagements dcrits au paragraphe 383,
dont la version dfinitive figure en annexe de la prsente dcision et qui sont rendus
obligatoires.
Article 6 : Les personnes morales vises larticle 1er et larticle 2 feront publier frais
partags le texte figurant au paragraphe 408 de la prsente dcision dans les journaux Le
Monde et LSA, en respectant la mise en forme. Cette publication interviendra dans un
encadr en caractres noirs sur fond blanc de hauteur au moins gale trois millimtres
sous le titre suivant, en caractre gras de mme taille : Dcision de lAutorit de la
concurrence n15-D-03 du 11 mars 2015 relative des pratiques mises en uvre dans le
secteur des produits laitiers frais . Elle pourra tre suivie de la mention selon laquelle la
dcision a fait lobjet de recours devant la cour dappel de Paris si de tels recours sont
exercs. Les personnes morales concernes adresseront, sous pli recommand, au bureau
de la procdure, copie de cette publication, ds leur parution et au plus tard le 11 mai 2015.
La secrtaire de sance,
Le prsident de sance,
Batrice Dry-Rosot
Thierry Dahan
Autorit de la concurrence
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