MHT 836

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 99

Distributions

Alain Yger
matiques, Universite
Bordeaux 1, Talence 33405,
Institut de Mathe
France
E-mail address: [email protected]

Version du 22 octobre 2012.


sume
. Ce cours, `
Re
a linterface des math
ematiques fondamentales et appliqu
ees, correspond `
a lenseignement dispens
e en 2010-2011 dans lUE optionnelle MHT836 Distributions . Les pr
erequis sont les cours de master d Analyse Complexe (MHT734, [Charp]) et d Analyse fonctionnelle (MHT733),
les cours de Licence de Th
eorie de lInt
egration (MHT512, [Y1]) et d Analyse de Fourier et Espaces de Hilbert (MHT613, [Y2]). Les aspects g
eom
etriques (sous-vari
et
es de RN , espaces de formes di
erentielles) sont emprunt
es au bagage de la G
eom
etrie di
erentielle (MHT612, MHT615). La
trame de louvrage [Y0] (pour sa partie distributions , Chapitre 3) a
egalement servi `
a l
elaboration de ce cours. Les divers points relatifs `
a la th
eorie
des distributions et figurant depuis 2011 dans le programme de lagr
egation
de math
ematiques ont naturellement
et
e int
egr
es dans son contenu. Le cours
r
edig
e`
a Lyon par C
edric Villani [Vil], ainsi que celui r
edig
e pour cette UE par
Eric Amar, mont aussi
et
e dune aide pr
ecieuse. Le cours de C. Villani pr
esente

egalement un panorama de lapproche historique (en m


eme temps que des
approches parall`
eles, abouties ou non) `
a la th
eorie des distributions.

Table des mati`


eres
Chapitre 1. Espaces de fonctions-test et notion de distribution
1.1. Levaluation ponctuelle des fonctions mesurables
1.2. Chocs, impulsions, mesures
1.3. Lespace D() et la souplesse du cadre C
1.4. Distributions dans Rn : definition, crit`ere, premiers exemples
1.5. Courants sur une sous-variete dierentiable de RN

1
1
3
5
10
18

Chapitre 2. Suites de distributions, regularisation, dierentiation

2.1. Convergence faible dans D (, K) ou D q (, K)


2.2. La regularisation des distributions
2.3. La multiplication des distributions par des fonctions C
2.4. Dierentiation des distributions et des courants
2.5. La formule des sauts

21
21
25
28
29
34

Chapitre 3. Support et convolution


3.1. Support et support singulier dune distribution ou dun courant
3.2. Distributions (courants) `a support compact, distributions causales
3.3. Produit tensoriel de distributions ou de courants
3.4. Le theor`eme des noyaux
3.5. Convolution de deux distributions dans Rn ou (S1 )n

3.6. Les alg`ebres de convolution E (Rn , K) et D+


(K)

37
37
39
42
47
48
53

Chapitre 4. Distributions et transformation de Fourier


4.1. Lespace S(Rn , K) (K = R ou C) et les distributions temperees
4.2. Transformation de Fourier des distributions temperees
4.3. Solutions fondamentales doperateurs dierentiels

55
55
65
78

Bibliographie

91

Index

93

CHAPITRE 1

Espaces de fonctions-test et notion de distribution


Le concept de distribution puise ses origines dans la modelisation des phenom`enes physiques (en particulier des chocs et impulsions) initiee par des physiciens tels les anglais Oliver Heaviside (1850-1925) (equations de Maxwell) puis
Paul Dirac (1902-1984) dans la premi`ere moitie du XX-i`eme si`ecle. La formalisation mathematique de ce concept sest ensuite elaboree tout au long du si`ecle,
au travers des travaux de lecole sovietique et en particulier de Serguei Sobolev
(1908-1989), ainsi que du mathematicien francais Laurent Schwartz (1915-2002).
Laurent Schwartz, membre du groupe Bourbaki, fut, precisement pour ses ses
travaux en relation avec la theorie des distributions (on disait aussi fonctions
generalisees dans lecole de Saint Petersbourg), le premier mathematicien francais
en 1950 `a recevoir la medaille Fields 1. La notion de distribution, en prise avec limportant concept mathematique de dualite, puis celle de courant, son pendant dans
le contexte geometrique, seront introduites dans ce premier chapitre.
1.1. L
evaluation

ponctuelle

des fonctions mesurables

Soit un ouvert de Rn , ou, plus generalement, un ouvert dune sous-variete


dierentiable X de dimension n de RN .
Si x0 est un point fixe dans et si f est une fonction K (K = R ou C)
mesurable (par rapport `a la tribu de Lebesgue `a la source et au but), il est clair que
la notion d evaluation de f au point x0 (i.e. f (x0 ) ) ne saurait avoir de signification pratique. Il est en eet impossible dapprehender avec exactitude le point
x0 car ceci presuppose connaitre dans leur totalite les developpements decimaux
des nombres reels x0j , j = 1, ..., n (coordonnees de ce point dans Rn ou RN ), ce
qui est en general hors de portee, car on ne peut connaitre ces developpements
que jusqu`a un seuil fini. Cest dailleurs la raison pour laquelle un phenom`ene
physique modelisable comme une fonction mesurable f : K (K = R
ou C) est souvent pense du point de vue mathematique, lorsquil est quantifiable
(en termes de masse locale, denergie locale, etc.), comme un element de lespace
Lploc (, B(), dx) 2 defini comme le quotient du R-espace vectoriel Lploc (, B(), dx)
1. Pour une pr
esentation de lhistorique du concept de fonction g
en
eralis
ee qui allait
devenir celui de distribution (et des r
oles et influences des
ecoles sovi
etique et francaise), on
pourra se reporter `
a larticle de Jean-Michel Kantor dans la Gazette des Math
ematiciens [Kant].
Il faut noter linfluence importante des id
ees de Jacques Hadamard (1865-1963) dans ce long
cheminement scientifique fait d
echanges crois
es.
2. Dans le cas o`
u d
esigne un ouvert dune sous-vari
et
e X de dimension n de RN , dx =
dXX est la mesure induite sur X par la mesure de Lebesgue usuelle sur lespace ambiant RN
(correspondant `
a la m
etrique euclidienne sur cet espace, i.e. `
a la forme volume canonique dx1
dxN ) ; par mesure induite dXX , on entend donc ici la mesure euclidienne d
efinie dans lAnnexe B1
(D
efinition B.1.1) du cours de MHT734 [Charp]. La forme volume X sur X correspondante est
lunique n-forme di
erentielle sur X telle quen tout point x X , X (1 , ..., n ) = 1 si (1 , ..., n )
1

1. ESPACES DE FONCTIONS-TEST ET NOTION DE DISTRIBUTION

des fonctions mesurables f : Rm telles que

|f (x)|p dx < K compact


K

par la relation dequivalence f Rg f = g dx p.p. Le premier reflexe du physicien


consistera `a interpreter f (x0 ) comme

(1.1)
f (x0 ) lim
f (y) (y x0 ) dy,
0

o`
u
BRn (0,1) (x/)
,
n Vn
BRn (0, 1) designant la boule unite de Rn , Vn = n/2 /(n/2) son volume. Dans le
contexte geometrique o`
u X est parametree de mani`ere C au voisinage de x0
n
par x0 : 0 Bx0 R X , avec x0 (0) = x0 , levaluation f (x0 ) devient (par
exemple)

f (y) BRn (0,) (x1


(y)) dyX
0
x (Bx )
(1.2)
f (x0 ) lim 0 0
,
1
0
( (y)) dyX

x (Bx ) BRn (0,) x0


(x) :=

dyX correspondant `a la mesure de Lebesgue euclidienne sur X (voir la note en bas


de page precedente). Pour eviter que la discontinuite de la fonction BRn (0,) ne cree
des artefacts (ce qui est de nature `a induire un biais dans le rendu de f , ce dautant
plus que f est irreguli`ere 3), on pref`ere dans (1.1) `a la fonction la fonction cette
fois beaucoup plus lisse
(
)
1 BRn (0,1) (x/) exp 1/(1 x/2 )
n
(
)
(1.3)
: x R 7 n
,

exp 1/(1 y2 ) dy
BRn (0,1)
qui a le merite (par rapport `a la fonction ) detre une fonction C `a support compact dans Rn (de support la boule fermee BRn (0, )), radiale, positive et dintegrale
egale `a 1 (voir Exercice 1.1). On interpr`ete alors f (x0 ) comme

(1.4)
f (x0 ) lim
f (y) (y x0 ) dy,
0

ou, dans le contexte geometrique, comme (par exemple)


(1.5)

(y)) exp(1/(1 x1
(y)/2 ) dyX
f (y) BRn (0,) (x1
0
0
x (Bx )
,
f (x0 ) lim 0 0
2
0

(1 (y)) exp(1/(1 x1
0 (y)/ ) dyX
x (Bx ) BRn (0,) x0
0

en reprenant les notations utilisees dans (1.2).


est un syst`
eme orthonorm
e direct (pour le produit scalaire usuel dans RN ) de lespace tangent
Tx X (`
a X au point x), une fois choisie une orientation sur X (il y a deux orientations possibles).
Le cas p = 1 correspond `
a la quantification en termes de masse, le cas p = 2 (plus fr
equent) est
particuli`
erement important car correspondant `
a la quantification en termes du concept physique
d
energie. On rappelle que les espaces de Minkowski Lploc (, B(), dx) sont emboit
es en
p
2
1
L
loc (, B(), dx) Lloc (, B(), dx) Lloc (, B(), dx) Lloc (, B(), dx)

pour les p [1, ].


3. Voir par exemple le probl`
eme li
e au ph
enom`
ene de Gibbs en analyse de Fourier, i.e. lapparition de ph
enom`
enes daliasing lorsque lon coupe brutalement les hautes fr
equences dun
signal ou dune image analogique (cf. cours de MHT613 [Y2], section 2.3.3).

1.2. CHOCS, IMPULSIONS, MESURES

Exercice 1.1. Verifier que la fonction : R [0, +[ definie par


(
1 )
(t) = ]1,1[ (t) exp
1 t2
est une fonction paire, positive, C sur R, puis que la fonction : Rn [0, [
definie en (1.3) est une fonction radiale, positive, dintegrale 1, de support la boule
BRn (0, ).
1.2. Chocs, impulsions, mesures
Dans les phenom`enes de choc ou dimpulsion ponctuelle, le principe physique
de conservation de masse (ici supposee egale `a 1, enti`erement concentree en un

point {x0 }) est une contrainte majeure. Etant


donnee une impulsion ponctuelle
(normalisee `a 1 en terme de masse), localisee en x0 Rn , la fonction x0 censee
la modeliser etant positive, de support {x0 } et dintegrale 1, il est impossible,
puisque la mesure de Lebesgue de {x0 } est egale `a 0 et que la r`egle 0 = 0
prime en theorie de lintegration, que x0 corresponde `a une fonction mesurable f .
On constate donc que lidee d evaluation approchee dune fonction mesurable
f : K (K = R ou C) en un point x0 de (en la testant , comme dans (1.1)
ou (1.4), contre des fonctions localisees pr`es ce point) nous invite `a depasser le
cadre des fonctions. Mais plutot que de ne retenir que les limites (lorsque tend vers
0) dans (1.1) ou (1.4) pour tous les points x0 , on enregistre linformation fournie
par la liste de tous les tests f, lorsque est une fonction-test ajustee `a la zone
dinteret o`
u vit le phenom`ene physique etudie f , ces fonctions-test etant assujetties
`a etre prises au moins continues, voire meme C , sur le mod`ele des fonctions . Ce
nouveau cadre (o`
u lon peut rendre compte des chocs et des impulsions ponctuelles)
est celui de la theorie de la mesure, vue sous langle fonctionnel 4.
finition 1.2. Soit un ouvert de Rn ou dune sous-variete X de dimension
De
n de RN . On note K(, R) (resp. K(, C)) le R (resp. C) -espace vectoriel des
fonctions continues sur , `a valeurs reelles (resp. complexes), et `
a support compact
dans (i.e. lensemble des points x o`
u (x) = 0 est relativement compact 5
dans ). On note KK (, R) (resp. KK (, C)) lensemble des fonctions continues
dans , `a valeurs reelles (resp. complexes) et `a support compact inclus dans K.
On equipe ce sous-espace de la norme uniforme K = supxK |(x)|. On appelle
mesure de Radon reelle (resp. complexe) sur toute application lineaire de
K(, R) dans R (resp. de K(, C) dans C) continue au sens suivant : si (k )k0
est une suite delements de K(, R) (resp. K(, C)) dont les supports sont, pour k
assez grand, tous dans le meme compact K0 , alors
)
(
lim k K0 = 0 = lim , k = 0.
k+

k+

Le crit`ere quantitatif suivant permet de caracteriser les mesures de Radon reelles


ou complexes.
Proposition 1.1. Une forme lineaire : K(, R) R (resp. une forme
lineaire : K(, C) C) est une mesure de Radon reelle (resp. complexe) si et
4. Et non plus ensembliste, comme vous lavez approch
e dans les cours de Licence, en th
eorie
de lint
egration (MHT512) ou en probabilit
es (MHT601).
5. Ladh
erence de cet ensemble dans est appel
e support de relativement `
a .

1. ESPACES DE FONCTIONS-TEST ET NOTION DE DISTRIBUTION

seulement si, pour chaque compact K , il existe une constante positive C(K)
telle que
KK (, R ou C), |, | C(K) K
Le pont entre les points de vue ensembliste et fonctionnel concernant la theorie
de lintegration est assure par le theor`eme tr`es important suivant.
`me 1.3 (Theor`eme de representation de F. Riesz [Rud]). Soit un
Theore
ouvert de Rn et une mesure de Radon reelle sur ayant la propriete de positivite
suivante :
(
)
(1.6)
K(, R),
(x) 0 x = , 0
(on dit que est une mesure de Radon positive sur ). Il existe une tribu M
contenant la tribu B() et une unique mesure positive (notee aussi par souci de
simplification) sur (, M) telle que
pour tout K compact , (K)
< + ;
pour tout K(, R), , = d ;
pour tout E M, on ait
(E) = inf {(U ) ; U ouvert, E U } ;
pour tout E M tel que (E) < +, on ait
(E) = sup {(K) ; K compact, K E}.
Inversement, si : B() [0, ] est une mesure positive telle que (K) <
pour tout compact K ,

K(, R) 7 , :=
d
K

definit une mesure de Radon positive sur .


Remarque 1.4. Ce quimplique le theor`eme de representation de F. Riesz
est que, si K est un compact de , le R-espace M(K, R) des dierences de deux
mesures positives sur la tribu borelienne et de masse finie sur les compacts 6 sidentifie au dual du R-espace de Banach (C(K, R), K ) des fonctions continues de K
dans R. Le C-espace M(K, C) des combinaisons complexes + + i ( + )
de quatre telles mesures positives sidentifie, lui, au dual du C-espace de Banach
(C(K, C), K ). Une mesure de Radon reelle (resp. une mesure de Radon complexe)
est la dierence + (resp. la combinaison lineaire + + i ( + )) de
deux (resp. quatre) mesures positives sur la tribu borelienne de masse finie sur
tout compact. Lespace M(, R) des combinaisons + de mesures de Borel
sur telles que + () + () < + sidentifie au dual de lespace de Banach
C0 (, R) des fonctions continues de dans R tendant vers 0 `a linfini dans
(considere dans X RN ), equipe de la norme uniforme. Lespace M(, C) des
combinaisons + + i ( + ) de mesures de Borel sur telles que la masse
totale + () + () + + () + () soit finie sidentifie au dual de lespace
de Banach C0 (, C) des fonctions continues de dans C tendant vers 0 `a linfini
dans , equipe de la norme uniforme.
6. Pour une telle mesure positive, il se trouve que la propri
et
e de r
egularit
e, correspondant
aux items 3 et 4 dans la proposition, est automatiquement v
erifi
ee.

1.3. LESPACE D() ET LA

SOUPLESSE

DU CADRE C

monstration. On admettra ici ce theor`eme en indiquant juste une trame


De
de preuve. Cest la partie directe qui est la plus dicile (le volet reciproque enonce
en fin de theor`eme etant immediat). Pour construire la tribu M, voici comment
proceder. Le principe est calque sur celui guidant la construction des mesures
exterieure et interieure dans le schema ensembliste (schema de construction inspire du theor`eme de Caratheodory, voir par exemple [Marc], chapitre 12, Section
III.1). Pour tout ouvert U , on pose dabord
(U ) := sup{, ; K(, R) , Supp U }.
On definit ensuite la mesure exterieure (E) dune partie E de en posant
(E) := inf{(U ) ; U ouvert, E U }.
La tribu M est alors definie comme la famille des parties E de telles que, pour
tout compact K ,
(E K) = sup{ (K ) ; K compact, K E K}.
Il reste `a verifier que M est une tribu, contenant la tribu borelienne, et que la
a M est bien une mesure positive (au sens ensembliste) sur
restriction |M de `
cette tribu.

1.3. Lespace D() et la

souplesse

du cadre C

Les etres qui ont ete introduits dans le cours dAnalyse Complexe (MHT734)
partagent tous en commun une extreme rigidite : polynomes, fonctions holomorphes, fonctions harmoniques,... Le principe des zeros isoles, le principe du
prolongement analytique, le principe du maximum, etc., sont autant dindicateurs
de cette rigidite 7.
` loppose, le fait que lon puisse construire dans Rn des fonctions C `a support
A
compact de support arbitrairement petit localisees nimporte o`
u (sur le mod`ele
de la fonction x 7 (x x0 ), o`
u est definie en (1.4) lorsque > 0 est arbitrairement petit et x0 est un point quelconque de Rn ), implique une extreme
souplesse du cadre C , souplesse dont on naura de cesse de profiter tout au long
de ce cours. Puisque le leitmotiv de ce cours sera de tester les phenom`enes irreguliers
contre des etres aussi reguliers que possible, le fait de disposer de pareille souplesse
sera pour nous essentiel.
Le lemme de partition de lunite a ete vu dans le cours dAnalyse complexe [Charp],
section IV.2. Nous le reformulons ici (dans un cadre un peu plus geometrique) et
en rappelons sa preuve.
Lemme 1.5 (partitionnement de lunite). Soit un ouvert dune sous-variete
X de RN de dimension n et ( ) une collection douverts de cette sous-variete telle
que

.
(1.7)

Il existe une famille denombrable (k )kN de fonctions C `


a support compact 8
dans , `
a valeurs dans [0, 1], telle que :
7. Le principe de moindre action soutend le fait que les transformations de nature physique
soient souvent mod
elisables par de tels
etres math
ematiques.
8. Dire quune fonction d
efinie au voisinage dun point x0 dune sous-vari
et
e X de dimension
n de RN est C au voisinage de ce point signifie que la fonction x0 , o`
u x0 : (t1 , ..., tn )

1. ESPACES DE FONCTIONS-TEST ET NOTION DE DISTRIBUTION

pour tout k N, il existe un indice (k) tel que Supp k (k) ;


pour tout compact K , lensemble {k N ; Supp k K = } est fini
et lon a

(1.8)
x ,
k (x) = 1.
kN

monstration. Pour tout x (au voisinage duquel la sous-variete X est


De
parametree par (t1 , ..., tn ) Bx 7 x (t), Bx etant une boule n-dimensionnelle de
rayon r(x) autour de lorigine dans Rn , avec x (0) = x), il existe (du fait de (1.7))
un indice x et un rayon (x) ]0, 1[ tel que, pour tout < (x), x (Bx ) x .
On dispose dautre part dune exhaustion de par des compacts Kl de (i.e. des
fermes bornes de ), l N (il sut par exemple de choisir Kl = BRN (0, l + 1),
l = 0, 1, ...). On a, avec cette exhaustion,

=
Kl
lN

avec Kl

Kl+1

pour tout l N. Pour tout l Z avec l 1, on introduit louvert

Vl = Kl+2
\ Kl1

avec la convention que Kl = si l < 0, ainsi que le compact Cl = Kl+1 \ Kl . On


note que, pour tout l 1, Vl est un voisinage ouvert du compact Cl . Chaque
compact Cl (pour l 1) peut donc etre recouvert (propriete du recouvrement
fini) par un nombre fini densembles de la forme xl,j (l,j Bxl,j ) avec l,j < (xl,j ),
tels que, pour chaque l, j, xl,j (l,j Bxl,j ) Vl . Comme chaque compact de ne
rencontre quau plus un nombre fini douverts Vl , l 1, la collection de tous les
` chacun de
ouverts xl,j (l,j Bxl,j ) ainsi introduits est une famille denombrable. A
ces ouverts de X ainsi indexes par l et j (par exemple Ux = x (Bx )), on associe
une fonction C dans et `a support compact dans U x , `a savoir la fonction
x : y 7 Ux (y) r(x) (x1 (y)),
o`
u la fonction , pour > 0, est definie en (1.4). On dispose ainsi dune collection
denombrable (k )kN de fonctions C `a support compact dans , telle que tout
compact ne puisse rencontrer quun nombre fini de supports de telles fonctions k
(puisquun compact ne rencontre quau plus un nombre fini douverts Vl ). Il ne reste
plus qu`a poser
k (x)
k (x) :=
k (x)
kN

(on note que la somme au denominateur est finie pour x fixe et ne sannule jamais).
On realise ainsi la partition de lunite demandee.

Un corollaire important de ce lemme est celui assurant lexistence de fonctions


plateau subordonnees `a un compact K donne, dans un ouvert precise.
Corollaire 1.6. Soit K un compact et un ouvert dune sous-variete X
de dimension n de RN . Il existe une fonction C (, [0, 1]), `
a support compact
inclus dans , identiquement egale `
a 1 dans un voisinage ouvert de K dans .
Bx0 Rn 7 x0 (t) est un param
etrage C de X au voisinage de x0 , est C dans louvert
Bx0 Rn hom
eomorphe `
a un voisinage x0 Ux0 (Ux0 est dit ouvert de carte ) via x0 .

1.3. LESPACE D() ET LA

SOUPLESSE

DU CADRE C

monstration. On choisit tel que, pour tout point x0 du compact K,


De
BRN (x0 , 2) X . On recouvre alors avec les deux ouverts

1 =
(BRN (x, ) X )
2 = \
(BRN (x, ) X ).
xK

xK

On introduit la partition (k )k de lunite attachee `a ce recouvrement de par le


lemme 1.5 (on en adopte les notations). On pose

(x) :=
k (x)
{k ; (k)=0}

(on note que cette somme est bien definie car, pour chaque x, il y a au plus un
nombre fini de k (x) non nuls). La fonction ainsi construite convient.

Exercice 1.7. Soit un ouvert de Rn et une forme lineaire de K(, R) dans


R, positive au sens suivant :
(
)
K(, R),
(x) 0 x = , 0.
Alors est une mesure de Radon positive.
Exercice 1.8. Montrer (en utilisant le corollaire 1.6) quil existe une fonction
: R 7 [0, 1], de support inclus dans [1/3, 4/3], identiqement egale `a 1 sur
[1/3, 2/3] et telle que

t R,
(t k) = 1.
kZ

Exercice 1.9. Soit A un sous-ensemble mesurable de Rn et > 0. Pour tout


> 0, on note A le compact

A :=
B(x, ).
xA

Si est la fonction definie en (1.4), montrer que, pour tout > 0, la fonction

/3 (x y) dy
/3 A2/3 : x 7
A2/3

est identiquement egale `a 1 sur A/3 et de support inclus dans A . Deduire de cette
construction lexistence dune suite (k )kN de fonctions de classe C `a support
compact, telles que Supp k A1/k pour tout k N , que k vaille identiquement 1
au voisinage de A, et que, pour tout k N , pour tout multi-indice (l1 , ..., ln ) Nn ,
n
n
(
) (
)
lj )
lj )




sup
[
]
[
]
(y) dy (3k)l1 ++ln .



k
1
lj
l
j
n
x
y
R
Rn
j=1
j=1
Le lemme 1.5 de partitionnement de lunite induit la construction de R ou Cespaces de fonctions susamment riches pour etre consideres comme espaces de
fonctions-test ; ce sera contre cet eventail dobjets test que nous seront amenes
`a tester les phenom`enes physiques T , ce qui nous conduira naturellement `a
la possibilite delargir le champ des phenom`enes representables par un element de
Lploc (, B(), dx) (les fonctions ) ou par une mesure de Radon reelle ou complexe
(les mesures ).

1. ESPACES DE FONCTIONS-TEST ET NOTION DE DISTRIBUTION

finition 1.10 (fonctions-test). Soit K = R ou C et un ouvert dune sous


De
variete dierentiable X de dimension n de RN . Le K-espace D(, K) des fonctionstest 9 `a valeurs dans le corps K est le K-espace vectoriel des fonctions C `a support
compact dans . Si K est un compact precise de , on note
DK (, K) = { D(, K) ; Supp K}.

On a donc D(, K) = K DK (, K).

Etant
donne un compact K de , il est utile dintroduire sur chaque K-espace
vectoriel DK (, K) une collection denombrable de semi-normes 10 (sur DK (, K), il
sagit en fait de normes car NK,0 = K NK,p pour tout p N). Pour simplifier,
on se place dans un premier temps dans le cadre dun ouvert de Rn et lon pose,
pour tout K , pour tout p N,
n
(

lj )


(1.9)
NK,p () :=
sup
[](x)
sup
.
lj
x
lNn
xK
j=1
l1 ++ln p

Lorsque est un ouvert dune sous-variete X de dimension n de RN , la situation


est plus delicate `a cause du fait que lon ne puisse donner de sens (autrement quen
utilisant des cartes locales) aux fonctions derivees partielles
n
(
lj )
x 7
[](x)
xlj
j=1
lorsque DK (, K). Pour pallier `a ce probl`eme, on introduit un recouvrement
RK de K par un nombre fini de cartes locales (Bx , x (Bx )), o`
u Bx est une boule
de centre lorigine et de rayon rx > 0 dans Rn et
x : (t1 , ..., tn ) Bx 7 x (t) X RN
est une application C telle que x (0) = x realisant un homeomorphisme entre
Bx et son image (la carte locale Ux correspondante) ; on pose alors
n
]
(
[
lj )


[

](t)
(1.10)
NK,p,RK () := sup
sup
sup
< +
x
lj
t

lNn
tBx
j=1
l1 ++ln p

(cest le fait que Supp K et que K soit compact qui impose au second membre
detre fini). Cette definition (1.10) depend evidemment du choix des cartes locales
(Bx , x (Bx )) utilisees pour recouvrir K, mais il est aise de constater (en utilisant
les changements de carte et la r`egle de Leibniz) que deux semi-normes ainsi definies
e K de K
(pour K et p fixes) `a partir de deux recouvrements dierents RK et R
sont equivalentes en temps que semi-normes 11. Le choix du recouvrement etant
indierent (rapport `a lequivalence des semi-normes), on ne le fait plus apparaitre
par la suite.
9. Cette terminologie fonction-test vient du fait que ce sera contre ces
etres que seront
test
ees ult
erieurement les distributions (via le crochet de dualit
e , ).
10. On rappelle quune semi-norme N sur un K-espace vectoriel E (K = R ou C) est une
application N : E [0, [ telle que N () = ||N () et N (1 + 2 ) N (1 ) + N (2 ) pour
tout , 1 , 2 E, pour tout K.
11. Deux semi-normes N1 et N2 sur un K-espace vectoriel E sont dites
equivalentes si et
seulement si il existe deux constantes strictement positives 1 et 2 telles que 1 N1 N2 2 N1 .

1.3. LESPACE D() ET LA

SOUPLESSE

DU CADRE C

Chaque K-espace DK (, K), K herite dune topologie ainsi definie. Comme


DK (, K) est un K-espace vectoriel, se donner une topologie sur cet espace revient
`a se donner un syst`eme fondamental VK,K (0) de voisinages de la fonction identiquement nulle ; un syst`eme fondamental de voisinages VK,K (0 ) de 0 DK (, K) sen
deduit par translation (de 0 ). Les ouverts pour la topologie sont les sous-ensembles
U DK (, K) tels que
0 U, V VK,K (0 ), 0 V U.
On pose ici
(1.11)

{
}
VK,K (0) := { DK (, K) ; NK,p () < }, p N , > 0 .

Equip
e de cette topologie (definie par une famille denombrable de semi-normes, ici
en fait de normes), DK (, K) est un espace metrisable : on peut par exemple choisir
comme distance

1 NK,p ( )
(1.12)
K (, ) =
.
2p 1 + NK,p ( )
p=0
De plus (voir lExercice 1.12), il sagit dun espace metrique complet. Un tel Kespace vectoriel topologique dont la topologie est definie par une famille denombrable
de semi-normes et qui est de plus metrisable complet est dit espace de Frechet.
Puisque chaque DK (, K), K , est equipe dune topologie, il reste `a equiper
dune topologie le K-espace vectoriel union

D(, K) =
DK (, K).
K

La topologie que lon definit est dite topologie limite inductive sur lunion des topologies definies sur chacun des sous-espaces DK (, K). Nous ne definirons pas ici
cette topologie 12, mais nous contenterons de faire comme si elle etait metrisable
(ce nest malheureusement pas le cas, nous ladmettrons ici, voir lexercice 1.12 plus
loin) et non nous contenterons, aux fins de lexploiter, denoncer un principe de
convergence des suites dans D(, K). Ce principe est le suivant :
finition 1.11 (principe de convergence des suites dans D(, K)). Soit un
De
ouvert de Rn ou dune sous-variete dierentiable X de dimension n de RN , K = R
ou C. Une suite (k )k0 delements de D(, K) est dite converger vers la fonction
nulle dans D(, K) si et seulement si :
il existe k0 N tel que toutes les fonctions k pour k k0 ont leur support
inclus dans un meme compact K0 ;
12. On se contente dindiquer quil sagit de la plus fine (i.e celle pour laquelle la collection
douverts est la plus riche) pour laquelle toutes les injections K : DK (, K) D(, K) sont
continues. Pour plus de d
etails concernant cette topologie (et en particulier le pourquoi du principe
de convergence des suites), on pourra se reporter `
a la section 5.2 du cours de C. Villani [Vil],
Th
eor`
eme III.16. Une des propri
et
es essentielles du K-espace vectoriel topologique D(, K) est que
toute partie born
ee de cet espace (i.e incluse, `
a homoth
etie pr`
es, dans nimporte quel voisinage de
la fonction identiquement nulle) doit n
ec
essairement
etre incluse dans un K-sous-espace DK (, K)
pour un certain compact K de ; ainsi en particulier, toute suite de Cauchy de D(, K) doit avoir
tous ses termes dans un m
eme DK (, K) ; tous ces sous-espaces
etant complets (voir lexercice
1.12), il en est de m
eme de D(, K).

10

1. ESPACES DE FONCTIONS-TEST ET NOTION DE DISTRIBUTION

la suite (k )kk0 , consideree comme une suite delements de DK0 (, K),


converge vers la fonction nulle dans cet espace, i.e
(1.13)

p N,

lim NK0 ,p (k ) = 0.

Exercice 1.12 (pourquoi D(, K) ne saurait etre metrisable). En utilisant le


principe de convergence des suites de la Definition 1.11, montrer que D(, K) est
un espace topologique complet (toute suite de Cauchy est convergente). Montrer
que si K est un compact de , DK (, K) est un K-sous-espace ferme de D(, K).
En approchant tout element DK (, K) dans D(, K) par la suite (k )kN , o`
u
k = + /k, D(, K) \ DK (, K), montrer que DK (, K) est dinterieur vide
dans D(, K). En utilisant enfin le fait quun espace metrique complet poss`ede la
propriete de Baire (lunion dune famille denombrable de fermes sans point interieur
est sans point interieur), conclure que D(, K) ne saurait etre muni dune metrique
compatible avec la topologie dont on la equipe.
1.4. Distributions dans Rn : d
efinition, crit`
ere, premiers exemples
Dans cette section, on se restreint au cadre o`
u est un ouvert de Rn . Comme
precedemment, dans toute cette section, le corps K est R ou C.
finition 1.13 (notion de distribution). On appelle distribution sur , `
De
a
valeurs dans K toute application K-lineaire 7 T, 13 de D(, K) dans K, telle
que, si (k )k0 est une suite quelconque delements de D(, K) tendant vers la fonction nulle au sens du principe de convergence des suites dans D(, K) (Definition
1.11), on a
lim T, k = 0.
k+

Dire quune forme lineaire T : D(, K) K est une distribution sur revient
`a dire que sa restriction T|DK (,K) `a tout sous-espace DK (, K), K , est
une forme lineaire continue de DK (, K) dans K, la topologie du K-espace vectoriel DK (, K) ayant ete definie par la donnee du syst`eme fondamental VK,K (0)
(voir (1.11) dans la section precedente). On peut donc enoncer le crit`ere quantitatif suivant caracterisant le fait quune forme lineaire de D(, K) dans K soit une
distribution.
Proposition 1.2 (crit`ere quantitatif caracterisant les distributions). Soit T :
D(, K) K une application K-lineaire. Dire que T est une distribution equivaut
`
a dire que, pour tout compact K de , il existe un entier p(K) N et une constante
positive C(K) telles que
(1.14)

DK (, K), |T, | C(K) NK,p(K) ().

monstration. Soit T une forme lineaire sur le K-espace D(, K). Si T est
De
continue sur DK (, K) (K etant un compact de ), limage reciproque par T|DK (,K)
de la boule unite de K (pour la valeur absolue usuelle) est un voisinage ouvert de
0, donc contient un sous-ensemble appartenant `a VK,K (0). Dapr`es (1.11), il existe
donc > 0 et p(K) N tels que
(
)
(
)
NK,p(K) () < = |T, | < 1
DK (, K).
13. On convient dutiliser dans la notation le crochet de dualit
e car le principe math
ematique
de dualit
e est le principe clef en th
eorie des distributions.


`
1.4. DISTRIBUTIONS DANS Rn : DEFINITION,
CRITERE,
PREMIERS EXEMPLES 11

Ceci implique (1.14) en prenant C(K) = 1/(K). Reciproquement, si une condition


du type (1.14) est remplie pour chaque K, la restriction de T `a DK (, K) est
bien continue (pour la topologie definie `a la section precedente sur DK (, K)) pour
chaque compact K de et T est donc une distribution.

Exercice 1.14. Soient 1/2 < < < 1 et : R [0, 1] une fonction
plateau identiquement egale `a 1 au voisinage de [0, 1], avec Supp ]1/2, 1[. Soit
T : D(]0, [, R) R la distribution reelle sur ]0, [ definie par

D(]0, [, R), T, :=
exp(1/t) (t) dt.
]0,[

Si k : t R 7 (kt) (k N ), verifier que lon a T, k ( ) exp(k/) pour


tout k N . Deduire de la Proposition 1.2 quil ne peut exister de distribution
reelle Te sur R telle que Te|]0,[ = T , i.e
D(]0, [, R),

Te, = T, .

Le crit`ere donne par la Proposition 1.2 saccompagne dune definition, celle de la


notion dordre dune distribution sur un ouvert .
finition 1.15. Soit T une distribution `a valeurs reelles ou complexes sur
De
un ouvert de Rn et p N. On dit que la distribution T est dordre fini, inferieur
ou egal `a p sur , si lentier p(K) dans (1.14) peut, pour chaque compact K ,
etre pris inferieur ou egal `a p. Dans ce cas, le plus petit entier naturel ayant cette
propriete est appele ordre de la distribution T sur louvert .
Exercice 1.16. Soit T : D(R, R) R lapplication lineaire definie par
T : D(R, R) 7

k=0

dk
[](k).
dtk

Montrer que T est une distribution reelle sur R. Est-elle dordre fini ? Meme question
pour lapplication Tp (p N) de D(R, R) dans R definie par
Tp : D(R, R) 7

k=0

dp
[](k).
dtp

Exercice 1.17. Soit (ck )kZ une suite de nombres complexes telle que lon
ait |ck | = O(|k|p ) pour un certain entier p N lorsque |k| tend vers linfini. Soit
D(]0, 2[, R). Deduire de la formule de Plancherel lexistence de la limite,
lorsque N +

N
(
)
()
ck eik d
T, := lim
N +

]0,2[

k=N

et prouver lexistence dune constante C telle que |T, | CN[0,2],p+2 (). En utilisant le lemme de partition de lunite (Lemme 1.5, adapter par exemple la construction de lexercice 1.8), montrer que lon definit une distribution complexe T dordre
au plus p + 2 sur R en posant

N
(
)
(t)
D(R, C), T, := lim
ck eikt dt.
N +

k=N

12

1. ESPACES DE FONCTIONS-TEST ET NOTION DE DISTRIBUTION

Le K espace vectoriel des distributions `a valeurs dans K (K = R ou C) sur louvert


sera note par la suite D (, K).
Si et si T est une distribution (reelle ou complexe) dans , on definit la
restriction de T `a louvert comme lapplication K-lineaire :
D( , K) D(, K) 7 T, K.
Cest le fait que tout element de D( , K) puisse etre (une fois prolonge par 0 sur
\ ) considere comme un element de D(, K) qui justifie cette operation de
restriction.
1.4.1. Les classes de fonctions localement int
egrables sinterpr`
etent
comme des distributions. Soit f L1K,loc (, B(), dx) une classe de fonction
localement integrable (`a valeurs dans K) sur (par rapport `a la mesure de Lebesgue
dx sur la tribu de Lebesgue). Lapplication

Tf : D(, K)
f (y) (y) d(y)

est une distribution (`a valeurs dans K) dordre p = 0 sur , puisque lon a, pour
tout compact K ,





f
(y)(y)
dy

N
()

|f (y)| dy


K,0

et que le representant f de f est integrable sur K puisque localement integrable


sur . Par souci de commodite, la distribution Tf est notee f ou f (mais il faut se
souvenir que f ou son representant f sont ici interpretes au sens des distributions).
Exemple 1.18. La classe de la fonction dHeaviside H : R [0, 1] definie par
H(t) = 0 si t < 0 et H(t) = 1 si t 0 definit lune des distributions les plus importantes sur la droite reelle. Cette classe de fonction H (avec la fonction de Dirac,
qui dailleurs est une mesure et non une fonction, voir lexemple 1.19) constitue un
des mod`eles de reference.
1.4.2. Les mesures de Radon (r
eelles ou complexes) sur sinterpr`
etent comme des distributions. Si = + est une mesure de Radon
reelle sur (sexprimant donc, dapr`es le theor`eme 1.3 de representation de F.
Riesz, comme dierence de deux mesures positives reguli`eres et de masse finie sur
tout compact), on peut associer `a la distribution reelle T sur definie par

D(, R), T , := , =
(y) d(y)

=
(y) d+ (y)
(y) d (y).

Comme DK (, R) KK (, R) pour tout compact K , on a bien, etant donne


un tel compact K, pour tout DK (, R), linegalite
+

(,R) NK,0 () = ( (K) + (K)) NK,0 ()


|T , | KK

et la distribution reelle T ainsi associee `a la mesure de Radon reelle est une


distribution reelle dordre 0 sur . Par souci de commodite, la distribution T est
notee (mais il faut se souvenir que est ici interpretee non comme une forme
lineaire continue sur K(, R), mais au sens des distributions, cest-`a-dire comme


`
1.4. DISTRIBUTIONS DANS Rn : DEFINITION,
CRITERE,
PREMIERS EXEMPLES 13

une forme lineaire continue cette fois sur le sous-espace D(, R), avec la nouvelle
topologie dont on vient de lequiper).
Exemple 1.19. Lexemple de distribution-mesure le plus cel`ebre, `a la gen`ese
meme de linvention du concept de distribution, est celui de la distribution x0
introduite par le physicien Paul Dirac au debut du XX-i`eme si`ecle :
x0 : D(, R) 7 (x0 ),

x0 .

Si = + + i( + ) est une mesure de Radon complexe sur


(sexprimant donc comme indique, dapr`es le theor`eme 1.3 de representation de F.
Riesz, comme combinaison lineaire complexe de quatre mesures positives reguli`eres
et de masse finie sur tout compact), on peut associer `a la distribution complexe
T sur definie par

D(, R), T , := , =
(y) d(y)

(
)
=
(y) d+ (y)
(y) d (y) + i
(y)d + (y)
(y) d (y) .

Comme DK (, C) KK (, C) pour tout compact K , on a bien, etant donne


un tel compact K, pour tout DK (, C), linegalite
+

(,C) NK,0 () = ( (K) + (K) + (K) + (K)) NK,0 ()


|T , | KK

et la distribution complexe T ainsi associee `a la mesure de Radon complexe


est une distribution complexe dordre 0 sur . Comme dans le cas reel, on note T
sous la forme avec les memes precautions dusage que precedemment.
Remarque 1.20. Les distributions-mesure dans un ouvert de Rn sont dordre
0 dans cet ouvert. Reciproquement, etant donne un compact K de , on peut, si
T est une distribution dordre 0 dans , definir une action de T sur KK (, K) qui
prolonge la restriction de T `
a DK (, K). Il sut dintroduire un voisinage compact
K de K et dutiliser le fait que tout element de KK (, K) sapproche uniformement
sur tout compact de , donc en particulier K , par une suite delements (k )k de
DK (, K) 14. La suite (T, k )k est de Cauchy dans K si T est dordre 0 et converge
donc vers un element du corps complet K. Apr`es avoir prouve lindependance de
cet element vis a vis du choix de la suite approximante (k )k , on definit ainsi T,
comme cet element, ce qui permet de prolonger T `a KK (, K) en une forme lineaire
continue (pour la norme uniforme K sur cet espace). La distribution T est ainsi
prolongee en une mesure de Radon. Les distributions dordre 0 dans un ouvert de
Rn sont donc exactement les distributions-mesure dans cet ouvert.
1.4.3. La distribution VP[1/x] sur R et les distributions a
erentes. La
fonction x R 7 1/x nest pas localement integrable sur R (elle ne lest pas au
voisinage de x = 0 si lon invoque le crit`ere de Riemann). Il est donc impossible de
donner un sens (meme le sens distribution) `a x 7 1/x. Nous pouvons cependant
contourner ce probl`eme et definir une distribution sur R, que nous noterons VP[ x1 ].
La formule de Taylor avec reste integral (ecrite `a lordre 0 au voisinage de 0) nous
assure que, pour toute fonction C (R, C), on a

(x) = (0) + x
( x) d = (0) + x1 [](x),
[0,1]

14. Par exemple 1/k , voir le cours de MHT512, Section 4.7.

14

1. ESPACES DE FONCTIONS-TEST ET NOTION DE DISTRIBUTION

o`
u la fonction [] est une fonction C sur R du fait du theor`eme elementaire des
integrales dependant
dun param`etre. On remarque que, pour tout > 0, lintegrale


equilibree |x|> (y)/y dy secrit, si supp () [R, R],

(y)
dy
dy =
(0)
+
1 [](y) dy =
1 [](y) dy
y
y
|x|>
R>|x|>
R>|y|>
R>|y|>
et converge donc, lorsque tend vers 0, vers

(y)
lim
dy =
1 [](y) dy
0 R>|y|>
y
[R,R]
dapr`es le theor`eme de convergence dominee de Lebesgue. Lapplication
(1.15)

(y)
D(R, C) 7 lim
dy =
1 [](y) dy , supp [R, R],
0 |y|>
y
[R,R]
definit une distribution dordre 1 15 sur R, dite Valeur Principale VP[1/x].
Si maintenant on ecrit la formule de Taylor `a lordre N 1 1 au voisinage de 0
pour une fonction D(R, C) (de support par exemple dans [R, R]), on obtient

N
1 dk

[](0) k
xN
dN
dxk
x R, (x) =
x +
(1 )N 1 N []( x) d
k!
(N 1)! [0,1]
dx
k=0

(1.16)

N
1 dk

[](0)
dxk
k=0

k!

xk + xN N [](x),

o`
u la fonction
N [] : x R 7

1
(N 1)!

(1 )N 1
[0,1]

dN
[]( x) d
dxN

est une fonction C sur R (toujours en appliquant le theor`eme elementaire de


Licence 2 sur la dierentiabilite des integrales dependant dun param`etre) qui nest
plus, cette fois, `a support compact. Si 0 < < R, on a

[ y kN +1 ]R )
dkk [](0) ([ y kN +1 ]
(y)
dx
dy
=
+
N
k!
k N + 1 R
kN +1
<|y|<R y
kN 2

dN 1
([
]R [
] )
N 1 [](0)
log |y| + log |y|
+ dx
(N 1)!

+
N [](y) dy.
<|y|<R

Il en resulte donc que la limite, lorsque tend vers 0, de

dk

2 dx
1
(y)
k [](0)
dy

N
N
k1
(N k 1)k!
|y|> y
k<N 1
kN (mod 2)

15. Que lordre soit exactement 1 r


esulte du fait que cette distribution ne saurait
etre une
mesure (cf. la remarque 1.20) puisque dt/|t| nest pas de masse finie au voisinage de lorigine.


`
1.4. DISTRIBUTIONS DANS Rn : DEFINITION,
CRITERE,
PREMIERS EXEMPLES 15

existe et que
D(R, C) 7 lim

|y|>

(y)
dy
yN

d
2 dx
1 )
k [](0)
(N k 1)k! N k1

k<N 1

kN (mod 2)

definit une distribution dordre au plus N sur R (en fait, il sav`ere que lordre
est exactement N , mais cest `a ce stade un peu plus dicile `a montrer, nous y
reviendrons). Les distributions ainsi definies et correspondant `a N = 2M pair
sont appelees Partie Finie PF[1/x2M ], M = 1, 2, .... . Lorsque N est impair (N =
2M + 1), on appelle cette distribution VP[1/x2M +1 ], comme dans le cas N = 1.
Si < 1, la fonction t R 7 H(t)t est localement integrable sur R, donc
definit une distribution-fonction que lon note t
ere N
+ . Si 1, de partie enti`
( [N, N + 1[) et si D(R, C), la formule de Taylor avec reste integral (1.16)
implique, pour 0 < < R < +,

<t<R

(t)
dt
t

N
1 dk

[](0)
dxk

k!

k=0
N
1

k=0

tN N [](t) dt

tk dt +

dk
[](0)
dxk

<t<R

[
]
tk+1

( k 1)k!
R

+
tN N [](t) dt

si ]N, N + 1[

<t<R

dk
[](0)
dxk

k<N 1

( k 1)k!

[
]
tk+1 +
R

dN 1
[
]R
N 1 [](0)
+ dx
log t +
tN N [](t) dt si = N.
(N 1)!

<t<R

On definit ainsi une distribution t


erieur 16 ou egal `a N , partie
+ sur R (dordre inf
enti`ere de , lorsque 1) en posant
t
+ , := lim

(
t>

dk

[](0)
(t)
1 )
dxk
dt

k1
t
( k 1)k!
kN 1

si ]N, N + 1[ et
tN
+ , := lim

(
t>

dk

[](0)
(t)
1
dxk
dt

t
(N k 1)k! N k1
k<N 1

dN 1
[](0)
dxN 1

(N 1)!

)
log

pour toute fonction D(R, C). On remarque que t


+ , = 0 si Supp ], 0[
(do`
u lindice + utilise dans la notation).
Les distributions t
+ , R, comme la distribution VP[1/x] et la distribution
2
PF[1/x ], jouent un role important en mathematiques appliquees et en sciences de
lingenieur.
16. L`
a encore, lordre est exactement N = E[], nous y reviendrons.

16

1. ESPACES DE FONCTIONS-TEST ET NOTION DE DISTRIBUTION

1.4.4. La distribution VP[1/f ] dans le champ complexe. Le champ complexe, de par la notion de positivite qui lui est inherente (et que materialise le
couplage de lidentite avec la conjugaison complexe, c.f. la relation zz = |z|2 0)
fournit un cadre propice `a la construction de distributions qui ne soient ni des
distributions-fonction, ni des distributions-mesure, mais plutot des distributions du
ees `a la sous-section precedente. Le mod`ele
type VP[1/x], PF[1/x2 ], t
+ , envisag
de construction VP[1/x] via lintegrale equilibree (sans correction de terme
comme cela etait necessaire dans le champ reel pour les singularites dordre strictement superieur `a 1) sadapte facilement dans le champ complexe.
Proposition 1.3. Soit est un ouvert connexe de C et f une fonction holomorphe non identiquement nulle dans . Pour toute fonction D(, C), la
limite, lorsque > 0 tend vers 0, de

(1.17)

{ ; |f ()|>}

(, )
dd,
f ( + i)

existe et lon definit une distribution VP[1/f ] sur en posant

(1.18)

D(, C), VP[1/f ], := lim

(
{ ; |f ()|>}

)
(, )
dd .
f ( + i)

Lordre de cette distribution au voisinage dun zero z0 de f de multiplicite (z0 ) est


inferieur ou egal `
a (z0 ) 1. Si (z0 ) = 1, la distribution VP[1/f ] coincide avec
la distribution-fonction 1/f dans tout voisinage de z0 o`
u z0 est le seul zero de la
fonction holomorphe f .
monstration. Gr
De
ace au lemme 1.5 de partitionnement de lunite, on peut
se limiter au cas o`
u = D(0, R) et f (z) = z h(z), avec N , h holomorphe et ne
sannulant pas dans D(0, R) ; la fonction h secrit dans D(0, R) sous la forme h =
exp(g), o`
u g est holomorphe dans D(0, R) et lon a donc f (z) = (z exp(g(z)/))
dans ce disque. En eectuant le changement de variable w = z exp(g(z)/) (qui
realise une transformation biholomorphe entre un voisinage de 0 dans Dz (0, R)
et un voisinage de 0 dans Cw ), on voit que lon peut se ramener `a supposer en
fait que = D(0, r) et f (z) = z . On peut se limiter `a supposer 2 puisque
la fonction 1/z est localement integrable dans C et definit donc une distribution
fonction (coincidant bien dans ce cas avec VP [1/z] telle quelle est definie dans
(1.18)). Pour > 0 fixe, lintegrale figurant en (1.17) devient, une fois exprimee en
coordonnees polaires
(1.19)
r ( 2

) d
(, )
dd =
( cos , sin ) ei d 1 .

1/
0
{ ; |f ()|>} f ( + i)


`
1.4. DISTRIBUTIONS DANS Rn : DEFINITION,
CRITERE,
PREMIERS EXEMPLES 17

On utilise la formule de Taylor avec reste integral pour la fonction , cette fois
fonction de deux variables, au voisinage de (0, 0). Ceci donne
( cos , sin ) =
+( 1)1

1 ( k1 +k2 )
[](0, 0) (ei )k1 (ei )k2 +
k1 !k2 ! k1 k2
k1 +k2 2

1 (
1
(1 )2

k1 !k2 ! [0,1]
k1 !k2 !

k1 +k2 =1

( k1 +k2 )
k2

k1 +k2 =1

) )
[]( cos , sin ) d ei(k1 k2 )

k1
( k1 +k2 )

1
[](0, 0) k1 +k2 ei(k1 k2 ) +
k1 !k2 ! k1 k2
k1 +k2 2
+1 []( cos , sin ).

En substituant dans (1.19) et en utilisant le fait que, si k1 + k2 2, k1 , k2 0,


2
ei(k1 k2 +1) d = 0,
0

on voit que

{ ; |f ()|>}

(, )
dd =
f ( + i)

1/

)
[]( cos , sin )ei d d.

La limite lorsque tend vers 0 de lintegrale (1.19) existe bien est vaut

r ( 2
)
(, )
lim
dd =
[]( cos , sin )ei d d
0 { ; |f ()|>} f ( + i)
0
0
grace au theor`eme de convergence dominee. On definit ainsi une distribution complexe dont on voit que lordre est inferieur ou egal `a 1 (ce sont les derivations
de jusqu`
a un ordre total egal `a 1 qui sont impliquees dans lexpression de
[]).

1.4.5. Les distributions PF(x ) dans Rn . Soit R. Si < n, la


fonction x Rn 7 x (definie dans Rn \ {0}, donc dx-presque partout, la
norme etant ici la norme euclidienne) est localement integrable dapr`es le crit`ere
de Riemann, donc definit une distribution-fonction. Ce nest plus le cas si N .
Cest `a nouveau la formule de Taylor avec reste integral (dans Rn cette fois) que
nous invoquons pour definir un substitut distribution `a x 7 x dans ce cas, la
distribution Partie Finie PF[x ].
Soit n et N la partie reelle de (n 1) 1 (i.e [n + N 1, n + N [). Si
D(Rn , C) (avec Supp Bn (0, R)), considerons sa radialisee rad :

dn1 (),

rad : [0, ] 7
( )
Sn1

o`
u dn1 designe la mesure surfacique sur la sph`ere unite Sn1 de Rn (cest-`a-dire
dx = n1 dn1 d). La fonction [0, ] 7 rad (), prolongee par parite `a R
tout entier, est une fonction paire de D(R, C) (avec Supp rad [R, R]) dont

18

1. ESPACES DE FONCTIONS-TEST ET NOTION DE DISTRIBUTION

on peut ecrire (voir (1.16)) le developpement de Taylor (avec reste integral) au


voisinage de 0 `a lordre N 1 :
[0, [, rad () =

N
1 dk

[rad ](0)
dk
k=0

(1.20)

k +

k!
N
(N 1)!

N
1 dk

[rad ](0)
dk
k=0

k!

(1 )N 1

[0,1]

dN
[rad ]( ) d
dN

k + N N [rad ]().

En passant aux coordonnees spheriques dans Rn , on a, pour tout > 0,

(x)
( )
dx
=
n1 d dn1

n1
{x>} x

S

rad ()
=
n1
d


N
1 dk

[rad ](0) R k+n1


N [rad ]()
dk
=

d +
d.
k!
nN +1

0
k=0

On constate alors que lon definit sur Rn une distribution dordre au plus 17 N en
posant

PF(x
si

(
), = lim

{x>}

d
d
k [rad ](0)
(x)
1 )
dx

x
( k n)k! kn
k

kN 1

]n + N 1, n + N [

PF(x(n+N 1) ), =
(
(x)
dx
= lim

0
{x>} x
(1.21)

k<N 1

dk
[rad ](0)
dk

(N k 1)k! N k1

dN 1
[rad ](0)
dN 1

(N 1)!

)
log .

Ces distributions sont les distributions Parties Finies, ou encore Parties Finies de
Hadamard, ainsi denomees en reference au mathematicien francais Jacques Hadamard (1863-1965), dailleurs grand oncle de Laurent Schwartz, dont nous avons dej`a
mentionne le role dans la gen`ese du concept de distribution.
1.5. Courants sur une sous-vari
et
e di
erentiable de RN
Dans cette section, K = R ou C et designe un ouvert dune sous-variete dierentiable X de RN . Le cas particulier N = n et X = Rn correspond au cas (dej`a traite)
o`
u est un ouvert de Rn .
17. Ici encore,lordre de cette distribution est exactement N , cest-`
a-dire la partie enti`
ere de
(n 1) lorsque ce nombre est sup
erieur ou
egal `
a 1 (sinon, lordre est 0 car il sagit dune
distribution-fonction).

E
DIFFERENTIABLE

1.5. COURANTS SUR UNE SOUS-VARIET


DE RN

19

Dans ce contexte maintenant geometrique, il est important, outre dintroduire le


K-espace vectoriel D(, K) des fonctions C `a support compact dans 18, dintroduire aussi, pour chaque valeur de q = 0, ..., n, le K-espace Dq (, K) des q-formes
dierentielles C et `a support compact dans . On convient naturellement de ce
que Dn+1 (, K) = 0. On a aussi D0 (, K) = D(, K).
On rappelle que lon dispose de loperateur dierentiel de de Rham :
d : Dq (, K) 7 d Dq+1 (, K), q = 0, ..., n.
Cet operateur verifie (du fait du lemme de Schwarz) d d 0.
Exactement comme nous avons defini une topologie sur chaque K-espace vectoriel
0
DK (, K) = DK
(, K) un syst`eme fondamental de voisinages de la fonction nulle
q
(1.11), on definit une topologie sur chaque DK
(, K) (K-espace vectoriel des qformes dierentielles `a support dans K ). Dire quune suite (k )k delements
q
q
de DK
(, K) converge (pour cette topologie) vers la forme nulle dans DK
(, K)
signifie que, pour tout p N,
(1.22)

lim max[NK,p (coe.(k ))] = 0,

les coecients des formes dierentielles etant ici exprimes en coordonnees locales
(notons que la clause (1.22) ne depend pas du recouvrement R de K utilise pour
cartographier la sous-vari
ete X au voisinage de K). On munit Dq (, K) de la
q
(, K), ce qui revient
topologie limite inductive des topologies introduites sur les DK
q
`a adopter un principe de convergence des suites dans D (, K) calque mot pour mot
sur celui de la Definition 1.11.
finition 1.21 (principe de convergence des suites dans Dq (, K)). Soit
De
un ouvert dune sous-variete dierentiable de dimension n de RN , K = R ou C.
Soit 0 q n. Une suite (k )k0 delements de Dq (, K) est dite converger vers
la q-forme dierentielle identiquement nulle dans Dq (, K) si et seulement si :
il existe k0 N tel que toutes les q-formes dierentielles k pour k k0 ont
leur support inclus dans un meme compact K0 ;
q
la suite (k )kk0 , consideree comme une suite delements de DK
(, K),
0
converge vers la q-forme dierentielle identiquement nulle dans cet espace,
i.e
(1.23)

p N,

lim max[NK0 ,p (coe.(k ))] = 0,

les coecients des formes dierentielles etant exprimes en coordonnees locales.


finition 1.22 (notion de courant). Soit un ouvert dune sous-variete
De
dierentiable de dimension n de RN , K = R ou C. Soit 0 q n. Un q-courant (`a
valeurs dans K) sur est une K-forme lineaire
T : Dnq (, K) 7 T,
telle que, pour toute suite (k )k delements de Dnq (, K) tendant vers la (n q)forme identiquement nulle au sens du principe de convergence des suites enonce
18. Ici, est consid
er
e comme ouvert de la sous-vari
et
e di
erentiable X , il sagit donc de
fonctions C d
efinies sur la sous-vari
et
e X via les cartes locales dun atlas.

20

1. ESPACES DE FONCTIONS-TEST ET NOTION DE DISTRIBUTION

dans la Definition 1.21, on ait


lim T, k = 0.

k+

Le K-espace vectoriel des q-courants sur et `a valeurs dans K est note D q (, K).
Remarque 1.23. Le fait que X soit une sous-variete dierentiable de RN implique que lon dispose sur X dune n-forme dierentielle volume canonique. Cette
forme volume volX (couplee donc avec une orientation) correspond `a la metrique
euclidienne dxX sur X (voir par exemple lannexe 1, Definition B.1.1 de [Charp]).
Il y a un isomorphisme topologique naturel entre D(X , K) et Dn (X , K), `a savoir
lisomorphisme qui `a la n-forme Dn (, K) associe lunique fonction D(, K)

telle que volX . Le K-espace vectoriel D 0 (, K), dual du K-espace Dn (, K),


sidentifie donc `a lespace des formes lineaires T : D(, K) K continues au
sens du principe de convergence des suites dans D(, K). Le K-espace vectoriel

D 0 (, K) est appele K-espace vectoriel des distributions sur et lon retrouve


ainsi la coherence avec la notion de distribution dans un ouvert de Rn introduite

precedemment (D 0 (, K) D (, K)).

CHAPITRE 2

Suites de distributions, r
egularisation,
di
erentiation

2.1. Convergence faible dans D (, K) ou D q (, K)


Dans cette section, designe dans un premier temps un ouvert de Rn . Le corps
des scalaires K est, comme dhabitude, R ou C.
Plutot que dintroduire une topologie sur le K-espace D (, K), nous allons nous
contenter denoncer un principe de convergence pour les suites de distributions. La
topologie sur D (, K) (dual de D(, K)) dont lenonce dun tel principe de convergence des suites escamote la definition est dite topologie faible sur D (, K). Cette
topologie faible, l`a encore, nest pas metrisable, mais le principe de convergence des
suites enonce ci-dessous sura `a nos besoins.
finition 2.1 (principe de convergence pour les suites de distributions). Une
De
suite de distributions (Tk )kN , avec Tk D (, K), est dite converger vers la distribution nulle si et seulement si
D(, K),

(2.1)

lim Tk , = 0.

k+

La suite de distributions (Tk )kN est dite converger vers la distribution T D (, K)


si et seulement si la suite (Tk T )kN converge vers la distribution nulle, i.e
D(, K),

(2.2)

lim Tk , = T, .

k+

En fait, le theor`eme de Banach-Steinhaus 1 sadapte dans un tel contexte et nous


avons la :
Proposition 2.1 (D (, K) est sequentiellement complet ). Si une suite
(Tk )kN de distributions de D (, K) est telle que
D(, K),

(2.3)
alors

lim Tk , existe,

k+

)
D(, K) 7 lim Tk , D (, K).
k+

monstration. La preuve de cette proposition repose sur le lemme suivant.


De
Lemme 2.2. Soit (Tk )kN une suite delements dans D (, K) telle que
(2.4)

D(, K), sup |Tk , | < +.


kN

1. Si E est un espace de Banach et F un espace vectoriel norm


e, toute famille (L ) dapplications lin
eaires continues de E dans F telle que, pour chaque v E, sup |L (v )| < +, est
telle que sup L L(E,F ) < +. Ce th
eor`
eme important (surtout en analyse fonctionnelle) est
un avatar de la propri
et
e de Baire (que partagent les espaces de Banach comme ici E).
21

22

2. SUITES DE DISTRIBUTIONS, REGULARISATION,


DIFFERENTIATION

Alors, si (k )k est une suite delements dans D(, K) tendant vers 0 dans D(, K)
au sens du principe de convergence des suites de la Definition 1.11, on a
lim Tk , k = 0.

k+

Admettons pour linstant ce lemme et deduisons en la preuve de la Proposition 2.1.


Il est clair que (2.3) implique (2.4). Posons, pour tout D(, K),
T, := lim Tk , .
k+

Pour prouver la proposition, il faut montrer que T (qui est dej`a evidemment une
forme K-lineaire) satisfait
lim T, k = 0
k+

pour toute suite (k )k0 delements de D(, K) tendant vers la fonction nulle au
sens du principe de convergence des suites de la Definition 1.11. Si ce netait pas le
cas, on pourrait trouver une sous-suite strictement croissante dentiers (kl )l0 telle
que, pour un certain > 0,
(2.5)

l N , |T, kl | .

Pour chaque l N, il existe Nl N tel que


(2.6)

k Nl , |T, kl Tk , kl | /2

par definition de T . En combinant (2.5) et (2.6), il vient


(2.7)

l N,

|TNl , kl | /2.

En remplacant dans le lemme la suite (Tk )k par sa sous-suite (TNl )l et la suite (k )k


par sa sous-suite (kl )l , on constate que lon devrait avoir (dapr`es ce lemme)
lim TNl , kl = 0,

l+

ce qui est contradictoire avec (2.7). La proposition 2.1 est bien demontree.

preuve du lemme 2.2. On suppose la conclusion du lemme en defaut, ce qui


signifie, quitte `a extraire des sous-suites de (Tk )k et (k )k que, pour un certain
> 0, on a
(2.8)

|Tk , k | .

Dire que la suite (k )k tend vers 0 revient `a dire que toutes fonctions k vivent, pour
k assez grand, dans le meme compact K0 et, pour tout p N, lim NK0 ,p (k ) = 0.
k

Pour tout p N, il existe donc kp N tel que NK0 ,p (kp ) < 4p . La suite (2p kp )p
tend toujours vers 0 dans D(, K) et, quitte `a remplacer dans (2.8) Tk par Tkp et
k par 2p kp , la clause (2.8) devient
(2.9)

|Tep , p | 2p ,

tandis que la suite (p )p continue `a converger vers 0 dans D(, K) et que la condition
(2.4) reste valable (mais avec la suite (Tep )p au lieu de la suite (Tk )k cette fois).
Nous allons maintenant construire par recurrence une suite dentiers (pl )lN telle
que pour tout l N ,
pour tout = 1, ..., l 1,
1
(2.10)
|Tp , pl | l ;
2

2.1. CONVERGENCE FAIBLE DANS D (, K) OU D q (, K)

23

on a
(2.11)

|Tpl , pl |

l1

=1

sup |Tk , p | + l + 1
k

l1

|Tkl , p | + l + 1.

=1

Pour l = 1, il sut dassurer la clause (2.11), soit |fp1 , p1 | 2, ce qui est assure
(du fait de (2.9)) d`es que 2p1 1 1, donc pour p1 choisi assez grand. Une fois que
p1 , ..., pl1 ont ete construits, il existe un entier N = N (p1 , ..., pl1 ) tel que
(
1 )
(p N ) = = 1, ..., l 1, |Tp , p | l
2
puisque, pour chaque = 1, ..., l 1, la suite (Tp , p )p tend vers 0 lorsqu p
tend vers linfini (la suite (p )p tend en eet vers 0 dans D(, K) et chaque Tp ,
= 1, ..., l 1, est une distribution sur `a valeurs dans K). La condition (2.11)
est assuree pour pl N assez grand d`es que
2pl

l1

=1

sup |Tk , p | + l + 1
k

(en vertu de (2.9)). Il est possible de choisir un tel pl . La suite (pl )lN realisant
`a la fois les clauses (2.10) et (2.11) est ainsi
construite inductivement. Comme
NK0 ,p (p ) 2p pour tout p N , la serie pl pl converge dans DK0 (, K) et la
fonction

:=
p l
l=1

definit un element de DK0 (, K) D(, K). On a, pour l N ,





|Tpl , | = Tpl , pl +
Tpl , p
=l

|Tpl , pl |

l+1

|Tpl , p |

<l

|Tpl , p |

>l

|Tpl , p | l + 1

>l

1
l
2l
>l

si lon utilise (2.11) pour obtenir la seconde inegalite et (2.10) pour obtenir la
troisi`eme. La suite (|Tk , |)k ne serait donc pas bornee, ce qui est en contradiction
avec lhypoth`ese (2.4). Le lemme 2.2 est ainsi demontre par labsurde.

Exercice 2.3. Soit (k )k une suite de nombres strictement positifs tendant


vers 0. Determiner les limites au sens des distributions (i.e dans D(R, C)) :
(
)
(
)
log |t+ik |+i arg],[ (ti k ) .
log |t+ik |+i arg],[ (t+i k )
&
lim
lim

k+

k+

Exercice 2.4. Determiner la limite dans D (R, R) de la suite de distributionsfonction (Tk ), o`


u

1
sin(kt)
D(R, R), Tk , =
(t) dt.
R
t

24

2. SUITES DE DISTRIBUTIONS, REGULARISATION,


DIFFERENTIATION

Exercice 2.5 (peigne de Dirac). Montrer que la suite de distributions (Tk )k


de D (R, R), o`
u
(
k
)
1
1
D(R, R), Tk , =
+
cos(lt) (t) dt
R 2
l=1

converge vers le peigne de Dirac, i.e la distribution reelle sur R

(2l).
D(R, R) 7 2Z , =
lZ

On utilisera la formule donnant lexpression concatenee du noyau de Dirichlet :


(
)
1
k
sin
k
+

2
1
1
eil =
[0, 2].

2
2
sin 2
l=k
Exercice 2.6. Soit N N et (k )kN une suite de nombres reels positifs
tendant vers 0. Soit (fk )k la suite de fonctions de C dans lui-meme, o`
u
fk : z C 7

||>k (z)
zN
,
||k (z) +
2N
zN
k

k N.

Montrer que la suite de distributions-fonction (fk )kN converge dans D (C, C) vers
la distribution VP[1/z N ] introduite dans la Proposition 1.3 comme (1.18) lorsque
f (z) = z N .
Exercice 2.7. Soit (k )kN une suite de nombres reels strictement positifs
tendant vers 0. En utilisant comme fonction-test = , o`
u : R [0, 1] est
une fonction de D(R, R), paire, identiquement egale `a 1 sur [1, 1], decroissante sur
[1, +[, montrer que la suite de distributions complexes (Tk )kN sur R2 :

(x, y)
2
D(R , C) 7 Tk , :=
dxdy
xy
+ i k
2
R
ne converge pas dans D (R2 , C) (utiliser le theor`eme de convergence monotone de
Beppo Levi pour montrer la non convergence dans D (R2 , R) de la suite (Im Tk )kN ).
Exercice 2.8. Montrer que toute fonction D(R2 , C) secrit de mani`ere
unique sous la forme
(x, y) = 00 (x, y) + x 10 (x, y) + y 01 (x, y) + xy 11 (x, y),
o`
u les quatre fonctions 00 , 10 , 01 , 11 sont des fonctions C `a support compact,
paires en x et y. Exprimer 11 comme une integrale fonction des param`etres (x, y)
sexprimant `a laide de la derivee partielle seconde ( 2 /xy)[]. En deduire que
la suite de distributions complexes (Tk )kN sur R2 , o`
u

(x, y)
Tk : D(R2 , C) 7 Tk , :=
dxdy
xy
|xy|>k
et (k )kN une suite de nombres reels strictement positifs tendant vers 0, converge
vers la distribution

T : D(R2 , C) 7 T, : =
11 (x, y) dxdy
R2
(
( 2 )
)
1
=
[]( x, y) dd dxdy.
4 R2
[1,1]2 xy


2.2. LA REGULARISATION
DES DISTRIBUTIONS

25

Montrer que si , D(R, C), on a


T, = VP[1/x], VP[1/x], ,
o`
u : (x, y) 7 (x) (y) et VP[1/x] est la distribution introduite en (1.15).
Dans le contexte geometrique o`
u designe un ouvert dune sous-variete dierentiable de dimension n de RN , le principe de convergence des suites de distributions
se transpose mot pour mot en un principe de convergence pour les suites de courants.
finition 2.9 (principe de convergence pour les suites de courants). Soit
De
un ouvert dune sous-variete dierentiable de dimension n de RN et 0 q n.

Une suite de q-courants (Tk )kN , avec Tk D q (, K), est dite converger vers le
q-courant nul si et seulement si
(2.12)

Dnq (, K),

lim Tk , = 0.

k+

La suite de q-courants (Tk )kN est dite converger vers le courant T D q (, K) si


et seulement si la suite (Tk T )kN converge vers le q-courant nul, i.e
(2.13)

Dnq (, K),

lim Tk , = T, .

k+

Comme dans le cadre de la theorie des distributions (Proposition 2.1), le K-espace

vectoriel D q (, K) des q-courants sur un ouvert dune sous-variete dierentiable


de dimension n de RN est sequentiellement complet.
2.2. La r
egularisation des distributions
Les phenom`enes physiques sont entaches dirregularites. Les structures fractales ou
chaotiques (trajectoires du mouvement brownien, courbes fractales sur le mod`ele
du flocon de Von Koch ou de la fronti`ere des ensembles de Mandelbrojt ou de Julia
dans les probl`emes de dynamique, etc.) en sont autant dexemples familiers, `a loppose des etres reguliers (tels les courbes analytiques ou algebriques) auxquels
sont attaches les concepts rigides dholomorphie, danalyticite (au sens reel ou
complexe), etc., ou souples , mais reguliers (C 0 , Lipschitz, C 1 , ..., C p , ..., C ).
Pouvoir approcher des phenom`emes irreguliers par des distributions-fonction
correspondant `a des fonctions aussi reguli`eres que lon veut (que lon entende rigide ou souple ) sav`ere essentiel. Cest ce que nous nous proposons de faire
dans cette section.
Proposition 2.2 (regularisation dune distribution par convolution). Soient
, deux ouverts de Rn tels que et dist( , ) = ]0, ]. Soit
T D (, K) (K = R ou C). La suite de fonctions
x 7 Ty , 1/k (x y),

k max(1, 1/),

est une suite de fonctions C dans qui converge au sens des distributions dans
D ( , K) vers la restriction T| de T `
a louvert .
monstration. Pour k max(1, 1/) et x , la fonction
De
y Rn 7 1/k (x y) = 1/k (y x)
est de support BRn (x, 1/k) et est C . Cest une fonction-test dans D(, R)
et laction de T dessus, soit Ty , 1/k (x y), est donc bien definie. Nous allons
montrer par recurrence sur p que, pour tout k max(1, 1/), la fonction
(2.14)

x 7 Ty , 1/k (x y)

26

2. SUITES DE DISTRIBUTIONS, REGULARISATION,


DIFFERENTIATION

est de classe C p sur et que, pour l1 + + ln p, on a


(2.15)
n
n
(
]

lj ) [
lj )
x ,
T
,

(x

y)
(x)
=
T
,
[
(x

y)]
.
y
y
1/k
1/k
lj
lj
j=1 xj
j=1 xj
Prouver ceci se ram`ene de fait (par induction en remplacant la fonction par une
de ses derivees partielles `a lordre p 1) au cas p = 1, l1 = 1, l2 = = ln = 0.
On remarque que, si ( )N est une suite de nombres reels tendant vers 0 et si
x = (x1 , x ) est fixe dans , la suite de fonctions-test
(
1/k (x1 + y1 , x y ) 1/k (x y) )
y = (y1 , y ) 7

N
converge dans D(, R) vers la fonction-test
( )
y 7
[1/k (x y)].
x1
Comme T est une distribution sur , on a donc
Ty , 1/k (x1 + y1 , x y ) Ty , 1/k (x y)
=
+

( )

= Ty ,
[1/k (x y)] .
x1
lim

En repetant ce raisonnement inductivement, on voit que la fonction (2.14) est C


dans et que ses derivees partielles se calculent en derivant sous le symbole de
prise de Ty i.e comme (2.15). Il reste `a prouver que, si D( , K), on a

(2.16)
Tx , x = lim
Ty , 1/k (x y) (x) dx.
k+

En approchant lintegrale de la fonction continue

(x) 1/k (x y) dx

par des sommes de Riemann, puis en utilisant la linearite et la continuite de T sur


D(, K), on voit que


Ty ,
(x) 1/k (x y) dx =
Ty , 1/k (x y) (x) dx.

Prouver (2.16) revient donc `a prouver

Tx , x =
lim Ty ,
(x) 1/k (x y) dx
k+

(2.17)
=
lim Ty ,
(y x) 1/k (x) dx .
k+

BRn (0,1/k)

Or (si est prolongee par 0 dans R \ en une fonction de D(Rn , K)), la fonction

y Rn 7
(y x) 1/k (x) dx
n

BRn (0,1/k)

est une fonction-test dans Rn , `a support compact dans xSupp BRn (x, ) ,
et lon a (dapr`es le theor`eme usuel de dierentiation des integrales dependant de


2.2. LA REGULARISATION
DES DISTRIBUTIONS

27

plusieurs param`etres) que pour chaque p N, pour chaque multi-indice (l1 , ..., ln )
avec l1 + + ln p,

n
(
]
lj )[
(y

x)

(x)
dx
(y) =
1/k
lj
BRn (0,1/k)
l=1 yj

n
(
lj )
=
[(y x)] 1/k (x) dx.
lj
BRn (0,1/k) l=1 yj
Dautre part, pour tout compact K de , on a

n
n

(
(
lj )
lj )


[](y)

[(y

x)]

(x)
dx
lim sup

1/k
lj
lj
k+ yK
BRn (0,1/k) l=1 yj
l=1 yj
n


(
]
lj )[


=
lim sup
(y)

(y

x)

(x)
dx

1/k
lj
k+ yK
BRn (0,1/k) l=1 yj

n
(
]
lj )[


(y)

(y

x)

lim sup

1/k (x) dx = 0
l
j
k+ yK B n (0,1/k)
R
l=1 yj
du fait de luniforme continuite de toutes les derivees partielles de sur le compact
K = {x Rn ; d(x, K) } (voir le cours de MHT512, Section 4.7). La suite de
fonctions

)
(

(y x) 1/k (x) dx
y 7
kmax(1,1/)

BRn (0,1/k)

est donc une suite de D(, K) convergent (au sens de la convergence des suites de
fonctions-test dans ) vers la fonction (consideree comme fonction-test dans ).
Le fait que T soit une distribution dans implique donc bien (2.17), donc (2.16).
La proposition est demontree.

Exercice 2.10. Soit un ouvert de R et T D(, C). Soit K un compact de


et K D(, R) une fonction plateau identiquement egale `a 1 au voisinage de
K. Soit k N . Montrer que la fonction
( k2
)
k
x R 7
Ty , K (y) exp (x y)2
2
2
est la restriction `a R dune fontion enti`ere Fk [T ; K] de la variable complexe z, avec

( k2 z 2 )
( k 2 y 2 )
k
k 2l
exp
Ty , K (y)y l exp
zl.
z C, Fk [T ; K](z) =
2
l!
2
2
l=0

Montrer que

DK (, C), T, = lim

k+

(x)Fk [T ; K](x) dx
K

(on sinspirera de la preuve de la Proposition 2.2). En deduire quil existe une suite
de fonctions polynomiales (Pk [T ; K])kN telle que

DK (, C), T, = lim
(x)Pk [T ; K](x) dx.
k+

28

2. SUITES DE DISTRIBUTIONS, REGULARISATION,


DIFFERENTIATION

2.3. La multiplication des distributions par des fonctions C


Dans cette section, nous allons nous placer demblee dans le contexte geometrique o`
u est un ouvert dune sous-variete dierentiable X de dimension n de RN
(le cas N = n et X = Rn etant bien s
ur un cas particulier majeur). Le corps des
scalaires K est toujours R ou C.

Proposition 2.3. Soit 0 q n et T D q (, K) un q courant sur . Si


est une q -forme dierentielle C sur (avec q + q n), la forme lineaire

Dnqq (, K) 7 (1)qq T,
est un (q + q )-courant sur (`
a valeurs dans K) note T . En particulier, si T
est une distribution sur et f une fonction C , la forme lineaire f T definie par
f T : D(, K) 7 T, f
est une distribution sur .
monstration. La preuve est immediate et repose sur la r`egle de Leibniz
De
qui permet darmer que si K est un compact de et p N,
max[NK,p (coe.( ))] C() max[NK,p (coe. ())]

Dnqq (, K)

(les formes dierentielles en jeu etant exprimees en coordonnes locales dans les
ouverts de carte).

Une consequence tr`es importante de cette proposition est de pouvoir ramener


letude globale dune distribution ou dun courant `a une etude locale. Si en eet
( ) est un recouvrement de et (k )kN un partitionnement de lunite subordonne `a ce recouvrement (cf. le Lemme 1.5), on peut decomposer tout q-courant

T D q (, K) sous la forme

T =
k T,
kN
nq
au sens o`
u, pour tout K , pour toute forme DK
(, K),

T, =
T, k ,
kN

la somme ci-dessus etant finie puisque le compact K


nintersecte quau plus un
nombre fini de supports des k , k N (on rappelle
k k 1, ce qui est ici
fondamental).
En particulier, si lon utilise un recouvrement de louvert par des cartes locales
(U , ), o`
u U = (Bx ) X RN , Bx etant une boule autour de lorigine
n
dans R et : (t1 , ..., tn ) 7 (t) RN , (0) = x , un parametrage de X au
voisinage de x , on peut regulariser le courant T en se contentant de regulariser
chaque k T , ce que lon peut faire en utilisant la Proposition 2.2 une fois que
lon sest ramene, via le parametrage (k) , au probl`eme de la regularisation dun
q-courant dans un ouvert de Rn (en loccurence Bx(k) ). On peut alors enoncer
le resultat suivant, completant ainsi la Proposition 2.2 en ladaptant au contexte
geometrique :
Proposition 2.4 (regularisation des courants). Soit un ouvert dune sous
variete dierentiable de dimension n de RN . Tout q-courant T D q (, K) sap
proche dans D q (, K) (au sens du principe de convergence donne dans la Definition


2.4. DIFFERENTIATION
DES DISTRIBUTIONS ET DES COURANTS

29

2.9) par une suite de q-courants (Tk )k , o`


u chaque chaque Tk est represente par une
q-forme dierentielle C k , i.e.

Dnq (, K), Tk , =
k (x) (x),
X

lintegration sur X dune n-forme dierentielle (x) volX (x), o`


u est une fonction
C sur X et volX la forme volume induite par la forme dx1 dxN dans RN ,
etant definie par

(x) volX (x) :=


(x)dxX ,
X

o`
u dxX est la mesure de Lebesgue euclidienne sur X (voir lannexe B1, Definition
B.1.1 dans [Charp]).
Le fait de pouvoir definir la multiplication f T dun q-courant par une fonction C
et de disposer de fonctions plateau (cf. le Corollaire 1.6) nous permet de reformuler
la definition dordre dun courant (ou dune distribution).
finition 2.11 (la notion dordre reformulee). Lordre dun q-courant T sur
De
est la borne superieure de tous les ordres (finis) des q-courants T , o`
u decrit
lensemble des fonctions-plateau D(, [0, 1]) subordonnees aux compacts K
inclus dans .
Exercice 2.12. Soit f une fonction holomorphe non identiquement nulle dans
un ouvert connexe de C. Soit T D (, C) une distribution sur , dordre
strictement inferieur au minimum des multiplicites des zeros de f dans . Montrer
que, si T, = 0 pour toute fonction-test telle que Supp {f = 0} = , on a
f (z)T = 0.
2.4. Di
erentiation des distributions et des courants
La raison majeure pour laquelle le concept de fonction generalisee (ou de distribution) a germe dans lesprit des physiciens tels Heaviside ou Dirac tient au fait
quil saverait necessaire, tout au moins de mani`ere formelle, de deriver des
phenom`enes physiques qui echappaient `a la modelisation en termes de fonction
(comme la masse de Dirac x0 de lexemple 1.19) ou qui, meme sil sagissait de
fonctions, presentaient des irregularites manifestes (comme la fonction H dHeaviside, cf. exemple 1.18).
Le principe de dierentiation des distributions (ou dailleurs, dans le contexte
geometrique, des courants) repose sur la formule de Stokes, transcription dans le
cadre geometrique du theor`eme fondamental de lanalyse de la dimension 1 `a la
dimension n. Nous enoncons ici le cas particulier de cette formule qui pour nous
jouera un role majeur.
`me 2.13 (un cas particulier de la formule de Stokes). Soit un ouvert
Theore
dune sous-variete dierentiable de dimension n de RN et Dn1 (, C). Alors

d = 0.

En particulier, si est une q-forme dierentielle (0 q n 1) de classe C


dans et Dnq1 (, C),

q
d,
0=
d[ ] =
d + (1)

30

2. SUITES DE DISTRIBUTIONS, REGULARISATION,


DIFFERENTIATION

ou encore

d = (1)

d.

q+1

(2.18)

La formule (2.18) et le fait que tout q-courant sapproche par des q-courants reguliers
(donc representables par des q-formes dierentielles) nous aiguille naturellement
vers la Proposition (et Definition) suivantes.
Proposition 2.5 (dierentiation dune distribution ou dun courant). Soit
un ouvert dune sous-variete dierentiable de dimension n de RN , 0 q n 1,

et T D q (, K) (K = R ou C). La K-forme lineaire


dT : Dnq1 (, K) 7 (1)q+1 T, d
est un (q +1)-courant sur , `
a valeurs dans K. De plus, si (Tk )k converge vers T au
sens du principe de convergence des suites de courants de la Definition 2.9, la suite
(dTk )k converge vers dT suivant le meme principe, ce qui signifie que loperateur

lineaire T 7 dT est continu de D q (, K) dans D q+1 (, K), equipes des topologies


faibles.
Remarque 2.14. Si T est le courant correspondant `a la q-forme dierentielle
C , le courant dT est, du fait de (2.18), le courant correspondant `a la (q + 1)forme dierentielle d.
Dans le cas particulier o`
u est un ouvert de Rn et o`
u T D (, K), on note
naturellement le courant dT sous la forme
n

T
dT =
dxj ,
x
j
j=1
o`
u les T /xj , j = 1, ..., n, sont des distributions dans . En testant ce courant
contre la (n 1) forme dx2 dxn , o`
u D(, K), on trouve

T
dT, dx2 dxn =
dx1
, dx2 dxn =
,
x1
x1


= T,
dx1 dxn = T,
.
x1
x1
Pour tout j = 1, ..., n, on voit ainsi que
T


, = T,
, D(, K).
xj
xj
Cela nous conduit `a la definition suivante :
finition 2.15 (derivees partielles dune distribution dans un ouvert de Rn ).
De
Si T D (, K) est une distribution dans un ouvert de Rn , les n derivees partielles
de T dans sont les distributions sur definies par
T


(2.19)
, = T,
, D(, K).
xj
xj
Exemple 2.16 (derivees de la masse de Dirac). Si x0 est un point de Rn et
l = (l1 , ..., ln ) Nn un multi-indice, la distribution sur Rn
n
(
lj )
[x0 ]
lj
j=1 xj


2.4. DIFFERENTIATION
DES DISTRIBUTIONS ET DES COURANTS

31

est la distribution
D(Rn , K) 7

n
(
lj )
l

j=1

xjj

(
lj )
[x0 ] , = (1)l1 ++ln
[](x0 ).
lj
j=1 xj

Exemple 2.17 (derivee de la fonction dHeaviside). Cest lexemple historique , celui qui a motive lintroduction des fonctions generalisees. On a,

dH
(t) dt
,
= H, =
D(R, K),
dt
[0,[
[
]
= (t)
= (0) = 0 , ,
0

do`
u la formule importante
dH
= 0 .
dt

(2.20)

Exemple 2.18 (la formule de Cauchy-Pompeiu revisitee). Il resulte de la formule de Cauchy-Pompeiu (Proposition 1.2.1 du cours MHT734 [Charp]) que

dd
1

2
(, )
D(R , C), (0) =
.
R2
+ i
Cette formule peut etre relue dans le langage des distributions en la formule de
Cauchy en termes de distributions
[1]
(2.21)
= 0
z z
(ici 1/z designe la distribution-fonction dans R2 C associee `a la fonction localement inegrable z = x + iy 7 1/z).
Exemple 2.19 (la formule de la divergence revisitee). Soit U un ouvert borne
de Rn , de fronti`ere C 1 par morceaux. La formule de Stokes dans Rn assure que,
si est une n 1-forme dierentielle de classe C 1 `a valeurs complexes dans un
voisinage de U , i.e
:=

(1)j1 j
dxl ,
j=1

on a

j C 1 (U , C),

l=j

(2.22)

d =

,
U

le bord U etant oriente par le fait que la normale pointe vers lexterieur 2 (r`egle du
bonhomme dAmp`
ere ). Avec lorientation choisie, on verifie en parametrant le
bord au voisinage dun point regulier courant 3 que

dxl =

(y), next (y) dU (y),


(1)j1 j
U j=1

l=j

2. Un rep`
ere (1 , ..., n ) sur lespace tangent Ty (U ) au point y est direct si et seulement si
(1 , ..., n ,
next (y)) est un rep`
ere direct de Rn , lorientation sur Rn
etant lorientation canonique.
3. Pour sen convaincre, on pourra se ramener localement `
a un param
etrage local de U
au voisinage dun point r
egulier y (U )reg sous forme de graphe : (t1 , ..., tn1 ) 7 (t) =
(t1 , ..., tn1 , n (t1 , ..., tn1 )).

32

2. SUITES DE DISTRIBUTIONS, REGULARISATION,


DIFFERENTIATION

o`
u dU designe la mesure de Lebesgue eucldienne sur U (notee aussi dxU (cf.
Annexe B1, Definition B.1.1 dans [Charp]) et next (y) = (1 (y), ..., n (y)) est le
vecteur unitaire normal `a U en y et pointant vers lexterieur de U . En calculant
d =

n
(
)
j

j=1

xj

dx1 dxn ,

on voit que (2.22) se ram`ene `a la formule de la divergence 4 :


(2.23)
(
(

n
n
)
j )

(y), next (y) dU (y) =


dx =
j (y)j (y) dU (y).
xj
U
U
U
j=1
j=1
Si lon prend j D(Rn , C) pour j fixe dans {1, ..., n} et que lon fixe les autres l ,
l = j, identiquement nulles, on voit que cette formule (2.23) sinterpr`ete en termes
de distributions sur Rn comme la liste des formules

(2.24)
[U ] = j U , j = 1, ..., n.
xj
Exemple 2.20 (la premi`ere formule de Green revisitee). Si U est un ouvert
borne de Rn et `a fronti`ere de classe C 1 , il resulte de la premi`ere formule de Green
(cf. la Proposition III.1.1 du cours MHT734 5) que

D(Rn , C),
[](x) dx =
[] dU ,

n
ext
U
U
o`
u dU designe la mesure de Lebesgue euclidienne sur le bord de U (sous-variete
dierentiable de dimension n 1 de Rn ). Cette formule se re-interpr`ete au sens des
distributions en la formule

(2.25)
[U ] =
[U ].
next
Au travers de cette formule, on comprend par exemple pourquoi, en dimension 2,
calculer le laplacien dune image discr`ete aide `a mettre en evidence les lignes de
contour, par exemple le bord des objets, figurant sur cette image.
Exemple 2.21 (la seconde formule de Green et le laplacien). Dans le cours
de MHT734 (section III.2 de ce cours, voir en particulier le Lemme utilise dans
la preuve du Theor`eme III.2.1, [Charp]), ont ete etablies (`a partir de la seconde
formule de Green) les formules

D(R2 , C),
log x [](x) dx = 2(0)
R2

(en dimension 2) et, si n > 2 et n designe la surface euclidienne de la sph`ere unite


Sn1 ,

n(2 n)(n/2)
[](x)
dx = n(2 n)n (0) =
D(Rn , C),
(0).
n2
x
n/2
n
R
4. Voir aussi la section III.1 dans [Charp].
5. Il sut dappliquer la formule de la divergence (2.23) lorsque (1 , ..., n ) = [],
d
esignant la prise de gradient.


2.4. DIFFERENTIATION
DES DISTRIBUTIONS ET DES COURANTS

33

Ces deux formules se lisent en termes de distributions respectivement


[
]

log x2 + y 2
= 20 dans D (R2 , C)
[ 1 ]
n(2 n)(n/2)
(2.26)

=
0 dans D (Rn , C).
n2
x
n/2
Exercice 2.22. Montrer, dans D (R, R), les formules
d
d log |x|
= VP [1/x] &
[VP[1/x]] = PF[1/x2 ].
dx
dx
dp

Exprimer la derivee dx
en termes des distributions Valeur Princip [log |x|], p N
pale ou Partie Finie de Hadamard introduites dans la sous-section 1.4.3.
Exercice 2.23. Soit N N et T D (C, C) la distribution VP[1/z N ] introduite dans la sous-section 1.4.4. Verifier la formule
T
(1)N 1 N
=
[(0,0) ].
z
(N 1)! z N 1
Exercice 2.24 (formule de Lelong-Poincare). Montrer que, si f est une fonction meromorphe non identiquement nulle dans un ouvert connexe de C, on a, en
termes de 2-courants dans C, la formule de Lelong-Poincare :
)
[
]
(

ordre() dx dy
log |f |2 =
mult. ()
z
ero de f

pole de f

Exercice 2.25 (distributions de support lorigine). Soit T D (Rn , K) une


distribution telle que T , = 0 si 0
/ Supp . Montrer que T est dordre fini m et
que si P est une fonction monomiale de degre au moins egal `a m + 1, la distribution
P T est la distribution nulle. En deduire que T sexprime sous la forme
n
(

lj )
l
T =
[0 ]
lj
j=1 xj
l1 ++ln m
o`
u les l sont des scalaires du corps K.
Exercice 2.26. Soit T D (R2 , C) telle que z m+1 T = 0 pour m N. Montrer
(en utilisant le resultat etabli `a lexercice 2.25) quil existe M N et des coecients
complexes l1 ,l2 , 0 l1 m, 0 l2 M , tels que la distribution T sexprime
T =

m
M

l1 =0 l2 =0

l1 ,l2

l1 +l2
[(0,0) ].
z l1 z l2

Exercice 2.27 (distributions homog`enes). Soit R. Une distribution T


D (Rn , K) est dite homog`ene de degre si elle verifie dans D (Rn , K) lidentite
dEuler
n

T
= T.
(2.27)
xj
xj
j=1
Montrer que 0 est homog`ene en precisant son degre dhomogeneite. Si n = 1,
montrer que VP[1/x] est homog`ene de degre 1 et (en utilisant le resultat de
lexercice 2.25) determiner toutes les distributions homog`enes de degre 1 sur R.
Montrer que, si T est une distribution sur Rn telle que

(2.28)
D(Rn , K), > 0, F () := T, x 7 (x) = T,

2. SUITES DE DISTRIBUTIONS, REGULARISATION,


DIFFERENTIATION

34

(on dit que T est invariante par homothetie), alors T est homog`ene de degre n
(on dierenciera par rapport `a les fonctions F ). Montrer, reciproquement, que
toute distribution homog`ene de degre n sur Rn est invariante par homothetie.
2.5. La formule des sauts
2.5.1. Le cas de la dimension 1.
finition 2.28 (sauts de discontinuite jusqu`a un ordre prescrit). Soit m N.
De
Une fonction (`a valeurs reelles ou complexes) de classe C m+1 dans un voisinage
epointe =] , [\{0} de lorigine est dite presenter des sauts de discontinuite
jusqu`
a lordre m N `
a lorigine si et seulement si
pour tout l = 0, ..., m, les limites
lim

x0

dk f
dk f
(x)
=
(0 )
dxk
dxk

&

lim

x0+

dk f
dk f
(x)
=
(0+ )
dxk
dxk

existent dans C ;
dm+1 f /dxm+1 represente un element de L1loc (] , [, B(] , [, dx).
On appelle alors saut de discontinuite de f en 0 `
a lordre l, l = 0, ..., m, le nombre
complexe
dk f
dk f
l [f ; 0] =
(0+ ) k (0 ).
k
dx
dx
La formule des sauts relie ces sauts de discontinuite, les derivees successives de
la distribution-fonction f D (] , [, C) et les distributions-fonction [dl f /dxl ],
l = 0, ..., m + 1, correspondant aux derives dl f /dxl , l = 0, ..., m + 1, considerees
comme des repesentants delements de L1loc (] , [, B(] , [, dx).
Proposition 2.6 (formule des sauts en dimension 1). Soit m N et f une
fonction `
a valeurs complexes de classe C m+1 dans un voisinage epointe ] , [\{0}
de lorigine et presentant des sauts de discontinuite jusqu`
a lordre m en 0. Pour
tout l = 1, ..., m + 1, on a
[ dl f ]
dl
dl1
[f
]
=
+

[f,
0]
[0 ].

dxl
dxl
dxl1
l1

(2.29)

=0

monstration. On voit immediatement que prouver les relations (2.29) reDe


vient `a prouver la relation au premier cran (l = 1) ; il sut ensuite diterer ce
resultat en remplacant f par ses derivees successives. On a, si D(] , [, C),

(2.30)
[f ], = f (x) (x) dx = lim
f (x) (x) dx
0+ |x|>
dx
par le theor`eme de convergence dominee (f est localement integrable sur ] , [
puisque les limites `a gauche et `a droite en 0 existent et que f est au moins C 1 dans
] , [\{0}). Or, par integration par parties,

f (x) (x) dx
f (x) (x) dx = f ()()
x<
x<

f (x) (x) dx = f ()()


f (x) (x) dx.
x>

x>

2.5. LA FORMULE DES SAUTS

35

En reportant dans (2.30), puis en faisant tendre vers 0, il vient

[f ],
= 0 [f ; 0] (0) + lim
f (x) (x) dx
0+ |x|>
dx
[ df ]
= 0 [f ; 0] (0) +
,
dx
(comme df /dx est localement integrable sur ] , [, on peut encore appliquer le
theor`eme de convergence dominee de Lebesgue). Cest la formule demandee.

Remarque 2.29. Si la fonction f est de classe C 1 sur un intervalle ouvert I


de R prive dun ensemble de points isoles Sing(f ) en lesquels elle admet un saut
de discontinuite `a lordre 0, on a, au sens des distributions, la formule des sauts
globale
[ df ]

d
[f ] =
(2.31)
+
0 [f ; ] .
dx
dx
Sing (f )

2.5.2. La brique de base du calcul symbolique. Une famille de distributions sur R jouant un role important dans les sciences de lingenieur (en relation avec la transformee de Laplace 6, on le verra ulterieurement) est la famille de
distributions-fonction Lp0 , , p0 , C, Re > 0, o`
u
(2.32)

Lp0 , (t) =

1
ep0 t t1 H(t), t R .
()

Comme Re > 0, cette fonction (prolongee par 0 en 0) est bien localement integrable
sur R et definit donc une distribution-fonction que nous noterons aussi Lp0 , .
Comme la variable reelle sous-jacente ici est le temps, il est naturel de la noter
t plutot que x. Notons que la restriction de toutes ces distributions `a ] , 0[ est
la distribution nulle sur cet intervalle. La proposition suivante est une application
immediate de la formule des sauts (2.29).
Proposition 2.7 (la brique de base du calcul symbolique). Si = k N
(alors () = (k 1)!), on a, pour tout p0 C,
(d
)k
(2.33)
p0 Id [Lp0 ,k ] = 0 dans D (R, C).
dt
monstration. Si nous notons pour simplifier D = d/dt, la formule des
De
sauts ((2.29), l = 1) donne
D[Lp0 ,1 ] = p0 ep0 t H + 0 (D p0 Id) [Lp0 ,1 ] = 0.
En reappliquant (2.29) (l = 1 et l = 2) `a Lp0 ,2 : t 7 tep0 t H(t), on obtient
D[Lp0 ,2 ] = p0 Lp0 ,2 + Lp0 ,1

& D2 [Lp0 ,2 ] = 2p0 Lp0 ,1 + p20 Lp0 ,2 + 0 ,

soit, par combinaison lineaire,


(D p0 Id)2 [Lp0 ,2 ] = 0.
On continue ainsi de proche en proche, en exploitant le fait que pour k 2,
(D p0 Id)[Lp0 ,k ] = [Lp0 ,k ] p0 Lp0 ,k1 = Lp0 ,k1 .

6. Cest la brique de base de ce que lon appelera le

calcul symbolique , on y reviendra .

36

2. SUITES DE DISTRIBUTIONS, REGULARISATION,


DIFFERENTIATION

2.5.3. La formule des sauts dans lespace. Nous allons etendre au cadre
de lespace la formule des sauts (2.29) au moins au cran l = 1.
Proposition 2.8 (formule des sauts dans lespace). Soit U deux ouverts
de Rn tels que U et que la fronti`ere de U soit une sous-variete dierentiable
de dimension n 1 de . Soit f : \ U C une fonction de classe C 1 dont
les restrictions f|U et f\U se prolongent en des fonctions continues au voisinage
de U (on note fint et fext ces prolongements). On suppose aussi que toutes les
derivees partielles f /xj : \ U C definissent des fonctions localement
integrables dans . On a, pour tout j = 1, ..., n, les formules suivantes (au sens des
distributions dans D (, C)) :
[ f ]

(2.34)
[f ] =
+ (fext fint ) j dU ,
xj
xj
o`
u next (y) = (1 (y), ..., n (y)), y U , designe le vecteur normal unitaire `
a U en
y pointant vers lexterieur de U .
monstration. Le resultat est local et nous pouvons remplacer par un
De
voisinage relativement compact dans dun point y0 de U (dans \ U , les
formules (2.34) sont immediates). Nous supposerons dans un premier temps que les
restrictions de f `
a U et \ U se prolongent de mani`ere C 1 (et non plus seulement
continuement) `a un voisinage de U . La preuve des relations (2.34) repose alors
sur la formule de la divergence (2.23) rappelee (et transcrite dans le langage des
distributions) dans lexemple 2.19. Grace `a cette formule, on obtient (en raisonnant
`a linterieur de U , puis `a lexterieur, avec la fonction f ), pour toute fonction-test
D(, C),

f (x)
(x) dx =
(x) (x) dx
fint (y)(y)j (y) dU (y)
xj
xj
U
U
U

f (x)
(x) dx =
(x) (x) dx +
fext (y)(y)j (y) dU (y) .
x
x
j
j
\U
\U
U
(2.35)
En ajoutant les deux identites (2.35), on obtient bien la formule (2.34) voulue.
Si lon fait simplement lhypoth`ese que les restrictions de f `a U et \U se prolongent
continuement (et non plus C 1 ) `a un voisinage de U , la premi`ere des identites (2.34)
e.
reste valable lorsque U est remplace par un ouvert retracte (sur lui-meme) U
e
En prenant une suite de tels retractes Uk tels que la suite (Uk )k tende vers U et
la suite (Uk )k vers U au sens des mesures 7 (ce quil est possible de faire), on
voit que cette formule reste valable pour U (par passage `a la limite en k). On fait
la meme chose pour la seconde formule en retractant cette fois \ U sur lui-meme,
puis en lapprochant avec une suite de tels retractes. Les formules (2.35) restent
donc valables lorsque les restrictions de f `a U et \ U se prolongent continuement
`a un voisinage de U et la proposition 2.8 est aussi demontree dans ce cas.

Remarque 2.30. Le cas particulier o`


u = Rn+1
x1 ,...,xn ,t et U est le demi-espace
{(x, t) ; t > 0} est particuli`erement important pour les applications lorsque lon
travaille en espace-temps.
7. Une suite (k )k de mesures de Radon sur converge vers une mesure si la suite (k , )k
converge vers , pour tout K(, C).

CHAPITRE 3

Support et convolution
3.1. Support et support singulier dune distribution ou dun courant
Aux fins de localiser les distributions ou tout au moins leur regularite, on introduit les notions de support et de support singulier. La definition de ces deux notions
repose sur la proposition suivante, consequence du lemme de partition de lunite
1.5.
Proposition 3.1. Soit un ouvert dune sous-variete dierentiable de dimension n de RN , K = R ou C. Soit T D (, K) une distribution dans , `
a valeurs

q
dans K (resp. T D (, K) un q-courant dans `
a valeurs dans K, 0 q n).
Lunion de tous les sous-ensembles ouverts tels que la restriction
T| soit la distribution nulle (resp. le q-courant nul) dans est encore un
ouvert T tel que T| 0. Louvert T est le plus grand ouvert de
ayant cette propriete.
e tels que la restriction
Lunion de tous les sous-ensembles ouverts
e
T|
e coincide en tant que distribution (resp. en tant que q-courant) dans

avec la distribution-fonction f , o`
u f C (, K) (resp. avec le q-courantforme dierentielle associe `
a la q-forme dierentielle C ), est un ouvert
T tel que la restriction T| coincide en tant que distribution (resp. en
tant que q-courant) avec la distribution-fonction f , o`
u f C (, K) (resp.
avec le q-courant-forme dierentielle , o`
u est une q-forme dierentielle
C dans ). Louvert T est le plus grand ouvert de ayant cette propriete.
monstration. La preuve dans la cadre geometrique de la theorie des couDe
rants englobe celle dans le cadre distributions ; on donne donc la preuve dans le

cadre plus general o`


u T D q (, K). On introduit (cf. Lemme 1.5) une partition
de lunite (k )kN subordonnee au recouvrement de T par les (resp. de T
e ). Dans le premier cas, on voit que, pour toute (n q)-forme-test dans
par les
D(T , K),

T, =
T, k = 0
kN

Supp k Supp =

car Supp (k ) (k) et que T|(k) = 0. Dans le second cas, on constate que,
pour toute (n q)-forme-test dans D(T , K),

T, k =
(k) k
T, =

(3.1)
=

e (k)

kN

kN

Supp k Supp =

Supp k Supp =

k (k) =

kN

Supp k Supp =
37

kN

)
k (k) .

38

3. SUPPORT ET CONVOLUTION

On definit bien une q-forme C dans T en posant

=
k (k) ,
kN

et le q-courant T coincide dans T (dapr`es (3.1)) avec le q-courant forme dierentielle correspondant `a cette q-forme C .

Cette proposition nous conduit naturellement aux definitions suivantes.


finition 3.1. Soit un ouvert dune sous-variete dierentiable de dimenDe
sion n de RN , K = R ou C. Soit T D (, K) une distribution dans , `a valeurs

dans K (resp. T D q (, K) un q-courant dans `a valeurs dans K, 0 q n).


Soient T T les deux ouverts definis dans la Proposition 3.1.
Le support de est le sous-ensemble ferme de defini comme
Supp T = \ T .
Le support de T est donc le plus petit ferme de dans lequel vit la
distribution ou le courant T .
Le support singulier de est le sous-ensemble ferme de defini comme
SS (T ) = \ T .
Le support singulier de T est donc le plus petit ferme de dans lequel
vivent toutes les irr
egularites de la distribution ou du courant T .
Remarque 3.2. Le support singulier dune distribution ou dun courant est
toujours inclus dans le support de cette distribution ou ce courant.
Exemple 3.3. Si T est une distribution-fonction f, f L1loc (, B(), dx), le
support de T = f est le complementaire du plus grand ouvert de sur lequel f
admet un un representant identiquement nul dx-presque partout. Ceci vaut aussi
si T est un q-courant sur X RN , representable par une classe de q-forme
dierentielle dont les coecients (exprimes dans les cartes locales sur X dans )
sont des elements de L1loc (, B(), dx) : le support de T est le complementaire
du plus grand ouvert de sur lequel admet un representant dont les coecients
(exprimes dans les cartes locales sur X dans ) sont identiquement nuls dxX presque
partout. Lorsque f ou ont des representants continus, la definition du support
de f ou (penses comme distribution ou courant) est donc coherente avec celle du
support des memes objets, penses cette fois comme fonction ou forme dierentielle.
Exemple 3.4. Le support (comme le support singulier) de la masse de Dirac
x0 en un point x0 est {x0 }. Le support (comme le support singulier) de la
distribution D(Rn , K) associee `a un reseau Rn (i.e. un sous-groupe libre
de rang n de Rn ) :

: D(Rn , K) 7
()

(dite peigne de Dirac associe au reseau ) est exactement le reseau .


Exemple 3.5. Le support de la distribution VP[1/x] D (R, R) (voir (1.15))
est egal `a R, tandis que son support singulier est egal `a {0}. Support et support
singulier sont ici deux fermes bien dierents. Il en est de meme pour la distribution
VP(1/f ) D (, C), o`
u f est une fonction holomorphe dans un ouvert connexe de
C R2 (en particulier = C et f (z) = z) : le support de cette distribution est

` SUPPORT COMPACT, DISTRIBUTIONS CAUSALES39


3.2. DISTRIBUTIONS (COURANTS) A

egal `a tout entier, tandis que le support singulier est { ; f () = 0}. Les
distributions-fonction

log x2 + y 2
x2n n/2
D (R2 , R) &
D (Rn , R)
2
n(2 n)(n/2)
introduites en (2.26) dans lExemple 2.21 sont aussi de support R2 ou Rn et de
support singulier lorigine (dans R2 ou Rn ).
On verra plus loin que loperation de multiplication (ou resp. multiplication exterieure des distributions (resp. des courants) est une operation posant en general
de tr`es gros probl`emes la rendant souvent en pratique impossible (au moins dans
labsolu). Il est cependant un cas particulier bien utile o`
u cette operation prend son
sens.
Proposition 3.2. Soit un ouvert dune sous-variete dierentiable X de dimension n de RN , K = R ou C. Soient T1 et T2 respectivement un q1 -courant et
un q2 -courant sur (`
a valeurs dans K), tels que 0 q1 + q2 n. Si la condition
SS (T1 ) SS (T2 ) = est remplie, la definition du (q1 + q2 )-courant T1 T2 (note
T1 T2 ou T1 T2 si q1 = q2 = 0, i.e. si les courants T1 et T2 sont des distributions)
est licite.
monstration. Soit (k )kN une partition de lunite subbordonnee au reDe
couvrement de par les deux ouverts 1 := \ SS (T1 ) et 2 := \ SS (T2 ) (cf. le
Lemme 1.5). On pose

k j = 1, 2.
(3.2)
j :=
{kN ; (k)=j}

On note j la qj -forme dierentielle C sur j (`a valeurs dans K), telle que
(Tj )|j = j (cette forme existe bien du fait de la Proposition 3.1, item 2). On definit
un (q1 + q2 )-courant T1 T2 en posant, pour toute forme-test Dnq1 q2 (, K),
T1 T2 , = T1 T2 , 1 + 2
= (1)q1 q2 T2 , 1 1 + T1 , 2 2 .
La construction de ce courant est robuste , i.e. ne depend pas de la partition
(k )kN subordonnee au recouvrement = 1 2 utilisee.

Remarque 3.6. Dans le cas o`


u T1 et T2 sont des distributions, f1 et f2
designant les fonctions C correspondant aux restrictions de T1 et T2 respectivement aux ouverts 1 = \ SS (T1 ) et 2 = \ SS (T2 ), la distribution T1 T2 est
definie (lorsque la condition SS (T1 ) SS (T2 ) = est satisfaite) par
(3.3)
o`
u les fonctions C

T1 T2 , = T2 , f1 1 + T1 , f2 2 ,

j , j = 1, 2, ont ete definies en (3.2).

3.2. Distributions (courants) `


a support compact, distributions causales
3.2.1. Distributions ou courants `
a support compact. Une classe importante de distributions ou de courants sera appelee `a jouer ulterieurement un role
important.

40

3. SUPPORT ET CONVOLUTION

finition 3.7 (distributions ou courants `a support compact). Soit un ouDe


vert de Rn (resp. un ouvert dune sous-variete dierentiable X de RN de dimension

n). Une distribution T D (, K) (resp. un q-courant T D q (, K)), o`


uK=R
ou C, est dite `
a support compact (resp. est dit `
a support compact) si K = Supp T
est un sous-ensemble compact (i.e ferme borne de Rn , resp. ferme borne de RN )
inclus dans .
Remarque 3.8. Si T est un q-courant sur X RN `a support compact et
si D(X , [0, 1]), avec Supp , est une fonction-plateau (cf. le Corollaire 1.6),
on a
Dnq (, K), T , = T ,
car la (nq)-forme (1) est identiquement nulle au voisinage de K = Supp T . Le
courant T coincide donc avec T et se prolonge ainsi naturellement `a un q-courant

Te D q (X , K),
Te : Dnq (X , K) 7 T , ,
ce prolongement etant independant du choix de la fonction-plateau . On pourra
donc ensuite toujours envisager les distributions (resp. courants) `a support compact
dans un ouvert de Rn (resp. dune sous-variete dierentiable X de dimension n
de RN ) comme definis sur Rn tout entier (resp. sur la sous-variete X Rn toute
enti`ere).
Le crit`ere quantitatif suivant (herite de la Proposition 1.2) permet de caracteriser
cette classe de distributions ou de courants. Nous donnons ici ce crit`ere dans sa
formulation la plus large, cest-`a-dire geometrique, englobant ainsi le cadre des
distributions et celui des courants.
Proposition 3.3 (caracterisation des distributions ou courants `a support compact). Soit X une sous-variete dierentiable de dimension n de RN et K un com
pact de X , i.e. un compact de RN inclus dans X . Un q-courant T D q (X , K)
(0 q n, K = R ou C) est `
a support compact, de support inclus dans K, si et
seulement si il est dordre fini ordre(T ) et si, pour tout > 0, il existe une constante
C > 0 telle que, si K := {x X ; distRN (x, K) }, on ait
(3.4)

D(X , K),

|T, | C NK , ordre(T ) ().

Il faut ici entendre que NK , ordre(T ) () est calcule en utilisant un recouvrement de


K par des ouverts de carte U et le recours au parametrages locaux x : Bx U ;
la constante C est ici tributaire du choix du recouvrement.
monstration. Soit T un q-courant sur X , de support compact K X .
De
Dapr`es la definition 2.11 et le fait que T = T d`es que est une fonction plateau
de support dans X identiquement egale `a 1 au voisinage de K = Supp T (cf. la
Remarque 3.8), T est dordre fini, lordre de T etant celui de T quelque soit
la fonction plateau choisie, pourvue quelle vaille identiquement 1 au voisinage
de K. On note cet ordre ordre (T ). Soit > 0 et D(X , [0, 1]) une fonction
plateau identiquement egale `a 1 au voisinage de K et de support inclus dans louvert

es la Remarque 3.8, le crit`ere de la Proposition 1.2 et


xK (X BRN (x, )). Dapr`
la r`egle de Leibniz , on a
Dnq (X , K), |T, | = |T, |

C(K ) NK , p(K ) ( )

C NK , ordre(T ) (),

` SUPPORT COMPACT, DISTRIBUTIONS CAUSALES41


3.2. DISTRIBUTIONS (COURANTS) A

ce qui donne bien (3.4). Reciproquement, si T est dordre fini et verifie les estimations (3.4), on voit que la restriction de T `a tout ouvert X \K , pour tout > 0, est
identiquement nulle. La restriction de T au complementaire de K est identiquement
nulle, ce qui prouve que T est de support compact, inclus dans K.

3.2.2. Distributions et courants `


a support ponctuel. Le cas particulier
o`
u K = {x0 } est `a etudier `a part. Son etude repose sur la proposition suivante.
Proposition 3.4 (distributions `a support lorigine dans Rn ). Soit K = R ou C
et T D (Rn , K) une distribution dans Rn , `
a valeurs dans K, de support lorigine
{0} = {(0, ..., 0)} et dordre M . Il existe une collection de scalaires al [T ] K,
l = (l1 , ..., ln ) avec l1 + + ln M tels que
(3.5)

D(Rn , K) ,

T, =

al [T ]

n
(
lj )

lNn

j=1

l1 ++ln M

xjj

[](0).

monstration. On remarque dans un premier temps que si D(Rn , K)


De
est telle que (x) = o(xM ) au voisinage de lorigine, alors T, = 0. Il sut,
pour voir cela, de considerer une fonction plateau D(Rn , [0, 1]) identiquement
egale `a 1 au voisinage de lorigine (de support par exemple dans B(0, 1)) et de
remarquer que, pour tout > 0,
(3.6)
|T, | = |T, (/) | C NBRn (0,1),M ((/)) = C NBRn (0,),M ((/))
dapr`es (3.4) (Proposition 3.3). Il resulte du fait qe (x) = o(xM ) et de la r`egle
de Leibniz que
lim NBRn (0,),M ( (/)) = 0,

et lon en deduit donc, en faisant tendre vers 0 dans (3.6), qualors T, = 0 si


(x) = o(xM ) au voisinage de lorigine.
Soit maintenant une fonction-test quelconque D(Rn , K). Dapr`es la formule de
Taylor avec reste integral `lordre M , on a
(x) =

lNn

l1 ++ln M

1
M!

( lj )
1
[](0) xl11 xlnn
l1 ! ln ! j=1 xlj

(1 )M DMx+1 [](x, ..., x) d


0

+1
o`
u DM
esigne (M +1)-dierentielle de au point x, i.e. lapplication (M +1) x [] d
lineaire symetrique sur (Rn )M +1 agissant sur (x, ..., x) (M + 1-fois)

DMx+1 [](x, ..., x)

n
(
j=1

xj

)M +1
[]( x).
xj

Compte-tenu de ce que
1 1



+1
M
(1 )M DM

x [](x, ..., x) d = o(x )
M! 0

42

3. SUPPORT ET CONVOLUTION

au voisinage de lorigine, on a
T,

= T,

(
=
T,

lNn

l1 ++ln M

lNn

l1 ++ln M

( lj )
)
1
l1
ln
[](0)
x

x
n
1
l1 ! ln ! j=1 xlj
j

n
T , (x) xl11 xlnn (
lj )
[](0).
lj
l1 ! ln !
j=1 x
j

On obtient bien ainsi la formule de representation (3.5) voulue.

Ce resultat se transpose immediatement au cadre geometrique. Si X est une sousvariete dierentiable de dimension n de RN et si T est un q-courant sur X dordre
M et de support {x0 }, avec x0 X , laction de T sur une (nq)- forme dierentielle
test sexprimant en coordonnees locales autour de x0 (via x0 : t Bx0 7 x0 (t)
avec x0 (0) = x0 ) comme

(t) =
I (t) dti1 dtinq
1i1 <<inq n

se decrit sous la forme

T,

I (t) dti1 dtinq

1i1 <<inq n

(3.7)
=

1i1 <<inq n

lNn

l1 ++ln M

aI,l [T ]

n
(
lj )
l

j=1

tjj

[I ] (0),

o`
u les aI,l [T ], I = {i1 , ..., inq } avec 1 i1 < < inq n, l = (l1 , ..., ln )
avec l1 + + ln M , sont des scalaires du corps de base K independants de la
(n q)-forme test .
3.2.3. Distributions causales sur R. Sur la droite reelle, o`
u frequemment
dans les applications pratiques le param`etre t figure le param`etre temporel, une
classe de distributions sera appelee `a jouer aussi un role important dans les applications pratiques.
finition 3.9 (distribution causale). Une distribution T D (R, K) est dite
De
causale si et seulement si Supp T [0, [.
Exemple 3.10. Les distributions-fonction Lp0 , , p0 , C, Re > 0 introduites dans la Section 2.5.2 (voir (2.32)) sont des exemples typiques de distributions
causales. Il en est de meme des distributions t
+ , 1, introduites dans la Section
1.4.3.
3.3. Produit tensoriel de distributions ou de courants
Nous nous placons dans un premier temps dans le contexte des distributions sur les
ouverts de Rn . Nous elargirons plus loin ce contexte au cadre geometrique.

3.3. PRODUIT TENSORIEL DE DISTRIBUTIONS OU DE COURANTS

43

Soient 1 Rn1 et 2 Rn2 deux ouverts. Alors = 1 2 est un ouvert de


Rn1 +n2 . Si K = R ou C, un K-sous-espace particulier du K-espace vectoriel D(, K)
est le sous-espace engendre par les fonctions du type
= : (x, y) 1 2 7 (x) (y) ,

D(1 , K) , D(2 , K).

On note ce K-sous-espace D(1 , K) D(2 , K).


Proposition 3.5 (definition du produit tensoriel de deux distributions). Soient
K, 1 Rn1 , 2 Rn2 comme precedemment. Soient deux distributions (`
a valeurs
dans K) T1 D (1 , K) et T2 D (2 , K). Il existe une unique distribution T =
T1 T2 D (1 2 , K) telle que
(3.8) D(1 , K), D(2 , K),

T1 T2 , = T1 , T2 , .

La distribution T1 T2 ainsi definie est dite produit tensoriel des deux distributions
T1 et T2 .
monstration. Soit D(1 2 , K). Pour tout x0 1 , la fonction
De
y 2 7 (x0 , y)
est un element de D(2 , K), element sur lequel on peut faire agir la distribution
T2 D (2 , K). Ceci nous permet de definir la fonction

(3.9)
x 1 7 T2 , (x, ) .
Il resulte du fait que T2 est une distribution sur 2 que 1 la fonction (3.9) est
une fonction C sur 1 , `a valeurs dans K, et que lon a, pour tout multi-indice
(l1 , ..., ln1 ) Nn1 , les relations
n1
n1
(
]
(

lj )[
lj )
x

7
T
,
(x,
)
=
T
(y)
,
x

7
[(x,
y)]
, x 1 .
2
2
lj
lj
j=1 xj
j=1 xj
Comme est `a support compact dans 1 2 , la fonction (3.9) est `a support
compact dans 1 ; cest donc une fonction-test element de D(1 , K), `a laquelle on
peut appliquer la distribution T1 . On est donc en droit de poser :

(3.10)
T1 T2 , := T1 , x 7 T2 , (x, ) .
Soit (k )kN est une suite tendant vers la fonction identiquement nulle dans le
K-espace vectoriel D(1 2 , K), ce qui implique (entre autre) que toutes les
fonctions k sont supportees par un compact K0 . Soit K0 = pr1 (K0 ) et K0 =
pr2 (K0 ). Les projections sur 1 et 2 etant continues, K0 et K0 sont des compacts,
respectivement de 1 et 2 . En utilisant les inegalites
(3.11)
n1
n1

(
(
]
lj )
lj )[



[
(x,
y)]
x

7
T
,

(x,
)
=
T2 (y) , x 7



k
2
k
lj
lj
x
x
j=1
j=1
j
j
n1
[
(
]
lj )
[
(x,
y)]
(l1 , ..., ln1 ) Nn1 x K0
C2 (K0 ) NK0 ,p(K0 ) y 7
k
lj
x
j=1
j
1. Reprendre par exemple pour voir ceci la preuve de la Proposition 2.2, cf. la mani`
ere dont
on prouve que la fonction (2.14) est C .

44

3. SUPPORT ET CONVOLUTION

(clause (1.14) de la Proposition 1.2 pour T2 ), on constate que la suite de fonctionstest (de D(1 , K))
x 7 T2 , k (x, ), k N
converge au sens du principe de convergence des suites dans D(1 , K) vers la fonction nulle (pour k assez grand, ces fonctions sont toutes supportees par le compact
K0 de 1 ). Comme T1 est une distribution sur 1 , on a donc

lim T1 T2 , k = lim T1 (x) , T2 (y) , k (x, y) = 0.


k+

k+

Lapplication
D(1 2 , K) 7 T1 T2 ,
definie en (3.10) est donc bien une distribution `a valeurs dans K sur louvert 1 2
de Rn1 Rn2 . Cette distribution T1 T2 verifie la condition (3.8) car, pour tout
x 1 , on a
T2 , ( )(x, ) = (x) T2 , D(1 , K), D(2 , K).
Lexistence dune distribution sur 1 2 et `a valeurs dans K se pliant `a la r`egle
(3.8) est donc prouvee. Lunicite dune telle distribution resulte du lemme important
suivant.
Lemme 3.11. Soient 1 et 2 des ouverts respectifs de Rn1 et Rn2 , K = R ou
C. Le K-sous-espace vectoriel D(1 , K)D(2 , K) de D(1 2 , K) est dense dans
ce K-espace vectoriel (relativement au principe de convergence des suites introduit
dans la Definition 1.11).
monstration. Louvert 1 2 admet un recouvrement par des produits
De
de boules euclidiennes Bx By (respectivement n1 et n2 dimensionnelles) avec
Bx 1 et By 2 pour tout indice . Si (k )kN realise une partition de
lunite dans 1 , subordonnee au recouvrement de 1 par les Bx et (l )lN realise
une partition de lunite dans 2 , subordonnee au recouvrement de 2 par les By ,
la famille denombrable (k l )k,lN realise une partition de lunite dans 1
2 , subordonnee au recouvrement de 1 2 par les ouverts produits de boules
euclidiennes Bx By . Pour montrer quune fonction-test D(1 2 , K)
sapproche dans cet espace par des elements du sous-espace D(1 , K) D(2 , K)
(stable par multiplication), on peut donc se ramener `a remplacer par (k l ),
pour k, l fixes dans N. On notera k = , l = . Soit g la gaussienne (centree et
normalisee) dans Rn1 +n2 :
g : (x, y) 7

1
(2)(n1 +n2 )/2

n1

exp(x2j /2)

j=1

n2

exp(yl2 /2)

l=1

et, pour tout > 0, g (x, y) = n g(x/, y/). Pour tout k N , on introduit la
fonction

(x, y) 7 [ g1/k ](x, y) =


(, )g1/k (x , y ) d d
n +n
R 1 2
=
(x , y ) g1/k (, ) d d.
Rn1 +n2

Dapr`es le theor`eme de derivation des integrales dependant de param`etres, il sagit


dune fonction C et lon a, pour tout (x, y) Rn1 +n2 , pour tous multi-indices

3.3. PRODUIT TENSORIEL DE DISTRIBUTIONS OU DE COURANTS

45

(l1 , ..., ln1 ) Nn1 et (l1 , ..., ln 2 ) Nn2 ,

n1
n2
(
l ) (
l )

[ g1/k ](x, y)

l
xl
=1 y
=1
(3.12)

n1
n2
(
l ) (
l )
=

[(x , y ] g1/k (, ) d d.

l
xl
Rn1 +n2
=1 y
=1
La suite ( g1/k )kN approche la fonction uniformement sur tout compact de
Rn1 +n2 du fait de luniforme continuite de sur tout compact K de Rn1 +n2 et de ce
que (g1/k )kN realise une approximation de lunite 2. Il sut en eet de remarquer
sup | g1/k |

sup

|(x, y) (x , y )|

(x,y)K

(,) k

+2

sup

(,) k

(,) k

g1/k (, ) d d

g1/k (, ) d d

|(x, y) (x , y )|

(x,y)K

(,) k

(3.13)

+2

g(, ) d d
(,)

et de choisir assez grand, puis, une fois fixe, k susamment grand pour que la
somme des deux termes figurant dans le membre de droite de (3.13) soit majoree
par > 0 arbitraire. En remplacant dans (3.13) par nimporte laquelle de ses
derivees partielles `a un ordre arbitraire et en utilisant (3.12), on constate que la
suite (( g1/k ) ( ))kN converge vers ( ) dans D(1 2 , K). En
developpant, pour k = k0 fixe, en serie enti`ere

l
(

(1) 2
(1) 2 )
exp(X 2 /2k02 ) =
X
=
lim
X
,
l+
2 k02 !
2 k02 !
=0
=0
puis en reportant ce developpement dans lexpression de
n1
n2
(
))

k0n1 +n2
1 (
2
2
g1/k0 (x , y ) =
(x

)
+
exp

(y

n1 +n2
2k02
(2) 2
=1
=1

sous lintegrale

Rn1 +n2

(, ) g1/k0 (x , y ) d d = [ g1/k0 ](x, y),

on constate que 1/k0 sapproche uniformement sur tout compact (pour la


convergence uniforme au sens des fonctions et de leurs derivees partielles `a un
ordre arbitraire) par une suite de fonctions polynomiales (Pk0 ,l [])lN . Les fonctions
Pk0 ,l [] ( ) appartiennent `a D(1 , K) D(2 , K). On deduit de tout cela la
possibilite dapprocher ( ) dans D(1 2 , K) par la suite de fonctions-test
(Pk0 ,k0 [] ( ))k0 N appartenant toutes `a D(1 , K) D(2 , K). Le lemme est
ainsi demontre.

2. Voir lexemple 4.2 dans le cours de Th


eorie de lInt
egration MHT512 [Y1].

46

3. SUPPORT ET CONVOLUTION

Lunicite qui restait `a prouver pour conclure la preuve de la Proposition 3.5 resulte
immediatement du Lemme 3.11. Cette proposition est donc ainsi prouvee.

Placons nous maintenant dans un cadre geometrique, o`


u 1 (resp. 2 ) designe un
ouvert dune sous-varite dierentiable X1 (resp. X2 ) de dimension n1 (resp. n2 ) de
RN1 (resp. RN2 ). Alors X1 X2 est une sous-variete dierentiable de dimension
n1 + n2 de RN1 +N2 dont 1 2 est un ouvert.
Proposition 3.6 (definition du produit tensoriel de deux courants). Soient
j Xj RNj , j = 1, 2, comme ci-dessus. Soit q1 {0, ..., n1 }, q2 {0, ..., n2 },

T1 D q1 (1 , K), T2 D q2 (2 , K) (avec K = R ou C). Il existe un unique (q1 +q2 )courant T = T1 T2 sur 1 2 X1 X2 RN1 +N2 tel que, pour toute (n1 q1 )forme dierentielle test dans Dn1 q1 (1 , K), pour toute (n2 q2 )-forme test
dans Dn2 q2 (2 , K), on ait
T1 T2 , = T1 , T2 , ,
o`
u designe la (n1 q1 ) + (n2 q2 )-forme dierentielle sur 1 2 definie
(en coordonnees locales t sur X1 et s sur X2 ) par
( )(t, s) := (t) (s).

(3.14)

monstration. La preuve est calquee sur celle de la Proposition 3.5. Si


De
est une (n1 + n2 ) (q1 + q2 )-forme dierentielle-test appartenant au K-espace
vectoriel Dn1 +n2 q1 q2 (1 2 , K), lapplication
x 1 7 T2 , (x, )

(3.15)

n1 q1

definit une forme-test de D


(1 , K). Dans une carte locale U V sur la sousvariete X1 X2 , il convient de remplacer |U V dans (3.15) par sa composante
(exprimee en coordonnees locales, t dans U , s dans V ) :
(|U V )n1 q1 ,n2 q2 =

1i1 <<in1 q1 n1 1j1 <<jn2 q2 n2

(|U V )IJ (t, s)

n1
q1

dti

n2
q2

=1

dsj ,

=1

(3.16)
o`
u les (|U V )IJ sont des fonctions C dans U V . On definit ainsi 3

T1 T2 , := T1 , x 7 T2 , (x, ) .
On verifie que cette definition induit celle dun (q1 +q2 )-courant sur 1 2 verifiant
la clause (3.14). Lunicite resulte du fait quetant donne un produit douverts de
carte U V sur 1 2 , Dn1 q1 (U, K) Dn2 q2 (V, K) (K-sous-espace engendre
par les , Dn1 q1 (U, K), Dn2 q2 (V, K)) est un K-sous-espace vectoriel
dense dans le K-espace vectoriel des (n1 q1 ) + (n2 q2 )-formes dierentielles
dans U V qui sexpriment en coordonnees locales (t, s) (t dans U , s dans V ) sous
la forme (3.16).

3. Une fois introduite une partition de lunit


e (k l )k,l associ
ee au recouvrement de louvert
1 2
par des produits U V de cartes locales respectivement sur X1 et X2 et remplac
ee
par (k l ).
k,l


`
3.4. LE THEOR
EME
DES NOYAUX

47

3.4. Le th
eor`
eme des noyaux
La theorie des distributions (ou des courants) ne permet pas seulement la
modelisation des phenom`enes physiques, elles permet aussi celle des syst`emes (concr`etement des appareils ) agissant de mani`ere lineaire et (en un sens `a preciser)
de mani`ere continue sur ces memes phenom`enes physiques. En voici un exemple,
avec le theor`eme des noyaux de Laurent Schwartz, qui nous servira de motivation
pour introduire dans la section suivante limportante operation de convolution entre
distributions (pourvu bien s
ur quelle sav`ere possible).
`me 3.12 (theor`eme des noyaux de Laurent Schwartz). Soit un ouvert
Theore
de Rn , K = R ou C, et L un operateur lineaire de D(, K) dans D (, K) continu au
sens suivant : si (k )kN est une suite de fonctions-test convergeant vers la fonction
nulle dans D(, K) au sens du principe de convergence des suites de la Definition
1.11, la suite (L[k ])kN est une suite delements de D (, K) convergeant vers la
distribution nulle dans D (, K) au sens du principe de convergence des suites de
distributions (Definition 2.1). Il existe alors une unique distribution KL sur
telle que,
(3.17)

D(, K), D(, K),

L[] , = KL , .

Remarque 3.13. Ce theor`eme se transpose immediatement au cadre geometrique, o`


u designe cette fois un ouvert dune sous-variete dierentiable X de di
mension n de RN et L un operateur lineaire continu de Dnq1 (, K) dans D q2 (, K)
(0 q1 , q2 n). Il existe alors un unique (q1 + q2 )-courant KL sur tel que
(3.18)

Dnq1 (, K), Dnq2 (, K),

L[] , = KL , .

monstration. Nous donnons uniquement ici une esquisse de preuve, les


De
quelques points clef en etant pour lessentiel admis 4. Une fonction test D(
, K) de support compact inclus dans K K, o`
u K est un compact de , se
represente (il sut dadapter la fin de la preuve de la Proposition 2.2) comme la
limite dans D( , K) de la suite de fonctions
(
)

(x, y) 7
(, ) 1/k (x )1/k (y ) d d
.

k>1/(dist(K,)

Pour (x, y) et k > 1/ min(dist(x, ), dist(y, )), on pose

KL,k (x, y) = L[1/k (x )] , 1/k (y ) .


Or la forme bilineaire
(3.19)

(, ) DK (, K) DK (, K) 7 L[],

est sequentiellement continue. Le theor`eme de Banach-Steinhaus se transpose en


eet (on ladmet ici 5) du cadre des espaces de Banach au cadre des espaces de
Frechet : si (Tk )kN est une suite de distributions convergeant vers T dans D (, K)
(par exemple la suite (L[k ])kN convergeant vers L[] lorsque (k )kN est une suite
de D(, K) convergeant vers ) et si (k )kN est une suite delements de D(, K)
convergeant vers , la suite (Tk (k ))kN (ici par exemple (L[k ], k )kN ) converge
4. Pour une preuve compl`
ete du th
eor`
eme de noyaux, qui valut la m
edaille Fields `
a Laurent
Schwartz en 1950, voir par exemple [Horm], section 5.2.
5. La Proposition 2.1 en
etait d
ej`
a un premier indice.

48

3. SUPPORT ET CONVOLUTION

vers T () (ici L[], ). Le crit`ere quantitatif (1.14) de la Proposition 1.2 implique


alors pour tout k > 1/dist(K, ), on a
sup

|KL,k (x, y)| C(K) k p(K)

(x,y)KK

pour une certaine constante positive C(K) et un certain entier positif p(K) 2n.
La fonction KL,k est donc localement integrable (car bornee) sur K K (pourvu
que k > 1/dist(K, ), i.e que cette fonction soit bien definie sur K K). On
peut donc considerer la suite (KL,k )k>>1 comme une suite de distributions-fonction
dans , en convenant du fait quil faille, etant donne un ouvert arbitraire
relativement compact dans , choisir k > k( ) = dist( , ) pour que la suite
des restrictions ((KL,k )| )k>k( ) soit bien definie.
On verifie aisement (en approchant les integrales par des sommes de Riemann) que,
si et sont deux elements de D(, K), on a

KL,k , = L[ 1/k ] , 1/k .


Dapr`es la continuite de la forme bilineaire (3.19) et le resultat de regularisation
mentionne en fin de la preuve de la Proposition 2.2, on a
(3.20)

lim KL,k , = L[], .

k+

Lexistence de KL satisfaisant (3.17) resulte alors du fait que, pour tout compact
K , pour toute fonction test DKK ( , K), la suite
(
)
KL,k , k>1/dist(K,)
est une suite de Cauchy, donc convergente, dans le corps complet K. Nous admettrons ici ce resultat (cf. [Horm], Section 5.2, pour les details de ce point technique).
Il resulte alors de la Proposition 2.1 que la suite (KL,k )k>>1 converge au sens des
distributions vers une distribution KL D ( , K). La distribution KL ainsi
construite se plie dapr`es (3.20) `a la clause (3.17). Lunicite dune telle distribution
KL satisfaisant (3.17) resulte du Lemme 3.11.

3.5. Convolution de deux distributions dans Rn ou (S1 )n


Le concept de boite noire designe en ingenierie un appareil (ou un ensemble
dappareils resultant par exemple de montages en serie ou en parall`ele) agissant de
mani`ere lineaire sur les entrees et dont les param`etres soient assujettis `a rester
immuables (soit dans le temps, si lon se place en dimension 1, soit dans lespace si
lon se place en dimension superieure). Par exemple, une cellule electrique (comme
un circuit RC ou RLC 6, un montage en serie de cellules electriques, un syst`eme
mecanique (montages avec resistances, ressorts, ...), sont des mod`eles de boites
noires. En revanche, un instrument de musique, lorgue constitue du conduit vocal
dun individu, etc., nen sont pas car les param`etres sont ici appeles `a se deformer au
cours du temps. Outre la linearite et linvariance des param`etres par translation, on
ajoute comme exigence le fait que lappareil reponde de mani`ere continue (en un
sens `a preciser) aux entrees quon lui soumet. On comprend aisement limportance
de tels mod`eles dans le domaine de lingenierie ou de la modelisation mathematique.
6. R
esistance-Condensateur, R
esistance-Bobine-Condensateur.

3.5. CONVOLUTION DE DEUX DISTRIBUTIONS DANS Rn OU (S1 )n

49

Vu les exigences de linearite et de continuite, il est naturel de modeliser le concept


de boite noire du point de vue mathematique comme un operateur lineaire L :
D(Rn , K) D (Rn , K) continu au sens o`
u on lentend dans lenonce du Theor`eme
3.12. Dapr`es ce theor`eme, cet operateur L se represente par un noyau-distribution
KL et linvariance par translation (i.e le fait que les param`etres de lappareil puissent
etre consideres immuables dans le temps ou lespace) se traduit par la condition
, D(Rn , K),
(3.21)

u Rn ,

L[](y u) , (y) = KL (x, y u) , (x) (y) = L[( u)] ,


= KL (x + u, y) , (x) (y).

On a alors (du fait du Lemme 3.11) :


(3.22)

u Rn , KL (x, y u) = KL (x + u, y)

(au sens des distributions sur Rn Rn ). En dierentiant cette identite (3.22) entre
distributions par rapport aux variables reelles uj , j = 1, ..., n, il vient
(
)
+
[KL ] 0, j = 1, ..., n,
xj
yj
au sens des distributions sur Rn Rn . Ceci se traduit formellement par le fait quil
existe une distribution hL D (Rn , K) telle que
KL (x, y) = hL (x y).
Il en resulte que laction de L se trouve modelisee sous la forme
(3.23)

, D(Rn , K), L[] , = hL (x) (y) , (x + y).

En termes dingenierie, on ecrira la relation (3.23) formellement sous la forme


abr
egee :

(3.24)
L[](y) =
hL (y x) (x) dx,
Rd

forme o`
u lon reconnait loperation mathematique de convolution dej`a rencontree
dans le cadre des fonctions ou des suites (suivant que lon adopte le point de
vue continu ou le point de vue discret), cf. le chapitre 4 du cours de Theorie de
lIntegration [Y1], et notee alors, au lieu de (3.24), L[] = hL . Ceci nous conduit
naturellement `a lintroduction dune operation entre distributions, la convolution.
Toute boite noire L agira donc, comme on vient de le voir, comme un operateur de
convolution par une certaine distribution hL .
La convolution est une operation intimement liee `a une structure algebrique de
groupe commutatif. Ceci nous privera de definir en general cette operation comme
une operation interne de D (, K) lorsque sera un ouvert quelconque de Rn ou un
ouvert quelconque dune sous-variete de dimension n de RN (il ny a en general pas
de structure de groupe commutatif sur !). Nous nous placerons donc uniquement
dans deux cas importants (au niveau des applications pratiques) :
(1) le cas (le plus important) = Rn (avec sa structure de groupe additif
usuel), qui sera celui de la convolution usuelle ;
(2) le cas = S1 S1 S1 (R2 )n , o`
u S1 est le cercle unite dans Rn (avec
sa structure de groupe multiplicatif usuel), qui sera celui de la convolution
periodique.

50

3. SUPPORT ET CONVOLUTION

finition 3.14 (convolution usuelle de deux distributions sur Rn ). Soient


De
S et T deux distributions sur Rn , `a valeurs dans le corps K = R ou C. Les deux
distributions S et T sont dites convolables si elles verifient la condition des supports :
{
}
e := (x, y) Supp S Supp T ; x + y K R2n .
(3.25) K Rn , K
Lorsque la condition des supports (3.25) est remplie, on definit une distribution sur
Rn (`a valeurs dans K), appelee convolee des distributions S et T et notee S T ,
par :
(3.26)
K Rn ,

DK (Rn , K),

S T, := S(x) T (y) , (x + y) = S(x) T (y) , Ke (x, y)(x + y) ,

o`
u Ke D(Rn , [0, 1]) designe une fonction plateau arbitraire identiquement egale
e associe `a K via la condition des supports (3.25).
`a 1 au voisinage du compact K
Remarque 3.15 (commutativite de la convolution). Si S et T sont convolables,
il en est de meme (par symetrie de (3.25)) de T et S et lon a T S = ST , autrement
dit loperation de convolution entre distributions sur Rn est, pourvu quelle sav`ere
possible, une operation commutative.
Comme S1 S1 est un compact dans (R2 )n , la definition de loperation de
convolution entre deux distributions S et T de D ((S1 )n , K) est en revanche toujours
possible (la condition des supports (3.25) est alors irrelevante du fait de la compacite
de (S1 )n ) et on a la :
finition 3.16 (convolution de deux distributions periodiques). Soient S et
De
T deux distributions sur S1 S1 (n fois), `a valeurs dans K = R ou C. On
appelle convolee periodique de S et T et on note S per T la distribution sur (S1 )n ,
`a valeurs dans K, qui, `a toute fonction
: (1 , ..., n ) Rn 7 (1 , ..., n ) K
C et 2-periodique par rapport `a 1 , ..., n 7, associe

1
(3.27)
S per T , :=
S(ei1 , ..., ein ) T (ei1 , ..., ein ) , ( + ) .
n
(2)
La condition des supports (3.25) dans la Definition 3.14 (pour deux distributions
S et T de D (Rn , K)) est remplie dans deux cas importants.
Proposition 3.7 (convolabitite de deux distributions sur Rn dont lune au
moins est `a support compact). Si S et T sont deux elements de D (Rn , K) telles
quau moins lune des deux distributions S ou T soit `
a support compact (Supp S
Rn ou Supp T Rn ). Les deux distributions S et T sont alors convolables.
monstration. Supposons par exemple Supp T Rn . Si K Rn , on a
De
(
)
(x, y) Supp S Supp T & (x + y K)
((
)
)
x Supp S (K Supp T ) & (y Supp T ) ,
7. Donc consid
er
ee comme une fonction C de (S1 )n dans K via la correspondance naturelle
ei ( mod 2) entre le cercle unit
e S1 de R2 et le groupe quotient R/(2Z).

3.5. CONVOLUTION DE DEUX DISTRIBUTIONS DANS Rn OU (S1 )n

51

o`
u K Supp T est le compact image du compact KSupp T (ce produit est compact
car produit de deux compacts) par lapplication continue (x, y) 7 xy. Lensemble
e defini par (3.25) est donc compact comme produit de deux compacts. Les deux
K
distributions S et T sont donc convolables.

Proposition 3.8 (convolabilite de deux distributions sur R `a capacite de


memoire finie). Soit S et T deux distributions sur R, `
a valeurs dans K = R ou
C, telles quil existe M [0, [ avec
Supp S Supp T [M, +[
(les deux distributions S et T sont dites `
a capacite de memoire finie ). Les deux
distributions S et T sont convolables.
monstration. Le fait que la condition (3.25) soit verifiee resulte du fait
De
que, si K R, lensemble
{(x, y) R2 ; x + y K, x M, y M }
e est un ferme de R2 inclus dans ce compact, K
e
est un compact de R2 ; comme K
2
est un compact de R . La condition (3.25) est donc remplie dans ce cas et les
distributions S et T sont convolables.

Exemple 3.17 (convolution avec une distribution `a support ponctuel). Si T


est un element de D (Rn , K) et
(
)
S=P
, ...,
[0 ] , P K[X1 , ..., Xn ],
x1
xn
est une distribution sur Rn , `a valeurs dans K, et de support lorigine {(0, ..., 0)} (cf.
la Proposition 3.4), les distributions S et T sont convolables dapr`es la Proposition
3.7 et on a
(
(
)
)
, ...,
[0 ] T = P
, ...,
[T ].
(3.28)
P
x1
xn
x1
xn
Exemple 3.18 (convolution dune distribution fonction C et dune distribution `a support compact). Soit T = f une fonction C et S une distribution `a
support compact dans Rn . Les deux distributions S et f sont convolables dapr`es
la Proposition 3.7 et la convolee S f est la fonction de classe C sur Rn :
y Rn 7 S(x) , (x) f (x y),
o`
u D(Rn , [0, 1]) est une fonction-plateau arbitraire identiquement egale `a 1 au
voisinage de Supp S. On a en eet, pour D(Rn , K), en utilisant linvariance par
translation de la mesure de Lebesgue, puis la continuite de S de D(Rn , K) dans K,
S f ,

= S(x) f (y) , (x) (x + y)

=
S(x) , (x)
f (y x)(y) dy
Rn

=
S(x) , (x) f (x y) (y) dy.
Rn

Lorsque S et T sont deux distributions fonction sur Rn , il ny a a priori aucune


raison pour laquelle les distributions S et T soient convolables. Neanmoins, on sait

52

3. SUPPORT ET CONVOLUTION

depuis le cours de Theorie de lIntegration (ce sont les inegalites de Young, voir
[Y1], Theor`eme 4.2) que si p, q, r sont trois elements de [1, ] tels que
1 1
1
+ =1+
p q
r
(lexistence de r, lorsque p [1, ] et q [1, ] sont donnes, est assurees d`es que
1 1/p + 1/q 2) et si f LpK (Rn , B(Rn ), dx), g LqK (Rn , B(Rn ), dx), alors,
lorsque f et g sont des representants mesurables respectivement de f et g `a valeurs
dans le corps K, la fonction mesurable
y 7 f (x y)g(y)
est integrable pour dx-presque tout x et que la fonction dx-presque partout definie

f g : x Rn 7
f (x y) g(y) dy
Rn

represente un element de
(3.29)

LrK (Rn , B(Rn ), dx)

note f g,
avec

f g
r fp g
q.

Nous traduisons ceci en termes de distributions avec la proposition suivante :


Proposition 3.9 (convolution des distributions fonction). Soient p, q [1, ]
avec 1 1/p + 1/q 2. Soit (Kl )l0 une suite de compacts emboites en croissant et exhaustant Rn . Si f LpK (Rn , B(Rn ), dx) et g LqK (Rn , B(Rn ), dx), les
distributions-fonction f et g Kl sont convolables pour tout l. De plus, pour tout
l N, la distribution f gKl est la distribution-fonction associee `
a f gKl ,
element de Lr (Rn , B(Rn ), dx), o`
u 1/r = 1/p + 1/q 1. Enfin, la suite de distributions (f gKl )lN converge dans D (Rn , K) vers la distribution-fonction associee
`
a f g,
element de LrK (Rn , B(Rn ), dx) dapr`es linegalite de Young (3.29).
Toute distribution T sur Rn est convolable avec la distribution `a support compact
(0,...,0) et lon a toujours T = T = T , ce qui traduit le fait que T joue le role
delement neutre pour loperation de convolution.
Il faut prendre garde au fait que lorsque lon it`ere, si cela sav`ere possible, les
operations de convolution, la r`egle dassociativite se rev`ele en defaut. Nous en donnons ici deux exemples :
Exemple 3.19 (non associativite du produit de convolution ; un premier exemple). Les distributions [1] (distribution-fonction correspondant `a la fonction presque
partout constante egale `a 1) et D[] = sont des elements de D (R, R) puisque
est `a support compact. Dapr`es lexemple (3.17), on a [1] = [1] D[] =
D[[1] ] = D[1] = 0. On a donc ([1] ) H = [0] H = [0] (distribution fonction
correspondant `a la fonction nulle presque partout). Or H = D[] H = H =
dapr`es lexemple 3.17. On remarque donc que ([1] ) H = [0] H = [0] =
[1] ( H) = [1] D[H] = [1] = [1].
Exemple 3.20 (non associativite du produit de convolution : un second exemple). Soit T1 = P [] = P (D) D(R, C) (avec P C[X], cf. (3.28)). Si lon
decompose 1/P (X) en elements simples

1
jl
=
P (X) j=1
(X j )j
m

(3.30)

l=1


`
3.6. LES ALGEBRES
DE CONVOLUTION E (Rn , K) ET D+
(K)

53

(les j , j = 1, ..., m, etant les racines de P et les j leurs multiplicites) et que lon
note
j
m

(3.31)
T2 =
jl Lj ,l
j=1 l=1

(voir (2.32)), on remarque (Proposition 2.7, (2.33)) que T1 T2 = P (D)[] S = .


Quelque soit la distribution T , on peut donc definir (T1 T2 ) T = T = T . Mais
en general T2 nest pas convolable avec T et lon voit donc que (T1 T2 ) T peut
parfaitement etre definie (suivant cette r`egle) sans que T1 (T2 T ) nait de sens !

3.6. Les alg`


ebres de convolution E (Rn , K) et D+
(K)

Il est toutefois deux situations o`


u les pathologies decrites dans les exemples
3.19 et 3.20 nont plus cours : le cadre des distributions `a support compact dans
Rn et celui des distributions causales sur R.
Proposition 3.10 (alg`ebre des distributions `a support compact dans Rn ). Si
K = R ou C, le K-espace vectoriel des distributions `
a support compact dans Rn ,

n
note E (R , K) est equipe avec sa structure de K-espace vectoriel et loperation commutative de convolution dune structure de K-alg`ebre commutative unitaire contenant comme sous-alg`ebre lalg`ebre K(/x1 , ..., /xn ) isomorphe `
a lalg`ebre des
polyn
omes K[X1 , ..., Xn ]. Lelement neutre de cette K-alg`ebre est la mesure de Dirac (0,...,0) .
monstration. Elle est immediate : un point important est de remarquer
De
que si T1 , T2 , T3 sont trois distributions sur Rn dont au moins deux sont `a support
compact, la r`egle dassociativite du produit de convolution est satisfaite, i.e on a
(T1 T2 ) T3 = T1 (T2 T3 ). Ceci est une consequence de la definition du produit
de convolution des distributions (lorsque les distributions sont convolables, ce qui
est le cas ici) au travers du produit tensoriel (qui, lui, est bien associatif).

Remarque 3.21. Avec cette importante Proposition 3.10, le cadre algebrique


de lalg`ebre K[X] se trouve etendu `a un cadre transcendant cette fois, mais plus
large, `a savoir E (Rn , K). Cette extension trouvera de nombreuses applications, y
compris dans letude de probl`emes relevant de la geometrie algebrique et de lalg`ebre
commutative. On dispose en eet avec E (Rn , K) dun cadre moins rigide que le
cadre algebrique tout en lenglobant (on y retrouve cette fois la souplesse de
lanalyse), cadre tout `a fait adapte au maniement des concepts algebriques (en
contribuant `a en gommer la rigidite ).
Proposition 3.11 (alg`ebre des distributions causales sur R). Si K = R ou C, le
K-espace vectoriel des distributions sur R, `
a valeurs dans K et de support dans [0, [

(dites distributions causales), note D+


(K), est equipe avec sa structure de K-espace
vectoriel et loperation commutative de convolution dune structure de K-alg`ebre
commutative unitaire (delement neutre ) dans laquelle toutes les distributions

P (D)[] sont inversibles. Cette K-alg`ebre D+


(K) contient donc, avec la sous-alg`ebre
1
des distributions R(D)[] = (P (D)[]) [Q(D)[]] si R(X) = P (X)/Q(X) K(X),
une sous-alg`ebre isomorphe `
a K(X).
monstration. Lassociativite du produit de convolution entre elements de
De

D+
(K) resulte de lassociativite du produit tensoriel. Le fait que P (D)[] ait un
inverse a ete demontre `a loccasion de lexemple 3.20 et repose sur la decomposition

54

3. SUPPORT ET CONVOLUTION

(3.30) de la fraction rationnelle 1/P en elements simples. Linverse (P (D)[])1 est


alors donne par (3.31).

CHAPITRE 4

Distributions et transformation de Fourier


4.1. Lespace S(Rn , K) (K = R ou C) et les distributions temp
er
ees
4.1.1. Rappels sur la transformation de Fourier. La transformation de
Fourier joue un role fondamental tant dans lanalyse des phenom`enes physiques (elle
est materialisee optiquement par le mecanisme de diraction) que dans le traitement
operationnel des transformations (telles laction par convolution) agissant sur ces
memes phenom`enes physiques ; cest, dans ce second role, le fait que lexponentielle
realise un homomorphisme i 7 exp(i) de (iR, +) dans (S1 , ) qui ici joue un
role clef.
La diculte majeure soulevee par la transformation de Fourier se trouve concretisee
par le principe dincertitude de Heisenberg : cette transformation ne respecte pas
la localisation des objets ; au contraire, comme le met en evidence lincarnation
de cette transformation en optique (diraction au travers dune lentille), ce qui
est localise se trouve etre apr`es transformation de Fourier dius 1, tandis que ce
qui se trouve etre dius se retrouve, apr`es transformation de Fourier, parfaitement
localise 2.
On rappelle (voir le cours de MHT613 [Y2]) que la transformation de Fourier
f fb realise (`a un facteur pr`es) une isometrie entre lespace L2C (Rnx , B(Rn ), dx)
(correspondant du point de vue physique au R-espace vectoriel des phenom`enes
physiques denergie finie dans le monde spatial ou temporel Rnx , lenergie de f etant
par definition f 22 := Rn |f (x)|2 dx) et le C-espace L2C (Rn , B(Rn ), d) qui en est
son doublon (Rn etant lunivers des frequences, on y reviendra). On a
(4.1)

[
]
f L2 (Rn , B(Rn ), dx), fb =
lim
7
f (x)ei,x dx ,
C

N +

[N,N ]n

L2C (Rn ,B(Rn ),d)

la transformation inverse etant lapplication


(4.2)
1
g L2C (Rn , B(Rn ), d), 7
lim
(2)n 2 nN +n

LC (R ,B(R ),dx)

x 7

]
g()ei,x d .

[N,N ]n

1. Penser par exemple `


a une
etoile et `
a son spectre, apr`
es passage du rayonnement au travers
de la lentille du t
elescope.
2. Penser aux signaux acoustiques oscillants dans lespace temporel transform
es en combinaisons de mesures de Dirac dans le champ fr
equentiel.
55

56

4. DISTRIBUTIONS ET TRANSFORMATION DE FOURIER

Le fait que cette transformation soit une isometrie (`a la constantemultiplicative


(2)n/2 pr`es) materialise par la relation

f1 , f2 L2C (Rn , B(Rn ), dx), f1 , f2 =


(4.3)
=

1
1
fb1 , fb2 =
(2)n
(2)n

Rn

Rn
x

f1 f2 dx

fb1 fb2 d.

La transformation de Fourier ne preserve pas le C-espace vectoriel D(Rn , C), comme


ceci se voit par exemple lorsque n = 1. Si D(R, C), la fonction

: z C 7

(t)e

izt

dt =

(i)k
k=0

(t) tk dt k
z
k!

est une fonction enti`ere se pliant donc (voir le cours de MT734 [Charp]) au principe
des zeros isoles ; si lon suppose

(t) dt > 0
R

(par exemple 0 et 1 au voisinage de lorigine, ce qui est possible si


est une fonction plateau subordonnee `a un voisinage compact K de lorigine), la
fonction , non nulle en = 0, nest pas identiquement nulle. Comme |R est un
representant (continu, en fait C ) de
b (element de L2C (R, B(R), d)), et quil est
impossible (dapr`es le principe des zeros isoles) que |R soit identiquement nulle sur
R \ [R, R] pour un certain R > 0, la fonction ,
b consideree ici comme un element
de L2C (R, B(R), d) ne saurait avoir de representant dans D(R, C).
La seule chose que lon puisse assurer est la rapide decroissance vers 0 de toutes les
derivees partielles de la transformee dune fonction-test. Nous allons preciser cette
notion dans la section suivante.

4.1.2. Lespace des fonctions `


a d
ecroissance rapide ainsi que toutes
leurs d
eriv
ees. Ici K = R ou K = C, mais nous nous proposons surtout ici
de construire un K-espace vectoriel qui contienne, lorsque K = C, `a la fois le Cespace des fonctions-test D(Rn , C) et son image par transformation de Fourier. En
restant pour linstant dans le cas general K = R ou K = C, nous introduisons
sur le K-espace des fonctions C de Rn dans K une famille dapplications Np :
C (Rn , K) [0, ] satisfaisant aux axiomes de norme, hormis le fait quelles
puissent prendre la valeur +.
finition 4.1 (lespace S(Rn , K)). Pour C (Rn , K) et p N, on pose
De
(4.4)

Np () =

( l1 ++ln )
]
[


sup (1 + x)p
[](x)
.
xl11 xlnn
l1 +l2 ++ln p Rn
sup

EES

4.1. LESPACE S(Rn , K) (K = R OU C) ET LES DISTRIBUTIONS TEMPER

57

On note 3 S(Rn , K) le K-espace vectoriel des fonctions C sur R telles que lon ait
Np () < + pour tout p N.
Remarque 4.2. Le K-espace vectoriel S(Rn , K) contient D(Rn , K) et nest
donc pas reduit `a 0.
Pour tout p 0, pour tout S(Rn , K), on a N0 () = Np () < +.
Ceci implique que
S(Rn , K) 7 Np ()
definit une norme sur le K-espace vectoriel S(Rn , K). Ce K-espace peut etre muni
dune distance, definie par

1
d(, ) :=
inf(Np ( ), 1).
2p
p=0
Muni de cette distance, le K-espace S(Rn , K) est ainsi muni dune topologie despace
metrisable. Comme il sagit dune topologie despace metrisable, cette topologie
peut etre definie par un principe de convergence des suites : une suite (k )k0
tend vers 0 dans S(Rn , K) si et seulement si, pour tout p N, lim Np (k ) = 0.
k+

Dautres distances sur S(Rn , K) definissent la meme topologie, par exemple


1 Np ( )
e ) =
d(,
.
2p 1 + Np ( )
p0

Un syst`eme fondamental de voisinages ouverts de la fonction nulle dans S(Rn , K)


est donne par
{
}
(4.5)
W(0) = { S(Rn , K) ; Np () < }, p N, > 0 .
Le K-espace vectoriel D(Rn , K) est dense dans S(Rn , K) equipe de cette topologie metrisable. Il sut en eet de remarquer que si D(Rn , [0, 1]) designe une
fonction-plateau identiquement egale `a 1 au voisinage de BRn (0, 1) et de support
inclus dans BRn (0, 2), alors, pour un element quelconque S(Rn , K), la suite
(k )k1 , o`
u
k (x) := (x) (x/k)
converge vers au sens de la topologie de S(Rn , K) : il sut en eet de calculer
les derivees successives de (1 (/k)) en invoquant la r`egle de Leibniz et
dutiliser le fait que laction de tout operateur dierentiel dordre q > 0 portant sur
x 7 (x/k) fait apparaitre un facteur 1/k q assurant la convergence uniforme vers
0 de toutes les suites du type
(
)
x1 1 xnn Dl [ k ]
, , l Nn ,
k1

ce qui montre lim Np ( k ) = 0 pour tout p N.


k+

3. Cette notation a
et
e introduite par Laurent Schwartz. Comme il larme lui-m
eme, il ne
sagissait pas de conforter son ego. Le qualificatif S vaut en fait pour sph
erique . Nous verrons
en eet plus loin (cetait pr
ecis
ement une remarque de L. Schwartz, voir [Sch]) que les
el
ements
du dual de cet espace (que lon appellera distributions temp
er
ees) sont les distributions sur Rn
qui, une fois remont
ees sur la sph`
ere unit
e Sn de Rn+1 par projection st
er
eographique inverse
depuis le p
ole Nord, se prolongent en des distributions sur cette sph`
ere (sous vari
et
e compacte de
dimension n de Rn+1 ).

58

4. DISTRIBUTIONS ET TRANSFORMATION DE FOURIER

On a aussi limportante proposition suivante.


Proposition 4.1 (completude de S(Rn , K)). Le K-espace vectoriel topologique
S(R , K) est complet pour toute metrique definissant sa topologie.
n

monstration. Comme
De

Np (f )

( l1 ++ln )



sup
[](x)

l1
ln
x

x
xRn
n
1
l1 ++ln p

pour tout p N, toute suite de Cauchy (k )k0 dans S(Rn , K) est necessairement
de Cauchy dans tous les espaces C p (Rn , K), C p (Rn , K) designant lespace vectoriel
des fonctions de classe C p sur Rn , telles que
( l1 ++ln )



sup
[](x)
= (p)
< +,
l1
ln
n
x

x
xR
n
1
l1 ++ln p
(p)

equipe precisement de la norme . Or le K-espace norme (C p (Rn , K), p ) est


un espace de Banach (on laisse ce point en principe connu en exercice). Pour chaque
(p)
p N, la suite (k )k0 converge donc dans C p (Rn , K) (pour la norme ) vers
un element [p] . Toutes ces fonctions [p] se recollent bien s
ur en une fonction de
classe C . Soit > 0. On a, pour p N fixe,
(4.6)

k, l M (, p), Np (k l ) < .

Si lon fixe k et que lon laisse courir l vers + dans (4.6) (on raisonne `a x Rn
fixe, puis on prend le sup pour tout x), on constate que S(Rn , K) et que
k M (, p), Np (k ) < .
La suite (k )k0 converge donc vers dans S(Rn , K) car limk+ Np (k ) = 0
pour tout p N. Le K-espace S(Rn , K) est donc bien complet.

On prend maintenant plus specifiquement K = C. Sur cet espace S(Rn , C), la transformation de Fourier agit de mani`ere que lon pouvait souhaiter. Notons que cest
en pensant `a faire agir cette transformation de Fourier (qui est une transformation
de nature complexe et non reelle) que nous nous sommes cantonnes `a nintroduire
ici que le C-espace vectoriel S(Rn , C) et non le R-espace vectoriel S(Rn , R), ce que
nous avions fait jusque l`a (et reprendrons, apr`es cet interm`ede complexe, dans la
sous-section suivante).
Proposition 4.2 (transformation de Fourier et fonctions elements de S(Rn , C)).
La transformation de Fourier restreinte `
a S(Rn , C) (considere comme un sous1
n
n
2
n
espace de LC (R , B(R ), dx) LC (R , B(Rn ), dx)) definit un isomorphisme bicontinu de S(Rnx , C) dans S(Rn , C) 4. Cette transformation agit ainsi :

[
]
(4.7)
S(Rnx , C) 7
b : Rn 7
(x) eix, dx .
Rn

4. Cest volontairement que nous avons distingu


e ici les deux copies de Rn qu
echange la
transformation de Fourier : le monde temporel (ou spatial si n > 1) Rn
equentiel
x et le monde fr
ole dunivers dual du premier. La r
ealisation optique de la transformation de Fourier
Rn
, jouant le r
via le m
ecanisme optique de diraction au travers dune lentille rend compte de cette dualit
e.

EES

4.1. LESPACE S(Rn , K) (K = R OU C) ET LES DISTRIBUTIONS TEMPER

59

Cette transformation realise une isometrie en termes de normes L2 (i.e. en termes


denergie), plus precisement

1
2
(4.8)
|s(x)| dx =
|b
s()|2 d.
(2)n Rn
Rn
On a de plus les relations

(4.9)

n \
( l1 ++ln )
(
)
lj (),
[
()]
b
=
(ix
)
j
1l1 nln
j=1
n
( l1 ++l
)
(
)
\n
[]
[]
=
(ij )lj (),
b
l1
ln
x1 xn
j=1

Rn ,
Rn ,

pour toute fonction S(Rn , C). La transformation de Fourier inverse est lapplication

[
]
1
ix,
(4.10)
S(Rn , C) 7 F 1 [] : x Rnx 7
()
e
d
(2)n Rn
monstration. Les elements de S(Rn , C) sont les fonctions integrables et
De
leur transformee de Fourier se calcule comme la transformee de Fourier dune
fonction integrable, cest `a dire suivant (4.7). Cest le theor`eme de Lebesgue de
derivation des integrales `a param`etres qui permet dassurer la validite de la premi`ere
des deux batteries de formules (4.9). La seconde de ces deux batteries de formules
sobtient via des integrations par parties iterees suivant les variables. La formule 4.8
resulte du fait que S(Rn , C) est un C-sous-espace vectoriel de L1C (Rn , B(Rn ), dx)
L2C (Rn , B(Rn ), dx), couple avec le fait que la transformation de Fourier realise une
isometrie entre L2C (Rnx , B(Rn ), dx) et L2C (Rn , B(Rn ), d) (voir [Y2], Proposition
2.11), au coecient multiplicatif (2)n/2 pr`es.
Les formules (4.9) assurent que si (l1 , ..., ln ) et (l1 , ..., ln ) sont deux multi-indices,
on a, pour tout Rn , en notant pour simplifier
n
n
n
(

lj )
l
||l =
|j |lj , Dl =
,
(ix)
=
(ixj )ll ,
lj
j=1
j=1 xj
j=1

\
l ()
||l |Dl []()|
b
= ||l (ix)

[ [
]]



= F Dl (ix)l ()

]

l[

D (ix)l (x) dx
Rn

sup

[(

Rn

(4.11)

)n+1 [
] ]

l
1 + x
D (ix)l (x)

Rn

dx
< .
(1 + x)n+1

Il en resulte que la transformation de Fourier preserve globalement le C-espace vectoriel S(Rn , C). On constate aussi que les inegalites (4.11) que lon vient detablir assurent que la transformation de Fourier realise une application continue de S(Rn , C)
dans lui-meme. En particulier, la transformee de Fourier dun element de S(Rn , C)
est, comme lelement lui-meme, une fonction continue et integrable sur R. On est

60

4. DISTRIBUTIONS ET TRANSFORMATION DE FOURIER

dans dans les conditions dapplication de la formule dinversion de Fourier ([Y2],


Theor`eme 2.4). La transformation (4.10) se traite exactement comme la transfomation de Fourier (on a juste change dans le facteur exponentiel sous lintegrale i en
i et multiplie par le facteur (2)n ) et realise un operateur continu de S(Rn , C)
dans lui-meme qui, dapr`es precisement la formule dinversion, realise bien linverse
de la transformation de Fourier.

La proposition 4.2 ore un moyen interessant de quantifier le principe dincertitude dHeisenberg (cest l`a un joli exercice, bien pour une illustration de lecon
dAgregation par exemple). Si S(R, C) est normalisee de mani`ere `a ce que

|(t)|2 dt = 1,
R

le produit des moments dinertie par rapport `a lorigine des distributions correspondant `a et `a son spectre 5 est minore par la constante absolue /2, i.e

2
(4.12)
|(t)|2 |t|2 dt
|()|
b
||2 d .
2
R
R
Pour le voir, il sut dune part dintegrer par parties

( N
) 1[
]N
1 N
Re

t(t) (t) dt = t|(t)|2


|(t)|2 dt
2
2
N
N
N
et de faire tendre N vers +, ce qui donne
( v
)
1
Re
t(t) (t) dt =
2
u
compte tenu des hypoth`eses ( est dans S(R, C) et denergie 1), dautre part dappliquer linegalite de Cauchy-Schwarz pour majorer
( v
) 2


t(t) (t) dt t22 22
Re
u

1
2
(4.13)
||2 |()|
b
d
t22
2 R
(on utilise la Proposition 4.2 pour passer `a la derni`ere inegalite). On peut remarquer
au passage que legalite dans (4.12) na lieu que si lon a egalite dans linegalite de
Cauchy-Schwarz utilisee en (4.13), cest-`a-dire quand et t sont proportionnelles,
ce qui correspond au fait que soit une gaussienne (lequation dierentielle du
premier ordre y (t) = t y(t) est immediate `a resoudre).
4.1.3. Le K-espace des distributions temp
er
ees `
a valeurs r
eelles ou
complexes.
finition 4.3 (distribution temperee). Les elements du K-dual topologique
De
du K-espace metrisable S(Rn , K), note S (Rn , K), sont appelees distributions temperees `a valeurs dans K (K = R ou K = C).
Clairement D(Rn , K) S(Rn , K) et linjection
: D(Rn , K) S(Rn , K)
est une application continue : si en eet une suite de fonctions test (k )k0 converge
vers D(Rn , K) au sens du principe de convergence des suites de la Definition
5. Cest le terme physique pour qualifier ce qui pour nous est la transform
ee de Fourier.

EES

4.1. LESPACE S(Rn , K) (K = R OU C) ET LES DISTRIBUTIONS TEMPER

61

1.11, cette suite delements, consideree cette fois, ainsi que sa limite, comme une
suite delements de S(Rn , K), converge vers dans S(Rn , K). Il en resulte que la restriction dune distribution temperee `a D(Rn , K) definit un element de D (Rn , K).
Par contre, toutes les distributions `a valeurs complexes sur Rn ne peuvent etre
considerees comme les restrictions `a D(Rn , K) de distributions temperees. La Proposition 4.3 clarifiera precisement cet etat de fait.
Le K-espace vectoriel S (Rn , K) est equipe naturellement dune topologie, dite
faible. On se contentera dy enoncer (ce qui sura `a nos besoins) un principe de
convergence des suites. Pour etre en phase avec le fait que lon souhaite considerer le
K-espace topologique S (Rn , K) comme un sous-espace de D (Rn , K), il est naturel
que ce principe de convergence des suites soit coherent avec celui que lon a introduit
pour les suites de distributions dans la Definition 2.1. Une suite (Tk )k0 delements
de S (Rn , K) converge donc vers un element T S (Rn , K) si et seulement si
(4.14)

S(Rn , K),

lim Tk , = T, .

k+

Proposition 4.3 (deux caracterisations des distributions temperees). Une distribution T D(Rn , K) est temperee (i.e. peut etre consideree comme la restriction
`
a D(Rn , K) dune distribution temperee) si et seulement si lune des proprietes
suivantes (equivalentes) est satisfaite 6 :
(1) Il existe un entier p N et une constante C 0 telles que
(4.15)

|T, | C Np ()

D(Rn , K) ;

(2) la distribution Te sur Sn \ {(0, ..., 0, 1)} Rn+1 deduite de T par projection stereographique inverse (depuis le p
ole Nord (0, .., 0, 1)) se prolonge
en une distribution sur Sn (consideree comme sous-variete compacte de
dimension n de Rn+1 ), `
a valeurs dans K.
monstration. Prouvons dabord lequivalence avec le premier point. Les
De
elements du dual topologique du K-espace vectoriel metrisable S(Rn , K) sont les
applications lineaires Te de S(Rn , K) qui sont continues en = 0, i.e telle que
limage reciproque de la boule unite ouverte du corps K contienne un element du
syst`eme fondamental (4.5). Ceci signifie donc quil existe p N et > 0 tel que
(
)
S(Rn , K),
Np () < = |Te, | < 1.
Ceci equivaut `a dire quil existe une constante positive C = 1/ telle que la condition
(4.15) soit remplie pour tout element de S(Rn , K), donc en particulier pour tout
fonction-test D(Rn , K). Si une distribution T est temperee, elle se prolonge
comme un tel Te en une forme lineaire continue sur S(Rn , K) et T = Te|D(Rn ,K)
satisfait donc (4.15). Reciproquement, si T verifie (4.15), on peut prolonger T `a
S(Rn , K) de la mani`ere suivante : on approche dans S(Rn , K) (ce qui est possible)
un element quelconque de S(Rn , K) par une suite de fonctions-test (k )k0 ; la
suite de scalaires (T, k )k0 est de Cauchy dans K car
|T, k T, l | C Np (k l )
6. La premi`
ere constitue un crit`
ere quantitatif bien utile. La seconde fournit lexplication de
la notation S pour sph
erique et non, comme on le pense souvent, pour Schwartz .

62

4. DISTRIBUTIONS ET TRANSFORMATION DE FOURIER

et converge vers une limite l dans K, laquelle limite ne depend que de et non de
la suite dapproche (k )k0 . En posant Te, = l = l(), on prolonge bien T en
une forme lineaire continue sur S(Rn , K).
Prouvons maintenant lequivalence avec le second item. La projection stereographique
depuis le pole Nord ((0, ..., 0, 1)) sur le plan xn+1 = 0 induit (dapr`es le theor`eme
de Thal`es) la correspondance
( X
Xn )
1
, ...,
Rn .
(X1 , ..., Xn , t) Sn \ {(0, ..., 0, 1)}
1t
1t
On verifie que la transformation inverse est
(4.16)
( 2x
2xn
x2 1 )
1
(x1 , ..., xn ) Rn
,
...,
,
Sn \ {(0, ..., 0, 1)}.
1 + x2
1 + x2 x2 + 1
Dire quune distribution T sur Rn se prolonge, une fois remontee sur la sph`ere
Sn via la transformation (4.16), en une distribution sur cette sph`ere (pole Nord cette
fois inclus) revient `a dire quelle se prolonge en une distribution Te dans un voisinage
U du pole Nord (par exemple limage reciproque par projection stereographique
inverse de U = {x > R} pour R >> 1, `a laquelle on adjoint le pole Nord).
A) Prouvons dabord que si T peut se prolonger en une distribution sur Sn alors
T verifie le crit`ere (4.15). Dapr`es le crit`ere quantitatif donne dans la Proposition
1.2 (on note que Sn est une sous-variete compacte), quil convient ici dadapter du
cadre des ouverts de Rn au cadre des ouverts dune sous-variete de dimension n
de Rn+1 (voir la Section 1.5), on voit que le fait que T puisse ainsi se prolonger
equivaut au fait quil existe un entier p = p(U ) et une constante C 0 telles que,
pour toute fonction-test de support dans {x > R}, on ait
[
( X
Xn )]
1
(4.17)
|T, | C NU , p(U ) (X, t) Sn 7
, ...,
,
1t
1t
la norme NU , p(U ) etant exprimee `a partir de calculs de derives conduits cette fois
sur des fonctions sur la sph`ere, parametree au voisinage de U par (X1 , ..., Xn1 , t) =
(X , t), sachant que

2
t2 = (X , t)
Xn = 1 X12 Xn1
sur Sn . On remarque que si (X, t) et x sont echanges par projection stereographique,
on a (voir (4.16))
(4.18)

1
1 + x2
=
.
1t
2

Une derivation `a lordre k en (X , t) de la fonction


( X
(X , t) )
1
(X1 , ..., Xn1 , t) 7
, ...,
1t
1t
fait surgir le facteur (1 t)k , correspondant dapr`es (4.18) `a (1 + x2 )k /2k . On
constate ainsi, en utilisant la r`egle de Leibniz, que linegalite (4.17) implique quil
e et un entier p N tels que, pour toute fonction-test de
existe une constante C
support dans {x > R} dans Rn , on ait
eN
|T, | C
p(U ) ().

EES

4.1. LESPACE S(Rn , K) (K = R OU C) ET LES DISTRIBUTIONS TEMPER

63

On retrouve bien la condition necessaire et susante du premier item (en ecrivant


T = T + (1 )T , o`
u est une fonction plateau subordonnee `a B Rn (0, R) et en
utilisant le fait que T est `a support compact et la Proposition 3.3 et son crit`ere
(3.4)).
B) Supposons maintenant que T soit temperee (et donc verifie le crit`ere (4.15) pour
un certain entier p N). Si est une fonction C sur Sn , la restriction de `a
louvert Sn \ {(0, ..., 0, 1)} induit par projection stereographique depuis le pole nord
une fonction de classe C dans Rn (mais non `a support compact). Cette fonction
sexprime en termes de par
( 2x
2xn
x2 1 )
1
x Rn , (x) =
,
...,
,
.
1 + x2
1 + x2 x2 + 1
En appliquant la r`egle de Leibniz et en remarquant que la fonction est indefiniment
derivable au voisinage du pole nord (correspondant `a linfini dans Rn ), on constate
que pour tout multi-indice l = (l1 , ..., ln ) Nn et pour tout x Rn ,
(4.19)

n
(
lj )
lj
j=1 xj

[](x)

Cl ()
(1 + x)2(l1 ++ln )

pour une certaine constante positive Cl () : en eet


]
[ xk
[ x2 1 ]
2
=
O(1/x
)
&
= O(1/x3 )
xj 1 + x2
xj 1 + x2
lorsque x tend vers linfini. Considerons une fonction plateau subordonnee `a la
boule unite fermee de Rn et posons, pour k 1, k (x) = (x/k). Il resulte de (4.19)
et du fait que T est temperee (et verifie donc le crit`ere (4.15) pour un certain p N)
que la suite (T, k )k1 est une suite de Cauchy convergent dans le corps complet
K vers une limite l(). On verifie dailleurs de 7 l() est une distribution Te sur
Sn (dailleurs independante du choix de la fonction plateau ) dordre au plus p.
On a ainsi prolonge T (distribution sur Rn ) en une distribution sur la sph`ere unite
Sn .

Il resulte de la Proposition 4.3 que la classe des distributions temperees est preservee
par derivation. Tout operateur dierentiel realise dailleurs un operateur continu de
S (Rn , C) dans lui-meme.
Exemple 4.4 (E (Rn , K) S (Rn , K)). Toute distribution `a support compact
sur Rn est temperee. En eet, ceci resulte de la Proposition 3.3 (le crit`ere (3.4)
implique que la clause (4.15) soit satisfaite).
Exemple 4.5 (distributions periodiques suivant un reseau de rang n). Montrer
que toute distribution T periodique par rapport `a un reseau de rang n de Rn
(sous-groupe libre de Rn de rang n), i.e
T, = T, ( + )

est temperee.
Exemple 4.6 (mesures `a croissance lente et representation des distributions
temperees en ces termes). Une mesure de Radon : K(Rn , K) K ( = +
si K = R ou = (+ ) + i( + ) dapr`es le Theor`eme 1.3 de representation

64

4. DISTRIBUTIONS ET TRANSFORMATION DE FOURIER

de Riesz) est dite `


a croissance lente (on dit aussi temperee , comme cela sera
justifie plus loin) si et seulement si il existe un entier positif p tel que

d||(x)
(4.20)
< +.
(1
+ x)p
n
R
Si de plus la mesure est une mesure `a densite f (x) dx avec f localement integrable,
on dit, si (4.20) est remplie, que f est une fonction `
a croissance moderee 7 . Le fait
que soit `a croissance lente est aussi equivalent au fait quil existe un entier p N
tel que

R > 0,

(4.21)

||([R, R]n ) C(1 + R)p .

En eet, si (4.20) est remplie, on a bien

(
1 + R )p
n
d||(x)
|| ([R, R] ) =
[R,R]n (x)d||(x)
Rn
Rn 1 + x

d||(x)
(1 + R)p
= C(1 + R)p ,
(1
+ x)p
n
R
do`
u la validite de (4.21) avec p = p. Reciproquement, si (4.21) est remplie, on a,
pour tout multi-indice k = (k1 , ..., kn ) Zn ,
n
(
)p

(1 + |kj |) .
|(k + [1, 1]n )| C 1 +
j=1

On en deduit

Rn

d||(x)
(1 + x)np +n+1


kZn

kZn

k+[1,1]n

d||(x)
(1 + x)np +n+1

||(k + [1, 1]n )


mink+[1,1]n (1 + x)np +n+1

)p
(1
+
|k
|)

j
j=1
C
)p +1+1/n < +
(
n
kZn
j=1 (1 + |kj |)
(

1+

1
puisque
< + pour > 0. Les mesures `a croissance lente
kZ (1 + |k|)
constituent des exemples de distributions temperees (dordre 0), do`
u le fait quon
les appelle aussi mesures temperees . En eet, si la mesure verifie (4.20) et si
D(Rn , K), on a




d||(x)




p
(x) d(x) sup (1 + x) (x)

n
(1
+ x)p
n
n
R
R
R

d||(x)

Np (),
(1
+ x)p
n
R
ce qui prouve que le crit`ere quantitatif (4.15) est bien rempli avec ce p. Grace au
theor`eme de representation de Riesz (Theor`eme 1.3), il resulte de ce meme crit`ere
que si T est une distribution temperee (`a valeurs dans K) verifiant donc le crit`ere
` ne pas confondre avec la notion de fonction `
7. A
a croissance lente . Une fonction `
a
croissance lente sur Rn est une fonction C sur Rn (`
a valeurs dans K = R ou C) dont toutes les
d
eriv
ees sont `
a croissance mod
er
ee. Toute fonction `
a croissance lente d
efinit bien s
ur une fonction
`
a croissance mod
er
ee.

EES

4.2. TRANSFORMATION DE FOURIER DES DISTRIBUTIONS TEMPER

65

(4.15) avec p N, il existe une collection {T,l ; l Nn , l1 + + ln p} de


mesures `a croissance lente `a valeurs dans K telle que
n
(

lj )
(4.22)
T =
[T,l ]
lj
lNn
j=1 xj
l1 ++ln p

au sens des distributions.


Exemple 4.7 (multiplication dune distribution temperee par une fonction `a
croissance lente). Si T est une distribution temperee `a valeurs dans K et f est une
fonction C de Rn dans K `a croissance lente (i.e toutes les derivees de f sont `a
croissance moderee, voir lexemple 4.6), la distribution f T definie par f T, =
T, f est aussi temperee. On verifie ceci immediatement en utilisant le crit`ere
(4.15) (faire lexercice). De plus loperateur T f T est continu de S (Rn , K) dans
lui-meme.
Exemple 4.8 (convolution dune distribution temperee avec une distribution
`a support compact). Si S S (Rn , K) et T E (Rn , K), on peut definir S T
(Proposition 3.7). On a par definition, pour toute fonction-test D(Rn , C),

S T, = Sx , Ty , (x + y)
(on note que x 7 Ty , (x + y) est bien une fonction test, voir lexemple 3.18).
En combinant le crit`ere (4.15) pour S et le crit`ere (3.4) de la Proposition 3.3 (T
est `a support compact), on constate que S T se plit aussi au crit`ere (4.15), avec
p = p(S) + ordre(T ), ce qui implique que S T est aussi temperee.
2

Exercice 4.9. Les distributions-fonction [et ] et [et ] sont-elles temperees sur


R ? Pour quels choix de p C et > 0 la distribution Lp, = [H(t)t1 ept /()]
(voir la Section 2.5.2, (2.32)) est-elle temperee comme distribution sur R ?
Exercice 4.10 (distributions du type Valeur Principale ou Partie Finie). Montrer que la distributions VP[1/x] sur R et les distributions aerentes du type
PF[1/x2M ] ou VP[1/x2M +1 ] introduites dans la Section 1.4.3 sont toutes des distributions temperees (on utilisera le fait que [log |x|] definit une distribution-fonction
temperee et le fait que toutes les distributions mentionnees se deduisent de celle ci
par action dun operateur dierentiel). Verifier que lon a

1
(x) (x)
(4.23)
S(R, K), VP[1/x], =
dx.
2 R
x
4.2. Transformation de Fourier des distributions temp
er
ees
Le fait que la transformation de Fourier realise un isomorphisme topologique de
S(Rn , C) (Proposition 4.2) induit la possibilite de definir par dualite la transformee
de Fourier (ou spectre pour les physiciens) .
finition 4.11 (spectre dune distribution temperee). La transformation qui
De
`a T S (Rnx , C) associe la distribution Tb S (Rn , C) definie par
(4.24)
S(Rn , C) , Tb, = T,
b
est appelee transformation de Fourier des distributions temperees ou encore prise
de spectre (des distributions temperees). Il sagit dun isomorphisme topologique
entre S (Rnx , C) et S (Rn , C).

66

4. DISTRIBUTIONS ET TRANSFORMATION DE FOURIER

Nous donnerons beaucoup dexemples dans les sous-sections suivantes. Lexemple


4.12 ci-dessous fournit le pretexte `a un exercice dapplication de la formule de
dualite (4.24).
Exemple 4.12 (transformation de Fourier de Valeur Principale). La distribution VP[1/x] sur R est une distribution temperee (voir lexercice 4.10). On peut
calculer sa transformee de Fourier (au sens des distributions temperees) en utilisant la formule (4.23), le theor`eme de Fubini, et enfin le theor`eme de convergence
dominee de Lebesgue, que, pour, toute fonction-test D(R, C) :

1
()
b
()
b
\ = VP[1/x],
d
VP[1/x],
b =
2 R

( eix eix ) ) )
(1
(
=
lim
(x)
dx d
+ 2 [,]

R
( eix eix ) )
)
(1 (
=
lim
d (x) dx
+ 2 R

[,]
(

sin(x) )
= i
lim
d (x) dx

R + [,]

(
)
= i
(x) dx
(x) dx .
[0,+[

],0]

On a donc ainsi (en utilisant aussi la formule dinversion) les formules


i
\ = i signe () & signe
\
(4.25)
VP[1/x]
(x) = VP[1/x].

4.2.1. Le cas particulier des distributions `


a support compact. Les distributions `a support compact sont des distributions temperees (voir lexemple 4.4).
On peut donc definir leur transformation de Fourier au sens des distributions. Avant
de traiter le cas general, arretons nous un instant sur un cas particulier, celui des
distributions de support un point donne x0 Rn . Cela nous aidera `a eclairer le cas
general.
Proposition 4.4 (transformee de Fourier des distributions `a support ponctuel). Les transformees de Fourier des distributions `
a support le point x0 de Rn
sont les distributions-fonction correspondant aux fonctions F de la forme F () =
P () ei,x0 , o`
u P C[X1 , ..., Xn ].
monstration. Toute distribution T de support {x0 } est de la forme
De
(
)
T =Q
, ...,
[x0 ],
x1
xn
o`
u Q C[X1 , ..., Xn ] (dapr`es la Proposition 3.4). Si est un element de S(Rn , C),
on a (par definition de la derivee des distributions et en utilisant la premi`ere des
batteries de formules (4.9))

(
)

, ...,
[](x0 ) =
Q(ix1 , ..., ixn )eix,x0 (x) dx
T,
b = Q
x1
xn
n
R

i,x0
=
Q(i1 , ..., in )e
() d
n
R
]
[
=
P (1 , ..., n )ei,x0 () d = P ()ei,x0 ,
Rn

EES

4.2. TRANSFORMATION DE FOURIER DES DISTRIBUTIONS TEMPER

si P (X1 , ..., Xn ) := Q(iX1 , ..., iXn ). La proposition est ainsi demontree.

67

Exercice 4.13. Montrer que si 1 , ..., N sont N points de RN et a1 , ..., aN


N fonctions polynomiales `a coecients complexes en n variables, la distribution
fonction [f ], o`
u
N

f (x) =
aj (x) cosj , x,
j=1

est temperee et calculer son spectre.


Le tr`es important theor`eme de Paley-Wiener 8 caracterise les transformees de Fourier des distributions `a support dans un compact convexe donne K de Rn . Avant
denoncer ce theor`eme (Theor`eme 4.16), nous devons preciser quelques definitions.
Si K designe un compact de Rn , sa fonction support est la fonction convexe :
(4.26)

HK : Rn 7 sup , x.
xK

Exemple 4.14 (exemples de fonction support). La fonction support de la boule


BRn (0, R), est 7 R, o`
u designe la norme euclidienne sur Rn . Celle du

n
n
pave K = [R, R] est 7 j=1 |j |.
Nous aurons aussi besoin de la definition suivante, completant dans le cadre de
plusieurs variables le cours dAnalyse Complexe [Charp].
finition 4.15. Une fonction F : Cn C est dite enti`ere (en les n variables
De
z1 , ..., zn ) si elle est continue et si, pour chaque j = 1, ..., n, pour chaque (z1 , ..., zn )
dans Cn , la fonction
7 F (z1 , ..., zj1 , , zj+1 , ..., zn )
est une fonction enti`ere de la variable complexe .
Armes de ces definitions, nous pouvons enoncer le resultat suivant.
`me 4.16 (theor`eme de Paley-Wiener, version distributions). Nous avons
Theore
le resultat en deux volets suivant.
Soit T une distribution `
a support inclus dans le convexe compact K de Rn .
La distribution Tb est une distribution-fonction F , o`
u F est une fonction `
a
croissance lente (voir lexemple 4.7) qui est la restriction `
a Rn dune fonction
enti`ere de n variables (notee aussi F ) telle que
M N tel que
(4.27)
> 0, C > 0, z Cn , |F (z)| C (1 + z)M eHK (Im z)+Im z .
Reciproquement, si F est une fonction enti`ere de n variables verifiant (4.27),
alors la restriction F|Rn de F `
a Rn definit une distribution-fonction temperee
n
[F|R ] qui est image par la transformation de Fourier (au sens des distributions temperees) dune distribution T E (Rn , C), de support inclus dans
le convexe compact K ; cette restriction F|Rn est donc necessairement une
fonction C `
a croissance lente sur Rn .
8. Emport
e par une avalanche `
a lage de 26 ans alors quil skiait dans les Montagnes Rocheuses
pr`
es de Ban (Alberta), le jeune math
ematicien anglais Raymond Edward Paley (1907-1933) neut
pas le temps de connaitre la r
eputation quil m
erite. Norbert Wiener (1894-1964) fut lun des
pionniers de la th
eorie du signal moderne.

68

4. DISTRIBUTIONS ET TRANSFORMATION DE FOURIER

monstration. Prouvons tout dabord le premier volet (le plus facile). On


De
remarque que si T est une distribution `a support dans le convexe compact K et si
D(Rn , [0, 1]) designe une fonction plateau identiquement egale `a 1 au voisinage
de K,

T ,
b =
T , ()
(x) ei,x dx
Rn

T , () ei,x (x) dx
=
n
R
=
Tx , ei,x () d
Rn

du fait de la linearite et continuite de T (qui explique ici le fait que prise dintegrale
et action de T commutent, ce qui se voit par exemple si on approche lintegrale
definissant ()
b
par des sommes de Riemann 9. Ceci montre que la transformee de
Fourier de T au sens des distributions temperee est la distribution-fonction [F ] o`
u
F : Rn 7 Tx , ei,x .
Cette fonction est une fonction C dans Rn (on le montre comme dans lexemple
3.18, voir aussi largument utilise dans la preuve de la Proposition 2.2) et, pour
tout multi-indice l Nn , on a
(4.28)

n
(
lj )
l

j=1

xjj

[F ]() = Tx , (ix1 )l1 . . . (ixn )ln ei,x .

Pour tout z Cn , on pose


F (z)

=
=

Tx , ei(z1 x1 ++zn xn )

Tx , (x) ei(z1 x1 ++zn xn ) .

La fonction F est continue sur Cn (du fait que Tx est une distribution) et le theor`eme
de Morera (voir [Charp]), couple avec le theor`eme de Fubini, implique aussi que
F est une fonction enti`ere en les n variables z1 , ..., zn . En utilisant le crit`ere (3.4)
de la Proposition 3.3 et le fait que pour x tel que d(x, K) et z C, on ait
| exp(i(z1 x1 + + zn xn ))| = exp

n
(

)
xj Im zj exp(HK (Im z) + Im z),

j=1

on montre que les estimations (4.27) sont satisfaites (lentier M quil convient de
prendre est ici lordre de T ). En appliquant le meme crit`ere (3.4), mais cette fois
au second membre de (4.28), on constate que la fonction de figurant precisement
dans ce second membre est aussi en O(M ) au voisinage de linfini. Ceci montre
que F est bien une fonction `a croissance lente.
On ne donnera dans ce cours une preuve de la reciproque que dans le cas n = 1 et
K = [R, R] (en fait, dans le cas n = 1, on ram`ene aisement le cas o`
u K est un
segment [a, b] de R `a ce cas). On se donne une fonction enti`ere F en n variables
9. On retrouve ici largument utilis
e plusieurs fois dans ce cours, par exemple lors de la preuve
de la Proposition 2.2.

EES

4.2. TRANSFORMATION DE FOURIER DES DISTRIBUTIONS TEMPER

69

complexes satisfaisant aux estimations (4.27) (ici HK (Im z) est donc `a remplacer
par R |Im z|) puisquon se place en dimension un. Du fait que
Rn , |F ()| C1 (1 + ||)M
(prendre = 1 et z = Rn dans (4.27)), on constate (il sut dinvoquer les
batteries de formules (4.9)) que lon definit une distribution temperee T sur Rn en
posant

1
F ()()
b
d.
S(Rn , C), T, =
2 Rn
On a en particulier

1
bb
S(Rn , C), T,
b =
F () ()
d =
F () () d
2 Rn
Rn
dapr`es lexpression (4.10) de la transformation de Fourier inverse au niveau des
fonctions-test, et par voie de consequences, au niveau des distributions par dualite.
On a donc bien Tb = F|Rn au sens des distributions temperees. Il reste `a prouver
que le support de T est bien inclus dans [R, R]. Pour cela, nous montrons que si
Supp [R + 0 , +[ pour un certain 0 > 0, alors T, = 0 (de mani`ere tout `a
fait symetrique, on prouverait quil en est de meme si Supp ] , R 0 ]).
Prenons donc une fonction-test de support dans [R + 0 , +[ pour un certain
0 > 0. On a donc, compte-tenu du choix de ,

()
b
=
(t) eit dt.
[R+0 [

Pour tout z C, on pose

(z)
b
=

(t)eizt dt.

[R+0 [

Cette integrale converge du fait que D(R, C). De plus, on peut utiliser le
theor`eme de Morera [Charp], toujours couple avec celui de Fubini, pour montrer
que z 7 (z)
b
est une fonction enti`ere. En utilisant des integrations par parties
(comme pour la seconde des batteries de formules 4.9), on constate que pour tout
entier k N, pour tout z C,

dk
(iz)k (z)
b
=
[](t) eizt dt
k
[R+0 ,+[ dt
et donc quil existe une constante telle que
(4.29)

z = x + iy avec y < 0, |(z)|


b

e(R+0 )|Im z| .
(1 + |z|)M +2

Soit, pour T > 0 et y > 0, T,y la lacet de C correspondant au bord du rectangle


[y, 0] [T, T ] oriente dans trigonometrique. La formule de Cauchy (voir le cours
danalyse complexe [Charp]) implique

F () ()
b d = 0.
T ,y

Du fait des estimations (4.27) et (4.29), les deux integrales

F () ()
b d &
F () ()
b d
[T iy,T ]

[T iy,T ]

70

4. DISTRIBUTIONS ET TRANSFORMATION DE FOURIER

(sur les segment verticaux du contour T,y ) sont toutes deux majorees en module
par y C1 (1 + T )2 e(R+1)y et tendent donc vers 0 lorsque y > 0 est fixe et T
tend vers +. Il en resulte legalite des deux integrales (toutes deux absolument
convergentes en vertu des estimations (4.27) et (4.29)) :

(4.30)
F () ()
b
d =
F ( + iy) (
b iy) d.
R

Or les estimations (4.27) et (4.29) impliquent






|F ( + iy)| |(
b iy)| d
b iy) d
F ( + iy) (
R
R
(4.31)
(R+0 /2)y(R+0 )y

e
d
0 y/2
C0 /2
d C0 /2 e
.
2
(1
+
||)
(1
+
||)2
R
R
En faisant tendre y vers linfini dans (4.31) et en utilisant (4.30), il vient bien

(
)
1
Supp [R + 0 , +[ = T, =
F () ()
b
d = 0.
2 R
Le meme raisonnement vaut si Supp ] , R 0 ]. Ceci etant vrai pour tout
0 > 0, il en resulte bien que Supp T [R, R]. La distribution-fonction F|Rn
est donc bien transformee de Fourier dune distribution `a support dans [R, R]. Le
second volet du theor`eme de Paley-Wiener est bien demontre dans ce cas particulier
(n = 1, K = [R, R]). La preuve dans le cas general suivrait les memes lignes,
mais exige une plus grande familiarite avec les fonctions de plusieurs variables
reelles ou complexes (il faut aussi exploiter le fait quun convexe compact de Rn
est intersection de tous les demi-espaces fermes de Rn qui le contiennent).

` loccasion de la preuve du second volet du theor`eme de Paley-Wiener (Theor`eme


A
4.16), nous avons en fait utilise (dans sa version directe) le crit`ere donnant la
caracterisation des transformees de Fourier des fonctions-test DK (Rn , C), o`
u
K est un convexe compact K Rn donne. Ce crit`ere constitue un second theor`eme
de Paley-Wiener, plus facile que le Theor`eme 4.16 (pour nous ici, il sen deduira en
fait), mais tout aussi utile.
`me 4.17 (theor`eme de Paley-Wiener, version fonctions-test). Nous
Theore
avons le resultat en deux volets suivant.
Soit DK (Rn , C), o`
u K est un convexe compact de Rn . La transformee
de Fourier
b S(Rn , C) de est la restriction `
a Rn dune fonction enti`ere
de n variables (notee aussi )
b telle que
(4.32)

p N, p > 0, z Cn , |(z)|
b
p

eHK (Im z)
.
(1 + z)p

Reciproquement, si est une fonction enti`ere de n variables verifiant (4.32),


alors la restriction |Rn de `
a Rn definit une fonction de lespace S(Rn , C)
qui est la transformee de Fourier dun element DK (Rn , C).
monstration. Le premier volet se prouve aisement. Si DK (Rn , C),
De
le theor`eme de Morera (couple avec Fubini, voir le cours dAnalyse Complexe

EES

4.2. TRANSFORMATION DE FOURIER DES DISTRIBUTIONS TEMPER

71

[Charp]), permet de montrer que

z Cn 7
(x) exp(i(z1 x1 + + zn xn )) dx =
Rn

(4.33)
=
(x) exp(i(z1 x1 + + zn xn )) dx
K

est une fonction enti`ere (en n variables). Les estimations (4.32) sobtiennent (comme
celles de la seconde batterie de formules (4.9)) par integrations par parties successives.
Pour ce qui est du second volet (volet reciproque), on peut appliquer le Theor`eme
4.16 (volet reciproque aussi) qui assure que |Rn est la transformee de Fourier
dune distribution T `a support compact (inclus dans K). Comme est enti`ere,
la formule de Cauchy (voir [Charp], chapitre II) assure (cest un resultat connu
comme theor`eme de Weierstrass, consequence en fait des inegalites de Cauchy)
que les derivees `a tout ordre de |Rn sont controlees de la meme mani`ere que
|Rn , cest-`a-dire en O((1 + )p ) pour tout p N lorsque tend vers linfini
(estimations (4.32) lorsque Im z = 0). La restriction |Rn de `a Rn est donc un
element de S(Rn , C), donc T en est un aussi (dapr`es le Theor`eme 4.2). Comme T
est `a support compact inclus dans K, T = [], o`
u DK (Rn , C). Le second volet
du Theor`eme 4.17 est ainsi demontre.

Exercice 4.18 (transformation de Fourier et fonctions de Bessel). Montrer


que la transformee de Fourier de la fonction caracteristique du disque ferme D(0, 1)
du plan est la fonction

J1 ( 2 + 2 )
(1 , 2 ) 7 2 1 2 2 ,
1 + 2
o`
u J1 est la fonction de Bessel dindice 1 :

1
z
J1 (z) =
cos(z sin ) d =
0
2

k=max(0,1)

(1)k ( z )2k
, z C.
k!(k + 1)! 2

Montrer que la transformee de Fourier de la distribution d|z|=1 /2 (mesure uniforme de masse totale 1 sur le cercle de centre 0 et de rayon 1) est la fonction

(1 , 2 ) 7 J0 ( 12 + 22 ),
o`
u J0 est la fonction de Bessel dindice 0 :

(1)k ( z )2k
1
J0 (z) =
cos(z sin ) d =
, z C.
0
(k!)2 2
k=0

Le fait que les fonctions de Bessel J0 et J1 interviennent dans ce cadre explique


leur importance en optique.
Exercice 4.19 (fonctions moyenne-periodiques). Soit T une distribution `a
support compact dans R et z0 un zero complexe du prolongement de Tb en une
fonction enti`ere. Montrer que la fonction t 7 eiz0 t est solution de lequation de

72

4. DISTRIBUTIONS ET TRANSFORMATION DE FOURIER

convolution T f 0 10. Montrer que si z est un nombre complexe, la fonction


t 7 eizt est vecteur propre de loperateur
f C (R, C) T f C (R, C)
(voir lexemple 3.18) ; quelle est la valeur propre correspondante ?
4.2.2. Transformation de Fourier et convolution. La transformation de
Fourier (lorsquil est possible de la definir) presente linteret dechanger les operations de convolution et de multiplication. Comme aucune de ces deux operations
nest bien definie (cest-`a-dire sans restriction) dans le cadre des distributions, meme
temperees, il faut prendre garde au fosse existant entre ce qui rel`eve de lheuristique et ce qui rel`eve de la rigueur mathematique. Compte tenu de lomnipresence
de loperation de convolution (boites noires, filtres, etc.) et de la simplicite de
loperation de multiplication par rapport `a la complexite que presente loperation de
convolution, on comprendra cependant limportance que revet, lorsque cela sav`ere
possible, la possibilite de profiter de la transformation de Fourier.
Les fonctions enti`eres F : Cn C verifiant la condition
(4.34)

M N, C > 0, R > 0, |F (z)| C(1 + z)M eRIm(z)

constituent une sous-alg`ebre de lalg`ebre des fonctions enti`eres (les operations etant
laddition, la multiplication, et la multiplication externe par un scalaire), appelee
alg`ebre de Paley-Wiener. Lalg`ebre de Paley-Wiener PW(Cn ) contient les fonctions polynomiales en n variables complexes. Dapr`es le theor`eme de Paley-Wiener
(Theor`eme 4.16), les restrictions `a Rn des elements de PW(Cn ) sont exactement
les transformees de Fourier au sens des distributions temperees des elements de
lalg`ebre de convolution E (Rn , C). De plus, on a la proposition suivante :
Proposition 4.5 (transformee de Fourier des distributions et convolution). Si
S S (Rn , C) et T E (Rn , C), on a S T S (Rn , C) et la transformee de Fourier
de S T au sens des distributions temperees est donnee par
(4.35)

\
S
T = Tb Sb

o`
u le produit `
a droite dans (4.35) est le produit de la fonction F = Tb (`
a croissance
n
b En particulier, la transformation de
lente sur R ) par la distribution temperee S.
Fourier realise un isomorphisme de C-alg`ebres entre lalg`ebre E (Rn , C) et lalg`ebre
des restrictions `
a Rn de lalg`ebre de Paley-Wiener PW (Cn ).
monstration. La premi`ere assertion a dej`a ete mentionnee (exemple 4.8).
De
Le calcul de la transformee de Fourier de S T donne :

\
(4.36)
S
T , = S , T , (
b + ) .
Or



T , (
b + ) = T ( ), ()
b
= T\
, = [FT (), ei() ], ,

o`
u FT designe la fonction correspondant `a la distribution fonction Tb. On a donc

b
\
S
T , = S , [FT () ei() ], = S, Fd
T = FT S, ,
do`
u la formule (4.35) si lon utilise labus de notation (licite) FT = [FT ] = Tb.

10. Les solutions dune telle


equation de convolution (T E (Rn , C)) ou dun syst`
eme de telles

equations sont dites moyenne-p


eriodiques.

EES

4.2. TRANSFORMATION DE FOURIER DES DISTRIBUTIONS TEMPER

73

Exercice 4.20 (operateur de Riesz, transformation de Hilbert). Montrer que


loperateur
D(R, C) 7 VP[1/x] D (R, C)
se prolonge en une isometrie H de L2C (Rx , B(Rx ), dx) dans L2C (R , B(R ), d).
Loperateur H ainsi defini est le prototype dune classe importante doperateurs, les
operateurs de Riesz. On utilisera pour cela la transformation de Fourier des distributions temperees et le resultat etabli dans lexemple 4.12, ainsi que la Proposition
4.5. Loperateur Id + H sappelle transformation de Hilbert et est dun usage tr`es
courant en ingenierie. Comment agit justement la transformee de Hilbert dans le
domaine frequentiel (cest l`a tout son interet pratique) ?
Exercice 4.21. Soit T une distribution temperee sur Rnx dont la transformee
de Fourier est la distribution-fonction correspondant `a une fonction mesurable essentiellement bornee sur Rn . Montrer que loperateur
D(Rn , C) 7 T D (Rn , C)
se prolonge en un operateur lineaire continu de lespace de Hilbert L2C (Rnx , B(Rnx ), dx)
dans lespace de Hilbert L2C (Rn , B(Rn ), d).
4.2.3. Transformation de Fourier et distributions p
eriodiques. Les
distributions periodiques relativement `a un reseau 11 de Rn sont des distributions
temperees (exemple 4.5). Il est dautant plus interessant den etudier le spectre que
lon sait quil existe une operation de convolution (voir la Definition 3.16 dans le
cas o`
u = (2Z)n ) entre distributions periodiques.
Lune des plus interessantes (parmi les distributions periodiques relativement `a un
reseau de Rn ) est le peigne de Dirac relatif `a ce reseau . Cette distribution a dej`a
ete introduite dans le cas particulier n = 1, = 2Z, dans lexercice 2.5. Elle joue
un role important dans nombre de situations concr`etes : cristallographie, optique,
cryptographie, empilements et reseaux, etc. Cest la distribution -periodique (donc
temperee) definie par

().
, =

Avant denoncer le resultat majeur de cette section, `a savoir la formule sommatoire


de Poisson, nous devons preciser une definition algebrique, celle de reseau dual.
finition 4.22 (reseau dual). Soit un reseau de Rn , = Z e1 Z en ,
De
o`
u (e1 , ..., en ) designe une base de Rn . On appelle reseau dual de le reseau de
(Rn ) defini par
= Z e1 Z en ,
o`
u (e1 , ..., en ) designe la base duale de la base (e1 , ..., en ).
Remarque 4.23. On rappelle que si A designe la matrice des coordonnees
(en colonne) des vecteurs ej exprimes dans la base canonique de Rn , celle des
coordonnees (en colonne) des vecteurs ej exprimes dans la base canonique de (Rn )
(i.e. la base duale de la base canonique de Rn ) est la matrice t [A1 ] = [t A]1 .
11. Un r
eseau de Rn est par d
efinition un sous-groupe libre de Rn de rang n, donc de la forme
= Z e1 Z en , o`
u (e1 , ..., en ) d
esigne une base de Rn .

74

4. DISTRIBUTIONS ET TRANSFORMATION DE FOURIER

`me 4.24 (formule sommatoire de Poisson 12). Soit un reseau de Rnx .


Theore
Si lon assimile lespace Rn `
a lespace (Rnx ) , le spectre du peigne de Dirac relatif
au reseau = Z e1 Z en est donne par
(2)n
2 ,
c
=
| det |

(4.37)

o`
u = Z e1 Z en designe le reseau dual de et det := det(e1 , ..., en ).
Remarque 4.25. En cristallographie, cette formule sommatoire de Poisson se
concretise physiquement : limage dun reseau cristallin apr`es diraction au travers
dun prisme correspond (aux constantes dechelle pr`es) au reseau cristallin dual. On
retrouve bien ici le fait que la transformation de Fourier (materialisee optiquement
par la diraction) echange les objets localises et les objets dius (et correspond du
point de vue mathematique `a la dualite en alg`ebre lineaire).
monstration. On remarque que, si S(Rn , C) et si A est une matrice
De
(n, n) reelle inversible (correspondant `a un isomorphisme du R-espace Rnx ), on a,
par changement de variables dans lintegrale de Lebesgue, pour tout Rn ,

1
1
i,x
()
b
=
(x) e
dx =
(A1 y) ei , A y dy
det
A
n
n
R

(4.38)

R
1
i t [A1 ] , y
1
=
(A y) e
dy.
det A Rn
Comme le spectre de est donne par
c
b
, = , ,

(4.39)

prouver la formule sommatoire de Poisson (4.37) pour un reseau quelconque


revient (apr`es changement lineaire de variable x 7 A x dans Rnx transformant
la base canonique en la base (e1 , ..., en )) `a prouver cette formule dans le cas o`
u
= Zn . Comme
Zn = Z Z

(n fois)

et que lon observe immediatement (en utilisant (4.39)) que lon a


b
b
d
Zn = Z Z ,
il sut de prouver la formule (4.37) dans le cas n = 1, = Z, ce que nous ferons.
On se place donc en dimension n = 1 avec = Z. Si D(R, C), on a
(4.40)
bZ , =

()
b

=N

)
(x) eit dt

N
(
) )
(t)
eit dt =

lim

N +

=N

(
(t)

lim

N +

( sin(N + 1/2)t ) )
dt
sin(t/2)

12. Math
ematicien francais, Sim
eon-Denis Poisson (1781-1840), fut lun des pionniers de la
th
eorie des s
eries et des int
egrales de Fourier. Ses contributions `
a la th
eorie naissante des probabilit
es (loi de Poisson, processus de Poisson) sont aussi tr`
es significatives.

EES

4.2. TRANSFORMATION DE FOURIER DES DISTRIBUTIONS TEMPER

75

en utilisant lexpression du noyau de Dirichlet (voir [Y2], section 2.3.3). Pour N


dans N, on a, si Supp [(2M + 1), (2M + 1)],

(2k+1)
M
( sin(N + 1/2)t )
( sin(N + 1/2)t )

(t)
dt = 2
(t)
dt.
sin(t/2)
2 sin(t/2)
R
(2k1)
k=M

Pour k entier fixe entre M et M , il resulte du theor`eme de Jordan-Dirichlet (voir


[Y2], Theor`eme 2.1) que
(2k+1)
( sin(N + 1/2)t )
lim
(t)
dt = (2k).
N + (2k1)
2 sin(t/2)
En reportant dans (4.40), on obtient bien
M

bZ , = 2

(2k) = 2

k=M

(2k),

kZ

ce qui traduit le fait que bZ = 2Z . La formule sommatoire de Poisson est


demontree.

La formule sommatoire de Poisson se lit aussi, non en termes de distributions, mais


en termes de fonctions-test (ou de S(Rn , C)). On a ainsi :

(2)n

() =
(2
b
).
(4.41)
S(Rn , C),
det

En dimension 1, pour tout > 0,


(4.42)

S(R, C),

(k ) =

kZ

2
(2k/
b
).

kZ

Sous cette forme (4.42), la formule sommatoire de Poisson peut apparaitre comme
une formule de resommation permettant dexprimer la somme dune serie convergeant lentement comme la somme dune serie convergeant tr`es rapidement : cest
par exemple le cas si (t) = exp(t2 /2) (cette fonction est
fonction propre de la
transformation de Fourier, correspondant `a la valeur propre 2) et est tr`es petit ;
la serie de gauche dans (4.42) converge tr`es lentement, tandis que la serie de droite
converge excessivement rapidement, au point que les premiers termes permettent
immediatement de calculer numeriquement sa somme. Cest l`a lun des interets majeurs de la formule sommatoire de Poisson en mathematiques fondamentales, par
exemple en theorie analytique des nombres. On profite ici, avantageusement cette
fois, du principe dincertitude dHeisenberg (plus est localise, plus son spectre est
dius).
Exercice 4.26. Montrer que la formule sommatoire de Poisson (4.42) sapplique pour la fonction t 7 exp(|t|) (qui nest pas C au voisinage de 0, mais qui
sinon satisfait les proprietes de decroissance `a linfini partagees par les elements de
S(Rn , C)). Montrer que lon obtient alors, pour > 0,

1
.
(4.43)
e |k| = 2
2 + 4 2 k 2
kZ

kZ

76

4. DISTRIBUTIONS ET TRANSFORMATION DE FOURIER

Exercice 4.27. Soit

1(1 1
1 )
t
.
t 2
t
e 1
En utilisant les developpements limites `a droite de 0, montrer que f se prolonge
continuement sur [0, +[, avec f (0) = 1/12. En utilisant la formule (4.43) etablie
`a lexercice 4.26, montrer que

(4.44)

f : t ]0, [7

t 0, f (t) = 2

k=1

1
.
t2 + 4 2 k 2

En deduire que f est decroissante sur [0, +[ (ceci peut-il se voir directement sur
lexpression (4.44) de f ?) et retrouver le fait que (2) = 2 /6.
Une application importante de la formule sommatoire de Poisson est liee `a limportante question de lechantillonnage en ingenierie mathematique. Cette question
conditionne le passage du digital `a lanalogique et vice-versa. Il est facile de se
convaincre intuitivement que si une fonction continue F : R R definissant une
distribution temperee [F ] presente des oscillations trop rapides, il est impossible
de restituer cette fonction F `a partir de la suite de ses echantillons (F (k ))kZ ,
etant un pas dechantillonnage a priori fixe. En revanche, si les frequences presentes
dans la decomposition spectrale de F restent en module en dessous dun seuil
donne (le spectre de [F ], considere comme distribution temperee sur R , est nul
hors de [, ]), on peut esperer que la restitution de F soit possible `a partir de
la suite des valeurs echantillonnees (F (k ))kZ pourvu que le pas soit assez petit
(en fonction bien s
ur de ). Cest dans ce sens que va precisement le theor`eme de
Shannon-Nyquist 13 que nous enoncons ci-dessous, dans sa version distributions .
`me 4.28 (theor`eme dechantillonnage de Shannon-Nyquist, version disTheore
tributions). Soit F une fonction C `
a croissance lente (voir exemple 4.7) sur R
telle que la transformee de Fourier de la distribution [F ] soit une distribution `
a
support compact, inclus dans [, ]. Si < /, la connaissance de la liste des
echantillons (F (k ))kZ sut `
a la restitution compl`ete de la fonction F .
monstration. Soit T la distribution (de support inclus dans [, ]) definie
De
par
1 c
[F ], (t).
2
Dapr`es la Proposition 4.5 et la formule sommatoire de Poisson (Theor`eme 4.24) la
transformee de Fourier (au sens des distributions temperees) de la distribution

T 2/ Z =
T ( + 2k/ )
T, =

kZ

est

T \
2/ Z = 2 Tb Z .

13. Ing
enieur
electrique am
ericain, Claude Elwood Shannon (1916-2001) fut un des pionniers de
la th
eorie de linformation ; on lui doit lintroduction de la notion dentropie et la mise en
evidence
de son r
ole majeur dans les probl`
emes de gain ou de compression dinformation, les bases de la
th
eorie du codage, etc.. Le r
esultat que nous citons ici, attribu
e `
a Shannon et `
a Harry Nyquist
(1889-1976), physicien su
edois collaborateur de Shannon aux Bell Labs, est un principe majeur
en th
eorie de la communication et dans le traitement des signaux ou des images.

EES

4.2. TRANSFORMATION DE FOURIER DES DISTRIBUTIONS TEMPER

77

Dapr`es la formule dinversion de Fourier (voir la formule 4.10 au niveau des fonctionstest, donc aussi des distributions temperees par dualite), on a Tb = [F ]. La transformee de Fourier inverse de la distribution

T Z =
F (k ) k
kZ

est donc la distribution

T ( + 2k/ ).

kZ

Si < /, on remarque que, si est une fonction plateau de support dans louvert
] /, / [ identiquement egale `a 1 au voisinage de [, ], on a
(
)

T ( + 2k/ ) = T ;
kZ

en eet les divers translates de [, ] (contenant Supp T ) par les multiples de


2/ ne se chevauchent pas dans ce cas. La determination de F se fait alors au sens
des distributions par [F ] = Tb. La distribution T , puis la distribution-fonction [F ],
se calculent donc directement via les operations suivantes :
(1) on calcule la transformee de Fourier inverse S de la distribution temperee
F Z ;
(2) on restreint S `
a louvert ] /, / [, par exemple en multipliant
cette distribution par une fonction plateau de support dans louvert
] /, / [ identiquement egale `a 1 au voisinage de [, ] ;
(3) on calcule enfin le spectre de la distribution Se ainsi construite en tronquant S.

Remarque 4.29. Lorsque le spectre de [F ] est dans L2C (R , B(R ), d) et que


c] [, ], la restitution de F `a partir de ses echantillons est
de plus Supp [F
donnee (lorsque /) par
( (t k ) )

F (k ) sinc
(4.45)
F (t) =
,

kZ

o`
u la fonction t 7 sinc (t) est la fonction
sin(t)
t
correspondant `a la transformee de Fourier inverse de la fonction caracteristique
de lintervalle frequentiel [, ]. De plus, la serie au second membre de (4.45)
converge uniformement sur R. Ce resultat se demontre `a partir de la formule de
Plancherel du cours de L3 (voir [Y2], Theor`eme 2.8). Dans le cas o`
u F est toujours
dans L2C (Rt , B(Rt ), dt), mais verifie seulement

(
)
b
|F ()| d
au lieu de
|Fb ()| d = 0
t 7

||

||

pour un certain > 0, lerreur uniforme que lon commet en remplacant F par le
membre de droite de (4.45) lorsque / est majoree en module par . Ce seuil
/ au del`a duquel apparait le probl`eme du sous-echantillonnage est dit seuil de
Nyquist.

78

4. DISTRIBUTIONS ET TRANSFORMATION DE FOURIER

4.3. Solutions fondamentales dop


erateurs di
erentiels
4.3.1. Le th
eor`
eme de B. Malgrange et L. Ehrenpreis. Les distributions temperees fournissent un cadre pour linversion (relativement `a loperation de
convolution) des operateurs dierentiels `a coecients constants. Commencons ici
par introduire une definition.
finition 4.30 (solution fondamentale dun operateur de convolution par
De
un element de E (Rn , K)). Soit T une distribution `a support compact dans Rn , `a
valeurs dans le corps K = R ou C. Une distribution S D (Rn , K) est dite solution
fondamentale de loperateur de convolution 14
(4.46)

D (Rn , K) T D (Rn , K)

si S T = T S = 0 au sens des distributions sur Rn .


Le resultat majeur de cette section est le tr`es important theor`eme prouve
independamment par Bernard Malgrange et Leon Ehrenpreis 15 senoncant ainsi.
`me 4.31 (theor`eme de Malgrange-Ehrenpreis, 1954-1955). Tout opeTheore
rateur de convolution avec une distribution de support lorigine `
a valeurs dans K =
R ou C (i.e. de la forme P (/x1 , ..., /xn )[0 ], o`
u P K[X1 , ..., Xn ] dapr`es la
Proposition 3.4) admet une solution fondamentale (`
a valeurs dans K) temperee. Ou
encore, etant donne un polyn
ome quelconque P K[X1 , ..., Xn ], il existe toujours
une distribution S S (Rn , K) telle que
(
)
(4.47)
P
, ...,
[S] = 0 .
x1
xn
monstration. Ce resultat repose sur un theor`eme dalg`ebre du au matheDe
maticien russe Joseph Bernstein (1945, ) que nous admettrons (ce theor`eme est
une consequence assez directe, mais subtile, de la ntheriannite de lanneau des
polynomes K[X1 , ..., Xn ]).
`me 4.32 (theor`eme de Bernstein, 1971). Soit K un corps de caracteTheore
ristique zero et P K[X1 , ..., Xn ]. Il existe un polyn
ome non identiquement nul
p K[T ], un polyn
ome Q [X1 , ..., Xn , Y1 , ..., Yn , T ] tel que lon ait (formellement)
la relation (dite equation fonctionnelle de Bernstein ou relation de Bernstein)
(4.48)
(
)[
]

p() P (X1 , ..., Xn ) = Q X1 , ..., Xn ,


, ...,
, P +1 (X1 , ..., Xn ) .
X1
Xn
Admettons ici ce resultat dobedience algebrique. Pour prouver que loperateur
dierentiel P (/x1 , ..., /xn ) admet une solution fondamentale temperee, il suffit, si lon utilise la transformation de Fourier des distributions temperees et la
14. Cet op
erateur est bien d
efini du fait de la Proposition 3.7.
15. Bernard Malgrange (1928,) math
ematicien francais contemporain, fut, dans le sillage de
Laurent Schwartz, lun des pionniers de l
etude des
equations de convolution (1950-1960). On
doit surtout au math
ematicien am
ericain L
eon Ehrenpreis (1930-2010), avec le math
ematicien
russe contemporain Victor Palamodov, le Principe Fondamental, extension au cadre des syst`
emes
d
equations aux d
eriv
ees partielles `
a coecients constants du c
el`
ebre principe dEuler suivant
lequel, en une variable, toute solution C sur un intervalle de R dune
equation di
erentielle `
a
coecients constants est combinaison lin
eaire des fonctions du type x 7 xk ex , k N, C, qui
en sont solutions.

4.3. SOLUTIONS FONDAMENTALES DOPERATEURS


DIFFERENTIELS

79

Proposition 4.5, de montrer quil existe une distribution temperee S (Rn , C)


telle que
P (i1 , ..., in ) = 1
au sens des distributions temperees dans Rn ; en eet la transformee de Fourier de
la distribution P (/x1 , ..., /xn ) [0 ] est la distribution fonction [P (i1 , ..., in )]
(Proposition 4.4). On posera alors S = F 1 () (F designant la transformation de
Fourier, isomorphisme entre S (Rnx , C) et S (Rn , C)) pour avoir la solution fondamentale temperee voulue (si K = R, on prendra la partie reelle de cette distribution
S).
Voici comment on proc`ede pour construire . On introduit sur Rn la fonction
polynomiale positive ou nulle
Rn 7 P() = |P (i1 , ..., in )|2 .
Soit D(Rn , C). La fonction
(4.49)

{Re > 1} 7

P1 () P (i) () d
Rn

est une fonction holomorphe dans le demi-plan ouvert {Re > 1} (cela resulte du
theor`eme de Morera, voir [Charp], combine avec le theor`eme de Fubini). Du fait
de la relation de Bernstein (4.48) et de la formule dintegration par parties (en fait
la formule de Stokes `a plusieurs variables) appliquee de mani`ere repetitive en les
variables x1 , ..., xn les unes apr`es les autres, on voit que, si Re >> 1, on a la
relation

P1 () P (i) () d =
Rn

(4.50)
(
)

1
P () Q 1 , ..., n ,
, ...
, [P (i ) ] d.
=
p( 1) Rn
1
n
La relation (4.50) permet de prolonger la fonction (4.49) en une fonction meromorphe (notee 7 , ) dans tout le plan complexe 16. Il ny a aucune raison
a priori pour que = 0 ne soit pas un pole 1 de ce prolongement ; cependant, la
fonction meromorphe 7 , se developpe en serie de Laurent au voisinage
de = 0 (lordre de ce pole est fini) et lon convient de noter , le coecient
de 0 dans ce developpement. Comme

(
)
(log(P ()))k k

P () = exp log(P()) =

k!
k=0

et que toutes les distributions fonction [1l1 . . . nln (log(P ()))k ] sont temperees pour
tout multi-indice l, pour tout k N, on voit que
7 ,
definit une distribution temperee. Mais il resulte de la relation (4.50) que
[
]
P (i) , =
P1 () P (i) P (i) () d
= [1], .
Rn

=0

16. Pensez par exemple `


a la mani`
ere dont on prolonge la fonction () (holomorphe a
priori dans le demi-plan {Re > 0} du plan complexe en une fonction 7 , m
eromorphe
dans C, ce en exploitant la relation fonctionnelle (+1) = () sous la forme () = (+1)/.
Cest un peu plus compliqu
e ici car la relation fonctionnelle (4.50) est plus complexe, mais lid
ee
est essentiellement la m
eme.

80

4. DISTRIBUTIONS ET TRANSFORMATION DE FOURIER

On a donc bien trouve la distribution temperee cherchee, donc aussi par Fourier
inverse la solution fondamentale S.

Des exemples importants emaillent les cours precedents (en particulier le cours
dAnalyse Complexe [Charp]). En voici une liste des plus importants.
Exemple 4.33 (solution fondamentale du laplacien). Une solution fondamentale temperee de loperateur de Laplace (ou encore laplacien)
:=

2
x2j
j=1

est donnee lorsque n = 2 par


S(x, y) :=

1 [
1
log x2 + y 2 =
[log |x + iy|]
2
2

et lorsque n > 2 par


S(x1 , ..., xn ) =

(n/2)
[x2n ]
2 n/2 (n 2)

(ceci resulte de la formule de Green, voir [Charp], chapitre 3). On note que comme
2 n > n, x 7 x2n est bien une fonction localement integrable. La norme ici
est la norme euclidienne.
Exemple 4.34 (solution fondamentale de loperateur de Cauchy-Riemann).
Lorsque n = 2, une solution fondamentale de loperateur de Cauchy-Riemann

1(
)
=
+i
z
2 x
y
est la distribution fonction
1[ 1 ]
1 [1]
S=
=
.
x + iy
z
Ceci resulte de la formule de Cauchy-Pompeiu (voir [Charp]) qui assure que si
D(R2 , C) (en fait C 1 `a support compact sut),

1
dxdy
(z) =
, z C.
2i
C z
Exemple 4.35 (Le cas de la dimension 1). Attention ! Si P (d/dx) est un
operateur dierentiel tel que

1
jl
=
P (X) j=1
(X j )j
m

l=1

(les j , j = 1, ..., m, etant les racines de P et les j leurs multiplicites) et que lon
note
j
m

S=
jl Lj ,l ,
j=1 l=1

la distribution causale S verifie P (d/dx)[S] = 0 (voir la Proposition 3.11) mais


elle nest pas en general temperee (sauf si les j sont tous de partie reelle negative
ou nulle). Loperateur P (d/dx) admet bien une solution fondamentale temperee 17
17. On pourra en calculer une en exercice.

4.3. SOLUTIONS FONDAMENTALES DOPERATEURS


DIFFERENTIELS

81

dapr`es le Theor`eme 4.31, mais elle nest pas en general causale ! On pourra en
calculer une en exercice.
4.3.2. L
equation de la chaleur. Si Rn est un ouvert de Rn et
(t, x) 7 (x, t)
un champ de temperature dans ce domaine (t designant ici le temps), le premier
principe de la thermodynamique, couple avec lequation de Green (qui arme 18
que le flux du gradient de sortant dun volume ferme est egal `a lintegrale dans
ee volume de la divergence de ce champ de gradient, cest-`a-dire du Laplacien ),
assure que obeit (en les variables (t, x), t > 0, x ), `a lequation de la chaleur
(on dit aussi equation de Fourier)
(
)
PT
(4.51)
x [] =
,
t
c
o`
u designe le coecient de diusivite thermique, PT la productivite thermique,
la masse volumique du materiau dans lequel seectue la propagation, et c la
chaleur specifique de ce meme materiau. Au coecient pr`es, loperateur dierentiel
en jeu ici est loperateur de la chaleur
2

x .
t j=1 x2j
t
n

(4.52)

Il est important de disposer dune solution fondamentale temperee pour cet operateur. Il est possible dans ce cas particulier de calculer pareille solution, ce que
nous allons faire ici en exercice.
Si S est une telle distribution temperee sur Rt Rnx , on definit une distribution
temperee Fx [S] sur Rt Rn en utilisant la r`egle de dualite :

(4.53)
Fx [S], (t, x) := S , (t, x) 7
(t, ) ei,x d .
Rn

La distribution Fx [S] definie par (4.53) est appelee transformee de Fourier partielle
de S suivant les variables x (de variables duales ).. Dans le cas particulier etudie ici,
exiger que D (Rt Rnx , C) soit une solution fondamentale temperee de loperateur
(4.52) equivaut (dapr`es les Propositions 4.5 et 4.4) `a dire que Fx [S] est solution de
(
)
+ 2 Id [Fx [S]] = Fx [0 (t) 0 (x)] = 0 (t) [1] ().
t
En utilisant la formule des sauts dans le cadre multi-D (Proposition 2.8), U etant
louvert {t > 0} Rt Rnx , combinee ici avec la Proposition 2.7, on constate quune
distribution (dailleurs temperee) sur Rt Rn solution de
)
(
+ 2 Id [] = 0 (t) [1] ()
t
est la distribution

: D(Rt Rn , R) 7 H(t) exp(t2 ) , (t, ) .


18. Cest la formule de Green-Ostrogradski, voir par exemple [Charp].

82

4. DISTRIBUTIONS ET TRANSFORMATION DE FOURIER

En utilisant la transformation de Fourier inverse F1 (toujours partielle suivant les


variables , de variables duales x) :
(4.54)
F1 []

1
i,x
: D(Rt
7 , (t, ) 7
(t,
x)
e
dx
(2)n Rn

1
(t, x) ei,x dx ,
= H(t) exp(t2 ) , (t, ) 7
n
(2) Rn
Rnx , C)

on construit avec S = F1 [] une solution fondamentale temperee de support dans


{t 0} de loperateur de la chaleur (4.52). Or pour t > 0 fixe, la gaussienne
7 exp(t2 )
se transforme via la transformee de Fourier inverse en la gaussienne

1
d
1
t2 i,x
2 /2 i ,x/ 2t
x 7
e
e
e
d
=
e
(2)n Rn
(2)n Rn
(2t)n/2
2
1
=
ex /4t .
(4t)n/2
Ceci implique, si on le reporte dans (4.54), quune solution fondamentale temperee
reelle de loperateur de la chaleur (4.52) est la distribution temperee (causale en t) :

1
x2 /4t
(4.55)
S : D(Rt Rnx , R) 7
H(t)
e
,
(t,
x)
.
(4t)n/2
Voici comment on peut exploiter la connaissance dune telle solution fondamentale.
Considerons une distribution T E (Rnx , R) et la distribution T = 0 (t) T (x)
dans Rt Rnx . On peut convoler les distributions S et T (puisque T est `a support
compact) et construire ainsi une solution distribution S T de
(
)
[(
) ]
x [S T] =
x [S] T = T = 0 (t) T (x).
t
t
La distribution ainsi construite est solution de lequation de la chaleur
(
)
(4.56)
x [] 0
t
dans louvert {t > 0} puisque la restriction de la distribution T `a cet ouvert est
la distribution nulle. Dautre part, si (tk )k0 est une suite de nombres strictement
positifs tendant vers 0+ , on constate que la suite des distributions fonction
(
[
])
1
exp(x2 /4tk )
n/2
k0
(4tk )
converge vers la masse de Dirac 0 (x) dans Rn . Ainsi 19, lorsque T = [g], o`
u g est
une fonction continue `a support compact dans Rn , la distribution
S Tg = S (0 (t) [g](x))
correspond dans {t > 0} `a la solution de lequation de la chaleur (4.56) dont la
valeur au bord (cest-`a-dire la valeur initiale sur lhyperplan {t = 0}, i.e. `a
linstant t = 0) est la distribution fonction x 7 g(x) sur Rnx . Cette distribution

19. Pour justifier proprement ceci, ce que lon pourra faire en exercice, il faut dans un premier
temps supposer que T = [], o`
u D(Rn
x , R), puis utiliser la Proposition 2.2 qui permet la
r
egularisation de [g].

4.3. SOLUTIONS FONDAMENTALES DOPERATEURS


DIFFERENTIELS

83

S Tg rend donc compte (dans louvert {t > 0}) du phenom`ene de propagation de


la chaleur genere par la donnee initiale [g] E (Rn , R) `a linstant t = 0.
4.3.3. L
equation des ondes. Dans un milieu homog`ene et isotrope, la propagation des ondes est regie dans lespace temps Rt Rnx (x = (x1 , ..., xn )) par
lequation de propagation
n
( 2

2 )
2

c
[E] = 0,
(4.57)
2
t
x2j
j=1
o`
u c designe la vitesse de propagation dans le milieu (ce peut-etre celle du son 20,
celle de la lumi`ere, etc.). Cette equation est appelee equation des ondes. Dans le cas
n = 1, on lappelle equation des cordes vibrantes ; dans le cas n = 2, cest lequation
des membranes vibrantes.
Loperateur dierentiel
2
c2 x
t2
est appele dalembertien et note c ou simplement sil est normalise avec c = 1.
Le cone ferme de Rt Rnx defini par

(4.58)

:= {(t, x) Rt Rnx ; t x/c}


est appele (pensez `a la theorie de la relativite lorsque c est interprete comme la
vitesse de la lumi`ere) c
one du futur.
a) Le cas n = 1 ( cordes vibrantes )
Lorsque n = 1, lequation (4.57) (dans Rt Rnx ) se resout en eectuant le changement de variables (x, y) (X, Y ), o`
u X = ct + x, Y = ct x. Elle se ram`ene en
eet dans ce cas `a
2
[E] = 0,
XY
ce qui sint`egre, si lon suppose que lon cherche les solutions E D (Rt Rx , K),
en disant que
E(t, x) = (ct + x) (ct x),
o`
u et sont deux distributions quelconques sur R, `a valeurs dans K. On note
quil existe (dans ce cas n = 1) une solution fondamentale temperee de support
inclus dans le cone du futur, `a savoir la distribution E1,c definie par
E1,c = H(ct x) H(ct + x).
Remarque 4.36 (cordes vibrantes). Letude de lequation des ondes en dimension n = 1 peut aussi etre envisagee sous un angle tout `a fait dierent (cest
precisement le point de vue des cordes vibrantes ) lorsque Rt Rx est remplace par Rt ]0, L[. On etudie cette fois les vibrations dune corde de longueur L,
soumise `a une tension T `a ces deux extremites (fixes). La recherche de solutions
stationnaires (cest-`a-dire du type E(x, t) = f (x) g(t), correspondant au fait que
la corde vibre en fuseaux ) de lequation des ondes
( 2
2 )
2

c
[E](t, x) 0 , t R, x ]0, L[,
t2
x2
20. En loccurrence, 343 m`
etres par seconde dans lair.

84

4. DISTRIBUTIONS ET TRANSFORMATION DE FOURIER

conduit `a la resolution de
f (x) g (t) = c2 f (x) g(t) c2

f (x)
g (t)
=
= 2 C,
f (x)
g(t)

o`
u 2 est une constante. Le syst`eme `a resoudre est donc
g (t) + 2 g(t) = 0

& f (x) +

2
f (x) = 0.
c2

Ceci conduit `a
f (x) = A cos((/c) x) + B sin((/c) x) &

g(t) = cos t + sin t.

Nous napprofondirons pas ici cet aspect, relevant plus de lanalyse harmonique que
de la theorie des distributions.
b) Le cas n = 3.
Lorsque n = 3 et c = 1, verifions quune solution fondamentale temperee de
loperateur des ondes, i.e. une solution temperee de
[Et,X ] 0 (t, X) (ici X := (x, y, z))
de support inclus dans le cone du futur {t X} (en fait ici plus precisement
dans la fronti`ere de ce cone) est donnee par

( 1
)
d2 () dt,
(4.59)
E3 , (t, X) =
t
(t, t)
4 S2
]0,[
o`
u d2 designe la mesure de Lebesgue sur la sph`ere unite S2X de R3X .
Verifions le en exercice. On note que, dans lexpression proposee en (4.59) pour
decrire laction de E3 , lintegrale

1
d2 ()
= MtS2 [X (t, X)].
(t, t)
4 S2
represente la moyenne de la fonction X 7 (t, X) sur la sph`ere de centre lorigine
et de rayon t. On note que pour > 0, par derivation par rapport au param`etre
sous lintegrale,
]
[
]
2 [
2
M S2 [X (t, X)] = M S2 X 7 2 [(t, X)] .
2
t
t

(4.60)
Dautre part
(4.61)

]
[
] ( 2
2 )[
2
+
M
[X

7
(,
t)]
M S2 x 7 X [(t, X)] =
S
2

puisque le Laplacien dune fonction radiale r 7 (r), r = X, sexprime en dimension 3 dans R3 \ {(0, 0, 0)} par
X [(X)] = (X) +

2
(X).
X

4.3. SOLUTIONS FONDAMENTALES DOPERATEURS


DIFFERENTIELS

On a donc, en reportant dans (4.59) :

[
]

E3 , = E3 , =
M S2 [X 7 (t, X)]

=
=
=
=

]0,[

85

dt
=t

[ ( 2
[
]]]
2
2 )[
2 X 7 (t, X)

M
dt

S
t2
2

=t
]0,[

[( 2
[
]]]
2 ) [
2 M S2 X 7 (t, X)
dt
2
t

=t
]0,[

[
]] ]
d [(
)[

M S2 X 7 (t, X)
dt
t
=t
]0,[ dt
[
]
(
[
]]
)[

M S2 X 7 (t, X)
t
=t
0
]
[
)[
]
(
[
]

M S2 X 7 (t, X)

t
=t
t=0

lim M S2 [X 7 (0, X)] = (0, 0).

0+

On a bien ainsi verifie que la distribution E3 S (Rt R3X , R) definie par (4.59)
verifie au sens des distributions dans Rt R3X lequation
E3 = 0 (t, X).
c) Le cas n = 2 ( membranes vibrantes )
On prend ici encore c = 1. On rapporte le plan aux coordonnees (x, y) (z = x + iy).
Le fait de disposer dune solution fondamentale temperee E3 de support inclus dans
le cone du futur {t (x, y, z)} (donnee par (4.59)) pour loperateur des ondes
dans Rt R3x,y,z induit la construction dune solution fondamentale temperee E2
pour loperateur des ondes dans Rt R2x,y (supportee aussi par le cone du futur
dans cet espace). Il sut en eet de poser, si D(Rt R2x,y , K),
(4.62)

E2 (t, x, y), (t, x, y) = E3 (t, x, y, z) , (t, x, y) 1(z) ;

le fait que E3 soit supportee dans Rt R3x,y,z par le cone du futur justifie en eet
la definition (4.62) ci-dessus, meme si la fonction
(t, x, y, z) 7 (t, x, y) 1(z)
nest plus `a support compact. On verifie en eet que si D(Rt R2x,y , K),

E2 (t, x, y), t,x,y = E3 (t, x, y, z) , t,x,y 1(z)

[
]
=
E3 (t, x, y, z) , t,x,y,z (t, x, y) 1(z)
[
]
= (t, x, y) 1(z)
= (0, 0, 0).
t=x=y=z=0

Le calcul de E2 `a partir de la definition (4.59) de E3 se conduit ainsi. En utilisant


les coordonnees spheriques dans R3x,y,z , puis le changement de variables consistant

86

4. DISTRIBUTIONS ET TRANSFORMATION DE FOURIER

`a poser := sin , on a
[
]
M S2 X 7 (t, x, y) 1(z) =
2 /2

=
(t, cos sin , sin sin ) sin d d
(4.63)
2 0
0
2
d d
=
(t, cos , sin )
.
2 2
0
0
En reportant (4.63) dans (4.60) (via lexpression de laction de E3 donnee par
(4.59)) on trouve que la solution fondamentale temperee E2 pour dans Rt R2x,y
est donnee par

1
(t, x, y)

(4.64)
E2 (t, x, y), (t, x, y) =
dx dy dt.
2
t2 |z|2
t|z|
Il sagit dune distribution fonction temperee et de support inclus dans le cone du
futur (mais non plus cette fois portee par la fronti`ere de ce cone comme cetait le
cas pour E3 dans Rt R3x,y,z ). La distribution (t, x, y) 7 E2 (t, x, y) dans Rt R2t,x,y
est solution fondamentale de loperateur des ondes dans Rt R2x,y .
Exercice 4.37 (propagation donde `a partir de conditions initiales donnees).
Soient T1 et T2 deux distributions dans D (R2x,y , R). En utilisant la distribution
E2 introduite en (4.64), montrer quil existe une unique distribution reelle E sur
Rt R2x,y , de support dans {t 0}, telle que
E = 0 (t) T1 (x, y) + 0 (t) T2 (x, y).
Si T1 = [g1 ] et T2 = [g2 ], o`
u g1 et g2 sont des fonctions C sur R2 , montrer que E
est la distribution fonction C dans [0, [R2x,y correspondant `a la fonction
[ [ ]]
(t, x, y) 7 u(t, x, y) = L[g1 ](t, x, y) +
L g2 ,
t
o`
u

t
h(x + t, y + t)

d d.
L[h](t, x, y) =
2
1 ||2
=+iD(0,1)
On remarque que E satisfait E = 0 dans {t > 0}, donc obeit bien `a lequation
des ondes. Les conditions initiales (x, y) 7 g1 (x, y) et (x, y) 7 g2 (x, y) (imposees
en t = 0) regissent la propagation de londe.
Remarque 4.38 (membranes vibrantes). Comme pour le cas n = 1 (cordes
vibrantes, voir la Remarque 4.36), on peut envisager le probl`eme sous un tout autre
2
angle en supposant que lon ne travaille plus dans Rt Rx,y
mais dans Rt U , o`
u
2
U est un ouvert borne de fronti`ere reguli`ere dans R (la surface dun tambour par
exemple). On etudie les vibrations dune membrane tendue fixee au bord (comme
la peau dun tambour precisement). Comme en dimension n = 1, on peut chercher
les solutions stationnaires (x, y) 7 f (x, y) g(t) de lequation des ondes
( 2
)
c2 x,y [E] 0
2
t
dans louvert Rt U cette fois. Il sagit ici encore dun probl`eme danalyse harmonique que nous netudierons pas dans ce cours.

4.3. SOLUTIONS FONDAMENTALES DOPERATEURS


DIFFERENTIELS

87

4.3.4. Hypoellipticit
e. Plusieurs operateurs importants introduits dans ce
cours (et dej`
a de fait presents dans le cours dAnalyse complexe, voir [Charp]), tels
loperateur de Laplace dans Rn , celui de Cauchy-Riemann dans R2 , les operateurs
P (d/dx) en dimension 1, etc., partagent une propriete importante : ils admettent
tous une solution fondamentale dont le support singulier est inclus dans {0}. De
fait, nous avons le resultat suivant.
Proposition 4.6 (caracterisations de lhypoellipticite). Soit
(
)
, ...,
= P (D)
P
x1
xn
un operateur dierentiel en n variables `
a coecients constants (P K[X1 , ..., Xn ],
K = R ou C). Les trois proprietes suivantes sont equivalentes.
(1) Toutes les solutions fondamentales de loperateur P (D), i.e. les distributions T telles que P (D)[T ] = 0 au sens des distributions, ont leur support
singulier inclus dans {0}.
(2) Il existe au moins une solution fondamentale pour loperateur P (D) dont
le support singulier est inclus dans {0}.
(3) Pour toute distribution T D (, K), o`
u est un ouvert de Rn , on a
(
)
(4.65)
SS (T ) SS P (D)[T ]

(4.66)

(autrement dit, loperateur P (D) respecte en les preservant les singularites


de la distribution sur laquelle il agit) ; en particulier
[ (
(
)]
)
SS P (D)[T ] = P (D)[T ] = [g], g C (, K)
[
(
)]
= SS (T ) = T = [f ], f C (, K) .

monstration. Que le point (1) implique le point (2) est immediat. Il en


De
est de meme pour limplication (3) = (1) (si P (D)[T ] = 0 , le support singulier
de T est, dapr`es (4.66), inclus dans celui de 0 , qui est egal `a {0}). Reste la seule
implication delicate de la Proposition, `a savoir limplication (2) = (3).
On suppose donc que la condition (2) est remplie, cest-`a-dire quil existe au moins
une distribution T0 D (Rn , K) telle que P (D)[T0 ] = 0 et que la restriction de
T0 `a Rn \ {0} soit une distribution fonction correspondant `a une fonction C
f : Rn \ {0} K. Soit T D (, K). Pour montrer que le support singulier de T
est inclus dans celui de P (D)[T ], il sut de verifier que le support singulier de K T
est inclus dans celui de P (D)[K T ] pour toute fonction plateau K D(, [0, 1])
subordonnee `a un compact K arbitraire de : en eet les distributions P (D)[T ]
et P (D)[K T ] coincident au voisinage de K et leurs restrictions `a un voisinage
ouvert de K (o`
u K 1) ont donc meme support singulier ; si le support singulier
de K T est inclus dans celui de P (D)[K T ], le support singulier de la restriction
de K T `
a sera donc inclus dans celui de la restriction `a de P (D)[T ] ; comme
T et K T coincident dans , le support singulier de la restriction de T `a sera
dans ce cas inclus dans celui de la restriction `a de P (D)[T ] et, K pouvant etre
un compact arbitraire de , on aura bien ainsi montre SS (T ) SS (P (D)[T ]). Ceci
montre que lon peut, pour prouver (2), se ramener `a supposer = Rn , ce que nous
ferons.
Soit x0 Rn \ SS (P (D)[T ]). Le but est de montrer que x0 Rn \ SS (T ). La
restriction de la distribution P (D)[T ] `a une boule ouverte BRn (x0 , 2) de rayon assez

88

4. DISTRIBUTIONS ET TRANSFORMATION DE FOURIER

petit (SS (P (D)[T ]) est un ferme de Rn , donc de complementaire ouvert) coincide


donc avec une distribution fonction [ ], o`
u : BRn (x0 , 2) K est une fonction
C . Considerons une fonction plateau D(BRn (x0 , 2), [0, 1]) identiquement
egale `a 1 au voisinage de la boule fermee B(x0 , ). On peut ecrire (en utilisant la
r`egle de Leibniz)
P (D)[ T ] = P (D)[T ] + S ,

(4.67)

o`
u S est une distribution de support inclus dans Rn \ BRn (x0 , ). Tous les points de
la boule ouverte BRn (x0 , ) sont donc inclus dans le support singulier de P (D)[ T ]
puisque la distribution P (D)[T ] coincide avec la distribution fonction [ ] dans la
boule ouverte BRn (x0 , 2). Multiplions (4.67) avec lidentite de partitionnement
1 = + (1 ). On en deduit
(4.68)

(
)
P (D)[ T ] = P (D)[T ] + (1 ) P (D)[T ] + S P (D)[(1 ) T ]
= [ ] + Se ,

D(BRn (0, 2), K), Supp Se Rn \ BRn (x0 , ).

Comme les deux distributions T et P (D)[0 ] sont `a support compact, il resulte


de la Proposition 3.10 (associativite du produit de convolution lorsque deux des
entrees au moins sur les trois sont `a support compact) que
T = 0 ( T ) = P (D)[T0 ] ( T )
(4.69)

= (P (D)[0 ] T0 ) ( T ) = (T0 P (D)[0 ]) ( T )


(
)
= T0 P (D)[0 ] T ) = T0 P (D)[ T ].

On fixe maintenant une nouvelle fonction plateau D(BRn (0, 2/3), [0, 1]), identiquement egale `a 1 au voisinage de BRn (0, /3). On a, en decoupant au second
membre de (4.69) T0 en T0 = T0 + (1 ) T0 ,
(4.70)

T = ( T0 ) P (D)[ T ] + ((1 ) T0 ) P (D)[ T ].

Or la distribution (1 ) T0 est une distribution fonction du type [ ] avec


: Rn K une fonction C puisque par hypoth`ese le support singulier de la
solution fondamentale T0 est inclus dans {0}. Dapr`es lexemple 3.18, la convolee
de la distribution `a support compact P (D)[ T ] avec la distribution fonction [ ]
est une distribution fonction [ ], o`
u : Rn K est une fonction C . Dautre
part, en utilisant (4.68), on voit que
(4.71)

( T0 ) P (D)[ T ] = ( T0 ) [ ] + ( T0 ) S .

Toujours suivant lexemple 3.18, la distribution ( T0 ) [ ] est une distribution


fonction correspondant `a une fonction : Rn K de classe C (de support
dailleurs inclus dans la boule ouverte de centre x0 et de rayon /3 + 2). Enfin,
comme le support de S est inclus dans Rn \BRn (x0 , ) et que celui de la distribution
`a support compact T0 est inclus dans BRn (0, 2/3), celui de la distribution
( T0 ) S est inclus dans le complementaire de la boule fermee de centre x0 et de
rayon 2/3 = /3. Dans la boule ouverte BRn (x0 , /3), la distribution T coincide
avec T , soit, dapr`es (4.70) et (4.71), avec la distribution fonction correspondant
`a la fonction C + . Le point x0 est donc bien dans le complementaire
du support singulier de T . On a ainsi verife (en passant aux complementaires)
linclusion SS (T ) SS (P (D)[T ]) et acheve la preuve de la Proposition 4.6.

4.3. SOLUTIONS FONDAMENTALES DOPERATEURS


DIFFERENTIELS

89

Cette proposition nous am`ene naturellement `a la Definition suivante.


finition 4.39 (notion dhypoellipticite). Un operateur dierentiel P (D)
De
en n variables `a coecients constants (P K[X1 , ..., Xn ], K = R ou C) est dit
hypoelliptique sil verifie lune des trois proprietes equivalentes de la Proposition
4.6.
Exemple 4.40 (distributions harmoniques, distributions holomorphes, etc.).
Le Laplacien dans Rn , loperateur de Cauchy-Riemann /z dans R2 , tous les
operateurs dierentiels `a coecients constants en une variable, sont hypoelliptiques.
Si T est une distribution dans un ouvert de Rn telle que T 0 au sens des
distributions dans , alors T = [F ], o`
u F est une fonction harmonique (donc C )
dans . Si T est une distribution dans un ouvert de R2 telle que (/z)[T ] 0
au sens des distributions dans , alors T = [f ], o`
u f est une fonction holomorphe
(voir [Charp]) dans . Si T est une distribution dans un ouvert de R telle que
P (D)[T ] 0 dans cet ouvert, T = [g], o`
u g est une exponentielle polynome solution
de lequation dierentielle `a coecients constants P (D)[g] 0 dans R (dapr`es le
theor`eme dEuler).
Exercice 4.41 (distributions et meromorphie). Soit un ouvert de C, A
un sous ensemble de sans point daccumulation dans . Soit f une fonction
holomorphe dans \A. Montrer que les deux proprietes suivantes sont equivalentes :
la distribution fonction [f ] D (, C) se prolonge en une distribution sur ;
la fonction f est la restriction `a \ A dune fonction meromorphe dans .
Exercice 4.42 (puissances du laplacien). Soit N un entier naturel non nul. On
note N = (N fois) loperateur de Laplace etant entendu ici `a n variables.
Soit T une distribution sur Rn (`a valeurs dans le corps K) telle que N [T ] 0 pour
un certain N N . Montrer que T = [F ], o`
u F C (Rn , K). Peut-il exister des
n
N

distributions temperees dans R telles que [T ] 0 pour un certain N ? Enoncer


et retrouver le theor`eme de Liouville pour les fonctions harmoniques dans Rn (on
appliquera ce qui prec`ede avec N = 1).
Exercice 4.43 (vecteurs propres distributions de loperateur de Laplace).
Soit T une distribution dans un ouvert de R3 telle que T T , avec C (T
est vecteur propre du Laplacien, de valeur propre associee ). En vous referant
au probl`eme du DS (que vous adapterez), montrer que T = [F ], o`
u F est une
fonction C dans .

Bibliographie
[Charp] P. Charpentier, Analyse Complexe, polycopi
e de lUE MHT734 :
http://www.math.u-bordeaux1.fr/~pcharpen
/enseignement/fichiers-master1/Analyse_Complexe.pdf
[Horm] L. H
ormander,The analysis of linear partial dierential operators I : Distribution theory
and Fourier Analysis (second edition), Springer Study Edition, Springer Verlag, 1990.
[Kant] J.M. Kantor, Math
ematiques dEst en Ouest, Th
eorie et pratique : lexemple des distributions, Gazette de la SMF, vol. 100, Avril 2004,
http://smf4.emath.fr/Publications/Gazette/2004/100/smf_gazette_100_33-43.pdf
[Marc] J.P. Marco (ed.), Math
ematiques L3 Analyse, Pearson Education, Paris, 2009.
[Rud] W. Rudin, Analyse r
eelle et complexe, Dunod, Paris.
[Sch] L. Schwartz, Th
eorie des distributions, Hermann, Paris, 1966.
[Vil] C. Villani, Cours sur les distributions,
http://math.univ-lyon1.fr/homes-www/villani/Cours/PDFFILES/ana-chap3.pdf
[Y0] A. Yger, Analyse complexe et Distributions, Ellipses Marketing
editions, Paris, 2001.
[Y1] A. Yger, Th
eorie de lInt
egration, polycopi
e de lUE MHT512 :
http://www.math.u-bordeaux1.fr/~yger/mht512.pdf
[Y2] A. Yger, Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier, polycopi
e de lUE MHT613 :
http://www.math.u-bordeaux1.fr/~yger/mht613.pdf

91

Index

di
erentiation
dune distribution ou dun courant, 30
Dirac
distribution de, 13, 30
Paul, 1, 13
peigne de, 24, 38, 73
distribution
`
a capacit
e de m
emoire finie, 51
divergence
formule de la, 31, 36
dual, r
eseau, 73

Amp`
ere
r`
egle du bonhomme d, 31
Baire
propri
et
e de, 10
Banach-Steinhaus
th
eor`
eme dans le cadre Fr
echet, 47
Bernstein
Joseph, 78
th
eor`
eme de, 78
Bessel
fonctions de, 71
boite noire, 48

Ehrenpreis, L
eon, 78
espace S(Rn , K), 56

calcul symbolique, 35
Cauchy-Pompeiu
formule de, 31, 80
Cauchy-Riemann
op
erateur de, 89
Cauchy-Riemann, op
erateur de, 80
causale
distribution sur R, 42
chaleur

equation de la, 81
op
erateur de la, 81
choc, 3
compact
distribution ou courant `
a support, 40
convolution, 49
de deux distributions p
eriodiques, 50
usuelle de deux
el
ements de D (Rn , K),
50
cordes vibrantes

equation des, 83
courant, 19
croissance lente
fonction `
a, 64
mesure `
a, 63
croissance mod
er
ee
fonction `
a, 64

faible
topologie, 21
fonction
g
en
eralis
ee, 1
test, 8
fonction support
dun convexe compact de Rn , 67
Fourier

equation de, 81
action de la transformation sur S(Rn , C),
58
action de la transformation sur
S (Rn , C), 65
Fourier inverse partielle
transform
ee des distributions temp
er
ees,
82
Fourier partielle
transform
ee des distributions temp
er
ees,
81
Fr
echet
espace de, 9
futur
c
one du, 83
Green
premi`
ere formule de, 32

dalembertien, 83
d
eriv
ees partielles
de distribution, 30

Hadamard
Jacques, 1, 18
Heaviside
93

94

INDEX

fonction d, 12, 31
Oliver, 1, 12
Heisenberg
principe dincertitude, 55, 60, 75
Hilbert, transformation de, 73
hypoellipticit
e, 87

de convergence des suites dans

D q (, K), 25
de convergence des suites de D(, K), 9
de convergence des suites de Dq (, K), 19
propagation

equation de, 83

impulsion ponctuelle, 3

r
egularisation
dun courant, 28
dune distribution par convolution, 25
r
eseau, 38
r`
egle
du bonhomme dAmp`
ere, 31
Radon
mesure de, 3
resommation, formule de, 75
restriction
dune distribution, 12
Riesz
th
eor`
eme de repr
esentation de, 4
Riesz, op
erateur de, 73

Laplace
op
erateur de, 80, 89
Laplacien, 32, 80, 89
Lelong-Poincar
e
formule de, 33
limite inductive
topologie, 9
Malgrange, Bernard, 78
Malgrange-Ehrenpreis, th
eor`
eme, 78
mesure
de Radon, 3
euclidienne induite, 1
moyenne-p
eriodique, fonction, 71
multiplication
des distributions, 39
ext
erieure des courants, 39
noyaux
th
eor`
eme des, 47
Nyquist
Harry, 76
seuil de, 77
ondes,
equation des, 83
ordre
dun courant, 29
dune distribution, 11, 29
p
eriodique
convolution, 50
distribution, 50, 63
Paley, Raymond Edward, 67
Paley-Wiener
alg`
ebre de, 72
th
eor`
eme version distributions, 67
th
eor`
eme version fonctions test, 70
Partie Finie
distribution dans R, 15, 65
plateau
fonction, 6
Poisson
formule sommatoire de, 74
Sim
eon-Denis, 74
ponctuel
courant `
a support, 42
distribution `
a support, 41
principe
de convergence des suites dans D (, K),
21

sauts
de discontinuit
e`
a un ordre prescrit, 34
formule dans lespace, 36
formule en dimension 1, 34
Schwartz
Laurent, 1
th
eor`
eme des noyaux, 47
Shannon
Claude Elwood, 76
Shannon-Nyquist
th
eor`
eme d
echantillonnage, version
distributions, 76
Sobolev
Serguei, 1
solution fondamentale, 78
spectre, 60, 65
sph
erique
distribution, 57, 61
st
er
eographique, projection, 62
Stokes
formule de, 29, 31
support
dune distribution ou dun courant, 38
dune fonction continue, 3
singulier dune distribution ou dun
courant, 38
supports
condition des, 50
tensoriel
produit de deux courants, 46
produit de distributions, 43
unit
e
lemme de partition de l, 5
Valeur Principale

INDEX

distribution dans R, 14, 65


distribution sur C, 16
Wiener, Norbert, 67
Young
in
egalit
es de, 52

95

Vous aimerez peut-être aussi