Enjeux D'une Sociodidactique Du Français (Des LK

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Enjeux d’une sociodidactique du français (des

LK et du plurilinguisme) en Nouvelle-
Calédonie
Séminaire PARADISO, Perspectives aixoises de recherches en
Acquisition, Didactique des langues et sociolinguistique
Laboratoire Parole & Langage, UMR 6057 CNRS
Université de Provence, 15 Décembre 2009

Véronique Fillol
Centre des nouvelles études
sur le Pacifique (CNEP)
Université de la Nouvelle-Calédonie
Plan de la conférence

!  1 – Contexte sociolinguistique calédonien


!  2 – Vers une école plurilingue
!  3 – Enjeux d’une sociodidactique du
français (des LK et du plurilinguisme)
1ère partie

Contexte sociolinguistique
calédonien
Le plurilinguisme dans les DOM-
TOM-POM
! 
La Nouvelle-Calédonie : pays de grande
richesse linguistique….
!  Comme les autres pays de cette région du monde,
elle se caractérise par sa grande diversité
linguistique.
!  Les linguistes y recensent une trentaine de langues
issues de peuplements précédant le contact avec
l’Occident et appelées communément langues
kanak,
!  un créole, le tayo,
!  auxquelles on peut ajouter les langues
polynésiennes, indonésiennes, asiatiques,
anglais, bichelamar…
!  mais aussi les différentes variétés du français
La Nouvelle-Calédonie : pays de grande
richesse linguistique… à langue
dominante unique
Rapports et représentations des
langues kanak et du français
!  Les langues kanak ont longtemps été
opposées au français, en raison d’une
idéologie unilingue imposée par l’école
française dans un contexte plurilingue
!  Il en résulte des représentations
ambivalentes sur le français
!  Et un déni de fonction didactique des
langues
Les représentations
sociolinguistiques des langues
•  du côté de la langue (et de ses fonctions), le
français est dans les représentations, la langue
de la raison, de la réussite scolaire, de la
transmission des savoirs scientifiques, de
l’échange, de l’ouverture au monde.
•  En contrepoint, les langues maternelles kanak
seraient les langues du cœur, les langues de la
culture Kanak, de l’échec scolaire (en interférant
avec le français), de la tradition (qui rime dans
l’esprit de certains avec « régression »), de
l’enfermement, du repli identitaire.
Rapports et représentations des
langues kanak et du français
On réduit le français a une fonction instrumentale
(transmission des savoirs académiques) et on se défend
qu’il soit également le vecteur de la culture française.
Réciproquement, on tolère les langues kanak comme
manifestation de la culture mais on leur dénie, selon
l’expression de C. Lercari (2002), toute fonction didactique.
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V.FILLOL et J.VERNAUDON article de ELA n°133 (Janvier-Mars 2004)


Rapports et représentations des
langues kanak et du français

Les rapports des langues en présence constituent


ainsi un obstacle à penser et construire le
plurilinguisme, tant l’idéologie unilingue s’est
imposée.
« Pour moi, le français à l’école a tué ma langue
maternelle. Pour valoriser le français, mes parents nous
ont tous parlé en français, pour que nous ne soyons pas
perdus à l’école. De ce fait, je n’ai pas pu au sein de la
cellule familiale apprendre ma langue maternelle. Le
français pour moi, tue la transmission des différentes
langues maternelles. Tous les jeunes d’aujourd’hui,
Kanak, Polynésiens, Wallisiens, Futuniens perdent au fil
des années et des générations leurs
langues. » (Questionnaire anonyme enseignants
-stagiaires, 2009)
Insécurité linguistique
!  Certains adolescents vivent une double insécurité
linguistique, voire un mal-être identitaire et une réelle
exclusion sociale : ils survalorisent leur langue
maternelle ou d’origine, alors qu’ils ne la parlent pas,
et se construisent une langue identitaire (français dit
« kayafou » ou français « mélangé » : le « français à
nous ») en refusant de parler le français
« standard » (le « français à eux ») de peur d’être
assimilé à un « Blanc ».
Le français kayafou

«Les jeunes en ayant un français non-normé, c’est parce qu’ils


veulent pas être assimilés aux groupes qui représentent le
luxe, le pouvoir, les études, etc. Donc ils font exprès de parler
ce français-là pour mieux être acceptés dans le quartier où il
y a un bon nombre de mélanésiens. De plus quelque part, il y
a « la tribu dans la ville » où l’on fait toujours attention qu’il
y a « tantine », « tonton », « grand-père » qui est là et qu’il
faut parler le français que eux-mêmes parlent, sinon tu n’es
pas du « clan ». » (Etudiante de la filière LCR, 2003)
2ème partie

Vers une école plurilingue


1999-2009
!  1999 - L’accord de Nouméa : « les
langues kanak sont avec le français des
langues d’enseignement et de
culture » (art. 215 de la loi organique,
1999)
!  2002-2005 : Première expérimentation
!  2006 : Nouveaux programmes scolaires
!  2009-2011 : nouvelle recherche-action
Accord de Nouméa (1998), art. 1.3.3
!  Les langues kanak sont, avec le français, des langues
d’enseignement et de culture en Nouvelle-Calédonie. Leur place
dans l’enseignement et les médias doit donc être accrue et faire
l’objet d'une réflexion approfondie.
!  Une recherche scientifique et un enseignement universitaire sur les
langues kanak doivent être organisés en Nouvelle-Calédonie. L’Institut
national des langues et civilisations orientales y jouera un rôle
essentiel.
!  Pour que ces langues trouvent la place qui doit leur revenir dans
l’enseignement primaire et secondaire, un effort important sera fait
sur la formation des formateurs.
!  Une académie des langues kanak, établissement local dont le conseil
d’administration sera composé de locuteurs désignés en accord avec
les autorités coutumières, sera mise en place. Elle fixera leurs règles
d’usage et leur évolution.

Loi organique (1999), art. 215


!  Les langues kanak sont reconnues comme langues d’enseignement et
de culture.
Les finalités
de l’enseignement LCK
!  Objectif pédagogique : Participer au
développement langagier des élèves et à leur
épanouissement intellectuel et affectif

!  Objectif sociétal : favoriser le « vivre


ensemble » grâce à la reconnaissance de la
diversité linguistique et culturelle de la société
calédonienne

!  Objectif patrimonial : Transmettre le


patrimoine linguistique et culturel kanak
LK : langues enseignées et
langues d’enseignement
!  Participant aux activités intellectuelles, les langues kanak
ne sont pas de simples réponses à une revendication
culturelle et politique, mais de véritables moyens de
développement personnel et de réussite de l’élève.

!  La double valorisation, des langues kanak et du français,


favorise le développement d’une compétence bilingue.
Les deux langues ne sont pas concurrentes
mais complémentaires.

Selon l’expression de Barnabé : « duo plutôt que duel ».


Pourquoi les LK à l’école ?
•  L’identité culturelle et l’intégration sociale
!  La maîtrise d’une langue kanak, symbole de l’identité culturelle, diminue chez l’élève
les sentiments de peur face à l’acculturation, qui le poussent à refuser la langue et la
culture française. La peur d’être assimilé diminuant, l’intégration sociale est favorisée.
•  Les relations entre les différentes communautés
!  Donner une place aux langues kanak à l’école, c’est aussi donner une place à
la communauté kanak dans cette école.
!  La présence des langues kanak dans le système éducatif amène l’ensemble des
communautés linguistiques à modifier leur attitude vis à vis de ces langues, à
en reconnaître, grâce à la qualité des enseignants et au sérieux des
enseignements, leur valeur.
!  La construction d’une citoyenneté passe aussi par la tolérance linguistique.
L’école est le premier lieu où se manifeste cette tolérance. Elle n’est plus
l’apanage d’une seule langue et d’une seule culture.
Pourquoi les LK à l’école ?
•  La sauvegarde du patrimoine linguistique et
culturel
–  Tout comme la biodiversité, la diversité linguistique, est une
richesse pour l’humanité. L’enseignement des langues kanak
participe à la conservation du patrimoine linguistique universel.
La sauvegarde des langues passe par leur utilisation. L’école est la
première étape de cette entreprise de sauvegarde.
Programmes calédoniens (2005)
Art. 6.- 2 – Organisation pédagogique
L'enseignement des langues et de la culture kanak fait l’objet d'une organisation
précisée dans le projet d'école. Il est dispensé
- auprès des élèves dont les parents en ont exprimé le vœu,
- par des enseignants qualifiés,
- à raison de 7 heures hebdomadaires à l'école maternelle et de 5 heures
hebdomadaires à l'école élémentaire.
Pour traduire leur caractère de langues d'enseignement, les langues kanak sont
enseignées à travers différents champs disciplinaires.
Art. 7.
Un premier apprentissage de la langue anglaise est dispensé au cycle 3 par des
enseignants agrées.
Art. 8.
Une initiation à une autre langue et culture de la région Asie-Pacifique (…) peut
être envisagée en réponse à une demande substantielle, pour les élèves dont les
familles en ont exprimé le vœu…
3ème partie

Enjeux d’une sociodidactique du


français en Nouvelle-Calédonie
!  « une didactique articulée à la variété des contextes dans leurs
aspects politiques, institutionnels, socioculturels et
sociolinguistiques d’une part, mais aussi à la variété et la
variation langagière, linguistique et sociale, interlectale et
interdialectale, d’autre part, et pour laquelle sociolinguistique
scolaire et didactique du plurilinguisme sont deux champs
qu’il est absolument nécessaire de convoquer
concomitamment, pour l’élaboration de politiques
linguistiques et éducatives cohérentes. » (Cortier, 2007).
L’attitude normative (et
l’idéologie unilingue)
!  Les attentes en matière de pratiques langagières sont aussi
importantes. L’enseignant non formé aux problématiques
langagières en contexte pluriculturel évaluera les performances
des élèves selon les représentations des performances d’un
locuteur natif idéal (qui plus est unilingue).
!  En ce qui concerne les représentations de l’enseignement
/apprentissage du français, les représentations renvoient
toujours au « bon usage », eu égard à la prégnance du discours
normatif qui peut conduire à un échec même de l’apprentissage
!  Les outils d’évaluation proposés étant ceux de la métropole, cela
contribue à renforcer les jugements de valeur dépréciatifs.
Accompagner la réforme

!  Recrutement et formation des enseignants LCK

!  Encadrement et accompagnement pédagogique

!  Formation des enseignants titulaires sur


l’acquisition du langage et le bilinguisme

!  Information aux familles sur l’acquisition du


langage et sur le bilinguisme
Accompagner la réforme (2)
!  Imaginer et évaluer d’autres dispositifs

!  Production et mutualisation des supports

!  Articulation de l’enseignement des LCK, du


français et de l’anglais dans une perspective
plurilingue
Les obstacles
!  Résistances institutionnelles :
- absence de consensus politique et de
soutien politique
–  dans les faits : « reségrégation » des classes de
langues
!  Résistances idéologiques :
–  déni de la fonction didactique des langues
–  Idéologie unilingue (contre le plurilinguisme)
–  Impossibilité de penser le plurilinguisme (vision
additive des langues : français + LK + autre
langue de la région Asie-pacifique + anglais et
soustractive)
Conclusion : une recherche
collaborative
-  recherche-action ou science d’intervention
-  Cette posture est difficile en raison de la
méfiance à l’égard de l’introduction des LK à
l’école mais aussi de la méfiance à l’égard des
universitaires ou de la recherche.
-  Pourtant l’innovation éducative ne peut se
construire que sous la forme d’un travail
coopératif entre enseignants (français et LK)
en formation, enseignants en exercice et
enseignants-chercheurs appartenant à des
champs disciplinaires divers.
Indications bibliographiques
BARNECHE S., (2004), L’identité linguistique et culturelle des jeunes de Nouméa. Une étude des pratiques
langagières dans la cité de Riverstar (Rivière-Salée). Thèse de Doctorat Nouveau Régime en Sciences du
langage, Université de Rouen.
BUCHETON D., (2009), L’agir enseignant : des gestes professionnels ajustés, Ocatrès Editions.
CORTIER C., (2007), Symposium du 10ème colloque international de l’AIRDF, Didactique du français, le
socioculturel en question, Villeneuve d’Ascq.
DABENE L., (1994), Repères sociolinguistiques pour l’enseignement des langues, Hachette, Paris.
DABENE M. et RISPAIL M., (2008) « La sociodidactique : naissance et développement d'un courant au sein
de la didactique du français en France », Lettre de l'AIRDF, n° 42, 2008-1, pp. 10-13.
FILLOL V., (2009), « Pour une didactique du plurilinguisme à l’école calédonienne », In Le français
aujourd’hui, n° 164, pp. 53-60.
FILLOL V. et VERNAUDON J., (2004), « Les langues Kanak et le français : langues d’enseignement et de
culture en Nouvelle-Calédonie. D’un compromis à un bilinguisme équilibré ?», ELA, n° 133, pp. 57-67.
FRANCARD M. (1997), « Insécurité linguistique », in M.L. Moreau (dir.) Sociolinguistique. Concepts de
base, Mardaga, pp. 170-176.
NUSSBAUM L. (2008), « Construire le plurilinguisme à l’école : de la recherche à l’intervention et de
l’intervention à la recherche », in CANDELIER M., IOANNITOU G., OMER D. et VASSEUR M.-T. (sous la
dir.), Conscience du plurilinguisme, Presses Universitaires de Rennes, pp. 125-144.
Programmes pour l’école primaire de la Nouvelle-Calédonie
Accord de Nouméa : http://www.gouv.nc/AccordNea.htm
RIGO B., (2009), « Quelle éthique en milieu plurilingue et pluriculturel ? » in VERNAUDON, J. & FILLOL,
V., (Eds), Vers une école plurilingue en Océanie francophone, L’Harmattan, pp. 297-308.
VERNAUDON J., (2004), « Des représentations sur les langues océaniennes aux options pour leur
enseignement » dans V. FILLOL et J. VERNAUDON éd., Stéréotypes et représentations en Océanie,
CORAIL, pp. 77-99.
VERNAUDON J. et FILLOL V., (2009), Vers une école plurilingue dans les collectivités française d’Océanie
et de Guyane, coll. Cahiers de Pacifique Sud Contemporain, L’Harmattan, Paris.
Une nouvelle publication
Préface
Présentation
1. Contexte sociolinguistique et cadre
institutionnel
2. Plurilinguisme et école : enjeux
scientifiques, éducatifs et méthodologiques
3. Langues d’enseignement et de culture
dans l’école
4. La formation des enseignants et
l’évaluation comme aide à la pratique
pédagogique
Conclusion : Au-delà de l’enjeu éducatif, une
question d’éthique

Les auteurs : Sophie ALBY,


Véronique FILLOL, Agnès FLORIN,
Stéphanie GENEIX-RABAULT,
Philippe GUIMARD, Christine HELOT,
Viviane LANIER-AUBERTIN,
Michel LAUNEY, Gérard LAVIGNE,
Bettina MIGGE, Danièle MOORE,
Isabelle NOCUS, Odile RENAULT-LESCURE,
Bernard RIGO, Marie SALAUN,
Léonard Drilë SAM, Jacques VERNAUDON.

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