p120 Andre Ravereau L Atelier Du Desert

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Sous la direction de:

Rmi Baudou et Philippe Poti

andr
ravreau
latelier
du
dsert

ditions parenthses

Cet ouvrage a t ralis sous la direction de Rmi Baudou et de Philippe Poti,


assists de Yann Cussey et Raphaelle-Laure Perraudin.
loccasion de la parution de cet ouvrage une exposition consacre Andr Ravreau
a t conue dans le cadre de Djazar, lanne de lAlgrie en France.
Avec le soutien de:
Centre rgional des Lettres / Rgion Languedoc-Roussillon,
cole polytechnique darchitecture et durbanisme dAlger,
Ville de Ghardaa, OYce de promotion et de protection de la valle du MZab,
Institut darchitecture de luniversit de Genve,
cole darchitecture de Lille,
cole darchitecture Languedoc-Roussillon,
cole darchitecture de Grenoble, quipe de recherche Cultures constructives,
Centre culturel franais dAlger,
Association franaise daction artistique et Commissariat gnral de Djazar,
Ministre de la culture et de la communication, Direction de larchitecture et du patrimoine,
Bureau de la recherche architecturale et urbaine,
Acadmie de la pierre,
Fondation Aga-Khan.
Remerciements particuliers Taeb Adda Boudjelal.

copyright 2003, ditions parenthses, marseille.


isbn 2-86364-120-4

Latelier du dsert, cette conjonction ne


relvetelle pas du paradoxe? Comment travailler
sur ce qui est de lordre de linfini, de lhostile, et de
linhumain? Le paradoxe nest quapparent. Il se
dlie si lon considre le dsert non seulement comme
une ralit matrielle mais aussi comme une para
bole, limage de lappel du dsert dun Charles de
Foucauld pour lequel le lieu favorise dabord la recher
che patiente de soi dans un environnement qui soumet
lpreuve ltre tout entier.
Le projet de ce livre est n du constat quil existe
aujourdhui un cart significatif entre le discours
savant de lhistoire de larchitecture au xxe sicle et
la somme des expriences qui lont faonne. une
histoire officielle qui privilgie la connaissance des
grandes uvres icnes de la modernit ou des parcours
biographiques de ses matres, fait place la nces
sit dtudier cet ensemble dexpriences qui se sont
droules conjointement dans lespace et le temps
pour adapter les innovations thoriques aux rali
ts sociales et culturelles du terrain. La production
du cadre bti contemporain rsulte moins de lappli
cation minutieuse de principes thoriques et canons
plastiques contenus dans les doctrines, que dun aller
retour permanent entre thorie et pratique. Tel celui
qui relie les exprimentations dune aire gographique
lautre par le rle de passeur quont assum entre
les deux rives de la Mditerrane architectes et matres

douvrage. Cest ce projet prcisment que rpond


cet ouvrage consacr un architecte qui a effectu la
majeure partie de sa carrire dans lAlgrie de laprs
Seconde Guerre mondiale.
Andr Ravreau fait partie de ces hommes qui ont
cherch djouer les piges de lhistoire officielle pour
construire par-del les vnements dAlgrie et
lindpendance dune jeune nation, un dialogue entre
deux communauts, bti sur la volont de savoir, de
comprendre et dchanger. Dans une Algrie en pleine
effervescence, porteur de lenseignement de Perret, il
cre Ghardaa un premier atelier, choisissant une
sorte dexil dans la valle du MZab comme pour
mieux tmoigner que larchitecture franaise, mais
aussi algrienne, se devaient de revenir aux sources de
lhistoire pour chapper leurs propres dmons dune
modernit sans usage, sans prsent ni futur. Ce dcen
trement construira un regard profondment renou
vel sur le geste architectural et ses implications. L,
dans le dsert, il propose de sintresser au lieu, aux
traditions, au climat pour inscrire le projet darchitec
ture dans lpaisseur dune culture. Privilgiant len
racinement dans le site, son thique architecturale
met en porte--faux les modles dominants venus de
lOccident moderniste.
Pour parvenir rendre compte de son cheminement,
le parti pris de cet ouvrage a t de restituer luvre
dAndr Ravreau dans son poque et de rassembler

les tmoignages de tous ceux qui lont suivi dans ses


recherches militantes pour une architecture situe.
Ils attestent, au plus prs, de sa mission de matre
au sens didactique du terme et de la fonction maeu
tique de sa parole dlivre dans le patio de latelier
de Ghardaa ou dans la palmeraie avec les jeunes
tudiants venus de France, de Belgique, de Suisse et
bien sr dAlgrie.
Aujourdhui, les projets dAndr Ravreau doivent sin
terprter laune dune trajectoire exprimentale qui
les constitue, en quelque sorte, en modle thorique.
lre de la mondialisation et de lunification des
territoires et espaces rgionaux, la dmarche dAndr
Ravreau ne conserve-t-elle pas sa pertinence pour
penser les lieux dans leur diversit et leur pluralit?

une question
dattitude

Antoine Picon

Avec le recul quautorise le temps, la dmarche dAndr


Ravreau semble la fois marque du sceau de la plus
extrme modestie et empreinte dune ambition comparable celle des grands thoriciens de larchitecture des
xix et xx sicles. La modestie tient la volont constamment raYrme de tenir distance toute une srie de
dmons familiers de la discipline architecturale: la poursuite de leVet esthtique gratuit, le dsir du monumental, mais aussi la recherche dune cohrence structurelle
parfaite, ou encore la performance constructive inutile.
Lambition tient, quant elle, au projet didentifier ce
qui compte vraiment en architecture, de cerner au plus
prs son essence. Du MZab dAndr Ravreau on pourrait dire ce que Gropius crivait de la rationalisation. Loin
de reprsenter une fin en soi, il fait figure de moyen
de purification destin faire clater au grand jour
une vrit que les acadmismes en tout genre auraient
constamment cherch occulter.
Mais de quelle vrit sagit-il? Sous lvidence de la leon
du MZab, par-del limpression de justesse que procu-

rent des projets comme la villa M. ou le centre de sant de


Mopti, il nest pas simple de rpondre cette question.
Luvre, tant btie qucrite, dAndr Ravreau rvle
un jeu complexe dinXuences quil faut commencer par
dmler.
Les emprunts au Mouvement moderne, et plus gnralement la sensibilit moderniste qui achve de se
diVuser au lendemain de la Seconde Guerre mondiale,
sont indniables. Mme si Ravreau prend constamment ses distances lgard de Le Corbusier, on ne peut
qutre frapp par la proximit de certains de leurs centres
dintrt. La fascination de Ravreau pour les surfaces dpouilles et les courbes de larchitecture mozabite fait songer au regard port par Le Corbusier sur la
Mditerrane et son habitat vernaculaire. Certains passages du livre Le MZab, une leon darchitecture semblent
mme faire cho aux textes de Le Corbusier prenant la
dfense de cette irrgularit exacte qui nat de la
main de lartisan avant la mcanisation. Du Mouvement
moderne et de sa composante corbusenne, linXuence
de laquelle on ne saurait compltement chapper dans
les annes cinquante et soixante, Ravreau retient une
qualit dmotion esthtique, ainsi quune attention au
geste productif traditionnel, dans sa rigueur dpourvue
dartifice.

Gropius, Walter, La Nouvelle architecture et le Bauhaus [1935], Bruxelles, La


Connaissance, 1969, p.110.
Le Corbusier et la Mditerrane, Marseille, Parenthses, 1987.
Cf. sur ce thme Ferro, Sergio, Kebbal, CheriV, Poti, Philippe, Simonnet,
Cyrille, Le Corbusier, Le Couvent de la Tourette, Marseille, Parenthses, 1988.
Ravreau, Andr, Le MZab, une leon darchitecture, Paris, Sindbad, 1981,
p.154 (nlle dition: Arles, Actes Sud/Sindbad, 2003, p.126).

Lhritage rationaliste quincarne Auguste Perret se rvle


encore plus dterminant. Laccent mis sur la construction
doit coup sr quelque chose au premier matre dAndr
Ravreau lcole des beaux-arts de Paris. Comme chez
Perret, il y a quelque chose de viollet-le-ducien dans la
volont de Ravreau de rendre compte des choix constructifs en les rapportant des motifs rationnels, de raisonner la construction comme lon rXchit aux rgles de la
grammaire. Mais l encore, la dette saccompagne dune
prise de distance par rapport aux prsupposs de lcole
rationaliste, commencer par sa recherche dun principe
architectonique unificateur. Rien de plus rvlateur cet
gard que le long dveloppement consacr dans Le MZab,
une leon darchitecture lutilisation dun linteau la suite
dune srie darcs pour limiter les pousses contre un mur
mitoyen. Viollet-le-Duc et Perret auraient hsit devant
une solution compromettant lunit formelle et structurelle de ldifice. Ravreau senthousiasme en revanche
devant une attitude consistant acqurir lharmonie par
de justes moyens dobjectivit interne, en ignorant tout
fait les intentions daspect.
Dautres inXuences, plus souterraines peut-tre, se laissent entrevoir dans le refus de toute recherche esthtique
a priori. Quoi de plus contraire, en apparence, lhritage
des Beaux-Arts, que la critique sans concession de la
volont de faire beau? Cest oublier toutefois que

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lune des premires expressions de cette condamnation radicale de lesthtisme figure chez un auteur dont
les ouvrages thorisent la notion de composition chre
lcole des beaux-arts. Elle apparat en eVet au dbut du
xix sicle dans lintroduction du Prcis des leons dar
chitecture de Jean Nicolas Louis Durand. Tout sacrifice consenti la recherche exclusive du beau est inutile,
aYrme Durand, avant dnoncer sur un ton premptoire:
Soit que lon consulte la raison, soit que lon examine les
monuments, il est vident que plaire na jamais pu tre le
but de larchitecture, ni la dcoration architectonique tre
son objet.
Du noclassicisme de Durand au MZab, lcart parat
immense. Il commence se rduire si lon songe limportance de la rfrence vernaculaire pour larchitecture
noclassique, mme si les fermes de la pninsule italienne
auxquelles sintressent aussi bien Schinkel que Durand
nont pas grand-chose de commun avec les tablissements
mozabites. Le systme des Beaux-Arts qui reprend son
compte la notion de composition nignore pas, quant lui,
les impratifs de fonctionnalit et dconomie. Il admet
mme quils puissent simposer lexclusion de tout autre
critre pour certains programmes utilitaires. La norme
pose par Durand, ce rejet de lesthtique considre
comme une fin en soi, devient un cas extrme. Renouant
sans le savoir avec Durand, Ravreau lui redonne une

Durand, J.N.L., Prcis des leons darchitecture donnes lcole polytechni


que, Paris, lauteur, 1802-1805, rdition Paris, lauteur, 1817-1819, vol.1,
p.18. Sur cet aspect de la thorie de Durand, voir par exemple Picon, Antoine,
From poetry of Art to method: The Theory of Jean Nicolas Louis Durand,
introduction J.N.L.Durand, Prcis of the lectures on architecture, traduction
du Prcis des leons darchitecture, Los Angeles, The Getty Research Institute,
2000, pp.1-68.

importance centrale. Du mme coup, la rupture avec les


Beaux-Arts nest pas aussi complte quil pourrait y paratre. Plus quune cassure, il sagit dun dplacement, dune
sorte de passage la limite.
Sous lapparente simplicit de la leon tire du MZab
stend un cheveau complexe dinXuences et dhritages. cette complexit en quelque sorte interne la discipline architecturale sajoute celle qui nat du contexte
historique au sein duquel slabore la dmarche dAndr
Ravreau, ces dcennies daprs-guerre marques la fois
par lesprance et linquitude, par le dsir de paix succdant un conXit mondial et par la monte en puissance de
toutes sortes de menaces, de la Guerre froide aux premiers
grands dfis environnementaux.
Car litinraire dAndr Ravreau est bien de son poque,
commencer par les lieux quil traverse: la France de
laprs-guerre, lAlgrie en proie aux premiers frmissements menant son mancipation et surtout le dsert qui
fascine savants, crivains et artistes.
Le dsert se pare depuis toujours dune sduction double
tranchant. Napparat-il pas la fois comme le lieu du
dnuement le plus extrme, reconduisant lhomme la
vrit de lexprience intrieure, et comme le thtre de la
tentation de puissance? Cest dans le dsert que se dcide
la destine de nombreux saints du christianisme primitif, entre mditation et visions inspires par le Diable. Le

dsert des annes cinquante et soixante semble faire cho


ce lointain pass. On y recherche lillumination dcisive,
quelle soit littraire ou artistique, en mme temps quon y
teste les premires bombes atomiques.
Le dsert dAndr Ravreau doit quelque chose ce
contexte ambigu, mme si lexprience du MZab se veut
place sous le signe exclusif de la purification et de lascse, ainsi quen tmoigne le rituel de la prise dhabit
impos au jeune architecte arrivant de France. La leon
du dsert nest pas que spirituelle toutefois. Pour Andr
Ravreau, la civilisation urbaine des Ibadites oVre en eVet
lexemple le plus achev dune adaptation aux contraintes
du milieu, dune architecture et dun urbanisme respectueux de lenvironnement.
Antrieurement au dveloppement des doctrines cologistes telles que nous les connaissons aujourdhui, la
priode de la Guerre froide voit la monte en puissance
dune sensibilit nouvelle aux questions environnementales. Sous la menace du feu nuclaire, la terre apparat bien fragile. Limpression dune clture du monde
se voit renforce par les rseaux de tlcommunication,
la couverture radar de continents entiers et le lancement
des premiers satellites gostationnaires. La diVusion
progressive de la consommation de masse vient renforcer
cette impression denfermement. La terre nest plus
immense, riche dhorizons inexplors. Elle peut sassimi-

Lire par exemple Ponte, Alessandra, Desert Testing, in Picon, Antoine,


Ponte, Alessandra (eds.), Architecture and the sciences, Exchanging metaphors,
New York, Princeton Architectural Press, 2003.
Cf. Edwards, Paul, The Closed world, Computers and the politics of discourse in
cold war America, Cambridge, The mitPress, 1996.
Buckminster Fuller, Richard, Operating manual for spaceship Earth,
Carbondale, Southern Illinois University Press, 1969.

ler un grand vaisseau spatial, un vaisseau mis en danger


par ses occupants, ainsi que le souligne Buckminster
Fuller.
L encore, lappel du dsert renvoie des dterminations
contradictoires, dterminations dont la dmarche dAndr
Ravreau porte cette fois directement lempreinte. Dun
ct, le dsert reprsente un ailleurs, lun des derniers
espaces inviols, lune des rares frontires, au sens
amricain, qui existent encore au sein dun monde satur
par les systmes darmes, les rseaux de tlcommunication et les grands appareils commerciaux. Mais de lautre,
il incarne, plus encore que les lieux ordinaires, le dfi de la
clture, de la limitation des ressources et de la ncessit de
prserver lenvironnement. Aux yeux dAndr Ravreau, le
MZab est la fois hors du monde de la production et de la
consommation de masse et investi dune exemplarit lie
la prcarit de ses conditions dexistence, prcarit qui
est celle de lhumanit tout entire confronte aux limites
du dveloppement industriel. La terre est-elle autre chose
quune oasis fragilise par une exploitation inconsidre?
Un tel statut fait songer invinciblement la question de
lutopie. Dans la tradition occidentale, lutopie a prcisment pour caractristique de se situer ailleurs, trs
loin des terres connues, en mme temps quelle donne
une leon la civilisation. Dans les annes cinquante et
soixante, de nombreuses entreprises teintes dutopie

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prennent le dsert pour cadre. Le MZab de Ravreau se


rattache indniablement ce mouvement. Il est dailleurs
symptomatique que sy trouve luvre le projet de
revenir la puret des origines, une sorte de primitivisme permettant de rgnrer une socit technologique
oublieuse des vrais besoins de lhomme, projet qui caractrise toute une srie dutopies de lre industrielle. Les
mouvements alternatifs post-soixante-huitards iront dans
le mme sens avec leurs tentatives de retour la nature.
Le MZab dAndr Ravreau correspond-il une utopie?
Est-il au fond si diVrent dans ses prsupposs de cette
nostalgie du primitif et de ce dsir de rconciliation entre
nature et technologie qui traversent jusqu luvre de Le
Corbusier, au travers de lapologie du geste exact de lartisan traditionnel? Il est permis de se le demander, ne
serait-ce quen raison de lambition avoue de se servir de
lexprience mozabite comme dun moyen de rgnration
dont les principes seraient transposables toute une srie
dautres situations.
Mais en mme temps quil participe de cette collusion entre architecture et utopie sans laquelle on ne
saurait comprendre certains traits dcisifs de la modernit, luvre dAndr Ravreau sen distingue sur toute
une srie de points. Le MZab reprsente tout dabord
une leon plus quun modle. Point de socit idale ou
dacheminement vers la perfection chez Ravreau qui

Cf. Riot-Sarcey, Michle, Bouchet, Thomas, Picon, Antoine (sous la direction de), Dictionnaire des utopies, Paris, Larousse, 2002.
Saint Paul, ptre aux Colossiens, in Nouveau Testament, Paris, Descle
de Brouwer, 1975, pp.287-292, p.290 en particulier.

insiste au contraire sur la spcificit de lexprience mozabite qui la rend probablement impossible reproduire,
mme avec les diVrences quimposent sous dautres latitudes le climat et les murs. Il ny a pas non plus darchitecture contemporaine qui puisse sinspirer pleinement
de ses principes, ne serait-ce quen raison de la diversit
des matriaux et des techniques de mise en uvre dont
saccompagne la modernit. Sur ce dernier point, la lucidit dAndr Ravreau est peut-tre plus grande que celle
dun Hassan Fathy incapable de se dprendre de ses rves
de restauration dune architecture avec et pour le peuple
empruntant la construction traditionnelle des paysans
gyptiens.
Quelle est alors la leon du MZab? Elle pourrait bien
rsider dans une humilit du btisseur capable de rejeter
les sductions dune discipline architecturale frue de
prouesses, quelles soient esthtiques ou constructives. Il
sagit pour Andr Ravreau de faire table rase de ses multiples prjugs pour se mettre lcoute des besoins, dans
leur nudit originelle. Plus encore quau registre de lutopie, cest celui de la conversion intrieure que se rattache
son entreprise. Il sagit pour larchitecte de se dpouiller
du vieil homme, selon lexpression de saint Paul, de
laisser derrire soi tout ce qui fait obstacle la puret de
lacte constructeur.

Plus quun catalogue de principes, larchitecture selon


Andr Ravreau devient en dfinitive une question dattitude. Peu importe que lharmonie du MZab soit impossible retrouver aujourdhui. La conversion de larchitecte
et les services quil peut alors rendre dans des conditions
toujours imparfaites constituent le vritable objectif. Il y
a quelque chose de presque religieux dans lascse qui est
propose. On peut bien sr sinterroger sur la faisabilit
dune telle entreprise. Nest-elle pas, par avance, voue
lchec, comme toutes les tentatives visant changer
lhomme antrieurement aux structures au sein desquelles
il se meut? Curieusement, cependant, un Rem Koolhaas
ne propose rien dautre quun changement dattitude, certes trs diVrent quant son contenu, lorsquil
demande aux architectes daccepter le chaos urbain
contemporain comme la donne de base de lexercice de
leur mtier. Une certaine forme dascse semble l encore
de mise pour parvenir cette acceptation.
En ce dbut de troisime millnaire, larchitecture
semble avoir enfin compris que ses projets ne changent
pas ncessairement le monde. Les liens entre architecture moderne et utopie que dnonait autrefois Manfredo
Tafuri paraissent stre dfinitivement dnous. Mais
si larchitecture se rvle impuissante transformer le
monde, du moins peut-elle contribuer le rendre plus
vivable la faon dont les dtails de larchitecture moza-

Tafuri, Manfredo, Projet et utopie, de lavant-garde la mtropole [1973],


Paris, Dunod, 1979.

bite participent au bien-tre de ses habitants. lheure o


se recherchent les principes dun dveloppement durable
en rupture avec lattitude dmiurgique de la modernit, la
dmarche dAndr Ravreau rvle toute son actualit.

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Plan masse de Ghardaa, pannelage des


rseaux visuels, 1961.
Plan de la place du Champ-de-Manuvre, 1961.
Coupe sur la place de Ghardaa, 1962.
tude de faade pour la poste de Ghardaa,
1966.

iYcults, aux moments de bonheur ou de tristesse du


d
quotidien, aux aventures de la villa Elonore (elle est au
Nord) o logeait une partie du personnel de lagence, aux
rves davenir.
Un pisode fit diversion, qui devait beaucoup compter
pour nous tous: Hanning avait reu en 1958 (peu avant son
dpart) la commande par lonrs (Organisation nationale
de la recherche scientifique), dun nouveau plan durbanisme pour la valle du MZab et le site de Noumerat, lancien plan de Tony Socard tant dpass. Alger-Ghardaa:
axe magique sur lequel nous passmes tous de Le
Corbusier Hanning, Hansberger, Ravreau, Manuelle
Roche, et moi, puis tant dautres. Seul Pouillon ne russit
pas le voyage: ce quil construisit au MZab est, pour des
raisons que jai de la peine saisir, de mdiocre qualit.
Si la partie purement urbanistique que nous avions conue
sur le modle des mthodes dAlger revient essentiellement Hansberger et moi-mme, Ravreau nous apporta
sa sensibilit pour llaboration de deux plans de dtail,
lextension de Beni-Isguen et lamnagement du Champde-Manuvre. Pour ces plans (qui furent publis dans
les Cahiers de lONRS), il inventa une mthode nouvelle,
en remplaant lpannelage des volumes que nous
avions mis au point Alger, par un pannelage des rseaux
visuels: tracs des vues et des perspectives dfinissant des
zones de pleins et de vides.
Dans le plan durbanisme, nous avions opt pour une
occupation des sites de relief, pour protger la valle
(les palmeraies, les territoires habous) des extensions

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rolifrantes. Par la suite Ravreau contesta cette option,


p
considrant quil restait beaucoup despaces raisonnablement possibles investir mais, aujourdhui, la valle a t
sature sans discernement; le MZab de notre souvenir est
perdu.
En 1965, je croisai dans lascenseur de lAro-habitat un
haut fonctionnaire du ministre des Postes qui me proposa
(entre le rez-de-chausse et le dixime tage) dtudier
trois btiments des Postes dans le sud: Ghardaa, Berriane
et Touggourt. Je proposai Ghardaa Ravreau, qui put
enfin se remettre larchitecture, Berriane mon ami
Ren Froidevaux, venu de Suisse travailler avec moi, et je
gardai Touggourt, o je repris lide des murs masques
invente par Ravreau.
La poste de Ghardaa tait implante langle du Champde-Manuvre ( deux pas de la belle maison que nous
occupions l-bas) et sinscrivait dans le plan damnagement tabli par Ravreau. Lorsque Pouillon vint, quelques
annes plus tard, y construire, il ne tint aucun compte de
ce plan. Ravreau naimait pas Pouillon, Pouillon ignora

Ravreau. Dans ce cas particulier, ctait Ravreau qui avait


raison.
Dans la puret de son concept, Ravreau rejette toute
monumentalit; la monumentalit est une expression de
pouvoir, elle va forcment dvoyer une architecture dont la
mesure est celle de lchelle humaine et du geste btisseur.
Chez Pouillon, limbrication de lespace urbain, lchelle
de lhomme et du monument ou des tracs lchelle de la
reprsentation, est constante, comme cela fut dans toutes
les villes historiques. Lidal dmocratique du MZab ou
des villages traditionnels peut-il apporter une rponse aux
questions contemporaines?
Ces diverses pratiques peuvent nous permettre de soulever quelques interrogations: aujourdhui, en dehors de
la dmarche technocratique qui fait la majorit du cadre
bti mondial (soit dans la mdiocrit anonyme, soit dans
le formalisme spectaculaire des grands architectes),
lorientation imprime par Pouillon et par lagence du
Plan dans le sens de la revalorisation urbaine ( laquelle je

Le travail de relev, 1972.

continue dadhrer) et celle de Ravreau dans le sens dun


absolu de vrit, sont peut-tre des indicatifs du futur.
Y aura-t-il un jour une rvolution matriarcale aboutissant
une r-humanisation de la socit?
Y aura-t-il une volution tendant de nouveaux quilibres entre patriarcat et matriarcat pour une meilleure
convivialit?
Pour ceux qui savent voir travers la brume, Andr
Ravreau, qui a toujours t irrductiblement fidle sa
pense, est un phare qui claire la nuit architecturale de la
fin du xx sicle.

54

le mzab
ou
la cohrence de
llment

LGER
E D'A

ROUT

EL ATTEUF

BOUNOURA
BENI-ISGUEN
MELIKA
GHARDAA

EA

OL

LG

E 'E

ED

UT

RO

latelier du
dsert, du
concept
laventure
Philippe Poti

Alors que le Style international tend sa doxa sur la


plante, quelques architectes laborent, aux marges de
lempire et loin des regards mdiatiques, des alternatives qui vont, dans les dcennies suivantes, reconstruire une problmatique du lieu dans un rapport plus
dialectique au site et son histoire.
La tentation du dsert sera prouve par beaucoup darchitectes aprs la Seconde Guerre mondiale. Dans lanarchie
btisseuse des Trente Glorieuses, les valeurs transmises par des gnrations darchitectes sont mises rude
preuve. La grande machine qui assure la migration de la
campagne vers la ville nhsite pas faire de la mgapole
naissante un vaste camp de transit o les architectes vont
rapidement tre dbords par la pression immobilire.
Dans ce contexte, quelques-uns vont estimer que leurs
trajectoires les destinent conserver lhritage culturel
qui leur a t transmis, en mettant en exergue ses valeurs
thiques autant questhtiques. Cette attitude aristocra-

Medersa de Bounoura (Algrie), croquis de


lintrieur de lcole, 1962.

tique, voire chevaleresque, sera notamment celle dun


Wright ou dun Hassan Fathy qui ouvriront la voie une
seconde gnration plus radicale en Amrique autour
de Bruce GoV, Paolo Soleri ou Samuel Mockbee et des
mouvements comme Advocaty Planning, Rural Studio ou
en France Craterre. En 1964 sera publi aux tats-Unis le
livre culte de cette priode, Architecture sans architectes de
Bernard Rudofsky.

de larchitecture internationale lhabitat


vernaculaire mozabite

Le retour au dsert renvoie depuis des temps immmoriaux au besoin tout la fois dchapper au dogme et de
revenir par la mditation au fondement du rapport de
lhomme son environnement. Depuis le monachisme
le plus ancien, la mise distance de la pense dominante
reprsente la dmarche premire de celui qui veut rinterroger les fondements de sa connaissance. Le choix
porte alors sur deux figures possibles, celle de lanachorte
qui rclame la solitude absolue ou celle du cnobite qui
recherche au contraire la construction communautaire.
Cest la seconde que retiendra Ravreau. Les mouvements
communautaires qui dvelopperont leurs exprimentations sur le plateau du Larzac dans les annes soixantedix en France, ou dans le dsert de lArizona, ont rendu
clbre, parfois jusquau galvaudage, cette recherche
teinte dutopie. Les dmes de Drop City, les constructions
en terre du Nouveau-Mexique, Arcosanti de Paolo Soleri
ou les facties radioconcentriques dAuroville mettent en
action, derrire leurs masques, la volont de reconstruire

un tissu social en train de se dchirer. travers ses drives


mmes, de telles tentatives rappellent quil sagit de puiser
dans lnergie du groupe une puissance de refondation
sociale et morale. Le rite communautaire dlivre en eVet
cette capacit tonnante penser diVremment et librement quun Roland Barthes rendit clbre en revenant
la notion, aux consonances religieuses, de sminaire.
Cette pense travers et par le groupe, Andr Ravreau
lavait initialement exprimente au sein des ateliers des
Beaux-Arts. Il en connaissait les vertus (comme les vices).
Cette attitude va se manifester par un retour aux valeurs
fondatrices du lieu. Wright prend pied dans le dsert en
rinterrogeant la corporit du rayonnement solaire
qui nest plus une entit conceptuelle mais une source
matrielle dnergie qui le conduit la ralisation de ce
qui peut tre considr comme la premire maison
solaire, la maison Herbert Jacob Middelton en 1943.
Pareillement, les cailloux du dsert linvitent promouvoir un bton de site, sorte dappareillage cyclopen de
pierre et de ciment. Hassan Fathy a, dans une dynamique
similaire, rendu clbre la construction en brique crue du
dsert gyptien.

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le dsert: des pionniers


la rvolution populaire

Si lattention la culture de lOrient renvoie un fond


ancien que peintres, crivains mais galement, ingnieurs et architectes ont rgulirement mis lhonneur,
celle-ci prend des formes trs spcifiques dans les annes
19451950. Dans le groupe perrtiste, lexprience du

il ma paru naturel dutiliser la terre, parce quil y avait l une


Sur les projets de villes lorigine de la construction dArcosanti, voir:
Soleri, Paolo, Arcologie, la ville limage de lhomme, Marseille, Parenthses,
1980. Les crits de Soleri ont t rassembls dans What if?, Collected Writings
1986-2000, Berkeley, Berkeley Hills Books, 2002. Samuel Mockbee prsida
au devenir de Rural Studio dont on trouvera lhistorique dans Rural
Studio, Samuel Mockbee and an architecture of decency, New York, Princeton
Architectural Press, 2002.

Rudofsky, Bernard, Architecture without architect, a short introduction to nonpedigreed architecture, New York, Museum of Modern Art, 1964 [nlle dition:
Albuquerque, University of New Mexico Press, 1987]; dition franaise:
Architecture sans architectes: brve introduction larchitecture spontane, Paris,
Chne, 1977.

Hpital dAdrar (Algrie), chantier en terre crue


de Michel Luyckx, 1944.

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dsert est dj fortement constitue. On pourrait attribuer Pierre Dalloz lide mme de crer un atelier
dans le dsert et lon peut imaginer quun tel projet a d
faire lobjet de discussions amicales lagence du Plan.
Paralllement, Luyckx avait construit lhpital dAdrar en
terre ds 1942. Les savoir-faire traditionnels ntaient
pas, comme on pourrait le croire, oublis ou ignors,
ils restaient simplement inemploys, demeurant de
simples objets de curiosit savante aux yeux du milieu
architectural.
Ghardaa quant elle reprsente non seulement un
symbole reconnu de longue date, mais fait dj lobjet
dun travail urbanistique de la part de lagence du Plan. Le
Plan directeur et de dtail durbanisme de la valle du
MZab est tabli entre 1960 et 1962. Cest loccasion du
dpart de Gerald Hanning qui en avait labor les grandes
lignes que Jean-Jacques Deluz, Robert Hansberger et
Andr Ravreau prennent en charge le dossier. Il revient
Ravreau den tudier les dtails et cest cette occasion
quil met au point ses principes dpannelage des pleins et
des vides en fonction desquels il dfinit des perces perspectives. Les conditions sont donc runies, en 1953, pour
que les bouleversements politiques donnent limpulsion
qui manquait et que seVectue le passage lacte.
Les deux ateliers sont crs dans la relation directe
avec les ministres de lInformation et de la Culture
dans un premier temps, puis de lIntrieur dans un
second. Le ministre de lAgriculture, quant lui, aura
une importance de mme nature dans la promotion

des villages populaires o Lauwers, Pedrotti et Houben


entreprendront les premires rexprimentations de
construction en terre.

le classement de la valle du mzab: lopposition


pouillon

Ravreau avait de longue date milit pour un classement


de la valle du MZab sans rencontrer de volont politique suYsamment ferme pour faire aboutir cette procdure. Loccasion du projet de Fernand Pouillon dun
htel sur les hauteurs de Ghardaa servit de dclencheur.
Expliquant aux autorits administratives quil tait impensable que des touristes puissent avoir une vue directe
sur les terrasses des habitations o lusage veut que se
retrouvent les femmes, il obtient, avec le rejet du projet,
le classement de la valle et, dans le mme mouvement,
la cration dun atelier charg de grer ce patrimoine (et
trs concrtement dinstruire des dossiers de permis de
construire). Le premier atelier est cr en 1970 dans ce
contexte. Ladministration en est confie un jeune architecte frachement dbarqu, Jean-Marc Didillon. Il sera
rapidement remplac, et latelier connatra une phase de
dclin jusqu ce que le projet retrouve, deux dcennies
plus tard, un nouvel essor pour devenir, sous la direction de Zouhir Ballalou, un outil performant au cur de
la vie sociale du MZab. Face aux rsistances rencontres,
Andr Ravreau dcide de proposer au ministre de lIntrieur la cration dun second atelier baptis tablissement
rgional saharien darchitecture, durbanisme et denvironnement (ersaure). Un fonctionnaire de ce ministre,

e main-duvre qui savait utiliser ce matriau.


Cet hpital constitue un projet de rfrence en matire darchitecture. Il
sagit en eVet de lune des premires synthses opres entre architecture
moderne et techniques traditionnelles. Il est aujourdhui question de transformer cette structure sobre en pis qui a fait ses preuves en termes de solidit,
dadaptation au climat et de fonctionnalit en muse. Cet exemple permet
ainsi dapprhender plus clairement certains aspects du contenu thorique de
la filiation qui sest opre entre Perret, Luyckx et Ravreau.
Sur les ralisations de Pouillon en Algrie, voir Malverti, Xavier, La
saga algrienne, in Fernand Pouillon, architecte mditerranen, Marseille,
Imbernon, 2001, pp.62-77.

Jean-Marc Didillon sera le premier directeur de lAtelier des Monuments


historiques au MZab. Il rendra compte de son exprience dans Habiter le dsert
(Donnadieu, Catherine et Pierre, Didillon, Henriette et Jean-Marc, Habiter
le dsert, les maisons mozabites, recherches sur un type darchitecture traditionnelle
pr-saharienne, Bruxelles, Mardaga, 1977).

Village terre de LIsle dAbeau, esquisse de plan,


rez-de-chausse et tage, 1981.

Si Nat Ali, va favoriser cette cration. Compos de cinq


architectes aids chacun de deux assistants tudiants, ce
dernier verra se succder une centaine de jeunes stagiaires
venus de Belgique, de Suisse ou de France. Les tudiants
algriens sont trs peu nombreux, dans un premier temps,
participer cette exprience, le directeur administratif stant oppos la venue dtudiants de lcole polytechnique darchitecture et durbanisme (epau). Le contact
avec lcole sera en revanche tabli lors des missions pour
lUnesco quelques annes plus tard, corrigeant en quelque
sorte ce rendez-vous manqu.
On remarque que les tudiants belges de La Cambre de
Bruxelles sont particulirement actifs au cours des annes
soixante dans les mouvements alternatifs. Philippe
Lauwers tmoigne de ces annes de contestations qui
prfigurent le mouvement de mai 68. Mais il nest pas le
seul. Maurice Culot, par exemple, se rend aux tats-Unis
pour suivre lexprience de Paolo Soleri. la suite de
Philippe Lauwers, des tudiants viendront de Belgique,
comme Fabienne et Gildo Gorza, Michel Meert, Michel de
Visscher et Michel Boursey de France. Ce fut le cas galement de Hugo Houben, jeune ingnieur, qui fut appel
pour participer la construction des villages populaires. Le hasard fera que Patrice Doat croise ce dernier
Alger, donnant le point de dpart de lexprience de
lquipe Craterre dont les chantiers-coles se sont depuis
multiplis de par le monde. Le village terre de LIsle
dAbeau, pilot par Craterre, par un retour de llve au
matre, invitera Andr Ravreau soumettre un projet qui

60

Village terre de LIsle dAbeau, esquisse coupe,


1981.
Andr Ravreau sur la place de Ghardaa, 1962.

ctoiera luvre dun autre architecte qui fut son lve au


MZab, Gilles Perraudin. Dune certaine manire, le projet
des Grands Ateliers Villefontaine o tous ces acteurs se
retrouvent aujourdhui peut tre considr comme lmanation de ce groupe.

une architecture partir de llment

61

Lorsquil arrive Ghardaa, la premire dmarche qui


est propose au jeune tudiant consiste se rendre chez
un tailleur pour se constituer une garde-robe: djellaba,
gandoura, sarouel (qui facilite la station assise en tailleur).
Ainsi lintroduction larchitecture commence par la
dcouverte du vtement. Adapt au climat, ce dernier
raconte par lexprience du corps la premire leon
darchitecture quAndr Ravreau cherche transmettre:
Il ny a pas de raison que ce vtement qui tabrite soit
dplaisant. Une gandoura nest pas l pour faire le malin,
ni pour servir Dieu, elle est l pour te protger de lardeur
du soleil avec la ventilation quil faut. En plus, a va te
donner des jolis plis, des lgances. Loin des questions de stylistique, il sagit dapprendre couter les
respirations de lespace, la cadence du pas, lampleur dun
mouvement, la chorgraphie des gestes, la majest dune
dmarche, la grce dun pli. Lhabit peut tre le matre
silencieux et inXexible de cet apprentissage droutant
pour liniti qui apprend lentement comprendre lespace
au travers de ce registre simple. La prise dhabit ritualise cette entre dans lanalyse architecturale. Il ne sagit ni
de sectarisme, ni de bizutage estudiantin, mais bien dune
conversion; conversion au lieu et ses qualits qui sont

Les Grands Ateliers, lieu dexprimentation et dinterdisciplinarit, est


un projet conu par Pascal Rollet et Florence Lipsky achev en 2000. Voir:
Intgral Lispky+Rollet Architectes, Grands Ateliers, Paris, Jean-Michel Place,
2003.
Cf. Entretien avec Gilles Perraudin, infra, p.176.

galement ses contraintes. Lentement le novice apprend


sasseoir en tailleur. Au bout de quelques semaines, il
nprouve plus aucune gne et peut dcouvrir les relles
dimensions spatiales de lhabitat mozabite.
Ritus, le rite, que lon peut traduire par faire la
manire de ne sapplique pas uniquement au domaine
religieux mais plus gnralement toute attitude base
sur limitation dun comportement. Vivre la manire
mozabite permet dentrer dans un espace ritualis guidant
la dcouverte sans pour autant la diriger. Cet accs la
connaissance par limitation retrouve les plus anciennes pdagogies. Mettre ses pas dans les traces de
ceux qui ont prcd fonde tout accs la connaissance.
Enferms dans le carcan stylistique, les matres des
Beaux-Arts avaient fini par rejeter la question de limitation dans une orthopdie formelle rgulirement dnonce depuis Viollet-le-Duc jusqu Le Corbusier. Il fallait
des ateliers dissidents comme celui de Perret pour imaginer que dautres mthodes dapproche soient envisa-

geables. Ravreau porte son paroxysme lmancipation


rve par ces grands devanciers. Il rejoint sans doute
un matre comme le fut par exemple Lplattenier La
Chaux-de-Fonds dont on sait linXuence quexercrent sur son clbre lve les promenades dans la fort
vosgienne, o lon reconstruisait larchitecture dune
pomme de pin. Dans son Histoire dun dessinateur Violletle-Duc conseillait: Mettre lenfant en face de la nature
en soulevant seulement un coin du voile qui couvre ses
mystres, cest encore le meilleur moyen de dvelopper
son intelligence et de lui donner le dsir dapprendre.
Ravreau retrouve une dmarche similaire expliquant
quon saperoit que des rvlations analytiques se font
jour aprs des annes: Au MZab, cest encore plus vrai
quailleurs. Voil pourquoi je souhaite la cration dateliers rgionaux.
Ravreau entre dans lhabitat mozabite comme dans
un habit. 7mx7m, lhabitacle souvre vers le haut,

lair et la lumire sy distribuent sur deux niveaux. Cest


lunit dhabitation dune famille o domine la prsence
fminine. Tout lment est porte de main. Lespace met
en scne son ergonomie. Edward Hall publiait en 1956
son ouvrage mettant laccent sur la proxmique,
cette trange catgorie de relations spatiales qui passionna
les architectes contemporains. Sorte despace intime
minimal, ce dernier se porte Xeur de peau et se
frotte dautres bulles proxmiques, raconte son auteur,
pour crer les rgles dusage o se fixe le moment de la
rencontre. Ravreau plonge dans cette Xuence despaces intimistes o se cre le lien social, familial, amical,
amoureux. Il montre ce dialogue silencieux des corps rgi
par un espace qui permet lexpression des mille manires dtre ensemble. Il revient souvent sur deux anecdotes qui trahissent ce ballet savant. Sur les terrasses, il
est dusage de ne pas regarder chez son voisin. Le mur
1m40 porte toutes les ambiguts car en baissant un

62

le mzab est prestigieux sans intention


Viollet-le-Duc, Histoire dun dessinateur [1879], Bruxelles, Mardaga, 1978,
p.104.
Ravreau, Andr, Le MZab, une leon darchitecture, Paris, Sindbad, 1981,
p.22 (nlle dition: Arles, Actes Sud/Sindbad, 2003, p.18).
Hall, Edward T., La Dimension cache [1956], Paris, Seuil, 1971.

Andr Ravreau et Philippe Lauwers dans


latelier de la villa Aboulkassem, 1962.
Type de reprsentation thorique fonction
pdagogique.
La hauteur des fentres la Casbah dAlger.

63

peu la tte, le regard peut plonger sur la terrasse contigu. Toute une panoplie de mouvements soVre alors
pour qualifier le rapport que lon entend entretenir avec
le voisinage: distance, respect, indiVrence, convivialit,
amiti, autant de manires de socialiser, de thtraliser la
relation lautre. Seul le regard direct et indiscret obligerait monter le mur de quelques dizaines de centimtres,
retirant du mme coup un peu densoleillement la partie
basse de lhabitation.
Lespace permet galement le jeu. Pour avoir respect avec
trop de rigorisme la sgrgation entre espaces fminins
et masculins dans la villa M., on lui fit comprendre avec
humour, et en toute discrtion, quil avait malencontreusement supprim la subtile et rotique tension qui existait
dans le risque de pouvoir rencontrer par inadvertance une des femmes ou jeunes filles de la maison
devant laquelle on se serait excus ou que lon aurait fait
semblant de ne point voir et qui, elle, sans doute, aurait
aYch une surprise feinte. Andr Ravreau enseigne
cette potique de la maison dont la frontire, jamais bien
ferme, des espaces, exaspre la passion. Il distille ces
leons de lOrient, lentement, ceux qui savent couter.

tradition: une autre lecture du fonctionnalisme

La premire leon du dsert est dordre fonctionnel et


ergonomique. Dans ses ouvrages, Andr Ravreau reviendra de nombreuses fois sur la posture assise et la hauteur
de lil quelle implique, au point que cet il viendra
envahir ses plans et ses coupes. La lecture de larchitecture du Caire suit le fil rouge de cette posture assise

de prestige.
Ravreau, Andr, Roche, Manuelle, Le Caire, esthtique et tradition, Arles,
Actes Sud / Sindbad, 1997.

qui distribue les ouvertures comme les surlvations du


sol. Il laisse percevoir de quelle manire larchitecture
de lOrient se dcouvre dans cette position o lil fait
natre fentres basses et embrasures. Invisible lhomme
du Nord juch sur un sige qui lloigne du sol trop froid,
cet espace compose un jeu destrades qui dcompose le
damier du plan et sa distribution. Dans le cas de la villa
M., plus que pour tout autre projet, Andr Ravreau joue
de ces dispositifs spatiaux pour composer son projet.
Faut-il voir dans cette attention linXuence du fonctionnalisme? Indirectement sans doute. la manire dont Le
Corbusier voque dans son Voyage dOrient ladquation
de la forme et de la fonction des objets traditionnels de

La villa M., Ghardaa, 1968, vue des terrasses


et de laccs de la douira la piscine.

64

projets et
ralisations

135

Les notices de projets ont t ralises suite


des entretiens avec Andr Ravreau en
septembre 2003.

137

Les villages en Grce

Medersa de Bounoura

Localisation: Cphalonie, Grce.


Date: 1954-1956.
Architecte: Andr Ravreau.
Nature de ldifice: Logements.
Client: Ministre franais des AVaires trangres.

Localisation: Bounoura, valle du MZab, Algrie.


Date: 1962 (esquisse).
Architecte: Andr Ravreau.
Nature de ldifice: cole.
Client: Ville de Bounoura.

Juste aprs mon diplme, qui portait sur des maisons individuelles en Normandie, jai t dsign par le ministre des AVaires trangres pour reconstruire deux villages dtruits par un tremblement de
terre en Cphalonie, ainsi quun btiment pour lAlliance franaise
dans la capitale de lle, Argostoli.
cette poque, la notion de situation ntait pas une proccupation
majeure et lon considrait que larchitecture tait internationale
(celle du nord de lEurope, naturellement). On ne ma donc pas pay
le voyage dtude sur le site.
Comme le programme des maisons tait assez restreint, javais prvu
des possibilits dextension en proposant des toitures une pente sur
laquelle auraient pu se greVer des extensions sur trois cts. Seule
la maison de cinq pices comportait deux pentes. Cependant, dans
cette rgion comme dans lensemble des Balkans, les toitures sont
quatre pentes. Les constructions une seule pente taient rserves
aux granges. En Crte, cela neut pos aucun problme car les toitures, souvent en terrasses, peuvent aussi tre une seule pente, pour de
belles et grandes maisons. Lingnieur grec Argyris Redzepis ma aid
faire accepter la disposition une pente.
Bien que les plans aient t des plans-type, lentreprise a accept
dans la mesure o on avait des terrasses existantes la configuration
complexe et dj occupes par des arbres, des puits, etc. de faire
des variantes, en changeant la situation et la position des portes et des
fentres. Nous sommes arrivs ainsi huit variantes.
Les glises ont repris le plan basilical selon la tradition de lle, bien
que la tendance eut t de reproduire le plan cruciforme des glises
no-byzantines, en vogue cette poque. Laccs lenceinte de
lglise comporte un clocher-porche, diVrent naturellement dans les
deux villages, en raison de leur situation.
Les coles sont trs simples, avec leurs praux. Pour unique dcoration, les contremarches des escaliers daccs aux classes ont t revtues de cramiques multicolores.
LAlliance franaise est accessible par deux cts opposs et est prise
entre des terrains mitoyens. Une circulation centrale couvre et distribue dun ct la salle de confrences et de cours, et de lautre le logement de la responsable, galement professeur de franais. Lunique
palmier du terrain a t soigneusement respect et son pied incorpor
dans lamnagement de lescalier daccs. [ar]

Situe alors lextrieur des remparts, la medersa tait nanmoins


contrainte par la proximit dun transformateur.
Les salles de lcole sont distribues et spares par un grand couloir
central clair par une ouverture znithale protge. En fond de
parcours a t prvu un puits de lumire avec des plantations.
La range de classes de gauche ouvre sur une bordure plante et
longe par une galerie ouverte. La range de droite reoit une lumire
haute latrale due la lgre surlvation de la terrasse.
Les terrasses sont accessibles depuis lentre et doivent pouvoir tre
occupes la saison ou aux heures propices, soit le jour en hiver, soit
le soir en t.
Je nai pas pens amnager dikomar faisant prau dans la cour de
rcration, mais si cette cole avait t construite, il aurait certainement t naturellement amnag. [ar]

Le plan durbanisme de Ghardaa (dtail)


Localisation: Ghardaa, valle du MZab, Algrie.
Architecte: Andr Ravreau.
Maquettiste: Daniel Baudet.
Date: 1960-1962.
Nature: Plan de la place du Champ-de-Manuvre.
Client: Organisation commune des rgions sahariennes (ocrs).
La ralisation par Andr Ravreau de plans de dtails dans le cadre
de la planification urbaine de Ghardaa lui permet dexprimenter sa
vision dune architecture situe une vaste chelle. Il met au point
cette occasion une mthode de composition par pannelage sarticulant autour du paysage et du tissu urbain existant.
Jai t appel en 1960 pour terminer le plan de Ghardaa qui avait
t prpar par Gerald Hanning. Le plan directeur tant en ralit
achev, je me suis attel la ralisation des plans de dtails, notamment celui du Champ-de-Manuvre. Jai aussi ralis lextension du
plan de Beni-Isguen. Je nai pas suivi pour Ghardaa les propositions
de Gerald Hanning en ce qui concerne son souci de traverser la place
par une rue principale. Jai considr quil tait prfrable de dgager
seulement les espaces existants pour faciliter les changes et runions
des populations dans un espace pitonnier. Je considrais galement quil tait plus important de conserver de toute part les points
de vue sur le minaret de Ghardaa plutt que de dtruire les perspectives par un pannelage cherchant caractriser les hauteurs des btiments btir selon leur importance dans lespace public. Cest pour
ces raisons que je me suis attach dfinir dabord les points de vue
sauvegarder et les lieux protger par un gabarit qui prenne en considration ces objectifs. Il ne restait plus ensuite qu leur aVecter ldifice le plus appropri. Cest de cette faon qua t conu le projet de la
poste de Ghardaa. [ar]

138

tablissement thermal Hammam Salahine

Localisation: Rgion de Biskra, Algrie.


Date: 1965-1966 (projet non ralis).
Architecte: Andr Ravreau, dans le cadre dune association avec Jean Dubout.
Maquettiste: Daniel Baudet.
Nature de ldifice: Complexe thermal.
Client: Ministre du Tourisme.
Le projet se situe dans une oasis, quasiment en plaine, au sud des
contreforts du massif de lAurs, prs de Biskra, au sein dune palmeraie en milieu dsertique et sur un terrain en lgre dclivit.
La disposition gnrale dcoule de la volont damener leau depuis la
source jusqu ltablissement par la seule gravit, ce qui conduisait
enterrer partiellement le btiment. Dans la mesure o les hauteurs
sous poutres restent relativement peu leves, le complment de
hauteur est obtenu par llvation de votes (prvues en fuses-cramique) et, notamment, au-dessus du grand bassin, par des coupoles leves munies de chemines de ventilation. Pour ces dispositifs,
jai t inspir par les mausoles de Touggourt, ainsi que par Gaud.
Laccs tant trs bas, il ny a par consquent pas de faade, ltablissement se prsentant par sa couverture. Le parvis, lui-mme
en dfoncement, est amnag en gradins et permet loccasion la
prsentation de spectacles improviss.
Une piscine extrieure agrmente le sjour des curistes. Les eaux
uses sont rcupres, toujours grce la pente, pour lirrigation de la
palmeraie existante, qui ne souVre pas de sa composition. [ar]

139

entretien

Place du march et vue sur Ghardaa.

une vrit pour


chaque latitude

Entretien avec Andr Ravreau


ralis par Gilles Perraudin
le mercredi 11juin 2003

Gilles Perraudin: Cest en 1949, que tu vas pour la premire fois en


Algrie. Tu te rends dans le MZab ce moment-l?
Andr Ravreau: Jtais all en Algrie pour faire la place
chez Michel Luyckx qui tait dailleurs de lobdience de Perret.
Avec largent que Serge Walrand et moi avions gagn, nous avons
fait un voyage, cest l que jai dcouvert le MZab. Je navais
mme pas connaissance de son existence.
gp: Le Corbusier ne sy tait-il pas dj rendu?
ar: Si, il y tait all mais je nen savais rien.
gp: Lorsque tu dcouvres le MZab pour la premire fois, celui-ci tap
parat-il dj comme une rfrence importante?
ar: Venant de ma Normandie, je suis arriv dans le dsert
Ghardaa. Ctait lt. On avait fait le voyage en autocar travers
la piste car il ny avait pas encore de route. Ctait ramadan pardessus le march ce qui fait quon est arrivs Ghardaa au toutpetit matin ou mme peut-tre encore dans la nuit, on a trouv
un htel, on sest rveills midi et quand on a ouvert les volets,
on a t blouis par cette lumire blanche. Comme au fond le
disait Hassan Fathy, il faut connatre un pays lacm de sa
temprature, de son climat. Jai donc connu le Sahara midi
en t. Ensuite, jai dcouvert les choses normales, ce pays qui
tait sec, puis les seuls lments de dtail assez marquants, les
gargouilles et les seguias verticales qui taient l pour travailler
le jour ou lanne o a tomberait; des terrasses, des parapets,
tout cela fait pour le sec.
gp: Quelle premire leon en as-tu tire?
ar: Venant de Normandie, je me suis aperu et je lai reproch lducation que javais reue , quon ne mavait jamais
dit que la Normandie, ctait lhumide. Je lavais compris peu
prs parce quune ferme normande dans son clos est un long
btiment orient au sud sans profondeur, protg de louest au
besoin par des revtements de bois ou de chaume. Jai au fond
compris larchitecture vernaculaire en voyant le MZab. partir
du MZab, jai compris le reste. Je ny suis pourtant rest que
huit jours cette fois-l, mais en huit jours jai peut-tre acquis la
moiti de ma connaissance.

gp: Tu veux dire que latelier Perret dont tu dis pourtant que ctait
un atelier qui correspondait ce que tu cherchais en architecture ,
ne dispensait pas lenseignement souhait?
ar: Le vernaculaire ntait pas laVaire de Perret. Si javais des
reproches faire, ce serait mon atelier de Rouen puisquil avait
lavantage dtre un atelier de province; son rle aurait d tre
dexpliquer le site mais ces ateliers de province ne donnaient pas
une ducation rgionale sappuyant sur les spcificits locales.
Cest le contexte de cette priode et cest ce qui explique mon
sens la position de Le Corbusier. cette priode-l rgnait
lacadmisme lcole des beaux-arts dans le sens monumental,
le mode de reprsentation, etc. Mais ceux qui faisaient du rgional taient tout aussi acadmiques parce quils ne prenaient pas
du rgional sa qualit climatique qui avait impos les objets, ils
nen prenaient que des aspects futiles et folkloriques. Au fond,
un homme comme Le Corbusier qui, avec son voyage travers la
Mditerrane, a tellement compris cet hritage, ne pouvait pas
tre rgionaliste puisquil luttait contre lacadmisme. Ainsi, le
MZab ma fait comprendre ce qutait la condition locale alors
quelle ntait absolument pas prsente dans lducation que lon
recevait ni non plus dans ltat desprit de la rXexion architecturale du moment.
Il y a quand mme un phnomne dont il est important de
prendre conscience: cest que cette rfrence la climatique est
importante pour les rgions du sud. Parce que les gens du Nord,
eux, sont toujours satisfaits de leurs conditions. En ralit, larchitecture dite moderne est une architecture du Nord. Faire de
grandes baies pour prendre de la lumire. De ce point de vue les
gothiques taient dj vernaculaires.
gp: Bien que Le Corbusier se soit inspir de toute la Mditerrane pour
inventer cette architecture
ar: Lui, je dirais, sest radapt. Mais, dune manire gnrale, ce qui dominait lexpression architecturale dite moderne
reste une volont hgmonique. a continue parce que les mises
au point des matriaux et des techniques du Nord se rpandent partout. Mme au MZab, certaines maisons, quand jy suis
arriv, avaient dj eu des fentres qui ntaient jamais ouvertes parce que a navait aucun sens; elles navaient pas besoin
de fentre. linverse je continue masseoir en tailleur parce
que jai reu de ce pays lenseignement que quand il fait chaud,
on a tout intrt tre dans cette position. Maintenant, la chaise
sest rpandue travers toutes les latitudes Jai lu une fois un
rapport dun architecte gyptien qui disait quil voulait bien faire
un dcor gyptien sur la faade mais, lintrieur, il fallait vivre
la moderne avec des tables, des chaises alors que pour
moi cest le contraire.

gp: Tu es revenu passer ton diplme aprs cette exprience alg


rienne?
ar: Oui, mais mon diplme je lai fait sur la Normandie. Alors
que justement dans mon deuxime atelier au MZab, il y avait
un tudiant qui voulait faire son diplme sur Ghardaa. Je lui
ai dit tu vas Ghardaa mais tu fais ton diplme sur ce que tu
connais.
gp: Tu es donc revenu en France?
ar: Lanne suivante, on est retourns travailler chez Luyckx.
Avec Pierre Genton, on est redescendus, on est passs
Ghardaa et aprs on est alls faire un voyage entre Tamanrasset
et Djanet pendant vingt-cinq jours dos de chameaux.
gp: Tu es redescendu en Algrie pour travailler Alger toujours chez
Luyckx. Mais l, tu restes une anne environ Alger avant daller en
Grce.
ar: Cest Robert Auzelle qui ma fait la proposition daller en
Grce pour reconstruire deux villages aprs les tremblements de
terre de lle de Cphalonie. Jai accept. Ctait le lendemain de
mon diplme.
gp: Est-ce que lexprience de la Grce tout comme celle du MZab est
une rencontre avec une architecture vernaculaire?
ar: Lorsque jai vu le MZab, jai vu non seulement le ct
vernaculaire mais jai galement constat labsence de monument. Ctait la rvlation: jai trouv une culture, une civilisation dans laquelle il ny avait pas toute cette rXexion
monumentale autour de laquelle, mme si on ne faisait pas un
programme de monuments, finalement lducation tait construite. On le voit dailleurs dans certains livres darchitecture, on commence par des temples grecs, on passe ensuite aux
glises gothiques, puis Versailles pour finir sur lUnit de Le
Corbusier Marseille, tout cela sans se rendre compte quon
a chang de programme. On ne fait pas de diVrence entre la
cathdrale et la cit dhabitation.
Dans le MZab, ce qui ma vraiment frapp, cest le fait que la
mosque ne tranche pas sur la maison ni sur le barrage. Jen
reviens toujours au terme vernaculaire: lorsque jai fait mon
diplme sur la Normandie, je lai fait pour des maisons. Ensuite,
on ma demand de faire des maisons en Grce, et dans le mme
esprit, jai fait les glises.
gp: Paradoxalement, cest par lapproche vernaculaire que tu arrives
tre invit par le gouvernement algrien et deviens architecte des
Monuments historiques.
ar: lindpendance, je suis revenu en France pendant
quelque temps, et puis on ma rappel pour un programme
qui tait un vaste programme de thermalisme, qui finalement
na pas abouti. Dans le mme temps, le directeur de Manuelle
[Roche] qui, elle, travaillait pour larchologie, avait un poste
darchitecte des Monuments historiques vacant et je lai pris. Je
ne suis pas devenu architecte des Monuments historiques parce

162

Barrage de Beni-Isguen.
Melika, vue arienne, 1 juillet 1962.
Cimetire de Sidi Assa.

163

que je mintressais aux monuments mais parce que jestimais


que je pouvais le faire, bien que je navais aucune comptence
historique proprement dite. Cest cette occasion que jai vritablement dcouvert Alger et la Casbah en particulier.
gp: Tu as tudi plus particulirement cette histoire ancienne
dAlger.
ar: Je me suis retrouv avec une architecture vernaculaire qui
tait dautant plus intressante quAlger a t dtruite par un
tremblement de terre en 1756 peu prs la mme poque que
celui de Lisbonne. Il faut savoir quil y a eu alors une reconstruction plutt htive. Et assez tonnamment, cette culture architecturale sest transmise sans modification jusqu la conqute
franaise. Mais au fond, entre 1750 et 1830, il y a un temps court
de soixante quatre-vingts ans durant lequel il y a une reconstruction o ils ont opt pour un systme morphologique. Je ne
sais pas dans quelle mesure il tait hrit, mais ils lont rationalis.
Ainsi jai t frapp par la qualit de prcision extraordinaire
dune fentre. Tant pour le climat que pour le comportement,
jai not que la fentre est trente centimtres du sol parce que
lorsquon est assis en tailleur, cest cette hauteur qui est faite
pour la vue, pour le regard mais aussi pour la lumire. On se
retrouve avec des conditions de rigueur et dconomie constructive qui correspondent au contexte dune architecture populaire,
et en mme temps des exigences climatiques et un certain
type de comportement dont la rponse est le fait du vernaculaire.
gp: De quelle manire associes-tu les notions de vernaculaire et de
populaire?
ar: Tout tourne autour de ce sujet. On confond assez facilement
vernaculaire et populaire. Dune certaine manire, le populaire
est toujours vernaculaire. Cest pourquoi je dis que, par exemple,
une cathdrale gothique est vernaculaire parce quelle est dans
un climat qui rclamait de la lumire et, structurellement, on a
fait ce quil fallait pour que a aille.
Le gothique ce nest pas forcment un style, comme justement
trop souvent on le croit, cest un mode de construction. Cest
larchitecture en ossature. Quand cette architecture arrive
Sville, les Svillans tirent parti de la construction en ossature
mais ils font attention limiter une intensit de lumire dont ils
nont pas besoin. Ainsi, la cathdrale de Sville, les bas-cts
ne sont plus des bas-cts, ils se trouvent quelques mtres du
haut de la nef principale. Cest presque une salle hypostyle. Il
sagit bien darchitecture vernaculaire puisque le gothique a su
sadapter, l, la lumire.

Plan de la mosque de Sidi Okba.


Vue intrieure de la mosqu de Sidi Okba.
gp: Cest quand mme une extension de la dfinition du vernacu
laire. Tu tends la notion de vernaculaire au niveau de ce que lon
pourrait aussi appeler le monument.
ar: Oui, un monument peut tre vernaculaire. Dailleurs, justement cest l que jestime la qualit du monument: cest quil
sait tre vernaculaire. De ce point de vue, je ne suis pas sr que
Saint-Ptersbourg soit lexemple du vernaculaire.
gp: Comment es-tu intervenu sur certains monuments?
ar: Par exemple sur la mosque de Sidi Okba prs de Biskra qui
tait daspect tordu mais que je savais tre intressante et
que le ministre voulait dtruire. Jen avais fait une visite avec
lun des responsables de ce ministre, qui javais expliqu la
qualit de cette mosque parce quelle avait des traves parallles la qibla, la position des fidles en prire. Au moment
de linstitution de la prire Mdine, il y avait le prophte qui
tait adoss un mur de la cour qui sappelle musalla, les fidles
tant devant lui. Alors on a dit: Le pauvre prophte, il va avoir
trop chaud et on lui a construit une trave. Aprs, il a dit:
Que je sois lombre alors que les autres sont au soleil! et
on a construit dautres traves parallles ce mur de qibla. Cest
linstitution de la prire. Trs peu de temps aprs, on a ralis
la mosque qui est Jrusalem. Elle a t construite par des

164

repres
biographiques
1919

29juillet: Naissance Limoges (Haute-Vienne).

1931

Rouen.

1936-1939

tudes lcole des beaux-arts de Rouen.

1939

3 septembre: La France et la Grande-Bretagne


dclarent la guerre lAllemagne. Dbut de la
Seconde Guerre mondiale.

1940

Prisonnier de guerre dans la rgion de Hanovre.

1944

vasion.

1945-1950

Atelier Perret: participe la cration de latelier Lods avec un


groupe de camarades. Travaille chez A.Hermant pour un collge au
Havre, chez P.Nelson sur lhpital de Saint-L, chez A.Ledonn et
P.Pinsard sur une glise.

1945-1948

179

Le Corbusier propose le Plan Obus pour la ville


dAlger et dcouvre le MZab.

8mai: Fin de la Seconde Guerre mondiale.

Hassan Fathy ralise le nouveau village de Gourna


(gypte) en briques de terre crue.

1949

Travaille en Algrie chez Michel Luyckx, lve de Perret. Dcouverte


du MZab avec son ami Serge Walrand.

1953

Diplm des Beaux-Arts.

ix ciam Aix-en-Provence.

1954-1956

Restauration de deux villages sur lle de Cphalonie, en Grce,


touchs par des tremblements de terre. Rencontre avec Manuelle
Roche.

Algrie, 1 novembre 1954: rbellion arme


dclenche par le fln. Dbut de la guerre
dAlgrie.

1954

Intervention de 6mois suite au tremblement de terre dOrlansville.


Plan durbanisme. Rencontre avec De Maisonseul.

Dcs dAuguste Perret.

1955

Mariage avec Manuelle Roche.

Avril: Confrence afro-asiatique de Bandoung


(Indonsie) et naissance du mouvement des
non-aligns.

1957

Naissance de leur fille Maa.

1957-1959

Nouvelle collaboration avec Michel Luyckx: barrage Biskra, cole


aux Annassers.

1959-1961

Architecte conseil auprs de lassociation pour ltude et le


dveloppement de lagglomration algroise, charg notamment de
la Casbah. Travaille lagence du Plan Alger avec Hanning, Deluz,
Hansberger et Dalloz.

1960-1962

Plan directeur de la valle du MZab, plan durbanisme de Ghardaa.

1962

Medersa de Bounoura.

1957-1975: Seconde guerre du Vitnam


impliquant les tats-Unis.

5juillet: Indpendance de lAlgrie.

1963

2juillet: Signature de la premire convention de


Yaound.

1964

Parution aux tats-Unis de Architecture sans


architectes de Bernard Rudofsky.

1965-1966

Projet de sept stations thermales dont le Hammam Salahine.

1965-1971

Architecte en chef des Monuments historiques.

1966
1966-1967

1965: Radi de lordre des architectes franais,


Fernand Pouillon sinstalle en Algrie.
Publication du Voyage dOrient de Le Corbusier.

Projet pour le muse dAlger. Htel des postes de Ghardaa.

Un courant antimilitariste et non violent se


dveloppe en Europe et aux tats-Unis qui
propage des ides libertaires bousculant les
valeurs tablies et permettant lpanouissement
dune nouvelle culture.

1967-968

Villa M.

1969

Sauvegarde de la mosque de Sidi Okba.

1970

Cration de lAtelier dtude et de restauration de la valle du MZab


confi Didillon. Ministre de linformation et de la culture

1970-1971

Conception du centre de sant de Mopti.

1972

Village populaire pour le ministre de lAgriculture (Paul Pedrotti,


Dirk Belmans, Hugo Houben). Atelier dAro-habitat Alger.

1972-1974

Ralisation du centre de sant de Mopti.

Cration du Club de Rome qui uvra pour une


limitation de la croissance et une prservation
de la plante. Mai 68: point dorgue franais des
mouvements de contestation.
Parution de louvrage de Hassan Fathy Construire
avec le peuple et de Librer lavenir de Ivan Illich.
Fondation de la communaut Arcosanti en
Arizona par Paolo Soleri. Parution de Domebook1
et Domebook2. Premires communauts
autoconstruites aux tats-Unis.

1973

Publication de Shelter et de nergie et quit de


Ivan Illich.

1974

Lagronome Ren Dumont se prsente aux


lections prsidentielles.

1973

Cration de ltablissement rgional saharien darchitecture


durbanisme et denvironnement (ersaure).

1975

Publication de Construction en terre par lInstitut


de lenvironnement.

1975-1976

Logements conomiques de Sidi Abbaz.

1976

Esquisse, dans le cadre dersaure, pour un internat Ouargla. Atelier


en Ardche avec les tudiants et enseignants de lcole darchitecture
de Grenoble.

180

1978

Publication de Archi de terre et de Archi de soleil


aux ditions Parenthses.

1979

Publication de Construire en terre aux ditions


Alternatives.

1980

Projet pour linternat dun lyce technique Ouagadougou (non


ralis). Prix Aga-Khan darchitecture islamique pour le centre de
sant de Mopti.

1981

Parution de Le MZab, une leon darchitecture.

1981-1984

Ralisation dhabitations dans le cadre du Village terre de LIsle


dAbeau.

1982-1986

Lyce franais de Nouakchott.

1983

Mdaille dargent de lurbanisme pour lensemble de son uvre,


Acadmie darchitecture, Paris.

1985-1993

Architecte conseil au caue de Lozre.

1987

Projet pour lambassade de France en Ouganda (non ralis).

1989

Parution de La Casbah dAlger, et le site cra la ville.

1990

Projet pour le muse de lAcropole Athnes (non ralis).

1994

Article Patios dans Architecture mditerranenne, n42. Article


Les portiques de Berchlas dans Architecture mditerranenne,
n44. Album de recommandations architecturales, dcembre 1994 en
Lozre.

1995

Article Portes en Tunisie dans Architecture mditerranenne, n45.

1997

Parution de Le Caire, esthtique et tradition, en collaboration avec


Manuelle Roche.

1998

Dbut de la construction dune maison en Grce.

2003

Nouvelle dition de Le MZab.


Parution de Le sens et lquilibre, Chapiteaux du monde Mditerranen.

bibliographie
Publications dAndr Ravreau
Ouvrages
Andr Ravreau, Captifs, Dessins dAndr Ravreau excuts pendant
sa captivit, de 1940 son vasion, gravs par Raymond Haasen,
18gravures avec un avant-propos de Georges Duhamel, Paris,
Horizons de France, s.d.
Le MZab, une leon darchitecture, Paris, Sindbad, 1981 (nouvelle
dition: Arles, Actes Sud/Sindbad, 2003).
La Casbah dAlger, et le site cra la ville, Paris, Sindbad, 1989.
Le Caire, esthtique et tradition, en collaboration avec Manuelle Roche,
Arles, Actes Sud/Sindbad, 1997.
Le sens et lquilibre, Chapiteaux du monde mditerranen,
BezetEsparon, tudes et Communication, 2003.

181

Articles
Andr Ravreau et Pierre Genton, Le MZab, une leon darchitecture, Techniques et architecture (Paris), 10srie, n7-8, juillet
1951.
Jean-Jacques Deluz, Robert Hansberger, Andr Ravreau, Urban
plan and architecture in valley of MZab (version bilingue, grecque
et anglaise), in Ekistics, reviews on the problems and science of human
settlements, New York, United Nations Committee on Housing,
Building and Planning, volume17, avril 1964, pp.259-267.
Andr Ravreau, Manuelle Roche, Les enseignements de la tradition,
la tradition te rend compte de ce quelle a dj trie, Architecture
mditerranenne (Marseille) n35, octobre 1990, pp.54-59.
Patios, Architecture mditerranenne (Marseille), n42, 1994,
pp.48-51.
Maroc, les portiques des Berchlas, Architecture mditerranenne
(Marseille), n44, 1994, p.37.
Portes en Tunisie, Architecture mditerranenne (Marseille), n45,
1995, pp.45-47.
Apprendre de la tradition, Techniques et Architecture (Paris), n345,
dcembre 1982 - janvier 1983, pp.75-76.

La modernit contre la ville mditerranenne, Les identi


ts de la ville mditerranenne, Montpellier, cole darchitecture
LanguedocRoussillon, 1993, pp.184-194.
Mesures de lhomme et reprsentation, labri ou le temple, Poesis
(Toulouse), n1, 1994, pp.59-68.
Architecture vernaculaire et eVets plastiques, Poesis (Toulouse),
n3, 1994.
Pour une architecture situe, Poesis (Toulouse), n4, 1996,
pp.211-214.
La cohrence, Poesis (Toulouse), n9, 1999, pp.229-236.
En architecture quest-ce que le temps?, Poesis (Toulouse), n11,
2000, pp.59-68.
Rapports
Opration de sauvegarde et de restauration du Bastion23, Alger,
Organisation des Nations unies pour lducation, la science et la
culture, programme des Nations unies pour le dveloppement,
Paris, 1981, n de srie fmr/cc/ch/81/210 (undp) (pp).

Critiques

LArt sacr (Paris), n1-2, septembre-octobre 1951, pp.13-15 (projet


dglise).
LArchitecture franaise (Paris), n191-192, 1958, Architecture religieuse, p.78 (glises de Cphalonie).
Techniques et architecture (Paris), 18srie, n1, mars 1958 (logements
et glises de Cphalonie).
Cahiers du centre scientifique et technique du btiment (Paris), n64,
octobre 1963 (Valle du MZab).
Cahiers du centre scientifique et technique du btiment (Paris), n90,
fvrier 1968 (Htel des postes de Ghardaa).
Techniques et architecture (Paris), 29 srie n2, avril 1968, pp.87-89
(projet des thermes de Biskra, maquettes).
Architecture dAujourdhui (Paris), n140, avril 1968 (poste de
Ghardaa).
Architecture Form Fonction, 1968, pp.147-151 (poste de Ghardaa).
Recherche et architecture (Paris), n2, 1970, pp.7-18 (Maison
Ghardaa).
Techniques et architecture (Paris), 18srie, n329, Algrie, mars
1980 (les projets de Ghardaa).

Frdric Edelmann, Architecture en Algrie, lurgence et la tradition, Le Monde (Paris), jeudi 24avril 1980 ( propos du numro de
Techniques et architecture consacr lAlgrie).
Frdric Edelmann, Quinze laurats pour le prix Aga-Khan, Le
Monde (Paris), vendredi 31octobre 1980.
Recherche et architecture (Paris), n42, 1980, pp.9-12 (sur Mopti).
The Architectural Review (Londres), n1005, novembre 1980, pp.282283 (Medical Center, Mopti, Mali).
Architectural Record (New York), n11, novembre 1980, pp.122-123
(Mopti, Mali).
Domus (Milan), n612, dcembre 1980, p.11 (Mopti, Mali).
Des architectures de terre, Paris, Centre Georges Pompidou, 1981
(projets de Mopti et Zeralda).
Bulletin dinformations architecturales (Paris), n69, juin-juillet 1982
(au sujet de la publication de Le MZab, une leon darchitecture).
Frdric Edelmann, La chasse au lion, Le Monde (Paris), 30aot
1982 ( propos de Le MZab, une leon darchitecture).
Architettura nei paesi islamici, secunda mostra internazionale di
architettura, Catalogue de la Biennale de Venise, Venise, Marsiglio,
1982, pp.178-181.
Renata Holod, Darl Rastofer (eds.), Medical Centre, in Architecture
and Community, New York, Aperture, 1983.
Mimar, architecture in developement, (Singapour), n14, 1984 (Medical
assistance clinic, Mopti).
Jean-Pierre Proncel-Hugoz, Les alcves de la Casbah, Le Monde
(Paris), 10mars 1990 ( propos de La Casbah dAlger, et le site cra la
ville).
Jean-Louis Izard, Architecture dt, Aix-en-Provence, disud, 1993
(citation des projets dAndr Ravreau).
Amar Iguedef, Monographie dAndr Ravreau, mmoire de matrise
en histoire darchitecture moderne, sous la direction de Grard
Monnier, universit Parisiv, 1996.
Frdric Edelmann, Une cit la lumire de lhistoire, Architecture
dAujourdhui (Paris), n315,fvrier 1998 ( propos de Le Caire, esth
tique et tradition).
Jean-Pierre Proncel-Hugoz, Dans le creux des dunes du Sud algrien, Le Monde (Paris), 21juillet 2003.

182

les auteurs
Zouhir Ballalou est natif de Ghardaa. Architecte, sa thse porte sur un
projet dhabitat au MZab. Directeur de lOYce de protection de la valle du
MZab depuis 1993, il sattache faire connatre et reconnatre la valeur de
ce patrimoine tout en travaillant sa protection et sa valorisation travers
de nombreux projets lchelle nationale et internationale, notamment
dans le cadre de lUnesco, de lIcomos ou dEuromed.
Rmi Baudou est docteur en histoire politique de linstitut dtudes politiques de Paris et docteur en urbanisme de linstitut durbanisme de Paris.
Il est professeur des universits linstitut durbanisme de luniversit de
Grenobleii Sciences sociales et professeur invit linstitut darchitecture
de luniversit de Genve. Il a notamment publi: Raoul Dautry, 1880-1951,
le technocrate de la Rpublique, Paris, Balland, 1992.
Rabia Bekkar est socio-anthropologue, matre de confrences lUniversit de Parisx-Nanterre. Elle a t professeur invite luniversit de
Georgetown (Washingtondc). Elle a notamment publi Espaces publics,
paroles publiques, Paris, LHarmattan/cnrs, 1997, Familles maghrbines en
France: lpreuve de la ville, Paris, Presses universitaires de France, 1999.
Jean-Jacques Deluz est architecte. Il a notamment travaill Alger et
se forme lurbanisme lagence du Plan dAlger avec Gerald Hanning,
auquel il succde en 1959. Il ouvre alors sa propre agence, puis enseigne larchitecture, de 1964 1988. Quittant lAlgrie en 1993, il y revient
en 1997, o il travaille pour le gouvernorat dAlger et projette la ville
nouvelle de Didi Abdellah. Il a notamment publi LUrbanisme et larchitec
ture dAlger, Bruxelles, Mardaga, 1988 et El Djezar, Chronique urbaine, Alger,
Bouchne, 2001, Les Voies de limagination, Alger, Bouchne, 2003.
Lela el-Wakil est diplme de lcole darchitecture de luniversit de
Genve et docteur s Lettres de luniversit de Genve. Elle est matre
denseignement et de recherche lUniversit de Genve, rattache la
facult des Lettres (dpartement dhistoire de lart) et linstitut darchitecture (dea Sauvegarde du patrimoine bti). Elle a notamment publi Btir
la campagne, Genve 1800-1860, Genve, Georg, 1988-1989, Jean-Daniel
Blavignac 1817-1876, Carouge, 1992, Lman 1900, morceaux choisis darchitec
ture, Genve, Georg, 1994.

Philippe Lauwers, premier des compagnons de voyage dAndr Ravreau,


fut de tous les projets et de toutes les preuves. De la poste de Ghardaa au
centre de sant de Mopti en passant par la poste de Guerrara, dont il porte
le projet autant que la ralisation, il fut celui qui donna corps aux projets.
Andr Ravreau lui ddie son premier ouvrage Le MZab, une leon darchi
tecture.
Gilles Perraudin, architecte, rejoint Andr Ravreau lAtelier du MZab
en 1976. Diplm de lcole darchitecture de Lyon en 1977 il y enseigne
jusquen 1981. Associ Franoise-Hlne Jourda, il participe la construction du village en terre de LIsle dAbeau entre 1981 et 1984. En 1987,
il obtient le prix spcial du jury de lquerre dArgent pour lcole darchitecture de Lyon. Depuis 1996, il est professeur lcole darchitecture
Languedoc-Roussillon. Membre de lAcadmie darchitecture, il fonde en
1999 lAcadmie de la pierre dont il assure la prsidence.
Jean-Pierre Proncel-Hugoz est grand-reporter pour le journal Le Monde,
ancien correspondant en Algrie. Il a publi de nombreux ouvrages consacrs lislam ou au Sud dont notamment Assassinat dun pote, Marseille,
Jeanne LaYtte, 1983, Villes du Sud [1990], Paris, Payot, 2001, Le fil rouge
portugais: voyages travers les continents, Paris, Bartillat, 2002.
Antoine Picon est ingnieur, architecte et docteur en histoire. Il est
professeur dhistoire de larchitecture et des techniques la Graduate
School of Design de luniversit Harvard. Il a notamment publi
Claude Perrault, 1613-1688, ou la curiosit dun classique, Paris, Picard,
1988, LInvention de lingnieur moderne, Paris, Presses de lenpc, 1992,
Lessaintsimoniens: raison, imaginaire et utopie, Paris, Belin, 2002.
Philippe Poti est architecte et docteur en histoire de lart. Il est matre
assistant lcole darchitecture de Grenoble et directeur de lquipe de
recherche Cultures constructives. Il a notamment publi Le Couvent
de la Tourette, le Corbusier, avec Sergio Ferro, Chriff kebbal et Cyrille
Simonnet, Marseille, Parenthses, 1988 et Philibert de lOrme, figures de la
pense constructive, Marseille, Parenthses, 1996.

Manuelle Roche, psychologue clinicienne, photographe et crivain,


fut lpouse dAndr Ravreau pendant prs de dix ans et est reste le
tmoin privilgi de toutes ses uvres construites ainsi que le photographe accompagnant tous ses crits. Elle-mme auteur du premier livre de
photos sur le MZab (Le MZab, architecture ibadite en Algrie, Paris, Arthaud,
1970) ainsi que de plusieurs romans et essais, elle demeure ses cts,
le compagnon attentif de son entreprise pdagogique de publication.
Ses dernires publications: Un jardin parmi les flammes, Paris, Ramsay,
1998, Le MZab, cits millnaires du Sahara, Bez-et-Esparon, tudes et
Communication, 2003, Mer ma mre, Pzenas, Domens, 2003, Le vent
blanc, Pont-Saint-Esprit, La Mirandole, 2003.
Marion Tournon-Branly est la fille du clbre architecte et directeur de
lcole des beaux-arts, Paul Tournon, et la petite-fille de celui qui fut
lorigine du dveloppement de la tsf, douard Branly. lve dAuguste
Perret, cette architecte ouvre son propre bureau en 1956 et enseigne aux
Beaux-Arts, aux coles dart amricaines de Fontainebleau dont elle fut
la directrice et aux tats-Unis. Elle est aujourdhui membre de lAcadmie darchitecture et oYcier des Arts et Lettres.

184

table
Rmi Baudou et Philippe Poti

avant-propos

Antoine Picon

une question dattitude

la formation
Philippe Poti

de latelier perret aux premiers chantiers en grce

17

Marion Tournon-Branly

les tudes lcole des beaux-arts

23

Manuelle Roche

la priode grecque

29

Rmi Baudou

lagence du plan dalger

37

Jean-Pierre Proncel-Hugoz

duo sur un balcon algrien

45

Jean-Jacques Deluz

alger et le plan dalger

49

le mzab ou la cohrence de llment


Philippe Poti

latelier du dsert, du concept laventure

57

Rabia Bekkar

aspects de la vie quotidienne des femmes au mzab

67

Lela el-Wakil

hassan fathy, andr ravreau, destins croiss

75

vers une architecture situe


Philippe Poti

la sortie du dsert: du local au mondial

87

Philippe Lauwers

du bauhaus aux ateliers de site

97

Zouhir Ballalou

la protection de la valle du mzab

113

tmoins
Gabrielle Regamey

une longue relation damiti et de travail

121

Fabienne et Gildo Gorza

un stage de conviction

123

Chhrazade Nafa et Ahmed Koumas

lapprentissage du regard

126

Titane Galer et Hugo Houben

la rvlation du matriau terre

129

Patrice Doat

de lutopie lenseignement

131

projets et ralisations

137

entretien
Andr Ravreau, Gilles Perraudin

une vrit pour chaque latitude

161

repres biographiques
bibliographie
les auteurs

179
181
183

186

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