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Curiosités Infernales by Jacob, P. L., 1806-1884

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The Project Gutenberg EBook of Curiosites Infernales, by P. L.

Jacob

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Title: Curiosites Infernales

Author: P. L. Jacob

Release Date: January 11, 2004 [EBook #10685]

Language: French

Character set encoding: ISO Latin-1

*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK CURIOSITES INFERNALES ***

Produced by Carlo Traverso, Christine De Ryck and the PG Online


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the Bibliotheque Nationale de France (BnF/Gallica) at
http://gallica.bnf.fr.

CURIOSIT�S

INFERNALES

PAR

P. L. JACOB

BIBLIOPHILE

DIABLES, BONS ANGES, F�ES, ELFES, FOLLETS ET LUTINS, ESPRITS


FAMILIERS POSS�D�S ET ENSORCEL�S, REVENANTS, LAMIES, L�MURES,
LARVES, VAMPIRES PRODIGES ET SORTIL�GES, ANIMAUX PARLANTS, PR�SAGES
DE GUERRE, DE NAISSANCE, DE MORT, ETC.

1886

* * * * *

PR�FACE
Simon Goulart en envoyant � son fr�re Jean Goulart un volume de son
_Thr�sor des histoires admirables et m�morables_ lui dit: �Ce sont pieces
rapportees et enfilees grossi�rement ausquelles je n'adjouste presque rien
du mien, pour laisser � vous et � tout autre debonnaire lecteur la
meditation libre du fruit qu'on en peut et doit tirer. Dieu y apparoit en
diverses sortes pr�s et loin, pour maintenir sa justice contre les coeurs
farouches de tant de personnes qui le regardent de travers; item pour
tesmoigner en diverses sortes sa grace � ceux qui le reverent de pure
affection.�

Autant nous en dirons de notre ouvrage. De tout temps il y a eu des


croyants et des incr�dules.

�Les ignorans, dit Bodin[1], pensent que tout ce qu'ils oyent raconter des
sorciers et magiciens soit impossible. Les ath�istes et ceux qui contrefont
les s�avans ne veulent pas confesser ce qu'ils voyent, ne s�achans dire la
cause, afin de ne sembler ignorants. Les sorciers et magiciens s'en moquent
pour deux raisons principalement: l'une pour oster l'opinion qu'ils soyent
du nombre; l'autre pour establir par ce moyen le r�gne de Satan. Les fols
et curieux en veulent faire l'essay.�

[Note 1: En la pr�face de sa _D�monomanie_.]

* * * * *

CURIOSIT�S INFERNALES

LES DIABLES

I.--EXISTENCE DES D�MONS

�Il y en a plusieurs, dit Loys Guyon[1], tant incr�dules de nostre temps,


qui ne veulent croire qu'il y ait des demons ou malins esprits qui habitent
en certaines maisons (qui sont cause que personne n'y peut fr�quenter) ou
par les deserts qui font fourvoyer les voyageurs. Et aussi en d'autres
lieux... Ce qui m'a donn� occasion d'escrire de ces demons, c'est que
lisant le livre du voyage de Marc Paul, Ven�tien, des Indes Orientales, il
escrit d'un desert, qu'il appelle Lop, qui est situ� dans les limites de la
grande Turquie qui est entre les villes de Lop et de Sanchion, qu'on ne
s�auroit passer en vingt-cinq ou trente journ�es, et pour ce qu'il est
n�cessaire � aucuns, pour la n�gotiation qu'ont ceux de Lop avec ceux de
Sanchion ou de la province du Tanguth, de passer par ces deserts, combien
qu'ils s'en passeroyent bien, s'ils pouvoyent, veu les dangers et grandes
difficultez qui s'y trouvent... C'est chose admirable qu'en ce desert l'on
void et oid de jour, et le plus souvent de nuict, diverses illusions et
fantosmes, de malins esprits, au moyen de quoy, ja n'est besoin � ceux qui
y passent de s'eslongner � la trouppe, et s'escarter de la compagnie.
Autrement, � cause des montagnes et costaux, ils perdroyent incontinent la
ve�e de leurs compagnons. Et les appellent par leurs propres noms, feignans
la voix d'aucuns de la trouppe et par ce moyen les destournent et
divertissent de leur vray chemin, et les meinent � perdition tellement
qu'on ne s�ait qu'ils deviennent. On oid aussi quelquefois en l'air des
sons et accords d'instrumens de musique, et le plus souvent des bedons et
tabourins, et pour ces causes ce desert est fort dangereux et perilleux �
passer.

[Note 1: _Diverses le�ons_. Lyon, 1610, 3 vol. in-12, t. II, p. 300


et suivantes.]

�Voil� ce qu'en a laiss� par escrit, Marc Paul qui y a est�, qui vivoit
l'an 1250, je pensoy que ce fussent choses fabuleuses (et controuv�es �
plaisir ou pour quelque autre raison). Mais ayant leu les oeuvres de Teuet,
cosmographe, pour la plus grand part tesmoin oculaire de beaucoup de choses
que plusieurs autheurs ont laiss� par escrit, et entre autres de ce desert
de Lop, je n'ay plus creu que ce fussent fables.

�Que semblables choses ne se voyant ailleurs, il se void en ce qu'on a


escrit de plusieurs grands et illustres personnages qui s'estoyent retirez
aux deserts d'�gypte, comme sainct Machaire, sainct Anthoine, sainct Paul
l'hermite, lesquels ont trouv� tous les deserts lieux pleins de grande
solitude, remplis de d�mons. Comme fit sainct Anthoine qui estant sorti de
sa cellule, ayant envie de voir jour et Paul l'hermite, qui demeuroit en un
desert plus haut que luy trois journ�es, trouva en chemin, une forme
monstrueuse d'homme, qui estoit un cheval, et tel que ceux que les po�tes
anciens ont appel� Hippocentaures. Auquel il demanda le chemin du lieu o�
demeuroit ledict Paul Hermite, lequel parla. Mais il ne peut estre entendu
et monstra de l'une de ses mains le chemin et puis apr�s il s'osta de
devant luy, s'enfuyant d'une grande vitesse. Or si c'est homme estoit point
quelque illusion du Diable, faite pour espouvanter le sainct homme ou si
(comme les solitudes sont coustumieres de produire diverses formes
d'animaux monstrueux) le desert avoit engendr� cest homme ainsi difforme,
nous n'en avons rien de certain.

�Sainct Anthoine donc s'esbahissant de ceste occurrence, et resvant, sur ce


que desja il avoit veu, ne discontinua son voyage, et de passer outre. Mais
il ne fut gueres avant, qu'estant en un vallon pierreux et plein de
rochers, il vid un autre homme d'assez basse stature, mais laid, et
difforme, ayant le nez crochu et deux cornes qui lui armoyent horriblement
le front, et le bas du corps, lequel alloit en finissant ainsi que les
cuisses et pieds d'un bouc. Le vieillard sans s'estonner de ceste forme si
hideuse, ne s'esmouvant d'un tel spectacle, si effroyable, se fortifia,
comme estant bon gendarme chrestien vestu des armes de J�sus-Christ,... et,
voicy ce monstre susdit qui lui pr�senta des dattes et fruicts de palmier
comme pour gage d'amiti� et asseurance. Ceci encouragea ce bon hermite qui,
apprivois� du monstre, s'arresta un peu et s'enquit de son estre et que
c'est qu'il faisoit en ceste solitude, auquel cest animal inconu respondit:
Je suis mortel et un des citoyens et habitans de ce desert, que les gentils
et idolatres aveugles et de�eus sous l'illusion diverse d'erreur, adorent
et reverent sous le nom de faunes, pans, satyres et incubes. Je suis venu
de la part de ceux de ma trouppe, et compagnie vers toy pour te requerir
qu'il te plaise de prier le commun Dieu et Seigneur de nous tous, pour nous
mis�rables, lequel s�avons estre venu au monde pour le salut et rachat de
tous les hommes, et que le son de sa parole a est� sem� et espandu par
toute la terre. Ce monstre parlant ainsi, le voyager charg� d'ans et
v�n�rable hermite Anthoine pleuroit � chaudes larmes, lesquelles couloyent
le long de sa face honnorable, non de douleur, ains de joye.

�En Hirlande, il s'y void et entend des malins esprits parmi les montagnes,
et combien qu'aucuns disent que ce ne sont que des fausses visions qui
proviennent de ce que les habitans usent de viandes et breuvages vaporeux,
comme de pain faict de chair de poisson sech�. Et leur boire sont bieres
fortes. Mais i'ay sceu (asseurement) des Anglois qui y ont demeur� quelques
ann�es, qui vivoyent civilement et delicatement, qu'il y avoit des esprits
malins parmy les montagnes, lesquels molestent par leurs fa�ons de faire et
font peur aux voyageurs soit de jour et de nuict.

�Plusieurs autres d�mons luy ont donn� de grandes fascheries en son desert,
lui jettans sur son chemin des vaisselles d'or et d'argent, lesquelles
choses il voyoit soudain s'esvanouir.�

�Les Arabes qui, commun�ment voyagent par les deserts de leurs pays, y
voyent des visions espouvantables et quelquefois des hommes qui
s'esvanouissent incontinent, entre autres Teuet atteste avoir ouy dire � un
truchement arabe qui le conduisoit par l'Arabie d�serte nomm�e Geditel,
qu'un jour conduisant une caravanne par les deserts du royaume de
Saphavien, le sixiesme de juillet, � cinq heures du matin, luy Arabe et
plusieurs de sa suite ouyrent une voix assez esclattante, et intelligible
qui disoit en la mesme langue du pays: Nous avons longuement chemin� avec
vous. Il fait beau temps, suivons la droitte voye. Avint qu'un folastre
nomm� Berstuth, qui conduisoit quelques trouppes de chameaux, qui
toutesfois n'apercevoit homme vivant, la part d'o� venoit ceste voix,
respond: Mon compagnon, je ne s�ay qui tu es, suy ton chemin. Lors ces
paroles dites, l'esprit espouvanta si bien la trouppe compos�e de divers
peuples barbares qu'un chascun estoit presque esperdu, et n'osoyent � grand
peine passer outre.

�J�sus-Christ fut tent� au desert par le malin esprit.

�Et voil� comme l'on peut recueillir que ce ne sont fables (de dire) qu'il
y a des esprits malins par les deserts; et qu'il semble que Dieu permet
qu'ils habitent plus tost en ces lieux escartez que l� o� demeurent les
hommes � fin qu'ils n'en soyent si commun�ment offensez. Comme fit l'ange
Raphael duquel est parl� en la saincte Escriture, au livre de Tobie, qui
confina le demon qui avoit fait mourir sept maris � la fille de Raguel aux
deserts de la haute Egypte.

�D'autres d�mons fr�quentent la mer et les eaux douces, et dans icelles, et


causent des naufrages aux navigeans et plusieurs autres maux, et y
apparoissent des phantosmes. Et d'iceux esprits, comme escrit Torquemada,
il s'en void journellement sur la rivi�re Noire, en Norvege, qui sonnent
des instrumens musicaux et lors cest signe qu'il mourra bien tost quelque
grand du pays. J'ay veu et fr�quent� avec un Espagnol qui par tourmente de
mer fut jett� jusques aux mers, qui sont environ les terres du grand Khan
de Tartarie, qu'il a veu souvent en ces r�gions-l� de ces phantosmes tant
sur mer que sur terre, notamment aux grandes solitudes de Mangy et deserts
de Camul, et choses si estranges que je ne les auseroy mettre par escrit,
de peur qu'on ne les voulust croire.

�Quelqu'un pourra objecter qu'il n'est pas vraysemblable que les demons qui
sont aux deserts de Lop, et d'ailleurs appellent les voyageans par leurs
noms, d'autant qu'iceux n'ont organes pour pouvoir parler suivant ce que
J�sus-Christ dit que les esprits n'ont ni chair ni os. Je respon, suivant
en l'opinion de S. Augustin, S. Basile, Coelius Rodigin et Appul�e, que les
anges se peuvent former des corps aeriens, de la nature la plus terrestre,
et par le moyen d'iceux parler comme firent ces trois anges qui apparurent
� Abraham. Et l'ange Gabriel, qui annon�a la conception de J�sus-Christ �
la Vierge Marie. Et que les demons s'en peuvent aussi forger non pas d'une
matiere si pure, mais plus abjecte.

�J'ay parl� d'un monstre chevre-pied qui apparut � sainct Anthoine, que je
pense avoir est� engendr� par le moyen de Satan, d'autre fa�on que les
autres demons. Neantmoins il requit ce sainct personnage de prier Dieu pour
luy et pour d'autres monstres habitans ce desert. Son corps n'estoit point
a�rien mais charnel, comme ceux des boucs. Il fut prins et men� tout vif en
Alexandrie vingt ans apr�s, au grand estonnement de tous ceux qui le
virent, et combien qu'on le voulust nourrir curieusement quelques jours
apr�s sa prise il mourut, et son corps fut sal� et embaum� et puis port� �
Antioche et pr�sent� � Constantin, fils du grand Constantin.

�Lycosth�ne escrit estre avenu � Rotwille en Alemagne, l'an de gr�ce 1545,


que le diable fut veu en plein midi allant et se pourmenant par la place:
cest ici que les citoyens s'effroy�rent, craignans qu'ainsi qu'il avoit
fait ailleurs, il ne bruslast toute la ville. Mais chascun s'estant mis en
devotion de prier Dieu, et ordonner des jeunes et aumosnes, ce malin esprit
lors s'en alla, et ja�oit que le diable vienne peu souvent vers nous si est
ce que Dieu le souffrant, il n'y vient point sans de bien grandes
occasions, et pour estre l'executeur de la vengeance divine. Et ne nous
faut point tourmenter sur ce que les demons sont si corporels, ainsi que
vrayement tient la doctrine des chrestiens, veu que Dieu le veut ainsi.

�Ils se rendent sensibles et visibles par les moyens des corps empruntez ou
formez en l'air ou en esblouissant le sens des personnes, et leur
pr�sentant des id�es en l'�me, qu'ils pensent voir par la ve�e ext�rieure
ainsi que S. Augustin dit, qu'aucuns de son temps pensoyent estre transmuez
par quelques sorci�res en bestes � corne, l� o� le bon sainct ne voyoit
autre cas que la figure de l'homme, mais le sens visible de ceux-cy estant
ensorcel� et perverti par la force de l'imagination causoit l'opinion de
leur changement o� l'effect estoit tout au contraire. Suivant ces discours,
il se void que par tout les demons ou diables s'efforcent de nuire �
l'homme, encor qu'il se retire au plus hideux et inhabitable desert du
monde, soit qu'il habite dans les plus populeuses villes, tousiours
taschera-il de le faire tresbucher.�

Lavater[1], ministre calviniste, admet avec beaucoup de m�fiance les faits


surnaturels; son ouvrage est pr�c�d� de plusieurs chapitres o� il raconte
des faits merveilleux en apparence et qui pour lui ne sont que des
supercheries; ils ont pour titres:

[Note 1: _Trois livres Des apparitions des esprits, fantosmes,


prodiges, etc. composez par Loys Lavater, plus trois questions
propos�es et r�solues, par M. Pierre Martyr_. Geneve, Fr. Perrin,
1571, in-12.]

�CH. I. Les m�lancholiques et insensez s'impriment en la fantasie beaucoup


de choses dont il n'est.

�CH. II. Gens craintifs se persuadent de voir et ou�r beaucoup de choses


espouvantables dont il n'est rien.

�CH. III. Ceux qui ont mauvaise vue et ou�e imaginent beaucoup de choses
qui ne sont pas.
�CH. IV. Beaucoup de gens se masquent, pour faire que ceux ausquels ils
s'adressent, pensent avoir veu et ou� des esprits.

�CH. V. Les prestres et moines ont contrefait les esprits et forg� des
illusions comme un nomm� Mundus abusa de Paulina par ce moyen, et Tyrannus
de beaucoup de nobles et honnestes femmes.

�CH. VI. Timoth�e Aelurus ayant contrefait l'ange, usurpe une cousch�e:
quatre jacopins de Berne ont forg� beaucoup de visions et de ce qui s'en
est ensuivi.

�CH. VII. L'histoire du faux esprit d'Orl�ans.

�CH. VIII. D'un cur� de Clavenne qui apparut � une jeune fille et luy fit
croire qu'il estoit la Vierge Marie et d'un autre qui contrefit l'esprit;
ensemble du cordelier escossois et du j�suite qui contrefit le le diable �
Ausbourg.�

Voici cette derni�re histoire:

�Pendant que j'escrivois cet oeuvre, j'ay entendu par des gens dignes de
foy, qu'en l'an 1569 il y avoit � Ausbourg, ville fort renomm�e
d'Allemagne, une servante et quelques serviteurs d'une grande famille qui
ne tenoyent pas grand compte de la secte des j�suites au moyen de quoy l'un
de ceste secte promit au maistre qu'il feroit ais�ment changer d'opinion �
ses serviteurs. Pour ce faire, apr�s s'estre d�guis� en diable, il se cacha
en quelque lieu de la maison o� la servante allant qu�rir quelque chose de
son gr�, ou y estant envoy�e par son ma�tre, trouva ce j�suite endiabl� qui
luy fit fort grand peur. Elle conta incontinent le tout � un de ses
serviteurs, l'exhortant de n'aller en ce lieu-l�. Toutefois peu apr�s il y
vint, et comme ce diable desguis� vouloit se ruer dessus, il desgaine son
poignard et perce le diable de part en part, tellement qu'il demeure mort
sur la place. Cette histoire a est� �crite et imprim�e en vers allemans, et
est maintenant entre les mains de tout le monde.

II.--APPARITIONS DU DIABLE

Le Loyer[1] pr�tend que les d�mons paraissent plus volontiers dans les
carrefours, dans les for�ts, dans les temples pa�ens et dans les lieux
infest�s d'idol�trie, dans les mines d'or et dans les endroits o� se
trouvent des tr�sors.

[Note 1: _Discours et histoires des spectres, visions et


apparitions_, par P. Le Loyer. Paris, Nic. Buon, 1605, in-4�, p.
340.]

Nous lui empruntons l'histoire suivante:

�Un gendarme nomm� Hugues avait �t� pendant sa vie un peu libertin et mesme
soup�onn� d'h�r�sie. Comme il �toit pr�s de la mort, une grande trouppe
d'hommes se pr�senta � luy et le plus apparent d'entre eux luy dit: Me
connois-tu bien, Hugues?--Qui es-tu, r�pondit Hugues?--Je suis, dit-il, le
puissant des puissants, et le riche des riches. Si tu crois que je te puis
pr�server du p�ril de mort, je te sauveray et ferai que tu vivras
longuement. Afin que tu s�aches que je te dis vray, s�aches que l'empereur
Conrad est � ceste heure paisible possesseur de son empire et a subjugu�
l'Allemagne et l'Italie en bien peu de temps. Il luy dit encore plusieurs
autres choses qui se passoient par le monde. Quand Hugues l'eut bien
escout�, il haussa la main dextre pour faire le signe de la croix, disant:
J'atteste mon Dieu et Seigneur J�sus-Christ, que tu n'es autre qu'un diable
menteur. Alors le diable lui dit: Ne hausse pas ton bras contre moy et tout
aussitost ceste bande de diables disparut comme fum�e. Et Hugues, le m�me
jour de la vision, trespassa le soir.�

Le Loyer raconte aussi[1] cette autre apparition du diable:

[Note 1: _Discours et histoires des spectres_, etc., page 317.]

�En la ville de Fribourg, du temps de Fr�d�ric, second du nom, un jeune


homme brusl� par trop ardemment de l'amour d'une fille de la mesme ville,
pratiqua un magicien auquel il promit argent, s'il pouvoit par son moyen
jouir de l'amour de la fille. Le magicien le mene de belle nuit en un
cellier escart� o� il dresse son cercle, ses figures et ses caract�res
magiques, entre dans le cercle et y fait pareillement entrer l'escolier.
Les esprits appelez se pr�sentent mais en diverses formes, fantosmes et
illusions... Enfin le plus meschant diable de tous se montre � l'escolier
en la forme de la fille qu'il aymoit et en contenance fort joyeuse
s'approche du cercle. L'escolier aveugl� et transport� d'amour, estend sa
main hors le cercle pour penser prendre la fille, mais tout content, le
diable lui saisit la main, l'arrache du cercle et le rouant ou tournant
deux ou trois tours lui casse et brise la t�te contre la muraille du
celier, et jeta le corps tout mort sur le magicien, et ce fait luy et les
autres esprits disparurent.

�Il ne faut pas demander si le magicien fut bien effray� � ce piteux


spectacle, se voyant en outre charg� du pesant fardeau de l'escolier. Il ne
bougea de la nuit de l'enclos de son cercle, et le lendemain matin il se
fit si bien ou�r criant et lamentant, qu'on accourt � son cry et est trouv�
� demy mort avec le corps de l'escolier et est d�gag� � toute peine.�

�Au surplus, dit Le Loyer[1], quant aux h�r�tiques et h�r�siarques de


nostre temps, ils ne se trouveront pas plus exempts d'associations avec le
diable et de ses visions. Car Luther a eu un d�mon, et a est� si impudent
que de le confesser bien souvent par ses �crits. Je ne le veux faire voir
que par un traict� qu'il a faict de la messe angulaire, o� il se descouvre
ouvertement et dit qu'entre luy et le diable y avoit familiarit� bien
grande, et qu'ils avoient bien mang� un muy de sel ensemble. Que le diable
le visitoit souvent, parloit � luy fort priv�ment, le resveilloit de nuict,
et le provocquoit d'escrire contre la messe, luy enseignant des arguments
dont il se pourroit servir pour l'impugner.

[Note 1: M�me ouvrage, p. 297.]

�Mais Luther est-il seul qui � sa confusion est contraint de confesser sa


conf�rence avec le diable? Il y a aussi Zwingle, sacramentaire qui dit que
resvant profond�ment une nuict sur le sens des paroles de J�sus-Christ:
Cecy est mon corps, se pr�sente � luy un esprit, qu'il est en doute s'il
estoit blanc ou noir, qui lui enseigna d'interpreter le passage de
l'�criture sainte d'une autre fa�on que l'�glise des catholiques ne
l'interpr�toit et dire que ces mots: Cecy est mon corps, valaient tout
autant comme qui diroit: Cecy signifie mon corps...
�Alors que Bucere, disciple de Luther, estoit en l'agonie de la mort, un
diable s'apparut en la chambre o� il estoit et s'approchant peu-�-peu
aupr�s de son lit, non sans essayer les pr�sens poussa rudement Bucere et
le fit tomber en la place o� il trespassa � l'instant.

�C'est aussy chose qu'on tient pour toute v�ritable et ainsi l'affirme
�rasme Albert, ministre de Basle, que trois jours devant que Carolostade
trespassa, le diable fut veu pr�s de luy en forme d'homme de haute et
�norme stature, comme Carolostade preschoit. Ce fut un pr�sage de la mort
future de cet h�r�tique.�

Dans l'affaire des poss�d�es de Louviers, suivant le P�re Bosroger[1],

[Note 1: _La Pi�t� afflig�e, ou Discours historique et th�ologique


de la possession des religieuses dictes de Saincte-�lisabeth de
Louviers, etc._, par le R.P. Esprit de Bosroger. Rouen, Jean Le
Boulenger, 1652, in-4�, p. 137.]

�La soeur Marie de Saint-Nicholas apperceut deux formes effroyables, l'une


repr�sentait un vieil homme avec une grande barbe, lequel ressemblait �
nostre faux spirituel; ce phantosme qu'elle apperceut � quatre heures du
matin, environ le soleil levant s'assit sur les pieds de sa couche, et luy
dit d'un ton d'homme d�sesp�r�: Je viens de voir Madel�ne Bauan, et la
soeur du Saint-Sacrement; ah que Madel�ne est m�chante! elle est
enti�rement � nous, mais l'autre nous ne la s�aurions gagner. Ce spectre
obligea la soeur Marie de Saint-Nicholas de recourir � Dieu en faisant le
signe de la croix, et aussitost elle fut d�livr�e de ce phantosme; l'autre
estoit seulement comme une teste grosse et fort noire, que cette fille
envisagea en plein jour � la fenestre d'un grenier, laquelle donnoit dans
celui o� elle travailloit; cette teste la regarda long-temps, et luy causa
une grande frayeur, elle ne laissa pourtant de la consid�rer attentivement,
jusqu'� ce qu'elle remarqua que cette teste commen�oit � descendre de la
fenestre; car pour lors elle fut saisie de peur, et se retira, puis
aussitost ayant pris courage, elle alla dans le grenier o� la forme avoit
paru, mais elle n'y trouva plus rien, sinon quelque temps apr�s qu'elle
avisa dans le meme endroit des cordes qui se rouloient d'elles-memes et
l'on voyoit tomber le linge dont elles �toient charg�es; souvent on
renversoit les meubles et on entendoit des bruits �pouvantables.�

D'apr�s le m�me auteur, dans la m�me affaire[1],

[Note 1: _La Pi�t� afflig�e_, p. 421.]

�Un homme ayant apport� � Picard une lettre d'importance arriva � onze
heures de nuit � son presbyt�re passant au travers de la cour close d'un
mur, et entra dans la cuisine qui �toit ouverte, o� il trouva Picard courb�
sur la table, et un homme noir et inconnu vis-�-vis de luy. Picard luy feit
sa r�ponse de bouche, passa de la cuisine dans une chambre basse, laquelle
il trouva pareillement ouverte; aussitost le d�posant entendit un cry
effroyable dont il avoit eu grand peur: ce vilain homme noir et inconnu luy
reprocha qu'il trembloit, et avoit peur.�

Crespet[1] cite d'autres apparitions du diable:

[Note 1: _Deux livres de la hayne de Sathan et malins esprits


contre l'homme et de l'homme contre eux_, par P. P. Crespet, prieur
des C�lestins de Paris. 1590, in-12, p. 379.]
�Or le bon P�re Cesarius dans ses exemples dit bien autrement d'une
concubine de prestre, laquelle voyant que son paillard d�sesp�r� s'estoit
tu� soy-mesme, s'alla rendre nonnain o� estant � cause qu'elle n'avoit
enti�rement confess� ses pechez, fut vex�e d'un diable incube qui la
tourmentoit toutes les nuicts, pour a quoy obvier, elle s'advisa de faire
une confession g�n�rale de tous ses p�chez. Ce qu'ayant faict, jamais le
diable n'approcha d'elle depuis.

�Je ne puis omettre, ajoute-t-il, ce que � ce propos je trouve �s archives


de ce monast�re o� je r�side, qu'un bon religieux plein de foy (1504)
voyant que le diable se meslant parmy les esclairs de tonnerre estoit entr�
en l'�glise o� les religieux estoient assemblez pour prier Dieu, et qu'il
vouloit tout renverser et prophaner les choses d�di�es � Dieu, se vint
constamment pr�senter arm� du signe de la croix et commanda au nom de
crucifix � Sathan de d�sister et sortir de la maison de Dieu, � la voix
duquel il fut forc� d'ob�ir, et se retirer sans aucune offence.�

�Mais entre tous les contes, desquels j'aye jamais entendu parler, ou veu,
dit Jean des Caurres[1], cestui-cy est digne de merveille, lequel est
advenu depuis peu de temps � Rome. Un jeune homme, natif de Gabie, en une
pauvre maison, et de parents fort pauvres, estant furieux, de mauvaise
condition et de meschante conversation de vie, injuria son p�re, et luy fit
plusieurs contum�lies; puis estant agit� de telle rage, il invoqua le
diable, auquel il s'estoit vou�: et incontinent se partit pour aller �
Rome, et � celle fin entreprendre quelque plus grande meschancet� contre
son p�re. Il rencontra le diable sur le chemin, lequel avoit la face d'un
homme cruel, la barbe et les cheveux mal peignez, la robe us�e et orde,
lequel lui demanda en l'accompagnant la cause de sa fascherie et tristesse.
Il lui respondit qu'il avoit eu quelques paroles avec son p�re, et qu'il
avoit d�lib�r� de luy faire un mauvais tour. Alors le diable luy fit
r�ponse que tel inconv�nient luy estoit advenu; et ainsi le pria-il de le
prendre pour compagnon, et � celle fin que ensemble ils se vengeassent des
torts qu'on leur avoit faicts. La nuit doncques estant venue, ils se
retir�rent en une hostelerie, et se couch�rent ensemble. Mais le malheureux
compagnon print � la gorge le pauvre jeune homme, qui dormoit profond�ment
et l'eust estrangl�, n'eust est� qu'en se r�veillant il pria Dieu. Dont il
advint que ce cruel et furieux se disparut, et en sortant estonna d'un tel
brui et imp�tuosit� toute la chambre que les solives, le toict et les
thuilles en demeur�rent toutes bris�es. Le jeune homme espouvant� de ce
spectacle, et presque demy mort, se repentit de sa meschante vie et de ses
meffaicts, et estant illumin� d'un meilleur esprit, fut ennemy des vices,
passa sa vie loing des tumultes populaires et servit de bon exemple.
Alexandre escrit toutes ces choses.�

[Note 1: _Oeuvres morales et diversifi�es en histoires, etc._, par


Jean des Caurres. Paris, Guill. Choudi�re, 1584, in-8�, p. 390.]

�Lorsque j'�tudiais en droit en l'acad�mie de Witemberg, dit Godelman[1],


cit� par Goulart[2], j'ay ouy souvent reciter � mes pr�cepteurs qu'un jour,
certain vestu d'un habit estrange vint heurter rudement � la porte d'un
grand th�ologien, qui lors lisoit en icelle acad�mie, et mourut l'an 1516.
Le valet ouvre et demande qu'il vouloit? Parler � ton maistre, fit-il. Le
th�ologien le fait entrer: et lors cest estranger propose quelques
questions sur les controverses qui durent sur le fait de la religion. A
quoi le th�ologien ayant donn� prompte solution, l'estranger en mit en
avant de plus difficiles, le th�ologien lui dit: Tu me donnes beaucoup de
peine: car j'avois le pr�sent autre chose � faire et la dessus se levant de
sa chaire montre en un livre l'exposition de certain passage dont ils
d�batoyent. En cest estrif il aper�oit que l'estranger avoit au lieu de
doigts des pattes et des griffes comme d'oyseau de proye. Lors il commence
� lui dire: Est-ce toi donc? Escoute la sentence prononc�e contre toi (lui
monstrant le passage du troisi�me chapitre de Genese): La semence de la
femme brisera la teste du serpent. Il adjousta: Tu ne nous engloutiras pas
tous. Le malin esprit tout confus, despit� et grondant, disparut avec grand
bruit, laissant si puante odeur dedans le poisle qu'il s'en sentit quelques
jours apr�s, et versa de l'encre derri�re le fourneau.�

[Note 1: Jean-George Godelman, docteur en droit � Rostoch, au


trait� _De magis, veneficis, lamis, etc._, livre 1, ch. III.]

[Note 2: _Thr�sor d'histoires admirables et m�morables de nostre


temps, recueillies de divers autheurs, m�moires et avis de divers
endroits._ Paris, 1600, 2 vol. in-12.]

Le m�me auteur fournit encore cette autre histoire � Goulart:

�En la ville de Friberg en Misne, le diable se pr�sente en forme humaine �


un certain malade, lui monstrant un livre et l'exhortant de nombrer les
p�chez dont il se souviendroit, pour ce qu'il vouloit les marquer en ce
livre. Du commencement le malade demeura comme muet: mais recouvrant et
reprenant ses esprits, il respond. C'est bien dit, je vay te deschifrer par
ordre mes p�chez. Mais escri au dessus en grosses lettres: La semence de la
femme brisera la teste du serpent. Le diable, oyant cette condamnation
sienne s'enfuit, laissant la maison remplie d'une extr�me puanteur.�

Goulart emprunte celle-ci � Job Fincel[1]:

[Note 1: Job Fincel, au premier livre _Des Miracles_.]

�L'an mil cinq cens trente quatre, M. Laurent Touer, pasteur en certaine
ville de Saxe, voyant quelques jours devant Pasques � conf�rer avec aucuns
du lieu, selon la coustume, des cas divers et scrupules de conscience,
Satan en forme d'homme lui apparut et le pria de permettre qu'il
communiquast avec lui; sur ce il commence � desgorger des horribles
blasph�mes contre le Sauveur du monde. Touer lui r�siste et le r�fute par
tesmoignages formels recueillis de l'Escriture sainte, que ce malheureux
esprit tout confus, laissant la place infect�e de puanteur insupportable
s'esvanouit.�

�Un moine nomm� Thomas, dit Alexandre d'Alexandrie[1], personnage digne de


foy, et la preud'hommie duquel j'ay esprouv�e en plusieurs afaires m'a
racont� pour chose vraye, avec serment, qu'ayant eu debat de grosses
paroles avec certains autres moines, apr�s s'estre dit force injures de
part et d'autre, il sortit tout bouillant de cholere d'avec eux et se
promenant seul en un grand bois rencontra un homme laid, de terrible
regard, ayant la barbe noire, et robe longue. Thomas lui demande o� il
alloit? J'ay perdu, respondit-il, ma monture, et vai la cercher en ces
prochaines campagnes. Sur ce ils marchent de compagnie pour trouver ceste
monture, et se rendent pres d'un ruisseau profond. Le moine commence � se
deschausser pour traverser ce ruisseau: mais l'autre le presse de monter
sur ses espaules, promettant le passer � l'aise. Thomas le croid, et charg�
dessus l'embrasse par le col: mais baissant les yeux pour voir le gu�, il
descouvre que son portefaix avoit des pieds monstrueux et du tout
estranges. Dont fort estonn�, il commence � invoquer Dieu � son aide. A
ceste voix, l'ennemi confus jette sa charge bas, et grondant de fa�on
horrible disparo�t avec tel bruit et de si extraordinaire roideur, qu'il
arrache un grand chesne prochain et en fracasse toutes les branches. Thomas
demeura quelque temps comme demy-mort, par terre, puis s'estant relev�,
reconnut que peu s'en estoit falu que ce cruel adversaire ne l'eust fait
perir de corps et d'ame.�

[Note 1: Au IVe livre, chap. XIX de ses _Jours g�niaux_, cit� par
Goulart, _Thr�sor d'histoires admirables_, t. Ier, p. 535.]

III.--ENL�VEMENTS PAR LE DIABLE

J. Wier[1] rapporte cette histoire d'une femme emport�e par le diable:

[Note 1: _Histoires, disputes et discours des illusions et


impostures des diables, des magiciens, infames, sorciers et
empoisonneurs, le tout compris en 5 livres_, traduit du latin, de
Jean Wier, sans date, vers 1577.]

�L'an 1551 il advint pr�s M�galopole joignant Wildstat, les festes de la


Pentecoste, ainsi que le peuple se amusoit � boire et ivrongner, qu'une
femme que estoit de la compagnie, nommoit ordinairement le diable parmy ses
jurements, lequel en la pr�sence d'un chacun l'enleva par la porte, et la
porta en l'air. Les autres qui estoyent pr�sens sortirent incontinent tous
estonnez pour voir o� ceste femme estoit ainsi port�e, laquelle ils virent
hors du village pendue quelque temps au haut de l'air, dont elle tomba en
bas et la trouv�rent apr�s morte au milieu d'un champ.�

D'apr�s Textor[1]: �Il y en eut un lequel ayant trop beu, se print � dire,
en follastrant, qu'il ne pouvoit avoir une ame, puisqu'il ne l'avoit point
veu�. Son compagnon l'acheta pour le prix d'un pot de vin, et la revendit �
un tiers l� pr�sent et inconnu lequel tout � l'heure saisit et emporta
visiblement ce premier vendeur au grand estonnement de tous.�

[Note 1: En son _Traict� de la nature du vin_, liv I, ch. XIII,


cit� par Goulart, _Thr�sor des histoires admirables_, t. III, p.
67.]

Crespet[1] cite d'autres exemples d'enl�vements par le diable: �Tesmoing,


dit-il, ce grand usurier qui derni�rement voyant que les bleds estoient �
bon prix se desespera et appellant le diable il le veit incontinent � son
secours, qui l'emporta au haut d'un chesne et le jectant du haut en bas,
lui rompit le col.

[Note 1: _De la hayne de Sathan_, p. 379.]

�Un autre qui avoit perdu son argent au jeu; apres qu'il eut blasphem� le
nom de Dieu et de la Vierge Marie, fut visiblement emport� par le diable,
auquel il s'estoit vou�.�

Chassanion[1] rapporte que �Jean Fran�ois Picus, comte de la Mirande,


tesmoigne avoir parl� � plusieurs lesquels s'estant abusez apr�s la veine
esp�rance des choses � venir, furent par apres tellement tourmentez du
diable avec lequel ils avoyent fait certain accord, qu'ils s'estimeroyent
bien heureux d'avoir la vie sauve. Dit d'avantage que de son temps il y eut
un certain magicien, lequel promettoit � un trop curieux et peu sage prince
de lui repr�senter comme en un th��tre du si�ge de Troyes, et lui faire
voir Achilles et Hector en la mani�re qu'ils combattoyent. Mais il ne peut
l'ex�cuter se trouvant empesch� par un autre spectacle plus hideux de sa
propre personne. Car il fut emport� en corps et en �me par un diable sans
que depuis il soit comparu.�

[Note 1: En son _Histoire des jugemens de Dieu_, liv. I, ch. II,


cit� par Goulart, _Thr�sor des histoires admirables_, t. II, p.
718.]

Le Loyer[1] raconte encore cette histoire d'un diable noyant un


anabaptiste:

[Note 1: _Discours et histoires des spectres, etc._, p. 332.]

�En Pologne, dit-il, un chef et prince d'anabaptistes invita aucuns de sa


secte � son baptesme les assurant qu'ils y verroient merveilles et que le
saint esprit descendrait visiblement sur luy. Les invitez se trouvent au
baptesme, mais comme cet anabaptiste qui devait �tre baptis� mettait le
pied dans la cuve pleine d'eau, incontinent, non le saint esprit, qui
n'assiste point les h�r�tiques, ains l'esprit de septentrion qui est le
diable, apparoist visiblement devant tous, prend l'anabaptiste par les
cheveux, l'�leve en l'air et tant et tant de fois luy froisse la teste et
le plonge en l'eau qu'il le laissa mort et suffoqu� dans la cuve.�

�Nous lisons aussi que le baillif de Mascon, magicien, fut emport�, dit J.
des Caurres[1], par les diables � l'heure du disner, il fut men� par trois
tours � l'entour de la ville de Mascon, en la pr�sence de plusieurs o� il
cria par trois fois: Aydez-moy, citoyens, aidez-moy. Dont toute la ville
demeura estonn�e, et luy perp�tuel compagnon des diables, ainsi que Hugo de
Cluny le monstre � plein.�

[Note 1: _Oeuvres morales et diversifi�es et histoires_, p. 392.]

�Un homme de guerre voyageant par le marquisat de Brandebourg, � ce que


rapporte Simon Goulart[1], d'apr�s J. Wier[2], se sentant malade et arrest�
� une hostellerie, bailla son argent � garder � son hostesse. Quelques
jours apr�s estant gu�ri il le redemanda � ceste femme, laquelle avoit d�j�
d�lib�r� avec son mari de le retenir, par quoy elle lui nia le d�post, et
l'accusa comme s'il lui eust fait injure: le passant au contraire, se
courrou�oit fort, accusant de desloyaut� et larcin cette siene hostesse. Ce
que l'hoste ayant entendu, maintint sa femme, et jetta l'autre hors de sa
maison, lequel chol�r� de tel affront tire son esp�e et en donne de la
pointe contre la porte. L'hoste commence � crier au voleur, se complaignant
qu'il vouloit forcer sa maison. Ce qui fut cause que le soldat fut pris,
men� en prison, et son proc�s fait par le magistrat, prest � le condamner �
mort. Le jour venu que la sentence devoit estre prononc�e et ex�cut�e le
diable entra en la prison, et annon�a au prisonnier qu'il estoit condamn� �
mourir; toutefois que s'il vouloit se donner � lui, il lui promettoit de le
garantir de tout mal. Le prisonnier fit response qu'il aimoit mieux mourir
innocent que d'estre d�livr� par tel moyen. Derechef le diable lui ayant
repr�sent� le danger o� il estoit, et se voyant rebut�, fit n�antmoins
promesse de l'aider pour rien et faire tant qu'il le vengeroit de ses
ennemis. Il lui conseilla donc lorsqu'il seroit appel� en jugement de
maintenir qu'il �toit innocent et de prier le juge de lui bailler pour
advocat celui qu'il verroit l� pr�sent avec un bonnet bleu: c'est assavoir
lui qui plaideroit la cause. Le prisonnier accepte l'offre et le lendemain,
amen� au parquet de justice, oyant l'accusation de ses parties et l'advis
du juge, requiert (selon la coustume de ces lieux l�), d'avoir un advocat
qui remonstrast son droit: ce qui lui fut accord�. Ce fin Docteur es loix
commence � plaider et � maintenir subtilement sa partie, all�guant qu'elle
estoit faussement accus�e, par cons�quent mal jug�e; que l'hoste lui
d�tenoit son argent et l'avoit forc�; mesmes il raconta comme tout
l'affaire estoit pass�, et d�claira le lieu o� l'argent avoit est� serr�.
L'hoste au contraire se d�fendoit, et nioit tant plus impudemment, se
donnant au diable, et priant qu'il l'emportast, s'il estoit ainsi qu'il
l'eust pris. Alors ce Docteur au bonnet bleu, laissant les plaids, empoigne
l'hoste, l'emporte dehors du parquet, et l'esleve si haut en l'air que
depuis on ne peut s�avoir qu'il estoit devenu.� Paul Eitzen[3] dit que ceci
avint l'an 1541 et que ce soldat revenoit de Hongrie.

[Note 1: _Thr�sor d'histoires admirables_, tome I, p. 285.]

[Note 2: Au IVe livre _de Praestigiis Daemonum_, ch. XX.]

[Note 3: Au VIe livre de ses _Morales_, ch. XVIII.]

Les m�mes auteurs nous font encore conna�tre les deux histoires suivantes:

�Un autre gentilhomme coustumier de se donner aux diables, allant de nuict


par pays, accompagn� d'un valet, fut assailli d'une troupe de malins
esprits, qui vouloyent l'emmener � toute force. Le valet d�sireux de sauver
son maistre, commence � l'embrasser. Les diables se prennent � crier:
�Valet lasche prise�; mais le valet pers�verant en sa d�lib�ration, son
maistre eschappa.�

�En Saxe, une jeune fille fort riche promit mariage � un beau jeune homme
mais pauvre. Lui prevoyant que les richesses et la l�g�ret� du sexe
pourroyent aisement faire changer d'avis � ceste fille, lui descouvrit
franchement ce qu'il en pensoit. Elle au contraire commence � lui faire
mille impr�cations, entre autres celle qui s'ensuit: Si j'en �pouse un
autre que le diable m'emporte le jour des nopces. Qu'avient-il? Au bout de
quelque temps l'inconstante est fianc�e � un autre, sans plus se soucier de
celui-ci, qui l'admonneste doucement plus d'une fois de sa promesse, et de
son horrible impr�cation. Elle hochant la teste � telles admonitions
s'appreste pour les espousailles avec le second: mais le jour des nopces,
les parens, alli�s et amis faisans bonne chere, l'espous�e esveill�e par sa
conscience se monstroit plus triste que de coustume. Sur ce voici arriver
en la cour du logis o� se faisoit le festin, deux hommes de cheval, qu'on
ameine en haut, o� ils se mettent � table, et apr�s disn�, comme l'on
commen�oit � danser, on pria l'un d'iceux (comme c'est la coustume du pays
d'honorer les estrangers qui se rencontrent en tels festins) de mener
danser l'espous�e. Il l'empoigne par la main et la pourmeine par la salle:
puis en pr�sence des parens et amis, il la saisit criant � haute voix, sort
de la porte de la salle, l'enleve en l'air, et disparoit avec son compagnon
et leurs chevaux. Les pauvres parens et amis l'ayans cherch�e tout ce jour,
comme il continuoyent le lendemain, esperans la trouver tomb�e quelque
part, afin d'enterrer le corps, rencontrent les deux chevaliers, qui leur
rendirent les habits nuptiaux avec les bagues et joyaux de la fille,
adjoutans que Dieu leur avoit donn� puissance sur ceste fille et non sur
les acoustremens d'icelle, puis s'esvanouirent.�

Goulard r�p�te aussi cette attaque du diable rapport�e par Alexandre


d'Alexandrie[1]:
[Note 1: Au IIe livre de ses _Jours g�niaux_.]

�Un mien ami, homme de grand esprit, et digne de foy estant un jour �
Naples chez un sien parent, entendit de nuit la voix d'un homme criant a
l'aide, qui fut cause qu'il aluma la chandelle, et y courut pour voir que
c'estoit. Estant sur le lieu, il vid un horrible fantosme, d'un port
effroyable et du tout furieux, lequel vouloit � toute force entrainer un
jeune homme. Le pauvre mis�rable crioit et se d�fendoit, mais voyant
aprocher celui-ci soudain il courut au devant, l'empoigne par la main et
saisit sa robe le plus estroitement qu'il lui fut possible et apr�s s'estre
long temps d�battu commence � invoquer le nom et l'aide de Dieu et
eschappe, le fantosme disparoissant. Mon ami meine en son logis ce jeune
homme, pretendant s'en desfaire doucement, et le renvoyer chez soy. Mais il
ne sceut obtenir ce poinct, car le jeune homme estoit tellement estonn�
qu'on ne pouvoit le rassurer, tressaillant sans cesse de la peur qu'il
avoit pour si hideuse rencontre. Ayant enfin reprins ses esprits, il
confessa d'avoir men� jusques alors une fort m�chante vie, est� contempteur
de Dieu, rebelle � p�re et � m�re, ausquels il avoit dit et fait tant
d'injures et outrages insupportables qu'ils l'avoyent maudit. Sur ce il
estoit sorti de la maison et avoit rencontr� le bourreau susmentionn�.�

Goulart[1] raconte encore d'autres histoires d'enl�vements par le diable


d'apr�s divers auteurs:

[Note 1: _Thr�sor d'histoires admirables_, t. I, p. 538.]

�Un docteur de l'acad�mie de Heidelberg ayant donn� cong� � certain sien


serviteur de faire un voyage en son pays, au retour comme ce serviteur
aprochoit de Heidelberg, il rencontre un re�tre mont� sur un grand cheval,
lequel par force l'enl�ve en croupe, en tel estat il essaye d'empoigner son
homme pour se tenir plus ferme; mais le re�tre s'esvanouit. Le serviteur
emport� par le cheval bien haut en l'air, fut jett� bas pr�s d'un pont hors
la ville, o� il demeura quelques heures sans remuer pied ni main: enfin
revenu � soi, et entendant qu'il estoit pr�s de son lieu, reprint courage,
se rendit au logis, o� il fut six mois entiers attach� au lict, devant que
pouvoir se remettre en pied[1].�

[Note 1: Extrait du _Mirabiles Historiae de spectris_, Leipzig,


1597.]

�Pr�s de Torge en Saxe, certain gentilhomme se promenant dans la campagne,


rencontre un homme lequel le salue, et lui offre son service. Il le fait
son palefrenier. Le maistre ne valoit gueres. Le valet estoit la
meschancet� mesme. Un jour le maistre ayant � faire quelque promenade un
peu loin, il recommande ses chevaux, sp�cialement un de grand prix � ce
valet, lequel fut si habile que d'enlever ce cheval en une fort haute tour.
Comme le maistre retournoit, son cheval qui avoit la teste � la fenestre le
reconnut, et commence � hennir. Le maistre estonn�, demande qui avoit log�
son cheval en si haute escuirie. Ce bon valet respond que c'estoit en
intention de le mettre seurement afin qu'il ne se perdist pas, et qu'il
avoit soigneusement execut� le commandement de son maistre. On eut beaucoup
de peine � garrotter la pauvre beste et la devaler avec des chables du haut
de la tour en bas. Tost apr�s quelques uns que ce gentilhomme avoit volez,
deliberans de le poursuivre en justice, le palefrenier lui dit: Maistre,
sauvez-vous, lui monstrant un sac, duquel il tira plusieurs fers arrachez
par lui des pieds des chevaux, pour retarder leur course au voyage qu'ils
entreprenoyent contre ce maistre: lequel finalement attrapp� et serr�
prisonnier, pria son palefrenier de lui donner secours. Vous estes, respond
le valet, trop estroitement enchaisn�; je ne puis vous tirer de l�. Mais le
maistre faisant instance, enfin le valet dit: Je vous tireray de captivit�
moyennant que vous ne fassiez signe quelconque des mains pour penser vous
garantir. Quoi accord�, il l'empoigne avec les chaines, ceps et manottes,
et l'emporte par l'air. Ce mis�rable maistre esperdu de se voir en campagne
si nouvelle pour lui conmence � s'escrier: Dieu �ternel, o� m'emporte-on?
Tout soudain le valet (c'est-�-dire Satan) le laisse tomber en un marest.
Puis se rendant au logis, fait entendre � la damoiselle l'estat et le lieu
ou estoit son mari, afin qu'on l'allast desgager et delivrer.�

Des Caurres[1] raconte que �� la montagne d'Ethna, non gu�res loin de l'�le
de Luppari, montagne qu'on appelle la gueule d'enfer, Dieu monstra la peine
des damnez. Il y a si long temps qu'elle brusle et tout demeure en son
entier, comme fera enfer, quand elle auroit autant entier que toute
l'Italie, elle devroit estre consomm�e. On entend l� cris et complainctes,
et les ennemis et mauvais esprits meinent l� grand bruict, et suscitent de
grandes tempestes sur la mer pr�s de ceste montagne. De nostre temps un
pr�lat apr�s son trespas, fut trouv� en chemin par ses amis, lequel se
disoit estre damn� et qu'il s'en alloit en ceste montaigne. Il n'y a pas
encor longtemps qu'une nef de Sicile aborda l�, en laquelle y avoit un p�re
gardien de ce pays-l� avec son compagnon, le Diable luy dit qu'il le
suivist pour faire quelque chose que Dieu avoit ordonn�. Et soudain fut
port� par luy en une cit� assez loin de l�. Et quand il fut l�, le mauvais
esprit le conduit au s�pulchre de l'Evesque du lieu, qui estoit mort depuis
trois mois: Et lui commanda de despouiller ses habillemens �piscopaux, et
lui dit apres: Ces habillemens soyent � toy, et le corps � moy comme est
son �me; dans une demie heure, ledit religieux fut rapport� audit navire,
et racompta ce qu'il avoit veu. Pour v�rifier cecy le patron du navire fit
voile vers ceste cit�: le s�pulchre fut ouvert et trouv�rent que le corps
n'y estoit point. Et ceux qui l'avoient revestu apr�s sa mort recogneurent
les dicts habillemens �piscopaux. Un homme de bien, et grand prescheur
d'Italie, a mis cecy en escript, qui a cogneu ces gens-l�.�

[Note 1: _Oeuvres morales et diversifi�es_, p. 378.]

�En ce mesme temps, continue des Caurres, y avoit en Sicile un jeune homme
addonn� � toute volupt�, � jeux, et reniemens: lequel le vice-roy de
Sicile, envoya un soir, en un monast�re pour qu�rir une salade d'herbes: en
chemin soudain il fut ravy en l'air, et on ne le vit plus. Un peu de temps
apr�s un navire passoit aupr�s de ceste montagne, et voicy une voix qui
appelle par deux fois le patron du navire, et voyant qu'il ne respondoit
point pour la troisi�me, ouit que s'il n'arrestoit il enfondroit le navire.
Le patron demande ce qu'il vouloit, qui respondit: Je suis le diable, et di
au vice-roy qu'il ne cerche plus un tel jeune homme, car je l'ay emport�,
et est icy avec nous: voicy la ceinture de sa femme qu'il avoit prinse pour
jouer; laquelle ceinture il jette sur le navire.�

IV.--M�TAMORPHOSES DU DIABLE

Le diable appara�t sous toutes sortes de figures.

�Que diray-je davantage? lit-on dans l'ouvrage de Le Loyer[1]. Il n'y a


sorte de bestes � quatre pieds que le diable ne prenne, ce que les hermites
vivans es d�serts ont assez �prouv�. A sainct Anthoine qui habitoit es
d�serts de la Th�ba�de les loups, les lions, les taureaux se pr�sentoient �
tous bouts de champ; et puis � sainct Hilarion faisant ses pri�res se
monstroit tantost un loup qui hurloit, tantost un regnard qui glatissoit,
tantost un gros dogue qui abbayoit. Et quoy? le diable n'auroit-il pas �t�
si impudent mesmes, que ne pouvant gaigner les hermites par cette voye, il
se seroit montr�, comme il fit � sainct Anthoine, en la forme que Job le
d�peint sous le nom de L�viathan, qui est celle qui lui est comme naturelle
et qu'il a acquise par le p�ch�, voire qui lui demeurera es enfers avec les
hommes damn�s. Ce n'est point des animaux � quatre pieds seulement que les
diables empruntent la figure, ils prennent celles des oyseaux, comme de
hiboux, chahuans, mouches, tahons... Quelquefois les diables s'affublent de
choses inanim�es et sans mouvement, comme feu, herbes, buissons, bois, or,
argent et choses pareilles... Je ne veux laisser que quand les esprits
malins se monstrent ils ne gardent aucune proportion parce qu'ils sont
�norm�ment grands et petits comme ils sont gros et gr�les � l'extr�mit�.�

[Note 1: _Discours et histoires des spectres, etc._ p. 353.]

�J'ai entendu, dit Jean Wier, cit� par Goulart[1], que le diable tourmenta
durant quelques ann�es les nonnains de Hessimont � Nieumeghe. Un jour il
entra par un tourbillon en leur dortoir, o� il commen�a un jeu de luth et
de harpe si m�lodieux, que les pieds fr�tilloyent aux nonnains pour danser.
Puis il print la forme d'un chien se lan�ant au lict d'une soup�onn�e
coulpable du p�ch� qu'elles nomment muet. Autres cas estranges y sont
advenus, comme aussi en un autre couvent pr�s de Cologne, le diable se
pourmenoit en guises de chiens et se cachant sous les robes des nonnains y
faisoit des tours honteux et sales autant en faisoit-il � Hensberg au duch�
de Cleves sous figures de chats.�

[Note 1: _Thr�sor d'histoires admirables, etc._]

�Les mauvais esprits, dit dom Calmet[1], apparoissent aussi quelquefois


sous la figure d'un lion, ou d'un chien, ou d'un chat, ou de quelque autre
animal, comme d'un taureau, d'un cheval ou d'un corbeau: car les pr�tendus
sorciers et sorci�res racontent qu'au sabbat on le voit de plusieurs formes
diff�rentes, d'hommes, d'animaux, d'oyseaux.�

[Note 1: _Trait� sur les apparitions des esprits_, t. Ier, p. 44.]

�Le diable n'apparoit aux sorciers dans les synagogues qu'en bouc, dit
Scaliger[1]; et en l'Escriture lors qu'il est reproch� aux Isra�lites
qu'ils sacrifioient aux demons, le mot porte aux boucs. C'est une chose
merveilleuse que le diable apparoisse en cette forme.

[Note 1: _Scaligerana_, Groeningue, P. Smith, 1669, in-12. 2e


partie, article _Azazel_.]

�Les diables, dit-il plus loin[1], ne s'addressent qu'aux foibles; ils


n'auroient garde de s'addresser � moy, ie les tuerois tous.�

[Note 1: M�me ouvrage, article _Diable_.]

Quelquefois le diable appara�t sous la forme emprunt�e d'un corps mort.

�Je ne puis, dit Le Loyer[1], pour v�rifier que les diables prennent des
corps morts qu'ils font cheminer comme vifs, apporter histoire plus r�cente
que celle-ci. Ceux qui ont recueilliz l'histoire de notre temps de la
d�moniaque de Laon disent qu'un des diables qui �toit au corps d'elle
appel� Baltazo print le corps mort d'un pendu en la plaine d'Arlon pour
tromper le mary de la d�moniaque, et la fraude du diable fut descouverte en
ceste fa�on. Le mary estoit ennuy� des frais qu'il faisoit procurant la
sant� de sa femme, n'y pouvant plus fournir. Il s'addresse donc � un
sorcier, qui l'asseure qu'il d�livrera sa femme des diables desquels elle
estoit poss�d�e. Le diable Baltazo est employ� par le sorcier et men� au
mary qui leur donne � tous � souper, o� se remarque que Baltazo ne but
point. Apr�s le souper, le mary vint trouver le ma�tre d'escole de Vervin
en l'�glise du lieu, o� il vaquoit aux exorcismes sur la d�moniaque. Il ne
luy cele point la promesse qu'il avoit du sorcier, et r�it�r�e de Baltazo
durant le souper qu'il gu�riroit sa femme, s'il le vouloit laisser seul
avec elle: mais le ma�tre d'escole avertit le mary de prendre bien garde de
consentir cela. Quelque demie heure apres le mary qui s'�toit retir�, am�ne
Baltazo dans l'�glise, que l'esprit Baalzebub qui poss�doit la femme appela
incontinent par son nom, et luy dit quelques paroles. Depuis Baltazo sort
de l'�glise, disparoit et ne s�ait-on ce qu'il devint. Le maistre d'escole
qui voit tout cecy, conjure Baalzebub, et le contraint de confesser que
Baltazo �toit diable et avoit prins le corps d'un mort, et que si la
d�moniaque eut est� laiss�e seule, il l'eust emport�e en corps et en �me.�

[Note 1: _Discours et histoires des spectres, visions, etc._ p.


244.]

�L'exemple de Nicole Aubry, d�moniaque de Laon est plus que suffisant pour
montrer ce que je dis, ajoute Le Loyer[1]. Car devant que le diable entrast
en son corps, il se presenta � elle en la forme de son p�re d�c�d�
subitement, luy enjoignit de faire dire quelques messes pour son �me, et de
porter des chandelles en voyage. Il la suivoit partout o� elle alloit sans
l'abandonner. Cette femme simple ob�it au diable en ce qu'il lui
commandoit, et lors il leve le masque, se montre � elle, non plus comme son
p�re, mais comme un phantosme hideux et laid, qui luy persuadoit tantost de
se tuer, tantost de se donner � luy.--Cela se pouvoit attendre par les
r�ponses que la d�moniaque faisoit au diable, luy r�sistant en ce qu'elle
pouvoit.--Je me veux servir de l'histoire de la d�moniaque de Laon attest�e
par actes solennels de personnes publiques, tout autant que si elle estoit
plus ancienne. Il y a des histoires plus anciennes qu'elle n'est, o� �
peine on pourroit remarquer ce qui s'est veu en ceste femme d�moniaque. Ce
fut pour nostre instruction que la femme fut ainsi tourment�e au coeur de
la France, mais notre libertinisme fut cause que nous ne les peusmes
apprendre.�

[Note 1: _Discours et histoires des spectres, visions, etc._, p.


320.]

Bodin[1] fait conna�tre une histoire analogue:

[Note 1: _D�monomanie_, livre III, ch. VI.]

�Pierre Mamor r�cite, dit-il, qu'� Confolant sur Vienne, apparut en la


maison d'un nomm� Capland un malin esprit se disant estre l'�me d'une femme
trespass�e, lequel gemissoit et crioit en se complaignant bien fort,
admonestant qu'on fist plusieurs pri�res et voyages, et r�v�la beaucoup de
choses v�ritables. Mais quelqu'un lui ayant dit: Si tu veux qu'on te croye
dis _Miserere mei Deus, secundum magnam misericordiam tuam_. Sa r�ponse
fut: Je ne puis. Alors les assisants se mocquerent de lui, qui s'enfuit en
fremissant.�

Le diable prend m�me parfois la forme de personnes vivantes.


Voici par exemple ce que rapporte Loys Lavater[1]:

[Note 1: _Trois livres des apparitions des esprits, fantasmes,


prodiges, etc., composez par Loys Lavater, plus trois questions
propos�es et r�solues par M. Pierre Martyr_. Geneve, Fr. Perrin,
1571, in-12.]

�J'ai ou� dire � un homme prudent et honnorable baillif d'une seigneurie


d�pendante du Zurich, qui affirmoit qu'un jour d'est� allant de grand matin
se promener par les prez, accompagn� de son serviteur, il vid un homme
qu'il cognoissoit bien, se meslant meschamment avec une jument: de quoy
merveilleusement estonn� retourna soudainement, et vint frapper � la porte
de celuy qu'ils pensoyent avoir veu, o� il trouva pour certain qu'il
n'avoit boug� de son lict. Et si ce bailli, n'eust diligemment seu la
v�rit�, un bon et honneste personnage eust est� emprisonn� et gehenn�. Je
r�cite ceste histoire, afin que les juges soyent bien avisez en tels cas.
Chun�gonde, femme de l'empereur Henry second, fut soupe�onn�e d'adultere,
et le bruit courut qu'elle s'accointoit trop familierement d'un gentilhomme
de la cour. Car on avoit veu souvent la forme d'iceluy (mais c'estoit le
diable qui avoit pris ce masque) sortant de la chambre de l'empereur. Elle
monstra peu apr�s son innocence en marchant sur des grilles de fer toutes
ardentes (comme la coutume estoit alors) et ne se fit aucun mal.�

�En l'�le de Sardaigne, dit P. de Lancre[1] et en la ville de Cagliari, une


fille de qualit�, de fort riche et honnorable maison, ayant veu un
gentilhomme d'une parfaicte beaut� et bien accompli en toute sorte de
perfections s'amouracha de luy, et y logea son amiti� avec une extr�me
violence. (Elle sut dissimuler et le gentilhomme ne s'apperceut de rien).
Un mauvais d�mon pipeur, plus instruit en l'amour et plus affronteur que
luy, embrassant cette occasion, recognut ais�ment que cette fille esprise
et combatue d'amour seroit bient�t abbatue... Et pour y parvenir plus
ais�ment, il emprunta le masque et le visage du vray gentilhomme, prenant
sa forme et figure, et se composa du tout � sa fa�on, si bien qu'on eut dit
que c'estoit non seulement son portrait, mais un autre luy-m�me. Il la vit
secretement et parla � elle, lui feignit des amours et des commoditez pour
se voir. De mani�re que le mauvais esprit qui trouve les sinistres
conventions les meilleures abusa non seulement de la simplicit� de ceste
jeune fille, ains encore du sacrement de mariage par le moyen duquel la
pauvre damoyselle pensoit aucunement couvrir sa faute et son honneur. De
sorte que, l'ayant espous� clandestinement, adjoustant mal sur mal, comme
plusieurs s'attachent ordinairement ensemble pour mieux assortir quelque
faict execrable tel que celuy-ci, ils jouyrent de leurs amours quelques
mois, pendant lesquels cette fille faussement contente cachoit le plus
possible ses amours... Il advint, que sa m�re luy donna quelque chose
sainte qu'elle portoit par d�votion, qui lui servit d'antidote contre le
d�mon et contre son amour, brouillant ses entr�es et troublant ses
commoditez. Le diable lui avait recommand� de ne pas lui envoyer de
messager, mais la jalousie la poussant, elle en envoya un au gentilhomme
pour le prier de se rendre aupr�s d'elle, lui reprocha son abandon, etc. Le
gentilhomme tout �tonn� lui d�clara qu'elle a �t� pip�e et �tablit qu'�
l'�poque du pr�tendu mariage il �tait absent. La damoyselle reconnut alors
l'oeuvre du d�mon et se retira dans un monast�re pour le reste de sa vie.�

[Note 1: _Tableau de l'inconstance des mauvais anges_, p. 218.]

Wier[1] raconte cette histoire d'une jeune fille servante d'une religieuse
de noble maison, � qui le diable voulut jouer un mauvais tour. �Un paysan
lui avoit promis mariage; mais il s'amouracha d'une autre: dont ceste-ci
fut tellement contrist�e, qu'estant all�e environ une demie lieue loin du
couvent, elle rencontra le diable en forme d'un jeune homme, lequel
commen�a � deviser famili�rement avec elle, lui descouvrant tous les
secrets du paysan, et les propos qu'il avoit tenus � sa nouvelle amie: et
ce afin de faire tomber cette jeune fille en d�sespoir et en r�solution de
l'estrangler. Estans parvenus pr�s d'un ruisseau, lui print l'huile qu'elle
portoit, afin qu'elle passast plus ais�ment la planche, et l'invita d'aller
en certain lieu qu'il nommoit; ce qu'elle refusa, disant: Que voulez-vous
que j'aille faire parmi ces marest et �tangs? Alors il disparut, dont la
fille con�eut tel effroy qu'elle tomba pasm�e: sa maistresse, en estant
avertie la fit rapporter au couvent dedans une licti�re. L� elle fut
malade, et comme transport�e d'entendement, estant agit�e de fa�on estrange
en son esprit, et parfois se plaignoit estre mis�rablement tourment�e du
malin, qui vouloit l'oster de l� et l'emporter par la fenestre. Depuis elle
fut mari�e � ce paysan et recouvra sa premi�re sant�.�

[Note 1: _Histoires, disputes et discours des illusions et


impostures des diables_.]

Le m�me auteur[1] rapporte cette histoire singuli�re d'une m�tamorphose du


diable:

[Note 1: _Histoires des impostures des diables_, p. 196.]

�La femme d'un marchand demeurant � deux ou trois lieues de Witemberg, vers
Sl�sic, avoit, dit-il, accoustum� pendant que son mary estoit all� en
marchandise, de recevoir un amy particulier. Il advint donc pendant que le
mary �toit aux champs que l'amoureux vint veoir sa dame, lequel apr�s avoir
bien beu et mang�, il faict son devoir, comme il luy sembloit, il apparut
sur la fin en la forme d'une pie mont�e sur le buffet, laquelle prenoit
cong� de la femme en cette mani�re: Cestuy-ci a est� ton amoureux. Ce
qu'ayant dit, la pie disparut, et oncques depuis ne retourna.�

Bouloese rapporte cette singuli�re aventure arriv�e � Laon[1]:

[Note 1: _Le Tr�sor et enti�re histoire de la triomphante victoire


du corps de Dieu sur l'esprit en col�re de Beelzebub, obtenue �
Laon l'an 1566_, par Bouloese. Paris, Nic. Chesneau, 1578, in-4�.]

�Lors ce m�decin r�form�, sans en communiquer au catholique, ne perdant


cette occasion de bouche ouverte, tira de sa gibessi�re une petite phiole
de verre contenant une liqueur d'un rouge tant couvert qu'� la chandelle il
apparoissoit noir, et luy jetta en la bouche. Et Despinoys esmeu par la
puanteur, haulsant la main droicte au devant s'escria disant: Fy, fy,
Monsieur nostre maistre que luy avez-vous donn�? Et en tomba sur sa main de
ce rendue pour un temps fort puante (dont par apr�s il fut contraint de
manger avec la gauche tenant cependant la droicte derri�re le dos) comme
aussi toute la chambre fut remplie de cette puantueur. Le corps devint
roide comme une buche, sans mouvement ny sentiment quelconque. Dont ce
m�decin r�form� fort �tonn�, dist que c'estoit une convulsion. Et retira
une autre bouteille pleine de liqueur blanche, qu'il disoit notre eau de
vie avec la quintessence de romarin pour faire revenir � soy la patiente,
et faire cesser la convulsion. Et pour exciter la patiente lui feist
frotter et battre les mains en criant: Nicole, Nicole, il faut boire.
Cependant une beste noire (avec r�v�rence semblable � un fouille-merde:
aussi � Vrevin s'�tait montr�e une autre sorte de grosse mouche a vers que
par ses effets l'on a jug�e estre ce maistre mouche Beelzebub), beste noire
que peu apr�s appela le diable escarbotte, fut veue et se pourmena sur le
chevet du lict et sur la main du dict Despinoys en l'endroit de la susdite
puante liqueur respandue... Toutefois ce m�decin disant estre une ordure
tomb�e du ciel du lit, secoua, mais en vain, pour en faire tomber d'autres.
Et se voyant ne pouvoir exciter la patiente et avoir est� reprins d'avoir
jet� en la bouche d'icelle, ceste liqueur tant puante, print une chandelle
et s'en alla.�

V.--SIGNES DE LA POSSESSION DU D�MON.

�Combien qu'il y ait parfois quelques causes naturelles de la phr�n�sie ou


manie, dit M�lanchthon en une de ses epistres[1], c'est toutes fois chose
asseur�e que les diables entrent en certaines personnes et y causent des
fureurs et tourmens ou avec les causes naturelles ou sans icelles; veu que
l'on void parfois les malades estre gueris par remedes qui ne sont point
naturels. Souvent aussi tels spectacles sont tout autant de prodiges et
pr�dictions de choses � venir. Il y a douze ans qu'une femme du pays de
Saxe, laquelle ne s�avoit ni lire ni escrire, estant agit�e du diable, le
tourment cess�, parloit en grec et en latin des mots dont le sens estoit
qu'il y auroit grande angoisse entre le peuple.�

[Note 1: Cit� par Goulart, _Thr�sor des histoires admirables_, t.


I, p. 142.]

Le docteur Ese[1] donne comme marques conjecturales de la possession:

[Note 1: _Traict� des marques des poss�d�s et la preuve de la


v�ritable possession des religieuses de Louvein_, par P. M. Ese,
docteur en m�decine. Rouen, Ch. Osmont, 1644, in-4�.]

1� Avoir opinion d'�tre poss�d�;

2� Mener une mauvaise vie;

3� Vivre hors de toute soci�t�;

4� Les maladies longues, les sympt�mes peu ordinaires, un grand sommeil,


les vomissements de choses estranges;

5� Blasph�mer le nom de Dieu et avoir souvent le diable en bouche;

6� Faire pacte avec le diable;

7� Estre travaill� de quelques esprits;

8� Avoir dans le visage quelque chose d'affreux et d'horrible;

9� S'ennuyer de vivre et se d�sesp�rer;

10� Estre furieux, faire des violences;

11� Faire des cris et hurlemens comme les bestes.

Nous trouvons dans une histoire des poss�d�es de Loudun[1] les questions
propos�es � l'universit� de Montpellier par Santerre, pr�tre et promoteur
de l'�v�ch� et dioc�se de N�mes, touchant les signes de la possession, et
les r�ponses judicieuses de cette universit�.

[Note 1: _Histoire des diables de Loudun, ou de la possession des


religieuses ursulines et de la condamnation et du supplice d'Urbain
Grandier, cur� de la m�me ville_. Amsterdam, Abraham Wolfgang,
1694, in-12, p. 314.]

_Question._

Si le pli, courbement et remuement du corps, la t�te touchant quelque fois


la plante des pi�s, avec autres contorsions et postures �tranges sont un
bon signe de possession?

_R�ponce._

Les mimes et sauteurs font des mouvements si �tranges, et se plient,


replient en tant de fa�ons, qu'on doit croire qu'il n'y a sorte de posture,
de laquelle les hommes et femmes ne se puissent rendre capables par une
s�rieuse �tude, ou un long exercice, pouvant m�me faire des extensions
extraordinaires et �carquillemens de jambes, de cuisses et autres parties
du corps � cause de l'extension des nerfs, muscles et tendons, par longue
exp�rience et habitude; partant telles op�rations ne se font que par la
force de la nature.

_Question_.

Si la v�locit� du mouvement de la t�te par devant et par derri�re, se


portant contre le dos et la poitrine est une marque infaillible de
possession?

_R�ponce_.

Ce mouvement est si naturel qu'il ne faut ajouter de raison � celles qui


ont �t� dites sur le mouvement des parties du corps.

_Question_.

Si l'enflure subite de la langue, de la gorge et du visage, et le subit


changement de couleur, sont des marques certaines de possession?

_R�ponce_.

L'enflement et agitation de poitrine par interruption sont des effets de


l'aspiration ou inspiration, actions ordinaires de la respiration, dont on
ne peut inf�rer aucune possession. L'enflure de la gorge peut proc�der du
souffle retenu et celle des autres parties des vapeurs m�lancoliques qu'on
voit souvent vaguer par toutes les parties du corps. D'o� s'ensuit que ce
signe de possession n'est pas recevable.

_Question_.

Si le sentiment stupide et �tourdi ou la privation de sentiment, jusques �


�tre pinc� et piqu� sans se plaindre, sans remuer, et m�me sans changer de
couleur, sont des marques certaines de possession?

_R�ponce._
Le jeune Lac�d�monien qui se laissait ronger le foye par un renard qu'il
avoit d�rob�, sans faire semblant de le sentir et ceux qui se faisoient
fustiger devant l'autel de Diane jusques � la mort sans froncer le sourcil,
montrent que la r�solution peut bien faire soufrir des piq�res d'�pingle
sans crier, �tant d'ailleurs certain que dans le corps humain il se
rencontre en quelques personnes de certaines petites parties de chair, qui
sont sans sentiment, quoique les autres parties qui sont alentour, soient
sensibles, ce qui arrive le plus souvent par quelque maladie qui a pr�c�d�.
Partant tel effet est inutile pour la possession.

_Question._

Si l'immobilit� de tout le corps qui arrive � de pr�tendus poss�d�s par le


commandement de leurs exorcistes, pendant et au milieu de leurs plus fortes
agitations est un signe univoque de vraie possession diabolique?

_R�ponce._

Le mouvement des parties du corps �tant involontaire, il est naturel aux


personnes bien dispos�es de se mouvoir ou de ne se mouvoir pas selon leur
volont�, partant un tel effet, ou suspension de mouvements n'est pas
consid�rable pour en inf�rer une possession diabolique, si en cette
immobilit� il n'y a privation enti�re du sentiment.

_Question._

Si le japement ou clameur semblable � celui du chien, qui se fait dans la


poitrine plut�t que dans la gorge est une marque de possession?

_R�ponce._

L'industrie humaine est si souple � contrefaire toute sorte de


raisonnements, qu'on voit tous les jours des personnes fa�onn�es �
exprimer parfaitement le raisonnement, le cri et le chant de toutes
sortes d'animaux, et � les contrefaire sans remuer les l�vres
qu'imperceptiblement. Il s'en trouve m�me plusieurs qui forment des paroles
et des voix dans l'estomac, qui semblent plut�t venir d'ailleurs que de la
personne qui les forme de la sorte, et l'on appelle ces gens les
engastronimes, ou engastriloques. Partant un tel effet est naturel, comme
le remarque Pasquier au chap. 38 de ses Recherches par l'exemple d'un
certain boufon nomm� Constantin.

_Question._

Si le regard fixe sur quelque objet sans mouvoir l'oeil d'aucun c�t� est
une bonne marque de possession?

_R�ponce._

Le mouvement de l'oeil est volontaire comme celui des autres parties du


corps et il est naturel de le mouvoir, ou de le tenir fixe, partant il n'y
a rien en cela de consid�rable.

_Question._

Si les r�ponces que de pr�tendues poss�d�es font en fran�ois, � quelques


questions qui leur sont faites en latin, sont une marque de possession?
_R�ponce._

Nous disons qu'il est certain que d'entendre et de parler les langues qu'on
n'a pas aprises sont choses surnaturelles, et qui pourroient faire supposer
qu'elles se font par le minist�re du Diable, ou de quelque autre cause
sup�rieure; mais de r�pondre � quelques questions seulement, cela est
enti�rement suspect, un long exercice ou des personnes avec lesquelles on
est d'intelligence pouvant contribuer � telles r�ponces, paroissant �tre un
songe de dire que les diables entendent les questions qui leur sont faites
en latin et r�pondent toujours en fran�ois et dans le naturel langage de
celui qu'on veut faire passer pour un �nergum�ne. D'o� il s'ensuit qu'un
tel effet ne peut conclure la r�sidence d'un d�mon, principalement si les
questions ne contiennent pas plusieurs paroles et plusieurs discours.

_Question._

Si vomir les choses telles qu'on les a aval�es est un signe de possession?

_R�ponce._

Delrio, Bodin et autres auteurs disent que par sortil�ge les sorciers font
quelquefois vomir des clous, des �pingles et autres choses �tranges par
l'oeuvre du diable. Ainsi dans les vrais poss�d�s le diable peut faire de
m�me. Mais de vomir les choses comme on les a aval�es, cela est naturel, se
trouvant des personnes qui ont l'estomac faible, et qui gardent pendant
plusieurs heures ce qu'elles ont aval�es, puis le rendent comme elles l'ont
pris et la Lient�rie rendant les aliments par le fondement, comme on les a
pris par la bouche.

_Question._

Si des piq�res de lancette dans diverses parties du corps, sans qu'il en


sorte du sang, sont une marque certaine de possession?

_R�ponce._

Cela doit se rapporter � la composition du temp�rament m�lancolique, le


sang duquel est si grossier qu'il ne peut en sortir par de si petites
plaies, et c'est par cette raison que plusieurs �tant piqu�s, m�me en leurs
veines et vaisseaux naturels, par la lancette d'un chyrurgien, n'en rendent
aucune goutte comme il se voit par exp�rience. Partant il n'y a rien
d'extraordinaire.�

J. Bouloese[1] raconte comment vingt-six diables sortirent du corps de


Nicole, la poss�d�e de Laon:

[Note 1: _Le tr�sor et enti�re histoire de la triomphante victoire


du corps de Dieu sur l'esprit malin de Beelzebub, obtenue � Laon
l'an 1566_, par J. Bouloese. Paris, Nic. Chesneau, 1578, in-4�.]

�A deux heures de l'apr�s midy fut rapport�e la dicte Nicole, estant


poss�d�e du diable, � la dicte �glise o� furent faites par ledit de Motta
les conjurations comme auparavant. Nonobstant toute conjuration le dit
Beelzebub dit � haute voix qu'il n'en sortirait. Apr�s d�ner donc
retournant le dit de Motta aux conjurations luy demanda combien ils en
�toient sortis? Il r�pond 26. Il faut maintenant (ce disoit de Motta) que
toy et tous tes adh�rans sortiez comme les autres. Il r�pond: Non je ne
sortiray pas icy; mais si tu me veux mener � sainte Restitute, nous
sortirons l�. Il te suffise s'ils sont sortis 26. Et puis le dit de Motta
demande signe suffisant comment ils estoient sortis. Il dist pour
tesmoignage que l'on regarde au petit jardin du tr�sorier qui est sur le
portail; car ils ont prins et emport� trois houppes (c'est-�-dire branches)
d'un verd may (d'un petit sapin) et trois escailles de dessus l'�glise de
Liesse faicte en croix, comme les autres de France commun�ment. Ce qui a
�t� trouv� vray, comme a veu monsieur l'abb� de Saint-Vincent, monsieur de
Velles, maistre Robert de May, chanoine de l'�glise Nostre-Dame de Laon, et
autres.�

Le m�me auteur[1] rapporte les contorsions de la d�moniaque de Laon:

[Note 1: _Le tr�sor et enti�re histoire de la triomphante victoire


du corps de Dieu sur l'esprit malin de Beelzebub, etc._, p. 187.]

�Et autant, dit-il, que le r�v�rend p�re �v�que lui mettoit la saincte
hostie devant les yeux, luy disant: Sors ennemy de Dieu: d'autant plus se
jectoit-elle � revers de cot� et d'autre, en se tordant la face devers les
pieds et en muglant horriblement et les pieds � revers les orteils estant
mis au talon, contre la force de huict ou dix hommes elle se roidissoit et
eslan�oit en l'air plus de six pieds, ou la hauteur d'un homme. De sorte
que les gardes, voire mesme en l'air avec elle parfois �lev�s en suoient de
travail. Et encore qu'ils s'appesantissent le plus qu'ils pouvoient, pour
la retenir en bas: si ne la pouvoient-ils toutes fois maistriser que quasi
elle ne leur eschapast, et fust arrach�e des mains sans qu'elle se
monstrast aucunement eschauff�e.

�Le peuple voyant et oyant chose si horrible, monstrueuse, hydeuse et


espouvantable crioient: J�sus, mis�ricorde! Les uns se cachoient ne l'osant
regarder. Les autres cognoissant l'enrag�e cruaut� de cet excessif
indicible et incredible tourment pleuroient � grosses larmes piteusement
redoublans: J�sus, mis�ricorde!�

�Apr�s la patiente ainsi pis que morte dure, roide, contrefaite, courb�e et
diforme, estoit par la permission du r�v�rend p�re �v�que laiss�e � toucher
et � manier � ceux qui vouloient. Mais principalement le fut-elle par les
pr�tendus r�formez, hommes tr�s forts. Et nommeement Fran�oys Santerre,
Christofle Pasquot, Gratian de la Roche, Marquette, Jean du Glas et autres
tr�s forts hommes assez remarqu�s entre eux de leur pr�tendue religion
r�form�e, s'efforc�rent mais en vain de luy redresser les membres, de les
poser en leur ordre, luy ouvrir les yeux et la bouche. Mais ils ne peurent
en sorte que ce feust. Aussy eussiez vous plustost rompu que ploy� quelque
membre d'icelle, ou faict mouvoir ou le bout du nez ou des aureilles, ou
autre membre d'icelle, tant elle estoit roide et dure. Et lors elle estoit
tenue, comme elle parloit par apr�s, d�clarant qu'elle enduroit un mal
incr�dible. C'est � s�avoir le diable par le tourment de l'�me, faisant le
corps devenir pierre ou marbre.�

Jean Le Breton rapporte les faits suivants sur les poss�d�es de


Louviers[1]:

[Note 1: _De la d�fense de la v�rit� touchant la possession des


religieuses de Louviers_, par M. Jean Le Breton, th�ologien.
Evreux, Nic. Hamillon, 1643, in-4�, p. 8.]

�Le quatri�me fait est que plusieurs fois le jour, elles t�moignent de
grands transports de fureur et de rage, durant lesquels elles se disent
d�mons, sans offenser n�antmoins personne, et sans blesser mesmes les
doigts de la main des prestres, lorsqu'au plus fort de leurs rages, ils les
mettent en leur bouche.�

�La cinquiesme est que durant ces fureurs et ces rages, elles font
d'estranges convulsions et contorsions de leurs corps, et entr'autre se
courbent en arri�re, en forme d'arc, sans y employer leurs mains, et ce en
sorte que tout leur corps est appuy� sur leur front autant et plus que sur
leurs pieds, et tout le reste est en l'air et demeurent longtemps en cette
posture et la r�it�rent jusqu'� sept ou huict fois: et apr�s tous ces
efforts et mille autres, continuez quelquefois quatre heures durant,
principalement, dans les exorcismes, et durant les plus chaudes apr�s
disn�es des jours caniculaires, se sont au sortir de l� trouv�es aussi
saines, aussi fraisches, aussi temp�r�es, et le poulx aussi haut et aussi
esgal, que si rien ne leur fut arriv�.�

�Le sixi�me est qu'il y en a parmy elles qui se pasment et s'esvanouissent


durant les exorcismes, comme � leur gr�, et en telle sorte que leur
pasmoison commence lorsqu'elles ont le visage le plus enflamm� et le poulx
le plus fort... Elles reviennent de cette pasmoison sans que l'on y emploie
aucun rem�de et d'une mani�re plus merveilleuse que n'en a est� l'entr�e;
car c'est en remuant premi�rement l'orteil, et puis le pied, et puis la
jambe, et puis la cuisse, et puis le ventre, et puis la poitrine, et puis
la gorge, mais ces trois derniers par un grand mouvement de dilatation...
le visage demeurant cependant tousjours apparemment interdit de tous ses
sens, les quels enfin il reprend tout � coup en grima�ant et hurlant et la
religieuse retournant en m�me temps en ses agitations et contorsions
pr�c�dentes.�

Le docteur Ese[1] raconte comme suit ce qu'�prouvait la soeur Marie du


couvent des religieuses de Louviers:

[Note 1: _Traict� des marques des poss�d�s_, p. 51.]

�La derni�re qui �toit soeur Marie du Sainct-Esprit, pr�tendue poss�d�e par
Dagon, grande fille et de belle taille un peu plus maigre, mais sans
mauvais teint ny aucune sorte de maladie entra dans le r�fectoire... le
visage droict sans arrester ses yeux, et les tournant d'un cost� et
d'autre, chantant, sautant, dansant, et frappant doucement, qui l'un, qui
l'autre, et en suite en se pourmenant tousjours, parla en termes tr�s
�l�gants et significatifs du contentement qu'il avoit (parlant de la
personne du diable) de sa condition et de l'excellence de sa nature... et
disoit tout cela en marchant avec une contenance arrogante, et le geste
semblable, ensuite il commen�a � entrer en furie et prononcer quantit� de
blasph�mes, puis se prit � parler de sa petite Magdelaine, sa bonne amie,
sa mignonne, et sa premi�re maistresse, et de l� se lan�a dans un panneau
de vitre la teste la premi�re sans sauter et sans faire aucun effort, et y
passa tout le corps se tenant � une barre de fer qui faisoit le milieu, et
comme elle voulut repasser de l'autre cost� de la vitre, on lui fit
commandement en langage latin _est in nomine Jesu rediret non per aliam sed
per eadem viam_, ce qu'apr�s avoir longuement contest� et dit qu'il n'y
rentreroit pas, elle le fit pourtant et rentra par le m�me passage, et
aussitost qu'elle fut revenue, les m�decins l'ayant consid�r�e, touch� le
poulx et fait tirer la langue, ce qu'elle permit en raillant et parlant
d'autre chose, ils ne luy trouv�rent ny esmotion telle qu'ils avoient cru
devoir estre, ny autre disposition conforme � la violence de tout ce
qu'elle avoit fait et dit; et sortir de cette sorte contant tousjours
quelque bagatelle et la compagnie se retira.�
Un autre historien des poss�d�es de Louviers[1] rapporte ce fait
surprenant:

[Note 1: _Histoire de madame Bavent, religieuse du monast�re de


Sainct-Louis de Louviers_. Paris, 1652, in-4�.]

�Au milieu de la nef de cette chappelle estoit expos� un vase d'une esp�ce
de marbre qui peut avoir pr�s de deux pieds de diam�tre et un peu moins
d'un pied de profondeur, les bords sont espais de trois doigts ou environ,
et si pesant que trois personnes des plus robustes auront peine de le
souslever estant par terre, ceste fille qui paroist d'une constitution fort
d�bile entrant dans la chapelle ne fit que prendre ce vase de l'extr�mit�
de ses doigts et l'ayant arrach� du pied d'estal sur lequel il estoit pos�,
le renversa sans dessus dessoubs et le jetta par terre avec autant de
facilit� qu'elle auroit fait un morceau de carte ou de papier. Ceste force
prodigieuse en un sujet si foible surprit tous les assistans; cependant la
fille paraissant furieuse et transport�e couroit de part et d'autre avec
des mouvements si brusques et si imp�tueux qu'il estoit malais� de
l'arrester. Un des eccl�siastiques pr�sents l'ayant saisy par le bras fut
estonn� de voir que ce bras, comme s'il n'eust est� attach� � l'espaule que
par un ressort, n'empeschoit pas le reste du corps de tourner par dessus et
par dessoubs par un certain mouvement que la nature ne souffre pas, ce
qu'elle fit sept ou huit fois avec une promptitude et une agilit� si
extraordinaire qu'il est difficile de se l'imaginer.�

La _Relation des Ursulines poss�d�es d'Auxonne_[1] contient les faits


suivants:

[Note 1: Manuscrit de la Biblioth�que de l'Arsenal, n� 90, in-4�.]

�Mons de Chalons ne fut pas plutost � l'autel (� minuit) que dans le jardin
du monast�re et tout � l'entour de la maison fut ouy dans l'air un bruit
confus, accompagn� de voix incognues et de certains sifflemens, quelquefois
de grands crix, de sons estranges et non articul�s comme de plusieurs
personnes ensemble, tout cela avoit quelque chose d'affreux parmy les
tenebres et dans la nuit. En m�me temps des pierres furent jett�es de
divers endroits contre les fenestres du choeur o� l'on c�l�broit la sainte
messe, quoique ces fenestres soient fort esloign�es des murailles que font
la closture du monastere, ce qui fait croire que ne pouvoient pas venir du
dehors. La vitre en fut cass�e en un endroit mais les pierres ne tomberent
point dans le choeur. Ce bruit fut entendu de plusieurs personnes dedans et
dehors, celuy qui estoit en sentinelle en la citadelle de la ville de ce
cost� l�, comme il d�clara le jour suivant, en prit l'alarme et mons
l'evesque de Chalons � l'autel ne peut s'empescher d'en concevoir du
soup�on de quelque chose de si extraordinaire qui se passoit en la maison,
que les demons ou les sorciers faisoient quelques efforts dans ce moment
qu'il repoussoit du lieu o� il estoit par de secrettes impr�cations et des
exorcismes int�rieurs.�

�Les religieuses cordelieres en la mesme ville entendirent ce bruit et en


demeur�rent effray�es. Elles creurent que leur monastere trembloit soubs
leurs pieds et dans ceste consternation et ce bruit confus qu'elles
entendirent furent oblig�es d'avoir recours aux pri�res.�

�Dans ce mesme temps furent entendues dans le jardin quelques voix faibles
comme de personnes qui se plaignoient et sembloient demander du secours. Il
estoit pr�s d'une heure apr�s minuit et faisoit fort mauvais temps et fort
obscur. Deux eccl�siastiques furent envoy�s pour voir que c'estoit et
trouv�rent dans le jardin du monastere Marguerite Constance et Denise Lamy,
celle-l� mont�e sur un arbre et l'autre couch�e au pied du degr� pour
entrer dans le choeur; elles estoient libres et dans l'usage de leur
raison, mais n�antmoins comme esperdues, particuli�rement la derni�re, fort
faible et sans couleur et le visage ensanglant� comme une personne effray�e
et qui avoit peine � se rassurer; l'autre avoit aussy du sang sur le visage
mais elle n'estoit point bless�e, les portes de la maison estoient bien
ferm�es et les murailles du jardin �lev�es de dix ou douze pieds.�

�Le mesme jour apr�s midy mons l'esveque de Chalons ayant dessein
d'exorciser Denise Lamy apr�s l'avoir envoy�e qu�rir et n'ayant pas est�
rencontr�e, il lui commanda int�rieurement de le venir trouver en la
chappelle de Saincte-Anne o� il estoit. Ce fut une chose assez surprenante
de voir la prompte ob�issance du demon � ce commandement qui n'avoit est�
conceu que dans le fonds de la pens�e, car environ l'espace d'un quart
d'heure apr�s, on entendit frapper imp�tueusement � la porte de la
chappelle, comme une personne extremement press�e, et la porte estant
ouverte on vit entrer cette fille brusquement sautant et bondissant dans la
chappelle, le visage tout chang� et fort diff�rent de son naturel, la
couleur haute, les yeux estincelans, un visage effront� et dans une
agitation si violente qu'on eut de la peine � l'arrester, ne voulant pas
souffrir qu'on mist l'estole � l'entour du corps qu'elle arrachoit et
jettait en l'air avec une extr�me violence, malgr� les efforts de quatre ou
cinq eccl�siastiques qui employoient tout ce qu'ils avoient de force et
d'industrie pour l'arrester, de sorte qu'il fut propos� de la lier: mais on
le jugeoit difficile dans les transports o� elle estoit.�

�Une autre fois estant dans le fort de ses agitations... on commanda au


d�mon de faire cesser le poulx en l'un de ses bras, ce qu'il fit
incontinent avec moins de r�sistance et de peine que l'autre fois. On lui
commanda ensuite de le faire retourner, et cela fut ex�cut� � l'instant...
Le commandement lui ayant est� fait de rendre la fille absolument
insensible � la douleur, elle protesta qu'elle estoit en cet estat,
pr�sentant son bras hardiment pour estre perc� et brul� comme on voudroit:
en effet, l'exorciste rendu plus hardi par les exp�riences pr�c�dentes
ayant pris une aiguille assez longue, la lui enfon�a tout enti�re entre
l'ongle et la chair dont elle se moquoit tout haut, d�clarant qu'elle n'en
sentoit rien du tout. Tantost elle faisoit couler le sang et tantost le
faisoit cesser selon qu'il lui estoit ordonn�, elle-mesme prenoit
l'aiguille et le per�oit en divers endroits du bras et de la main. On fit
encor davantage: l'un des assistans ayant pris une espingle et lui ayant
tir� la peau du bras un peu au-dessus du poignet la lui per�a de part en
part, de sorte que l'on voyoit l'espingle toute cach�e dans le bras en
sortir seulement par les deux extr�mit�s, et tout cela sans qu'il en
sortist une goutte de sang, sinon apr�s lui avoir command� d'en donner, et
sans monstrer la moindre apparence de sentiment ou de douleur.�

La m�me relation donne comme preuves de la possession des religieuses


d'Auxonne:

�Les grandes agitations du corps qui ne se peuvent concevoir que par ceux
qui en sont tesmoins. Ces grands coups de teste qu'elles se donnent de
toute leur force tantost contre le pav�, tantost contre les murs, et cela
si souvent et si durement qu'il n'est aucun des assistans qui ne fr�misse
en le voyant sans qu'elles tesmoignent de sentir aucune douleur ny qu'il
paroisse ny sang, ny blessure, ny contusion.�
�L'estat du corps dans une posture extremement violente, se tenant droictes
sur les genoux, pendant que la teste renvers�e en arri�re penche � un pied
pr�s ou environ vers la terre, en sorte qu'il paroist comme tout rompu.
Leur facilit� de porter la teste estant plus basse par derri�re que la
ceinture du corps sans bransler des heures enti�res, leur facilit� de
respirer en cet estat, l'�galit� du visage qui ne change presque point dans
ces agitations, l'�galit� du poulx, la froideur dans laquelle elles sont
pendant ces mouvements, la tranquillit� dans laquelle elles demeurent au
mesme instant qu'elles en sont revenues subitement sans que la respiration
soit plus forte que l'ordinaire, les renversements de la teste en arri�re
jusque contre terre avec une promptitude merveilleuse. Quelquefois les
trente et quarante fois de suite devant et arri�re, la fille demeurant �
genoux et les bras crois�s sur l'estomach quelquefois et dans le mesme
estat, la teste renvers�e tournant � l'entour du corps et faisant comme un
demy cercle avec des effets apparemment insupportables � la nature.�

�Les convulsions horribles et universelles par tous les membres


accompagn�es de hurlemens et de cris. Quelquefois la frayeur sur le visage
� la veue de certains fantosmes ou spectres dont elles se disoient estre
menac�es dans un changement si extraordinaire et des traits si diff�rents
de leur naturel qu'elles imprimoient la crainte dans l'�me des assistans,
quelquefois avec une abondance de larmes que l'on ne pouvoit arrester,
accompagn�es de plaintes et de cris aigus. D'autrefois la bouche
extraordinairement ouverte, les yeux �gar�s et la prunelle renvers�e au
point qu'il n'y paroissoit plus que le blanc, tout le reste demeurant cach�
soubz les paupi�res mais retournants � leur naturel au simple commandement
de l'exorciste assist� du signe de la croix.�

�Souvent on les a veu ramper et se tra�ner par terre sans aucun secours ou
des pieds ou des mains, quelquefois le derri�re de la teste ou le devant du
front a est� veu se joindre � la plante des pieds, quelques unes couch�es
par terre qu'elles ne touchent que de l'extr�mit� de l'estomach, tout le
reste du corps, la teste, les pieds et les bras port�s en l'air en assez
long espace de temps, quelquefois renvers�es en arri�re en sorte que
touchans le pav� du haut de la teste ou de la plante des pieds, tout le
reste demeuroit en l'air estendu comme une table, elles marchoient en cet
estat sans le secours des mains. Il leur est ordinaire de baiser la terre
demeurans � genoux, le visage renvers� par derri�re, en sorte que le sommet
de la teste va joindre la plante des pieds, les bras crois�s sur la
poitrine et dans cette posture faire un signe de la croix avec la langue
sur le pav�.�

�On remarque une estrange diff�rence entre l'estat dans lequel elles sont
estans libres et dans leur naturel et dans celuy qu'elles font paroistre
quand elles sont agit�es dans la chaleur du transport et de la fureur:
telle qui est infirme tant par la d�licatesse de sa complexion et de son
sexe que par maladie quand le d�mon l'a saisie et que l'autorit� de
l'�glise l'a forc�e de paroistre devient si furieuse dans de certains
momens que quatre ou cinq hommes avec toute leur force, sont empesch�s �
l'arrester; leurs visages mesmes se monstrent si diformes et si diff�rents
de leur naturel qu'on ne les reconoist plus et ce qui est de plus estonnant
est qu'apr�s des transports et des violences de ceste nature quelquefois
pendant trois ou quatre heures apr�s des efforts dont les corps les plus
robustes seroient lass�s � demeurer au lit plusieurs jours, apr�s des
hurlements continuels et des cris capables de rompre un estomach, estans
retourn�s en leur naturel, ce qui se fait en un instant, on les void sans
lassitude et sans �motion, l'esprit aussy tranquille, le visage aussy
compos�, l'haleine aussy lente, le poulx aussy peu alt�r� que si elles
n'avoient pas boug� d'un siege.�

�Mais on peut dire que parmy toutes les marques de possession qui ont paru
dans ces filles, une des plus surprenantes et des plus communes aussy parmy
elles, est l'intelligence de la pens�e et des commandemens int�rieurs qui
leur sont faits tous les jours par les exorcistes et les prestres, sans que
ceste pens�e soit manifest�e au dehors ou par le discours ou par aucun
signe ext�rieur. Il suffit qu'elle leur soit adress�e int�rieurement ou
mentalement pour leur estre congneue et cela s'est v�rifi� par tant
d'exp�riences pendant le s�jour de mons l'evesque de Chalons, par tous les
eccl�siastiques qui ont voulu l'esprouver que l'on ne peut douter
raisonnablement de toutes ces particularit�s et de plusieurs autres, qu'il
est impossible de sp�cifier icy par le d�tail.�

Plusieurs archev�ques ou �v�ques et docteurs en Sorbonne �mirent, � propos


de l'affaire d'Auxonne, l'avis suivant:

�Que de toutes ces filles qui sont de diff�rentes conditions il y en a de


s�culieres, de novices, de postulantes, de professes; il y en a de jeunes;
il y en a qui sont �g�es; quelques unes sont de la ville, les autres n'en
sont pas, quelques sont de bonne condition, d'autres de basse naissance;
quelques unes riches, d'autres pauvres et de moindre condition; qu'il y a
dix ans ou plus que cette affliction est commenc�e dans ce monast�re; qu'il
est malais� que depuis un si long temps un dessein de fourberie et de
friponnerie put conserver le secret parmi des filles en si grand nombre, de
conditions et d'int�r�ts si diff�rents; qu'apr�s une recherche et une
enqu�te plus exacte, le dit seigneur evesque de Chalons n'a trouv�
personne, soit dans le monastere, soit dans la ville, qui n'ait parl�
avantageusement de l'innocence et de la r�gularit�, tant des filles que des
eccl�siastiques qui ont travaill� devant lui aux exorcismes, et qu'il
t�moigne avoir reconnu de sa part en leurs d�portements pour des personnes
d'exemples de m�rite et de probit�, t�moignage qu'il croit devoir � la
justice et � la v�rit�.�

�Joint � ce que dessus le certificat du sieur Morel, m�decin pr�sent �


tout, qui assure que toutes ces choses passent les termes de la nature, et
ne peuvent partir que de l'ouvrage du d�mon; le tout bien consid�r� nous
estimons que toutes ces accusations extraordinaires en des filles exc�dent
les forces de la nature humaine et ne peuvent partir que de l'op�ration du
d�mon, poss�dant et obs�dant ces corps.�

VI.--SABBAT

J. Wier[1], qui pense que le sabbat n'existe que dans l'imagination des
sorci�res, donne la composition de leur onguent.

[Note 1: _Histoires, disputes et discours des illusions et


impostures des diables_, p. 165.]

�Elles font bouillir un enfant dans un vaisseau de cuivre et en prennent la


gresse qui nage au dessus, et font espessir le dernier bouillon en mani�re
d'un consum�, puis elles serrent cela pour s'en aider � leur usage: elles y
meslent du persil de eau, de l'aconite, des fueilles de peuple et de la
suie; ou bien elles font en ceste mani�re: elles m�langent de la berle, de
l'acorum vulgaire, de la quintefueille, du sang de chauve-souris, de la
morelle endormante et de l'huile: ou bien, si elles font des autres
compositions, elles ne sont dissemblables de ceste-cy. Elles oignent avec
cet onguent toutes les parties du corps, les ayant auparavant frott�es
jusques � les faire rougir; � celle fin de attirer la chaleur, et relascher
ce qui estoit estrainct par la froidure. Et � celle fin que la chair soit
relasch�e et que les pertuis du cuir soient ouverts elles y meslent de la
gresse ou de l'huile, il n'y a point de doute que ce ne soit � fin que la
vertu des sucs descende dedans et qu'elle soit plus forte et puissante.
Ainsi pensent-elles �tre port�es de nuict � la clart� de la lune par l'air
aux banquets, aux musiques, aux dances et aux embrassements des plus beaux
jeunes hommes qu'elles d�sirent.�

Suivant Delrio[1]:

[Note 1: _Les controverses et recherches magiques de Martin Delrio,


etc._ traduit et abr�g� du latin, par Andr� du Chesne Tourangeau.
Paris, Jean Petitpas, 1611, in-12.]

�Elles y sont port�es le plus souvent sur un baston, qu'elles oignent de


certain onguent compos� de gresse de petits enfans que le diable leur fait
homicidier, combien que quelquefois elles s'en frottent aussi les cuisses,
ou autres parties du corps. Ainsi frott�es elles ont coutume de s'asseoir
sur une fourche, baguette, ou manche de ballay, mesme sur un taureau, sur
un bouc ou sur un chien... puis mettant le pied sur la cramaill�re
s'envolent par la chemin�e et sont transport�es en leurs assembl�es
diaboliques o� bien souvent elles trouvent des feux noirs et horribles tous
allumez. L� le d�mon leur apparoist en forme de bouc ou de chien, lequel
elles adorent en diverses postures, tantost pliant les genouils en terre,
tantost debout et dos contre dos, tantost brandillants les cuisses
contrehaut et renversant la teste en arri�re, de sorte que le menton soit
port� vers le ciel: voire pour plus grand hommage lui offrent des
chandelles noires ou des nombrils de petits enfants et le baisant aux
parties honteuses de derri�re. Mais quoy pourroit-on �crire sans horreur
que quelquefois elles imitent aussi le sacrifice de la saincte messe, l'eau
b�niste et semblables c�r�monies des catholiques par mocquerie et d�rision.
Elles y pr�sentent en outre leurs enfants au diable, luy d�dient de leur
semence espandue en terre, et luy apportent aucunes fois la sainte Hostie
en leur bouche, laquelle elles foulent � beaux pieds en leur pr�sence.�

Le m�me auteur[1] explique les banquets et les danses du sabbat:

[Note 1: _Les controverses et recherches magiques de Martin Delrio,


etc._, p. 897.]

�Quelquefois elles dansent devant le repas et quelquefois apr�s,


ordinairement y a diverses tables, trois ou quatre, charg�es quelquefois de
morceaux friands et d�licats, et quelquefois insipides et grossiers, selon
les dignitez et moyens des personnes. Quelquefois elles ont chacune leur
d�mon assis aupr�s d'elles, et quelquefois elles sont toutes rang�es d'un
cot� et leur d�mon rang� � l'opposite. Elles n'oublient pas aussi de b�nir
leurs tables avant le repas, mais avec des paroles remplies de blasph�mes
avouant Beelzebub pour cr�ateur et conservateur de toutes choses. Elles luy
rendent semblablement action de graces apr�s le repas avec les m�mes
blasph�mes. Et il ne faut pas oublier qu'elles assistent � ces banquets
aucunes fois � face d�couverte et d'autres fois masqu�es ou voil�es de
quelque linge. Elles dancent peu apr�s dos contre dos et en rond, chacune
tenant son d�mon par les mains, ou bien quelquefois les chandelles
ardentes, qu'elles luy avaient offertes en l'allant adorer et baiser. A ces
�bats ne manquent aucunes fois le haubois et les m�n�triers, si quelquefois
elles ne se contentent de chanter � la voix. Finalement apr�s la dance
ausquels elles rendent apr�s compte de ce qu'elles ont fait depuis la
derni�re assembl�e, et sont celles l� les mieux venues, lesquelles ont
commis de plus �normes et de plus ex�crables m�chancetez. Les autres qui se
sont comportez un peu plus humainement sont siffl�es et mocqu�es, mises �
l'�cart et le plus souvent encore battues et maltrait�es de leurs ma�tres.�

Delrio[1] d�crit la sortie du sabbat et fait conna�tre � quelle �poque il


se tient:

[Note 1: _Les controverses et recherches magiques de Martin Delrio,


etc._, p. 199.]

�Elles recueillent en dernier lieu des poudres que quelques uns pensent
�tre les cendres du bouc, dont le d�mon avait pris la figure et lequel
elles avoient ador�, subitement consum� par les flames en leur pr�sence, ou
re�oivent d'autres poisons, qu'elles cachent pour s'en servir � l'ex�cution
de leurs pernicieux desseins, puis enfin s'en retournent en leurs maisons
celles qui sont pr�s � pied, et les plus �loign�es en la fa�on qu'elles y
avoient �t� transport�es. J'avois oubli� que ces sabbats diaboliques se
font le plus souvent environ la minuit, pour ce que Satan fait
ordinairement ses efforts pendant les t�n�bres: et qu'ils se tiennent encor
� divers jours en diverses provinces: en Italie, la nuit d'entre le
vendredy et le samedy, en Lorraine les nuits qui pr�c�dent le jeudy et le
dimanche et en d'autres lieux, la nuit d'entre le lundy et le mardy.�

Esprit de Bosroger[1] rapporte les aveux de Madeleine Bavan, � propos du


sabbat:

[Note 1: _La pi�t� afflig�e_, p. 389.]

�I. Qu'�tant � Rouen dans la maison d'une couturi�re ch�s laquelle elle
resta l'espace de trois ans elle fut d�bauch�e par un magicien qui en abusa
plusieurs, la fit transporter au sabbat avec trois de ses compagnes qu'il
avait aussi d�bauch�es: il y c�l�bra la messe avec une chemise gat�e de
sallet�s luy appartenant, le dit magicien estant au sabbat, les fit signer
dans un r�gistre d'environ deux mains de papier; Madeleine adjoute qu'elle
emporta du sabbat la vilaine chemise de laquelle le magicien s'�tait servi,
et �tant de retour la prist sur soy, pendant lequel temps elle se sentit
fort port�e � l'impudicit� jusqu'� ce qu'elle eust quitt�e par l'ordre d'un
sage confesseur cette abominable chemise.�

�II. Madeleine Bavan a dit qu'il ne s'�tait presque point pass� de semaine
pendant l'espace de huit mois ou environ, que le magicien ne l'ait men�e au
sabbat, o� une fois entr'autres ayant c�l�br� une ex�crable messe, il la
maria avec un des principaux diables de l'enfer nomm� Dagon qui parut alors
en forme d'un jeune homme, et luy donna une bague; ce maudit mariage fait,
le dit pr�tendu jeune homme luy mit la bague dans le doigt, puis se
s�par�rent chacun de leur cost�, avec promesse faite par ce jeune homme
qu'il ne seroit pas longtemps sans la revoir, aussy il luy apparut d�s le
lendemain, comme il a fait quantit� de fois pendant plusieurs ann�es, ayant
souvent sa compagnie charnelle, qui except� le plaisir qu'elle ressentoit
dans son esprit lui causoit plus de douleur que de volupt�, comme
elle-mesme l'assure.�

�Madeleine Bavan a dit[1] qu'elle a vu trois ou quatre fois des femmes


magiciennes accoucher au sabbat, apr�s la d�livrance desquelles on mettait
leurs enfans sur l'autel qui y demeuroient pleins de vie pendant la
c�l�bration de leur d�testable messe, laquelle �tant achev�e, tous les
assistans (entre lesquelles �tait la dite Bavan) et les m�res memes
�gorgeoient d'un commun consentement ces pauvres petits enfans, qu'ils
d�chiroient et apr�s que chacun en avoit tir� les principales parties,
comme le coeur et autres pour en faire charmes, mal�fices et sortil�ges;
ils mettoient le reste en terre; ausquels �gorgements elle a contribu� avec
Picard et a fait des mal�fices des dits enfants qu'elle a rapport�s �
l'intention g�n�rale de celuy qui pr�sidait au sabbat, et comme elle ne
s�avoit sur qui les appliquer, elle les bailla aux premiers trouv�s du
sabbat.�

[Note 1: _La pi�t� afflig�e_, p. 395.]

�Elle confesse avoir ador� le bouc du sabbat lequel paroist demy homme et
demy bouc, lesquelles adorations du bouc se font tousjours � dessein de
profaner le tr�s saint sacrement de l'Eucharistie.�

�Elle avoue avoir plusieurs fois ador� d'autres diables, r�f�rant ses
intentions � celles qu'ont les magiciens en g�n�ral: celles qu'elle se
formoit en particulier n'avoient point d'autre but que la charnalit�.�

�Pour revenir aux sorciers et sorci�res, quand ils vouloyent faire venir
ces esprits � eux, dit Loys Lavater[1], ils s'oignoyent d'un onguent qui
faisoit fort dormir; puis se couchoyent au lict, o� ils s'endormoyent tant
profond�ment qu'on ne les pouvoit esveiller, ni en les per�ant d'aiguilles
ni en les br�lant. Pendant qu'ils dormoyent ainsi, les diables leur
proposoyent des banquets, des danses, et toutes sortes de passe-temps, par
imagination. Mais puisque les diables ont si grande puissance, rien
n'emp�che qu'ils ne puissent quelquefois prendre les hommes, et les
emporter dans quelque forest puis leur faire voir l� tels spectacles...�

[Note 1: _Trois livres des apparitions, etc._, p. 297.]

�Il avint un jour que quelqu'un fort adonn� � ces choses, fut soudainement
emport� hors de sa maison en un lieu fort plaisant, o� apr�s avoir veu
danser toute la nuict et fait grande ch�re, au matin tout cela estant
esvanouy, il se vit envelopp� dans des �pines et halliers fort espais. Mais
outre ce qu'ils sont paillards aussi sont-ils fort cruels, car ils entrent
es maisons en forme de chiens ou de chats et tuent ou despouillent les
petits enfants.�

�Paul Grillaud, Italien qui vivoit l'an 1537, en son premier livre _de
Sortilegiis_, tesmoigne, dit Crespet[1], qu'il y eut un pauvre homme sabin
demourant pr�s de Rome qui fut persuad� par sa femme de se gresser comme
elle de quelques unguens pour estre transport� avec les autres sorciers.
Pendant que ce transport se fist par la vertu de la gresse et de quelques
paroles qu'on dit, et non pas par la vertu du diable, il se trouva donc au
comt� de B�n�vent soubs un grand noyer, o� estoient amassez infinis
sorciers qui beuvoient et mangeoient a son advis, et se mit avec eux pour
boire et manger; mais ne voyant point de sel sur table, en demanda ne se
doubtant que les diables l'ont en horreur et aussitost qu'il eust nomm� le
nom de Dieu de ce que le sel lui fut apport� disant en son langage:
_Laudato sia Dio pur e venuto questo sale_, incontinent tous les diables
avec leurs sorciers disparurent, et demoura le pauvre home tout seul, nud
comme il estoit et fut contraint de s'en retourner � pied mendiant son pain
et vint accuser sa femme qui fut brusl�e.�
[Note 1: _De la hayne de Satan pour l'homme_, p. 236.]

�D'apr�s le m�me[1], Daneau... rend compte d'un proc�s fait � Gen�ve... �


une femme laquelle avoit publiquement confess� estant interrog�e, qu'elle
avoit souvent assist� au chapitre et assembl�e des autres sorciers, tout
joignant le chapitre de la grande �glise d�di�e � saint Pierre (mais
maintenant le repaire de Sathan o� est annonc�e sa volont�) et qu'apr�s
tous les autres qui l� estoient congregez elle avoit ador� le diable en
forme de renard roux, qui se faisoit appeler Morguet et d�posa qu'on le
baisoit par le derri�re qui �toit fort froid et sentoit fort mauvais. O�
une jeune fille �tant arriv�e, d�daignant baiser une place tant vilaine et
infame, le dict renard se transforma en homme, et luy feit baiser son
geno�il qui estoit aussi froid que l'autre lieu, et de son poulce luy
imprima au front une marque qui lui causa une grande douleur; tout cela est
dans le dit livre imprim�, et ce que s'ensuit � s�avoir, que la ditte femme
d�posa devant les juges que quand elle vouloit aller � l'assembl�e, elle
avoit un baston blanc tachet� de rouge, et comme les autres lui avoient
appris, elle disoit � ce baston: �Baston blanc rouge, meyne-moi o� le
diable te commande.�

[Note 1: _De la hayne de Satan pour l'homme_, p. 231.]

�Barth � Spina raconte[1] qu'une jeune fille de Bergame fut trouv�e �


Venise, laquelle ayant veu lever de nuict sa m�re, qui despouillant sa
chemise s'estoit ointe, et chevauchant un baston estoit sortie par la
fenestre et s'estoit esvanouye, par une curiosit� en voulut autant faire,
et incontinent elle fut port�e au lieu o� estoit sa m�re arriv�e, mais
voyant le diable s'imprima le signe de la croix et invoqua le nom de la
Vierge Marie, et incontinent elle fut d�laiss�e seule, et se trouva toute
nue comme le proc�s en fut fait d'elle et de sa m�re et le tout v�rifi�.�

[Note 1: M�me ouvrage, p. 241.]

�Il allegue un autre exemple d'une autre femme de Ferrare laquelle estant
couch�e aupr�s de son mary se leva de nuict pensant qu'il fust bien endormy
mais il la contemploit comme elle print de l'onguent dans un vaisseau
qu'elle tenoit cach�, et aussitost fut enlev�e, il se leve et en voulut
autant faire, et se trouva incontinent au lieu o� estoit sa femme qui
estoit en une cave, mais n'ayant le moyen de retourner comme il �toit all�,
se trouva seul et appr�hend� comme larrons conta l'affaire, accusa sa femme
qui fut convaincue et chasti�e.�

Goulart[1] rapporte, d'apr�s Baudouain de Roussey[2], le fait suivant:

[Note 1: _Thr�sor des histoires admirables_, t. I, p. 178.]

[Note 2: _�p�tres m�dicinales_.]

�M. Th�odore fils de Corneille, jadis consul de la ville de Goude en


Hollande m'a r�cit� l'histoire qui s'ensuit l'affirmant tr�s v�ritable. En
un village nomm� Ostbrouch pr�s d'Utrect se tenoit une veufve au service de
laquelle estoit un quidam s'occupant en ce qui estoit requis pour les
affaires de la maison. Icelui ayant prins garde, comme les valets sont
curieux encores que ce ne fust comme en passant, que bien avant en la nuict
et lorsque tous les domestiques estoyent couchez, cette veufve estoit
d'ordinaire en l'estable vers un certain endroit, lors estendant les mains
elle empoignoit le rastelier d'icelle estable o� l'on met d'ordinaire le
foin pour les bestes. Lui s'esbahissant que vouloit dire cela, d�libere de
faire le mesme au desceu de sa maistresse, et essayer l'effect de telle
c�r�monie. Ainsi donc tost apres, en suivant sa maistresse qui estoit
entr�e en l'estable y va et empoigne le rastelier. Tout soudain il se sent
enlev� en l'air, et port� en une caverne sous terre, en une villette ou
bourgade nomm�e Wych, o� il trouve une synagogue de sorcieres, devisantes
ensemble de leurs mal�fices. La maistresse estonn�e de telle pr�sence non
attendue lui demanda par quelle adresse, il s'estoit rendu en telle
compagnie. Il lui deschiffre de poinct en poinct ce que dessus. Elle
commence � se despiter et courroucer contre lui craignant que telles
assembl�es nocturnes ne fussent descouvertes. N�antmoins elle fut d'avis de
consulter avec ses compagnes ce que seroit de faire en la difficult� qui se
pr�sentoit. Finalement elles furent d'avis de recueillir amiablement ce
nouveau venu en stipulant de lui promesse expresse de se taire, et de jurer
qu'il ne manifesteroit � personne les secrets qui lors luy avoyent est�
descouverts contre son opinion et m�rite. Ce pauvre corps promet mons et
merveilles, flatte les unes et les autres et pour n'estre pas rudement
admis en leur synagogue, feint avoir tr�s grande envie d'�tre del� en avant
admis en leur synagogue, s'il leur plaisoit. En ces consultations, l'heure
se passe et le temps de d�loger aprochoit. Lors se fait une autre
consultation � l'instance de la ma�tresse s�avoir si pour la conservation
de plusieurs, il estoit point exp�dient d'�gorger ce serviteur ou s'il
faloit le reporter. D'un commun consentement fut enclin� au plus doux avis
de le reporter en la maison, puisqu'il avoit prest� serment de ne rien
d�celer. La maistresse prend cette charge et apr�s promesse expresse et
r�ciproque, elle charge ce serviteur sur ses �paules promettant le reporter
en sa maison. Mais comme ils eurent fait une partie du chemin, ils
descouvrirent un lac plein de joncs et de roseaux. La maistresse
rencontrant cette occasion et craignant toujours que ce jeune homme se
repentant d'avoir �t� admis � ces festes d'enfer ne descouvrist ce qu'il
avoit veu s'eslance imp�tueusement et secoue de dessus ses �paules le jeune
homme esp�rant (comme il est � pr�sumer) que ce malavis� perdroit la vie,
tant par la violence de sa chute du fort haut, que par son enfondrement en
l'eau bourbeuse de ce lac, o� il demeureroit enseveli.�

�Mais comme Dieu est infiniment mis�ricordieux, ne voulant pas permettre la


mort du p�cheur, ains qu'il se convertisse et vive, il borna les furieux
desseins de la sorciere, et ne permit pas que le jeune homme fut noy�, ains
lui prolongea la vie, tellement que sa cheute ne fut pas mortelle, car
roulant et culbutant en bas il rencontre une touffe espaisse de cannes et
roseaux qui rabattirent la violence du coup en telle sorte toutes fois
qu'il fut rudement bless�, et n'ayant pour aide que la langue, tout le
reste de la nuict, il sentit des douleurs en ce lict de joncs et d'eau
bourbeuse.�

�Le jour venu en se lamentant et criant, Dieu voulut que quelques passants
estonnez de cette clameur du tout extraordinaire, apr�s avoir diligemment
cherch� trouverent ce pauvre corps demi transi tout esren� et froiss� ayant
outre plus les deux cuisses d�nou�es. Ils s'enquirent d'o� il estoit, qui
l'avoit mis en tel point et entendant l'histoire pr�c�dente apr�s l'avoir
tir� de ce mis�rable g�te le chargerent et firent porter par chariot �
Utrect. Le bourgmaistre nomm� Jean le Culembourg, gentilhomme vertueux,
esmeu et ravi en admiration d'un cas si nouveau, fit soigneuse enqueste du
tout, deserna prinse de corps contre la sorciere, et la fit serrer en
prison, o� elle confessa volontairement, sans torture et de poinct en
poinct, tout ce qui s'estoit pass�, suppliant qu'on eust piti� d'elle. La
conclusion de ce proc�s, par commun avis de tout le conseil produisit
condamnation de mort tellement que ceste femme fut brusl�e. Le serviteur ne
fut de longtemps apr�s gu�ri de sa froissure universelle et
particuli�rement de ses cuisses, chasti� devant tous de sa curiosit�
d�testable.�

Bodin[1] rapporte d'apr�s Sylvestre Rieras qu'en Italie, dans la ville de


Come, �l'official et l'inquisiteur de la foy, ayans grand nombre de
sorci�res qu'ils tenoyent en prison, et ne pouvans croire les choses
estranges qu'elles disoyent, en voulurent faire la preuve, et se firent
mener � la synagogue par l'une des sorci�res, et se tenans un peu �
l'escart virent toutes les abominations, hommages au diable, danses,
copulations. Enfin le diable qui faisoit semblant de ne les avoir pas veu,
les batit tant qu'ils en moururent quinze jours apr�s.�

[Note 1: _D�monomanie_, pr�face.]

�Nous trouvons, dit Bodin[1], au 6e livre de Meyr, qui a escrit fort


diligemment l'histoire de Flandres, que l'an 1459 grand nombre d'hommes et
femmes, furent brul�s en la ville d'Arras accus�es les uns par les autres
et confess�rent qu'elles estoient la nuit transport�es aux danses et puis
qu'ils se couplaient avecques les diables qu'ils adoraient en figure
humaine.�

[Note 1: _D�monomanie_.]

�Jacques Sprenger et ses quatre compagnons inquisiteurs des sorciers


escrivent qu'ils ont fait le proc�s � une infinit� de sorciers en ayant
fait ex�cuter fort grand nombre en Allemagne, et mesmement aux pays de
Constance et de Ravenspur l'an 1485 et que toutes generallement sans
exception, confessoient que le diable avoit copulation charnelle avec elle
apr�s leur avoir fait renoncer Dieu et leur religion.�

�Suivant P. de Lancre[1], Jeannette d'Abadie aag�e de seize ans dict,


qu'elle a veu hommes et femmes se mesler promiscuement au sabbat. Que le
diable leur commandait de s'accoupler et de se joindre, leur baillant �
chacun tout ce que la nature abhorre le plus, s�avoir la fille au p�re, le
fils � la m�re, la seur au fr�re, la filleule au parrain, la p�nitente �
son confesseur, sans distinction d'aage, de qualit� ny de parentulle.�

[Note 1: _Tableau des inconstances des mauvais anges_, p. 222.]

�Vers l'ann�e 1670, dit Balthazar Bekker[1], il y eut en Su�de, au village


de Mohra, dans la province d'Elfdalen, une affaire de sorcellerie qui fit
grand bruit. On y envoya des juges. Soixante-dix sorci�res furent
condamn�es � mort; une foule d'autres furent arr�t�es, et quinze enfants se
trouv�rent m�l�s dans ces d�bats.�

[Note 1: _Le Monde enchant�_, liv. VI, ch. XXIX, d'apr�s les
relations originales.]

�On disait que les sorci�res se rendaient de nuit dans un carrefour,


qu'elles y �voquaient le diable � l'entr�e d'une caverne, en disant trois
fois:

--�Antesser, viens! et nous porte � Blokula!�

�C'�tait le lieu enchant� et inconnu du vulgaire, o� se faisait le sabbat.


Le d�mon Antesser leur apparaissait sous diverses formes, mais le plus
souvent en justaucorps gris, avec des chausses rouges orn�es de rubans, des
bas bleus, une barbe rousse, un chapeau pointu. Il les emportait � travers
les airs � Blokula, aid� d'un nombre suffisant de d�mons, pour la plupart
travestis en ch�vres; quelques sorci�res, plus hardies, accompagnaient le
cort�ge, � cheval sur des manches � balai. Celles qui menaient des enfants
plantaient une pique dans le derri�re de leur ch�vre; tous les enfants s'y
perchaient � califourchon, � la suite de la sorci�re, et faisaient le
voyage sans encombre.�

�Quand ils sont arriv�s � Blokula, ajoute la relation, on leur pr�pare une
f�te; ils se donnent au diable, qu'ils jurent de servir; ils se font une
piq�re au doigt et signent de leur sang un engagement ou pacte; on les
baptise ensuite au nom du diable, qui leur donne des raclures de cloches.
Ils les jettent dans l'eau, en disant ces paroles abominables:

--�De m�me que cette raclure ne retournera jamais aux cloches dont elle est
venue, ainsi que mon �me ne puisse jamais entrer dans le ciel.�

�La plus grande s�duction que le diable emploie est la bonne ch�re; et il
donne � ces gens un superbe festin, qui se compose d'un potage aux choux et
au lard, de bouillie d'avoine, de beurre, de lait et de fromage. Apr�s le
repas, ils jouent et se battent; et si le diable est de bonne humeur, il
les rosse tous avec une perche, �ensuite de quoi il se met � rire � plein
ventre.� D'autres fois il leur joue de la harpe.�

�Les aveux que le tribunal obtint apprirent que les fruits qui naissaient
du commerce des sorci�res avec les d�mons �taient des crapauds ou des
serpents.

�Des sorci�res r�v�l�rent encore cette particularit�, qu'elles avaient vu


quelquefois le diable malade, et qu'alors il se faisait appliquer des
ventouses par les sorciers de la compagnie.�

�Le diable enfin leur donnait des animaux qui les servaient et faisaient
leurs commissions, � l'un un corbeau, � l'autre un chat, qu'ils appelaient
_emporteur_, parce qu'on l'envoyait voler ce qu'on d�sirait, et qu'il s'en
acquittait habilement. Il leur enseignait � traire le lait par charme, de
cette mani�re: le sorcier plante un couteau dans une muraille, attache � ce
couteau un cordon qu'il tire comme le pis d'une vache; et les bestiaux
qu'il d�signe dans sa pens�e sont traits aussit�t jusqu'� �puisement. Ils
employaient le m�me moyen pour nuire � leurs ennemis, qui souffraient des
douleurs incroyables pendant tout le temps qu'on tirait le cordon. Ils
tuaient m�me ceux qui leur d�plaisaient, en frappant l'air avec un couteau
de bois.�

�Sur ces aveux on br�la quelques centaines de sorciers, sans que pour cela
il y en e�t moins en Su�de.�

On ne peut gu�re �voquer les d�mons avec s�ret� sans s'�tre plac� dans un
cercle qui garantisse de leur atteinte, parce que leur premier mouvement
serait d'empoigner, si l'on n'y mettait ordre. Voici ce qu'on lit � ce
propos dans le _Grimoire du pape Honorius_:

�Les cercles se doivent faire avec du charbon, de l'eau b�nite asperg�e, ou


du bois de la croix b�nite... Quand ils seront faits de la sorte, et
quelques paroles de l'�vangile �crites autour du cercle, sur le sol, on
jettera de l'eau b�nite en disant une pri�re superstitieuse dont nous
devons citer quelques mots:--�Alpha, Om�ga, Ely, Eloh�, Z�bahot, Elion,
Saday. Voil� le lion qui est vainqueur de la tribu de Juda, racine de
David. J'ouvrirai le livre et ses sept signes...�

On r�cite apr�s la pri�re quelque formule de conjuration, et les esprits


paraissent.

Le _Grand Grimoire_ ajoute �qu'en entrant dans ce cercle il faut n'avoir


sur soi aucun m�tal impur, mais seulement de l'or ou de l'argent, pour
jeter la pi�ce � l'esprit. On plie cette pi�ce dans un papier blanc, sur
lequel on n'a rien �crit; on l'envoie � l'esprit pour l'emp�cher de nuire;
et, pendant qu'il se baisse pour la ramasser devant le cercle, on prononce
la conjuration qui le soumet.�

Le _Dragon rouge_ recommande les m�mes pr�cautions.

Il nous reste � parler des cercles que les sorciers font au sabbat pour
leurs danses. On en montre encore dans les campagnes; on les appelle
_cercle du sabbat_ ou _cercle des f�es_, parce qu'on croyait que les f�es
tra�aient de ces cercles magiques dans leurs danses au clair de la lune.
Ils ont quelquefois douze ou quinze toises de diam�tre, et contiennent un
gazon pel� � la ronde de la largeur d'un pied, avec un gazon vert au
milieu. Quelquefois aussi tout le milieu est aride et dess�ch�, et la
bordure tapiss�e d'un gazon vert. Jessorp et Walker, dans les _Transactions
philosophiques_, attribuent ce ph�nom�ne au tonnerre: ils en donnent pour
raison que c'est le plus souvent apr�s des orages qu'on aper�oit ces
cercles.

D'autres savants ont pr�tendu que les cercles magiques �taient l'ouvrage
des fourmis, parce qu'on trouve souvent ces insectes qui y travaillent en
foule.

On regarde encore aujourd'ui, dans les campagnes peu �clair�es, les places
arides comme le rond du sabbat. Dans la Lorraine, les traces que forment
sur le gazon les tourbillons des vents et les sillons de la foudre passent
toujours pour les vestiges de la danse des f�es, et les paysans ne s'en
approchent qu'avec terreur[1].

[Note 1: Madame �lise Vo�art, Notes au livre Ier de la Vierge


d'Ardu�ne.]

VII.--UNION CHARNELLE AVEC LE DIABLE. INCUBES ET SUCCUBES.

�Le bruit commun, dit saint Augustin[1] est, et plusieurs l'ont essay� et
encore entendu de ceux la foy desquels ne peut estre r�voqu�e en doute que
certains faunes et animaux silvestres appelez du commun incubes ont est�
f�cheux et envieux aux femmes, tellement qu'ils ont souvent convoit�
d'habiter avec elles, et se trouvent certains d�mons que les Fran�ois
appellent _Dusii_, lesquels s'efforcent tant qu'ils peuvent de cognoistre
les femmes et souvent ils accomplissent leur dessein; tellement que de nier
cela est un traict d'un homme impudent.�

[Note 1: _Cit� de Dieu_, livres XXIII et XIX.]

Crespet[1] rapporte que �Col. Rhodiginus livre II, chap. VI, des _Antiques
le�ons_, soustient que les diables peuvent habiter avec les femmes,
_Daemones foecundos esse femine, et co�re, angelos vero bonos minime_. Et
souvent on a trouv� des sorci�res es lieux escart�s, couch�es � la renverse
et se remuer comme estans en l'acte v�n�rien, et aussitost le diable se
lever en forme de nu�e espaisse et foetide.�

[Note 1: Crespet, _La hayne de Sathan_, p. 296.]

D'apr�s Bodin[1] �Jeanne Herviller, native de Verbery pr�s Compiegne, entre


autres choses, confessa que sa mere avoit este condamn�e d'estre brusl�e
toute vive par arrest du parlement, confirmatif de la sentence du juge de
Senlis, qu'� l'aage de douze ans sa m�re la pr�senta au diable en forme
d'un grand homme noir et vestu de noir, bott�, esperonn�, avec une esp�e au
cost� et un cheval noir � la porte, auquel la m�re dit: Voicy ma fille que
je vous ay promise, et � la fille: Voicy vostre amy qui vous fera bien
heureuse, et d�s lors elle renon�a � Dieu, � la religion, et puis coucha
avec elle charnellement en la mesme sorte et mani�re que font les hommes
avecques les femmes, hormis que la semence estoit froide. Cela, dit-elle,
continua tous les quinze jours, mesmes icelle estant couch�e pr�s de son
mary sans qu'il s'en apperceut. Et un jour le diable luy demanda si elle
voulait estre enceinte de lui et elle ne voulut pas.�

[Note 1: _D�monomanie_.]

Merlin passait pour fils du diable. �Je pense, dit Le Loyer[1], que ce
n'est point chose tant incroyable qu'il ait est� engendr� du diable en une
sorci�re: car en la mesme isle vers le royaume d'�cosse, au pays de Marr�e,
y eut une fille qui se trouva grosse du fait du diable. Ce ne fut pas sans
donner � penser � ses parents, qui la pouvoit avoir engross�e, parce
qu'elle abhorroit les noces et n'avait voulu �tre mari�e. Ils la pressent
de dire qui l'avait engross�e: elle confesse, que c'estoit le diable qui
couchoit toutes les nuicts avec elle, en forme de beau jeune homme. Les
parents ne se contentent pas la responce de la fille, pratiquent sa
chambri�re qui de nuict les fit entrer dans la chambre avec torches. Ce fut
lors qu'ils apperceurent au lict de la fille, un monstre fort horrible
n'ayant forme aucune d'homme. Le monstre fait contenance de ne vouloir
quitter le lict, et fait on venir le prestre pour l'exorciser. Enfin le
monstre sort, mais c'est avec tel tintamarre et fracassement, qu'il brusla
les meubles qui estoient en la chambre, et en sortant descouvrit le toict
et couverture de la maison. Trois jours apr�s, dict Hectore Bo�ce, la
sorci�re engendra un monstre, le plus vilain qui fust oncque n� en �cosse,
que les sages femmes estoufferent.�

[Note 1: _Discours et histoires des spectres, etc._, p. 315.]

�J'ai leu autrefois, dit le m�me[1], en Thomas Valsingham, Anglais, que la


nuict d'une feste de Pentecote une femme du pays et de la paroisse de
Kenghesla du dioc�se de Wintchester et doyenn� d'Aulton, nomm�e Jeanne, fut
en songe, non tant admonest�e, que press�e et sollicit�e d'aller trouver un
jeune homme qui l'entretenait par amourettes. Elle se mit en chemin d�s le
lendemain, et estant en la for�t de Wolmer, se pr�sente � elle un d�mon en
la forme de l'amoureux nomm� Guillaume, qui l'accoste et jouyt d'elle.
Ceste maladie elle pense luy avoir �t� caus�e par l'amoureux, qui se
justifie et montre qu'il �tait impossible qu'il fust en la forest en la
m�me heure dont elle se plaignoit et par l� fut la v�rit� du d�mon incube
descouverte. Cela rengr�gea encore la maladie de la femme et advint cette
merveille. La maison o� gisait la femme fut tellement remplie de puanteur
que personne n'y pouvoit durer, et trois jours apr�s mourut ayant les
l�vres fort livides, le ventre noir et enfl� par tout le corps. A toute
peine huict hommes la port�rent en terre tant elle pesoit.�

[Note 1: M�me ouvrage, p. 340.]

Goulart rapporte cette singuli�re histoire d'apr�s un personnage, dit-il,


tr�s digne de foy: L'an 1602, un gentilhomme fran�ois se trouvant pr�s d'un
bois, en voit sortir une fille �plor�e et �chevel�e qui lui demande appui
et protection contre des voleurs qui avaient tu� sa compagnie et avaient
voulu la violer. Le gentilhomme, tirant son �p�e, prit cette demoiselle en
croupe et traversa la for�t sans rencontrer personne. Il l'amena, dans une
h�tellerie o� elle ne voulut manger ni boire que sur les instances du
gentilhomme. Cette demoiselle supplia ensuite son sauveur de la laisser
coucher dans la m�me chambre que lui. Il y consentit apr�s quelques
difficult�s, et l'on dressa deux lits. Le gentilhomme se coucha dans le
sien. �Mais la damoiselle, environ une heure apr�s, se despouilla pr�s de
l'autre lict, et comme feignant croire que le gentilhomme dormist, commence
� se descouvrir, � se contempler en diverses parties. Le gentilhomme picqu�
d'infame passion attis�e par l'indigne regard d'un masque qui lui
paroissoit et sembloit le plus beau qui jamais se fust pr�sent� � ses yeux,
se laissa gaigner par l'infame convoitise de son coeur all�ch� par les
redoutables attraits d'un tr�s cauteleux ennemi, mettant le reverence de
Dieu et le salut de son ame en oubli, se leve de son lict, s'en va dans
celui de la damoiselle qui le receut et pass�rent la nuict ensemble. Le
matin venu, le pauvre miserable retourne trouver sa couche, et y estant
s'endort. La damoiselle se l�ve et disparoit sans saluer gentilhomme, hoste
ni hostesse. Le gentilhomme esveill� la demande, elle ne se trouve point:
il l'attend jusques environ midi: lors n'en pouvant avoir de nouvelles il
monte � cheval, et poursuit son chemin. A peine estoit-il � demie-lieue de
la ville qu'il descouvre au bout d'une raze campagne un cavalier arm� de
pied en cap, lequel venoit � lui, bride abatue, les armes au poin. Le
gentilhomme qui estoit bon soldat l'attend de pied ferme, et repousse
vaillamment l'effort de cest ennemi couvert, lequel se retirant un peu �
quartier, haussa la visi�re. Alors le pauvre gentilhomme conut la face de
la damoiselle avec laquelle il avoit pass� la nuict precedente, lui
d�clairant lors en termes expres qu'il avoit eu la compagnie du diable, que
sa resistance estoit vaine, qu'il ne pouvoit s'en desdire.� Le gentilhomme
invoqua l'assistance de Dieu, Satan disparut. Le gentilhomme tournant bride
rebroussa vers sa maison o�, d�sol�, se mit au lit, confessa ce qui lui
�tait arriv� devant plusieurs personnes notables, et mourut peu de jours
apr�s, esp�rant � la mis�ricorde de Dieu.

Guyon[1] rapporte aussi l'histoire de quelques personnes qui ont eu


commerce avec le diable:

[Note 1: _Diverses le�ons_, t. II, p. 56.]

�Ruoffe en son livre de la _Conception et g�n�ration humaine_, tesmoigne


que de son temps, une paillarde eut affaire � un esprit malin par une
nuict, ayant forme d'homme, et que soudain apr�s le ventre luy enfla, et
que pensant estre grosse, elle tomba en une si �trange maladie que toutes
ses entrailles tomb�rent, sans que par aucun artifice des m�decins, elle
peust estre gu�rie.�

�En ce pays de Lymosin, environ l'an 1580, un gentilhomme cadet venant de


la chasse du li�vre, � soleil couchant, trouva en son chemin un esprit
transform� en une belle femme, cuydant � la v�rit� qu'elle fust telle:
estant allech� par elle � volupt�, eut affaire � elle, se sentit saisi
soudain d'une si grande chaleur par tout son corps, que dans trois jours
apr�s il mourut, et persista de dire jusques � la mort, que ceste chaleur
provenoit de ceste copulation et ne resvoit nullement, et que soudain apr�s
l'acte venerien ceste femme s'evano�it.�

�Nous avons veu deux femmes du bourg de Chambaret � s�avoir la m�re et la


fille, qui disoyent et affermoient le diable avoir eu affaire avec elles
par force visiblement et par violence, et leur ventre s'enfla grandement,
et les touchay et visitay, et les trouvay telles; l'on les tenoit pour
insens�es de tenir telles paroles. Elles changerent de lieux, s'en allerent
caymandant ailleurs et depuis j'ay entendu qu'elles n'estoyent plus grosses
et qu'elles furent descharg�es par beaucoup de fum�es et ventositez qui
sortirent de leurs corps, l'on m'a dit qu'elles estoyent encore en vie.�

Selon Crespet[1], �Hector Bo�tius, hystoriographe escossois, sur la fin du


livre VIII de son _Hystoire escossoise_, r�cite que l'an 1486 quelques
marchans navigeans d'Escosse en Flandre, se voient � l'improviste assaillis
d'une effroyable tempeste qui les environna, de sorte qu'ils pensaient
aller au fond de l'Oc�an. L'air estoit troubl�, les nues obscures et
espaisses, le soleil avoit perdu sa clart�, dont ils soup�onn�rent qu'il y
avoit de la malice de Sathan parmy tant de tourmente, ce que pensoit faire
tomber en desespoir ces pauvres gens. Or de malheur en leur navire, il y
avoit une femme, laquelle voyant si grand d�sordre et effroy commen�a �
confesser sa faute et s'accuser, que de longtemps elle avoit souffert un
dyable incube qui la venoit parfois vexer et qu'il ne faisoit que partir de
sa compagnie, les suppliant qu'ils la jetassent en la mer, car elle se
sentoit grandement coupable pour un crime tant horrible et infame.
Toutefois, il y eut des gens catholiques au navire, et entre autres un
prestre qui la confessa et remit en meilleure esp�rance devant lequel se
prosternant en un lieu escart� pour confesser ses p�ch�s avec une amertume
de coeur, souspirs et sanglots, se confiant en la mis�ricorde de Dieu, et
aussistost qu'il luy eust donn� l'absolution sacramentale, les assistans
veirent lever en l'air du navire une espaisse nu�e avec une fadeur et fum�e
accompagn�e de flame qui s'alla jetter en fond, et aussitost la s�r�nit�
fut rendue.�

[Note 1: _De la hayne de Sathan_, p. 296.]

�Le m�me auteur (Bo�tius), au mesme livre, cit� par Crespet, poursuit
encore un autre exemple de la r�gion, Gareotha, d'un jeune adolescent, beau
et �l�gant en perfection, lequel confessa devant son evesque qu'il avoit
souvent eu la compagnie d'une jeune fille qui le venoit de nuict
chatouiller en son lit, et le baisotoit se supposant � luy, afin qu'il fust
eschauff� pour faire l'oeuvre charnel, sans que jamais il peut s�avoir qui
elle estoit, ou d'o� elle venoit, car les portes et fenestres de sa chambre
avoient toujours est� ferm�es, mais par le conseil des gens doctes il
changea de demeure, et � force de pri�res, confessions, jeunes et autres
d�vots exercices il fut d�livr�.�

�J'ay aussi leu, dit Bodin[1], l'extraict des interrogatoires faicts aux
sorcieres de Longwy en Potez qui furent aussi brusl�es vives que maistre
Adrian de Fer, lieutenant g�n�ral de Laon m'a baill�. J'en mettrai quelques
confessions sur ce point.�

[Note 1: _D�monomanie_.]

�Marguerite Bremont, femme de Noel de Lavatet, a dit que lundy dernier


apr�s avoir failli elle fut avec Marion sa m�re � une assembl�e pr�s le
moulin Franquis de Longwy en un pr� et avoit sa dite m�re un ramon entre
ses jambes disant: Je ne mettray point les mots, et soudain elles furent
transport�es toutes deux au lieu o� elles trouv�rent Jean Robert, Jeanne
Guillemin, Marie femme de Simon d'Agneau et Guillemette femme d'un nomm�
Legras qui avoient chacun un ramon. Se trouv�rent aussi en ce lieu six
diables, qui estoient en forme humaine, mais fort hideux � voir. Que apr�s
la danse finie les diables se couch�rent avecque elles, et eurent leur
compagnie et l'un d'eux, qui l'avoit men�e danser la print et la baisa par
deux fois et habita avec elle l'espace de plus d'une demie heure mais
d�laissa aller sa semence bien froide.�

P. de Lancre[1] r�p�te diverses histoires d'incubes et de succubes:

[Note 1: _Tableau de l'inconstance des mauvais anges_, p. 214.]

�Henry, institeur, et Jaques Spranger, qui furent esleus du pape Innocent


VIII pour faire le proc�s aux sorciers d'Allemagne, racontent que bien
souvent ils ont veu des sorci�res couch�es par terre le ventre en sus,
remuant le corps avec la m�me agitation que celles qui sont en cette sale
action, prenant leur plaisir avec ces esprits et d�mons incubes qui leur
sont visibles mais invisibles � tous autres, sauf qu'ils voient apr�s cet
abominable accouplement une puante et sale vapeur s'eslever du corps de la
sorci�re de la grandeur d'un homme: si bien que plusieurs maris jaloux
voyant les malins esprits acointer ainsi et cognoistre leurs femmes pensant
que ce fussent vrayment des hommes mettoient la main � l'esp�e, et qu'alors
les d�mons disparoissans ils demeuroient moquez et rudement baffouez par
leurs femmes.�

�Fran�ois Pic de la Mirandole dict avoir cognu un homme de soixante-quinze


ans qui s'appeloit Benedeto Berna, lequel par l'espace de quarante ans eut
accointance avec un esprit succube qu'il appeloit Harmeline et la
conduisoit et menoit quant et luy en forme humaine, en la place et partout
et parloit avec elle: de mani�re que plusieurs l'oyant parler, et ne voyant
personne le tenoient pour fol. Et un autre nomm� Pinet en tint un l'espace
de trente ans sous le nom de Fiorina.�

�Sur quoy est remarquable ce que dict Bodin que les diables ne font paction
expresse avec les enfants qui leur sont vouez, s'ils n'ont atteint l'aage
de pubert� et dict que Jeanne Herviller disposa que sa m�re qui l'avait
d�di�e � Satan si tost qu'elle fut n�e, ne fut jamais d�sir�e par Satan ny
ne s'accoupla avec luy, qu'elle n'eust atteint l'aage de douze ans. Et
Magdeleine de la Croix, abbesse de Cordoue, en Espagne, dict de m�me, que
Satan n'eut cognoissance d'elle qu'en ce mesme aage.�

�Or cette op�ration de luxure n'est commise ou pratiqu�e par eux pour
plaisir qu'ils y prennent, parce que comme simples esprits, ils ne peuvent
prendre aucune joye ny plaisir des choses sensibles. Mais ils le font
seulement pour faire choir l'homme dans le pr�cipice dans lequel ils sont,
qui est la disgr�ce de Dieu tr�s haut et tr�s puissant.�

�Johann�s d'Aguerre dict que le diable en forme de bouc avoit son membre au
derri�re et cognoissoit les femmes en agitant et poussant avec iceluy
contre leur devant.�

�Marie de Marigrane, aag�e de quinze ans, habitante de Biarrix dict,


qu'elle a veu souvent le diable s'accoupler avec une infinit� de femmes
qu'elle nomme par nom et surnom: et que sa coutume est de cognoistre les
belles par devant, et les laides au rebours.�
�Toutes les sorci�res s'accordent en cela, dit Delrio[1], que la semence
qu'elles re�oivent du diable, est froide comme glace, et qu'elle n'apporte
aucun plaisir, mais horreur plutost, et par cons�quent ne peut �tre cause
d'aucune g�n�ration. Je r�pons que le d�mon, voulant d�cevoir la femme souz
l'esp�ce et figure de quelque homme sans qu'elle s'apper�oive qu'il est un
d�mon, imite lors le plus convenablement qu'il peut tout ce qui est requis
en l'accouplement de l'homme et de la femme, et par ainsi met-il en peine
s'il veut que la g�n�ration s'en ensuive (ce qui avient rarement) d'y
employer tout ce qui est n�cessaire � la g�n�ration, cherchant une semence
prolifique, qu'il conserve et jette d'une si grande vitesse que les esprits
vitaux ne s'�vaporent. Mais quand il n'a point d'intention d'engendrer,
alors il se sert de je ne s�ay quoy de semblable � la semence, chaud
toutefois de peur que son imposture ne soit descouverte et tempere aussi le
corps qu'il a pris de peur que par son attouchement, il n'apporte de la
crainte, de l'horreur ou de l'�pouvantement. Au contraire quand ils se
couplent avec celles qui n'ignorent pas que ce soit un d�mon, il jette le
plus souvent une semence imaginaire et froide, de laquelle je confesse
ing�n�ment qu'il ne peut rien provenir. Et qui plus est, toutes les
sorci�res s'accordent en cela, qu'il les interroge si elles con�oivent de
ses oeuvres; et si d'aucunes se trouvent qui en aient envie, lors il se
sert, comme je l'ay dit, de la vraye semence de l'homme.�

[Note 1: _Les controverses et recherches magiques_, p. 187.]

Les d�mons, selon Delrio[1], peuvent aussi produire de certains monstres


inaccoutum�s, tels que celuy qu'on a veu au Br�sil, de dix-sept palmes de
hauteur, couvert d'un cuir de l�sard, ayant des t�tins fort gros, les bras
de lyon, les yeux �tincelans et flambo�ans et la langue de m�me: tels aussi
que ceux qui furent pris aux forets de Saxe, en l'an 1240 avec un visage
demy humain: si ce n'est par aventure qu'ils fussent nez de l'accouplement
de quelques hommes avec des b�tes brutes: qui est la plus certaine origine
de la plus part des monstres. Car ainsi jadis Alcippe enfanta-t'elle un
�l�phant, pendant la guerre Marsique. Ainsi trois femmes ont-elles accouch�
depuis l'une en Suisse d'un lyon, en l'an 1278, l'autre � Pavie d'un chat
en l'an 1271 et l'autre d'un chien en la ville de Bresse. Ainsi encore l'an
1531 une autre femme a-elle enfant� d'une meme ventr�e, premi�rement un
chef d'homme envelopp� d'une taye, par apr�s un serpent � deux pieds et
troisi�mement un pourceau tout entier... Certainement en ces exemples
ci-dessus all�gu�s, je pense qu'il faut dire que c'est le d�mon, qui souz
la figure de telles bestes a engross� ces femmes.�

[Note 1: _Les controverses et recherches magiques_.]

VIII.--PACTE AVEC LE DIABLE. MARQUE DES SORCIERS.

Un auteur anonyme[1] nous a conserv� l'engagement pris par Loys Gaufridy


envers le diable:

[Note 1: _De la vocation des magiciens et magiciennes, etc._ Paris,


Ollivier de Varennes, 1623, in-12.]

�Je, Loys prestre, renonce � tous et � chascun des biens spirituels et


corporels, qui me pourroient estre donnez et m'arriver de la part de Dieu,
de la Vierge, et de tous les saincts et sainctes: et principalement de la
part de Jean Baptiste mon patron, et des saincts ap�tres Pierre et Paul et
de sainct Fran�ois. Et � toy, Lucifer, que te voy, et scay estre devant
moi, je me donne moy-mesme, avec toutes les bonnes oeuvres que je ferai,
except� la valeur et le fruit des sacrements, au respect de ceux � qui je
les administreray, et en cette mani�re j'ay sign� ces choses et les
atteste.�

Lucifer prit de son c�t� � l'�gard de Loys Gaufridy l'engagement suivant:

�Je Lucifer, promets sous mon seing, � toy seigneur Loys Gaufridy prestre,
de te donner vertu et puissance, d'ensorceler par le soufflement de bouche
toutes et chacunes les femmes et les filles que tu d�sireras: en foy de
quoy j'ay sign� Lucifer.�

Suivant Bodin[1], �Magdeleine de la Croix, native de Cordoue en Espagne,


abbesse d'un monast�re, se voyant en suspicion des religieuses, et
craignant le feu, si elle estoit accus�e, voulut pr�venir pour obtenir
pardon du pape, et confesse que d�s l'�ge de douze ans, un malin esprit en
forme d'un More noir la sollicita de son honneur auquel elle consentit et
continua trente ans et plus, couchant ordinairement avec luy: par le moyen
duquel estant dedans l'�glise elle estoit �lev�e en haut et quand les
religieuses communioient apr�s la cons�cration l'hostie venoit en l'air
jusqu'� elle, au veu des autres religieuses qui la tenoient pour saincte,
et le pretre aussi, qui trouvoit alors faute d'une hostie.�

[Note 1: _D�monomanie_.]

�On voit � Molsheim, dit dom Calmet[1], dans la chapelle de saint Ignace en
l'�glise des PP. J�suites une inscription c�l�bre qui contient l'histoire
d'un jeune gentilhomme allemand, nomm� _Michel Louis_, de la famille de
_Boubenhoren_, qui ayant �t� envoy� assez jeune par ses parents � la cour
du duc de Lorraine pour apprendre la langue fran�oise perdit au jeu de
cartes tout son argent. R�duit au d�sespoir il r�solut de se livrer au
d�mon, si ce mauvais esprit vouloit ou pouvoit lui donner de bon argent:
car il se doutoit qu'il ne lui en fourniroit que de faux et de mauvais.
Comme il �toit occup� de cette pens�e, tout d'un coup il vit para�tre
devant lui comme un jeune homme de son �ge, bien fait, bien couvert, qui
lui ayant demand� le sujet de son inqui�tude lui pr�senta sa main pleine
d'argent, et lui dit d'�prouver s'il �toit bon. Il lui dit de le venir
retrouver le lendemain. Michel retourne trouver ses compagnons, qui
jouoient encore, regagne tout l'argent qu'il avoit perdu, et gagne tout
celui de ses compagnons. Puis il revient trouver son d�mon, qui lui demanda
pour r�compense trois gouttes de son sang, qu'il re�ut dans une coquille de
gland: puis offrant une plume � Michel il lui dit d'�crire ce qu'il lui
dicteroit. Il lui dicta quelques termes inconnus qu'il fit �crire sur deux
billets diff�rens[2] dont l'un demeura au pouvoir du d�mon et l'autre fut
mis dans le bras de Michel au m�me endroit d'o� le d�mon avoit tir� du
sang. Et le d�mon lui dit: Je m'engage de vous servir pendant sept ans,
apr�s lesquels vous m'appartiendrez sans r�serve. Le jeune homme y
consentit, quoique avec horreur, et le d�mon ne manquoit pas de lui
appara�tre jour et nuit sous diverses formes, et de lui inspirer diverses
choses inconnues et curieuses, mais toujours tendantes au mal. Le terme
fatal des sept ann�es approchoit, et le jeune homme avoit alors environ
vingt ans. Il revint chez son p�re: le d�mon auquel il s'�toit donn� lui
inspira d'empoisonner son p�re et sa m�re, de mettre le feu � leur ch�teau
et de se tuer soi-m�me. Il essaya de commettre tous ces crimes: Dieu ne
permit pas qu'il y r�uss�t, le fusil dont il vouloit se tuer ayant fait
faute jusqu'� deux fois, et le venin n'ayant pas op�r� sur ses p�re et
m�re. Inquiet de plus en plus, il d�couvrit � quelques domestiques de son
p�re le malheureux �tat o� il se trouvoit, et les pria de lui procurer
quelques secours. En ce m�me temps le d�mon le saisit, et lui tourna tout
le corps en arri�re, et peu s'en fallut qu'il ne lui rompit les os. Sa m�re
qui �toit de l'h�r�sie de Suenfeld, et qui y avoit engag� son fils, ne
trouvant dans sa secte aucun secours contre le d�mon qui le possedoit ou
l'obsedoit, fut contrainte de le mettre entre les mains de quelques
religieux. Mais s'en retira bient�t et s'enfuit � l'Islade d'o� il fut
ramen� � Molsheim par son fr�re, chanoine de Wirsbourg, qui le remit entre
les mains des PP. de la Soci�t�. Ce fut alors que le d�mon fit les plus
violens efforts contre lui, lui apparoissant sous la forme d'animaux
f�roces. Un jour entre autres le d�mon sous la forme d'un homme sauvage et
tout velu jetta par terre une c�dule ou pacte diff�rent du vrai qu'il avoit
extorqu� du jeune homme, pour t�cher sous cette fausse apparence de le
tirer des mains de ceux qui le gardoient et pour l'emp�cher de faire sa
confession g�n�rale. Enfin on prit jour au 20 octobre 1603, pour se trouver
en la chapelle de sainct Ignace, et y faire rapporter la v�ritable c�dule
contenant le pacte fait avec le d�mon. Le jeune homme y fit profession de
la foi catholique et orthodoxe, renon�a au d�mon, et re�ut la sainte
Eucharistie. Alors jettant des cris horribles, il dit qu'il voyoit comme
deux boucs d'une grandeur d�mesur�e, qui, ayant les pieds de devant en
haut, tenoient entre leurs ongles chacun de leur c�t� l'une des c�dules ou
pactes. Mais d�s qu'on e�t commenc� les exorcismes et invoqu� le nom de
sainct Ignace les deux boucs s'enfuirent, et il sortit du bras ou de la
main gauche du jeune homme presque sans douleur et sans laisser de
cicatrice, le pacte qui tomba aux pieds de l'exorciste. Il ne manquoit plus
que le second pacte qui �toit rest� au pouvoir du d�mon. On recommen�a les
exorcismes, on invoqua sainct Ignace et on promit de dire une messe en
l'honneur du sainct: en m�me temps parut une grande cigogne difforme, mal
faite, qui laissa tomber de son bec cette seconde c�dule, et on la trouva
sur l'autel.�

[Note 1: _Trait� sur les apparitions des esprits et sur les


vampires, ou les revenans de Hongrie, de Moravie, etc._, par le
R.P. dom Augustin Calmet, abb� de Senones. Nouvelle �dition, Paris,
Debust a�n�, 1751, 2 vol. in-12.]

[Note 2: Il y avait en tout dix lettres, la plupart grecques, mais


qui ne formeront aucun sens. On les voyoit � Molsheim dans le
tableau qui repr�sente ce miracle.]

On parlait beaucoup chez les anciens de certains d�mons qui se montraient


particuli�rement vers midi � ceux avec lesquels ils avaient contract�
familiarit�. Ces d�mons visitent ceux � qui ils s'attachent, en forme
d'hommes ou de b�tes, ou en se laissant enclore en un caract�re, chiffre,
fiole, ou bien en un anneau vide et creux au dedans. �Ils sont connus,
ajoute Leloyer, des magiciens qui s'en servent, et, � mon grand regret, je
suis contraint de dire que l'usage n'en est que trop commun[1].�

[Note 1: _Histoire des spectres_, liv. III, ch. IV, p. 198.]

Honsdorf en son _Th��tre es exemples du 8e commandement_, cit� par


Goulart[1], dit que: �Un docteur en m�decine s'oublia si mis�rablement que
de traiter alliance avec l'ennemi de nostre salut, qu'il avoit conjur� et
enclos dans un verre d'o� ce s�ducteur et familier esprit lui respondoit.
Le m�decin estoit heureux es guerisons des malades et amassa force escus en
ses pratiques: tellement qu'il laissa � ses enfans la somme de vingt-six
mille escus vaillant. Peu de temps avant sa mort, comme il commen�oit �
penser � sa conscience, il tombe en telle fureur que tout son propos estoit
d'invoquer le diable, et vomir des blasphemes horribles contre le
Sainct-Esprit. Il rendit l'ame en ce malheureux estat.�

[Note 1: _Thr�sor des histoires admirables_, t. II, p. 624.]

Goulart[1] rapporte d'apr�s Alexandre d'Alexandrie[2] l'histoire d'un


prisonnier qui, ayant appel� le diable � son secours, avait visit� les
enfers:

[Note 1: _Thr�sor d'histoires admirables_, t. I, p. 535-538.]

[Note 2: Au livre VI, ch. XXI de ses _Jours g�niaux_.]

�Le seigneur d'une villette en la principaut� de Sulmona, au royaume de


Naples, se monstroit avare et superbe en son gouvernement: de telle sorte
que ses pauvres sujets ne pouvoyent subsister, ains estoyent estrangement
gourmandez de lui. Un autre homme de bien au reste, mais pauvre et
mespris�, battit rudement pour quelque occasion certain chien de chasse
appartenant � ce seigneur, lequel griesvement irrit� de la mort de son
chien, fit empoigner et emprisonner ce pauvre homme en un cachot. Au bout
de quelques jours les gardes qui tenoyent toutes les portes diligemment
closes, venans � les ouvrir selon leur coustume, pour lui donner quelque
peu de pain, ne trouv�rent point leur prisonnier en son cachot. L'ayans
cerch� et recerch� par tout, sans pouvoir remarquer trace ni apparence
quelconque d'evasion, finalement rapport�rent ceste merveille � leur
seigneur, qui de prime face s'en mocquoit et les mena�oit, mais entendant
puis apr�s la v�rit�, ne fut pas moins estonn� qu'eux. Au bout de trois
jours apr�s ceste alarme, toutes les portes des prisons et du cachot
fermees comme devant, ce mesme prisonnier, sans le sceu d'aucun, aparut
renferm� dedans son precedent cachot, ayant face et contenance d'homme
esperdu; lequel requit que sans d�lai l'on le menast vers ce seigneur,
auquel il avoit � dire choses de grande importance. Y ayant est� conduit,
il raconte qu'il estoit revenu des enfers. L'occasion avoit est� que ne
pouvant plus porter la rigueur de sa prison, vaincu de desespoir, craignant
la mort, et destitu� de bon conseil il avoit appell� le diable � son aide,
� ce qu'il le tirast de ceste captivit�. Que tost apr�s le malin en forme
hideuse et terrible lui estoit apparu dedans son cachot, o� ils avoyent
fait accord, suyvant lequel, il avoit est� desferr� et tir� non sans griefs
tourmens hors de l�, puis pr�cipit� en des lieux souterrains et
merveilleusement creux, comme au fond de la terre, o� il avoit veu les
cachots des meschans, leurs supplices, tenebres et miseres horribles, des
sieges puants et effrayables: des Rois, Princes, et grands Seigeurs,
plongez en des abysmes tenebreux: o� ils brusloyent au feu ardent en des
tourmens indicibles: qu'il avoit veu de Papes, Cardinaux, et autres Prelats
magnifiquement vestus, et autres sortes de gens, en divers equipages,
affligez de supplices distincts, en des goufres fort profonds, o� ils
estoyent tourmentez incessamment. Adjoustant qu'il y avoit reconnu
plusieurs de sa conoissance, notamment un de ses plus grands amis
d'autrefois, lequel l'avoit reconu, et enquis de son estat: le prisonnier
lui ayant racont� que leur pays estoit en main d'un rude maistre, l'autre
lui enjoignist qu'estant de retour il commandast � ce rude seigneur de
renoncer � ses tyranniques d�portemens: et d�clarast que s'il continuoit sa
place estoit marqu�e en certain si�ge prochain qu'il monstra au prisonnier.
Et afin (dit cest esprit au prisonnier) que le seigneur dont nous parlons
adjouste foy � ton rapport, di lui qu'il se souvienne du conseil secret et
du propos que nous eusmes ensemble, lors que nous portions les armes en
certaine guerre, et sous les chefs qu'il lui nomma. Puis il lui dit par le
menu ce secret, leur accord, les paroles et promesses r�ciproques:
lesquelles le prisonnier raconta distinctement les unes apr�s les autres,
par leur ordre, � ce seigneur, lequel fut merveilleusement estonn� de ce
message, s'esbahissant comme il s'estoit peu faire que les choses commises
� lui seul et qu'il n'avoit jamais descouvertes � personne, lui fussent
deschifr�es si hardiment par un pauvre sien sujet, qui les representoit
comme s'il les eust le�es dedans un livre. On adjouste que le prisonnier
s'estant enquis de l'autre avec lequel il devisoit es enfers s'il estoit
possible et vrai que tant de gens qu'il voyoit si magnifiquement vestus,
sentissent quelques tourmens? L'autre respondit qu'ils estoyent bruslez
d'un feu continuel, pressez de tortures et supplices indicibles, et que
tout ce parement d'or et d'escarlate n'estoit que feu ardent ainsi
coulour�. Que voulant sentir si ainsi estoit, il s'estoit aproch� pour
toucher ceste escarlate; que l'autre l'avoit exhort� de s'en departir; mais
que l'ardeur de feu lui avoit grill� tout le dedans de la main laquelle il
monstroit tout rostie, et comme cuite � la braise d'un grand feu. Le pauvre
prisonnier ayant est� relasch�, paroissoit � ceux qui l'aborderent s'en
retournant chez soi comme un homme tout h�b�t�, qui n'oid ni ne void
goutte, tousjours pensif, parlant fort peu, et ne respondant presque point
aux questions qu'on lui faisoit. Son visage au reste estoit devenu si
hideux, son regard tant laid et farouche, apres ce voyage qu'a peine sa
femme et ses enfans le reconurent-ils: et le reconoissant, ne fut question
que de cris et de larmes, le contemplant ainsi chang�. Il ne vescut que
fort peu de jours apr�s ce retour, et avec beaucoup de difficult� peut-il
pourvoir � ses petites afaires, tant il estoit esperdu.�

Crespet[1] d�crit la marque dont Satan frappait les siens:

[Note 1: _De la hayne de Sathan_, p 244.]

�Or afin qu'on cognoisse que ce ne sont point songe il est tout �vident,
que la marque de Sathan sur les sorciers est comme l�preuse, car pour toute
pointure d'alesnes et picqueures, le lieu est insensible, et c'est o� on
les �prouve vraiment estre sorciers de profession � telle marque car ils ne
sentent la pointure non plus que s'ils �taient ladres et n'en sort jamais
goutte de sang, voire jamais on ne peut faire jecter l'arme pour tout
supplice qu'on leur puisse inf�rer.�

�Avec ce caract�re ils re�oivent la puissance de nuire, de charmer, et en


font aussi participans leurs enfans si couvertement ou express�ment, ils
donnent consentement au serment et alliance que leurs p�res ont faictes
avec les diables, ou bien de ce que les m�res ont soubs cette intention
d�di� ou consacr� leurs enfans aux d�mons d�s qu'ils sont non seulement
naiz mais aussi conceuz, et advient souvent que par les ministeres de ces
d�mons quelques sorciers ont est� veu avoir deux prunelles en chaque oeil,
et d'autres le pourtraict d'un cheval en l'un, et double prunelle en
l'autre. Ce que s'est faict pour servir de marque et caract�re de
l'alliance faicte avec eux. Car les d�mons peuvent en graver et effigier
sur la cher du tendrelet embrion tels ou semblables lignes et lin�amens.�

�Ces marques, disait Jacques Fontaine[1], ne sont pas grav�es par le d�mon
sur les corps des sorciers, pour les recognoistre seulement, comme font les
capitaines des compagnies de chevaux-l�gers qui cognoissent ceux qui sont
de leur compagnie par la couleur des casaques, mais pour contrefaire le
cr�ateur de toutes choses, pour montrer sa superbe, et l'authorit� qu'il a
acquise sur les mis�rables humains que se laissent attrapper � ses
cautelles et ruses pour le tenir en son service et subjection par la
recognoissance des marques de leur ma�tre. Pour les empescher en tant qu'il
luy est possible, de se desdire de leurs promesses et serments de fid�lit�,
parce qu'en luy faisan banqueroute, les marques ne demeurent pas moins
tousjours sur leurs corps, pour, en cas d'accusation servir de moyen de les
perdre � la moindre descouverte qu'il s'en puisse faire.�

[Note 1: _Discours des marques des sorciers et de la r�elle


possession, etc._, par Jacques Fontaine. Paris, Denis Langlois,
1611, in-12, p. 6.]

�Un accus� nomm� Louis Gaufridy, qui venoit d'�tre condamn� au feu...
estoit marqu� en plus de trente endroits du corps et principalement sur les
reins o� il avait une marque de luxure si �norme et profonde, esgard au
lieu, qu'on y plantoit une esguille jusques � trois doigts de travers sans
appercevoir aucun sentiment ny aucune humeur que la picqueure rendit.�

Le m�me auteur �tablit que les marques des sorciers sont des parties
mortifi�es par l'attouchement du doigt du diable.

�Vers 1591, on arr�ta comme sorci�re une vieille femme de quatre-vingts


ans, mendiante en Poitou. Elle se nommait L�onarde Chastenet. Confront�e
avec Mathurin Bonnevault, qui soutenait l'avoir vue au sabbat, elle
confessa qu'elle y �tait all�e avec son mari; que le diable, qui s'y
montrait en forme de bouc, �tait une b�te fort puante. Elle nia qu'elle e�t
fait aucun mal�fice. Cependant elle fut convaincue, par dix-neuf t�moins,
d'avoir fait mourir cinq laboureurs et plusieurs bestiaux. Quand elle se
vit condamn�e pour ces crimes reconnus, elle confessa qu'elle avait fait
pacte avec le diable, lui avait donn� de ses cheveux, et promis de faire
tout le mal qu'elle pourrait; elle ajouta que la nuit, dans sa prison, le
diable �tait venu � elle, en forme de chat, �auquel, ayant dit qu'elle
voudrait �tre morte, icelui diable lui avait pr�sent� deux morceaux de
cire, lui disant qu'elle en mange�t, et qu'elle mourrait; ce qu'elle
n'avait voulu faire. Elle avait ces morceaux de cire; on les visita, et on
ne put juger de quelle mati�re ils �taient compos�s. Cette sorci�re fut
donc condamn�e, et ces morceaux de cire br�l�s avec elle[1].�

[Note 1: _Discours sommaire des sortil�ges et v�n�fices_, tir�s des


proc�s criminels jug�s au si�ge royal de Montmorillon, en Poitou,
en l'ann�e 1599, p. 19.]

IX.--FOURBERIES ET M�CHANCET�S DU DIABLE

L'argent qui vient du diable est ordinairement de mauvais aloi. Delrio


conte qu'un homme, ayant re�u du d�mon une bourse pleine d'or, n'y trouva
le lendemain que des charbons et du fumier.

Un inconnu, passant par un village, rencontra un jeune homme de quinze ans,


d'une figure int�ressante et d'un ext�rieur fort simple. Il lui demanda
s'il voulait �tre riche; le jeune homme ayant r�pondu qu'il le d�sirait,
l'inconnu lui donna un papier pli�, et lui dit qu'il en pourrait faire
sortir autant d'or qu'il le souhaiterait, tant qu'il ne le d�plierait pas;
et que s'il domptait sa curiosit�, il conna�trait avant peu son
bienfaiteur. Le jeune homme rentra chez lui, secoua son tr�sor myst�rieux,
il en tomba quelques pi�ces d'or... Mais, n'ayant pu r�sister � la
tentation de l'ouvrir, il y vit des griffes de chat, des ongles d'ours, des
pattes de crapaud, et d'autres figures si horribles, qu'il jeta le papier
au feu, o� il fut une demi-heure sans pouvoir se consumer. Les pi�ces d'or
qu'il en avait tir�es disparurent, et il reconnut qu'il avait eu affaire au
diable.

Un avare, devenu riche � force d'usures, se sentant � l'article de la mort,


pria sa femme de lui apporter sa bourse, afin qu'il p�t la voir encore
avant de mourir. Quand il la tint, il la serra tendrement, et ordonna qu'on
l'enterr�t avec lui, parce qu'il trouvait l'id�e de s'en s�parer
d�chirante. On ne lui promit rien pr�cis�ment; et il mourut en contemplant
son or. Alors on lui arracha sa bourse des mains, ce qui ne se fit pas sans
peine. Mais quelle fut la surprise de la famille assembl�e, lorsqu'en
ouvrant le sac on y trouva, non plus des pi�ces d'or, mais deux
crapauds!... Le diable �tait venu, et en emportant l'�me de l'usurier, il
avait emport� son or, comme deux choses ins�parables et qui n'en faisaient
qu'une[1].

[Note 1: Caesarii, _Hist. de morientibus_, cap. XXXIX _Mirac._ lib.


II.]

Voici autre chose: Un homme qui n'avait que vingt sous pour toute fortune
se mit � vendre du vin aux passants. Pour gagner davantage, il mettait
autant d'eau que de vin dans ce qu'il vendait. Au bout d'un certain temps,
il amassa, par cette voie injuste, la somme de cent livres. Ayant serr� cet
argent dans un sac de cuir, il alla avec un de ses amis faire provision de
vin pour continuer son trafic; mais, comme il �tait pr�s d'une rivi�re, il
tira du sac de cuir une pi�ce de vingt sous pour une petite emplette; il
tenait le sac dans la main gauche et la pi�ce dans la droite; incontinent
un oiseau de proie fondit sur lui et lui enleva son sac, qu'il laissa
tomber dans la rivi�re. Le pauvre homme, dont toute la fortune se trouvait
ainsi perdue, dit � son compagnon: Dieu est �quitable; je n'avais qu'une
pi�ce de vingt sous quand j'ai commenc� � voler; il m'a laiss� mon bien, et
m'a �t� ce que j'avais acquis injustement[1].

[Note 1: Saint Gr�goire de Tours, livre des _Miracles_.]

Un �tranger bien v�tu, passant au mois de septembre 1606 dans un village de


la Franche-Comt�, acheta une jument d'un paysan du lieu pour la somme de
dix-huit ducatons. Comme il n'en avait que douze dans sa bourse, il laissa
une cha�ne d'or en gage du reste, qu'il promit de payer � son retour. Le
vendeur serra le tout dans du papier, et le lendemain trouva la cha�ne
disparue, et douze plaques de plomb au lieu des ducatons[1].

[Note 1: Boguet, _Discours des sorciers_.]

�M. Remy, dans sa _D�monol�trie_[1], parle de plusieurs personnes qu'il a


ou�es en jugement en sa qualit� de lieutenant g�n�ral de Lorraine, dans le
temps o� ce pays fourmilloit de sorciers et de sorci�res: ceux d'entre eux
qui croyoient avoir re�u de l'argent du d�mon, ne trouvoient dans leurs
bourses que des morceaux de pots cass�s et des charbons, ou des feuilles
d'arbres, ou d'autres choses aussi viles et aussi m�prisables.�

[Note 1: Ch. IV, ann. 1705, cit� par dom Calmet, dans le _Trait�
sur les apparitions des esprits_, t. I, p. 271.]

�Le R.P. Abram, j�suite, dans son Histoire manuscrite de l'Universit� de


Pont-�-Mousson, rapporte, dit dom Calmet[1], qu'un jeune gar�on de bonne
famille, mais peu accommod�, se mit d'abord � servir dans l'arm�e parmi les
goujats et les valets: de l� ses parens le mirent aux �coles, mais ne
s'accommodant pas de l'assujettissement que demandent les �tudes, il les
quitta, r�solu de retourner � son premier genre de vie. En chemin il eut �
sa rencontre un homme v�tu d'un habit de soie, mais de mauvaise mine, noir
et hideux, qui lui demanda o� il alloit, et pourquoi il avoit l'air si
triste: Je suis, lui dit cet homme, en �tat de vous mettre � votre aise, si
vous voulez vous donner � moi. Le jeune homme croyant qu'il vouloit
l'engager � son service, lui demanda du tems pour y penser; mais commen�ant
� se d�fier des magnifiques promesses qu'il lui faisoit, il le consid�ra de
plus pr�s, et ayant remarqu� qu'il avoit le pied gauche fendu comme celui
d'un boeuf, il fut saisi de frayeur, fit le signe de la croix, et invoqua
le nom de J�sus; aussit�t le spectre disparut. Trois jours apr�s la m�me
figure lui apparut de nouveau, et lui demanda s'il avoit pris sa
r�solution: le jeune homme lui r�pondit qu'il n'avoit pas besoin de ma�tre.
Le spectre lui dit: O� allez-vous? Je vais, lui r�pondit-il, � une telle
ville qu'il lui nomma. En m�me tems, le d�mon jetta � ses pieds une bourse
qui sonnoit, et qui se trouva pleine de trente ou quarante �cus de
Flandres, entre lesquels il y en avoit environ douze qui paroissoient d'or,
nouvellement frapp�s, et comme sortant de dessous le coin du monnoyeur.
Dans la m�me bourse il y avoit une poudre que le spectre disoit �tre une
poudre tr�s subtile. En m�me tems il lui donnoit des conseils abominables
pour contenter les plus honteuses passions, et l'exhortoit � renoncer �
l'usage de l'eau b�nite et � l'adoration de l'hostie qu'il nommoit par
d�rision ce petit g�teau. L'enfant eut horreur de ses propositions, fit le
signe de la croix sur son coeur; et en m�me temps il se sentit si rudement
jett� contre terre qu'il y demeura demi mort pendant une demi heure.
S'�tant relev�, il s'en retourna chez sa m�re, fit p�nitence et changea de
conduite. Les pi�ces qui paroissoient d'or et nouvellement frapp�es, ayant
�t� mises au feu, ne se trouv�rent que de cuivre.�

[Note 1: _Trait� sur les apparitions des esprits_, t. I, p. 272.]

Le diable engage quelquefois � faire des oeuvres de pi�t�.

�L'an 1559, dit Bodin[1], le dix-septi�me jour de d�cembre, au village de


Loen, en la comt� de Juilliers, le cur� osa bien interroguer le diable, qui
tenoit une fille assi�g�e, si la messe estoit bonne et pourquoy il poussoit
et contraignoit la fille d'aller soudain � la messe, quand on sonnoit la
cloche. Satan respondit qu'il vouloit y aviser. C'estoit r�voquer en doute
le fondement de sa religion et en faire juge Satan. Or Jean de Sarisber, en
son _Policratic_, livre II, chap. XXVI, parlant de ses beaux
interrogatoires, dit: Les malins esprits sont si rusez, qu'ils feignent
avec beaucoup de sollicitude qu'ils ne font que par force ce qu'ils font de
leur plein gr�. On diroit qu'ils sont contraints, et ils font qu'on les
tire des lieux o� ils sont, en vertu des exorcismes: et afin que l'on n'y
prenne garde de si pr�s, ils dressent des exorcismes comme au nom du
Seigneur, ou en la foy de la saincte Trinit� ou en la vertu de
l'incarnation et de la passion, puis les sugg�rent aux hommes et ob�issent
aux exorcistes jusques � tant qu'ils les ayent envelopez avec eux en mesme
crime de sacril�ge et peine de damnation.�

[Note 1: _D�monomanie_, livre III, ch. dernier.]

�Jean Wier r�cite, continue Bodin[1], qu'il a veu une fille demoniaque en
Alemagne, laquelle interrog�e par un exorciste, Satan respondit qu'il
faloit que la fille allast en pelerinage � Marcodur, ville eslongn�e de
quelques lieues, que de trois pas l'un elle s'agenouillast, et fist dire la
messe sur l'autel Saincte-Anne, et qu'elle seroit d�livr�e, predisant le
signal de sa delivrance � la fin de la messe. Ce qui fut fait, et sur la
fin de la messe, elle et le prestre virent un fantosme blanc, et fut ainsi
delivr�e.�

[Note 1: _D�monomanie_, livre III, dernier chap.]

�Nous avons vu un autre exemple, dit Bodin[1], de Philippe Woselich,


religieux de Cologne en l'abbaye de Kructen, lequel fut assi�g� d'un d�mon,
l'an 1550. Le malin esprit interrogu� dit � l'exorciste, qu'il estoit l'�me
du feu abb�, nomm� Mathias de Dure, pource qu'il n'avoit pay� le peintre,
lequel avoit si bien peint l'image de la Vierge Marie, et que le religieux
ne pouvoit estre delivr� s'il n'alloit en voyage � Treves et Aix la
Chapelle, ce qui fut fait; et le religieux ayant ob�i fut d�livr�.�

[Note 1: _D�monomanie_, livre III, dernier chap.]

Bodin[1] cite encore cette histoire, �notoire aux Parisiens, advenue en la


ville de Paris, en la rue Sainct-Honor�, au Cheval rouge. Un passementier
avoit atir� sa niepce chez luy la voyant orpheline. Certain jour la fille
priant sur la fosse de son p�re � Sainct-Gervais, Satan se pr�sente � elle
seule, en forme d'homme grand et noir, lui prenant la main et disant:
M'amie, ne crain point, ton pere et ta mere sont bien. Mais il faut dire
quelques messes et aller en voyage � Nostre Dame des Vertus, et ils iront
droit en paradis. La fille demande � cet esprit si soigneux du salut des
hommes qui il estoit: Il r�pondit qu'il estoit Satan, et qu'elle ne
s'estonna point. La fille fit ce qui lui estoit command�. Quoy fait il lui
dit qu'il faloit aller en voyage � Sainct-Jacques. Elle respondit: Je ne
s�aurois aller si loin. Depuis Satan ne cessa de l'importuner, parlant
famili�rement � elle seule faisant sa besogne, lui disant ces mots: Tu es
bien cruelle; elle ne voudroit pas mettre ses cizeaux au sein pour l'amour
de moy. Ce qu'elle faisoit pour le contenter et s'en desp�cher. Mais cela
fait il lui demandoit en don quelque chose, jusques � de ses cheveux, dont
elle lui donna un floquet. Quelques jours apr�s il voulut lui persuader de
se jetter dedans l'eau, tantost qu'elle s'estranglast, lui mettant au col �
ceste fin la corde d'un puits; mais elle cria tellement qu'il ne poursuivit
point. Combien que son oncle voulant un jour la revancher fut si bien
battu, qu'il demeura malade au lict plus de quatre jours. Une autre fois
Satan voulut la forcer et conoistre charnellement, et pour la r�sistance
qu'elle fit, elle fut battue jusques � effusion de sang. Entre plusieurs
qui virent cette fille fut un nomm� Choinin, secretaire de l'evesque de
Valence, lequel lui dit qu'il n'y avoit plus beau moyen de chasser l'esprit
qu'en ne lui respondant rien de ce qu'il diroit: encore qu'il commandast de
prier Dieu, ce qu'il ne fait jamais qu'en le blasph�mant et le conjoignant
tousjours avec ses cr�atures par irrision. De fait Satan voyant que la
fille ne lui respondoit rien, ni ne faisoit chose quelconque pour lui la
print et la jetta contre terre, et de puis elle ne vid rien. M. Amiot,
evesque d'Auxerre et le cur� de la fille n'y avoyent sceu rem�dier.�

[Note 1: Au 3e livre de la _D�monomanie_, cit� par Goulart,


_Thr�sor des histoires admirables_.]

Goulart raconte, d'apr�s Hugues Horst[1] que, �l'an 1584 au marquisat de


Brandebourg furent veus plus de huict vingts personnes d�moniaques qui
proferaient choses esmerveillables, conoissoyent et nommoyent ceux qu'ils
n'avoyent jamais veus: entre ces personnes on en remarquoit qui longtemps
auparavant estoyent d�cesdez, lesquels cheminoyent criant qu'on se
repentist et qu'on quittast les dissolutions en habits, et d�non�oient le
jugement de Dieu, avouans qu'il leur estoit recommand� de par le souverain
de publier, maugr� bongr� qu'ils en eussent, qu'on s'amendast et qu'ainsy
les pecheurs fussent ramenez au droit chemin. Ces d�moniaques faisoyent
rage par o� ils passoient, vomissoyent une infinit� d'outrages contre
l'�glise, ne parloient que d'apparitions de bons et de mauvais anges; le
diable se monstroit sous diverses semblances; lorsque le sermon se faisoit
au temple, il voloit en l'air avec grand sifflement, et parfois crioit:
_Hui, Hui_: semant par les places des esguillettes des pi�ces de monnoye
d'or et d'argent.�

[Note 1: Hugues Horst, _Histoire de la dent d'or de l'enfant


sil�sien_.]

�En la province de Carthag�ne, dit Goulart[1], quand le malin esprit veut


espouvanter ceux du pays, il les menace des huracans[2]. De fait quelques
fois il en suscite de si estranges, qu'ils emportent les maisons,
desracinent les arbres et renversent (par maniere de dire) les montagnes
sans dessus dessous. Oviedo raconte que une fois en passant sur une
montagne de la terre ferme des Indes, il vid un terrible mesnage. Cette
montagne (dit-il) estoit toute couverte d'arbres grands et petits entassez
espais, l'un sur l'autre, l'espace de plus de trois quarts de lieue, et y
en avoit beaucoup d'arrachez hors de terre avec toutes leurs racines, qui
montoyent autant que tout le reste. Chose si espouvantable que seulement �
la voir elle donnoit frayeur � tous ceux qui la regardoyent comme jugeans
que c'estoit l� plustost une oeuvre diabolique que naturelle.� (_Somm. de
l'Inde occidentale_, chapitre II.)

[Note 1: _Thr�sor des histoires admirables_, t. II, p. 772.]

[Note 2: Ouragans.]

�rasme rapporte dans ses �p�tres cette histoire recueillie par un auteur
anonyme[1]:

[Note 1: _Histoires prodigieuses extraictes de plusieurs fameux


auteurs_, Paris, Jean de Bordeaux, 1571, 2 vol. in-18, p. 336.]

�Mais cecy est trop plus que v�ritable que nagu�re elle (Schiltach � huit
lieues de Fribourg) a est� presque toute brusl�e l'an 1533, le jeudy avant
Pasques, et comme cela est advenu, voicy comme on l'a d�pos� v�ritablement
devant le magistrat, ainsy que je l'ay ouy r�citer � Henry Glar�an: c'est
que le diable faisant signe en sifflant en quelque certaine maison, du
hault d'icelle, il y eut un hostellier se tenant en icelle qui estimant que
ce fut quelque larron, monta en hault mais n'y trouva personne, et soudain
il oyt le mesme signe plus hault encore que la premi�re fois, il y remonte,
pour suivre, et empoigner le larron s'il le trouvoit par cas d'adventure;
mais y estant, il ne voit rien, trop bien entendit-il le sifflet sur le
feste de la chemin�e: ce qui lui feit penser que c'estoit quelque illusion
et ruse diabolique, et pour ce il encouragea les siens et feit appeler les
eccl�siastiques: voicy deux prestres arrivez qui font leurs exorcismes et
adjurations, il respond et confesse franchement quel il estoit, et enquis �
quelle fin il estoit l� venu ne faignit de respondre que c'estoit pour
br�ler toute la susdite ville. Les gens d'�glise se mirent � l'adjurer, et
le menacer, mais il dit qu'il ne craignoit point leurs parolles ny menaces
� cause que l'un d'eux estoit paillard et tous les deux larrons. Peu de
temps apr�s, il prit et porta sur la chemin�e une femme avec laquelle il
avoit hant� l'espace de quatorze ans, quoyque tous les ans elle allast �
confesse et re�eut le sainct sacrement, � laquelle il mit en main un pot �
feu, et luy commande de l'espandre. Cas merveilleux, elle l'espand, et tout
sur l'heure, toute la ville fut arse et r�duite en cendres, par le fait du
diable, s'aidant du minist�re de cette sorci�re, et laquelle fut depuis
aussi brusl�e.�

Camerarius[1] ajoute � propos de l'incendie diabolique de Sciltac ou


Schiltach que �le feu tomboit �� et l� sur les maisons, en forme de boulets
enflammez, et quand quelques-uns couroyent pour aider � esteindre
l'embrasement chez leurs voisins, on les rappelloit incontinent pour
secourir leurs propres maisons. On eut toutes les peines du monde �
empescher qu'un chasteau basti de pierre de taille, et assez loin de la
ville ne fust consomm� de cest embrasement. J'ay entendu les particularitez
de cette terrible visitation de la bouche propre du cur� du lieu et
d'autres habitans dignes de foy, qui avoyent �t� spectateurs de tout. Le
cur� me racontoit que ce malin et cruel esprit contrefaisoit au naturel les
chants, ramages et m�lodies de divers oiseaux. Plusieurs qui me tenoyent
compagnie, s'esbahissoyent avec moi de voir que ce cur� avoit comme une
couronne entour ses longs cheveux qu'il portoit � l'antique, toute de
diverses couleurs, et disoit que cela lui avoit est� fait par cest esprit,
lequel lui jetta un cercle de tonneau � la teste. Il adjoustoit que le
mesme esprit lui demanda un jour et � quelques autres s'ils avoyent jamais
ouy crailler un corbeau? Que l� dessus cest ennemi avoit crouass� si
horriblement que tous tant qu'ils estoyent demeur�rent si esperdus que si
ce ramage infernal eust dur� tant soit peu plus longtemps, ils fussent tous
transsis de peur. Outre plus, ce vieillard affirmoit, non sans rougir, que
souventes fois cest ennemi de salut deschifroit � lui et aux autres hommes
qui l'accompagnoient, tous les pechez secrets par eux commis, si exactement
que tous furent contraints de quiter la place et se retirer en leurs
maisons: tant ils estoyent confus.�

[Note 1: Dans ses _M�ditations historiques_, ch. LXXIV, cit� par


Goulart dans son _Thr�sor d'histoires admirables_.]

�Un jour, dit Flodoard (historien, n� � �pernay en 894, et qui a �crit


l'histoire de l'�glise de Reims), un jour, saint Remi, archev�que de Reims,
�tait absorb� en pri�res dans une �glise de sa ville ch�rie. Il remerciait
Dieu d'avoir pu soustraire aux ruses du d�mon les plus belles �mes de son
dioc�se, lorsqu'on vint lui annoncer que toute la ville �tait en feu. Alors
la brebis devint lion, la col�re monta au visage du saint, qui frappa du
pied les dalles de l'�glise avec une �nergie terrible et s'�cria: Satan je
te reconnais; je n'en ai donc pas encore fini avec ta m�chancet�!

�On montre encore aujourd'hui, encastr�e dans les pierres du portail


occidental de Saint-Remi de Reims, la pierre o� sont tr�s visiblement
empreintes les traces du pied irrit� de saint Remi.

�Le saint s'arma de sa crosse et de sa chape comme un guerrier de son �p�e


et de sa cuirasse, et vola � la rencontre de l'ennemi. A peine eut-il fait
quelques pas qu'il aper�ut des gerbes de flammes qui d�voraient, avec une
furie que rien n'arr�tait, les maisons de bois dont la ville �tait b�tie et
les toits de chaume dont ces maisons �taient couvertes. A la vue du saint,
l'incendie sembla p�lir et diminuer. Remi, qui connaissait l'ennemi auquel
il avait affaire, fit un signe de croix, et l'incendie recula.

�A mesure que le saint avan�ait en faisant des signes de croix, l'incendie


l�chait prise et fuyait, comme fascin� devant la puissance de l'�v�que; on
aurait dit un �tre intelligent et qui comprenait sa faiblesse. Quelquefois
il se raidissait; il reprenait courage; il cherchait � cerner le saint dans
une enveloppe de feu, � l'aveugler, � le r�duire en cendres. Mais toujours
un redoutable signe de croix parait les attaques et arr�tait les ruses.

�Forc� de reculer ainsi, de l�cher succcessivement toutes les maisons qu'il


avait entam�es, l'incendie vint s'abattre aux pieds de l'�v�que, comme un
animal dompt�; il se laissa prendre et conduire � la volont� du saint, hors
de la ville, dans les foss�s qui fortifient encore Reims. L�, Remi ouvrit
une porte, qui donnait dans un souterrain; il y pr�cipita les flammes,
comme on jette dans un gouffre un malfaiteur, et fit murer la porte.

�Sous peine d'anath�me, sous peine de la ruine du corps et de la mort de


l'�me, il d�fendit d'ouvrir � jamais cette porte. Un imprudent, un curieux,
un sceptique peut-�tre, voulut braver la d�fense et entr'ouvrir le gouffre.
Mais il en sortit des tourbillons de flammes qui le d�vor�rent et
rentr�rent ensuite d'elles-m�mes dans le trou o� la volont� toujours
vivante du saint les tenait encha�n�es...�

�Voil� bien le d�mon de l'incendie; voil� bien, comme le fait remarquer M.


Guizot, dans la pr�face de Flodoard qu'il a traduit, une bataille �pique,
aussi belle que la bataille d'Achille contre le Xante: Le fleuve est un
demi-dieu, l'incendie est un d�mon. C'est aussi beau que dans Hom�re[1].�

[Note 1: M. Didron, _Histoire du diable_.]

Goulart[1] rapporte, d'apr�s Godelman[2], une histoire qui montre le


dangereux fruit des impr�cations: �Un gentil-homme ayant convi� quelques
amis, et l'heure du somptueux festin venu�, se voyant frustr� par l'excuse
des conviez, entre en cholere, et commence � dire: Puisque nul homme ne
daigne estre chez moi, que tous les diables y vienent. Quoy dit, il sort de
sa maison, et entre au temple, o� le pasteur de l'�glise preschoit, lequel
il escoute assez longtemps et attentivement. Comme il estoit l�, voici
entrer en la cour du logis des hommes � cheval, de haute petarure tout
noirs, qui commandent au valet de ce gentil-homme d'aller dire � son
maistre, que ses hostes estoyent arrivez. Le valet tout effray� court au
temple, avertit son maistre, lequel bien estonn� demande avis au pasteur.
Icelui finissant son sermon conseille qu'on face sortir toute la famille
hors du logis. Aussi tost dit, aussi tost execut�: mais de haste que ces
gens eurent de desloger, ils laiss�rent dedans la maison un petit enfant
dormant au berceau. Ces hostes, c'est-�-dire les diables, commencent �
remuer les tables, � hurler, � regarder par les fenestres, en forme d'ours,
de loups, de chats, d'hommes terribles, tenans es pattes des verres pleins
de vin, des poissons, de la chair rostie et bouillie. Comme les voisins, le
gentilhomme, le pasteur et autres contemployent en grand frayeur un tel
spectacle, le pauvre pere commence � crier: H�las, o� est mon enfant! Il
avoit encore le dernier mot en la bouche, quand un de ces hostes noirs
apporte en ses bras l'enfant aux fenestres et le monstre � tous ceux qui
estoyent en rue. Le gentil-homme tout esperdu, se prend � dire � celui de
ses serviteurs auquel il se fioit le plus: Mon ami, que feroi-je? Monsieur,
r�pond le serviteur, je remettrai et recommanderai ma vie � Dieu, puis au
nom d'icelui j'entrerai dans la maison, d'o� moyennant sa faveur et son
secours, je vous rapporteray l'enfant. A la bonne heure, dit le maistre,
Dieu t'accompagne, t'assiste et fortifie. Le serviteur ayant re�eu la
b�n�diction du pasteur et d'autres gens de bien qui l'accompagnoyent, entre
au logis, et aprochant du poisle o� estoyent ces hostes tenebreux, se
prosterne � genoux, se recommande � Dieu, puis ouvre la porte, et void les
diables en horrible forme, les uns assis, les autres debout, aucuns se
pourmenans, autres rampans contre le planch�, qui tous accourent � lui
crians ensemble: _Hui, hui_, que viens-tu faire ceans? Le serviteur suant
de destresse, et neantmoins fortifi� de Dieu, s'adresse au malin qui tenoit
l'enfant, et lui dit: �a, baille moy cest enfant. Non feray, r�pond
l'autre: il est mien. Va dire � ton maistre, qu'il viene le recevoir. Le
serviteur insiste, et dit: Je fai la charge que Dieu m'a commise, et s�ai
que tout ce que je fai selon icelle lui est agreable. Pourtant � l'esgard
de mon office, au nom, en l'assistance et vertu de J�sus-Christ, je
t'arrache et saisi cest enfant, lequel je reporte � son pere. Ce disant, il
empoigne l'enfant, puis le serre estroittement en ses bras. Les hostes
noirs ne respondent que cris effroyables et ces mots: _Hui_ meschant, _hui_
garnement, laisse, laisse cest enfant: autrement nous te despecerons. Mais
lui mesprisant leurs menaces sortit sain et sauf, et rendit l'enfant de
mesmes es mains du gentil-homme son p�re. Quelques jours apr�s tous ces
hostes s'esvanouirent, et le gentil-homme devenu sage et bon chrestien,
retourna en sa maison.

[Note 1: _Thr�sor des histoires admirables_, t. I, p. 290.]

[Note 2: En son trait� _De magis, veneficis, etc._, liv. I, ch. I.]

Le diable aime � punir les m�chants: Job Fincel[1] rapporte que �l'an 1532,
un gentil-homme aleman cruel envers ses sujets, commanda � certain paysan
de lui aller querir en la forest prochaine un grand chesne, et le lui
amener en sa maison, � peine d'estre rudement chasti�. Le paysan tenant
cela comme impossible, part en souspirant et larmoyant. Entr� dedans la
forest, il rencontre un homme (c'estoit l'ennemi) qui lui demande la cause
de sa tristesse? A quoy le paysan satisfit, l'autre lui ayant command� de
s'en retourner, promet de donner ordre que le gentil-homme auroit bien tost
un chesne. A peine le paysan estoit de retour au village que son homme de
la forest jette tout contre la porte du gentil-homme et en travers un des
plus gros et grands chesnes qu'on eust peu choisir, avec ses branches et
rameaux. Qui plus est cest arbre se rendit dur comme fer tellement qu'il
fust impossible de le mettre en pieces, au moyen de quoy le gentil-homme se
vid contraint � sa honte, fascherie et dispense de percer sa maison en
autre endroit et y faire fenestres et portes nouvelles.�

[Note 1: Cit� par Goulart, _Thr�sor d'histoires admirables_, t. I,


p. 540.]

On trouve sur le chapitre des malices du diable des l�gendes bien na�ves.
Il y avait � Bonn, dit C�saire d'Heisterbach, un pr�tre remarquable par sa
puret�, sa bont� et sa d�votion. Le diable se plaisait � lui jouer de
petits tours de laquais: lorsqu'il lisait son br�viaire, l'esprit malin
s'approchait sans se laisser voir, mettait sa griffe sur la le�on du bon
cur� et l'emp�chait de finir; une autre fois il fermait le livre, ou
tournait le feuillet � contretemps. Si c'�tait la nuit, il soufflait la
chandelle. Le diable esp�rait se donner la joie de mettre sa victime en
col�re; mais le bon pr�tre recevait tout cela si bien et r�sistait si
constamment � l'impatience, que l'importun esprit fut oblig� de chercher
une autre dupe[1].

[Note 1: Caesarii Heisterb. _Miracul._ lib. V, cap. LIII.]

Un historien suisse rapporte qu'un baron de Regensberg s'�tait retir� dans


une tour de son ch�teau de B�le pour s'y adonner avec plus de soin �
l'�tude de l'�criture sainte et aux belles-lettres. Le peuple �tait
d'autant plus surpris du choix de cette retraite, que la tour �tait habit�e
par un d�mon. Jusqu'alors le d�mon n'en avait permis l'entr�e � personne;
mais le baron �tait au-dessus d'une telle crainte. Au milieu de ses
travaux, le d�mon lui apparaissait, dit-on, en habit s�culier, s'asseyait �
ses c�t�s, lui faisait des questions sur ses recherches, et s'entretenait
avec lui de divers objets, sans jamais lui faire aucun mal. L'historien
cr�dule ajoute que, si le baron e�t voulu exploiter m�thodiquement ce
d�mon, il en e�t tir� beaucoup d'�claircissements utiles[1].

[Note 1: _Dictionnaire d'anecdotes suisses_, p. 82.]

Cassien parle de plusieurs esprits ou d�mons de la m�me trempe qui se


plaisaient � tromper les passants, � les d�tourner de leur chemin et � leur
indiquer de fausses routes, le tout par malicieux divertissement[1].

[Note 1: Cassiani collat. VII, cap. XXXII.]

Un baladin avait un d�mon familier, qui jouait avec lui et se plaisait �


lui faire des espi�gleries. Le matin il le r�veillait en tirant les
couvertures, quel que froid qu'il f�t; et quand le baladin dormait trop
profond�ment, son d�mon l'emportait hors du lit et le d�posait au milieu de
la chambre[1].

[Note 1: Guillelmi Parisiensis, partie II, princip., cap. VIII.]

Pline parle de quelques jeunes gens qui furent tondus par le diable.
Pendant que ces jeunes gens dormaient, des esprits familiers, v�tus de
blanc, entraient dans leurs chambres, se posaient sur leur lit, leur
coupaient les cheveux proprement, et s'en allaient apr�s les avoir r�pandus
sur le plancher[1].

[Note 1: Pline, lib. XVI, epist. arg. 7.]

LES BONS ANGES

Les Juifs, � l'exception des saduc�ens, admettaient et honoraient les


anges, en qui ils voyaient, comme nous, des substances spirituelles,
intelligentes, et les premi�res en dignit� entre les cr�atures.

Les rabbins, qui placent la cr�ation des anges au second jour, ajoutent
qu'ayant �t� appel�s au conseil de Dieu, lorsqu'il voulut former l'homme,
leurs avis furent partag�s, et que Dieu fit Adam � leur insu, pour �viter
leurs murmures. Ils reproch�rent n�anmoins � Dieu d'avoir donn� trop
d'empire � Adam. Dieu soutint l'excellence de son ouvrage, parce que
l'homme devait le louer sur la terre, comme les anges le louaient dans le
ciel. Il leur demanda ensuite s'ils savaient le nom de toutes les
cr�atures? Ils r�pondirent que non; et Adam, qui parut aussit�t, les r�cita
tous sans h�siter, ce qui les confondit.

L'�criture Sainte a conserv� quelquefois aux d�mons le nom d'anges, mais


anges de t�n�bres, anges d�chus ou mauvais anges. Leur chef est appel� le
grand dragon et l'ancien serpent, � cause de la forme qu'il prit pour
tenter la femme.

Zoroastre enseignait l'existence d'un nombre infini d'anges ou d'esprits


m�diateurs, auxquels il attribuait non seulement un pouvoir d'intercession
subordonn� � la providence continuelle de Dieu, mais un pouvoir aussi
absolu que celui que les pa�ens pr�taient � leur dieux[1]. C'est le culte
rendu � des dieux secondaires, que saint Paul a condamn�[2].

[Note 1: Bergier, _Dictionnaire th�ologique_.]

[Note 2: Coloss., cap. II, vers. 18.]

Les musulmans croient que les hommes ont chacun deux anges gardiens, dont
l'un �crit le bien qu'ils font, et l'autre, le mal. Ces anges sont si bons,
ajoutent-ils, que, quand celui qui est sous leur garde fait une mauvaise
action, ils le laissent dormir avant de l'enregistrer, esp�rant qu'il
pourra se repentir � son r�veil.

Les Persans donnent � chaque homme cinq anges gardiens, qui sont plac�s: le
premier � sa droite pour �crire ses bonnes actions, le second � sa gauche
pour �crire les mauvaises, le troisi�me devant lui pour le conduire, le
quatri�me derri�re pour le garantir des d�mons, et le cinqui�me devant son
front pour tenir son esprit �lev� vers le proph�te. D'autres en ce pays
portent le nombre des anges gardiens jusqu'� cent soixante.

Les Siamois divisent les anges en sept ordres, et les chargent de la garde
des plan�tes, des villes, des personnes. Ils disent que c'est pendant qu'on
�ternue que les mauvais anges �crivent les fautes des hommes.

Les th�ologiens admettent neuf choeurs d'anges, en trois hi�rarchies: les


s�raphins, les ch�rubins, les tr�nes;--les dominations, les principaut�s,
les vertus des cieux;--les puissances, les archanges et les anges.

Parce que des anges, en certaines occasions o� Dieu l'a voulu, ont secouru
les Juifs contre leurs ennemis, les peuples modernes ont quelquefois
attendu le m�me prodige. Le jour de la prise de Constantinople par Mahomet
II, les Grecs schismatiques, comptant sur la proph�tie d'un de leurs
moines, se persuadaient que les Turcs n'entreraient pas dans la ville, mais
qu'ils seraient arr�t�s aux murailles par un ange arm� d'un glaive, qui les
chasserait et les repousserait jusqu'aux fronti�res de la Perse. Quand
l'ennemi parut sur la br�che, le peuple et l'arm�e se r�fugi�rent dans le
temple de Sainte-Sophie, sans avoir perdu tout espoir; mais l'ange n'arriva
pas, et la ville fut saccag�e.

Cardan raconte qu'un jour qu'il �tait � Milan, le bruit se r�pandit tout �
coup qu'il y avait un ange dans les airs au-dessus de la ville. Il accourut
et vit, ainsi que deux mille personnes rassembl�es, un ange qui planait
dans les nuages, arm� d'une longue �p�e et les ailes �tendues. Les
habitants s'�criaient que c'�tait l'ange exterminateur; et la consternation
devenait g�n�rale, lorsqu'un jurisconsulte fit remarquer que ce qu'on
voyait n'�tait que la repr�sentation, qui se faisait dans les nu�es, d'un
ange de marbre blanc plac� au haut du clocher de Saint-Gothard.

�Plusieurs ont dout�, dit Loys Guyon[1], si les anges qu'on appelle
autrement intelligences, qui sont composez de substances incorpor�es,
ministres, ambassadeurs et l�gats de Dieu, avoyent des corps humains ainsi
qu'il se trouve escrit au dixiesme chapitre des Actes, de la vision d'un
ange qui fut envoy� � Corneille, et qui parla � luy. Par les discours qu'il
fait � ses amis, une fois il l'appelle homme, autrefois ange. Moyse
pareillement appelle indiff�remment maintenant anges, maintenant hommes,
ceux qui apparurent � Abraham, estans vestus de corps humains. Et comme
aussi en plusieurs autres passages de l'Escriture Saincte, il se trouve de
telles choses.

[Note 1: _Diverses le�ons_, t. II, p. 9.]

�Tous th�ologiens catholiques tiennent que ces anges avoyent des corps
humains, lesquels Dieu par son seul commandement leur avoit cr�e
impassibles, sans aucune mati�re prejacente, et si tost qu'ils avoyent
exploit� ce qui leur avoit est� enjoint, les corps revenoyent � rien, comme
ils avoyent est� cr�es de rien. Et quant � leurs vestemens, la Saincte
Escriture les dit estre ordinairement blancs et reluisans. Les �vangelistes
rendent tesmoignage, qu'il y avoit une esmerveillable splendeur aux
vestemens de J�sus-Christ, quand il fut transfigur� en la montagne saincte,
et l� manifesta sa gloire � trois de ses disciples. Ils en disent autant
des anges qui ont est� envoyez pour tesmoigner la resurrection de
J�sus-Christ.

�Tout ainsi que Nostre-Seigneur s'accommode jusques � nostre infirmit�, il


commande � ses anges de descendre sous la forme de nostre chair, aussi
s�me-il sur eux quelque rayon de gloire, � fin que ce qu'il leur a commis
de nous commander, soit re�eu en plus grande certitude et reverence et ne
faut douter que les corps semblables � ceux des humains sont donnez aux
anges, aussi tost les habillemens se reduisent � n�ant, et eux remis en
leur premi�re nature, et que toutesfois ils n'ont est� sujets � aucunes
infirmitez humaines, pendant qu'ils ont estez veus en forme d'homme. Et
voila comme le doute de plusieurs sera ost� touchant les corps des anges,
et leurs vestemens. Aussi que si ces anges n'avoyent des organes, comme les
autres hommes, ils ne pourroyent parler ni faire autres fonctions humaines,
comme firent ceux qui osterent la grosse tombe et pierre qui estoit sur le
sepulchre de J�sus-Christ.

�Il faut aussi noter la difference qu'il y a entre l'ame raisonnable et


intelligence ou angelique nature. Parce que l'ame raisonnable est unie au
corps et ensemble font une chose qui est l'homme, combien qu'elle puisse
subsister � part ou separ�ment. Mais la nature angelique n'est point unie
au corps, mais sa cr�ation porte de subsister par soy. Toutesfois
extraordinairement pour un peu de temps, et encore fort rarement Dieu cr�e
quant il lui pla�t un corps humain de rien � ses anges, qui retourne �
rien.�

�Simon Grynee, tr�s docte personnage, estant all�, dit Goulart[1], l'an
1529, de Heidelberg � Spire, o� se tenoit une journ�e imp�riale, voulut
ouyr certain prescheur, fort estim� � cause de son eloquence. Mais ayant
entendu divers propositions contre la majest� et v�rit� du fils de Dieu, au
sortir du sermon, il suit le prescheur, le salue honorablement, et le prie
d'estre support� en ce qu'il avoit � dire. Ils entrent doucement en propos.
Grynee lui remonstre vivement et gravement les erreurs par lui avancez, lui
ramentoit ce qu'avoit accoustum� faire sainct Polycarpe, disciple des
apostres, s'il lui avenoit d'ouyr des faussetez et blasphesmes en l'eglise.
L'exhortant au nom de Dieu de penser � sa conscience et se departir de ses
opinions erron�es. Le prescheur demeure court, et feignant un d�sir de
conferer plus particuli�rement, comme ayant haste de se retirer chez soy,
demande � Grynee son nom, surnom, logis, et le convie � l'aller voir le
lendemain pour deviser amplement, et demonstre affectionner l'amiti� de
Grynee, adjoustant que le public recueilleroit un grand profit de ceste
leur conference. Outre plus il monstre sa maison � Grynee, lequel delibere
se trouver � l'heure assign�e, se retire en son hostellerie. Mais le
prescheur irrit� de la censure qui lui avoit est� faite, bastit en sa
pens�e une prison, un eschaffaut et la mort � Grynee: lequel disnant avec
plusieurs notables personnages leur raconta les propos qu'il avoit tenus �
ce prescheur. La dessus on appelle le docteur Philippe, assis � table
aupres de Grynee, lequel sort du poisle, et trouve un honorable vieillard,
beau de visage, honorablement habill�, inconnu, qui de parole grave et
amiable, commence � dire que dedans l'heure d'alors arriveroyent en
l'hostellerie des officiers envoyez de la part du roy des Romains, pour
mener Grynee en prison. Le vieillard adjouste en commandement � Grynee de
desloger promptement hors de Spire, exhortant Philippe a ne differer
davantage. Et sur ce le vieillard disparoit. Le docteur Philippe, lequel
raconte l'histoire en son _Commentaire sur le proph�te Daniel_, chapitre
dixiesme, adjouste ces mots: Je revin vers la compagnie, je leur commande
de sortir de table, racontant ce que le vieillard m'avoit dit. Soudain nous
traversons la grande place ayant Grynee au milieu de nous, et allons droict
au Rhin, que Grynee passe promptement avec son serviteur dedans un esquif.
Le voyans � sauvet�, nous retournons � l'hostellerie, o� l'on nous dit
qu'incontinent apr�s nostre d�part, les sergens estoyent venus cercher
Grynee.�

[Note 1: _Thr�sor d'histoires admirables_, t. I, p. 129.]

Andr� Honsdorf[1] raconte l'histoire suivante de l'apparition d'un ange �


une pauvre femme:

[Note 1: En son _Th��tre d'exemples_, cit� par Goulart dans son


_Thr�sor d'histoires admirables_, t. I, p. 130.]

�L'an 1539, au commencement de juin, une honneste femme veufve, charg�e de


deux fils, au pays de Saxe, n'ayant de quoi vivre en un temps de griefve
famine, se vestit de ses meilleurs habits, et ses deux fils aussi, prenant
son chemin vers certaine fontaine, pour y prier Dieu qu'il lui pleust avoir
piti� d'eux pour les soulager. En sortant, elle rencontre un homme
honorable, qui la salue doucement, et apr�s quelques propos, lui demande si
elle pensoit trouver � manger vers cette fontaine? La femme respond: Rien
n'est impossible � Dieu. S'il ne lui a point est� difficile de nourrir du
ciel par l'espace de quarante ans au desert les enfans d'Israel, lui
seroit-il malais� de sustanter moi et les miens avec de l'eau? Disant ces
paroles, de grand courage et d'un visage asseur�, ce personnage (lequel
j'estime avoir est� un sainct ange) lui dit: Voici, puisque tu as une foy
si constante, retourne et rentre en ta maison, tu y trouveras trois charges
de farine. Elle revenue chez soy, vid l'effect de ceste promesce.�

�L'an 1558, suivant Job Fincel[1], advint � M�chelrode en Allemagne, un cas


merveilleux, confirm� par les tesmoignages de plusieurs hommes dignes de
foy. Sur le soir, environ les neuf heures, un personnage vestu d'une robe
blanche, suivi d'un chien blanc, vint heurter � la porte d'une pauvre
honneste femme, et l'appelle par son nom. Elle estimant que ce fust son
mari, lequel avoit est� fort long-temps en voyage lointain courut vite � la
porte. Ce personnage la prenant par la main lui demande en qui elle mettait
toute la fiance de son salut? En J�sus-Christ, respond-elle. Lors il lui
commande de le suivre: dont faisant refus il l'exhorta d'avoir bon courage,
de ne craindre rien. Quoy dit, il la mena toute la nuit par une forest. Le
lendemain, il la fit monter environ midi sur une haute montagne, et lui
montra des choses qu'elle ne s�eut jamais dire ni descouvrir � personne. Il
luy enjoint de s'en retourner chez soy et d'exhorter chacun � se d�tourner
de son mauvais train: adjoustant qu'un embrasement horrible estoit prochain
et lui commanda aussi de se reposer huit jours dans sa maison, � la fin
desquels il reviendroit � elle. Le jour suivant au matin, la femme fut
trouv�e � l'entr�e du village et emmen�e en son logis, o� elle resta huit
jours entiers sans boire ni manger... disant qu'estant extremement lasse,
rien ne lui estoit plus agr�able que le repos; que dans huit jours l'homme
qui l'avoit emmen�e reviendroit et lors elle mangeroit. Ainsi avint-il:
mais depuis ceste femme ne bougea du lit, le plus de temps souspirant le
plus profond du coeur et s'escriant souventes fois: O combien sont grandes
les joies de cette vie-l�! � que la vie pr�sente est mis�rable!
Quelques-uns lui demandant si elle estimoit que ce personnage vestu de
blanc qui lui estoit ainsi aparu, fust un bon ange ou plustost quelque
malin esprit, lequel se fust transform� en esprit de lumi�re? elle
respondoit: Ce n'est point un malin esprit, c'est un sainct ange de Dieu,
qui m'a command� de prier Dieu soigneusement, d'exhorter grands et petits �
amendement de vie. Si on l'interrogoit de sa cr�ance: Je confesse
(disoit-elle) que je suis une pauvre p�cheresse; mais je croy que
J�sus-Christ m'a acquis pardon de tous mes pechez par le benefice de sa
mort et passion. Le pasteur du lieu rendoit tesmoignage de singuliere piet�
et humble devotion � ceste femme, adjoustant qu'elle estoit bien instruite
et pouvoit rendre raison de sa religion.�

[Note 1: Au troisi�me livre _des Miracles_, cit� par Goulart,


_Thr�sor des histoires admirables_, t. I, p. 135.]

Goulart[1] rapporte encore l'histoire d'une femme qui, le cerveau troubl�,


�tait descendue par la corde en un puits pour s'y noyer et avait voulu se
jeter ensuite � la rivi�re et qui lui d�clara �qu'en ces accidens un homme
vestu de blanc, et de face merveilleusement agr�able lui aparoissoit,
lequel lui tenoit la main, et l'exhortoit benignement et comme en souriant,
d'esp�rer en Dieu. Comme elle estoit dedans le puits, et je ne s�ai quoi de
fort pesant lui poussoit la teste pour la plonger du tout en l'eau, et
taschoit lui faire lascher la corde pour couler en fond: ce mesme
personnage vint � elle, la souleva par les aisselles, et lui aida �
remonter, ce qu'elle ne pouvoit nullement faire de soy-mesme. Aussi la
consola-t-il au jardin, et la ramena doucement vers sa chambre, puis
disparut. Le mesme lui vint � la rencontre, comme elle approchoit du pont
et la suivoit de loin jusques � ce qu'elle fust de retour.�

[Note 1: _Thr�sor des histoires admirables_, t. I, p. 138.]

LE ROYAUME DES F�ES

I.--F�ES

�Toutes les f�es, dit M. Leroux de Lincy[1], se rattachent � deux familles


bien-distinctes l'une de l'autre. Les nymphes de l'�le de Sein,
principalement connues en France et en Angleterre, composent la premi�re et
aussi la plus ancienne, car on y retrouve le souvenir des mythologies
antiques m�l� aux usages des Celtes et des Gaulois. Viennent apr�s les
divinit�s Scandinaves, qui compl�tent en les multipliant les traditions
admises � ce sujet.�
[Note 1: _Le Livre des l�gendes_, introduction, par M. Leroux de
Lincy, p. 170. Paris, Silvestre, 1836, in-8�.]

Pomponius Mela[1] nous apprend que �l'�le de Sein est sur la c�te des
Osismiens; ce qui la distingue particuli�rement, c'est l'oracle d'une
divinit� gauloise. Les pr�tresses de ce dieu gardent une perp�tuelle
virginit�; elles sont au nombre de neuf. Les Gaulois les nomment C�nes: ils
croient qu'anim�es d'un g�nie particulier, elles peuvent par leurs vers,
exciter des temp�tes et dans les airs et sur la mer, prendre la forme de
toute esp�ce d'animaux, gu�rir les maladies les plus inv�t�r�es, pr�dire
l'avenir; elles n'exercent leur art que pour les navigateurs qui se mettent
en mer dans le seul but de les consulter.�

[Note 1: _De situ orbis_, liv. III, ch. VI.]

�Telles sont, suivant M. Leroux de Lincy[1], les premi�res de toutes les


f�es que nous trouvons en France et dont le souvenir, conserv� dans nos
plus anciennes traditions populaires, s'est perp�tu� dans les chants de nos
trouv�res et dans nos romans de chevalerie; il se m�le aux croyances que le
paganisme avait laiss�es parmi nous, et ces deux �l�ments confondus,
multipli�rent � l'infini ces fantastiques cr�atures. L'�le de Sein ne fut
bient�t plus assez vaste pour les contenir; elles se r�pandirent au milieu
de nos for�ts, habit�rent nos rochers et nos ch�teaux, puis bien loin, vers
le Nord, au del� de la Grande-Bretagne, fut plac� le royaume de f�erie. Il
se nommait Avalon.�

[Note 1: _Le Livre des l�gendes_, introduction, p. 174.]

Voici la description qu'en fait le _Roman de Guillaume au court nez_[1]:

[Note 1: Cit� par M. Leroux de Lincy, _le Livre des l�gendes_,


appendices, p. 249.]

�Avalon fu mult riche et assaz�e


Onques si riche cit� ne fu fond�e;
Li mur en sont d'une grant pierre l�e,
Il n'est, nus hons, tant ait la char navr�e,
S'� cele pierre pooist fere ades�e
Qu'ele ne fust tout maintenant san�e;
Ad�s reluit com fournaise embras�e.
Chescune porte est d'yvoire plan�e
La mestre tour estoit si compass�e,
N'i avoit pierre ne fust � or fond�e.
.V. c. fenestes y cloent la vespr�e
C'onques de fust n'i ot une denr�e.
Il n'i ot ays saillie, ne dor�e
Qui de verniz ne soit fete et ouvr�e.
Et eu chescune une pierre fond�e
Une esmeraude, .j. grant topace l�e,
Beric, jagonce, ou sadoine esmer�e.
La couverture fu � or treget�e,
Sus.j. pomnel fu l'aygle d'or ferm�e,
En son bec tint une pierre esprouv�e;
Hom s'il la voit ou soir ou matin�e,
Quanqu'il demande ne li soit aprest�e.�

On trouvait � Avalon ces simples pr�cieux qui gu�rissaient les larges


blessures des chevaliers. C'est l� que fut port� Artur apr�s le terrible
combat de Cubelin: �Nous l'y avons d�pos� sur un lit d'or, dit le barde
Taliessin dans la _Vie de Merlin_ par Geoffroi de Monmouth; Morgane apr�s
avoir longtemps consid�r� ses blessures, nous a promis de les gu�rir.
Heureux de ce pr�sage, nous lui avons laiss� notre roi.�

C'est dans cette �le aussi que Morgane mena son bien-aim� Ogier le Danois
pour prendre soin de son �ducation. C'est encore l� que fut port� Renoart,
l'un des h�ros de la chanson de gestes de Guillaume au court nez:

Avec Artur, avecques Roland,


Avec Gauvain, avecques Yvant.

L� �taient Auberon et Mallabron �ung luyton de mer� dit le roman d'Ogier;


et M. Maury pense que c'est dans cette �le myst�rieuse que fut conduit
Lanval par la f�e sa ma�tresse.

Giraud de Cambrie place � Glastonbury, dans le Somersetshire, la situation


de cette �le enchant�e, de cette esp�ce de paradis des f�es. �Cette �le
d�licieuse d'Avalon, dit le roman d'Ogier le Danois, dont les habitants
menoient vie tr�s joyeuse, sans penser � nulle quelconque meschante chose,
fors prendre leurs mondains plaisirs.�

Le nom d'Avalon vient d'_Inis Afalon_, �le des pommes, en langue bretonne,
et l'on a expliqu� cette qualification par l'abondance des pommiers qui se
rencontraient � Glastonbury. Suivant M. de Fr�minville[1], Avalon serait la
petite �le d'Agalon, situ�e non loin du c�l�bre ch�teau de Kerduel, et dont
les chroniqueurs font le s�jour favori du roi Artur.

[Note 1: _Antiquit�s de la Bretagne, C�tes-du-Nord_, p. 19.]

D'apr�s l'_Edda_, �les f�es qui sont d'une bonne origine sont bonnes et
dispensent de bonnes destin�es; mais les hommes � qui il arrive du malheur
doivent l'attribuer aux m�chantes f�es.�

On lit dans le roman de Lancelot du Lac: �Toutes les femmes sont appel�es
f�es qui savent des enchantements et des charmes et qui connaissent le
pouvoir de certaines paroles, la vertu des pierres et des herbes; ce sont
les f�es qui donnent la richesse, la beaut� et la jeunesse.�

�Mon enfant, dit un auteur anonyme du XIVe si�cle, rapport� par M. Leroux
de Lincy[1], les f�es ce estoient diables qui disoient que les gens
estoient destinez et faes les uns � bien, les autres � mal, selon le cours
du ciel ou de la nature. Comme se un enfant naissoit � tele heure ou en tel
cours, il li estoit destin� qu'il seroit pendu ou qu'il seroit noi�, ou
qu'il espouseroit tel dame ou teles destin�es, pour ce les appeloit l'en
fes, quar f�e selon le latin, vaut autant comme destin�e, _fatatrices
vocabantur_.�

[Note 1: _Le Livre des l�gendes_, introduction, p. 240.]

�Laissons les acteurs ester, dit Jean d'Arras[1], et racontons ce que nous
avons ouy dire et raconter � nos anciens, et que cestui jour nous oyons
dire qu'on a vu au pa�s de Poitou et ailleurs, pour coulourer nostre
histoire, � estre vraie, comme nous le tenons et qui nous est publi� par
les vraies chroniques, nous avons ouy raconter � nos anciens que en
plusieurs parties sont aparues � plusieurs tres familierement, choses
lesquelles aucuns appeloient _luitons_, aucuns autres les _fa�s_, aucuns
autres les _bonnes dames_, qui vont de nuit et entrent dedans les maisons,
sans les huis rompre, ne ouvrir, et ostent les enffanz des berceulx et
bestournent les membres, ou les ardent, et quant au partir les laissent
aussi sains comme devant, et � aucuns donnent grant eur en cest monde.
Encores, dit Gervaise, que autres fa�s s'apairent de nuit en guise de
femmes � face rid�e, basses et en petite estature et font les besoignes des
hostelz lib�ralement, et nul mal ne faisoient; et dit que, pour certain, il
avoit veu ung ancien homme qui racontoit pour v�rit� qu'il avoit veu en son
temps grant foison de telles choses. Et dit encore que les dictes fa�s se
mettoient en fourme de tr�s belles femmes; et en ont plusieurs hommes
prinses pour moittiers; parmi aucunes convenances qu'elles leur faisoient
jurer, les uns qu'ils ne les verroient jamais nues, les autres que le
samedi ne querroient qu'elles seroient devenues; aucunes, se elles avoient
enfans, que leurs mariz ne les verroient jamais en leur g�sine, et tant
qu'ils leur tenoient leurs convenances, ils estoient regnant en grant
audicion et prosp�rit�, et sitost qu'ils deffailloient ils les perdoient et
d�cheoient de tous leur boneur petit � petit; et aucunes se convertissoient
en serpens, ung ou plusieurs jours la sepmaine, etc.�

[Note 1: _Roman de M�lusine_, cit� par M. Leroux de Lincy, _le


Livre des l�gendes_, introduction, p. 172.]

Le fond des for�ts et le bord des fontaines �taient le s�jour favori des
f�es.

�Les f�es, dit M.A. Maury[1] se rendaient visibles pr�s de l'ancienne


fontaine druidique de Baranton, dans la for�t de Broch�liande:

[Note 1: _Les f�es du moyen �ge, recherches sur leur origine, leur
histoire et leurs attributs, pour servir � la connaissance de la
mythologie gauloise_, par L. F. Alfred Maury. Paris, Ladrange,
1843, in-12]

�L� soule l'en les f�es veoir�, �crivait en 1096 Robert Wace. Ce fut
�galement dans une for�t, celle de Colombiers en Poitou, pr�s d'une
fontaine appel�e aujourd'hui par corruption la _font de sci�_, que M�lusine
apparut � Raimondin[1]. C'est aussi pr�s d'une fontaine que Graelent vit la
f�e dont il tomba amoureux et avec laquelle il disparut pour ne plus jamais
repara�tre[2]. C'est pr�s d'une rivi�re que Lanval rencontra les deux f�es
dont l'une, celle qui devint sa ma�tresse, l'emmena dans l'�le d'Avalon,
apr�s l'avoir soustrait au danger que lui faisait courir l'odieux
ressentiment de Genevre[3]. Viviane, f�e c�l�bre dont le nom est une
corruption de _Vivlian_, g�nie des bois, c�l�br�e par les chants celtiques,
habitait au fond des for�ts, sous un buisson d'aub�pine, o� elle tint
Merlin ensorcel�[4].�

[Note 1: _Histoire de M�lusine_, par Jean d'Arras. Paris, 1698,


in-12, p. 125.]

[Note 2: _Po�sies de Marie de France_, �dit. Roquefort, t. I, p.


537; _lai de Graelent_.]

[Note 3: M�me ouvrage, t. II, p. 207; _lai de Lanval_.]

[Note 4: Th. de la Villemarqu�, _Contes populaires des anciens


Bretons_.]

�Les eaux min�rales, dont l'action bienfaisante �tait attribu�e � des


divinit�s cach�es, � Sirona, � V�nus anadyom�ne, auxquelles on consacrait
des ex-voto et des autels, furent regard�es au moyen �ge comme devant leur
vertu m�dicale � la pr�sence des f�es. Pr�s de Domremy, la source thermale
qui coulait au pied de l'arbre des f�es et o� s'�tait souvent arr�t�e
Jeanne d'Arc, en proie � ses �tonnantes visions, avait jailli, suivant le
dire populaire, sous la baguette des bonnes f�es. C'est encore sous le m�me
patronage que les montagnards de l'Auvergne placent les eaux min�rales de
Murat-le-Quaire. Les habitants de Gloucester, l'ancienne Kerloiou,
pr�tendent que neuf f�es, neuf magiciennes veillent � la garde des eaux
thermales de cette ville; et ils ajoutent qu'il faut les vaincre quand on
veut en faire usage.�

Une des principales occupations des f�es, c'est de douer les enfants de
vertus plus ou moins extraordinaires, plus ou moins surnaturelles.

Le _Roman d'Ogier le Danois_ raconte que: �La nuit o� l'enfant naquit, les
demoiselles du ch�teau le port�rent dans une chambre s�par�e, et quand il
fut l�, six belles demoiselles qui �taient f�es se pr�sent�rent: s'�tant
approch�es de l'enfant, l'une d'elles, nomm�e Gloriande, le prit dans ses
bras, et le voyant si beau, si bien fait, elle l'embrassa et dit: Mon
enfant, je te donne un don par la gr�ce de Dieu, c'est que toute ta vie tu
seras le plus hardi chevalier de ton temps. Dame, dit une autre f�e, nomm�e
Palestrine, certes voil� un beau don, et moi j'y ajoute que jamais tournois
et batailles ne manqueront � Oger. Dame, ajouta la troisi�me, nomm�e
Pharamonde, ces dons ne sont pas sans p�ril, aussi je veux qu'il soit
toujours vainqueur. Je veux, dit alors Melior, qu'il soit le plus beau, le
plus gracieux des chevaliers. Et moi, dit Pressine, je lui promets un amour
heureux et constant de la part de toutes les dames. Enfin, Mourgues, la
sixi�me, ajouta: J'ai bien �cout� tous les dons que vous avez faits � cet
enfant, eh bien! il en jouira seulement apr�s avoir �t� mon ami par amour,
et avoir habit� mon ch�teau d'Avalon. Ayant dit, Mourgues embrassa
l'enfant, et toutes les f�es disparurent.�

Le _Roman de Guillaume au court nez_, cit� par Leroux de Lincy[1], raconte


les dons des f�es � la naissance du fils de Maillefer:

[Note 1: _Le livre des l�gendes_, appendices, p. 257.]

A ce termine que li enf�s fu nez


Fils Maillefer, dont vous oy avez,
Coustume avoient les gens, par v�ritez,
Et en Provence et en autres regnez,
Tables m�toient et si�ges ordenez
Et sur la table .iij. blancs pains buletez
.Iij. poz de vin et .iij. h�nas de l�s.
Et par encoste iert li enf�s posez,
En.i. mailluel y estoit aportez.
Devant les dames estoit desvelopez
Et de chascune v�uz et esgardez
S'iert filz ou fille, ne a droit figurez.
Et en apr�s baptisiez et levez.
. . . . . . . . . . . . . . . .
Biaus fut li temps, la lune luisoit cler
Li eur est bone et mult fist � loer:
Or nous devons de l'enfant raconter,
Quelle aventure Dieu i volt demonstrer;
.Iij. f�es vinrent port l'enfant revider.
L'une le prist tantost, sans demorer,
Et l'autre f�e vait le feu alumer,
L'enfent y font .i. petitet chaufer,
La tierce f�e l� l'a renmailloter
Et puis le vont couchier pour reposer;
Puis sont assises � la table, au souper,
Assez trov�rent pain et char et vin cler.
Quant ont maingi�, se prisrent � parler;
Dist l'une � l'autre: il nous convient doner
A cest enfant et bel don pr�senter.
Dist la mestresse: premiers vueil deviser
Quel s�gnorie ge li vueil destiner
S'il vient en aige, qu'il puist armes porter,
Biaus iert et fors et hardis por jouster;
Constantinoble qui mult fait � douter,
Tenra cis enf�s, ains que doie finer,
Rois iert et sires de Gresce sur la mer,
Ceux de V�nisce fera crestiener.
J� pour assaut ne le convient armer!
Car j� n'iert homs qui le puist affoler
Ne beste nule qui le puist mal mener,
Ours, ne lyons, ne serpens, ne sengler,
N'auront pooir de lui envenimer.

Encore veil de moi soit enmieudrez


S'il avient chose qu'il soit en mer entrez,
J� ses vaissiaux ne sera afondrez,
Ne par tourmente empiriez ne grevez;
Dist sa compaigne: or avez dit assez,
Or me lessiez dire mes volontez.
Je veil qu'il soit de dames bien amez
Et de puc�les jo�s et honorez;
Et je voldrai qu'il soit bons clers letrez
D'art d'yngremance apris et doctrinez
Par quoi s'avient qu'il soit emprisonez
En fort chastel, ne en tour enfermez,
Que il s'en isse ancois .iij. jours passez,
Et dist la tierce: Dame, bien dit avez,
Or li donrai, se vous le comandez.
Dient les autres: faites vos volontez,
Mais gardez bien qu'il ne soit empirez.

La tierce f�e fut mult de grand valour


A l'enfant done et prouece et baudour,
Cortois et sages, si est bel parliour
Chiens et oisiaux ne trace � nul jour,
Et soit archiers c'on ne sache mellour.
De .x. royaumes tendra encor l'ounour.
A tant se li�vent toutes .iij. sanz demour;
Li jours apert, si voient la luour
Alors s'en vont plus n'i ont fait s�jour.
L'enfant commandent � Dieu le cr�atour.

�Souvent, dit M. Leroux de Lincy[1] et principalement en Bretagne, au lieu


d'attendre les f�es, on allait au devant d'elles, et l'on portait l'enfant
dans les endroits connus pour servir de demeure � ces divinit�s. Ces lieux
�taient c�l�bres, on doit le penser, et beaucoup de nos provinces ont
consacr� le souvenir de cette croyance dans la d�signation de _grottes aux
f�es_ que portent quelques sites �cart�s ou souterrains de leur
territoire.�

[Note 1: _Le Livre des l�gendes_, introduction, p. 180.]

Le fragment du roman de _Brun de la Montagne_ qui nous est parvenu se


rapporte � cet usage: Butor, baron de la Montagne, ayant �pous� une jeune
femme, quoique vieux, en eut un fils, qu'il r�solut de faire porter � la
fontaine l� o� les f�es viennent se reposer. Il dit � la m�re:

Il a des lieux fa�s �s marches de Champaigne,


Et aussi en a il en la Roche Grifaigne;
Et si croy qu'il en a aussi en Alemaigne,
Et en bois Bersillant, par dosous la montaigne;
Et non pourquant ausi en a il en Espaigne,
Et tout cil lieu fa� sont Artu de Bretaigne.

Le seigneur de la Montagne confia son fils � Bruyant, chevalier qu'il


aimait. Et celui-ci partit avec une troupe de vassaux. Ils d�pos�rent
l'enfant aupr�s de la for�t de Broch�liande, et les dames f�es ne tard�rent
pas � s'y rendre; elles �taient bien gracieuses et leur corps, plus blanc
que neige, �tait rev�tu d'une robe de m�me couleur; sur leur t�te brillait
une couronne d'or. Elles s'approch�rent, et quand elles virent l'enfant:
Voici un nouveau-n�, dit l'une d'elles. Certainement, reprit la plus belle,
qui paraissait commander aux deux autres; je suis s�re qu'il n'a pas une
semaine. Allons, il faut le baptiser et le douer de grandes vertus. Je lui
donne, reprit la seconde, la beaut�, la gr�ce; je veux qu'on dise que ses
marraines ont �t� g�n�reuses. Je veux encore qu'il soit vainqueur dans les
tournois, dans les batailles. Ma�tresse, si vous trouvez mieux que cela,
donnez-lui. Dame, reprit la ma�tresse, vous avez peu de sens, quand vous
osez devant moi donner tant � ce petit. Et moi je veux que dans sa jeunesse
il ait une amie insensible � ses voeux. Et bien que par votre puissance, il
soit noble, g�n�reux, beau, courtois, il aura peine en amour; ainsi je
l'ordonne. Dame, ajouta la troisi�me, ne vous f�chez pas si je fais
courtoisie � cet enfant, car il vient de haut lignage et je n'en sais pas
de plus noble. Aussi je veux m'appliquer � le servir et � l'aider dans
toutes ses entreprises. Je le nourrirai, et c'est moi qui le garderai
jusqu'� l'�ge o� il aura une amie, et c'est moi qui serai la sienne. Je
vois, dit la ma�tresse, que vous aimez beaucoup cet enfant; mais pour cela
je ne changerai pas mon don. Je vous en conjure, dame, reprit la troisi�me,
laissez-moi cet enfant; je puis le rendre bien heureux... Non, r�pliqua la
ma�tresse, je veux que mes paroles s'accomplissent, et il aura, en d�pit de
vous deux, le plus vilain amour que l'on ait jamais �prouv�. Apr�s avoir
ainsi parl�, les trois f�es disparurent, les chevaliers reprirent l'enfant
et le report�rent au ch�teau de la Montagne, o� bient�t une f�e se pr�senta
comme nourrice.

Les f�es assist�rent de m�me, dit M. Maury[1], � la venue au monde d'Isa�e


le Triste. Aux environs de la Roche aux F�es, dans le canton de Rh�tiers,
les paysans croient encore aux f�es qui prennent, disent-ils, soin des
petits enfants, dont elles pronostiquent le sort futur; elles descendent
dans les maisons par les chemin�es et ressortent de m�me pour s'en
aller[2]. Les volas ou valas Scandinaves allaient de m�me pr�dire la
destin�e des enfants qui naissaient dans les grandes familles[3]; elles
assistaient aux accouchements laborieux et aidaient par leurs incantations
(_galdrar_) les femmes en travail. Les f�es voulaient m�me souvent �tre
invit�es. Longtemps, � l'�poque des couches de leurs femmes, les Bretons
servaient un repas dans une chambre contigu� � celle de l'accouch�e, repas
qui �tait destin� aux f�es, dont ils redoutaient le ressentiment[4]. Les
f�es furent invit�es � la naissance d'Ob�ron, elles le dot�rent � l'envi
des dons les plus rares; une seule fut oubli�e, et pour se venger de
l'outrage qui lui �tait fait, elle condamna Ob�ron � ne jamais d�passer la
taille d'un nain.

[Note 1: _Les F�es au moyen �ge_.]

[Note 2: M�moires de M. de la Pillaye, dans le t. II de la nouvelle


s�rie des _M�moires des antiquaires de France_, p. 95.]

[Note 3: Bergmann, _Po�mes islandais_, p. 159. Grenville Pigott, _a


Manual of Scandinavian mythology_, p. 353. Londres, 1839.]

[Note 4: Dans l'antiquit�, � la naissance des enfants des familles


riches, par suite de croyances analogues � celles-ci, on
�tablissait dans l'atrium un lit pour Junon Lucine.]

�Dans la l�gende de saint Armentaire, compos�e vers l'an 1300, par un


gentilhomme de Provence nomm� Raymond, on parle des sacrifices qu'on
faisait � la f�e Esterelle, qui rendait les femmes f�condes. Ces sacrifices
�taient offerts sur une pierre nomm�e la Lauza de la fada[1].�

[Note 1: Cambry, _Monuments celtiques_, p. 342.]

Les f�es aimaient � suborner les jeunes seigneurs, t�moin ce chant de la


Bretagne que rapporte M. de la Villemarqu�[1]: �La Korrigan �tait assise au
bord d'une fontaine et peignait ses cheveux blonds; elle les peignait avec
un peigne d'or, car ces dames ne sont pas pauvres: Vous �tes bien
t�m�raire, de venir troubler mon eau, dit la Korrigan; vous m'�pouserez �
l'instant ou pendant sept ann�es vous s�cherez sur pied, ou vous mourrez
dans trois jours.�

[Note 1: _Chants populaires de la Bretagne_, t. I, p. 4.]

M�lusine suborna ainsi Raimondin pour �chapper au destin cruel que lui
avait pr�dit sa m�re Pressine.

�La beaut�, dit M. Maury[1], est, il est vrai, un des avantages qu'elles
ont conserv�s; cette beaut� est presque proverbiale dans la po�sie du moyen
�ge; mais � ces charmes elles unissent quelques secr�te difformit�, quelque
affreux d�faut; elles ont, en un mot, je ne sais quoi d'�trange dans leur
conduite et leur personne. La charmante M�lusine devenait, tous les
samedis, serpent de la t�te au bas du corps. La f�e qui, d'apr�s la
l�gende, est la souche de la maison de Haro, avait un pied de biche d'o�
elle tira son nom, et n'�tait elle-m�me qu'un d�mon succube.�

[Note 1: _Les F�es du moyen �ge_, p. 53.]

�Le nom de dame du lac, dit le m�me auteur, donn� � plusieurs f�es, � la
Sibille du roman de Perceforest, � Viviane, qui �leva le fameux Lancelot,
surnomm� aussi du Lac, a son origine dans les traditions septentrionales.
Ces dames du lac sont filles des meerweib-nixes qui, sur les bords du
Danube, pr�disent dans les Niebelungen, l'avenir au guerrier Hag�ne; elles
descendent de cette sir�ne du Rhin qui, � l'entr�e du gouffre o� avait �t�
pr�cipit� le fatal tr�sor des Niebelungen, attirait par l'harmonie de ses
chants que quinze �chos r�p�taient, les vaisseaux dans l'ab�me.�

�Les ondins, les nixes de l'Allemagne, attirent au fond des eaux les
mortels qu'elles ont s�duits ou ceux qui, � l'exemple d'Hylas, se hasardent
imprudemment sur les bords qu'elles habitent. En France, une l�gende
proven�ale raconte de m�me comment une f�e attira Brincan sous la plaine
liquide et le transporta dans son palais de cristal[1]. Cette f�e avait une
chevelure vert glauque, qui rappelle celle que donnent les habitants de la
Thuringe � la nixe du lac de Sal-Zung[2], ou celle qu'attribuent les Slaves
� leurs roussalkis[3]. Ces roussalkis, comme les ondins de Magdebourg[4],
comme les Korrigans de la Bretagne, viennent souvent � la surface des eaux
peigner leur brillante chevelure. M�lusine nous est repr�sent�e de m�me
peignant ses longs cheveux, tandis que sa queue s'agite dans un bassin.�

[Note 1: Kirghtley, _The fairy Mythology_, t. II, p. 287].

[Note 2: Bechstein, _der Sagenschatz und die Sagenkreise des


Thuringeslandes_, P. IV, p. 117, Meiningen 1838, in-12. (Les nixes
de ce lac enlevaient aussi les enfants, comme les Korrigans de la
Bretagne).]

[Note 3: Makaroff, _Traditions russes_ (en russe), t. I, p. 9.]

[Note 4: Grimm, _Traditions allemandes_, t. I, p. 83.]

�Plusieurs f�es, dit M. A. Maury[1], sont repr�sent�es comme de v�ritables


divinit�s domestiques. Dame Abonde, cette f�e dont parle Guillaume de
Paris, apporte l'abondance dans les maisons qu'elle fr�quente[2]. La
c�l�bre f�e M�lusine pousse des g�missements douloureux chaque fois que la
mort vient enlever un Lusignan[3]. Dans l'Irlande, la Banshee vient de m�me
aux fen�tres du malade appartenant � la famille qu'elle prot�ge, frapper
des mains et faire entendre des cris de d�sespoir[4]. En Allemagne, dame
Berthe, appel�e aussi la _Dame blanche_ se montre comme les f�es � la
naissance des enfants de plusieurs maisons princi�res sur lesquelles elle
�tend sa protection... Dans les bruy�res de Lunebourg, la Klage Weib
annonce aux habitants leur fin prochaine. Quand la temp�te �clate, que le
ciel s'ouvre, quand la nature est en proie � quelques-unes de ces
tourmentes o� elle semble lutter contre la destruction, la Klage Weib se
dresse tout � coup comme un autre Adamastor, et, appuyant son bras
gigantesque sur la fr�le cabane du paysan, elle lui annonce par
l'�branlement soudain de sa demeure que la mort l'a d�sign�[5].

[Note 1: _Les F�es du moyen �ge_.]

[Note 2: Guillaume de Paris, _De Universo_, t. I, p. 1037. Orl�ans,


1674, in-fol. (Cette dame Abonde para�t �tre la m�me que la Mab
dont Shakespeare parle dans sa trag�die de _Rom�o et Juliette_.
Elle se rattache � la Holda des Allemands). Voyez G. Zimmermann,
_De Mutata saxonum veterum religione_, p. 21. Darmstadt, 1839.]

[Note 3: J. d'Arras, _Histoire de M�lusine_, p. 310.]

[Note 4: Crofton Croker, _Fairy Legends and Traditions of the South


of Ireland_. Londres, 1834, in-12, part. I, p. 228; part. II, p.
10.]

[Note 5: _Spiels Archiv._ II, 297.]

Les historiens citent encore d'autres dames blanches, comme la dame blanche
d'Avenel, la _dona bianca_ des Colalto, la femme blanche des seigneurs de
Neuhaus et de Rosenberg, etc.
On donne encore le nom de _dames blanches_ aux f�es bretonnes ou
_Korrigans_. Elles connaissent l'avenir, commandent aux agents de la
nature, peuvent se transformer en la forme qui leur pla�t. En un clin
d'oeil les Korrigans peuvent se transporter d'un bout du monde � l'autre.
Tous les ans, au retour du printemps, elles c�l�brent une grande f�te de
nuit; au clair de lune elles assistent � un repas myst�rieux, puis
disparaissent aux premiers rayons de l'aurore. Elles sont ordinairement
v�tues de blanc, ce qui leur a valu leur surnom. Les paysans bas-bretons
assurent que ce sont de grandes princesses gauloises qui n'ont pas voulu
embrasser le christianisme lors de l'arriv�e des ap�tres[1].

[Note 1: Voyez l'introduction des _Contes populaires des anciens


Bretons_, par M. de la Villemarqu�, p. XL, et _les F�es du moyen
�ge_, par M. Alfred Maury, p. 39.]

�On a aussi appel� _dames blanches_, dit Reiffenberg[1], d'autres �tres,


d'une nature malfaisante, qui n'�taient pas sp�cialement d�vou�s � une race
particuli�re; telles �taient les _witte wijven_ de la Frise, dont parlent
Corneil Van Kempen, Schott, T. Van Brussel et des Roches. Du temps de
l'empereur Lothaire, en 830, dit le premier de ces �crivains, beaucoup de
spectres infestaient la Frise, particuli�rement les _dames blanches_ ou
nymphes des anciens. Elles habitaient des cavernes souterraines, et
surprenaient les voyageurs �gar�s la nuit, les bergers gardant leurs
troupeaux, ou encore les femmes nouvellement accouch�es et leurs enfants,
qu'elles emportaient dans leurs repaires, d'o� l'on entendait sortir
quantit� de bruits �tranges, des vagissements, quelques mots imparfaits et
toute esp�ce de sons musicaux.�

[Note 1: _Dictionnaire de la conversation_, article DAMES


BLANCHES.]

L'A�a, Ambriane ou Caieta est une f�e de la classe des _dames blanches_,
qui habite le territoire de Ga�te, dans le royaume de Naples, et qui y
pr�occupe autant l'esprit des personnes faites que celui de l'enfance.
Comme chez la plupart des dames blanches, les intentions de l'A�a sont
toujours bienveillantes: elle s'int�resse � la naissance, aux �v�nements
heureux et malheureux, et � la mort de tous les membres de la famille
qu'elle prot�ge. Elle balance le berceau des nouveau-n�s. C'est
principalement durant les heures du sommeil qu'elle se met � parcourir les
chambres de la maison; mais elle y revient encore quelquefois pendant le
jour. Ainsi, lorsqu'on entend le craquement d'une porte, d'un volet, d'un
meuble, et que l'air agit� siffle l�g�rement, on est convaincu que c'est
l'annonce de la visite de l'A�a. Alors chacun garde le silence, �coute; le
coeur bat � tous; on �prouve � la fois de la crainte et un respect
religieux; le travail est suspendu; et l'on attend que la belle Ambriane
ait eu le temps d'achever l'inspection qu'on suppose qu'elle est venue
faire. Quelques personnes, plus favoris�es ou menteuses, affirment avoir vu
la f�e, et d�crivent sa grande taille, son visage grave, sa robe blanche,
son voile qui ondule; mais la plupart des croyants d�clarent n'avoir pas
�t� assez heureux pour l'apercevoir. Cette superstition remonte � des temps
recul�s, puisque Virgile la trouva existant d�j� au m�me lieu.

II.--ELFES
Les Alfs ou Elfes sont dans les pays du Nord les g�nies des airs et de la
terre. Ils ont quelque ressemblance avec les f�es. Leur roi Oberon,
immortalis� par Wieland, est le roi des aulnes, _Ellen K�nig_, chant� par
Goethe.

Torfeus, historien danois qui vivait au XVIIe si�cle, cit� par M. Leroux de
Lincy[1], rapporte dans la pr�face de son �dition de la _Saga de Hrolf_,
l'opinion d'un pr�tre islandais nomm� Einard Gusmond, relativement aux
Elfes: �Je suis persuad�, disait-il, qu'ils existent r�ellement, et qu'ils
sont la cr�ature de Dieu; qu'ils se marient comme nous, et reproduisent des
enfants de l'un et l'autre sexe: nous en avons une preuve dans ce que l'on
sait des amours de quelques-unes de leurs femmes avec de simples mortels.
Ils forment un peuple semblable aux autres peuples, habitent des ch�teaux,
des maisons, des chaumi�res; ils sont pauvres ou riches, gais ou tristes,
dorment et veillent, et ont toutes les autres affections qui appartiennent
� l'humanit�.�

[Note 1: _Le Livre des l�gendes_, introduction, p. 159. Paris,


1836, in-8�.]

Chez les peuples septentrionaux, dit M. A. Maury[1], d'apr�s M. Crofton


Croker[2], �les Elfes ont �t� divis�s en diverses classes suivant les lieux
qu'ils habitent et auxquels ils pr�sident. On distingue les _Dunalfenne_,
qui r�pondent aux nymphes _monticolae, castalides_ des anciens, les
_Feldalfenne_, qui sont les na�ades, les hamadryades; les _Muntalfenne_ ou
orcades; les _Scalfenne_ ou na�ades; les _Undalfenne_ ou dryades.�

[Note 1: _Les F�es du moyen �ge_, p. 73.]

[Note 2: _Fairy Legends and Traditions of the South of Ireland_.


Londres, 1834, in-12.]

�On d�peint les Elfes, dit M. Leroux de Lincy[1], comme ayant une grosse
t�te, de petites jambes et de longs bras; quand ils sont debout, ils ne
s'�l�vent pas au-dessus de l'herbe des champs. Adroits, subtils, audacieux,
toujours malins, ils ont des qualit�s pr�cieuses et surhumaines. C'est
ainsi que ceux qui vivent sous la terre et qui veillent � la garde des
m�taux sont r�put�s comme tr�s habiles � forger des armes. Ceux qui
habitent l'onde aiment beaucoup la musique et sont dou�s de talents
merveilleux en ce genre. La danse est le partage de ceux qui vivent entre
le ciel et la terre, ou dans les rochers. Ceux qui s�journent en de petites
pierres appel�es _Elf-mills, Elf-guarnor_ ont une voix douce et
m�lodieuse.�

[Note 1: _Le Livre des l�gendes_, introduction, p. 160.]

�Chez les peuples Scandinaves, les Elfes passaient pour aimer passionn�ment
la danse. Ce sont eux, disait-on, qui forment des cercles d'un vert
brillant, nomm�s _Elf-dans_, que l'on aper�oit sur le gazon. Aujourd'hui
encore, quand un paysan danois rencontre un cercle semblable, aux premiers
rayons du jour, il dit que les Elfes sont venus danser pendant la nuit.
Tout le monde ne voit pas les _Elfs-dans_. Ce don est surtout le partage
des enfants n�s le dimanche; mais les Elfes ont le pouvoir de douer de
cette science leurs prot�g�s en leur donnant un livre dans lequel ceux-ci
apprennent � lire l'avenir.�

�Les Elfes demeurent dans les marais, au bord des fleuves, disent encore
les paysans danois; ils prennent la forme d'un homme vieux, petit, avec un
large chapeau sur la t�te. Leurs femmes sont jeunes, belles, et d'un aspect
attrayant, mais par derri�re elles sont creuses et vides. Les jeunes gens
doivent surtout les �viter. Elles savent jouer d'un instrument d�licieux
qui trouble l'esprit. On rencontre souvent les Elfes se baignant dans les
eaux qu'ils habitent. Si un mortel ose approcher d'eux, ils ouvrent leur
bouche, et, atteint du souffle qui s'en �chappe, l'imprudent meurt
empoisonn�.�

�Souvent, par un beau clair de lune, on voit les femmes des Elfes danser en
rond sur les vertes prairies; un charme irr�sistible entra�ne ceux qui les
rencontrent � danser avec elles: malheur � qui succombe � ce d�sir! car
elles emportent l'imprudent dans une ronde si vive, si anim�e, si rapide
qu'il tombe bient�t sans vie sur le gazon. Plusieurs ballades ont perp�tu�
le souvenir de ces terribles morts.�

�Ces Elfes habitants des eaux s'appellent _Nokkes_, chez les Danois.
Beaucoup de souvenirs se rattachent � eux. Tant�t on croit les voir au
milieu d'une nuit d'�t�, rasant la surface des ondes, sous la forme de
petits enfants aux longs cheveux d'or, un chaperon rouge sur la t�te.
Tant�t ils courent sur le rivage, semblables aux centaures, ou bien sous
l'apparence d'un vieillard, avec une longue barbe dont l'eau s'�chappe, ils
sont assis au milieu des rochers.�

�Les Nokkes punissent s�v�rement les jeunes filles infid�les, et quand ils
aiment une mortelle, ils sont doux et faciles � tromper. Grands musiciens,
on les voit assis au milieu de l'eau, touchant une harpe d'or qui a le
pouvoir d'animer toute la nature. Quand on veut apprendre la musique avec
de pareils ma�tres, il faut se pr�senter � l'un d'eux avec un agneau noir,
et lui promettre qu'il sera sauv� comme les autres hommes et ressuscitera
au jour solennel.�

A ce propos, M. Leroux de Lincy[1] fait le r�cit suivant d'apr�s


Keightley[2]: �Deux enfants jouaient au bord d'une rivi�re qui coulait au
pied de la maison de leur p�re. Un Nokke parut, et, s'�tant assis sur les
eaux, il commen�a un air sur sa harpe d'or. Mais l'un des enfants lui dit:
�A quoi ton chant peut-il te servir, bon Nokke; tu ne seras jamais sauv�.�
A ces paroles, l'esprit fondit en larmes et de longs soupirs s'�chapp�rent
de son sein. Les enfants revinrent chez eux et dirent cette aventure � leur
p�re, qui �tait pr�tre de la paroisse. Ce dernier bl�ma une telle conduite,
et leur dit de retourner de suite au bord de l'eau et de consoler le Nokke
en lui promettant mis�ricorde. Les enfants ob�irent. Ils trouv�rent
l'habitant des ondes assis � la m�me place et pleurant toujours: �Bon
Nokke, lui ont-ils dit, ne pleure pas; notre p�re assure que tu seras sauv�
comme tous les autres.� Aussit�t le Nokke reprit sa harpe d'or et en joua
d�licieusement jusqu'� la fin du jour.

[Note 1: _Le Livre des L�gendes_, p. 162.]

[Note 2: _The fairy Mythology_, t. I, p. 236.]

On lit dans la _Saga d'Hervarar_, cit�e par M. Leroux de Lincy[1]:


�Suafurlami, monarque scandinave, revenant de la chasse, s'�gara dans les
montagnes. Au coucher du soleil, il aper�ut une caverne dans une masse
�norme de rochers, et deux nains assis � l'entr�e. Le roi tira son �p�e,
et, s'�lan�ant dans la caverne, il se pr�parait � les frapper, quand
ceux-ci demand�rent gr�ce pour leur vie. Les ayant interrog�s, Suafurlami
apprit d'eux qu'ils se nommaient Dyrinus et Dualin. Il se rappela aussit�t
qu'ils �taient les plus habiles d'entre tous les Elfes � forger des armes.
Il leur permit de s'�loigner, mais � une condition, c'est qu'ils lui
feraient une �p�e avec un fourreau et un baudrier d'or pur. Cette �p�e ne
devait jamais manquer � son ma�tre, ne jamais se souiller, couper le fer et
les pierres aussi ais�ment que le tissu le plus l�ger, et rendre toujours
vainqueur celui qui la poss�derait. Les deux nains consentirent � toutes
ces conditions et le roi les laissa s'�loigner. Au jour fix�, Suafurlami se
pr�senta � l'entr�e de la caverne, et les deux nains lui apport�rent la
plus brillante �p�e qu'on e�t jamais vue. Dualin, montant sur une pierre,
lui dit: �Ton �p�e, � roi, tuera un homme chaque fois qu'elle sera lev�e;
elle servira � trois grands crimes, elle causera ta mort.� A ces mots,
Suafurlami s'�lan�a contre le nain pour le frapper, mais il se sauva au
milieu des rochers, et les coups de la terrible �p�e fendirent la pierre
sur laquelle ils �taient tomb�s.�

[Note 1: _Le Livre des l�gendes_, p. 163.]

�En Su�de, dit M. Alf. Maury[1], les paysans v�n�rent les tilleuls, comme
ayant jadis �t� la demeure des Elfes. C'�tait sous un arbre gigantesque, le
fr�ne Yggdrasill, aupr�s de la fontaine Urda, que les gnomes li�s � ces
esprits des airs avaient fix� leur demeure.�

[Note 1: _Les F�es du moyen �ge_, p. 76.]

�L'herbe des champs est sous la protection des Elfes; tant qu'elle n'a pas
encore lev�, qu'elle ne fait que germer sous terre, ce sont les Elfes noirs
(_Schwarsen Elfen_) qui la prot�gent, qui veillent sur elle; puis a-t-elle
�lev� au-dessus du sol sa tige d�licate, elle passe sous la garde des Elfes
lumineux (_Licht Elfen_), des Elfes de lumi�re.�

On retrouve les Elfes dans les autres pays de l'Europe sous diff�rents
noms. En Allemagne ils jouent un r�le dans les _Niebelungen_ et dans le
_Heldenbuch_.

�Les femmes des Elfes, dit M. Alf. Maury[1], sont regard�es en Allemagne
comme aussi habiles que nos f�es � tourner le fuseau. Une foule de
traditions rappellent ces myst�rieuses ouvri�res. Telle est la l�gende de
la jeune fille de Scherven pr�s de Cologne, qu'on voit la nuit filer un fil
magique; telle est celle de dame Holl�, que la croyance populaire place
dans la Hesse, sur le mont Meisner. Holl� distribue des fleurs, des fruits,
des g�teaux de farine et r�pand la fertilit� dans les champs qu'elle
parcourt; elle excelle � filer; elle encourage les fileuses laborieuses et
punit les paresseuses; elle pr�side � la naissance des enfants, se montre
alors sous l'apparence d'une vieille femme aux v�tements blancs; parfois
aussi elle est vindicative et cruelle. Elle se venge en enlevant les
enfants et en les entra�nant au fond des eaux. Pschipolonza, cette petite
femme vieille, hideuse et rid�e, qui effraie souvent les paysans des
environs de Zittau, se montre au bord des chemins dans les bois, v�tue de
blanc et occup�e � filer. Dans la Livonie, on croit aux _Swehtas
jumprawas_, jeunes filles qu'on aper�oit la nuit filant myst�rieusement.

[Note 1: _Les F�es du moyen �ge_, p. 71-72.]

En Angleterre, les Elfes se partagent en deux classes: ceux qui habitent


les montagnes, les for�ts, les cavernes, et qu'on appelle _rural Elves_, et
les Gobelins (_Hobgobelins_) qui ont coutume de vivre parmi les Elfes. Mais
c'est en Irlande surtout qu'on se rappelle les Elfes. Ils s'y divisent en
plusieurs familles distinctes par le nom, le pouvoir ou les actions qu'on
leur attribue: ainsi on conna�t les _Shepo_, les _Cluricaune_, les
_Banshee_, les _Phooca_, ou _Pouke_, les _Sullahan_ ou _Dullahan_, etc.

�_Shepo_, qui signifie litt�ralement une f�e de maison, dit M. Leroux de


Lincy, en citant l'ouvrage de M. Crofton Croker[1], est le nom qu'on donne
aux esprits qui vivent en commun, et que le peuple suppose avoir des
ch�teaux et des habitations; au contraire on nomme _Cluricaune_ ceux qui
vivent seuls et se cachent dans les lieux retir�s. Les _Banshee_ sont des
f�es qui, suivant la tradition, s'attachent � certaines familles et que
l'on entend pousser des g�missements quand un malheur doit frapper celles
qu'elles ont adopt�es. Quant au _Phooca_, au _Dullahan_, c'est le nom qu'on
donne au diable, aussi appel� _Fir Darriz_.�

[Note 1: _Fairy legends and Traditions of the South of Ireland_.


Londres, Murray, 1834, in-12.]

�Suivant la croyance populaire de l'Irlande, dit M. Alf. Maury[1], les


Elfes c�l�brent deux grandes f�tes dans l'ann�e; l'une est au commencement
du printemps, quand le soleil approche du solstice d'�t�; alors le h�ros
O'Donoghue, qui jadis r�gna sur la terre, monte dans les cieux sur un
cheval blanc comme le lait, entour� du cort�ge brillant des Elfes. Heureux
celui qui l'aper�oit lorsqu'il s'�l�ve des profondeurs du lac de Killarney!
Cette rencontre lui porte bonheur. A No�l, les esprits souterrains
c�l�brent une f�te nocturne avec une joie sauvage et qui inspire la
frayeur. Les esprits des for�ts courent dans les clairi�res, rev�tus
d'habillements verts; l'oreille distingue alors le tr�pignement des
chevaux, le mugissement des boeufs sauvages. Lorsque le peuple entend ce
vacarme, il dit que c'est le guerrier, les chasseurs furieux, _das wuthende
Heer, die wuthenden J�ger_. Dans l'�le de Moen, on appelle ce bruit le
_Gronjette_; en Su�de on le nomme la chasse d'Odin.�

[Note 1: _Les F�es du moyen �ge_, p. 58.]

�Les feux folets chang�s en lutins par nos paysans, ajoute M. Leroux de
Lincy[1], ont gard� quelques rapports avec les Elfes norv�giens. En
Bretagne, sous le nom de _Gourils, Gories_ ou _Crions_, les Elfes se sont
r�fugi�s dans les monuments de Karnac, pr�s Quiberon. L�, comme on sait,
dans une plaine vaste, aride, o� pas un arbre, pas une plante ne cro�t,
sont debout environ douze � quinze cents pierres, dont les plus hautes
peuvent avoir dix-huit � vingt pieds. Interrogez les Bretons sur ces
pierres, ils vous diront: C'est un vieux camp de C�sar; ces pierres furent
une arm�e; elles ont �t� apport�es l� par des Gourils, race de petits
hommes hauts d'un pied, mais forts comme des g�ants; chaque nuit ils
forment une ronde immense autour de ces pierres; prenez garde! � vous qui
voyagez � cette heure aux environs de Karnac, prenez garde! les Gourils
vous saisiront, vous forceront � tourner, tourner longtemps jusqu'au
premier point du jour, alors ils dispara�tront; et vous... vous serez
mort!�

[Note 1: _Le Livre des l�gendes_, p. 167.]

Enfin, suivant M. Maury[1]: �Les femmes des Elfes et des nains rappellent
par leur beaut� et la blancheur de leurs v�tements les f�es fran�aises.
Mais comme chez celles-ci, cette beaut� est souvent trompeuse. Ces yeux
charmants, ces traits d�licats se changent au grand jour en des yeux caves,
des joues d�charn�es; cette blonde et soyeuse chevelure fait place � un
front nu que garnissent � peine quelques cheveux blancs.�
[Note 1: _Les F�es du moyen �ge_, p. 93.]

NATURE TROUBL�E

I.--POSS�D�S.--D�MONIAQUES

Goulart[1] rapporte d'apr�s Wier[2] plusieurs histoires de d�moniaques:


�Antoine Benivenius au VIIIe chapitre _du Livre des causes cach�es des
maladies_, escrit avoir veu une jeune femme aag�e de seize ans dont les
mains se retiroyent estrangement si tost que certaine douleur la prenoit au
bas du ventre. A son cri effroyable, tout le ventre lui enfloit si fort
qu'on l'eust estim�e enceinte de huict mois: enfin elle perdoit le soufle
et ne pouvant demeurer en place se tourmentait �a et l� dedans son lict,
mettant quelquefois ses pieds dessus son col, comme si elle eust voulu
faire la culebute. Ce qu'elle recommen�oit tant et jusque � ce que son mal
s'accoisast peu � peu et qu'elle fust aucunemens soulag�e. Lors enquise sur
ce qui lui estoit avenu, elle confessoit ne s'en ressouvenir aucunement.
Mais, dit-il, en cerchant les causes de ceste maladie, nous eusmes opinion
qu'elle proc�dait d'une suffocation de matrice et de vapeurs malignes
s'�levant en haut au d�triment du coeur et du cerveau. Toutes fois apr�s
nous estre efforcez de la soulager par m�dicamens et cela ne servant de
rien, icelle devint plus furieuse et, regardant de travers, se mit
finalement � vomir de longs cloux de fer tout courbez, des aiguilles
d'airin picqu�es dedans de la cire et entrelass�es de cheveux, avec une
portion de son desjun�, si grand qu'homme quelconque n'eust peu l'avaller
entier. Ayant en ma pr�sence recommenc� plusieurs fois tels vomissements,
je me doutais qu'elle estoit poss�d�e d'un esprit malin, lequel charmoit
les yeux des assistants pendant qu'il remuoit ces choses. Depuis nous
l'entend�mes faisant des pr�dictions et autres choses qui d�passent toute
intelligence humaine.�

[Note 1: _Thr�sor d'histoires admirables_, t. I, p. 143.]

[Note 2: _Illusions et impostures des diables_.]

�Meiner Clath, gentilhomme demeurant au ch�teau de Boutenbrouch situ� au


duch� de Juliers, avoit un valet nomm� Guillaume, lequel depuis quatorze
ans estoit tourment� et poss�d� du diable, dont ainsi qu'il commen�oit
quelquefois � se porter mal, � la suscitation de ce malin esprit, il
demanda pour confesseur le cur� de Saint-Gerard, Barthelemy Paven... lequel
�tant venu pour jouer son petit rollet... ne put faire du tout le
personnage muet. Or ainsi que ce d�moniacle avoit la gorge enfl�e, la face
ternie, et que l'on craignoit qu'il n'estouffast, Judith femme de Clath,
honneste matrone, ensemble tous ceux de la maison commencent � prier Dieu.
Et incontinent il sortit de la bouche de ce Guillaume entre autre
barbouilleries, toute la partie du devant des brayes d'un berger, des
cailloux dont les uns estoyent entiers et les autres rompus, des petites
plotes de fil, une perruque semblable � celle dont les filles ont
accoustum� d'user, des esguilles, un morceau de la doublure de la saye d'un
petit gar�on, et une plume de paon, laquelle ce mesme Guillaume avoit tir�
de la queue de un paon des huict jours auparavant qu'il devint malade.
Estant interrogu� de la cause de son mal, il respondit qu'il avoit
rencontr� une femme pr�s de Camphuse, laquelle luy avoit souffl� au visage:
et que toute sa calamit� ne proc�doit d'ailleurs. Toutes fois apr�s qu'il
fust gu�ry il nia que ce qu'il avoit dict fut vray: mais au contraire, il
confessa qu'il avoit est� induit par le diable � dire ce qu'il avoit dict.
D'avantage il ajouta que toutes ces mati�res prodigieuses n'avoient pas �t�
dedans son ventre, ains qu'elles avoyent �t� pouss�es dedans son gosier par
le diable, cependant que l'on le regardoit vomir. Satan le d�ceut par
illusions. On pensa plusieurs fois qu'il voulust se tuer on s'en voulust
fuir. Un jour, s'estant jett� dedans un tect � pourceaux, et gard� plus
soigneusement que de coustume, il demeura les yeux tellement fermez
qu'impossible fut les desclorre. Enfin Gertrude, fille aisn�e de Clath,
aag�e d'onze ans, s'approchant de lui, l'admonesta de prier Dieu que son
bon plaisir fust lui rendre la veue. Sur cela Guillaume la requit de prier,
ce qu'elle fit, et incontinent elle lui ouvrit les yeux, au grand
esbahissement de chacun. Le diable l'exhortoit souvent de ne prester
l'oreille ni � sa ma�tresse, ni aux autres qui lui rompoyent la teste, en
lui parlant de Dieu, duquel il ne pouvoit estre aid�, puisqu'il estoit mort
une fois, ainsi qu'il l'avoit entendu prescher publiquement.�

�Or comme une fois il s'effor�oit de taster impudiquement une chambri�re de


cuisine, et qu'elle le tan�ast par son nom, il respondit d'une voix
enrou�e, qu'il ne se nommoit pas Guillaume mais Beelzebub: � quoi la
maistresse respondit: Pense tu donc que nous te craignons? Celui auquel
nous nous fions, est infiniment plus fort et plus puissant que tu n'es.
Alors Clath lut l'onziesme chapitre de St-Luc o� il est fait mention du
diable muet jet� dehors par la puissance de nostre Sauveur, et aussi de
Beelzebub, prince des diables. A la parfin Guillaume commence � reposer, et
dort jusques au matin, comme un homme esvanoui: puis ayant pris un bouillon
et se sentant du tout all�g�, il fut ramen� chez ses parents apr�s avoir
remerci� ses maistres et sa maistresse, et pri� Dieu qu'il voulust les
r�compenser pour les ennuis qu'ils avoyent receus de ceste affliction.
Depuis il se maria, eut des enfants, et ne se sentit plus de tourment du
diable.�

�L'an 1566, le dix-huictiesme jour de mars, avint en la ville d'Amsterdam


en Hollande un cas m�morable, duquel M. Adrian Nicolas, chancelier de
Gueldres, fit un discours public contenant ce qui s'ensuit: Il y a deux
mois ou environ (dit-il), qu'en ceste ville trente enfans commenc�rent �
estre tourment�s d'une fa�on estrange, comme s'ils eussent est� maniaques
ou furieux. Par intervalles, ils se jettoyent contre terre et ce tourment
duroit demi-heure ou une heure au plus. S'estant relevez debout, ils ne se
souvenoyent d'aucun mal ni de chose quelconque facte lors, ains pensoyent
avoir dormi. Les m�decins, ausquels on recourut, n'y firent rien... Les
sorciers ne firent pas davantage, les exorcistes perdirent aussi leur
temps. Durant les exorcismes les enfants vomirent force aiguilles, des
epingles, des doigtiers � couldre, des lopins de drap, des pi�ces de pots
cassez, du verre, des cheveux et telles autres choses: pour cela toutesfois
les enfans ne furent gueris, ains retomberent en ce mal de fois � autre, au
grand estonnement de chacun pour la nouveaut� d'un si estrange spectacle.�

�Jean Laugius, tr�s docte m�decin, escrit au premier livre de ses


_Espitres_ estre avenu l'an 1539 � Fugenstal, village de l'�vesch�
d'Eysteten ce qui s'ensuit, v�rifi� par grand nombre de tesmoins. Ulric
Neusesser, laboureur demeurant en ce village, estoit mis�rablement
tourment� d'une douleur de flancs. Un jour le chyrurgien ayant fait quelque
incision en la peau, l'on en tira un clou de fer: pour cela les douleurs ne
s'appais�rent, au contraire accreurent tellement, que le pauvre homme tombe
en d�sespoir, d'un couteau tranchant se coupe la gorge. Comme on voulait le
cacher en terre, deux chyrurgiens lui ouvrirent l'estomach en pr�sence de
plusieurs et dans icelui trouv�rent du bois rond et long, quatre cousteaux
d'acier les uns aigus, les autres dentelez comme une scie; ensemble deux
bastons de fer, chacun de neuf poulces de longueur et un gros toupillon de
cheveux: je m'esbahi comment cette ferraille a peu estre amass�e dedans la
capacit� de l'estomach et par quelle ouverture. C'est sans doute par un
artifice du diable, lequel suppose dextrement toutes choses, pour se
maintenir et faire redouter.

�Antoine Lucquet, chevalier de l'ordre de la Toison, personnage de grande


reputation par toute la Flandre, et conseiller au priv� conseil de Brabant,
outre trois enfans l�gitimes, eut un bastard, qui print femme � Bruges.
Icelle peu apr�s les noces commen�a d'�tre mis�rablement tourment�e par le
malin esprit, tellement qu'en quelque part qu'elle fust, mesme au milieu
des dames et damoiselles, elle estoit soudain emport�e et train�e par les
chambres et souventes fois jett�e puis en un coin, puis en l'autre, quoi
que ceux qui estoient pr�sens taschassent de la retenir et de l'empescher.
Mais en ses agitations elle n'estoit pas beaucoup int�ress�e en son corps.
Chascun pensoit que ce mal lui eust est� procur� par une femme autrefois
entretenue par son mari, jeune homme de belle taille, gaillard et dispos.
En ses entrefaites, elle devint enceinte et ne cessa le malin esprit de la
tourmenter. Le terme de l'accouchement venu, il ne se trouve qu'une femme
en sa compagnie, laquelle fut incontinent envoy�e vers la sage-femme.
Cependant il lui fut avis que cette femme, dont j'ai parl�, entroit dedans
la chambre et lui servoit de sage-femme, dont la pauvre damoiselle fut si
esperdue que le coeur lui en faillit. Revenue � soi, elle se trouva
descharg�e de son fardeau; toutesfois, il n'aparut enfant quelconque dont
chascun demeura esperdu. Le jour suivant, l'accouch�e trouva en son resveil
un enfant emmaillot� et couch� dedans le lict, qu'elle allaita par deux
fois. S'estant peu apr�s endormie, l'enfant en fut pris de ses costez et
oncques depuis ne fut veu. Le bruit courut que l'on avoit trouv� dedans la
porte quelques billets avec des caract�res magiques.�

Goulart[1] fait conna�tre, d'apr�s Wier �les convulsions monstrueuses et


innombrables advenues aux nonnains du couvent de Kentorp en la cote de la
Marche pr�s Hammone. Un peu devant leurs acc�s et durant celui, elles
poussoient de leur bouche une puante haleine, qui continuoit parfois
quelques heures. En leur mal aucunes ne laissoient d'avoir l'entendement
sain, d'ou�r et de reconnoistre ceux qui estoyent autour d'elles, encore
qu'� cause des convulsions de la langue et des parties servantes � la
respiration elles ne peussent parler durant l'acc�s. Or estoyent les unes
plus tourment�es que les autres et quelques-unes moins. Mais ceci leur
estoit commun, qu'aussitost que l'une estoit tourment�e, au seul bruit les
autres s�par�es en diverses chambres estoyent tourment�es aussi. Ayant
envoy� vers un devin, qui leur dit qu'elles avoient �t� empoisonn�es par
leur cuisini�re nomm�e Else Kamense, le diable empoignant ceste occasion
commen�a � les tourmenter plus que devant et les induisit � s'entremordre,
entrebattre et se jeter par terre les unes les autres. Apr�s qu'Else et sa
m�re eurent est� brusl�es, quelques-uns des habitants de Hammone
commenc�rent � estre tourmentez du malin esprit. Le pasteur de l'�glise en
appela cinq en son logis afin de les instruire et fortifier contre les
impostures de l'ennemi. Ils commenc�rent � se mocquer du pasteur et �
nommer certaines femmes du lieu, chez lesquelles ils disoyent vouloir
aller, montez sur des boucs, qui les y porteroient. Incontinent l'un d'eux
se met � chevauchon sur une escabelle, s'escriant qu'il alloit et estoit
port� l�. Un autre se mettant � croupeton se recourba du tout en devant
puis se roula vers la porte de la chambre, par laquelle soudain ouverte il
se jetta et tomba du haut en bas des degr�s sans se faire mal.�

[Note 1: _Thr�sor d'histoires admirables_, t. I, p. 143.]

�Les nonnains du couvent de Nazareth, � Cologne, dit le m�me auteur[1],


furent presque tourment�es comme celles de Kentorp. Ayant est� par long
espace de temps tempest�es en diverses sortes par le diable, elles le
furent encore plus horriblement l'an 1564, car elles estoyent couch�es par
terre et rebrass�es comme pour avoir compagnie d'hommes. Durant laquelle
indignit� leurs yeux demeuroyent clos, qu'elles ouvroyent apr�s
honteusement et comme si elles eussent endur� quelque gri�ve peine. Une
fort jeune fille nomm�e Gertrude, aag�e de quatorze ans, laquelle avoit
est� enferm�e en ce couvent ouvrit la porte � tout ce malheur. Elle avoit
souvent est� tracass�e de ces folles apparitions en son lict, dont ses
ris�es faisoient la preuve quoiqu'elle essay�t parfois d'y rem�dier mais en
vain. Car ainsi qu'une siene compagne gisoit en une couchette tout expres
pour la deffendre de ceste apparition, la pauvrette eut frayeur, entendant
le bruit qui se faisoit au lict de Gertrude, de laquelle le diable print
finalement possession, et commen�a de l'affliger par plusieurs sortes de
contorsions... Le commencement de toute cette calamit� proc�doit de
quelques jeunes gens desbauchez, qui ayant prins accointance par un jeu de
paulme proche de l�, avec une ou deux de ces nonnains, estoyent depuis
montez sur les murailles pour jouyr de leurs amours.�

[Note 1: _Thr�sor des histoires admirables_, t. I, p. 153.]

�Les tourmens que les diables firent � quelques nonnains enferm�es � Wertet
en la comt� de Horne, sont esmerveillables. Le commencement vint (� ce
qu'on dit) d'une pauvre femme, laquelle durant le caresme emprunta des
nonnains une quarte de sel pesant environ trois livres, et en rendit deux
fois autant, un peu devant Pasques. D�s lors elles commencerent � trouver
dedans leur dortoir des petites boules blanches semblables � de la drag�e
de sucre, sal�es au goust, dont toutefois on ne mangea point, et ne
s�avoit-on d'o� elles venoient. Peu de temps apr�s elles s'apperceurent de
quelque chose qui sembloit se plaindre comme feroit un homme malade; elles
entendirent aussi une fois admonnestant quelques nonnains de se lever et
venir � l'aide d'une de leurs soeurs malade: mais elles ne trouverent rien,
y estant courues. Si quelques fois elles vouloient uriner en leur pot de
chambre, il leur estoit soudainement ost� tellement qu'elles gastoyent leur
lict. Par fois elles en estoyent tir�es par les pieds, tra�n�es assez loin
et tellement chatouill�es par les plantes, qu'elles en pasmoyent de rire.
On arrachoit une partie de la chair � quelques-unes, aux autres on
retournoit s'en devant derri�re les jambes, les bras et la face.
Quelques-unes ainsi tourment�es vomissoyent grande quantit� de liqueur
noire, comme ancre, quoi que auparavant elles n'eussent mang� six sepmaines
durant que du jus de raiforts, sans pain. Ceste liqueur estoit si amere et
poignante qu'elle leur eslevoit la premi�re peau de la bouche, et ne
s�avoit-on leur faire sauce quelconque qui peust les mettre en app�tit de
prendre autre chose. Aucunes estoient eslev�es en l'air � la hauteur d'un
homme, et tout soudain rejett�es contre terre. Or comme quelques-uns de
leurs amis jusques au nombre de treize fussent entrez en ce couvent pour
resjouir celles qui sembloyent soulag�es et presque gueries, les unes
tomberent incontinent � la renverse hors de la table o� elles estoyent,
sans pouvoir parler, ni conoistre personne, les autres demeurerent
estendues comme mortes, bras et jambes renvers�es. Une d'entre elles fut
soulev�e en l'air, et quoi que les assistans s'effor�assent l'empescher et
y missent la main, toutes fois elle leur estoit arrach�e maugr� eux, puis
tellement rejett�e contre terre qu'elle sembloit morte. Mais se relevant
puis apr�s, comme d'un somme profond, elle sortoit du r�fectoir n'ayant
aucun mal. Les unes marchoyent sur le devant des jambes, comme si elles
n'eussent point eu de pieds, et sembloit qu'on les trainast par derri�re,
comme dedans un sac desli�. Les autres grimpoyent au faiste des arbres
comme des chats, et en descendoyent � l'aise du corps. Il advint aussi
comme leur abbesse parloit � madame Marguerite, comtesse de Bure, qu'on lui
pin�a fort rudement la cuisse, comme si la pi�ce en eust est� emport�e,
dont elle s'�cria fort. Port�e incontinent en son lict, la playe fut veue
livide et noire, dont toutes fois elle gu�rit. Cette bourrellerie de
nonnains dura trois ans a descouvert, depuis on tint cela cach�.

�Ce qui advint jadis aux nonnains de Brigitte en leur couvent pr�s de
Xante, convient � ce que nous venons de r�citer. Maintenant elles
tressailloyent ou beeloyent comme brebis, ou faisoyent des cris horribles.
Quelques fois elles estoyent pouss�es hors de leurs chaires au temple o� l�
mesmes on leur attachoit la voile dessus la teste: et quelques fois leur
gavion estoit tellement estoupp� qu'impossible leur estoit d'avaler aucune
viande. Ceste estrange calamit� dura l'espace de dix ans en quelques-unes.
Et disoit-on qu'une jeune nonnain, esprise de l'amour d'un jeune homme en
estoit cause, pour ce que ses parens le lui avoyent refus� en mariage. Et
que le diable prenant la forme de ce jeune homme s'estoit monstr� � elle en
ses plus ardentes chaleurs, et lui avoit conseill� de se rendre nonnain,
comme elle fit incontinent. Enferm�e au couvent, elle devint comme furieuse
et monstra � chacun des horribles et estranges spectacles. Ce mal se glissa
comme une peste en plusieurs autres nonnains. Cette premiere sequestr�e
s'abandonna � celui qui la gardoit et en eust deux enfans. Ainsi Satan
dedans et dehors le couvent fit ses efforts d�testables.�

�Cardon rapporte qu'un laboureur... vomissait souventes fois du voirre[1],


des cloux et des cheveux, et (qu'apr�s sa gu�rison) il sentait dedans son
corps une grande quantit� de voirre rompu: lequel faisoit un bruit pareil �
celuy qui se fait par plusieurs pi�ces de voirre rompu enferm�es en un sac.
Il dit encore qu'il se sentoit fort travaill� de ce bruit et que de
dix-huit en dix-huit nuicts sur les sept heures, encore qu'il n'observast
le nombre d'icelles, si est-ce qu'il avoit senti par l'espace de dix-huit
ans qu'il y avoit qu'il estoit guari, autant de coups en son coeur, comme
il y avoit d'heures � sonner: ce qu'il endurait non sans un grand
tourment.�

[Note 1: Verre.]

�J'ay veu plusieurs fois, dit Goulart[1], une d�moniaque, nomm�e George,
qui par l'espace de trente ans fut par intervalles fr�quens tourment�e du
malin esprit, tellement que parfois en ma pr�sence elle s'enfloit, et
demeuroit si pesante que huict hommes robustes ne pouvoyent la souslever de
terre. Puis un peu apr�s, exhort�e au nom de Dieu de s'accourager, certain
bon personnage lui tendant la main, elle se relevoit en pieds, et s'en
retournoit courb�e et g�missante chez soy. En tels acces oncques elle ne
fit mal � personne quelconque fust de nuict, fust de jour, et si demeuroit
avec un sien parent qui avoit force petits enfans tellement accoustumez �
cette visitation, que soudain qu'ils l'entendoyent se tordre les bras,
fraper des mains, et tout son corps enfler d'estrange sorte, ils se
rangeoyent en certain endroit de la maison pour recommander ceste patiente
� Dieu. Leurs pri�res n'estoyent jamais vaines. La trouvant un jour en
certaine autre maison du village o� elle demeuroit, je l'exhortoy �
patience... Elle commence � rugir de fa�on estrange, et de promptitude
merveilleuse me lance sa main gauche, dont elle m'empoigne les deux poings,
me serrant aussi ferme que si j'eusse �t� li� de fortes cordes. J'essaye me
despetrer, mais en vain, quoy que je fusse aussi robuste qu'un autre. Elle
ne me fit aucune nuisance, ni ne me toucha de la main droite. Ayant est�
retenu d'elle autant de temps que j'ai employ� � descrire son histoire,
elle me lasche soudain, me demandant pardon. Je la recommande � Dieu, puis
la conduisis paisiblement en son logis... Quelques jours devant son
trespas, ayant est� fort tourment�e elle s'alicta, saisie d'une fi�vre
lente. Alors la fureur du malin esprit fut tellement brid�e et limit�e, que
la patiente fortifi�e extraordinairement en son �me par l'espace de dix ou
douze jours ne cessa de louer Dieu, qui l'avoit soutenue si
mis�ricordieusement en son affliction, consolant toutes personnes qui la
visitoyent... Je puis dire que Satan fut mis sous les pieds de ceste
patiente, laquelle deceda fort paisiblement en l'invocation de son
sauveur.�

[Note 1: _Thr�sor des histoires admirables_, t. II, p. 791.]

Goulart[1] raconte que �il y avoit � Leuenstcet, village appartenant au duc


de Brunswick, une jeune fille nomm�e Marguerite Achels, aag�e de vingt ans,
laquelle demeuroit avec sa soeur. Un jour de juin, voulant nettoyer
quelques souliers, elle prit l'un de ses cousteaux de demi pied de longueur
et comme elle commen�oit, assise en un coin de chambre, et encore toute
faible d'une fi�vre qui l'avoit tenue long-temps, entra soudain une
vieille, qui l'interrogua si elle avoit encore la fi�vre, et comment elle
se portoit de sa maladie, puis sortit sans dire mot. Apr�s que les souliers
eurent est� nettoy�s, cette fille laisse tomber le couteau en son giron
lequel depuis elle ne put retrouver, encore qu'elle le cerchast
diligemment; ce qui l'effroya, mais encores plus quand elle descouvrit un
chien noir couch� dessous la table qu'elle chassa, esp�rant trouver son
cousteau. Le chien tout irrit� commence � lui monstrer les dents et
grondant se lance en rue, puis s'enfuit. Il sembla incontinent � cette
fille qu'elle sentit je ne s�ay quoi, qui lui descendoit par derri�re le
lez du dos comme quelque humeur froide, et soudain elle s'esvanouit
demeurant ainsi jusques au troisiesme jour suivant, qu'elle commen�a �
respirer un petit et � prendre quelque chose pour se sustanter. Or estant
diligemment interrogu�e de la cause de sa maladie, elle respondit s�avoir
certainement que le couteau tomb� en son giron estoit entr� dedans son
cost� gauche, et qu'en ceste partie elle sentoit douleur. Et encore que ses
parents lui contredissent, d'autant qu'ils attribuoyent cette indisposition
a un humeur melancholique, et qu'elle resvoit � raison de sa maladie, de
ses longues abstinences et autres accidens, si ne cessa-elle point de
persister en ses plaintes, larmes et veilles continuelles, tellement
qu'elle en avoit le cerveau troubl� et estoit quelquefois l'espace de deux
jours sans rien prendre, encore qu'on l'en priast par douceur, et
quelquefois on la contraignoit par force. Or avoit-elle ses acc�s plus
forts en un temps qu'en l'autre, tellement que son repos duroit peu �
raison des continuelles douleurs qui la tourmentoyent: tellement qu'elle
estoit contrainte de se tenir toute courb�e sur un baston. Et ce qui plus
augmentoit son angoisse et diminuoit son allegement, estoit que
v�ritablement, elle croyoit que le cousteau fut en son corps et qu'en cela
chacun lui contredisoit opiniatrement, et lui proposoit l'impossibilit�,
jugeant qu'elle avoit la phantasie troubl�e, attendu que rien
n'apparaissoit qui peust les induire � tel avis, sans que ses continuelles
larmes et plaintes, esquelles on la vit continuer pendant l'espace de
quelques mois et jusques � ce qu'il apparut au cost� gauche un peu
au-dessus de la ratelle, entre les deux dernieres costes que nous nommons
fausses, une tumeur de la grosseur d'un oeuf, en forme de croissant,
laquelle accreut et diminua, selon que l'enfleure apparut et print fin.
Alors ceste pauvre malade leur dit: Jusques � pr�sent vous n'avez voulu
croire que le cousteau fut en mon corps, mais vous verrez bient�t comme il
est cach� en mon cost�. Ainsi le trenti�me de juin, � s�avoir environ
treize mois accomplis de cette affliction, sortit si grande abondance de
boue hors de l'ulc�re, qui s'estoit fait en ce cost�, que l'enflure vint �
diminuer, et lors parut la pointe du couteau que la fille d�siroit
arracher: toutes fois elle en fut empesch�e par ses parens, lesquels
envoy�rent chercher le chirurgien du duc Henri, qui pour lors estoit au
chasteau de Wolfbutel. Ce chirurgien venu le quatriesme jour de juillet,
pria le cur� de consoler, instruire et accourager la fille, et de prendre
garde aussi � ses r�ponses, pour autant que chacun la r�putoit d�moniaque.
Elle condescendit � estre gouvern�e par le chirurgien, non sans opinion que
la mort soudaine s'en ensuivroit. Le chirurgien, voyant la pointe du
cousteau qui se monstroit sous les costes le tint avec ses instruments et
le trouva semblable � l'autre, qui estoit rest� dans la gaine, et fort us�
environ le milieu du tranchant. Depuis l'ulc�re fut gu�ri par le
chirurgien.�

[Note 1: _Thr�sor des histoires admirables_, t. I, p. 155.]

M�lanchthon[1] cit� par Goulart[2] rapporte �qu'il y avoit une fille au


marquisat de Brandebourg, laquelle en arrachant des poils du vestement de
quelque personnage que ce fust, ces poils estoyent incontinent changez en
pi�ces de monnoye du pays, lesquelles ceste fille maschoit avec un horrible
craquement de dents. Quelques-uns luy ayant arrach� de ces pi�ces d'entre
les mains trouv�rent que c'estoyent vrayes pi�ces de monnoye, et les
gardent encore. Au reste cette fille estoit fort tourment�e de fois �
autre: mais au bout de quelques mois elle fut du tout guerie et a vescu
depuis en bonne sant�; on fit souvent pri�res pour elle, et s'abstint-on
express�ment de toutes autres c�r�monies.�

[Note 1: En ses _�p�tres_.]

[Note 2: _Thr�sor des histoires admirables_.]

�J'ay entendu, rapporte le m�me auteur au m�me endroit[1], qu'en Italie y


avoit une femme fort idiote, agit�e du diable, laquelle enquise par Lazare
Bonami, personnage assist� de ses disciples, quel estoit le meilleur vers
de Virgile, r�pondit tout soudain:

[Note 1: Cit� par Goulart, _Thr�sor des histoires admirables_, t.


I, p. 143.]

_Discite justitiam moniti et non temnere divos_.

C'est, adjousta-t-elle le meilleur et le plus digne vers que Virgile fit


oncques: va-t-en et ne retourne plus ici pour me tenter.�

Une nomm�e Louise Maillat, petite d�moniaque qui vivait en 1598, perdit
l'usage de ses membres; on la trouva poss�d�e de cinq d�mons qui
s'appelaient _loup, chat, chien, joly, griffon_. Deux de ces d�mons
sortirent d'abord par sa bouche en forme de pelotes de la grosseur du
poing; la premi�re rouge comme du feu, la seconde, qui �tait le chat,
sortit toute noire; les autres partirent avec moins de violence. Tous ces
d�mons �tant hors du corps de la jeune personne firent plusieurs tours
devant le foyer et disparurent. On a su que c'�tait Fran�oise Secr�tain qui
avait fait avaler ces diables � cette petite fille dans une cro�te de pain
de couleur de fumier[1].

[Note 1: M. Garinet, _Hist. de la Magie en France_, p. 162.]

II.--ENSORCEL�S

�On tient, dit Goulart[1], d'apr�s Vigen�re[2], que si les sorciers


gu�rissent (c'est-�-dire dessorcelent) un homme malefici�, et par eux ou
autres leurs compagnons ensorcell�, il faut qu'ils donnent le sort � un
autre. Cela est vulgaire par leur confession. De fait, j'ay veu un sorcier
d'Auvergne prisonnier � Paris, l'an 1569, qui guerissoit les bestes et les
hommes quelquefois: et fut trouv� saisi d'un grand livre, plein de poils de
chevaux, vaches et autres bestes, de toutes couleurs. Quand il avoit jet�
le sort pour faire mourir quelque cheval, on venoit � lui, et le guerissoit
en apportant du poil; puis il donnoit le sort � un autre, et ne prenoit
point d'argent; car autrement (comme il disoit) il n'eust pas gueri. Aussi
estoit-il habill� d'une vieille saye compos�e de mille pieces. Un jour
ayant donn� le sort au cheval d'un gentilhomme, on vint � lui. Il guerit le
cheval et donna le sort au palefrenier. On retourne afin qu'il guerist
l'homme. Il respond qu'on demandast au gentilhomme lequel il aimoit mieux
perdre, son homme ou son cheval. Tandis que le gentilhomme fait de
l'empesch� et qu'il delib�re, son homme mourut, et le sorcier fut pris. Il
fait � noter que le diable veut toujours gaigner au change, tellement que
si le sorcier oste le sort � un cheval, il le donnera � un autre cheval qui
vaudra mieux. S'il gu�rit une femme, la maladie tombera sur un homme. S'il
dessorcelle un vieillard, il ensorcellera un jeune gar�on. Et si le sorcier
ne donne le sort � un autre il est en danger de sa vie. Brief si le diable
gu�rit (en apparence) le corps, il tue l'ame.�

[Note 1: _Thr�sor des histoires admirables_, t. II, p. 826.]

[Note 2: Annotation sur la statue d'Esculape, au 2e volume de


_Philostrate_.]

�J'en reciteray quelques exemples, dit Bodin[1]: M. Fournier, conseiller


d'Orl�ans, m'a racont� d'un nomm� Hulin Petit, marchand de bois en ceste
ville-l�, qu'estant ensorcell� � la mort, il envoya querir un qui se disoit
guerir de toutes maladies (suspect toutes fois d'estre grand sorcier), pour
le gu�rir: lequel fit response qu'il ne pouvoit le guerir s'il ne donnoit
la maladie � son fils, qui estoit encores � la mammelle. Le (malheureux)
p�re consentit au parricide de son fils; qui fait bien � noter pour
conoistre la malice de Satan, et la juste fureur du Souverain sur les
personnes qui recourent � cest esprit homicide et � ses instrumens. La
nourrisse entendant cela s'enfuit avec son fils, pendant que le sorcier
touchoit le p�re pour le guerir. Apr�s l'avoir touch�, le p�re se trouva
gueri. Mais le sorcier demandant le fils, et ne le trouvant point, commence
� crier: Je suis mort! o� est l'enfant? Ne l'ayant point trouv�, il s'en
alla; mais il n'eut pas mis les pieds hors la porte que le diable le tua
soudain. Il devint aussi noir que si on l'eust noirci de propos d�lib�r�.�

[Note 1: D�monomanie, liv. III, ch. II.]

�J'ay sceu aussi qu'au jugement d'une sorciere, accus�e d'avoir ensorcell�
sa voisine en la ville de Nantes, les juges lui commanderent de toucher
celle qui estoit ensorcell�e; chose ordinaire aux juges d'Alemagne, et
mesmes en la chambre imp�riale cela se fait souvent. Elle n'en vouloit rien
faire: on la contraignit; elle s'escria: Je suis morte! Ayant touch� la
femme ensorcell�e, soudain elle guerit; et la sorci�re tomba roide morte
par terre. Elle fut condamn�e d'estre brusl�e toute morte. Je tiens
l'histoire de l'un des juges qui assista au jugement.�

�J'ai aprins � Thoulouse, qu'un escholier du parlement de Bourdeaux voyant


son ami travaill� d'une fi�vre quarte � l'extr�mit�, lui conseilla de
donner sa fi�vre � l'un de ses ennemis. Il fit r�ponse qu'il n'avoit point
d'ennemis. Donnez-la donc, dit-il, � vostre serviteur: de quoy le malade
ayant fait conscience, enfin le sorcier lui dit: Donnez-la-moi. Le malade
respond: Je le veux bien. La fi�vre empoigne le sorcier qui en mourut, et
le malade reschappa.�

�C'est aux juges qui commandent, reprend Goulart, d'apr�s Vigen�re, et �


ceux qui permettent aux sorciers de toucher les personnes ensorcell�es, de
penser � leurs consciences. Dieu seul gu�rit, Satan frappe par les
sorciers, Dieu le permettant ainsi. Mais Satan ni ses instrumens ne
gu�rissent point: ains par le courroux redoutable du juste juge, levant le
baston de dessus un pour charger sur l'autre, soit au corps, soit � l'�me,
comme ces exemples le monstrent. Et ainsi font tousjours mal. Comme aussi
Bodin adjouste proprement que les sorciers � l'aide de Satan (auquel ils
servent d'instrumens volontaires, et qui ont leur mouvement proc�dant d'une
affection d�prav�e) peuvent nuire et offenser non pas tous, mais seulement
ceux que Dieu permet par son jugement secret (soyent bons ou mauvais) pour
chastier les uns et esprouver les autres; afin de multiplier en ses esleus
sa b�n�diction les ayant trouvez (c'est-�-dire rendus par sa gr�ce tout
puissante) fermes et constans. N�antmoins (dit-il) pour monstrer que les
sorciers, par leurs maudites execrations et sacrifices detestables, sont
ministres de la vengeance de Dieu, prestans la main et la volont� � Satan,
je reciteray une histoire estrange. Au duch� de Cl�ves, pr�s du bourg
d'Elten, sur le grand chemin, les gens de pied et de cheval estoyent
frappez et battus, et les charettes vers�es: et ne se voyoit autre chose
qu'une main qu'on appeloit Ekerken. Enfin l'on print une sorci�re nomm�e
Sybille Dinscops, qui demeuroit es environs de ce pays-l�. Et depuis
qu'elle fut brusl�e on n'y a rien veu. Ce fut l'an 1535.�

�Pr�s le village de Baron en Valois fut jett� un bouquet au passage d'un


escallier pour entrer d'un mauvais chemin en un champ: si empoisonn� mais
de sortil�ge, qu'un chien ayant bondi par-dessus le premier en mourut
soudain. Le maistre passa apr�s; et encore que la premi�re furie et vigueur
de l'enchantement, pour avoir oper� sur cest animal fust aucunement
rebouch�e, l'homme ne laissa pas pour cela d'entrer en un acces d'ire dont
il cuida presque mourir, et en estoit desja en termes, si l'autheur ayant
est� pris par soup�on n'eus desfait le charme. Il fut tost apres execut�
dans Paris et confessa � la mort que si l'autre eust lev� le bouquet il fut
expir� sur le champ.�

�Je raconteray encore ce que j'ay ou� n'y a pas longtemps raconter �
monseigneur le duc de Nivernois et � plus de vingt gentils hommes dignes de
foy avoir veu de leurs propres yeux, ce qui advint � Neufvy-sur-Loire, o�
le sieur et la dame du lieu ayant d�pos� leur procureur fiscal, tost apr�s
une jeune fille qu'ils avoyent de l'aage de quinze � seize ans, se trouva
tout � un instant saisie d'une langueur universelle en tous ses membres, si
qu'elle sechoit � veue d'oeil, sans que les m�decins y peussent non
seulement trouver remede d'y donner quelque allegement, mais non pas mesme
concevoir aucune occasion apparente d'o� pouvoit prevenir ce mal. Estans
doncques venus le p�re et la m�re comme au dernier desespoir, il leur va
tomber en la fantaisie que ce pourroit estre par avanture quelque vengeance
de leur procureur, qui avoit une fort estroite communication et accointance
avec un berger d'aupr�s de Sancerre, le plus grand sorcier de tout le
Berry: et sur ce soup�on le firent fort bien mettre en cul de fosse; l� o�
menac� d'infinies tortures, il desbagoula enfin que ceste damoiselle avoit
est� ensorcell�e par le berger, lequel avoit fait une image de cire: et �
mesure qu'il la molestoit la fille se trouvoit molest�e de mesme. Enfin ils
dirent � la m�re: Madame, il n'y a qu'un seul moyen de la guerir, et faut
n�cessairement que pour la sauver vous vous resolviez de perdre la plus
chere chose que vous ayez en ce monde, except� les cr�atures raisonnables.
En bonne foy, r�pondit-elle, je vous en diray la pure v�rit�: il n'y a rien
que pour le regard j'aime tant que ma guenon. Mais pour garantir ma fille
de la langueur o� je la voy, je vous l'abandonne. On ne se donna garde que
peu de jours apr�s on vid la fille s'aider d'un bras, et la guenon demeurer
percluse de mesme. Consequemment peu � peu dans la revolution de la lune
ceste jeune damoiselle fut du tout guerie, fors sa foiblesse, et la guenon
mourut en douleurs extremes.�

Suivant Bodin[1], �Hippocrates, au livre _de l'�pilepsie_, qu'il appelle


maladie sacr�e, escrit qu'il y avoit plusieurs imposteurs qui se vantoyent
de gu�rir du mal caduc, disant que c'estoit la puissance des d�mons: en
fouissant en terre, ou jettant en la mer le sort d'expiation, et la plupart
n'estoit que belistres. Enfin il adjouste, il n'y a que Dieu qui efface les
pechers, qui soit notre salut et delivrance. Et � ce propos Jacques
Spranger, inquisiteur des sorciers, escrit qu'il a veu un evesque
d'Alemagne, lequel estant ensorcell� fut averti par une vieille sorci�re
que sa maladie estoit venue par malice, et qu'il n'y avoit moyen de la
guerir que par sort, en faisant mourir la sorci�re qui l'avoit ensorcel�.
De quoy estant estonn�, il envoye en poste � Rome prier le pape Nicolas V
qu'il lui donnast dispense de guerir en ceste sorte: ce que le pape lui
accorda, aimant uniquement l'evesque; et portoit la dispense ceste clause,
pour fuir de deux maux le plus grand. La dispense venue, la sorci�re dit,
puisque le pape et l'evesque le vouloyent, qu'elle s'y employeroit. Sur la
minuict l'evesque recouvra sant�; et au mesme instant la sorci�re qui avoit
ensorcell� l'evesque fut frapp�e de maladie dont elle mourut. Aussi void-on
que Satan fit que le pape, l'evesque et la sorci�re furent homicides: et
laissa � tous trois une impression de servir et ob�ir � ses commandemens:
et cependant la sorci�re qui mourut ne voulut oncques se repentir, au
contraire elle se recommandoit � Satan afin qu'il la guerist. On voit aussi
le terrible jugement de Dieu qui se venge de ses ennemis par ses ennemis.
Car ordinairement les sorciers descouvrent le malefice, et se font mourir
les uns les autres: d'autant qu'il ne chaut � Satan par quel moyen, pourveu
qu'il vienne � bout du genre humain, en tuant le corps ou l'ame, ou les
deux ensemble. Je diray un exemple avenu en Poictou, l'an 1571. Le roy
Charles IX ayant disn� commanda qu'on lui amenast le sorcier
Trois-Eschelles, auquel il avoit donn� sa grace pour accuser ses complices.
Il confessa devant le roy, enpresence de plusieurs grands seigneurs, la
fa�on du transport des sorciers, des danses, des sacifices faits � Satan,
des paillardises avec les diables en figures d'hommes et de femmes: et que
chacun prenoit des pouldres pour faire mourir gens, bestes et fruits. Et
comme chacun s'estonnoit de ce qu'il disoit, Gaspar de Colligni, lors
amiral de France, qui estoit pr�sent, dit qu'on avoit prins en Poictou peu
de temps auparavant un jeune gar�on accus� d'avoir fait mourir deux
gentilshommes. Il confessa qu'il estoit leur serviteur, et que les ayant
veu jetter des pouldres aux maisons, et sur des bleds, disant ces mots,
Malediction, etc., ayant trouv� de ces pouldres il en print, et en jetta
sur le lict o� couchoyent les deux gentilshommes, qui furent trouver morts
en leur lict, tout enflez, et tout noirs. Il fut absouls par les juges.
Trois-Eschelles en raconta lors beaucoup de semblables.�

[Note 1: _D�monomanie_, liv. III, ch. V.]

Le vendredi, 1er mai 1705, � cinq heures du soir, Denis Milanges de la


Richardi�re, fils d'un avocat au parlement de Paris, fut attaqu�, �
dix-huit ans, de l�thargies et de d�mences si singuli�res, que les m�decins
ne surent qu'en dire. On lui donna de l'�m�tique, et ses parents
l'emmen�rent � leur maison de Noisy-le-Grand, o� son mal devint plus fort;
si bien qu'on d�clara qu'il �tait ensorcel�.

On lui demanda s'il n'avait pas eu de d�m�l�s avec quelque berger; il conta
que le 18 avril pr�c�dent, comme il traversait � cheval le village de
Noisy, son cheval s'�tait arr�t� court dans la rue de Feret, vis-�-vis
la chapelle, sans qu'il p�t le faire avancer; qu'il avait vu sur ces
entrefaites un berger qu'il ne connaissait pas, lequel lui avait dit:
Monsieur, retournez chez vous, car votre cheval n'avancera point.

Cet homme, qui lui avait paru �g� d'une cinquantaine d'ann�es, �tait de
haute taille, de mauvaise physionomie, ayant la barbe et les cheveux noirs,
la houlette � la main, et deux chiens noirs � courtes oreilles aupr�s de
lui.

Le jeune Milanges se moqua du propos du berger. Cependant il ne put faire


avancer son cheval et il fut oblig� de le ramener par la bride � la maison,
o� il tomba malade. �tait-ce l'effet de l'impatience et de la col�re? ou le
sorcier lui avait-il jet� un sort?

M. de la Richardi�re le p�re fit mille choses en vain pour la gu�rison de


son fils. Comme un jour ce jeune homme rentrait seul dans sa chambre, il y
trouva son vieux berger, assis dans un fauteuil, avec sa houlette et ses
deux chiens noirs. Cette vision l'�pouvanta; il appela du monde; mais
personne que lui ne voyait le sorcier. Il soutint toutefois qu'il le voyait
tr�s bien; il ajouta m�me que ce berger s'appelait _Danis_, quoiqu'il
ignor�t qui pouvait avoir r�v�l� son nom. Il continua de le voir tout seul.
Sur les six heures du soir, il tomba � terre en disant que le berger �tait
sur lui et l'�crasait; et, en pr�sence de tous les assistants, qui ne
voyaient rien, il tira de sa poche un couteau pointu, dont il donna cinq
ou six coups dans le visage du malheureux par qui il se croyait assailli.

Enfin, au bout de huit semaines de souffrances, il alla � Saint-Maur, avec


confiance qu'il gu�rirait ce jour-l�. Il se trouva mal trois fois; mais
apr�s la messe, il lui sembla qu'il voyait saint Maur debout, en habit de
b�n�dictin, et le berger � sa gauche, le visage ensanglant� de cinq coups
de couteau, sa houlette � la main et ses deux chiens � ses c�t�s. Il
s'�cria qu'il �tait gu�ri, et il le fut en effet d�s ce moment.

Quelques jours apr�s, chassant dans les environs de Noisy, il vit


effectivement son berger dans une vigne. Cet aspect lui fit horreur; il
donna au sorcier un coup de crosse de fusil sur la t�te: Ah! monsieur, vous
me tuez! s'�cria le berger en fuyant; mais le lendemain il vint trouver M.
de la Richardi�re, se jeta � ses genoux, lui avoua qu'il s'appelait Danis,
qu'il �tait sorcier depuis vingt ans, qu'il lui avait en effet donn� le
sort dont il avait �t� afflig�, que ce sort devait durer un an; qu'il n'en
avait �t� gu�ri au bout de huit semaines qu'� la faveur des neuvaines qu'on
avait faites; que le mal�fice �tait retomb� sur lui Danis, et qu'il se
recommandait � sa mis�ricorde. Puis, comme les archers le poursuivaient, le
berger tua ses chiens, jeta sa houlette, changea d'habits, se r�fugia �
Torcy, fit p�nitence et mourut au bout de quelques jours...

Le p�re Lebrun, qui rapporte[1] longuement cette aventure, pense qu'il peut
bien y avoir l� sortil�ge. Il se peut aussi, plus vraisemblablement, qu'il
n'y e�t qu'hallucination.

[Note 1: _Histoire des pratiques superstitieuses_, t. I, p. 281.]

III.--HOMMES CHANG�S EN B�TES. LYCANTHROPES. LOUPS-GAROUS.

Suivant Donat de Hautemer[1], cit� par Goulart[2]. �il y a des lycanthropes


esquels l'humeur melancholique domine tellement qu'ils pensent
v�ritablement estre transmuez en loups. Ceste maladie, comme tesmoigne
Aetius au sixiesme livre, chapitre XI et Paulus au troisi�me livre,
chapitre XVI, et autres modernes, est une espece de melancholie, mais
estrangement noire et vehemente. Car ceux qui en sont atteints sortent de
leurs maisons au mois de fevrier, contrefont les loups presques en toute
chose, et toute nuict ne font que courir par les coemetieres et autour des
sepulchres, tellement qu'on descouvre incontinent en eux une merveilleuse
alteration de cerveau, surtout en l'imagination et pens�e mis�rablement
corrompue: en telle sorte que leur memoire a quelque vigueur, comme je l'ay
remarqu� en un de ces melancholiques lycanthropes que nous appelons
loups-garoux. Car lui qui me conoissoit bien, estant un jour saisi de son
mal, et me rencontrant, je me tiray � quartier craignant qu'il m'offensast.
Lui m'ayant un peu regard� passa outre suivi d'une troupe de gens. Il
portait lors sur ses espaules la cuisse enti�re et la jambe d'un mort.
Ayant est� soigneusement medicament�, il fut gueri de cette maladie. Et me
rencontrant une autre fois me demanda si j'avais point eu peur, lorsqu'il
me vint � la rencontre en tel endroit: ce qui me fait penser que sa memoire
n'estoit point bless�e en l'acc�s et vehemence de son mal, combien que son
imagination le fust grandement.

[Note 1: Au IXe chapitre de son _Traict� de la gu�rison des


maladies_.]

[Note 2: _Thr�sor des histoires admirables_, t. I, p. 336.]

�Guillaume de Brabant, au r�cit de Wier[1] r�p�t� par Goulart[2], a escrit


en son _Histoire_ qu'un homme de sens et entendement rassis, fut toutes
fois tellement travaill� du malin esprit, qu'en certaine saison de l'ann�e
il pensoit estre un loup ravissant, couroit �� et l� dedans les bois,
cavernes et deserts, surtout apr�s les petits enfants: mesmes il dit que
cest homme fut souvent trouv� courant par les d�serts comme un homme hors
du sens, et qu'enfin par la gr�ce de Dieu il revint � soy et fut gu�ri. Il
y eust aussi, comme r�cite Job Fincel au IIe livre _des Miracles_, un
villageois pr�s de Paule l'an mil cinq cens quarante et un, lequel pensoit
estre loup, et assaillit plusieurs hommes par les champs: en tua
quelques-uns. Enfin, prins et non sans grande difficult�, il asseura
fermement qu'il estoit loup, et qu'il n'y avoit autre diff�rence, sinon que
les loups ordinairement estoyent velus dehors et lui l'estoit entre cuir et
chair. Quelques-uns trop inhumains et loups par effect, voulans
exp�rimenter la v�rit� du faict, lui firent plusieurs taillades sur les
bras et sur les jambes, puis conoissans leur faute, et l'innocence de ce
melancholique, le commirent aux chirurgiens pour le penser, entre les mains
desquels il mourut quelques jours apr�s. Les affligez de telle maladie sont
pasles, ont les yeux enfoncez et haves, ne voyent que malais�ment, ont la
langue fort seiche, sont alterez et sans salive en bouche. Pline et autres
escrivent que la cervelle d'ours esmeut des imaginations bestiales. Mesme
il se dit que l'on en fit manger de nostre temps � un gentil-homme
espagnol, lequel en eut la fantaisie tellement troubl�e, que pensant estre
transform� en ours, il s'enfuit dans les montagnes et deserts.�

[Note 1: En son IVe livre _Des prestiges_, ch. XXIII.]

[Note 2: _Thr�sor des histoires admirables_, t. I, p. 336.]

�Quant aux lycanthropes, qui ont tellement l'imagination bless�e, dit


Goulart[1], qu'outre plus que par quelque particularit� efficace de Satan,
ils apparoissent loups et non hommes � ceux qui les voyent courir et faire
divers dommages, Bodin soustient que le diable peut changer la figure d'un
corps en autre, veu la puissance grande que Dieu lui donne en ce monde
�l�mentaire. Il veut donc qu'il y ait des lycanthropes transformez
r�ellement et de fait d'hommes en loups, all�guant divers exemples et
histoires � ce propos. Enfin apr�s plusieurs disputes, il maintient l'une
et l'autre sorte de lycanthropie. Et quant � celle-ci, represente tout � la
fin de ce chapitre le sommaire de son propos, � s�avoir, que les hommes
sont quelquefois transmuez en beste, demeurant la forme et la raison
humaine: soit que cela se fasse par la puissance de Dieu imm�diatement,
soit qu'il donne ceste puissance � Satan, ex�cuteur de sa volont�, ou
plustost de ses redoutables jugements. Et si nous confessons (dit-il) la
v�rit� de l'histoire sacr�e en Daniel, touchant la transformation de
Nabuchodonosor, et de l'histoire de la femme de Lot chang�e en pierre
immobile, il est certain que le changement d'homme en boeuf ou en pierre
est possible: et par cons�quent possible en tous autres animaux.�

[Note 1: _Thr�sor des histoires admirables_, t. I, p. 338.]

G. Peucer[1] dit en parlant de la lycanthropie: �Quant est de moy j'ay


autresfois estim� fabuleux et ridicule ce que l'on m'a souvent cont� de
cette transformation d'hommes en loups: mais j'ay aprins par certains et
�prouvez indices et par tesmoins dignes de foy que ce ne sont choses du
tout controverses et incroyables, attendu ce qu'ils disent de telles
transformations qui arrivent tous les ans douze jours apr�s Noel en Livonie
et les pays limitrophes: comme ils l'ont sceu au vray par les confessions
de ceux qui ont �t� emprisonnez et tourmentez pour tels forfaits. Voicy
comme ils disent que cela se fait. Incontinent apres que le jour de Noel
est pass�, un gar�on boiteux va par pays appeler ces esclaves du diable,
qui sont en grand nombre, et leur enjoint de s'acheminer apr�s luy. S'ils
different ou retardent, incontinent vient un grand homme avec un fouet fait
de cha�nettes de fer, dont il se hate bien d'aller, et quelquefois estrille
si rudement ces mis�rables, que long-temps apr�s les marques du fouet
demeurent et font grande douleur � ceux qui ont est� frappez. Incontinent
qu'ils sont en chemin les voil� tous changez et transformez en loups... Ils
se trouvent par milliers, ayans pour conducteur ce porte-fouet apr�s lequel
ils marchent, s'estimans estre devenus loups. Estans en campagne, ils se
ruent sur les troupeaux de bestail qui se trouvent, deschirent et emportent
ce qu'ils peuvent, font plusieurs autres dommages; mais il ne leur est
point permis de toucher ni blesser les personnes. Quand ils approchent des
rivi�res, leur guide fend les eaux avec son fouet tellement qu'elles
semblent s'entr'ouvrir et laisser un entre deux pour passer � sec. Au bout
de douze jours toute la troupe s'escarte, et chascun retourne en sa maison
ayant despoull� la forme de loup et reprins celle d'homme. Cette
transformation se fait, disent-ils, en ceste sorte. Les transformez tombent
soudain par terre comme gens sujets au mal caduc, et demeurent estendus
comme morts et privez de tout sentiment, et ils ne bougent de l� ni ne vont
en lieu quelconque, ni ne sont aucunement transformez en loups, ains
ressemblent � des charongnes, car quoy qu'on les roule et secoue ils ne
montrent aucune apparence quelconque de vie.�

[Note 1: _Les Devins_, p. 198.]

Bodin[1] rapporte en effet plusieurs cas de lycanthropie et d'hommes


chang�s en b�tes.

[Note 1: _D�monomanie_.]

�Pierre Mamot, en un petit traict� qu'il a fait des sorciers, dit avoir veu
ce changement d'hommes en loups, luy estant en Savoye. Et Henry de Cologne
au traict� qu'il a fait _de Lamiis_ tient cela pour indubitable. Et Ulrich
le meusnier en un petit livre qu'il a d�di� � l'empereur Sigismond, escrit
la dispute qui fut faite devant l'empereur et dit qu'il fut conclu par vive
raison et par l'exp�rience d'infinis exemples que telle transformation
estoit v�ritable, et dit luy-mesme avoir veu un lycanthrope � Constance,
qui fut accus�, convaincu, condamn� et puis ex�cut� � mort apr�s sa
confession. Et se trouvent plusieurs livres publiez en Allemagne que l'un
des plus grands rois de la chr�tient�, qui est mort n'a pas longtemps, et
qui estoit en r�putation d'�tre l'un des plus grands sorciers du monde
souvent estoit mu� en loup.�

�Il me souvient que le procureur g�n�ral du roy Bourdin m'en a r�cit� un


autre qu'on luy avoit envoy� du bas pays, avec tout le proc�s sign� du juge
et des greffiers, d'un loup qui fut frapp� d'un traict dans la cuisse, et
depuis se trouve dans son lict avec le traict, qui luy fut arrach� estant
rechang� en forme d'homme et le traict cogneu par celuy qui l'avoit tir�,
le temps et le lieu justifi� par la confession du personnage.�

�Garnier jug� et condamn� par le parlement de Dole estant en forme de


loup-garou print une jeune fille de l'aage de dix � douze ans pr�s le bois
de la Serre, en une vigne, au vignoble de Chastenoy pr�s Dole un quart de
lieue, et illec l'avoit tu�e, et occise tant avec ses mains semblans
pattes, qu'avec ses dents, et mang� la chair des cuisses et bras d'icelle,
et en avoit port� � sa femme. Et pour avoir en mesme forme un mois apr�s
pris une autre fille et icelle tu�e pour la manger s'il n'eust est� emp�ch�
par trois personnes comme il l'a confess�; et quinze jours apr�s avoir
estrangl� un jeune enfant de dix ans au vignoble de Gredisans et mang� la
chair des cuisses, jambes et ventre d'iceluy, et pour avoir en forme
d'homme et non de loup tu� un autre gar�on de l'aage de douze � treze ans
au bois du village de Porouse en intention de le manger, si on ne l'eust
empesch�, il fut condamn� � estre br�l� vif et l'arr�t ex�cut�.�

�Au Parlement de Bezan�on, les accus�s estoient Pierre Burgot et Michel


Verdun qui confess�rent avoir renonc� � Dieu et jur� de servir le diable.
Et Michel Verdun mena Burgot au bord du Chastel Charlon, o� chacun avoit
une chandelle de cire verde qui faisoit la flamme bleue et obscure et
faisoient les danses et sacrifices au diable. Puis apr�s s'estans oincts
furent retournez en loups courant d'une legeret� incroyable, puis ils
s'estoyent changez en hommes et soudain rechangez en loups et couplez avec
louves avec tel plaisir qu'ils avoient accoutum� avec les femmes; ils
confess�rent aussi � s�avoir: Burgot avoir tu� un jeune gar�on de sept ans
avec ses pattes et dents de loup et qu'il le vouloit manger, n'eust est�
les paysans luy donn�rent la chasse... Et que tous deux avoient mang�
quatre jeunes filles; et qu'en touchant d'une poudre ils faisoient mourir
les personnes.�

�Job Fincel, au livre XI des _Merveilles_ �crit qu'il y avoit � Padoue un


lycanthrope qui fut attrapp� et ses pattes de loup luy furent coup�es, et
au mesme instant il se trouva les bras et les piez coupez. Cela est pour
confirmer le proc�s fait aux sorciers de Vernon (an 1556), qui
fr�quentaient et s'assembloient ordinairement en un chastel vieil et ancien
en guise de nombre infini de chats. Il se trouva quatre ou cinq hommes qui
r�solurent d'y demeurer la nuict, o� ils se trouv�rent assaillis de la
multitude de chats; et l'un des hommes y fut tu�, les autres bien marquez,
et n�anmoins bless�rent plusieurs chats qui se trouv�rent apr�s mu�s,
enferm�s et bien bless�s. Et d'autant que cela semblait incroyable, la
proc�dure fut d�laiss�e.�

�Mais les cinq inquisiteurs qui estoient exp�rimentez en telles causes ont
laiss� par �crit qu'il y eut trois sorciers pr�s Strasbourg qui
assaillirent un laboureur en guise de trois grands chats, et en se
d�fendant il blessa et chassa les chats, qui se trouv�rent au lit malade en
forme de femmes fort bless�es � l'instant m�me: et sur ce enquises elles
accus�rent celuy qui les avoit frapp�es, qui dit aux juges l'heure et le
lieu qu'il avoit �t� assailly de chats, et qu'il les avoit bless�s.�

Guyon[1] rapporte l'histoire d'un enchanteur qui se changeait en


diff�rentes b�tes:

[Note 1: _Les diverses le�ons_.]

�Aucuns persuad�rent, dit-il, � Ferdinand, empereur premier de ce nom, de


faire venir devant lui un enchanteur et magicien polonais en la ville de
Numbourg, pour s'informer quelle yssue auroit le different qu'il avoit avec
le Turc, touchant le royaume de Hongrie, et que non seulement il usoit de
divination, mais aussi faisoit beaucoup de choses merveilleuses, et combien
que ledit sieur Roy ne le vouloit voir, si est-ce que ses courtizans
l'introduirent dans sa chambre, o� il fit beaucoup de choses admirables,
entre autres, il se transformoit en cheval, s'estanz oing de quelque
graisse, puis en forme de boeuf, et tiercement en lyon, tout en moins d'une
heure, dont ledit empereur eut si grande frayeur, qu'il commanda qu'on le
chass�t, et ne voulut onc s'enquerir de ce maraud des choses futures.�

�Il ne faut plus douter, ajoute le m�me auteur[1], si Lucius Apuleius


Platonic auroit �t� sorcier, et s'il auroit est� transform� en asne,
d'autant qu'il en fut tir� en justice par devant le proconsul d'Affrique,
du temps de l'empereur Antonin premier, l'an de J.-C. 150, comme Appoloine
Tiance, longtemps avant luy, soubz Domitian, l'an 60, fut aussi actionn�
pour mesme fait. Et plus de trois ans apr�s ce bruit persista jusqu'au
temps de sainct Augustin qui estoit africain, qui l'a escrit et confirm�;
comme aussi de son temps le p�re d'un Prestantius fut transmu� en cheval,
ainsi que ledit l'assura audit sainct Augustin... Son p�re estant d�c�d�,
il despendit en peu de temps la plus grande partie de ses biens, usant des
arts magiques, et pour fuir la pauvret� pourchassa de se marier avec
Pudentille, femme veufve et riche d'Oer, fort longtemps, et y persista tant
qu'elle acquies�a. Bient�t apr�s mourut un fils unique h�ritier qu'elle
avoit eu de son autre mary. Ces choses pass�es en ceste fa�on firent
conjecturer qu'il avoit par art magique s�duit Pudentille, que plusieurs
illustres personnes n'avoyent pu faire condescendre � se marier, pour
parvenir aux biens du susdit fils. On disoit aussi que le grand et profond
s�avoir qui estoit en luy, pour les grandes et difficiles questions qu'il
r�solvoit ordinairement passoit le commun des autres hommes, pour ce qu'il
avoit un d�mon ou diable familier. Plus, on lui avoit vu faire beaucoup de
choses admirables, comme se rendre invisible, autres fois se transformer en
cheval ou en oyseau, se percer le corps d'une esp�e, sans se blesser, et
plusieurs autres choses semblables. Il fut en fin accus� par un Sicilius
Aemilianus, censeur, devant Claude Maxime, proconsul d'Affrique, qu'on
disoit estre chrestien: on ne trouve point de condamnation contre luy. Or
qu'il aye est� transform� en asne, sainct Augustin le tient pour tout
asseur�, l'ayant lu dans certains autheurs v�ritables et dignes d'estre
creuz, aussi qu'il estoit du mesme pays: et ceste transformation lui advint
en Thessalie avant qu'il fust vers� en la magie, par une sorci�re qui le
vendit, laquelle le recouvra apr�s qu'il eut servi de son mestier d'asne
quelques ans, ayant les mesmes forces et fa�ons de manger et braire que les
autres asnes, l'ame raisonnable neantmoins demeura enti�re et saine, comme
luy-mesme atteste. Et � fin de couvrir son fait parce que le bruit estoit
tel et vraysemblable, il en a compos� un livre qu'il a intitul� l'_Asne
d'or_, entremesl� de beaucoup de fables et discours, pour d�monstrer les
vices des hommes de son temps, qu'il avoit ouy lire ou veu faire, durant sa
transformation, avec plusieurs de ses travaux et peines qu'il souffrit
durant sa m�tamorphose.�

[Note 1: _Les diverses le�ons_.]

�Quoy qu'il puisse estre, ledit sainct Augustin, au livre de la _Cit� de


Dieu_, livre XVIII, chap. XVII et XVIII, r�cite que de son temps, il y
avoit es Alpes certaines femmes sorci�res qui donnoyent � manger de certain
formage aux passants et soudainement estoyent transformez en asnes ou en
autres bestes de sommes, et leur faisoyent porter des charges jusqu'�
certains lieux; ce qu'ayant ex�cut�, leur rendoyent la forme humaine.�

�L'�vesque de Tyr, historien, escrit que de son temps, qui pouvoit estre
1220, il y eut quelques Anglois que leur Roy envoyoit au secours des
Chrestiens qui guerroyoient en la terre saincte, qui estans arrivez en une
havre de l'isle de Cypre, une femme sorci�re transmua un jeune soldat
anglois en asne, lequel voulant retourner vers ses compagnons dans le
navire fut chass� � coups de baston, lequel s'en retourna � la sorci�re,
qui s'en servit jusqu'� ce qu'on s'apperceut que l'asne s'agenouilla dans
une �glise, faisant choses qui ne pouvoyent partir que d'un animal
raisonnable, et par suspicion la sorci�re qui le suivoit estant prise par
authorit� de justice, le restitua en forme humaine trois ans apr�s sa
transformation, laquelle fut sur le champ ex�cut�e � mort.�

�Nous lisons, reprend Loys Guyon[1] qu'Ammonius, philosophe peripateticien,


avoit ordinairement � ses le�ons et lors qu'il enseignoit un asne, qui
estoit du temps de Lucius Septimius Severus, empereur, l'an de J.-C. 196.
Je penseroy bien que cest asne eust est� autrefois homme, et qu'il
comprenait bien ce que ledit Ammonius enseignoit, car ces personnes
transform�es, la raison leur demeure comme l'asseure le dit sainct Augustin
et plusieurs autres auteurs.�

[Note 1: _Diverses le�ons_, t. I, p. 426.]

�Fulgose escrit, livre VIII, chap. II, que du temps du pape L�on, qui
vivoit l'an 930, il y avoit en Allemagne deux sorci�res hostesses qui
avoyent accoustum� de changer ainsi quelques fois leurs hostes en bestes,
et comme une fois elles chang�rent un jeune gar�on basteleur en asne, qui
donnoit mille plaisirs aux passans, n'ayant point perdu la raison, leur
voisin l'acheta bien cher, mais elles dirent � l'acheteur qu'elles ne le
luy garantiraient pas et qu'il le perdoit s'il alloit � la rivi�re. Or
l'asne s'estant un jour eschapp�, courant au lac prochain o� s'�tant plong�
en l'eau, retourna en sa figure. Nostre Apuleius dit qu'il reprint sa forme
humaine pour avoir mang� des roses.�

�On voit encore aujourd'huy en Egypte des asnes qu'aucuns m�nent en la


place publique lesquels font plusieurs tours d'agilit�, et des singeries,
entendans tout ce qu'on leur commande, et l'ex�cutent: comme de monstrer la
plus belle femme de la compagnie, ce qu'ils font, et plusieurs austres
choses qu'on ne voudroit croire: ainsi que le r�cite Belon, medecin, en ses
observations, qu'il a veus et d'autres aussi, qui y ont est�, qui me l'ont
affirm� de mesme.�

�On amena un jour � sainct Macaire l'Egyptien, dit dom Calmet[1], une
honn�te femme qui avoit �t� m�tamorphos�e en cavalle par l'art pernicieux
d'un magicien. Son mari et tous ceux qui la virent crurent qu'elle �toit
r�ellement chang�e en jument. Cette femme demeura trois jours et trois
nuits sans prendre aucune nourriture, ni propre � l'homme, ni propre � un
cheval. On la fit voir aux pr�tres du lieu, qui ne purent y apporter aucun
rem�de. On la mena � la cellule de sainct Macaire, � qui Dieu avoit r�vel�
qu'elle devoit venir. Ses disciples vouloient la renvoyer, croyant que
c'�toit une cavalle, ils avertirent le saint de son arriv�e, et du sujet de
son voyage. Il leur dit: Vous �tes de vrais animaux, qui croyez voir ce qui
n'est point; cette femme n'est point chang�e, mais vos yeux sont fascin�s.
En m�me temps, il r�pandit de l'eau b�nite sur la t�te de cette femme, et
tous les assistants la virent dans son premier �tat. Il lui fit donner �
manger, et la renvoya saine et sauve avec son mari. En la renvoyant, il lui
dit: Ne vous �loignez point de l'�glise, car ceci vous est arriv�, pour
avoir �t� cinq semaines sans vous approcher des sacremens de notre
Sauveur.�

[Note 1: _Trait� des apparitions des esprits_, t. I, p. 102.]

IV.--SORTIL�GES

On appelle sortil�ges ou mal�fices toutes pratiques superstitieuses


employ�es dans le dessein de nuire aux hommes, aux animaux ou aux fruits de
la terre. On appelle encore mal�fices les malapies et autres accidents
malheureux caus�s par un art infernal et qui ne peuvent s'enlever que par
un pouvoir surnaturel.

Il y a sept principales sortes de mal�fices employ�s par les sorciers: 1�


ils mettent dans le coeur une passion criminelle; 2� ils inspirent des
sentiments de haine ou d'envie � une personne contre une autre; 3� ils
jettent des ligatures; 4� ils donnent des maladies; 5� ils font mourir les
gens; 6� ils �tent l'usage de la raison: 7� ils nuisent dans les biens et
appauvrissent leurs ennemis. Les anciens se pr�servaient des mal�fices �
venir en crachant dans leur sein.

En Allemagne, quand une sorci�re avait rendu un homme ou un cheval impotent


et mal�fici�, on prenait les boyaux d'un autre homme ou d'un cheval mort,
on les tra�nait jusqu'� quelque logis, sans entrer par la porte commune,
mais par le soupirail de la cave, ou par-dessous terre, et on y br�lait ces
intestins. Alors la sorci�re qui avait jet� le mal�fice sentait dans les
entrailles une violente douleur, et s'en allait droit � la maison o� l'on
br�lait les intestins pour y prendre un charbon ardent, ce qui faisait
cesser le mal. Si on ne lui ouvrait promptement la porte, la maison se
remplissait de t�n�bres avec un tonnerre effroyable, et ceux qui �taient
dedans �taient contraints d'ouvrir pour conserver leur vie[1]. Les
sorciers, en �tant un sort ou mal�fice, sont oblig�s de le donner � quelque
chose de plus consid�rable que l'�tre ou l'objet � qui ils l'�tent: sinon,
le mal�fice retombe sur eux. Mais un sorcier ne peut �ter un mal�fice s'il
est entre les mains de la justice: il faut pour cela qu'il soit pleinement
libre.

[Note l: Bodin, _D�monomanie_.]

On a regard� souvent les �pid�mies comme des mal�fices. Les sorciers,


disait-on, mettent quelquefois, sous le seuil de la bergerie ou de l'�table
qu'ils veulent ruiner, une touffe de cheveux, ou un crapaud, avec trois
maudissons, pour faire mourir �tiques les moutons et les bestiaux qui
passent dessus: on n'arr�te le mal qu'en �tant le mal�fice. De Lancre dit
qu'un boulanger de Limoges, voulant faire du pain blanc suivant sa coutume,
sa p�te fut tellement charm�e et mal�fici�e par une sorci�re qu'il fit du
pain noir, insipide et infect.

Une magicienne ou sorci�re, pour gagner le coeur d'un jeune homme mari�,
mit sous son lit, dans un pot bien bouch�, un crapaud qui avait les yeux
ferm�s; le jeune homme quitta sa femme et ses enfants pour s'attacher � la
sorci�re; mais la femme trouva le mal�fice, le fit br�ler, et son mari
revint � elle[1].

[Note 1: Delrio, _Disquisitions magiques_.]

Un pauvre jeune homme ayant quitt� ses sabots pour monter � une �chelle,
une sorci�re y mit quelque poison sans qu'il s'en aper�ut, et le jeune
homme, en descendant, s'�tant donn� une entorse, fut boiteux toute sa
vie[1].

[Note 1: De Lancre, _De l'inconstance, etc._]

Une femme ensorcel�e devint si grasse, dit Delrio, que c'�tait une boule
dont on ne voyait plus le visage, ce qui ne laissait pas d'�tre
consid�rable. De plus, on entendait dans ses entrailles le m�me bruit que
font les poules, les coqs, les canards, les moutons, les boeufs, les
chiens, les cochons et les chevaux, de fa�on qu'on aurait pu la prendre
pour une basse-cour ambulante.

Une sorci�re avait rendu un ma�on impotent et tellement courb�, qu'il avait
presque la t�te entre les jambes. Il accusa la sorci�re du mal�fice qu'il
�prouvait; on l'arr�ta, et le juge lui dit qu'elle ne se sauverait qu'en
gu�rissant le ma�on. Elle se fit apporter par sa fille un petit paquet de
sa maison, et, apr�s avoir ador� le diable, la face en terre, en marmottant
quelques charmes, elle donna le paquet au ma�on, lui commanda de se baigner
et de le mettre dans son bain, en disant: _Va de par le diable_! Le ma�on
le fit, et gu�rit. Avant de mettre le paquet dans le bain, on voulut savoir
ce qu'il contenait: on y trouva trois petits l�zards vifs; et quand le
ma�on fut dans le bain, il sentit sous lui comme trois grosses carpes,
qu'on chercha un moment apr�s sans rien trouver[1].
[Note 1: Bodin, _D�monomanie_.]

Les sorciers mettent parfois le diable dans des noix, et les donnent aux
petits enfants, qui deviennent mal�fici�s. Un de nos d�monographes (c'est,
je pense, Boguet) rapporte que, dans je ne sais quelle ville, un sorcier
avait mis sur le parapet d'un pont une pomme mal�fici�e, pour un de ses
ennemis, qui �tait gourmand de tout ce qu'il pouvait trouver sans desserrer
la bourse. Heureusement le sorcier fut aper�u par des gens exp�riment�s,
qui d�fendirent prudemment � qui que ce f�t d'oser porter la main � la
pomme, sous peine d'avaler le diable. Il fallait pourtant l'�ter, � moins
qu'on ne voul�t lui donner des gardes. On fut longtemps � d�lib�rer, sans
trouver aucun moyen de s'en d�faire; enfin il se pr�senta un champion qui,
muni d'une perche, s'avan�a � une distance de la pomme et la poussa dans la
rivi�re, o� �tant tomb�e, on en vit sortir plusieurs petits diables en
forme de poissons. Les spectateurs prirent des pierres et les jet�rent � la
t�te de ces petits d�mons, qui ne se montr�rent plus...

Boguet conte encore qu'une jeune fille ensorcel�e rendit de petits l�zards,
lesquels s'envol�rent par un trou qui se fit au plancher.

�Il faut bien prendre garde, dit Bodin[1], � la distinction des sortil�ges,
pour juger l'�normit� d'entre les sorciers qui ont convention expresse avec
le diable et ceux qui usent de ligatures et autres arts de sortil�ges. Car
il y en a qui ne se peuvent oster ni punir par les magistrats, comme la
superstition de plusieurs personnes de ne filer par les champs, la crainte
de saigner de la narine senestre, ou de rencontrer une femme enceinte
devant disn�. Mais la superstition est bien plus grande de porter des
rouleaux de papier pendus au col ou l'hostie consacr�e en sa pochette;
comme faisoit le pr�sident Gentil, lequel fut trouv� saisi d'une hostie par
le bourreau qui le pendit � Montfaucon; et autres superstitions semblables
que l'Ecriture Saincte appelle abominations et train d'Amorrh�ens. Cela ne
se peut corriger que par la parole de Dieu: mais bien le magistrat doit
chastier les charlatans et porteurs de billets qui vendent ces fum�es l� et
les bannir du pays. Car s'il est ainsi que les empereurs payens ayant banni
ceux qui faisoyent choses qui donnent l'espouvante aux ames
superstitieuses, que doyvent faire les chrestiens envers ceux l�, ou qui
contrefont les esprits comme on fit � Orl�ans et � Berne? Il n'y a doute
que ceux l� ne m�ritassent la mort comme aussi ceux de Berne furent
ex�cutez � mort: et en cas pareil de faire pleurer les crucifix ainsi qu'on
fit � Muret, pr�s Thoulouse, et en Picardie, et en la ville d'Orleans �
Saint-Pierre des Puilliers. Mais quelque poursuite qu'on ait fait, cela est
demeur� impuni. Or c'est double impi�t� en la personne des prestres. Et
ceste impi�t� est beaucoup plus grande quand le prestre a paction avec
Satan et qu'il fait d'un sacrifice une sorcellerie detestable. Car tous les
th�ologiens demeurent d'accord que le prestre ne consacre point s'il n'a
intention de consacrer, encore qu'il prononce les mots sacramentaux.

[Note 1: _D�monomanie_, livr. IV, ch. IV.]

De fait, il y eut un cur� de Sainct-Jean-le-Petit � Lyon, lequel fut brusl�


vif l'an 1558 pour avoir dit, ce que depuis il confessa en jugement qu'il
ne consacroit point l'hostie quand il chantoit messe, pour faire damner les
paroissiens, comme il disoit, � cause d'un proc�s qu'il avoit contre eux...
Il s'est trouv� en infinis proc�s que les sorciers bien souvent sont
prestres, ou qu'ils ont intelligence avec les prestres: et par argent ou
par faveurs, ils sont induits � dire des messes pour les sorciers, et les
accommodent d'hosties, ou bien ils consacrent du parchemin vierge, ou bien
ils mettent des aneaux, lames characteris�es, ou autres choses semblables
sur l'autel, ou dessous les linges: comme il s'est trouv� souvent. Et n'a
pas longtemps qu'on y a surprint un cur�, lequel a �vad�, ayant bon garant,
qui lui avoit baill� un aneau pour mettre sous les linges de l'autel quand
il disoit messe.�

�D'apr�s dom Calmet[1], Aeneas Sylvius Piccolomini, qui fut depuis pape
sous le nom de Pie II, �crit dans son _Histoire de Boh�me_ qu'une femme
pr�dit � un soldat du roi Wladislas que l'arm�e de ce prince seroit taill�e
en pi�ces par le duc de Boh�me; que si le soldat vouloit �viter la mort, il
falloit qu'il tu�t la premi�re personne qu'il rencontreroit en chemin,
qu'il lui coup�t les oreilles et les m�t dans sa poche; qu'avec l'�p�e dont
il l'auroit perc�e, il tra��t sur terre une croix entre les jambes de son
cheval, qu'il la bais�t, et que montant sur son cheval, il prit la fuite.
Le jeune homme ex�cuta tout cela. Wladislas livra la bataille, la perdit et
fut tu�: le jeune soldat se sauva; mais entrant dans sa maison, il trouva
que c'�toit, sa femme qu'il avoit tu�e et perc�e de son �p�e, et � qui il
avoit coup� les oreilles.�

[Note 1: _Trait� sur les apparitions des esprits_, t. I, p. 100.]

Dom Calmet[1] nous apprend d'apr�s Fr�d�ric Hoffmann[2] que �Une bouch�re
de la ville de Jenes, dans le duch� de Weimar en Thuringe ayant refus� de
donner une t�te de veau � une vieille femme, qui n'en offroit presque rien,
cette vieille se retira, grondant et murmurant entre ses dents. Peu de tems
apr�s, la bouch�re sentit de grandes douleurs de t�te. Comme la cause de
cette maladie �toit inconnue aux plus habiles m�decins, ils ne purent y
apporter aucun rem�de; cette femme rendoit de tems en tems par l'oreille
gauche de la cervelle, que l'on prit d'abord pour sa propre cervelle. Mais
comme elle soup�onnait cette vieille de lui avoir donn� un sort �
l'occasion de la t�te de veau, on examina la chose de plus pr�s, et on
reconnut que c'�toit de la cervelle de veau; et l'on se fortifia dans cette
pens�e, en voyant des osselets de la t�te de veau, qui sortoient avec la
cervelle. Ce mal dura assez longtems, et enfin la femme du boucher gu�rit
parfaitement. Cela arriva en 1685.�

[Note 1: _Trait� sur les apparitions des esprits_, t. I, p. 101.]

[Note 2: _De Diaboli potentia in corpora_, 1736, p. 382.]

Bodin a escrit livre II, chap. III, de la _D�monomanie_, dit Guyon[1], que
le sieur Nouilles, abb� de l'Isle, et depuis evesque de Dax, ambassadeur �
Constantinople, dit qu'un gentilhomme polonois, nomm� Pruiski, qui a est�
ambassadeur en France, luy dit que l'un des grands roys de la chrestient�,
voulant s�avoir l'yssue de son estat, fit venir un prestre necromantien et
enchanteur, lequel dit la messe, et apr�s avoir consacr� l'hostie, trancha
la teste � un jeune enfant de dix ans, premier n�, qui estoit pr�par� pour
cest effet, et fit mettre sa teste sur l'hostie, puis disant certaines
paroles, et usant de caract�res qu'il n'est besoin s�avoir, demanda ce
qu'il vouloit. La teste ne respondit que ces deux mots: _Vim patior_ en
latin: c'est � dire j'endure violence. Et aussitost le roy entra en furie,
criant sans fin: Ostez-moi ceste teste, et mourut ainsi enrag�. Depuis que
ces choses furent escrites, j'ay demand� audit sieur de Dax si ce que Bodin
avoit escrit de luy estoit vray, lequel m'asseura qu'ouy, mais quel roy
c'estoit, il ne le me voulut jamais dire.�

[Note 1: _Les diverses le�ons de Loys Guyon_, t. I, p. 735.]

P. Leloyer[1] rappelle encore l'histoire d'une autre t�te qui parla apr�s
la s�paration du corps, dont Pline fait mention. �En la guerre de Sicile
entre Octave C�sar qui depuis fut surnomm� Auguste et Sextus Pompeius fils
de Pomp�e le Grand, y eut, dit-il, un des gens d'Octave appel� Gabinius qui
fut prins des ennemis, et eut la teste coup�e par le commandement de Sextus
Pompeius, de sorte qu'elle ne tenoit plus qu'un petit � la peau. Il est o�y
sur le soir qu'il se plaignoit et d�siroit parler � quelqu'un. Aussitost
une grande multitude s'assemble autour du corps; il prie ceux qui estoient
venus de faire parler � Pomp�e et qu'il estoit venu des enfers pour luy
dire chose qui luy importoit. Cela est rapport� � Pomp�e, il n'y veut aller
et y envoye quelqu'un de ses familiers, ausquels Gabinius dit que les dieux
d'en bas recevoient les justes complaintes de Pomp�e et qu'il auroit toute
telle issue qu'il souhaitoit. En signe de v�rit�, il dit qu'il devoit
aussitost retomber mort qu'il auroit accomply son message. Cela advint et
Gabinius tomba � l'heure tout mort comme devant.� Il faut, du reste, noter
que la pr�diction de Gabinius ne se r�alisa pas.

[Note 1: _Discours et histoires des spectres_, p. 259.]

L. Du Vair[1] raconte que les Biarmes, peuples septentrionaux fort voisins


du pole arctique, estans un jour tout pr�ts de combattre contre un tres
puissant roy nomm� Regner commencerent � s'adresser au ciel avec beaux
carmes enchantez et firent tant qu'ils solliciterent les nues � les
secourir, et les contraignirent jusqu'� verser une grande violence et
quantit� de pluie qu'ils firent venir tout � coup sur leurs ennemis. Quant
est de commander aux orages et aux vents, Ola�s affirme que Henry, roy de
Suece, qui avait le bruit d'�tre le premier de son temps en l'art magique
estoit si familier avec les d�mons et les avoit tellement � son
commandement, que, de quelque cost� qu'il tournast son chapeau, tout
aussitost le vent qu'il d�siroit venait � souffler et halener de cette
part-l�, et pour cet effet son chappeau fut nomm� de tous ceux de la
contr�e le _chappeau venteux_.�

[Note 1: _Trois livres des charmes, sorcelages, etc._, p. 304.]

D'apr�s Jean des Caurres[1]: �Olaus le Grand escrit[2] plusieurs moyens


d'enchantemens sp�ciaux et observez par les septentrionaux en ces paroles:
L'on trouvoit ordinairement des sorciers et magiciens entre les Botniques,
peuples septentrionaux, comme si en ceste contr�e eust est� leur propre
habitation, lesquels avoient apprins de desguiser leurs faces, et celles
d'autruy, par plusieurs representations de choses, au moyen de la grande
adresse qu'ils avoient � tromper et charmer les yeux. Ils avoient aussi
apprins d'obscurcir les v�ritables regards par les trompeuses figures. Et
non seulement les luicteurs, mais aussi les femmes et jeunes pucelles, ont
accoustum� selon leur souhait, d'emprunter leur subtile et t�nue substance
de l'air, pour se faire comme des masques horrides, et pleins d'une ordure
plombeuse, ou bien pour faire paroistre leurs faces distingu�es par une
couleur pasle et contrefaite, lesquelles apr�s elles deschargent, � la
clart� du temps serain, de ces t�n�breuses substances qui y sont attach�es,
et par ce moyen elles chassent la vapeur qui les recouvroit. Il appert
aussi qu'il y avoit si grande vertu en leurs charmes, qu'il sembloit
qu'elles eussent pouvoir d'attirer du lieu le plus distant, et se rendre
visibles � elles seules et toucher une chose la plus esloign�e: voire et
eust elle est� arrest�e et garrott�e par mille liens[3]. Or font-elles
demonstrance de ces choses par telles impostures. Lors qu'elles ont envie
de s�avoir de l'estat de leurs amis ou ennemis absents en lointaines
contr�es, a deux cens ou quatre cens lieues, elles s'adressent vers Lappon,
ou Finnon, grand docteur en cest art: et apres qu'elles luy ont fait
quelques presens d'une robbe de lin, ou d'un arc, elles le prient
experimenter en quel pays peuvent estre leurs amis ou ennemis, et que c'est
qu'ils font. Parquoy il entre dedans le conclave, accompagn� seulement de
sa femme et d'un sien compagnon; puis il frappe avec un marteau dessus une
grenouille d'airain, ou sur un serpent estendu sur une enclume, et luy
baille autant de coups qu'il est ordonn�: puis en barbotant quelques
charmes, il les retourne �� et l�, et incontinent il tombe en extase, et
est ravy, et demeure couch� peu de temps, comme s'il estoit mort. Ce temps
pendant il est gard� diligemment par son compaignon de crainte qu'aucune
pulce ou mousche vivante, ou autre animal ne le touche. Car par le pouvoir
des charmes, son esprit, qui est guid� et conduit par le diable, rapporte
un anneau, ou un cousteau, ou quelque autre chose semblable, en signe et
pour tesmoignage qu'il a faist ce qui lui estoit command�: et alors se
relevant, il d�clare � son conducteur les mesmes signes, avec les
circonstances.�

[Note 1: _Oeuvres morales et diversifi�es_, p. 394.]

[Note 2: Livre III, ch. XXXIX de l'_Histoire des peuples


septentrionaux_.]

[Note 3: Saxon le grammairien, au commencement de l'_Histoire de


Danemark_.]

�Le mesme auteur, au chapitre XVIII du troisi�me livre _Des vents venaux_,
escrit le miracle qui ensuit. Les Finnons avoient quelque-fois accoustum�,
entre les autres erreurs de leur race, de vendre un vent � ceux qui
negocioient en leurs havres, lorsqu'ils estoient empeschez par la contraire
tempeste des vents. Apr�s doncques qu'on leur avoit baill� le payement, ils
donnoient trois noeuds magiques aux acheteurs, et les advertissoient qu'en
desnouant le premier ils avoient les vents amiables et doux: et en
desnouant le second, ils les avoient plus forts: et l� o� ils desnoueroient
le troisi�me il leur surviendroit une telle tempeste, qu'ils ne pourroient
jouyr � leur aise de leur vaisseau, ny jeter l'oeil hors la proue, pour
�viter les rochers, ny asseurer le pied en la navire, pour abbatre les
voiles, ny mesmes l'asseurer en la poupe pour manier le gouvernail.�

�J'ai ou� raconter plusieurs fois, � un bon et docte personnage, dit


Goulart[1], qu'estant jeune escholier � Thoulouse, il fut par deux fois
voyager es monts Pyr�n�es. Qu'en ces deux voyages il advint et vid ce qui
s'ensuit. En une croupe fort haute et spacieuse de ces monts, se trouve une
forme d'autel fort antique, sur quelques pierres duquel sont gravez
certains charact�res de forme estrange. Autour et non loin de cest autel se
trouverent lors d'iceux voyages des pastres et rustiques, lesquels
exhorterent et prierent ce personnage et plusieurs autres, tant escholiers
que de diverses conditions, de ne toucher nullement cest autel. Enquis
pourquoy ils faisoyent cette instance, respondirent qu'il n'importoit d'en
approcher pour le voir et regarder de pr�s tant que l'on voudroit: mais de
l'attouchement s'ensuivoyent merveilleux changemens en l'air. Il faisoit
fort beau en tous les deux voyages. Mais au premier se trouva un moine en
la compagnie, qui se riant de l'advertissement de ces pastres, dit qu'il
vouloit essayer que c'estoit de cest enchantement: et tandis que les autres
amusoyent ces rustiques, approche de l'autel et le touche comme il voulut.
Soudain le ciel s'obscurcit, les tonnerres grondent: le moine et tous les
autres gaignent au pied, mais avant qu'ils eussent atteint le bas de la
montagne, apr�s plusieurs esclats de foudre et d'orages effroyables, ils
furent mo�illez jusques � la peau, poursuivis au reste par les pastres �
coups de cailloux et de frondes. Au second voyage le mesme fut attent� par
un escholier avec mesmes effects de foudres, orages et ravines d'eaux les
plus estranges qu'il est possible de penser.�

[Note 1: _Thr�sor des histoires admirables_, t. II, p. 776.]

Selon Dom Calmet[1], �Spranger _in mallio maleficorum_ raconte qu'en Souabe
un paysan avec sa petite fille �g�e d'environ huit ans, �tant all� visiter
ses champs, se plaignait de la s�cheresse, en disant: H�las, Dieu nous
donnera-t-il de la pluie! La petite fille lui dit incontinent, qu'elle lui
en feroit venir quand il voudroit. Il r�pondit: Et qui t'a enseign� ce
secret? C'est ma m�re, dit-elle, qui m'a fort d�fendu de le dire �
personne. Et comment a-t-elle fait pour te donner ce pouvoir? Elle m'a
men�e � un ma�tre, qui vient � moi autant de fois que je l'appelle. Et
as-tu vu ce ma�tre? Oui, dit-elle, j'ai souvent vu entrer des hommes chez
ma m�re, � l'un desquels elle m'a vou�e. Apr�s ce dialogue, le p�re lui
demanda comment elle feroit pour faire pleuvoir seulement sur son champ.
Elle demanda un peu d'eau; il la mena � un ruisseau voisin, et la fille
ayant nomm� l'eau au nom de celui auquel sa m�re l'avoit vou�e, aussi-t�t
on vit tomber sur le champ une pluie abondante. Le p�re convaincu que sa
femme �tait sorci�re, l'accusa devant les juges, qui la condamn�rent au
feu. La fille fut baptis�e et vou�e � Dieu; mais elle perdit alors le
pouvoir de faire pleuvoir � sa volont�.�

[Note 1: _Trait� sur les apparitions des esprits_, t. I, p. 156.]

Bodin[1] dit que �la coustume de tra�ner les images et crucifix en la


riviere pour avoir de la pluye se pratique en Gascongne, et l'ay veu
(dit-il) faire � Thoulouse en plein jour par les petits enfans devant tout
le peuple, qui appellent cela la tire-masse. Et se trouva quelqu'un qui
jetta toutes les images dedans les puits du salin l'an 1557. Lors la pluye
tomba en abondance. C'est une signal�e meschancet� qu'on passe par
souffrance et une doctrine de quelques sorciers de ce pa�s l� qui ont
enseign� ceste impi�t� au pauvre peuple.�

[Note 1: _D�monomanie_, liv. II, ch. VIII.]

Jovianus Pontanus[1] parlant des superstitions damnables de quelques


Napolitains qui adjoustoyent foi aux sorciers, dict ces mots: �Aucuns des
habitans et assiegez dans la ville de Suesse, sortirent de nuict et
tromperent les corps de garde, puis traverserent les plus rudes montagnes,
et gaignerent finalement le bord de la mer. Ils portoyent quand et eux un
crucifix, contre lequel ils prononcerent un certain charme execrable, puis
se jetterent dedans la mer, prians que la tempeste troublast ciel et terre.
Au mesme temps, quelques prestres de la mesme ville, d�sireux de
s'accommoder aux sorcelleries des soldats en inventerent une autre,
esperant attirer la pluye par tel moyen. Ils apporterent un asne aux portes
de leur eglise, et lui chanterent un requiem, comme � quelque personne qui
eust rendu l'�me. Apr�s cela, ils lui fourrerent en la gueule une hostie
consacr�e, et apr�s avoir fait maint service autour de cet asne, finalement
l'enterrerent tout vif aux portes de leur dite �glise. A peine avoyent-ils
achev� leur sorcellerie, que l'air commen�a � se troubler, la mer � estre
agit�e, le plein jour � s'obscurcir, le ciel � s'�clairer, le tonnerre �
esbranler tout: le tourbillon des vents arrachoit les arbres et remplissoit
l'air de cailloux et d'esclats volans des rochers: une telle ravine d'eaux
survint, et de la pluye en si grande abondance que non seulement les
cisternes de Suesse furent remplies, mais aussi les monts et rochers fendus
de chaleur servoyent lors de canal aux torrens. Le roy de Naples qui
n'esp�roit prendre la ville que par faute d'eau, se voyant ainsi frustr�
leva le si�ge et s'en revint trouver son arm�e � Savonne.�
[Note 1: Au Ve livre des _Histoires de son temps_, cit� par
Goulart, _Thr�sor des histoires admirables_, t. II, p. 1031.]

�Les proc�s des sorciers et sorci�res, dit Goulart[1], faisans esmouvoir


par leurs sorcelleries divers orages et tempestes, proposent infinis
estranges exemples de ceci... J'ai ou� asseurer � personnage digne de foi
que quelques sorciers de Danemarc firent un charme terrible pour empescher
que la princesse de Danemarc ne fust men�e par mer au roy d'Escosse, � qui
elle estoit fianc�e, tellement que la flotte qui la conduisoit fut
plusieurs fois en danger de naufrage, et pouss�e loin de sa route, o� force
lui fut d'attendre commodit� d'une autre navigation. Que ceste conjuration
finalement descouverte l'on fit justice des sorciers, lesquels declarerent
les malins esprits leur avoir confess� que la pi�t� de la princesse et de
quelques bons personnages qui l'accompagnoyent, par l'invocation ardente et
continuelle du nom de Dieu, avoit rendu vains tous leurs efforts.�

[Note 1: _Thr�sor des histoires admirables_, t. II, p. 1052.]

Jacques d'Autun[1] rapporte un orage extraordinaire accompagn� de gr�le


excit� en Languedoc par des sorciers l'an 1668.

[Note 1: _L'incr�dulit� s�avante et la cr�dulit� ignorante, etc._,


par Jacques d'Autun, pr�dicateur capucin. Lyon, Jean Geste, 1674,
in-4�, p. 857]

�Sur les trois heures apr�s midi le onziesme du mois de juin s'esleva,
dit-il, un tourbillon de vent si imp�tueux qu'il desracinoit les arbres et
faisoit trembler les maisons aux environs de Langon; ce furieux orage
semblait devoir s'appaiser par une pluye assez m�diocre, laquelle peu apr�s
fut mesl�e de grelle grosse comme des oeufs de poule et ce qui fit
l'admiration des curieux, qui en firent ramasser plusieurs pi�ces, est
qu'elles �taient h�riss�es et pointues comme si � dessein on les eut
travaill�es pour leur donner cette figure; d'autres ressemblaient
parfaitement � de gros lima�ons avec leur coquille, la teste, le col et les
cornes dehors; l'on voyoit en d'autres des grenouilles et des crapaux si
bien taill�s, que l'on eut dit qu'un sculpteur s'�toit applicqu� � les
fa�onner; mais ce qui surprit davantage en ce spectacle d'horreur, est que
cette gresle changeoit de figure selon la diff�rence des insectes, que le
d�mon vouloit probablement repr�senter: car l'on vit gresler des serpens ou
de la gresle en forme de serpens de la longueur d'un demy pied: certes la
gresle qui fit trembler toute l'Egypte laquelle sainct Augustin attribue �
l'op�ration des d�mons, n'avoit rien de si effroyable; l'on trouva des
pi�ces de ce funeste m�t�ore qui repr�sentoient la main d'un homme avec
deux ou trois doigts distinctement formez, d'autres estoient taill�es en
estoiles � trois et � cinq pointes: enfin en quelque endroit, comme au port
de Saincte-Marie, il tomba de la gresle d'une si prodigieuse grosseur que
les animaux et les hommes qui en estoient frappez expiroient sur le
champ... On trouva un cheveu blanc dans tous les grains de grelle qui
furent ouverts et dans tous le cheveu blanc �toit de la m�me longueur.�

L'Espagnol Torqu�mada formule ainsi la biographie d'une fameuse sorci�re du


moyen �ge:

�Aucuns parlent, dit-il, d'une certaine femme nomm�e _Agaberte_, fille d'un
g�ant qui s'appelait _Vagnoste_, demeurant aux pays septentrionaux,
laquelle �tait grande enchanteresse. Et la force de ses enchantements �tait
si vari�e, qu'on ne la voyait presque jamais en sa propre figure: quelque
fois c'�tait une petite vieille fort rid�e, qui semblait ne se pouvoir
remuer, ou bien une pauvre femme malade et sans forces; d'autres fois elle
�tait si haute qu'elle paraissait toucher les nues avec sa t�te. Ainsi elle
prenait telle forme qu'elle voulait aussi ais�ment que les auteurs
d�crivent _Urgande la m�connue_. Et, d'apr�s ce qu'elle faisait, le monde
avait opinion qu'en un instant elle pouvait obscurcir le soleil, la lune et
les �toiles, aplanir les monts, renverser les montagnes, arracher les
arbres, dess�cher les rivi�res, et faire autres choses pareilles si
ais�ment qu'elle semblait tenir tous les diables attach�s et sujets � sa
volont�.�

Les magiciens et les devins emploient une sorte d'anath�me pour d�couvrir
les voleurs et les mal�fices: voici cette superstition. Nous pr�venons ceux
que les d�tails pourraient scandaliser, qu'ils sont extraits des grimoires.
On prend de l'eau limpide; on rassemble autant de petites pierres qu'il y a
de personnes soup�onn�es; on les fait bouillir dans cette eau; on les
enterre sous le seuil de la porte par o� doit passer le voleur ou la
sorci�re, en y joignant une lame d'�tain sur laquelle sont �crits ces mots:
_Christus vincit, Christus regnat, Christus imperat_. On a eu soin de
donner � chaque pierre le nom de l'une des personnes que l'on a lieu de
soup�onner. On �te le tout de dessus le seuil de la porte au lever du
soleil; si la pierre qui repr�sente le coupable est br�lante, c'est d�j� un
indice. Mais, comme le diable est sournois, il ne faut pas s'en contenter;
on r�cite donc les sept Psaumes de la p�nitence, avec les litanies des
saints: on prononce ensuite les pri�res de l'exorcisme, contre le voleur ou
la sorci�re; on �crit son nom dans un cercle; on plante sur ce nom un clou
d'airain, de forme triangulaire, qu'il faut enfoncer avec un marteau dont
le manche soit en bois de cypr�s, et on dit quelques paroles prescrites
rigoureusement � cet effet[1]. Alors le voleur se trahit par un grand cri.

[Note 1: _Justus es Domine, et justa sunt judicia tua_.]

S'il s'agit d'une sorci�re, et qu'on veuille seulement �ter le mal�fice


pour le rejeter sur celle qui l'a jet�, on prend, le samedi, avant le lever
du soleil, une branche de coudrier d'une ann�e, et on dit l'oraison
suivante: �Je te coupe, rameau de cette ann�e, au nom de celui que je veux
blesser comme je te blesse.� On met la branche sur la table, en r�p�tant
trois fois une certaine pri�re[1] qui se termine par ces mots: Que le
sorcier ou la sorci�re soit anath�me, et nous saufs[2]!

[Note 1: Comme la premi�re, c'est une inconvenance. On ajoute aux


paroles saintes du signe de la croix: Droch, Mirroch, Esenaroth,
B�tubaroch, Assmaaroth, qu'on entrem�le de signes de croix.]

[Note 2: Wierus, _De Praestig. daem._, lib. V, cap. V.]

Bodin et de Lancre content[1] qu'en 1536, � Casal, en Pi�mont, on remarqua


qu'une sorci�re, nomm�e Androgina, entrait dans les maisons, et que bient�t
apr�s on y mourait. Elle fut prise et livr�e aux juges; elle confessa que
quarante sorci�res, ses compagnes avaient compos� avec elle le mal�fice.
C'�tait un onguent avec lequel elles allaient graisser les loquets des
portes; ceux qui touchaient ces loquets mouraient en peu de jours.

[Note 1: _D�monomanie_, liv. IV, ch. IV. _Tableau de l'inconstance,


etc._, liv. II, disc. IV.]

�La m�me chose advint � Gen�ve en 1563, ajoute de Lancre, si bien qu'elles
y mirent la peste, qui dura plus de sept ans. Cent soixante-dix sorci�res
furent ex�cut�es � Rome pour cas semblable sous le consulat de Claudius
Marcellus et de Valerius Flaccus: mais la sorcellerie n'�tant pas encore
bien reconnue, on les prenait simplement alors pour des empoisonneuses...�

On remarquait, dit-on, au dix-septi�me si�cle, dans la for�t de Bondi, deux


vieux ch�nes que l'on disait enchant�s. Dans le creux de l'un de ces ch�nes
on voyait toujours une petite chienne d'une �blouissante blancheur. Elle
paraissait endormie, et ne s'�veillait que lorsqu'un passant s'approchait;
mais elle �tait si agile, que personne ne pouvait la saisir. Si on voulait
la surprendre, elle s'�loignait de quelques pas, et, d�s qu'on s'�loignait,
reprenait sa place avec opini�tret�. Les pierres et les balles la
frappaient sans la blesser; enfin on croyait dans le pays que c'�tait un
d�mon, ou l'un des chiens du grand veneur, ou du roi Arthus, ou encore la
chienne favorite de saint Hubert, ou enfin le chien de Montargis, qui,
pr�sent � l'assassinat de son ma�tre dans la for�t de Bondi, r�v�la le
meurtrier, et vengea l'homicide au XIVe si�cle. On disait aussi que des
sorciers faisaient assur�ment le sabbat sous les deux ch�nes.

Un jeune gar�on de dix � douze ans, dont les parents habitaient la lisi�re
de la for�t, faisait ordinairement de petits fagots � quelque distance de
l�. Un soir qu'il ne revint pas, son p�re, ayant pris sa lanterne et son
fusil, s'en alla avec son fils a�n� battre le bois. La nuit �tait sombre.
Malgr� la lanterne, les deux b�cherons se heurtaient � chaque instant
contre les arbres, s'embarrassaient dans les ronces, revenaient sur leurs
pas et s'�garaient sans cesse. �Voil� qui est singulier, dit enfin le p�re;
il ne faut qu'une heure pour traverser le bois, et nous marchons depuis
deux sans avoir trouv� les ch�nes; il faut que nous les ayons pass�s.�

En ce moment, un tourbillon �branlait la for�t. Ils lev�rent les yeux, et


virent, � vingt pas, les deux ch�nes. Ils march�rent dans cette direction;
mais � mesure qu'ils avancent, il semble que les ch�nes s'�loignent: la
for�t para�t ne plus finir; on entend de toutes parts des sifflements,
comme si le bois �tait rempli de serpents; ils sentent rouler � leurs pieds
des corps inconnus; des griffes entourent leurs jambes et les effleurent;
une odeur infecte les environne; ils croient sentir des �tres impalpables
errer autour d'eux...

Le b�cheron, ext�nu� de fatigue, conseille � son fils de s'asseoir un


instant; mais son fils n'y est plus. Il voit � quelques pas, dans les
buissons, la lumi�re vacillante de la lanterne; il remarque le bas des
jambes de son fils, qui l'appelle; il ne reconna�t pas la voix. Il se l�ve;
alors la lanterne dispara�t; il ne sait plus o� il se trouve; une sueur
froide d�coule de tous ses membres; un air glac� frappe son visage, comme
si deux grandes ailes s'agitaient au-dessus de lui. Il s'appuie contre un
arbre, laisse tomber son fusil, recommande son �me � Dieu, et tire de son
sein un crucifix; il se jette � genoux et perd connaissance.

Le soleil �tait lev� lorsqu'il se r�veilla; il vit son fusil bris� et


mac�r� comme si on l'e�t m�ch� avec les dents; les arbres �taient teints de
sang; les feuilles noircies; l'herbe dess�ch�e; le sol couvert de lambeaux;
le b�cheron reconnut les d�bris des v�tements de ses deux fils, qui ne
reparurent pas. Il rentra chez lui �pouvant�. On visita ces lieux
redoutables. On y v�rifia toutes les traces du sabbat; on y revit la
chienne blanche insaisissable. On purifia la place; on abattit les deux
ch�nes, � la place desquels on planta deux croix, qui se voyaient encore il
y a peu de temps; et, depuis, cette partie de la for�t cessa d'�tre
infest�e par les d�mons[1].
[Note 1: _Infernaliana_, p. 152.]

Ce que les sorciers appellent _main de gloire_ est la main d'un pendu,
qu'on pr�pare de la sorte: On la met dans un morceau de drap mortuaire, en
la pressant bien, pour lui faire rendre le peu de sang qui pourrait y �tre
rest�; puis on la met dans un vase de terre, avec du sel, du salp�tre, du
zimax et du poivre long, le tout bien pulv�ris�. On la laisse dans ce pot
l'espace de quinze jours; apr�s quoi on l'expose au grand soleil de la
canicule, jusqu'� ce qu'elle soit compl�tement dess�ch�e; si le soleil ne
suffit pas, on la met dans un four chauff� de foug�re et de verveine. On
compose ensuite une esp�ce de chandelle avec de la graisse de pendu, de la
cire vierge et du s�same de Laponie; et on se sert de la main de gloire
comme d'un chandelier, pour tenir cette merveilleuse chandelle allum�e.
Dans tous les lieux o� l'on va avec ce funeste instrument, ceux qui y sont
demeurent immobiles, et ne peuvent non plus remuer que s'ils �taient morts.
Il y a diverses mani�res de se servir de la main de gloire; les sc�l�rats
les connaissent bien; mais, depuis qu'on ne pend plus chez nous, ce doit
�tre chose rare.

Deux magiciens, �tant venus loger dans un cabaret pour y voler, demand�rent
� passer la nuit aupr�s du feu, ce qu'ils obtinrent. Lorsque tout le monde
fut couch�, la servante, qui se d�fiait de la mine des deux voyageurs, alla
regarder par un trou de la porte pour voir ce qu'ils faisaient. Elle vit
qu'ils tiraient d'un sac la main d'un corps mort, qu'ils en oignaient les
doigts de je ne sais quel onguent, et les allumaient, � l'exception d'un
seul qu'ils ne purent allumer, quelques efforts qu'ils fissent, et cela
parce que, comme elle le comprit, il n'y avait qu'elle des gens de la
maison qui ne dorm�t point; car les autres doigts �taient allum�s pour
plonger dans le plus profond sommeil ceux qui �taient d�j� endormis. Elle
alla aussit�t � son ma�tre pour l'�veiller, mais elle ne put en venir �
bout, non plus que les autres personnes du logis, qu'apr�s avoir �teint les
doigts allum�s, pendant que les deux voleurs commen�aient � faire leur coup
dans une chambre voisine. Les deux magiciens, se voyant d�couverts,
s'enfuirent au plus vite, et on ne les trouva plus[1].

[Note 1: Delrio, _Disquisitions magiques_.]

Il y avait autrefois beaucoup d'anneaux enchant�s ou charg�s d'amulettes.


Les magiciens faisaient des anneaux constell�s avec lesquels on op�rait des
merveilles. Cette croyance �tait si r�pandue chez les pa�ens, que les
pr�tres ne pouvaient porter d'anneaux, � moins qu'il ne fussent si simples
qu'il �tait �vident qu'ils ne contenaient point d'amulettes[1].

[Note 1: Aulu-Gelle, lib. X, cap. XXV.]

Les anneaux magiques devinrent aussi de quelque usage chez les chr�tiens et
m�me beaucoup de superstitions se rattach�rent au simple _anneau
d'alliance_. On croyait qu'il y avait dans le quatri�me doigt, qu'on appela
sp�cialement doigt annulaire ou doigt destin� � l'anneau, une ligne qui
correspondait directement au coeur; on recommanda donc de mettre l'anneau
d'alliance � ce seul doigt. Le moment o� le mari donne l'anneau � sa jeune
�pouse devant le pr�tre, ce moment, dit un vieux livre de secrets, est de
la plus haute importance. Si le mari arr�te l'anneau � l'entr�e du doigt et
ne passe pas la seconde jointure, la femme sera ma�tresse; mais s'il
enfonce l'anneau jusqu'� l'origine du doigt, il sera chef et souverain.
Cette id�e est encore en vigueur, et les jeunes mari�es ont g�n�ralement
soin de courber le doigt annulaire au moment o� elles re�oivent l'anneau de
mani�re � l'arr�ter avant la seconde jointure.
Les Anglaises, qui observent la m�me superstition, font le plus grand cas
de l'anneau d'alliance � cause de ses propri�t�s. Elles croient qu'en
mettant un de ces anneaux dans un bonnet de nuit, et pla�ant le tout sous
leur chevet, elles verront en songe le mari qui leur est destin�.

Les Orientaux r�v�rent les anneaux et les bagues, et croient aux anneaux
enchant�s. Leurs contes sont pleins de prodiges op�r�s par ces anneaux. Ils
citent surtout, avec une admiration sans bornes, l'_anneau de Salomon_, par
la force duquel ce prince commandait � toute la nature. Le grand nom de
Dieu est grav� sur cette bague, qui est gard�e par des dragons, dans le
tombeau inconnu de Salomon. Celui qui s'emparerait de cet anneau serait
ma�tre du monde et aurait tous les g�nies � ses ordres.

A d�faut de ce talisman prodigieux, ils ach�tent � des magiciens des


anneaux qui produisent aussi des merveilles.

Henri VIII b�nissait des anneaux d'or qui avaient disait-il, la propri�t�
de gu�rir de la crampe[1].

[Note 1: Misson, _Voyage d'Italie_, t. III, p. 16, � la marge.]

Les faiseurs de secrets ont invent� des bagues magiques qui ont plusieurs
vertus. Leurs livres parlent de l'_anneau des voyageurs_. Cet anneau, dont
le secret n'est pas bien certain, donnait � celui qui le portait le moyen
d'aller sans fatigue de Paris � Orl�ans, et de revenir d'Orl�ans � Paris
dans la m�me journ�e.

Mais on n'a pas perdu le secret de l'_anneau d'invisibilit�_. Les


cabalistes ont laiss� la mani�re de faire cet anneau, qui pla�a Gyg�s au
tr�ne de Lydie. Il faut entreprendre cette op�ration un mercredi de
printemps, sous les auspices de Mercure, lorsque cette plan�te se trouve en
conjonction avec une des autres plan�tes favorables, comme la Lune,
Jupiter, V�nus et le Soleil. Que l'on ait de bon mercure fix� et purifi�:
on en formera une bague o� puisse entrer facilement le doigt du milieu; on
ench�ssera dans le chaton une petite pierre que l'on trouve dans le nid de
la huppe, et on gravera autour de la bague ces paroles: _J�sus passant + au
milieu d'eux + s'en alla_[1]; puis ayant pos� le tout sur une plaque de
mercure fix�, on fera le parfum de Mercure; on enveloppera l'anneau dans un
taffetas de la couleur convenable � la plan�te, on le portera dans le nid
de la huppe d'o� l'on a tir� la pierre, on l'y laissera neuf jours; et
quand on le retirera, on fera encore le parfum comme la premi�re fois; puis
on le gardera dans une petite bo�te faite avec du mercure fix�, pour s'en
servir � l'occasion. Alors on mettra la bague � son doigt. En tournant la
pierre au dehors de la main, elle a la vertu de rendre invisible aux yeux
des assistants celui qui la porte; et quand on veut �tre vu, il suffit de
rentrer la pierre en dedans de la main, que l'on ferme en forme de poing.

[Note 1: Saint Luc, ch. IV, verset 30.]

Porphyre, Jamblique, Pierre d'Apone et Agrippa, ou du moins les livres de


secrets qui leur sont attribu�s, soutiennent qu'un anneau fait de la
mani�re suivante a la m�me propri�t�. Il faut prendre des poils qui sont au
dessus de la t�te de la hy�ne et en faire de petites tresses avec
lesquelles on fabrique un anneau, qu'on porte aussi dans le nid de la
huppe. On le laisse l� neuf jours; on le passe ensuite dans des parfums
pr�par�s sous les auspices de Mercure (plan�te). On s'en sert comme de
l'autre anneau, except� qu'on l'�te absolument du doigt quand on ne veut
plus �tre invisible.

Si, d'un autre c�t�, on veut se pr�cautionner contre l'effet de ces anneaux
cabalistiques, on aura une bague faite de plomb raffin� et purg�; on
ench�ssera dans le chaton l'oeil d'une belette qui n'aura port� des petits
qu'une fois; sur le contour on gravera les paroles suivantes: _Apparuit
Dominus Simoni_. Cette bague se fera un samedi, lorsqu'on conna�tra que
Saturne est en opposition avec Mercure. On l'enveloppera dans un morceau de
linceul mortuaire qui ait envelopp� un mort; on l'y laissera neuf jours;
puis, l'ayant retir�e, on fera trois fois le parfum de Saturne, et on s'en
servira.

Ceux qui ont imagin� ces anneaux ont raisonn� sur l'antipathie qu'ils
supposaient entre les mati�res qui les composent. Rien n'est plus
antipathique � la hy�ne que la belette, et Saturne r�trograde presque
toujours � Mercure; ou, lorsqu'ils se rencontrent dans le domicile de
quelques signes du zodiaque, c'est toujours un aspect funeste et de mauvais
augure[1].

[Note 1: _Petit Albert_.]

On peut faire d'autres anneaux sous l'influence des plan�tes, et leur


donner des vertus au moyen de pierres et d'herbes merveilleuses. �Mais dans
ces caract�res, herbes cueillies, constellations et charmes, le diable se
coule,� comme dit Leloyer, quand ce n'est pas simplement le d�mon de la
grossi�re imposture. �Ceux qui observent les heures des astres,
ajoute-t-il, n'observent que les heures des d�mons qui pr�sident aux
pierres, aux herbes et aux astres m�mes.�--Et il est de fait que ce ne sont
ni des saints ni des coeurs honn�tes qui se m�lent de ces superstitions.

On appelle amulettes certains rem�des superstitieux que l'on porte sur soi
ou que l'on s'attache au cou pour se pr�server de quelque maladie ou de
quelque danger. Les Grecs les nommaient phylact�res, les Orientaux
talismans. C'�taient des images capricieuses (un scarab�e chez les
�gyptiens), des morceaux de parchemin, de cuivre, d'�tain, d'argent, ou
encore de pierres particuli�res o� l'on avait trac� de certains caract�res
ou de certains hi�roglyphes.

Comme cette superstition est n�e d'un attachement excessif � la vie et


d'une crainte pu�rile de tout ce qui peut nuire, le christianisme n'est
venu � bout de le d�truire que chez les fid�les[1]. D�s les premiers
si�cles de l'�glise, les P�res et les conciles d�fendirent ces pratiques du
paganisme. Ils repr�sent�rent les amulettes comme un reste idol�tre de la
confiance qu'on avait aux pr�tendus g�nies gouverneurs du monde. Le cur�
Thiers[2] a rapport� un grand nombre de passage des P�res � ce sujet, et
les canons de plusieurs conciles.

[Note 1: Bergier, _Dictionnaire th�ologique_.]

[Note 2: _Trait� des superstitions_, liv. V, ch. 1.]

Les lois humaines condamn�rent aussi l'usage des amulettes. L'empereur


Constance d�fendit d'employer les amulettes et les charmes � la gu�rison
des maladies. Cette loi, rapport�e par Ammien Marcellin, fut ex�cut�e si
s�v�rement, que Valentinien fit punir de mort une vieille femme qui �tait
la fi�vre avec des paroles charm�es, et qu'il fit couper la t�te � un jeune
homme qui touchait un certain morceau de marbre en pronon�ant sept lettres
de l'alphabet pour gu�rir le mal d'estomac[1].
[Note 1: Voyez Ammien-Marcellin, lib. XVI, XIX, XXIX, et le P.
Lebrun, liv. III, ch. 2.]

Mais comme il fallait des pr�servatifs aux esprits fourvoy�s, qui forment
toujours le plus grand nombre, on trouva moyen d'�luder la loi. On fit des
talismans et des amulettes avec des morceaux de papier charg�s de versets
de l'�criture sainte. Les lois se montr�rent moins rigides contre cette
singuli�re coutume, et on laissa aux pr�tres le soin d'en mod�rer les abus.

Les Grecs modernes, lorsqu'ils sont malades, �crivent le nom de leur


infirmit� sur un morceau de papier de forme triangulaire qu'ils attachent �
la porte de leur chambre. Ils ont grande foi � cette amulette.

Quelques personnes portent sur elles le commencement de l'�vangile de saint


Jean comme un pr�servatif contre le tonnerre; et ce qui est assez
particulier, c'est que les Turcs ont confiance � cette m�me amulette, si
l'on en croit Pierre Leloyer.

Une autre question est de savoir si c'est une superstition de porter sur
soi les reliques des saints, une croix, une image, une chose b�nite par les
pri�res de l'�glise, un _Agnus Dei_, etc., et si l'on doit mettre ces
choses au rang des amulettes, comme le pr�tendent les protestants.--Nous
reconnaissons que si l'on attribue � ces choses la vertu surnaturelle de
pr�server d'accidents, de mort subite, de mort dans l'�tat de p�ch�, etc.,
c'est une superstition. Elle n'est pas du m�me genre que celle des
amulettes, dont le pr�tendu pouvoir ne peut pas se rapporter � Dieu; mais
c'est ce que les th�ologiens appellent vaine observance, parce que l'on
attribue � des choses saintes et respectables un pouvoir que Dieu n'y a
point attach�. Un chr�tien bien instruit ne les envisage point ainsi; il
sait que les saints ne peuvent nous secourir que par leurs pri�res et par
leur intercession aupr�s de Dieu. C'est pour cela que l'�glise a d�cid�
qu'il est utile et louable de les honorer et de les invoquer. Or c'est un
signe d'invocation et de respect � leur �gard de porter sur soi leur image
ou leurs reliques; de m�me que c'est une marque d'affection et de respect
pour une personne que de garder son portrait ou quelque chose qui lui ait
appartenu. Ce n'est donc ni une vaine observance ni une folle confiance
d'esp�rer qu'en consid�ration de l'affection et du respect que nous
t�moignons � un saint, il interc�dera et priera pour nous. Il en est de
m�me des croix et des _Agnus Dei_.

On lit dans Thyraeus[1] qu'en 1568, dans le duch� de Juliers, le prince


d'Orange condamna un prisonnier espagnol � mourir; que ses soldats
l'attach�rent � un arbre et s'efforc�rent de le tuer � coups d'arquebuse;
mais que les balles ne l'atteignirent point. On le d�shabilla pour
s'assurer s'il n'avait pas sur la peau une armure qui arr�t�t le coup; on
trouva une amulette portant la figure d'un agneau; on la lui �ta, et le
premier coup de fusil l'�tendit raide mort.

[Note 1: _Disp. de Daemoniac._ pars III, cap. XLV.]

On voit, dans la vieille chronique de dom Ursino, que quand sa m�re


l'envoya, tout petit enfant qu'il �tait, � Saint-Jacques de Compostelle,
elle lui mit au cou une amulette que son mari avait arrach�e � un chevalier
maure. La vertu de cette amulette �tait d'adoucir la fureur des b�tes
cruelles. En traversant une for�t, une ourse enleva le prince des mains de
sa nourrice et l'emporta dans sa caverne. Mais, loin de lui faire aucun
mal, elle l'�leva avec tendresse; il devint par la suite tr�s fameux sous
le nom de dom Ursino, qu'il devait � l'ourse, sa nourrice sauvage, et il
fut reconnu par son p�re, � qui la l�gende dit qu'il succ�da sur le tr�ne
de Navarre.

Les n�gres croient beaucoup � la puissance des amulettes. Les Bas-Bretons


leur attribuent le pouvoir de repousser le d�mon. Dans le Finist�re, quand
on porte un enfant au bapt�me, on lui met au cou un morceau de pain noir,
pour �loigner les sorts et les mal�fices que les vieilles sorci�res
pourraient jeter sur lui.

Helinand conte qu'un soldat nomm� Gontran, de la suite de Henry, archev�que


de Reims, s'�tant endormi en pleine campagne, apr�s le d�ner, comme il
dormait la bouche ouverte, ceux qui l'accompagnaient et qui �taient
�veill�s, virent sortir de sa bouche une b�te blanche semblable � une
petite belette, qui s'en alla droit � un ruisseau assez pr�s de l�. Un
homme d'armes la voyant monter et descendre le bord du ruisseau pour
trouver un passage tira son �p�e et en fit un petit pont sur lequel elle
passa et courut plus loin...

Peu apr�s, on la vit revenir, et le m�me homme d'armes lui fit de nouveau
un pont de son �p�e. La b�te passa une seconde fois et s'en retourna � la
bouche du dormeur, o� elle rentra...

Il se r�veilla alors; et comme on lui demandait s'il n'avait point r�v�


pendant son sommeil, il r�pondit qu'il se trouvait fatigu� et pesant, ayant
fait une longue course et pass� deux fois sur un pont de fer.

Mais ce qu'il y a de merveilleux, c'est qu'il alla par le chemin qu'avait


suivi la belette; qu'il b�cha au pied d'une petite colline et qu'il d�terra
un tr�sor que son �me avait vu en songe.

Le diable, dit Wierus, se sert souvent de ces machinations pour tromper les
hommes et leur faire croire que l'�me, quoique invisible, est corporelle et
meurt avec le corps; car beaucoup de gens ont cru que cette b�te blanche
�tait l'�me de ce soldat, tandis que c'�tait une imposture du diable...

MONDE DES ESPRITS

I.--NATURE DES ESPRITS

�Il y a, dit un manuscrit de magie[1], plusieurs sortes d'esprits de


diff�rents ordres et de diff�rents pouvoirs. Les terrestres sont les gnomes
qui sont les gardiens des tr�sors cach�s... Les nimphes r�sident aux eaux.
Les silphes habitent dans les airs. Les salamandres habitent dans la r�gion
du feu. Il faut noter que tous ces esprits sont sous la domination des sept
plan�tes.�

[Note 1: _Op�rations des sept esprits des plan�tes_, manuscrit de


la Biblioth�que de l'Arsenal, n� 70, p. 1.]
Pour Taillepied[1], les corps des esprits sont de l'air. �Pour r�solution
donc de ce point, dit-il, il faut conclure que les corps des esprits, quand
ils se veulent apparoistre, sont de l'air. Et comme l'eau s'amasse en
glace, et quelquefois se durcit et devient cristal, ainsi l'air duquel les
esprits s'enveloppent, s'espaissit en corps visible. Que si l'air ne peut
suffire, ils peuvent rester parmi quelque chose de vapeur ou d'eau, pour
leur donner couleur, comme nous voyons cela advenir en l'arc qui est aux
nu�es, lequel, comme dit le po�te au quatriesme des �n�ides:

[Note 1: _Traict� de l'apparition des esprits, etc._, par F.-N. Taillepied.


Paris, Fr. Julliot, 1617, in-12, p. 186.]

Du clair soleil � l'opposite estant


Mille couleurs diverses va portant.

Il n'est pas bon d'attribuer aux esprits ang�liques tant bons que mauvais,
les membres de vie, comme les poulmons, le coeur et le foye: car ils ne
vestent pas des corps pour les vivifier ains seulement pour se faire voir
et s'en servir comme d'instruments. Il est vray qu'ils boyvent et mangent,
mais ce n'est pas par n�cessit�, c'est afin que, se manifestant � nous par
quelques arguments, ils nous donnent � entendre la volont� de Dieu.�

�Loys Viv�s, au premier livre _de la V�rit� de la religion chrestienne_,


escrit, dit le m�me auteur[1], qu'�s terres nouvellement descouvertes n'y a
chose si commune que les esprits qui apparoissent environ midy, tant �s
villes comme aux champs, parlent aux hommes, leur commandent ou d�fendent
quelque chose, les tourmentent, espouvantent et battent aussy... Olaus le
Grand, archeveque d'Upsale, escrit au second livre de son _Histoire des
peuples septentrionaux_, chapitre troisi�me, qu'il y a en Irlande des
esprits qui apparoissent en forme d'hommes qu'on aura cogneus, ausquels
ceux du pays touchent en la main avant que de s�avoir rien de la mort de
ceux qu'ils touchent. Quelques-uns pensent que ce ne sont pas ames des
trespassez, ains seulement d�mons surnommez par les anciens L�mures ou
loups garoux, Faunes, Satyres, Larves ou masques, Manes, P�nates ou dieux
tut�laires et domestiques, Nymphes, Demy-dieux, Luittons, F�es et d'une
multitude d'autres noms; mais comme il n'y a point de r�pugnance que les
d�mons, soient bons ou mauvais, ne se repr�sentent aux hommes sous quelque
forme visible, aussi, il ne r�pugne point que les �mes s�par�es ne
s'apparoissent ainsy, le tout par la permission de Dieu et sa volont�.�

[Note 1: Page 100.]

Le comte de Gabalis[1] raconte que �Un jour il fut transport� en la caverne


de Typhon, qui n'est pas fort esloign�e des sources du Nil du cost� de la
Libie, par une jeune sylfe qui avoit conceu une forte passion d'amour pour
luy; il y trouva une salamandre qui apr�s un long discours qu'elle luy fit
de la nature des estres spirituels et nuisibles, de leur naissance et de
leur mort, ajouta: �Je suis sur le poinct de voir finir une vie qui a desj�
dur� 9715 ans et qui doit aller jusqu'� 9720 ans qui est l'aage des
demy-dieux; voicy, comte, un pr�sent que je vous fais dont vous ne
connoistrez bien le prix qu'apr�s que vous l'aurez gard� quelque temps,
je vous prie de l'estimer pour l'amour de moy�, puis elle disparut.
C'estoit des secrets merveilleux escritz sur des escorces d'arbre, en
langue �gyptienne, que la belle sylfe luy expliqua... et d'o� il pr�tendoit
avoir tir� son excellent livre.

[Note 1: _Les Sorts �gyptiens_, manuscrit de la Biblioth�que de


l'Arsenal, n� 94, pr�face.]

�Le plus c�l�bre des gnomes, d'apr�s M. Alf. Maury[1], est Alberick, qui
�tait commis � la garde du tr�sor des Niebelungen. Les gnomes fuient la
pr�sence du jour, habitent sous les pierres, comme nous l'apprend
l'Avismal, et dans les cavernes, ainsi qu'on le dit dans les Niebelungen.
Plusieurs l�gendes racontent comment des gnomes ont �t� d�couverts sous des
pierres, derri�re lesquelles ils �taient blottis. Telle est la l�gende dans
laquelle il est question d'un de ces nains, qu'un jeune berger trouva pr�s
de Dresde, sous une pierre, et qu'il employa d�s lors � garder ses
troupeaux.�

[Note 1: _Les F�es du moyen �ge_, p. 70.]

S'il y a dans le monde des esprits quelques g�ants, en g�n�ral ils se


pr�sentent plut�t sous la forme de nains.

�Dans toutes les contr�es septentrionales, les croyances relatives aux


Elfes sont associ�es � d'autres relatives aux nains, dit M. A. Maury[1].
Les l�gendes sur ces �tres singuliers sont fort nombreuses en Allemagne;
elles nous les repr�sentent comme les g�nies de la terre et du sol; mais
outre les nains proprements dits, les _dwergs_ ou _dwerfs_ et les
_bergm�nnchen_, tout le peuple des esprits participe de ce caract�re de
petitesse. Les Elfes, les Nix, les Trolls nous sont repr�sent�s comme d'une
taille plus qu'enfantine. Les Berstuc, les Koltk[2] n'ont que quelques
pouces de hauteur. En Bretagne, il en est de m�me des f�es ou Korrigans.
Mille contes, mille _M�hrchen_ disent comment des laboureurs, des paysans
les ont d�couverts cach�s sous une motte de terre reposant � l'ombre d'un
brin d'herbe[3].�

[Note 1: _Les F�es du moyen �ge_, p. 80.]

[Note 2: Berstuc, Maskrop et Koltk sont les noms que re�oivent les
nains chez les Wendes. Cf. Mash, _Obotritische alterthumer_, III,
39. Les nains, sont appel�s en danois, _dverg_; en allemand,
_zwerg_; en vieil allemand, _duuerch_; en flamand, _dwerg_; aux
�les Feroe, _drorg, dr�rg_; en �cossais, _duergh_; en anglais,
_dwarf_.]

[Note 3: Voyez, par exemple, dans Keightley, la l�gende de


Reichest, t. I, p. 24.]

D'apr�s les croyances bretonnes, il existe des g�nies de la taille des


pygm�es, dou�s, ainsi que les f�es, d'un pouvoir magique, d'une science
proph�tique. Mais loin d'�tre blancs et a�riens comme celles-ci, ils sont
noirs, velus et trapus; leurs mains sont arm�es de griffes de chat et leurs
pieds de cornes de bouc; ils ont la face rid�e, les cheveux cr�pus, les
yeux creux et petits, mais brillants comme des escarboucles, la voix sourde
et cass�e par l'�ge.

II.--FOLLETS ET LUTINS

�Les Elfes, dit M. A. Maury[1], attachent souvent leurs services � un homme


ou � une famille, et suivant les contr�es, ils ont re�u dans ce cas des
noms diff�rents. On les appelle _nis, kobold_, en Allemagne; _brownie_, en
�cosse; _cluircaune_, en Irlande; le vieillard _Tom Gubbe_ ou _Tonttu_, en
Su�de; _niss-god-drange_, dans le Danemark et la Norw�ge; _duende, trasgo_,
en Espagne; _lutin, goblin_ ou _follet_ en France; _hobgoblin, puck, robin
good-fellow, robin-hood_, en Angleterre; _pwcca_, dans le pays de Galles.

[Note 1: _Les F�es du moyen �ge_, p. 76.]

En Suisse, des g�nies familiers sont attach�s � la garde des troupeaux; on


les appelle _servants_. Le pasteur de l'Helv�tie leur fait encore sa
libation de lait.

�Le cluricaune se distingue des Elfes, parce qu'on le rencontre toujours


seul. Il se montre sous la figure d'un petit vieillard, au front rid�, au
costume antique; il porte un habit vert fonc� � larges boutons; sa t�te est
couverte d'un chapeau � bords retrouss�s. On le d�teste � raison de ses
m�chantes dispositions, et son nom est employ� comme expression de m�pris.
On parvient quelquefois par les menaces ou la s�duction � le soumettre
comme serviteur; on l'emploie alors � fabriquer des souliers. Il craint
l'homme, et lorsque celui-ci le surprend, il ne peut lui �chapper. Le
cluricaune conna�t en g�n�ral, ainsi que les nains, les lieux o� sont
enfouis les tr�sors; et, comme les nains bretons, on le repr�sente avec une
bourse de cuir � la ceinture, dans laquelle se trouve toujours un shelling.
Quelquefois il a deux bourses, l'une contient alors un coin de cuivre. Le
cluricaune aime � danser et � fumer; il s'attache en g�n�ral � une famille,
tant qu'il en subsiste un membre; il a un grand respect pour le ma�tre de
la maison, mais entre dans de violents acc�s de col�re lorsque l'on oublie
de lui donner sa nourriture.�

�En plusieurs lieux, les servants s'appellent _dr�les_, mot qui est la
corruption de _troll_. Les trolls sont, dans certaines l�gendes, de
v�ritables g�nies domestiques. Dans le Perche, on trouve des croyances
analogues; des servants prennent soin des animaux et prom�nent quelquefois
d'une main _invisible_ l'�trille sur la croupe du cheval[1]. Dans la
Vend�e, moins complaisants, ils s'amusent seulement � leur tirer les
crins[2]. Cependant, en g�n�ral, les soins de tous ces �tres singuliers ne
sont qu'� moiti� d�sint�ress�s, ils se contentent de peu, mais n�anmoins
ils veulent �tre pay�s de leur peine[3].

[Note 1: Fret, _Chroniques percheronnes_, tome I, p. 67. L'auteur


du _Petit Albert_, rapporte l'histoire d'un de ces invisibles
palefreniers qui, dans un ch�teau, �trillait les chevaux depuis six
ans.]

[Note 2: A. de la Villegille, _Notice sur Chavagne en Paillers_, p.


30. _M�m. des antiq. de France_, nouv. s�rie, tome VI.]

[Note 3: Suivant Shakspeare (_Midsummer night's dream_, Acte. II,)


Robin Good Fellow est charg� de balayer la maison � minuit, de
moudre la moutarde; mais si l'on n'a pas soin de laisser pour lui
une tasse de cr�me et de lait caill�, le lendemain le potage est
br�l�, le feu ne peut pas prendre.]

Don Calmet[1] raconte certains faits singuliers qu'il rapporte aux follets:

[Note 1: _Trait� sur les apparitions des esprits_, t. I, p. 246.]

�Pline[1] le Jeune avoit un affranchi, nomm� Marc, homme lettr�, qui


couchoit dans un m�me lit avec son fr�re plus jeune que lui. Il lui sembla
voir une personne assise sur le m�me lit, qui lui coupoit les cheveux du
haut de la t�te; � son r�veil il se trouva ras�, et ses cheveux jet�s par
terre au milieu de la chambre. Peu de temps apr�s, la m�me chose arriva �
un jeune gar�on qui dormoit avec plusieurs autres dans une pension:
celui-ci vit entrer par la fen�tre deux hommes v�tus de blanc, qui lui
coup�rent les cheveux comme il dormoit, puis sortirent de m�me par la
fen�tre; � son r�veil, il trouva ses cheveux r�pandus sur le plancher. A
quoi attribuer tout cela, sinon � un follet?

[Note 1: Plin. l. VII. Epist. 27 et suiv.]

�Tritheme dans sa chronique d'Hirsauge[1], sous l'an 1130, raconte qu'au


dioc�se d'Hildesheim en Saxe, on vit assez longtemps un esprit qu'ils
appeloient en allemand _Heidekind_, comme qui diroit _g�nie champ�tre:
Heide_ signifie vaste campagne, _Kind_, enfant. Il apparoissoit tant�t sous
une forme, tant�t sous une autre; et quelquefois sans apparo�tre il faisoit
plusieurs choses qui prouvoient et sa pr�sence et son pouvoir. Il se m�loit
quelquefois de donner des avis importants aux puissances: souvent on l'a vu
dans la cuisine de l'�v�que aider les cuisiniers et faire divers ouvrages.
Un jeune gar�on de cuisine qui s'�toit familiaris� avec lui lui ayant fait
quelques insultes, il en avertit le chef de cuisine, qui n'en tint compte;
mais l'Esprit s'en vengea cruellement: ce jeune gar�on, s'�tant endormi
dans la cuisine, l'Esprit l'�touffa, le mit en pi�ces et le fit cuire. Il
poussa encore plus loin sa fureur contre les officiers de la cuisine et les
autres officiers du prince. La chose alla si loin qu'on fut oblig� de
proc�der contre lui par censures, et de le contraindre par les exorcismes �
sortir du pays.

[Note 1: _Chronic. Hirsaug., ad ann. 1130_.]

�Olaus Magnus dit que dans la Su�de et dans les pays septentrionaux, on
voyait autrefois des esprits familiers qui, sous la forme d'hommes ou de
femmes, servaient des particuliers.

�Un nouveau voyage des pays septentrionaux, imprim� � Amsterdam en 1708,


dit que les peuples d'Islande sont presque tous sorciers; qu'ils ont des
d�mons familiers qu'ils nomment _Troles_, qui les servent comme des valets,
qui les avertissent des accidents ou des maladies qui leur doivent arriver:
ils les r�veillent pour aller � la p�che quand il y fait bon, et s'ils y
vont sans l'avis de ces g�nies, ils ne r�ussissent pas.

�Le p�re Vadingue rapporte d'apr�s une ancienne l�gende manuscrite, dit dom
Calmet[1], qu'une dame nomm�e Lupa, avoit eu pendant treize ans un d�mon
familier qui lui servoit de femme de chambre, et qui la portoit � beaucoup
de d�sordres secrets, et � traiter inhumainement ses sujets. Dieu lui fit
la gr�ce de reconno�tre sa faute, et d'en faire p�nitence par
l'intercession de saint Fran�ois d'Assise et de saint Antoine de Padoue, en
qui elle avoit toujours eu une d�votion particuli�re.�

[Note 1: _Trait� sur l'apparition des esprits_, t. Ier, p. 252.]

�Cardan parle d'un d�mon barbu de Niphus qui lui faisait des le�ons de
philosophie.

�Le Loyer raconte que dans le temps qu'il �tudioit en droit � Toulouse, il
�toit log� assez pr�s d'une maison o� un follet ne cessoit toute la nuit de
tirer de l'eau d'un puits et de faire crier la poulie. D'autres fois il
sembloit tirer sur les degr�s quelque chose de pesant; mais il n'entroit
dans les chambres que tr�s rarement et � petit bruit.�

�On m'a racont� plusieurs fois qu'un religieux de l'ordre de C�teaux avoit
un g�nie familier qui le servoit, accommodoit sa chambre, et pr�paroit
toutes choses lorsqu'il devoit revenir de campagne. On y �toit si
accoutum�, qu'on l'attendoit � ces marques, et qu'il arrivoit en effet. On
assure d'un autre religieux du m�me ordre qu'il avoit un esprit familier
qui l'avertissoit non seulement de ce qui se passoit dans la maison, mais
aussi de ce qui arrivoit au dehors; et qu'un jour, il fut �veill� par trois
fois, et averti que des religieux s'�toient pris de querelles et �toient
pr�ts � en venir aux mains, il y accourut et les arr�ta.

�On nous a racont� plus d'une fois qu'� Paris, dans un s�minaire, il y
avoit un jeune eccl�siastique qui avoit un g�nie qui le servoit, lui
parloit, arrangeoit sa chambre et ses habits. Un jour le sup�rieur passant
devant la chambre de ce s�minariste l'entendit qui parloit avec quelqu'un;
il entra, et demanda avec qui il s'entretenoit: le jeune homme soutint
qu'il n'y avoit personne dans sa chambre, et en effet le sup�rieur n'y vit
et n'y d�couvrit personne; cependant comme il avoit ou� leur entretien, le
jeune homme lui avoua qu'il avoit depuis quelques ann�es un g�nie familier,
qui lui rendoit tous les services qu'auroit pu faire un domestique, et qui
lui avoit promis de grands avantages dans l'�tat eccl�siastique. Le
sup�rieur le pressa de lui donner des preuves de ce qu'il disoit: il
commanda au g�nie de pr�senter une chaise au sup�rieur; le g�nie ob�it.
L'on donna avis de la chose � Monseigneur l'archev�que, qui ne jugea pas �
propos de la faire �clater. On renvoya le jeune clerc, et on ensevelit dans
le silence cette aventure si singuli�re.�

�Guillaume, �v�que de Paris[1], dit qu'il a connu un baladin qui avoit un


esprit familier qui jouoit et badinoit avec lui, et qui l'emp�choit de
dormir, jettant quelque chose contre la muraille, tirant les couvertures du
lit, ou l'en tirant lui-m�me lorsqu'il �toit couch�. Nous s�avons par le
rapport d'une personne fort sens�e qu'il lui est arriv� en campagne et en
plein jour de se sentir tirer le manteau et les bottes, et jetter � bas le
chapeau; puis d'entendre des �clats de rire et la voix d'une personne
d�c�d�e et bien connue qui sembloit s'en r�jouir.�

[Note 1: Guillelm. Paris, 2 part. quaest. 2, c. 8.]

�Voici, rapporte dom Calmet[1], une histoire d'un esprit, dont je ne doute
non plus que si j'en avois �t� t�moin, dit celui qui me l'a �crite. Le
comte Despilliers le p�re, �tant jeune, et capitaine des cuirassiers, se
trouva en quartier d'hiver en Flandre. Un de ses cavaliers vint un jour le
prier de le changer d'h�te, disant que toutes les nuits il revenoit dans sa
chambre un esprit qui ne le laissoit pas dormir. Le comte Despilliers
renvoya son cavalier, et se mocqua de sa simplicit�. Quelques jours apr�s
le m�me cavalier vint lui faire la m�me pri�re; et le capitaine pour toute
r�ponse voulut lui d�charger une vol�e de coups de b�ton, qu'il n'�vita que
par une prompte fuite. Enfin il revint une troisi�me fois � la charge, et
protesta � son capitaine qu'il ne pouvoit plus r�sister, et qu'il seroit
oblig� de d�serter si on ne le changeoit de logis. Despilliers qui
connoissoit le cavalier pour brave soldat et fort raisonnabe lui dit en
jurant: Je veux aller cette nuit coucher avec toi et voir ce qui en est.
Sur les dix heures du soir, le capitaine se rend au logis de son cavalier,
et ayant mis ses pistolets en bon �tat sur la table, se couche tout v�tu,
son �p�e � c�t� de lui, pr�s de son soldat, dans un lit sans rideaux. Vers
minuit, il entend quelque chose qui entre dans la chambre et qui en un
instant met le lit sans dessus dessous et enferme le capitaine et le soldat
sous le matelas et la paillasse. Despilliers eut toutes les peines du monde
� se d�gager, et � retrouver son �p�e et ses pistolets, et s'en retourna
chez lui fort confus. Le cavalier fut chang� de logis d�s le lenmain, et
dormit tranquillement chez un nouvel h�te. M. Despilliers racontoit cette
aventure � qui vouloit l'entendre; c'�toit un homme intr�pide et qui
n'avoit jamais s�u ce que c'�toit que de reculer. Il est mort mar�chal de
camp des arm�es de l'empereur Charles VI et gouverneur de la forteresse de
Segedin. M. son fils m'a confirm� depuis peu la m�me aventure comme l'ayant
apprise de son p�re.�

[Note 1: _Trait� sur les apparitions des esprits_, t. I, p. 267.]

III.--GNOMES. ESPRITS DES MINES. GARDES DES TR�SORS.

�George Agricola[1] qui a s�avamment trait� la mati�re des mines, des


metaux, et de la maniere de les tirer des entrailles de la terre,
reconnoit, dit dom Calmet[2], deux ou trois sortes d'esprits qui
apparoissent dans les mines: les uns sont fort petits, et ressemblent � des
nains ou des pygm�es; les autres sont comme des vieillards recourb�s et
v�tus comme des mineurs, ayant la chemise retrouss�e et un tablier de cuir
autour des reins; d'autres font, ou semblent faire ce qu'ils voient faire
aux autres, sont fort gais, ne font mal � personne; mais de tous leurs
travaux il ne r�sulte rien de r�el.�

[Note 1: _De mineral. subterran._, p. 504.]

[Note 2: _Trait� sur les apparitions des esprits_, t. I, p, 248.]

�Lavater, cit� par Taillepied[1], dit qu'un homme luy a escrit qu'�
Davoise, au pays des Grisons, il y a une mine d'argent en laquelle Pierre
Buol, homme notable et consul de ce lieu-l�, a faict travailler �s ann�es
pass�es, et en a tir� de grandes richesses. Il y avoit en icelle un esprit
de montagne lequel principalement le jour de vendredy, et souvent, lorsque
les m�taillers versoient ce qu'ils avoient tir� dans les cuves, faisoit
fort de l'empescher, changeant � sa fantaisie les m�taux des cuves en
autres. Ce consul ne s'en soucioit autrement, car quand il vouloit
descendre en la mine ou en remonter, se confiant en J�sus-Christ, s'armoit
du signe de la croix, et jamais ne lui advint aucun mal. Or un jour advint
que cest esprit fit plus de bruit que de coutume, tellement qu'un m�tailler
impatient commen�a � l'injurier et � luy commander d'aller au gibet avec
impr�cation et mal�diction. Lors cet esprit print le m�tailler par la t�te,
laquelle il luy tordit en telle sorte que le devant estoit droitement
derri�re: dont il ne mourut pas toutefois, mais vesquit depuis longtemps
ayant le col tors et renvers�, cognu famili�rement de plusieurs qui vivent
encor; quelques ann�es apr�s il mourut.

[Note 1: _Trait� sur l'apparition des esprits_, p. 128-130.]

�George Agricola escrit qu'� Annenberg, en une mine qu'on appelle _Couronne
de rose_, un esprit ayant forme de cheval tua douze hommes, ronflant et
soufflant contre eux, tellement qu'il la fallut quitter, encore qu'elle f�t
riche d'argent.
�Semblablement, on dit qu'en la mine de Saint-Gr�goire en Schueberg, il en
fut veu un, ayant la teste enchaperonn�e de noir, lequel print un tireur de
m�tal et l'esleva fort haut, qui ne fut pas sans l'offenser grandement en
son corps.

�Olaus Magnus, cit� par dom Calmet[1], dit qu'on voit dans les mines,
surtout dans celles d'argent o� il y a un plus grand profit � esp�rer, six
sortes de d�mons qui, sous diverses formes, travaillent � casser les
rochers, � tirer les seaux, � tourner les roues, qui �clatent quelquefois
de rire et font diverses singeries; mais que tout cela n'est que pour
tromper les mineurs qu'ils �crasent sous les rochers ou qu'ils exposent aux
plus �minents dangers pour leur faire prof�rer des blasph�mes ou des
jurements contre Dieu. Il y a plusieurs mines tr�s riches qu'on a �t�
oblig� d'abandonner par la crainte de ces dangereux esprits.�

[Note 1: _Trait� sur les apparitions des esprits_, t. I, p. 251.]

�Les nains de la Bretagne, les _bergm�nnchen_ de l'Allemagne sont regard�s,


dit M. A. de Maury[1], comme d'une extr�me habilet� dans l'art de
travailler les m�taux. Les id�es d�favorables que l'on a sur eux les font
m�me passer chez les Bretons, les Gallois, les Irlandais, comme de faux
monnayeurs; c'est au fond des grottes, dans les flancs des montagnes,
qu'ils cachent leurs myst�rieux ateliers. C'est l� qu'aid�s souvent des
Elfes et des autres g�nies analogues, ils forgent, ils trempent, ils
damasquinent ces armes redoutables dont ils ont dot� les dieux et parfois
les mortels. L'un de ces forgerons nomm� Wi�land ou Velant, instruit par
les nains de la montagne de Kallowa, s'�tait acquis une immense renomm�e.
Son nom de la Scandinavie �tait pass� dans la France, chang� en celui de
Galant, Galant qui avait fabriqu� Durandal, l'�p�e de Charlemagne, et
Merveilleuse, l'�p�e de Doolen de Mayence. La _Vilkina Saga_ nous dit que
la m�re de ce c�l�bre Vieland �tait un Elfe et son p�re un g�ant vade.
Suivant d'autres traditions, il serait lui-m�me un _licht elf_. Ainsi, les
Elfes, en une foule de circonstances, voient leur histoire se m�ler � celle
des nains. L'Edda parle aussi de l'extr�me habilet� des Elfes dans l'art de
travailler les m�taux: ce sont eux qui ont forg� Gungner, l'�p�e d'Odin,
qui ont fait � Sifa sa chevelure d'or, � Freya sa cha�ne d'or. Le
cluricaune irlandais est aussi un forgeron et le paysan assure entendre
souvent la montagne retentir du bruit de son marteau.�

[Note 1: _Les F�es du moyen �ge_, p. 81-82.]

�A la ville de Greisswald et dans les environs, ajoute M. Alfred Maury[1],


c'est une tradition r�pandue chez le peuple, que jadis, � une �poque que
l'on ne peut plus d�terminer, le pays �tait habit� par un grand nombre de
nains. On ignore le chemin qu'ils ont suivi en s'en allant, mais on croit
qu'ils se sont r�fugi�s dans les montagnes. Une l�gende prussienne raconte
comment les nains qui habitaient Dardesheim furent chass�s par un forgeron,
et comment depuis on ne les a plus revus. Dans l'Erzgebirge, une tradition
toute semblable dit que les nains ont �t� chass�s par l'�tablissement des
forges. Dans le Harz, m�me l�gende. Le peuple du Nord-Jutland dit que les
trolls ont quitt� Vendyssel pour ne plus repara�tre.�

[Note 1: _Les F�es du moyen �ge_, p. 91-92.]

�Suivant Bodin[1], Oger Ferrier, m�decin fort s�avant, estant � Thoulouse,


print � louage une maison pr�s de la Bourse, bien bastie et en beau lieu,
qu'on lui bailla quasi pour neant, pource qu'il y avoit un esprit malin qui
tourmentoit les locataires. Mais lui ne s'en soucioit non plus que le
philosophe Athenodorus, qui osa seul demeurer en une maison d'Ath�nes,
deserte et inhabit�e par le moyen d'un esprit. Oyant ce qu'il n'avoit
jamais pens�, et qu'on ne pouvoit seurement aller en la cave, ni reposer
quelquefois, on l'avertit qu'il y avoit un jeune escholier portugais,
estudiant lors � Thoulouse, lequel faisoit voir sur l'ongle d'un jeune
enfant les choses cach�es. L'escholier appel� usa de son mestier, et une
petite fille enquise dit qu'elle voyoit une femme richement par�e de
cha�nes et dorures, et qui tenoit une torche en la main, pr�s d'un pilier.
Le Portugais conseilla au m�decin de faire fouir en terre, dedans la cave,
pr�s du pilier, et lui dit qu'il trouveroit un thr�sor. Qui fut bien aise,
ce fut le m�decin, lequel fit creuser. Mais lors qu'il esperoit trouver le
thr�sor, il se leva un tourbillon de vent, lequel esteignit la lumi�re,
sortit par un soupirail de la cave et rompit deux toises de creneaux qui
estoyent en la maison voisine, dont il tomba une partie sur l'ostvent et
l'autre partie en la cave, par le soupirail, et sur une femme portant une
cruche d'eau qui fut rompue. Depuis, l'esprit ne fut ou� en sorte
quelconque. Le jour suivant, ce Portugais, averti du fait, dit que l'esprit
avoit emport� le thr�sor, et que c'estoit merveille qu'il n'avoit offens�
le m�decin, lequel me conta l'histoire deux jours apr�s, qui estoit le 15
de decembre 1558, estant le ciel serein et beau comme il est d'ordinaire
es-jours alcyoniens, et fus voir les creneaux de la maison voisine abatus,
et l'ost de la boutique rompu.�

[Note 1: _D�monomanie_, liv. III, chap. III, cit� par Goulart,


_Thr�sor des histoires admirables_, t. II, p. 629.]

�Philippe M�lanchthon, ajoute le m�me auteur[1], r�cite une histoire quasi


semblable, qu'il y eut dix hommes, � Magdebourg, tuez de la ruine d'une
tour lors qu'ils fossoyoient pour trouver les thr�sors que Satan leur avoit
enseignez. J'ay apris aussi d'un Lyonnais, qui depuis fut chapelain �
l'�glise Notre-Dame de Paris, que lui avec ses compagnons avoyent
descouvert par magie un thr�sor � Arcueil pr�s de Paris. Mais voulant avoir
le coffre o� il estoit, qu'il fut emport� par un tourbillon et qu'il tomba
sur lui un pan de la muraille, dont il est et sera boiteux toute la vie. Et
n'y a pas longtemps qu'un prestre de Nuremberg ayant trouv� un thr�sor �
l'aide de Satan, et sur le point d'ouvrir le coffre, fut accabl� des ruines
de la maison. J'ay sceu aussi d'un pratricien de Lyon, qu'ayant est� avec
ses compagnons la nuict, pour conjurer les esprits � trouver un thr�sor,
comme ils avoient commenc� de fouir en terre, ils ouyrent la voix comme
d'un homme qui estoit sur la roue, pr�s du lieu o� ils creusoyent, criant
espouvantablement aux larrons, ce qui les mit en fuite. Au mesme instant
les malins esprits les poursuivirent battans jusques en la maison d'o� ils
estoyent sortis, et entr�rent dedans, faisant un bruit si grand, que
l'hoste pensoit qu'il tonnast. Depuis, il fit serment qu'il n'iroit jamais
cercher thr�sor.

[Note 1: Au m�me endroit.]

Le sieur de Villamont[1] raconte ce qui suit:

[Note 1: _Voyages_, liv. I, chap. XXIII.]

�Pr�s de Naples, nous trouvans au bord de la mer, joignant une montagne o�


l'on descend en la grotte qu'on appelle du roi Salar, nous entrasmes dedans
icelle grotte avec un flambeau allum�, et cheminasmes jusques � l'entr�e de
certaine fosse, o� nostre guide s'arresta, ne voulant passer outre. Lui
ayant demand� la cause de cela, respondit que ceste entr�e estoit tr�s
p�rilleuse et que ceux qui s'ingeroyent de passer plus avant n'en
retournoyent jamais dire nouvelles aux autres: ainsi qu'arriva (dit-il) il
y a environ six ans (il racontoit l'histoire au commencement de l'ann�e
1589), au prieur de l'abbaye de Margouline, � un Fran�ois et � un Aleman,
lesquels arrivez � ceste fosse furent avertis par moi de n'entrer dedans.
Mais se mocquant de mes admonitions prindrent chacun son flambeau pour
descendre. Ce que voyans, je les y laissai entrer, sans vouloir aller en
leur compagnie, les attendant toutefois � l'entr�e d'icelle. Mais voyant
qu'ils ne retournoyent point, je me doutai incontinent qu'ils estoyent
morts, de sorte qu'estant retourn� � Naples, je le r�citay � plusieurs;
tant qu'enfin cela vint � la connaissance des parents du prieur, qui me
firent constituer prisonnier, all�guant contre moi que je l'avois fait
entrer dedans, ou du moins, ne l'avois averti de l'inconv�nient. Mais
sur-le-champ, je prouvay le contraire et fus absous � pur et � plein. En
peu de jours apr�s on descouvrit que ces trois estoient magiciens qui
avoyent entrepris de descendre en cette fosse pour y cercher un thr�sor.�

�L'an 1530, dit Jean des Caurres[1], le diable monstra � un prestre, au


travers d'un crystal, quelques thr�sors en la ville de Noriberg. Mais ainsi
que le prestre le cherchoit dedans un lieu fossoy� devant la ville, ayant
pris un sien amy pour spectateur, et comme d�j� il commen�oit � voir un
coffre au fond de la caverne, aupr�s duquel il y avoit un chien noir
couch�, il entra dedans et incontinent il fut estouff� et englouti dedans
la terre, laquelle tomba dessus et remplit de rechef la caverne.�

[Note 1: _Oeuvres morales et diversifi�es et histoires_, p. 292.]

�Dom Calmet[1], rapporte que deux religieux fort �clair�s et fort sages, le
consult�rent sur une chose arriv�e � Orb�, village d'Alsace, pr�s l'abbaye
de Pairis.

[Note 1: _Trait� sur les apparitions des esprits_, t. I, p. 274.]

�Deux hommes de ce lieu leur dirent qu'ils avoient vu dans leur jardin
sortir de la terre une cassette, qu'ils pr�sumoient �tre remplie d'argent,
et que l'ayant voulu saisir, elle s'�toit retir�e et cach�e de nouveau sous
la terre. Ce qui leur �toit arriv� plus d'une fois.�

Le m�me auteur ajoute[1]:

[Note 1: Au m�me endroit.]

�Th�ophane, historiographe grec, c�l�bre et s�rieux, sous l'an de J.-C.


408, raconte que Cabades, roi de Perse, �tant inform� qu'entre le pays de
l'Inde et de la Perse, il y avoit un ch�teau nomm� Zubdadeyer, qui
renfermoit une grande quantit� d'or, d'argent et de pierreries, r�solut de
s'en rendre ma�tre; mais ces tr�sors �toient gard�s par des d�mons, qui ne
souffroient point qu'on en approch�t. Il employa, pour les conjurer et les
chasser, les exorcismes des mages et des Juifs qui �toient aupr�s de lui;
mais leurs efforts furent inutiles. Le roi se souvint du Dieu des
chr�tiens, lui adressa ses pri�res, fit venir l'�v�que qui �toit � la t�te
de l'Eglise chr�tienne de Perse, et le pria de s'employer pour lui faire
avoir ces tr�sors, et pour chasser les d�mons qui les gardoient. Le pr�lat
offrit le saint sacrifice, y participa, et �tant all� sur le lieu, en
�carta les d�mons gardiens de ces richesses, et mit le roi en paisible
possession du ch�teau.�

�Racontant cette histoire � un homme de consid�ration[1], il me dit que


dans l'isle de Malthe, deux chevaliers ayant apost� un esclave qui se
vantoit d'avoir le secret d'�voquer les d�mons, et de les obliger de
d�couvrir les choses les plus cach�es, ils le men�rent dans un vieux
ch�teau o� l'on croyoit qu'�toient cach�s des tr�sors. L'esclave fit ses
�vocations, et enfin le d�mon ouvrit un rocher d'o� sortit un coffre.
L'esclave voulut s'en emparer, mais le coffre rentra dans le rocher. La
chose recommen�a plus d'une fois; et l'esclave, apr�s de vains efforts,
vint dire aux chevaliers ce qui lui �toit arriv�, mais qu'il �toit
tellement affaibli par les efforts qu'il avoit faits, qu'il avoit besoin
d'un peu de liqueur pour se fortifier; on lui en donna, et quelque temps
apr�s, �tant retourn�, on ou�t du bruit, l'on alla dans la cave avec de la
lumi�re pour voir ce qui �toit arriv�, et l'on trouva l'esclave �tendu mort
et ayant sur toute sa chair comme des coups de canifs repr�sentant une
croix. Il en �toit si charg� qu'il n'y avoit pas de quoi poser le doigt qui
n'en f�t marqu�. Les chevaliers le port�rent au bord de la mer, et l'y
pr�cipit�rent avec une grosse pierre pendue au col.�

[Note 1: M. le chevalier Guiot de Marre.]

�La m�me personne nous raconta encore � cette occasion qu'il y a environ
quatre-vingt-dix ans qu'une vieille femme de Malthe fut avertie par un
g�nie qu'il y avoit dans sa cave un tr�sor de grand prix, appartenant � un
chevalier de tr�s grande consid�ration, et lui ordonna de lui en donner
avis: elle y alla, mais elle ne put obtenir audience. La nuit suivante, le
m�me g�nie revint, lui ordonna la m�me chose; et comme elle refusoit
d'ob�ir, il la maltraita et la renvoya de nouveau. Le lendemain elle revint
trouver le seigneur, et dit aux domestiques qu'elle ne sortirait point
qu'elle n'e�t parl� au ma�tre. Elle lui raconta ce qui lui �toit arriv�; et
le chevalier r�solut d'aller chez elle, accompagn� de gens munis de pieux
et d'autres instruments propres � creuser: ils creus�rent, et bient�t il
sortit de l'endroit o� ils piochoient une si grande quantit� d'eau, qu'ils
furent oblig�s d'abandonner leur entreprise. Le chevalier se confessa �
l'inquisiteur, de ce qu'il avoit fait et re�ut l'absolution, mais il fut
oblig� d'�crire dans les registres de l'inquisition le fait que nous venons
de raconter.

�Environ soixante ans apr�s, les chanoines de la cath�drale de Malthe,


voulant donner au devant de leur �glise une place plus vaste, achet�rent
des maisons qu'il fallut renverser, et entre autres celle qui avoit
appartenu � cette vieille femme; en y creusant, on y trouva le tr�sor, qui
consistoit en plusieurs pi�ces d'or de la valeur d'un ducat, avec l'effigie
de l'empereur Justin Ier. Le grand ma�tre de Malthe pr�tendoit que le
tr�sor lui appartenoit comme souverain de l'isle; les chanoines le lui
contestoient. L'affaire fut port�e � Rome. Le grand ma�tre gagna son
proc�s; l'or lui fut apport� de la valeur d'environ soixante mille ducats;
mais il les c�da � l'�glise cath�drale. Quelque temps apr�s, le chevalier
dont nous avons parl�, qui �toit alors fort �g�, se souvint de ce qui lui
�toit arriv�, et pr�tendit que ce tr�sor lui devoit appartenir: il se fit
mener sur les lieux, reconnut la cave o� il avoit d'abord �t� et montra
dans les registres de l'inquisition ce qu'il y avoit �crit soixante ans
auparavant. Cela ne lui fit point recouvrer le tr�sor, mais c'�tait une
preuve que le d�mon connoissoit et gardoit cet argent.�

�Voici l'extrait d'une lettre �crite de Kirchheim, du 1er janvier 1747, �


M. Schopfflein, professeur en histoire et en �loquence � Strasbourg, et
rapport�e par dom Calmet[1]:

[Note 1: Ouvrage cit�, p. 282-283.]


�Il y a plus d'un an que M. Cavallari, premier musicien de mon s�r�nissime
ma�tre, et V�nitien de nation, avoit envie de faire creuser �
Rothenkirchen, � une lieue d'ici, qui �toit autrefois une abbaye renomm�e,
et qui fut ruin�e du temps de la r�formation. L'occasion lui en fut fournie
par une apparition que la femme du censier de Rothenkirchen avoit eue plus
d'une fois en plein midi, et surtout le 7 mai, pendant deux ans
cons�cutifs. Elle jure et en peut faire serment, qu'elle a vu un pr�tre
v�n�rable en habits pontificaux, brod�s en or, qui jetta devant lui un
grand tas de pierres, et quoiqu'elle soit luth�rienne, par cons�quent
incr�dule sur ces sortes de choses-l�, elle croit pourtant que si elle
avoit eu la pr�sence d'esprit d'y mettre un mouchoir ou un tablier, toutes
les pierres seraient devenues de l'argent. M. Cavallari demanda donc
permission d'y creuser, ce qui lui fut d'autant plus facilement accord� que
le dixi�me du tr�sor est d� au souverain. On le traita de visionnaire, et
on regarda l'affaire des tr�sors comme une chose inou�e. Cependant il se
moqua du _qu'en dira-t-on_, et me demanda si je voulois �tre de moiti� avec
lui; je n'ai pas h�sit� un moment d'accepter cette proposition, mais j'ai
�t� bien surpris d'y trouver de petits pots de terre remplis de pi�ces
d'or. Toutes ces pi�ces plus fines que les ducats sont pour la plupart du
quatorzi�me et quinzi�me si�cle. Il m'en a �chu pour ma part 666, trouv�es
� trois diff�rentes reprises. Il y en a des archev�ques de Mayence, de
Tr�ves et de Cologne, des villes d'Oppenheim, de Baccarat, de Bingen, de
Coblens; il y en a aussi de Rupert Paladin, de Fr�d�ric, burgrave de
Nuremberg, quelques-unes de Wenceslas, et une de l'empereur Charles IV,
etc.

�L'histoire qu'on vient de rapporter est rappel�e, ajoute dom Calmet, avec
quelques circonstances diff�rentes, dans un imprim� qui annonce une
lotterie de pi�ces trouv�es � Rothenkirchen, au pays de Nassau, pas loin de
Donnersberg. On y lit que la valeur de ces pi�ces est de 12 livres 10 sols,
argent de France. La lotterie devait se tirer publiquement le 1er f�vrier
1750. Chaque billet �toit de six livres, argent de France.�

Bartolin, dans son livre de la _Cause du m�pris de la mort, que faisoient


les anciens Danois_, liv. II, ch. II, raconte, d'apr�s dom Calmet[1], �que
les richesses cach�es dans les tombes aux des grands hommes de ce pays-l�,
�toient gard�es par les m�nes de ceux � qui elles appartenoient, et que ces
m�nes ou ces d�mons r�pandoient la frayeur dans l'�me de ceux qui vouloient
enlever ces tr�sors, par un d�luge d'eau qu'ils r�pandoient, ou par des
flammes qu'ils faisoient paro�tre autour des monuments qui renfermoient ces
corps et ces tr�sors.�

[Note 1: Ouvrage cit�, t. I, p. 284.]

IV.--ESPRITS FAMILIERS.

�Plutarque, au livre qu'il a fait du Daemon de Socrates, tient, dit


Bodin[1] comme chose tr�s certaine l'association des esprits avec les
hommes et dit que Socrates, estim� le plus homme de bien de la Gr�ce,
disoit souvent � ses amis qu'il sentoit assiduellement la pr�sence d'un
esprit, qui le destournoit toujours de mal faire et de danger. Le discours
de Plutarque est long et chacun en croira ce qu'il voudra, mais je puis
assurer avoir entendu d'un personnage encore en vie l'an 1580 qu'il y avoit
un esprit qui lui assistoit assiduellement, et commen�a � le connoistre
ayant environ trente-sept ans: combien que ce personnage me disoit qu'il
avoit opinion que toute sa vie l'esprit l'avoit accompagn�, par les songes
pr�c�dens et visions qu'il avoit eu de se garder des vices et inconv�niens.
Toutesfois il ne l'avoit jamais apperceu sensiblement, comme il fit depuis
l'�ge de trente-sept ans: ce qui lui avint, comme il dit, ayant un an
auparavant continu� de prier Dieu de tout son coeur soir et matin � ce
qu'il lui pleust envoyer son bon ange, pour le guider en toutes ses
actions. Apr�s et devant la pri�re il employoit quelque temps � contempler
les oeuvres de Dieu, se tenant quelques fois deux ou trois heures tout seul
assis � m�diter et contempler, et cercher en son esprit, et � lire la Bible
pour trouver laquelle de toutes les religions d�batues de tout costez
estoit la vraye. Et disoit souvent ces vers du pseaume 143:

[Note 1: _D�monomanie_, liv. 1, ch. II.]

Enseigne-moi comme il faut faire,


Pour bien ta volont� parfaire:
Car tu es mon vrai Dieu entier.
Fay que ton esprit d�bonnaire
Me guide et meine au droit sentier.

Il blasmoit ceux qui prient Dieu qu'il les entretiene en leur opinion, et
continuant ceste pri�re et lisant les sainctes Escritures il trouve en
Philon, Hebrieu, au livre des Sacrifices que le plus grand et le plus
agr�able sacrifice que l'homme de bien et entier peut faire � Dieu, c'est
de soi-mesme estant purifi� par lui. Il suivit ce conseil offrant � Dieu
son �me. Depuis il commen�a comme il m'a dit d'avoir des songes et visions
pleines d'instructions: tantost pour corriger un vice, tantost un autre,
tantost pour se garder d'un danger, tantost pour estre r�solu d'une
difficult�, puis d'une autre, non seulement des choses divines, mais
encores des choses humaines. Entre autres il lui sembla avoir ouy la voix
de Dieu en dormant, qui lui dit: Je sauverai ton �me: c'est moi qui te suis
apparu ci-devant. Depuis, tous les matins, sur les trois ou quatre heures,
l'esprit frappoit � sa porte: lui se leva quelquefois ouvrant la porte et
ne voyoit personne. Tous les matins l'esprit continuoit: et s'il ne se
levoit, il frappoit de rechef et le resveilloit jusques � ce qu'il se fust
lev�. Alors il commen�a d'avoir crainte pensant que ce fust quelque malin
esprit, comme il disoit: pour ceste cause il continuoit de prier Dieu, sans
faillir un seul jour, que Dieu lui envoyast son bon ange, et chantoit
souvent les Psalmes qu'il s�avoit quasi tous par coeur. Et lors l'esprit se
fit connoistre en veillant, frappant doucement. Le premier jour il
apperceut sensiblement plusieurs coups sur un bocal de verre, ce qui
l'estonnoit bien fort: et deux jours apr�s ayant un sien ami secr�taire du
Roy disnant avec lui oyant que l'esprit frappoit sur une escabelle joignant
de lui, commen�a � rougir et craindre; mais il lui dit: N'ayez point de
crainte, ce n'est rien. Toutes fois pour l'asseurer il lui conta la v�rit�
du fait. Or il m'a asseur� que depuis cest esprit l'a toujours accompagn�,
lui donnant un signe sensible, comme le touchant tantost l'oreille dextre,
s'il faisoit quelque chose qui ne fust bonne, et � l'oreille senestre, s'il
faisoit bien. Et s'il venoit quelqu'un pour le tromper et surprendre, il
sentoit soudain le signal � l'oreille dextre; si c'estoit quelque homme de
bien, et qui vinst pour son bien, il sentoit aussi le signal � l'oreille
senestre. Et quand il vouloit boire et manger chose qui fust mauvaise, il
sentoit le signal; s'il doutoit aussi de faire ou entreprendre quelque
chose, le mesme signal lui avenoit. S'il pensoit quelque chose mauvaise, et
qu'il s'y arrestast, il sentoit aussi tost le signal pour s'en destourner.
Et quelquesfois quand il commen�oit � louer Dieu par quelque psalme ou
parler de ses merveilles, il se sentoit saisi de quelque force spirituelle,
qui lui donnoit courage. Et afin qu'il discernast le songe par inspiration
d'avec les autres resveries qui aviennent quand on est mal dispos�, ou que
l'on est troubl� d'esprit, il estoit esveill� de l'esprit sur les deux ou
trois heures du matin; et un peu apr�s il s'endormoit. Alors il avoit les
songes v�ritables de ce qu'il devoit faire ou croire des doutes qu'il
avoit, ou de ce qui lui devoit avenir. En sorte qu'il dit que depuis ce
temps-l� ne lui est advenu quasi chose dont il n'ait eu advertissement, ni
doute des choses qu'on doit croire, dont il n'ait eu resolution. Vrai est
qu'il demandoit tous les jours � Dieu qu'il lui enseignast sa volont�, sa
loy, sa v�rit�... Au surplus de toutes ses actions il estoit assez joyez et
d'un esprit gay. Mais si en compagnie il lui advenoit de dire quelque
mauvaise parole et de laisser pour quelques jours � prier Dieu, il estoit
aussi tost adverti en dormant. S'il lisoit un livre qui ne fust bon,
l'esprit frappoit sur le livre, pour le lui faire laisser, et estoit aussi
tost destourn� s'il faisoit quelque chose contre sa sant�, et en sa maladie
gard� soigneusement... Surtout il estoit adverti de se lever matin, et
ordinairement d�s quatre heures, il dit qu'il ouyt une voix en dormant qui
disoit: Qui est celui qui le premier se l�vera pour prier? Aussi dit-il
qu'il estoit souvent adverti de donner l'aumosne; et lorsque plus il
donnoit l'aumosne, plus il sentoit que ses afaires prosperoyent. Et comme
ses ennemis avoyent d�lib�r� de le tuer, ayans sceu qu'il devoit aller par
eau, il eust vision, en songe, que son p�re lui amenoit deux chevaux, l'un
rouge et l'autre blanc; qui fust cause qu'il envoya louer deux chevaux, que
son homme lui amena, l'un rouge et l'autre blanc, sans lui avoir dit de
quel poil il les vouloit. Je lui demanday pourquoy il ne parloit �
l'esprit? Il me fit responce qu'une fois il le pria de parler � lui: mais
qu'aussi tost l'esprit frappa bien fort contre sa porte, comme d'un
marteau, lui faisant entendre qu'il n'y prenoit pas plaisir, et souvent le
destournoit de s'arrester � lire et escrire pour reposer son esprit et �
m�diter tout seul, oyant souventes fois en veillant une voix bien fort
subtile et inarticul�e. Je lui demanday s'il avoit jamais veu l'esprit en
forme. Il me dit qu'il n'avoit jamais rien veu en veillant, hors-mis
quelque lumi�re en forme d'un rondeau, bien fort claire. Mais un jour
estant en extr�me danger de sa vie, ayant pri� Dieu de tout son coeur,
qu'il lui plust le pr�server, sur le poinct du jour entre-sommeillant dit
qu'il apperceut sur le lict o� il estoit couch�, un jeune enfant vestu
d'une robe blanche, changeant en couleur de pourpre, d'un visage de beaut�
esmerveillable: ce qu'il asseuroit bien fort. Une autre fois, estant aussi
en danger extreme, se voulant coucher, l'esprit l'en empescha, et ne cessa
qu'il ne fust lev�; lors il pria Dieu toute la nuict sans dormir. Le jour
suivant Dieu le sauva de la main des meurtriers d'une fa�on estrange et
incroyable. Apr�s s'estre eschapp� du danger, dit qu'il ouit en dormant une
voix qui disoit: Il faut bien dire qui en la garde du haut Dieu pour jamais
se retire. Pour le faire court, en toutes les difficultez, voyages,
entreprises qu'il avoit � faire, il demandoit conseil � Dieu. Et comme il
priait Dieu qu'il lui donnast sa b�n�diction, une nuict il fut advis en
dormant qu'il voyoit son p�re qui le b�nissoit.�

�Il y a, dit Bodin[1], un gentilhomme en Picardie, aupr�s de


Villiers-Costerets, qui avoit un esprit familier en un anneau, duquel il
vouloit disposer � son plaisir, et l'asservir comme un esclave, l'ayant
achet� bien cher d'un Espagnol; et d'autant qu'il lui mentoit le plus
souvent, il jetta l'anneau dedans le feu, pensant y jetter l'esprit aussi,
comme si cela se pouvoit enclorre. Depuis il devint furieux et tourment� du
diable.�

[Note 1: _D�monomanie_, liv. II, ch. III.]


Au r�cit de Paul Jove[1], Corneille Agrippa avait un chien noir qui n'�tait
autre que le diable, lequel lui apprenait ce qui se passait partout. Ce
chien noir se tenait dans le cabinet de Corneille Agrippa couch� sur des
tas de papiers, pendant que son ma�tre travaillait. Au moment de mourir et
press� de se repentir, Agrippa �ta � ce chien un collier de clous qui
formaient des inscriptions magiques, et lui dit d'un ton afflig�: Va-t'en,
malheureuse b�te, qui es cause de ma perte. Ce chien voyant son ma�tre pr�t
� expirer alla se pr�cipiter dans le Rh�ne.

[Note 1: _Elogia virorum illustrium_. Venise, 1546, in-fol.]

�J'ay connu un personnage, dit Bodin[1], lequel me descouvrit une fois


qu'il estoit fort en peine � cause d'un esprit qui le suivoit et se
pr�sentoit � lui en plusieurs formes: de nuict le tiroit par le nez,
l'esveilloit, le battoit souvent, et quoy qu'il le priast de laisser
reposer, il n'en vouloit rien faire; et le tourmentoit sans cesse lui
disant: Commande moi quelque chose: et qu'il estoit venu � Paris pensant
qu'il le deust abandonner, ou qu'il y peust trouver remede � son mal, sous
ombre d'un proces qu'il estoit venu solliciter. J'apper�us bien qu'il
n'osoit pas me descouvrir tout. Lui demandant quel profit il avoit eu de
s'assujettir � tel maistre, il me dit qu'il pensoit parvenir aux biens et
honneurs, et s�avoir les choses cach�es: mais que l'esprit l'avoit toujours
abus�; que pour une v�rit� il disoit trois mensonges, et ne l'avoit jamais
sceu enrichir d'un double, ni faire jouir de celle, qu'il aimoit,
principale occasion qui l'avoit induit � l'invoquer, et qu'il ne lui avoit
aprins les vertus des plantes, ni des pierres, ni des sciences secrettes,
comme il esperoit, et qu'il ne lui parloit que de se venger de ses ennemis,
ou faire quelque tour de finesse et de meschancet�. Je lui dis qu'il estoit
ais� de se d�faire d'un tel maistre, et sitost qu'il viendroit, qu'il
appelast le nom de Dieu � son aide et qu'il s'adonnast � servir Dieu de bon
coeur. Depuis je n'ay veu le personnage, ni peu s�avoir s'il s'estoit
repenti.�

[Note 1: _D�monomanie_, liv. II, ch. III.]

PRODIGES

I.--PRODIGES C�LESTES

�L'an 1500, dit Goulart[1] d'apr�s Conrad Licosthenes[2], qui avait


recueilli toutes ces histoires de Job Fincel, de Marc Frytsch, et de
plusieurs autres, l'on vit en Alsace, pr�s de Saverne, une teste de
taureau, entre les cornes de laquelle estincelloit une fort grande estoile.

[Note 1: _Thr�sor des histoires admirables_, t. I, p. 46 et suiv.]

[Note 2: _De prodigiis et ostentis_.]

�En la m�me ann�e, le vingt uniesme jour de may, sur la ville de Lucerne en
Suisse, se vid un dragon de feu, horrible � voir, de la grosseur d'un veau,
et de douze pieds de long, lequel vola vers le pont de la rivi�re de Russ
qui y passe.

�L'an 1503, en la duch� de Bavi�re, sur une villette nomm�e Vilsoc, fut veu
un dragon couronn� et jettant des flammes de feu par la gorge.

�Sur la ville de Milan, en plein jour, le ciel net et serain, furent veu�s
plusieurs estoiles merveilleusement luisantes.

�Au commencement de janvier l'an 1514, environ les huit heures du matin, en
la duch� de Witemberg furent veus trois soleils au ciel. Celui du milieu
estoit beaucoup plus grand que les autres. Tous les trois portoient la
figure d'une longue esp�e, de couleur luisante et marquett�e de sang, dont
les poinctes s'estendoyent fort avant. Cela avint le douziesme jour du
mois. Le lendemain sur la ville de Rotvil on vid le soleil monstrant une
face effroyable, environn� de cercles de diverses couleurs. Deux jours
auparavant, et le dix-septi�me de mars suivant, furent veus trois soleils,
et trois lunes aussi l'onziesme de janvier et le dix-septiesme de mars.
Jacques Stopel, m�decin de Memminge fit un ample discours et prognostic sur
ces apparitions suivies de grands troubles, notamment en Souabe.

�En l'ann�e 1520, les bourgeois de Wissembourg, ville assise au bord du


Rhin, entendirent un jour en plein midi bruire estrangement en l'air un
horrible cliquetis d'armes, et des courses de gens combatans et crians
comme en bataille rang�e. Ce qui donna telle espouvante que tous coururent
aux armes, pensans que la ville fust assi�g�e et que les ennemis fussent
pr�s des portes.

�Lorsque l'empereur Charles V fut couronn� en la ville d'Aix-la-Chapelle,


on vid le soleil environn� d'un grand cercle, avec un arc en ciel. En la
ville d'Erford furent veus trois soleils. Outre plus un chevron ardant
terrible � regarder � cause de sa masse et de sa longueur. Ce chevron
baissant en terre, y fist un grand degast, puis remontant en l'air, se
convertit en forme de cercle.

�Job Fincel, en son recueil _des Merveilles de nostre temps_, remarque que
l'an 1523, un paysan de Hongrie, faisant quelque voyage avec son chariot,
fut surpris de la nuict et contraint demeurer � la campagne pour y attendre
le jour. Ayant dormi quelque temps il se resveille, descend du chariot pour
se promener, et, regardant en haut, vid en l'air les semblances de deux
princes combatans avec les esp�es es mains l'un contre l'autre. Il y en
avoit un de haute taille et robuste: l'autre estoit plus petit et portoit
une couronne sur la teste. Le grand mit bas et tua le petit, puis luy ayant
ost� la couronne la jetta comme contre terre, tellement qu'elle fut
despec�e en diverses pi�ces. Trois ans apr�s, Ladislas, roy de Hongrie, fut
tu� en bataille par les Turcs.

�En l'an 1525 fut veu en Saxe, environ le trespas de l'�lecteur Fr�d�ric,
surnomm� le Sage, le soleil couronn� d'un grand cercle entier et tout rond,
resemblant en couleur l'arc c�leste. Au mois d'aoust de la mesme ann�e, le
soleil se monstra l'espace de quelques jours ainsi qu'une grosse boule de
feu allum�e et de toute autre couleur que l'ordinaire. S'ensuivit tost
apr�s la s�dition des paysans en Alemagne.

�L'an 1528, environ la mi-may, sur la ville de Zurich furent veus quatre
par�lies environnez de deux cercles entiers et le soleil entour� de quatre
petits cercles. Au mesme an, la ville d'Utrecht, estroitement assi�g�e et
finalement prinse par les Bourguignons, apparut en l'air un prognostic de
ce malheur, dont les habitants furent aussi merveilleusement estonnez.
C'est � s�avoir une grande croix qu'on surnomme de sainct Andr�, laquelle
estoit de couleur blafarde et hideuse � voir.

�Le septiesme jour de f�vrier 1536, environ minuict, furent veus au ciel,
sur un quartier d'Espaigne, deux hommes armez, et courans sus l'un �
l'autre avec l'esp�e au poing; l'un portoit au bras gauche une rondelle o�
estoit peint un aigle avec ce mot autour, _Regnabo_, c'est-�-dire _Je
r�gnerai_. L'autre avoit un grand bouclier avec une estoile et un croissant
et cette inscription _Regnavi_, c'est-�-dire _J'ai r�gn�_. Celui qui
portoit l'aigle renversa l'autre.

�En l'an 1537, le premier jour de f�vrier, fut veu en Italie un aigle
volant en l'air, portant au pied droict une bouteille et au gauche un
serpent entortill�, suivi d'un nombre innombrable de pies. Au m�me temps
fut veue aussi en l'air une croix bourguignonne de diverses couleurs.
Quinze jours auparavant, fut veue en Franconie, entre Pabenberp et la
forest de Turinge, une estoile de grandeur merveilleuse, laquelle s'estant
abaiss�e peu � peu se r�duisit en forme d'un grand cercle blanc, dont tost
apr�s sortirent des tourbillons de vent et des touffes de feu, qui tombans
en terre, firent fondre des pointes de picques, fers et mords de cheval,
sans offenser homme ni �difice quelconque.

�Le vingt-neuviesme jour de mars 1545, environ les huict heures du matin,
cheut es environs de Cracovie un esclat de fouldre apr�s un tonnerre si
imp�tueux que toute la Pologne en fust esmeue. Incontinent aparurent au
ciel trois croix roussastres, entre lesquelles estoit un homme arm� de
toutes pi�ces, lequel, avec une esp�e ardante, combatoit une arm�e,
laquelle il desfit: et l�-dessus survint un horrible dragon lequel
engloutit cest homme victorieux. Incontinent le ciel s'ouvrit comme tout en
feu, et fut ainsi veu l'espace d'une bonne heure. Puis aparurent trois arcs
en ciel avec leurs couleurs acoustum�es, sur le plus haut desquels estoit
la forme d'un ange comme on le repr�sente en figure de jeune homme qui a
des ailes aux espaules, tenant un soleil en l'une de ses mains, une lune en
l'autre. Ce deuxiesme spectacle ayant dur� une demi-heure en pr�sence de
tous ceux qui voulurent le voir, quelques nu�es s'eslev�rent qui couvrirent
ces aparences.

�Un jour d'octobre 1547, environ les sept heures du matin, fut veue au pays
de Saxe la forme d'une bi�re de trespass� couverte d'un drap noir, chamarr�
d'une croix de couleur rousse, pr�c�d�e et suivie de plusieurs figures
d'hommes en dueil, chacun d'iceux portant une trompette dont ils
commencerent � sonner si haut que les habitans du pays en entendoyent
aisement le bruit. En ces entrefaites aparut un homme arm� de toutes
pieces, de terrible regard, lequel desgaignant son esp�e coupa une partie
du drap, puis de ses deux mains deschira le reste, quoi fait lui et tous
les autres s'esvanouyrent.

�Au mois de juin 1553, furent veus en l'air serain et descouvert, sur la
ville de Cobourg, entre cinq et six heures du soir, diverses sortes
d'hommes, puis des arm�es qui se donnoyent bataille, et un aigle
voltigeant, les ailes tout espandues. En juillet furent veus au ciel deux
serpens entrelassez, se rongeans l'un l'autre, et au milieu d'eux une croix
de feu. En cette mesme ann�e d�c�da le duc George, prince d'Anhalt,
excellent th�ologien. Le jour qu'il trespassa, l'on apperceut de nuict au
ciel sur la ville de Witteberg une croix bleue. Quelques jours devant la
bataille donn�e entre Maurice, duc de Saxe et Albert, marquis de
Brandebourg, l'image d'un grand homme apparut es nu�es en un endroit de
Saxe. Du corps de cest homme, lequel paroissoit nud, commen�a tout premier
� d�couler du sang goute apr�s goute, puis on en vid sortir des �tincelles
de feu, finalement il disparut peu � peu.

�L'onziesme jour de janvier 1556, vers les montagnes qui ceignent d'un
cost� la ville d'Augsbourg, le ciel s'ouvrit, et sembla se fendre, dont
tous furent merveilleusement estonnez: surtout � cause des cas pitoyables
qui avindrent incontinent apr�s. Car au mesme jour le messager d'Augsbourg
tua d'un coup de pistole certain capitaine aux portes de la ville. Le
lendemain la femme d'un forgeur d'esp�es, estimant faire un grand butin,
tua dedans sa maison un marchant. Incontinent apr�s sa servante se tua
soi-mesme d'un coup de cousteau. Un jour apr�s, en querelle, un boucher fut
renvers� mort d'un coup d'esp�e: et deux villages furent tous bruslez. Le
quinziesme jour du mesme mois, le garde de la forest de Saincte-Catherine
fut transperc� et trouv� occis d'un coup de harquebuse. Et le
dix-septiesme, un valet d'orfevre, pouss� de d�sespoir, se noya. La nuict
suivante, plusieurs furent blessez � mort par les rues.

�En divers jours et mois de la mesme ann�e 1556 furent remarqu�es autres
apparitions; comme en f�vrier furent veus au ciel sur la comt� de Boets des
arm�es � pied et � cheval qui combatoyent furieusement. Au mois de
septembre, sur une villette du marquisat de Brandebourg, nomm�e Custrin,
environ les neuf heures du soir, on vid infinies flammesches de feu
saillans du ciel, et au milieu deux grands chevrons ardans. Sur la fin fut
entendue une voix criant: Malheur, malheur � l'�glise!

�Wolfgang Strauch, de Nuremberg, escrit que l'an 1556, sur une ville de
Hongrie qu'il nomme Babatscha, fut veue, le sixiesme jour d'octobre, peu
avant soleil levant, la semblance de deux gar�ons nuds combatans en l'air
avec le cimeterre es mains et le bouclier es bras. Celui qui portoit en son
bouclier un aigle double chamailla si rudement sur l'autre dont le bouclier
portoit un croissant, qu'il sembla que le corps navr� de plusieurs playes
tombast du ciel en terre. Au mesme temps et lieu fut veu l'arc en ciel avec
ses couleurs accoustum�es et aux bouts d'icelui deux soleils. Non gueres
loin d'Augsbourg fut veu au ciel le combat d'un ours contre un lyon, au
mois de decembre en la mesme annee; et � Witteberg, en Saxe, le sixiesme
jour d'icelui mois, trois soleils et une nu�e tortue marquet�e de bleu et
de rouge, estendue en arc, le soleil paroissant pasle et triste entre les
par�lies.

Fr. des Rues[1] rapporte que �L'an 1558, veille de Pasques, s'esleva de
terre sur le midi en la lande de Raoul en Normandie un tourbillon tel,
qu'il entrainoit tout ce qui lui estoit � la rencontre, enfin se haussant
en l'air, parut une colonne coulour�e de rouge et de bleu, qui
l'accompagnoit et s'arresta en l'air. Cependant on voyoit des flesches et
dards qui s'eslan�oyent contre ceste colonne, sans que l'on vist ceux qui
les descochoyent: et au haut du tourbillon, sur la colonne, l'on entendoit
crier des oiseaux de diverses sortes voltigeans � l'entour. Ce tourbillon
fut suivi de griefve mortalit� au pays.�

[Note 1: Dans ses _Antiquitez de France_.]

�Apr�s la consid�ration des nues, dit Gaffarel[1] vient celle de la pluye


en laquelle on ne peut rien lire que par la troisi�me esp�ce de lecture qui
est par hieroglyphe, et de ce genre est la pluye de sang ou de couleur
rouge tomb�e en Suisse l'an 1534, laquelle se formait en croix sur les
habits. Jean Pic a immortalis� ce prodige par une longue suite de vers,
dont ceux-ci expriment nettement l'histoire:

[Note 1: _Curiositez inouyes_.]

Permixtam crucem rubro spectavimus olim


Nec morum discrimen erat sacer alque prophanus
Jam conspecta sibi gestabant mystica Patres
Conscripti et pueri, conscriptus sexus aterque
Et templa et vestes, a summa Caesari aula
Ad tenues vicos, ad dura mapalia ruris
Cernere erat liquido deductum ex aethere signum.

Ces gouttes d'eau ne formaient pas seulement des croix sur les vetements
mais encore sur les pierres et sur la farine, cons�quence assuree, dit
Gaffarel, qu'il y avait quelque chose de divin.

�La neige, la gresle et la gel�e, continue le m�me auteur, portent encore


quelquefois des charact�res bien estranges, et dont la lecture n'est pas �
mespriser. On a souvent veu de la gresle sur laquelle on a remarqu� ou la
figure d'une croix, ou d'un bouclier, ou d'un coeur, ou d'un mort, et si
nous ne m�prisions pas ces merveilles, nous lirions sans doute dans
l'advenir la v�rit� de ces figures hieroglyphiques. Faict quelques ans
qu'en Languedoc, un de mes amis, se trouvant � la chasse, fut estonn� par
le bruit extraordinaire du tonnerre et d'un vent fort violent; il pensa de
se mettre � l'abry, mais comme il estoit bien avant dans le bois, jugeant
qu'avant la pluie qui suit ordinairement cet orage, il ne pourrait arriver
� sa maison, il choisit la couverture d'un rocher, sous lequel apr�s qu'il
eust demeur� l'espace d'un quart d'heure, que la malice du temps estoit
pass�e avec une l�g�re pluie il se remit en route malgr� la grele.

Mais comme il prit garde que cette grele estoit faite � son advis autrement
que la commune, il s'arr�te pour la consid�rer, il en prend une, et veid en
m�me temps, prodige espouventable! qu'elle portait la figure d'un casque,
d'autres un escusson, et d'autres une esp�e. Ce nouveau prodige l'estonne,
et l'appr�hension de quelque malheur luy fit reprendre le chemin du rocher,
o� il ne fut pas plustost arriv�, qu'il tomba si grande quantit� de gresle
et avec telle violence qu'elle tua, non pas seulement les oyseaux, mais
quantit� d'autres animaux. Il me souvient d'avoir veu le mesme autrefois en
Provence... Quelque temps apr�s, le Languedoc veit ses campagnes couvertes
de soldats et les places rebelles assi�g�es et assaillies avec tant de sang
r�pandu que le seul souvenir en sera � jamais funeste.�

Goulart[1] rapporte que �Au mois de novembre de l'ann�e 1523 fut veue une
comete et tost apres le ciel tomba tout en feu, lan�ant une infinit�
d'esclairs et foudres en terre, laquelle trembla, puis survindrent des
estranges ravines d'eaux, notamment au royaume de Naples. Peu apr�s
s'ensuivit la prise de Fran�ois Ier, roi de France; l'Allemagne fut
troubl�e d'horribles s�ditions, Louys, roi de Hongrie, fut tu� en bataille
contre les Turcs. Il y eut par toute l'Europe de merveilleux remuements.
Rome fut prinse et pill�e par l'arm�e imp�riale.

[Note 1: _Thr�sor des histoires admirables_.]

�En cette mesme ann�e de la prinse et du sac de Rome, � s�avoir l'an 1527,
on vid une comete plus effroyable que les pr�c�dentes. Apr�s icelle
survindrent les terribles ravages des Turcs en Hongrie, la famine en
Souabe, Lombardie et Venise, la guerre en Suisse, le siege de Viene, en
Autriche, la suete en Angleterre, le desbord de l'Oc�an en Hollande et
Z�lande, o� il noya grande estendue de pays, et un tremblement de terre de
huict jours durant en Portugal.�

�La plus redoutable des cometes de notre temps, ajoute le m�me auteur, fut
celle de l'an 1527. Car le regard d'icelle donna telle frayeur � plusieurs
qu'aucuns en moururent, autres tomb�rent malades. Elle fut veue de
plusieurs milliers d'hommes paraissant fort longue et de couleur de sang.
Au sommet d'icelle fut veue la repr�sentation d'un bras courb� tenant une
grande esp�e en sa main, comme s'il eust voulu frapper. Au bout de la
pointe de cette esp�e, il y avoit trois estoiles: mais celle qui touchoit
droitement la pointe estoit plus claire et plus luisante que les autres.
Aux deux costez de cette comete se voyaient force haches, poignards, esp�es
sanglantes, parmi lesquelles on remarquait un grand nombre de testes
d'hommes descapitez, ayant les barbes et cheveux h�rissez horriblement. Et
qu'a veu l'espace de soixante-trois ans l'Europe, sinon les horribles
effects en terre de cest horrible pr�sage au ciel?�

II.--ANIMAUX PARLANTS

Un ancien auteur[1] nous rappelle plusieurs histoires d'animaux parlants:

[Note 1: _Le chois de plusieurs histoires et autres choses


m�morables_, p. 648 et suiv.]

�Quelquefois, dit-il, Dieu fait parler les bestes brutes pour enseigner les
cr�atures humaines en leur ignorance. Une asnesse me servira de caution,
laquelle comme elle portait Balaam sur son dos, apperceut l'ange du
Seigneur. A raison de quoy elle se destourna de la voye pour luy ceder la
place: mais Balaam qui ne s�avoit point la cause de ce desvoyement, battit
avec exceds ceste simple beste, toutes les trois fois qu'elle s'estoit
desplac�e de son chemin, pour la reverance qu'elle portoit au serviteur de
Dieu: et � cause de ce respectueux devoir, le Seigneur disposa la bouche de
l'asnesse � proferer tels propos: �Quel sujest t'ay-je donn� pour estre si
rudement frap�e de toy d'un baston par trois diverses reprises? Ne suis-je
pas ta beste qui t'ay tousiours fidelement port� jusques � ce jour? Et
n'eust est� la reverance que j'ai refer� � l'ange du Seigneur, je ne me
fusse retir� du chemin par lequel je t'ay fort souvent port� en toutes les
affaires.� Ces paroles finies, Dieu dessilla les yeux de Balaam pour
contempler l'ange tenant un glaive nud en la main, et lors il s'inclina en
terre, et adora ce messager du Tout-Puissant, qui luy fit une reprimende
pour avoir outrag� son asnesse, mesme luy dit qu'il estoit sorti tout
expres pour estre son adversaire � cause de sa vie perverse, et du tout
esloign�e des ordonnances du Seigneur. Ce n'est donc � tort que nous sommes
envoyez par les sages � l'escolle des bestes, l'instinct naturel desquelles
Dieu fortifie souventes fois de la parole, pour recevoir d'elles quelque
instruction en nos impi�t�s.

�Quelque temps auparavant la mort de Caesar, dictateur, un boeuf, tirant �


la charrue, se tourna vers le laboureur qui le pressoit par trop � la
besongne, et luy dit qu'� grand tort il le frappoit, parce que la r�colte
des bleds seroit si abondante qu'il ne se trouveroit pas assez d'hommes
pour les manger.

�Sur la fin de l'empire de Domitian, l'on entendit une corneille prononcer


ces mots en grec: _Toutes choses prendront un heureux succeds_, voulant par
l� signifier que les injustices et severitez de Domitian devoient bien tost
prendre fin avec sa vie, selon qu'il advint. Car la benignit� et clemence
de Nerva et Trajan succ�d�rent � l'arrogance et cruaut� de Domitian, au
grand contentement de tout l'empire romain.

�Le seigneur de Moreuil, p�re de Joachime de Soissons, dame de Crequi,


estoit si adonn� au plaisir de la chasse, qu'il ne se contentoit point d'y
emploier les jours ouvriers, mais davantage desroboit � l'Eglise catholique
les festes pour les prophaner � tels vains exercices. Tellement qu'un jour
il se seroit monstr� si aveugl� et refroidy de devotion que d'aller courir
un lievre le jour du vendredy sainct, au lieu qu'il ne devoit bouger de
l'Eglise pour vacquer � pri�res et contemplation de la douloureuse mort de
Jesus-Christ, qui avoit est� flagell� et attach� � l'arbre de la croix, ce
jour-l�, pour la r�demption de nos �mes. Mais son p�ch� fut tallonn� de
pr�s d'une grande repentance. Car il courut un lievre qui luy fit tant de
ruses et de hourvaris que non seulement il eschapa de la poursuite des
chiens, et rendit vaine l'exp�rience des veneurs, mais davantage ce maistre
lievre se mettant sur son derriere tourna les yeux devers ledit seigneur de
Moreuil, en luy disant: �Que t'en semble? n'ay-je pas bien couru pour un
courtault?� Cest estrange prodige donna une telle espouvante � ce seigneur,
qu'il ne pouvoit assez tost retrouver son chasteau pour se debotter et
aller � l'Eglise, � celle fin que par sa penitence et prieres il peust
expier l'�normit� de son offence, faisant voeu que del� en avant il ne
prostitueroit plus les jours de festes en la vanit� de tels plaisirs, ains
les passeroit en toutes sainctes occupations. Or comme l'asnesse de Balaam
se plaignoit � son maistre d'avoir est� batue quand elle honora l'ange de
Dieu, tout de mesme le lievre fit cognoistre au seigneur de Moreuil qu'il
ne devoit estre si maltraict� de ses veneurs et chiens en un jour plus
convenable aux oeuvres pieuses qu'� se donner du plaisir.�

EMPIRE DES MORTS

I.--AMES EN PEINE. LAMIES ET L�MURES.

Suivant Loys Lavater[1]: �Quelquefois un esprit se montrera en la maison,


ce qu'appercevant, les chiens se jetteront entre les jambes de leurs
ma�tres et n'en voudront partir, car ils craignent fort les esprits.
D'autrefois quelqu'un viendra tirer ou emporter la couverture du lit, se
mettra dessus ou dessous icelle, ou se pourmenera par la chambre. On a veu
des gens � cheval ou � pied comme du feu, qu'on cognoissoit bien et qui
estoyent morts auparavant. Parfois aussi ceux qui estoyent morts en
bataille ou en leur lict venoyent appeler les leurs, qui les cognoissoyent
� la voix. Souventes fois on a veu la nuict des esprits trainans les pieds,
toussans et souspirans, lesquels estans interroguez, se disoyent estre
l'esprit de cestui ou de cestui l�. Estans de rechef enquis comme on
pourroit les aider, requeroyent qu'on fit dire des messes, qu'on allast en
p�lerinage et qu'ainsi ils seraient d�livr�s. Puis apr�s sont apparus en
grande magnificence et clart�, disant qu'ils estoyent d�livr�s et
remercyoient grandement leurs bienfaiteurs: promettans d'interc�der pour
eux envers Dieu et la vierge Marie.�

[Note 1: _Des apparitions des esprits, etc._]

�M�lanchthon, dit le m�me auteur[1], en son _Trait� de l'�me_ escrit avoir


eu lui mesme plusieurs apparitions, et connu plusieurs personnes dignes de
foy qui affirmoyent avoir parl� � des esprits. En son livre intitul�
_Examen ordinandorum_, il dit avoir eu une tante soeur de son p�re,
laquelle demeur�e enceinte apr�s la mort de son mari, ainsi qu'elle estoit
assise pr�s du feu, deux hommes entrent en sa maison, l'un desquels
ressembloit au mari mort, et se donnoit a conoistre pour tel, l'autre de
fort haute taille, estoit vestu en cordelier. Celui qui ressembloit au mari
s'approche du fouyer, salue sa femme, la prie de ne s'estonner point,
disant qu'il venoit lui donner charge de faire quelque chose. Sur ce, il
commande au cordelier de se retirer dedans le poisle. Et ayant devis�
longuement avec la femme, lui parlant de prestres et de messes, estant
prest � partir, il lui dit, tendant sa main: Touchez l�; mais pour ce
qu'elle estoit saisie d'estonnement, il l'asseura qu'elle n'auroit aucun
desplaisir. Ainsi donc elle le toucha et combien que la main d'icelle ne
devinst impotente, tant y a qu'il la brusla tellement qu'elle fut tousiours
nou�e depuis. Cela fait, il appelle le cordelier, puis tous deux
disparurent.

[Note 1: Livre I, ch. XIV.]

Suivant Le Loyer[1], �Jean Pic de la Mirandole apparut � Hierosme


Savonarolle, jacobin ferrarais, et luy dist qu'il souffrait les peines du
purgatoire pour n'avoir assez fait profiter le talent que Dieu luy avait
donn� et pour avoir faict fort peu de cas des r�v�lations int�rieures � luy
faictes, qui l'advertissaient de continuer ses honn�tes travaux et achever
ce qu'il avait pourpens� en son esprit. Et ne craignit point Savonarolle de
dire en plein sermon la r�v�lation qu'il avait eue, admonestant ses parents
et amis de prier et faire prier Dieu pour son �me.�

[Note 1: _Discours et histoires des spectres_, p. 649.]

�Les trespassez, dit Jean des Caurres[1], recognoissent les biens qu'on
leur faict, comme a est� cogneu de nostre temps, en la cit� de Ponts, pr�s
Narbonne, o� trespassa un escolier qui estoit excommuni�, pour le salaire
qu'il devoit � un sien regent, � la cit� de Rhodes, l'esprit duquel parla �
son amy, le priant s'en aller audit Rhodes querir son absolution, ce que
son compagnon luy accorda, et s'en allant, passa par les montagnes charg�es
de neige; ledict esprit l'accompagnoit tousiours, et parloit � luy sans
qu'il veit rien. Et � cause que le chemin estoit couvert de neige, l'esprit
lui ostoit la neige et luy monstroit le chemin. Apr�s avoir obtenu
l'absolution de l'�vesgue de Rhodes, l'esprit le conduit derechef �
Saint-Ponts, et donna l'absolution au corps mort comme est la coustume en
l'Eglise catholique, et ledit esprit et ame du trespass�, ayans tous, print
cong� de luy, le remerciant et promettant luy rendre le service.�

[Note 1: _Oeuvres morales et diversifi�es_, p. 377.]

Ils se vengent aussi de ce qu'on leur manque de parole:

�Aux gestes de Charles le Grand, on lit, dit des Caurres[1], qu'un de ses
capitaines pria un sien compagnon que s'il mouroit en la bataille, qu'il
donnast un beau cheval qu'il avoit pour son ame. Luy trespass�, son
compagnon voyant la beaut� du cheval, le tient pour luy. Douze jours apr�s,
le trespass� s'apparut � luy, se lamentant, que � faute de n'avoir donn� le
cheval en aumosne pour son ame, il avoit demour� douze jours en peine, et
qu'il en porteroit la peine. Pour quoy mourut soudain.�

[Note 1: _Oeuvres morales et diversifi�es_, p. 377.]

�J'ai vu, dit Bodin[1], un jeune homme prisonnier l'an 1590 qui avoit tu�
sa femme en chol�re, et avoit eu sa grace qui lui fut int�rin�, lequel
n�anmoins se plaignoit qu'il n'avoit aucun repos, estant toutes les nuicts
battu par icelle, comme il disoit. Les anciens tenoyent que les ames des
occis souvent pourchassent la vengeance des meurtriers. Nous lisons en
Plutarque que Pausanias, roy de Lacedemone, estant � Constantinople, on lui
fit pr�sent d'une jeune damoiselle... Entrant, de nuit en la chambre, elle
fit tomber la lumi�re, ce qui esveilla Pausanias en sursaut, et pensant
qu'on voulust le tuer en tenebres; tout effray� il print sa dague, et tua
la demoiselle sans connoistre qui elle estoit. D�s lors Pausanias fut
incessamment tourment� d'un esprit jusques � la mort, qui ressembloit
(comme il disoit) � la damoiselle.�

[Note 1: _D�monomanie_, livre II, ch. III.]

Selon Taillepied[1]: �Si un brigand s'approche du corps qu'il aura occis,


le mort commencera � escumer, suer, et donner quelque autre signe. Platon
au neufviesme livre de ses loix, dit que les ames des meurtris poursuivent
furieusement, et souvent, les ames des meurtriers. A l'occasion de quoy
Marsile Ficius, au seiziesme livre de l'_Immortalit� des �mes_, chapitre
cinquiesme, estime qu'il advient que si un meurtrier vient o� sera �
descouvert le corps de celuy qu'il aura fraischement tu�, et il approche
pr�s pour regarder et contempler la playe, le sang en sortira de rechef. Ce
qu'aussi Lucr�ce affirme estre v�ritable, et les juges l'ont observ�...
Quand un voleur sera assis � table, s'il advient que quelque verre de vin
soit espandu, le vin ne tombera de c�t� ne d'autre, ains percera la
table...

[Note 1: _Trait� de l'apparition des esprits_ p. 139.]

�D'apr�s Jean de Caurres[1], saint Augustin au II de _Civitate Dei_ parle


de Tiberius Graccus, duquel aussi fait mention Saluste _de Bello
Jugurtino_, lequel fut meurdry estant tribun du peuple, et comment apr�s sa
mort, son fr�re Caius Graccus, aspiroit audit office odieux au peuple, la
nuict en dormant luy apparut la face de son fr�re, luy disant que s'il
acceptoit ledit office, qu'avoit est� cause de sa mort, qu'il mourroit de
mesme mort que luy, ce qu'advint.

[Note 1: _Oeuvres morales et diversifi�es_, p. 377.]

�Val�re au premier[1], qui parle des songes et des miracles recite de


Simonides, lequel venant � un port de mer par navire, trouva audict port un
homme mort, non ensevely, lequel il ensevelit. Et pour recompense de ceste
oeuvre de charit� l'esprit appartenant � ce corps, la nuict, en dormant,
parla � luy, en demonstrant qu'il se gardast le matin de monter sur le
navire s'il aymoit ne point mourir. Simonides creut, et estant au port, il
vit devant ses yeux perir le navire et tous ceux qui estoient avec luy. Le
jour precedent, ledit Simonides encore receut une autre b�n�fice, pour
avoir ensevely celuy que dessus: car soupant chez Stophas, au village de
Cyanone en Thessale, voicy un messager qui vient � luy soudain, disant
qu'il y avoit � l'huys deux jeunes jouvenceaux qui instamment demandoient
parler � luy: parquoy il sortit sur l'heure, et s'en alla � l'huys, et ne
trouva aucun. Et estant l�, le soupoir o� Stophas, et autres invit�s
faisoient grande chere, tomba et tous moururent � ceste ruine, hormis le
Simonides.

[Note 1: En son premier livre.]

�Avenzoar Albamaaron, medecin arabe mahom�tiste, escrit comment luy estant


malade d'une grande maladie des yeux, un sien amy medecin; desia trespass�,
luy apprint en dormant la medecine pour sa maladie, par laquelle il guarit.

Loys Lavater[1] rapporte, d'apr�s Manlius, en ses _Lieux communs_, le fait


suivant:

[Note 1: _De l'apparition des esprits_, liv. I, ch. II.]

�Th�odore Gaza, docte personnage, avoit obtenu en don du pape certaine


mestairie. Son fermier fossoyant un jour en certain endroit trouva une buye
ou urne, en laquelle y avoit des os. Sur ce un fantosme lui aparut et
commanda de remettre cette urne en terre, autrement son fils mourroit. Et
pour ce que le fermier ne tint conte de cela, bien peu de temps apres son
fils fut tu�. Au bout de quelques jours le fantosme retourna, menassant le
fermier de lui faire mourir son autre fils, s'il ne remettoit en terre
l'urne et les os qu'il avoit trouv�s dedans. Le fermier ayant pens� � soy,
en voyant son autre fils tomb� malade, conta le tout � Th�odore, lequel
estant all� en sa mestairie, et au lieu d'o� le fermier avoit tir� l'urne,
fit refaire une fosse au mesme endroit, o� ils cach�rent et l'urne et les
os; ce qu'estant fait, le fils du fermier recouvra incontinent la sant�.�

�Il y avoit, dit Jean des Caurres[1], en Athenes, une grande maison, mais
fort descri�e et dangereuse. Lorsqu'il estoit nuict, on y entendoit un
bruict, comme de plusieurs fers, lequel commen�oit premi�rement de loin:
mais puis estant approch� plus pres, il sembloit que ce fut le bruit de
quelques menotes, ou des fers que l'on met aux pieds des prisonniers.
Incontinent apparoissoit la semblance d'un vieil homme tout att�nu� de
maigreur et rempli de crasse, portant une longue barbe, et les cheveux
h�riss�s. Il avoit les fers aux pieds, et des menotes aux mains, qu'il
faisoit cliqueter. Et aussi ceux qui habitoient la dedans, passoient les
miserables nuicts sans dormir, estans remplis de peur et d'horreur: dont
ils tomboient en maladie, et en la fin, par augmentation de la peur, ils
mouroient. Car le long du jour encore que l'image fut absente, si est-ce
que la m�moire leur en demeuroit en l'entendement: si bien que la premiere
crainte estoit cause d'une plus longue. Ainsi la maison descri�e demeura
deserte, et du tout abandonn�e � ce monstre. Toutefois on y avoit mis un
escriteau pour la vendre ou louer � quelqu'un qui par aventure ne seroit
adverty du faict. Or sus ces entrefaictes, le philosophe Athenodore vint en
Ath�nes. Il leut l'escriteau, il sceut le prix, et soup�onnant par le bon
march� qu'on luy en faisoit, et s'en estant enquis, on luy en dist la
verit�. Ce nonobstant il la loua de plus grande affection. Le soir
approchait, il commanda que l'on fist son lict en la premi�re partie de la
maison. Il demanda ses tablettes � escrire, sa touche, sa lumi�re, et
laissa tous ses domestiques au dedans. Et � fin que son esprit oisif ne luy
fantastiquast les espouvantails et craintes, dont on luy avoit parl�, il se
mit attentivement � escrire, et y employa, non seulement les yeux, mais
aussi l'esprit et la main. La nuict venue, il entendit le fer qui
cliquetoit: toutefois il ne leva point l'oeil, et ne laissa d'escrire, mais
il s'asseura davantage, et presta l'aureille. Alors le bruit augmenta,
redoubla et approcha: tellement qu'il l'entendoit desia comme � l'entr�e,
puis au dedans. Il regarde, et voit, et recognoist la semblance de laquelle
on luy avoit parl�. Elle estoit debout, et lui faisoit signe du doigt,
comme si elle l'eust appell�. Et luy au contraire luy faisoit signe de la
main qu'elle attendist un petit. Derechef il se mit � escrire. Mais elle
vint sonner ses chaisnes � l'entour de la teste de l'�crivain, lequel la
regarda comme auparavant. Et voyant qu'elle lui faisoit signe, tout
soudainement il prit sa lumi�re, et la suyvit. Elle alloit lentement comme
si elle eust eu peine � marcher, � cause de ses fers. Et incontinent
qu'elle fut au milieu de la maison, elle se disparut et laissa le
philosophe tout seul. Lequel print quelques herbes et feuilles, pour
marquer le lieu auquel elle l'avoit laiss�. Le jour suivant il s'en alla
vers le magistrat, et l'advertit de faire fouiller au lieu marqu�. On
trouva des os entrelassez de chaisnes, que le corps pourry par la terre, et
par la longueur du temps, avoit quitt� aux fers, lesquels estant rassemblez
furent enterrez publiquement, et n'y eust onques depuis esprit qui apparust
en la maison.�

[Note 1: _Oeuvres morales et diversifi�es_, p. 388.]

Goulart[1] rapporte l'histoire suivante:

[Note 1: _Tr�sor des histoires admirables_, t. I, p. 543.]

�Jean Vasques d'Ayola et deux autres jeunes Espagnols partis de leur pays
pour venir estudier en droit � Boulogne la Grasse, ne pouvant trouver logis
commode pour faire espargne, furent avertis qu'en la rue o� estoit leur
hostellerie y avoit une maison d�serte et abandonn�e, � cause de quelques
fantosmes qui y apparoissoyent, laquelle leur seroit laiss�e pour y habiter
sans payer aucun louage, tandis qu'il leur plairoit y demeurer. Eux
acceptent la condition, sont mesmes accommodez de quelques meubles, et font
joyeusement leur mesnage en icelle l'espace d'un mois, au bout duquel comme
les deux compagnons d'Ayola se fussent couchez d'heure, et lui fust en son
estude fort tard, entendant un grand bruit comme de plusieurs chaisnes de
fer, que l'on bransloit et faisoit entrechoquer, sortit de son estude, avec
son esp�e, et en l'autre main son chandelier et la chandelle allum�e, puis
se planta au milieu de la salle, sans resveiller ses compagnons, attendant
que deviendroit ce bruit, lequel procedoit � son advis du bas des degrez du
logis respondant � une grande cour que la salle regardoit. Sur ceste
attente, il descouvre � la porte de ces degrez un fantosme effrayable,
d'une carcasse n'ayant rien que les os, tra�nant par les pieds et le faut
du corps ces chaisnes qui bruioyent ainsi. Le fantosme s'arreste, et Ayola
s'acourageant commence � le conjurer, demandant qu'il eust � lui donner �
entendre en fa�on convenable ce qu'il vouloit. Le fantosme commence �
croiser les bras, baisser la teste, et l'appeler d'une main pour le suivre
par les degrez. Ayola respond: Marchez devant et je vous suivray. Sur ce le
fantosme commence � descendre tout bellement, comme un homme qui tra�neroit
des fers aux pieds, suivi d'Ayola, duquel la chandelle s'esteignit au
milieu des degrez. Ce fut renouvellement de peur: n�antmoins, s'esvertuant
de nouveau, il dit au fantosme: Vous voyez bien que ma chandelle s'est
amortie, je vay la r'allumer; si vous m'attendez ici, je retourneray
incontinent. Il court au foyer, r'allume la chandelle, revient sur les
degrez, o� il trouve le fantosme et le suit. Ayant travers� la cour du
logis, ils entrent en un grand jardin, au milieu duquel estoit un puits; ce
qui fit douter Ayola que le fantosme ne lui nuis�t: pourtant il s'arresta.
Mais le fantosme se retournant fit signe de marcher jusques vers un autre
endroit du jardin: et comme ils s'avan�oyent celle part, le fantosme
disparut soudain. Ayola rest� seul commence � le rappeler, protestant qu'il
ne tiendroit � lui de faire ce qu'il seroit en sa puissance; et attendit un
peu. Le fantosme ne paroissant plus, l'Espagnol retourne en sa chambre,
resveille ses compagnons, qui le voyant tout pasle, lui donnerent un peu de
vin et quelque confiture, s'enquerans de son avanture, laquelle il leur
raconta. Tost apr�s le bruit sem� par la ville de cest accident, le
gouverneur s'enquit soigneusement de tout, et entendant le rapport d'Ayola
en toutes ses circonstances, fit fouiller en l'endroit o� le fantosme
estoit disparu. L� fut trouv�e la carcasse encha�n�e ainsi qu'Ayola l'avoit
veu�, en une s�pulture peu profonde, d'o� ayant est� tir�e et enterr�e
ailleurs avec les autres, tout le bruit qui paravant avoit est� en ce grand
logis cessa. Les Espagnols retournez en leur pays, Ayola fut pourvu
d'office de judicature: et avoit un fils pr�sident en une ville d'Espagne
du temps de Torquemada, lequel fait ce discours en la troisi�me journ�e de
son _Hexameron_.�

Taillepied[1] raconte le fait suivant: �Environ l'an 1559, un gentilhomme


d'un village pr�s de Meulan sur Seine, seigneur de Flins, avoit ordonn� par
testament qu'on ensevelist son corps avec ses ancetres en la ville de
Paris. Quand il fut trespass�, son fils h�ritier ne s'en souciant beaucoup
d'ex�cuter la volont� de son p�re le fit inhumer dans l'�glise dudit
village. Mais advint que l'esprit du p�re fit tant grand bruit et tourmente
dans la chambre du fils qui couchoit en son lict � Paris que le fils fut
contrainct d'envoyer des saquemans (pillards, voleurs) qu'il loua � prix
d'argent, pour aller deterrer le corps dudit trespass�, et le faire
apporter au lieu o� il avait esleu sa s�pulture. Le lendemain matin je fus
� ce village, en un jour de dimanche, o� l'histoire me fut r�cit�e tout au
long, et y avoit dans l'�glise une si grande puanteur de ce corps qui avoit
est� lev� le jour pr�c�dent, qu'on n'y pouvoit aucunement durer pour
l'infection.�

[Note 1: _Trait� de l'apparition des esprits_, p. 123.]

�En Islande, dit Jean des Caurres[1], qui est une isle vers Aquilon des
derni�res en laquelle, au solstice de l'est�, n'y a nulle nuit, et � celuy
de l'hyver n'y a nul jour, il y a une montagne nomm�e Hecla, qui est
bruslante comme Ethna, et l� bien souvent les morts se monstrent aux gens
qui les ont cogneus, comme s'ils estaient vifs: en sorte que ceux qui n'ont
sceu leur mort, les estiment vivans. Et revelent beaucoup de nouvelles de
loin pays. Et quand on les invite de venir en leurs maisons, ils respondent
avec grands gemissemens qu'ils ne peuvent, mais faut qu'ils s'en aillent �
la montaigne de Hecla, et soudain disparaissent, et ne les voit-on point.
Et commun�ment apparoissent ceux qui ont est� submergez en la mer, ou qui
sont morts de quelque mort violente.�

[Note 1: _Oeuvres morales et diversifi�es_, p. 378.]

Adrien de Montalembert[1] raconte cette histoire d'Antoinette, jeune


religieuse de l'abbaye de Saint-Pierre � Lyon et d'une grande pi�t�, qui
parlait souvent de l'abbesse du monast�re, morte dans le repentir apr�s une
vie d�r�gl�e et se recommandait � elle:

[Note 1: _La merveilleuse histoire de l'esprit qui depuis nagu�res


est apparu au monast�re des religieuses de Saint-Pierre de Lyon,
laquelle est plaine de grant admiration, comme l'on pourra voir �
la lecture de ce pr�sent livre_, par Adrien de Montalembert Paris,
1528, in-12.]

�Or advint une nuit que la dicte Antoinette, jeune religieuse, estoit toute
seule en sa chambre, en son lict couch�e et dormoit non point trop durement
si luy fut advis que quelque chose luy levoit son queuvrechef tout
bellement et luy fesoit au front le signe de la croix puis doulcement et
souef en la bouche le baisoit. Incontinent la pucelle se r�veille non point
grandement effray�e ains tant seulement esbahye, pensant a par soy que ce
pourroit estre qui l'auroit bais�e et de la croix sign�e, entour d'elle
rien n'apper�oit... pour cette fois la pucelle ne y prinst pas grand advis
cuydant qu'elle eust ainsi song� et n'en parla a personne.

Advint aucuns jours apr�s qu'elle ouyt quelque chose entour d'elle faisant
aucun son, et comme soubz ses pieds frapper aucuns petiz coups, ainsi qui
heurteroit du bout d'un baston dessoubz ung carreau ou un marchepied. Et
sembloit proprement que ce qui fesoit ce son et ainsi heurtoit fust dedans
terre profondement; mays le son qui se faisoit estoit ouy quasi quatre doys
en terre tousjours soubz les piedz de la dicte pucelle. Je l'ay ouy maintes
fois et en me repondant sur ce que l'enqueroys frapoit tant de coups que
demandoys. Quand la pucelle eut ja plusieurs fois entendu tel son et bruyt
estrange elle commen�a durement s'esbahir, et toute espouvant�e le compta a
la bonne abbesse, laquelle bien la sceut r�conforter et remectre en bonne
asseurance non pensant � autre chose qu'� la simplesse de la pucelle. Et
pour mieulx y pourvoir ordonna qu'elle coucheroit en une chambre prochaine
d'elle si que la pucelle n'eust sceu tant bellement se remuer que
incontinent ne l'eust ouye.

�Les povres religieuses de l�ans furent toutes esperdues de prime face,


ignorans encore que c'estoit. Si vindrent premi�rement au refuge � nostre
Seigneur et se misrent toutes en bon estat. Et fut interrogu�e la pucelle
diligemment assavoir que lui sembloit de ceste adventure. Elle respond
qu'elle ne s�ait que ce pourroit estre si ce n'estoit seur Alis la
secr�taine pourtant que depuys son trespas souvant l'avoit song�e et veue
en son dormant. Lors fut conjur� l'esperit pour s�avoir que c'estoit. Il
respondit qu'il estoit l'esperit de seur Alis v�ritablement de l�ans jadis
secr�taine. Et en donna signe �vident. La chose fut assez facile � croyre
par ce que moult tousjours avoit aym� la pucelle. L'abbesse, voyant ce,
d�lib�ra apres soy estre conseill�e envoyer qu�rir le corps de la
trespass�e et pour ce fut enquise l'�me premierement si elle vouldroit que
son corps fust l�ans en terre. Elle incontinent donna signe que moult le
d�siroit; adonc la bonne dame abbesse l'envoya d�terrer et amener
honnestement en l'abbaye. Cependant l'ame menoit bruit entour la pucelle a
mesure que son corps de l�ans approuchait de plus en plus. Et quand il fut
� la porte du monast�re moult se d�menoit en frappant et en heurtant
dessoubz les pieds de la pucelle. Durant aussi que les dames faisoient le
service de ses fun�railles ne cessoit et n'avoit aucun repos. Bonnemens ne
s�ait-on pourquoy ainsy se d�menoit cette ame ou pour la douleur qu'elle
enduroit ou pour le plaisir qu'elle avoit de veoir son corps en son abbaye
dont jadis elle estoit partie. Le service achev� fut mys en une fousse la
casse ou cercueil qui contenoit les ossements en une petite chapelle de
Notre-Dame, sans les couvrir aultrement fors d'ung drap mortuaire. Et ainsi
me fust montr�.

�Or sachez sire que cest esperit ne faisoit aucun mal, frayeur ne
destourbier a cr�ature, ains les dames de l�ans le tindrent depuys � grande
consolation pourtant que le dit esperit faisoit signe de grand
resjouissance quand l'on chantoit le service divin et quand l'on parloit de
Dieu fust � l'esglise ou aultre part. Mais jamais n'estoit ouy si la
pucelle n'estoit pr�sente, car jour et nuict luy tenoit compaignie et la
suyvoit; ny oncques puis ne l'abandonna en quelque lieu qu'elle fust. Je
vous diray grand merveille de ceste bonne ame. Je luy demanday en la
conjurant ou nom de Dieu assavoir si incontinent qu'elle fut partie de son
corps elle suyvit ceste jeune religieuse. L'ame respondit que ouy
v�ritablement ny jamais ne l'abandonneroit que ne vollast au ciel pour
jouyr de la vision �ternelle enti�rement. Ce s�ay bien v�ritablement car ce
luy ay je demand� depuys et l'ay ouy maintes fois. Et moult estoit
famyliere de moy. Et par elle ont est� sceuz de grans cas qui ne pourroient
estre congneuz de mortelle cr�ature dont je me suys donn� grand admiration
et merveilles. Les secretz de Dieu sont inscrutables et aux ignorants
incr�dibles. Mais ceulx qui ont ouy et veu telles choses certes l'en les
doit croire plus enti�rement.�

II.--REVENANTS, SPECTRES, LARVES.

Goulart[1] rappelle cette histoire d'apr�s Job Fincel[2]: �Un riche homme
de Halberstad, ville renomm�e en Allemagne, tenoit d'ordinaire fort bonne
table, se donnant en ce monde tous les plaisirs qu'il pouvoit imaginer, si
peu soigneux de son salut, qu'un jour il osa vomir ce blasph�me entre ses
escornifleurs, que s'il pouvoit tousiours passer ainsi le temps en d�lices,
il ne d�sireroit point d'autre vie. Mais au bout de quelques jours et outre
sa pens�e, il fut contraint mourir. Apr�s sa mort on voyoit tous les jours
en sa maison superbement bastie, des fantosmes survenant au soir, tellement
que les domestiques furent contraints cercher demeure ailleurs. Ce riche
aparoissoit entre autres, avec une troupe de banquetteurs en une sale qui
ne servoit de son vivant qu'� faire festins. Il estoit entour� de
serviteurs qui tenoyent des flambeaux en leurs mains, et servoyent sur
table couverte de coupes et gobelets d'argent dor�, portans force plats,
puis desservans: outre plus on oyoit le son des flustes, luths, espinettes
et autres instrumens de musique, bref, toute la magnificence mondaine dont
ce riche avoit eu son passetemps en sa vie. Dieu permit que Satan
repr�sentast aux yeux de plusieurs de telles illusions, afin d'arracher
l'impi�t� du coeur des Epicuriens.�

[Note 1: _Thr�sor des histoires admirables_, t. I, p. 539.]

[Note 2: Au IIe livre des _Merveilles de notre temps_.]

Des Caurres[1] raconte �comment l'an 1555 en une bourgade, pr�s de Damas en
Syrie, nomm�e Mellula, mourut une femme villageoise, qui demeura six jours
au sepulchre; le septiesme jour elle commen�a � crier dessous terre, � la
voix de laquelle s'assembl�rent une grande multitude de gens et appel�rent
les parens et mary de la defuncte, devant lesquels elle fut tir�e vive du
sepulchre et ressuscit�e. Et voulant son mary la conduire � sa maison, ne
vouloit, mais � grande instance demandoit estre amen�e � l'�glise des
chrestiens, ce que le mary et parens ne vouloient: mais elle persistait �
prier qu'on la y menast, car vouloit estre baptis�e et estre chrestienne.
Les parens indignez la men�rent � la grande ville de Damas, et la livreront
ez mains de la justice, � fin que comme h�r�tique elle fut punie. Le bruit
en courut par tout le pays. Dont s'assembla en Damas une infinit� de peuple
pour ceste chose nouvelle. Elle fut pr�sent�e � celuy qui est juge des
choses appartenans � la religion, le cadi, � laquelle dit le juge: O
insens�e! veux-tu suivre la foy damn�e des chrestiens pour estre condamn�e
� damnation �ternelle en enfer? Auquel respondit, disant: Je veux estre
chrestienne pour �vader les peines que tu dis, � cause que nul n'est sauv�
que les chrestiens: � laquelle respondit le cadi: Et quelle certitude as-tu
de cecy? Elle respond que tous ceux laquelle avoit cogneu en leur vie qui
estoient trespassez, les avoit tous veus en enfer. Alors cri�rent tous ceux
qui estoient la pr�sens: Adonc nous sommes tous damnez? elle respond
qu'ouy; ce que entendant, le peuple avec grande fureur la voulurent
lapider, les autres crioient que comme infidelle fut brusl�e. Le cadi dit
qu'il n'en estoit pas d'avis, afin que les chrestiens ne s'en glorifiassent
au grand mespris d'eux et de leur foy, mais pour nostre gloire traittons la
comme folle et insens�e et la renvoyons pour telle, par instrument public.
Ce que fut fait; � l'heure ceste bonne femme s'en vint � l'�glise des
chr�tiens, et receut la foy et le baptesme: et depuis vesquit avec les
chrestiens en la religion chrestienne, et en icelle mourut.�

[Note 1: _Oeuvres morales et diversifi�es_, p. 376.]

�Certain Italien, dit Alexandre d'Alexandrie[1], ayant fait enterrer


honnestement un sien ami trespass�, et comme il revenoit � Rome, la nuict
l'ayant surpris, il fut contraint s'arrester en une hostellerie, sur le
chemin, o�, bien las de corps et afflig� d'esprit, il se met en la couche
pour reposer. Estant seul et bien esveill�, il lui fut avis que son ami
mort, tout pasle et descharn�, lui aparoissoit tel qu'en sa derni�re
maladie, et s'aprochoit de lui, qui levant la teste pour le regarder et
transi de peur, l'interrogue, qu'il estoit? Le mort ne respondant rien se
despouille, se met au lict, et commence � s'approcher du vivant, ce lui
sembloit. L'autre ne s�achant de quel cost� se tourner, se met sur le fin
bord, et comme le d�funct aprochoit tousiours, il le repousse. Se voyant
ainsi rebut�, ce fut � regarder de travers le vivant, puis se vestir, se
lever du lict, chausser ses souliers et sortir de la chambre sans plus
aparoir. Le vivant eut telles affres de ceste caresse, que peu s'en falut
aussi qu'il ne passast le pas. Il recitoit que quand ce mort aprocha de lui
dans le lict, il toucha l'un de ses pieds, qu'il trouva si froid que nulle
glace n'est froide � comparaison.�

[Note 1: Au IIe livre de ses _Jours g�niaux_, ch. IX, cit� par
Goulart, _Thr�sor d'histoires admirables_, t. I, p. 533.]

Goulart[1] rapporte, d'apr�s divers auteurs r�sum�s par Camerarius[2], les


apparitions des morts dans certains cimeti�res: �Un personnage digne de
foy, dit-il, qui avoit voyag� en divers endroits de l'Asie et de l'Egypte,
tesmoignoit � plusieurs avoir veu plus d'une fois en certain lieu, proche
du Caire (o� grand nombre de peuple se trouve, � certain jour du mois de
mars, pour estre spectateur de la r�surrection de la chair, ce disent-ils),
des corps des trespassez, se monstrans, et se poussans comme peu � peu hors
de terre: non point qu'on les voye tout entiers, mais tantost les mains,
parfois les pieds, quelquesfois la moiti� du corps: quoi faict ils se
recachent de mesme peu � peu dedans terre. Plusieurs ne pouvans croire
telles merveilles, de ma part d�sirant en s�avoir de plus pr�s ce qui en
est, je me suis enquis d'un mien alli� et singulier ami, gentilhomme autant
accompli en toutes vertus qu'il est possible d'en trouver, eslev� en grands
honneurs, et qui n'ignore presque rien. Iceluy ayant voyag� en pays
susnommez, avec un autre gentil-homme aussi de mes plus familiers et grands
amis, nomm� le seigneur Alexandre de Schullembourg, m'a dit avoir entendu
de plusieurs que ceste apparition estoit chose tr�s-vraye, et qu'au Caire
et autres lieux d'Egypte on ne la revoquoit nullement en doute. Pour m'en
asseurer d'avantage, il me monstra un livre italien, imprim� � Venise,
contenant diverses descriptions des voyages faits par les Ambassadeurs de
Venise en plusieurs endroits de l'Asie et de l'Afrique: entre lesquels s'en
lit un intitul� _Viaggio di Messer Aluigi, di Giovanni, di Alessandria
nelle Indie_. J'ay extrait d'icelui, vers la fin quelques lignes tourn�es
de l'italien en latin (et maintenant en fran�ois) comme s'ensuit. Le 25e
jour de mars, l'an 1540, plusieurs chrestiens, accompagnez de quelques
janissaires, s'achemin�rent du Caire vers certaine montagnette st�rile,
environ � demi lieue de l�, jadis d�sign�e pour coemitiere aux trespassez:
auquel lieu s'assemble ordinairement tous les ans une incroyable multitude
de personnes, pour voir les corps morts y enterrez, comme sortans de leurs
fosses et sepulchres. Cela commence le jeudi, et dure jusques au samedi,
que tous disparoissent. Alors pouvez-vous voir des corps envelopez de leurs
draps, � la fa�on antique, mais on ne les void ni debout, ni marchans: ains
seulement les bras, ou les cuisses, ou autres parties du corps que vous
pouvez toucher. Si vous allez plus loin, puis revenez incontinent, vous
trouvez que ces bras ou autres membres paroissent encore d'avantage hors de
terre. Et plus vous changez de place, plus ces mouvements se font voir
divers eslevez. En mesmes temps il y a force pavillons tendus autour de la
montagne. Car et sains et malades qui vienent l� par grosses troupes
croyent fermement que quiconque se lave la nuict precedente le vendredi, de
certaine eau puis�e en un marest proche de l�, c'est un remede pour
recouvrer et maintenir la sant�, mais je n'ai point veu ce miracle. C'est
le rapport du Venitien. Outre lequel nous avons celui d'un jacopin d'Ulme,
nomm� F�lix, qui a voyag� en ces quartiers du Levant, et a publi� un livre
en alemand touchant ce qu'il a veu en la Palestine et en Egypte. Il fait le
mesme r�cit. Comme je n'ai pas entrepris de maintenir que ceste apparition
soit miraculeuse, pour confondre ces superstitieux et idolastres d'Egypte,
et leur monstrer qu'il y a une resurrection et vie � venir, ni ne veux non
plus refuter cela, ni maintenir que ce soit illusion de Satan, comme
plusieurs estiment; aussi j'en laisse le jugement au lecteur, pour en
penser et r�soudre ce que bon lui semblera.�

[Note 1: _Thr�sor des histoires admirables_, t. I, p. 42.]

[Note 2: _M�ditations historiques_, ch. LXXIII.]

�J'adjousteray, dit Goulart, quelque chose � ce que dessus, pour le


contentement des lecteurs. Estienne du Plais, orfevre ing�nieux, homme
d'honneste et agreable conversation, aag� maintenant d'environ
quarante-cinq ans, qui a est� fort curieux en sa jeunesse de voir divers
pays, et a soigneusement consider� diverses contr�es de Turquie et
d'Egypte, me fit un ample recit de ceste apparition susmentionn�e, il y a
plus de quinze ans, m'affermant en avoir est� le spectateur Claude Rocard,
apoticaire � Cably en Champagne, et douze autres chrestiens, ayans pour
trucheman et conducteur un orfevre d'Otrante en la Pouille, nomm� Alexandre
Maniotti, il me disoit d'avantage avoir (comme aussi firent les autres)
touch� divers membres de ces ressuscitans. Et comme il vouloit se saisir
d'une teste chevelue d'enfant, un homme du Caire s'escria tout haut: _Kali,
kali, ant� matarafd�_: c'est-�-dire, Laisse, laisse, tu ne s�ais que c'est
de cela. Or, d'autant que je ne pouvois bonnement me persuader qu'il fust
quelque chose de ce qu'il me contoit apport� de si loin, quoy qu'en divers
autres r�cits, conferez avec ce qui se lit en nos modernes, je l'eusse
toujours trouv� simple et veritable, nous demeurasmes fort longtemps en
ceste opposition de mes oreilles � ses yeux, jusques � l'an 1591, que luy
ayant monstr� les observations susmentionn�es du docteur Camerarius: Or
cognoissez-vous (me dit-il) maintenant que je ne vous ay point cont� des
fables. Depuis, nous en avons devis� maintesfois, avec esbahissement et
reverence de la sagesse divine. Il me disoit la dessus qu'un chrestien
habitant en Egypte, lui a racont� par diverses fois, sur le discours de
ceste apparition ou resurrection, qu'il avoit aprins de son ayeul et pere,
que leurs ancestres recitoyent, l'ayant receu de longue main, qu'il y a
quelques centaines d'ann�es, que plusieurs chrestiens, hommes, femmes,
enfans, s'estans assemblez en ceste montagne, pour y faire quelque exercice
de leur religion, ils furent ceints et environnez de leurs ennemis en tres
grand nombre (la montagnette n'ayant gueres de circuit) lesquels taillerent
tout en pi�ces, couvrirent de terre ces corps, puis se retirerent au Caire;
que depuis, ceste resurrection s'est demonstr�e l'espace de quelques jours
devant et apres celui du massacre. Voila le sommaire du discours d'Estienne
du Plais, par lui confirm� et renouvell� � la fin d'avril 1600, que je
descrivois ceste histoire, � laquelle ne peut prejudicier ce que recite
Martin de Baumgarten en son voyage d'Egypte, faict l'an 1507, publi� par
ses successeurs, et imprim� � Nuremberg l'an 1594. Car au XVIIIe chap. du
Ier liv. il dit que ces apparitions se font en une mosqu�e de Turcs pres du
Caire. Il y a faute en l'exemplaire: et faut dire Colline ou Montagnette,
non � la rive du Nil, comme escrit Baumgarten, mais � demie lieu� loin,
ainsi que nous avons dit.�

�Ceux qui ont remarqu�, dit un �crivain anonyme[1], les gestes ou escript
la vie des papes sont autheurs que le pape Benoist 9e du nom, apparut apr�s
sa mort vagant �� et l�, avec une fa�on fort horrible, ayant le corps d'un
ours, la queue d'un asne, et qui interrogu� d'o� luy estoit advenue une
telle m�tamorphose, il r�pondit: Je suis errant de ceste forme, pour ce que
j'ay vescu en mon pontificat sans loy comme une beste.�

[Note 1: _Histoires prodigieuses extraites de plusieurs fameux


auteurs, etc._]

Le Loyer[1] rapporte l'histoire d'une P�ruvienne qui reparut apr�s sa mort.


�C'est d'une Catherine, Indienne native de Peru, qui desdaignant de se
confesser et morte imp�nitente, apparut toute en feu, et jettant de grandes
flammes par la bouche, et par toutes les jointures du corps, tourmentant et
inqui�tant premi�rement ceux de la maison o� elle �tait d�c�d�e jusques �
jetter pierres et puis � la fin se monstrant particuli�rement � une
servante, � laquelle ceste Catherine confessa qu'elle estoit damn�e et luy
en dit la cause. Il se remarque qu'elle avoit en horreur une chandelle de
cire b�nite ardente, qu'avoit la servante en main, et qu'elle pria la
servante de la jetter par terre et l'estaindre parce qu'elle r'engregeoit
sa peine. Les �pistres de quelques j�suites attestent cette vision
v�ritable, et produisent tant de personnes dignes de foy � tesmoignage, que
force est d'en croire quelque chose et par les merveilles veues en ce
si�cle apprendre � ne se rendre trop incr�dules aux miracles du pass�.�

[Note 1: _Discours et histoires des spectres_, p. 658.]

�L'an 1534, dit Taillepied[1] la femme d'un pr�vost de la ville d'Orl�ans


se sentant desj� de la farine luth�rienne, pria son mary qu'on l'enterrast
apr�s son d�cez sans pompe ne bruit de cloche, ny d'aucunes pri�res
d'�glise. Le mary qui portoit fort bonne affection � sa femme fit selon
qu'elle avoit ordonn� et la fit enterrer aux cordeliers, dans l'�glise
aupres de son p�re et de son ayeul. Mais la nuict ensuyvant, ainsy qu'on
disoit matines, l'esprit de la deffuncte s'apparut comme sur la voute de
l'�glise, qui faisoit un merveilleux bruit et tintamarre. Les religieux
advertirent les parents et amys de la deffuncte, ayant soup�on que ce
bruict inaccoutum� venoit d'elle qui avoit �t� ainsi inhum�e sans
solennit�. Et comme le peuple se fut trouv� en telle heure et qu'on eut
adjur� l'esprit, il dit qu'il estoit damn� pour s'estre adonn� � l'h�r�sie
de Luther, et commandoit que son corps fut d�terr� et port� hors de terre
sainte. Et comme les cordeliers deliberoient de ce faire, ils furent
empeschez par gens mal sentans de la foy, lesquels pour se purger firent
comme les ariens envers Athanase.�
[Note 1: _Trait� de l'apparition des esprits_, p. 123.]

�Chacun s�ait, dit Alexandre d'Alexandrie[1], que durant la grande


prosp�rit� de Ferdinand Ier, roi d'Arragon, la ville et le royaume de
Naples ne voyant pr�s ni loin de soi tant soit petite apparence de guerre
ou autre redoutable changement, un sainct homme nomm� Catalde, lequel pr�s
de mille ans auparavant avoit est� evesque de l'�glise de Tarente, qui
depuis le tenoit pour son patron, une fois aparut sur la minuit en vision �
un prestre d'icelle �glise, et l'admonesta soigneusement de fouiller en
certain endroit qu'il lui d�signa, ou il trouveroit un livre, par lui
escrit durant sa vie, dedans lequel y avoit beaucoup de secrets, escrits
par mandement expr�s de Dieu; qu'ayant trouv� ce livre, il le portast
promptement au roi Ferdinand Ier. Le prestre adjoustant peu de foi � ceste
vision, laquelle lui aparut encore plusieurs fois depuis en son repos,
avint un jour que s'estant lev� fort matin, et se trouvant seul en
l'�glise, l'evesque Catalde se pr�sente � lui, la mittre en teste, couvert
de chape episcopale, et fit au prestre veillant et le contemplant le mesme
commandement susmentionn�, adjoustant des menaces s'il n'executoit ce qu'il
lui estoit enjoint. Le jour, ce prestre, suivi de grande multitude de
peuple, s'achemina en procession solennelle vers la cachette o� estoit le
livre, qui fut trouv� en placques ou tablettes de plomb, bien attach�es et
clou�es, contenant ample d�claration de la ruine, des mis�res, d�solations,
et pitoyables confusions du royaume de Naples, au temps de Ferdinand Ier.
De fait sur les aprests de la guerre, Ferdinand mourut. Charles VIII, roi
de France, envahit le royaume de Naples; Alfonse, fils aisn� de Ferdinand,
des son advenement � la couronne dechass�, fut contraint s'enfuir en exil,
o� il mourut. Son fils, Ferdinand le Jeune, prince de tr�s grande
esp�rance, h�ritier du royaume, fut envelop� en guerre, et mourut en fleur
d'aage. Puis les Fran�ois et Espagnols partag�rent le royaume, chassans
Frideric, fils puisn� de Ferdinand, firent des desordres et saccagemens
incroyables partout le pays. Enfin les Espagnols en chass�rent du tout les
Fran�ois.�

[Note 1: Au IIIe livre de ses _Jours g�niaux_, ch. XV, cit� par
Goulart, _Thr�sor des histoires admirables_, t. IV, p. 331.]

�Sabellic[1] escrit que la commune voix fut, lors que Charles VIII
entreprit la conqueste de Naples par l'aveu du pape Alexandre VI, que le
fantosme de Ferdinand Ier, mort peu auparavant, aparut par diverses fois de
nuict � un chirurgien de la maison du roi, nomm� Jaques, et du commencement
en gracieux langage, puis avec menasses et rudes paroles, lui enjoignit de
dire � son fils Alfonse, qu'il n'esperast pouvoir faire teste au roi de
France: d'autant qu'il estoit ordonn� que sa race, apr�s avoir pass� par
infinis dangers, seroit priv�e de ce beau royaume, et finalement an�antie.
Que leurs pechez seroyent cause de ce changement, sp�cialement un forfait
commis par le conseil de Ferdinand dans l'�glise de Sainct-Leonard �
Pouzzol, pr�s de Naples. Ce forfait ne fut point d�clar�. Tant va
qu'Alfonse quitta Naples, et avec quatre gal�res charg�es de ce qu'il avoit
de plus pr�cieux se sauva en Sicile. Bref en peu de temps, la maison
d'Arragon perdit le royaume de Naples.�

[Note 1: Au IXe livre de ses _Histoires_, Ennead. 10, cit� par


Goulart, _Thr�sor des histoires admirables_, t. IV, p. 332.]

Arluno[1], cit� par Goulart[2] rapporte que �Deux marchans italiens estans
en chemin pour passer de Piedmont en France, rencontr�rent un homme de
beaucoup plus haute stature que les autres, lequel les appelant � soy leur
tint tels propos: Retournez vers mon fr�re Ludovic, et lui baillez ces
lettres que je luy envoye. Eux fort estonnez, demandent: Qui estes-vous? Je
suis, dit-il, Galeas Sforce, et tout soudain s'esvanouit. Eux tournent
bride vers Milan, de l� � Vigevene, o� Ludovic estoit pour lors. Ils prient
qu'on les face parler au Duc, disans avoir lettres � lui bailler de la part
de son fr�re. Les courtisans se mocquent d'eux; et pour ce qu'ils faisoyent
tousiours instance de mesme, on les emprisonne, on leur pr�sente la
question: mais ils maintienent constamment leur premiere parole. La dessus
les conseillers du duc furent en dispute, de ce qu'il faloit faire de ces
lettres, ne sachans que respondre tant ils estoyent esperdus. Un d'entr'eux
nomm� le vicomte Galeas empoigne les lettres escrites et un papier pli� en
forme de briefs de Rome, le fermant attach� de menus filets de laiton, dont
le contenu estoit: Ludovic, Ludovic, pren garde � toy; les Venitiens et
Fran�ois s'allieront ensemble pour te ruiner, et renverser entierement tes
afaires. Mais si tu me fournis trois mille escus, je donneray ordre que les
coeurs s'adouciront, et que le mal qui te menace s'eslongnera, me confiant
d'en venir � bout, si tu veux me croire. Bien te soit. Et au bas: L'esprit
de ton fr�re Galeas. Les uns estonnez de la nouveaut� du fait, les autres
se mocquant de tout cela, plusieurs conseillans qu'on mist les trois mille
escus en depost au plus pres de l'intention de Galeas, le Duc estimant
qu'on se mocqueroit de lui, s'il laschoit tant la main, s'abstint de
desbourser l'argent et de le commettre en l'estrange main, puis renvoya les
marchans en leurs maisons. Mais au bout de quelque temps, il fut dejett� de
sa duch� de Milan, prins et emmen� prisonnier.�

[Note 1: En la premi�re section de l'_Histoire de Milan_.]

[Note 2: _Thr�sor d'histoires admirables_, t. I, p. 531.]

�En 1695, un certain M. B�zuel (qui depuis fut cur� de Valogne), �tant
alors �colier de quinze ans, fit la connaissance des enfants d'un procureur
nomm� d'Abaqu�ne, �coliers comme lui. L'a�n� �tait de son �ge; le cadet, un
peu plus jeune s'appelait Desfontaines; c'�tait celui des deux fr�res que
B�zuel aimait davantage. Se promenant tous deux en 1696, ils
s'entretenaient d'une lecture qu'ils avaient faite de l'histoire de deux
amis, lesquels s'�taient promis que celui qui mourrait le premier viendrait
dire des nouvelles de son �tat au survivant. Le mort revint, disait-on, et
conta � son ami des choses surprenantes.�

�Le jeune Desfontaines proposa � B�zuel de se faire mutuellement une


pareille promesse. B�zuel ne le voulut pas d'abord; mais quelques mois
apr�s il y consentit, au moment o� son ami allait partir pour Caen.
Desfontaines tira de sa poche deux petits papiers qu'il tenait tout pr�ts,
l'un sign� de son sang, o� il promettait, en cas de mort, de venir voir
B�zuel; l'autre o� la m�me promesse �tait �crite, fut sign�e par B�zuel.
Desfontaines partit ensuite avec son fr�re, et les deux amis entretinrent
correspondance.�

�Il y avait six semaines que B�zuel n'avait re�u de lettres, lorsque, le 31
juillet 1697, se trouvant dans une prairie, � deux heures apr�s midi, il se
sentit tout d'un coup �tourdi et pris d'une faiblesse, laquelle n�anmoins
se dissipa; le lendemain, � pareille heure, il �prouva le m�me sympt�me; le
surlendemain, il vit pendant son affaiblissement son ami Desfontaines qui
lui faisait signe de revenir � lui... Comme il �tait assis, il se recula
sur son si�ge. Les assistants remarqu�rent ce mouvement.�

�Desfontaines n'avan�ant pas, B�zuel se leva pour aller � sa rencontre; le


spectre s'approcha alors, le prit par le bras gauche et le conduisit �
trente pas de l� dans un lieu �cart�.�
�Je vous ai promis, lui dit-il, que si je mourais avant vous, je viendrais
vous le dire: je me suis noy� avant-hier dans la rivi�re, � Caen, vers
cette heure-ci. J'�tais � la promenade; il faisait si chaud qu'il nous prit
envie de nous baigner. Il me vint une faiblesse dans l'eau, et je coulai.
L'abb� de M�nil-Jean, mon camarade, plongea; je saisis son pied, mais soit
qu'il cr�t que ce f�t un saumon, soit qu'il voul�t promptement remonter sur
l'eau, il secoua si rudement le jarret, qu'il me donna un grand coup dans
la poitrine, et me jeta au fond de la rivi�re, qui est l� tr�s profonde.�

�Desfontaines raconta ensuite � son ami beaucoup d'autres choses.�

�B�zuel voulut l'embrasser, mais alors il ne trouva qu'une ombre.


Cependant, son bras �tait si fortement tenu qu'il en conserva une douleur.�

�Il voyait continuellement le fant�me, un peu plus grand que de son vivant,
� demi nu, portant entortill� dans ses cheveux blonds un �criteau o� il ne
pouvait lire que le mot _in_... Il avait le m�me son de voix; il ne
paraissait ni gai ni triste, mais dans une tranquillit� parfaite. Il pria
son ami survivant, quand son fr�re serait revenu, de le charger de dire
certaines choses � son p�re et � sa m�re; il lui demanda de r�citer pour
lui les sept Psaumes qu'il avait eus en p�nitence le dimanche pr�c�dent, et
qu'il n'avait pas encore r�cit�s; ensuite il s'�loigna en disant:
�_Jusqu'au revoir_,� qui �tait le terme ordinaire dont il se servait quand
il quittait ses camarades.�

�Cette apparition se renouvela plusieurs fois. L'abb� B�zuel en raconta les


d�tails dans un d�ner, en 1718, devant l'abb� de Saint-Pierre, qui en fait
une longue mention dans le tome IV de ses _Oeuvres politiques_[1].

[Note 1: _Dictionnaire des sciences occultes_, de l'abb� Migac.]

Dans ses _M�moires_, publi�s en 1799, la c�l�bre trag�dienne Clairon


raconte l'histoire d'un revenant qu'elle croit �tre l'�me de M. de S...,
fils d'un n�gociant de Bretagne, dont elle avait rejet� les voeux, � cause
de son humeur haineuse et m�lancolique, quoiqu'elle lui e�t accord� son
amiti�. Cette passion malheureuse avait conduit le jeune insens� au
tombeau. Il avait souhait� de la voir dans ses derniers moments; mais on
avait dissuad� Mlle Clairon de faire cette d�marche; et il s'�tait �cri�
avec d�sespoir: �Elle n'y gagnera rien, je la poursuivrai autant apr�s ma
mort que je l'ai poursuivie pendant ma vie!...�

�Depuis lors, Mlle Clairon entendit, vers les onze heures du soir, pendant
plusieurs mois, un cri aigu; ses gens, ses amis, ses voisins, la police
m�me, entendirent ce bruit, toujours � la m�me heure, toujours partant sous
ses fen�tres, et ne paraissant sortir que du vague de l'air.�

�Ces cris cess�rent quelque temps. Mais ils furent remplac�s, toujours �
onze heures du soir, par un coup de fusil tir� dans ses fen�tres, sans
qu'il en r�sult�t aucun dommage.�

�La rue fut remplie d'espions, et ce bruit fut entendu, frappant toujours �
la m�me heure dans le m�me carreau de vitre, sans que jamais personne ait
pu voir de quel endroit il partait. A ces explosions succ�da un claquement
de mains, puis des sons m�lodieux. Enfin, tout cessa apr�s un peu plus de
deux ans et demi[1]�.

[Note 1: _M�moires d'Hippolyte Clairon_, �dit. de Buisson, p. 167.]


�Le samedi qui suivit les obs�ques d'un notable bourgeois d'Oppenheim,
Birck Humbert, mort en novembre 1620, peu de jours avant la Saint-Martin,
on ou�t certains bruits dans la maison o� il avait demeur� avec sa premi�re
femme; car �tant devenu veuf, il s'�tait remari�. Son beau-fr�re
soup�onnant que c'�tait lui qui revenait, lui dit:

�Si vous �tes Humbert, frappez trois coups contre le mur.�

�En effet, on entendit trois coups seulement; d'ordinaire il en frappait


plusieurs. Il se faisait entendre aussi � la fontaine o� l'on allait puiser
de l'eau, et troublait le voisinage, se manifestant par des coups
redoubl�s, un g�missement, un coup de sifflet ou un cri lamentable. Cela
dura environ six mois.�

�Au bout d'un an, et peu apr�s son anniversaire, il se fit entendre de
nouveau plus fort qu'auparavant. On lui demanda ce qu'il souhaitait: il
r�pondit d'une voix rauque et basse: �Faites venir, samedi prochain, le
cur� et mes enfants.�

�Le cur� �tant malade ne put venir que le lundi suivant, accompagn� de bon
nombre de personnes. On demanda au mort s'il d�sirait des messes? Il en
d�sira trois; s'il voulait qu'on f�t des aum�nes? il dit: �Je souhaite
qu'on donne aux pauvres huit mesures de grain; que ma veuve fasse des
cadeaux � tous mes enfants, et qu'on r�forme ce qui a �t� mal distribu�
dans ma succession,� somme qui montait � vingt florins.�

�Sur la demande qu'on lui fit, pourquoi il infestait plut�t cette maison
qu'une autre, il r�pondit qu'il �tait forc� par des conjurations et des
mal�dictions. S'il avait re�u les sacrements de l'�glise? �Je les ai re�us,
dit-il, du cur�, votre pr�d�cesseur.� On lui fit dire avec peine le _Pater_
et l'_Av�_, parce qu'il en �tait emp�ch�, � ce qu'il assurait, par le
mauvais esprit, qui ne lui permettait pas de dire au cur� beaucoup d'autres
choses.�

�Le cur�, qui �tait un pr�montr� de l'abbaye de Toussaints, se rendit � son


couvent afin de prendre l'avis du sup�rieur. On lui donna trois religieux
pour l'aider de leurs conseils. Ils se rendirent � la maison, et dirent �
Humbert de frapper la muraille; il frappa assez doucement. �Allez chercher
une pierre, lui dit-on alors, et frappez plus fort.� Ce qu'il fit.�

�Quelqu'un dit � l'oreille de son voisin, le plus bas possible: �Je


souhaite qu'il frappe sept fois,� et aussit�t l'�me frappa sept fois.�

�On dit le lendemain trois messes que le revenant avait demand�es; on se


disposa aussi � faire un p�lerinage qu'il avait sp�cifi� dans le dernier
entretien qu'on avait eu avec lui. On promit de faire les aum�nes au
premier jour, et d�s que ses derni�res volont�s furent ex�cut�es, Humbert
Birck ne revint plus[1].�

[Note 1: _Livre des prodiges_, �dit de 1821, p. 75.]

III.--FANT�MES
Un autre auteur[1] raconte cette singuli�re apparition: �Au mois d'avril
1567 on vit... en celle grande plaine qui est dite d'Heyton souz Mioland
(en Savoie) par l'espace de six jours continuels sortir d'une isle non
habit�e trois hommes vestuz de noir, incogneuz de chacun, et chacun
desquels tenoit une croix en la main et apr�s iceux marchoit une dame
accoustr�e en dueil et ainsi que se vestent coustumi�rement les vefves,
laquelle suyvant ces porte-croix, se tourmentoit et d�menoit avec une si
triste contenance qu'on eut dit qu'elle estoit attainte de quelque douleur,
et angoisse d�sesp�r�e. Cecy n'est rien si un grand escadron de peuple
n'eust suivy ces vestus de dueil qui marchoient en procession, et
l'habillement duquel repr�sentoit plus de joye que des quatre premiers, en
tant que toute ceste multitude estoit vestue � blanc, et monstrant plus de
plaisir et allegresse que la susdite femme. La course de ces pourmeneurs
s'estendoit tout le long de la campagne susnomm�e jusques � une autre isle
voisine, o� tous ensemble s'esvanouyssaient, et n'en voyait on rien n'en
plus que si jamais il n'en eut est� m�moire, et au reste d�s que quelcun
approchoit pour les voir de plus pr�s il en perdoit incontinent la vue...�

[Note 1: _Histoires prodigieuses extraictes de plusieurs fameux


auteurs, etc._ Paris, Jean de Bordiane, 2 tomes, 1571, in-8�, p.
320.]

Suivant Job Fincel, cit� par Goulart[1], �Il y a un village en la duch� de


Brunswic, nomm� Gehern, � deux lieues de Blommenaw. L'an 1555, un paysan
sorti au matin de ce lieu avec son chariot et ses chevaux pour aller querir
du bois en la forest, descouvrit � l'entr�e d'icelle quelques troupes de
reitres couverts de cuirasses noires. Estonn� de ceste rencontre, il
retourne en porter les nouvelles au village. Les plus anciens du lieu,
accompagnez de leur cur� ou pasteur, sortent incontinent en campagne suivis
de cent personnes, tant hommes que femmes, pour voir ceste cavalerie, et
content quatorze bandes ou troupes distinctes, lesquelles en un instant se
mirent en deux gros, comme pour combatre � l'opposite l'un de l'autre. Puis
apr�s on aperceut sortir de chasque gros un grand homme de contenance fiere
et fort effroyable � voir. Ces deux de cost� et d'autre descendent de
cheval, faisant soigneuse reveue de leurs troupes: quoy fait, tous deux
remontent. Incontinent les troupes commencent � s'avancer et � courir une
grande campagne, sans se choquer: ce qui dura jusques � la nuict toute
close, en pr�sence de tous les paysans. Or en ce temps ne se parloit en la
duch� de Brunswic ni es environs d'aucune entreprise de guerre, ni d'amas
de reitres: ce qui fit estimer que telle vision estoit un pr�sage des maux
avenus depuis par le juste jugement de Dieu.�

[Note 1: _Thr�sor des histoires admirables_, t. I. p. 510.]

Au r�cit de Torquemade[1], �Antoine Costille, gentil-homme espagnol


demeurant � Fontaines de Ropel, sortit un jour de sa maison bien mont�,
pour aller � quelques lieues de l� exp�dier des affaires, ausquelles ayant
pourveu, et la nuict aprochant, il delibere retourner en sa maison. Au
sortir du village o� il estoit all�, il trouve un petit hermitage et
chappelle garnie de certain treillis de bois au devant, et une lampe
allum�e au dedans. Descendu de cheval il fait ses devotions, puis jettant
la veu� dedans l'hermitage, void, ce lui semble, sortir de dessouz terre
trois personnes qui venoyent � lui les testes couvertes, puis se tenir
coyes. Les ayant un peu contempl�s, voyant leurs cheveux estinceller, quoy
qu'il fust estim� fort vaillant, il eut peur, et remont� � cheval commence
� picquer. Mais levant les yeux il descouvre ces personnes qui marchoyent
un peu devant luy, et sembloyent l'accompagner. Se recommandant sans cesse
� Dieu, il tourne de part et d'autre, mais ceste troupe estoit tousiours
autour de lui. Finalement il coucha une courte lance qu'il portoit et
brocha des esperons contre, pour donner quelque atteinte: mais ces
fantosmes alloyent de mesme pas que le cheval, de mani�re qu'Antoine fut
contraint les avoir pour compagnie jusques � la porte de son logis, o� il y
avoit une grande cour. Ayant mis pied � terre, il entre et trouve ces
fantosmes: monte � la porte d'une chambre o� sa femme estoit, qui ouvrit �
sa parole, et comme il entroit, les visions disparurent. Mais il aparut
tout esperdu, si desfait et troubl� que sa femme estima qu'il avoit eu
quelque rude traictement de la part de ses ennemis, en ce voyage. S'en
estant enquise, et ne pouvant rien tirer de lui, elle envoy� appeller un
grand ami qu'il avoit, homme fort docte, lequel vint tout � l'heure: et le
trouvant aussi pass� qu'un mort, le pria instamment de descouvrir son
avanture. Costille lui ayant fait le discours, cest ami tascha de le
resoudre, puis le fit souper, le conduisit en sa chambre, le laissa sur son
lict avec une chandelle allum�e sur la table, et sortit pour le laisser en
repos. A peine fust-il hors de la chambre, que Costille commence � crier
tant qu'il peut: A l'aide! � l'aide! secourez-moi! Lors tous les
domestiques rentr�rent en la chambre, ausquels il dit que les trois visions
estoyent venues � luy seul et qu'ayant creus� la terre de leurs mains,
elles la lui avoyent jett�e dessus les yeux, de mani�re qu'il ne voyoit
goutte. Pourtant ne l'abandonn�rent plus ses domestiques, ains � toute
heure il estoit bien accompagn�, mais leur assistance et vigilance ne le
peut garder de mourir le septiesme jour suivant, sans autre accident de
maladie.�

[Note 1: En la 3e journ�e de son _Hexameron_, cit� par Goulart,


_Thr�sor des histoires admirables_, t. I, p. 541.]

Le m�me[1] rapporte cette vision singuli�re:

[Note 1: En la 3e journ�e de son _Hexameron_, cit� par Goulart,


_Thr�sor des histoires admirables_, t. I, p. 547.]

�Un chevalier espagnol, riche et de grande authorit�, s'amouracha d'une


nonnain, laquelle s'accordant � ce dont il la requeroit, pour lui donner
libre entr�e, lui conseilla de faire forger des clefs semblables � celles
des portes de l'�glise, o� elle trouveroit moyen d'entrer par autre endroit
pour se rendre en certain lieu design�. Le chevalier fit accommoder deux
clefs, l'une servant ouvrir la porte du grand portail de l'eglise, l'autre
pour la petite porte d'icelle eglise. Et pour ce que le couvent des
nonnains estoit un peu loin de son village, il partit sur la minuict fort
obscure tout seul: et laissant son cheval en certain lieu seur, marcha vers
le couvent. Ayant fait ouverture de la premi�re porte, il vid l'eglise
ouverte, et au dedans grande clairt� de lampes et de cierges, et force gens
qui chantoyent et faisoyent le service pour un trespass�. Cela l'estonna:
neantmoins il s'approche, pour voir que c'estoit, et regardant de tous
costez, apper�oit l'eglise pleine de moines et de prestres qui chantoyent
aussi � ces fun�railles, ayans au milieu d'eux un aix en forme de tombeau
fort haut, couvert de noir, et � l'entour force cierges allumez en leurs
mains. Son estonnement redoubla quand entre tous ces chantres il n'en peut
remarquer pas un de sa cognoissance. Pourtant apres les avoir bien
contemplez, il s'approche de l'un des prestres, et lui demande pour qui
l'on faisoit ce service. Le prestre respond que c'estoit pour un chevalier,
designant le nom et surnom de celui qui parloit, adjoustant que ce
chevalier estoit mort et qu'on faisoit ses fun�railles. Le chevalier se
prenant � rire respond: Ce chevalier que vous me nommez est en vie: par
ainsi vous vous abusez. Mais le prestre r�pliqua: Oui bien vous, car pour
certain il est mort, et est ici pour estre enseveli; quoy dit il se remit �
chanter. Le chevalier fort esbahi de ce devis, s'adresse � un autre et lui
fait la mesme demande. Ce deuxiesme fait mesme response, affermant vrai ce
que le premier avoit dit. Alors le chevalier tout estonn�, sans attendre
davantage, sortit de l'eglise, remonte � cheval, et s'achemine vers sa
maison. Il est suivi et acompagn� de deux grands chiens noirs qui ne
bougent de ses costez, et quoi qu'il les mena�ast de l'esp�e, ils ne
l'abandonnent point. Mettant pied � terre � la porte de son logis, et
entrant dedans, ses serviteurs le voyans tout chang� le prient instamment
de leur r�citer son avanture: ce qu'il fait de poinct en poinct. On le
mesne en sa chambre, o� achevant de raconter ce qui estoit pass�, les deux
chiens entrent, se ruent furieusement sur lui, l'estranglent et despecent
sans qu'aucun des siens peust le secourir.�

�Un mien ami nomm� Gordian, personnage digne de foy, m'a recit�, dit
Alexandre d'Alexandrie[1], qu'allant vers Arezze avec certain autre de sa
connoissance, s'estans esgarez en chemin ils entrerent en des forests, o�
ils ne voyent que de la neige, des lieux inaccessibles, et une effrayable
solitude. Le soleil estant fort bas, ils s'assirent par terre tous recreus.
Sur ce leur fut avis qu'ils entendoyent une voix d'homme assez pres de l�;
ils approchent et voyent sur une terre proche trois gigantales et
espouvantables formes d'hommes, vestus de longues robes noires, comme en
deuil, avec grands cheveux et fort longues barbes, lesquels les
appellerent. Comme ces deux passans approchoyent, les trois fantosmes se
firent plus grands de beaucoup qu'� la premi�re fois: et l'un d'iceux
paroissant nud, fit des fauts mouvemens et contenances fort deshonnestes.
Ces deux fort estonnez de tel spectacle commencerent � fuir de vitesse �
eux possible, et ayans travers� des precipices et chemins, du tout
fascheux, se rendirent � toute peine en la logette d'un paysan, o� ils
pass�rent la nuict.�

[Note 1: Au IIe livre de ses _Jours g�niaux_, ch. IX, cit� par S.
Goulart, _Thr�sor d'histoires admirables_, t. I, p. 534.]

�Ce que j'ay par tesmoignage de moy-mesme, et dont je suis bien asseur�, je
l'adjouste, continue le m�me auteur. Estant malade � Rome, et couch� dedans
le lict, o� j'estois bien �veill�, m'apparut un fantosme de belle femme,
laquelle je regardai longuement tout pensif et sans dire mot, discourant en
moy-mesme si je resvois, ou si j'estois vrayement esveill�. Et conoissant
que tous mes sens estoyent en leur pleine vigueur, et que ce fantosme se
tenoit toujours devant moy, je lui demande qui elle estoit. Elle se
sousriant repetoit les mesmes mots, comme par mocquerie, et m'ayant
contempl� longuement s'en alla.�

Torquemada[1] nous apprend encore que �Antoine de la Cueva, chevalier


espagnol, pour raisons � nous incongnues, et par la permission de Dieu, fut
tent� et travaill� en la vie de fantosmes et visions, de mani�re que pour
la continuation il en avoit finalement perdu la crainte, combien qu'il ne
laissast pas d'avoir tousiours de la lumi�re en la chambre o� il couchoit.
Une nuict, estant en la couche, et lisant en un livre, il sentit du bruit
dessous la couche, comme s'il y eust quelque personne: et ne sachant que ce
pouvoist estre, vid sortir d'un cost� du lict un bras nud, qui sembloit
estre de quelque more, lequel empoignant la chandelle la jetta � bas, avec
le chandelier et l'esteignit. Alors le chevalier sentit ce more monter et
se mettre avec lui en la couche. Comme ils se fusrent empoignez et
embrassez ils commencerent � lutter de toute leur force, menans tel bruit
que ceux de la maison se resveillerent, et venans voir que c'estoit ne
trouverent autre que le chevalier, lequel estoit tout en eau, comme s'il
fust sorti d'un bain et tout enflamm�. Il leur conta son avanture, et que
ce more les sentant venir s'estoit desfait de lui, et ne s�avoit qu'il
estoit devenu.�

[Note 1: En la 3e journ�e de son _Hexameron_, cit� par Goulart,


_Thr�sor des histoires admirables_, t. I, p. 547.]

Au recit de Goulart[1], �Le sieur de Voyennes, gentil-homme picard, en ses


devis ordinaires, limitoit ses jours au signe de Taurus. Un jour estant �
table en bonne compagnie, avis lui fut qu'il voyoit acourant � lui un
taureau furieux. Lors tout esperdu il commen�a � s'escrier: Ha, messieurs,
ce meschant animal me perce de ses cornes. Disant telles paroles, il cheut
mort au bas de sa chaise.�

[Note 1: Goulart, _Thr�sor des histoires admirables_, t. III, p.


329.]

Cardan[1], cit� par Goulart[2], raconte que �Jacques Donat, riche


gentil-homme v�nitien, estant couch� avec sa femme, et ayant un cierge
allum� en sa chambre, deux nourrices dormantes en une couchette basse pr�s
d'un petit enfant, vid qu'on ouvroit tout bellement l'huis de sa chambre,
et un homme inconnu mettant la teste � la porte. Donat se leve, empoigne
son esp�e, fait allumer deux grands cierges, et, accompagn� des nourrices,
entre en sa salle et trouve tout clos. Il se retire en sa chambre fort
esbahi. Le lendemain, ce petit enfant aag� d'un an non encore accompli et
qui se portoit bien meurt.�

[Note 1: Au XVIe livre de la _Diversit� des choses_, ch. XCIII.]

[Note 2: _Thr�sor d'histoires admirables_, t. I, p. 531.]

D'apr�s Bartelemi de Bologne[1], �Antoine Urceus, la nuict derni�re de sa


vie, estant couch�, pensa voir un fort grand homme, lequel avoit la teste
rase, la barbe pendante jusqu'en terre, les yeux estincellans, deux
flambeaux es mains, se h�rissant depuis les pieds jusques � la teste,
auquel Antoine demanda: Qui es-tu, qui seul en �quipage de furie, te
prom�nes ainsi hors heures, et quand chacun repose? Di moy, que
cherches-tu? En disant cela, Antoine se jette en bas du lict pour se sauver
arri�re de ce visiteur, et mourut mis�rablement le lendemain.�

[Note 1: En la _Vie d'Urceus_, cit�e par Goulart, _Thr�sor


d'histoires admirables_, t. I, p. 530.]

Gilbert Cousin[1] raconte que �L'an 1536, un marchant sicilien allant de


Catane � Messine, logea le vingt-uni�me jour de mars � Torminio, dit des
anciens Taurominium. Remontant � cheval le lendemain matin, n'estant encore
gueres esloign� de la ville, il rencontre dix massons, ce lui sembloit,
tous chargez d'outils de leur mestier. Enquis de lui o� ils alloyent,
respondirent: Au Montgibel. Tost apr�s, il en retrouva dix autres qui font
mesme response que les precedens: et adjoustent que leur maistre les
envoyoit � cause de quelque bastiment au Montgibel. Quel maistre? replique
le marchant. Vous le verrez bien tost fit l'un d'entre eux. Incontinent
apres lui vint � la rencontre en ce mesme chemin un g�ant, avec une fort
longue barbe noire, comme le plumage d'un corbeau, lequel, sans autre
pr�face ni salutation, s'enquiert du marchant s'il avoit point rencontr�
ses ouvriers en ce chemin. J'ay, dit l'autre, veu quelques massons
pr�tendant aller bastir au Montgibel, mais je ne scay par le commandement
de qui: si vous estes l'entrepreneur de tel bastiment, je d�sire entendre
comment vous pensez faire en une montagne tellement couverte de neige, que
le plus habile pi�ton du monde seroit bien empesch� d'en sortir. Ce maistre
bastisseur commence � respondre qu'il avoit la science et les moyens pour
en venir � bout, voire pour faire plus grandes choses quand bon lui
sembleroit; que le marchant qui ne faisoit gueres d'estat des paroles en
croiroit bien tost ses propres yeux: quoi disant, il disparut en l'air. Le
marchant esperdu de telle vision commence � paslir et chanceller, et peu
s'en fallut qu'il n'esvanouyt sur la place. Il tourne bride demi mort vers
la ville, o� ayant racont� � gens dignes de foy ce qu'il avoit veu, donn�
ordre � ses afaires et pens� � sa conscience, il rend l'�me le soir de ce
mesme jour. Au commencement de la nuict du jour suivant, qui estoit le
vingt-troisiesme jour de mars, un horrible tremblement de terre se fit, et
du faiste de ce Montgibel, du cost� d'Orient, sortit avec bruit merveilleux
une extraordinaire abondance de feu qui s'eslan�oit fort impetueusement de
ce mesme cot�: dont les habitans de Catane estans bien estonnez,
s'amasserent crians: Mis�ricorde! et continuans en supplications et pri�res
jusques � ce que le feu vint � diminuer et s'esteindre.�

[Note 1: Au VIIIe livre de ses _Recueils et r�cits_, cit� par


Goulart, _Thr�sor d'histoires admirables_, t. I, p. 532.]

D'apr�s les _Curiositez inouyes_ de Gaffarel[1], �Cardan asseure que dans


la ville de Parme il y a une noble famille de laquelle, quand quelqu'un
doit mourir, on void toujours en la sale de la maison une vieille femme
incogneue assise sous la chemin�e, mais si assur�ment qu'elle ne manque
jamais.�

[Note 1: Page 59.]

IV.--VAMPIRES

�Les revenans de Hongrie, ou les Vampires, sont, d'apr�s dom Calmet[1], des
hommes morts depuis un temps consid�rable, quelquefois plus, quelquefois
moins long, qui sortent de leurs tombeaux et viennent inqui�ter les vivans,
leur sucent le sang, leur apparoissent, font le tintamare � leurs portes,
et dans leurs maisons et enfin leur causent souvent la mort. On leur donne
le nom de Vampires ou d'Oupires, qui signifie, dit-on, en esclavon une
sangsue. On ne se d�livre de leurs infestations qu'en les d�terrant, en
leur coupant la t�te, en les empalant, en les br�lant, en leur per�ant le
coeur.�

[Note 1: _Trait� sur les apparitions des esprits_, tome II, p. 2.]

�J'ai appris, dit dom Calmet[1], de feu monsieur de Vassimont, conseiller


de la chambre des comtes de Bar, qu'ayant �t� envoy� en Moravie par feu Son
Altesse royale L�opold premier, duc de Lorraine, pour les affaires de
monseigneur le prince Charles, son fr�re, �v�que d'Olmutz et d'Osnabruck,
il fut inform� par le bruit public qu'il �toit assez ordinaire dans ce
pays-l� de voir des hommes d�c�d�s quelque tems auparavant se pr�senter
dans les compagnies et se mettre � table avec les personnes de leur
connoissance sans rien dire; mais que faisant un signe de t�te � quelqu'un
des assistans, il mourroit infailliblement quelques jours apr�s. Ce fait
lui fut confirm� par plusieurs personnes, et entre autres par un ancien
cur�, qui disoit en avoir vu plus d'un exemple.�
[Note 1: M�me ouvrage, t. II, p. 31.]

Charles-Ferdinand de Schertz raconte[1] �Qu'en un certain village, une


femme �tant venu� � mourir munie de tous ses sacremens, fut enterr�e dans
le cimeti�re � la mani�re ordinaire. Quatre jours apr�s son d�c�s, les
habitans du village ou�rent un grand bruit et un tumulte extraordinaire, et
virent un spectre qui paroissoit tant�t sous la forme d'un chien, tant�t
sous celle d'un homme, non � une personne, mais � plusieurs, et leur
causoit de grandes douleurs, leur serrant la gorge, et leur comprimant
l'estomac jusqu'� les suffoquer: il leur brisoit presque tout le corps, et
les r�duisoit � une faiblesse extr�me, en sorte qu'on les voyoit p�les,
maigres et ext�nu�s. Le spectre attaquoit m�me les animaux, et l'on a
trouv� des vaches abbatues et demi-mortes; quelquefois il les attachoit
l'une � l'autre par la queue. Ces animaux par leurs mugissements marquoient
assez la douleur qu'ils ressentoient. On voyoit les chevaux comme accabl�s
de fatigue, tout en sueur; principalement sur le dos, �chauff�s, hors
d'haleine, charg�s d'�cume comme apr�s une longue et p�nible course. Ces
calamit�s dur�rent plusieurs mois.�

[Note 1: _Magia posthuma_, Olmutz, 1706, cit� par dom Calmet,


_Trait� sur les apparitions des esprits_, t. I, p. 33.]

Le m�me auteur rapporte l'exemple d'un p�tre du village de Blow, pr�s de la


ville de Kadam en Boheme, qui parut pendant quelque tems et qui appelloit
certaines personnes, lesquelles ne manquoient pas de mourir dans la
huitaine. Les paysans de Blow d�terr�rent le corps de ce p�tre, et le
fich�rent en terre avec un pieu, qu'ils lui pass�rent � travers le corps.
Cet homme en cet �tat se moquoit de ceux qui lui faisoient souffrir ce
traitement, et leur disoit qu'ils avoient bonne gr�ce de lui donner ainsi
un b�ton pour se d�fendre contre les chiens. La m�me nuict il se releva, et
effraya par sa pr�sence plusieurs personnes, et en suffoqua plus qu'il
n'avoit fait jusqu'alors. On le livra ensuite au bourreau, qui le mit sur
une charrette pour le transporter hors du village et l'y br�ler. Ce cadavre
hurloit comme un furieux et remuoit les pieds et les mains comme vivant; et
lorsqu'on le per�a de nouveau avec des pieux, il jetta de tr�s-grands cris,
et rendit du sang tr�s-vermeil, et en grande quantit�. Enfin on le br�la,
et cette ex�cution mit fin aux apparitions et aux infestations de ce
spectre.

�Il y a environ quinze ans, rapporte dom Calmet[1], qu'un soldat �tant en
garnison chez un paysan ha�damaque, fronti�re de Hongrie, vit entrer dans
la maison, comme il �toit � table aupr�s du ma�tre de la maison son h�te,
un inconnu qui se mit aussi � table avec eux. Le ma�tre du logis en fut
�trangement effray�, de m�me que le reste de la compagnie. Le soldat ne
savoit qu'en juger, ignorant de quoi il �toit question. Mais le ma�tre de
la maison �tant mort d�s le lendemain, le soldat s'informa de ce que
c'�toit. On lui dit que c'�toit le p�re de son h�te, mort et enterr� depuis
plus de dix ans, qui s'�toit ainsi venu asseoir aupr�s de lui, et lui avoit
annonc� et caus� la mort.

[Note 1: _Trait� sur les apparitions des esprits_, t. I. p. 37.]

�En cons�quence on fit tirer de terre le corps de ce spectre, et on le


trouva comme un homme qui vient d'expirer, et son sang comme d'un homme
vivant. Le comte de Cabreras lui fit couper la t�te, puis le fit remettre
dans son tombeau. Il fit encore informations d'autres pareils revenans,
entr'autres d'un homme mort depuis plus de trente ans, qui �toit revenu par
trois fois dans sa maison � l'heure du repas, avoit suc� le sang au col, la
premi�re fois � son propre fr�re, la seconde � un de ses fils, et la
troisi�me � un valet de la maison; et tous trois en moururent sur-le-champ.
Sur cette d�position, le commissaire fit tirer de terre cet homme, et, le
trouvant comme le premier, ayant le sang fluide comme l'aurait un homme en
vie, il ordonna qu'on lui pass�t un grand clou dans la tempe, et ensuite
qu'on le rem�t dans le tombeau.

�Il en fit bruler un troisi�me qui �toit enterr� depuis plus de seize ans,
et avoit suc� le sang et caus� la mort � deux de ses fils.�

Voici, d'apr�s dom Calmet[1], ce qu'on lit dans les _Lettres juives_:

[Note 1: _Trait� sur les apparitions des esprits_, t. IV, p. 39.]

�Au commencement de septembre, mourut dans le village de Kisilova, � trois


lieues de Gradisch, un vieillard �g� de soixante-deux ans. Trois jours
apr�s avoir �t� enterr�, il apparut la nuit � son fils, et lui demanda �
manger; celui-ci lui en ayant servi, il mangea et disparut.

�Le lendemain, le fils raconta � ses voisins ce qui �toit arriv�.

�Cette nuit le p�re ne parut pas; mais la nuit suivante il se fit voir, et
demanda � manger. On ne sait pas si son fils lui en donna ou non, mais on
trouva le lendemain celui-ci mort dans son lit: le m�me jour, cinq ou six
personnes tomb�rent subitement malades dans le village, et moururent l'une
apr�s l'autre, peu de jours apr�s.

�On ouvrit tous les tombeaux de ceux qui �toient morts depuis six semaines:
quand on vint � celui du vieillard, on le trouva les yeux ouverts, d'une
couleur vermeille, ayant une respiration naturelle, cependant immobile
comme mort; d'o� l'on conclut qu'il �toit un signal� vampire. Le bourreau
lui enfon�a un pieu dans le coeur.

�On fit un b�cher, et l'on r�duisit en cendres le cadavre.

�On ne trouva aucune marque de vampirisme, ni dans le cadavre du fils, ni


dans celui des autres.�

Dom Calmet[1] rapporte en outre d'autres cas:

[Note 1: _Trait� sur les apparitions des esprits_, t. II, p. 43.]

�Dans un certain canton de la Hongrie, nomm� en latin _Oppida Heidonum_, le


peuple connu sous le nom de _Heiduque_ croit que certains morts, qu'ils
nomment vampires, sucent tout le sang des vivants, en sorte que ceux-ci
s'ext�nuent � vue d'oeil, au lieu que les cadavres, comme les sangsues, se
remplissent de sang en telle abondance, qu'on le voit sortir par les
conduits et m�me par les porres. Cette opinion vient d'�tre confirm�e par
plusieurs faits dont il semble qu'on ne peut douter, vu la qualit� des
t�moins qui les ont certifi�s.

�Il y a environ cinq ans, qu'un certain Heiduque, habitant de M�dre�ga,


nomm� Arnold Paul, fut �cras� par la chute d'un chariot de foin. Trente
jours apr�s sa mort, quatre personnes moururent subitement, et de la
mani�re que meurent, suivant la tradition du pays, ceux qui sont molest�s
des vampires. On se ressouvint alors que cet Arnold Paul avoit souvent
racont� qu'aux environs de Cassova et sur les fronti�res de la Servie
turque, il avoit �t� tourment� par un vampire turc: car ils croyent aussi
que ceux qui ont �t� vampires passifs pendant leur vie, les deviennent
actifs apr�s leur mort, c'est-�-dire que ceux qui ont �t� suc�s, sucent
aussi � leur tour; mais qu'il avoit trouv� moyen de se gu�rir, en mangeant
de la terre du s�pulchre du vampire et en se frottant de son sang,
pr�caution qui ne l'emp�cha pas cependant de le devenir apr�s sa mort,
puisqu'il fut exhum� quarante jours apr�s son enterrement, et qu'on trouva
sur son cadavre toutes les marques d'un archi-vampire. Son corps �toit
vermeil, ses cheveux, ses ongles, sa barbe, s'�toient renouvell�s, et ses
veines �toient toutes remplies d'un sang fluide et coulant de toutes les
parties de son corps sur le linceul dont il �toit environn�. Le Haduagi ou
le bailli du lieu, en pr�sence de qui se fit l'exhumation, et qui �toit un
homme expert dans le vampirisme, fit enfoncer selon la coutume, dans le
coeur du d�funt Arnold Paul, un pieu fort aigu, dont on lui traversa le
corps de part en part, ce qui lui fit, dit-on, jetter un cri effroyable,
comme s'il �toit en vie. Cette exp�dition faite, on lui coupa la t�te, et
l'on br�la le tout. Apr�s cela, on fit la m�me exp�dition sur les cadavres
de ces quatre autres personnes mortes de vampirisme, crainte qu'ils n'en
fissent mourir d'autres � leur tour.

�Toutes ces exp�ditions n'ont cependant pu emp�cher que sur la fin de


l'ann�e derni�re, c'est-�-dire au bout de cinq ans, ces funestes prodiges
n'ayent recommenc�, et que plusieurs habitans du m�me village ne soient
p�ris malheureusement. Dans l'espace de trois mois, dix-sept personnes de
diff�rent sexe et de diff�rent �ge sont mortes de vampirisme, quelques-unes
sans �tre malades, et d'autres apr�s deux ou trois jours de langueur.

�Une nomm�e Stanoska, fille, dit-on, du Heiduque Sovitzo, qui s'�toit


couch�e en parfaite sant�, se r�veilla au milieu de la nuit, toute
tremblante et faisant des cris affreux, disant que le fils du Heiduque
Millo, mort depuis neuf semaines, avoit manqu� de l'�trangler pendant son
sommeil. D�s ce moment elle ne fit que languir, et au bout de trois jours
elle mourut. Ce que cette fille avoit dit du fils de Millo le fit d'abord
reconno�tre pour un vampire; on l'exhuma, et on le trouva tel. Les
principaux du lieu, les m�decins, les chirurgiens, examin�rent comment le
vampirisme avoit pu rena�tre apr�s les pr�cautions qu'on avoit prises
quelques ann�es auparavant. On d�couvrit enfin, apr�s avoir bien cherch�,
que le d�funt Arnold Paul avoit tu� non seulement les quatre personnes dont
nous avons parl�, mais aussi plusieurs bestiaux, dont les nouveaux vampires
avoient mang�, et entr'autres, le fils de Millo. Sur ces indices, on prit
la r�solution de d�terrer tous ceux qui �toient morts depuis un certain
tems, etc. Parmi une quarantaine, on en trouva dix-sept avec tous les
signes les plus �vidents de vampirisme: aussi leur a-t-on transperc� le
coeur et coup� la t�te, et ensuite on les a br�l�s, et jett� leurs cendres
dans la rivi�re.

�Toutes les informations et ex�cutions dont nous venons de parler ont �t�
faites juridiquement, en bonne forme, et attest�es par plusieurs officiers,
qui sont en garnison dans le pays, par les chirurgiens majors, et par les
principaux habitans du lieu. Le proc�s-verbal en a �t� envoy� vers la fin
de janvier dernier au conseil de guerre imp�rial � Vienne, qui avait �tabli
une commission militaire, pour examiner la v�rit� de tous ces faits.�

Dom Calmet[1] imprime une lettre d'un officier du duc Alexandre de


Wurtemberg qui certifie tous ces faits.

[Note 1: M�me ouvrage, t. I, p. 64.]

�Pour satisfaire, y est-il dit, aux demandes de Monsieur l'Abb� dom Calmet,
le soussign� a l'honneur de l'assurer, qu'il n'est rien de plus vrai et de
si certain que ce qu'il en aura sans doute lu dans les actes publics et
imprim�s, qui ont �t� ins�r�s dans les Gazettes par toute l'Europe; mais �
tous ces actes publics qui ont paru, Monsieur l'Abb� doit s'attacher pour
un fait v�ridique et notoire � celui de la d�putation de Belgrade par feu
S. M. Imp. Charles VI, de glorieuse m�moire, et ex�cut�e par feu son
Altesse S�r�nissime le Duc Charles-Alexandre de Wurtemberg, pour lors
Vice-Roi, ou Gouverneur du Royaume de Servie.

�Ce Prince fit partir une d�putation de Belgrade moiti� d'officiers


militaires, et moiti� du civil, avec l'Auditeur g�n�ral du Royaume, pour se
transporter dans un village, o� un fameux Vampire d�c�d� depuis plusieurs
ann�es faisoit un ravage excessif parmi les siens: car notez que ce n'est
que dans leur famille et parmi leur propre parent�, que ces suceurs de sang
se plaisent � d�truire notre esp�ce. Cette d�putation fut compos�e de gens
et de sujets reconnus pour leurs moeurs, et m�me pour leur savoir,
irr�prochables et m�me savans parmi les deux ordres: ils furent serment�s,
et accompagn�s d'un lieutenant de Grenadiers du R�giment du Prince
Alexandre de Wurtemberg, et de 24 Grenadiers dudit R�giment.

�Tout ce qu'il y eut d'honn�tes gens, le Duc lui-m�me qui se trouv�rent �


Belgrade, se joignirent � cette d�putation, pour �tre spectateurs oculaires
de la preuve v�ridique qu'on allait faire.

�Arriv�s sur les lieux, l'on trouva que dans l'espace de quinze jours le
vampire, oncle de cinq, tant neveux que ni�ces, en avoit d�j� exp�di� trois
et un de ses propres fr�res; il en �toit au cinqui�me, belle jeune fille,
sa ni�ce, et l'avoit d�j� suc�e deux fois, lorsque l'on mit fin � cette
triste trag�die par les op�rations suivantes.

�On se rendit avec les commissaires d�put�s pas loin de Belgrade, dans un
village, et cela en public, � l'entr�e de la nuit, � sa s�pulture. Il y
avoit environ trois ans qu'il �toit enterr�; l'on vit sur son tombeau une
lueur semblable � celle d'une lampe, mais moins vive.

�On fit l'ouverture du tombeau, et l'on y trouva un homme aussi entier, et


paroissant aussi sain qu'aucun de nous assistans: les cheveux et les poils
de son corps, les ongles, les dents et les yeux (ceux-ci demi-ferm�s) aussi
fortement attach�s apr�s lui, qu'ils le sont actuellement apr�s nous qui
avons vie, et existons, et son coeur palpitant.

�Ensuite l'on proc�da � le tirer hors de son tombeau, le corps n'�tant pas
� la v�rit� flexible, mais n'y manquant nulle partie ni de chair, ni d'os;
ensuite on lui per�a le coeur avec une esp�ce de lance de fer rond et
pointu; il en sortit une mati�re blanch�tre et fluide avec du sang, mais le
sang dominant sur la mati�re, le tout n'ayant aucune mauvaise odeur;
ensuite de quoi on lui trancha la t�te avec une hache semblable � celle
dont on se sert en Angleterre pour les ex�cutions: il en sortit aussi une
mati�re et du sang semblable � celle que je viens de d�peindre, mais plus
abondamment � proportion de ce qui sortit du coeur.

�Au surplus, on le rejetta dans la fosse, avec force chaux vive pour le
consommer plus promptement; et d�s-lors sa ni�ce, qui avoit �t� suc�e deux
fois, se porta mieux. A l'endroit o� ces personnes sont suc�es, il se forme
une tache tr�s bleu�tre; l'endroit du moment n'est pas d�termin�, tant�t
c'est en un endroit, tant�t c'est en un autre. C'est un fait notoire
attest� par les actes les plus autentiques, et pass� � la vue de plus de
1,300 personnes toutes dignes de foi.�
Le m�me abb� donne cette autre lettre sur le m�me sujet[1]:

[Note 1: M�me ouvrage, t. II, p. 68.]

�Vous souhaitez, mon cher cousin, �tre inform� au juste de ce qui se passe
en Hongrie au sujet de certains revenants, qui donnent la mort � bien des
gens en ce pays-l�. Je puis vous en parler savamment: car j'ai �t�
plusieurs ann�es dans ces quartiers-l�, et je suis naturellement curieux.
J'ai ou� en ma vie raconter une infinit� d'histoires ou pr�tendues telles,
sur les esprits et sortil�ges; mais de mille � peine ai-je ajout� foi � une
seule: on ne peut �tre trop circonspect sur cet article sans courir risque
d'en �tre la dupe. Cependant il y a certains faits si av�r�s, qu'on ne peut
se dispenser de les croire. Quant aux revenants de Hongrie, voici comme la
chose s'y passe. Une personne se trouve attaqu�e de langueur, perd
l'app�tit, maigrit � vue d'oeil, et au bout de huit ou dix jours,
quelquefois quinze, meurt sans fi�vre ni aucun autre sympt�me, que la
maigreur et le dess�chement.

�On dit en ce pays-l� que c'est un revenant qui s'attache � elle et lui
suce le sang. De ceux qui sont attaqu�s de cette maladie, la plupart
croyent voir un spectre blanc, qui les suit partout comme l'ombre fait le
corps. Lorsque nous �tions en quartier chez les Valaques, dans le Bannat de
Temeswar, deux cavaliers de la compagnie dont j'�tois cornette moururent de
cette maladie, et plusieurs autres qui en �toient encore attaqu�s en
seroient morts de m�me, si un caporal de notre compagnie n'avoit fait
cesser la maladie, en ex�cutant le rem�de que les gens du pays emploient
pour cela. Il est des plus particuliers, et quoiqu'infaillible, je ne l'ai
jamais lu dans aucun rituel. Le voici: �On choisit un jeune gar�on qui est
d'�ge � n'avoir jamais fait oeuvre de son corps, c'est-�-dire, qu'on croit
vierge. On le fait monter � poil sur un cheval entier qui n'a jamais
sailli, et absolument noir; on le fait promener dans le cimeti�re, et
passer sur toutes les fosses: celle o� l'animal refuse de passer malgr�
force coups de corvache qu'on lui d�livre, est r�put�e remplie d'un
vampire; on ouvre cette fosse, et l'on y trouve un cadavre aussi gras et
aussi beau que si c'�toit un homme heureusement et tranquillement endormi:
on coupe le col � ce cadavre d'un coup de b�che, dont il sort un sang des
plus beaux et des plus vermeils et en quantit�. On jureroit que c'est un
homme des plus sains et des plus vivans qu'on �gorge. Cela fait, on comble
la fosse, et on peut compter que la maladie cesse, et que tous ceux qui en
�toient attaqu�s, recouvrent leurs forces petit � petit, comme gens qui
�chappent d'une longue maladie, et qui ont �t� ext�nu�s de longuemain.
C'est ce qui arriva � nos cavaliers qui en �toient attaqu�s. J'�tois pour
lors commandant de la compagnie, et mon capitaine et mon lieutenant �tant
absens, je fus tr�s-piqu� que ce caporal e�t fait faire cette exp�rience
sans moi.�

Dom Calmet[1] rapporte encore deux faits de vampirisme en Pologne:

[Note 1: M�me ouvrage, t. II, p. 72-73.]

�A Warsovie, un pr�tre ayant command� � un sellier de lui faire une bride


pour son cheval, mourut auparavant que la bride f�t faite; et comme il
�toit de ceux que l'on nomme vampires en Pologne, il sortit de son tombeau
habill� comme on a coutume d'inhumer les eccl�siastiques, prit son cheval �
l'�curie, monta dessus, et fut � la vue de tout Warsovie � la boutique du
sellier, o� d'abord il ne trouva que la femme qui fut fort effray�e, et
appela son mari, qui vint; et ce pr�tre lui ayant demand� sa bride, il lui
r�pondit: Mais vous �tes mort, M. le cur�; � quoi il r�pondit: Je te vas
faire voir que non, et en m�me tems le frappa de telle sorte que le pauvre
sellier mourut quelques jours apr�s et le pr�tre retourna en son tombeau.�

�L'intendant du comte Simon Labienski, Staroste de Posnanie, �tant mort, la


comtesse douairi�re de Labienski voulut, par reconnaissance de ses
services, qu'il fut inhum� dans le caveau des seigneurs de cette famille;
ce qui fut ex�cut�. Quelque tems apr�s, le sacristain qui avoit soin du
caveau s'aper�ut qu'il y avoit du d�rangement, et en avertit la comtesse,
qui ordonna suivant l'usage re�u en Pologne qu'on lui coup�t la t�te, ce
qui fut fait en pr�sence de plusieurs personnes, et entre autres du sieur
Jonvinski, officier polonois et gouverneur du jeune comte Simon Labienski,
qui vit que lorsque le sacristain tira ce cadavre de sa tombe pour lui
couper la t�te, il grin�a les dents, et le sang en sortit aussi fluide que
d'une personne qui mourroit d'une mort violente, ce qui fit dresser les
cheveux � tous les assistans, et l'on trempa un mouchoir blanc dans le sang
de ce cadavre dont on fit boire � tous ceux de la maison pour n'�tre point
tourment�s.�

PR�SAGES

I.--PR�SAGES DE GUERRE, DE SUCC�S ET DE D�FAITES.

�Parcourez, si vous voulez, tous les si�cles, dit Gaffarel[1], vous n'en
trouverez pas un, suivant ceste v�rit�, o� quelque nouveau prodige n'ait
monstr� ou les biens, ou les malheurs qu'on a veu naistre. Ainsi vit-on un
peu auparavant que Xerx�s couvr�t la terre d'un million d'hommes des
horribles et espouventables m�t�ores, pr�sages du malheur, qui arriva tout
aussi bien du temps d'Attila surnomm� _flagellum Dei_; et si on veut se
donner la peine de prendre la chose de plus haut, la pauvre J�rusalem
fut-elle pas advertie du malheur qui la rendit la plus d�sol�e des villes,
par mille semblables prodiges? car souvent on vit en l'air des arm�es en
ordre avec contenance de se vouloir choquer: et un jour de la Pentechoste,
le grand prestre entrant dans le temple pour faire les sacrifices que Dieu
ne regardait plus, on ou�t un bruit tout soudain et aussitost une voix qui
cria: �Retirons-nous d'icy!� Je laisse l'ouverture de la porte de cuivre
sans qu'on la touchast et mille autres prodiges racont�s dans Josephe.

[Note 1: _Curiositez inouyes_, p. 57.]

�Apian a marqu� ceux qui furent veus et ouys devant les guerres civiles,
comme voix espouvantables et courses �tranges des chevaux qu'on ne voyait
point. Pline a descrit ceux qui furent pareillement ouys aux guerres
Cymbriques et entre autres plusieurs voix du ciel et l'alarme que sonnaient
certaines trompettes horribles. Auparavant que les Lac�d�moniens fussent
vaincus en la bataille Leuctrique, on o�yt dans le temple les armes qui
rendirent son d'elles-mesmes: et environ ce temps, � Thebes, les portes du
temple d'Hercule furent ouvertes sans qu'aucun les ouvrit, et les armes qui
estoient pendues contre la muraille furent trouv�es � terre comme le d�duit
Cic�ron, non sans estonnement. Du temps que Miltiades alla contre les
Perses, plusieurs spectres en firent voir l'�v�nement, et sans m'escarter
si loin, voyez Tite Live qui, pour s'estre pleu � descrire un bon nombre de
semblables merveilles, quelques autheurs lui ont donn� le titre non
d'historien, mais de trag�dien. Que si nous voulons passer dans les autres
si�cles qui ne sont pas si �loign�s de nous, nous trouverons que du r�gne
de Th�odose, on vit de mesme une estoille portant esp�e: et du temps du
sultan Selim, mille croix qui brillaient en l'air et qui annon�aient la
perte que les chr�tiens firent apr�s.�

Fran�ois Guichardin[1] parlant du commencement de la guerre port�e par les


Fran�ais au del� des monts pour la conqu�te du royaume de Naples, dit ceci
sur les affaires de 1494: �Chascun demeuroit esperdu des bruits courans
qu'en divers endroits d'Italie l'on avoit veu des choses repugnantes au
cours de nature et des cieux. Que de nuit en l'Apouille estoyent aparus
trois soleils au milieu du ciel, environnez de nuages, avec horribles
esclairs, foudres et tonnerres. Qu'au territoire d'Arezze estoyent
visiblement passez par l'air infinis hommes armez, montez sur puissans
chevaux, avec un terrible retentissement de trompettes et de tambours. Que
les images des saints avoyent su� en plusieurs lieux d'Italie. Que partout
estoyent nez plusieurs monstres d'hommes et d'animaux. Que plusieurs autres
choses estoyent avenues contre l'ordre de nature en divers endroits, au
moyen de quoi se remplissoyent d'une crainte incroyable les peuples desja
estonez pour la renomm�e de la puissance et vaillance ardente des
Fran�ois.�

[Note 1: Au Ier livre de son _Histoire des guerres d'Italie_,


section XVI, cit� par Goulart, _Thr�sor des histoires admirables_,
t. V, p. 322.]

�Le Milanois, dit Goulart, fut averti en l'an 1520 et en l'an 1521 par
divers estranges pr�sages des grands changemens qui y avinrent es divers
evenements de la guerre, et les d�solations incroyables de tout le pays sur
lequel il tomba du ciel douze cens pierres de grele de couleur de fer
enrouill�, extremement dures, et qui sentoyent le soulfre. Deux heures
devant qu'elles tombassent, il se fit au ciel un feu du tout extraordinaire
de merveilleuse estendue et fort ardant. Cest merveille que l'air ait
soustenu si longuement un poids si lourd de tant de pierres entre
lesquelles on en trouva une pesant soixante livres et une autre deux fois
autant. Dedans deux ans apres les Fran�ois quitterent l'Italie, en laquelle
ils rentr�rent l'an 1515. Milan se vit r�duite � toute extr�mit� de
saccagement, guerres, embrasements, pestes. La foudre qui fit tant de
dommage au chateau de Milan l'an 1521 sembla pr�sager aussi la grande
r�volution des afaires qui y aparut depuis, tant en la mesme ann�e qu'es
suivantes comme il se void es r�cit de Guichardin en son _Histoire des
guerres d'Italie_.�

D'apr�s Gomez[1], �Quelques mois devant la bataille de Ravenne, l'an 1512,


l'Italie fut estonn�e par divers prodiges et fit estat d'estre battue de
force coups. Sur le couvent des Cordeliers de Mod�ne furent veus de nuict
des flambeaux allumez en l'air, et de jour apparurent l� mesme des
fantosmes en forme d'hommes qui s'entretuoyent. La ville de Creme fut en
plein midi couverte de si espaisses tenebres, que chascun y pensoit estre
en plein minuict. Tout l'air retentissoit de bruits espouvantables, les
esclairs extraordinaires, et multipliez sans gu�re d'intervalles faisoyent
un nouveau jour. Parmi cela survindrent des gresles extr�mement violentes
et si pesantes que le raport en semble incroyable.�
[Note 1: _Histoire de Ximenes_, liv. V, cit� par Goulard, _Thr�sor
des histoires admirables_, t. IV, p. 780.]

Paul Jove[1] raconte que �Devant que les Suisses sortissent de Novarre, o�
ils tenoient bon, l'an 1513, pour Maximilien Sforce, duc de Milan, contre
l'arm�e fran�oise, � laquelle commandoit le sieur de la Trimouille, assist�
de Jean-Jacques Trivulce et autres chefs de guerre, les chiens qui estoient
au camp des Fran�ois, s'amass�rent en troupes et entr�rent dedans Novarre,
o� se rendans es corps de garde, ils commenc�rent � faire feste aux
Suisses, par toutes les contenances coustumi�res � tels animaux lorsque
plus ils veulent amadouer leurs maistres. Jacques Motin d'Ury, vaillant
capitaine, comme il en fit preuve bientost apr�s, prenant cette reddition
des chiens � bon pr�sage, s'accourut vers l'empereur Maximilian, et
l'asseura que les Fran�ois seroient mis en d�route pour ce que les anciens
Suisses avoient tousjours marqu� que l'arm�e vers qui se rangeoyent les
chiens du parti contraire demeuroit victorieuse: les chiens quittant les
hommes couards et malheureux, pour se ranger aux vaillants et aux
fortunez.�

[Note 1: Livre II de ses _Histoires_.]

Le pr�sident de Thou[1] raconte ce qui suit: �Le propre jour que la ville
d'Afrique, jadis Aphrodisium fut prise sur les Turcs par l'arm�e de
l'empereur Charles V, de laquelle estoyent chefs Antoine Dore et Christofle
de Vegue, une plaisante avanture fut prise � bon pr�sage par les
assi�geants. Vegue avoit en ses pavillons une biche priv�e qu'on s�ait �tre
un animal qui se donne l'espouvante au moindre bruit qu'on face. Neantmoins
le jour de l'assaut environ le quinziesme de septembre 1550, ceste biche
non tracass�e de personne, ains de son mouvement, monte a la bresche et
sans s'esfaroucher au bruit des hu�es de tant de soldats, ni de
l'artillerie qui tonnoit horriblement, ni des baies qui siffloient de celle
part, passa outre, et entra la premi�re devant tous les soldats dedans la
ville, laquelle tost apr�s fut emport�e d'assaut, plusieurs Mores et Turcs
tu�s � la bresche et par les places, et dix mille personnes de divers aage
r�duites en captivit� par les victorieux.�

[Note 1: A la fin du Ve livre de l'_Histoire de son temps_.]

Alvaro Gamecius[1] raconte que �Le cardinal Ximenes s'aprestant pour aller
faire la guerre aux Mores en la coste de Barbarie, estant en un village
nomm� Vaiona, l'on y vid en l'air durant quelques jours une croix, de quoi
chascun discouroit � sa fantaisie. Ximenes pensant � ce prodige, et
prestant l'oreille aux diverses conjectures qu'on lui en proposoit, un de
la troupe lui dit: Monseigneur, ceste croix vous admoneste de partir sans
long d�lai: Vaiona est presque autant que Veayna, ce mot, en langue
espagnole (Ve-ayna) signifie _va viste_. En s'embarquant, la croix se
montra en Afrique: alors un evesque nomm� Cazalla s'�criant aux soldats
leur dit: Courage, mes amis! la victoire est nostre sous ce signal. Un
autre cas survint alors: c'est qu'un grand et furieux sanglier descendu des
costaux bocageux proches de la rade, traversa quelques compagnies bien
rang�es: sur quoi grandes hu�es se firent, chascun criant: Mahomet!
Mahomet! De sorte qu'� coups de dards et d'autres traits le sanglier fut
terrass� mort. Au contraire l'arri�re garde de l'arm�e des Mores fut
remarqu�e suivie d'un tr�s grand nombre de vautours, oiseaux carnassiers.
L'on n'entendoit es forests proche d'Oran que rugissemens de lions,
lesquels es nuicts suivantes s'assembl�rent par troupes et all�rent d�vorer
les corps tu�s. Comme les Espagnols assailloyent Oran, on vid deux arcs en
ciel sur la ville. Lors un docte personnage � la suite de Ximenes, eslongn�
del� se mit � crier: Oran est � nous! Ximenes en dit autant � ses amis: et
comme il continuoit � discourir de ce presage, les nouvelles lui vindrent
de la prise. Ce que je vais dire, adjouste Gomez, semblera de tout
admirable: mais rien ne fut estim� plus certain pour lors, et plusieurs le
remarquerent en leurs escrits. Outre les lettres de particuliers � leurs
amis, Gonsales, Gilles, et celui qui escrivit en latin l'histoire de ceste
guerre de Barbarie, afferment tr�s expressement que le soleil s'arresta et
contint son cours quatre heures et plus durant le combat des Espagnols
contre les Mores d'Oran. Car ainsi que les Espagnols pretendoyent gagner la
montagne, le soleil commen�oit � baisser: ce qui troubloit fort Pierre de
Navarre, chef des troupes, ne les voyant encore qu'au pied de la montagne.
Ximenes avoit bien remarqu� cest arrest du soleil, mais il s'en teut,
jusques � ce que cette merveille fut divulgu�e partout. On asseure aussi
que quelques Mores ayant pris garde � cela, tout estonnez de ce signe du
tout extraordinaire et miraculeux, abjurerent le mahom�tisme et se firent
baptiser.�

[Note 1: Au IVe livre de l'_Histoire de Fr. Ximenes_, cit� par


Goulart, _Thr�sor des histoires admirables_, t. IV. p. 682.]

D'apr�s Joachim Curseus[1], �Matthias surnomm� Corvin, couronn� roi de


Hongrie l'an 1464, quelques ann�es apr�s faisant forte guerre aux Turcs,
sans vouloir entendre ni � paix ni � trefve avec eux, assiegea une de leurs
forteresses nomm�e Sabaai, quoiqu'elle e�t cinq mille hommes de guerre en
garnison. Il la fit battre rudement, et durant les plus grands tonnerres de
son artillerie, portant balles de calibre et poids extraordinaire,
s'endormit si profond, quoique d'ordinaire ce fust le plus vigilant et le
moins dormant de son temps, qu'il ne se resveilla qu'� haute heure, encore
que son chambellan l'appelast souvent et � haute voix. Ce qui lui fut un
presage de victoire, car tost apres, il for�a ceste place paravant estim�e
imprenable. Plutarque en dit autant d'Alexandre le Grand devant la bataille
d'Arbelles contre Darius.�

[Note 1: En ses _Annales de Sil�sie_, cit� par Goulart, _Thr�sor


des histoire admirables_, t. III, p. 320.]

Suivant Arluno[1], �Peu avant la prise de Ludovic Sforce, duc de Milan,


emmen� prisonnier en France, o� il mourut � Loches, on ouit autour du
chasteau de Milan, sur la miniuct, un cliquetis d'armes, des sons de
tambours et fanfares de trompettes; on vid des baies enflamm�es lescher les
murailles. Dans le chasteau furent veus des conils ayans deux testes, des
chiens furieux courir de chambre en chambre, et disparoir soudainement.
Auparavant, comme Sforce faisoit revue de son arm�e, presque au mesme
endroit o� quelque temps apr�s il fut pris prisonnier, le cheval de guerre
sur lequel il estoit mont� fondit par deux fois sous son maistre, et
broncha par terre, sans qu'au cheval apparust douleur, foulure ni foiblesse
quelconque.�

[Note 1: En son _Histoire de Milan_, IIe section, cit�e par


Goulart, _Thr�sor des histoires admirables_, tome IV, p. 332.]

Le docteur Aubery[1] cit� par Goulart, raconte que �En la chapelle de


Bourbon l'Archambauld � cinq lieues de Moulins, se pr�sentent infinis
embellissemens en pierre, bois, bronze et es vitres merveilleuses en
l'esmail de leurs diverses couleurs. Les vistres qui sont au cost� du
couchant se voient enrichies de fleurs de lys sans nombre, et travers�es
ci-devant d'une barre. Mais le mesme jour que Henri III fut meschamment
assassin�, la foudre emporta cette barre, sans endommager les fleurs de lys
qui la touchoient: pr�sage heureux de l'acquisition du sceptre de France
due � la royale maison de Bourbon.�

[Note 1: Aubery, docteur m�decin, en son _Traict� des bains de


Bourbon-Lancy et Archambauld_.]

�Le jour qu'Alexandre de M�dicis, duc de Florence, fut tu� en sa chambre,


et de la main de Laurent de M�dicis, son cousin, l'an 1537, dit Goulart,
d'apr�s le suppl�ment de Sabellic, en saison d'hiver, le verger et le
jardin de Cosme de M�dicis, son successeur, reverdit et florit, tous les
autres vergers et jardins dedans et dehors la ville de Florence demeurant
en leur estat, selon la saison.�

Goulart raconte, d'apr�s Curoeus[1], que �Le dixiesme jour de septembre


l'an 1513, Jacques, quatriesme de ce nom, roy d'Escosse, ayant embrass� le
parti de France, s'esleva contre l'Angleterre, et la querelle s'eschauffa
tellement qu'il y eut bataille donn�e en laquelle le roy Jaques et la fleur
de la noblesse d'Escosse mourut sur le champ. Lors y avoit un gentilhomme
escossois serr� fort estroitement en prison � Londres, lequel dit tout
haut, plusieurs l'oyans quelques heures avant la bataille: Si les deux
arm�es (angloise et escossoise) combattent aujourd'hui, je s�ay pour
certain que le roy mon seigneur sera le plus foible. Car je remarque en ce
conflict et tourbillon des vents en l'air, que les vents sont
merveilleusement contraires � l'Escosse. Ceste parole ne fut pas sans
raison et sans �v�nement: car il est certain que les anges conservateurs
des estats publics et de l'ordre establi de Dieu combattent fermement
contre les esprits malins qui prennent plaisir aux meurtres, et au
renversement du bon ordre que le seigneur aprouve, comme on lit en
l'histoire de Perse, o� l'ange raconte � Daniel que par longue espace de
temps il a r�prim� le malin esprit, lequel incitoit les Grecs � aller
ruiner la monarchie persique.�

[Note 1: _Annales de Sil�sie_.]

�Il y a en Norwege, dit Ziegler[1], un lac nomm� le lac de Mos, dans lequel
(sur l'instant du changement es affaires publiques) aparoit un serpent de
longueur incroyable. L'an 1522, on y en vid un, lequel avoit, autant que
plusieurs pr�sum�rent, cinquante brasses de longueur. Peu de temps apr�s le
roi Christierne second fut chass� de son royaume.�

[Note 1: _Description de Scondie_, cit� par Goulart, _Thr�sor


d'histoires admirables_.]

�Les peuples septentrionaux, ajoute Goulart, d'apr�s Olaus[1], disent que


les poissons monstrueux et non gu�res vus, venans � paroir en leur mer sont
pr�sages infaillibles de grands troubles par le monde.�

[Note 1: Olaus, au liv. XXI, ch. I.]

Cardan[1] rapporte que �L'an 1554, les pescheurs de Genes tirerent de la


mer une teste de poisson de grandeur prodigieuse, car on conta du fond de
la gorge au bout du museau dix-neuf pas. L'ann�e suivante, les Genois
perdirent l'isle de Corse.�

[Note 1: Au LXXIVe chap. du XIVe livre _de la Diversit� des


choses_.]
II.--PR�SAGES DE NAISSANCE

�L'evesque d'Olmutz raconte, dit Goulart[1], que lorsque Wenceslas, depuis


empereur (sous lequel survindrent beaucoup de d�sordres en Alemagne, en
Boheme et ailleurs) nasquit, le feu se prit � l'�glise de Saint-Sebauld, en
la ville de Nuremberg, o� l'on chaufoit l'eau pour le baptiser, qu'il urina
dedans les fonds et fit des ordures sur l'autel; sa m�re, femme de
l'empereur Charles IV, mourut en cette couche de Wenceslas, lequel fut le
plus ch�tif empereur que l'Alemagne ait veu.�

[Note 1: Au XXIIIe livre de l'_Histoire de Boheme_.]

D'apr�s Abraham Bucholcer[1]. �Jean Frideric, electeur de Saxe, n� le


trentiesme jour de juillet 1503, apporta du ventre de sa m�re le presage de
son avanture, as�avoir sur son dos une croix luisante comme or, laquelle
veu� par un homme d'eglise venerable par sa vieillesse et pi�t�, lequel
avoit est� appelle par les dames de chambre de l'�lectrice, il dit: Ce
petit enfant portera quelque jour une croix que tout le monde verra, puis
que des son entr�e au monde il en a l'enseigne si manifeste. On en vid le
commencement en la princesse Sophie, sa m�re, laquelle mourut douze jours
apr�s cest acouchcment.�

[Note 1: En sa _Chronologie_.]

�J'ai apris de gens dignes de foi, dit le docteur Philippe Camerarius[1],


que le tr�s puissant roi de la Grand'Bretagne, Jacques, venant au monde,
fut veu ayant sur le corps un lyon et une couronne bien apparente, aucuns
disent de plus une esp�e: marques de grand presage et dignes de plus ample
consideration.�

[Note 1: Au IIIe vol. de ses _M�ditations historiques_, liv. III,


ch. II.]

Suivant Marin Barlet[1], �La princesse d'Albanie, fort enceinte, songea


qu'elle se delivroit d'un grand serpent, qui de son corps couvroit
l'Albanie, ouvroit la gueule sur la Turquie pour l'engloutir, et estendoit
doucement la queue vers Occident. Elle se delivra d'un fils, lequel avoit
sur le bras droit la forme d'une esp�e bien emprainte. Il fut nomm� George,
puis, par les Turcs, Scanderberg, c'est-�-dire seigneur Alexandre. Ce fut
un tr�s sage, tr�s heureux et tr�s valeureux prince, qui fit rude guerre
aux Turcs.�

[Note 1: _Vie de Scanderberg_, cit� par Goulart, _Thr�sor des


histoires admirables_, t. III, p. 314.]

Baptiste Fulgose[1] raconte que �Elisabet d'Arc, pa�sanne lorraine, estant


fort enceinte, elle conta � ses voisins, au village, avoir song� qu'elle
enfantoit la foudre, dont elles ne firent que rire. Tost apr�s elle acoucha
d'une fille, ce qui augmenta la ris�e. Ceste fille, nomm�e Jeanne, et
surnomm�e la Pucelle, devenue en aage, quitta les moutons, prit les armes,
et fut une vraye fouldre de guerre: car par une speciale faveur et force
divine, elle ravit aux Anglois, possesseurs de la pluspart du royaume de
France, tout le bonheur dont ils avoyent jouy plusieurs ann�es, les
afoiblit, batit et harassa en tant de rencontres et de si�ges, qu'ils
furent contraints quitter tout. Finalement, Jeanne, prise en certaine
sortie, fut brusl�e vive par les Anglois, lesquels depuis ne dur�rent
gueres en France, ains repass�rent la mer.�

[Note 1: Au liv. I, chap. V, du recueil de ses _Histoires


m�morables_, cit� par Goulart, _Thr�sor des histoires admirables_,
t. III, p. 341]

Jean Fran�ois Pic de la Mirandole[1] raconte que �Bien peu de temps avant
la naissance de Jean Picus, prince de la Mirandole, tant renomm� entre les
doctes de nostre temps, l'on descouvrit un grand globe de flamme ardante
sur la chambre de la m�re de ce prince, lequel globe de feu disparut
incontinent. Cela presageoit premi�rement en la forme ronde la perfection
de l'intelligence qu'auroit l'enfant, lequel nasquit en ceste chambre au
mesme instant, et qui seroit admir� de tout le monde, � cause de la prompte
vivacit� de son esprit, tout �pris de l'amour des sciences, de la
sp�culation des choses sublimes, et de la continuelle contemplation des
mysteres celestes. Outre plus, ce feu sembloit presager l'excellence du
parler de ce prince, lequel embrasoit ses auditeurs en l'amour des choses
divines: mais que ce feu ne feroit que passer. De fait, ce grand prince
mourut fort jeune, as�avoir en l'aage de trente-deux ans, l'an 1494, au
mois de novembre, estant n� le vingt-quatriesme de fevrier 1463.�

[Note 1: En la _Vie de Pic de la Mirandole_, son oncle.]

�Jerosme Fracastor de Verone, encore fort petit, � ce que raconte l'auteur


de sa vie[1], estant port� entre les bras de sa mere un jour d'est�, l'air
venant � se troubler, voici un coup de fouldre, lequel atteint et tue la
m�re, sans que son petit enfant fust tant soit peu offens�, presage de
l'illustre renomm�e d'icelui, docte entre les doctes qui ont est� depuis
cent ans.�

[Note 1: _Vie de J. Fracastor_, cit� par Goulart, _Thr�sor des


histoires admirables_, t. III, p. 315.]

III.--PR�SAGES DE MORT

Goulart[1], d'apr�s un livre intitul� _la Mort du roi_ a fait un chapitre


entier sur les avertissements merveilleux et pr�dictions de diverses sortes
de la mort du roi Henri IV; on y trouve ceux-ci:

[Note 1: _Thr�sor des histoires admirables_ t. IV, p. 436.]

�On ne parloit en ce temps-l� que de quelque grand accident qui devoit


arriver. On rappeloit la m�moire de plusieurs pr�dictions sur les com�tes,
les �clipses et les conjonctions des plan�tes sup�rieures. Leovice avoit
conjur� les rois qui estoient sous le B�lier et la Balance de penser � eux.
L'estoile veue l'ann�e precedente en plain midi avoit est� consider�e par
les mathematiciens comme un signal de quelque sinistre effect. La rivi�re
de Loire s'estoit desbord�e en pareille fureur qu'au temps de la mort
violente de Henri II et Henri III. Les saisons perverties, l'extreme froid,
l'extreme chaleur, et ces montagnes de glace que l'on vid sur les rivi�res
de Loire et de Sa�ne, mettoyent les esprits en pareilles appr�hensions. On
avoit fait courir par Paris des vers de la Samaritaine du Pont-Neuf �
l'imitation des centuries de Nostradamus, qui parloit clairement de la mort
du roi.

�L'arbre plant� en la cour du Louvre, le premier jour de mai tomba de


soi-mesme, sans effort et contre toute apparence, la teste devers le petit
degr�. Bassompierre voyant cela dit au duc de Guise, avec lequel il estoit
apuy� sur les barres de fer du petit perron au devant de la chambre de la
roine, qu'en Alemagne et en Italie on prendroit ceste cheute � mauvais
signes, et pour le renversement de l'arbre dont l'ombre servoit � tout le
monde. Le roi estimant qu'ils parloyent d'autre chose, porta sa teste tout
bellement entre les leurs, escouta ce discours, et leur dit: Il y a vingt
ans que j'ai les oreilles battues de ces presages. Il n'en sera que ce
qu'il plaira � Dieu.

�Plusieurs choses furent prinses et remarqu�es � Sainct-Denis pour mauvais


augure. Le roi et la roine dirent que leur sommet avoit est� rompu par une
orfraye, oiseau nocturne et funebre, qui avoit crouass� toute la nuict sur
la fenestre de leur chambre. La pierre qui sert � l'ouverture de la cave o�
sont enterrez les rois, se trouva ouverte. La curiosit�, qui s'amuse �
toutes choses, prit � mauvais signe que le cierge de la roine s'esteignit
de soi-mesme; et que si elle n'eust port� sa main � sa couronne, elle fust
tomb�e deux fois. Le mesme jour du jeudi 13, ce mesme prince consid�rant
les th��tres si bien peuplez et en si bon ordre, dit que cela le faisoit
souvenir du jour du jugement et que l'on seroit bien estonn� si le juge se
presentoit.�

�L'empereur Maximilien Ier et Philippe Ier, son fils, roy d'Espagne, dit
Hedion en sa _Chronique_[1], estans en leur cabinet au palais de
Brusselles, pour resoudre de quelque afaire d'importance, un vent se leve
lequel arrache et jette hors de la paroy entre les deux princes une assez
grosse pierre, laquelle Philippe leve de terre: et comme il continuoit de
parler � son p�re, un tourbillon survint qui lui fit tomber ceste pierre
des mains, laquelle se brisa sur le planch�. C'est un presage, dit alors
Philippe � Maximilien, que vous serez bien-tost pere de mes enfans. Peu de
semaines apr�s, Philippe, jeune prince, mourut, laissant ses pupilles �
l'empereur Maximilien son p�re.�

[Note 1: Cit� par Goulart, _Thr�sor des histoires admirables_, t.


II, p. 915.]

Selon Paul Jove[1], �Le pape Adrian VI s'acheminant d'Espagne � Rome pour
son premier exploit voulut voir � Saragousse les os et reliques d'un
sainct: ce qui fit dire � plusieurs qu'Adrian mourroit bien tost. Il avint
alors aussi qu'une riche lampe de cristal, en l'�glise de ce sainct, se
brisa soudainement, dont toute l'huile fut vers�e sur Adrian et sur
quelques prestres autour de lui, dont leurs habillemens furent gastez.
Arriv� � Rome, le palais o� il demeuroit fut embras� et consomm� en un
instant. Il canoniza Benno, evesque aleman, et Antonin, archevesque de
Florence: mais il les suivit bientost et mourut apr�s icelles
canonizations, que l'on tient pour presages de mort prochaine aux papes qui
les font.�

[Note 1: En sa _Vie d'Adrian VI_, cit� par Goulart, _Thr�sor des


histoires admirables_, t. II, p. 945.]

D'apr�s Sabellic[1], Philebert de Chalon, prince d'Aurange, ayant assi�g�


Florence, entendit que secours venoit aux Florentins. Sur ce il resoud
d'aller au devant: et comme il vouloit monter � cheval, fait assembler
autour de lui les capitaines, et commande qu'on apporte des flaccons et des
tasses, les faisant emplir de vin, afin que tous beussent par ensemble.
Comme les uns et les autres estoient prests � boyre, voici une pluye
imp�tueuse et soudaine, le ciel estant fort serein auparavant, laquelle
arrouse abondamment le prince et ses capitaines, qui beuvoyent en pleine
campagne. Incontinent chacun dit son avis de ceste avanture. Le prince
rioit � gorge desploy�e: A ce que je voy, dit-il, compagnons, nous ne
parlerons que bien trempez � nos ennemis, puisque Dieu a voulu si
benignement verser de l'eau en nostre vin. Ce furent ses derniers propos:
car tost apr�s ayant charg� et rompu ce secours il fut au combat transperc�
d'un boulet, dont il mourut.�

[Note 1: Suppl�ment au XIIIe livre, cit� par Goulart, _Thr�sor des


histoires admirables_, t. II, p. 943.]

Joach. Camerarius[1] et Abr. Bucolcer[2], racontent ce qui suit selon


Goulart[3]: �Guillaume Nesenus, personnage excellent en s�avoir et crainte
de Dieu, s'estant jett� dedans une barque de pescheur en temps d'est�, pour
traverser l'Elbe, rivi�re qui passe � Witeberg en Saxe, comme c'estoit sa
coustume de s'esbatre quelques fois � passer ainsi ceste rivi�re, et
conduire lui-mesme sa barque, alla heurter alors contre un tronc d'arbre
cach� dedans l'eau, qui renversa la barque, et Nesenus au fond dont il ne
peut eschapper, ains fut noy�. Cela avint sur le soir. Le mesme jour, un
peu apr�s disn�, comme Camerarius sommeilloit, avis lui fut qu'il entroit
une barque de pescheur et qu'il tomboit en l'eau. Sur ce arriva vers lui,
Philippe Melanchthon son familier ami, auquel il fit en riant le conte de
ce sien songe, tenant sa vision pour chose vaine... Melanchthon et
Camerarius devisans ensemble de ce songe et triste accident, se
ramentierent l'un � l'autre ce qui leur estoit advenu et � Nesenus peu de
jours auparavant. Ils faisoyent eux trois quelque voyage en Hesse, et ayans
couch� en une petite ville nomm�e Trese, le matin passerent un ruisseau
proche de l�, pour y abreuver leurs chevaux. Comme ils estoyent en l'eau,
Nesenus decouvre en un costeau proche de l� trois corbeaux croquetans,
battans des aisles et sautelans. Sur ce il demande � Melanchthon que lui
sembloit de cela? Melanchthon respondit promptement: Cela signifie que l'un
de nous trois mourra bien tost. Camerarius confesse que ceste response le
poignit jusques au coeur, et le troubla grandement; mais Nesenus ne fit
qu'en secouer la teste, et poursuivit son chemin alaigrement. Camerarius
adjouste qu'il fut en termes de demander � Melanchthon la raison de cette
sienne conjecture; et que tost apres Melanchthon lui dit que, se sentant
foible et valetudinaire, il ne pouvoit estimer que sa vie deut estre gueres
plus longue. Et je ne ramentoy point ces choses, dit-il, comme si
j'attribuois quelque efficace au vol et mouvement des oiseaux, ni ne fay
point de science des conjectures qu'on voudroit bastir l� dessus: comme
aussi je s�ay que Melanchthon ne s'en est jamais souci�. Mais j'ai bien
voulu faire ce recit pour monstrer que parfois on void avenir des choses
merveilleuses dont il ne faut pas se mocquer, et qui apres l'evenement
sugg�rent diverses pens�es � ceux qui les voyent ou en entendent parler.�

[Note 1: _Vie de Ph. M�lanchthon_.]

[Note 2: _Indices chronologiques_, an 1524.]

[Note 3: _Thr�sor des histoires admirables_, t. I, p. 373.]

Au r�cit de Zuinger[1], �La peste estant fort aspre es environs du Rhin


l'an 1364, plusieurs mourans � Basle avoyent ceste coustume par pr�sage
merveilleux au fort de la maladie, et quelques heures devant que rendre
l'�me, d'appeller par nom et surnom quelqu'un de leurs parens, alli�s,
voisin ou amis. Ce nomm� tomboit tost apr�s malade, et faisoit le mesme,
ainsi cest appel continuoit du troisiesme au quatriesme, et consequemment:
en telle sorte qu'on eust dit que ces malades estoyent les huissiers de
Dieu pour adjourner ceux que la providence d�signoit � comparoir en
personne devant lui.�

[Note 1: En son _Th��tre de la vie humaine_, cit� par Goulart,


_Thr�sor des histoires admirables_, t. II, p. 446.]

D'apr�s Camerarius,[1] �Les comtes de Vesterbourg ont pr�s du Rhin un


chasteau basti en lieu fort haut eslev�. La peste y estant survenu�, les
comtes s'en retirerent pour aller quelques jours en air meilleur et plus
asseur�, o� ils s�journerent trop peu. De retour, comme ils montoyent au
chasteau, et approchoyent de la porte, la cloche de l'horloge pos�e en une
haute tour sonne onze heures en lieu de trois ou quatre apr�s midi. Cest
accident extraordinaire occasiona les comtes de s'enquerir du portier
paravant laiss� seul au chasteau pour le garder, que vouloit dire ce
changement. Il protesta n'en s�avoir rien, veu qu'on avoit laiss� l'horloge
plusieurs jours, sans qu'aucun y eust touch�. Incontinent la peste se
renouvella, laquelle emporta les comtes et toutes les personnes rentr�es
avec eux au chasteau: le nombre fut d'onze, autant que l'horloge, avoit
sonn� de coups.�

[Note 1: Au IIIe vol. de ses _M�ditations historiques_, liv. I, ch.


XV, cit� par Goulart, _Thr�sor des histoires admirables_, t. III,
p. 318.]

�En la seigneurie de l'archevesque et electeur de Treves, se void, dit


Camerarius[1], un vivier ou estang en lieu conu de ceux du pays, duquel
quand il sort quelque poisson de grandeur desmesur�e, et qui se monstre, on
tient que c'est un certain presage de la mort de l'�lecteur, et que par
longue suite d'ann�es on a v�rifi� ceste avanture. En la baronnie de
Hohensax, en Suisse, quand un de la famille doit mourir, des plus hautes
montagnes qui s�parent la baronnie d'avec le canton d'Appenzel, tombe une
fort grosse pierre de rochers avec tant de bruit que le roulement d'icelle
est entendu clairement pr�s et loin, jusques � ce qu'elle s'arreste en la
plaine du chasteau de Fontez.�

[Note 1: En ses _M�ditations historiques_, vol. III, liv. I, ch.


XV, cit� par Goulart, _Thr�sor des histoires admirables_. t. III,
p. 318.]

Taillepied[1] cite ce fait rapport� par L�on du Vair: �Que dirai-je du


monast�re de Saint-Maurice, qui est situ� es confins et limites de
Bourgongne, pr�s le fleuve du Rhosne? Il y a l� dedans un vivier, auquel
selon le nombre de moines, on met aussi tant de poissons: que s'il arrive
que quelqu'un des religieux tombe malade, on verra aussi sur le fil de
l'eau un de ces poissons qui nagera comme estant demy-mort, et si ce
religieux doit aller de vie � trespas, ce poisson mourra deux ou trois
jours devant luy.�

[Note 1: _Trait� de l'apparition des esprits_, p. 139.]

�Le sixiesme jour d'avril 1490, dit Goulart[1], Mathias, roi de Hongrie,
surnomm� la frayeur des Turcs, mourut d'apoplexie � Vienne, en Austriche.
Tous les lyons que l'on gardoit en des lieux clos � Bude moururent ce jour
l�. Un peu devant le trespas du prince Jean Casimir, comte palatin du Rhin
et administrateur de l'�lectoral, le lyon qu'il faisoit soigneusement
nourrir mourut: ce que le prince prit pour presage de son deslogement. Un
cheval que Louis, roi de Hongrie, montoit, perit soudain, un peu devant la
bataille de Varne, en laquelle ce jeune prince demoura. Car ayant est� mis
en route, et voulant se sauver � travers un marests, le cheval qui le
portoit ne peut l'en desgager, ains y enfondra et perdit son maistre. Le
fr�re Battory, roi de Pologne, estant mort en Transsilvanie, le cheval du
roi mourut soudain, et quelques jours apr�s vindrent nouvelles du trespas
du prince deced� fort loin de l�.�

[Note 1: _Thr�sor des histoires admirables_, t. III. p. 316]

D'apr�s Joach. Camerarius[1], �Maurice, �lecteur de Saxe, prince vaillant


et excellent, eut divers presages de sa mort peu de jours avant la bataille
donn�e l'an 1553, entre lui et Albert, marquis de Brandebourg, lequel il
mit en route. La teste d'une siene statue de pierre fut emport�e d'un coup
de fouldre, sans que les statues des autres �lecteurs eslev�es en lieu
public en une ville de Saxe nomm�e Berlin, fussent tant soit peu atteintes
de cest esclat. Un vent impetueux s'esleva le jour precedent la bataille,
lequel arracha et deschira deux grands pavillons de l'electeur, en l'un
desquels on faisoit sa cuisine, en l'autre se dressoyent les tables pour
ses repas ordinaires. Au mesme temps il plut du sang aupr�s de Lipsic.�

[Note 1: En sa harangue fun�bre sur la mort de Maurice, �lecteur de


Saxe.]

�En l'�glise cath�drale de Mersburg, pr�s de Lipsic, dit Goulart[1], y a un


evesque et des chanoines ausquels il estoit loisible de se marier. Ils ont
laiss� en icelle de grands et riches joyaux donnez des longtemps, et ont
fait conscience de s'en accommoder. Pour la garde du temple il y a
ordinairement quelques hommes qui tour � tour veillent en icelui tant de
jour que de nuict. Iceux rapport�rent avoir observ� de fort longtemps et
entendu de leurs devanciers gardes que trois semaines avant le deces de
chascun chanoine de nuict se fait un grand tumulte dedans le temple: et
comme si quelque puissant homme donnoit de toute sa force quelques coups de
poing clos sur la chaire du chanoine qui doit mourir; laquelle ces gardes
marquent incontinent: et le lendemain venu en avertissent le chapitre.
C'est un adjournement personnel � ce chanoine, lequel meurt dedans trois
semaines apr�s.�

[Note 1: _Thr�sor des histoires admirables_, t. I, p. 549.]

Suivant un petit ouvrage anonyme[1], �Les Espagnols parlent d'une cloche en


Arragon par eux appell�e la cloche du miracle, en une colline pr�s de
Villela, laquelle (disent-ils) contient dix brasses de tour, sonne parfois,
mais rarement, de soi-mesme, sans estre agit�e par aucun instrument ni
moyen visible ou sensible, comme de mains d'hommes, de violence des vents,
de tremblement de terre, ou autres semblables agitations. Elle commence en
tintant, puis sonne � vol�e, par intervalles d'heures et de jours. Les
Portugais disent qu'elle sonna lors que le roi Sebastien fit le voyage
d'Afrique et en l'an 1601 depuis le 13 de juin jusques au 24, � diverses
reprises. On dit qu'elle sonna lorsque Alphonse V, roi d'Arragon, alla en
Italie pour prendre possession du royaume de Naples, en la mort de Charles
V, en une extr�me maladie du roi Philippe II arrest� � Badajos et au
trespass de la roine Anne, sa derni�re femme.�

[Note 1: _Histoire de la paix_, imprim�e � Paris par Jean Richer,


1607, p. 233 et 234.]
Taillepied[1] rapporte certains pr�sages qui pr�c�dent l'ex�cution des
condamn�s: �Il advient aussi beaucoup de choses estranges es chateaux o�
sera emprisonn� quelque malfaicteur digne de mort: car on y o�ra de nuict
de grands tintamarres, comme si l'on vouloit sauver par force le
prisonnier, et semblera que les portes doivent �tre forc�es; mais en allant
voir que c'est, on ne trouvera personne, et le prisonnier n'en aura rien
senty, ny ouy. On dit aussi que les bourreaux scavent souventes fois quand
ils doivent ex�cuter quelque malfaicteur � mort: car leurs �p�es desquelles
ils font justice leur en donnent quelque signe. Beaucoup de choses
adviennent touchant ces pauvres mis�rables qui se tuent eux-m�mes. Il a
fallu souvent les mener bien loing pour les jecter dans quelque grand'eau:
adonc si les chevaux qui les tiraient les descendoient de quelque montagne,
� grand'peine en pouvaient-ils venir � bout; et au contraire s'il falloit
monter ils estoient contraints de courir, tant cela les poussoit fort.�

[Note 1: _Trait� de l'apparition des esprits_, p. 138.]

IV.--AVERTISSEMENTS

�Souvent Dieu nous fait savoir, dit Gaffarel[1], ce qui doit arriver par
quelque signe int�rieur, soit en veillant, soit en dormant. Ainsi
Camerarius pr�tend qu'il y a des personnes qui sentent la mort de leurs
parents, soit devant ou apr�s qu'ils sont trespassez par une inqui�tude
estrange et non accoustum�e, fussent-ils � mille lieues loin d'eux. Feue ma
m�re Lucr�ce de Bermond avoit un signe presque semblable: car il ne mouroit
aucun de nos parents qu'elle ne songeast en dormant peu de temps
auparavant, ou des cheveux, ou des oeufs, ou des dents m�l�es de terre, et
cela estoit infaillible et moy mesme lorsqu'elle disoit qu'elle avoit song�
telles choses, j'en observois apr�s l'�v�nement.�

[Note 1: _Curiositez inouyes_.]

D'apr�s Taillepied[1], �On a observ� es maisons de ville que, quand quelque


conseiller devoit mourir, on entendoit du bruit en la place o� il s'asseoit
au conseil: comme le mesme advient aux bancs des �glises, ou en autres
lieux o� on aura fr�quent� et travaill�. Quand quelque moyne ou serviteur
de couvent sera malade, on verra de nuit faire une bi�re en la m�me sorte
qu'on la feroit par apr�s. On oit bien souvent es cimeti�res de village
faire une fosse avec grands soupirs et g�missemens quand quelqu'un doit
mourir, et comme elle sera faite le jour suivant. Quelquefois aussi pendant
que la lune luisoit on a veu des gens aller en procession apr�s les
fun�railles d'un mort. Aucuns disent que quand on voit l'esprit de
quelqu'un, et il ne meurt incontinent apr�s, c'est signe qu'il vivra
longtemps, mais il ne se faut pas amuser � telles sp�culations, ains
plustost chascun doit s'apprester comme s'il falloit mourir d�s demain afin
de n'estre abus�.�

[Note 1: _Trait� de l'apparition des esprits_, in-12, p. 137.]

Suivant Th. Zuinger[1] �Henry II, roi de France, ayant est� d�conseill� et
pri� nomm�ment par la reine sa femme de ne point courir la lance le jour
qu'il fut bless� � mort, ayant eu la nuict pr�c�dente vision expresse et
pr�sage du coup, ne voulut pourtant d�sister, mesme il contraignit le
comte, de Montgomerry de venir � la jouste. Comme ils s'apprestoyent �
rompre la derni�re lance, un jeune gar�on qui regardoit d'une fenestre ce
passe temps, commence � crier tout haut regardant et monstrant le comte de
Montgomerry: H�las! cest homme s'en va tuer le roy.�

[Note 1: _Th��tre de la vie humaine_, Ve vol., liv. IV.]

�Suivant Buchanan[1], �Jaques Londin, Escossois, d'honneste maison, ayant


est� longtemps travaill� d'une fi�vre, le jour devant que Jaques V, roy
d'Escosse fut tu�, se haussant un peu dedans son lict environ midi, et
comme tout estonn�, commence � dire tout haut � ceux qui estoyent autour de
lui: Sus, sus, secourez le roy: les parricides l'environnent pour le tuer.
Un peu apr�s il se met � pleurer et crier piteusement: Il n'est plus temps
de lui aider, le pauvre prince est mort. Incontinent apr�s, ce malade
expira.�

[Note 1: _Histoire d'Escosse_, liv. XVII. cit� par Goulart,


_Thr�sor des histoires admirables_, t. II, p. 944.]

�Un autre pr�sage du meurtre de ce prince fut comme conjoint avec le


meurtre mesme. Trois domestiques du comte d'Atholie, gentils-hommes bien
conus et vertueux, logez non gueres loin de la maison du roy, endormis
environ la minuict, il sembla � l'un d'eux couch� contre la paroy, nomm�
Dugal Stuart, que certain personnage s'aprochoit de lui, qui passant la
main doucement par dessus la joue et la barbe de Stuart lui disoit: Debout,
on veut vous tuer. Il s'esveille, et pensant � ce songe, l'un de ses
compagnons s'escrie d'un autre lict: Qui est-ce qui me foule aux pieds?
Stuart lui respond: C'est � l'avanture quelque chat qui rode ici la nuict.
Alors le troisiesme qui dormoit encor, s'esveillant en sursaut, se jette du
lict en bas et demande: Qui m'adonne bien serr� sur la joue? Sur ce il lui
semble que quelqu'un sautoit avec grand bruit par la porte hors de la
chambre. Comme ces trois gentilshommes devisoyent de leurs visions, voici
la maison du roy renvers�e avec grand bruit par violence et de pouldre �
canon, dont s'ensuit la mort du prince.�

D'apr�s le petit livre intitul� _la Mort du roi_, cit� par Goulart[1], �Le
vendredi quatorziesme jour de may 1610, une religieuse de l'abbaye de
Sainct-Paul en Picardie, soeur de Villers Hodan, gouverneur de Dieppe,
estant en quelque indisposition, fut visit�e en sa chambre par son abbesse,
soeur du cardinal de Sourdi, et apr�s qu'elles se furent entretenues de
paroles propres � leur condition, elle s'escria sans trouble ni sans les
agitations et frayeurs propres aux enthousiastes: Madame, faites prier Dieu
pour le roi: car on le tue. Et un peu apr�s: H�las! il est tu�! En la
conf�rence des paroles et de l'acte on a trouv� que tout cela n'avoit eu
qu'une mesme heure.�

[Note 1: _Thr�sor des histoires admirables_, t. IV.]

On lit dans une lettre de Mme de S�vign� au pr�sident de Monceau que, trois
semaines avant la mort du grand Cond�, pendant qu'on l'attendait �
Fontainebleau, M. de Vernillon, l'un de ses gentilshommes, revenant de la
chasse sur les trois heures, et approchant du ch�teau de Chantilly (s�jour
ordinaire du prince), vit, � une fen�tre de son cabinet, un fant�me rev�tu
de son armure, qui semblait garder un homme enseveli; il descendit de
cheval et s'approcha, le voyant toujours; son valet vit la m�me chose et
l'en avertit. Ils demand�rent la clef du cabinet au concierge; mais ils en
trouv�rent les fen�tres ferm�es, et un silence qui n'avait pas �t� troubl�
depuis six mois. On conta cela au prince, qui en fut un peu frapp�, qui
s'en moqua cependant, ou parut s'en moquer, mais tout le monde sut cette
histoire et trembla pour ce prince, qui mourut trois semaines apr�s.

On sait que le duc de Buckingham, favori de Jacques Ier, roi d'Angleterre,


fut assassin� en 1628 par Felton, officier a qui il avait fait des
injustices. Quelque temps avant sa mort, Guillaume Parker, ancien ami de sa
famille, aper�ut � ses c�t�s en plein midi le fant�me du vieux sir George
Villiers, p�re du duc, qui depuis longtemps ne vivait plus. Parker prit
d'abord cette apparition pour une illusion de ses sens; mais bient�t il
reconnut la voix de son vieil ami, qui le pria d'avertir le duc de
Buckingham d'�tre sur ses gardes, et disparut. Parker, demeur� seul,
r�fl�chit � cette commission, et, la trouvant difficile, il n�gligea de
s'en acquitter. Le fant�me revint une seconde fois et joignit les menaces
aux pri�res, de sorte que Parker se d�cida � lui ob�ir; mais il fut trait�
de fou, et Buckingham d�daigna son avis.

Le spectre reparut une troisi�me fois, se plaignit de l'endurcissement de


son fils, et tirant un poignard de dessous sa robe: �Allez encore, dit-il �
Parker; annoncez � l'ingrat que vous avez vu l'instrument qui doit lui
donner la mort.�

Et de peur qu'il ne rejet�t ce nouvel avertissement, le fant�me r�v�la �


son ami un des plus intimes secrets du duc. Parker retourna � la cour.
Buckingham, d'abord frapp� de le voir instruit de son secret, reprit
bient�t le ton de raillerie, et conseilla au proph�te d'aller se gu�rir de
sa d�mence. N�anmoins, quelques semaines apr�s, le duc de Buckingham fut
assassin�.

Paul Jove[1] rapporte que �Des chevaliers de Rhodes rendirent l'isle et la


ville au Turc le jour de No�l, l'an 1521. En mesme instant de ceste
reddition, comme le pape Adrian VI entroit en sa chapelle � Rome pour
chanter messe, ayant fait le douziesme pas, une grosse pierre du portail de
ceste chapelle se dissoult et tombe soudainement sur deux suisses de la
garde du pape, qui tout � l'instant en furent escrasez sur la place.�

[Note 1: En la _Vie d'Adrian VI_, cit� par Goulart, _Thr�sor des


histoires admirables_, t. III, p. 327.]

Cardan[1] raconte que �Baptiste, son parent, estudiant � Pavie, s'esveilla


de nuict, et d�lib�ra prendre son fusil pour allumer la chandelle. En ces
entrefaictes il entend une voix disant: Adieu, mon fils, je m'en vay �
Rome, et lui sembla qu'il voyoit une tr�s grande lumi�re, comme d'un fagot
de paille tout en feu. Tout estonn� il se cache sous la coultre de son
lict, et y demeure le reste de la nuict et la matin�e, jusques � ce que ses
compagnons retournent de la le�on. Ils frapent � la porte de la chambre,
dont leur ayant fait ouverture, et racont� son songe, il adjouste en
pleurant que c'estoyent nouvelles de la mort de sa m�re. Eux n'en firent
que seco�er les oreilles. Mais le lendemain il receut nouvelle que sa m�re
estoit d�c�d�e en la mesme heure qu'il avoit veu ceste grande lumi�re, en
un lieu �loign� d'environ une journ�e � pied loin de Pavie.�

[Note 1: _De la vari�t� des choses_, Ve livre, chap. LXXXIV, cit�


par Goulart, _Thr�sor des histoires admirables_, t. II, p. 1012.]

D'apr�s Zuinger[1], �Jean Huber, docte m�decin en la ville de Basle, estant


en l'article de la mort, avis fut la nuict � Jean Lucas Isel, honnorable
citoyen de Basle, demeurant lors � Besan�on, lequel ne s�avoit du tout rien
de ceste maladie, qu'il voyoit son lict couvert de terre fraischement
fossoy�e, laquelle voulant secouer, apr�s avoir jett� bas la couverte, il
vid (ce lui sembloit) Huber couch� tout de son long sous les linceux, en un
clin d'oeil transform� en petit enfant. La nuict du lendemain il eut une
autre vision: car il sembla qu'il oyoit divers piteux cris de personnes qui
plouroyent le trespas de Hubert, lequel vrayement estoit mort en ces
entrefaictes. Isel esveill� receut au bout de quelques jours nouvelles de
la mort de Huber.�

[Note 1: En son _Th��tre de la vie humaine_, Ve vol., liv. IV, cit�


par Goulart, _Thr�sor des histoires admirables_, t. II, p. 1044.]

D'apr�s des Caurres[1], �Possidonius historien, raconte de deux amis et


compagnons d'Arcadie, qui est une partie d'Acha�e en la Gr�ce, que venans
en la cit� de Megara apr�s Ath�nes, l'un logea � l'hostellerie, l'autre
pour espargner logea � un cabaret. Celuy qui �toit au grand logis, la nuict
en dormant vit son compagnon qui le prioit luy venir secourir, car son
tavernier estoit apres � le tuer. Quoy oyant, son compagnon s'esveilla et
estimant que ce fut un songe, se remist en son lict. Et si tost apr�s qu'il
fut endormy, voicy derechef son compagnon qui lui apparut, disant que
puisqu'il ne l'avoit secouru en sa vie, qu'il luy aidast � venger sa mort
contre le tavernier qui l'avoit meurdry, lequel avoit mis son corps sur une
charrette couverte de fumier, � fin que le matin il envoyast par son
chartier comme on a accoustum� � vuider le fumier, et luy dit qu'il se
trouvast le matin � la porte, l� o� il trouveroit le corps, ce qui fut
faict. Le chartier gagna au pied, et le cabaretier perdit la vie.�

[Note 1: _Oeuvres morales et diversifi�es_, p. 377.]

�Durant nos derni�res guerres, dit Goulart[1], un conseiller en la ville de


Montpeslier, personnage honorable, estant avec d'autres au temple, priant
Dieu, eut une vision soudaine de tous les endroits de sa maison: il lui
sembla qu'un sien petit fils unique tomboit d'une haute gallerie en la
basse cour de son logis. Il se leve en sursaut, va chez soi au grand pas,
demande son enfant, le trouve sain et sauf, raconte son extase, commet d�s
lors une chambri�re pour garder ce petit fils et de nuict et de jour. Trois
mois apr�s, ceste chambri�re infiniment soigneuse de l'enfant se trouva
avec icelui en la gallerie, et n'ayant fait que tourner le dos, l'enfant
tombe en la basse cour et est trouv� roide mort. Le conseiller esperdu se
prend � sa femme, qui n'en pouvoit mais, et la tanse fort asprement. Quatre
jours apr�s, comme ceste m�re d�sol�e ouvre certain cabinet, un fantosme
tout tel que son fils mort, se pr�sente � elle riant et feignant vouloir
l'embrasser. Lors elle s'escrie: Ha! Satan, tu veux me tenter. Mon Dieu,
assiste � ta servante. Ces mots prof�r�s, le fantosme s'esvanouit.�

[Note 1: _Thr�sor des histoires admirables_, tome III, p. 328.]

Les sorci�res ont eu quelquefois des corneilles � leur service, comme on le


voit par la l�gende qui suit, et qui, conserv�e par Vincent Guillerin[1], a
inspir� plus d'une ballade sauvage, en Angleterre et en Ecosse.

[Note 1: _Spect. hist_. lib. XXVI.]

�Une vieille Anglaise de la petite ville de Barkley exer�ait en secret au


XIe si�cle, la magie et la sorcellerie avec grande habilet�. Un jour,
pendant qu'elle d�nait, une corneille qu'elle avait aupr�s d'elle et dont
personne ne soup�onnait l'emploi, lui croassa je ne sais quoi de plus clair
qu'� l'ordinaire. Elle p�lit, poussa de profonds soupirs et s'�cria:
�J'apprendrai aujourd'hui de grands malheurs.�
�A peine achevait-elle ces mots, qu'on vint lui annoncer que son fils a�n�
et toute la famille de ce fils �taient morts de mort subite. P�n�tr�e de
douleur, elle assembla ses autres enfants, parmi lesquels �tait un bon
moine et une sainte religieuse; elle leur dit en g�missant:

�Jusqu'� ce jour, je me suis livr�e, mes enfants, aux arts magiques. Vous
fr�missez; mais le pass� n'est plus en mon pouvoir. Je n'ai d'espoir que
dans vos pri�res. Je sais que les d�mons sont � la veille de me poss�der
pour me punir de mes crimes. Je vous prie, comme votre m�re, de soulager
les tourments que j'endure d�j�. Sans vous, ma perte me para�t assur�e, car
je vais mourir dans un instant. Renfermez mon corps dans une peau de cerf,
dans une bi�re de pierre recouverte de plomb que vous lierez par trois
tours de cha�ne. Si, pendant trois nuits, je reste tranquille, vous
m'ensevelirez la quatri�me, quoique je craigne que la terre ne veuille
point recevoir mon corps. Pendant cinquante nuits, chantez des psaumes pour
moi, et que pendant cinquante nuits on dise des messes.�

�Ses enfants troubl�s ex�cut�rent ses ordres; mais ce fut sans succ�s. La
corneille, qui sans doute n'�tait qu'un d�mon, avait disparu. Les deux
premi�res nuits, tandis que les clercs chantaient des psaumes, les d�mons
enlev�rent, comme s'ils eussent �t� de paille, les portes du caveau et
emport�rent les deux cha�nes qui enveloppaient la caisse: la nuit suivante,
vers le chant du coq, tout le monast�re parut �branl� par les d�mons qui
entouraient l'�difice. L'un d'entre eux, le plus terrible, parut avec une
taille colossale, et r�clama la bi�re. Il appela la morte par son nom; il
lui ordonna de sortir. �Je ne le puis, r�pondit le cadavre, je suis li�e.�

�Tu vas �tre d�li�e,� r�pondit Satan; et aussit�t il brisa comme une
ficelle la troisi�me cha�ne de fer qui restait autour de la bi�re: il
d�couvrit d'un coup de pied le couvercle, et prenant la morte par la main,
il l'entra�na en pr�sence de tous les assistants. Un cheval noir se
trouvait l�, hennissant fi�rement, couvert d'une selle garnie partout de
crochets de fer; on y pla�a la malheureuse et tout disparut; on entendit
seulement dans le lointain les derniers cris de la sorci�re.�

FIN

* * * * *

TABLE DES MATI�RES

PR�FACE

LES DIABLES.
I.--Existence des d�mons

II.--Apparitions du diable

III.--Enl�vements par le diable

IV.--M�tamorphoses du diable

V.--Signes de la possession du d�mon

VI.--Sabbat

VII.--Union charnelle avec le diable--Incubes et Succubes

VIII.--Pacte avec le diable--Marque des sorciers

IX.--Fourberies et m�chancet�s du diable

LES BONS ANGES

LE ROYAUME DES F�ES.

I.--F�es

II.--Elfes

NATURE TROUBL�E.

I.--Poss�d�s--D�moniaque

II.--Ensorcel�s

III.--Hommes chang�s en b�tes--Lycanthropes--Loups-garous

IV.--Sortil�ges

MONDE DES ESPRITS.

I.--Nature des esprits

II.--Follets et Lutins

III.--Gnomes--Esprits des mines--Gardes des tr�sors

IV.--Esprits familiers

PRODIGES.

I.--Prodiges c�lestes

II.--Animaux parlants
EMPIRE DES MORTS.

I.--Ames en peine--Lamies et L�mures

II.--Revenants, spectres, larves, etc.

III.--Fant�mes

IV.--Vampires

PR�SAGES.

I.--Pr�sages de guerre, de succ�s et de d�faites

II.--Pr�sages de naissance

III.--Pr�sages de mort

IV.--Avertissements

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filed in a different way. The year of a release date is no longer part
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