Curiosités Infernales by Jacob, P. L., 1806-1884
Curiosités Infernales by Jacob, P. L., 1806-1884
Curiosités Infernales by Jacob, P. L., 1806-1884
Jacob
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Author: P. L. Jacob
Language: French
CURIOSIT�S
INFERNALES
PAR
P. L. JACOB
BIBLIOPHILE
1886
* * * * *
PR�FACE
Simon Goulart en envoyant � son fr�re Jean Goulart un volume de son
_Thr�sor des histoires admirables et m�morables_ lui dit: �Ce sont pieces
rapportees et enfilees grossi�rement ausquelles je n'adjouste presque rien
du mien, pour laisser � vous et � tout autre debonnaire lecteur la
meditation libre du fruit qu'on en peut et doit tirer. Dieu y apparoit en
diverses sortes pr�s et loin, pour maintenir sa justice contre les coeurs
farouches de tant de personnes qui le regardent de travers; item pour
tesmoigner en diverses sortes sa grace � ceux qui le reverent de pure
affection.�
�Les ignorans, dit Bodin[1], pensent que tout ce qu'ils oyent raconter des
sorciers et magiciens soit impossible. Les ath�istes et ceux qui contrefont
les s�avans ne veulent pas confesser ce qu'ils voyent, ne s�achans dire la
cause, afin de ne sembler ignorants. Les sorciers et magiciens s'en moquent
pour deux raisons principalement: l'une pour oster l'opinion qu'ils soyent
du nombre; l'autre pour establir par ce moyen le r�gne de Satan. Les fols
et curieux en veulent faire l'essay.�
* * * * *
CURIOSIT�S INFERNALES
LES DIABLES
�Voil� ce qu'en a laiss� par escrit, Marc Paul qui y a est�, qui vivoit
l'an 1250, je pensoy que ce fussent choses fabuleuses (et controuv�es �
plaisir ou pour quelque autre raison). Mais ayant leu les oeuvres de Teuet,
cosmographe, pour la plus grand part tesmoin oculaire de beaucoup de choses
que plusieurs autheurs ont laiss� par escrit, et entre autres de ce desert
de Lop, je n'ay plus creu que ce fussent fables.
�En Hirlande, il s'y void et entend des malins esprits parmi les montagnes,
et combien qu'aucuns disent que ce ne sont que des fausses visions qui
proviennent de ce que les habitans usent de viandes et breuvages vaporeux,
comme de pain faict de chair de poisson sech�. Et leur boire sont bieres
fortes. Mais i'ay sceu (asseurement) des Anglois qui y ont demeur� quelques
ann�es, qui vivoyent civilement et delicatement, qu'il y avoit des esprits
malins parmy les montagnes, lesquels molestent par leurs fa�ons de faire et
font peur aux voyageurs soit de jour et de nuict.
�Plusieurs autres d�mons luy ont donn� de grandes fascheries en son desert,
lui jettans sur son chemin des vaisselles d'or et d'argent, lesquelles
choses il voyoit soudain s'esvanouir.�
�Les Arabes qui, commun�ment voyagent par les deserts de leurs pays, y
voyent des visions espouvantables et quelquefois des hommes qui
s'esvanouissent incontinent, entre autres Teuet atteste avoir ouy dire � un
truchement arabe qui le conduisoit par l'Arabie d�serte nomm�e Geditel,
qu'un jour conduisant une caravanne par les deserts du royaume de
Saphavien, le sixiesme de juillet, � cinq heures du matin, luy Arabe et
plusieurs de sa suite ouyrent une voix assez esclattante, et intelligible
qui disoit en la mesme langue du pays: Nous avons longuement chemin� avec
vous. Il fait beau temps, suivons la droitte voye. Avint qu'un folastre
nomm� Berstuth, qui conduisoit quelques trouppes de chameaux, qui
toutesfois n'apercevoit homme vivant, la part d'o� venoit ceste voix,
respond: Mon compagnon, je ne s�ay qui tu es, suy ton chemin. Lors ces
paroles dites, l'esprit espouvanta si bien la trouppe compos�e de divers
peuples barbares qu'un chascun estoit presque esperdu, et n'osoyent � grand
peine passer outre.
�Et voil� comme l'on peut recueillir que ce ne sont fables (de dire) qu'il
y a des esprits malins par les deserts; et qu'il semble que Dieu permet
qu'ils habitent plus tost en ces lieux escartez que l� o� demeurent les
hommes � fin qu'ils n'en soyent si commun�ment offensez. Comme fit l'ange
Raphael duquel est parl� en la saincte Escriture, au livre de Tobie, qui
confina le demon qui avoit fait mourir sept maris � la fille de Raguel aux
deserts de la haute Egypte.
�Quelqu'un pourra objecter qu'il n'est pas vraysemblable que les demons qui
sont aux deserts de Lop, et d'ailleurs appellent les voyageans par leurs
noms, d'autant qu'iceux n'ont organes pour pouvoir parler suivant ce que
J�sus-Christ dit que les esprits n'ont ni chair ni os. Je respon, suivant
en l'opinion de S. Augustin, S. Basile, Coelius Rodigin et Appul�e, que les
anges se peuvent former des corps aeriens, de la nature la plus terrestre,
et par le moyen d'iceux parler comme firent ces trois anges qui apparurent
� Abraham. Et l'ange Gabriel, qui annon�a la conception de J�sus-Christ �
la Vierge Marie. Et que les demons s'en peuvent aussi forger non pas d'une
matiere si pure, mais plus abjecte.
�J'ay parl� d'un monstre chevre-pied qui apparut � sainct Anthoine, que je
pense avoir est� engendr� par le moyen de Satan, d'autre fa�on que les
autres demons. Neantmoins il requit ce sainct personnage de prier Dieu pour
luy et pour d'autres monstres habitans ce desert. Son corps n'estoit point
a�rien mais charnel, comme ceux des boucs. Il fut prins et men� tout vif en
Alexandrie vingt ans apr�s, au grand estonnement de tous ceux qui le
virent, et combien qu'on le voulust nourrir curieusement quelques jours
apr�s sa prise il mourut, et son corps fut sal� et embaum� et puis port� �
Antioche et pr�sent� � Constantin, fils du grand Constantin.
�Ils se rendent sensibles et visibles par les moyens des corps empruntez ou
formez en l'air ou en esblouissant le sens des personnes, et leur
pr�sentant des id�es en l'�me, qu'ils pensent voir par la ve�e ext�rieure
ainsi que S. Augustin dit, qu'aucuns de son temps pensoyent estre transmuez
par quelques sorci�res en bestes � corne, l� o� le bon sainct ne voyoit
autre cas que la figure de l'homme, mais le sens visible de ceux-cy estant
ensorcel� et perverti par la force de l'imagination causoit l'opinion de
leur changement o� l'effect estoit tout au contraire. Suivant ces discours,
il se void que par tout les demons ou diables s'efforcent de nuire �
l'homme, encor qu'il se retire au plus hideux et inhabitable desert du
monde, soit qu'il habite dans les plus populeuses villes, tousiours
taschera-il de le faire tresbucher.�
�CH. III. Ceux qui ont mauvaise vue et ou�e imaginent beaucoup de choses
qui ne sont pas.
�CH. IV. Beaucoup de gens se masquent, pour faire que ceux ausquels ils
s'adressent, pensent avoir veu et ou� des esprits.
�CH. V. Les prestres et moines ont contrefait les esprits et forg� des
illusions comme un nomm� Mundus abusa de Paulina par ce moyen, et Tyrannus
de beaucoup de nobles et honnestes femmes.
�CH. VI. Timoth�e Aelurus ayant contrefait l'ange, usurpe une cousch�e:
quatre jacopins de Berne ont forg� beaucoup de visions et de ce qui s'en
est ensuivi.
�CH. VIII. D'un cur� de Clavenne qui apparut � une jeune fille et luy fit
croire qu'il estoit la Vierge Marie et d'un autre qui contrefit l'esprit;
ensemble du cordelier escossois et du j�suite qui contrefit le le diable �
Ausbourg.�
�Pendant que j'escrivois cet oeuvre, j'ay entendu par des gens dignes de
foy, qu'en l'an 1569 il y avoit � Ausbourg, ville fort renomm�e
d'Allemagne, une servante et quelques serviteurs d'une grande famille qui
ne tenoyent pas grand compte de la secte des j�suites au moyen de quoy l'un
de ceste secte promit au maistre qu'il feroit ais�ment changer d'opinion �
ses serviteurs. Pour ce faire, apr�s s'estre d�guis� en diable, il se cacha
en quelque lieu de la maison o� la servante allant qu�rir quelque chose de
son gr�, ou y estant envoy�e par son ma�tre, trouva ce j�suite endiabl� qui
luy fit fort grand peur. Elle conta incontinent le tout � un de ses
serviteurs, l'exhortant de n'aller en ce lieu-l�. Toutefois peu apr�s il y
vint, et comme ce diable desguis� vouloit se ruer dessus, il desgaine son
poignard et perce le diable de part en part, tellement qu'il demeure mort
sur la place. Cette histoire a est� �crite et imprim�e en vers allemans, et
est maintenant entre les mains de tout le monde.
II.--APPARITIONS DU DIABLE
Le Loyer[1] pr�tend que les d�mons paraissent plus volontiers dans les
carrefours, dans les for�ts, dans les temples pa�ens et dans les lieux
infest�s d'idol�trie, dans les mines d'or et dans les endroits o� se
trouvent des tr�sors.
�Un gendarme nomm� Hugues avait �t� pendant sa vie un peu libertin et mesme
soup�onn� d'h�r�sie. Comme il �toit pr�s de la mort, une grande trouppe
d'hommes se pr�senta � luy et le plus apparent d'entre eux luy dit: Me
connois-tu bien, Hugues?--Qui es-tu, r�pondit Hugues?--Je suis, dit-il, le
puissant des puissants, et le riche des riches. Si tu crois que je te puis
pr�server du p�ril de mort, je te sauveray et ferai que tu vivras
longuement. Afin que tu s�aches que je te dis vray, s�aches que l'empereur
Conrad est � ceste heure paisible possesseur de son empire et a subjugu�
l'Allemagne et l'Italie en bien peu de temps. Il luy dit encore plusieurs
autres choses qui se passoient par le monde. Quand Hugues l'eut bien
escout�, il haussa la main dextre pour faire le signe de la croix, disant:
J'atteste mon Dieu et Seigneur J�sus-Christ, que tu n'es autre qu'un diable
menteur. Alors le diable lui dit: Ne hausse pas ton bras contre moy et tout
aussitost ceste bande de diables disparut comme fum�e. Et Hugues, le m�me
jour de la vision, trespassa le soir.�
�C'est aussy chose qu'on tient pour toute v�ritable et ainsi l'affirme
�rasme Albert, ministre de Basle, que trois jours devant que Carolostade
trespassa, le diable fut veu pr�s de luy en forme d'homme de haute et
�norme stature, comme Carolostade preschoit. Ce fut un pr�sage de la mort
future de cet h�r�tique.�
�Un homme ayant apport� � Picard une lettre d'importance arriva � onze
heures de nuit � son presbyt�re passant au travers de la cour close d'un
mur, et entra dans la cuisine qui �toit ouverte, o� il trouva Picard courb�
sur la table, et un homme noir et inconnu vis-�-vis de luy. Picard luy feit
sa r�ponse de bouche, passa de la cuisine dans une chambre basse, laquelle
il trouva pareillement ouverte; aussitost le d�posant entendit un cry
effroyable dont il avoit eu grand peur: ce vilain homme noir et inconnu luy
reprocha qu'il trembloit, et avoit peur.�
�Mais entre tous les contes, desquels j'aye jamais entendu parler, ou veu,
dit Jean des Caurres[1], cestui-cy est digne de merveille, lequel est
advenu depuis peu de temps � Rome. Un jeune homme, natif de Gabie, en une
pauvre maison, et de parents fort pauvres, estant furieux, de mauvaise
condition et de meschante conversation de vie, injuria son p�re, et luy fit
plusieurs contum�lies; puis estant agit� de telle rage, il invoqua le
diable, auquel il s'estoit vou�: et incontinent se partit pour aller �
Rome, et � celle fin entreprendre quelque plus grande meschancet� contre
son p�re. Il rencontra le diable sur le chemin, lequel avoit la face d'un
homme cruel, la barbe et les cheveux mal peignez, la robe us�e et orde,
lequel lui demanda en l'accompagnant la cause de sa fascherie et tristesse.
Il lui respondit qu'il avoit eu quelques paroles avec son p�re, et qu'il
avoit d�lib�r� de luy faire un mauvais tour. Alors le diable luy fit
r�ponse que tel inconv�nient luy estoit advenu; et ainsi le pria-il de le
prendre pour compagnon, et � celle fin que ensemble ils se vengeassent des
torts qu'on leur avoit faicts. La nuit doncques estant venue, ils se
retir�rent en une hostelerie, et se couch�rent ensemble. Mais le malheureux
compagnon print � la gorge le pauvre jeune homme, qui dormoit profond�ment
et l'eust estrangl�, n'eust est� qu'en se r�veillant il pria Dieu. Dont il
advint que ce cruel et furieux se disparut, et en sortant estonna d'un tel
brui et imp�tuosit� toute la chambre que les solives, le toict et les
thuilles en demeur�rent toutes bris�es. Le jeune homme espouvant� de ce
spectacle, et presque demy mort, se repentit de sa meschante vie et de ses
meffaicts, et estant illumin� d'un meilleur esprit, fut ennemy des vices,
passa sa vie loing des tumultes populaires et servit de bon exemple.
Alexandre escrit toutes ces choses.�
�L'an mil cinq cens trente quatre, M. Laurent Touer, pasteur en certaine
ville de Saxe, voyant quelques jours devant Pasques � conf�rer avec aucuns
du lieu, selon la coustume, des cas divers et scrupules de conscience,
Satan en forme d'homme lui apparut et le pria de permettre qu'il
communiquast avec lui; sur ce il commence � desgorger des horribles
blasph�mes contre le Sauveur du monde. Touer lui r�siste et le r�fute par
tesmoignages formels recueillis de l'Escriture sainte, que ce malheureux
esprit tout confus, laissant la place infect�e de puanteur insupportable
s'esvanouit.�
[Note 1: Au IVe livre, chap. XIX de ses _Jours g�niaux_, cit� par
Goulart, _Thr�sor d'histoires admirables_, t. Ier, p. 535.]
D'apr�s Textor[1]: �Il y en eut un lequel ayant trop beu, se print � dire,
en follastrant, qu'il ne pouvoit avoir une ame, puisqu'il ne l'avoit point
veu�. Son compagnon l'acheta pour le prix d'un pot de vin, et la revendit �
un tiers l� pr�sent et inconnu lequel tout � l'heure saisit et emporta
visiblement ce premier vendeur au grand estonnement de tous.�
�Un autre qui avoit perdu son argent au jeu; apres qu'il eut blasphem� le
nom de Dieu et de la Vierge Marie, fut visiblement emport� par le diable,
auquel il s'estoit vou�.�
�Nous lisons aussi que le baillif de Mascon, magicien, fut emport�, dit J.
des Caurres[1], par les diables � l'heure du disner, il fut men� par trois
tours � l'entour de la ville de Mascon, en la pr�sence de plusieurs o� il
cria par trois fois: Aydez-moy, citoyens, aidez-moy. Dont toute la ville
demeura estonn�e, et luy perp�tuel compagnon des diables, ainsi que Hugo de
Cluny le monstre � plein.�
Les m�mes auteurs nous font encore conna�tre les deux histoires suivantes:
�En Saxe, une jeune fille fort riche promit mariage � un beau jeune homme
mais pauvre. Lui prevoyant que les richesses et la l�g�ret� du sexe
pourroyent aisement faire changer d'avis � ceste fille, lui descouvrit
franchement ce qu'il en pensoit. Elle au contraire commence � lui faire
mille impr�cations, entre autres celle qui s'ensuit: Si j'en �pouse un
autre que le diable m'emporte le jour des nopces. Qu'avient-il? Au bout de
quelque temps l'inconstante est fianc�e � un autre, sans plus se soucier de
celui-ci, qui l'admonneste doucement plus d'une fois de sa promesse, et de
son horrible impr�cation. Elle hochant la teste � telles admonitions
s'appreste pour les espousailles avec le second: mais le jour des nopces,
les parens, alli�s et amis faisans bonne chere, l'espous�e esveill�e par sa
conscience se monstroit plus triste que de coustume. Sur ce voici arriver
en la cour du logis o� se faisoit le festin, deux hommes de cheval, qu'on
ameine en haut, o� ils se mettent � table, et apr�s disn�, comme l'on
commen�oit � danser, on pria l'un d'iceux (comme c'est la coustume du pays
d'honorer les estrangers qui se rencontrent en tels festins) de mener
danser l'espous�e. Il l'empoigne par la main et la pourmeine par la salle:
puis en pr�sence des parens et amis, il la saisit criant � haute voix, sort
de la porte de la salle, l'enleve en l'air, et disparoit avec son compagnon
et leurs chevaux. Les pauvres parens et amis l'ayans cherch�e tout ce jour,
comme il continuoyent le lendemain, esperans la trouver tomb�e quelque
part, afin d'enterrer le corps, rencontrent les deux chevaliers, qui leur
rendirent les habits nuptiaux avec les bagues et joyaux de la fille,
adjoutans que Dieu leur avoit donn� puissance sur ceste fille et non sur
les acoustremens d'icelle, puis s'esvanouirent.�
�Un mien ami, homme de grand esprit, et digne de foy estant un jour �
Naples chez un sien parent, entendit de nuit la voix d'un homme criant a
l'aide, qui fut cause qu'il aluma la chandelle, et y courut pour voir que
c'estoit. Estant sur le lieu, il vid un horrible fantosme, d'un port
effroyable et du tout furieux, lequel vouloit � toute force entrainer un
jeune homme. Le pauvre mis�rable crioit et se d�fendoit, mais voyant
aprocher celui-ci soudain il courut au devant, l'empoigne par la main et
saisit sa robe le plus estroitement qu'il lui fut possible et apr�s s'estre
long temps d�battu commence � invoquer le nom et l'aide de Dieu et
eschappe, le fantosme disparoissant. Mon ami meine en son logis ce jeune
homme, pretendant s'en desfaire doucement, et le renvoyer chez soy. Mais il
ne sceut obtenir ce poinct, car le jeune homme estoit tellement estonn�
qu'on ne pouvoit le rassurer, tressaillant sans cesse de la peur qu'il
avoit pour si hideuse rencontre. Ayant enfin reprins ses esprits, il
confessa d'avoir men� jusques alors une fort m�chante vie, est� contempteur
de Dieu, rebelle � p�re et � m�re, ausquels il avoit dit et fait tant
d'injures et outrages insupportables qu'ils l'avoyent maudit. Sur ce il
estoit sorti de la maison et avoit rencontr� le bourreau susmentionn�.�
Des Caurres[1] raconte que �� la montagne d'Ethna, non gu�res loin de l'�le
de Luppari, montagne qu'on appelle la gueule d'enfer, Dieu monstra la peine
des damnez. Il y a si long temps qu'elle brusle et tout demeure en son
entier, comme fera enfer, quand elle auroit autant entier que toute
l'Italie, elle devroit estre consomm�e. On entend l� cris et complainctes,
et les ennemis et mauvais esprits meinent l� grand bruict, et suscitent de
grandes tempestes sur la mer pr�s de ceste montagne. De nostre temps un
pr�lat apr�s son trespas, fut trouv� en chemin par ses amis, lequel se
disoit estre damn� et qu'il s'en alloit en ceste montaigne. Il n'y a pas
encor longtemps qu'une nef de Sicile aborda l�, en laquelle y avoit un p�re
gardien de ce pays-l� avec son compagnon, le Diable luy dit qu'il le
suivist pour faire quelque chose que Dieu avoit ordonn�. Et soudain fut
port� par luy en une cit� assez loin de l�. Et quand il fut l�, le mauvais
esprit le conduit au s�pulchre de l'Evesque du lieu, qui estoit mort depuis
trois mois: Et lui commanda de despouiller ses habillemens �piscopaux, et
lui dit apres: Ces habillemens soyent � toy, et le corps � moy comme est
son �me; dans une demie heure, ledit religieux fut rapport� audit navire,
et racompta ce qu'il avoit veu. Pour v�rifier cecy le patron du navire fit
voile vers ceste cit�: le s�pulchre fut ouvert et trouv�rent que le corps
n'y estoit point. Et ceux qui l'avoient revestu apr�s sa mort recogneurent
les dicts habillemens �piscopaux. Un homme de bien, et grand prescheur
d'Italie, a mis cecy en escript, qui a cogneu ces gens-l�.�
�En ce mesme temps, continue des Caurres, y avoit en Sicile un jeune homme
addonn� � toute volupt�, � jeux, et reniemens: lequel le vice-roy de
Sicile, envoya un soir, en un monast�re pour qu�rir une salade d'herbes: en
chemin soudain il fut ravy en l'air, et on ne le vit plus. Un peu de temps
apr�s un navire passoit aupr�s de ceste montagne, et voicy une voix qui
appelle par deux fois le patron du navire, et voyant qu'il ne respondoit
point pour la troisi�me, ouit que s'il n'arrestoit il enfondroit le navire.
Le patron demande ce qu'il vouloit, qui respondit: Je suis le diable, et di
au vice-roy qu'il ne cerche plus un tel jeune homme, car je l'ay emport�,
et est icy avec nous: voicy la ceinture de sa femme qu'il avoit prinse pour
jouer; laquelle ceinture il jette sur le navire.�
IV.--M�TAMORPHOSES DU DIABLE
�J'ai entendu, dit Jean Wier, cit� par Goulart[1], que le diable tourmenta
durant quelques ann�es les nonnains de Hessimont � Nieumeghe. Un jour il
entra par un tourbillon en leur dortoir, o� il commen�a un jeu de luth et
de harpe si m�lodieux, que les pieds fr�tilloyent aux nonnains pour danser.
Puis il print la forme d'un chien se lan�ant au lict d'une soup�onn�e
coulpable du p�ch� qu'elles nomment muet. Autres cas estranges y sont
advenus, comme aussi en un autre couvent pr�s de Cologne, le diable se
pourmenoit en guises de chiens et se cachant sous les robes des nonnains y
faisoit des tours honteux et sales autant en faisoit-il � Hensberg au duch�
de Cleves sous figures de chats.�
�Le diable n'apparoit aux sorciers dans les synagogues qu'en bouc, dit
Scaliger[1]; et en l'Escriture lors qu'il est reproch� aux Isra�lites
qu'ils sacrifioient aux demons, le mot porte aux boucs. C'est une chose
merveilleuse que le diable apparoisse en cette forme.
�Je ne puis, dit Le Loyer[1], pour v�rifier que les diables prennent des
corps morts qu'ils font cheminer comme vifs, apporter histoire plus r�cente
que celle-ci. Ceux qui ont recueilliz l'histoire de notre temps de la
d�moniaque de Laon disent qu'un des diables qui �toit au corps d'elle
appel� Baltazo print le corps mort d'un pendu en la plaine d'Arlon pour
tromper le mary de la d�moniaque, et la fraude du diable fut descouverte en
ceste fa�on. Le mary estoit ennuy� des frais qu'il faisoit procurant la
sant� de sa femme, n'y pouvant plus fournir. Il s'addresse donc � un
sorcier, qui l'asseure qu'il d�livrera sa femme des diables desquels elle
estoit poss�d�e. Le diable Baltazo est employ� par le sorcier et men� au
mary qui leur donne � tous � souper, o� se remarque que Baltazo ne but
point. Apr�s le souper, le mary vint trouver le ma�tre d'escole de Vervin
en l'�glise du lieu, o� il vaquoit aux exorcismes sur la d�moniaque. Il ne
luy cele point la promesse qu'il avoit du sorcier, et r�it�r�e de Baltazo
durant le souper qu'il gu�riroit sa femme, s'il le vouloit laisser seul
avec elle: mais le ma�tre d'escole avertit le mary de prendre bien garde de
consentir cela. Quelque demie heure apres le mary qui s'�toit retir�, am�ne
Baltazo dans l'�glise, que l'esprit Baalzebub qui poss�doit la femme appela
incontinent par son nom, et luy dit quelques paroles. Depuis Baltazo sort
de l'�glise, disparoit et ne s�ait-on ce qu'il devint. Le maistre d'escole
qui voit tout cecy, conjure Baalzebub, et le contraint de confesser que
Baltazo �toit diable et avoit prins le corps d'un mort, et que si la
d�moniaque eut est� laiss�e seule, il l'eust emport�e en corps et en �me.�
�L'exemple de Nicole Aubry, d�moniaque de Laon est plus que suffisant pour
montrer ce que je dis, ajoute Le Loyer[1]. Car devant que le diable entrast
en son corps, il se presenta � elle en la forme de son p�re d�c�d�
subitement, luy enjoignit de faire dire quelques messes pour son �me, et de
porter des chandelles en voyage. Il la suivoit partout o� elle alloit sans
l'abandonner. Cette femme simple ob�it au diable en ce qu'il lui
commandoit, et lors il leve le masque, se montre � elle, non plus comme son
p�re, mais comme un phantosme hideux et laid, qui luy persuadoit tantost de
se tuer, tantost de se donner � luy.--Cela se pouvoit attendre par les
r�ponses que la d�moniaque faisoit au diable, luy r�sistant en ce qu'elle
pouvoit.--Je me veux servir de l'histoire de la d�moniaque de Laon attest�e
par actes solennels de personnes publiques, tout autant que si elle estoit
plus ancienne. Il y a des histoires plus anciennes qu'elle n'est, o� �
peine on pourroit remarquer ce qui s'est veu en ceste femme d�moniaque. Ce
fut pour nostre instruction que la femme fut ainsi tourment�e au coeur de
la France, mais notre libertinisme fut cause que nous ne les peusmes
apprendre.�
Wier[1] raconte cette histoire d'une jeune fille servante d'une religieuse
de noble maison, � qui le diable voulut jouer un mauvais tour. �Un paysan
lui avoit promis mariage; mais il s'amouracha d'une autre: dont ceste-ci
fut tellement contrist�e, qu'estant all�e environ une demie lieue loin du
couvent, elle rencontra le diable en forme d'un jeune homme, lequel
commen�a � deviser famili�rement avec elle, lui descouvrant tous les
secrets du paysan, et les propos qu'il avoit tenus � sa nouvelle amie: et
ce afin de faire tomber cette jeune fille en d�sespoir et en r�solution de
l'estrangler. Estans parvenus pr�s d'un ruisseau, lui print l'huile qu'elle
portoit, afin qu'elle passast plus ais�ment la planche, et l'invita d'aller
en certain lieu qu'il nommoit; ce qu'elle refusa, disant: Que voulez-vous
que j'aille faire parmi ces marest et �tangs? Alors il disparut, dont la
fille con�eut tel effroy qu'elle tomba pasm�e: sa maistresse, en estant
avertie la fit rapporter au couvent dedans une licti�re. L� elle fut
malade, et comme transport�e d'entendement, estant agit�e de fa�on estrange
en son esprit, et parfois se plaignoit estre mis�rablement tourment�e du
malin, qui vouloit l'oster de l� et l'emporter par la fenestre. Depuis elle
fut mari�e � ce paysan et recouvra sa premi�re sant�.�
�La femme d'un marchand demeurant � deux ou trois lieues de Witemberg, vers
Sl�sic, avoit, dit-il, accoustum� pendant que son mary estoit all� en
marchandise, de recevoir un amy particulier. Il advint donc pendant que le
mary �toit aux champs que l'amoureux vint veoir sa dame, lequel apr�s avoir
bien beu et mang�, il faict son devoir, comme il luy sembloit, il apparut
sur la fin en la forme d'une pie mont�e sur le buffet, laquelle prenoit
cong� de la femme en cette mani�re: Cestuy-ci a est� ton amoureux. Ce
qu'ayant dit, la pie disparut, et oncques depuis ne retourna.�
Nous trouvons dans une histoire des poss�d�es de Loudun[1] les questions
propos�es � l'universit� de Montpellier par Santerre, pr�tre et promoteur
de l'�v�ch� et dioc�se de N�mes, touchant les signes de la possession, et
les r�ponses judicieuses de cette universit�.
_Question._
_R�ponce._
_Question_.
_R�ponce_.
_Question_.
_R�ponce_.
_Question_.
_R�ponce._
Le jeune Lac�d�monien qui se laissait ronger le foye par un renard qu'il
avoit d�rob�, sans faire semblant de le sentir et ceux qui se faisoient
fustiger devant l'autel de Diane jusques � la mort sans froncer le sourcil,
montrent que la r�solution peut bien faire soufrir des piq�res d'�pingle
sans crier, �tant d'ailleurs certain que dans le corps humain il se
rencontre en quelques personnes de certaines petites parties de chair, qui
sont sans sentiment, quoique les autres parties qui sont alentour, soient
sensibles, ce qui arrive le plus souvent par quelque maladie qui a pr�c�d�.
Partant tel effet est inutile pour la possession.
_Question._
_R�ponce._
_Question._
_R�ponce._
_Question._
Si le regard fixe sur quelque objet sans mouvoir l'oeil d'aucun c�t� est
une bonne marque de possession?
_R�ponce._
_Question._
Nous disons qu'il est certain que d'entendre et de parler les langues qu'on
n'a pas aprises sont choses surnaturelles, et qui pourroient faire supposer
qu'elles se font par le minist�re du Diable, ou de quelque autre cause
sup�rieure; mais de r�pondre � quelques questions seulement, cela est
enti�rement suspect, un long exercice ou des personnes avec lesquelles on
est d'intelligence pouvant contribuer � telles r�ponces, paroissant �tre un
songe de dire que les diables entendent les questions qui leur sont faites
en latin et r�pondent toujours en fran�ois et dans le naturel langage de
celui qu'on veut faire passer pour un �nergum�ne. D'o� il s'ensuit qu'un
tel effet ne peut conclure la r�sidence d'un d�mon, principalement si les
questions ne contiennent pas plusieurs paroles et plusieurs discours.
_Question._
Si vomir les choses telles qu'on les a aval�es est un signe de possession?
_R�ponce._
Delrio, Bodin et autres auteurs disent que par sortil�ge les sorciers font
quelquefois vomir des clous, des �pingles et autres choses �tranges par
l'oeuvre du diable. Ainsi dans les vrais poss�d�s le diable peut faire de
m�me. Mais de vomir les choses comme on les a aval�es, cela est naturel, se
trouvant des personnes qui ont l'estomac faible, et qui gardent pendant
plusieurs heures ce qu'elles ont aval�es, puis le rendent comme elles l'ont
pris et la Lient�rie rendant les aliments par le fondement, comme on les a
pris par la bouche.
_Question._
_R�ponce._
�Et autant, dit-il, que le r�v�rend p�re �v�que lui mettoit la saincte
hostie devant les yeux, luy disant: Sors ennemy de Dieu: d'autant plus se
jectoit-elle � revers de cot� et d'autre, en se tordant la face devers les
pieds et en muglant horriblement et les pieds � revers les orteils estant
mis au talon, contre la force de huict ou dix hommes elle se roidissoit et
eslan�oit en l'air plus de six pieds, ou la hauteur d'un homme. De sorte
que les gardes, voire mesme en l'air avec elle parfois �lev�s en suoient de
travail. Et encore qu'ils s'appesantissent le plus qu'ils pouvoient, pour
la retenir en bas: si ne la pouvoient-ils toutes fois maistriser que quasi
elle ne leur eschapast, et fust arrach�e des mains sans qu'elle se
monstrast aucunement eschauff�e.
�Apr�s la patiente ainsi pis que morte dure, roide, contrefaite, courb�e et
diforme, estoit par la permission du r�v�rend p�re �v�que laiss�e � toucher
et � manier � ceux qui vouloient. Mais principalement le fut-elle par les
pr�tendus r�formez, hommes tr�s forts. Et nommeement Fran�oys Santerre,
Christofle Pasquot, Gratian de la Roche, Marquette, Jean du Glas et autres
tr�s forts hommes assez remarqu�s entre eux de leur pr�tendue religion
r�form�e, s'efforc�rent mais en vain de luy redresser les membres, de les
poser en leur ordre, luy ouvrir les yeux et la bouche. Mais ils ne peurent
en sorte que ce feust. Aussy eussiez vous plustost rompu que ploy� quelque
membre d'icelle, ou faict mouvoir ou le bout du nez ou des aureilles, ou
autre membre d'icelle, tant elle estoit roide et dure. Et lors elle estoit
tenue, comme elle parloit par apr�s, d�clarant qu'elle enduroit un mal
incr�dible. C'est � s�avoir le diable par le tourment de l'�me, faisant le
corps devenir pierre ou marbre.�
�Le quatri�me fait est que plusieurs fois le jour, elles t�moignent de
grands transports de fureur et de rage, durant lesquels elles se disent
d�mons, sans offenser n�antmoins personne, et sans blesser mesmes les
doigts de la main des prestres, lorsqu'au plus fort de leurs rages, ils les
mettent en leur bouche.�
�La cinquiesme est que durant ces fureurs et ces rages, elles font
d'estranges convulsions et contorsions de leurs corps, et entr'autre se
courbent en arri�re, en forme d'arc, sans y employer leurs mains, et ce en
sorte que tout leur corps est appuy� sur leur front autant et plus que sur
leurs pieds, et tout le reste est en l'air et demeurent longtemps en cette
posture et la r�it�rent jusqu'� sept ou huict fois: et apr�s tous ces
efforts et mille autres, continuez quelquefois quatre heures durant,
principalement, dans les exorcismes, et durant les plus chaudes apr�s
disn�es des jours caniculaires, se sont au sortir de l� trouv�es aussi
saines, aussi fraisches, aussi temp�r�es, et le poulx aussi haut et aussi
esgal, que si rien ne leur fut arriv�.�
�La derni�re qui �toit soeur Marie du Sainct-Esprit, pr�tendue poss�d�e par
Dagon, grande fille et de belle taille un peu plus maigre, mais sans
mauvais teint ny aucune sorte de maladie entra dans le r�fectoire... le
visage droict sans arrester ses yeux, et les tournant d'un cost� et
d'autre, chantant, sautant, dansant, et frappant doucement, qui l'un, qui
l'autre, et en suite en se pourmenant tousjours, parla en termes tr�s
�l�gants et significatifs du contentement qu'il avoit (parlant de la
personne du diable) de sa condition et de l'excellence de sa nature... et
disoit tout cela en marchant avec une contenance arrogante, et le geste
semblable, ensuite il commen�a � entrer en furie et prononcer quantit� de
blasph�mes, puis se prit � parler de sa petite Magdelaine, sa bonne amie,
sa mignonne, et sa premi�re maistresse, et de l� se lan�a dans un panneau
de vitre la teste la premi�re sans sauter et sans faire aucun effort, et y
passa tout le corps se tenant � une barre de fer qui faisoit le milieu, et
comme elle voulut repasser de l'autre cost� de la vitre, on lui fit
commandement en langage latin _est in nomine Jesu rediret non per aliam sed
per eadem viam_, ce qu'apr�s avoir longuement contest� et dit qu'il n'y
rentreroit pas, elle le fit pourtant et rentra par le m�me passage, et
aussitost qu'elle fut revenue, les m�decins l'ayant consid�r�e, touch� le
poulx et fait tirer la langue, ce qu'elle permit en raillant et parlant
d'autre chose, ils ne luy trouv�rent ny esmotion telle qu'ils avoient cru
devoir estre, ny autre disposition conforme � la violence de tout ce
qu'elle avoit fait et dit; et sortir de cette sorte contant tousjours
quelque bagatelle et la compagnie se retira.�
Un autre historien des poss�d�es de Louviers[1] rapporte ce fait
surprenant:
�Au milieu de la nef de cette chappelle estoit expos� un vase d'une esp�ce
de marbre qui peut avoir pr�s de deux pieds de diam�tre et un peu moins
d'un pied de profondeur, les bords sont espais de trois doigts ou environ,
et si pesant que trois personnes des plus robustes auront peine de le
souslever estant par terre, ceste fille qui paroist d'une constitution fort
d�bile entrant dans la chapelle ne fit que prendre ce vase de l'extr�mit�
de ses doigts et l'ayant arrach� du pied d'estal sur lequel il estoit pos�,
le renversa sans dessus dessoubs et le jetta par terre avec autant de
facilit� qu'elle auroit fait un morceau de carte ou de papier. Ceste force
prodigieuse en un sujet si foible surprit tous les assistans; cependant la
fille paraissant furieuse et transport�e couroit de part et d'autre avec
des mouvements si brusques et si imp�tueux qu'il estoit malais� de
l'arrester. Un des eccl�siastiques pr�sents l'ayant saisy par le bras fut
estonn� de voir que ce bras, comme s'il n'eust est� attach� � l'espaule que
par un ressort, n'empeschoit pas le reste du corps de tourner par dessus et
par dessoubs par un certain mouvement que la nature ne souffre pas, ce
qu'elle fit sept ou huit fois avec une promptitude et une agilit� si
extraordinaire qu'il est difficile de se l'imaginer.�
�Mons de Chalons ne fut pas plutost � l'autel (� minuit) que dans le jardin
du monast�re et tout � l'entour de la maison fut ouy dans l'air un bruit
confus, accompagn� de voix incognues et de certains sifflemens, quelquefois
de grands crix, de sons estranges et non articul�s comme de plusieurs
personnes ensemble, tout cela avoit quelque chose d'affreux parmy les
tenebres et dans la nuit. En m�me temps des pierres furent jett�es de
divers endroits contre les fenestres du choeur o� l'on c�l�broit la sainte
messe, quoique ces fenestres soient fort esloign�es des murailles que font
la closture du monastere, ce qui fait croire que ne pouvoient pas venir du
dehors. La vitre en fut cass�e en un endroit mais les pierres ne tomberent
point dans le choeur. Ce bruit fut entendu de plusieurs personnes dedans et
dehors, celuy qui estoit en sentinelle en la citadelle de la ville de ce
cost� l�, comme il d�clara le jour suivant, en prit l'alarme et mons
l'evesque de Chalons � l'autel ne peut s'empescher d'en concevoir du
soup�on de quelque chose de si extraordinaire qui se passoit en la maison,
que les demons ou les sorciers faisoient quelques efforts dans ce moment
qu'il repoussoit du lieu o� il estoit par de secrettes impr�cations et des
exorcismes int�rieurs.�
�Dans ce mesme temps furent entendues dans le jardin quelques voix faibles
comme de personnes qui se plaignoient et sembloient demander du secours. Il
estoit pr�s d'une heure apr�s minuit et faisoit fort mauvais temps et fort
obscur. Deux eccl�siastiques furent envoy�s pour voir que c'estoit et
trouv�rent dans le jardin du monastere Marguerite Constance et Denise Lamy,
celle-l� mont�e sur un arbre et l'autre couch�e au pied du degr� pour
entrer dans le choeur; elles estoient libres et dans l'usage de leur
raison, mais n�antmoins comme esperdues, particuli�rement la derni�re, fort
faible et sans couleur et le visage ensanglant� comme une personne effray�e
et qui avoit peine � se rassurer; l'autre avoit aussy du sang sur le visage
mais elle n'estoit point bless�e, les portes de la maison estoient bien
ferm�es et les murailles du jardin �lev�es de dix ou douze pieds.�
�Le mesme jour apr�s midy mons l'esveque de Chalons ayant dessein
d'exorciser Denise Lamy apr�s l'avoir envoy�e qu�rir et n'ayant pas est�
rencontr�e, il lui commanda int�rieurement de le venir trouver en la
chappelle de Saincte-Anne o� il estoit. Ce fut une chose assez surprenante
de voir la prompte ob�issance du demon � ce commandement qui n'avoit est�
conceu que dans le fonds de la pens�e, car environ l'espace d'un quart
d'heure apr�s, on entendit frapper imp�tueusement � la porte de la
chappelle, comme une personne extremement press�e, et la porte estant
ouverte on vit entrer cette fille brusquement sautant et bondissant dans la
chappelle, le visage tout chang� et fort diff�rent de son naturel, la
couleur haute, les yeux estincelans, un visage effront� et dans une
agitation si violente qu'on eut de la peine � l'arrester, ne voulant pas
souffrir qu'on mist l'estole � l'entour du corps qu'elle arrachoit et
jettait en l'air avec une extr�me violence, malgr� les efforts de quatre ou
cinq eccl�siastiques qui employoient tout ce qu'ils avoient de force et
d'industrie pour l'arrester, de sorte qu'il fut propos� de la lier: mais on
le jugeoit difficile dans les transports o� elle estoit.�
�Les grandes agitations du corps qui ne se peuvent concevoir que par ceux
qui en sont tesmoins. Ces grands coups de teste qu'elles se donnent de
toute leur force tantost contre le pav�, tantost contre les murs, et cela
si souvent et si durement qu'il n'est aucun des assistans qui ne fr�misse
en le voyant sans qu'elles tesmoignent de sentir aucune douleur ny qu'il
paroisse ny sang, ny blessure, ny contusion.�
�L'estat du corps dans une posture extremement violente, se tenant droictes
sur les genoux, pendant que la teste renvers�e en arri�re penche � un pied
pr�s ou environ vers la terre, en sorte qu'il paroist comme tout rompu.
Leur facilit� de porter la teste estant plus basse par derri�re que la
ceinture du corps sans bransler des heures enti�res, leur facilit� de
respirer en cet estat, l'�galit� du visage qui ne change presque point dans
ces agitations, l'�galit� du poulx, la froideur dans laquelle elles sont
pendant ces mouvements, la tranquillit� dans laquelle elles demeurent au
mesme instant qu'elles en sont revenues subitement sans que la respiration
soit plus forte que l'ordinaire, les renversements de la teste en arri�re
jusque contre terre avec une promptitude merveilleuse. Quelquefois les
trente et quarante fois de suite devant et arri�re, la fille demeurant �
genoux et les bras crois�s sur l'estomach quelquefois et dans le mesme
estat, la teste renvers�e tournant � l'entour du corps et faisant comme un
demy cercle avec des effets apparemment insupportables � la nature.�
�Souvent on les a veu ramper et se tra�ner par terre sans aucun secours ou
des pieds ou des mains, quelquefois le derri�re de la teste ou le devant du
front a est� veu se joindre � la plante des pieds, quelques unes couch�es
par terre qu'elles ne touchent que de l'extr�mit� de l'estomach, tout le
reste du corps, la teste, les pieds et les bras port�s en l'air en assez
long espace de temps, quelquefois renvers�es en arri�re en sorte que
touchans le pav� du haut de la teste ou de la plante des pieds, tout le
reste demeuroit en l'air estendu comme une table, elles marchoient en cet
estat sans le secours des mains. Il leur est ordinaire de baiser la terre
demeurans � genoux, le visage renvers� par derri�re, en sorte que le sommet
de la teste va joindre la plante des pieds, les bras crois�s sur la
poitrine et dans cette posture faire un signe de la croix avec la langue
sur le pav�.�
�On remarque une estrange diff�rence entre l'estat dans lequel elles sont
estans libres et dans leur naturel et dans celuy qu'elles font paroistre
quand elles sont agit�es dans la chaleur du transport et de la fureur:
telle qui est infirme tant par la d�licatesse de sa complexion et de son
sexe que par maladie quand le d�mon l'a saisie et que l'autorit� de
l'�glise l'a forc�e de paroistre devient si furieuse dans de certains
momens que quatre ou cinq hommes avec toute leur force, sont empesch�s �
l'arrester; leurs visages mesmes se monstrent si diformes et si diff�rents
de leur naturel qu'on ne les reconoist plus et ce qui est de plus estonnant
est qu'apr�s des transports et des violences de ceste nature quelquefois
pendant trois ou quatre heures apr�s des efforts dont les corps les plus
robustes seroient lass�s � demeurer au lit plusieurs jours, apr�s des
hurlements continuels et des cris capables de rompre un estomach, estans
retourn�s en leur naturel, ce qui se fait en un instant, on les void sans
lassitude et sans �motion, l'esprit aussy tranquille, le visage aussy
compos�, l'haleine aussy lente, le poulx aussy peu alt�r� que si elles
n'avoient pas boug� d'un siege.�
�Mais on peut dire que parmy toutes les marques de possession qui ont paru
dans ces filles, une des plus surprenantes et des plus communes aussy parmy
elles, est l'intelligence de la pens�e et des commandemens int�rieurs qui
leur sont faits tous les jours par les exorcistes et les prestres, sans que
ceste pens�e soit manifest�e au dehors ou par le discours ou par aucun
signe ext�rieur. Il suffit qu'elle leur soit adress�e int�rieurement ou
mentalement pour leur estre congneue et cela s'est v�rifi� par tant
d'exp�riences pendant le s�jour de mons l'evesque de Chalons, par tous les
eccl�siastiques qui ont voulu l'esprouver que l'on ne peut douter
raisonnablement de toutes ces particularit�s et de plusieurs autres, qu'il
est impossible de sp�cifier icy par le d�tail.�
VI.--SABBAT
J. Wier[1], qui pense que le sabbat n'existe que dans l'imagination des
sorci�res, donne la composition de leur onguent.
Suivant Delrio[1]:
�Elles recueillent en dernier lieu des poudres que quelques uns pensent
�tre les cendres du bouc, dont le d�mon avait pris la figure et lequel
elles avoient ador�, subitement consum� par les flames en leur pr�sence, ou
re�oivent d'autres poisons, qu'elles cachent pour s'en servir � l'ex�cution
de leurs pernicieux desseins, puis enfin s'en retournent en leurs maisons
celles qui sont pr�s � pied, et les plus �loign�es en la fa�on qu'elles y
avoient �t� transport�es. J'avois oubli� que ces sabbats diaboliques se
font le plus souvent environ la minuit, pour ce que Satan fait
ordinairement ses efforts pendant les t�n�bres: et qu'ils se tiennent encor
� divers jours en diverses provinces: en Italie, la nuit d'entre le
vendredy et le samedy, en Lorraine les nuits qui pr�c�dent le jeudy et le
dimanche et en d'autres lieux, la nuit d'entre le lundy et le mardy.�
�I. Qu'�tant � Rouen dans la maison d'une couturi�re ch�s laquelle elle
resta l'espace de trois ans elle fut d�bauch�e par un magicien qui en abusa
plusieurs, la fit transporter au sabbat avec trois de ses compagnes qu'il
avait aussi d�bauch�es: il y c�l�bra la messe avec une chemise gat�e de
sallet�s luy appartenant, le dit magicien estant au sabbat, les fit signer
dans un r�gistre d'environ deux mains de papier; Madeleine adjoute qu'elle
emporta du sabbat la vilaine chemise de laquelle le magicien s'�tait servi,
et �tant de retour la prist sur soy, pendant lequel temps elle se sentit
fort port�e � l'impudicit� jusqu'� ce qu'elle eust quitt�e par l'ordre d'un
sage confesseur cette abominable chemise.�
�II. Madeleine Bavan a dit qu'il ne s'�tait presque point pass� de semaine
pendant l'espace de huit mois ou environ, que le magicien ne l'ait men�e au
sabbat, o� une fois entr'autres ayant c�l�br� une ex�crable messe, il la
maria avec un des principaux diables de l'enfer nomm� Dagon qui parut alors
en forme d'un jeune homme, et luy donna une bague; ce maudit mariage fait,
le dit pr�tendu jeune homme luy mit la bague dans le doigt, puis se
s�par�rent chacun de leur cost�, avec promesse faite par ce jeune homme
qu'il ne seroit pas longtemps sans la revoir, aussy il luy apparut d�s le
lendemain, comme il a fait quantit� de fois pendant plusieurs ann�es, ayant
souvent sa compagnie charnelle, qui except� le plaisir qu'elle ressentoit
dans son esprit lui causoit plus de douleur que de volupt�, comme
elle-mesme l'assure.�
�Elle confesse avoir ador� le bouc du sabbat lequel paroist demy homme et
demy bouc, lesquelles adorations du bouc se font tousjours � dessein de
profaner le tr�s saint sacrement de l'Eucharistie.�
�Elle avoue avoir plusieurs fois ador� d'autres diables, r�f�rant ses
intentions � celles qu'ont les magiciens en g�n�ral: celles qu'elle se
formoit en particulier n'avoient point d'autre but que la charnalit�.�
�Pour revenir aux sorciers et sorci�res, quand ils vouloyent faire venir
ces esprits � eux, dit Loys Lavater[1], ils s'oignoyent d'un onguent qui
faisoit fort dormir; puis se couchoyent au lict, o� ils s'endormoyent tant
profond�ment qu'on ne les pouvoit esveiller, ni en les per�ant d'aiguilles
ni en les br�lant. Pendant qu'ils dormoyent ainsi, les diables leur
proposoyent des banquets, des danses, et toutes sortes de passe-temps, par
imagination. Mais puisque les diables ont si grande puissance, rien
n'emp�che qu'ils ne puissent quelquefois prendre les hommes, et les
emporter dans quelque forest puis leur faire voir l� tels spectacles...�
�Il avint un jour que quelqu'un fort adonn� � ces choses, fut soudainement
emport� hors de sa maison en un lieu fort plaisant, o� apr�s avoir veu
danser toute la nuict et fait grande ch�re, au matin tout cela estant
esvanouy, il se vit envelopp� dans des �pines et halliers fort espais. Mais
outre ce qu'ils sont paillards aussi sont-ils fort cruels, car ils entrent
es maisons en forme de chiens ou de chats et tuent ou despouillent les
petits enfants.�
�Paul Grillaud, Italien qui vivoit l'an 1537, en son premier livre _de
Sortilegiis_, tesmoigne, dit Crespet[1], qu'il y eut un pauvre homme sabin
demourant pr�s de Rome qui fut persuad� par sa femme de se gresser comme
elle de quelques unguens pour estre transport� avec les autres sorciers.
Pendant que ce transport se fist par la vertu de la gresse et de quelques
paroles qu'on dit, et non pas par la vertu du diable, il se trouva donc au
comt� de B�n�vent soubs un grand noyer, o� estoient amassez infinis
sorciers qui beuvoient et mangeoient a son advis, et se mit avec eux pour
boire et manger; mais ne voyant point de sel sur table, en demanda ne se
doubtant que les diables l'ont en horreur et aussitost qu'il eust nomm� le
nom de Dieu de ce que le sel lui fut apport� disant en son langage:
_Laudato sia Dio pur e venuto questo sale_, incontinent tous les diables
avec leurs sorciers disparurent, et demoura le pauvre home tout seul, nud
comme il estoit et fut contraint de s'en retourner � pied mendiant son pain
et vint accuser sa femme qui fut brusl�e.�
[Note 1: _De la hayne de Satan pour l'homme_, p. 236.]
�Il allegue un autre exemple d'une autre femme de Ferrare laquelle estant
couch�e aupr�s de son mary se leva de nuict pensant qu'il fust bien endormy
mais il la contemploit comme elle print de l'onguent dans un vaisseau
qu'elle tenoit cach�, et aussitost fut enlev�e, il se leve et en voulut
autant faire, et se trouva incontinent au lieu o� estoit sa femme qui
estoit en une cave, mais n'ayant le moyen de retourner comme il �toit all�,
se trouva seul et appr�hend� comme larrons conta l'affaire, accusa sa femme
qui fut convaincue et chasti�e.�
�Le jour venu en se lamentant et criant, Dieu voulut que quelques passants
estonnez de cette clameur du tout extraordinaire, apr�s avoir diligemment
cherch� trouverent ce pauvre corps demi transi tout esren� et froiss� ayant
outre plus les deux cuisses d�nou�es. Ils s'enquirent d'o� il estoit, qui
l'avoit mis en tel point et entendant l'histoire pr�c�dente apr�s l'avoir
tir� de ce mis�rable g�te le chargerent et firent porter par chariot �
Utrect. Le bourgmaistre nomm� Jean le Culembourg, gentilhomme vertueux,
esmeu et ravi en admiration d'un cas si nouveau, fit soigneuse enqueste du
tout, deserna prinse de corps contre la sorciere, et la fit serrer en
prison, o� elle confessa volontairement, sans torture et de poinct en
poinct, tout ce qui s'estoit pass�, suppliant qu'on eust piti� d'elle. La
conclusion de ce proc�s, par commun avis de tout le conseil produisit
condamnation de mort tellement que ceste femme fut brusl�e. Le serviteur ne
fut de longtemps apr�s gu�ri de sa froissure universelle et
particuli�rement de ses cuisses, chasti� devant tous de sa curiosit�
d�testable.�
[Note 1: _D�monomanie_.]
[Note 1: _Le Monde enchant�_, liv. VI, ch. XXIX, d'apr�s les
relations originales.]
�Quand ils sont arriv�s � Blokula, ajoute la relation, on leur pr�pare une
f�te; ils se donnent au diable, qu'ils jurent de servir; ils se font une
piq�re au doigt et signent de leur sang un engagement ou pacte; on les
baptise ensuite au nom du diable, qui leur donne des raclures de cloches.
Ils les jettent dans l'eau, en disant ces paroles abominables:
--�De m�me que cette raclure ne retournera jamais aux cloches dont elle est
venue, ainsi que mon �me ne puisse jamais entrer dans le ciel.�
�La plus grande s�duction que le diable emploie est la bonne ch�re; et il
donne � ces gens un superbe festin, qui se compose d'un potage aux choux et
au lard, de bouillie d'avoine, de beurre, de lait et de fromage. Apr�s le
repas, ils jouent et se battent; et si le diable est de bonne humeur, il
les rosse tous avec une perche, �ensuite de quoi il se met � rire � plein
ventre.� D'autres fois il leur joue de la harpe.�
�Les aveux que le tribunal obtint apprirent que les fruits qui naissaient
du commerce des sorci�res avec les d�mons �taient des crapauds ou des
serpents.
�Le diable enfin leur donnait des animaux qui les servaient et faisaient
leurs commissions, � l'un un corbeau, � l'autre un chat, qu'ils appelaient
_emporteur_, parce qu'on l'envoyait voler ce qu'on d�sirait, et qu'il s'en
acquittait habilement. Il leur enseignait � traire le lait par charme, de
cette mani�re: le sorcier plante un couteau dans une muraille, attache � ce
couteau un cordon qu'il tire comme le pis d'une vache; et les bestiaux
qu'il d�signe dans sa pens�e sont traits aussit�t jusqu'� �puisement. Ils
employaient le m�me moyen pour nuire � leurs ennemis, qui souffraient des
douleurs incroyables pendant tout le temps qu'on tirait le cordon. Ils
tuaient m�me ceux qui leur d�plaisaient, en frappant l'air avec un couteau
de bois.�
�Sur ces aveux on br�la quelques centaines de sorciers, sans que pour cela
il y en e�t moins en Su�de.�
On ne peut gu�re �voquer les d�mons avec s�ret� sans s'�tre plac� dans un
cercle qui garantisse de leur atteinte, parce que leur premier mouvement
serait d'empoigner, si l'on n'y mettait ordre. Voici ce qu'on lit � ce
propos dans le _Grimoire du pape Honorius_:
Il nous reste � parler des cercles que les sorciers font au sabbat pour
leurs danses. On en montre encore dans les campagnes; on les appelle
_cercle du sabbat_ ou _cercle des f�es_, parce qu'on croyait que les f�es
tra�aient de ces cercles magiques dans leurs danses au clair de la lune.
Ils ont quelquefois douze ou quinze toises de diam�tre, et contiennent un
gazon pel� � la ronde de la largeur d'un pied, avec un gazon vert au
milieu. Quelquefois aussi tout le milieu est aride et dess�ch�, et la
bordure tapiss�e d'un gazon vert. Jessorp et Walker, dans les _Transactions
philosophiques_, attribuent ce ph�nom�ne au tonnerre: ils en donnent pour
raison que c'est le plus souvent apr�s des orages qu'on aper�oit ces
cercles.
D'autres savants ont pr�tendu que les cercles magiques �taient l'ouvrage
des fourmis, parce qu'on trouve souvent ces insectes qui y travaillent en
foule.
On regarde encore aujourd'ui, dans les campagnes peu �clair�es, les places
arides comme le rond du sabbat. Dans la Lorraine, les traces que forment
sur le gazon les tourbillons des vents et les sillons de la foudre passent
toujours pour les vestiges de la danse des f�es, et les paysans ne s'en
approchent qu'avec terreur[1].
�Le bruit commun, dit saint Augustin[1] est, et plusieurs l'ont essay� et
encore entendu de ceux la foy desquels ne peut estre r�voqu�e en doute que
certains faunes et animaux silvestres appelez du commun incubes ont est�
f�cheux et envieux aux femmes, tellement qu'ils ont souvent convoit�
d'habiter avec elles, et se trouvent certains d�mons que les Fran�ois
appellent _Dusii_, lesquels s'efforcent tant qu'ils peuvent de cognoistre
les femmes et souvent ils accomplissent leur dessein; tellement que de nier
cela est un traict d'un homme impudent.�
Crespet[1] rapporte que �Col. Rhodiginus livre II, chap. VI, des _Antiques
le�ons_, soustient que les diables peuvent habiter avec les femmes,
_Daemones foecundos esse femine, et co�re, angelos vero bonos minime_. Et
souvent on a trouv� des sorci�res es lieux escart�s, couch�es � la renverse
et se remuer comme estans en l'acte v�n�rien, et aussitost le diable se
lever en forme de nu�e espaisse et foetide.�
[Note 1: _D�monomanie_.]
Merlin passait pour fils du diable. �Je pense, dit Le Loyer[1], que ce
n'est point chose tant incroyable qu'il ait est� engendr� du diable en une
sorci�re: car en la mesme isle vers le royaume d'�cosse, au pays de Marr�e,
y eut une fille qui se trouva grosse du fait du diable. Ce ne fut pas sans
donner � penser � ses parents, qui la pouvoit avoir engross�e, parce
qu'elle abhorroit les noces et n'avait voulu �tre mari�e. Ils la pressent
de dire qui l'avait engross�e: elle confesse, que c'estoit le diable qui
couchoit toutes les nuicts avec elle, en forme de beau jeune homme. Les
parents ne se contentent pas la responce de la fille, pratiquent sa
chambri�re qui de nuict les fit entrer dans la chambre avec torches. Ce fut
lors qu'ils apperceurent au lict de la fille, un monstre fort horrible
n'ayant forme aucune d'homme. Le monstre fait contenance de ne vouloir
quitter le lict, et fait on venir le prestre pour l'exorciser. Enfin le
monstre sort, mais c'est avec tel tintamarre et fracassement, qu'il brusla
les meubles qui estoient en la chambre, et en sortant descouvrit le toict
et couverture de la maison. Trois jours apr�s, dict Hectore Bo�ce, la
sorci�re engendra un monstre, le plus vilain qui fust oncque n� en �cosse,
que les sages femmes estoufferent.�
�Le m�me auteur (Bo�tius), au mesme livre, cit� par Crespet, poursuit
encore un autre exemple de la r�gion, Gareotha, d'un jeune adolescent, beau
et �l�gant en perfection, lequel confessa devant son evesque qu'il avoit
souvent eu la compagnie d'une jeune fille qui le venoit de nuict
chatouiller en son lit, et le baisotoit se supposant � luy, afin qu'il fust
eschauff� pour faire l'oeuvre charnel, sans que jamais il peut s�avoir qui
elle estoit, ou d'o� elle venoit, car les portes et fenestres de sa chambre
avoient toujours est� ferm�es, mais par le conseil des gens doctes il
changea de demeure, et � force de pri�res, confessions, jeunes et autres
d�vots exercices il fut d�livr�.�
�J'ay aussi leu, dit Bodin[1], l'extraict des interrogatoires faicts aux
sorcieres de Longwy en Potez qui furent aussi brusl�es vives que maistre
Adrian de Fer, lieutenant g�n�ral de Laon m'a baill�. J'en mettrai quelques
confessions sur ce point.�
[Note 1: _D�monomanie_.]
�Sur quoy est remarquable ce que dict Bodin que les diables ne font paction
expresse avec les enfants qui leur sont vouez, s'ils n'ont atteint l'aage
de pubert� et dict que Jeanne Herviller disposa que sa m�re qui l'avait
d�di�e � Satan si tost qu'elle fut n�e, ne fut jamais d�sir�e par Satan ny
ne s'accoupla avec luy, qu'elle n'eust atteint l'aage de douze ans. Et
Magdeleine de la Croix, abbesse de Cordoue, en Espagne, dict de m�me, que
Satan n'eut cognoissance d'elle qu'en ce mesme aage.�
�Or cette op�ration de luxure n'est commise ou pratiqu�e par eux pour
plaisir qu'ils y prennent, parce que comme simples esprits, ils ne peuvent
prendre aucune joye ny plaisir des choses sensibles. Mais ils le font
seulement pour faire choir l'homme dans le pr�cipice dans lequel ils sont,
qui est la disgr�ce de Dieu tr�s haut et tr�s puissant.�
�Johann�s d'Aguerre dict que le diable en forme de bouc avoit son membre au
derri�re et cognoissoit les femmes en agitant et poussant avec iceluy
contre leur devant.�
�Je Lucifer, promets sous mon seing, � toy seigneur Loys Gaufridy prestre,
de te donner vertu et puissance, d'ensorceler par le soufflement de bouche
toutes et chacunes les femmes et les filles que tu d�sireras: en foy de
quoy j'ay sign� Lucifer.�
[Note 1: _D�monomanie_.]
�On voit � Molsheim, dit dom Calmet[1], dans la chapelle de saint Ignace en
l'�glise des PP. J�suites une inscription c�l�bre qui contient l'histoire
d'un jeune gentilhomme allemand, nomm� _Michel Louis_, de la famille de
_Boubenhoren_, qui ayant �t� envoy� assez jeune par ses parents � la cour
du duc de Lorraine pour apprendre la langue fran�oise perdit au jeu de
cartes tout son argent. R�duit au d�sespoir il r�solut de se livrer au
d�mon, si ce mauvais esprit vouloit ou pouvoit lui donner de bon argent:
car il se doutoit qu'il ne lui en fourniroit que de faux et de mauvais.
Comme il �toit occup� de cette pens�e, tout d'un coup il vit para�tre
devant lui comme un jeune homme de son �ge, bien fait, bien couvert, qui
lui ayant demand� le sujet de son inqui�tude lui pr�senta sa main pleine
d'argent, et lui dit d'�prouver s'il �toit bon. Il lui dit de le venir
retrouver le lendemain. Michel retourne trouver ses compagnons, qui
jouoient encore, regagne tout l'argent qu'il avoit perdu, et gagne tout
celui de ses compagnons. Puis il revient trouver son d�mon, qui lui demanda
pour r�compense trois gouttes de son sang, qu'il re�ut dans une coquille de
gland: puis offrant une plume � Michel il lui dit d'�crire ce qu'il lui
dicteroit. Il lui dicta quelques termes inconnus qu'il fit �crire sur deux
billets diff�rens[2] dont l'un demeura au pouvoir du d�mon et l'autre fut
mis dans le bras de Michel au m�me endroit d'o� le d�mon avoit tir� du
sang. Et le d�mon lui dit: Je m'engage de vous servir pendant sept ans,
apr�s lesquels vous m'appartiendrez sans r�serve. Le jeune homme y
consentit, quoique avec horreur, et le d�mon ne manquoit pas de lui
appara�tre jour et nuit sous diverses formes, et de lui inspirer diverses
choses inconnues et curieuses, mais toujours tendantes au mal. Le terme
fatal des sept ann�es approchoit, et le jeune homme avoit alors environ
vingt ans. Il revint chez son p�re: le d�mon auquel il s'�toit donn� lui
inspira d'empoisonner son p�re et sa m�re, de mettre le feu � leur ch�teau
et de se tuer soi-m�me. Il essaya de commettre tous ces crimes: Dieu ne
permit pas qu'il y r�uss�t, le fusil dont il vouloit se tuer ayant fait
faute jusqu'� deux fois, et le venin n'ayant pas op�r� sur ses p�re et
m�re. Inquiet de plus en plus, il d�couvrit � quelques domestiques de son
p�re le malheureux �tat o� il se trouvoit, et les pria de lui procurer
quelques secours. En ce m�me temps le d�mon le saisit, et lui tourna tout
le corps en arri�re, et peu s'en fallut qu'il ne lui rompit les os. Sa m�re
qui �toit de l'h�r�sie de Suenfeld, et qui y avoit engag� son fils, ne
trouvant dans sa secte aucun secours contre le d�mon qui le possedoit ou
l'obsedoit, fut contrainte de le mettre entre les mains de quelques
religieux. Mais s'en retira bient�t et s'enfuit � l'Islade d'o� il fut
ramen� � Molsheim par son fr�re, chanoine de Wirsbourg, qui le remit entre
les mains des PP. de la Soci�t�. Ce fut alors que le d�mon fit les plus
violens efforts contre lui, lui apparoissant sous la forme d'animaux
f�roces. Un jour entre autres le d�mon sous la forme d'un homme sauvage et
tout velu jetta par terre une c�dule ou pacte diff�rent du vrai qu'il avoit
extorqu� du jeune homme, pour t�cher sous cette fausse apparence de le
tirer des mains de ceux qui le gardoient et pour l'emp�cher de faire sa
confession g�n�rale. Enfin on prit jour au 20 octobre 1603, pour se trouver
en la chapelle de sainct Ignace, et y faire rapporter la v�ritable c�dule
contenant le pacte fait avec le d�mon. Le jeune homme y fit profession de
la foi catholique et orthodoxe, renon�a au d�mon, et re�ut la sainte
Eucharistie. Alors jettant des cris horribles, il dit qu'il voyoit comme
deux boucs d'une grandeur d�mesur�e, qui, ayant les pieds de devant en
haut, tenoient entre leurs ongles chacun de leur c�t� l'une des c�dules ou
pactes. Mais d�s qu'on e�t commenc� les exorcismes et invoqu� le nom de
sainct Ignace les deux boucs s'enfuirent, et il sortit du bras ou de la
main gauche du jeune homme presque sans douleur et sans laisser de
cicatrice, le pacte qui tomba aux pieds de l'exorciste. Il ne manquoit plus
que le second pacte qui �toit rest� au pouvoir du d�mon. On recommen�a les
exorcismes, on invoqua sainct Ignace et on promit de dire une messe en
l'honneur du sainct: en m�me temps parut une grande cigogne difforme, mal
faite, qui laissa tomber de son bec cette seconde c�dule, et on la trouva
sur l'autel.�
�Or afin qu'on cognoisse que ce ne sont point songe il est tout �vident,
que la marque de Sathan sur les sorciers est comme l�preuse, car pour toute
pointure d'alesnes et picqueures, le lieu est insensible, et c'est o� on
les �prouve vraiment estre sorciers de profession � telle marque car ils ne
sentent la pointure non plus que s'ils �taient ladres et n'en sort jamais
goutte de sang, voire jamais on ne peut faire jecter l'arme pour tout
supplice qu'on leur puisse inf�rer.�
�Ces marques, disait Jacques Fontaine[1], ne sont pas grav�es par le d�mon
sur les corps des sorciers, pour les recognoistre seulement, comme font les
capitaines des compagnies de chevaux-l�gers qui cognoissent ceux qui sont
de leur compagnie par la couleur des casaques, mais pour contrefaire le
cr�ateur de toutes choses, pour montrer sa superbe, et l'authorit� qu'il a
acquise sur les mis�rables humains que se laissent attrapper � ses
cautelles et ruses pour le tenir en son service et subjection par la
recognoissance des marques de leur ma�tre. Pour les empescher en tant qu'il
luy est possible, de se desdire de leurs promesses et serments de fid�lit�,
parce qu'en luy faisan banqueroute, les marques ne demeurent pas moins
tousjours sur leurs corps, pour, en cas d'accusation servir de moyen de les
perdre � la moindre descouverte qu'il s'en puisse faire.�
�Un accus� nomm� Louis Gaufridy, qui venoit d'�tre condamn� au feu...
estoit marqu� en plus de trente endroits du corps et principalement sur les
reins o� il avait une marque de luxure si �norme et profonde, esgard au
lieu, qu'on y plantoit une esguille jusques � trois doigts de travers sans
appercevoir aucun sentiment ny aucune humeur que la picqueure rendit.�
Le m�me auteur �tablit que les marques des sorciers sont des parties
mortifi�es par l'attouchement du doigt du diable.
Voici autre chose: Un homme qui n'avait que vingt sous pour toute fortune
se mit � vendre du vin aux passants. Pour gagner davantage, il mettait
autant d'eau que de vin dans ce qu'il vendait. Au bout d'un certain temps,
il amassa, par cette voie injuste, la somme de cent livres. Ayant serr� cet
argent dans un sac de cuir, il alla avec un de ses amis faire provision de
vin pour continuer son trafic; mais, comme il �tait pr�s d'une rivi�re, il
tira du sac de cuir une pi�ce de vingt sous pour une petite emplette; il
tenait le sac dans la main gauche et la pi�ce dans la droite; incontinent
un oiseau de proie fondit sur lui et lui enleva son sac, qu'il laissa
tomber dans la rivi�re. Le pauvre homme, dont toute la fortune se trouvait
ainsi perdue, dit � son compagnon: Dieu est �quitable; je n'avais qu'une
pi�ce de vingt sous quand j'ai commenc� � voler; il m'a laiss� mon bien, et
m'a �t� ce que j'avais acquis injustement[1].
[Note 1: Ch. IV, ann. 1705, cit� par dom Calmet, dans le _Trait�
sur les apparitions des esprits_, t. I, p. 271.]
�Jean Wier r�cite, continue Bodin[1], qu'il a veu une fille demoniaque en
Alemagne, laquelle interrog�e par un exorciste, Satan respondit qu'il
faloit que la fille allast en pelerinage � Marcodur, ville eslongn�e de
quelques lieues, que de trois pas l'un elle s'agenouillast, et fist dire la
messe sur l'autel Saincte-Anne, et qu'elle seroit d�livr�e, predisant le
signal de sa delivrance � la fin de la messe. Ce qui fut fait, et sur la
fin de la messe, elle et le prestre virent un fantosme blanc, et fut ainsi
delivr�e.�
[Note 2: Ouragans.]
�rasme rapporte dans ses �p�tres cette histoire recueillie par un auteur
anonyme[1]:
�Mais cecy est trop plus que v�ritable que nagu�re elle (Schiltach � huit
lieues de Fribourg) a est� presque toute brusl�e l'an 1533, le jeudy avant
Pasques, et comme cela est advenu, voicy comme on l'a d�pos� v�ritablement
devant le magistrat, ainsy que je l'ay ouy r�citer � Henry Glar�an: c'est
que le diable faisant signe en sifflant en quelque certaine maison, du
hault d'icelle, il y eut un hostellier se tenant en icelle qui estimant que
ce fut quelque larron, monta en hault mais n'y trouva personne, et soudain
il oyt le mesme signe plus hault encore que la premi�re fois, il y remonte,
pour suivre, et empoigner le larron s'il le trouvoit par cas d'adventure;
mais y estant, il ne voit rien, trop bien entendit-il le sifflet sur le
feste de la chemin�e: ce qui lui feit penser que c'estoit quelque illusion
et ruse diabolique, et pour ce il encouragea les siens et feit appeler les
eccl�siastiques: voicy deux prestres arrivez qui font leurs exorcismes et
adjurations, il respond et confesse franchement quel il estoit, et enquis �
quelle fin il estoit l� venu ne faignit de respondre que c'estoit pour
br�ler toute la susdite ville. Les gens d'�glise se mirent � l'adjurer, et
le menacer, mais il dit qu'il ne craignoit point leurs parolles ny menaces
� cause que l'un d'eux estoit paillard et tous les deux larrons. Peu de
temps apr�s, il prit et porta sur la chemin�e une femme avec laquelle il
avoit hant� l'espace de quatorze ans, quoyque tous les ans elle allast �
confesse et re�eut le sainct sacrement, � laquelle il mit en main un pot �
feu, et luy commande de l'espandre. Cas merveilleux, elle l'espand, et tout
sur l'heure, toute la ville fut arse et r�duite en cendres, par le fait du
diable, s'aidant du minist�re de cette sorci�re, et laquelle fut depuis
aussi brusl�e.�
[Note 2: En son trait� _De magis, veneficis, etc._, liv. I, ch. I.]
Le diable aime � punir les m�chants: Job Fincel[1] rapporte que �l'an 1532,
un gentil-homme aleman cruel envers ses sujets, commanda � certain paysan
de lui aller querir en la forest prochaine un grand chesne, et le lui
amener en sa maison, � peine d'estre rudement chasti�. Le paysan tenant
cela comme impossible, part en souspirant et larmoyant. Entr� dedans la
forest, il rencontre un homme (c'estoit l'ennemi) qui lui demande la cause
de sa tristesse? A quoy le paysan satisfit, l'autre lui ayant command� de
s'en retourner, promet de donner ordre que le gentil-homme auroit bien tost
un chesne. A peine le paysan estoit de retour au village que son homme de
la forest jette tout contre la porte du gentil-homme et en travers un des
plus gros et grands chesnes qu'on eust peu choisir, avec ses branches et
rameaux. Qui plus est cest arbre se rendit dur comme fer tellement qu'il
fust impossible de le mettre en pieces, au moyen de quoy le gentil-homme se
vid contraint � sa honte, fascherie et dispense de percer sa maison en
autre endroit et y faire fenestres et portes nouvelles.�
On trouve sur le chapitre des malices du diable des l�gendes bien na�ves.
Il y avait � Bonn, dit C�saire d'Heisterbach, un pr�tre remarquable par sa
puret�, sa bont� et sa d�votion. Le diable se plaisait � lui jouer de
petits tours de laquais: lorsqu'il lisait son br�viaire, l'esprit malin
s'approchait sans se laisser voir, mettait sa griffe sur la le�on du bon
cur� et l'emp�chait de finir; une autre fois il fermait le livre, ou
tournait le feuillet � contretemps. Si c'�tait la nuit, il soufflait la
chandelle. Le diable esp�rait se donner la joie de mettre sa victime en
col�re; mais le bon pr�tre recevait tout cela si bien et r�sistait si
constamment � l'impatience, que l'importun esprit fut oblig� de chercher
une autre dupe[1].
Pline parle de quelques jeunes gens qui furent tondus par le diable.
Pendant que ces jeunes gens dormaient, des esprits familiers, v�tus de
blanc, entraient dans leurs chambres, se posaient sur leur lit, leur
coupaient les cheveux proprement, et s'en allaient apr�s les avoir r�pandus
sur le plancher[1].
Les rabbins, qui placent la cr�ation des anges au second jour, ajoutent
qu'ayant �t� appel�s au conseil de Dieu, lorsqu'il voulut former l'homme,
leurs avis furent partag�s, et que Dieu fit Adam � leur insu, pour �viter
leurs murmures. Ils reproch�rent n�anmoins � Dieu d'avoir donn� trop
d'empire � Adam. Dieu soutint l'excellence de son ouvrage, parce que
l'homme devait le louer sur la terre, comme les anges le louaient dans le
ciel. Il leur demanda ensuite s'ils savaient le nom de toutes les
cr�atures? Ils r�pondirent que non; et Adam, qui parut aussit�t, les r�cita
tous sans h�siter, ce qui les confondit.
Les musulmans croient que les hommes ont chacun deux anges gardiens, dont
l'un �crit le bien qu'ils font, et l'autre, le mal. Ces anges sont si bons,
ajoutent-ils, que, quand celui qui est sous leur garde fait une mauvaise
action, ils le laissent dormir avant de l'enregistrer, esp�rant qu'il
pourra se repentir � son r�veil.
Les Persans donnent � chaque homme cinq anges gardiens, qui sont plac�s: le
premier � sa droite pour �crire ses bonnes actions, le second � sa gauche
pour �crire les mauvaises, le troisi�me devant lui pour le conduire, le
quatri�me derri�re pour le garantir des d�mons, et le cinqui�me devant son
front pour tenir son esprit �lev� vers le proph�te. D'autres en ce pays
portent le nombre des anges gardiens jusqu'� cent soixante.
Les Siamois divisent les anges en sept ordres, et les chargent de la garde
des plan�tes, des villes, des personnes. Ils disent que c'est pendant qu'on
�ternue que les mauvais anges �crivent les fautes des hommes.
Parce que des anges, en certaines occasions o� Dieu l'a voulu, ont secouru
les Juifs contre leurs ennemis, les peuples modernes ont quelquefois
attendu le m�me prodige. Le jour de la prise de Constantinople par Mahomet
II, les Grecs schismatiques, comptant sur la proph�tie d'un de leurs
moines, se persuadaient que les Turcs n'entreraient pas dans la ville, mais
qu'ils seraient arr�t�s aux murailles par un ange arm� d'un glaive, qui les
chasserait et les repousserait jusqu'aux fronti�res de la Perse. Quand
l'ennemi parut sur la br�che, le peuple et l'arm�e se r�fugi�rent dans le
temple de Sainte-Sophie, sans avoir perdu tout espoir; mais l'ange n'arriva
pas, et la ville fut saccag�e.
Cardan raconte qu'un jour qu'il �tait � Milan, le bruit se r�pandit tout �
coup qu'il y avait un ange dans les airs au-dessus de la ville. Il accourut
et vit, ainsi que deux mille personnes rassembl�es, un ange qui planait
dans les nuages, arm� d'une longue �p�e et les ailes �tendues. Les
habitants s'�criaient que c'�tait l'ange exterminateur; et la consternation
devenait g�n�rale, lorsqu'un jurisconsulte fit remarquer que ce qu'on
voyait n'�tait que la repr�sentation, qui se faisait dans les nu�es, d'un
ange de marbre blanc plac� au haut du clocher de Saint-Gothard.
�Plusieurs ont dout�, dit Loys Guyon[1], si les anges qu'on appelle
autrement intelligences, qui sont composez de substances incorpor�es,
ministres, ambassadeurs et l�gats de Dieu, avoyent des corps humains ainsi
qu'il se trouve escrit au dixiesme chapitre des Actes, de la vision d'un
ange qui fut envoy� � Corneille, et qui parla � luy. Par les discours qu'il
fait � ses amis, une fois il l'appelle homme, autrefois ange. Moyse
pareillement appelle indiff�remment maintenant anges, maintenant hommes,
ceux qui apparurent � Abraham, estans vestus de corps humains. Et comme
aussi en plusieurs autres passages de l'Escriture Saincte, il se trouve de
telles choses.
�Tous th�ologiens catholiques tiennent que ces anges avoyent des corps
humains, lesquels Dieu par son seul commandement leur avoit cr�e
impassibles, sans aucune mati�re prejacente, et si tost qu'ils avoyent
exploit� ce qui leur avoit est� enjoint, les corps revenoyent � rien, comme
ils avoyent est� cr�es de rien. Et quant � leurs vestemens, la Saincte
Escriture les dit estre ordinairement blancs et reluisans. Les �vangelistes
rendent tesmoignage, qu'il y avoit une esmerveillable splendeur aux
vestemens de J�sus-Christ, quand il fut transfigur� en la montagne saincte,
et l� manifesta sa gloire � trois de ses disciples. Ils en disent autant
des anges qui ont est� envoyez pour tesmoigner la resurrection de
J�sus-Christ.
�Simon Grynee, tr�s docte personnage, estant all�, dit Goulart[1], l'an
1529, de Heidelberg � Spire, o� se tenoit une journ�e imp�riale, voulut
ouyr certain prescheur, fort estim� � cause de son eloquence. Mais ayant
entendu divers propositions contre la majest� et v�rit� du fils de Dieu, au
sortir du sermon, il suit le prescheur, le salue honorablement, et le prie
d'estre support� en ce qu'il avoit � dire. Ils entrent doucement en propos.
Grynee lui remonstre vivement et gravement les erreurs par lui avancez, lui
ramentoit ce qu'avoit accoustum� faire sainct Polycarpe, disciple des
apostres, s'il lui avenoit d'ouyr des faussetez et blasphesmes en l'eglise.
L'exhortant au nom de Dieu de penser � sa conscience et se departir de ses
opinions erron�es. Le prescheur demeure court, et feignant un d�sir de
conferer plus particuli�rement, comme ayant haste de se retirer chez soy,
demande � Grynee son nom, surnom, logis, et le convie � l'aller voir le
lendemain pour deviser amplement, et demonstre affectionner l'amiti� de
Grynee, adjoustant que le public recueilleroit un grand profit de ceste
leur conference. Outre plus il monstre sa maison � Grynee, lequel delibere
se trouver � l'heure assign�e, se retire en son hostellerie. Mais le
prescheur irrit� de la censure qui lui avoit est� faite, bastit en sa
pens�e une prison, un eschaffaut et la mort � Grynee: lequel disnant avec
plusieurs notables personnages leur raconta les propos qu'il avoit tenus �
ce prescheur. La dessus on appelle le docteur Philippe, assis � table
aupres de Grynee, lequel sort du poisle, et trouve un honorable vieillard,
beau de visage, honorablement habill�, inconnu, qui de parole grave et
amiable, commence � dire que dedans l'heure d'alors arriveroyent en
l'hostellerie des officiers envoyez de la part du roy des Romains, pour
mener Grynee en prison. Le vieillard adjouste en commandement � Grynee de
desloger promptement hors de Spire, exhortant Philippe a ne differer
davantage. Et sur ce le vieillard disparoit. Le docteur Philippe, lequel
raconte l'histoire en son _Commentaire sur le proph�te Daniel_, chapitre
dixiesme, adjouste ces mots: Je revin vers la compagnie, je leur commande
de sortir de table, racontant ce que le vieillard m'avoit dit. Soudain nous
traversons la grande place ayant Grynee au milieu de nous, et allons droict
au Rhin, que Grynee passe promptement avec son serviteur dedans un esquif.
Le voyans � sauvet�, nous retournons � l'hostellerie, o� l'on nous dit
qu'incontinent apr�s nostre d�part, les sergens estoyent venus cercher
Grynee.�
I.--F�ES
Pomponius Mela[1] nous apprend que �l'�le de Sein est sur la c�te des
Osismiens; ce qui la distingue particuli�rement, c'est l'oracle d'une
divinit� gauloise. Les pr�tresses de ce dieu gardent une perp�tuelle
virginit�; elles sont au nombre de neuf. Les Gaulois les nomment C�nes: ils
croient qu'anim�es d'un g�nie particulier, elles peuvent par leurs vers,
exciter des temp�tes et dans les airs et sur la mer, prendre la forme de
toute esp�ce d'animaux, gu�rir les maladies les plus inv�t�r�es, pr�dire
l'avenir; elles n'exercent leur art que pour les navigateurs qui se mettent
en mer dans le seul but de les consulter.�
C'est dans cette �le aussi que Morgane mena son bien-aim� Ogier le Danois
pour prendre soin de son �ducation. C'est encore l� que fut port� Renoart,
l'un des h�ros de la chanson de gestes de Guillaume au court nez:
Le nom d'Avalon vient d'_Inis Afalon_, �le des pommes, en langue bretonne,
et l'on a expliqu� cette qualification par l'abondance des pommiers qui se
rencontraient � Glastonbury. Suivant M. de Fr�minville[1], Avalon serait la
petite �le d'Agalon, situ�e non loin du c�l�bre ch�teau de Kerduel, et dont
les chroniqueurs font le s�jour favori du roi Artur.
D'apr�s l'_Edda_, �les f�es qui sont d'une bonne origine sont bonnes et
dispensent de bonnes destin�es; mais les hommes � qui il arrive du malheur
doivent l'attribuer aux m�chantes f�es.�
On lit dans le roman de Lancelot du Lac: �Toutes les femmes sont appel�es
f�es qui savent des enchantements et des charmes et qui connaissent le
pouvoir de certaines paroles, la vertu des pierres et des herbes; ce sont
les f�es qui donnent la richesse, la beaut� et la jeunesse.�
�Mon enfant, dit un auteur anonyme du XIVe si�cle, rapport� par M. Leroux
de Lincy[1], les f�es ce estoient diables qui disoient que les gens
estoient destinez et faes les uns � bien, les autres � mal, selon le cours
du ciel ou de la nature. Comme se un enfant naissoit � tele heure ou en tel
cours, il li estoit destin� qu'il seroit pendu ou qu'il seroit noi�, ou
qu'il espouseroit tel dame ou teles destin�es, pour ce les appeloit l'en
fes, quar f�e selon le latin, vaut autant comme destin�e, _fatatrices
vocabantur_.�
�Laissons les acteurs ester, dit Jean d'Arras[1], et racontons ce que nous
avons ouy dire et raconter � nos anciens, et que cestui jour nous oyons
dire qu'on a vu au pa�s de Poitou et ailleurs, pour coulourer nostre
histoire, � estre vraie, comme nous le tenons et qui nous est publi� par
les vraies chroniques, nous avons ouy raconter � nos anciens que en
plusieurs parties sont aparues � plusieurs tres familierement, choses
lesquelles aucuns appeloient _luitons_, aucuns autres les _fa�s_, aucuns
autres les _bonnes dames_, qui vont de nuit et entrent dedans les maisons,
sans les huis rompre, ne ouvrir, et ostent les enffanz des berceulx et
bestournent les membres, ou les ardent, et quant au partir les laissent
aussi sains comme devant, et � aucuns donnent grant eur en cest monde.
Encores, dit Gervaise, que autres fa�s s'apairent de nuit en guise de
femmes � face rid�e, basses et en petite estature et font les besoignes des
hostelz lib�ralement, et nul mal ne faisoient; et dit que, pour certain, il
avoit veu ung ancien homme qui racontoit pour v�rit� qu'il avoit veu en son
temps grant foison de telles choses. Et dit encore que les dictes fa�s se
mettoient en fourme de tr�s belles femmes; et en ont plusieurs hommes
prinses pour moittiers; parmi aucunes convenances qu'elles leur faisoient
jurer, les uns qu'ils ne les verroient jamais nues, les autres que le
samedi ne querroient qu'elles seroient devenues; aucunes, se elles avoient
enfans, que leurs mariz ne les verroient jamais en leur g�sine, et tant
qu'ils leur tenoient leurs convenances, ils estoient regnant en grant
audicion et prosp�rit�, et sitost qu'ils deffailloient ils les perdoient et
d�cheoient de tous leur boneur petit � petit; et aucunes se convertissoient
en serpens, ung ou plusieurs jours la sepmaine, etc.�
Le fond des for�ts et le bord des fontaines �taient le s�jour favori des
f�es.
[Note 1: _Les f�es du moyen �ge, recherches sur leur origine, leur
histoire et leurs attributs, pour servir � la connaissance de la
mythologie gauloise_, par L. F. Alfred Maury. Paris, Ladrange,
1843, in-12]
�L� soule l'en les f�es veoir�, �crivait en 1096 Robert Wace. Ce fut
�galement dans une for�t, celle de Colombiers en Poitou, pr�s d'une
fontaine appel�e aujourd'hui par corruption la _font de sci�_, que M�lusine
apparut � Raimondin[1]. C'est aussi pr�s d'une fontaine que Graelent vit la
f�e dont il tomba amoureux et avec laquelle il disparut pour ne plus jamais
repara�tre[2]. C'est pr�s d'une rivi�re que Lanval rencontra les deux f�es
dont l'une, celle qui devint sa ma�tresse, l'emmena dans l'�le d'Avalon,
apr�s l'avoir soustrait au danger que lui faisait courir l'odieux
ressentiment de Genevre[3]. Viviane, f�e c�l�bre dont le nom est une
corruption de _Vivlian_, g�nie des bois, c�l�br�e par les chants celtiques,
habitait au fond des for�ts, sous un buisson d'aub�pine, o� elle tint
Merlin ensorcel�[4].�
Une des principales occupations des f�es, c'est de douer les enfants de
vertus plus ou moins extraordinaires, plus ou moins surnaturelles.
Le _Roman d'Ogier le Danois_ raconte que: �La nuit o� l'enfant naquit, les
demoiselles du ch�teau le port�rent dans une chambre s�par�e, et quand il
fut l�, six belles demoiselles qui �taient f�es se pr�sent�rent: s'�tant
approch�es de l'enfant, l'une d'elles, nomm�e Gloriande, le prit dans ses
bras, et le voyant si beau, si bien fait, elle l'embrassa et dit: Mon
enfant, je te donne un don par la gr�ce de Dieu, c'est que toute ta vie tu
seras le plus hardi chevalier de ton temps. Dame, dit une autre f�e, nomm�e
Palestrine, certes voil� un beau don, et moi j'y ajoute que jamais tournois
et batailles ne manqueront � Oger. Dame, ajouta la troisi�me, nomm�e
Pharamonde, ces dons ne sont pas sans p�ril, aussi je veux qu'il soit
toujours vainqueur. Je veux, dit alors Melior, qu'il soit le plus beau, le
plus gracieux des chevaliers. Et moi, dit Pressine, je lui promets un amour
heureux et constant de la part de toutes les dames. Enfin, Mourgues, la
sixi�me, ajouta: J'ai bien �cout� tous les dons que vous avez faits � cet
enfant, eh bien! il en jouira seulement apr�s avoir �t� mon ami par amour,
et avoir habit� mon ch�teau d'Avalon. Ayant dit, Mourgues embrassa
l'enfant, et toutes les f�es disparurent.�
M�lusine suborna ainsi Raimondin pour �chapper au destin cruel que lui
avait pr�dit sa m�re Pressine.
�La beaut�, dit M. Maury[1], est, il est vrai, un des avantages qu'elles
ont conserv�s; cette beaut� est presque proverbiale dans la po�sie du moyen
�ge; mais � ces charmes elles unissent quelques secr�te difformit�, quelque
affreux d�faut; elles ont, en un mot, je ne sais quoi d'�trange dans leur
conduite et leur personne. La charmante M�lusine devenait, tous les
samedis, serpent de la t�te au bas du corps. La f�e qui, d'apr�s la
l�gende, est la souche de la maison de Haro, avait un pied de biche d'o�
elle tira son nom, et n'�tait elle-m�me qu'un d�mon succube.�
�Le nom de dame du lac, dit le m�me auteur, donn� � plusieurs f�es, � la
Sibille du roman de Perceforest, � Viviane, qui �leva le fameux Lancelot,
surnomm� aussi du Lac, a son origine dans les traditions septentrionales.
Ces dames du lac sont filles des meerweib-nixes qui, sur les bords du
Danube, pr�disent dans les Niebelungen, l'avenir au guerrier Hag�ne; elles
descendent de cette sir�ne du Rhin qui, � l'entr�e du gouffre o� avait �t�
pr�cipit� le fatal tr�sor des Niebelungen, attirait par l'harmonie de ses
chants que quinze �chos r�p�taient, les vaisseaux dans l'ab�me.�
�Les ondins, les nixes de l'Allemagne, attirent au fond des eaux les
mortels qu'elles ont s�duits ou ceux qui, � l'exemple d'Hylas, se hasardent
imprudemment sur les bords qu'elles habitent. En France, une l�gende
proven�ale raconte de m�me comment une f�e attira Brincan sous la plaine
liquide et le transporta dans son palais de cristal[1]. Cette f�e avait une
chevelure vert glauque, qui rappelle celle que donnent les habitants de la
Thuringe � la nixe du lac de Sal-Zung[2], ou celle qu'attribuent les Slaves
� leurs roussalkis[3]. Ces roussalkis, comme les ondins de Magdebourg[4],
comme les Korrigans de la Bretagne, viennent souvent � la surface des eaux
peigner leur brillante chevelure. M�lusine nous est repr�sent�e de m�me
peignant ses longs cheveux, tandis que sa queue s'agite dans un bassin.�
Les historiens citent encore d'autres dames blanches, comme la dame blanche
d'Avenel, la _dona bianca_ des Colalto, la femme blanche des seigneurs de
Neuhaus et de Rosenberg, etc.
On donne encore le nom de _dames blanches_ aux f�es bretonnes ou
_Korrigans_. Elles connaissent l'avenir, commandent aux agents de la
nature, peuvent se transformer en la forme qui leur pla�t. En un clin
d'oeil les Korrigans peuvent se transporter d'un bout du monde � l'autre.
Tous les ans, au retour du printemps, elles c�l�brent une grande f�te de
nuit; au clair de lune elles assistent � un repas myst�rieux, puis
disparaissent aux premiers rayons de l'aurore. Elles sont ordinairement
v�tues de blanc, ce qui leur a valu leur surnom. Les paysans bas-bretons
assurent que ce sont de grandes princesses gauloises qui n'ont pas voulu
embrasser le christianisme lors de l'arriv�e des ap�tres[1].
L'A�a, Ambriane ou Caieta est une f�e de la classe des _dames blanches_,
qui habite le territoire de Ga�te, dans le royaume de Naples, et qui y
pr�occupe autant l'esprit des personnes faites que celui de l'enfance.
Comme chez la plupart des dames blanches, les intentions de l'A�a sont
toujours bienveillantes: elle s'int�resse � la naissance, aux �v�nements
heureux et malheureux, et � la mort de tous les membres de la famille
qu'elle prot�ge. Elle balance le berceau des nouveau-n�s. C'est
principalement durant les heures du sommeil qu'elle se met � parcourir les
chambres de la maison; mais elle y revient encore quelquefois pendant le
jour. Ainsi, lorsqu'on entend le craquement d'une porte, d'un volet, d'un
meuble, et que l'air agit� siffle l�g�rement, on est convaincu que c'est
l'annonce de la visite de l'A�a. Alors chacun garde le silence, �coute; le
coeur bat � tous; on �prouve � la fois de la crainte et un respect
religieux; le travail est suspendu; et l'on attend que la belle Ambriane
ait eu le temps d'achever l'inspection qu'on suppose qu'elle est venue
faire. Quelques personnes, plus favoris�es ou menteuses, affirment avoir vu
la f�e, et d�crivent sa grande taille, son visage grave, sa robe blanche,
son voile qui ondule; mais la plupart des croyants d�clarent n'avoir pas
�t� assez heureux pour l'apercevoir. Cette superstition remonte � des temps
recul�s, puisque Virgile la trouva existant d�j� au m�me lieu.
II.--ELFES
Les Alfs ou Elfes sont dans les pays du Nord les g�nies des airs et de la
terre. Ils ont quelque ressemblance avec les f�es. Leur roi Oberon,
immortalis� par Wieland, est le roi des aulnes, _Ellen K�nig_, chant� par
Goethe.
Torfeus, historien danois qui vivait au XVIIe si�cle, cit� par M. Leroux de
Lincy[1], rapporte dans la pr�face de son �dition de la _Saga de Hrolf_,
l'opinion d'un pr�tre islandais nomm� Einard Gusmond, relativement aux
Elfes: �Je suis persuad�, disait-il, qu'ils existent r�ellement, et qu'ils
sont la cr�ature de Dieu; qu'ils se marient comme nous, et reproduisent des
enfants de l'un et l'autre sexe: nous en avons une preuve dans ce que l'on
sait des amours de quelques-unes de leurs femmes avec de simples mortels.
Ils forment un peuple semblable aux autres peuples, habitent des ch�teaux,
des maisons, des chaumi�res; ils sont pauvres ou riches, gais ou tristes,
dorment et veillent, et ont toutes les autres affections qui appartiennent
� l'humanit�.�
�On d�peint les Elfes, dit M. Leroux de Lincy[1], comme ayant une grosse
t�te, de petites jambes et de longs bras; quand ils sont debout, ils ne
s'�l�vent pas au-dessus de l'herbe des champs. Adroits, subtils, audacieux,
toujours malins, ils ont des qualit�s pr�cieuses et surhumaines. C'est
ainsi que ceux qui vivent sous la terre et qui veillent � la garde des
m�taux sont r�put�s comme tr�s habiles � forger des armes. Ceux qui
habitent l'onde aiment beaucoup la musique et sont dou�s de talents
merveilleux en ce genre. La danse est le partage de ceux qui vivent entre
le ciel et la terre, ou dans les rochers. Ceux qui s�journent en de petites
pierres appel�es _Elf-mills, Elf-guarnor_ ont une voix douce et
m�lodieuse.�
�Chez les peuples Scandinaves, les Elfes passaient pour aimer passionn�ment
la danse. Ce sont eux, disait-on, qui forment des cercles d'un vert
brillant, nomm�s _Elf-dans_, que l'on aper�oit sur le gazon. Aujourd'hui
encore, quand un paysan danois rencontre un cercle semblable, aux premiers
rayons du jour, il dit que les Elfes sont venus danser pendant la nuit.
Tout le monde ne voit pas les _Elfs-dans_. Ce don est surtout le partage
des enfants n�s le dimanche; mais les Elfes ont le pouvoir de douer de
cette science leurs prot�g�s en leur donnant un livre dans lequel ceux-ci
apprennent � lire l'avenir.�
�Les Elfes demeurent dans les marais, au bord des fleuves, disent encore
les paysans danois; ils prennent la forme d'un homme vieux, petit, avec un
large chapeau sur la t�te. Leurs femmes sont jeunes, belles, et d'un aspect
attrayant, mais par derri�re elles sont creuses et vides. Les jeunes gens
doivent surtout les �viter. Elles savent jouer d'un instrument d�licieux
qui trouble l'esprit. On rencontre souvent les Elfes se baignant dans les
eaux qu'ils habitent. Si un mortel ose approcher d'eux, ils ouvrent leur
bouche, et, atteint du souffle qui s'en �chappe, l'imprudent meurt
empoisonn�.�
�Souvent, par un beau clair de lune, on voit les femmes des Elfes danser en
rond sur les vertes prairies; un charme irr�sistible entra�ne ceux qui les
rencontrent � danser avec elles: malheur � qui succombe � ce d�sir! car
elles emportent l'imprudent dans une ronde si vive, si anim�e, si rapide
qu'il tombe bient�t sans vie sur le gazon. Plusieurs ballades ont perp�tu�
le souvenir de ces terribles morts.�
�Ces Elfes habitants des eaux s'appellent _Nokkes_, chez les Danois.
Beaucoup de souvenirs se rattachent � eux. Tant�t on croit les voir au
milieu d'une nuit d'�t�, rasant la surface des ondes, sous la forme de
petits enfants aux longs cheveux d'or, un chaperon rouge sur la t�te.
Tant�t ils courent sur le rivage, semblables aux centaures, ou bien sous
l'apparence d'un vieillard, avec une longue barbe dont l'eau s'�chappe, ils
sont assis au milieu des rochers.�
�Les Nokkes punissent s�v�rement les jeunes filles infid�les, et quand ils
aiment une mortelle, ils sont doux et faciles � tromper. Grands musiciens,
on les voit assis au milieu de l'eau, touchant une harpe d'or qui a le
pouvoir d'animer toute la nature. Quand on veut apprendre la musique avec
de pareils ma�tres, il faut se pr�senter � l'un d'eux avec un agneau noir,
et lui promettre qu'il sera sauv� comme les autres hommes et ressuscitera
au jour solennel.�
�En Su�de, dit M. Alf. Maury[1], les paysans v�n�rent les tilleuls, comme
ayant jadis �t� la demeure des Elfes. C'�tait sous un arbre gigantesque, le
fr�ne Yggdrasill, aupr�s de la fontaine Urda, que les gnomes li�s � ces
esprits des airs avaient fix� leur demeure.�
�L'herbe des champs est sous la protection des Elfes; tant qu'elle n'a pas
encore lev�, qu'elle ne fait que germer sous terre, ce sont les Elfes noirs
(_Schwarsen Elfen_) qui la prot�gent, qui veillent sur elle; puis a-t-elle
�lev� au-dessus du sol sa tige d�licate, elle passe sous la garde des Elfes
lumineux (_Licht Elfen_), des Elfes de lumi�re.�
On retrouve les Elfes dans les autres pays de l'Europe sous diff�rents
noms. En Allemagne ils jouent un r�le dans les _Niebelungen_ et dans le
_Heldenbuch_.
�Les femmes des Elfes, dit M. Alf. Maury[1], sont regard�es en Allemagne
comme aussi habiles que nos f�es � tourner le fuseau. Une foule de
traditions rappellent ces myst�rieuses ouvri�res. Telle est la l�gende de
la jeune fille de Scherven pr�s de Cologne, qu'on voit la nuit filer un fil
magique; telle est celle de dame Holl�, que la croyance populaire place
dans la Hesse, sur le mont Meisner. Holl� distribue des fleurs, des fruits,
des g�teaux de farine et r�pand la fertilit� dans les champs qu'elle
parcourt; elle excelle � filer; elle encourage les fileuses laborieuses et
punit les paresseuses; elle pr�side � la naissance des enfants, se montre
alors sous l'apparence d'une vieille femme aux v�tements blancs; parfois
aussi elle est vindicative et cruelle. Elle se venge en enlevant les
enfants et en les entra�nant au fond des eaux. Pschipolonza, cette petite
femme vieille, hideuse et rid�e, qui effraie souvent les paysans des
environs de Zittau, se montre au bord des chemins dans les bois, v�tue de
blanc et occup�e � filer. Dans la Livonie, on croit aux _Swehtas
jumprawas_, jeunes filles qu'on aper�oit la nuit filant myst�rieusement.
�Les feux folets chang�s en lutins par nos paysans, ajoute M. Leroux de
Lincy[1], ont gard� quelques rapports avec les Elfes norv�giens. En
Bretagne, sous le nom de _Gourils, Gories_ ou _Crions_, les Elfes se sont
r�fugi�s dans les monuments de Karnac, pr�s Quiberon. L�, comme on sait,
dans une plaine vaste, aride, o� pas un arbre, pas une plante ne cro�t,
sont debout environ douze � quinze cents pierres, dont les plus hautes
peuvent avoir dix-huit � vingt pieds. Interrogez les Bretons sur ces
pierres, ils vous diront: C'est un vieux camp de C�sar; ces pierres furent
une arm�e; elles ont �t� apport�es l� par des Gourils, race de petits
hommes hauts d'un pied, mais forts comme des g�ants; chaque nuit ils
forment une ronde immense autour de ces pierres; prenez garde! � vous qui
voyagez � cette heure aux environs de Karnac, prenez garde! les Gourils
vous saisiront, vous forceront � tourner, tourner longtemps jusqu'au
premier point du jour, alors ils dispara�tront; et vous... vous serez
mort!�
Enfin, suivant M. Maury[1]: �Les femmes des Elfes et des nains rappellent
par leur beaut� et la blancheur de leurs v�tements les f�es fran�aises.
Mais comme chez celles-ci, cette beaut� est souvent trompeuse. Ces yeux
charmants, ces traits d�licats se changent au grand jour en des yeux caves,
des joues d�charn�es; cette blonde et soyeuse chevelure fait place � un
front nu que garnissent � peine quelques cheveux blancs.�
[Note 1: _Les F�es du moyen �ge_, p. 93.]
NATURE TROUBL�E
I.--POSS�D�S.--D�MONIAQUES
�Les tourmens que les diables firent � quelques nonnains enferm�es � Wertet
en la comt� de Horne, sont esmerveillables. Le commencement vint (� ce
qu'on dit) d'une pauvre femme, laquelle durant le caresme emprunta des
nonnains une quarte de sel pesant environ trois livres, et en rendit deux
fois autant, un peu devant Pasques. D�s lors elles commencerent � trouver
dedans leur dortoir des petites boules blanches semblables � de la drag�e
de sucre, sal�es au goust, dont toutefois on ne mangea point, et ne
s�avoit-on d'o� elles venoient. Peu de temps apr�s elles s'apperceurent de
quelque chose qui sembloit se plaindre comme feroit un homme malade; elles
entendirent aussi une fois admonnestant quelques nonnains de se lever et
venir � l'aide d'une de leurs soeurs malade: mais elles ne trouverent rien,
y estant courues. Si quelques fois elles vouloient uriner en leur pot de
chambre, il leur estoit soudainement ost� tellement qu'elles gastoyent leur
lict. Par fois elles en estoyent tir�es par les pieds, tra�n�es assez loin
et tellement chatouill�es par les plantes, qu'elles en pasmoyent de rire.
On arrachoit une partie de la chair � quelques-unes, aux autres on
retournoit s'en devant derri�re les jambes, les bras et la face.
Quelques-unes ainsi tourment�es vomissoyent grande quantit� de liqueur
noire, comme ancre, quoi que auparavant elles n'eussent mang� six sepmaines
durant que du jus de raiforts, sans pain. Ceste liqueur estoit si amere et
poignante qu'elle leur eslevoit la premi�re peau de la bouche, et ne
s�avoit-on leur faire sauce quelconque qui peust les mettre en app�tit de
prendre autre chose. Aucunes estoient eslev�es en l'air � la hauteur d'un
homme, et tout soudain rejett�es contre terre. Or comme quelques-uns de
leurs amis jusques au nombre de treize fussent entrez en ce couvent pour
resjouir celles qui sembloyent soulag�es et presque gueries, les unes
tomberent incontinent � la renverse hors de la table o� elles estoyent,
sans pouvoir parler, ni conoistre personne, les autres demeurerent
estendues comme mortes, bras et jambes renvers�es. Une d'entre elles fut
soulev�e en l'air, et quoi que les assistans s'effor�assent l'empescher et
y missent la main, toutes fois elle leur estoit arrach�e maugr� eux, puis
tellement rejett�e contre terre qu'elle sembloit morte. Mais se relevant
puis apr�s, comme d'un somme profond, elle sortoit du r�fectoir n'ayant
aucun mal. Les unes marchoyent sur le devant des jambes, comme si elles
n'eussent point eu de pieds, et sembloit qu'on les trainast par derri�re,
comme dedans un sac desli�. Les autres grimpoyent au faiste des arbres
comme des chats, et en descendoyent � l'aise du corps. Il advint aussi
comme leur abbesse parloit � madame Marguerite, comtesse de Bure, qu'on lui
pin�a fort rudement la cuisse, comme si la pi�ce en eust est� emport�e,
dont elle s'�cria fort. Port�e incontinent en son lict, la playe fut veue
livide et noire, dont toutes fois elle gu�rit. Cette bourrellerie de
nonnains dura trois ans a descouvert, depuis on tint cela cach�.
�Ce qui advint jadis aux nonnains de Brigitte en leur couvent pr�s de
Xante, convient � ce que nous venons de r�citer. Maintenant elles
tressailloyent ou beeloyent comme brebis, ou faisoyent des cris horribles.
Quelques fois elles estoyent pouss�es hors de leurs chaires au temple o� l�
mesmes on leur attachoit la voile dessus la teste: et quelques fois leur
gavion estoit tellement estoupp� qu'impossible leur estoit d'avaler aucune
viande. Ceste estrange calamit� dura l'espace de dix ans en quelques-unes.
Et disoit-on qu'une jeune nonnain, esprise de l'amour d'un jeune homme en
estoit cause, pour ce que ses parens le lui avoyent refus� en mariage. Et
que le diable prenant la forme de ce jeune homme s'estoit monstr� � elle en
ses plus ardentes chaleurs, et lui avoit conseill� de se rendre nonnain,
comme elle fit incontinent. Enferm�e au couvent, elle devint comme furieuse
et monstra � chacun des horribles et estranges spectacles. Ce mal se glissa
comme une peste en plusieurs autres nonnains. Cette premiere sequestr�e
s'abandonna � celui qui la gardoit et en eust deux enfans. Ainsi Satan
dedans et dehors le couvent fit ses efforts d�testables.�
[Note 1: Verre.]
�J'ay veu plusieurs fois, dit Goulart[1], une d�moniaque, nomm�e George,
qui par l'espace de trente ans fut par intervalles fr�quens tourment�e du
malin esprit, tellement que parfois en ma pr�sence elle s'enfloit, et
demeuroit si pesante que huict hommes robustes ne pouvoyent la souslever de
terre. Puis un peu apr�s, exhort�e au nom de Dieu de s'accourager, certain
bon personnage lui tendant la main, elle se relevoit en pieds, et s'en
retournoit courb�e et g�missante chez soy. En tels acces oncques elle ne
fit mal � personne quelconque fust de nuict, fust de jour, et si demeuroit
avec un sien parent qui avoit force petits enfans tellement accoustumez �
cette visitation, que soudain qu'ils l'entendoyent se tordre les bras,
fraper des mains, et tout son corps enfler d'estrange sorte, ils se
rangeoyent en certain endroit de la maison pour recommander ceste patiente
� Dieu. Leurs pri�res n'estoyent jamais vaines. La trouvant un jour en
certaine autre maison du village o� elle demeuroit, je l'exhortoy �
patience... Elle commence � rugir de fa�on estrange, et de promptitude
merveilleuse me lance sa main gauche, dont elle m'empoigne les deux poings,
me serrant aussi ferme que si j'eusse �t� li� de fortes cordes. J'essaye me
despetrer, mais en vain, quoy que je fusse aussi robuste qu'un autre. Elle
ne me fit aucune nuisance, ni ne me toucha de la main droite. Ayant est�
retenu d'elle autant de temps que j'ai employ� � descrire son histoire,
elle me lasche soudain, me demandant pardon. Je la recommande � Dieu, puis
la conduisis paisiblement en son logis... Quelques jours devant son
trespas, ayant est� fort tourment�e elle s'alicta, saisie d'une fi�vre
lente. Alors la fureur du malin esprit fut tellement brid�e et limit�e, que
la patiente fortifi�e extraordinairement en son �me par l'espace de dix ou
douze jours ne cessa de louer Dieu, qui l'avoit soutenue si
mis�ricordieusement en son affliction, consolant toutes personnes qui la
visitoyent... Je puis dire que Satan fut mis sous les pieds de ceste
patiente, laquelle deceda fort paisiblement en l'invocation de son
sauveur.�
Une nomm�e Louise Maillat, petite d�moniaque qui vivait en 1598, perdit
l'usage de ses membres; on la trouva poss�d�e de cinq d�mons qui
s'appelaient _loup, chat, chien, joly, griffon_. Deux de ces d�mons
sortirent d'abord par sa bouche en forme de pelotes de la grosseur du
poing; la premi�re rouge comme du feu, la seconde, qui �tait le chat,
sortit toute noire; les autres partirent avec moins de violence. Tous ces
d�mons �tant hors du corps de la jeune personne firent plusieurs tours
devant le foyer et disparurent. On a su que c'�tait Fran�oise Secr�tain qui
avait fait avaler ces diables � cette petite fille dans une cro�te de pain
de couleur de fumier[1].
II.--ENSORCEL�S
�J'ay sceu aussi qu'au jugement d'une sorciere, accus�e d'avoir ensorcell�
sa voisine en la ville de Nantes, les juges lui commanderent de toucher
celle qui estoit ensorcell�e; chose ordinaire aux juges d'Alemagne, et
mesmes en la chambre imp�riale cela se fait souvent. Elle n'en vouloit rien
faire: on la contraignit; elle s'escria: Je suis morte! Ayant touch� la
femme ensorcell�e, soudain elle guerit; et la sorci�re tomba roide morte
par terre. Elle fut condamn�e d'estre brusl�e toute morte. Je tiens
l'histoire de l'un des juges qui assista au jugement.�
�Je raconteray encore ce que j'ay ou� n'y a pas longtemps raconter �
monseigneur le duc de Nivernois et � plus de vingt gentils hommes dignes de
foy avoir veu de leurs propres yeux, ce qui advint � Neufvy-sur-Loire, o�
le sieur et la dame du lieu ayant d�pos� leur procureur fiscal, tost apr�s
une jeune fille qu'ils avoyent de l'aage de quinze � seize ans, se trouva
tout � un instant saisie d'une langueur universelle en tous ses membres, si
qu'elle sechoit � veue d'oeil, sans que les m�decins y peussent non
seulement trouver remede d'y donner quelque allegement, mais non pas mesme
concevoir aucune occasion apparente d'o� pouvoit prevenir ce mal. Estans
doncques venus le p�re et la m�re comme au dernier desespoir, il leur va
tomber en la fantaisie que ce pourroit estre par avanture quelque vengeance
de leur procureur, qui avoit une fort estroite communication et accointance
avec un berger d'aupr�s de Sancerre, le plus grand sorcier de tout le
Berry: et sur ce soup�on le firent fort bien mettre en cul de fosse; l� o�
menac� d'infinies tortures, il desbagoula enfin que ceste damoiselle avoit
est� ensorcell�e par le berger, lequel avoit fait une image de cire: et �
mesure qu'il la molestoit la fille se trouvoit molest�e de mesme. Enfin ils
dirent � la m�re: Madame, il n'y a qu'un seul moyen de la guerir, et faut
n�cessairement que pour la sauver vous vous resolviez de perdre la plus
chere chose que vous ayez en ce monde, except� les cr�atures raisonnables.
En bonne foy, r�pondit-elle, je vous en diray la pure v�rit�: il n'y a rien
que pour le regard j'aime tant que ma guenon. Mais pour garantir ma fille
de la langueur o� je la voy, je vous l'abandonne. On ne se donna garde que
peu de jours apr�s on vid la fille s'aider d'un bras, et la guenon demeurer
percluse de mesme. Consequemment peu � peu dans la revolution de la lune
ceste jeune damoiselle fut du tout guerie, fors sa foiblesse, et la guenon
mourut en douleurs extremes.�
On lui demanda s'il n'avait pas eu de d�m�l�s avec quelque berger; il conta
que le 18 avril pr�c�dent, comme il traversait � cheval le village de
Noisy, son cheval s'�tait arr�t� court dans la rue de Feret, vis-�-vis
la chapelle, sans qu'il p�t le faire avancer; qu'il avait vu sur ces
entrefaites un berger qu'il ne connaissait pas, lequel lui avait dit:
Monsieur, retournez chez vous, car votre cheval n'avancera point.
Cet homme, qui lui avait paru �g� d'une cinquantaine d'ann�es, �tait de
haute taille, de mauvaise physionomie, ayant la barbe et les cheveux noirs,
la houlette � la main, et deux chiens noirs � courtes oreilles aupr�s de
lui.
Le p�re Lebrun, qui rapporte[1] longuement cette aventure, pense qu'il peut
bien y avoir l� sortil�ge. Il se peut aussi, plus vraisemblablement, qu'il
n'y e�t qu'hallucination.
[Note 1: _D�monomanie_.]
�Pierre Mamot, en un petit traict� qu'il a fait des sorciers, dit avoir veu
ce changement d'hommes en loups, luy estant en Savoye. Et Henry de Cologne
au traict� qu'il a fait _de Lamiis_ tient cela pour indubitable. Et Ulrich
le meusnier en un petit livre qu'il a d�di� � l'empereur Sigismond, escrit
la dispute qui fut faite devant l'empereur et dit qu'il fut conclu par vive
raison et par l'exp�rience d'infinis exemples que telle transformation
estoit v�ritable, et dit luy-mesme avoir veu un lycanthrope � Constance,
qui fut accus�, convaincu, condamn� et puis ex�cut� � mort apr�s sa
confession. Et se trouvent plusieurs livres publiez en Allemagne que l'un
des plus grands rois de la chr�tient�, qui est mort n'a pas longtemps, et
qui estoit en r�putation d'�tre l'un des plus grands sorciers du monde
souvent estoit mu� en loup.�
�Mais les cinq inquisiteurs qui estoient exp�rimentez en telles causes ont
laiss� par �crit qu'il y eut trois sorciers pr�s Strasbourg qui
assaillirent un laboureur en guise de trois grands chats, et en se
d�fendant il blessa et chassa les chats, qui se trouv�rent au lit malade en
forme de femmes fort bless�es � l'instant m�me: et sur ce enquises elles
accus�rent celuy qui les avoit frapp�es, qui dit aux juges l'heure et le
lieu qu'il avoit �t� assailly de chats, et qu'il les avoit bless�s.�
�L'�vesque de Tyr, historien, escrit que de son temps, qui pouvoit estre
1220, il y eut quelques Anglois que leur Roy envoyoit au secours des
Chrestiens qui guerroyoient en la terre saincte, qui estans arrivez en une
havre de l'isle de Cypre, une femme sorci�re transmua un jeune soldat
anglois en asne, lequel voulant retourner vers ses compagnons dans le
navire fut chass� � coups de baston, lequel s'en retourna � la sorci�re,
qui s'en servit jusqu'� ce qu'on s'apperceut que l'asne s'agenouilla dans
une �glise, faisant choses qui ne pouvoyent partir que d'un animal
raisonnable, et par suspicion la sorci�re qui le suivoit estant prise par
authorit� de justice, le restitua en forme humaine trois ans apr�s sa
transformation, laquelle fut sur le champ ex�cut�e � mort.�
�Fulgose escrit, livre VIII, chap. II, que du temps du pape L�on, qui
vivoit l'an 930, il y avoit en Allemagne deux sorci�res hostesses qui
avoyent accoustum� de changer ainsi quelques fois leurs hostes en bestes,
et comme une fois elles chang�rent un jeune gar�on basteleur en asne, qui
donnoit mille plaisirs aux passans, n'ayant point perdu la raison, leur
voisin l'acheta bien cher, mais elles dirent � l'acheteur qu'elles ne le
luy garantiraient pas et qu'il le perdoit s'il alloit � la rivi�re. Or
l'asne s'estant un jour eschapp�, courant au lac prochain o� s'�tant plong�
en l'eau, retourna en sa figure. Nostre Apuleius dit qu'il reprint sa forme
humaine pour avoir mang� des roses.�
�On amena un jour � sainct Macaire l'Egyptien, dit dom Calmet[1], une
honn�te femme qui avoit �t� m�tamorphos�e en cavalle par l'art pernicieux
d'un magicien. Son mari et tous ceux qui la virent crurent qu'elle �toit
r�ellement chang�e en jument. Cette femme demeura trois jours et trois
nuits sans prendre aucune nourriture, ni propre � l'homme, ni propre � un
cheval. On la fit voir aux pr�tres du lieu, qui ne purent y apporter aucun
rem�de. On la mena � la cellule de sainct Macaire, � qui Dieu avoit r�vel�
qu'elle devoit venir. Ses disciples vouloient la renvoyer, croyant que
c'�toit une cavalle, ils avertirent le saint de son arriv�e, et du sujet de
son voyage. Il leur dit: Vous �tes de vrais animaux, qui croyez voir ce qui
n'est point; cette femme n'est point chang�e, mais vos yeux sont fascin�s.
En m�me temps, il r�pandit de l'eau b�nite sur la t�te de cette femme, et
tous les assistants la virent dans son premier �tat. Il lui fit donner �
manger, et la renvoya saine et sauve avec son mari. En la renvoyant, il lui
dit: Ne vous �loignez point de l'�glise, car ceci vous est arriv�, pour
avoir �t� cinq semaines sans vous approcher des sacremens de notre
Sauveur.�
IV.--SORTIL�GES
Une magicienne ou sorci�re, pour gagner le coeur d'un jeune homme mari�,
mit sous son lit, dans un pot bien bouch�, un crapaud qui avait les yeux
ferm�s; le jeune homme quitta sa femme et ses enfants pour s'attacher � la
sorci�re; mais la femme trouva le mal�fice, le fit br�ler, et son mari
revint � elle[1].
Un pauvre jeune homme ayant quitt� ses sabots pour monter � une �chelle,
une sorci�re y mit quelque poison sans qu'il s'en aper�ut, et le jeune
homme, en descendant, s'�tant donn� une entorse, fut boiteux toute sa
vie[1].
Une femme ensorcel�e devint si grasse, dit Delrio, que c'�tait une boule
dont on ne voyait plus le visage, ce qui ne laissait pas d'�tre
consid�rable. De plus, on entendait dans ses entrailles le m�me bruit que
font les poules, les coqs, les canards, les moutons, les boeufs, les
chiens, les cochons et les chevaux, de fa�on qu'on aurait pu la prendre
pour une basse-cour ambulante.
Une sorci�re avait rendu un ma�on impotent et tellement courb�, qu'il avait
presque la t�te entre les jambes. Il accusa la sorci�re du mal�fice qu'il
�prouvait; on l'arr�ta, et le juge lui dit qu'elle ne se sauverait qu'en
gu�rissant le ma�on. Elle se fit apporter par sa fille un petit paquet de
sa maison, et, apr�s avoir ador� le diable, la face en terre, en marmottant
quelques charmes, elle donna le paquet au ma�on, lui commanda de se baigner
et de le mettre dans son bain, en disant: _Va de par le diable_! Le ma�on
le fit, et gu�rit. Avant de mettre le paquet dans le bain, on voulut savoir
ce qu'il contenait: on y trouva trois petits l�zards vifs; et quand le
ma�on fut dans le bain, il sentit sous lui comme trois grosses carpes,
qu'on chercha un moment apr�s sans rien trouver[1].
[Note 1: Bodin, _D�monomanie_.]
Les sorciers mettent parfois le diable dans des noix, et les donnent aux
petits enfants, qui deviennent mal�fici�s. Un de nos d�monographes (c'est,
je pense, Boguet) rapporte que, dans je ne sais quelle ville, un sorcier
avait mis sur le parapet d'un pont une pomme mal�fici�e, pour un de ses
ennemis, qui �tait gourmand de tout ce qu'il pouvait trouver sans desserrer
la bourse. Heureusement le sorcier fut aper�u par des gens exp�riment�s,
qui d�fendirent prudemment � qui que ce f�t d'oser porter la main � la
pomme, sous peine d'avaler le diable. Il fallait pourtant l'�ter, � moins
qu'on ne voul�t lui donner des gardes. On fut longtemps � d�lib�rer, sans
trouver aucun moyen de s'en d�faire; enfin il se pr�senta un champion qui,
muni d'une perche, s'avan�a � une distance de la pomme et la poussa dans la
rivi�re, o� �tant tomb�e, on en vit sortir plusieurs petits diables en
forme de poissons. Les spectateurs prirent des pierres et les jet�rent � la
t�te de ces petits d�mons, qui ne se montr�rent plus...
Boguet conte encore qu'une jeune fille ensorcel�e rendit de petits l�zards,
lesquels s'envol�rent par un trou qui se fit au plancher.
�Il faut bien prendre garde, dit Bodin[1], � la distinction des sortil�ges,
pour juger l'�normit� d'entre les sorciers qui ont convention expresse avec
le diable et ceux qui usent de ligatures et autres arts de sortil�ges. Car
il y en a qui ne se peuvent oster ni punir par les magistrats, comme la
superstition de plusieurs personnes de ne filer par les champs, la crainte
de saigner de la narine senestre, ou de rencontrer une femme enceinte
devant disn�. Mais la superstition est bien plus grande de porter des
rouleaux de papier pendus au col ou l'hostie consacr�e en sa pochette;
comme faisoit le pr�sident Gentil, lequel fut trouv� saisi d'une hostie par
le bourreau qui le pendit � Montfaucon; et autres superstitions semblables
que l'Ecriture Saincte appelle abominations et train d'Amorrh�ens. Cela ne
se peut corriger que par la parole de Dieu: mais bien le magistrat doit
chastier les charlatans et porteurs de billets qui vendent ces fum�es l� et
les bannir du pays. Car s'il est ainsi que les empereurs payens ayant banni
ceux qui faisoyent choses qui donnent l'espouvante aux ames
superstitieuses, que doyvent faire les chrestiens envers ceux l�, ou qui
contrefont les esprits comme on fit � Orl�ans et � Berne? Il n'y a doute
que ceux l� ne m�ritassent la mort comme aussi ceux de Berne furent
ex�cutez � mort: et en cas pareil de faire pleurer les crucifix ainsi qu'on
fit � Muret, pr�s Thoulouse, et en Picardie, et en la ville d'Orleans �
Saint-Pierre des Puilliers. Mais quelque poursuite qu'on ait fait, cela est
demeur� impuni. Or c'est double impi�t� en la personne des prestres. Et
ceste impi�t� est beaucoup plus grande quand le prestre a paction avec
Satan et qu'il fait d'un sacrifice une sorcellerie detestable. Car tous les
th�ologiens demeurent d'accord que le prestre ne consacre point s'il n'a
intention de consacrer, encore qu'il prononce les mots sacramentaux.
�D'apr�s dom Calmet[1], Aeneas Sylvius Piccolomini, qui fut depuis pape
sous le nom de Pie II, �crit dans son _Histoire de Boh�me_ qu'une femme
pr�dit � un soldat du roi Wladislas que l'arm�e de ce prince seroit taill�e
en pi�ces par le duc de Boh�me; que si le soldat vouloit �viter la mort, il
falloit qu'il tu�t la premi�re personne qu'il rencontreroit en chemin,
qu'il lui coup�t les oreilles et les m�t dans sa poche; qu'avec l'�p�e dont
il l'auroit perc�e, il tra��t sur terre une croix entre les jambes de son
cheval, qu'il la bais�t, et que montant sur son cheval, il prit la fuite.
Le jeune homme ex�cuta tout cela. Wladislas livra la bataille, la perdit et
fut tu�: le jeune soldat se sauva; mais entrant dans sa maison, il trouva
que c'�toit, sa femme qu'il avoit tu�e et perc�e de son �p�e, et � qui il
avoit coup� les oreilles.�
Dom Calmet[1] nous apprend d'apr�s Fr�d�ric Hoffmann[2] que �Une bouch�re
de la ville de Jenes, dans le duch� de Weimar en Thuringe ayant refus� de
donner une t�te de veau � une vieille femme, qui n'en offroit presque rien,
cette vieille se retira, grondant et murmurant entre ses dents. Peu de tems
apr�s, la bouch�re sentit de grandes douleurs de t�te. Comme la cause de
cette maladie �toit inconnue aux plus habiles m�decins, ils ne purent y
apporter aucun rem�de; cette femme rendoit de tems en tems par l'oreille
gauche de la cervelle, que l'on prit d'abord pour sa propre cervelle. Mais
comme elle soup�onnait cette vieille de lui avoir donn� un sort �
l'occasion de la t�te de veau, on examina la chose de plus pr�s, et on
reconnut que c'�toit de la cervelle de veau; et l'on se fortifia dans cette
pens�e, en voyant des osselets de la t�te de veau, qui sortoient avec la
cervelle. Ce mal dura assez longtems, et enfin la femme du boucher gu�rit
parfaitement. Cela arriva en 1685.�
Bodin a escrit livre II, chap. III, de la _D�monomanie_, dit Guyon[1], que
le sieur Nouilles, abb� de l'Isle, et depuis evesque de Dax, ambassadeur �
Constantinople, dit qu'un gentilhomme polonois, nomm� Pruiski, qui a est�
ambassadeur en France, luy dit que l'un des grands roys de la chrestient�,
voulant s�avoir l'yssue de son estat, fit venir un prestre necromantien et
enchanteur, lequel dit la messe, et apr�s avoir consacr� l'hostie, trancha
la teste � un jeune enfant de dix ans, premier n�, qui estoit pr�par� pour
cest effet, et fit mettre sa teste sur l'hostie, puis disant certaines
paroles, et usant de caract�res qu'il n'est besoin s�avoir, demanda ce
qu'il vouloit. La teste ne respondit que ces deux mots: _Vim patior_ en
latin: c'est � dire j'endure violence. Et aussitost le roy entra en furie,
criant sans fin: Ostez-moi ceste teste, et mourut ainsi enrag�. Depuis que
ces choses furent escrites, j'ay demand� audit sieur de Dax si ce que Bodin
avoit escrit de luy estoit vray, lequel m'asseura qu'ouy, mais quel roy
c'estoit, il ne le me voulut jamais dire.�
P. Leloyer[1] rappelle encore l'histoire d'une autre t�te qui parla apr�s
la s�paration du corps, dont Pline fait mention. �En la guerre de Sicile
entre Octave C�sar qui depuis fut surnomm� Auguste et Sextus Pompeius fils
de Pomp�e le Grand, y eut, dit-il, un des gens d'Octave appel� Gabinius qui
fut prins des ennemis, et eut la teste coup�e par le commandement de Sextus
Pompeius, de sorte qu'elle ne tenoit plus qu'un petit � la peau. Il est o�y
sur le soir qu'il se plaignoit et d�siroit parler � quelqu'un. Aussitost
une grande multitude s'assemble autour du corps; il prie ceux qui estoient
venus de faire parler � Pomp�e et qu'il estoit venu des enfers pour luy
dire chose qui luy importoit. Cela est rapport� � Pomp�e, il n'y veut aller
et y envoye quelqu'un de ses familiers, ausquels Gabinius dit que les dieux
d'en bas recevoient les justes complaintes de Pomp�e et qu'il auroit toute
telle issue qu'il souhaitoit. En signe de v�rit�, il dit qu'il devoit
aussitost retomber mort qu'il auroit accomply son message. Cela advint et
Gabinius tomba � l'heure tout mort comme devant.� Il faut, du reste, noter
que la pr�diction de Gabinius ne se r�alisa pas.
�Le mesme auteur, au chapitre XVIII du troisi�me livre _Des vents venaux_,
escrit le miracle qui ensuit. Les Finnons avoient quelque-fois accoustum�,
entre les autres erreurs de leur race, de vendre un vent � ceux qui
negocioient en leurs havres, lorsqu'ils estoient empeschez par la contraire
tempeste des vents. Apr�s doncques qu'on leur avoit baill� le payement, ils
donnoient trois noeuds magiques aux acheteurs, et les advertissoient qu'en
desnouant le premier ils avoient les vents amiables et doux: et en
desnouant le second, ils les avoient plus forts: et l� o� ils desnoueroient
le troisi�me il leur surviendroit une telle tempeste, qu'ils ne pourroient
jouyr � leur aise de leur vaisseau, ny jeter l'oeil hors la proue, pour
�viter les rochers, ny asseurer le pied en la navire, pour abbatre les
voiles, ny mesmes l'asseurer en la poupe pour manier le gouvernail.�
Selon Dom Calmet[1], �Spranger _in mallio maleficorum_ raconte qu'en Souabe
un paysan avec sa petite fille �g�e d'environ huit ans, �tant all� visiter
ses champs, se plaignait de la s�cheresse, en disant: H�las, Dieu nous
donnera-t-il de la pluie! La petite fille lui dit incontinent, qu'elle lui
en feroit venir quand il voudroit. Il r�pondit: Et qui t'a enseign� ce
secret? C'est ma m�re, dit-elle, qui m'a fort d�fendu de le dire �
personne. Et comment a-t-elle fait pour te donner ce pouvoir? Elle m'a
men�e � un ma�tre, qui vient � moi autant de fois que je l'appelle. Et
as-tu vu ce ma�tre? Oui, dit-elle, j'ai souvent vu entrer des hommes chez
ma m�re, � l'un desquels elle m'a vou�e. Apr�s ce dialogue, le p�re lui
demanda comment elle feroit pour faire pleuvoir seulement sur son champ.
Elle demanda un peu d'eau; il la mena � un ruisseau voisin, et la fille
ayant nomm� l'eau au nom de celui auquel sa m�re l'avoit vou�e, aussi-t�t
on vit tomber sur le champ une pluie abondante. Le p�re convaincu que sa
femme �tait sorci�re, l'accusa devant les juges, qui la condamn�rent au
feu. La fille fut baptis�e et vou�e � Dieu; mais elle perdit alors le
pouvoir de faire pleuvoir � sa volont�.�
�Sur les trois heures apr�s midi le onziesme du mois de juin s'esleva,
dit-il, un tourbillon de vent si imp�tueux qu'il desracinoit les arbres et
faisoit trembler les maisons aux environs de Langon; ce furieux orage
semblait devoir s'appaiser par une pluye assez m�diocre, laquelle peu apr�s
fut mesl�e de grelle grosse comme des oeufs de poule et ce qui fit
l'admiration des curieux, qui en firent ramasser plusieurs pi�ces, est
qu'elles �taient h�riss�es et pointues comme si � dessein on les eut
travaill�es pour leur donner cette figure; d'autres ressemblaient
parfaitement � de gros lima�ons avec leur coquille, la teste, le col et les
cornes dehors; l'on voyoit en d'autres des grenouilles et des crapaux si
bien taill�s, que l'on eut dit qu'un sculpteur s'�toit applicqu� � les
fa�onner; mais ce qui surprit davantage en ce spectacle d'horreur, est que
cette gresle changeoit de figure selon la diff�rence des insectes, que le
d�mon vouloit probablement repr�senter: car l'on vit gresler des serpens ou
de la gresle en forme de serpens de la longueur d'un demy pied: certes la
gresle qui fit trembler toute l'Egypte laquelle sainct Augustin attribue �
l'op�ration des d�mons, n'avoit rien de si effroyable; l'on trouva des
pi�ces de ce funeste m�t�ore qui repr�sentoient la main d'un homme avec
deux ou trois doigts distinctement formez, d'autres estoient taill�es en
estoiles � trois et � cinq pointes: enfin en quelque endroit, comme au port
de Saincte-Marie, il tomba de la gresle d'une si prodigieuse grosseur que
les animaux et les hommes qui en estoient frappez expiroient sur le
champ... On trouva un cheveu blanc dans tous les grains de grelle qui
furent ouverts et dans tous le cheveu blanc �toit de la m�me longueur.�
�Aucuns parlent, dit-il, d'une certaine femme nomm�e _Agaberte_, fille d'un
g�ant qui s'appelait _Vagnoste_, demeurant aux pays septentrionaux,
laquelle �tait grande enchanteresse. Et la force de ses enchantements �tait
si vari�e, qu'on ne la voyait presque jamais en sa propre figure: quelque
fois c'�tait une petite vieille fort rid�e, qui semblait ne se pouvoir
remuer, ou bien une pauvre femme malade et sans forces; d'autres fois elle
�tait si haute qu'elle paraissait toucher les nues avec sa t�te. Ainsi elle
prenait telle forme qu'elle voulait aussi ais�ment que les auteurs
d�crivent _Urgande la m�connue_. Et, d'apr�s ce qu'elle faisait, le monde
avait opinion qu'en un instant elle pouvait obscurcir le soleil, la lune et
les �toiles, aplanir les monts, renverser les montagnes, arracher les
arbres, dess�cher les rivi�res, et faire autres choses pareilles si
ais�ment qu'elle semblait tenir tous les diables attach�s et sujets � sa
volont�.�
Les magiciens et les devins emploient une sorte d'anath�me pour d�couvrir
les voleurs et les mal�fices: voici cette superstition. Nous pr�venons ceux
que les d�tails pourraient scandaliser, qu'ils sont extraits des grimoires.
On prend de l'eau limpide; on rassemble autant de petites pierres qu'il y a
de personnes soup�onn�es; on les fait bouillir dans cette eau; on les
enterre sous le seuil de la porte par o� doit passer le voleur ou la
sorci�re, en y joignant une lame d'�tain sur laquelle sont �crits ces mots:
_Christus vincit, Christus regnat, Christus imperat_. On a eu soin de
donner � chaque pierre le nom de l'une des personnes que l'on a lieu de
soup�onner. On �te le tout de dessus le seuil de la porte au lever du
soleil; si la pierre qui repr�sente le coupable est br�lante, c'est d�j� un
indice. Mais, comme le diable est sournois, il ne faut pas s'en contenter;
on r�cite donc les sept Psaumes de la p�nitence, avec les litanies des
saints: on prononce ensuite les pri�res de l'exorcisme, contre le voleur ou
la sorci�re; on �crit son nom dans un cercle; on plante sur ce nom un clou
d'airain, de forme triangulaire, qu'il faut enfoncer avec un marteau dont
le manche soit en bois de cypr�s, et on dit quelques paroles prescrites
rigoureusement � cet effet[1]. Alors le voleur se trahit par un grand cri.
�La m�me chose advint � Gen�ve en 1563, ajoute de Lancre, si bien qu'elles
y mirent la peste, qui dura plus de sept ans. Cent soixante-dix sorci�res
furent ex�cut�es � Rome pour cas semblable sous le consulat de Claudius
Marcellus et de Valerius Flaccus: mais la sorcellerie n'�tant pas encore
bien reconnue, on les prenait simplement alors pour des empoisonneuses...�
Un jeune gar�on de dix � douze ans, dont les parents habitaient la lisi�re
de la for�t, faisait ordinairement de petits fagots � quelque distance de
l�. Un soir qu'il ne revint pas, son p�re, ayant pris sa lanterne et son
fusil, s'en alla avec son fils a�n� battre le bois. La nuit �tait sombre.
Malgr� la lanterne, les deux b�cherons se heurtaient � chaque instant
contre les arbres, s'embarrassaient dans les ronces, revenaient sur leurs
pas et s'�garaient sans cesse. �Voil� qui est singulier, dit enfin le p�re;
il ne faut qu'une heure pour traverser le bois, et nous marchons depuis
deux sans avoir trouv� les ch�nes; il faut que nous les ayons pass�s.�
Ce que les sorciers appellent _main de gloire_ est la main d'un pendu,
qu'on pr�pare de la sorte: On la met dans un morceau de drap mortuaire, en
la pressant bien, pour lui faire rendre le peu de sang qui pourrait y �tre
rest�; puis on la met dans un vase de terre, avec du sel, du salp�tre, du
zimax et du poivre long, le tout bien pulv�ris�. On la laisse dans ce pot
l'espace de quinze jours; apr�s quoi on l'expose au grand soleil de la
canicule, jusqu'� ce qu'elle soit compl�tement dess�ch�e; si le soleil ne
suffit pas, on la met dans un four chauff� de foug�re et de verveine. On
compose ensuite une esp�ce de chandelle avec de la graisse de pendu, de la
cire vierge et du s�same de Laponie; et on se sert de la main de gloire
comme d'un chandelier, pour tenir cette merveilleuse chandelle allum�e.
Dans tous les lieux o� l'on va avec ce funeste instrument, ceux qui y sont
demeurent immobiles, et ne peuvent non plus remuer que s'ils �taient morts.
Il y a diverses mani�res de se servir de la main de gloire; les sc�l�rats
les connaissent bien; mais, depuis qu'on ne pend plus chez nous, ce doit
�tre chose rare.
Deux magiciens, �tant venus loger dans un cabaret pour y voler, demand�rent
� passer la nuit aupr�s du feu, ce qu'ils obtinrent. Lorsque tout le monde
fut couch�, la servante, qui se d�fiait de la mine des deux voyageurs, alla
regarder par un trou de la porte pour voir ce qu'ils faisaient. Elle vit
qu'ils tiraient d'un sac la main d'un corps mort, qu'ils en oignaient les
doigts de je ne sais quel onguent, et les allumaient, � l'exception d'un
seul qu'ils ne purent allumer, quelques efforts qu'ils fissent, et cela
parce que, comme elle le comprit, il n'y avait qu'elle des gens de la
maison qui ne dorm�t point; car les autres doigts �taient allum�s pour
plonger dans le plus profond sommeil ceux qui �taient d�j� endormis. Elle
alla aussit�t � son ma�tre pour l'�veiller, mais elle ne put en venir �
bout, non plus que les autres personnes du logis, qu'apr�s avoir �teint les
doigts allum�s, pendant que les deux voleurs commen�aient � faire leur coup
dans une chambre voisine. Les deux magiciens, se voyant d�couverts,
s'enfuirent au plus vite, et on ne les trouva plus[1].
Les anneaux magiques devinrent aussi de quelque usage chez les chr�tiens et
m�me beaucoup de superstitions se rattach�rent au simple _anneau
d'alliance_. On croyait qu'il y avait dans le quatri�me doigt, qu'on appela
sp�cialement doigt annulaire ou doigt destin� � l'anneau, une ligne qui
correspondait directement au coeur; on recommanda donc de mettre l'anneau
d'alliance � ce seul doigt. Le moment o� le mari donne l'anneau � sa jeune
�pouse devant le pr�tre, ce moment, dit un vieux livre de secrets, est de
la plus haute importance. Si le mari arr�te l'anneau � l'entr�e du doigt et
ne passe pas la seconde jointure, la femme sera ma�tresse; mais s'il
enfonce l'anneau jusqu'� l'origine du doigt, il sera chef et souverain.
Cette id�e est encore en vigueur, et les jeunes mari�es ont g�n�ralement
soin de courber le doigt annulaire au moment o� elles re�oivent l'anneau de
mani�re � l'arr�ter avant la seconde jointure.
Les Anglaises, qui observent la m�me superstition, font le plus grand cas
de l'anneau d'alliance � cause de ses propri�t�s. Elles croient qu'en
mettant un de ces anneaux dans un bonnet de nuit, et pla�ant le tout sous
leur chevet, elles verront en songe le mari qui leur est destin�.
Les Orientaux r�v�rent les anneaux et les bagues, et croient aux anneaux
enchant�s. Leurs contes sont pleins de prodiges op�r�s par ces anneaux. Ils
citent surtout, avec une admiration sans bornes, l'_anneau de Salomon_, par
la force duquel ce prince commandait � toute la nature. Le grand nom de
Dieu est grav� sur cette bague, qui est gard�e par des dragons, dans le
tombeau inconnu de Salomon. Celui qui s'emparerait de cet anneau serait
ma�tre du monde et aurait tous les g�nies � ses ordres.
Henri VIII b�nissait des anneaux d'or qui avaient disait-il, la propri�t�
de gu�rir de la crampe[1].
Les faiseurs de secrets ont invent� des bagues magiques qui ont plusieurs
vertus. Leurs livres parlent de l'_anneau des voyageurs_. Cet anneau, dont
le secret n'est pas bien certain, donnait � celui qui le portait le moyen
d'aller sans fatigue de Paris � Orl�ans, et de revenir d'Orl�ans � Paris
dans la m�me journ�e.
Si, d'un autre c�t�, on veut se pr�cautionner contre l'effet de ces anneaux
cabalistiques, on aura une bague faite de plomb raffin� et purg�; on
ench�ssera dans le chaton l'oeil d'une belette qui n'aura port� des petits
qu'une fois; sur le contour on gravera les paroles suivantes: _Apparuit
Dominus Simoni_. Cette bague se fera un samedi, lorsqu'on conna�tra que
Saturne est en opposition avec Mercure. On l'enveloppera dans un morceau de
linceul mortuaire qui ait envelopp� un mort; on l'y laissera neuf jours;
puis, l'ayant retir�e, on fera trois fois le parfum de Saturne, et on s'en
servira.
Ceux qui ont imagin� ces anneaux ont raisonn� sur l'antipathie qu'ils
supposaient entre les mati�res qui les composent. Rien n'est plus
antipathique � la hy�ne que la belette, et Saturne r�trograde presque
toujours � Mercure; ou, lorsqu'ils se rencontrent dans le domicile de
quelques signes du zodiaque, c'est toujours un aspect funeste et de mauvais
augure[1].
On appelle amulettes certains rem�des superstitieux que l'on porte sur soi
ou que l'on s'attache au cou pour se pr�server de quelque maladie ou de
quelque danger. Les Grecs les nommaient phylact�res, les Orientaux
talismans. C'�taient des images capricieuses (un scarab�e chez les
�gyptiens), des morceaux de parchemin, de cuivre, d'�tain, d'argent, ou
encore de pierres particuli�res o� l'on avait trac� de certains caract�res
ou de certains hi�roglyphes.
Mais comme il fallait des pr�servatifs aux esprits fourvoy�s, qui forment
toujours le plus grand nombre, on trouva moyen d'�luder la loi. On fit des
talismans et des amulettes avec des morceaux de papier charg�s de versets
de l'�criture sainte. Les lois se montr�rent moins rigides contre cette
singuli�re coutume, et on laissa aux pr�tres le soin d'en mod�rer les abus.
Une autre question est de savoir si c'est une superstition de porter sur
soi les reliques des saints, une croix, une image, une chose b�nite par les
pri�res de l'�glise, un _Agnus Dei_, etc., et si l'on doit mettre ces
choses au rang des amulettes, comme le pr�tendent les protestants.--Nous
reconnaissons que si l'on attribue � ces choses la vertu surnaturelle de
pr�server d'accidents, de mort subite, de mort dans l'�tat de p�ch�, etc.,
c'est une superstition. Elle n'est pas du m�me genre que celle des
amulettes, dont le pr�tendu pouvoir ne peut pas se rapporter � Dieu; mais
c'est ce que les th�ologiens appellent vaine observance, parce que l'on
attribue � des choses saintes et respectables un pouvoir que Dieu n'y a
point attach�. Un chr�tien bien instruit ne les envisage point ainsi; il
sait que les saints ne peuvent nous secourir que par leurs pri�res et par
leur intercession aupr�s de Dieu. C'est pour cela que l'�glise a d�cid�
qu'il est utile et louable de les honorer et de les invoquer. Or c'est un
signe d'invocation et de respect � leur �gard de porter sur soi leur image
ou leurs reliques; de m�me que c'est une marque d'affection et de respect
pour une personne que de garder son portrait ou quelque chose qui lui ait
appartenu. Ce n'est donc ni une vaine observance ni une folle confiance
d'esp�rer qu'en consid�ration de l'affection et du respect que nous
t�moignons � un saint, il interc�dera et priera pour nous. Il en est de
m�me des croix et des _Agnus Dei_.
Peu apr�s, on la vit revenir, et le m�me homme d'armes lui fit de nouveau
un pont de son �p�e. La b�te passa une seconde fois et s'en retourna � la
bouche du dormeur, o� elle rentra...
Le diable, dit Wierus, se sert souvent de ces machinations pour tromper les
hommes et leur faire croire que l'�me, quoique invisible, est corporelle et
meurt avec le corps; car beaucoup de gens ont cru que cette b�te blanche
�tait l'�me de ce soldat, tandis que c'�tait une imposture du diable...
Il n'est pas bon d'attribuer aux esprits ang�liques tant bons que mauvais,
les membres de vie, comme les poulmons, le coeur et le foye: car ils ne
vestent pas des corps pour les vivifier ains seulement pour se faire voir
et s'en servir comme d'instruments. Il est vray qu'ils boyvent et mangent,
mais ce n'est pas par n�cessit�, c'est afin que, se manifestant � nous par
quelques arguments, ils nous donnent � entendre la volont� de Dieu.�
�Le plus c�l�bre des gnomes, d'apr�s M. Alf. Maury[1], est Alberick, qui
�tait commis � la garde du tr�sor des Niebelungen. Les gnomes fuient la
pr�sence du jour, habitent sous les pierres, comme nous l'apprend
l'Avismal, et dans les cavernes, ainsi qu'on le dit dans les Niebelungen.
Plusieurs l�gendes racontent comment des gnomes ont �t� d�couverts sous des
pierres, derri�re lesquelles ils �taient blottis. Telle est la l�gende dans
laquelle il est question d'un de ces nains, qu'un jeune berger trouva pr�s
de Dresde, sous une pierre, et qu'il employa d�s lors � garder ses
troupeaux.�
[Note 2: Berstuc, Maskrop et Koltk sont les noms que re�oivent les
nains chez les Wendes. Cf. Mash, _Obotritische alterthumer_, III,
39. Les nains, sont appel�s en danois, _dverg_; en allemand,
_zwerg_; en vieil allemand, _duuerch_; en flamand, _dwerg_; aux
�les Feroe, _drorg, dr�rg_; en �cossais, _duergh_; en anglais,
_dwarf_.]
II.--FOLLETS ET LUTINS
�En plusieurs lieux, les servants s'appellent _dr�les_, mot qui est la
corruption de _troll_. Les trolls sont, dans certaines l�gendes, de
v�ritables g�nies domestiques. Dans le Perche, on trouve des croyances
analogues; des servants prennent soin des animaux et prom�nent quelquefois
d'une main _invisible_ l'�trille sur la croupe du cheval[1]. Dans la
Vend�e, moins complaisants, ils s'amusent seulement � leur tirer les
crins[2]. Cependant, en g�n�ral, les soins de tous ces �tres singuliers ne
sont qu'� moiti� d�sint�ress�s, ils se contentent de peu, mais n�anmoins
ils veulent �tre pay�s de leur peine[3].
Don Calmet[1] raconte certains faits singuliers qu'il rapporte aux follets:
�Olaus Magnus dit que dans la Su�de et dans les pays septentrionaux, on
voyait autrefois des esprits familiers qui, sous la forme d'hommes ou de
femmes, servaient des particuliers.
�Le p�re Vadingue rapporte d'apr�s une ancienne l�gende manuscrite, dit dom
Calmet[1], qu'une dame nomm�e Lupa, avoit eu pendant treize ans un d�mon
familier qui lui servoit de femme de chambre, et qui la portoit � beaucoup
de d�sordres secrets, et � traiter inhumainement ses sujets. Dieu lui fit
la gr�ce de reconno�tre sa faute, et d'en faire p�nitence par
l'intercession de saint Fran�ois d'Assise et de saint Antoine de Padoue, en
qui elle avoit toujours eu une d�votion particuli�re.�
�Cardan parle d'un d�mon barbu de Niphus qui lui faisait des le�ons de
philosophie.
�Le Loyer raconte que dans le temps qu'il �tudioit en droit � Toulouse, il
�toit log� assez pr�s d'une maison o� un follet ne cessoit toute la nuit de
tirer de l'eau d'un puits et de faire crier la poulie. D'autres fois il
sembloit tirer sur les degr�s quelque chose de pesant; mais il n'entroit
dans les chambres que tr�s rarement et � petit bruit.�
�On m'a racont� plusieurs fois qu'un religieux de l'ordre de C�teaux avoit
un g�nie familier qui le servoit, accommodoit sa chambre, et pr�paroit
toutes choses lorsqu'il devoit revenir de campagne. On y �toit si
accoutum�, qu'on l'attendoit � ces marques, et qu'il arrivoit en effet. On
assure d'un autre religieux du m�me ordre qu'il avoit un esprit familier
qui l'avertissoit non seulement de ce qui se passoit dans la maison, mais
aussi de ce qui arrivoit au dehors; et qu'un jour, il fut �veill� par trois
fois, et averti que des religieux s'�toient pris de querelles et �toient
pr�ts � en venir aux mains, il y accourut et les arr�ta.
�On nous a racont� plus d'une fois qu'� Paris, dans un s�minaire, il y
avoit un jeune eccl�siastique qui avoit un g�nie qui le servoit, lui
parloit, arrangeoit sa chambre et ses habits. Un jour le sup�rieur passant
devant la chambre de ce s�minariste l'entendit qui parloit avec quelqu'un;
il entra, et demanda avec qui il s'entretenoit: le jeune homme soutint
qu'il n'y avoit personne dans sa chambre, et en effet le sup�rieur n'y vit
et n'y d�couvrit personne; cependant comme il avoit ou� leur entretien, le
jeune homme lui avoua qu'il avoit depuis quelques ann�es un g�nie familier,
qui lui rendoit tous les services qu'auroit pu faire un domestique, et qui
lui avoit promis de grands avantages dans l'�tat eccl�siastique. Le
sup�rieur le pressa de lui donner des preuves de ce qu'il disoit: il
commanda au g�nie de pr�senter une chaise au sup�rieur; le g�nie ob�it.
L'on donna avis de la chose � Monseigneur l'archev�que, qui ne jugea pas �
propos de la faire �clater. On renvoya le jeune clerc, et on ensevelit dans
le silence cette aventure si singuli�re.�
�Voici, rapporte dom Calmet[1], une histoire d'un esprit, dont je ne doute
non plus que si j'en avois �t� t�moin, dit celui qui me l'a �crite. Le
comte Despilliers le p�re, �tant jeune, et capitaine des cuirassiers, se
trouva en quartier d'hiver en Flandre. Un de ses cavaliers vint un jour le
prier de le changer d'h�te, disant que toutes les nuits il revenoit dans sa
chambre un esprit qui ne le laissoit pas dormir. Le comte Despilliers
renvoya son cavalier, et se mocqua de sa simplicit�. Quelques jours apr�s
le m�me cavalier vint lui faire la m�me pri�re; et le capitaine pour toute
r�ponse voulut lui d�charger une vol�e de coups de b�ton, qu'il n'�vita que
par une prompte fuite. Enfin il revint une troisi�me fois � la charge, et
protesta � son capitaine qu'il ne pouvoit plus r�sister, et qu'il seroit
oblig� de d�serter si on ne le changeoit de logis. Despilliers qui
connoissoit le cavalier pour brave soldat et fort raisonnabe lui dit en
jurant: Je veux aller cette nuit coucher avec toi et voir ce qui en est.
Sur les dix heures du soir, le capitaine se rend au logis de son cavalier,
et ayant mis ses pistolets en bon �tat sur la table, se couche tout v�tu,
son �p�e � c�t� de lui, pr�s de son soldat, dans un lit sans rideaux. Vers
minuit, il entend quelque chose qui entre dans la chambre et qui en un
instant met le lit sans dessus dessous et enferme le capitaine et le soldat
sous le matelas et la paillasse. Despilliers eut toutes les peines du monde
� se d�gager, et � retrouver son �p�e et ses pistolets, et s'en retourna
chez lui fort confus. Le cavalier fut chang� de logis d�s le lenmain, et
dormit tranquillement chez un nouvel h�te. M. Despilliers racontoit cette
aventure � qui vouloit l'entendre; c'�toit un homme intr�pide et qui
n'avoit jamais s�u ce que c'�toit que de reculer. Il est mort mar�chal de
camp des arm�es de l'empereur Charles VI et gouverneur de la forteresse de
Segedin. M. son fils m'a confirm� depuis peu la m�me aventure comme l'ayant
apprise de son p�re.�
�Lavater, cit� par Taillepied[1], dit qu'un homme luy a escrit qu'�
Davoise, au pays des Grisons, il y a une mine d'argent en laquelle Pierre
Buol, homme notable et consul de ce lieu-l�, a faict travailler �s ann�es
pass�es, et en a tir� de grandes richesses. Il y avoit en icelle un esprit
de montagne lequel principalement le jour de vendredy, et souvent, lorsque
les m�taillers versoient ce qu'ils avoient tir� dans les cuves, faisoit
fort de l'empescher, changeant � sa fantaisie les m�taux des cuves en
autres. Ce consul ne s'en soucioit autrement, car quand il vouloit
descendre en la mine ou en remonter, se confiant en J�sus-Christ, s'armoit
du signe de la croix, et jamais ne lui advint aucun mal. Or un jour advint
que cest esprit fit plus de bruit que de coutume, tellement qu'un m�tailler
impatient commen�a � l'injurier et � luy commander d'aller au gibet avec
impr�cation et mal�diction. Lors cet esprit print le m�tailler par la t�te,
laquelle il luy tordit en telle sorte que le devant estoit droitement
derri�re: dont il ne mourut pas toutefois, mais vesquit depuis longtemps
ayant le col tors et renvers�, cognu famili�rement de plusieurs qui vivent
encor; quelques ann�es apr�s il mourut.
�George Agricola escrit qu'� Annenberg, en une mine qu'on appelle _Couronne
de rose_, un esprit ayant forme de cheval tua douze hommes, ronflant et
soufflant contre eux, tellement qu'il la fallut quitter, encore qu'elle f�t
riche d'argent.
�Semblablement, on dit qu'en la mine de Saint-Gr�goire en Schueberg, il en
fut veu un, ayant la teste enchaperonn�e de noir, lequel print un tireur de
m�tal et l'esleva fort haut, qui ne fut pas sans l'offenser grandement en
son corps.
�Olaus Magnus, cit� par dom Calmet[1], dit qu'on voit dans les mines,
surtout dans celles d'argent o� il y a un plus grand profit � esp�rer, six
sortes de d�mons qui, sous diverses formes, travaillent � casser les
rochers, � tirer les seaux, � tourner les roues, qui �clatent quelquefois
de rire et font diverses singeries; mais que tout cela n'est que pour
tromper les mineurs qu'ils �crasent sous les rochers ou qu'ils exposent aux
plus �minents dangers pour leur faire prof�rer des blasph�mes ou des
jurements contre Dieu. Il y a plusieurs mines tr�s riches qu'on a �t�
oblig� d'abandonner par la crainte de ces dangereux esprits.�
�Dom Calmet[1], rapporte que deux religieux fort �clair�s et fort sages, le
consult�rent sur une chose arriv�e � Orb�, village d'Alsace, pr�s l'abbaye
de Pairis.
�Deux hommes de ce lieu leur dirent qu'ils avoient vu dans leur jardin
sortir de la terre une cassette, qu'ils pr�sumoient �tre remplie d'argent,
et que l'ayant voulu saisir, elle s'�toit retir�e et cach�e de nouveau sous
la terre. Ce qui leur �toit arriv� plus d'une fois.�
�La m�me personne nous raconta encore � cette occasion qu'il y a environ
quatre-vingt-dix ans qu'une vieille femme de Malthe fut avertie par un
g�nie qu'il y avoit dans sa cave un tr�sor de grand prix, appartenant � un
chevalier de tr�s grande consid�ration, et lui ordonna de lui en donner
avis: elle y alla, mais elle ne put obtenir audience. La nuit suivante, le
m�me g�nie revint, lui ordonna la m�me chose; et comme elle refusoit
d'ob�ir, il la maltraita et la renvoya de nouveau. Le lendemain elle revint
trouver le seigneur, et dit aux domestiques qu'elle ne sortirait point
qu'elle n'e�t parl� au ma�tre. Elle lui raconta ce qui lui �toit arriv�; et
le chevalier r�solut d'aller chez elle, accompagn� de gens munis de pieux
et d'autres instruments propres � creuser: ils creus�rent, et bient�t il
sortit de l'endroit o� ils piochoient une si grande quantit� d'eau, qu'ils
furent oblig�s d'abandonner leur entreprise. Le chevalier se confessa �
l'inquisiteur, de ce qu'il avoit fait et re�ut l'absolution, mais il fut
oblig� d'�crire dans les registres de l'inquisition le fait que nous venons
de raconter.
�L'histoire qu'on vient de rapporter est rappel�e, ajoute dom Calmet, avec
quelques circonstances diff�rentes, dans un imprim� qui annonce une
lotterie de pi�ces trouv�es � Rothenkirchen, au pays de Nassau, pas loin de
Donnersberg. On y lit que la valeur de ces pi�ces est de 12 livres 10 sols,
argent de France. La lotterie devait se tirer publiquement le 1er f�vrier
1750. Chaque billet �toit de six livres, argent de France.�
IV.--ESPRITS FAMILIERS.
Il blasmoit ceux qui prient Dieu qu'il les entretiene en leur opinion, et
continuant ceste pri�re et lisant les sainctes Escritures il trouve en
Philon, Hebrieu, au livre des Sacrifices que le plus grand et le plus
agr�able sacrifice que l'homme de bien et entier peut faire � Dieu, c'est
de soi-mesme estant purifi� par lui. Il suivit ce conseil offrant � Dieu
son �me. Depuis il commen�a comme il m'a dit d'avoir des songes et visions
pleines d'instructions: tantost pour corriger un vice, tantost un autre,
tantost pour se garder d'un danger, tantost pour estre r�solu d'une
difficult�, puis d'une autre, non seulement des choses divines, mais
encores des choses humaines. Entre autres il lui sembla avoir ouy la voix
de Dieu en dormant, qui lui dit: Je sauverai ton �me: c'est moi qui te suis
apparu ci-devant. Depuis, tous les matins, sur les trois ou quatre heures,
l'esprit frappoit � sa porte: lui se leva quelquefois ouvrant la porte et
ne voyoit personne. Tous les matins l'esprit continuoit: et s'il ne se
levoit, il frappoit de rechef et le resveilloit jusques � ce qu'il se fust
lev�. Alors il commen�a d'avoir crainte pensant que ce fust quelque malin
esprit, comme il disoit: pour ceste cause il continuoit de prier Dieu, sans
faillir un seul jour, que Dieu lui envoyast son bon ange, et chantoit
souvent les Psalmes qu'il s�avoit quasi tous par coeur. Et lors l'esprit se
fit connoistre en veillant, frappant doucement. Le premier jour il
apperceut sensiblement plusieurs coups sur un bocal de verre, ce qui
l'estonnoit bien fort: et deux jours apr�s ayant un sien ami secr�taire du
Roy disnant avec lui oyant que l'esprit frappoit sur une escabelle joignant
de lui, commen�a � rougir et craindre; mais il lui dit: N'ayez point de
crainte, ce n'est rien. Toutes fois pour l'asseurer il lui conta la v�rit�
du fait. Or il m'a asseur� que depuis cest esprit l'a toujours accompagn�,
lui donnant un signe sensible, comme le touchant tantost l'oreille dextre,
s'il faisoit quelque chose qui ne fust bonne, et � l'oreille senestre, s'il
faisoit bien. Et s'il venoit quelqu'un pour le tromper et surprendre, il
sentoit soudain le signal � l'oreille dextre; si c'estoit quelque homme de
bien, et qui vinst pour son bien, il sentoit aussi le signal � l'oreille
senestre. Et quand il vouloit boire et manger chose qui fust mauvaise, il
sentoit le signal; s'il doutoit aussi de faire ou entreprendre quelque
chose, le mesme signal lui avenoit. S'il pensoit quelque chose mauvaise, et
qu'il s'y arrestast, il sentoit aussi tost le signal pour s'en destourner.
Et quelquesfois quand il commen�oit � louer Dieu par quelque psalme ou
parler de ses merveilles, il se sentoit saisi de quelque force spirituelle,
qui lui donnoit courage. Et afin qu'il discernast le songe par inspiration
d'avec les autres resveries qui aviennent quand on est mal dispos�, ou que
l'on est troubl� d'esprit, il estoit esveill� de l'esprit sur les deux ou
trois heures du matin; et un peu apr�s il s'endormoit. Alors il avoit les
songes v�ritables de ce qu'il devoit faire ou croire des doutes qu'il
avoit, ou de ce qui lui devoit avenir. En sorte qu'il dit que depuis ce
temps-l� ne lui est advenu quasi chose dont il n'ait eu advertissement, ni
doute des choses qu'on doit croire, dont il n'ait eu resolution. Vrai est
qu'il demandoit tous les jours � Dieu qu'il lui enseignast sa volont�, sa
loy, sa v�rit�... Au surplus de toutes ses actions il estoit assez joyez et
d'un esprit gay. Mais si en compagnie il lui advenoit de dire quelque
mauvaise parole et de laisser pour quelques jours � prier Dieu, il estoit
aussi tost adverti en dormant. S'il lisoit un livre qui ne fust bon,
l'esprit frappoit sur le livre, pour le lui faire laisser, et estoit aussi
tost destourn� s'il faisoit quelque chose contre sa sant�, et en sa maladie
gard� soigneusement... Surtout il estoit adverti de se lever matin, et
ordinairement d�s quatre heures, il dit qu'il ouyt une voix en dormant qui
disoit: Qui est celui qui le premier se l�vera pour prier? Aussi dit-il
qu'il estoit souvent adverti de donner l'aumosne; et lorsque plus il
donnoit l'aumosne, plus il sentoit que ses afaires prosperoyent. Et comme
ses ennemis avoyent d�lib�r� de le tuer, ayans sceu qu'il devoit aller par
eau, il eust vision, en songe, que son p�re lui amenoit deux chevaux, l'un
rouge et l'autre blanc; qui fust cause qu'il envoya louer deux chevaux, que
son homme lui amena, l'un rouge et l'autre blanc, sans lui avoir dit de
quel poil il les vouloit. Je lui demanday pourquoy il ne parloit �
l'esprit? Il me fit responce qu'une fois il le pria de parler � lui: mais
qu'aussi tost l'esprit frappa bien fort contre sa porte, comme d'un
marteau, lui faisant entendre qu'il n'y prenoit pas plaisir, et souvent le
destournoit de s'arrester � lire et escrire pour reposer son esprit et �
m�diter tout seul, oyant souventes fois en veillant une voix bien fort
subtile et inarticul�e. Je lui demanday s'il avoit jamais veu l'esprit en
forme. Il me dit qu'il n'avoit jamais rien veu en veillant, hors-mis
quelque lumi�re en forme d'un rondeau, bien fort claire. Mais un jour
estant en extr�me danger de sa vie, ayant pri� Dieu de tout son coeur,
qu'il lui plust le pr�server, sur le poinct du jour entre-sommeillant dit
qu'il apperceut sur le lict o� il estoit couch�, un jeune enfant vestu
d'une robe blanche, changeant en couleur de pourpre, d'un visage de beaut�
esmerveillable: ce qu'il asseuroit bien fort. Une autre fois, estant aussi
en danger extreme, se voulant coucher, l'esprit l'en empescha, et ne cessa
qu'il ne fust lev�; lors il pria Dieu toute la nuict sans dormir. Le jour
suivant Dieu le sauva de la main des meurtriers d'une fa�on estrange et
incroyable. Apr�s s'estre eschapp� du danger, dit qu'il ouit en dormant une
voix qui disoit: Il faut bien dire qui en la garde du haut Dieu pour jamais
se retire. Pour le faire court, en toutes les difficultez, voyages,
entreprises qu'il avoit � faire, il demandoit conseil � Dieu. Et comme il
priait Dieu qu'il lui donnast sa b�n�diction, une nuict il fut advis en
dormant qu'il voyoit son p�re qui le b�nissoit.�
PRODIGES
I.--PRODIGES C�LESTES
�En la m�me ann�e, le vingt uniesme jour de may, sur la ville de Lucerne en
Suisse, se vid un dragon de feu, horrible � voir, de la grosseur d'un veau,
et de douze pieds de long, lequel vola vers le pont de la rivi�re de Russ
qui y passe.
�L'an 1503, en la duch� de Bavi�re, sur une villette nomm�e Vilsoc, fut veu
un dragon couronn� et jettant des flammes de feu par la gorge.
�Sur la ville de Milan, en plein jour, le ciel net et serain, furent veu�s
plusieurs estoiles merveilleusement luisantes.
�Au commencement de janvier l'an 1514, environ les huit heures du matin, en
la duch� de Witemberg furent veus trois soleils au ciel. Celui du milieu
estoit beaucoup plus grand que les autres. Tous les trois portoient la
figure d'une longue esp�e, de couleur luisante et marquett�e de sang, dont
les poinctes s'estendoyent fort avant. Cela avint le douziesme jour du
mois. Le lendemain sur la ville de Rotvil on vid le soleil monstrant une
face effroyable, environn� de cercles de diverses couleurs. Deux jours
auparavant, et le dix-septi�me de mars suivant, furent veus trois soleils,
et trois lunes aussi l'onziesme de janvier et le dix-septiesme de mars.
Jacques Stopel, m�decin de Memminge fit un ample discours et prognostic sur
ces apparitions suivies de grands troubles, notamment en Souabe.
�Job Fincel, en son recueil _des Merveilles de nostre temps_, remarque que
l'an 1523, un paysan de Hongrie, faisant quelque voyage avec son chariot,
fut surpris de la nuict et contraint demeurer � la campagne pour y attendre
le jour. Ayant dormi quelque temps il se resveille, descend du chariot pour
se promener, et, regardant en haut, vid en l'air les semblances de deux
princes combatans avec les esp�es es mains l'un contre l'autre. Il y en
avoit un de haute taille et robuste: l'autre estoit plus petit et portoit
une couronne sur la teste. Le grand mit bas et tua le petit, puis luy ayant
ost� la couronne la jetta comme contre terre, tellement qu'elle fut
despec�e en diverses pi�ces. Trois ans apr�s, Ladislas, roy de Hongrie, fut
tu� en bataille par les Turcs.
�En l'an 1525 fut veu en Saxe, environ le trespas de l'�lecteur Fr�d�ric,
surnomm� le Sage, le soleil couronn� d'un grand cercle entier et tout rond,
resemblant en couleur l'arc c�leste. Au mois d'aoust de la mesme ann�e, le
soleil se monstra l'espace de quelques jours ainsi qu'une grosse boule de
feu allum�e et de toute autre couleur que l'ordinaire. S'ensuivit tost
apr�s la s�dition des paysans en Alemagne.
�L'an 1528, environ la mi-may, sur la ville de Zurich furent veus quatre
par�lies environnez de deux cercles entiers et le soleil entour� de quatre
petits cercles. Au mesme an, la ville d'Utrecht, estroitement assi�g�e et
finalement prinse par les Bourguignons, apparut en l'air un prognostic de
ce malheur, dont les habitants furent aussi merveilleusement estonnez.
C'est � s�avoir une grande croix qu'on surnomme de sainct Andr�, laquelle
estoit de couleur blafarde et hideuse � voir.
�Le septiesme jour de f�vrier 1536, environ minuict, furent veus au ciel,
sur un quartier d'Espaigne, deux hommes armez, et courans sus l'un �
l'autre avec l'esp�e au poing; l'un portoit au bras gauche une rondelle o�
estoit peint un aigle avec ce mot autour, _Regnabo_, c'est-�-dire _Je
r�gnerai_. L'autre avoit un grand bouclier avec une estoile et un croissant
et cette inscription _Regnavi_, c'est-�-dire _J'ai r�gn�_. Celui qui
portoit l'aigle renversa l'autre.
�En l'an 1537, le premier jour de f�vrier, fut veu en Italie un aigle
volant en l'air, portant au pied droict une bouteille et au gauche un
serpent entortill�, suivi d'un nombre innombrable de pies. Au m�me temps
fut veue aussi en l'air une croix bourguignonne de diverses couleurs.
Quinze jours auparavant, fut veue en Franconie, entre Pabenberp et la
forest de Turinge, une estoile de grandeur merveilleuse, laquelle s'estant
abaiss�e peu � peu se r�duisit en forme d'un grand cercle blanc, dont tost
apr�s sortirent des tourbillons de vent et des touffes de feu, qui tombans
en terre, firent fondre des pointes de picques, fers et mords de cheval,
sans offenser homme ni �difice quelconque.
�Le vingt-neuviesme jour de mars 1545, environ les huict heures du matin,
cheut es environs de Cracovie un esclat de fouldre apr�s un tonnerre si
imp�tueux que toute la Pologne en fust esmeue. Incontinent aparurent au
ciel trois croix roussastres, entre lesquelles estoit un homme arm� de
toutes pi�ces, lequel, avec une esp�e ardante, combatoit une arm�e,
laquelle il desfit: et l�-dessus survint un horrible dragon lequel
engloutit cest homme victorieux. Incontinent le ciel s'ouvrit comme tout en
feu, et fut ainsi veu l'espace d'une bonne heure. Puis aparurent trois arcs
en ciel avec leurs couleurs acoustum�es, sur le plus haut desquels estoit
la forme d'un ange comme on le repr�sente en figure de jeune homme qui a
des ailes aux espaules, tenant un soleil en l'une de ses mains, une lune en
l'autre. Ce deuxiesme spectacle ayant dur� une demi-heure en pr�sence de
tous ceux qui voulurent le voir, quelques nu�es s'eslev�rent qui couvrirent
ces aparences.
�Un jour d'octobre 1547, environ les sept heures du matin, fut veue au pays
de Saxe la forme d'une bi�re de trespass� couverte d'un drap noir, chamarr�
d'une croix de couleur rousse, pr�c�d�e et suivie de plusieurs figures
d'hommes en dueil, chacun d'iceux portant une trompette dont ils
commencerent � sonner si haut que les habitans du pays en entendoyent
aisement le bruit. En ces entrefaites aparut un homme arm� de toutes
pieces, de terrible regard, lequel desgaignant son esp�e coupa une partie
du drap, puis de ses deux mains deschira le reste, quoi fait lui et tous
les autres s'esvanouyrent.
�Au mois de juin 1553, furent veus en l'air serain et descouvert, sur la
ville de Cobourg, entre cinq et six heures du soir, diverses sortes
d'hommes, puis des arm�es qui se donnoyent bataille, et un aigle
voltigeant, les ailes tout espandues. En juillet furent veus au ciel deux
serpens entrelassez, se rongeans l'un l'autre, et au milieu d'eux une croix
de feu. En cette mesme ann�e d�c�da le duc George, prince d'Anhalt,
excellent th�ologien. Le jour qu'il trespassa, l'on apperceut de nuict au
ciel sur la ville de Witteberg une croix bleue. Quelques jours devant la
bataille donn�e entre Maurice, duc de Saxe et Albert, marquis de
Brandebourg, l'image d'un grand homme apparut es nu�es en un endroit de
Saxe. Du corps de cest homme, lequel paroissoit nud, commen�a tout premier
� d�couler du sang goute apr�s goute, puis on en vid sortir des �tincelles
de feu, finalement il disparut peu � peu.
�L'onziesme jour de janvier 1556, vers les montagnes qui ceignent d'un
cost� la ville d'Augsbourg, le ciel s'ouvrit, et sembla se fendre, dont
tous furent merveilleusement estonnez: surtout � cause des cas pitoyables
qui avindrent incontinent apr�s. Car au mesme jour le messager d'Augsbourg
tua d'un coup de pistole certain capitaine aux portes de la ville. Le
lendemain la femme d'un forgeur d'esp�es, estimant faire un grand butin,
tua dedans sa maison un marchant. Incontinent apr�s sa servante se tua
soi-mesme d'un coup de cousteau. Un jour apr�s, en querelle, un boucher fut
renvers� mort d'un coup d'esp�e: et deux villages furent tous bruslez. Le
quinziesme jour du mesme mois, le garde de la forest de Saincte-Catherine
fut transperc� et trouv� occis d'un coup de harquebuse. Et le
dix-septiesme, un valet d'orfevre, pouss� de d�sespoir, se noya. La nuict
suivante, plusieurs furent blessez � mort par les rues.
�En divers jours et mois de la mesme ann�e 1556 furent remarqu�es autres
apparitions; comme en f�vrier furent veus au ciel sur la comt� de Boets des
arm�es � pied et � cheval qui combatoyent furieusement. Au mois de
septembre, sur une villette du marquisat de Brandebourg, nomm�e Custrin,
environ les neuf heures du soir, on vid infinies flammesches de feu
saillans du ciel, et au milieu deux grands chevrons ardans. Sur la fin fut
entendue une voix criant: Malheur, malheur � l'�glise!
�Wolfgang Strauch, de Nuremberg, escrit que l'an 1556, sur une ville de
Hongrie qu'il nomme Babatscha, fut veue, le sixiesme jour d'octobre, peu
avant soleil levant, la semblance de deux gar�ons nuds combatans en l'air
avec le cimeterre es mains et le bouclier es bras. Celui qui portoit en son
bouclier un aigle double chamailla si rudement sur l'autre dont le bouclier
portoit un croissant, qu'il sembla que le corps navr� de plusieurs playes
tombast du ciel en terre. Au mesme temps et lieu fut veu l'arc en ciel avec
ses couleurs accoustum�es et aux bouts d'icelui deux soleils. Non gueres
loin d'Augsbourg fut veu au ciel le combat d'un ours contre un lyon, au
mois de decembre en la mesme annee; et � Witteberg, en Saxe, le sixiesme
jour d'icelui mois, trois soleils et une nu�e tortue marquet�e de bleu et
de rouge, estendue en arc, le soleil paroissant pasle et triste entre les
par�lies.
Fr. des Rues[1] rapporte que �L'an 1558, veille de Pasques, s'esleva de
terre sur le midi en la lande de Raoul en Normandie un tourbillon tel,
qu'il entrainoit tout ce qui lui estoit � la rencontre, enfin se haussant
en l'air, parut une colonne coulour�e de rouge et de bleu, qui
l'accompagnoit et s'arresta en l'air. Cependant on voyoit des flesches et
dards qui s'eslan�oyent contre ceste colonne, sans que l'on vist ceux qui
les descochoyent: et au haut du tourbillon, sur la colonne, l'on entendoit
crier des oiseaux de diverses sortes voltigeans � l'entour. Ce tourbillon
fut suivi de griefve mortalit� au pays.�
Ces gouttes d'eau ne formaient pas seulement des croix sur les vetements
mais encore sur les pierres et sur la farine, cons�quence assuree, dit
Gaffarel, qu'il y avait quelque chose de divin.
Mais comme il prit garde que cette grele estoit faite � son advis autrement
que la commune, il s'arr�te pour la consid�rer, il en prend une, et veid en
m�me temps, prodige espouventable! qu'elle portait la figure d'un casque,
d'autres un escusson, et d'autres une esp�e. Ce nouveau prodige l'estonne,
et l'appr�hension de quelque malheur luy fit reprendre le chemin du rocher,
o� il ne fut pas plustost arriv�, qu'il tomba si grande quantit� de gresle
et avec telle violence qu'elle tua, non pas seulement les oyseaux, mais
quantit� d'autres animaux. Il me souvient d'avoir veu le mesme autrefois en
Provence... Quelque temps apr�s, le Languedoc veit ses campagnes couvertes
de soldats et les places rebelles assi�g�es et assaillies avec tant de sang
r�pandu que le seul souvenir en sera � jamais funeste.�
Goulart[1] rapporte que �Au mois de novembre de l'ann�e 1523 fut veue une
comete et tost apres le ciel tomba tout en feu, lan�ant une infinit�
d'esclairs et foudres en terre, laquelle trembla, puis survindrent des
estranges ravines d'eaux, notamment au royaume de Naples. Peu apr�s
s'ensuivit la prise de Fran�ois Ier, roi de France; l'Allemagne fut
troubl�e d'horribles s�ditions, Louys, roi de Hongrie, fut tu� en bataille
contre les Turcs. Il y eut par toute l'Europe de merveilleux remuements.
Rome fut prinse et pill�e par l'arm�e imp�riale.
�En cette mesme ann�e de la prinse et du sac de Rome, � s�avoir l'an 1527,
on vid une comete plus effroyable que les pr�c�dentes. Apr�s icelle
survindrent les terribles ravages des Turcs en Hongrie, la famine en
Souabe, Lombardie et Venise, la guerre en Suisse, le siege de Viene, en
Autriche, la suete en Angleterre, le desbord de l'Oc�an en Hollande et
Z�lande, o� il noya grande estendue de pays, et un tremblement de terre de
huict jours durant en Portugal.�
�La plus redoutable des cometes de notre temps, ajoute le m�me auteur, fut
celle de l'an 1527. Car le regard d'icelle donna telle frayeur � plusieurs
qu'aucuns en moururent, autres tomb�rent malades. Elle fut veue de
plusieurs milliers d'hommes paraissant fort longue et de couleur de sang.
Au sommet d'icelle fut veue la repr�sentation d'un bras courb� tenant une
grande esp�e en sa main, comme s'il eust voulu frapper. Au bout de la
pointe de cette esp�e, il y avoit trois estoiles: mais celle qui touchoit
droitement la pointe estoit plus claire et plus luisante que les autres.
Aux deux costez de cette comete se voyaient force haches, poignards, esp�es
sanglantes, parmi lesquelles on remarquait un grand nombre de testes
d'hommes descapitez, ayant les barbes et cheveux h�rissez horriblement. Et
qu'a veu l'espace de soixante-trois ans l'Europe, sinon les horribles
effects en terre de cest horrible pr�sage au ciel?�
II.--ANIMAUX PARLANTS
�Quelquefois, dit-il, Dieu fait parler les bestes brutes pour enseigner les
cr�atures humaines en leur ignorance. Une asnesse me servira de caution,
laquelle comme elle portait Balaam sur son dos, apperceut l'ange du
Seigneur. A raison de quoy elle se destourna de la voye pour luy ceder la
place: mais Balaam qui ne s�avoit point la cause de ce desvoyement, battit
avec exceds ceste simple beste, toutes les trois fois qu'elle s'estoit
desplac�e de son chemin, pour la reverance qu'elle portoit au serviteur de
Dieu: et � cause de ce respectueux devoir, le Seigneur disposa la bouche de
l'asnesse � proferer tels propos: �Quel sujest t'ay-je donn� pour estre si
rudement frap�e de toy d'un baston par trois diverses reprises? Ne suis-je
pas ta beste qui t'ay tousiours fidelement port� jusques � ce jour? Et
n'eust est� la reverance que j'ai refer� � l'ange du Seigneur, je ne me
fusse retir� du chemin par lequel je t'ay fort souvent port� en toutes les
affaires.� Ces paroles finies, Dieu dessilla les yeux de Balaam pour
contempler l'ange tenant un glaive nud en la main, et lors il s'inclina en
terre, et adora ce messager du Tout-Puissant, qui luy fit une reprimende
pour avoir outrag� son asnesse, mesme luy dit qu'il estoit sorti tout
expres pour estre son adversaire � cause de sa vie perverse, et du tout
esloign�e des ordonnances du Seigneur. Ce n'est donc � tort que nous sommes
envoyez par les sages � l'escolle des bestes, l'instinct naturel desquelles
Dieu fortifie souventes fois de la parole, pour recevoir d'elles quelque
instruction en nos impi�t�s.
�Les trespassez, dit Jean des Caurres[1], recognoissent les biens qu'on
leur faict, comme a est� cogneu de nostre temps, en la cit� de Ponts, pr�s
Narbonne, o� trespassa un escolier qui estoit excommuni�, pour le salaire
qu'il devoit � un sien regent, � la cit� de Rhodes, l'esprit duquel parla �
son amy, le priant s'en aller audit Rhodes querir son absolution, ce que
son compagnon luy accorda, et s'en allant, passa par les montagnes charg�es
de neige; ledict esprit l'accompagnoit tousiours, et parloit � luy sans
qu'il veit rien. Et � cause que le chemin estoit couvert de neige, l'esprit
lui ostoit la neige et luy monstroit le chemin. Apr�s avoir obtenu
l'absolution de l'�vesgue de Rhodes, l'esprit le conduit derechef �
Saint-Ponts, et donna l'absolution au corps mort comme est la coustume en
l'Eglise catholique, et ledit esprit et ame du trespass�, ayans tous, print
cong� de luy, le remerciant et promettant luy rendre le service.�
�Aux gestes de Charles le Grand, on lit, dit des Caurres[1], qu'un de ses
capitaines pria un sien compagnon que s'il mouroit en la bataille, qu'il
donnast un beau cheval qu'il avoit pour son ame. Luy trespass�, son
compagnon voyant la beaut� du cheval, le tient pour luy. Douze jours apr�s,
le trespass� s'apparut � luy, se lamentant, que � faute de n'avoir donn� le
cheval en aumosne pour son ame, il avoit demour� douze jours en peine, et
qu'il en porteroit la peine. Pour quoy mourut soudain.�
�J'ai vu, dit Bodin[1], un jeune homme prisonnier l'an 1590 qui avoit tu�
sa femme en chol�re, et avoit eu sa grace qui lui fut int�rin�, lequel
n�anmoins se plaignoit qu'il n'avoit aucun repos, estant toutes les nuicts
battu par icelle, comme il disoit. Les anciens tenoyent que les ames des
occis souvent pourchassent la vengeance des meurtriers. Nous lisons en
Plutarque que Pausanias, roy de Lacedemone, estant � Constantinople, on lui
fit pr�sent d'une jeune damoiselle... Entrant, de nuit en la chambre, elle
fit tomber la lumi�re, ce qui esveilla Pausanias en sursaut, et pensant
qu'on voulust le tuer en tenebres; tout effray� il print sa dague, et tua
la demoiselle sans connoistre qui elle estoit. D�s lors Pausanias fut
incessamment tourment� d'un esprit jusques � la mort, qui ressembloit
(comme il disoit) � la damoiselle.�
�Il y avoit, dit Jean des Caurres[1], en Athenes, une grande maison, mais
fort descri�e et dangereuse. Lorsqu'il estoit nuict, on y entendoit un
bruict, comme de plusieurs fers, lequel commen�oit premi�rement de loin:
mais puis estant approch� plus pres, il sembloit que ce fut le bruit de
quelques menotes, ou des fers que l'on met aux pieds des prisonniers.
Incontinent apparoissoit la semblance d'un vieil homme tout att�nu� de
maigreur et rempli de crasse, portant une longue barbe, et les cheveux
h�riss�s. Il avoit les fers aux pieds, et des menotes aux mains, qu'il
faisoit cliqueter. Et aussi ceux qui habitoient la dedans, passoient les
miserables nuicts sans dormir, estans remplis de peur et d'horreur: dont
ils tomboient en maladie, et en la fin, par augmentation de la peur, ils
mouroient. Car le long du jour encore que l'image fut absente, si est-ce
que la m�moire leur en demeuroit en l'entendement: si bien que la premiere
crainte estoit cause d'une plus longue. Ainsi la maison descri�e demeura
deserte, et du tout abandonn�e � ce monstre. Toutefois on y avoit mis un
escriteau pour la vendre ou louer � quelqu'un qui par aventure ne seroit
adverty du faict. Or sus ces entrefaictes, le philosophe Athenodore vint en
Ath�nes. Il leut l'escriteau, il sceut le prix, et soup�onnant par le bon
march� qu'on luy en faisoit, et s'en estant enquis, on luy en dist la
verit�. Ce nonobstant il la loua de plus grande affection. Le soir
approchait, il commanda que l'on fist son lict en la premi�re partie de la
maison. Il demanda ses tablettes � escrire, sa touche, sa lumi�re, et
laissa tous ses domestiques au dedans. Et � fin que son esprit oisif ne luy
fantastiquast les espouvantails et craintes, dont on luy avoit parl�, il se
mit attentivement � escrire, et y employa, non seulement les yeux, mais
aussi l'esprit et la main. La nuict venue, il entendit le fer qui
cliquetoit: toutefois il ne leva point l'oeil, et ne laissa d'escrire, mais
il s'asseura davantage, et presta l'aureille. Alors le bruit augmenta,
redoubla et approcha: tellement qu'il l'entendoit desia comme � l'entr�e,
puis au dedans. Il regarde, et voit, et recognoist la semblance de laquelle
on luy avoit parl�. Elle estoit debout, et lui faisoit signe du doigt,
comme si elle l'eust appell�. Et luy au contraire luy faisoit signe de la
main qu'elle attendist un petit. Derechef il se mit � escrire. Mais elle
vint sonner ses chaisnes � l'entour de la teste de l'�crivain, lequel la
regarda comme auparavant. Et voyant qu'elle lui faisoit signe, tout
soudainement il prit sa lumi�re, et la suyvit. Elle alloit lentement comme
si elle eust eu peine � marcher, � cause de ses fers. Et incontinent
qu'elle fut au milieu de la maison, elle se disparut et laissa le
philosophe tout seul. Lequel print quelques herbes et feuilles, pour
marquer le lieu auquel elle l'avoit laiss�. Le jour suivant il s'en alla
vers le magistrat, et l'advertit de faire fouiller au lieu marqu�. On
trouva des os entrelassez de chaisnes, que le corps pourry par la terre, et
par la longueur du temps, avoit quitt� aux fers, lesquels estant rassemblez
furent enterrez publiquement, et n'y eust onques depuis esprit qui apparust
en la maison.�
�Jean Vasques d'Ayola et deux autres jeunes Espagnols partis de leur pays
pour venir estudier en droit � Boulogne la Grasse, ne pouvant trouver logis
commode pour faire espargne, furent avertis qu'en la rue o� estoit leur
hostellerie y avoit une maison d�serte et abandonn�e, � cause de quelques
fantosmes qui y apparoissoyent, laquelle leur seroit laiss�e pour y habiter
sans payer aucun louage, tandis qu'il leur plairoit y demeurer. Eux
acceptent la condition, sont mesmes accommodez de quelques meubles, et font
joyeusement leur mesnage en icelle l'espace d'un mois, au bout duquel comme
les deux compagnons d'Ayola se fussent couchez d'heure, et lui fust en son
estude fort tard, entendant un grand bruit comme de plusieurs chaisnes de
fer, que l'on bransloit et faisoit entrechoquer, sortit de son estude, avec
son esp�e, et en l'autre main son chandelier et la chandelle allum�e, puis
se planta au milieu de la salle, sans resveiller ses compagnons, attendant
que deviendroit ce bruit, lequel procedoit � son advis du bas des degrez du
logis respondant � une grande cour que la salle regardoit. Sur ceste
attente, il descouvre � la porte de ces degrez un fantosme effrayable,
d'une carcasse n'ayant rien que les os, tra�nant par les pieds et le faut
du corps ces chaisnes qui bruioyent ainsi. Le fantosme s'arreste, et Ayola
s'acourageant commence � le conjurer, demandant qu'il eust � lui donner �
entendre en fa�on convenable ce qu'il vouloit. Le fantosme commence �
croiser les bras, baisser la teste, et l'appeler d'une main pour le suivre
par les degrez. Ayola respond: Marchez devant et je vous suivray. Sur ce le
fantosme commence � descendre tout bellement, comme un homme qui tra�neroit
des fers aux pieds, suivi d'Ayola, duquel la chandelle s'esteignit au
milieu des degrez. Ce fut renouvellement de peur: n�antmoins, s'esvertuant
de nouveau, il dit au fantosme: Vous voyez bien que ma chandelle s'est
amortie, je vay la r'allumer; si vous m'attendez ici, je retourneray
incontinent. Il court au foyer, r'allume la chandelle, revient sur les
degrez, o� il trouve le fantosme et le suit. Ayant travers� la cour du
logis, ils entrent en un grand jardin, au milieu duquel estoit un puits; ce
qui fit douter Ayola que le fantosme ne lui nuis�t: pourtant il s'arresta.
Mais le fantosme se retournant fit signe de marcher jusques vers un autre
endroit du jardin: et comme ils s'avan�oyent celle part, le fantosme
disparut soudain. Ayola rest� seul commence � le rappeler, protestant qu'il
ne tiendroit � lui de faire ce qu'il seroit en sa puissance; et attendit un
peu. Le fantosme ne paroissant plus, l'Espagnol retourne en sa chambre,
resveille ses compagnons, qui le voyant tout pasle, lui donnerent un peu de
vin et quelque confiture, s'enquerans de son avanture, laquelle il leur
raconta. Tost apr�s le bruit sem� par la ville de cest accident, le
gouverneur s'enquit soigneusement de tout, et entendant le rapport d'Ayola
en toutes ses circonstances, fit fouiller en l'endroit o� le fantosme
estoit disparu. L� fut trouv�e la carcasse encha�n�e ainsi qu'Ayola l'avoit
veu�, en une s�pulture peu profonde, d'o� ayant est� tir�e et enterr�e
ailleurs avec les autres, tout le bruit qui paravant avoit est� en ce grand
logis cessa. Les Espagnols retournez en leur pays, Ayola fut pourvu
d'office de judicature: et avoit un fils pr�sident en une ville d'Espagne
du temps de Torquemada, lequel fait ce discours en la troisi�me journ�e de
son _Hexameron_.�
�En Islande, dit Jean des Caurres[1], qui est une isle vers Aquilon des
derni�res en laquelle, au solstice de l'est�, n'y a nulle nuit, et � celuy
de l'hyver n'y a nul jour, il y a une montagne nomm�e Hecla, qui est
bruslante comme Ethna, et l� bien souvent les morts se monstrent aux gens
qui les ont cogneus, comme s'ils estaient vifs: en sorte que ceux qui n'ont
sceu leur mort, les estiment vivans. Et revelent beaucoup de nouvelles de
loin pays. Et quand on les invite de venir en leurs maisons, ils respondent
avec grands gemissemens qu'ils ne peuvent, mais faut qu'ils s'en aillent �
la montaigne de Hecla, et soudain disparaissent, et ne les voit-on point.
Et commun�ment apparoissent ceux qui ont est� submergez en la mer, ou qui
sont morts de quelque mort violente.�
�Or advint une nuit que la dicte Antoinette, jeune religieuse, estoit toute
seule en sa chambre, en son lict couch�e et dormoit non point trop durement
si luy fut advis que quelque chose luy levoit son queuvrechef tout
bellement et luy fesoit au front le signe de la croix puis doulcement et
souef en la bouche le baisoit. Incontinent la pucelle se r�veille non point
grandement effray�e ains tant seulement esbahye, pensant a par soy que ce
pourroit estre qui l'auroit bais�e et de la croix sign�e, entour d'elle
rien n'apper�oit... pour cette fois la pucelle ne y prinst pas grand advis
cuydant qu'elle eust ainsi song� et n'en parla a personne.
Advint aucuns jours apr�s qu'elle ouyt quelque chose entour d'elle faisant
aucun son, et comme soubz ses pieds frapper aucuns petiz coups, ainsi qui
heurteroit du bout d'un baston dessoubz ung carreau ou un marchepied. Et
sembloit proprement que ce qui fesoit ce son et ainsi heurtoit fust dedans
terre profondement; mays le son qui se faisoit estoit ouy quasi quatre doys
en terre tousjours soubz les piedz de la dicte pucelle. Je l'ay ouy maintes
fois et en me repondant sur ce que l'enqueroys frapoit tant de coups que
demandoys. Quand la pucelle eut ja plusieurs fois entendu tel son et bruyt
estrange elle commen�a durement s'esbahir, et toute espouvant�e le compta a
la bonne abbesse, laquelle bien la sceut r�conforter et remectre en bonne
asseurance non pensant � autre chose qu'� la simplesse de la pucelle. Et
pour mieulx y pourvoir ordonna qu'elle coucheroit en une chambre prochaine
d'elle si que la pucelle n'eust sceu tant bellement se remuer que
incontinent ne l'eust ouye.
�Or sachez sire que cest esperit ne faisoit aucun mal, frayeur ne
destourbier a cr�ature, ains les dames de l�ans le tindrent depuys � grande
consolation pourtant que le dit esperit faisoit signe de grand
resjouissance quand l'on chantoit le service divin et quand l'on parloit de
Dieu fust � l'esglise ou aultre part. Mais jamais n'estoit ouy si la
pucelle n'estoit pr�sente, car jour et nuict luy tenoit compaignie et la
suyvoit; ny oncques puis ne l'abandonna en quelque lieu qu'elle fust. Je
vous diray grand merveille de ceste bonne ame. Je luy demanday en la
conjurant ou nom de Dieu assavoir si incontinent qu'elle fut partie de son
corps elle suyvit ceste jeune religieuse. L'ame respondit que ouy
v�ritablement ny jamais ne l'abandonneroit que ne vollast au ciel pour
jouyr de la vision �ternelle enti�rement. Ce s�ay bien v�ritablement car ce
luy ay je demand� depuys et l'ay ouy maintes fois. Et moult estoit
famyliere de moy. Et par elle ont est� sceuz de grans cas qui ne pourroient
estre congneuz de mortelle cr�ature dont je me suys donn� grand admiration
et merveilles. Les secretz de Dieu sont inscrutables et aux ignorants
incr�dibles. Mais ceulx qui ont ouy et veu telles choses certes l'en les
doit croire plus enti�rement.�
Goulart[1] rappelle cette histoire d'apr�s Job Fincel[2]: �Un riche homme
de Halberstad, ville renomm�e en Allemagne, tenoit d'ordinaire fort bonne
table, se donnant en ce monde tous les plaisirs qu'il pouvoit imaginer, si
peu soigneux de son salut, qu'un jour il osa vomir ce blasph�me entre ses
escornifleurs, que s'il pouvoit tousiours passer ainsi le temps en d�lices,
il ne d�sireroit point d'autre vie. Mais au bout de quelques jours et outre
sa pens�e, il fut contraint mourir. Apr�s sa mort on voyoit tous les jours
en sa maison superbement bastie, des fantosmes survenant au soir, tellement
que les domestiques furent contraints cercher demeure ailleurs. Ce riche
aparoissoit entre autres, avec une troupe de banquetteurs en une sale qui
ne servoit de son vivant qu'� faire festins. Il estoit entour� de
serviteurs qui tenoyent des flambeaux en leurs mains, et servoyent sur
table couverte de coupes et gobelets d'argent dor�, portans force plats,
puis desservans: outre plus on oyoit le son des flustes, luths, espinettes
et autres instrumens de musique, bref, toute la magnificence mondaine dont
ce riche avoit eu son passetemps en sa vie. Dieu permit que Satan
repr�sentast aux yeux de plusieurs de telles illusions, afin d'arracher
l'impi�t� du coeur des Epicuriens.�
Des Caurres[1] raconte �comment l'an 1555 en une bourgade, pr�s de Damas en
Syrie, nomm�e Mellula, mourut une femme villageoise, qui demeura six jours
au sepulchre; le septiesme jour elle commen�a � crier dessous terre, � la
voix de laquelle s'assembl�rent une grande multitude de gens et appel�rent
les parens et mary de la defuncte, devant lesquels elle fut tir�e vive du
sepulchre et ressuscit�e. Et voulant son mary la conduire � sa maison, ne
vouloit, mais � grande instance demandoit estre amen�e � l'�glise des
chrestiens, ce que le mary et parens ne vouloient: mais elle persistait �
prier qu'on la y menast, car vouloit estre baptis�e et estre chrestienne.
Les parens indignez la men�rent � la grande ville de Damas, et la livreront
ez mains de la justice, � fin que comme h�r�tique elle fut punie. Le bruit
en courut par tout le pays. Dont s'assembla en Damas une infinit� de peuple
pour ceste chose nouvelle. Elle fut pr�sent�e � celuy qui est juge des
choses appartenans � la religion, le cadi, � laquelle dit le juge: O
insens�e! veux-tu suivre la foy damn�e des chrestiens pour estre condamn�e
� damnation �ternelle en enfer? Auquel respondit, disant: Je veux estre
chrestienne pour �vader les peines que tu dis, � cause que nul n'est sauv�
que les chrestiens: � laquelle respondit le cadi: Et quelle certitude as-tu
de cecy? Elle respond que tous ceux laquelle avoit cogneu en leur vie qui
estoient trespassez, les avoit tous veus en enfer. Alors cri�rent tous ceux
qui estoient la pr�sens: Adonc nous sommes tous damnez? elle respond
qu'ouy; ce que entendant, le peuple avec grande fureur la voulurent
lapider, les autres crioient que comme infidelle fut brusl�e. Le cadi dit
qu'il n'en estoit pas d'avis, afin que les chrestiens ne s'en glorifiassent
au grand mespris d'eux et de leur foy, mais pour nostre gloire traittons la
comme folle et insens�e et la renvoyons pour telle, par instrument public.
Ce que fut fait; � l'heure ceste bonne femme s'en vint � l'�glise des
chr�tiens, et receut la foy et le baptesme: et depuis vesquit avec les
chrestiens en la religion chrestienne, et en icelle mourut.�
[Note 1: Au IIe livre de ses _Jours g�niaux_, ch. IX, cit� par
Goulart, _Thr�sor d'histoires admirables_, t. I, p. 533.]
�Ceux qui ont remarqu�, dit un �crivain anonyme[1], les gestes ou escript
la vie des papes sont autheurs que le pape Benoist 9e du nom, apparut apr�s
sa mort vagant �� et l�, avec une fa�on fort horrible, ayant le corps d'un
ours, la queue d'un asne, et qui interrogu� d'o� luy estoit advenue une
telle m�tamorphose, il r�pondit: Je suis errant de ceste forme, pour ce que
j'ay vescu en mon pontificat sans loy comme une beste.�
[Note 1: Au IIIe livre de ses _Jours g�niaux_, ch. XV, cit� par
Goulart, _Thr�sor des histoires admirables_, t. IV, p. 331.]
�Sabellic[1] escrit que la commune voix fut, lors que Charles VIII
entreprit la conqueste de Naples par l'aveu du pape Alexandre VI, que le
fantosme de Ferdinand Ier, mort peu auparavant, aparut par diverses fois de
nuict � un chirurgien de la maison du roi, nomm� Jaques, et du commencement
en gracieux langage, puis avec menasses et rudes paroles, lui enjoignit de
dire � son fils Alfonse, qu'il n'esperast pouvoir faire teste au roi de
France: d'autant qu'il estoit ordonn� que sa race, apr�s avoir pass� par
infinis dangers, seroit priv�e de ce beau royaume, et finalement an�antie.
Que leurs pechez seroyent cause de ce changement, sp�cialement un forfait
commis par le conseil de Ferdinand dans l'�glise de Sainct-Leonard �
Pouzzol, pr�s de Naples. Ce forfait ne fut point d�clar�. Tant va
qu'Alfonse quitta Naples, et avec quatre gal�res charg�es de ce qu'il avoit
de plus pr�cieux se sauva en Sicile. Bref en peu de temps, la maison
d'Arragon perdit le royaume de Naples.�
Arluno[1], cit� par Goulart[2] rapporte que �Deux marchans italiens estans
en chemin pour passer de Piedmont en France, rencontr�rent un homme de
beaucoup plus haute stature que les autres, lequel les appelant � soy leur
tint tels propos: Retournez vers mon fr�re Ludovic, et lui baillez ces
lettres que je luy envoye. Eux fort estonnez, demandent: Qui estes-vous? Je
suis, dit-il, Galeas Sforce, et tout soudain s'esvanouit. Eux tournent
bride vers Milan, de l� � Vigevene, o� Ludovic estoit pour lors. Ils prient
qu'on les face parler au Duc, disans avoir lettres � lui bailler de la part
de son fr�re. Les courtisans se mocquent d'eux; et pour ce qu'ils faisoyent
tousiours instance de mesme, on les emprisonne, on leur pr�sente la
question: mais ils maintienent constamment leur premiere parole. La dessus
les conseillers du duc furent en dispute, de ce qu'il faloit faire de ces
lettres, ne sachans que respondre tant ils estoyent esperdus. Un d'entr'eux
nomm� le vicomte Galeas empoigne les lettres escrites et un papier pli� en
forme de briefs de Rome, le fermant attach� de menus filets de laiton, dont
le contenu estoit: Ludovic, Ludovic, pren garde � toy; les Venitiens et
Fran�ois s'allieront ensemble pour te ruiner, et renverser entierement tes
afaires. Mais si tu me fournis trois mille escus, je donneray ordre que les
coeurs s'adouciront, et que le mal qui te menace s'eslongnera, me confiant
d'en venir � bout, si tu veux me croire. Bien te soit. Et au bas: L'esprit
de ton fr�re Galeas. Les uns estonnez de la nouveaut� du fait, les autres
se mocquant de tout cela, plusieurs conseillans qu'on mist les trois mille
escus en depost au plus pres de l'intention de Galeas, le Duc estimant
qu'on se mocqueroit de lui, s'il laschoit tant la main, s'abstint de
desbourser l'argent et de le commettre en l'estrange main, puis renvoya les
marchans en leurs maisons. Mais au bout de quelque temps, il fut dejett� de
sa duch� de Milan, prins et emmen� prisonnier.�
�En 1695, un certain M. B�zuel (qui depuis fut cur� de Valogne), �tant
alors �colier de quinze ans, fit la connaissance des enfants d'un procureur
nomm� d'Abaqu�ne, �coliers comme lui. L'a�n� �tait de son �ge; le cadet, un
peu plus jeune s'appelait Desfontaines; c'�tait celui des deux fr�res que
B�zuel aimait davantage. Se promenant tous deux en 1696, ils
s'entretenaient d'une lecture qu'ils avaient faite de l'histoire de deux
amis, lesquels s'�taient promis que celui qui mourrait le premier viendrait
dire des nouvelles de son �tat au survivant. Le mort revint, disait-on, et
conta � son ami des choses surprenantes.�
�Il y avait six semaines que B�zuel n'avait re�u de lettres, lorsque, le 31
juillet 1697, se trouvant dans une prairie, � deux heures apr�s midi, il se
sentit tout d'un coup �tourdi et pris d'une faiblesse, laquelle n�anmoins
se dissipa; le lendemain, � pareille heure, il �prouva le m�me sympt�me; le
surlendemain, il vit pendant son affaiblissement son ami Desfontaines qui
lui faisait signe de revenir � lui... Comme il �tait assis, il se recula
sur son si�ge. Les assistants remarqu�rent ce mouvement.�
�Il voyait continuellement le fant�me, un peu plus grand que de son vivant,
� demi nu, portant entortill� dans ses cheveux blonds un �criteau o� il ne
pouvait lire que le mot _in_... Il avait le m�me son de voix; il ne
paraissait ni gai ni triste, mais dans une tranquillit� parfaite. Il pria
son ami survivant, quand son fr�re serait revenu, de le charger de dire
certaines choses � son p�re et � sa m�re; il lui demanda de r�citer pour
lui les sept Psaumes qu'il avait eus en p�nitence le dimanche pr�c�dent, et
qu'il n'avait pas encore r�cit�s; ensuite il s'�loigna en disant:
�_Jusqu'au revoir_,� qui �tait le terme ordinaire dont il se servait quand
il quittait ses camarades.�
�Depuis lors, Mlle Clairon entendit, vers les onze heures du soir, pendant
plusieurs mois, un cri aigu; ses gens, ses amis, ses voisins, la police
m�me, entendirent ce bruit, toujours � la m�me heure, toujours partant sous
ses fen�tres, et ne paraissant sortir que du vague de l'air.�
�Ces cris cess�rent quelque temps. Mais ils furent remplac�s, toujours �
onze heures du soir, par un coup de fusil tir� dans ses fen�tres, sans
qu'il en r�sult�t aucun dommage.�
�La rue fut remplie d'espions, et ce bruit fut entendu, frappant toujours �
la m�me heure dans le m�me carreau de vitre, sans que jamais personne ait
pu voir de quel endroit il partait. A ces explosions succ�da un claquement
de mains, puis des sons m�lodieux. Enfin, tout cessa apr�s un peu plus de
deux ans et demi[1]�.
�Au bout d'un an, et peu apr�s son anniversaire, il se fit entendre de
nouveau plus fort qu'auparavant. On lui demanda ce qu'il souhaitait: il
r�pondit d'une voix rauque et basse: �Faites venir, samedi prochain, le
cur� et mes enfants.�
�Le cur� �tant malade ne put venir que le lundi suivant, accompagn� de bon
nombre de personnes. On demanda au mort s'il d�sirait des messes? Il en
d�sira trois; s'il voulait qu'on f�t des aum�nes? il dit: �Je souhaite
qu'on donne aux pauvres huit mesures de grain; que ma veuve fasse des
cadeaux � tous mes enfants, et qu'on r�forme ce qui a �t� mal distribu�
dans ma succession,� somme qui montait � vingt florins.�
�Sur la demande qu'on lui fit, pourquoi il infestait plut�t cette maison
qu'une autre, il r�pondit qu'il �tait forc� par des conjurations et des
mal�dictions. S'il avait re�u les sacrements de l'�glise? �Je les ai re�us,
dit-il, du cur�, votre pr�d�cesseur.� On lui fit dire avec peine le _Pater_
et l'_Av�_, parce qu'il en �tait emp�ch�, � ce qu'il assurait, par le
mauvais esprit, qui ne lui permettait pas de dire au cur� beaucoup d'autres
choses.�
III.--FANT�MES
Un autre auteur[1] raconte cette singuli�re apparition: �Au mois d'avril
1567 on vit... en celle grande plaine qui est dite d'Heyton souz Mioland
(en Savoie) par l'espace de six jours continuels sortir d'une isle non
habit�e trois hommes vestuz de noir, incogneuz de chacun, et chacun
desquels tenoit une croix en la main et apr�s iceux marchoit une dame
accoustr�e en dueil et ainsi que se vestent coustumi�rement les vefves,
laquelle suyvant ces porte-croix, se tourmentoit et d�menoit avec une si
triste contenance qu'on eut dit qu'elle estoit attainte de quelque douleur,
et angoisse d�sesp�r�e. Cecy n'est rien si un grand escadron de peuple
n'eust suivy ces vestus de dueil qui marchoient en procession, et
l'habillement duquel repr�sentoit plus de joye que des quatre premiers, en
tant que toute ceste multitude estoit vestue � blanc, et monstrant plus de
plaisir et allegresse que la susdite femme. La course de ces pourmeneurs
s'estendoit tout le long de la campagne susnomm�e jusques � une autre isle
voisine, o� tous ensemble s'esvanouyssaient, et n'en voyait on rien n'en
plus que si jamais il n'en eut est� m�moire, et au reste d�s que quelcun
approchoit pour les voir de plus pr�s il en perdoit incontinent la vue...�
�Un mien ami nomm� Gordian, personnage digne de foy, m'a recit�, dit
Alexandre d'Alexandrie[1], qu'allant vers Arezze avec certain autre de sa
connoissance, s'estans esgarez en chemin ils entrerent en des forests, o�
ils ne voyent que de la neige, des lieux inaccessibles, et une effrayable
solitude. Le soleil estant fort bas, ils s'assirent par terre tous recreus.
Sur ce leur fut avis qu'ils entendoyent une voix d'homme assez pres de l�;
ils approchent et voyent sur une terre proche trois gigantales et
espouvantables formes d'hommes, vestus de longues robes noires, comme en
deuil, avec grands cheveux et fort longues barbes, lesquels les
appellerent. Comme ces deux passans approchoyent, les trois fantosmes se
firent plus grands de beaucoup qu'� la premi�re fois: et l'un d'iceux
paroissant nud, fit des fauts mouvemens et contenances fort deshonnestes.
Ces deux fort estonnez de tel spectacle commencerent � fuir de vitesse �
eux possible, et ayans travers� des precipices et chemins, du tout
fascheux, se rendirent � toute peine en la logette d'un paysan, o� ils
pass�rent la nuict.�
[Note 1: Au IIe livre de ses _Jours g�niaux_, ch. IX, cit� par S.
Goulart, _Thr�sor d'histoires admirables_, t. I, p. 534.]
�Ce que j'ay par tesmoignage de moy-mesme, et dont je suis bien asseur�, je
l'adjouste, continue le m�me auteur. Estant malade � Rome, et couch� dedans
le lict, o� j'estois bien �veill�, m'apparut un fantosme de belle femme,
laquelle je regardai longuement tout pensif et sans dire mot, discourant en
moy-mesme si je resvois, ou si j'estois vrayement esveill�. Et conoissant
que tous mes sens estoyent en leur pleine vigueur, et que ce fantosme se
tenoit toujours devant moy, je lui demande qui elle estoit. Elle se
sousriant repetoit les mesmes mots, comme par mocquerie, et m'ayant
contempl� longuement s'en alla.�
IV.--VAMPIRES
�Les revenans de Hongrie, ou les Vampires, sont, d'apr�s dom Calmet[1], des
hommes morts depuis un temps consid�rable, quelquefois plus, quelquefois
moins long, qui sortent de leurs tombeaux et viennent inqui�ter les vivans,
leur sucent le sang, leur apparoissent, font le tintamare � leurs portes,
et dans leurs maisons et enfin leur causent souvent la mort. On leur donne
le nom de Vampires ou d'Oupires, qui signifie, dit-on, en esclavon une
sangsue. On ne se d�livre de leurs infestations qu'en les d�terrant, en
leur coupant la t�te, en les empalant, en les br�lant, en leur per�ant le
coeur.�
[Note 1: _Trait� sur les apparitions des esprits_, tome II, p. 2.]
�Il y a environ quinze ans, rapporte dom Calmet[1], qu'un soldat �tant en
garnison chez un paysan ha�damaque, fronti�re de Hongrie, vit entrer dans
la maison, comme il �toit � table aupr�s du ma�tre de la maison son h�te,
un inconnu qui se mit aussi � table avec eux. Le ma�tre du logis en fut
�trangement effray�, de m�me que le reste de la compagnie. Le soldat ne
savoit qu'en juger, ignorant de quoi il �toit question. Mais le ma�tre de
la maison �tant mort d�s le lendemain, le soldat s'informa de ce que
c'�toit. On lui dit que c'�toit le p�re de son h�te, mort et enterr� depuis
plus de dix ans, qui s'�toit ainsi venu asseoir aupr�s de lui, et lui avoit
annonc� et caus� la mort.
�Il en fit bruler un troisi�me qui �toit enterr� depuis plus de seize ans,
et avoit suc� le sang et caus� la mort � deux de ses fils.�
Voici, d'apr�s dom Calmet[1], ce qu'on lit dans les _Lettres juives_:
�Cette nuit le p�re ne parut pas; mais la nuit suivante il se fit voir, et
demanda � manger. On ne sait pas si son fils lui en donna ou non, mais on
trouva le lendemain celui-ci mort dans son lit: le m�me jour, cinq ou six
personnes tomb�rent subitement malades dans le village, et moururent l'une
apr�s l'autre, peu de jours apr�s.
�On ouvrit tous les tombeaux de ceux qui �toient morts depuis six semaines:
quand on vint � celui du vieillard, on le trouva les yeux ouverts, d'une
couleur vermeille, ayant une respiration naturelle, cependant immobile
comme mort; d'o� l'on conclut qu'il �toit un signal� vampire. Le bourreau
lui enfon�a un pieu dans le coeur.
�Toutes les informations et ex�cutions dont nous venons de parler ont �t�
faites juridiquement, en bonne forme, et attest�es par plusieurs officiers,
qui sont en garnison dans le pays, par les chirurgiens majors, et par les
principaux habitans du lieu. Le proc�s-verbal en a �t� envoy� vers la fin
de janvier dernier au conseil de guerre imp�rial � Vienne, qui avait �tabli
une commission militaire, pour examiner la v�rit� de tous ces faits.�
�Pour satisfaire, y est-il dit, aux demandes de Monsieur l'Abb� dom Calmet,
le soussign� a l'honneur de l'assurer, qu'il n'est rien de plus vrai et de
si certain que ce qu'il en aura sans doute lu dans les actes publics et
imprim�s, qui ont �t� ins�r�s dans les Gazettes par toute l'Europe; mais �
tous ces actes publics qui ont paru, Monsieur l'Abb� doit s'attacher pour
un fait v�ridique et notoire � celui de la d�putation de Belgrade par feu
S. M. Imp. Charles VI, de glorieuse m�moire, et ex�cut�e par feu son
Altesse S�r�nissime le Duc Charles-Alexandre de Wurtemberg, pour lors
Vice-Roi, ou Gouverneur du Royaume de Servie.
�Arriv�s sur les lieux, l'on trouva que dans l'espace de quinze jours le
vampire, oncle de cinq, tant neveux que ni�ces, en avoit d�j� exp�di� trois
et un de ses propres fr�res; il en �toit au cinqui�me, belle jeune fille,
sa ni�ce, et l'avoit d�j� suc�e deux fois, lorsque l'on mit fin � cette
triste trag�die par les op�rations suivantes.
�On se rendit avec les commissaires d�put�s pas loin de Belgrade, dans un
village, et cela en public, � l'entr�e de la nuit, � sa s�pulture. Il y
avoit environ trois ans qu'il �toit enterr�; l'on vit sur son tombeau une
lueur semblable � celle d'une lampe, mais moins vive.
�Ensuite l'on proc�da � le tirer hors de son tombeau, le corps n'�tant pas
� la v�rit� flexible, mais n'y manquant nulle partie ni de chair, ni d'os;
ensuite on lui per�a le coeur avec une esp�ce de lance de fer rond et
pointu; il en sortit une mati�re blanch�tre et fluide avec du sang, mais le
sang dominant sur la mati�re, le tout n'ayant aucune mauvaise odeur;
ensuite de quoi on lui trancha la t�te avec une hache semblable � celle
dont on se sert en Angleterre pour les ex�cutions: il en sortit aussi une
mati�re et du sang semblable � celle que je viens de d�peindre, mais plus
abondamment � proportion de ce qui sortit du coeur.
�Au surplus, on le rejetta dans la fosse, avec force chaux vive pour le
consommer plus promptement; et d�s-lors sa ni�ce, qui avoit �t� suc�e deux
fois, se porta mieux. A l'endroit o� ces personnes sont suc�es, il se forme
une tache tr�s bleu�tre; l'endroit du moment n'est pas d�termin�, tant�t
c'est en un endroit, tant�t c'est en un autre. C'est un fait notoire
attest� par les actes les plus autentiques, et pass� � la vue de plus de
1,300 personnes toutes dignes de foi.�
Le m�me abb� donne cette autre lettre sur le m�me sujet[1]:
�Vous souhaitez, mon cher cousin, �tre inform� au juste de ce qui se passe
en Hongrie au sujet de certains revenants, qui donnent la mort � bien des
gens en ce pays-l�. Je puis vous en parler savamment: car j'ai �t�
plusieurs ann�es dans ces quartiers-l�, et je suis naturellement curieux.
J'ai ou� en ma vie raconter une infinit� d'histoires ou pr�tendues telles,
sur les esprits et sortil�ges; mais de mille � peine ai-je ajout� foi � une
seule: on ne peut �tre trop circonspect sur cet article sans courir risque
d'en �tre la dupe. Cependant il y a certains faits si av�r�s, qu'on ne peut
se dispenser de les croire. Quant aux revenants de Hongrie, voici comme la
chose s'y passe. Une personne se trouve attaqu�e de langueur, perd
l'app�tit, maigrit � vue d'oeil, et au bout de huit ou dix jours,
quelquefois quinze, meurt sans fi�vre ni aucun autre sympt�me, que la
maigreur et le dess�chement.
�On dit en ce pays-l� que c'est un revenant qui s'attache � elle et lui
suce le sang. De ceux qui sont attaqu�s de cette maladie, la plupart
croyent voir un spectre blanc, qui les suit partout comme l'ombre fait le
corps. Lorsque nous �tions en quartier chez les Valaques, dans le Bannat de
Temeswar, deux cavaliers de la compagnie dont j'�tois cornette moururent de
cette maladie, et plusieurs autres qui en �toient encore attaqu�s en
seroient morts de m�me, si un caporal de notre compagnie n'avoit fait
cesser la maladie, en ex�cutant le rem�de que les gens du pays emploient
pour cela. Il est des plus particuliers, et quoiqu'infaillible, je ne l'ai
jamais lu dans aucun rituel. Le voici: �On choisit un jeune gar�on qui est
d'�ge � n'avoir jamais fait oeuvre de son corps, c'est-�-dire, qu'on croit
vierge. On le fait monter � poil sur un cheval entier qui n'a jamais
sailli, et absolument noir; on le fait promener dans le cimeti�re, et
passer sur toutes les fosses: celle o� l'animal refuse de passer malgr�
force coups de corvache qu'on lui d�livre, est r�put�e remplie d'un
vampire; on ouvre cette fosse, et l'on y trouve un cadavre aussi gras et
aussi beau que si c'�toit un homme heureusement et tranquillement endormi:
on coupe le col � ce cadavre d'un coup de b�che, dont il sort un sang des
plus beaux et des plus vermeils et en quantit�. On jureroit que c'est un
homme des plus sains et des plus vivans qu'on �gorge. Cela fait, on comble
la fosse, et on peut compter que la maladie cesse, et que tous ceux qui en
�toient attaqu�s, recouvrent leurs forces petit � petit, comme gens qui
�chappent d'une longue maladie, et qui ont �t� ext�nu�s de longuemain.
C'est ce qui arriva � nos cavaliers qui en �toient attaqu�s. J'�tois pour
lors commandant de la compagnie, et mon capitaine et mon lieutenant �tant
absens, je fus tr�s-piqu� que ce caporal e�t fait faire cette exp�rience
sans moi.�
PR�SAGES
�Parcourez, si vous voulez, tous les si�cles, dit Gaffarel[1], vous n'en
trouverez pas un, suivant ceste v�rit�, o� quelque nouveau prodige n'ait
monstr� ou les biens, ou les malheurs qu'on a veu naistre. Ainsi vit-on un
peu auparavant que Xerx�s couvr�t la terre d'un million d'hommes des
horribles et espouventables m�t�ores, pr�sages du malheur, qui arriva tout
aussi bien du temps d'Attila surnomm� _flagellum Dei_; et si on veut se
donner la peine de prendre la chose de plus haut, la pauvre J�rusalem
fut-elle pas advertie du malheur qui la rendit la plus d�sol�e des villes,
par mille semblables prodiges? car souvent on vit en l'air des arm�es en
ordre avec contenance de se vouloir choquer: et un jour de la Pentechoste,
le grand prestre entrant dans le temple pour faire les sacrifices que Dieu
ne regardait plus, on ou�t un bruit tout soudain et aussitost une voix qui
cria: �Retirons-nous d'icy!� Je laisse l'ouverture de la porte de cuivre
sans qu'on la touchast et mille autres prodiges racont�s dans Josephe.
�Apian a marqu� ceux qui furent veus et ouys devant les guerres civiles,
comme voix espouvantables et courses �tranges des chevaux qu'on ne voyait
point. Pline a descrit ceux qui furent pareillement ouys aux guerres
Cymbriques et entre autres plusieurs voix du ciel et l'alarme que sonnaient
certaines trompettes horribles. Auparavant que les Lac�d�moniens fussent
vaincus en la bataille Leuctrique, on o�yt dans le temple les armes qui
rendirent son d'elles-mesmes: et environ ce temps, � Thebes, les portes du
temple d'Hercule furent ouvertes sans qu'aucun les ouvrit, et les armes qui
estoient pendues contre la muraille furent trouv�es � terre comme le d�duit
Cic�ron, non sans estonnement. Du temps que Miltiades alla contre les
Perses, plusieurs spectres en firent voir l'�v�nement, et sans m'escarter
si loin, voyez Tite Live qui, pour s'estre pleu � descrire un bon nombre de
semblables merveilles, quelques autheurs lui ont donn� le titre non
d'historien, mais de trag�dien. Que si nous voulons passer dans les autres
si�cles qui ne sont pas si �loign�s de nous, nous trouverons que du r�gne
de Th�odose, on vit de mesme une estoille portant esp�e: et du temps du
sultan Selim, mille croix qui brillaient en l'air et qui annon�aient la
perte que les chr�tiens firent apr�s.�
�Le Milanois, dit Goulart, fut averti en l'an 1520 et en l'an 1521 par
divers estranges pr�sages des grands changemens qui y avinrent es divers
evenements de la guerre, et les d�solations incroyables de tout le pays sur
lequel il tomba du ciel douze cens pierres de grele de couleur de fer
enrouill�, extremement dures, et qui sentoyent le soulfre. Deux heures
devant qu'elles tombassent, il se fit au ciel un feu du tout extraordinaire
de merveilleuse estendue et fort ardant. Cest merveille que l'air ait
soustenu si longuement un poids si lourd de tant de pierres entre
lesquelles on en trouva une pesant soixante livres et une autre deux fois
autant. Dedans deux ans apres les Fran�ois quitterent l'Italie, en laquelle
ils rentr�rent l'an 1515. Milan se vit r�duite � toute extr�mit� de
saccagement, guerres, embrasements, pestes. La foudre qui fit tant de
dommage au chateau de Milan l'an 1521 sembla pr�sager aussi la grande
r�volution des afaires qui y aparut depuis, tant en la mesme ann�e qu'es
suivantes comme il se void es r�cit de Guichardin en son _Histoire des
guerres d'Italie_.�
Paul Jove[1] raconte que �Devant que les Suisses sortissent de Novarre, o�
ils tenoient bon, l'an 1513, pour Maximilien Sforce, duc de Milan, contre
l'arm�e fran�oise, � laquelle commandoit le sieur de la Trimouille, assist�
de Jean-Jacques Trivulce et autres chefs de guerre, les chiens qui estoient
au camp des Fran�ois, s'amass�rent en troupes et entr�rent dedans Novarre,
o� se rendans es corps de garde, ils commenc�rent � faire feste aux
Suisses, par toutes les contenances coustumi�res � tels animaux lorsque
plus ils veulent amadouer leurs maistres. Jacques Motin d'Ury, vaillant
capitaine, comme il en fit preuve bientost apr�s, prenant cette reddition
des chiens � bon pr�sage, s'accourut vers l'empereur Maximilian, et
l'asseura que les Fran�ois seroient mis en d�route pour ce que les anciens
Suisses avoient tousjours marqu� que l'arm�e vers qui se rangeoyent les
chiens du parti contraire demeuroit victorieuse: les chiens quittant les
hommes couards et malheureux, pour se ranger aux vaillants et aux
fortunez.�
Le pr�sident de Thou[1] raconte ce qui suit: �Le propre jour que la ville
d'Afrique, jadis Aphrodisium fut prise sur les Turcs par l'arm�e de
l'empereur Charles V, de laquelle estoyent chefs Antoine Dore et Christofle
de Vegue, une plaisante avanture fut prise � bon pr�sage par les
assi�geants. Vegue avoit en ses pavillons une biche priv�e qu'on s�ait �tre
un animal qui se donne l'espouvante au moindre bruit qu'on face. Neantmoins
le jour de l'assaut environ le quinziesme de septembre 1550, ceste biche
non tracass�e de personne, ains de son mouvement, monte a la bresche et
sans s'esfaroucher au bruit des hu�es de tant de soldats, ni de
l'artillerie qui tonnoit horriblement, ni des baies qui siffloient de celle
part, passa outre, et entra la premi�re devant tous les soldats dedans la
ville, laquelle tost apr�s fut emport�e d'assaut, plusieurs Mores et Turcs
tu�s � la bresche et par les places, et dix mille personnes de divers aage
r�duites en captivit� par les victorieux.�
Alvaro Gamecius[1] raconte que �Le cardinal Ximenes s'aprestant pour aller
faire la guerre aux Mores en la coste de Barbarie, estant en un village
nomm� Vaiona, l'on y vid en l'air durant quelques jours une croix, de quoi
chascun discouroit � sa fantaisie. Ximenes pensant � ce prodige, et
prestant l'oreille aux diverses conjectures qu'on lui en proposoit, un de
la troupe lui dit: Monseigneur, ceste croix vous admoneste de partir sans
long d�lai: Vaiona est presque autant que Veayna, ce mot, en langue
espagnole (Ve-ayna) signifie _va viste_. En s'embarquant, la croix se
montra en Afrique: alors un evesque nomm� Cazalla s'�criant aux soldats
leur dit: Courage, mes amis! la victoire est nostre sous ce signal. Un
autre cas survint alors: c'est qu'un grand et furieux sanglier descendu des
costaux bocageux proches de la rade, traversa quelques compagnies bien
rang�es: sur quoi grandes hu�es se firent, chascun criant: Mahomet!
Mahomet! De sorte qu'� coups de dards et d'autres traits le sanglier fut
terrass� mort. Au contraire l'arri�re garde de l'arm�e des Mores fut
remarqu�e suivie d'un tr�s grand nombre de vautours, oiseaux carnassiers.
L'on n'entendoit es forests proche d'Oran que rugissemens de lions,
lesquels es nuicts suivantes s'assembl�rent par troupes et all�rent d�vorer
les corps tu�s. Comme les Espagnols assailloyent Oran, on vid deux arcs en
ciel sur la ville. Lors un docte personnage � la suite de Ximenes, eslongn�
del� se mit � crier: Oran est � nous! Ximenes en dit autant � ses amis: et
comme il continuoit � discourir de ce presage, les nouvelles lui vindrent
de la prise. Ce que je vais dire, adjouste Gomez, semblera de tout
admirable: mais rien ne fut estim� plus certain pour lors, et plusieurs le
remarquerent en leurs escrits. Outre les lettres de particuliers � leurs
amis, Gonsales, Gilles, et celui qui escrivit en latin l'histoire de ceste
guerre de Barbarie, afferment tr�s expressement que le soleil s'arresta et
contint son cours quatre heures et plus durant le combat des Espagnols
contre les Mores d'Oran. Car ainsi que les Espagnols pretendoyent gagner la
montagne, le soleil commen�oit � baisser: ce qui troubloit fort Pierre de
Navarre, chef des troupes, ne les voyant encore qu'au pied de la montagne.
Ximenes avoit bien remarqu� cest arrest du soleil, mais il s'en teut,
jusques � ce que cette merveille fut divulgu�e partout. On asseure aussi
que quelques Mores ayant pris garde � cela, tout estonnez de ce signe du
tout extraordinaire et miraculeux, abjurerent le mahom�tisme et se firent
baptiser.�
�Il y a en Norwege, dit Ziegler[1], un lac nomm� le lac de Mos, dans lequel
(sur l'instant du changement es affaires publiques) aparoit un serpent de
longueur incroyable. L'an 1522, on y en vid un, lequel avoit, autant que
plusieurs pr�sum�rent, cinquante brasses de longueur. Peu de temps apr�s le
roi Christierne second fut chass� de son royaume.�
[Note 1: En sa _Chronologie_.]
Jean Fran�ois Pic de la Mirandole[1] raconte que �Bien peu de temps avant
la naissance de Jean Picus, prince de la Mirandole, tant renomm� entre les
doctes de nostre temps, l'on descouvrit un grand globe de flamme ardante
sur la chambre de la m�re de ce prince, lequel globe de feu disparut
incontinent. Cela presageoit premi�rement en la forme ronde la perfection
de l'intelligence qu'auroit l'enfant, lequel nasquit en ceste chambre au
mesme instant, et qui seroit admir� de tout le monde, � cause de la prompte
vivacit� de son esprit, tout �pris de l'amour des sciences, de la
sp�culation des choses sublimes, et de la continuelle contemplation des
mysteres celestes. Outre plus, ce feu sembloit presager l'excellence du
parler de ce prince, lequel embrasoit ses auditeurs en l'amour des choses
divines: mais que ce feu ne feroit que passer. De fait, ce grand prince
mourut fort jeune, as�avoir en l'aage de trente-deux ans, l'an 1494, au
mois de novembre, estant n� le vingt-quatriesme de fevrier 1463.�
III.--PR�SAGES DE MORT
�L'empereur Maximilien Ier et Philippe Ier, son fils, roy d'Espagne, dit
Hedion en sa _Chronique_[1], estans en leur cabinet au palais de
Brusselles, pour resoudre de quelque afaire d'importance, un vent se leve
lequel arrache et jette hors de la paroy entre les deux princes une assez
grosse pierre, laquelle Philippe leve de terre: et comme il continuoit de
parler � son p�re, un tourbillon survint qui lui fit tomber ceste pierre
des mains, laquelle se brisa sur le planch�. C'est un presage, dit alors
Philippe � Maximilien, que vous serez bien-tost pere de mes enfans. Peu de
semaines apr�s, Philippe, jeune prince, mourut, laissant ses pupilles �
l'empereur Maximilien son p�re.�
Selon Paul Jove[1], �Le pape Adrian VI s'acheminant d'Espagne � Rome pour
son premier exploit voulut voir � Saragousse les os et reliques d'un
sainct: ce qui fit dire � plusieurs qu'Adrian mourroit bien tost. Il avint
alors aussi qu'une riche lampe de cristal, en l'�glise de ce sainct, se
brisa soudainement, dont toute l'huile fut vers�e sur Adrian et sur
quelques prestres autour de lui, dont leurs habillemens furent gastez.
Arriv� � Rome, le palais o� il demeuroit fut embras� et consomm� en un
instant. Il canoniza Benno, evesque aleman, et Antonin, archevesque de
Florence: mais il les suivit bientost et mourut apr�s icelles
canonizations, que l'on tient pour presages de mort prochaine aux papes qui
les font.�
�Le sixiesme jour d'avril 1490, dit Goulart[1], Mathias, roi de Hongrie,
surnomm� la frayeur des Turcs, mourut d'apoplexie � Vienne, en Austriche.
Tous les lyons que l'on gardoit en des lieux clos � Bude moururent ce jour
l�. Un peu devant le trespas du prince Jean Casimir, comte palatin du Rhin
et administrateur de l'�lectoral, le lyon qu'il faisoit soigneusement
nourrir mourut: ce que le prince prit pour presage de son deslogement. Un
cheval que Louis, roi de Hongrie, montoit, perit soudain, un peu devant la
bataille de Varne, en laquelle ce jeune prince demoura. Car ayant est� mis
en route, et voulant se sauver � travers un marests, le cheval qui le
portoit ne peut l'en desgager, ains y enfondra et perdit son maistre. Le
fr�re Battory, roi de Pologne, estant mort en Transsilvanie, le cheval du
roi mourut soudain, et quelques jours apr�s vindrent nouvelles du trespas
du prince deced� fort loin de l�.�
IV.--AVERTISSEMENTS
�Souvent Dieu nous fait savoir, dit Gaffarel[1], ce qui doit arriver par
quelque signe int�rieur, soit en veillant, soit en dormant. Ainsi
Camerarius pr�tend qu'il y a des personnes qui sentent la mort de leurs
parents, soit devant ou apr�s qu'ils sont trespassez par une inqui�tude
estrange et non accoustum�e, fussent-ils � mille lieues loin d'eux. Feue ma
m�re Lucr�ce de Bermond avoit un signe presque semblable: car il ne mouroit
aucun de nos parents qu'elle ne songeast en dormant peu de temps
auparavant, ou des cheveux, ou des oeufs, ou des dents m�l�es de terre, et
cela estoit infaillible et moy mesme lorsqu'elle disoit qu'elle avoit song�
telles choses, j'en observois apr�s l'�v�nement.�
Suivant Th. Zuinger[1] �Henry II, roi de France, ayant est� d�conseill� et
pri� nomm�ment par la reine sa femme de ne point courir la lance le jour
qu'il fut bless� � mort, ayant eu la nuict pr�c�dente vision expresse et
pr�sage du coup, ne voulut pourtant d�sister, mesme il contraignit le
comte, de Montgomerry de venir � la jouste. Comme ils s'apprestoyent �
rompre la derni�re lance, un jeune gar�on qui regardoit d'une fenestre ce
passe temps, commence � crier tout haut regardant et monstrant le comte de
Montgomerry: H�las! cest homme s'en va tuer le roy.�
D'apr�s le petit livre intitul� _la Mort du roi_, cit� par Goulart[1], �Le
vendredi quatorziesme jour de may 1610, une religieuse de l'abbaye de
Sainct-Paul en Picardie, soeur de Villers Hodan, gouverneur de Dieppe,
estant en quelque indisposition, fut visit�e en sa chambre par son abbesse,
soeur du cardinal de Sourdi, et apr�s qu'elles se furent entretenues de
paroles propres � leur condition, elle s'escria sans trouble ni sans les
agitations et frayeurs propres aux enthousiastes: Madame, faites prier Dieu
pour le roi: car on le tue. Et un peu apr�s: H�las! il est tu�! En la
conf�rence des paroles et de l'acte on a trouv� que tout cela n'avoit eu
qu'une mesme heure.�
On lit dans une lettre de Mme de S�vign� au pr�sident de Monceau que, trois
semaines avant la mort du grand Cond�, pendant qu'on l'attendait �
Fontainebleau, M. de Vernillon, l'un de ses gentilshommes, revenant de la
chasse sur les trois heures, et approchant du ch�teau de Chantilly (s�jour
ordinaire du prince), vit, � une fen�tre de son cabinet, un fant�me rev�tu
de son armure, qui semblait garder un homme enseveli; il descendit de
cheval et s'approcha, le voyant toujours; son valet vit la m�me chose et
l'en avertit. Ils demand�rent la clef du cabinet au concierge; mais ils en
trouv�rent les fen�tres ferm�es, et un silence qui n'avait pas �t� troubl�
depuis six mois. On conta cela au prince, qui en fut un peu frapp�, qui
s'en moqua cependant, ou parut s'en moquer, mais tout le monde sut cette
histoire et trembla pour ce prince, qui mourut trois semaines apr�s.
�Jusqu'� ce jour, je me suis livr�e, mes enfants, aux arts magiques. Vous
fr�missez; mais le pass� n'est plus en mon pouvoir. Je n'ai d'espoir que
dans vos pri�res. Je sais que les d�mons sont � la veille de me poss�der
pour me punir de mes crimes. Je vous prie, comme votre m�re, de soulager
les tourments que j'endure d�j�. Sans vous, ma perte me para�t assur�e, car
je vais mourir dans un instant. Renfermez mon corps dans une peau de cerf,
dans une bi�re de pierre recouverte de plomb que vous lierez par trois
tours de cha�ne. Si, pendant trois nuits, je reste tranquille, vous
m'ensevelirez la quatri�me, quoique je craigne que la terre ne veuille
point recevoir mon corps. Pendant cinquante nuits, chantez des psaumes pour
moi, et que pendant cinquante nuits on dise des messes.�
�Ses enfants troubl�s ex�cut�rent ses ordres; mais ce fut sans succ�s. La
corneille, qui sans doute n'�tait qu'un d�mon, avait disparu. Les deux
premi�res nuits, tandis que les clercs chantaient des psaumes, les d�mons
enlev�rent, comme s'ils eussent �t� de paille, les portes du caveau et
emport�rent les deux cha�nes qui enveloppaient la caisse: la nuit suivante,
vers le chant du coq, tout le monast�re parut �branl� par les d�mons qui
entouraient l'�difice. L'un d'entre eux, le plus terrible, parut avec une
taille colossale, et r�clama la bi�re. Il appela la morte par son nom; il
lui ordonna de sortir. �Je ne le puis, r�pondit le cadavre, je suis li�e.�
�Tu vas �tre d�li�e,� r�pondit Satan; et aussit�t il brisa comme une
ficelle la troisi�me cha�ne de fer qui restait autour de la bi�re: il
d�couvrit d'un coup de pied le couvercle, et prenant la morte par la main,
il l'entra�na en pr�sence de tous les assistants. Un cheval noir se
trouvait l�, hennissant fi�rement, couvert d'une selle garnie partout de
crochets de fer; on y pla�a la malheureuse et tout disparut; on entendit
seulement dans le lointain les derniers cris de la sorci�re.�
FIN
* * * * *
PR�FACE
LES DIABLES.
I.--Existence des d�mons
II.--Apparitions du diable
IV.--M�tamorphoses du diable
VI.--Sabbat
I.--F�es
II.--Elfes
NATURE TROUBL�E.
I.--Poss�d�s--D�moniaque
II.--Ensorcel�s
IV.--Sortil�ges
II.--Follets et Lutins
IV.--Esprits familiers
PRODIGES.
I.--Prodiges c�lestes
II.--Animaux parlants
EMPIRE DES MORTS.
III.--Fant�mes
IV.--Vampires
PR�SAGES.
II.--Pr�sages de naissance
III.--Pr�sages de mort
IV.--Avertissements
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