Prostitution
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Prostitution
Saïda Menehbi
Nous n'avons pas voulu répéter des choses même dites par des
personnes différentes. En tout cas, nous ne prétendons pas
avoir fait une enquête ni avoir contacté toutes les prostituées.
Notre méthode n'est sûrement pas totalement scientifique. Nous
sommes encore loin de l'analyse sociologique.
Elle vend son corps, n'est pas toujours payée et subit assez
fréquemment de grandes humiliations et des tortures physiques.
La société lui fait perdre jusqu'à sa qualité d'être humain. Les
prostituées sont traitées comme des chiens qu'il faut abattre.
Très vite, il a fallu à ces filles gagner leur vie et même faire
vivre leur famille. Elles sont ainsi englouties, face au manque
d'emploi, par le rouage de la rue, de la prostitution ou du vol.
Parfois l'autorité absolue du père les pousse à fuir la maison
paternelle, la ville natale même.
Fatima, 19 ans : «Mes parents sont très pauvres. Mon père est
tailleur [Le père de Fatima est tailleur populaire. Son gain est
très réduit ou presque nul]. Mes soeurs sont employées comme
bonnes chez des riches».
Elles sont toujours battues, soit par les hommes avec qui elles
entretiennent une relation plus ou moins stable, et qui, sous
prétexte de les protéger, les exploitent ; soit par ceux qui les
arrêtent. Parfois des tentatives de suicide laissent leurs
tatouages.
Elles sont nées dans des familles où le père travaille et n'est pas
chômeur ou ouvrier. Quelques-unes ont fréquenté l'école
primaire et même les premières années du secondaire.
Fouzia, 25 ans : «Mes parents sont morts. J'ai été élevée par
une famille aisée. Ils m'ont obligée à me marier. Ma belle-
famille me considérait comme une bonne à tout faire. Après
une dispute avec mon mari et sa famille, je me suis enfuie à
Casablanca. Mon mari a divorcé plus tard. Je n'ai pas
d'enfants».
Micha, 20 ans : «Je n'ai pas d'enfants. Mas parents n'ont pas
besoin de moi et même je ne leur donnerai rien. Si je travaille
je ne gagnerai pas plus de 25 DH par semaine alors que faire
avec : payer le loyer ? Acheter des habits ? Donner à mon ami à
manger ?»
Ces femmes sont exploitées à tous les niveaux. Dans leur vie,
et même quand elles sont arrêtées.
Les femmes nous en ont parlé car cela leur tenait à coeur. Il est
certain que celles qui n'ont rien à donner ne donnent, rien,
«acceptent les risques du métier», passent leurs peines et
sortent.
«Mon ami a donné 4 000 DH. Lui est sorti, moi non».
«Une fille était avec nous. Elle est riche et possède une voiture.
Elle a donné une grosse gourmette. Nous l'avons vue. Elle est
sortie».
«Moi je n'ai pas été arrêtée pour prostitution. Ils m'ont mise,
une autre fille et moi, à la place de deux filles prostituées car
leurs familles à elles ont donné de l'argent».