Mallona La Planète Explosée - Leopold Engel
Mallona La Planète Explosée - Leopold Engel
Mallona La Planète Explosée - Leopold Engel
La Planète explosée
Léopold ENGEL
1
PREFACE
de la deuxième édition allemande (1961)
par M. KAHIR
2
système. C'est ainsi que le célèbre astronome du XVIIème siècle J.
Kepler parvint à élaborer ses trois lois planétaires. En 1766, le
Professeur Titius, de Wittenberg, établit une série à laquelle
l'astronome Bode, principalement, donna son adhésion. Cette
classification des planètes, connue sous le nom de "Série de Titius-
Bode", exige, entre les orbites de Mars et de Jupiter, l'existence d'une
planète qui demeura cependant invisible dans le ciel nocturne.
3
champ gravitationnel de ces planètes.
4
une orbite plus oblique autour du soleil. Lorsque intervint sa
destruction, son explosion divisa l'ensemble de la planète en de
nombreux morceaux plus ou moins volumineux. Seuls ses quatre
satellites demeurèrent entiers [Ce sont les 4 plus gros astéroïdes
encore aujourd'hui observables. (Note de M. Kahir)]. Mais, du fait qu'ils
avaient perdu leur centre gravitationnel, leur mouvement sombra
dans le désordre, et ils s'éloignèrent de plus en plus les uns des
autres parce que, à la suite de l'explosion, ils subirent une forte
poussée due à la déflagration. Les débris de la planète centrale se
dispersèrent dans le vaste espace compris entre Mars et Jupiter. Un
grand nombre de plus petits débris s'éloignèrent encore davantage.
Quelques-uns uns tombèrent sur Jupiter, d'autres sur Mars,
quelques-uns même sur la Terre, la Lune, Mercure, Vénus et le Soleil.
Sur les débris, il n'y a plus de vie organique, seulement l'érosion et
une lente désintégration."
5
reçue au début de ce siècle par Léopold Engel qui vivait alors à Berlin.
A bien des égards, Engel fut un esprit très proche de Lorber. Son livre
intitulé "Mallona" - le présent ouvrage - fut écrit à l'aide d'une
méthode de perception plus ou moins semblable à celle de Lorber,
mais d'une façon néanmoins quelque peu différente. Il se servit d'un
médium, ou paragnoste, qui possédait au plus haut degré cette
faculté que les parapsychologues nomment la vision psychométrique.
Dans son avant-propos, l'auteur donne toutes les indications sur la
manière dont son livre fut écrit. L. Engel rassembla en un tout
chronologiquement ordonné la longue suite de clichés qui se
déroulèrent devant l'œil spirituel de la voyante, comme un film vivant,
qu'elle décrivit par moment dans une transe médiumnique fort
animée.
6
"Les générations futures de votre Terre inventeront, elles aussi,
d'effroyables explosifs, en plus d'une foule de moyens de destruction.
Et ils causeront bien des ruines sur la Terre. Mais Dieu veillera à ce
qu'ils ne les utilisent pas à de trop grandes profondeurs. C'est
pourquoi un anéantissement total de votre planète n'aura pas lieu,
bien que d'immenses destructions locales seront à coup sûr
provoquées. Les hommes seront pris d'angoisse, de peur et d'une
affliction indescriptibles ; beaucoup sécheront de frayeur et seront
dans la crainte des malheurs qui fondront sur la Terre..." [A
rapprocher avec les paroles de Jésus dans les Evangiles cf. Mathieu
XXIV]
7
et d'un Lorber attestent l'existence, de même que les écrits de Leopold
Engel.
"Tout ce qui passe n'est que symbole !" disait Goethe. Et c'est
ainsi que le sens profond du drame de la fin d'une planète est, certes,
une réalité, mais n'est, simultanément, que le reflet de la Vérité
éternelle qui agit derrière elle...
M. KAHIR
8
INTRODUCTION
par Jean CHOISEL
9
Au cours des huit jours que Gémini V a passé sur orbite
terrestre, les cosmonautes Cooper et Conrad ont éliminé 24% des
minéraux qui constituaient leur squelette. Pratiquement le quart, rien
qu'en huit jours ! Les choses se passent comme si l'espace imposait à
ceux qui tentent d'y vivre l'état de désincarnés !
10
Quoi qu'il en soit, si l'on peut sans effort l'imaginer se posant
(mais dans quelles conditions !) sur une telle planète, on n'est pas
encore en mesure de concevoir un appareil propulsif assez puissant
pour lui permettre de la quitter.
11
bien même il serait possible de l'obtenir. Les mécanismes de la vie me
semblèrent moins dignes d'intérêt que ses aspects mystiques. A ce
point de mes réflexions, je m'attachais à l'étude des phénomènes
supra-sensoriels, et je pris l'avion pour l'Inde, avec l'espoir de jeter un
regard sur les pratiques du Yoga. (...)
12
"En effet, la science et la technique nous enseignent qu'après les
millions d'années d'une évolution fructueuse, la vie humaine se
dégrade dans son contenu génétique et dans son environnement, à
un rythme dont la croissance exponentielle est alarmante. Il semble
fondamentalement que nous soyons plutôt en train de
rétrograder que d'avancer. Il nous suffit de regarder autour de nous
pour vérifier le fait: les villes devenant des mégapoles, le viol de la
Nature, la pollution de l'air, de l'eau, du sol; de voir le crime, le vice et
le mécontentement s'étendre comme un cancer sur notre monde. Est-
ce que cela annonce une fin ou un commencement ? La réponse
dépend, évidemment, de notre lucidité, et de l'action que nous
entreprendrons. (...)
Charles LINDBERGH
13
l'homme développe en lui ces facultés profondes qu'il a jusqu'à ce jour
lamentablement laissé péricliter, en n'accordant unilatéralement tous
ses soins qu'à ses seules facultés intellectuelles, grâce auxquelles la
fantastique évolution technologique contemporaine prit l'essor que
l'on sait. Avec les conséquences que l'on voit: pollutions de l'eau, de
l'air, des mers, des sols, de l'alimentation humaine et animale, du
psychisme des populations, etc., etc.
Sir Julian Huxley déclara en effet lui aussi : "Bien qu'il doive à la
pensée son actuelle position dominante, l'homme en ignore encore
presque tout. L'exploration de l'esprit commence à peine. Elle sera la
principale tâche de l'ère qui s'ouvre devant nous, comme l'exploration
du globe a été celle des siècles précédents. Cette exploration
psychologique nous réserve sans doute autant de surprises
qu'autrefois la découverte du monde, et il est certain qu'elle offrira à
nos descendants de nouvelles et innombrables possibilités
d'enrichissement et d'accomplissement.
14
l'homme, mais que c'est l'homme lui-même. Et pourquoi ? Parce
qu'il n'y a pas de protections suffisantes contre les épidémies
psychiques, infiniment plus dévastatrices que les pires catastrophes
de la nature. Il faudrait donc que les connaissances psychologiques se
propagent à tel point que les hommes puissent voir d'où vient la
grande menace."
15
Sidwick, professeur de philosophie morale à l'Université de
Cambridge. L'institut Métapsychique International, reconnu d'utilité
publique en 1919 par le gouvernement français, a été organisé à
Paris, sous les auspices du grand physiologiste Richet, découvreur de
l'anaphylaxie, et aussi d'un savant médecin, Joseph Teissier,
professeur de médecine à l'Université de Lyon."
16
sur commande des phénomènes observés, ainsi qu'on peut y procéder
dans les sciences physiques, est le plus souvent complètement
impossible.
17
Pourtant, paradoxalement, au cours des quinze dernières
années, ce sont les études effectuées sur les structures profondes de
la matière qui ont conduit nombre de physiciens à un renversement
complet des conceptions matérialistes passées. C'est ainsi que le Prof.
G.B.C. Stuckelberg, de la Commission à l'Energie Atomique Suisse, a
pu écrire dans la revue "Industries Atomiques" (janvier 1958):
"Il existe d'autres univers que le nôtre, qui n'ont, pour des
raisons topologiques. aucun point de contact, sauf celui que l'on peut
établir par ces phénomènes de télépathie, que les psychologues
commencent à admettre." Phrase à rapprocher de celle de Lindbergh
que nous citions plus haut. ("Découvrirons nous que c'est (...)
seulement sans le secours du cyclotron que nous pourrons connaître
l'intérieur de l'atome ?")
C'est ainsi que furent fondés dans plusieurs pays des Instituts
de Parapsychologie. Certains des chercheurs qui y travaillent se sont
fait une solide notoriété dans le monde savant contemporain, à cause
du sérieux de leur expérimentation de leur probité intellectuelle et de
la rigueur des résultats qu'ils ont constatés et signalés.
18
Duke; le Prof. Tenhäeff, fondateur de l'Institut de Parapsychologie
d'Utrecht; en Allemagne, à Fribourg en Brisgau, le Prof. Bender; en
Angleterre, à l'Université d'Oxford, le Prof. Soal; en U.R.S.S., les Dr.
Gulyaev et Vassiliev, de l'Institut de Physiologie de Leningrad, etc.
Bref, l'idée que l'être humain porte en lui bien plus de facultés et
de sens que ceux qui sont officiellement reconnus de nos jours, cette
idée fait son chemin. Et elle se trouve solidement confirmée par des
faits nouveaux (et cependant vieux comme le monde !) qu'étudient
avec impartialité un nombre toujours plus élevé d'hommes formés
19
dans les disciplines les plus diverses.
Il est bien évident que, lorsque l'on a recours aux facultés dites
paranormales de l'être humain, on a toujours intérêt à s'entourer de
toutes les garanties de sérieux et d'honnêteté nécessaires, afin d'éviter
de s'exposer à de graves déboires. Car les charlatans et les sans-
scrupules font dans ces domaines des carrières particulièrement
fructueuses. Et c'est pourquoi ils y sont fort nombreux. Mais le
charlatanisme, comme le sectarisme, sont les choses les plus
répandues du monde. On les trouve dans toutes les sociétés
humaines, dans toutes les classes sociales, dans toutes les
professions, et même dans les facultés. Souvent même chez ceux dont
la respectabilité s'affiche avec le plus d'éclat [Voir à ce propos le livre
du Dr d'Autrec intitulé LES CHARLATANS DE LA MEDECINE (La Table
Ronde)].
20
l'intégrité et les capacités ne sauraient être mises en doute, ayant trop
souvent été mises à l'épreuve - y compris au sein de l'Institut
Métapsychique International - nous nous permettons d'en
recommander la lecture à toute personne intéressée par les aspects
concrets et pratiques de la voyance et de la parapsychologie.
21
"On n'a jamais trouvé de météorites fossiles. Par exemple, dans
nos mines de charbon, si bien exploitées depuis deux siècles, et qui
datent du carbonifère, on n'en rencontre aucune. Pour la Terre, elles
n'existaient pas avant cette période, donc avant deux cent quarante
millions d'années. Des êtres vivants, tels les reptiles du permien,
n'ont pas pu assister à ces premiers bombardements, qui ont prouvé
un cataclysme lointain survenu dans le système solaire, et qui eut
une toute autre ampleur que les modestes et lentes dislocations ou
dérives de nos continents. ~(..)
"De bons esprits pensent enfin que l'histoire de la Terre est faite
d'éternels retours, d'un perpétuel recommencement. Mais cette
philosophie, n'est-ce pas, n'a que la valeur que lui consentent les
philosophes !
"A moins que, ... elle ne trouve aussi sa justification dans une
légende empruntée à la tradition orientale et qui parle d'une
planète dont l'orbite se situait entre Mars et Jupiter. Ses habitants,
fous d'orgueil, finirent par faire sauter leur "Terre" comme éclate un
fruit trop mûr. Légende... Oui, mais des astronomes ont découvert
entre Mars et Jupiter une immense ceinture d'astéroïdes, d'éclats
cosmiques, qui pourraient bien être les restes dérisoires d'une planète
22
que la sottise de ses habitants fit un jour exploser."
***
""Dieu ne joue pas aux dés !" déclara un jour Einstein. Parfait:
s'il ne s'adonne pas aux jeux de hasard, il fait donc des calculs, et il a
fabriqué l'univers comme un mathématicien. Quels étaient ses
paramètres ?
"Dans le bol cosmique, jetez des gaz et des poussières. Les gaz
interstellaires sont des atomes, ionisés ou non, d'hydrogène et
d'hélium (ils constituent 98 à 99% de l'univers observable) ; les
poussières proviennent d'explosions de supernovae et nuages
cosmiques. C'est comme le lait et la farine de la béchamel, pour
continuer à manquer de révérence.
23
"Il se forme des grumeaux. Plus le grumeau grossit, plus sa
masse augmente et son attraction gravitationnelle devient forte,
attirant d'autres gaz et poussières. Ce grumeau est une proto-étoile
qui s'est formée par accrétion (à ne pas confondre avec agrégation).
En cours de formation, sa gravité augmente, surtout au centre. Sous
la pression interne, le cycle thermonucléaire s'amorce, l'étoile
commence à rayonner.
24
constatant maintes étonnantes successions d'accident du même type
en peu de jours? - les Editions Robert Laffont ont publié en 1971 un
ouvrage de B.R. Bruss intitulé "ET LA PLANETE SAUTA...". Or, ce
livre aborde exactement le même thème que MALLONA !
***
25
C'est en ce sens que la publication de MALLONA est importante -
et c'est ce qui nous a décidé à l'entreprendre - même si elle n'est
considérée que comme un conte ou une légende. Comme, par
exemple, la légende de l'Atlantide ou celle de Troie, dont les ruines
furent découvertes par Schliemann en 1869, après que le monde
savant se fut copieusement gaussé de son intention déclarée de les
découvrir. Ou encore tant d'autres "légendes" bibliques que
l'archéologie contemporaine est cependant venu sortir du domaine de
l'affabulation pour leur conférer une incontestable authenticité [Voir
en particulier à ce propos LA BIBLE ARRACHEE AUX SABLES par
Werner Keller (Le Livre Contemporain).]
26
"l'imagination est une seconde mémoire"...
Jean CHOISEL
27
LA DÉCOUVERTE TERRESTRE DE L'ANNEAU
La voyante nous communique sa vision. Elle voit un pays
étranger qu'elle reconnaît pour être l'Egypte, grâce aux pyramides qui
y sont construites. On creuse les fondations d'un temple. Les ouvriers
piochent un sol dur et découvrent un bloc géant qui semble être
constitué d'argile brûlée. On casse péniblement le matériau résistant
et on le retire par morceaux. Les restes d'un homme à la silhouette
puissante apparaissent, couchés à l'intérieur de l'argile dure et
brûlée. Des prêtres viennent considérer l'étrange trouvaille. Le bloc
est examiné sous leur direction. Le squelette est libéré de sa gangue
résistante. Il porte à la main droite les restes d'un anneau de métal
auquel tient encore une pierre gravée.
DE LA TERRE AU COSMOS
Nombreux sont les habitants de la Terre qui, en considérant le
ciel nocturne, éprouvent le désir de traverser l'espace infini et de
s'élancer à travers ces mondes lumineux et lointains, qui embellissent
le firmament de leur brillante splendeur. De voyager dans le système
solaire, à travers ses planètes, pour savoir si sur ces mondes vivent
des êtres semblables à ceux de notre Terre, et s'ils sont également
28
soumis aux lois de la vie végétative et intellectuelle qui régissent les
hommes sur la Terre.
29
s'épaissit rapidement en un noir opaque, au fur et à mesure que je
m'élève dans l'atmosphère de la Terre.
30
Je puis à présent reconnaître deux puissants continents,
semblables aux deux Amériques. A cette différence près que l'isthme
de Panama est absent et que l'océan s'étend entre eux sans obstacle.
Sur la gauche émergent d'autres grands continents. Je me dirige
obliquement vers ceux-ci, vraisemblablement pour atteindre la face de
l'astre qui m'est encore cachée. Je constate alors que ce continent
ressemble quelque peu aux continents asiatique et européen réunis.
Une réponse intérieure fait tressaillir mon âme : "Tu vois, ayant
retrouvé sa forme première, ce monde autrefois grand et beau, dont
les vestiges errent à présent à travers l'espace sous forme
d'astéroïdes. La planète d'autrefois est dans toute sa beauté sous tes
yeux étonnés, car tu dois témoigner pour elle, et révéler ce qu'aucun
œil humain ne vit jamais avant toi. Il te faut regarder ce qui est
advenu d'elle il y a des millions d'années, et porter témoignage du
31
grand Esprit universel qui laissa s'accomplir ce qu'il ne voulut pas
empêcher, par amour du grand but qu'il s'agit d'atteindre."
L'ORIGINE DE L'ANNEAU
Lentement l'est rougit. Le soleil s'élève majestueusement au-
dessus de l'horizon et dissipe les brumes mouvantes, qui cachent au
regard des vallées profondes, les couvrant de leurs voiles jusqu'au
sommet des montagnes. Le panorama devient plus lumineux. Peu à
peu le paysage qui entoure le sommet le plus haut se découvre. C'est
sur son versant exposé vers la mer que prend fin mon audacieux
envol.
32
en cours de transformation. A perte de vue, la mer est ici bordée de
hauts rochers qui opposent à ses flots une barrière infranchissable.
Heureusement. Car, spectacle étonnant, non loin de cette protection
naturelle, le sol s'abaisse petit à petit et forme une dépression
beaucoup plus basse que la mer. Malheur aux terres situées dans
cette dépression, si jamais la puissante muraille de rochers venait à
être rompue : les flots s'y déverseraient avec une force irrésistible et
recouvriraient tout.
33
Parcourant l'espace à une vitesse folle, j'atteins maintenant
l'extrémité de ce paysage terrifiant. De hautes montagnes tombent à
pic dans la mer, des rochers dénudés se dressent tout droit le long de
la côte et offrent un séjour inhospitalier aux naufragés, qui peuvent
sauver leur vie en abordant ces lieux. Un contrefort s'avance loin
dans la mer, formant sur son flanc une baie accueillante semblable à
une aimable oasis dans un désert. Un riant paysage s'offre à mes
regards dans cette baie.
34
ont en cet endroit formé sur le plateau une caverne entourée de lianes
luxuriantes, d'une grande beauté. On croirait voir un palais de
rochers construit par des gnomes, dont l'entrée, magnifiquement
ornée de fleurs féeriques, est due à la magie de ses constructeurs.
Des parfums embaument l'air, des fleurs aux couleurs scintillantes
s'épanouissent alentour et devant l'entrée de la grotte, dans laquelle
le jeune homme a maintenant disparu. Une vue magnifique sur la
mer et la baie s'offre depuis cette grotte. C'est vraiment un lieu
enthousiasmant pour tout ami de la nature.
Le vieil homme incline la tête très bas vers le sol. Ses bras
tendus se croisent sur sa poitrine. Il murmure des paroles à voix
basse et paraît répondre à une présence, que je ne puis percevoir.
Cette conversation avec un être invisible dure un long moment. Le
35
vieil homme se redresse à présent, son regard cherche son jeune
compagnon et celui-ci se précipite vers lui.
" Muraval, tu sais bien que derrière ces montagnes habitent les
hommes que nous fuyons. Ils ne savent rien de nous, mais je t'ai déjà
expliqué combien leur cœur diffère du nôtre. Tu sais ce qu'est le
péché, tu sais aussi que ces hommes ne servent que le péché.
Autrefois j'habitais au milieu d'eux, respecté et entouré de tout le luxe
qu'ils peuvent déployer. Mais ce n'était pas l'éclat extérieur que je
recherchais. Je ne trouvais l'apaisement que dans la poursuite de la
36
Vérité, de cette Vérité qui ne vit pas dans le tumulte du monde et
pour laquelle le Dieu bon, notre Père, a préparé dans nos cœurs un
lieu de retraite.
" Je vois la fin inévitable qui les attend, si la Vérité n'est pas une
dernière fois apportée aux despotes qui habitent derrière les
montagnes Si un miroir ne leur est pas tendu, dans lequel ils
puissent se reconnaître. Puissent leurs cœurs en être alors touchés et
leur esprit changé !
" Muraval, mon fils, sache que le roi Areval règne maintenant sur
toute la planète. Il a réussi à briser les dernières résistances que lui
opposait le quatrième et dernier continent de Mallona, grâce à la
puissance de son chef d'armée Arvodo. Areval règne donc maintenant
sur Mallona tout entière. Un royaume, un royaume illimité est en sa
possession.
" Le roi Areval s'est jeté dans les bras de l'esprit des ténèbres, au
lieu de se donner au Père. Il est de notre devoir de faire la dernière
tentative pour l'arracher à ce piège.
37
exigera de nous beaucoup, peut-être tout ce que nous avons encore à
donner. Alors ne crains pas, Muraval, car la puissance du roi n'est
qu'un souffle à côté de celle du Père et nous serons à l'abri sous la
protection de notre maître, le Père éternel. Viens maintenant,
cueillons les fruits dont nous avons besoin pour notre repas.
C'est la même gemme ornée d'une tête sculptée qui m'a été
montrée sur Terre, celle-là même que j'appuie actuellement contre
mon front. Je la reconnais maintenant distinctement. C'est donc d'ici
qu'elle provient, c'est ici dans ce récipient qu'elle a longuement reposé
!
LA PIERRE D'ORO
De nouveau, je me sens emportée par l'extraordinaire force qui
m'a permis de m'arracher à la Terre, afin de m'envoler vers ce monde
étranger, pour aller à la découverte de l'histoire de l'anneau. Elle
m'emporte à travers les airs, au-dessus des hautes montagnes jusque
dans l'intérieur du pays. Le vol me mène à la frontière de cette région
volcanique, qui m'est déjà presque familière. Quel contraste
extraordinaire : la mort et une vie exubérante se côtoient ici.
38
Là-bas, à gauche, je vois à l'horizon lointain se déchaîner les
forces volcaniques. Vient ensuite une étroite ceinture de roches arides
à laquelle se rattache, sans transition, un paysage riant et épanoui ;
je vois au-dessous de moi des forêts, des fleuves, des champs et des
lacs, de belles vallées accueillantes, des collines aux croupes
arrondies, visiblement cultivées par des mains laborieuses. Mais ces
régions de culture ne sont pas le but que je me sens poussée à
atteindre. C'est plutôt cette région intermédiaire, me semble-t-il, qui
sépare les terres cultivées de la région volcanique.
39
bourreau de diverses façons. Je vois là-bas, derrière des rochers, près
d'un profond précipice, des corps inanimés aux blessures béantes. A
côté, d'autres, dont les visages altérés attestent qu'ils sont morts
étouffés par des vapeurs délétères. Tableau d'horreur et d'épouvante.
Les hommes de cette planète sont-ils donc insensibles, sans aucune
pitié au cœur ?
40
gardiens et des travailleurs accourent de tous côtés et entourent un
homme absolument épuisé, sortant juste de la galerie en cachant
quelque chose dans ses mains. On entend des cris, des félicitations.
Un remue-ménage et une grande animation s'emparent du lieu. Des
voix surexcitées se font entendre de plus en plus distinctement et une
file d'hommes se met en marche vers la puissante bâtisse où sont
enfermés les trésors découverts.
- Es-tu content ?
41
Au bout d'un moment, un domestique entre et lui demande de le
suivre auprès du directeur général. Il le conduit dans une salle ornée
comme le sont sur Terre les palais orientaux. Des colonnades et des
murs parés de pierres multicolores, décorés de rideaux bigarrés
supportent le plafond. Des tapis recouvrent le sol et de hautes
fenêtres laissent entrer la vive lumière du soleil, qui se reflète sur les
murs de pierre lumineux. Le directeur général porte une toge à la
façon grecque, les épaules recouvertes d'un manteau qui tombe
jusqu'au sol. De larges pantalons, se perdant dans des bottes de cuir
de couleur naturelle, complètent son habillement. Ceinte autour de
ses hanches, pend une large épée. Il est assis à une table sur laquelle
sont éparses des écritures. Il les parcourt et en compare plusieurs.
42
et se dirige vers le hall où disparaissent les voitures.
Une atmosphère affairée règne dans ce hall. C'est une salle dans
laquelle les pierres bien emballées, déjà travaillées, sont chargées sur
les voitures et envoyées vers un but encore inconnu de moi. Une
voiture est prête à partir. L'entrée d'Upal a provoqué parmi les
ouvriers une certaine agitation. Car ils savent tous qu'il est désormais
un homme libre et riche, que chacun envie pour son bonheur, alors
qu’eux tous doivent rester des esclaves, la propriété d'un roi qui
n'épargne pas leur vie pour s'enrichir.
43
viennent de la station. Les gardiens sont armés de longues piques
qui, malgré la vitesse du véhicule, atteindraient ses occupants qui ne
se signaleraient pas par le pavois semblable à celui qu'Upal et
l'employé portent autour du cou. En outre, des herses sont installées
devant chaque maison de garde permettant de fermer rapidement la
route.
44
Un magnifique château-fort s'élève sur une colline au centre de
la ville, c'est le château royal du puissant tyran. Tout cela ressemble
à notre Terre mais revêt pourtant un caractère étrangement oriental.
C'est ainsi qu'ont dû apparaître les cités antiques des Babyloniens.
Peut-être est-ce une sorte de copie du vieux Babylone que je vois
devant moi, où trônait un Nabuchodonosor non moins puissant, non
moins redouté et honni que lui.
45
couloir. Il se trouve à présent de nouveau devant une porte, munie
d'un écriteau aux caractères qui me sont inconnus. Il ouvre. C'est
une salle voûtée, séparée par un mur percé de petits guichets.
Derrière chacun d'eux est assis un employé. Upal tend son billet à
travers un guichet et reçoit plusieurs bourses, qu'il cache dans son
habit. Il ouvre une bourse, elle est pleine de plaquettes blanches,
minces et carrées, chacune portant un signe ; c'est l'or frappé de
Mallona. Pour l'obtenir, il a risqué sa vie plus d'une fois.
46
grande. J'essaierai plus tard d'éclaircir ce point, car je voudrais
pénétrer plus profondément dans les secrets de l'univers qui s'ouvre à
moi.
47
mère acquiesce volontiers et s'éloigne chercher ce qu'il y a de
meilleur, non sans prononcer encore les paroles les plus tendres. Le
père et le fils sont seuls à présent. Le vieillard s'est levé de sa couche.
Une grande force a dû autrefois habiter ce corps désormais ravagé par
la maladie et la misère. Maintenant que la joie de retrouver son fils
ranime ses forces éteintes, on devine ce que le vieillard fut dans sa
jeunesse. Si Upal ressemble à son père, en dépit de sa force, il ne
semble pas qu'il soit tout à fait l'image de ce que fut celui-ci dans sa
jeunesse, ainsi qu'il m'avait tout d'abord paru en regardant le vieil
homme.
" Jadis, jamais le Rod et la pierre d'Oro n'ont été recherchés avec
48
autant d'avidité. Jamais un homme n'a été sacrifié dans ce but. Des
hommes libres, audacieux, bravaient le danger par amour du peuple
et du roi. Maintenant, ce sont des prisonniers de guerre et les
bourgeois qui ne peuvent rembourser leurs dettes qui y sont
entraînés et forcés.
Upal grince des dents lorsqu'il entend ce nom et les paroles qu'il
prononce sont sifflantes, tant est grande son indignation.
- Upal, le Roi Areval m'a ravi ce que j'avais de plus cher : ta sœur
Fedijah ! Et je ne l'ai pas maudit ! Le Père a dit: C'est à Moi de faire
Justice ! Ne te laisse pas ravir par Areval la foi en Lui, le Maître du
Monde. Lui qui, dans Sa Sagesse, laisse encore sur le trône un tel roi,
qui t'a permis de trouver la pierre d'Oro et t'a ramené à l'abri dans la
maison de ton père ! Mon fils, ma douleur a été grande, lorsque
Fedijah m'a été ravie par la faute d'Areval. Elle ne pourrait être plus
grande qu'en voyant ton âme mourir, détruite par lui.
Upal prend la main de son père et la pose sur son cœur en signe
du plus profond respect. D'une voix redevenue calme, il ajoute :
49
Rod blanc pour payer les dettes non remboursées, tu me fis part de
l'expérience que tu avais acquise jadis dans les grottes du Wirdu,
dans l'espoir qu'elle pourrait me servir. Ton souci pour moi fut
récompensé, car cette caverne profonde que tu atteignis jadis et dont
tu avais gardé secrète l'existence au plus profond de ton cœur -
sachant bien le peu de bonheur qu'apporteraient les trésors qui y
sont enfouis - cette caverne, je l'ai retrouvée.
50
trouvailles, chassé par les vapeurs qui montaient. Il me fallait
maintenant les découvrir ; de la réussite dépendaient liberté et
richesses.
51
auparavant par cette cheminée éclairée par le soleil et qui t'avaient
chassé. Car le flux de l'eau mugissant des profondeurs empêchait
leur dégagement. J'avais donc le temps et le loisir d'explorer
exactement cette grotte. Après une courte recherche, à la lumière du
manga, je trouvai sur les murs l'endroit où tu avais rompu la pierre
d'Oro et aussi l'autre moitié encore solidement incrustée dans le Rod,
qu'Usglom ne t'avait pas permis d'emporter. J'emportai ma trouvaille
et en cachai un morceau dans ma bouche, avant de rendre la pierre,
espérant le sauver pour toi. Il doit te rendre la santé, père ! Ce n'est
rien de voler le trésor du roi, lui nous a ravi beaucoup plus.
Upal posa devant son père étonné une petite pierre brun foncé,
qu'il sortit de son vêtement. Celui-ci s'en saisit avidement et la
considéra d'un regard illuminé.
52
homme ferait de lui le maître du monde.
53
Nustra, Monna, Sutona et Mallona. Le roi de Monna était le dernier de
sa race et Maban devint par héritage également roi de ce pays. Les
deux royaumes étaient cependant séparés par la mer, comme l'Asie
l'est de l'Amérique. Or il était plus facile de communiquer entre
Monna et Nustra - qui est rattaché à Mallona comme l'Europe l'est à
l'Asie - que de communiquer directement de Mallona à Monna. De
même que, sur la Terre, la distance séparant l'Europe de l'Amérique
est plus courte par-dessus l'Atlantique qu'en passant par l'Asie. De
plus, la distance séparant ces deux continents est encore plus courte
que la distance formée par l'océan Atlantique sur Terre. Il était donc
de l'intérêt de Maban de conclure une alliance étroite avec le Roi de
Nustra. Avant tout parce que le puissant royaume des Sutons, sous la
tyrannie de Ksontu, tendait à la domination des autres pays et que de
longues guerres sanglantes, de la plus grande cruauté, avaient été
menées pour cette raison entre Maban et le roi des Sutons. L'alliance
fut donc conclue car, fatigué par les guerres, le peuple de Nustra
espérait pouvoir vivre en paix sous Maban sans être dérangé par
Ksontu. Il espérait, en effet, que la réunion des trois royaumes
imposerait le respect au roi des Sutonniens.
54
par Maban, Ksontu fit donc immédiatement figure d'héritier direct du
trône, jusqu'à la naissance d'éventuels héritiers issus du mariage de
Maban avec sa fille. Il jouissait d'une totale confiance, il représentait
le roi et devint ainsi sans difficulté souverain des Sutonniens pour le
reste de ses jours.
55
Régner sur un aussi grand royaume présentait bien des
difficultés. Administrer les quatre grands fiefs, qui correspondaient
aux quatre continents constituant Mallona, nécessitait une sage
répartition des pouvoirs ; chacun des quatre royaumes réunis
possédait à sa tête un vice-roi, dépendant uniquement de Maban,
nommé non à vie, mais soumis à la faveur du roi. Maban avait le
pouvoir de détrôner et de couronner selon son gré. Les revenus de
tous les états étaient administrés depuis la capitale. Habilement, il
ordonna tout à peu près de telle façon qu'aucun royaume, sauf le
sien, ne soit jamais dirigé par des hommes originaires de ce pays,
mais toujours par des fonctionnaires nés dans un autre pays. Il
sauvegarda par un changement incessant de ces fonctionnaires les
intérêts locaux et renvoya obligeamment chez eux au bout d'un
certain temps ceux qui éprouvaient quelque nostalgie pour leur pays
natal.
56
principalement dans son propre royaume. Cette pierre passait jadis
uniquement pour un produit rare de la nature, aussi longtemps que
sa principale source ne fut pas découverte. Maban trouva les riches
carrières de son pays et introduisit le Rod comme moyen de paiement.
Pour rendre impossible la possession de l'argent sous forme de
monnaie courante et pour fixer et protéger le travail de l'individu,
voici le procédé qu'il inventa en tant que mesure de valeur: Tout
citoyen qui produisait quelque chose livrait ses produits aux maisons
d'approvisionnement. Ou encore il accomplissait les travaux
nécessaires dans les fabriques d'état, ou veillait dans le domaine des
arts aux distractions des citoyens et il était dédommagé par les
caisses publiques et les nombreux centres de paiement du royaume.
Car chaque citoyen était un employé de l'état. Les pièces de Rod, de
valeurs différentes, qu'il recevait pour un quelconque service, étaient
marquées sous ses yeux à l'aide d'une encre indélébile, de son nom et
d'un signe qui étaient inscrits officiellement dans les registres. La
valeur de son travail était fixée d'après un tarif établi par l'état, si bien
que toute injustice était exclue. De plus, les tâches désagréables ou
dangereuses étaient mieux rétribuées que celles qui ne demandaient
pas d'effort particulier.
57
étaient ouvertes à tous et l'on veillait ainsi à ce que la connaissance
intellectuelle et pratique soit enseignée également à tous à Mallona.
58
surveillance, des irrégularités dans l'administration. Mais il
reconnaissait le mérite du plus petit de ses fonctionnaires qui
accomplissait avec soin des travaux souvent pénibles. Pas étonnant
qu'il fut aimé et vénéré de tous, qu'on le considérât même comme le
créateur de la paix éternelle.
59
particulièrement planes, permettaient partout les communications.
Leur génie avait réussi à résoudre partout le problème relatif aux
difficultés topographiques. Toutes les communes étaient donc reliées
entre elles par des routes toutes droites, sur lesquelles des voitures
de différentes tailles pouvaient rouler à une vitesse vertigineuse.
Naturellement, ce réseau de routes appartenait à l'état ; les voitures
étaient aux communes. Leur utilisation était à la disposition de
chaque personne désirant entreprendre un voyage plus ou moins
long, si elle apportait la preuve de sa nécessité.
60
un but déterminé. En explosant à grande distance, celui-ci, en volant
en éclats, creusait un énorme cratère où tout était détruit.
61
Cependant, encore par intelligence, il était demeuré sobre. Il enviait
son frère aîné et redoutait en lui le futur souverain. Il souhaitait
régner lui-même et chercha à s'entourer d'amis fidèles qui le
soutiendraient. Peu à peu, à mesure que son père vieillissait, il conçut
un plan secret. Il devint inopinément pieux et joua en face de son
père le rôle du plus fervent admirateur de ses projets. Il réussit si
bien à jouer la comédie que Maban eût de plus en plus confiance en
lui. Il crut que seul le bouillonnement de la jeunesse avait jadis été
responsable de ces errements, que l'homme mûr qu'était devenu
Areval reconnaissait comme tels et méprisait. Il lui confia
l'administration d'un district proche de la capitale. Areval sut si bien
lui donner satisfaction, qu'il le nomma au bout de quelques années
vice-roi de Nustra. Telle était l'ambition d'Areval. Sa soif de
domination avait ainsi rapidement trouvé satisfaction. Dans sa
résidence, il n'était plus du tout le maître plein de bonté qu'il
cherchait à paraître, bien qu'il se soumît aux lois de l'administration
créées par Maban, mais un homme qui restait volontaire et qui,
quand il le pouvait, ne connaissait, dans son égoïsme et ses passions,
qu'un seul but: se servir lui-même et ses propres désirs.
Les moments qu'il était obligé de passer à la cour de son père lui
étaient fort pénibles, car il était alors entièrement soumis à la volonté
de ce dernier. Ses désirs n'en devenaient que plus effrénés chaque
fois qu'il rentrait dans son royaume. Il ne lui avait pas été difficile de
trouver parmi les Nustrans, qui étaient enclins au laisser-aller et à
toutes les jouissances, des adeptes de son genre de vie. Ceux-ci ne
souhaitaient rien tant que de garder Areval à la tête de leur royaume.
Son proche entourage veillait aussi fidèlement à ce que Maban,
malgré les quelques rapports qui lui avaient été adressés, restât mal
renseigné sur la vie véritable de son fils, tandis qu'Areval couvait en
lui, à cause de sa vie dissolue, le germe d'une maladie pernicieuse,
qui lui minait le corps et l'esprit.
62
aussi grand à Mallona qu'aujourd'hui encore sur la Terre), vouait
certes à son Roi un amour passionné. Cependant, les aristocrates
d'antan qui, privés des privilèges de la naissance, des droits de
noblesse, d'un traitement à la hauteur de leur titre et de nombreux
avantages, ne pouvaient plus passer pour l'élite de la société,
nourrissaient contre le régime une haine dissimulée qu'ils
transmettaient à leurs descendants. La perte des droits de leurs
pères, l'impossibilité d'une propriété privée et d'un pouvoir
quelconque, l'égalité sociale et surtout la nécessité de travailler pour
vivre paraissaient à ces derniers une monstruosité qu'il fallait
absolument supprimer.
63
deux principes, un bon et un mauvais, qui ne s'opposaient pas l'un à
l'autre, mais se complétaient. L'enseignement primitif le plus sacré
disait : "Ce qui repose dans le sein de la divinité est la Vie et la force
de vivre. Tout ce qui sert cette activité est inspiré par la Force divine.
S'il devait arriver que cette inspiration s'arrête, c'est que la divinité
serait morte."
64
propre milieu. Elle ne redoutait rien tant que l'homme de son cœur
puisse se rendre ridicule par un acte quelconque. Elle considérait une
victoire aux jeux publics comme le plus grand honneur qui puisse
échoir au bien-aimé.
65
fiancée, et qu'il projetait de la conduire de force dans son royaume,
Muhareb précéda son frère avec une voiture beaucoup plus rapide
que la sienne et donna les ordres nécessaires pour arrêter la suite
d'Areval dans un lieu peu fréquenté. Rendu furieux par la soudaine
interception, Areval, en despote absolu, s'apprêtait à réagir contre les
hommes qui entouraient sa voiture. C'est alors qu'il se trouva face à
face avec Muhareb, entré seul dans son véhicule, l'épée à la main,
pour le fouiller. Il trouva Fedijah, endormie par des narcotiques, et
cachée sous des couvertures, dans un état qui prouvait qu'Areval
méprisait les sentiments les plus sacrés que le peuple liait à la beauté
féminine.
66
dangers de cette façon d'agir et il lui montra où cette sorte
d'indulgence mènerait les mœurs de ses sujets. Maban resta sur sa
décision et ordonna même à son fils de se taire et de pardonner à
Areval.
A peine cet ordre était-il sorti des lèvres de Maban que Muhareb
se leva, jeta un regard sur son père et sur Areval triomphant, s'inclina
en silence et s'en alla. Dès cet instant, Muhareb, et peu après Fedijah,
disparurent. Personne ne les a jamais revus. Les années passèrent.
Maban vieillissait à vue d’œil, la perte de son fils aîné lui dévorant le
cœur. Il mourut et Areval devint roi de Mallona.
LE ROI AREVAL
Les images du passé de Mallona furent ainsi projetées dans mon
esprit et je vois de nouveau à présent devant moi la capitale, patrie
d'Upal, ancien siège de Maban et résidence du roi actuel Areval. Sur
les hauteurs se dresse un brillant palais dont les murs ont un éclat
d'opaline teintée de bleu. De magnifiques arabesques, œuvres
raffinées, ornent les ouvertures et les corniches. Le toit brille comme
de l'or, s'élevant en pente assez forte, bordé sur le pourtour d'une
grille en or. Le palais occupe une surface considérable, il contient de
vastes halls et domine de sa hauteur la ville, entièrement bâtie en
terrasses au flanc de la montagne.
67
grosse pierre étincelante orne son front ; l'expression du visage est
ravagée ; de toute évidence cet homme souffre. C'est Areval, le
puissant roi de Mallona. Un homme de haute taille, vêtu d'une longue
robe, les mains cachées dans de larges manches, se tient immobile
devant lui, les yeux fixés sur le roi, observant son état. Le malade
souffre et gémit, ses yeux perdus dans le vide semblent voir quelque
chose d'inhabituel. Subitement, il fait le geste de se protéger, se
redresse et hurle :
68
- Mieux que nous l'espérions ! répond Karmuno à mi-voix. La
maladie progresse lentement. La tête reste lucide, bien que sa pensée
se brouille quelques fois. Maître, le temps d'agir n'est pas encore venu
!
69
venimeux l'homme qui s'éloigne, il murmure quelques mots à voix
basse avant de lui emboîter le pas.
70
- Ses ennemis sont les miens ! déclare Arvodo d'un ton grave, en
portant sa main droite à sa poitrine.
- Qui es-tu ?
- Tu veux me parler ?
71
montent dans un luxueux équipage conduit par un serviteur
d'Arvodo, puis ils traversent à toute allure les rues larges et très
fréquentées de la ville.
72
charges, il ne peut plus payer ses dettes et il se révolte pour cette
raison ! C'est une œuvre odieuse de le vaincre. C'est grande honte de
le punir et de devenir son bourreau. Nous avons appris par notre père
les principes et les projets du roi Maban. Je m'aperçois en frissonnant
de honte combien nous en avons dévié ! Je sens avec douleur que
nous avons peut-être atteint le point de non-retour, et que les peuples
de Mallona ont été exploités et opprimés par le roi actuel, qui nous a
attiré la malédiction de la Divinité. Je me suis juré d'introduire des
changements. C'est ma vie qui est en jeu, mais je ne la risquerai pas
inutilement.
73
- Veuille Dieu le Père que tu dises la vérité ! Mais prends garde à
ton cœur ! Depuis longtemps déjà, j'ai remarqué que tu ne la
regardais jamais avec indifférence. Mais, dis-moi, mon frère, si tu
obtenais sa main, tu parviendrais ainsi par un moyen pacifique à ce
que moi je ne puis obtenir que par la force : à devenir le maître de
Mallona. Tu as donc le choix entre ton frère et Artaya.
Le son d'une cloche s'étant fait entendre dans les pièces du bas,
Arvodo se lève.
Dans une pièce ornée d'objets précieux, dont les larges fenêtres
ouvertes laissent entrer un air tiède, attendent six dignitaires du
royaume. Le plus âgé d'entre eux est un homme d'âge mûr. Il
s'avance et proclame avec déférence :
74
Royaume. Mais c'est sa volonté de ne pas te faire attendre plus
longtemps. Il se réjouit de te compter à présent au nombre restreint
des plus grands du Royaume de Mallona.
75
- Mon frère en sera capable ! Maintenant, allons de l'avant et ne
rêvons plus, répond Rusar simplement.
Dans une pièce ornée d'objets précieux, le roi Areval est assis à
côté de sa fille. Celle-ci est d'une grande beauté. Ils sont tous deux
plongés dans un jeu étrange, semblable à notre jeu d'échec. Areval
semble avoir dominé son mal, car rien en lui ne laisse supposer qu'il
ait été souffrant. Sa partenaire joue un pion décisif et déclare en riant
aux éclats que son père est vaincu. Areval acquiesce et se renverse
dans les coussins de son lit en respirant profondément. Avec
complaisance, il contemple Artaya dont la beauté fascinante, mais
froide, indique que la sensibilité est peu développée dans son cœur de
jeune fille. Artaya est fort consciente de sa grande beauté. Mais, dans
son for intérieur, elle est calculatrice, cruelle et sensuelle, toujours
prête à satisfaire ses désirs à tout prix, quelles qu'en soient les
conséquences ; capricieuse, sans retenue intérieure : un digne rejeton
de son père.
76
rapidement dans une pièce contiguë, Artaya lui jette furtivement un
regard de convoitise, que le général n'est pas sans remarquer. Arvodo
s'arrête devant le roi et s'incline profondément. Ce dernier le fixe de
son regard en lui faisant signe de s'approcher. Puis, il se lève
brusquement et lui dit d'une voix un peu haletante :
77
d'étonnement, écoute les paroles qui lui sont murmurées.
- Vois, roi Areval, je chasse moi aussi dans le néant tes invisibles
ennemis !
78
- Bien, bien ! Je te verrai à nouveau demain, entends-tu,
demain... souffla-t-il en s'endormant.
Arvodo se tourne alors vers la porte pour donner des ordres aux
chambellans. Mais le rideau en est rapidement écarté et Artaya
apparaît. Ses yeux brillent et, rayonnante, la jeune fille s'approche du
général :
79
opposés luttent dans son cœur. Il imagine son frère, amoureux
d'Artaya, dans les affres de la jalousie, lorsqu'il lui apprendra ce qu'il
vient de découvrir. Il se voit au but, s'il cède à Artaya et au désir du
roi, qu'il méprise pourtant tous les deux. Il s'imagine le visage du
grand prêtre Karmuno le regardant en grimaçant, lui qui désire
régner, et qui exerce une puissante influence sur les masses
populaires grâce à son pontificat. Le peuple voit en lui l'homme par
qui la Divinité fait connaître sa volonté au roi Areval.
80
pour en écarter les rideaux, afin qu'y pénètre le tiède souffle du soir.
Peu après, un domestique apporte une sorte de colonne métallique
qu'il pose sur la table, verticalement. Celle-ci porte à sa partie
supérieure une boule brillante d'où rayonne une lumière vive et
pourtant douce, éclairant la pièce jusqu'en ses recoins les plus
éloignés. C'est une lampe à "manga", la lumière froide qui éclaire sans
flamme. Plus puissante que toutes les sources de lumière artificielle
que nous connaissons sur Terre, elle me semble tirer sa lumière des
propriétés chimiques de ses composants.
Pour toute réponse, Upal saisit une lettre cachetée dans une
poche intérieure de son vêtement et la tend au général. Celui-ci la
prend, l'ouvre et lit lentement avec un étonnement croissant.
81
pierre d'Oro, ce qui avait fait de lui un homme riche.
82
hostiles prêts à détruire mon esquif. Grand fut le génie de l'inventeur
Mirto, qui trouva le moyen d'utiliser l'air. Mais le peuple est trop
mesquin et timoré pour mériter ce qu'il nous donna. C'est notre
chance, Maître, qu'il en soit ainsi. Sans cela, comment obtiendrais-tu
les trésors ?
83
cependant plus petites que celle que l'on voit sur la Terre. A elles
trois, elles ne produisent pas une clarté aussi vive que celle dispensée
par le seul satellite de notre Terre.
84
La voie serpente à travers une riante vallée, à l'extrémité de laquelle
apparaissent une plaine et quelques maisons. C'est une localité du
nom de Resma, la première station de quelque importance sur la
grande route. Upal et Arvodo descendent de voiture, et ce dernier
donne à son chauffeur l'ordre de l'attendre à Resma, en se
comportant exactement comme il lui fut prescrit avant le départ. Une
fois la voiture disparue sur la route, Upal, suivi d'Arvodo, ouvre la
marche en tournant à gauche vers la forêt toute proche. Dans la
pénombre, il emprunte sous les arbres des sentiers à peine visibles,
regardant autour de lui pour s'assurer qu'il n'y a personne à
proximité. Il sort alors de son vêtement une sorte de gros bâton,
soulève un capuchon qui recouvre une extrémité et une forte lumière
rayonne de cette lampe à "manga", éclairant le chemin et les
alentours forestiers. Tous deux se trouvent bientôt au milieu d'éboulis
rocheux.
85
de blocs rocheux.
- Avec de la nimah.
86
- Ne t'inquiète pas, Maître, j'en ai pris suffisamment pour un
voyage deux fois plus long que celui-ci.
Upal place dans l'appareil des objets divers dont l'usage nous est
inconnu, puis il monte à l'intérieur et invite Arvodo à faire de même. Il
lance le moteur et, au bout de quelques instants, la roue supérieure
commence à tourner autour de son axe, d'abord lentement, puis à
une vitesse de plus en plus grande. Un ronflement grave, produit par
la vitesse giratoire des hélices, prend peu à peu de l'ampleur. Upal
tient une manette permettant de régler la vitesse des tours.
87
de l’aluminium. C'est cet alliage qui permet la construction
d'appareils à hauts rendements.
Frissonnant, Arvodo regarde vers le bas. Son cœur bat plus fort
lorsqu'il aperçoit l'abîme au-dessous de lui. En serrant les dents, il dit
en assurant sa voix :
88
distincts. Une flamme subite éclaire d'une clarté diurne autour de la
nacelle. Upal vient d'ôter les obturateurs des lampes à manga et, tel
un météore, l'appareil sombre dans les profondeurs insondables.
L'appareil s'enfonce toujours plus bas. Son pilote règle enfin les
commandes de telle sorte que sa machine plane librement dans
l'immobilité la plus complète. Il montre, à gauche, quelque chose et
projette la lumière de la lampe à manga sur les rochers. Arvodo
aperçoit une vaste excavation.
89
Maintenant, soyez attentif, Maître, la première chambre aux trésors
d'Usglom va s'ouvrir à nous !
90
- L'appareil est-il ici en sécurité ? demande-t-il.
- Tout à fait sûr ! Loin d'ici, tout au fond du gouffre, l'eau reflue
vers un bassin souterrain que le flot alimente continuellement. Nous
sommes ici presque au même niveau que la plage, mais encore trop
haut pour qu'un reflux important puisse parvenir jusqu'à nous.
Faites-moi confiance, Maître, si je n'avais pas tout calculé et prévu, je
n'aurais pas osé vous montrer le royaume d'Usglom.
Arvodo est subjugué, il n'en croit pas ses yeux. Il touche les
précieuses pierres, en arrache quelques-unes à la roche à l'aide de
son épée, en montrant une excitation telle que cet homme à la volonté
de fer n'en avait sans doute jamais éprouvé. Enfin, il trouve des mots
de remerciement à l'adresse d'Upal. Il le regarde intensément dans les
yeux et lui déclare :
91
- Connais-tu encore beaucoup de grottes semblables ?
92
chemin semble descendre vers les profondeurs. Les flots devaient
arriver jadis par ce couloir jusqu'ici.
93
des amoncellements chaotiques de rochers les empêchent de
s'orienter.
94
Car ton âme vit à travers ses actions,
Qui brillent pour tous dans leur gloire et leur splendeur.
Retourne auprès du Père de tout être ! Que l'Amour
Te garde et nous réunisse un jour à nouveau !
Pendant que la complainte finissait de s'exhaler, les deux
hommes ont gravi les éboulis rocheux et ils regardent à présent un
groupe émouvant. Reposant sur un catafalque, le corps inanimé
d'une jeune femme d'une grande beauté, vêtue d'une longue robe d'un
bleu lumineux, est étendu au milieu d'une coupole rocheuse. La
grotte est pleine de cristaux étincelants, comme ceux qu'Arvodo
contempla quelques heures auparavant. Des lampes allumées sont
suspendues aux voûtes, éclairant alentour d'une lumière brillante. A
la tête de la dépouille mortelle se tient la silhouette vénérable de
l'ermite de la mer ; à ses pieds, le jeune homme qu'il nomme Mureval.
Tous deux psalmodièrent le chant des morts, dont les plaintes
guidèrent Arvodo et Upal.
95
sur ce beau cadavre figé, sur ce lieu étrange, sur le vieillard
majestueux, sur Upal sans connaissance. Il se sent perdu et
incapable de prendre une décision.
UN FILS DE ROI
Le cortège s'est éloigné de la mer pour monter sur la terrasse
que nous connaissons déjà. Le regard étonné d'Arvodo contemple la
splendeur végétale qui l'entoure. C'est le paradis secret qui cache
l'habitation des deux ermites de la mer. Ils sont parvenus maintenant
à leur abri, portant Upal toujours sans connaissance, et ils le
déposent sur un lit de mousse. Le vieillard pose une main sur la tête
d'Upal, tandis que ses lèvres murmurent une prière muette. Puis il se
retourne vers Arvodo, lui fait un signe, et ils s'éloignent tous deux
pour ne pas déranger le sommeil d'Upal, terrassé par la violence des
émotions. Arvodo retrouve enfin la parole, et j'écoute la conversation
suivante se dérouler entre les deux hommes :
96
En proie à une vive agitation, Arvodo s'approche alors de lui et
lui demande sur le ton de la prière :
97
j'ai à présent le bonheur de te trouver. Oh, reviens vers ton peuple !
Mets fin à la solitude dans laquelle tu vécus jusqu'à présent ! Tous les
cœurs te fêteront, toi, le roi légitime de Mallona !
98
vertu imposée aurait la force de transformer les défauts ancestraux de
nos peuples. Maban fut le dernier rempart dressé contre une lente
perversion de la moralité. Il fut le dernier à montrer à ses peuples
quelles voies ils devaient prendre pour sortir de la fange, échapper à
leurs soifs de jouissances et à leurs convoitises. Si les peuples avaient
voulu se souvenir de leur propre dignité - de cette dignité qu'ils ont à
conserver intacte en tant que créatures de l'Omnipère, l'Eternel - la
faveur m'aurait été faite de pouvoir continuer l’œuvre de Maban.
" Moi, j'ai fait mon choix. Je ne quitterai plus ce lieu où j'ai
atteint la Lumière de l'âme, senti le Souffle de l'Esprit Eternel, et où
j'ai reconnu le but véritable de tout être humain. Je ne puis être le
sauveur que tu espères, et je désire que tu taises mon existence, si tu
99
reviens auprès des tiens.
100
rempli cette tâche, reviens auprès de moi dans ton vaisseau volant.
Vois-tu, là-bas, le haut rocher qui surplombe la mer ? Depuis le
sommet du cratère dans lequel tu es descendu, tu peux l'apercevoir.
Si tu te diriges d'après lui, tu ne manqueras pas la direction de notre
baie cachée. Je t'attends. Laisse Arvodo rentrer seul. Ne lui parle de
rien, afin de n'avoir un jour rien à regretter. Upal regarde Muhareb
avec étonnement :
- Oui !
- Les dernières volontés que Maban dicta à mon père - qui était
son vassal le plus fidèle - fut de lui confier la tâche de te rechercher et
de te ramener sur le trône. Maban savait en effet que tu vivais, il ne
pouvait pas croire que tu te sois complètement détourné de lui. Cette
mission me fut transmise à la mort de mon père. Doit-elle être à
jamais abandonnée, et devenir ainsi un sujet de honte ?
101
- Ton refus tue en moi les meilleurs mouvements de mon cœur !
L'esprit de ton père ne vit plus en toi. Vouloir être et demeurer un
homme des cavernes quand un trône t'appelle, je ne peux pas le
comprendre !
102
Upal est entré dans la machine volante dont il manœuvre déjà
les commandes. Il allume toutes les lampes entourant la gondole, fait
tourner l'hélice supérieure et annonce au général qu'il est prêt à
partir. Muhareb, qui a deviné les pensées d'Arvodo, dit au moment de
la séparation :
103
alors le vol de sa machine avec une attention soutenue. Ils ont bientôt
survolé la région des cratères et s'approchent de régions plus
habitées. De vastes forêts s'étendent au-dessous d'eux, l'appareil
descend rapidement et plane bientôt à une faible hauteur au-dessus
de la cime des arbres. On aperçoit maintenant le sommet pointu de la
montagne sur laquelle Upal cache sa machine volante. L'appareil
descend lentement. Une légère secousse et il se pose silencieusement
sur un fond de prairie, traversée par un étroit chemin se perdant
dans la forêt toute proche.
- Eh bien, ne tarde pas ! Et viens me voir dès que tout sera prêt.
LE POISON DE L'AMOUR-PROPRE
Arvodo ayant rapidement atteint l'endroit où l'attendait son
chauffeur, ils repartent aussitôt vers la capitale. Adossé dans un coin
de son véhicule, il est plongé dans une profonde méditation. Son âme
cherche la décision qu'il est désormais obligé de prendre. Les
événements des derniers jours défilent devant son regard et il
monologue intérieurement en lui-même.
104
Qu'il aille son chemin, moi j'irai le mien ! Mais quel est-il, ce chemin ?
Les trésors découverts sont inestimables. Grâce à eux, j'obtiendrai
facilement par la force tout ce qu Areval m'a déjà à moitié donné de
plein gré. Je régnerai donc. Mais à quoi bon la violence ? Grâce à la
faveur d'Areval, la réussite est presque à ma portée. De sa propre
main, je puis saisir le sceptre à tout moment. Quand il saura que
Muhareb vit, la peur de son frère le livrera totalement entre mes
mains.
" Or, Muhareb ne veut pas devenir roi de Mallona. Et moi, espèce
de fou, je voulais lui livrer la puissance ! Eh bien, j'utiliserai
désormais la puissance pour moi-même. Areval tombera si je le veux.
Le prochain roi s'appellera Arvodo ! Cependant, je ne serai reconnu
par le peuple comme roi légitime que si j'épouse Artaya. Je hais
pourtant cette femme qui ne vit que pour elle et que pour ses caprices
! Certes, la main d'Artaya me donnera bien le droit au trône, mais elle
restera la reine tant qu'elle vivra.
105
possédait, comme je l'ai déjà dit, une atmosphère beaucoup plus
dense que la Terre, ce qui donnait à sa surface une pression
atmosphérique beaucoup plus forte que sur notre planète. Comme
l'axe de Mallona n'était pas incliné selon un angle de 23,5 degrés,
comme celui de la Terre, mais selon un angle bien moindre, les
différentes zones de la planète étaient soumises à des variations de
températures beaucoup moins importantes. Cette atmosphère plus
haute qui, comme une loupe, concentrait les rayons solaires,
empêchait que, malgré son plus grand éloignement du soleil, la
lumière et la chaleur soient moindres sur Mallona que sur la Terre.
Au contraire, les saisons étaient plus régulières que dans nos zones
tempérées. Une chaleur quasi constante ne régnait qu'à l'équateur.
Elle faisait de cette brûlante ceinture de Mallona un désert qui était
évité par les habitants.
106
inaccessible, bien que peu éloigné de la capitale, sans y être
découvert. Elle explique également qu'Upal ait pu être secrètement en
possession d'un vaisseau volant, que personne n'aurait même osé
détruire si sa présence avait été découverte sur les hauteurs.
107
" J'ai jadis reconnu vers quel destin iraient obligatoirement les
peuples de Mallona s'ils ne reprenaient pas volontairement le chemin
de l'ordre que Maban avait tracé pour eux. Là se trouvait le salut,
mais ce chemin est rude ! Le sauveur d'un peuple doit être dur, il ne
doit pas avoir de considération, même pour sa propre chair et son
propre sang, quand il s'agit d'éliminer les erreurs reconnues. C'est
sur ce point que Maban fit erreur. Par son esprit de conciliation, il a
détruit ce qu'il avait construit. Ce que ses contemporains
supportaient encore à contrecœur, les générations suivantes auraient
pu l'aimer et l'apprécier. Mais il n'aurait pas dû garder sa confiance à
ce foyer de corruption qu'il connaissait et qui vivait en Areval. Il le fit
pourtant, et la chute fut plus profonde encore que celles que nos
peuples avaient jamais connues.
108
Muhareb a parlé avec l'exaltation du voyant et Upal l'écoute, le
souffle coupé. Après une pause, il poursuit :
109
hommes, de même que la compréhension du but de la vie est morte
dans les intelligences et dans les âmes. A la suite de cet arrêt dans
l'évolution spirituelle du peuple, la rigidité et l'engourdissement de
tous les concepts se sont instaurés. Ce qui avait été compris se perd à
nouveau et le jugement, la catastrophe sont à l'arrière-plan.
110
LE VICE-ROI DE NUSTRA
Une brume passe devant mon regard. Je ne vois plus la plage où
délibèrent Muhareb et Upal. Le cliché se transforme. Dans ce
brouillard qui voile ma vue se dessinent des contours nouveaux qui
deviennent progressivement de plus en plus nets.
111
ton entendement pour que tes décisions soient justes. Conformément
aux coutumes ancestrales héritées de nos pères, en tant que
représentant de la Divinité Eternelle, je te demande : Es-tu certain
que la décision que tu as l'intention de nous faire connaître émane
bien de la Volonté de l'Eternel, auquel nous sommes tous soumis ?
- Je le veux !
- Je le ferai !
112
à présent en tant que Nustror, et prononce le serment de fidélité
envers moi !
113
et il cherche un moyen d'empêcher un éventuel retour de son frère.
- Es-tu content de ton roi, Arvodo ? Ton frère est à présent vice-
roi, comme tu le désirais. Mais à toi personnellement, je te dois
beaucoup, aussi tu seras également récompensé. Ma volonté est que
tu obtiennes bientôt la main d'Artaya. Ce sera ma façon d'être
reconnaissant envers toi. Car tu es l'homme sur lequel je puis
compter et qui va m'aider à éclipser la renommée de Maban.
- Sûrement rien de bon, ni pour toi, ni pour moi ! Avec ton aide,
j'ai fais sauter les chaînes qui m'attachaient à lui, aussi va-t-il
sûrement tenter d'en forger de nouvelles. Je le connais, ce maître de
tous les temples du royaume ! C'est de lui que dépend pour une part
la disposition d'esprit des populations, car la cohorte des prêtres lui
obéit dans tout le pays. Si je voulais être vraiment le roi, c'est-à-dire,
si j'avais l'intention de devenir le seul prince régnant à Mallona, il me
faudrait détruire toute cette engeance qui lui obéit. Mais il me faut
partager le pouvoir avec lui, et cependant je sens venir le jour où
s'engagera un combat à mort entre lui et moi.
114
Sombre, Arvodo regarde le roi :
115
représenter aucun danger pour nous. Mais qui est à l'abri des espions
de Karmuno ? Si celui-ci venait à découvrir ce secret, il saurait bien
l'utiliser contre moi. Notre sécurité exige que nous agissions vite.
Arvodo, fais en sorte que mon ermite de frère soit mis incognito sous
escorte, surveillé par les plus fidèles de ma garde du corps. On
l'enverra ensuite à Sutona, dans le château de Ksontu, où il
terminera ses jours sous surveillance constante. Il ne faut pas qu'il
puisse ébranler mon empire en réapparaissant. Ni lui, ni Karmuno !
Un très léger bruit, le long d'un mur, attire alors mon attention.
Mon regard traverse la muraille et découvre une étroite cache secrète
dans l'épaisseur du mur. Karmuno est en train de quitter son poste
d'espion, depuis lequel il épie les plus secrètes conversations du roi.
À NUSTRA
Partant de la capitale de Mallona, droites comme si elles avaient
été tracées au cordeau, des routes s'en vont vers les diverses villes du
royaume. Elles constituent des voies de communication sur lesquelles
des voitures rapides peuvent facilement parcourir de grandes
distances en peu de temps. A l'est de Mallona, je vois la grande route
qui mène à Nustra, le royaume voisin. Plus rapide que les voitures,
mon esprit glisse en douceur à travers l'éther et j'admire avec quel art
la route a été construite. Aucun obstacle naturel ne put entraver la
construction en ligne droite. Les fleuves, les vallées, les ravins et les
gorges sont franchis par des ponts ; des montagnes sont éventrées à
l'explosif pour le passage de la route. Les voitures roulent sans
secousses, sur une chaussée parfaitement unie. Vraiment, ces
grandes voies de communication sont des constructions exemplaires,
vis-à-vis desquelles nos routes terrestres me paraissent bien
imparfaites !
116
sommets neigeux reflètent la lumière du soleil. Ce pays de montagnes
se trouve à la frontière de deux continents, comme l'Oural sépare
l'Europe de l'Asie. De hauts sommets se dressent devant moi, comme
s'ils voulaient m'interdire le passage. Mais la route s'élève cependant
jusqu'à leur fabuleuse altitude, et les franchit en quelques rares
tournants, lui permettant d'éviter de gigantesques obstacles. Des
gorges et des vallées sont surplombées par des viaducs aux
proportions stupéfiantes. A une altitude vertigineuse, aussi élevée que
celle des glaciers et des champs de neige éternelle qu'elle côtoie, la
route tourne vers ces cols élevés qu'il lui faut franchir. Et, au milieu
du silence d'un monde de glaciers pétrifiés par le froid, elle conduit
sans risque les voyageurs sur un haut plateau couvert de neige,
constituant la frontière entre Mallona et Nustra.
117
descend vers les plaines. Sans aucun doute, les voitures dévalent
également à toute vitesse la route toute droite et ondulée, comme des
montagnes russes d'une interminable longueur. En peu de temps la
descente est terminée et le voyage se poursuit à plat, pendant des
heures, à travers les plaines fertiles, vers la capitale qui porte le
même nom que le pays dont elle est le chef-lieu.
118
et, tenant la jeune fille dans ses bras, il dit à Rusar :
119
- C'en est assez des objections stériles, je me porte garant du
succès ! Vous pouvez reconnaître à ses actes l'amour fraternel que
vous porte Arvodo. Il vous vole l'amour d'Artaya ! Croyez-vous donc
que ce qui vous touche me soit demeuré étranger ? La puissance
qu'Arvodo exerce depuis quelque temps sur le roi mène au but que
nous avons éventé : il veut devenir roi de Mallona. Il vous a fait
nommer vice-roi de Nustra parce que votre présence au palais
constituait pour lui un obstacle à son projet. Car en épousant Artaya,
il devient ainsi l'héritier du trône.
- Lequel ?
120
- Certes, il est votre Maître. Mais il ne vous épargnera pas si cela
lui semble nécessaire.
- Parce que mon frère est revenu depuis peu d'un voyage où il a
eu la preuve de la mort de Muhareb. Il a vu et il a parlé avec l'homme
dans les bras duquel est mort Muhareb !
121
vous ?
122
- Et si je dévoilais à Arvodo ce que vous venez de me confier ? Si
je lui trahissais ce dont vous avez connaissance?
- Essayez donc !
123
toutes vers un point central qui est constitué par un podium de pierre
à six marches.
124
plus haut grade de la prêtrise dans les trois continents de Mallona
dont ils sont responsables. J'ai ainsi pénétré dans le plus secret
conseil du Temple, réuni en ce lieu sûr pour y recevoir les ordres de
Karmuno. Celui-ci prend la parole :
125
de Maban ? demande pensivement Karmuno.
- Ils le sont !
- Que vive notre Temple, ainsi que ses fidèles serviteurs ! Comme
partout à Mallona, tout va bien pour nous dans le royaume de
Monna. Vous savez, mes frères, que le Monnor mène une vie de
jouissance effrénée, et que tout effort sérieux le rebute. Il laisse
volontiers les rênes du gouvernement à des hommes qui ne gênent
pas ses plaisirs. Et comme j'ai réussi à lui prouver que les
responsables de nos temples ont de l'indulgence pour ses faiblesses,
et que nous sommes en mesure de porter le poids de ses soucis à sa
place, le Monnor s'est volontiers montré prêt à laisser au Temple la
plus grande part de ses tâches.
126
à la Caisse d'Etat, mais il en garde la plus grande partie pour lui.
- C'est Volto, l'un des serviteurs les plus fidèles de notre temple.
- Raconte la suite !
127
Hésitant d'abord, puis plus confiant, celui-ci poursuit :
" Il trouva très vite des adeptes dans les classes pauvres et nous
prépara, à nous, les seuls vrais prêtres, soit l'hostilité, soit la
désobéissance. Des réunions secrètes furent tenues par les nouveaux
adeptes. Le prophète parcourait le pays où il était protégé et caché
par ses prosélytes. Le mécontentement croissant des gens envers
nous menaçait d'éclater en rébellion ouverte, si la dangereuse secte
n'était pas démasquée et anéantie.
128
de Nustra s'enquiert encore :
129
- Je n'ai rien à rapporter de nouveau dans ce cercle élevé. Que
pourrait-il se passer chez les Sutons, ce peuple de montagnes qui est
en retard de cent ans sur Mallona, Nustra et Monna ? Le peuple s'en
tient à ce qu'il a appris grâce à nous, il ne désire rien d'autre et vit
heureux.
130
de nos pays ! Vous avez entendu qu'apparemment le calme et la paix
règnent dans toutes les parties de Mallona. Vous venez d'apprendre
que nous avons réprimé des désordres et les mouvements de rébellion
dirigés contre nos enseignements, mouvements que la Divinité Elle-
même nous a dévoilés, pour que nos peuples puissent vivre en paix.
Car il vaut mieux que quelques individus disparaissent, plutôt que de
les laisser pervertir la mentalité des populations.
Muhareb vit !
131
grand-prêtre devient inaudible. Lorsque l'agitation se calme, Karmuno
poursuit :
" Prenez les feuilles que voici, elles contiennent les directives que
chacun doit suivre dans son pays. Si elles sont exécutées comme il
faut, la victoire ne nous échappera pas. Que chacun les lise ce soir
avec attention et dans le calme, et accomplisse ce qui lui est prescrit.
Nous nous réunirons de nouveau ici demain pour tenir conseil et
132
décider fermement de ce qui est nécessaire au Temple. Etes-vous
satisfaits ?
LE RETOUR DU SUTOR
L'animation règne dans la gare routière de Nustra, point central
de toutes les voies qui y aboutissent, pour les voitures dont nous
avons déjà parlé. Les vice-rois de Monna et de Sutona prennent congé
de Rusar, et retournent dans leurs résidences respectives. A Mallona,
les visites royales ne donnent pas lieu à moins de cérémonies, elles ne
sont point parées de moins d'éclat que sur notre Terre. Je vois des
files de soldats, la suite brillante des souverains, de leurs hauts
fonctionnaires, et des curieux se pressant autour de la gare de
Nustra.
133
librement. Tout le trafic est réglé comme dans une gare terrestre. Une
longue rangée de voitures couvertes se tient à un endroit
particulièrement abrité. Ce sont les équipages des vice-rois.
134
terrestre, que le convoi du Sutor est en route. Je remarque que sa
voiture est isolée des autres. L'avant-garde et la suite du Sutor
conservent en effet une distance respectueuse du véhicule royal : c'est
une disposition particulière des princes de Mallona pour les voyages
de cette sorte. Car ils désirent être le moins possible gênés par leur
suite.
Jusqu'à présent, les deux occupants se sont fait face, et ils sont
demeurés sans parole, jetant un regard indifférent sur la campagne
traversée. Les agglomérations villageoises sont maintenant de plus en
plus insignifiantes, et les voyageurs peuvent être assurés que les
regards des curieux ne les surprendront plus. Le Sutor est en effet à
l'abri des occupants des voitures venant en sens inverse sur la route
car, lors de tels voyages officiels, les routes sont fermées au trafic de
station en station, jusqu'après le passage des souverains.
135
nous aussi !
136
- Qu'a donc décidé de nouveau la clique des prêtres du Temple,
pour accélérer la fin que tu prévois depuis si longtemps ?
137
propres fins. Avec cette nouvelle, il projette d'exciter les esprits contre
Areval, afin de les conduire à son gré.
138
pauvres et des opprimés, ils l'ont tué ? O misérable humanité,
ignobles prêtres, qui égorgent les meilleurs, uniquement pour leur
profit, pour protéger leur influence ! Qui n'ont d'indulgence que pour
le vice, exercent la méchanceté, ridiculisent la Divinité, malheur à ces
bourreaux ! Curopol, je ne puis réaliser ce que tu viens de
m'apprendre. Ce n'est pas possible ?
139
- Muhareb, Upal ! Avec eux approche la vengeance !
REBELLION
Au cours des descriptions de la voyante, qui font revivre le passé
de Mallona dans le présent terrestre, en racontant les événements
auxquels elle assistait, se produisit un arrêt après la dernière image.
140
au roi, ainsi qu'à son frère, une vengeance terrible.
- C'est moi !
141
domination matérielle pour parvenir à la domination de l'esprit, il
voulait montrer à chacun la voie permettant d'atteindre ce but ultime
de la vie.
142
de sang. Il donna à Upal des ordres en conséquence et, un jour, il
disparut. L'avion d'Upal l'avait emmené subrepticement, ainsi que son
jeune compagnon.
Cet ordre irrita les "Fidèles", dont Upal faisait partie, car ils
avaient jusqu'alors vu en Arvodo un supérieur fraternel. En outre,
Upal était considéré comme un favori de la Divinité, faute de quoi il
n'aurait jamais pu trouver la pierre d'Oro. Un mouvement de fort
mécontentement prit alors naissance contre Areval, mouvement dont
Karmuno sut à nouveau tirer profit. En effet, lorsque le général quitta
la capitale à la tête de ses troupes pour marcher sur Nustra, il excita
la montée de haine des populations contre lui.
143
Non loin de la résidence royale, sur les rives d'un lac, se trouvait
un magnifique palais où Areval se réfugiait pour jouir de la
tranquillité. Il s'y sentait en toute sécurité, car personne ne pouvait
approcher de cette retraite sans y avoir été invité, sous peine d'être
condamné aux travaux forcés dans les grottes du Wirdu. Un jour,
Areval se promenait avec sa fille Artaya dans le grand parc solitaire de
sa propriété. Aucun serviteur ne les accompagnait, car le vaste parc
était entouré d'un mur infranchissable. Ils avaient gagné une pièce
d'eau transparente, entourée de buissons élevés et épais où Areval et
Artaya se baignaient parfois. A côté de ce vivier, se trouvait une
grande pelouse entourée de buissons impénétrables.
144
s'épuise. Il regarde autour de lui d'un air égaré et balbutie avec
angoisse :
- Muhareb, qui est ce jeune homme ? Je vois dans ses yeux les
yeux de Fedijah. C'est ainsi qu'elle me regardait lorsqu'elle se
détourna de moi ! Tel est le regard qui me poursuit encore
aujourd'hui dans mes rêves, et même à l'état de veille. Qui est ce
garçon qui a le même regard que Fedijah !
145
les appels à l'aide d'Artaya emplissaient le parc. De loin, des voix leur
répondirent, tandis que des hommes probablement armés se
précipitaient. Quelques instants encore et ils allaient arriver.
Muhareb et Upal prirent alors rapidement le corps inanimé du jeune
homme, le portèrent en courant dans le vaisseau volant et le
couchèrent dans sa nacelle.
- Sois maudit, roi Areval, ainsi que les tiens ! Que le courroux du
Père t'égorge, toi le meurtrier de ton fils !
146
les usines de l'Etat, et ainsi s'écoula un certain laps de temps dans
une guerre de positions, tandis que des événements décisifs se
déroulaient dans la capitale de Mallona.
KARMUNO GAGNE
Areval était complètement effondré, à la suite de la violente
secousse nerveuse qu'il avait subie lors de la malédiction de son frère
et du meurtre de son propre fils, fruit du viol dont il s'était rendu
coupable envers Fedijah, après l'avoir enlevée de force.
147
Wirdu. D'innombrables lampes à manga furent installées pour
éclairer comme en plein jour le paysage minéral. Des traces encore
bien visibles dans le sable fin montraient distinctement le chemin à
prendre : elles menaient à tous les endroits qu'Upal avait jadis
montrés à Arvodo. Mais là encore tout était vide. La précieuse pierre
d'Oro et le Rod blanc avaient été arrachés ; partout la pierre était
froide et le rocher dénudé. Il ne restait aucun des trésors du démon
Usglom.
- Je veux les noyer tous les deux, car c'est moi le maître de
Mallona, c'est à moi qu'appartient ce monde tout entier ! Je suis le
maître du monde supérieur comme du monde souterrain. Usglom,
vieil ennemi de ma race, je t'anéantirai !
148
grottes du Wirdu. Il souhaitait cependant secrètement que le roi aille
à sa perte dans son combat imaginaire contre Usglom.
149
SUTONA
La voyante avait achevé le récit de ce qu'elle avait vu, et elle
déclara ne plus pouvoir rapporter les images suivantes. Lorsqu'elle
porta de nouveau l'anneau à son front, de la façon habituelle, les
clichés réapparurent cependant, comme si elle assistait
personnellement aux événements.
150
chaîne frontalière entre Mallona et Nustra ne sont rien à côté de
celles-ci, dont les dimensions sont proprement fantastiques.
151
sur la vallée et dans la magnificence des montagnes. La pièce n'est
pas très grande, mais haute et aérée. La stature du vieillard demeure
immobile. Ses yeux sont tournés vers le ciel et brillent d'un éclat
extatique, tandis que ses mains sont fermement appuyées sur sa
poitrine. Aucun doute, l'esprit de Muhareb n'est pas au château de
Ksontu. Il vit dans ces lointaines régions supra-matérielles où son
corps ne peut pas encore suivre son esprit libéré.
- Et où est Upal ?
152
se trouvera d'autres audacieux, comme Upal. Attirés par les fortes
récompenses, ceux-ci obéiront aux ordres de Karmuno. Même ici,
sommes-nous assurés contre toute trahison ?
Je vois que des préparatifs sont faits sur une haute terrasse du
château. Des lampes à manga s'allument. Un rayon de lumière brille
dans le ciel, puis encore un autre. C'est un signal donné par Upal. Un
assez long moment d'attente s'écoule, puis on entend dans les airs un
léger vrombissement, qui enfle de plus en plus. L'appareil descend
lentement et se pose bientôt silencieusement et sûrement sur la plate-
forme.
153
chambre très éclairée. Curopol entre rapidement avec Upal. Le Sutor
sursaute d'un air agité et le salue.
- Maître, lui dit Upal, j'amène deux hommes avec moi, que vous
ne vous attendez sûrement pas à voir. Les voici !
154
laisser le soin à des amis fidèles de rendre à mes vieux parents mon
dernier et filial hommage.
" Arvodo se fit alors menaçant et il refusa d'obéir à l'ordre qui lui
avait été adressé de cesser les combats, car il voulait disputer la
couronne à la ruse du grand-prêtre. Mais ses troupes lui refusèrent
l'obéissance et Arvodo devint ainsi un général sans soldats. Les deux
chefs d'armée durent prendre la fuite, tous deux vaincus par la
perfidie de Karmuno. Les deux frères se rencontrèrent secrètement au
sommet d'une montagne d'où ils observèrent que leurs troupes
respectives se réconciliaient et partaient ensemble pour Mallona, afin
de rendre hommage au nouveau prince héritier. La guerre était finie
avant d'avoir commencé !
- Oui, il l'a réalisé ! Le roc est dur, mais il lui fallut céder à la
puissance de la nimah. On a fait sauter un étroit canal et livré
passage à l'eau, là où vécut jadis Muhareb et où les couloirs
pénètrent dans l'intérieur de la montagne.
155
- Les insensés ! murmure Curopol. Et quelles sont les
conséquences de cette folie ?
- Il y a trois jours.
- Non, Maître, elle eut lieu la veille ! Mais je crains qu'elle n'ait
ultérieurement des conséquences fâcheuses.
- Comment cela ?
- J'ai voulu visiter les grottes une dernière fois, pour en arracher
les dernières pierres précieuses, mais je n'ai pu y pénétrer. Lorsque
j'ai voulu m'approcher de la montagne, de la fumée et des vapeurs
délétères sortaient de la cheminée centrale. Il était impossible
d'entrer. J'ai remarqué aussi que toute la région des cratères était
plus active que d'habitude. Le cours d'eau creusé par les explosions
s'est élargi ; des crevasses de la montagne dans lesquelles se déverse
l'eau de mer, monte une vapeur brûlante. Je l'entendais siffler dans
les profondeurs. Usglom ne se rendra pas si vite ! C'est pourquoi j'ai
fui cette région, que je prospectais pour y ramasser une matière dont
j'ai besoin pour fabriquer de la nimah. Et, comme je savais que je
pourrais également trouver cette matière sur les rivages qui bordent
la région frontalière entre Mallona et Nustra, je m'y rendis rapidement
avec mon vaisseau volant. Le hasard m'y fit rencontrer les deux
frères. Je les pris avec moi et je viens donc d'arriver à l'instant avec
eux à Sutona.
156
est très limitée. Vous ne pouvez pas attendre ici ouvertement. Mais je
peux vous cacher et vous serez en toute sécurité au château de
Ksontu.
157
son terme, le châtiment approche ! Il sera accordé à d'autres ce que
Tu voulais dispenser ici en abondance. Même Ton serviteur est
devenu faible, car le dernier être demeuré pur, celui que j'ai élevé
pour Te servir, Muraval est mort ! Rien maintenant ne retient plus Ta
Colère. Oh, prends-moi, ne me laisse pas voir l'ultime horreur !
LA FIN DE MALLONA
J'aperçois la capitale de Mallona. J'observe une intense agitation
populaire. Tout l'horizon au sud-ouest est encombré d'épais nuages
de fumée d'où jaillissent des éclairs d'un rouge feu. Le sol tremble,
faiblement mais sans interruption, tandis qu'un grondement
souterrain se fait entendre, suivi souvent de secousses plus fortes.
Quelques bâtiments élevés se sont déjà effondrés.
158
Car elle doit en effet se montrer tous les jours au peuple, en tant que
déesse. Mais elle tremble pour sa vie.
Karmuno tient conseil avec ses prêtres. Ils décident qu'il faut
absolument qu'Arvodo, Rusar et Muhareb soient fait prisonniers,
ainsi qu'Upal. Le roi-prêtre décide en outre de transférer à Nustra le
palais royal, siège de l'autorité, car la proximité des cratères rend trop
dangereuse Mallona. Il ne doute pas que le phénomène naturel se
calmera, mais il ne se sent plus en sécurité dans son voisinage. Il
veut jouir en paix des avantages royaux, qui lui échoiront bientôt. Sa
proposition est accueillie par des applaudissements unanimes.
159
veux voir, du haut des montagnes de Sutona, la victoire de mon
sang !
160
- Quittez la voiture, leur hurle-t-il, ou je vous anéantis !
- Ça n'ira pas si vite pour toi ! Ton désir a toujours été trop
brûlant. C'est pourquoi je vais m'occuper de te rafraîchir !
161
ait une liaison entre les différentes régions volcaniques de Mallona.
Des heurts et des pressions fantastiques se succèdent de façon
chaotique à l'intérieur de la planète. La lithosphère résiste cependant
encore, elle retient l'énorme pression des vapeurs intérieures.
162
ULTIME VISION
Je m'éloigne dans l'espace cosmique, loin de Mallona. La planète
est entourée de gaz au point que sa surface n'est plus du tout visible.
Soudain jaillit un énorme éclair. Des flammes percent les vapeurs
noires qui l'entourent, et je peux voir la planète sauter en des millions
de morceaux. Les satellites qui tournaient autour de Mallona ont
perdu leur centre de gravité, et ils errent à présent dans l'espace
cosmique, avec les débris de la planète proprement dite. De tous côtés
sautent, pareils à des étoiles filantes, les restes de ce monde énorme.
Ils orbitent et tombent peu à peu sur les autres planètes de notre
système solaire, témoignant de la tragédie qui s'est jadis déroulée à ce
point de l'espace.
163
La silhouette s'éloigne dans l'espace, et j'aperçois la Terre,
toujours plus proche. Je reconnais sa surface et vois la période
d'évolution que l'on nomme aujourd'hui l'ère tertiaire. Je reconnais
dans des régions sauvages des races d'animaux disparues depuis
longtemps, les licornes, les ours des cavernes, et aussi des grands
anthropoïdes.
FIN
164