Festival Du Premier Roman de Chambéry (Mai 2012)
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Rencontre avec trois crivains au thtre Charles Dullin . Eux sur la photo dHlne Gestern Commentaires des lves Lettres Hlne Gestern . 5 18 4
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Premier roman trs bien crit, empli despoir et de drame avec un sujet, bien trait grce au rcit pistolaire et aux photos, Eux sur la photo est une bonne surprise qui nous donne rflchir, et nous sommes enclins penser que peut-tre, comme lhrone, nous ne connaissons pas toute notre histoire et que des secrets nous ont peut-tre t cachs. Ce sont deux photos que nul ne verra jamais. Lune, affolante, dune 504 qui est sortie de la route et a plong dans le vertige dun ravin. Barrire dfonce et bante, amas de tle renverse, roues lair libre, arbustes arrachs sur le passage, saignes bruntres dans la terre mle la neige donnent cette scne atroce une beaut mlancolique parfaitement dplace. Limage dort dans un dossier de gendarmerie, stock avec dautres dans un carton, entass dans un entrept qui en contient des milliers de la mme esp ce. Aprs la prescription des dlais, lorsque lafflux permanent de nouveaux dossiers, archives, pices conviction obligeront librer de lespace, la bote sera charge sur une palette, puis dpose dans un camion-benne, dont le contenu sera son tour dvers dans un incinrateur, o il finira sa course. Pendant ce temps, lheure o le photographe de la gendarmerie est en train dappuyer sur le dclencheur, un homme dsempar, dans une pice encombre, Genve, se regarde dans un miroir. Son visage est dfait, marqu de cernes lourds, pas ras depuis au moins trois jours. La chemise connu des moments meilleurs. Cependant, langoisse qui avait resserr le bleu du regard autour dun clat sombre, comme les pupilles rtractiles des chats, sest dissipe. Elle a fait place la certitude lasse que donne la reddition aprs une longue bataille, la dtente du soulagement. Et lhomme, qui na plus touch un appareil depuis trois semaines, dcide alors quil va tenter de photographier cet instant dhiver. Bientt, le printemps sera revenu, et la chaleur des rayons lumineux viendra caresser la peau de son modle, qui il a crit la veille une lettre dterminante pour leur avenir tous les deux. Il imagine quil lassira non loin de la fentre, sur un tabouret blanc, do la silhouette accusera la lgre protubrance dun ventre naissant. Avant de retourner vers lappareil, il posera ses deux mains sur les avant-bras minces et le bracelet aux deux serpents et les y laissera quelques secondes, ses yeux plongs dans ceux de la jeune femme, comme un adieu avant daller rejoindre lautre rive du regard. Et ce jour-l, il sait quil fera la photo dfinitive, lalpha et lomga de tous les spectacles que le monde lui aura offerts. Il saura forcer la matire, limpermanence, la mort, loubli rendre les armes. Les lumires, subjugues par son geste ultime, esclaves du sortilge mcanique, convergeront sur le visage dune seule, pour crire dans limage une vrit dordinaire voue lui chapper : une fois n, lamour, quelle que soit la destine quon lui rserve, est irrvocable. Ce passage se situe la toute fin du livre, pages 273-274 Flora GRUFFAZ, 1ES3
Hlne, la quarantaine, son pre dcd et sa belle-mre atteinte d'Alzheimer, cherche la vrit sur sa mre, morte alors qu'elle avait trois ans. Comme unique point de dpart, elle a une coupure de journal. C'est une photographie qui reprsente une femme qu'Hlne pense tre sa mre accompagne de deux hommes. Il y a deux noms dans l'article. Elle lance alors une annonce dans un journal. Une rponse arrive. C'est Stphane, un botaniste habitant en Grande Bretagne qui a reconnu son pre. Commence alors une correspondance entre ces deux protagonistes. Ils assemblent petit petit les dtails et reconstituent une histoire trs diffrente de ce qu'on avait pu leur raconter. L'histoire se passe Paris, pour Hlne et Ashford pour Stphane. On y parlera de Genve et de Bretagne (Saint-Malo) et d'autres endroits lors des dplacements de Stphane.
Le roman est compos de lettres d'Hlne pour Stphane et inversement, de mails et SMS. Il y a en premire page de chaque chapitre la description d'une photographie. Et l'auteur insre le journal de Jean, tmoin prcieux de cette histoire damour entre la mre dHlne, Natalia et Pierre, le pre de Stphane. Les personnages principaux sont Hlne fille de Natacha & Michel Hivert et Stphane le fils de Pierre. Natacha et Pierre ont eu une liaison. Sylvia tait la meilleure amie de Natacha (Natalia) puis est devenue la marraine puis la mre d'Hlne. Jean Pamiat le meilleur ami de Pierre est parrain de Stphane. On comprend tous ces liens lors de la lettre de Sylvia pour Hlne et dans le journal de Jean. Le titre du roman revient la dernire page. Il voque Natacha et Pierre sur les photos qu'ils dcouvrent au fur et mesure de l'histoire. Eux sur la photo d'Hlne Gestern mle roman pistolaire et enqute. Au dbut de chaque chapitre, l'auteur dcrit une image, de faon trs dtaille. On imagine que l'auteur a une vritable fascination pour la photographie, grce la manire dont elle dcrit ces photos qui prennent vie sous nos yeux. Elle accorde de l'importance chaque dtail. Elle dit la photographie fige un instant de la vie de ses sujets et le lecteur arrive trs bien imaginer cet instant. De plus, l'auteur conserve le suspens jusqu' la fin du livre. On a envie de le lire d'une traite ce roman car le lecteur est curieux de connatre chaque dtail de leur enqute. La progression dans l'histoire se fait petit petit et le lecteur comprend en mme temps que les personnages le lien qui les relie: l'auteur construit intelligemment l'intrigue. Le roman prsente un univers rel et une belle rflexion sur ce que sont les photos, le pass. On se rend compte quel point un lment qu'on cache une personne peut lui dtruire la vie. Aprs les descriptions vocatrices des photographies, le lecteur dcouvre la correspondance entre Hlne et Stphane, souvent par lettres, parfois par messages lectroniques lors des dplacements de ce dernier et par textos. C'est grce ces changes que l'auteur transmet les dtails et nouvelles dcouvertes de leur pass. Hlne Gestern insre mme le journal de Jean Pamiat, le parrain de Stphane et meilleur ami des parents des protagonistes. C'est grce ce journal que nous arrivons relier les lments du pass, finalement pas trs glorieux et plutt sombres de leurs parents. En plus de dcrire les photos, l'auteur nous explique aussi la profondeur des lieux comme la chapelle ou l'htel prs de la mer en Bretagne et mme si nous n'y sommes jamais alls, on imagine trs bien ce quoi cela peut ressembler. Ds la premire ligne, l'crivain nous plonge dans le bain : la photographie a fix pour toujours trois silhouettes en plein soleil. Le lecteur ne s'ennuie pas face ce roman, tant les descriptions des photos sont belles et vocatrices, il se passe toujours quelque chose. Il nous arrive mme d'avoir de la compassion pour les personnages car le contexte est bien rel. Le titre fait rfrence Natalia et Pierre, c'est eux qui figurent sur chaque photo, tout au long du roman. L'auteure le cite aussi lors de la dernire lettre du livre : Oui, c'tait eux sur la photo, qui nous parlaient, nous appelaient La seule chose qui pourrait dranger le lecteur est le style employ dans leur correspondance. Il nous fait sourire car il semble un peu vieux, trop poli ou courtois pour une relation comme celle qu'ils entretiennent. Il y a une sorte de distance entre eux, et ce, mme lorsqu'ils deviennent amis puis amants. Cependant l'histoire d'amour impossible entre Pierre et Natalia, reporte sur leurs enfants est trs saisissante. C'est un roman trs doux, touchant, mouvant, lumineux mme, malgr le contexte sombre de l'histoire pour laquelle les deux protagonistes fouillent leurs archives familiales, mnent l'enqute, analysent les photos et interrogent les personnes capables de les aider. Le cadre de
l'histoire est rel, mais il reste mlancolique : il est tout de mme question de mensonges, morts, accidents, ruptures amoureuses. En plus du journal de Jean, l'crivain insre la lettre de Sylvia, la belle-mre d'Hlne, qui a une dimension plutt dramatique : cette dernire ne cesse de sexcuser de ne pas lui avoir tout racont dans une lettre qui est donne Hlne la mort de ce personnage. Hlne se retrouve alors seule, sans parents, ni frre ou sur. Seule avec Stphane, essayer de reconstituer ce pass, l'enfance et les souvenirs qu'on leur a vols. Ce roman est frappant et nous pousse rflchir ; propos des souvenirs, des photos, des proches et objets personnels, la place qu'ils tiennent dans notre vie, comment serions-nous, nous aussi, on nous avait vol nos souvenirs. ? A quel moment aurions-nous pu arrter la mcanique ? Lequel d'entre nous n'a pas su tre le grain de sable qui aurait enray la marche du malheur venir ? Je n'arrte pas de retourner ces penses dans ma tte, la nuit. Je me revois avouant par tourderie que je devais retrouver Natacha Dinard avec les Vassiliev, et Pierre me suppliant de lui rapporter une photo d'elle... L'aurait-il oublie si je n'avais pas obtempr ? Bien qu'elle ft enceinte, la revoir avait ouvert une digue secrte en lui, comme un virus ractiv qui s'apprte dclencher une nouvelle pousse ; je le comprenais la faon dont ses doigts caressaient l'image. Ensuite, le malheureux enchanement, Pierre qui arrive impromptu Interlaken, en 70, et qui nous trouve au chalet, o Natacha tait venue fuir pendant quelques jours un mariage qui commenait l'asphyxier... Ce regard, grands dieux, ce regard qu'ils ont chang, tous deux, le mme geste en mme temps, toucher leur anneau de fianailles, dans le silence phnomnal qui s'tait abattu sur la pice L'instant d'aprs, avec une lenteur douloureuse, Pierre l'avait enveloppe dans ses bras. Il l'avait enlace avec la mme dlicatesse qu'on tient un bouquet de ramures fragiles, et tout son corps elle s'tait laiss enrouler, s'tait dissous dans cette passion calme qui disait, atome de chair contre atome de chair, aime-moi, aime-moi, aime-moi encore. page 264 (journal de Jean) Bien sr, nous en avons souffert. Et nous n'en avons sans doute pas encore dcousu avec les consquences d'un secret aussi violent, qui a dj cot tant de peine, et empli les deux cent vingt albums de ton pre d'une tristesse indlbile. Mais la conclusion laquelle tu arrivais dans une lettre prcdente est la bonne. Nous sommes maintenant les seuls titulaires exclusifs de ce pass, et donc les seuls responsables de ce que nous souhaitons en faire. Aujourd'hui, Stphane, lorsque je pense eux deux, je mesure la force de leur lien, ce lien qui nous a conduit l'un vers l'autre trente-sept ans de distance, partir d'une improbable coupure de journal. Je me dis que ce matin ensoleill, Saint-Malo, la tendresse de notre premier caf partag, dans la lumire rase de fvrier qui faisait onduler la mer comme cristal et feuille d'or, c'est eux que nous le devons. Oui, c'tait eux sur la photo, qui nous parlaient, nous appelaient Je les contemple jusqu'au vertige et je crois les entendre nous dire qu'il faut vivre maintenant, saisir la chance qu'ils ont laisse chapper. J'aimerais tant que tu me reviennes. Et que l'on s'aime. Je t'embrasse. Hlne page 272 Bientt, le printemps sera revenu, et la chaleur des rayons lumineux viendra caresser la peau de son modle, qui il a crit la veille une lettre dterminante pour leur avenir tous les deux. Il imagine qu'il l'assira non loin de la fentre, sur un tabouret blanc, d'o la silhouette accusera la lgre protubrance d'un ventre naissant. Avant de retourner vers l'appareil, il posera ses deux mains sur les avant-bras minces et le bracelet aux deux serpents et les y laissera quelques secondes, ses yeux plongs dans ceux de la jeune femme, comme un adieu avant d'aller rejoindre l'autre rive du regard. Et
ce jour-l, il sait qu'il fera la photo dfinitive, l'alpha et l'omga de tous les spectacles que le monde lui aura offerts. Il saura forcer la matire, l'impermanence, la mort, l'oubli rendre les armes. Les lumires, subjugues par son geste ultime, esclaves du sortilge mcanique, convergeront sur le visage d'une seule, pour crire dans l'image une vrit d'ordinaire voue lui chapper : une fois n, l'amour, quelle que soit la destine qu'on lui rserve est irrvocable. dernire page Ces passages m'ont plu car ils sont bouleversants, on arrive ressentir l'amour que les personnages partagent. Le passage o l'auteur parle de cette photographie m'a marque car on sent la passion, la fascination pour les images. Le journal de Jean nous transmet aussi beaucoup de sentiments, on a l'impression de vivre cette scne capitale dans ses rvlations. Lane MASSEIN, 2de 4
Arrt sur image Hlne Gestern signe avec Eux sur la photo son premier roman. Elle y conte l'histoire d'Hlne Hivert, partie l'aventure afin de retrouver le pass perdu de sa famille. Hlne Hivert travaille dans un muse de cartes postales. A trente-sept ans, elle ne connat presque rien de sa mre, Nathalie, morte alors qu'elle avait trois ans. Un jour, elle retrouve une photo de celle- ci entoure de deux hommes qu'elle ne connat pas. Elle lance alors, comme une bouteille la mer, une annonce dans plusieurs journaux, dans un geste de dsespoir. Un jour, cependant, Stphane Crsten lui rpond : il a reconnu son pre. Une longue correspondance commence alors entre les deux personnages, l'un la recherche du vrai visage d'un pre mystrieux, l'autre voulant combler un silence pesant sur sa famille. Hlne et Stphane ne bnficiant pas de l'aide de la gnration prcdente (leurs pres sont morts, la mre de Stphane aussi) ne peuvent compter que sur leurs propres recherches. Peu peu, les hypothses se forment, l'histoire se dessine autour des photos de Pierre Crsten (le pre de Stphane), jusqu' la dcouverte du journal de Jean Pamiat (l'ami de Pierre) qui sera la fin de la qute d'Hlne et Stphane. A travers ce roman pistolaire, Hlne Gestern assemble superbement les pices d'un puzzle familial complexe. En partant d'une simple photo, Stphane et Hlne vont dcouvrir leur destin troitement li et la fin tragique de l'histoire de leurs parents respectifs. Leur correspondance passionnante et entranante, au cours de laquelle les deux personnages vont inluctablement se rapprocher, illustre parfaitement le contraste entre la peur et l'envie de dcouvrir. En effet, tout au long du roman, les deux chercheurs sont partags entre l'envie de dcouvrir et de savoir ce qui s'est pass et la peur de comprendre et d'apprendre l'horreur du pass. Cette crainte sera tenace et mme de plus en plus importante : lorsque Hlne tient enfin les clefs de son pass et de la vie de sa mre, elle hsite, tergiverse, se retrouve bout nerveusement et ne veut pas lire le journal de Jean Pamiat, peu encourage par son ancien professeur de russe, qui a traduit le journal et le lui a rendu en disant que les choses crites l'intrieur taient trs graves. Hlne Gestern nous fait parfaitement vivre l'enqute, dans laquelle le lecteur s'embarque rellement, met des hypothses. La diversit des moyens de communication (lettre, mail et SMS) rend galement la correspondance vivante et attrayante. Tout sonne juste dans la construction de l'histoire : les rvlations arrivent petit petit, se confirmant parfois, se recoupant d'autres fois. L'auteur nous fait parfaitement ressentir les penses des personnages, qui passent du chaud au froid, de l'enthousiasme la prudence. La fin est galement soigne et entranant, dans lequel toutes les rvlations arrivent par le biais du journal de Jean Pamiat,
traduit du russe. Les emprunts la langue russe et sa culture rajoutent une part de mystre et de dcouverte. De plus, avant d'avoir le rsultat de leur enqute, Hlne et Stphane vont, comme le lecteur avait pu le deviner, tre pris d'une irrsistible passion l'un pour l'autre. Cet amour semble remplacer celui qui aurait d lier leurs parents, trente-sept ans auparavant. Cependant, Eux sur la photo n'est pas un roman joyeux. L'amour d'Hlne et Stphane est le seul fait heureux l'intrieur du roman. En effet, la fin peut sembler brutale et les rvlations sont trs dures porter pour deux personnes dont la vie peut-tre encore longue. Mais la dernire lettre d'Hlne pour Stphane est pleine d'espoir et de pardon et elle veut se servir de cette leon pour ne pas laisser passer sa chance et donc vivre avec Stphane. Hlne Gestern crit ce roman de manire simple, ce qui le rend facile lire. L'intrt du roman est total et l'enqute est intressante. Les rvlations sont comme un coup de massue mme si on s'attend au pire. Mais la dernire lettre est, comme la premire, pleine d'espoir mais aussi de pardon, ce qui fait le charme de la fin du livre. Paris, le 1er avril 2007 Madame, Monsieur, Merci pour votre lettre, laquelle je ne m'attendais plus. Cela faisait maintenant plus d'un mois que j'avais pass l'annonce dans plusieurs quotidiens franais et suisse, et les deux rponses que j'avais reues ne me paraissaient gure plausibles, compte tenu des lieux et dates. La vtre, en revanche, ne laisse aucun doute : ainsi, vous tes le fils ou la fille de ce P.Crsten dont j'ai retrouv la photographie et le nom dans les archives familiales. La jeune femme qui se tient a ct de lui sur la photo est ma mre, disparue quand j'avais trois ans. Elle s'appelait Nathalie Hivert, de son nom marital (je ne connais pas son nom de jeune fille). Mon pre n'en parlait presque jamais. Il est dcd il y a trois ans, et ma mre adoptive (il s'tait remari) est entre depuis six mois dans une maison mdicalise, car elle souffre d'un Alzheimer svre. C'est en cherchant les pices ncessaires son dossier mdical que j'ai trouv dans le bureau de mon pre une chemise cartonne sans titre ni commentaire. Elle contenait cette coupure de journal, que je vous photocopie. Apparemment, ma mre et l'homme de la photo, votre pre, ont particip un petit tournoi de tennis, prs d'Interlaken, et l'ont emport chacun dans sa catgorie. Une gazette locale leur a consacr un article, en indiquant leur nom en guise de lgende : c'est grce cet indice assez mince que j'ai pu passer l'annonce. Je ne possde que peu d'informations relatives ma mre, et je n'ai aucune famille qui pourrait me renseigner sur elle. Je suis fille unique, et les deux surs de mon pre, plus ges que lui, sont mortes depuis plusieurs annes. Cette photographie m'intrigue normment ; j'aimerais identifier les personnes qui y figurent. Pourriez-vous m'en dire davantage sur votre pre ? Savez-vous comment il a connu ma mre ? Est-il encore en vie ? Et surtout : accepterait-il de me parler ? J'espre que ces questions ne vous paratront pas trop indiscrtes. Tout renseignement me sera prcieux Merci encore, en attendant, d'avoir rpondu mon annonce. Bien vous Hlne Hivert. pages 16-17 Guillaume PATARD, 2de4
Le livre du jour. Encore peu connue du grand public, Hlne Gestern signe en 2011 son premier roman, Eux sur la photo, avec un style remarquable. Dj, elle se distingue des autres crivains novices en remportant le prix Fnac 2011, que lon peut sans peine qualifier de mrit . En effet, elle fait passer, travers son roman pistolaire, un message portant sur la disparition dun tre cher, et lamour entre individus, qui sont des sujets rcurrents, auxquels vient sajouter le thme central de la photographie. Ses personnages de Stphane et Hlne sont singuliers, et lon se retrouve aisment en eux. Tout dbute par une photo prise Interlaken, durant lt 1971, lors dun tournoi de tennis. On observe trois personnages, qui sont le point de dpart dune histoire saisissante, mlant amour et tristesse. Hlne Hivert, 38 ans, archiviste des documents iconographiques antrieurs 1930 au muse de lHistoire de la carte postale, recherche des informations sur sa mre dcde lorsquelle avait trois ans. Ce protagoniste, srement inspir de lauteur, qui elle a emprunt le prnom, met une annonce dans le journal Libration le 12 fvrier 2007. Cest un peu plus tard, le 15 mars 2007, que Stphane Crsten, la quarantaine, biologiste spcialis dans les gnes des arbres, lui rpond par le biais dune lettre. Plus quun simple change pistolaire, cest une vritable relation qui nat. Mais connatre la vrit a un prix, et le chemin qui ly mne est parsem dembches Ce roman prsente une correspondance varie, sous la forme de lettres, courriels ou SMS, qui relie deux individus loigns gographiquement. Ta ntt ils scrivent de Paris Ashford, Miami, Genve ou encore Romanievi, en passant par Hawa. Leur contact commence trs distant, sous forme de vouvoiement, avec des formules de politesse. Mais de fil en aiguille, leur relation grandit. Cette lecture enrichit, fait rflchir lamour, qui, une fois n [] est irrvocable . (page 274) Cest un appel la lgret et linsouciance (page 11), la vie. Il ne se lit pas, il se dvore, et avec une aisance dconcertante, lie la prsentation sous forme de lettres, courriels ou SMS, avec la description dune photographie en tte de chaque chapitre. Une seule mise en garde, ce livre est tratre : il est difficile de le refermer avant la fin.
Margot Paclet, journaliste de La Tribune. En exergue au roman : Toutes les images disparatront. Annie Ernaux. La photographie a fix pour toujours trois silhouettes en plein soleil, deux hommes et une femme. Ils sont tous de blanc vtus et tiennent une raquette la main. La jeune femme se trouve au milieu : lhomme qui est sa droite, assez grand, est pench vers elle, comme sil tait sur le point de lui dire quelque chose. Le deuxime homme, sa gauche, se tient un peu en retrait, une jambe flchie, et prend appui sur sa raquette, dans une posture humoristique la Charlie Chaplin. Tous trois ont lair davoir environ trente ans, mais peut-tre le plus grand est-il un peu plus g. Le paysage en arrireplan, que masquent en partie les volumes dune installation sportive, est la fois alpin et sylvestre : un massif, encore blanc son sommet, ferme la perspective, en imprimant la scne une allure irrelle de carte postale. Tout, dans ce portrait de groupe, respire la lgret et linsouciance mondaine.
page 11 Ashford, le 25 mars 2007 Madame, Monsieur, Jai pris connaissance, avec plusieurs semaines de retard, de votre annonce rf. 284.220 parue dans le journal Libration en date du 12 fvrier. Je pense avoir des informations sur la personne que vous recherchez : il sagit certainement de mon pre, qui a souvent sjourn Interlaken lt. Je joins cet envoi la photocopie dune carte dinscription au Tennis-Club de Genve, reste dans mes archives, qui date des annes 60. Elle vous permettra de voir sa photographie. Pourriez-vous me dire comment son nom est arriv jusqu vous et la raison pour laquelle vous cherchez des informations sur lui ? Avec mes meilleures salutations. S. Crsten. page 15 Frres humains qui aprs nous vivez Nayez les curs contre nous endurcis. Franois Villon > page 157 5 mars (message SMS) Diurne ici, nocturne l-bas, votre image maccompagne. Stphane () > Page 173 Paris, 19 mars (courriel) Je serai Heathrow. Je vous attendrai. H. page 231 Paris, le 2 avril 2008 Stphane, Tu es dsempar, je le sais, et il y a de quoi. Mais ne les juge pas, ne les jugeons pas. Pendant que tu plongeais en amertume, jai pass les derniers jours marcher, le soir, le long du canal Saint-Martin, et penser eux. A puiser les hypothses, la colre, la rvolte, la rage parfois, contre eux tous, nos parents, Sylvia, Michel. Et me har moi, en dfinitive, pour avoir ouvert la bote de Pandore. Et puis je me suis calme. Parce que jai pens que la distance qui nous sparait deux tait infime. Nous les regardons comme deux parents, deux tres redevables, et nous les sommons titre posthume de se justifier devant notre tribunal. Nous les dtestons davoir t silencieux, disparus, adultres, menteurs. Mais eux ntaient queux, finalement : un homme et une femme, pris, dchirs entre lamour quils avaient lun pour lautre et celui des leurs. ()
Aujourdhui, Stphane, lorsque je pense eux deux, je mesure la force de leur lien, ce lien qui n ous a conduits lun vers lautre trente-sept ans de distance, partir dune improbable coupure de journal. Je me dis que ce matin ensoleill Saint-Malo, la tendresse de notre premier caf partag, dans la lumire rase de fvrier qui faisait onduler la mer comme cristal et feuille dor, cest eux que nous le devons. Oui, ctaient eux sur la photo, qui nous parlaient, nous appelaient Je les contemple jusquau vertige et je crois les entendre nous dire quil faut vivre maintenant, saisir la chance quils ont laisse chapper. Jaimerais tant que tu me reviennes. Et que lon saime. Je tembrasse. Hlne pages 269-272 Ce sont les deux photos que nul ne verra jamais. Lune, affolante, dune 504 qui est sortie de la route et a plong dans le vertige dun ravin. Barrire dfonce et bante, amas de tle renvers, roues lair libre, arbustes arrachs sur le passage, saignes bruntres dans la terre mle la neige donnent cette scne atroce une beaut mlancolique parfaitement dplace. Limage dort dans un dossier de gendarmerie, stock avec dautres dans un carton, entass dans un entrept qui en contient des milliers de la mme espce. Aprs la prescription des dlais, lorsque lafflux permanent de nouveaux dossiers, archives, pices conviction obligeront librer de lespace, la bote sera charge sur une palette, puis dpose dans un camion-benne, dont le contenu sera son tour dvers dans un incinrateur, o il finira sa course. Pendant ce temps, lheure o le photographe de la gendarmerie est en train dappuyer sur le dclencheur, un homme dsempar, dans une pice encombre, Genve, se regarde dans un miroir. Son visage est dfait, marqu de cernes lourds , pas ras depuis au moins trois jours. La chemise a connu des moments meilleurs. Cependant, langoisse qui avait resserr le bleu du regard autour dun clat sombre, comme les pupilles rtractiles des chats, sest dissipe. Elle a fait place la certitude lasse que donne la reddition aprs une longue bataille , la dtente du soulagement. Et lhomme, qui na plus touch un appareil depuis trois semaines, dcide alors quil va tenter de photographier cet instant dhiver. Bientt, le printemps sera revenu, et la chaleur des rayons lumineux viendra caresser la peau de son modle, qui il a crit la veille une lettre dterminante pour leur avenir tous les deux. Il imagine quil lassira non loin de la fentre, sur un tabouret blanc, do la silhouette accusera la lgre protubrance dun ventre naissant. Avant de retourner vers lappareil, il posera ses deux mains sur les avant-bras minces et le bracelet aux deux serpents et les y laissera quelques secondes, ses yeux plongs dans ceux de la jeune femme, comme un adieu avant daller rejoindre lautre rive du regard. Et ce jour-l, il sait quil fera la photo dfinitive, lalpha et lomga de tous les spectacles que le monde lui aura offerts. Il saura forcer la matire, limpermanence, la mort, loubli rendre les armes. Les lumires, subjugues par son geste ultime, esclaves du sortilge mcanique, convergeront sur le visage dune seule, pour crire dans limage une vrit dordinaire voue lui chapper : une fois n, lamour, quelle que soit la destine quon lui rserve, est irrvocable. () pages 273-274 Margot PACLET, 1ES3
Comme une bouteille la Manche. Hlne Hivert, torture par des questions concernant lhistoire de ses parents, publie une photo dans la presse pour tenter didentifier les personnes y figurant. Sur cette photo, retrouve dans les archives familiales, on dcouvre deux hommes et une femme avec chacun une raquette de tennis la main Hlne ne tarde pas reconnatre sa mre qui est dcde lorsquelle avait 3 ans, mais ignore lidentit des deux hommes : lun deux est-il son pre ? ... A la limite dinterrompre ses recherches un homme, Stphane, la contacte depuis lAngleterre et lui apprend que lun des deux hommes est son pre. Et soudain dautres questions apparaissent : cette personne est-elle son frre ? Lhomme qui la contacte a-t-il pu connatre ses parents ? Tous deux tenteront de trouver des rponses toutes ces questions. Des questions qui les hantaient depuis si longtemps. Durant leur enqute, leurs dcouvertes sont toujours plus difficiles accepter : ils apprennent se connatre Ils se consolent, se soutiennent Et apprennent sapprcier Dans ce magnifique roman, Hlne Gestern raconte lhistoire damour entre deux personnes cherchant les mmes rponses. Mais surtout lenvie quune personne peut avoir ainsi que la dtermination reconstituer sa propre vie, sa propre histoire. Lhistoire est poignante, triste parfois et pleine de suspens du dbut la fin : jamais lon sennuie. En effet, lhistoire est raconte de manire pistolaire. Nous sommes continuellement dans lattente dune rponse. On dira que cet change de courrier amne un ct positif au roman : on dcouvre les lettres en mme temps que les personnages. Tout le monde a dj reu une lettre ; dabord on lattend avec impatience. Lorsquon la reoit : on louvre rapidement puis on la lit avec entrain pour dcouvrir ce quelle va nous annoncer. L cest le mme processus qui se rpte chaque page. On retiendra que ce livre nous fait rflchir sur le choix que font nos parents, en nous cachant certaines choses que nous pourrions appeler des secrets de famille, pour nous protger ou pour que lon garde deux une image meilleure ainsi que le choix des enfants voulant dcouvrir ce que leurs parents leur ont cach pendant des annes. Afin de pouvoir vous faire votre propre ide, il ne vous reste plus qu lire ce livre qui vous fera srement rflchir, pleurer mais sans jamais vous lasser. Ashford, le 25 mars 2007 Madame, Monsieur, Jai pris connaissance, avec plusieurs semaines de retard, de votre annonce rf. 284.220 parue dans le journal Libration en en date du 12 fvrier. Je pense avoir des informations sur la personne que vous cherchez : il sagit certainement de mon pre, qui a souvent sjourn Interlaken lt. Je joins cet envoi la photographie dune carte dinscription au tennis-Club de Genve, reste dans mes archives, qui date des annes 60. Elle vous permettra de voir sa photographie. Pourriez-vous me dire comment son nom est arriv jusqu vous et la raison pour laquelle vous recherchez des informations sur lui? Avec mes meilleures salutations. S.Crsten Hawaii, 15 mars (courriel) Ma chre Hlne, Je pense la faon quont les enfants de jouer aux devinettes : froid, tide, tu brles. Chez les grands que nous sommes, ce serait plutt : froid, tide tu te brles. La peur nest pas forcment de la lchet, Hlne. Nous avons tellement rv autour de la figure de nos parents, jeunes, beaux, leur prtant une liaison somme toute trs romantique Il est tentant den rester l et de ne retenir que limage idale dun couple sous une tonnelle. Sauf que, si nous fuyons le pass une nouvelle fois, jai peur de la facture des questions sans rponses ne nous soit prsentes un jour ou lautre, et avec intrts. Si vous prfrez, nous pouvons attendre mon retour. Mais peut-tre succomberez-vous avant la curiosit, ce qui en ralit me permettrait de satisfaire la mienne. Moi aussi je brle, mais de savoir, je crois. Je vous embrasse. Stphane Page 191 Maxime BORNENS, 2de 4
Avec Eux sur la photo, Hlne Gestern signe un roman pistolaire qui propose une rflexion profonde sur les secrets de famille. Les marionnettes de cette enqute sont Stphane, un scientifique spcialis dans les plantes, de quarante ans, et Hlne (on notera la similarit avec le prnom de lauteur, qui peut amener un questionnement sur une quelconque trace autobiographique), du mme ge, qui travaille au muse dHistoire de la Carte Postale (l aussi, ce mtier peut voquer les nombreuses lettres changes par les personnages). Lintrigue dbute par une annonce, publie dans un journal, par Hlne. Le titre du roman renvoie aux trois individus prsents sur la photographie dite, dont Stphane et Hlne tenteront de dchiffrer la vie tout au long du roman. Eux sur la photo est particulirement intressant dans la mesure o lauteur a russi runir plusieurs thmes forts, qui, sortis du contexte, nont pas de rapport logique. En effet, on retrouve dans ce roman une histoire damour, lorigine de toute lintrigue, puis une autre que se tisse au fur et mesure dchanges entre nos deux dtectives du pass . On rencontre aussi tout un travail sur la photographie et son importance dans la transmission du pass, lapparition dune langue incongrue quest le russe, qui apporte un degr de mystre en plus lhistoire. Mais le thme le plus intriguant reste cependant celui de la famille. Hlne a perdu sa mre lge de trois ans, et na aucune information son sujet. De son ct, le pre de Stpha ne est un homme mystrieux et solitaire. Durant le roman, Hlne et Stphane remontent le temps tels des archologues, dans le but de dcouvrir le lien entre leurs parents, et les autres personnes qui viennent se greffer progressivement la famille quils reconstituent. Les expditeurs et destinataires de lettres, emails et sms sont tous les deux motivs par le mme but : combler le vide dinformations et de connaissances par une recherche et un change de savoirs, comme un tmoigne cet extrait issu dune lettre dHlne Stphane : Cette photographie mintrigue normment ; jaimerais identifier les personnes qui y figurent. Dans Eux sur la photo, Hlne Gestern parvient nous faire sentir une relation qui nat et se nous, en filigrane dun change qui se voudrait dnu de sentiments. On peroit et imagine des tats dmes des protagonistes laide de lcrivain. Le rcit est plein de rebondissement, tous plus troublants et inopins les uns que les autres, qui se conjuguent pour donner au roman ce ca ractre hors du commun. Au fil du lhistoire, les secrets clatent de manire imprvue, et reconstituent ainsi le pass des personnages, qui parfois les troubleront : Tu es dsempar, je le sais, et il y a de quoi. Mais ne les juge pas, ne les jugeons pas. , crit Hlne Stphane, aprs avoir appris un certain dtail. Eux sur la photo se classe parmi les romans au style agrable, mais dont lintrigue est relativement complexe. La fusion de ces deux traits lui confre un caractre singulier. Ce sont deux photos que nul ne verra jamais. Lune, affolante, dune 204 qui est sortie de la route et a plong dans le vertige dun ravin. Barrire dfonce et bante, amas de tle renverse, roues lair libre, arbustes arrachs sur le passage, saignes bruntres dans la terre mle la neige donnent cette scne atroce une beaut mlancolique parfaitement dplace. Limage dort dans un dossier de gendarmerie, stock avec dautres dans un carton, entass dans un entrept qui en contient des milliers de la mme espce. Aprs la prescription des dlais, lorsque lafflux permanent de nouveaux dossiers, archives, pices convictions obligeront librer de lespace, la bote sera charge sur une palette, puis dpose dans un camion-benne, dont le contenu sera son tour dvers dans un incinrateur, o il finira sa course.
Pendant ce temps, lheure o le photographe de la gendarmerie est en train dappuyer sur le dclencheur, un homme dsempar, dans une pice encombre, Genve, se regarde dans un miroir. Son visage est dfait, marqu de cernes lourds, pas ras depuis au moins trois jours. La chemise a connu des moments meilleurs. Cependant, langoisse qui avait resserr le bleu du regarde autour dun clat sombre, comme les pupilles rtractiles des chats, sest dissipe. Elle a fait place la certitude lasse que donne la reddition aprs une longue bataille, la dtente du soulagement. Et lhomme, qui na plus touch un appareil depuis trois semaines, dcide alors quil va tenter de photographier cet instant dhiver.
Bientt, le printemps sera revenu, et la chaleur des rayons lumineux viendra caresser la peau de son modle, qui il crit la veille une lettre dterminante pour leur avenir tous les deux. Il imagine quil lassira non loin de la fentre, sur un tabouret blanc, do la silhouette accusera la lgre protubrance dun ventre naissant. Avant de retourner vers lappareil, il posera ses deux mains sur les avants bras minces et le bracelet aux deux serpents et les y laissera quelques secondes, ses yeux plongs dans ceux de la jeune femme, comme un adieu avant daller rejoindre lautre rive du regard. Et ce jour-l, il sait quil fera la photo dfinitive, lalpha et lomga de tous les spectacles que le monde lui aura offerts. Il saura forcer la matire, limpermanence, la mort, loubli rendre les armes. Les lumires, subjugues par son geste ultime, esclaves du sortilge mcanique, convergeront sur le visage dune seule, pour crire dans limage une vrit ordinaire voue lui chapper : une fois n, lamour, quelle que soir la destine quon lui rserve, est irrvocable. Agathe Milliand, 1ES3
Julie Carol, lve de 2de 4, a souhait donner une suite cette histoire : Jai eu par la suite envie de faire une continuit votre rcit en me rappropriant vos personnages. Votre histoire ma amene me poser beaucoup de questions. Mon narrateur est Hlne. Je me suis mise sa place. Lundi 26 Dcembre 2048, Japerois la neige travers la fentre de mon appartement. Il fait nuit noire dehors. Selon mon horloge, il est 21h36. La ville dort. Mais moi, je veille. Voil des mois que je me pose une question. Une question qui demeure sans rponse. Je narrive plus dormir. Jai peur des insomnies et des cauchemars prsent. Mme les adultes ny chappent pas... En tout cas, pas moi. Jai toujours pens que lcrire quelque part m aiderait y voir plus clair... Mais je nen ai jamais eu le courage. Cette fois-ci, je suis bien dcide y arriver et aller jusquau bout. Peut -tre que jirais mieux par la suite. Et puis ce sera bientt trop tard pour moi. Jai maintenant quatre-vingts ans. Je me suis marie Stphane, le fils an de Pierre. Il est malheureusement dcd lt dernier. Il ma laisse avec nos deux filles, Fanny et lisa. Elles mont aide remonter la pente mais je nai jamais os leur faire part de mes angoisses. Ce nest pas le rle dune mre. Avec Stphane, nous nous sommes jur de ne jamais reproduire vos erreurs. Nous ne souhaitions pas que nos enfants souffrent comme nous autrefois. Stphane ne vous a jamais pardonns. Moi, si. Ma question pourrait paratre bte mon ge. Pourtant, elle me hante. Pourquoi ?
Vous qui mavez tout cach pendant mon enfance... tait-ce par honte ou pour que je reste votre Hlne ou encore pour ne pas que je nourrisse de lanimosit votre gard ? Ou pour une toute autre raison ? Pourquoi ? Je pense quun enfant a besoin de savoir ses origines pour avoir quelque chose quoi se raccrocher. Moi, je ne savais rien. Je ne men suis pas rendue compte vite. Pour moi, tout tait ralit. Je nai pas pens un seul instant que vous aviez tout falsifi. Et que tout avait t soigneusement effac pour que rien ne parvienne mes yeux. Pourquoi ? Je ne suis pas l pour vous blmer... Ce nest pas dans ce but que je dis cela...De toutes faons, cela ne me servirait rien... Jai dj fait ma vie, enfin une partie de ma vie, sans rien savoir... Je ne veux pas regretter ce que je nai pas eu. Cela ne sert rien pour avancer. Pourquoi ? Je voudrais juste savoir pourquoi. Pourquoi, Papa tu ne mas jamais parl de ma mre ? .Pourquoi je nai pas eu le droit de la revoir alors quelle le souhaitait de toutes ses forces. ? Alors que toi tu te montrais distant avec moi... Tu souffrais certes cause de ma ressemblance Maman, mais moi aussi je souffrais. Je ne sais pas si tu ten rendais compte, mais dans ce cas, permets moi, Papa, de dire que tu nas jamais cess de te drober devant la ralit. Pourquoi ? Sylvia, pourquoi ne rien mavoir racont aprs la mort de mon pre. Ce ntait pas trop tard. Il nest jamais trop tard pour cela... Pourquoi ? Je pourrais remonter loin comme cela. Javais promis de ne pas vous juger mais cest difficile. Ca r vos comportements ont fait la femme que je suis aujourdhui. Je ne peux pas mempcher de penser que jaurais t quelquun dautre. Je naurais peut-tre mme pas exist pour tout dire. Je ne me suis jamais voil la face. Maman maimait. Mais elle aurait prfr avoir un enfant de Pierre plutt quun enfant de toi, Papa. Mais cela nest pas de ta faute. Tu nen es en aucun cas le coupable. Pourquoi ? Papi, Mamie... Pourquoi avoir interdit votre fille la vie quelle souhaitait ? Elle aurait t plus heureuse. Elle ne serait pas morte sous vos yeux. Je ne comprends plus rien. Il y a tellement dinconnu que jen ai peur dsormais. Tout est mystre autour de moi. Comment pourrais -je faire pour llucider toute seule ? Je regarde mon horloge. Il est 01h23. Nous sommes dsormais le 27 Dcembre. Dans quelques jours, nous serons au Nouvel An. Jai prvu de le passer avec mes filles. Je finis la tasse de th ct de moi. Elle ne fume plus. Je lai laisse trop longtemps. Je suis sortie dehors dans le but de me rafrachir. Je ne me suis pas couverte. Une paisse couche de neige sest forme. Les flocons continuent de tomber. Le temps ne sarrte jamais. Il ne vous laisse jamais de rpit. Enfin, cest ce que je croyais. Hlne HIVERT 10/09/1968 27/12/2048 Morte suite une crise cardiaque.
Madame Gestern, Dans le cadre du Festival du Premier Roman de Chambry auquel ma classe participe, jai eu lhonneur de vous lire, avec un engouement certain, par le biais de ce roman pistolaire intitul Eux sur la photo. A la simple vocation du titre, le lecteur est transport dans lunivers subtil de la photographie, qui permet de faire ressurgir des souvenirs jusqualors enfouis durant des annes, mais qui ne les explique pas. Immdiatement, jai t interpele par la forme que vous avez choisie dutiliser, maniant habilement la correspondance entre deux individus travers des lettres, SMS, ou courriels, pour les relier dun endroit un autre de la plante ; pourquoi avez-vous prfr rejoindre certains grands de la littrature -Laclos, Montesquieu, Flaubert, Voltaire et bien dautres- dans le genre pistolaire, que daucuns considrent comme un sous-genre, plutt que de vous orienter vers dautres styles dcriture ? Dans cet ouvrage prenant, vous entremlez le destin de deux adultes, Hlne Hivert et Stphane Crsten, partir dun clich reprsentant une tranche de vie qui leur est commune : celui dun tournoi de tennis amateur Interlaken, pendant lt 1971, auquel Mm e N. Hivert et M. P. Crsten -leurs parents respectifs- ont pris part. En dcouvrant ce personnage fminin dHlne, qui est la recherche dinformations sur sa mre, morte alors quelle avait trois ans, je nai pu mempcher de me demander si elle avait un quelconque rapport avec vous, si cette femme dtermine, avide den savoir plus sur son pass qui lui a longtemps t cach, vous tait directement lie, compte tenu de son prnom. Je formule ma question alors en ces termes : le personnage dHlne Hivert sinspire-t-il de vous, est-ce quil y a des choses qui vous ont t tues, lorsque vous tiez plus jeune, que vous mettez en lumire dans ce livre ? Le dcs prmatur de sa mre traduirait-il un manque damour maternel dans votre vie personnelle ? Ds lors quHlne apprend son origine maternelle russe, nous, lecteurs, sommes en droit de nous interroger sur lintrt port cette culture dans ce livre : Avez-vous une ascendance russe, ou avezvous dj voyag en Russie, pays auquel vous porteriez un attachement incontest ? En effet, la page 25, vous mentionnez une criture russe, au dos dune photographie sur laquelle figure Pierre Crsten, qui aurait pour signification Pour ma renarde ( ). Cette traduction, avre, prend toute son importance car elle ravive les soupons de Stphane sur son pre et sa vie amoureuse. De plus, lallusion la chanson Kalinka, dans la lettre de Sylvia, dpeint juste titre le caractre festif des russes, et ce qui peut apparatre comme un dtail de prime abord a veill
mon intrt, car cest un morceau que jai eu loccasion de jouer dans le cadre de mon apprentissage musical. Par ailleurs, plusieurs reprises, lalbum photo Bretagne 68 , ralis par Pierre Crsten, est voqu, et des descriptions prcises de photographies -en tte de chaque chapitre- donnent la possibilit au lecteur de svader dans des endroits diffrents, mais tous magiques et caractristiques ; je voudrais savoir si ces lieux vous sont chers, et sils sont la trace de quelques moments qui vous appartiennent. Jespre que vous serez mme de me fournir les rponses ces questions qui se bousculent d ans ma tte, et que vous ne serez pas gne suite la lecture de cette lettre et des interrogations qui en dcoulent, lesquelles pourraient faire renatre des blessures ventuelles. Ce roman est trs fort et aborde avec simplicit des thmes parfois durs, tels que la perte dun tre cher, mais aussi rcurrents, comme la passion, ou encore la qute dun pass voil. Ainsi, les deux personnages principaux, Hlne et Stphane, vont connatre un vritable amour, qui grandit au fur et mesure de la lecture et qui, je vous cite, une fois n [] est irrvocable (page 274). La beaut de leur relation est dautant plus grande quelle succde celle de leurs parents respectifs, Natalia et Pierre, car Oui, ctaient eux sur la photo (page 272). Je vous remercie sincrement pour ce chef-duvre, qui, mon sens, conduit le lecteur un retour personnel sur sa famille, et les secrets quelle contient, mme si cela peut saccompagner de dsillusions. Cest un appel la vie, la simplicit que vous nous livrez ici, et dont jai dsormais pris compte. En souhaitant avoir le plaisir de vous relire trs vite, Une lectrice enthousiasme, Margot.
A Madame Hlne Gestern Chre Hlne Gestern, Tout dabord, je me prsente, je mappelle Maxime Bornens, lve de seconde au Lyce de lAlbanais Rumilly. Cest loccasion du Festival du Premier Roman de Chambry auquel nous avons particip grce notre professeur de franais, que jai eu la chance de dcouvrir votre roman : Eux sur la photo. Des quelques romans que jai pu lire de ce festival, cest le vtre que jai prfr. Cette enqute dune vie, raconte uniquement dans un change par lettres, ma captiv du dbut la fin. En effet, cest la lecture de votre uvre que jai dcouvert ce quest un roman pistolaire. Je trouve que cest un trs bon choix de votre part car ces lettres successives donnent un rythme votre roman : on est toujours dans lattente dune rponse. Est-ce pour cette raison que vous avez fait le choix dcrire un roman pistolaire ? Dans un courrier que Stphane envoie Hlne la page 191 de votre roman, vous crivez : Je pense la faon quont les enfants de jouer aux devinettes : froid, tide, tu brles. Chez les grands que nous sommes, ce serait plutt : froid, tide, tu te brles. ; si nous fuyons le pass une nouvelle fois, jai peur de la facture des questions sans rponses ne nous soit prsente un jour ou lautre, et avec intrts. A la lecture de ces mots, jai immdiatement pens que pour ressentir cela, vous aviez vcu une histoire semblable celle que vous racontez. Vous avez choisi votre prnom pour le personnage principal du roman. Est-ce un pur hasard, ou est-ce votre vritable histoire que vous auriez romance? Si ce nest pas votre propre histoire, est-ce une histoire tire de la vie relle, ou est-ce purement de la fiction ? Lorsquon lit votre livre, on dcouvre que vous avez accompli un incroyable travail de prparation afin de construire votre intrigue. Celle-ci se droule particulirement bien puisque le suspens est prsent jusquaux dernires pages. Comment avez-vous procd, de quelle manire avez-vous travaill pour construire ce rcit de vie ? Enfin, jaurais quelques autres questions : -Quest-ce qui vous a incite, pousse crire ce roman ? -Combien de temps vous a pris lcriture de votre roman ? -Est-ce vous ou votre diteur qui avez dcid du titre de votre roman ? -Si ce nest pas vous, aviez-vous pens un autre nom pour votre roman ? -En crivant Eux sur la photo, pensiez-vous tre slectionne parmi les meilleurs premiers romans du Festival de Chambry ? Si vous lisez ces mots, cest que vous avez eu lamabilit de lire cette lettre et je vous en remercie. Je vous souhaite bonne continuation et du succs dans vos prochaines publications. Bien vous. Maxime BORNENS 2de 4 Lyce de lAlbanais 74
Rumilly, le 31 mai 2012 Madame Hlne Gestern, Je mappelle Florian LE MAIRE, et je suis en premire conomique, au lyce de lAlbanais. Notre classe est inscrite au Festival du Premier Roman. Jai lu Comme des larmes sous la pluie, de Vronique BIEFNOT, et Tous les trois de Gal BRUNET. Voil maintenant une semaine que jai fini votre livre. Jai t touch par lhistoire et par le ralisme des personnages qui se dgage de cette intrigue. Jai trouv que lint rigue tait la fois simple et belle. La description dune photographie amorce trs vite et de faon originale lhistoire. De l va natre une relation pistolaire entre Stphane et Hlne. Une question me vient : je remarque que votre prnom est le mme que celui du personnage principal. Dois-je comprendre que ce texte aurait peut- tre une dimension autobiographique ? Au dbut, les deux personnages principaux ne se connaissent pas, mais peu peu, ils se rapprochent, et finissent par tomber amoureux lun de lautre. De mon point du vue, cette volution est habilement construite. Nous pouvons remarquer un cheminement vers une relation de plus en plus intime, par exemple, par lutilisation des formules de politesse. Cela commence par des Chre , puis ensuite Ma chre , ou encore, Bien vous , Bien amicalement , puis Je vous embrasse , et enfin Tendres penses , Je pense vous particulirement ce soir . Le pronom personnel volue aussi. Au dbut du roman, les deux personnes se vouvoient, puis par la suite, se tutoient. Cette histoire crite de faon paisible, calme, ma apport de la srnit. Les clichs des photographies sont dcrits en dtail et avec finesse. Vous analysez de manire mthodique les photos, et cela ma permis de les imaginer prcisment. Vous mavez donn la sensation davoir les photos entre les mains. De mme, le fait que vous dcriviez nettement les vies respectives dHlne et de Stphane, et que vous analysiez leurs sentiments permet de les rendre plus vivants. Jai limpression davoir t transport auprs deux. De plus, le texte est parsem de touches dhumour. Par exemple, lorsque les protagonistes parlent du chat dHlne, Bourbaki ( Bourbaki vous remercie et vous transmet en retour ses amitis. ), ou encore des arbres de Stphane ( Une de mes platanes vient dtre innocent par son empreinte gntique. Je cherche un autre coupable. ). Cela est amusant, et donne une sensation de lgret cette histoire profonde. Jai beaucoup aim le style soign de lcriture, et la sensibilit dans les lettres. Je souhaiterais pouvoir crire comme vous. Emu, je termine ce roman dlicat, et je ne tarderai pas de partager cette dcouverte avec mon entourage. Cordiales salutations Florian LE MAIRE, 1re ES 3, Lyce de lAlbanais
Le jeudi 31 Mai 2012 Rumilly A Hlne Gestern, Je vous cris tout d'abord pour vous dire que votre livre m'a normment plu, touche. C'est un vritable chef d'uvre. Pendant toute lhistoire, je suis reste accroche sans aucun moyen de men dfaire tellement javais envie de savoir la suite. Le secret de famille tait tellement prsent et pesant que javais envie de savoir la vrit. En quelque sorte, je voulais rechercher avec Hlne son pass. Ou laider. Pour moi, un roman doit mler suspens, action, romance, originalit... Dans votre livre, il y avait tout ce que jaime et lcriture tait trs soigne. Et les lettres apportaient quelque chose en plus. Pendant l'aprs-midi o j'ai lu votre roman, j'ai eu l'agrable impression de m'intgrer au rcit. Comme si j'tais puissamment attire l'intrieur. Comme si lhistoire se droulait devant moi. Javais donc trs envie dintervenir lorsque des personnages taient frustrs. Javais envie daider les deux protagonistes chercher. Je trouve que lhistoire est trs belle et que le secret de famille y est bien abord. Cest quelque chose de dur mais dans votre roman, cest aussi tendre. Pleins de questions en ressortent. Ce roman est lhistoire dune femme qui effectue une qute de soi. Comment peut-on se construire aprs une histoire pareille ? Tous les dtails ont leur place. Tout reste dans la limite du rel. Lhistoire nest en rien incohrente. Au dbut du rcit, les deux protagonistes font connaissance et utilisent les formules Madame et Monsieur . Ils ne communiquent que par lettres. Puis, ils apprennent se connatre, senvoient des e-mails et parlent de leurs vies respectives. Ils essayent alors de se voir et deviennent de bons amis. Par la suite, ils se rendront c ompte quils prouvent tous les deux des sentiments et quils sont partags, rciproques. Ds lors, la qute de soi qu'Hlne a entreprise pour connaitre son pass contient beaucoup de risques. A tout moment, elle aurait pu perdre Stphane, avec qui elle dialoguait depuis le dbut de son enqute et de qui elle tait tombe amoureuse. Mais elle ne pouvait plus retourner en arrire. Elle devait aller de lavant et jusquau bout pour enfin tout connatre et ntre plus entrave par des chanes invisibles. Mme au prix de casser le lien quelle entretenait avec Stphane et qui na cess de se renforcer. Ils savent tous deux le risque quils prennent mais ont conscience que leur pass est li. Lors de lhypothse dHlne sur le fait quils seraient demi-frres, Stphane se braque en disant que son pre ne serait pas capable dune telle chose. Mais lautre raison plausible qui le pousserait avoir ce comportement est srement sa peur de perdre Hlne et de ne plus pouvoir nouer une relation avec elle. Vos personnages sont tous intressants, touchants. J'aime beaucoup les relations que vous avez cres entre eux. Leurs histoires respectives sont trs bien penses. Jaime beaucoup le lien entre Pierre et Natacha. Leur histoire damour contrarie est touchante. Jai eu beaucoup de peine pour eux deux et pour Hlne, qui tout a t cach. Jai aussi eu envie de parler aux parents Zabvine qui sacrifiaient le bonheur de leur fille pour parfaire un idal ou par pur gosme.
Michel a t dur avec sa femme mme si lon peut comprendre ses sentiments dans lhistoire. Il peut tre difficile de comprendre pourquoi Pierre repousse la femme quil aime la fin, lorsquelle attend son bb. Sur le coup, jai eu envie de savoir pourquoi Natalia tait morte. Si ctait un su icide ou un malencontreux accident. Je mattendais ce quil y ait une explication mais en y rflchissant bien, cela parat normal tant donn que Natalia ne stait confie personne. Votre personnage principal se nomme Hlne. Il y a-t-il un rapport avec le fait que vous vous nommez galement Hlne ? Est-ce une histoire inspire de la vtre ? Mon passage prfr est celui o on dcouvre la vrit sur lhistoire de Natalia et o lon apprend les liaisons entre elle et Pierre. Leur histoire est plutt simple mais trs attachante et touchante. Javais envie de les aider vaincre leur amour rendu presque impossible par des acteurs extrieurs, les parents de Natalia ainsi que de dire cette dernire de vivre sa vie comme elle le souhaitait. Si ces parents taient morts avant elle, elle aurait srement regrett davoir satisfait leurs volonts en se sacrifiant. Ces parents taient gostes sur ce coup alors que cela concernait toute la vie et le bonheur de leur fille. Si Pierre et Natacha avaient pu se marier, elle ne serait srement pas morte prmaturment. Les passages o des indices sont dissimuls grce la langue russe sont bien penss. Je les ai aussi beaucoup aims. Le journal de Jean nous aide y voir plus clair et le fait quil soit crit en russe le scelle en quelque sorte. Cela a donc anim ma curiosit. Il est le seul crire toute lhistoire du dbut la fin sans ne rien cacher. Il a t plus courageux que les autres mme sil navait pas grand -chose se reprocher par rapport certains autres personnages. Sylvia a, elle aussi, beaucoup aid Hlne bien quelle aurait pu lui livrer la vrit bien plus tt. Dans ce roman, on peut comprendre aussi quil est difficile d'chapper ses origines car Hlne est constamment ramene sa mre : elle souhaite apprendre le russe, a donn un nom russe son chat et elle est passionne par la photographie. Elle remonte tout au long du roman dj sans le savoir sur des traces impeccablement effaces. J'aime beaucoup la photographie. Pour moi, elle est la marque dune prsence, dun passage qui peut tre aussi bien long que bref. Elles sont donc trs prcieuses. On ne peut jamais en manquer ! A chaque image mentionne dans le roman, j'avais l'impression d'avoir les clichs devant moi, sous mes yeux. Je pouvais me reprsenter la scne tellement les dtails que vous avez choisis de conserver sont denses. Lide de faire ce roman avec des nouvelles photos chaque chapitre donne quelque chose en plus au rcit. On attend donc toujours un nouveau clich pour dcouvrir petit petit la vrit. Dans ce roman, la photographie est le commencement mais aussi le point de dpart de la rencontre dHlne avec son pass, ainsi que Stphane. Cest donc un trs beau rle quelle tient ici. Chaque clich a son importance et son rapport lhistoire. Ils sont de prcieux indices pour Hlne ainsi que pour Stphane. Ils deviennent des atouts. Pourquoi avoir choisi de faire avancer votre roman laide dimages ? Je souhaite donc que vous obteniez le prix du premier roman de Ch ambry ainsi quune bonne chance pour la suite si vous avez lintention de nouveau dcrire des livres et vous lancer dans une carrire dcrivaine. Julie CAROL-FRAYER 2nde 4
Nous avons principalement eu envie de lire ce livre grce au rsum qui en dit peu et qui s'avre tre curieux. Nous n'avons pas t dus puisque malgr le dbut de l'ouvrage certes quelque peu imprcis et vague, on comprend rapidement que l'hrone, Desdmona, surnomme Mona, envoie des lettres postales sa mre partie quelque mois dj en voyage d'affaires, quelque part en Asie. Nous pouvons d'ailleurs nous placer du point de vue de sa mre, puisque nous lisons ces lettres, ce que je trouve trs intressant puisque peu de livres sont crits comme cela. Desdmona a 18 ans. Elle vit avec son pre, Antoine, et son petit frre, Jules, de 8 ans. Antoine et Desdmona font de fausses lettres pour rassurer Jules en disant par exemple que leur mre leur rapportera un lphant. Ils enchanent donc les 400 coups en mettant de la paille dans le salon, faisant monter le chauffage et volant un chat pour les souris, qui, bien entendu, feraient peur l'lphant. Jules fait preuve d'une grande maturit principalement dans l'extrait cit plus bas, puisqu'il dit qu'ils avaient bien ri avec cette histoire. Le livre a beaucoup d'humour mais la fin est trs bouleversante. Durant beaucoup de chapitres, Desdmona rptait que son pre tait sr que sa mre avait trouv un autre homme. Son patron avait affirm que son voyage d'affaires se terminerait dbut janvier. Pourtant, au jour J, ils reurent une lettre... Peut-tre pour dtendre latmosphre et srement parce qu'il n'en pouvait plus de ce paysage dsolant qu'tait devenue la pice, Antoine s'est subitement lev pour balancer l'arbre par dessus le balcon. Et l, feignant de constater un truc incroyable, il nous a invits nous pencher avec lui au-dessus de la rambarde. De grosses traces de pattes carres s'acheminaient jusqu'au-dessus de nous et faisant trs distinctement demi-tour pour disparatre en une longue ligne de fuite au bout de la rue. L'lphant Jules ! Il n'a pas trouv comment monter, il a d repartir. Mince, alors ! Un silence prolong nous a tous les deux mis mal l'aise. Jules, qui d'abord fait semblant de ne pas entendre, se fourrait les doigts avec application dans les trous de la rambarde. Puis, regardant dans le vide, il a prononc ceci en guise de consolation : C'est pas trs grave, papa, on aura bien rigol avec cette histoire. Je crois qu'on peut jeter la paille maintenant. J'avais envie de pleurer. Je voyais bien qu'Antoine aussi, mais la rue tait tellement silencieuse qu'on aurait entendu le moindre de nos petits sanglots. Seul Jules, petit trait d'union entre nous deux, gardait la tte haute et continuait de regarder ces carrs grossiers imprims dans la neige. Depuis quand nous menait-il en bateau ? Depuis quand croyait-il quelque chose de bien pire que le mort du pre Nol ?
Dsdmona surnomme Mona est une adolescente de 18 ans. Avec son jeune frre Jules et son pre Antoine, ils attendent tous trois le retour de leur mre et pouse qui est partie sans laisser de traces quelque temps plus tt. Mona raconte dans un journal intime, les attentes et aventures qui se produisent en son absence. Le titre Comme elle vient dsigne la chanson qucrit Mona en hommage sa mre dfunte, elle la lui chante, comme celle-ci lui vient dans son esprit, en guise dadieu. Les pages que jai slectionnes sont les dernires du roman. Salon des pas perdus. Nouvelle anne. Comme une poussire de mtorite gare, tu as fini par arriver. On a sonn, ce matin. Trois longs coups. Rythme cod. Quand on a ouvert, il ny avait plus personne. Juste un petit coffret dor avec une lettre ses cots, poss tous deux sur le paillasson. Dception magistrale et poussires dtoile. Morte, incinre, puis rapatrie par magie. La lettre disait ceci : tu avais t trs malade, dune maladie dont tu avais oubli le nom de Tropiques sur des sommets dserts et enneigs. Depuis longtemps, tu le savais et eux, au Npal, tavaient aide mourir dans la srnit, loin dune civilisation qui agonise rien que dy songer un seul instant. Elisabeth aussi savait, sans doute. Maintenant quon allait lui annoncer, ce serait la seule ne pas pleurer. Rien que pour nous montrer quelle avait su, quelle tait soulage que ce ft enfin fini. En nous penchant par la fentre, Antoine et moi avons aperu un type au crne ras avec une grande toge orange sortir lestement de limmeuble puis sengouffrer dans une voitu re noire aux vitres teintes. Un moine bouddhiste ai-je murmur intrigu en me tournant vers Antoine. Un ahuri dHare Krishna, je dirais plutt Cest quoi, cette mauvaise blague ? Personne nest pourtant venu sonner une seconde fois, ni pour nous soulager, ni pour nous faire rire. Personne pour nous accorder la grce de la ralit reprenant ses droits de seigneur outrag. Le temps stait arrt depuis si longtemps la porte de limmeuble quon en avait oubli ses ravages sur le reste du monde. Une seconde, et pour la premire fois de ton absence dsormais dfinitive, jai tent de te tlphoner. Je suis alors tombe sur ton rpondeur, ta voix ternellement jeune promettant que tu rappellerais ds que possible et minvitant laisser un message. Alors, jai aussi appel Colline Amontour. Juste pour voir si ctait vrai que la voix tait ce quon oubliait en dernier. Son rpondeur a lui aussi dcroch, jurant mort quelle ne laisserait tomber personne et surtout pas ceux qui lui tlphonaient. Sirnes de la ralit. Faut-il se boucher les oreilles ou sattacher au mt ?
Plus personne ne bouge dsormais dans ce salon dvast. Comme aprs un grand concert en plein air qui sinscrirait dans lhistoire de lHumanit. Un lendemain dpope. Le dernier gong semble avoir sonn. Une sorte de Pompi mentale. Antoine est-il extnu ou bien soulag la fin dune poque , avait-il laiss chapper un soir Et Jules ? Sans doute est-il dsormais amput de son innocente imagination. Cest pas grave papa. On se sera bien amus avec cette histoire dlphant. , Aurait-il pu rpter, comme il lavait fait la veille sur le balcon. Mais il ne dit rien, se contente de triturer du bout des doigts un tout petit animal en plastique gris, un peu la manire dun aveug le prfrant caresser doucement les contours des choses avant de les dfinir. Loin de nous ta souffrance. Si llphant a disparu, cest parce quil refusait de la traner jusquici. Loin de nous ta mort. Ne compte pas sur nous pour limaginer, ne serait -ce quun seul instant. Si seulement on pouvait enfouir ce coffret quelque part, ou disperser tes cendres sur la neige mais tandis que je pense au sapin qui agonise sur un bout de trottoir enneig, un tapis daiguille jaunes son pied, une chanson simpose Au ralenti ; Comme elle vient, je lcris. Le bras lev et lindex tendu, je la crie. Et les fantmes peuvent danser dans mon dos je ne me retournerai pas pour eux. Quils se contentent de ramasser les petits nuages sems sur mon chemin. Cest bien connu : il ny a que les adieux invraisemblables et autoritaires qui demeurent tolrables. pages 169-171 Agathe BRIQUE, 2de 4
Chre Raphalle Riol, Aujourdhui, je tiens vous crire une lettre suite une surprenante lecture, celle de votre livre que j'ai lu car avec ma classe, nous participons au Festival du Premier Roman de Chambry. J'ai t agrablement surprise par le sujet du rcit qui, il faut le dire, est trs original. Au tout dbut de l'histoire, nous savons peu de dtails et peu de la vie de cette famille mais au fur et mesure, nous en apprenons davantage et dcouvrons d'autres personnages tels que Marine, l'amie de Desdemona ou encore Perceval qui aussi est un ami de Mona. Nous savons juste que la mre de Mona et Jules est partie sans laisser d'adresse et de numro pour la joindre. Est-ce que cette histoire a t vcue par vous ou votre entourage ? De plus, j'ai beaucoup aim les rfrences musicales que j'ai bien sr pris le temps d'couter et que j'ai rellement apprcies car j'aime beaucoup la musique. Moi-mme, j'ai eu la chance de prendre des cours de guitare ce qui fait que je me retrouve un peu dans la peau de Desdemona, passionne de musique. De plus, le nom de cette jeune fille est trs particulier. Comment vous est venu ce nom? Connaissiez vous Desdemona de John's Children avant l'criture de ce roman? A la fin, je ne m'attendais pas du tout un dnouement si triste, et j'attendais le retour de la mre avec impatience mais ce ne fut pas le cas. Malgr une fin dramatique, il y a tout de mme de bons moments passs pour cette famille, comme par exemple avec l'lphant que Jules, 6 ans tait prt accueillir. Cette histoire d'lphant n'est videmment qu'un mensonge d'Antoine pour plus ou moins faire croire un retour certain de leur maman. L'appartement a mme t tout transform pour cet animal, ce qui est insens mais qui donne de l'espoir ce petit Jules que maman reviendra bientt dAsie avec ce cadeau l invent de toutes pices par son pre. Cette histoire est trs bien crite et peut donner l'envie de lire pour certains lves comme moi. Avez- vous toujours eu une passion pour l'criture ? J'espre sincrement que vous remporterez ce prix car pour moi c'est vraiment le livre du Festival du Premier Roman ! J'espre que ces questions ne sont pas trop personnelles et que vous pourrez mapporter quelques rponses. Cordialement, Clara Zimbelli, lve de seconde 4 au Lyce de l'Albanais.
Bonjour, Jai lu avec beaucoup dattention votre premier roman, Comme elle vient. Je lai apprci, et par cette lettre, jaimerais vous faire part de mes sentiments quant votre uvre, et dans un second temps, je vous exposerai quelques points dobscurit qui ont veill ma curiosit. Tout dabord, votre roman ma touche par son intrigue. Les personnages sont attachants, et, en les faisant voluer dans un contexte particulier, vous avez russi plonger le lecteur au cur du roman, dans un salon aux multiples attributs, dans lesprit dun Jules obnubil par un lphant, dans le cur dune Desdmona qui se pose des questions, et dans les yeux myopes dAntoine, un artiste dboussol. Cette alchimie entre plusieurs caractres diffrents confre une touche dhumour votre livre, grce aux dialogues qui dvient dans le domaine de limaginaire quand le sujet de llphant e st abord, et qui finissent par plonger les personnages dans une folie lente et douce. Jai moi aussi fini par croire cette promesse inimaginable, croire que cette mre partie en Asie pour prendre des vacances personnelles allait revenir dans sa famille avec un lphant pour son fils naf. Malgr sa singularit, on sidentifie Desdmona (ou Mona, le lecteur comprend quelle napprcie pas tellement son prnom, tir dune chanson plutt spciale, comme lui apprend son professeur danglais ) car on vit labsence de sa mre travers les lignes quelle crit. Jai eu limpression de vivre dans la peau de Mona, de ressentir les mmes motions quelle, de jouer de la guitare avec Perceval, Marine et Hicham, de rencontrer Roberto etc. Votre roman ma aussi intresse dans la mesure o il conjugue de multiples sujets. On retrouve dabord celui de la famille, avec Antoine, Desdmona, et Jules, qui vivent et interagissent dans cet appartement parisien. On peroit galement un pre un peu dmuni face aux vnements, qui essaye tant bien que mal de combler labsence de sa femme. Ensuite, le thme de lattente est aussi prsent. Les personnages sont en situation dabsence presque totale dinformation quant leur mre/femme partie en Asie. Les deux seules lettres quils reoivent nattisent pas cette ignorance insupportable, bien au contraire. La musique, lart (avec les photos dAntoine), lamiti, lamour, la philosophie (grce aux interrogations, rflexions et affirmations de Mona sur la vie) et la mort (lenterrement dune lve, et la mre dont on apprend le tragique sort la fin ) sont sentis en filigrane du roman, ce qui lui apporte une once de qualit supplmentaire. Cependant, quelques dtails auraient besoin dtre claircis, selon moi. Premirement, le titre du roman. Vous la-t-on impos ? Qui dsigne le elle dans Comme elle vient ? La mre partie en Asie, Desdmona, ou plus simplement la vie ? Cet intitul annonce une histoire dj crite, qui parat tre vidente pour le lecteur. Pourtant, la chute du roman est difficile deviner, cest pourquoi je trouve que ce titre contraste un peu avec votre intrigue intelligemment construite. Ensuite, un autre lment ma interpell. Pourquoi Mona appelle -t-elle son pre Antoine , et non pas Papa ? Il ma sembl que ctait peu courant chez les jeunes de cet ge dappeler son pre par son prnom. Cette appellation fait parvenir lide dun certain foss entre les deux personnages, alors que paradoxalement, ils sont plutt proches. Cest dautant plus paradoxal dans la mesure o Mona appelle sa mre Maman , alors quelle est plus loigne delle que de son pre. Enfin, une question qui concerne les citations prsentes au dbut de chaque chapitre. Ce sont des paroles de chansons, plus prcisment de rock. Ont-elles un rapport avec votre got pour la musique,
ou servent-elles annoncer le contenu du chapitre qui va suivre ? En fonction de quel paramtre les avez-vous choisies ? Elles restent pour moi mystrieuses, mme si je trouve cette initiative originale. Votre roman est, travers cette aventure, une rflexion plus large sur le manque dun parent, sur la vision dune adolescente en proie un incident singulier. Je lai trouv ambitieux, car vous avez tent une fin triste, ce qui aurait pu dcevoir le lecteur, mais grce votre faon de nous immerger dans lhistoire, le roman est russi. Je le recommanderai aux lecteurs qui cherchent un roman pour se distraire, tout en conservant lesprit un thme grave de la vie. Je vous prie dagrer mes meilleures salutations. Agathe Milliand, 1ES3
Rumilly, le 31/05/12
Si Mona existait, jaurais aim lui parler, jaurais des questions lui poser. Mais cela est impossible puisque cest par vous que sa vie a t orchestre. Alors, aprs avoir lu ce superbe roman, je me permets de vous adresser cette lettre afin de vous faire part des sentiments et des interrogations que ce rcit a provoqus en moi. Cette histoire drle et bouleversante qui ma valu autant de rires que de larmes nen est pas moins surprenante. On se laisse tonner dentre de jeu par le prnom pour le moins atypique de lhrone, Desdmona, ces neuf lettres ridicules dclare-t-elle. Est-ce un hasard si la jeune femme se rapproche troitement de Perceval ? Percevif , un garon qui, en somme lui ressemble. prnom original, personnalit marginale. Ce dernier fait preuve danticonformisme et dune mentalit critique de notre socit comme la fait Alain Monnier dans sa nouvelle LOrganigramme . Vous- par la voix de Perceval- voquez sous la forme dune mtaphore reprsentant des ballons pour enfants, lhypocrisie et la superficialit du monde du travail. Sans manquer dhumilit, Perceval fait savoir que la vraie valeur des choses nest pas dans leur fabrication orchestre , que lintelligence, la vraie semble aujourdhui nous chapper, et jai trouv cet extrait tellement proche de la ralit Un paragraphe en apparence anodin gliss dans un simple portrait, mais qui donne rflchir. Plus le temps passe, plus je mattache aux diffrents personnages et notamment Antoine, le pre de Mona. Tandis que celle-ci quitte peu peu ladolescence ; lui, y retombe. Acheter ses disques favoris qui lui rappellent sa vritable jeunesse- senivrer, fumer des joints , faire de nouvelles conqutes ; ce cinquantenaire accumule plus de lubies dadolescent que sa propre fille. Il demeure tout de mme quelque peu mystrieux et fait preuve dun comportement plutt paradoxal envers ses enfants. Il lche parfois des propos abrupts ces derniers, par exemple quant au fait que ses enfants ne sont pas assez autonomes son got. Et dajouter que lui aussi soffrira des vacances personnelles lorsque sa femme reviendra. Plus dur encore, lorsquil annonce sur un ton trs abrupt Jules, bambin de seulement 6 ans, que le pre Nol nexiste pas, ou, que llphant quil croyait tre sur le point dadopter (qui plus est daprs un mensonge en guise dchappatoire dAntoine) na jamais exist. Nanmoins, ce pre sait se montrer inventif pour impressionner Jules ou Mona. Aprs avoir fait croire lane lorsquelle tait plus jeune quil allait braquer une boulangerie pour elle, et lui acheter en ralit une quantit astronomique de ptisseries et sucreries, il nhsite pas rcidiver en volant un chat au cirque pour son fils. Ces exploits nous rvlent la part de folie sympathique dAntoine en mme temps quils nous prouvent lamour quil a malgr tout pour ses enfants. Somme toute, les relations entre le pre et la fille sont assez tonnantes. Leur attitude est au moins aussi distante que chaleureuse. Leurs moments de complicit contrastent avec le fait que Mona appelle son pre Antoine et non pas papa alors quelle appelle bel et bien sa mre maman . Au dbut de lhistoire, il nous est dit que Desdmona porte ce nom en hommage la pice de Shakespeare, mais on apprend plus tard que cest en fait un prnom choisi par son pre, en rfrence une chanson des annes soixante de Johns Children. Chanson dont les paroles sont peu flatteuses ce qui enlve une part de charme Antoine et fait ressortir lun de ses dfauts : lgosme. Cet artiste photographe la dit lui-mme : Le meilleur des crateurs, cest un goste . On entre alors dans un thme qui, lair de rien, est trs prsent au fil des pages : lart. Lart qui, pour Antoine se traduit par une myopie volontaire comme il lest souvent rappel. Cet attachement ne prendre en photo que des grains de beaut. Refusant de voir ce quil y a plus loin, plus loin que le bout de son nez comme le dit ladage populaire. Est-ce un reflet de plus de son gosme ? Ces soleils noirs sont-ils le seul rai de lumire qui claire ses journes sombres depuis le dpart prcipit de sa femme ? Comment aurait
volu lhistoire si Antoine ntait pas photographe et que celui-ci et sa fille ntaient pas pass ionns par la musique ? Passion, qui dailleurs, soulignons-le, est presque contagieuse car se plonger dans cette lecture, tout en coutant la chanson dont un extrait ouvre chaque chapitre est un rgal. Je nai pas pu mempcher de me demander tout au long de ma lecture do vous tait venue cette ide de roman. Si le rel ntait pas tranger lhistoire de cette jeune fille qui ma mue, ou si linspiration vous tait venue sans aide extrieure ? De mme que pour cette jolie couverture : qui la choisie et pourquoi ? Que reprsente-t-elle ? Pourquoi avoir fait le choix de ne pas voir les personnages, ou du moins, leur visage ? En dfinitive, vous avez su parsemer au fil des mots, au gr des chapitres et dinnombrables citations marquantes, une pince dexistence o nous nous retrouvons. Reste galement une incertitude, une interrogation concernant le titre de cet ouvrage. Comme elle vient . Comme vient la mre ? Comme vient la vie ? Quoi quil en soit, Comme elle vient, comme on peut, cest cruel et sans fard . Vous reconnatrez peut-tre l, ou non, les paroles de Noir Dsir, appartenant la chanson du mme nom que votre premier roman. Mais, soyons-en srs, venant dun groupe de rock des annes soixante-dix, Mona a dj entendu ces paroles. Bien vous Lisa Marin-Lamellet, Elve de 1re ES3
Ce livre a t crit par Chabname Zariab ne en 1982 qui a quitt l'Afghanistan l'ge de 8 ans avec sa mre et sa sur aine. Elle a grandi dans une famille trs littraire et a fait des tudes de droit, puis des tudes pour tre agent immobilier. C'est une grande cinphile, elle a crit un long-mtrage et a t nomme laurate d'Ile de France au Festival de Cannes 2008. Le Pianiste Afghan est son premier roman. Elle vit aujourd'hui Paris, et partage son temps entre le cinma et la littrature. L'auteur dcrit sa propre vie d'une manire simple mais avec tant d'motion qu'on croirait tre sa place. Aucune critique n'est faire mise part une fin un peu brve. Ce livre nous dmontre les misres de la guerre, tout ce que peut endurer une famille pendant un conflit et les rpercussions qu'il peut avoir sur la vie future de cette famille. Chabname Zariab cherche alerter le lecteur pour qu'il prenne conscience de l'injustice qu'il y avait ce moment l : comment une famille arrive tout perdre en quelques instants ? Voil la question qu'on se pose au dbut du roman. La romancire parvient d'une manire originale nous parler de son histoire, de sa vie travers cette jeune hrone sans pour autant tomber dans une expression trop enfantine. Par contre, la fin on comprend que c'est plus une voix d'enfant qui parle mais une voix de jeune femme en proie aux doutes et la rvolte. Ce roman est mouvant puisqu'il nous rvle que malgr les pnuries que cette guerre provoque, une mre dniche toujours une trouvaille pour divertir ses enfants : soit des films, des dessins anims ou autres. Une mre fera tout pour ses enfants mme si elle doit endurer des difficults : Kaboul gmit sous les explosions. Maman nous cloue, ma sur et moi, devant la tlvision en haussant le son. Les coles sont fermes. La guerre a provoqu des pnuries de toute sorte. La foule s'amasse devant piceries et boulangeries. Il n'y a rien dans les magasins et pourtant, je ne sais comment, maman nous dniche plein de films et de dessins anims. Pour dtourner notre attention, elle nous fait nous vader de pays en pays. Nous courons derrire Tintin au Congo. Le lendemain, nous chevauchons des lamas au Prou. Des journes entires, j'endure les caprices et les gammes de la Castafiore. Il y a des jours o nous allons dix fois sur l'Ile aux trsors et quinze fois dans les Cits d'or. p.8 Chabname Zariab insiste sur le fait que notre terre d'origine, on l'aimera toujours malgr ce qu'elle nous fait subir. Ce livre reprsente bien la vie d'une jeune fille (comme nous). Il met surtout en vidence le drame que cause la guerre ; le changement de relation d'un pre et une fille. Ils sont plus
distants l'un de l'autre car il ne l'a pas vue grandir et ils taient loin l'un de l'autre : Combien de temps s'est-il pass ? Combien de lettres avons-nous changes ? Papa a finalement pu nous rejoindre. Quelque chose semble avoir chang entre nous, mais je ne sais pas trop quoi. C'est peut-tre parce qu'il ne m'a pas vue grandir ? La petite fille qu'il a connue est devenue une adolescente maintenant. Depuis qu'il est ici, il se comporte comme un lion en cage. Il se fait autant de mal qu' nous. J'essaie pourtant de le comprendre. Nous essayons toutes de le comprendre. Que peut faire un homme comme lui, diplm en Angleterre, qui se retrouve au fin fond d'une ville comme Montpellier, ne sachant pas dire ni comprendre un mot dans cette nouvelle langue ? p.89 Puis, elle a perdu tous ses amis car elle a peur de tout et cause de cela, elle n'arrive plus faire confiance quelqu'un. Le Pianiste afghan retrace le parcours difiant d'une enfant, exile et jamais trangre (en France). Elle devra toujours prouver son intgration et justifier ses origines. Le Pianiste afghan est l'amour de jeunesse de la jeune fille qui dure tout au long du livre, ce qui veut dire tout le long de sa vie, de sa plus tendre enfance son adolescence malgr les difficults rencontres. Extraits : Au lyce, je ne me sens pas tout fait comme les autres, mais je ne trouve pas non plus ma diffrence. Cela me perturbe. Je voudrais tant tre la place des toutes ces filles qui m'entourent ! Tout devient un obstacle pour moi. Je viens de rencontrer un garon. Fabien. Il est grand, blond aux yeux bleus. Beau. Il est dans mon lyce. Lorsqu'il est venu dire bonjour une de mes amies, je suis reste scotche sur place. Mme si le fantasme de Milad me poursuit, j'ai discrtement parl de cette attirance son gard la copine en question. Elle m'a arrang un rendez-vous. J'tais hyper contente ! J'ai mis trois bonnes heures me prparer. Aucune tenue n'tait assez bien. J'ai finalement enfil un jean et un petit haut noir. page.93 Plus ouverte, maman nous autorise ce que mon pre ne souhaite pas entendre. page.102 Dsormais sans Fabien, sans Guillaume et sans Coraline, mes journes se rsument aux trajets entre l'cole et la maison. Mon isolement me fait voyager en Afghanistan et me fait sombrer dans la nostalgie des annes passes. Milad, qui j'ai longtemps pens et que je commenais oublier, rapparat comme une vidence. Il est encore l, grav dans ma tte et dans mon cur comme cette cicatrice qui lui a fendu l'extrmit de son sourcil droit et qui a marqu son visage d'ange jamais. Je crois que je le cherche partout, dans chaque garon que je frquente. Je les compare lui. Mais comment puis-je les comparer un enfant... ? Tout est compliqu. Je ne peux le retrouver dans personne. Depuis ces quelques expriences amres, je suis souvent mchante avec les garons. Je les mets l'preuve. Certains rsistent. D'autres abandonnent. Aucun ne me comprend. Je ne me comprends pas non plus... et je passe ct de beaucoup de choses. page.117 Je tourne la tte. Enfin je comprends. Mes rves se brisent. Mon amour est mort. J'ai l'impression d'entendre mes os claquer. Ma tte se met tourner. La photo aussi. C'est celle de Milad. Je la regarde. Je cherche un signe au milieu de son turban noir, de sa barbe noire, de ses yeux noirs : le ntre. Je retrouve ce trait en biais sur le ct droit de son visage qui lui fend le sourcil. Mon trait moi. Notre cicatrice. Je regarde ses doigts longs et fins figs sur la kalachnikov. Je songe ses doigts d'enfant qui papillonnaient de touche en touche sur le magnifique clavier du grand piano noir de notre classe. Je me souviens de l'merveillement d'Olga qui voyait en lui un grand pianiste. J'entends les mlodies cres par ses petites mains. L'cho des gmissements de Sim djan rsonne dans la pice, dans le village, dans la ville, dans tout le pays. Peut-tre l'entend-on mme dans tout le monde et dans tout l'univers ? Le mien aussi. La France est loin, si loin ? L'Afghanistan m'chappe. Paris 2009 page.205 Justine POTTOZ, 1 ES3
Le Pianiste Afghan est une uvre touchante et attachante qui retrace la vie de lauteur, dabord en Afghanistan, sous la menace permanente et les bomb es, puis en France, dans une atmosphre de sret mais avec une certaine nostalgie de son pays dorigine. Ce rcit autobiographique peut aussi nous donner des prcisions sur lhistoire de lAfghanistan, et en particulier sur ce que ressentent les civils et les habitants de Kaboul. Le dbut de la deuxime partie de ce roman est cependant un peu trop long, on pourrait sennuyer En effet, lauteur raconte son retour en Afghanistan, lorsquelle ne veut pas sortir de chez elle, pour ne pas voir le dsastre et les ruines que la guerre a laisss sur son passage. Ce passage est en fait long pour ce quil dit. Mis part lorsque lon dcouvre ses plans pour retrouver Milad, le pianiste quelle convoite de puis toute petite, mais aussi son ami, il ny a rien de trs intressant. Cependant, on ne se perd pas dans le roman pour autant. La suite du roman nous fait part de rebondissements qui nous raccrochent totalement luvre et nous donnent lenvie den achever la lecture. De plus, il nous prsente une fin surprenante qui donne un plus au rcit et qui nous fait ressentir encore plus de compassion par rapport lhistoire vcue par Chabname Zariab. Dans cette uvre, nous pourrons aussi commenter la manire dont lauteur a men ses descriptions. Ainsi, ces dernires sont trs prcises mais aussi, trs pertinentes malgr la banalit des choses sur lesquelles elle sattarde. On pourrait galement remarquer que par la prcision de ses descriptions, son roman autobiographique est trs russi car cela nous permet de nous donner une image plutt nette de ce quelle a vcu. Ensuite, nous pourrons mettre en valeur le ct humoristique de ce roman car malgr la terrible histoire que lauteur raconte, il y a parfois des passages qui peuvent nous interpeler et nous faire sourire. Par exemple, ses moments de navet denfant, les moments o elle remarque des choses qui pourraient nous paratre banales comme lorsquelle fait une explication de la langue franaise et de ses particularits, ou encore les moments o elle fait ressortir son ct petite fille . Enfin, ces touches dhumour rendent la lecture intressante et surtout vitent une lassitude du lecteur car au dpart, il faut le prciser, cest une histoire banale, que tous les Afghans qui ont connue la guerre et qui se sont ensuite enfuis dans un autre pays, pourraient raconter. Cependant, Chabname Zariab a su faire de cette histoire, une histoire presque hors-du-commun. Enfin, nous ne pouvons pas terminer cet article sans parler de Milad, le pianiste afghan car cest lui qui influence, indirectement, les dcisions que prend lauteur et cest surtout aussi pour lui, quelle dcide son retour sa terre natale, lAfghanistan. Lauteur vit pour Milad, des pripties intrigantes, qui donneront de laction au roman et qui feront natre un grand suspens dans le milieu de la deuxime partie du livre. Ce roman est adress tous publics car il est facile lire et il donne des prcisions intressantes que tout le monde peut comprendre. De plus, lhistoire de lauteur nest pas non plus trs complique, les descriptions faites sont prenantes et la plupart du temps, nous font rflchir. Aussi, on peut faire un parallle avec lAfghanistan daujourdhui, toujours en temps de guerre et se demander si les habitants ne ressentent pas les mmes sentiments ressentis par lauteur des annes avant ? Si leur mode de vie est gal ou totalement diffrent ? Et enfin si les sujets de conversations, pour les parents de lauteur en particulier, sont similaires ceux daujourdhui ? Bien entendu, nous naurons jamais de rponses prcises mais cela peut tout de mme nous clairer. Je ne vois pas les jours et les semaines dfiler. Chaque jour, japprends davantage. Plus javance en franais, moins je me souviens du persan. Le franais est une langue assez bizarre mon sens. Il y a des mots hommes et des mots femmes. Parfois, jimagine quil y a des annes, les mots taient l, tranquilles, sans tre un homme ou une femme, et quun grand monsieur a d prendre un papier et un crayon pour faire une longue liste : dans une colonne, il a mis les mots hommes, et dans une autre les mots femmes. Et tout a sans rien expliquer personne ! Ca lui a pris comme a dcrire que le mur est un homme, et que la chaise est une femme. Il ne se rendait certainement pas compte des complications quil allait crer dans la vie de tout le monde et surtout dans la mienne ! et avec les accords, les adjectifs, les participes passs et tout ce qui sensuit ! Il y a aussi les lettres qui scrivent et qui ne se lisent pas. Franchement, je ne vois pas dintrt tout ce fatras Jen veux beaucoup ce monsieur. Cest cause de lui que je rate mes dictes chaque fois ! Je ne le dis pas la matresse. Je ne partage ces rflexions quavec ma sur. Un jour, je lui explique : Je trouve que les mots fminins ont souvent rapport avec les femmes et les mots masculins avec les hommes.
Elle me demande : Pourquoi tu dis a ? Je lui rponds, avec des exemples lappui : La cuisine, le salon. La cuisine parce que les femmes y font manger, et le salon parce que les hommes sy assoient pour boire le th. Mais il y a aussi la marmite, la cuillre, la fourchette, la nappe, la serviette que les femmes lavent. Ma sur, peu convaincue, me regarde et me rtorque : Et tu crois que le bol, le plat, le verre ou le couteau, ce sont les hommes qui les lavent ? Confuse, je la regarde bouche be. Elle a raison. Ma thorie ne tient plus la route. Mais je mentte : Mais tu es daccord que ce monsieur a quand mme fait pas mal de favoritisme ; il a transform les choses fortes en hommes : le fusil, le sabre, le couteau, le revolver, le bazooka Et les choses rapides sont aussi des hommes : le train, lavion, le bateau Alors que la bicyclette, la charrette ou la calche, qui sont des femmes, sont quand mme moins rapides ! Ma sur ne mcoute plus vraiment, mais je mobstine : Mme la lune et le soleil nont pas chapp au favoritisme de ce monsieur : le soleil est un homme, et la lune est une femme. Le soleil, sil veut, il peut brler le monde entier. Et la lune, quest-ce quelle peut faire, elle ? Le soleil est l toute la journe. Tout le monde le voit. On est mme ravi quand il brille. La pauvre lune, elle ne peut sortir que la nuit, au moment o tout le monde dort. Personne ne la remarque. Elle va et vient pour rien ! Dj je dtestais les histoires dhomme et de femme ! Maman et papa se disputaient souvent ce propos. Quand papa demandait quelque chose qui ne plaisait pas maman, elle lui rpondait quil lui demandait a parce quelle tait une femme. Ce genre dargument avait le don de mettre papa en rogne. Heureusement que la lune et le soleil ne peuvent pas parler ! Sinon la lune protesterait en disant quon ne la laisse sortir que la nuit parce que cest une femme ; le soleil son tour se mettrait crier, et du coup toutes les chaises, les casseroles et les marmites protesteraient aussi, et voil les fusils qui entrent en guerre, Pan pan ! , les sabres, chaq chaq ! et les couteaux, paf paf ! . Ma sur hausse les paules et me lance : Tu sais, peut tre que si ctait une dame qui avait fait cette liste, elle aurait mis la soleil et le lune. De toute manire, le rsultat serait le mme ! Oui, mais tout de mme, ce monsieur manquait de gentillesse avec les filles ! La mouche est une fille et le papillon est un homme. Tout le monde craint la pauvre mouche alors que le papillon, tout le monde laime ! Ma sur commence montrer quelques signes de fatigue. Je tente encore de la convaincre : Mais tu es bien daccord que le livre, le papier, le journal, le cahier ou le stylo sont des garons et que la serpillire, la bassine, la raclette, la lavette sont des femmes ? Sre delle, ma sur essaie daller dans mon sens : Tout a ne veut rien dire. Cest quand mme bien dtre une fille. Sil ny avait pas la lecture ou lcriture qui sont des filles -, quoi serviraient tous ces livres, papiers ou stylos ? Et a na pas dimportance que le soleil soit un homme ou la lune une femme, parce que la lumire est une femme ! Sil ny avait pas la lumire, le soleil ne servirait rien ! Le savoir et la sagesse de ma sur me laissent stupfaite. Dans la foule, elle conclut que cest mme mieux dtre une fille : Une fille devient une femme. Imagine si les femmes dcidaient de ne plus faire denfants ? Do sortiraient les hommes ? Ces paroles me plaisent normment. Je change de position sur ma chaise. Je bombe le torse. Je ne tiens plus en place. Je me sens tellement grande ! Jai chaud. Mon cur bat vite. Je suis la lumire, je suis la lecture, je suis la fille, la femme qui cre le monde. Je suis presse, et je voudrais crer ce monde tout de suite. Jai envie de crier de joie. Je saute sur loccasion et je demande ma sur : Mais comment les bbs arrivent dans le ventre de la maman, alors ? Je sais que tout le monde sort du ventre de sa mre, mais je ne sais pas comment ils y atterrissent. Ma sur, surprise par ma question, se reprend et se dfile : a, tu le liras dans les livres ! Je naurai donc pas ma rponse aujourdhui, mais ce nest pas grave. Lide que chaque femme ait une porte par laquelle sortent les hommes et les femmes me perturbe. Cela me fait un peu penser aux poupes russes. Probablement quau dpart, il ny avait quune seule femme. Et cest de cette seule porte quest sorti le reste des hommes Enfin bref, cette rflexion devient de plus en plus complique. Mais tout a pour dire que le franais est trs difficile comprendre et apprendre pages 83-88 Mlanie REYNAUD, 1ES3
Le plus dur, dans la carrire dcrivain, cest de se lancer. Et se lancer en crivant un roman autobiographique, cest bien plus dlicat Est -ce que les gens vont accrocher mon histoire ? Vont-ils prouver de la joie, de la compassion, de la piti quand je leur raconterais mon enfance Kaboul ? Le sujet, grave et largement mdiatis nest pas facile traiter. Pourtant, grce son humour, Chabname Zariab signe un magnifique roman (largement tir de son enfance en Afghanistan) qui, mme sil se termine tragiquement, est racont avec toute la lgret dune enfant de six ans que lon voit grandir au fil des pages et qui malgr les preuves de la vie, nabandonne jamais son extraordinaire bravoure. Le rcit commence dans les annes 1980. LAfghanistan est alors occup par les russes. La jeune narratrice, Laly, encore lcole primaire, ne comprend pas que ses parents ne partagent pas son admiration pour ces soldats aux yeux bleus et leur beau drapeau rouge. A la maison, les intellectuels viennent consulter son pre, et les discussions se prolongent jusque tard dans la nuit tandis que Laly rve de lcher les colombes le jour du dfil national et dpouser le beau Milad, son meilleur ami, son pianiste prodige, son hros car il lui a sauv la vie un jour de bombardement, mais aussi le fils dun officier russe. Cette amiti nest pas trs bien vue par les parents de la jeune narratrice, puisquils reprochent, juste titre, aux russes de stre empars de leur pays. Le jour o ses parents dcident finalement, face aux menaces, de fuir vers la France, la petite fille a le cur dchir : elle doit laisser derrire elle son Milad mais aussi ses poissons rouges, ses confidents et allis les plus proches. Leur installation Montpellier se fait dans la douleur : elle est ltrangre, celle qui ne parle pas parce quelle ne parle pas la langue de Molire. Les annes passent, plus elle matrise le franais, plus elle oublie le persan. Mais une dizaine dannes plus tard, le 11 septembre 2001 plus prcisment, au dtour dune rue, elle voit sur un cran de tlvision deux avions percuter des tours amricaines. Tous ses souvenirs ressurgissent : Milad ? O est-il ? Quest-il devenu ? Elle veut le revoir, elle veut retourner dans son pays. Le retour sur sa terre natale est un nouveau dchirement : la riposte des talibans au sein de lAfghanistan a tout chang : les femmes sont perscutes, les artistes enferms et les soldats russes massacrs. Laly est prte tout pour retrouver celui quelle simagine devenu pianiste. Mais cette jeune rveuse va vite tre rattrape par la ralit Dans mon pays moi, dans cette patrie que jai connue, dans ces courts souvenirs qui me sont si prcieux, la vertu ne se mesurait pas la longueur de la barbe ! Les femmes ntaient pas des fantmes et les hommes ntaient pas des bourreaux ! Jai honte dappartenir ce nouveau pays. Ce roman, malgr un style un peu terne est une belle histoire damour, raconte par une enfant qui devient une jeune femme, et cest trs agrable de voir le style du texte voluer au rythme de la croissance de lhrone. On est tout de suite charm par les nombreuses descriptions des us et coutumes afghans. Les questions naves et philosophiques de Laly sont dans la ligne des rflexions du Petit Nicolas de Ren Goscinny : Le franais est une langue assez bizarre mon sens. Il y a des mots hommes et des mots femmes. Parfois, jimagine quil y a des annes, les mots taient l, tranqu illes, sans tre un monsieur ou une femme, et quun grand monsieur a d prendre un papier et un crayon pour faire une longue liste : dans une colonne, il a mis les mots hommes, et dans une autre colonne les mots femmes. Et tout a sans rien expliquer personne ! LAfghanistan, pour nous occidentaux, est seulement une terre de conflits o des soldats du monde entiers saffrontent pour on ne sait quelle raison Mais grce ce roman, on dcouvre la face cache de lAfghanistan, celle davant-guerre, celle o les artistes illuminent encore le pays avant linvasion des sovitiques puis celle des talibans. On dcouvre un pays plein dhistoires et de coutumes merveilleuses, en parfaite contradiction avec le pays dtruit, dvast, ravag que lon peut voir aujourdhui la tlvision. Une chose est sre : mme si vous napprciez pas le Pianiste Afghan (et cest peu probable) vous serez tout de mme tent den apprendre plus sur lAfghanistan, tout en fredonnant la chanson dAxel Red et de Renaud, Manhattan Kaboul . Je ne vois pas les jours et les semaines dfiler. Chaque jour, japprends davantage. Plus javance en franais, moins je me souviens du persan. Le franais est une langue assez bizarre mon sens. Il y a des mots hommes et des mots femmes. Parfois, jimagine quil y a des annes, les mots taient l, tranquilles, sans tre un monsieur ou une femme, et quun grand monsieur a d prendre un papier et un crayon pour faire une longue liste : dans
une colonne, il a mis les mots hommes, et dans une autre les mots femmes. Et tout a sans rien expliquer personne ! a lui a pris comme a dcrire que le mur est un homme et que la chaise est une femme. Il ne se rendait certainement pas compte des complications quil allait crer dans la vie de tout le monde - et surtout dans la mienne ! - avec les accords, les adjectifs, les participes passs et tout ce qui sensuit ! Il y a aussi les lettres qui scrivent et qui ne se lisent pas. Franchement, je ne vois pas dintrt tout ce fatras Jen veux beaucoup ce monsieur. Cest cause de lui que je rate mes dictes chaque fois ! Je ne le dis pas la matresse. Je ne partage ces rflexions quavec ma sur. Un jour, je lui explique : Je trouve que les mots fminins ont souvent rapport avec les hommes et les mots masculins avec les hommes. Elle me demande : Pourquoi tu dis a ? Je lui rponds, avec des exemples lappui : La cuisine, le salon. La cuisine parce que les femmes y font manger, et le salon parce que les hommes sy assoient pour boire le th. Mais il y a aussi la marmite, la cuillre, la fourchette, la nappe, la serviette que les femmes lavent. Ma sur, peu convaincue, me regarde et me rtorque : Et tu crois que le bol, le plat, le verre ou le couteau, ce sont les hommes qui les lavent ? Confuse, je la regarde bouche be. Elle a raison. Ma thorie ne tient plus la route. Mais je mentte : Mais tu es daccord que ce monsieur a quand mme fait pas mal de favoritisme ; il a transform les choses fortes en hommes : le fusil, le sabre, le couteau, le revolver, le bazooka Et les choses rapides sont aussi des hommes : le train, lavion, le bateau Alors que la bicyclette, la charrette ou la calche, qui sont des femmes, sont quand mme moins rapides ! Ma sur ne mcoute plus vraiment, mais je mobstine : Mme la lune et le soleil nont pas chapp au favoritisme de ce monsieur : le soleil est un homme, et la lune est une femme. Le soleil, sil veut, il peut brler le monde entier. Et la lune, quest -ce quelle peut faire, elle ? Le soleil est l toute la journe. Tout le monde le voit. On est mme ravi quand il brille. La pauvre lune, elle ne peut sortir que la nuit, au moment o tout le monde dort. Personne ne la remarque. Elle va et vient pour rien ! pages 83-85 Je traverse la place de la Comdie en rvassant. Je passe devant un magasin de hi-fi. Les tlvisions derrire la vitrine affichent toutes la mme image. Je regarde ces clichs sans son. Des avions percutent en silence deux gratte-ciel. Je marrte. Je regarde tous les crans. Petits, grands, moyens. Je ne me doute de rien. Des effets spciaux ? Un nouveau film ? Un homme tombe du haut dune tour. Je veux connatre le dbut et la fin de son histoire. Pourquoi chute-t-il ainsi ? La camra sloigne. Une horde de pompiers, policiers et civils se prcipitent au pied de limmeuble. Une fume noire et paisse envahit le ciel. Lune des tours seffondre. Les gens se sauvent. Ils semblent crier. Apparat alors un commentateur. Je me prcipite. Jentre dans le magasin. Le son atteint enfin mes oreilles. Le journaliste braille le nom du World Trade Center. Fige. Immobile, jcoute et je dcouvre le drame. Je suis effraye. Je veux fuir. Je veux rentrer chez moi. Je sors, tremblante du magasin. Je suis sous le choc. Limage de cet homme qui sest jet dans le vide maccompagne. Comment sest-il dcid ? Qua-t-il pens ce moment? Pourquoi ? Je rentre chez moi. Ce nest dfinitivement pas un 11 septembre comme les autres. pages 120-121 cause de ces tyrans, ma tante, une femme sublime dont jai encore les clats de rire dans les oreilles et lodeur de son parfum en tte, sest vue punir pour son patriotisme. Elle na jamais voulue quitter lAfghanistan. Lorsque ces ignorants ont pris le pouvoir, ma tante travaillait comme pharmacienne lhpital de Kaboul. Quest-ce que jaimais sortir dans la rue avec elle ! Nous ne passions pas inaperues. Son rouge lvres illuminait son sourire. Ses cheveux chtains retombaient sur ses paules dnudes. Ses chaussures talons affinaient encore sa silhouette lance. Tout le monde nous regardait. Jadorais aller la voir son travail avec ma mre. Jaimais la voir dambuler avec grce, habille de sa blouse blanche, dans les couloirs ripolins de lhpital. Un jour, les barbus lui ont demand de se couvrir davantage. Elle a dit daccord. Puis ils lui ont demand de porter un voile. Elle a dit daccord. Ensuite, ils lui ont demand de porter la burqa. Elle a dit daccord. Finalement, ils lui ont demand de ne plus venir travailler. Elle nava it pas le choix. Comme toutes les autres femmes, ils lont emprisonne entre les quatre murs de sa maison, ne lui accordant mme plus
le droit de mettre un pied dehors. Elle est devenue comme invisible. Dans mon pays moi, dans cette patrie que jai connue, dans ces courts souvenirs qui me sont si prcieux, la vertu ne se mesurait pas la longueur de la barbe ! Les femmes ntaient pas des fantmes, et les hommes ntaient pas des bourreaux ! Jai honte dappartenir ce nouveau pays. pages 122-123 Analle COMESTAZ, 2de 4
Le 31 mai 2012, au Lyce de l'Albanais Rumilly Chre Chabname Zariab, Tout d'abord, je vous cris cette lettre car au lyce nous avons d lire des livres pour le Festival du Premier roman de Chambry et moi, j'ai lu Le Pianiste Afghan qui est un livre que j'ai beaucoup apprci. Bien que je sois quelqu'un qui n'aime pas vraiment lire, le vtre, je l'ai lu avec envie et passion. Maintenant, je suis donc une fidle lectrice de votre uvre. Il m'a permis de penser ma propre vie puisque je suis une fille, et que ce roman relate bien les activits d'une jeune adolescente. Par consquent, j'ai senti tout au long du roman une connivence avec le personnage principal (une jeune fille de Kaboul). Ds le premier chapitre, je l'ai aim et j'ai relu plusieurs fois certains passages tellement ils m'ont plu. J'avais vraiment l'impression de lire mon histoire, comme si c'tait mon journal intime o je dcrivais mes journes : la discothque , le fait de se sentir diffrente des autres, aimer un garon de son lyce mais penser toujours son premier amour, comparer toujours ses nouveaux amoureux lui, demander plus de choses sa mre qu' son pre car on sait qu'il dira non puisque c'est moins facile d'amadouer un pre qu'une mre (une mre est plus sensible et plus proche de ses enfants, elle est capable de tout pour eux ), le changement de relation au cours d'une vie entre un pre et sa fille ... Votre livre m'a donc permis de m'vader et de rver, tout ce dont j'avais besoin. J'ai remarqu que vous parliez de votre propre vie et cela m'a touche car vous racontez cette histoire d'une manire originale et non enfantine, et avec tant d'motion qu'on croirait tre vous, je trouve cela fascinant et mouvant. Dans le roman, vous tes aussi rvolte : on comprend trs bien pourquoi quand on vous lit. C'est aussi pour cela que j'ai aim votre histoire. J'aimerais donc savoir pourquoi vous l'avez crit ? Qu'est ce qui vous a donn envie de l'crire, les raisons qui vous ont pousse l'crire ? Est-ce la rvolte qui vous a incite ? Les deux points importants de votre livre, ce sont la vie de cette jeune fille et la guerre, c'est dire ses consquences et ce qu'elle a fait subir cette enfant. Par consquent, j'aurais une autre question vous poser : est-ce qu'aprs avoir crit ce roman, vous avez d faire face d'autres moments aussi difficiles ? Comment ragissez-vous quand vous lisez votre roman ? tes-vous satisfaite ou avez vous encore envie de changer certaines situations, les propos de certains personnages ?
Par la suite, je voulais vous dire que j'ai vraiment aucune critique vous faire mis part une fin un peu brve car le livre est tellement bien qu'on voudrait savoir la suite de l'histoire et que jamais elle ne sarrte. A chaque fois que quelqu'un me parle de votre roman, je lui dis quel point je l'ai aim, qu'il est trs intressant et bien crit. Je lui ajoute aussi que j'ai t mue quand je l'ai lu, surtout la fin puisque je me suis mise la place de cette adolescente qui a perdu l'amour de sa vie cause de cette guerre et donc j'ai ressenti autant de peine et de colre qu'elle. C'est pour cela que je trouve que le titre est bien choisi et qu'il est important puisque presque toute l'histoire se droule autour de ce personnage (le premier amour). Grce vous, on connait l'Afghanistan tel qu'il est de l'intrieur et non comme on le voit la tlvision et la pnible vie des personnes durant cette guerre, les horreurs qu'elles ont endures. J'aurais donc aim savoir pourquoi vous aimez tant l'Afghanistan, votre ville natale Kaboul ? Et pourquoi continuez vous l'aimer et voulez vous la comprendre ? Votre uvre me touche donc profondment puisqu'elle parle de deux moments importants d'une vie et pour tout le monde puisque chaque personne s'en rappelle : de l'enfance et l'adolescence, mais une guerre peut tout gcher. Au dbut de cette histoire, vous tes jeune (6 ans) et vous ne comprenez pas tout ce qui se passe mais malgr votre ge, vous essayez de trouver des explications cette occupation sovitique et un an plus tard, vous vivez dans une ville que vous ne connaissez pas et dont vous ne savez ni la langue, ni les coutumes, ce qui doit tre affreux pour une enfant. Puis, vous tes adolescente et vous faites tout ce qui est en votre pouvoir pour retrouver votre amour d'enfance qui vous a sauv la vie tant petite. A la fin du roman, je me demande donc comment on peut faire subir de telles consquences des enfants : leur faire fuir leur ville natale, changer leur mode de vie (cole, religion...), quitter leur famille et amis ... Veuillez agrer, Madame, mes sincres remerciements pour avoir lu ma lettre et avoir crit ce roman. Je vous souhaite une bonne continuation. Justine POETTOZ, 1 ES3 P.S : Je vous admire normment d'avoir crit ce roman car il est touchant mais aussi choquant puisqu'il nous dmontre les particularits de la guerre et alors, il me permet de dcouvrir la vie des autres donc de rflchir avant de me plaindre. C'est une histoire relle (la vtre) et pourtant je m'interroge : comment vous avez fait pour crire si simplement et avec autant de prcisions et de finesse des moments aussi dchirants et terribles ? Je n'ai qu'une envie, c'est de connatre de plus prs et dans les dtails la vie de cette jeune afghane et aussi la suite de sa vie. Je le conseille tout le monde mais vraiment tous de le lire, sans aucune hsitation.
Analle Comestaz, Elve de Seconde au Lyce Gnral Et Technologique de LAlbanais 74150 Rumilly Mme ChabnameZariab Auteure du Pianiste afghan
A Rumilly le 31 mai 2012 Madame, Je vous cris par curiosit, et il faut lavouer, un peu par ncessit, il faut que vous sachiez que cette lettre, cest une consigne de ma professeure de franais. Elle voudrait que je vous pose des questions sur votre parcours dcrivain, mais comme Le Pianiste afghan est votre premier roman, cela risque dtre plus difficile que prvu En plus, crire, cest quelque chose qui me dpasse. Je ne comprends pas comment on peut passer sa vie crire des bouquins Je me suis toujours demand par quel miracle un crivain pouvait publier des dizaines de livres sans jamais tre court dides Moi qui ai du mal crire une lettre, je suis trs admirative du travail que vous autres, crivains pouvez fournir pour intresser, amuser, mouvoir et faire rflchir vos lecteurs. Combien de temps vous a-t-il fallu pour achever votre roman ? Le Festival du Premier Roman de Chambry vous a permis de vous faire connaitre au public, mais avez-vous dj crit dautres nouvelles ou romans qui nont pas t publis ? Dans votre roman, Le Pianiste afghan, vous racontez le parcours de Laly, jeune fille afghane qui quitte son pays natal pour la France afin dchapper aux menaces sovitiques. Je me suis renseigne, et il me semble que lhistoire de cette petite fille est semblable la vtre Je mexcuse si je suis trop indiscrte, mais je me demandais si lon peut dire que ce roman est une uvre autobiographique ? Et existe-t-il un vrai Milad, que vous auriez d quitter lors de votre dpart dAfghanistan ? Le Pianiste afghan raconte laventure de Laly qui part la recherche de son amour denfance, Milad. Elle est persuade quil est devenu un grand pianiste, mais on lui apprend quil est mort aprs avoir dclench un attentat kamikaze Je vous avoue que jai trouv ce dnouement bien triste, jaurais prfr une fin heureuse. Je sais que cela aurait t un peu tir par les cheveux, mais je ny peux rien, je prfre quand tout se finit bien. Malgr cela, jaime le mystre sur lequel se termine le roman : on ne peut sempcher de se demander si Milad est un des kamikazes responsables des attentats du 11 septembre, ceux-l mme qui ont tant boulevers Laly et lont pouss retourner en Afghanistan Je trouve trs intressant le dcalage instaur entre la dlicatesse et la sensibilit dun jeune pianiste prodige qui en grandissant devient un kamikaze brutal et fanatis. Je dois dire que cette histoire damour qui est aussi le fil rouge de votre roman ma beaucoup mue. Votre style est lger et franc, et jespre que Le Pianiste afghan ne sera pas votre unique roman ! Jai galement beaucoup aim les questions naves et philosophiques de Laly, elles mont tout de suite fait penser celles que lon peut trouver dans le Petit Nicolas de Ren Goscinny, qui tait mon livre prfr quand jtais petite Lun des sujets que vous abordez, savoir la situation des femmes en Afghanistan ma galement normment touche et rvolte et je pense que toutes les femmes qui ont lu votre roman ont comme moi ralis la chance que nous avions de vivre dans un pays o lgalit entre les femmes et les
hommes est presque respecte. Votre mre, Spojmai Zariab a elle aussi dnonc toutes les restrictions quon impose aux femmes en Afghanistan avec des recueils de nouvelles, comme Dessine-moi un coq et Ces murs qui nous coutent. Les extraits que jai lus sur le web mont beaucoup intresse, et jai bien lintention de les lire dans leur intgralit. Vous avez grandi dans une famille trs littraire, mais si votre mre ntait pas une auteure, auriez-vous tout de mme dcid dcrire ? Et si vous ntiez pas crivaine, quel mtier pourriez-vous exercer ? Je vous pose cette question, mais jai dj une petite ide de la rponse : je suis curieuse, et aprs une recherche sur le tout puissant internet, jai app ris que vous adoriez le cinma et que vous aviez mme t laurate dIle de France du Festival de Cannes pour un de vos scnarios, qui serait actuellement en production pour le cinma. Malheureusement, je nai trouv aucun rsum ni mme le titre de ce scnario. Quand nous nous rencontrerons dans le cadre du Festival du Premier Roman Chambry le 31 mai, pourriez-vous nous le donner ? Certains crivains contemporains ont suivi une formation scientifique avant de se lancer dans lcriture, notamment Alain Monnier, crivain ftiche de ma professeur de franais et docteur ingnieur en nergie solaire ou encore Bernard Werber, diplm de linstitut de criminologie de Toulouse et auteur de La Trilogie des fourmis, mon livre favori Contrairement eux, vous semblez plutt tre littraire comme on dit, peut tre grce votre mre ou votre passion du cinma. Le Pianiste afghan parle dailleurs beaucoup de grands classiques du septime art, et comme son nom lindique, de la musique. Pourquoi avoir choisi de faire de Milad un pianiste ? Jouez-vous vous-mme dun instrument de musique ? Je ne vais pas vous ennuyer davantage avec mes questions, mais je tiens tout de mme vous dire de nouveau que jai vraiment beaucoup aim votre roman. Cest dailleurs celui que jai prfr parmi ceux que jai lus ces derniers mois pour prparer la rencontre avec des crivains Chambry. Il est vrai que je nen ai pas lus beaucoup mais Le Pianiste afghan est vraiment un roman magnifique et jespre quil vous fera remporter le Festival du Premier Roman. Sur ce, je vous souhaite de belles et nombreuses russites littraires. Soyez persuade quaprs la dcouverte de votre premier roman, je resterais une lectrice fidle. Bonne continuation, Analle Comestaz
Agathe Briqu
Madame Zariab, Suite un travail de franais et parmi les trois romans dont nous allons rencontrer les auteurs, cest votre livre qui ma le plus touche parce quil est mouvant et fort la fois. Jai apprci votre roman Le Pianiste afghan car je suis rentre dans lhistoire et lunivers terrible que vous dcrivez, trs facilement. Ce sont les dernires pages de votre roman qui mont le plus mue, avec une fin presque tragique, qui inspire de la tristesse et de la compassion. Jai trouv intressant dans ces pages le contraste entre la duret des convictions de la vieille femme et la faiblesse empreinte de dsespoir de Sim Djan. Malgr labsence totale de similitude entre le lecteur et lhrone de votre ouvrage, jai tout de mme russi ressentir, prouver et imaginer ce que cette jeune fille subissait, ce qui montre que les penses sont bien retranscrites. Notamment lors des passages o Laily vit des motions fortes tels que les moments o elle est rejete par les deux pays o elle a vcu, lAfghanistan et la France. Tout dabord, dans son enfance lorsque le petit Jonathan lui rplique Ben, si tes pas contente, tas qu rentrer dans ton pays page 81. Une rplique presque identique de la scne provoque chez la jeune femme un choc, quand celle-ci retourne vers sa terre natale et quune vieille femme la considre avec mpris, en lui tenant des propos quelque peu racistes et en conseillant cette trangre de rentrer chez elle. Ici, personne ne te demande de comprendre. Et si tu nes pas contente, tas qu rentrer chez toi ! Repars l do tu viens ! Retourne en France. Page 201. Laily ressent beaucoup de cruaut, dans cette rplique cinglante de la part dune femme de son pays. Ce qui la touche au plus profond de son me. Ce sont des passages trs durs qui donnent la jeune femme le sentiment de venir de nulle part. De navoir plus de nation face ses deux rejets. Ces deux passages, ont provoqu chez moi de la compassion pour Laily, cest pourquoi je les ai apprcis. Dautres passages comme les moments dignorance dune fillette face la duret de la ralit, mont galement touche. Notamment lorsque celle-ci, fire davoir gagn le drapeau russe la course de lcole, souhaite laccrocher dans son salon comme Milad mais ses parents refusent, et celle-ci ignore encore quils sont des rsistants. Etant amateur de romans policiers, jai particulirement apprci le suspens concernant le dnouement de votre uvre. Votre faon de tenir en haleine le lecteur jusqu' la toute fin du livre ma plu. En effet, je navais quune seule envie, revenir ma lecture le plus vite possible pour connatre la suite. Malgr tout, je nai pas apprci certains passages comme par exemple, le tout premier chapitre. Je nai pas compris lallusion Gdon. Est-ce un film ? En outre et bien que votre livre mait plu, je trouve tout de mme lhistoire damour impossible, dans un pays en guerre, trop triste, je prfre les histoires empreintes de moins dmotions fortes. Suite la lecture de votre uvre, plusieurs questions me sont venues lesprit. Notamment, la suivante : avez-vous vcu cette histoire, ou est-ce simplement de la fiction ?
Je me suis aussi demand lors de ma lecture si les personnages taient rels. Vous tes-vous simplement inspire de personnes que vous avez connues ou encore sont-elles simplement le fruit de votre imagination ? Je souhaiterais aussi connatre les motivations qui vous ont pouss crire cette histoire, si cela nest pas trop indiscret bien sr. Certaines personnes rvent depuis leur enfance de devenir crivains, tiez-vous dans ce cas ? Je mintresse beaucoup vos mthodes dcriture pour votre roman, mais je ne vous poserais quune seule question pour ne pas vous submerger dinterrogations dans ma lettre. Je me demandais donc, lors de la phase dcriture de votre roman, si vous aviez dj toute lhistoire en tte ou si celle-ci est apparue au fur et mesure sous votre plume ? Grce votre livre, cest sans doute dailleurs pour cette raison que je lai choisi inconsciemment, jai pu dcouvrir une autre vision de lAfghanistan. Lorsque les mdias abordent le sujet, ce sont toujours les mmes mots qui reviennent sans cesse tels que Guerre, bombes, Ben Laden, terroristes, troupes amricaines et franaises Le ct ngatif est le plus voqu. Rarement la question du peuple afghan est cite. Dans ce livre, je me suis rendu compte quil existait, jamais auparavant, je ny avais vraiment prt attention, comme si lAfghanistan ne possdait ni peuple, ni culture. Ce qui ma dailleurs donn rflchir sur ce sujet : quest-ce que les habitants ressentent lors des bombardements ? Dans votre livre, cest de ce point de vue quest aborde lhistoire, cest pourquoi je lai apprci. Il ma aid rflchir, au quotidien du peuple afghan et changer ma vision fausse de ce pays. Je ne sais pas si cela tait votre but, mais il sagit du message que je retiendrais de ma lecture ainsi que lamour perdu de Laily. Dans lattente de vous rencontrer, et de pouvoir vous poser dautres questions. Cordialement. Agathe Briqu 2nde4. Elve du Lyce de lAlbanais Rumilly
A Rumilly le 13-05-2012
Madame Zariab, Voil, si aujourdhui je vous cris cest pour vous faire part de mon enthousiasme et de mon admiration quant votre premier roman Le Pianiste Afghan. Etant une lectrice passionne et toujours ardemment en attente dun roman qui mextirpe du quotidien, je reconnais en vous ce vritable don. Celui dimmerger pleinement le lecteur dans des aventures attrayantes comme imprvisibles, celui de le mener croire chaque mot, chaque phrase, chaque personnage, chaque priptie. Ayant toujours eu got pour la littrature vocatrice de ces pays dOrient, jai ainsi lu votre roman avec empressement, brlante de connatre le dnouement de lintrigue. Votre criture ne manque pas de style, lorsque vous mlez ralit et fiction, vous rendez le dpart dAfghanistan pour la France difficile percevoir aux yeux du lecteur. Jadresse un regard exalt lhabilet dont vous avez fait preuve lorsquil est question de sexprimer travers les lvres dune petite fille, Laly, anime par une dtermination avre et une vitalit indubitable. Lemploi dun vocabulaire et dun langage propre lenfance renforce encore davantage la permission de croire lhistoire de Laly. Cette petite fille ne comprend pas la raction de ses parents lorsquelle ne peut afficher son petit drapeau sovitique dans le salon, celle qui devra quitter lAfghanistan pour la France dans un contexte de guerre froide, savoir ici entre 1979 et 1989 pendant la guerre dAfghanistan nous m eut videmment. Ceux qui ont envahi son pays, provoqu laffaiblissement des murs de Kaboul par le grondement des dtonations ne lui font pas peur. Plus tt Milad, son ami denfance, lavait sauv dune explosion au prix dune marque que Laly considrait comme sienne et dont elle portait toute la fiert. Elle sexile en France, accompagne de sa mre et de sa sur ane, jusqu Montpellier o elle grandira et fera ses tudes. Je ne vous cache pas que lorsque jai pris conscience, en lisant la quatrim e de couverture, que ce roman pouvait comporter des lments autobiographiques, jai dabord t surprise puis cela a renforc un intrt diffrent la lecture. Le Pianiste Afghan narrerait-il ainsi une partie de votre vie ? Tout semble si vrai quil est difficile de sentir la part de fiction tant lhistoire est raconte avec justesse, clart, avec conviction ; on sent que lexprience personnelle peut tre remanie pour rallier le lecteur sa cause et cest, ici, travaill avec beaucoup de dextrit. Je voudrais aussi souligner une partie qui, mes yeux, est marquante, celle o Laly sloigne progressivement de son pre : une premire fois lorsque des millions de kilomtres les sparent et une deuxime quand la langue devient une frontire, eux qui avaient toujours eu des relations marquantes vont entrer en rupture. En effet, lorsque le pre rejoint la France, il devient un tranger lchelle du pays mais galement de sa famille. Les annes quil a passes en Afghanistan sont aussi celles pendant lesquelles ses filles ont mri, adopt le mode de vie franais et appris la langue locale. Il arrive dans un autre monde, compltement dmuni face la culture occidentale et incapable de pouvoir communiquer. Le persan tait le seul lien qui le raccrochait ses filles. Cependant celles-ci ont
tourn une page ; le pre dteste en elles leur indiffrence vis--vis de leur propre pays. Laly a essay tant bien que mal de sadapter parmi les franais (en apprenant la langue, en sadaptant aux usages) mais ses efforts ne lintgreront jamais vritablement et de plus, elle perdra la reconnaissance des siens comme citoyenne afghane. Avez-vous ressenti cette discrimination en arrivant en France ? Et en retournant en Afghanistan ? Si ce rcit est palpitant et captivant, cest aussi parce quil tient sa dynamique dun dessein tellement dsir que toutes les pages tiennent le lecteur en haleine. Milad. Son destin lui rservait un avenir fray sur la route de la musique, mais il a fallu quon en dcide autrement : entran de force dans une cole coranique, aprs le dpart de Laly, il est vou servir la religion musulmane -celle de fanatiques, dintgristes- jusqu la fin de sa vie. En cette fin tranchante, o Laly comprend la mort de son amoureux , on assiste de manire bouleversante la dchance de tout espoir. Pourquoi avoir choisi la mort de Milad ? Etait-ce prvu ds le dbut ou avez-vous construit ce dnouement car vous ne saviez pas comment poursuivre ou achever le roman ? Mes questions vous sembleront srement dplaces mais je vous prie de les prendre comme la preuve dun rel intrt, que je porte, quant votre faon dcrire plus qu un reproche. Votre premier roman a t pour moi un plaisir profond de lecture, associ un contexte touchant sensibilisant un sujet dactualit dans lequel on remarque beaucoup dhumanit.
En vous souhaitant, avec toute mon admiration, une bonne continuation dans votre travail dcriture comme dans le cinma. Au plaisir de vous rencontrer jeudi 31 mai Chambry.
Laure MERCIER
Pauline CHABRAND
Objet : Le Pianiste afghan Madame Zariab, Participant avec ma classe au festival du premier roman de Chambry, j'ai eu la chance de dcouvrir Le Pianiste afghan, dont vous tes l'auteur. Plusieurs motifs de votre livre m'ont particulirement touche. Tout d'abord, je porte un intrt personnel l'Histoire, et au cours de votre rcit, j'ai pu en apprendre davantage sur ce qui c'est pass en Afghanistan dans les annes 1980. Vous mettez en lumire la manire dont le peuple tait partag, entre ceux qui approuvaient les dcisions de l'URSS, comme les institutions afghanes d'aprs votre uvre, ou ceux qui de la m me faon que votre famille, ne tolraient pas cette invasion culturelle. Vous avez galement su parfaitement dpeindre la violence du changement qu'il y a eu entre le moment o vous avez quitt votre pays natal et celui o vous y tes revenue. Ce retour fut visiblement un choc motionnel pour vous, qui viviez avant dans un village chaleureux, o rien ne venait manquer, et qui quinze ans aprs avez retrouv votre univers dvast par la guerre et le terrorisme. De plus, vous fates part travers ce roman d'une finesse d'criture ingale. Vous adaptez votre style l'ge de Chabname, et vous le fates voluer avec cette dernire. Je ne m'en suis pas rendu compte ds ma premire lecture tellement c'est habilement mis en uvre, c'est seulement en relisant les premires et les dernires pages que j'ai dcouvert ce procd. Vous nous invitez ds lors, nous plonger corps et me dans la jeune fille que vous tiez, ce qui reste fort agrable pour nous, lecteurs. L'volution de la jeune protagoniste se fait ressentir, certes par le changement du style d'criture, mais aussi par la modification de ses sentiments - vos sentiments - et de son jugement. Je ne pourrais parler de cette uvre sans voquer le Pianiste. Ce personnage ponyme est tout l'enjeu du rcit, mais l'on ne sait rien, ou presque de lui. Est ce un choix de votre part ? Ou tes vous galement aussi peu informe que nous sur cet homme, ce garon ? A-t-il rellement exist ? Et vous at-il vraiment autant proccupe tout au long de votre enfance et adolescence? Je ne vous cacherais pas que j'ai dbattu avec d'autres camarades qui ont lu votre premier roman, et certains m'ont fait part de leur dsenchantement quant la fin de l'uvre. En effet, nous avons attendu tout au long des deux cents pages que Chabname retrouve le Pianiste, nous ne sommes pas prpars la fin funeste qu'est celle de la dcouverte de la mort de ce dernier. J'ai cependant apprci cet aboutissement, car il donne au livre toute son authenticit. Ce qui m'a particulirement touche est bien sur le fait que ce rcit est trs fortement inspir de votre propre histoire. Mais dans quelles mesures ce roman s'inspire-t-il de votre vie ?
Vous abordez trs bien le thme de l'intgration dans un pays qui n'est pas le vtre. Vous dpeignez parfaitement la difficult d'apprendre une langue trangre, tout d'abord quand vous arrivez en France puis ds votre retour en Afghanistan. On lit entre les lignes, ce sentiment d'tre jamais trangre. Est-ce vraiment ce que vous avez ressenti ? Vous fates part travers votre premier roman d'un irrfutable talent d'crivain. J'ai t extrmement sensible votre manire d'crire, qui est la fois accessible et labore. Avez vous toujours voulu crire ou est-ce d un moment particulier, un dclic ? Est-ce une sorte dexutoire pour vous ? Je tiens galement vous faire part de mon admiration pour vous, qui savez manier incomparablement la langue Franaise alors que cette dernire n'est en rien votre langue natale. Mme si je suis encore une jeune lectrice, je tenais vous remercier pour votre gnrosit d'criture, que j'ai prouve comme un vrai partage. Veuillez agrer, Madame, l'assurance de mes sentiments respectueux,
Madame Zariab, auteur du Pianiste Afghan, Cest dans le cadre du Festival du Premier Roman de Chambry que notre professeur de franais nous a conseill votre ouvrage, retenu par le jury. Jai emprunt le livre la bibliothque du lyce et la couverture ma interpele. Comme cest votre premier roman, je suppose que vous navez quun seul diteur pour le moment, et je me demande si cest vous qui avez choisi cette image, ou bien alors lditeur. En effet, on peut y voir une partition, ce qui parait logique puisque le titre comporte le mot pianiste . Mais il y a aussi des fleurs ; quelles sont-elles ? Ont-elles une signification particulire pour vous, par rapport lhistoire ? Je dois vous avouer que je ne savais pas trop quoi mattendre car les histoires de pianiste, ce nest pas vraiment ce qui mattire dordinaire, mais ds que jai lu le rsum sur la quatrime de couverture, jai t de suite intrigue. En effet, je suis plutt bonne lectrice de romans damour dans lesquels il y a des sentiments. Cet aperu a retenu mon attention mais je ne peux vous cac her quune question me restait en tte : on peut y lire que Le Pianiste Afghan est votre premier autoroman , est ce que ce rcit est celui de votre vie ? tes-vous cette petite fille qui a d quitter son pays natal ? Jai donc commenc lire cette histoire trs touchante, et je me dois de vous fliciter de votre plume car votre style est vraiment trs agrable lire. De plus, jai lu ce roman en deux fois, avec trois jours de dcalage, et la reprise na pos aucun problme car lon se remet facilement dedans. Ds le dbut, le fait que ce soit une petite fille qui narre est trs mouvant, dautant plus que cest dans le contexte de guerre. Aussi le point de vue est intressant car nous pouvons ainsi nous rendre compte de ce que pense une petite fille de tout cela, et son innocence est vritablement attendrissante. Cependant au fil des pages, je me suis rendue compte que son nom nous tait toujours inconnu, et cest seulement la page 150 que lon apprend quelle sappelle Laly. Pourquoi ce choix ? Au moment de son dpart, la sparation avec son amoureux , Milad, est rude, et tous les moments quelle a passs avec lui semblent senvoler. Nous pouvons clairement ressentir son espoir quun jour, elle le retrouvera. A son arrive en France, ses dbuts lcole mont marque car elle est victime des moqueries de ses camarades, et son intgration est difficile. Au fur et mesure que les lignes dfilent sous mes yeux, je la vois grandir, changer, devenir de plus en plus franaise. Peut tre suis-je un peu due de ce quelle devient mais je ne pourrais expliquer pourquoi. Sans doute que son ct afghan qui disparat me manque peu peuSes premires amours sont tellement classiques quelles en deviennent agrables, et lon peut facilement sidentifier elle. Cependant, sa rencontre avec Guillaume est intrigante et jai de suite senti quil y avait quelque chose dambigu. Je mattendais ce baiser, mais jesprais quil narriverait pas, pour ne pas gcher cette amiti. Quelle dception finalement ! Autant quelle, jai eu limpression de perdre quelque chose. Mais ctait un bon choix de le faire arriver, ce nest pas dans chaque roman que lon trouve ce genre dvnement, et avec du recul, jai apprci quil soit l. Ensuite, comme son retour tait voqu dans le rsum, jattendais avec impatience ce moment o elle rentrerait en Afghanistan. Je voulais savoir ce quelle allait y dcouvrir, et surtout avoir des nouvelles de son Milad ! Votre roman est tellement bien crit, Laly nous semble trs familire et nous nous transportons avec elle dans ce priple. Lors de son voyage en avion, laroport de Duba, la peur qui la prend est devenue mienne et je me suis inquite pour elle, jen suis mme venue me demander sil ny allait pas avoir un accident cause de cet avion dlabr, ressemblant presque une carcasse volante ! Cest lorsque quelle atterrit finalement saine et sauve que tout sacclre. La dcouverte de son pays en ruines est mouvante. Cest une des choses que jai aimes aussi, car au travers de la description des consquences de la guerre, il y a une formidable dnonciation de ces horreurs. A son arrive chez
elle, les souvenirs qui resurgissent de son enfance sont comme les ntres, et nous retournons avec elle dans son pass, au dbut du roman. Les jours passent et le temps est long, sans nouvelles de son amoureux auquel elle a tant pens durant toutes ces annes. Quand elle se dcide enfin demander son pre ce que sa famille est devenue, lmotion du lecteur est forte. Cest une triste histoire ma glac le sang. Les quelques mots que prononce son papa sont un choc et les questions se bousculent dans ma tte : quest-il arriv ? Maintenant que lon sait quil est parti nous esprons bien quelle tentera de le retrouver. La barrire de la langue est un rel problme, mais sa volont est plus forte et jadmire son dvouement. Les informations de son amie, Makiz, arrivent et leur dpart approche. Je suis vraiment impressionne par le courage et la bravoure de ces deux jeunes filles malgr les dangers. De plus, le fait que ce soit des femmes complique certainement la tche. Le point de vue dune femme contrainte de porter la burqa est trs intressant, car ceux qui infligent cette tenue ny portent certainement pas attention, malheureusement. Aussi, la page 187 Je pense trs fort toutes ces femmes obliges de porter et de supporter ces kilos de tissu pour se dissimuler. Mais pour se cacher de qui ? Et pour quoi ? a attir mon attention. En effet, lespace entre pour et quoi est trs suggestif, comme sil ny avait en fait aucun intrt (ce que je pense). Ce voyage en bus est un moment fort, car long, il permet Laly de se replonger dans ses souvenirs. De plus, lalternance de descriptions des paysages et de lhistoire est bienvenue car elle est agrable. Au terme de ce trajet, elles arrivent enfin La mosque du livre en fleurs. Le roman tient vraiment en haleine et nous nous demandons chaque page ce qui va arriver, la suite est tellement incertaine ! Lorsquelles atteignent la maison de la famille Athmar, la tension est son comble, le rythme cardiaque sacclre. Va-t-elle enfin revoir Milad ? Ctait la seule question que je me posais. La rencontre avec Sim Djan est trs touchante, leur embrassade est si belle. La tante qui est choque lorsquelle entend le nom de Milad me dgote rellement, elle semble si abjecte. Ensuite, Sim Djan raconte la terrible msaventure de Milad. Croyez-le ou non, mais quand Laly et simultanment donc, moi-mme apprenons le dcs de son amoureux , le petit garon pour lequel elle vivait, jai vers quelques larmes. Cela ma tant touche, mue, bouleverse. Javais sans aucun doute autant despoirs quelle. Jai tellement lhabitud e de lire des romans fin heureuse que je ne mattendais pas du tout son dcs. Ayant termin les dernires phrases, jai referm le livre, je me suis allonge et je me suis dis Oh mon Dieu. Alors, maintiennent jai une question, Madame Zariab, pourquoi avoir dcid de tuer Milad ? Si cest votre histoire, jimagine que ce nest pas volontaire, et que cela a d tre srement trs dur. Jai vraiment t absorbe par votre roman, peut tre mme dailleurs votre histoire personnelle, et je vous adresse toutes mes flicitations car cest un ouvrage trs russi que jai beaucoup aim. Dailleurs, jai pour mauvaise habitude de lire un moment ou un autre la fin dun roman avant que je ny sois arrive, mais pour Le Pianiste Afghan, je me suis retenue car je voulais garder le suspens, je pensais que cela en valait vraiment la peine, et javais raison. Jaurais assurment tout gch dans le cas contraire. Si vous souhaitez continuer dans lcriture, je vous envoie mes plus sincres encouragements car vous crivez vraiment trs bien. Je vous prie de croire, Madame, en lassurance de ma respectueuse considration. NAUDAT Eurydice, 1ES3, Lyce de LAlbanais, Rumilly.
Monsieur H., rveusement tass derrire son comptoir, accueille son nouveau client d'un clignement de paupires. D'aucuns y verraient un signe de bienvenue. D'autres, peut-tre, concluraient un ajustement visuel de la part d'un bonhomme qui, vieux et libraire de son tat, accumule les risques d'une forte myopie. Tous se trompent. C'est en ralit un malicieux clin d'il, disons, de for intrieur, un signe de connivence de soi soi. Le libraire se flicite de la justesse de ses pronostics, puisque, ds l'instant o le vloce jeune homme se trouvait en suspension au-dessus du paillasson, il avait pari qu'il irait vers la section Histoire. Gagn. Orienter mentalement les clients vers une section de sa librairie universitaire au moment mme o ils en franchissent le seuil, ou encore devancer leurs demandes sans qu'ils aient les balbutier, telle est sa manie de boutiquier. On n'osera pas ici dvoiler les indices sur lesquels se base Monsieur H. pour tiqueter ses clients, le lecteur pourrait s'offusquer de s'y reconnatre. Lui-mme n'a jamais avou son critiquable divertissement ses proches, un peu honteux de s'adonner cette classification htive, rductrice, sans scrupule ni nuance, btie mme la tte de l'individu. Cependant, argumente-t-on dans son esprit partag, cet tiquetage simpliste tient du passe-temps de l'enfance, une sorte de cousin loign des devinettes (un petit garon accroupi dans une cour pave, coutant, tte enfouie dans les bras, les vrombissements, les crachotements, les ralentissements des moteurs de la rue, annonant prcipitamment une marque de voiture, avant que l'automobile surgisse devant ses yeux ronds d'espoir). Innocent donc. Pourrait s'apparenter, si l'on voulait bien envisager la librairie comme un plateau de jeu, une avance directe de la case dpart la case arrive, par l'entremise d'un coup de ds mental. Et si ces prdictions indisposent sa moralit, elles confortent le libraire dans son professionnalisme en se rvlant, la plupart du temps, justes. Premires pages. Cassandra BEL, 1ES3 Tour de Plume a un atout et un intrt majeur : son originalit. En effet, lhistoire ne tourne pas autour dun personnage principal qui subit des pripties, mais autour dun objet : un stylo, qui passe de main en main, et cest par lintermdiaire de cet lment, la fois peu commun et prsent dans notre quotidien, auquel on attachera jamais trop dimportance, que lon fait la dcouverte de six personnages qui sortent de lordinaire, tous plus surprenants les uns que les autres. On simmerge dans la lecture avec le premier personnage, LAmateur, comme le dcrit le titre du premier chapitre. Monsieur H., libraire admirable mais crivain rat. Avec son amour inconditionnel des romans, il tient une librairie, samusant chaque jour deviner vers quels rayons se dirigeront les clients qui franchissent la porte de sa boutique. Sa plus grande frustration concerne lcriture : aprs quarante ans de vain combat, il a accept sa dfaite : il ne parvient pas crire. Tout avait dj t crit avant lui. Sans lui. Et son stylo, que sa femme lui avait offert depuis des annes, cest lui qui entame la ronde des personnages, lorsquune lycenne, Iris, LAphasique, entre dans la librairie et drobe le stylo plume. Iris, est dune timidit maladive, le langage nest pas son fort. Elle, ce qui la divertit, ce sont les larmes issues de ses chagrins, ces entrelacs de larmes sur ses joues tremblotantes . Ainsi, noircissant excessivement ses paupires et paississant ses cils, elle se dlecte des formes chimriques que ses larmes charries de maquillage dessinent sur ses joues, et les redessine dans un curieux journal intime : Par maux et par zoos. Ensuite, bousculant par mgarde la jeune fille, Paul ramasse le stylo tomb terre. LAlin, Paul, avec la tte envahie dhistoires contes lorsquil tait enfant, alcoolique et coucheur dun soir, fascin par la lettre V ( large V de chair , le V de son nom demprunt , V de ses jambes cartes , le V de ses jambes nues ...). Il offrira ensuite ce stylo-plume sa mre, LAdipeuse , pour son anniversaire. Sybille, femme plus quobse, sest volontairement ensevelie sous la graisse durant de nombreuses annes, bibliovore accomplie dont la cause est lobsit, larrimage son foyer pour dvorer sa guise ouvrage sur ouvrage, cre un trange paradoxe avec le pass de Sybille : ses rves de voyager, engloutissant des rcits de voyages, et tandis quelle sapprtait partir, un enfant inattendu la cloue dfinitivement terre.
Vient ensuite Emma, LAsservie , amie de Sybille, celle-ci lui prte son stylo-plume pour quEmma lutilise pour la sance de ddicace de son crivain prfr, Roman Hipser. Elle ne ladmire pas seulement pour ses livres, mais aussi pour leur pass commun : amoureuse, Emma tente de le servir du mieux quelle le peut tandis que Roman, jeune crivain, la rejette de plus en plus avant de la quitter. Lors dune rencontre en face--face, Roman ne la reconnat pas, et Emma, furibonde et pleine de rancur, lui plante impulsivement le stylo dans la main. Tendon sectionn, Roman, LArtiste ne pourra plus jamais crire. Tour de Plume est magnifiquement men, avec des personnages dune grande profondeur, dcrits dune plume de matre dans leur chapitre respectif. Maniant avec habilit les mots, les allusions et les jeux de mots, Caroline Deyns a fait un chef-duvre avec ce livre en lien profond avec lcriture : Isis, incapable de sexprimer avec des mots, Paul, que sa mre a gav dhistoires merveilleuses, Sybille, bibliovore prisonnire de ses propres livres qui sont toute sa vie, Emma, dont lcriture a entran labandon, Roman, crivain brillant dont loutil de travail, sa main, a t mutil. Ce nest quau septime et ultime chapitre que ce tour de plume sachve, que la boucle est boucle, que le titre du roman prend tout son sens : lorsquHipser, furieux de ne plus pouvoir crire, laccuse d omniscience aggrave . On comprend alors que ce libraire anonyme quest Monsieur H. et qui a ouvert le roman de sa personne est en fait le crateur de ces six personnages : en Isis, il a insuffl son aphasie, en Paul ses histoires tourbillonnantes dans son esprit, en Sybille la prsence immense de sa passion des livres, en Emma lesclave qui, malgr ses efforts, ne parvient pas ses fins. Et enfin Roman, ltre parfait dont le libraire avait tant rv. Cest un roman profond et beau, qui soulve de nombreuses questions lors de cet clatant final inattendu. On ne peut sempcher de tourner les pages, toujours plus loin, tant le style est fluide et travaill. A force de persvrance, la langue finit par soffrir lui en de rares moments dextase. Malheureusement, ces maigres attouchements ne firent pas de lui un crivain. Car lui manquait le souffle des grands fabulateurs, lendurance bouillonnante des feuilletonistes. Monsieur H. avait un peu dimagination, mais tout ce quil peinait mettre en scne lui apparaissait comme la fade redite dune uvre familire. Lintrigue peine noue se dlitait, suffoquant sous la pression des fictions dj crites. Ctait un peu comme sil arrivait trop tard, comme si tous les possibles de lhumanit avaient dj t explors. Il avait, au mieux, limpression dtre un contrefacteur, plagiant sans le vouloir les histoires dont son esprit stait abreuv. En dpit des louables efforts lorsquil crivait, Monsieur H. chouait purifier sa mmoire. Les uvres littraires taient l, en lui, comme autant dinsidieux parasites. Ses innombrables lectures, dont il avait cru quelles constitueraient sa plus grande force, le faisaient en ralit crever petit feu. Ce fut donc elles quil accusa aprs la langue rtive. Par exemple, elles lempchaient, selon lui, denfanter des personnages solides, dignes de supporter le poids dun texte. Monsieur H. ne parvenait pas affirmer sa propre paternit sur ses crations : la poigne de hros accouchs laborieusement par son imaginaire rvlaient trop vite leur filiation avec les hros dits classiques quils ne faisaient que singer comme une ennuyeuse progniture. Mais ce ntait pas tout. Monsieur H. avait aussi limpression qu force driger comme un simple rceptacle duvres littraires, il stait lui-mme vid, dpossd de cette chaude humanit dont il aurait pu faire la matrice de son uvre, impression pour le moins dsagrable. Et, dans ses pires moments dangoisse, notre libraire se percevait comme un tre tragiquement plat, dou dune sensibilit de papier, cela sous leffet dune mtamorphose opre par une frquentation abusive dtres imaginaires. Aprs des annes de vie par procuration, ses sens lui semblaient anesthsis. Comment, dans ces conditions, russir doter des personnages dune corporit alors quon en est soi-mme dpourvu ? Ctait un sentiment droutant dtre paradoxalement si plein dhistoires, et cependant si vide en de. Premier chapitre, LAmateur pages.24-25. Emma LOUVIER 2de 4
Gal Brunet, jeune auteur de 35 ans est breton. Il crit son premier roman en 2011. Ce dernier sera alors choisi par la suite, pour faire partie de la 25me dition du Festival du Premier Roman. Tous les trois nous entrane dans le sillage dun jeune pre de famille qui a perdu sa femme dans un accident de voiture. Ce roman nous confie, malgr cette tragdie initiale, tous les petits instants de bonheurs de la vie quotidienne de cet homme, entour de ses deux jeunes enfants : Louise et Jean. Tout au fil du rcit, on dcouvre un pre extrmement attentionn envers ses deux petits oiseaux . A travers ce touchant rcit, on partage avec le personnage principal, les joies et les peines de cette reconstruction. La fte des mres, Nol et les anniversaires de Jean et Louise sont des moments prouvants tant pour les enfants que pour le pre. Par ailleurs, Lhabitude dacheter des glaces la fraise et les longues promenades jusquau Grand Arbre sont des instants qui parsment le rcit damour et de petits bonheurs. Empreint la fois de simplicit et de profondeur dans les relations au sein de la famille, Tous les trois est une vritable leon de vie. La tonalit tragique des premires pages se transforme en un admirable lan de vie de la part de ce pre veuf. La simplicit dcriture laquelle Gal Brunet a recours permet de sidentifier une situation qui peut, dun jour lautre nous arriver. Cette simplicit est telle quen ouvrant ce roman, on peut avoir limpression de rentrer dans le journal intime de cet homme. Ce roman peut faire cho au film de Jean-Pierre Jeunet : La Fabuleux Destin dAmlie Poulain , sorti en 2000. En effet, la simplicit des bonheurs de la vie quotidienne repris dans ces deux uvres peuvent y faire penser. Deux vies singulires mais qui nous laissent entrer dans un monde o la puissance de vivre nous fait avancer grand pas. Voil donc un formidable souffle de vie pour chacun dentre vous qui aura la chance davoir entre les mains ce prcieux roman.
Pour le soir des vacances, lcole a souhait organiser un spectacle de Nol autour dune crche vivante autour de laquelle mes deux oiseaux participent. Avec son ravissant petit minois et son air anglique, Louise a immanquablement rcupr le rle de Marie. Elle en est trs fire et se moque de son frre qui sattendait faire Joseph et qui nest finalement quun des rois mages. Le soir mme, la salle est pleine craquer. Des cagettes de clmentines et des plateaux de verres emplis de jus de pomme ou de vin blanc circulent dans les rangs. Mon regard vagabonde un temps sur tous ces visages heureux et enjous. Balthazar fait la moue et ne quitte pas cet air renfrogn qui m agace passablement. Il trane des pieds et laisse se crer, entre lui et ses deux compres aux bras chargs, bien plus despace quil nen faudrait. Quant Louise, la matresse ne la quitte pas du regard et lui fait les gros yeux chaque fois quelle manque de se jeter, comme une petite mre amoureuse, sur le baigneur immobile ses cts. Moi et mon saxophone sommes derrire, un peu lcart, et donnons le rythme de la soire. A la fin du spectacle, tous les parents dlves applaudissent, sans exception. Je me surprends sourire. Un vrai sourire install dans la lgret de ces instants de fte. Je regarde mes enfants ravis et leur envoie des clins dil emplis de fiert. Louise sautille tel un cabri autour de son frre qui dvore sa deuxime mandarine. Le lendemain, nous poursuivons le week-end de fte avec larbre de Nol de services de la ville. Parents et enfants ont le droit de profiter dune sance de cinma. Deux salles sont rserves pour loccasion. Lune pour la projection de Bambi de Walt Disney, lautre pour les plus grands avec Harry Potter. Jean et Louise me rclament le dessin anim. Cest la premire fois quils entrent dans un cinma. Nous arrivons en avance et nous nous installons confortablement au milieu de la salle. Pas trop prs de lcran dont la taille pate mes petits. Ils demandent ce qui se passe quand les lumires steignent. Je les rassure dune caresse dans les cheveux et le film dmarre. Tout se passe bien jusqu que cet imbcile de chasseur en vienne abattre la mre du petit faon dun coup de fusil. - Elle est morte ? me demande Jean les yeux emplis de larmes qui brillent sous la lumire renvoye par lcran. Je ne peux pas rpondre quoi que ce soit et recherche les creux du silence. Louise se met pleurer chaudes larmes, bruyamment. Jean clate aussi en sanglots. Inconsolables. Des visages dsapprobateurs se retournent vers nous. Des chut appuys nous parviennent dici ou l. Je prends Louise dans les bras, tient Jean par la main, et je prfre sortir. Dans le hall, les pleurs redoublent et nous quittons dfinitivement le cinma. Dans la voiture, je les installe larrire, boucle ma ceinture, et mexcuse auprs deux en essayant de scher leurs larmes. Jaurai d men souvenir. pages 111-112 Julie LE MAIRE, 1ES3. Le roman Tous les trois a t crit par Gal Brunet en 2011. Cest un roman slectionn par le comit de lecture du Festival du premier roman de Chambry. Ce texte raconte lhistoire dun pre meurtri car sa femme est dcde suite un accident de voiture. Accompagn de ses deux enfants, Jean, 4 ans et Louise, 3 ans, tente de survivre sa manire mais surtout grce ces derniers ce drame. Ce roman, mouvant, triste sur la paternit peut toucher des jeunes ou un public mr puisquil raconte la vie aprs la mort dune personne chre et aime. Le pre se lance dans le rcit de cette histoire, la sienne et celle de ses enfants aprs le drame. Chaque chapitre situe un moment, un souvenir de leur vie ensemble. Lorsque nous lisons un livre, nous recherchons du plaisir, nous voulons rire, ou alors pleurer, rflchir, penser comme lcrit Maupassant dans le prface de Pierre et Jean : Consolez-moi , Fates-moi rire Fates-moi pleurer La quatrime de couverture nous annonce de lmotion, et surtout une rflexion certaine sur la paternit : je suis leur pre pour le meilleur et le meilleur. Je nai pas envie du pire. Le pire on la dj vcu. .
Ce texte est mouvant, tragique mais il fait rflchir sur la vie. Un drame peut arriver nimp orte qui, nimporte quand. Gal Brunet a mis cet aspect de la vie en avant en utilisant une famille tout fait ordinaire qui ne sattendait rien et qui va tre du jour au lendemain confronte une situation tragique. Des personnes de tous ges peuvent peut-tre se retrouver dans une personne de cette famille touche par le dcs dune personne chre. Tous les trois est une vritable histoire mouvante, enrichissante et pleine damour qui donne rflchir sur le dcs dune personne chre qui disparait dun coup sans quon sache pourquoi le destin frappe cette porte l. Pour le soir des vacances, l'cole a souhait organiser un spectacle de Nol autour d'une crche vivante laquelle mes deux oiseaux participent. Avec son ravissant petit minois et son air anglique, Louise a immanquablement rcupr le rle de Marie. Elle en est trs fire et se moque de son frre qui s'attendait faire Joseph et qui n'est finalement qu'un des Rois mages. Le soir mme, la salle est pleine craquer. Des cagettes de clmentines et des plateaux de verres emplis de jus de pomme ou de vin blanc circulent dans les rangs. Mon regard vagabonde un temps sur tous ces visages heureux et enjous. Balthazar fait la moue et ne quitte pas cet air renfrogn qui m'agace passablement. Il trane des pieds et laisse se crer, entre lui et ses deux compres aux bras chargs, bien plus d'espace qu'il n'en faudrait. Quant Louise, la matresse ne la quitte pas du regard et lui fait les gros yeux chaque fois qu'elle manque de se jeter, comme une petite mre amoureuse, sur le baigneur immobile ses cts. Moi et mon saxophone sommes derrire, un peu l'cart, et donnons le rythme de la soire. la fin du spectacle, tous les parents d'lves applaudissent, sans exception. Je me surprends sourire. Un vrai sourire install dans la lgret de ces instants de fte. Je regarde mes enfants ravis et leur envoie des clins dil emplis de fiert. Louise sautille tel un cabri autour de son frre qui dvore sa deuxime mandarine. Le lendemain, nous poursuivons ce week-end de fte avec l'arbre de Nol des services de la ville. Parents et enfants ont droit de profiter d'une sance au cinma. Deux salles ont t rserves pour l'occasion L'une pour la projection de Bambi de Walt Disney, l'autre pour les plus grands avec Harry Potter. Jean et Louise me rclament le dessin anim. C'est la premire fois qu'ils entrent dans un cinma. Nous arrivons en avance et nous installons confortablement au milieu de la salle. Pas trop prs de l'cran dont la taille pate mes petits. Ils demandent ce qu'il se passe quand les lumires s'teignent. Je les rassure d'une caresse dans les cheveux et le film dmarre. Tout se passe bien jusqu' ce que cet imbcile de chasseur en vienne abattre la mre du petit faon d'un coup de fusil. - Elle est morte ? me demande Jean, les yeux emplis de larmes qui brillent sous la lumire renvoye par l'cran. Je ne peux rpondre quoi que ce soit et recherche les creux du silence. Louise se met pleurer chaudes larmes, bruyamment. Jean clate aussi en sanglots. Inconsolables. Des visages dsapprobateurs se retournent vers nous et des chut appuys nous parviennent d'ici ou l. Je prends Louise dans les bras, tiens Jean par la main et prfre sortir. Dans le hall, les pleurs redoublent et nous quittons dfinitivement le cinma. Dans la voiture, je les installe l'arrire, boucle leurs ceintures et m'excuse auprs d'eux en essayant de scher leurs larmes. J'aurais d m'en souvenir. Camille GALIMONT 2de 4 Tous les trois est un livre de Gal Brunet. Il raconte lhistoire dune famille qui est un jour prive de la femme du narrateur, c'est--dire de la maman de ses deux enfants, gs, ces derniers, de trois et quatre ans. Le pre doit ainsi apprendre soccuper seul de Jean et Louise.
Le portrait de ces deux bambins est touchant. Entre Louise, petite fille adorable et curieuse qui nhsite pas se faire entendre et chouchouter ; et Jean, le petit garon discret, mais qui sait ce quil veut et comprend lessentiel, sans avoir besoin de poser de questions, les motions sont grandes, et il rgne une vritable puret dans le cur de ces deux enfants. La dtermination du pre offrir ses prognitures la protection, la joie, et tout ce dont ils ont besoin pour tre heureux, est admirable. Il souffre beaucoup du dcs de sa femme, et ne supporte pas dtre spar plus dune journe de ses petits. Sa tristesse quil tente de leur cacher est immense : Je ne pleure jamais devant les enfants. Une grande personne qui pleure, cest un cataclysme dans leur petite tte en devenir. Cest pour cela que son courage est grand et lon sent que sa survie ne dpend plus que de lamour de ses enfants : Ils mtonnent chaque jour un peu plus. Et, chaque jour un peu plus, ils me tirent le n ez hors de leau. Laide de leurs proches est prcieuse, comme la voisine de palier Mme Viviane, qui fait de dlicieuses crpes ; ou encore Maw, lami africain qui leur raconte plein dhistoires de son pays et merveille les enfants. Ainsi que la famille, les grands-parents, les oncles et tantes, tout ce petit monde qui est l pour les soutenir dans leur deuil. La comprhension de Jean et Louise sinstalle au fur et mesure que lhistoire avance. Ils ralisent que leur mre ne reviendra pas et le pre doit se faire cette vrit : Cest la premire fois que les enfants parlent delle en utilisant limparfait. Cet emploi du pass me tord les tripes au plus profond de mon ventre. Le Grand Arbre, sous lequel se finit lhistoire, est un pur habitat de p osie, accompagn par le coucher du soleil dans ce ciel embras , laissant place la lune avec les amas dtoiles flamboyantes. Chaque t, le pre aime les emmener sous ce grand arbre quils chrissent, sur cette colline do ils observent lvolution du ciel par le temps qui passe. L, ils se repaissent de lair pur et de la beaut de la nature. Le texte du roman est bien crit. Les phrases sont courtes et le vocabulaire est simple, comprhensible. Cest un livre facile lire et trs mouvant. Ces deux enfants sont attachants et lamour du pre est pntrant. La lecture en est simple, les chapitres sont courts, ce qui fait respirer le roman et donne une pointe de lgret. Nous avons envie de continuer lire mme si parfois les petites habitudes de la famille rendent lhistoire un peu monotone. Malgr cette petite rserve, cette dernire reste intressante. En dfinitive, nous avons apprci ce premier roman de Gal Brunet qui fut trs enrichissant dans la leon de courage (face la dure ralit du deuil), damour et de puret quinsuffle lenfance, gorge de posie, ainsi que cette voix de la tristesse et langoisse du pre, seul pour la protection de ses enfants, quil donne entendre. - Elle est o, Maman ? Juste quelques mots suspendus au-dessus du vide et Louise immobile qui me regarde du plus profond de ses yeux bleus. Ces deux billes ocan qui attendent une rponse. Sa petite voix rsonne un temps en moi comme le timbre fragile dun carillon dentre qui ne cesserait de tinter tandis quelle reste l sans bouger, ses deux petits pieds colls lun contre lautre. Ses mains sont jointes dans son dos comme pour mobliger lui rpondre. Sa posture respire linnocence parfaite. Ses deux couettes entourant son visage bougent trs lgrement. En un infime mouvement que je suis le seul percevoir et contempler ainsi. Une respiration fragile. De part et dautre, la pointe de ses cheveux vient dlicatement effleurer le lobe dune oreille minuscule. Je considre ainsi ce rapide cillement. Pre mier battement dailes de papillon peine clos. Elle attend, patiente et confiante. Sre de moi. Sre de son pre qui ne peut faire autrement que lui expliquer avec des phrases simples quelle pourra comprendre. Trouver les mots justes pour quelle saisisse tout doucement le sens de labsence. Pour toujours. Les creux du silence ne sont pas assez grands pour que je puisse my cacher plus longtemps. Je parviens arracher ces mots qui me brlent intensment les lvres au fur et mesure que je les prononce. En mme temps quelle me tord de douleur immdiate, la vrit mtonne, si ncessaire. - Elle est au Ciel, mon amour. Tu sais, ma chouette, on ne peut plus la voir, Maman, mais elle est tout prs de nous. Elle est en nous. L, dans ton cur. Et aussi l, dans le mien. - Et dans celui de Jean ? - Evidemment, dans celui de ton frre aussi - Et dans celui de Mamie ? Et celui de Papi ? - Oui, aussi dans ceux de Papi et Mamie. Elle est dans tous les curs qui lont connue et aime
- Daccord, Papa. Jai compris. Maman, elle est dans tous les curs ! se met-elle crier. A tue-tte. Maman est dans tous les curs !!! Et puis chanter, sur lair dAu clair de la lune. Maman est dans tous les curs Cela dure dix bonnes minutes, le temps que je dbarrasse la table et calme la tempte sous mon crne. Et puis, Louise rapparat, sarrte subitement de fredonner lenvi et me demande : -Daccord, elle est dans tous les curs, mais quand est-ce quelle va revenir ? pages 9-10 Je ne pleure jamais devant les enfants. Une grande personne qui pleure, cest un cataclysme dans leur petite tte en devenir. Lautre jour, pourtant, jai pleur. Sans comprendre ce qui marrivait. Nous tions, Jean et moi, chez le coiffeur. Premire fois que mon petit bout dhomme se faisait couper les cheveux par quelquun dautre que sa mre. Javais devant moi un grand garon ravi de dcouvrir ce nouvel endroit et sadaptant aux vnements bien mieux que moi. Il tait tout perdu dans son grand sige de cuir brillant et ne cessait de jouer avec la tlcommande activant les diffrents massages du fauteuil high-tech. Le salon diffusait les programmes dune radio musicale. A lcoute de Mistral gagnant de Renaud, la chanson prfre de ma femme, ma gorge sest immdiatement noue, et contenir mon motion mest soudainement devenu impossible. Jai fondu en larmes. Comme un enfant. De lourdes larmes en provenance de trs loin, remontant de profondeurs insouponnes, emplies de tant de choses enfouies. Un flot qui aurait trop longtemps attendu pour dborder de la sorte. Ce qui ma fait le plus mal, cest linquitude lue dans les yeux de mon Jean qui sest arrt immdiatement de jouer avec son fauteuil et na plus quitt mon regard tout nouveau, dfo rm par les sanglots. La coiffeuse a poliment cach son embarras, ma demand si tout allait bien. Je lai rassure dun geste rapide de la main. pages 81-82. Cela fait un an quelle est morte. Je narrive plus me rappeler les traits de son visage. Sa voix aussi mchappe. Peu peu. Le travail du temps me fait tourner la tte. Un travail de sape. Tout devient flou. Restent les photos. Jusqualors, nous navons pas remis le nez dans les albums. Plus pour moi que pour les petits. Mme sils ne mont jamais parl de revoir les photos. Je me dis que, malgr tout, ils en ont peut -tre besoin. Revoir le visage de leur mre. Retrouver son sourire. Son regard damour. Je sors les trois gros classeurs abandonns sur la plus haute tagre de larmoire, ct des botes de cirage. a fait aussi un an que je nai pas cir de chaussures. En me retournant, je regarde les pieds des enfants. Pour Louise, rien dire. Ses chaussures sont neuves de trois semaines. Cest ma sur qui les lui a achetes. Une sorte davance sur son anniversaire. En revanche, pour Jean, il y a du travail. Ses baskets partent en lambeaux. On a d me le dire. Les scratchs ne tiennent mme plus. Ce nest plus une question de cirage. - Demain, on ira tacheter des chaussures, mon Jean. - Super, Papa ! Jen veux des toutes neuves. Des scratchs comme celles-ci mais en mieux. Et avec des crampons dessous, comme les footballeurs. - Pour les scratchs, je veux bien, mon bonhomme, mais pour les crampons, a va tre difficile. - Mais tu mavais dit lautre jour que jaurais des chaussures crampons - Jai dit a, moi ? - Oui, tu as dit a, affirme Louise qui vient mettre son nez dans nos affaires. Jean, il veut des chaussures avec des gros crampons pour marquer les buts. - Bon, on verra a demain Sinon, est-ce que euh a vous ferait plaisir de regarder les albums de photos ? - Oh oui ! Merci Papa chri, crient-ils en chur. - Pourquoi merci ? Vous navez pas me remercier - Ben si parce que, nous, on nosait pas te demander Ils mtonnent chaque jour un peu plus. Et, chaque jour un peu plus, ils me tirent le nez hors de leau. pages 142-143. Le chien Franklin dort dan son panier. Assis dans le canap, jen ai un de chaque ct. Bien cals sous mes bras, ils sucent leur pouce et reniflent leur doudou. Je tourne les pages de lalbum, lentement.
Les accouchements, le premier Nol avec le sapin gigantesque, le trente-cinquime anniversaire de mariage de Papi et Mamie, des photos de vacances, de runions de famille, de concerts lcole de musique et de bords de mer. -Elle tait belle, Maman, l, hein, Papa ? affirme Jean. - Oh oui, elle tait belle l, hein, Papa ? sempresse de reprendre Louise, pour n e pas tre en reste comme toujours. Cest la premire fois que les enfants parlent delle en utilisant limparfait. Cet emploi du pass me tord les tripes au plus profond de mon ventre. Je serre men exploser les mchoires et regarde de plus prs la photographie que Louise me montre avec son petit doigt. Ctait lors dun week -end Saint-Malo. Nous nous y tions rendus pour visiter le Belem en escale pour quatre jours en France aprs un long sjour dans le Pacifique et avant quil ne reparte vers lAmrique de Sud. Elle aimait les bateaux voiles. Sur la photographie, elle est accoude aux remparts, les cheveux au vent et le Belem derrire elle. Elle sourit. Je marrte sur chaque dtail. La finesse de ses traits. La petite fossette au creux des joues. La commissure des lvres. Son nez fin. Ses sourcils bien dessins. La blancheur de ses dents dvoiles par ses lvres en rire. Le minuscule grain de beaut sur le ct du menton. Le noir de ses yeux. Deux billes sombres et ptillantes, pleines de vie. pages 144-145. Charlne DUFOSSE, 2de 4
Le roman est d'actualit par rapport aux rvolutions arabes. Le peuple peut peut tre se rvolter puisqu'il semble y avoir des conditions de vie difficiles quand on voit Nazim qui veut fuir le pays et aller en Europe pour avoir une vie meilleure et refuse de construire le pays. Kaouther Adimi crit donc un livre d'actualit, qui dcrit la ralit de la vie en Algrie. A lire ! -Kader a dcid de partir. Il a runi la somme ncessaire. S'il y arrive, je ferais comme lui. Maintenant, je suis certain que c'est ce que je veux. -Ce n'est pas une certitude qu'il faut pour vivre au pays des gawri (Franais), rtorque Chakib, c'est de l'euro. DE L'EURO. -Et ici ? Tu crois qu'il faut quoi, ici, pour vivre ? Un peu de baraka, un peu de business et une prire ? -Exactement ! -Non merci. J'en ai marre de cette vie. Je veux aller en Europe. Je veux une vraie vie. -Comme dans les films ? Tu crois que c'est comme a, l bas ? Plein de belles filles blondes en short qui te feront de grands sourires ? -Je m'en fous des filles ! J'aime Yasmine. Je veux autre chose pour elle, pour nous. Je ne veux pas vivre comme un gueux. Je suis jeune, je peux travailler, me faire une situation et vivre dignement. Ici, si tu n'es qu'un citoyen, tu n'es rien. -T'en as pas marre de tenir ces discours de merde ? On doit aider construire le pays, pas tous se jeter l'eau comme du btail effray ! L'Algrie a besoin de nous. Et surtout de toi, qui fais des tudes de mdecine [] -Mais bordel, de quoi tu parles ? Construire ? Le Pays ? Ce pays n'est pas moi, mon nom n'est pas sur le bail. Rester ou partir ne changera pas la donne. Qu'avons nous fait contre les statistiques de puis dix ans ? Rien. Tu crois que le problme ce sont les milliers d'tudiants qui partent ? Non ! Ce sont tous ceux qui restent et qui ne foutent rien. Rien ! A part boire, fumer des joints et vendre des chaussures voles. Comme toi. Comme moi. Je suis quelqu'un de bien. Je crois en Dieu. J'ai des valeurs. Je veux juste donner mes futurs enfants une vie confortable. Je ne veux pas qu'ils vivent comme moi. -Trs bien, alors vas-y dgage donc vers les pays des pds et des putains, si tu veux ? Tu crois en Dieu ? Tu as des valeurs ? TOI ? C'est quoi, ces valeurs ? Tu passes ton temps te dfoncer et larmoyer devant une petite salope qui se fiche de toi ? Tu peux parler de mon business, moi au moins, je suis clean, je ne frquente pas cette famille de sous-merde. -Yasmine n'a rien voir avec son frre. Mehdi BENHADJOUDJA, 2de 4
Cette histoire se droule au XXIe sicle en Algrie. Nous apprenons quelle vie mnent les personnages principaux qui sont Adel et Yasmine ainsi que leur famille et leurs amis. Nous dcouvrons le comportement, la vie, la jalousie ou encore la rancur de ces personnages ici en Algrie. De plus, chaque chapitre, nous avons un personnage principal et le point de vue de chaque personnage est important pour le rcit. Ce roman est la fois sensible et noir. LEnvers des autres est un roman agrable la lecture, il est simple mais russit toutefois nous transporter dans cette histoire en cent trente pages. Il nous emmne en Algrie au XXIe sicle. Plus nous avanons au fil des pages, plus nous
dcouvrons les personnages. Certains passages se contredisent avec le point de vue de chacun. Par exemple Sarah, la sur dAdel et pouse dHamza, qualifie son mari de fou : Jai peur de ce quil y a dans sa tte, de ses paroles de fou, de ses yeux qui me suivent constamment, de cette prsence qui vit avec moi depuis tant dannes . Mais Hamza lui dit : Non, madame, je ne suis pas fou ! . Et il dira par la suite que cest mme elle qui est dsquilibre car elle donne tout ce quelle a pour la peinture. Dans tout le livre, nous pouvons trouver quelques contradictions en fonction du point de vue du personnage. Cest pour cela que jai choisi cet extrait qui regroupe deux passages, nous comprenons bien le point de vue de chacun. Ici, elle parle tranquillement de son mari, voque ses dfauts mais aussi son comportement. Lui parle de ses sentiments, de ce quil ressent vis--vis de lattitude de sa femme. La fin de ce livre est assez surprenante, chaque lecteur interprtera celle-ci comme bon lui semblera, comprendra lhistoire diffremment, selon quil souhaite tre du ct de Sarah ou dHamza. Chacun jugera lcriture sa manire. Le rsum en dit trs peu, ce qui peut nous intriguer mais aussi nous donner envie de lire. Ce livre peut donc nous faire penser notre vie mais aussi penser leurs vies en Algrie. Les pages que jai choisies sont mettre en parallle entre le point de vue de Sarah et celui de Hamza, son mari. Sarah : On attend de moi que je sois forte et patiente. Cela fait des annes que joffre, la compassion et la mchancet du monde, un sourire crisp et lanonymat de mes yeux cachs par mes fausse s lunettes de soleil Chanel. Des annes que je moccupe de Hamza dans cette drle de maison et ce drle de jeu quon appelle mariage. Et depuis des annes, assise au coin de la fentre de ma chambre denfant o je suis revenue habiter depuis que mon tendre mari est fou, jcoute le brouhaha de la ville et regarde les pierres grises, les doigts crisps sur un mouchoir en soie. Plus personne na de mouchoir en soie , ne cesse de me rpter ma trop jolie petite sur. Et pourtant, mes doigts sur ce petit car r de soie blanche. Ce ne sont que des pierres, des pierres grises. Quelle folie ces pierres. Les doigts crisps sur mon mouchoir en soie, offert par Adel, cette petite chose sont personne ne se soucie, jentends Hamza ricaner, crier, parler, gmir. Il meffraie. Jai peur, peur de ce quil y a dans sa tte, de ses paroles de fou, de ses yeux qui me suivent constamment, de cette prsence qui vit avec moi depuis tant dannes. Ses cris sont insupportables. Ils me drangent dans mes rveries, me font sursauter lorsque je moublie contempler le ciel vide. Je prfre lorsquil se tait, en me dvisageant dun air fou, suppliant, et peureux. La peur est personnelle. Elle peut tre cache. On lobserve dans le noir de sa solitude. Alors que les cris Ils refltent nos drames. Montrent au monde que nous avons chou. Les cris dsignent des coupables, des victimes, des problmes, rarement des solutions. Tais- toi, Hamza, tais-toi, je ten prie, je ne supporte plus tes paroles dcousues. Tais -toi, Hamza, mon chri, o je vais faire un malheur. Il est vrai que je suis ta femme, mais je nen peux plus de tcouter. Et te voil reparti dans ton dlire, te voil nouveau dans tes fantasmes, dans ton monde. -Sarah, belle Sarah, que fais-tu assise toute seule prs de la fentre ? -Jattends. -Quattends-tu ? -Le lever du jour. Cest bientt lheure pour Mouna daller lcole. -Qui est Mouna ? -Notre fille. -Nous avons une fille ? -Oui, nous avons une fille. Une adorable fillette de neuf ans. Tu ne te souviens donc pas ?
-Je crois je ne suis pas sr, Peut-tre je crois lavoir vue hier je ne suis pas certain, je nen ai aucune ide, vrai dire. Peut-tre tait-ce la semaine passe, ou lanne prochaine. Hamza : Tu vois, Sarah, cest de ta faute si jai laiss tomber les enfants qi avaient besoin de moi, pour couter des collgiens mexpliquer quun jour ils reprendront laffaire de leur pre et quils pourront se payer mon diplme, et des collgiennes transies damour pour leur professeur dducation physique mavouer quelles aimeraient bien sinjecter du botox comme leur mre. Tu ris, Sarah ? Tu ris alors que je pleure. Oui, tu entends bien, je pleure, moi, lhomme, le mle, je pleure comme une femme, alors que toi, tu ris. Cest bizarre, la mmoire on se sou vient de choses si anodines, et on en oublie de si importantes. Ton odeur, ta voix le matin, la manire que tu avais de me sourire avant tout a, je men souviens. Alors que toi, la seule chose qui reste dans ta caboche vide, cest ce foutu mouchoir en soie que tu tranes partout. Il mnerve, ce mouchoir. Je me demande pourquoi tu ne ten spares pas, alors que tu nas eu aucun mal te sparer de la broche que je tai offerte Non madame, je ne suis pas fou ! Je sais trs bien que je tai offert une broche en diamants remplie de couleurs. Tu en as fait quoi ? Tu as colori les murs avec ? Sarah, jaimerais te faire mal, te violenter, te frapper, te cogner contre le mur, tentendre hurler de douleur, de rage et de colre. Juste quelques cris pour me prouver que tu es encore capable de ressentir des motions et pas juste un horrible corps qui ricane en racontant des fables. pages 25-27. Clara Zimbelli, 2de 4.
Dans ce roman, Kaouther Adimi sattaque un sujet qui lui est plutt personnel puisque tout au long du roman elle dcrit lAlgrie; prcisment Alger, et parle de cette ville dAlger la blanche en nous montrant la vie l-bas. Pour cela, elle nous raconte lhistoire de Yasmine et Abel, deux frres et sur trs proches. En dpit du fait quils ne se parlent plus beaucoup et passent de moins en moins de temps ensemble. Dans le quartier, plusieurs autres personnages donnent leur point de vue tour tour sur cette ville et souvent mme, mdisent dAbel et Yasmine qui sont considrs comme trop parfaits , trop beaux et trop suprieurs , bien queux aussi soient dans la mme situation, avec les mmes problmes quotidiens et soucis familiaux qui rythment de manire presque rptitive leur vie Alger. Yasmine et Abel sont deux personnes trs calmes dapparence bien quils peuvent souvent bouillonner intrieurement, ils paraissent aussi assez solitaires et mlancoliques. Ils aimeraient quitter lAlgrie mais savent que fatalement, invitablement moins dun miracle, ils mourront ici : Je suis ne ici, jy ai toujours vcu et jy mourrai srement et de cette ville je ne vois plus la blancheur, la beaut ou la joie de vivre. ; Salet de ville ! (p. 41) Cest avec aisance que Kaouther Adimi nous fait vivre leur histoire et nous fait imaginer les rues dlabres dAlger la blanche. Tout est crit avec beaucoup de posie faite principalement dimages, de mtaphores. Ce livre nous fait vivre ce rve de libert, dun avenir beau, rejet par un sentiment de fatalit. Il ne faut donc pas sattendre ici un livre qui nous ferait rire tout du long, bien que tout cela soit parfois mme ridiculis par les personnages eux-mmes qui se moquent de cette ville et des scnes quotidiennes quils vivent depuis trop longtemps (et quil vivront srement encore longte mps) pour les prendre au srieux. Lauteur insiste aussi particulirement sur les problmes de Sarah, une sur dAbel et Yasmine, avec Hamza son mari : ils saimaient, mais depuis quelques temps Hamza devient jaloux, casanier, et moins attirant, voire plus du tout aux yeux de Sarah qui comme beaucoup, pense quil est devenu fou lier et mme bon interner; Mais elle songe apparemment quil lui est impossible de le quitter surtout cause de leur mre Ds quon commence en parler, maman pousse des cris nen plus finir. (p. 40)
Kaouther Adimi traite donc le sujet avec beaucoup de rflexion, de critique et de posie, en faisant un roman intressant, et qui peut mouvoir page aprs page certains lecteurs. Il y a dans la nuit quelque chose qui mattire. Un silence quon ne peut retrouv er dans le jour. Une sensation dpaisseur et de lourdeur difficile dfinir. Une impression de finitude. Jaime entendre le lever du jour, voire dun coup la ville sveiller. Il est plus raisonnable de dormir toute laprs -midi et de rester debout la nuit. Il ny a que les vieux, les enfants et les imbciles qui ignorent les charmes dune nuit blanche. Le problme cest que je dois aller en cours le matin. Souvent, je suis puis et je dors, bien cach derrire un livre ouvert. Les voisins que je croise dans lescalier froid et sale attribuent mes cernes aux malheurs que connat notre famille. Les crtins ! Si lon devait avoir des cernes selon les malheurs qui rgnent dans sa famille, la mienne ne serait pas la moins pargne. Cest juste la plus visible. Pauvre Sarah. Je ne comprends pas dailleurs pourquoi elle ne fait pas interner Hamza. Il est fou lier. Et elle est encore jeune, belle, pleine de talents, de joie, de grce, de possibilits. Maman peut dire ce quelle veut, Sarah nen a plus rien faire de Hamza. a se voit la manire dont elle le regarde, avec comme de la lassitude dans les yeux et sur les lvres. Mais elle nose pas le jeter, comme elle nose pas jeter cet affreux mouchoir en soie. Ou peut-tre que prendre cette dcision et contrarier maman lui demanderaient trop defforts. Ds quon commence en parler, maman pousse des cris nen plus finir. Mme Adel naime pas cette ide. Mais mon frre a en horreur mdecin et structure. Adel aime les nuances, les exceptions, les complexits. Ce matin je lai laiss dans la cuisine avec maman et jai fil sans rien dire. Je navais pas envie dentendre leur conversation ou leur absence de conversation, plutt : les banalits changes, les silences tendus, les questions de maman poses sur un ton hsitant et les rponses tout aussi hsitantes dAdel. Je sors de limmeuble en poussant des deux mains la lourde porte noir, en fer. La lumire au petit matin est violente, elle blouit, promet une journe vivante, et joyeuse. Larrt de bus, lui , est bond. Ds que lautocar stationne prs du trottoir dfonc, cest le rush : Les portes avant et arrires sont envahies par ceux qui montent et ceux qui descendent. Tant bien que mal, je russis me faufiler entre une vieille femme et sa fille, et atteindre une place libre prs de la vitre. Je peux respirer. Ce bruit, cette agitation mtourdissent. Le vhicule dmarre. Je ferme les yeux pour ne pas voir la ville dfiler, pour ne plus voir les rues dAlger la Blanche. Il ny a gure que les trangers pour sextasier devant sa blancheur. Je suis ne ici, jy ai toujours vcu et jy mourrai srement et de cette ville, je ne vois plus la blancheur, la beaut ou la joie de vivre, mais uniquement les trous qui me font bondir de ma place, les pigeons qui lchent leur fiente sur ma tte et les jeunes dsuvrs qui essayent de me tripoter au passage. Ah, je les oubliais : les vieilles ! Les vieilles connes dans les escaliers qui me conseillent de mhabiller plus chaudement. Les vieilles peaux qui dans le bus me prennent la main et me parlent de leur fils qui fait leur dsespoir. Les vieilles teignes lodeur de menthe ou de rose qui sagrippent votre bras sans prvenir. Les vieilles acaritres qui crient leurs ordres, leurs conseils, qui mdisent, sagitent, snervent. Salets de vieilles. Salet de ville ! Je me cale contre la paroi du bus, essaie de massoupir, de rattraper le manque de sommeil mais le bus sarrte brusquement, me faisant sursauter. Cest le premier des quatre arrts prvus. Plusieurs personnes montent, faisant du bruit, Poussant des exclamations, sexcusant auprs des vieilles, prenant la place des enfants. Bond le bus reprend cahin-caha sa route, sort difficilement du centre-ville et remonte une longue pente. Mon souffle fait une sorte de bue sale sur la surface lisse et paisse de la vitre. Bue qui ne russit pas masquer les uniformes bleu et blanc des policiers, ni le gris mtallique des camras, taches de couleurs insolents qui brillent sous le soleil algrien. pages 40 42 Gaspard HERMANT-NOEL, 2de 4
Dans l'Envers des autres, l'histoire raconte la vie Alger aujourd'hui, vue selon plusieurs habitants d'un immeuble, qu'ils soient jeunes (enfants, adolescents), la facult, au chmage, mari(e)s, parents. Chacun son chapitre. Mais tous les personnages parlent, tournent autour de la famille d'Adel et Yasmine, les personnages principaux. Ce sont deux frre et sur qui en grandissant ont arrt de se parler entre eux. Leur mre se demande ce qu'elle a pu faire de mal pour qu'ils soient ainsi. Il y a aussi leur grande sur qui peint longueur de temps et un mari fou mais pas assez pour tre intern. Ils ont une fille qui avec ses rves nafs adoucit l'histoire et le portrait de la famille. A l'aide des nombreux personnages (trois interviennent mais d'autres sont cits), on voit cette famille sous diffrents point de vue. En jeune auteur, vingt-cinq /vingt-six ans, Kaouther Adimi signe ici un trs bon premier roman, bien qu'elle ait un peu d'exprience : prix du jeune crivain francophone de Muret (2006 et 2008), et le prix du festival international de la littrature et du livre de jeunesse d'Alger (2008) grce des nouvelles qu'elle a crites prcdemment. Kaouther Adimi nous dcrit ici avec suffisamment de prcision son pays d'origine, la difficult d'avoir une vie dont tous rvent dans une capitale comme Alger (anne 2011 : printemps arabe, rvolutions dans de nombreux pays, et mme si elle n'a pas touch l'Algrie, elle a pris place dans des pays voisins). Elle nous permet de voir ce que les voisins, enfants, parents, camarades. pensent, comme Sarah et Hamza. Le livre se lit bien, que ce soit pour des lecteurs jeunes car ils peuvent se reconnatre dans leur train de vie : comment volue un jeune / un adolescent aujourd'hui - ou plus mr. L'adulte sera plus sensible aux faits d'actualits, il pourra donc voir comment se passe la vie quotidienne Alger. Les phrases sont bien construites. Les dialogues rythment le texte et les chapitres sont courts. Chaque personnage a droit son portrait fait en gnral par un autre. Par contre, on peut souligner qu'elle emploie quelque fois un langage familier, grossier mais malgr tout moderne, de tous les jours qui nous fait encore plus rentrer dans la vie quotidienne des personnages. Le lecteur peut choisir la fin qui lui correspond: elle peut-tre plus claire, plus ambige pour des personnages, selon les vnements que l'on a retenus. L'Envers des autres rsume la vie difficile des jeunes Alger qui sont informs que ce soit la tlvision ou sur internet (les rseaux sociaux...), veulent partir en Europe, pour avoir une vie meilleure, plus de libert. Ce roman peut nous montrer la relation qu'entretiennent certaines personnes avec la religion, entre des personnes plus tournes vers l'Europe et groupes voulant dfendre l'honneur du pays. La fin reste inattendue, touchant la corde sensible du public, qui tait reste jusque l surtout dans la description de la vie Algrienne. Les personnages agissent d'une certaine manire, par souci du qu'en-dira-t-on, tout en entretenant dans leur for intrieur des penses diffrentes. De fait, chaque protagoniste donne voir quelquechose de son envers des autres ...
Nazim ouvre les hostilits: -Kader a dcid de partir. Il a runi la somme ncessaire. S'il y arrive, je ferais comme lui. Maintenant, je suis certain que c'est ce que je veux. -Ce n'est pas une certitude qu'il faut pour vivre dans un pays de gawri l'euro. DE L'EURO.
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-Et ici? Tu crois qu'il faut quoi, ici, pour vivre ? Un peu de baraka, un peu de business et une prire ? -Exactement ! -Non, merci. J'en ai marre de cette vie. Je veux aller en Europe. Je veux une vraie vie. -Comme dans les films ? Tu crois que c'est comme a, l-bas ? Plein de filles blondes en short qui te feront de grands sourires ? -Je m'en fous des filles! J'aime Yasmine. Je veux autre chose pour elle, pour nous. Je ne veux pas vivre comme un gueux. Je suis jeune, je peux travailler, me faire une situation et vivre dignement. Ici, si tu n'es qu'un citoyen ordinaire tu n'es rien. -T'en as pas marre de tenir ces discours de merde ? On doit aider construire le pays, pas tous se jeter l'eau comme du btail effray ! L'Algrie a besoin de nous. Et surtout de toi, qui fais des tudes de mdecine. Les traits de Nazim se durcissent. Ses yeux marron virent au noir. Une veine apparat sur son front, palpite dsesprment, comme si elle voulait faire comprendre son interlocuteur qu'il doit rapidement changer de sujet. D'une voix glaciale, il rpond : -Mais bordel, de quoi tu parles ? Construire ? Le pays ? Ce pays n'est pas moi, mon nom n'est pas sur le bail. Rester ou partir ne changera pas la donne. Qu'avons-nous fait contre les statistiques pendant dix ans? Rien. Tu crois que le problme, ce sont les milliers d'tudiants qui partent ? Non ! Ce sont tous ceux qui restent et qui ne foutent rien. Rien ! A part boire, fumer des joints et vendre des chaussures voles. Comme toi. Comme moi. Je suis quelqu'un de bien. Je crois en Dieu. J'ai des valeurs. Je veux juste donner mes futurs enfants une vie confortable. Je ne veux pas qu'ils vivent comme moi. -Trs bien, alors vas-y, dgage donc vers le pays des pds et des putains, si tu veux. Tu crois en Dieu ? Tu as des valeurs ? TOI ? C'est quoi, ces valeurs? Tu passes ton temps te dfoncer et larmoyer devant une petite salope qui se fiche de toi. Tu peux parler de mon business, moi au moins je suis clean, je ne frquente pas cette famille de sous-merdes. -Yasmine n'a rien voir avec son frre! (1) Gawri: franais pages 21-23 Il est presque l'heure d'entrer en cours. Une vague d'tudiants arrive. Les clans se forment. Prs de la porte d'entre, le groupe des tudiantes sages. B'nt familya (1). Pas de maquillage, pas de garons, pas de cigarettes, pas d'heures de cours sches. Yeux baisses, teint rose et petit sourire en coin. Elles s'assoient au premier rang et lvent le doigt en hsitant et en s'excusant. Papa est banquier, maman est enseignante. Filles bien, filles poses. Pas trs loin, il y a itihad el ikhwa, l'union des frres. Gandoura blanche, t comme hiver. Forcment elle devient grise. Barbe noire, pas trop longue pour ne pas avoir de problmes. Juste ce qu'il faut pour montrer qu'eux ont la foi totale, qu'ils ne sont pas des impies, que la pause de midi est faite pour prier et rien d'autre. Ils ont le savoir suprme. Les autres sont des tres insignifiants vous aux gmonies. Ils se tiennent trs loin des filles maquilles et rieuses. Oblig. Chaque anne qui passe, la femme a un diable de plus sur l'paule. La femme chitana (2). Ensuite viennent les fashion victims qui se nomment eux-mmes ainsi. Papa travaille dans la communication et maman est dcoratrice d'intrieur. Le nouveau mtier la mode. Ils portent des baskets rouges, des pulls orange, des jeans verts, une charpe multicolore et, pour faire une bonne mesure un sac dos noir. Dans le coin le plus sombre, il y a les couples. Toujours colls, on ne les voit que de dos. Ils ne sont l pour personne, se fichent de la terre entire et encore plus du ciel. Ils roucoulent, font des projets d'avenir, se disputent sur les
prnoms des enfants et finissent par ne pas en avoir. De toute faon, il y a assez d'enfants sur terre! Elle l'aime plus que tout: il est son chat, sa vie, son trsor, son ange, son petit garon, sa raison d'exister, son miracle, son bb. Elle est sa puce, sa femme, sa chrie, sa poule. Ils finissent par rompre. Il dit qu'elle tait grosse. Elle dit qu'il embrassait mal. Il devient un salaud, un connard, un enfoir, un tortionnaire. Elle est une garce, une conne, une poufiasse, une gamine. Elle sort avec son meilleur ami, et lui avec son ex. Valse d'amour et de haine. Aprs viennent les commres. Elles savent tout: pourquoi la mre de Nassima ne parle plus celle de Fella, pourquoi Bilal a un il au beurre noir, avec qui la prof de littrature compare tait hier soir, ce que le chef de dpartement fait dans son bureau. Elles se reproduisent entre elles, savent lire sur les lvres, et surtout possdent une mmoire incroyable. Elles ont mmoris l'arbre gnalogique de tous les tudiants, les adresses, les fringues prtes, les clins d'il changs, les ventres qui grossissent et se dgonflent juste aprs. Bien sr dans le foule il y a aussi les philosophes qui ont compris, les timides qui intrieurement enragent, les psys qui vous lancent des Freud a dit chaque virgule, les jaloux, les hypocrites, les mouchards et, pour conclure, il y a les dmocrates. Les chieurs de l'universit, c'est eux. Ceux qu'on aimerait brler au milieu de la place publique, c'est encore eux. Ce sont les pires. Ils font l'unanimit. Tout le monde les dteste. Vieilles godasses pour faire gaucho, chemise rose pour rvler leur ct fminin, pantalon beige pour la discrtion, lunettes monture transparente, afin de montrer qu'ils se foutent de la mode et qu'ils se sont crev les yeux force de lire Kafka, Marx et Sartre. Ils se mlent de tout et tous. Des droits de la femme ceux cochon par le tamazight (3). Personne n'coute mais ils s'en foutent, ils continuent de parler, partant du sacro-saint principe algrien : El samat yaghlab el waa'r (4). (1) B'nt familya: Filles de bonnes familles (2) Chitana: diablesse (3) Tamazight: langue berbre (4) El samat yaghlab el waa'r: l'emmerdeur bat le plus fort pages 51-53 milie LAMBINET, 2de 4
KAMEL Les yeux brouills de larmes, elle s'avance vers moi. Je ne bouge pas. Superbe dans les vtements de luxe, je me tiens bien droit; J'ai l'air d'un Amricain avec mon jean Diesel, mes santiags et mon pull Dior. Je fais mine de n'en avoir rien foutre d'elle. Elle va devoir m'implorer si elle veut que je la reprenne. Elle le sait. Bonne joueuse, elle n'essaye pas de ngocier. Elle s'arrte quelques millimtres de moi et se dresse sur la pointe des pieds pour pouvoir me regarder en face. Elle porte une robe d't fines bretelles qui laisse voir son cou et la naissance de ses seins. Ses yeux bleus m'implorent de la prendre dans mes bras. Sa bouche brillante, peine entrouverte, me fait signe d'approcher. J'essaie de ne pas succomber, de faire tenir le plus longtemps possible cette image enchanteresse. Elle s'approche et pose une main sur mon torse. BOUM. Je crois que je vais mourir. Elle se love contre moi. BOUM. Mon cur explose. Je..., je... , rien du tout, une coupure d'lectricit vient me ramener la ralit. MERDE ! Je donne un violent coup de poing sur la tl. Le petit cran noir reste dsesprment teint. Frustr, je passe un vieux survtement, empoigne
mon sac dos qui trane prs du matelas et sors sans faire de bruit, pour ne pas rveiller mes parents et mes surs qui dorment depuis longtemps. La cigarette au coin de la bouche, Chakib, un pote d'enfance, me fait signe. Adoss contre un lampadaire l'ampoule brise, il chuchote dans son tlphone portable. Lui et moi, on est comme des frres. A cinq ans, on partageait nos pots de crme glace. A douze ans, on espionnait les filles lorsqu'elles allaient aux toilettes. A quinze ans, on draguait les lycennes. Aujourd'hui, Chakib magouille droite et gauche. Il achte des chaussures confisques par la douane, qu'il revend prix d'or aux riches de Sidi Yahia. Sa mre croit qu'il est employ par une entreprise prive et qu'il a les faveurs de la fille du patron. Je lui fais signe d'abrger sa conversation tlphonique, il me rpond par un doigt d'honneur. Heureusement, Nazim arrive. tudiant en mdecine le jour, vendeur de meubles le soir, il nous approvisionne en pilules, somnifres, seringues, fausses ordonnances, pansements, mdocs en tous genres et bouteilles d'alcool. On s'est connus dans un commissariat. Une manif de jeunes qui s'est mal termine. Je passais ct, compltement dfonc. Les jeunes scandaient des slogans, je ne sais plus lesquels, je n'entendais pas grand-chose. Et les flics sont arrivs. J'ai eu un fou rire quand ils sont sortis de leurs voitures en criant, en agitant des matraques et nous aspergeant de gaz lacrymogne. Ils ressemblaient des pantins, avec leurs uniformes si propres, leurs couleurs voyantes et leurs moustaches tailles la perfection. Ils nous ont tous embarqus. Les moustaches... qu'est ce que a me faisait rire ! J'ai essay d'en attraper une. C'est l que Nazim m'a pris le bras et m'a dit de me calmer. Comme a, juste : Calme-toi . Il avait un air suppliant. J'ai hsit. Un moment, j'ai mme pens lui casser la gueule mais je me suis retenu et je n'ai plus cherch attraper les moustaches des flics. Bien plus tard, Nazim m'a avou avoir eu trs peur ce jour-l, parce qu'il avait un gros morceau de shit planqu sur lui. Chakib range son tlphone dans sa poche. On s'adosse au mur de l'immeuble avec le vain espoir qu'une fille passera, mme si on sait qu' une heure pareille, seuls les travelos et les putes se baladent dans le centre-ville d'Alger. J'allume une cigarette. Chakib parle de la parabole, il dit que ces connards de Canal + ne savent pas ce que c'est que de vivre en Algrie, que bientt les grosses soucoupes blanches ne vaudront plus rien et qu'il faudra aller chercher du rve ailleurs. Je lui rponds qu'il y a toujours internet, les copies de films cent dinars au march de Meissonier, les tudiantes naves, les frivoles, les putes, le mariage, l'imagination. Nazim sort des glules de sa poche qu'il distribue avec quit : deux par personne. Je laisse les miennes longtemps dans la bouche, ce qui fait rire les deux guignols qui me servent de meilleurs amis, mais je m'en fiche. Les gober d'un coup me ferait penser des mdocs. On n'avale pas ces pilules comme on le fait de cachets d'aspirine. Il faut les laisser se dissoudre dans la salive tout doucement, pour avoir l'impression qu'elles s'infiltrent dans tous les recoins du corps. Elles se savourent, comme une femme. Chakib sort des feuilles de papier cigarette et un morceau de shit qu'il se met effriter. Il roule une dizaine de fines cigarettes et les ferme en lchant consciencieusement les extrmits. Ce petit roulage de joint me rappelle la manire dont mes surs roulent les boureks pendant le ramadan, en les fermant avec du jaune d'uf. Je ris en y pensant. J'imagine mes surs fumer du shit. Impossible. Fausse quation, retour la case dpart. Les joints sont vite allums. Le shit s'infiltre rapidement dans nos gosiers. Un silence pesant s'installe. Je m'accroupis par terre, et dessine dans la poussire un homme sans tte. Nazim le brouille avec la lourde semelle de ses baskets. Je me laisse tomber sur le trottoir, lve le visage vers le ciel, mais ne vois qu'une multitude de balcons, de fentres et de soucoupes blanches. Chakib suit mon regard, et m'indique du doigt une silhouette, au premier, peine claire par une faible lampe pose par terre. Je ricane. Yasmine. Yasmine qui fait saliver tous ceux qui ont le
malheur de croiser sa route. Je fais mine de me lcher les babines pour agacer Nazim, qui croit sortir avec elle, alors qu'il n'est en ralit qu'un petit jouet dont elle se dbarrassera ds qu'elle se lassera. Chakib me montre un autre point. La chambre voisine de celle de Yasmine, celle de son frre Adel. Tous deux sont bien connus dans le quartier. Pour leur beaut incroyable bien sr, mais aussi pour leur bizarrerie et leur complicit. Je sors de mon sac dos une bouteille de whisky que je tends aux copains. L'alcool a au moins le don de dlier les langues. Montrer des fentres en ricanant ne fait pas passer la nuit. Nazim ouvre les hostilits : - Kader a dcid de partir. Il a runi la somme ncessaire. S'il y arrive, je ferais comme lui. Maintenant, je suis certain que c'est ce que je veux. - Ce n'est pas une certitude qu'il faut pour vivre au pays des gawri, rtorque Chakib, c'est de l'euro. DE L'EURO. - Et ici ? Tu crois qu'il faut quoi, ici, pour vivre ? Un peu de baraka, un peu de business et une prire ? - Exactement ! -Non merci. J'en ai marre de cette vie. Je veux aller en Europe. Je veux une vraie vie. -Comme dans les films ? Tu crois que c'est comme a, l-bas ? Pleins de belles filles blondes en short qui te feront de grands sourires ? -Je m'en fous des filles ! J'aime Yasmine. Je veux autre chose pour elle, pour nous. Je ne veux pas vivre comme un gueux. Je suis jeune, je peux travailler, me faire une situation et vivre dignement. Ici, si tu n'es qu'un citoyen ordinaire, tu n'es rien. -T'en a pas marre de tenir ces discours de merde ? On doit aider construire le pays, pas tous se jeter l'eau comme du btail effray ! L'Algrie a besoin de nous. Et surtout de toi, qui fait des tudes de mdecine. Les traits de Nazim se durcissent. Ses yeux marron virent au noir. Une veine apparat sur son front, palpite dsesprment, comme si elle voulait faire comprendre son interlocuteur qu'il doit rapidement changer de sujet. D'une voix glaciale, il rpond : - Mais bordel, de quoi tu parles ? Construire ? Le pays ? Ce pays n'est pas moi, mon nom n'est pas sur le bail. Rester ou partir ne changera pas la donne. Qu'avons-nous fait contre les statistiques pendant dix ans ? Rien. Tu crois que le problme, ce sont les milliers d'tudiants qui partent ? Non ! Ce sont tous ceux qui restent et qui ne foutent rien. Rien ! A part boire, fumer des joints et vendre des chaussures voles. Comme toi. Comme moi. Je suis quelqu'un de bien. Je crois en Dieu? J'ai des valeurs. Je veux juste donner mes futurs enfants une vie confortable. Je ne veux pas qu'ils vivent comme moi. - Trs bien, alors vas-y, dgage donc vers le pays des pds et des putains, si tu veux. Tu crois en Dieu ? Tu as des valeurs ? TOI ? C'est quoi, ces valeurs ? Tu passes ton temps te dfoncer et larmoyer devant une petite salope qui se fiche de toi. Tu peux parler de mon business, moi au moins je suis clean, je ne frquente pas cette famille de sous-merdes. - Yasmine n'a rien voir avec son frre ! pages 17-22 Extrait choisi par Mava SERGENT 1ES3
Commentaires des lves sur Comme des larmes sous la pluie de Vronique Biefnot
Comme des larmes sous la pluie a t crit par Vronique Biefnot. Comdienne, metteur en scne, peintre, et rcemment romancire. Cet ouvrage est son premier livre. Edit en mai 2011, par la maison Hlose dOrmesson, cette uvre est sans aucun doute, facile et agrable lire, car les pages se tournent trs vite ds le dbut de la lecture. Lhistoire est mene comme celle dun thriller. Lauteur nous dirige simplement vers laboutissement de son intrigue, en nous laissant du suspens et donc en nous faisant dcouvrir des indices lun aprs lautre. Deux mondes voluent en parallle. Celui de Nalle et celui de Simon Bersic. Et en contre point, celui dune famille, qui vit sa vie , compose de pleins de petits bonheurs (voir lextrait ci-joint). Et enfin, une voix, qui apporte un voile dombre et qui rythme le rcit. Les pripties se droulent au XXme sicle, en Belgique, prs de Bruxelles. Nalle, est une jeune fille mystrieuse, qui fait sauter les verrous (souvre au monde), et qui tombe amoureuse de Simon, crivain la mode , ayant perdu sa femme et rencontrant des difficults de communication avec son fils. Cline, mre de famille, se lie damiti avec ses personnes (sparment), auparavant inconnues pour elle. Et enfin, une certaine et secrte voix raconte ce quelle vit. Vronique Biefnot laisse penser que cette voix appartient Nathanalle. Cette voix se dmarque, par sa noirceur , de lambiance tranquille, confortable du dbut du roman et prouvante dans la seconde partie. Dans cette uvre, pour ma part, il ny a quun seul point ngatif. Ce sont certains strotypes. Comme par exemple les garons qui naiment pas lamour . Bien entendu, ces strotypes sont trs peu frquents. Dautres points positifs, sont eux, bien entendu, trs abondants. Tout dabord, les sentiments, des personnages sont merveilleusement bien dcrits (voir lextrait ci-joint). Ils peuvent faire natre de nombreuses motions chez le lecteur. Ou encore la description des lieux, qui elle, prsente trs bien lambiance, parfois sombre, parfois gaie, des lieux o se trouvent les diffrents protagonistes. A travers Comme des larmes sous la pluie (phrase tire du journal intime de la mre de Nathanalle, Liliane), Vronique Biefnot dnonce ou voque, plusieurs problmes de la socit. Comme les mdias qui manipulent les gens, les difficults individuelles (apparences, injustices), les problmes quengendre le secret mdical Ce soir-l, au moment du coucher, Mline, sa fille lavait retenue par le cou pour un dernier baiser, un dernier clin et lui avait gliss loreille : Maman, tu sens bon comme un arc-en-ciel aprs la pluie ! Cline tait sortie sans bruit de la chambre pour que la petite ne voie pas les larmes de tendresse couler le long de ses joues ; voir ses enfants grandir chaque jour tait pour elle un bonheur intense, elle savourait chacun de ces moments de joie, tellement consciente de leur fragilit. La vie avait t gnreuse avec elle, une enfance sans problme, des tudes agrables, un mtier qui lui plaisait, un mari magnifique et comprhensif : aprs vingt ans de vie commune, il
semblait la dsirer comme au premier jour malgr ces chemins de la vie qui commenaient sinscrire sur son corps, autour de ses yeux, sur ses mains. Elle prenait soin de ce bonheur susceptible de svanouir du jour au lendemain ; soucieuse de transmettre ses enfants cette chose tellement prcieuse quest le got de la vie, du bonheur et toutes ces petites choses insignifiantes qui le rendent possible au quotidien : le plaisir dun repas partag, dun jeu de socit au coin du feu, dune balade en fort, dune discussion entre amis qui se prolonge tard dans la nuit, la lueur des bougies Plaisirs si fugaces, si importants. Cline rejoignit Grgoire dans leur lit, heureuse, panouie, prenant sa place coutumire, la tte pose au creux de son paule, la jambe droite lgrement sur le sexe de son amant qui durcit instantanment son contact. Florian LE MAIRE, 1ES3
Comme des larmes sous la pluie, ou comme un livre passionnant. On ne lit pas ce roman, on le vit. Merci Vronique Biefnot, et son grand talent. Tout d'abord comdienne, metteur en scne (au ct d'autres professions dans le domaine du thtre qu'elle apprcie normment), et peintre, elle a crit ce magnifique livre. Au dpart, cest une criture libre pour elle mme. Comme des larmes sous la pluie est dit par les ditions d'Hlose d'Ormesson. Ce premier roman fait maintenant d'elle un crivain - grand talent-, et dont on attend d'autres romans aussi passionnants que celui-ci. Elle vit Bruxelles, ville qu'elle connat trs bien et qui est le lieu o se droule son roman. Ce thriller amoureux, est crit de manire polyphonique c'est--dire quil fait entendre plusieurs voix, comme le cite Vronique Biefnot dans ses interviews. En effet, on retrouve quatre univers qui voluent en parallle dans son roman, pour ensuite se retrouver. L'univers de Simon : crivain grand succs qui choisit d'aller vivre Bruxelles pour y retrouver son ami d'enfance. Simon a perdu sa femme depuis six ans, et n'arrive plus reconqurir l'amour. Il a un fils, Lucas. Ensuite, l'univers de Nalle: Jeune fille mystrieuse, enferme sur elle-mme dont on ne sait rien, sauf la fin o l'on apprend son trange comportement. Elle ne sait pas comment faire avec les autres et avec le monde. Elle se rfugie dans la lecture, alors que Simon se replie dans l'criture. Ces derniers finissent par se rencontrer, sans mme le savoir, grce Cline et Grgoire, un autre univers. Ils sont maris, ont trois enfants et vivent la vie de famille quotidienne. Ils reprsentent la normalit dans ce roman. Enfin, l'autre univers est celui d'une petite voix dans la nuit, qui donne beaucoup de mystre ce roman, et qui prend sens au fil des pages. On remarque alors une opposition entre la vie quotidienne de la famille, et une vie hors du commun comme celle de Nalle, Simon ou encore de la petite voix (les textes joints montrent l'univers de chacun). Ce livre fait rfrence un fait divers trs connu - qui s'est d'ailleurs pass Bruxelles - (ce qui explique aussi le lieu choisi) auquel on ne peut cesser de penser quand on lit ce livre. Ce fait divers est celui de l'affaire Dutroux (2 fillettes enfermes dans sa cave, violes, et squestres par celui-ci). Vronique Biefnot dcide donc de sortir un livre bien plus qu'ordinaire, voquant la pdophilie, la violence et encore un autre thme que l'on dcouvre la fin du livre, mais ceci recouvert par une forte passion amoureuse. Cet auteur a un style magique, qui nous oblige ressentir de la peine, de la souffrance et de la compassion parmi toute une palette dmotions. Le lecteur a l'impression du vrai, et n'a pas le temps de s'ennuyer! Il est difficile de quitter la lecture de ce livre, et on ressent beaucoup dimpatience dans la lecture. Il se lit malheureusement trop vite, et on attend un autre tome, qui d'aprs Vronique Biefnot existera. L'auteur aura certainement une longue carrire d'crivain, car pour un premier roman, le style du livre est beaucoup travaill, la lecture est facile, le scnario trs intressant et d'actualit. Cette uvre mrite d'tre lue, pour ne pas passer ct d'une histoire qui en vaut bien plus que la peine. Maintenant, courez acheter ce livre!
Le lundi matin tait parfois pnible : Lucas rechignait se lever pour se rendre au collge et Simon prouvait certaines difficults avec la solitude qui rgnait dans son splendide appartement et contrastait douloureusement avec le joyeux charivari habituel des week-ends chez Grgoire et Cline. Convaincu qu'il n'arriverait pas crire aujourd'hui, il dcida de rpondre aux nombreux mails rests en souffrance depuis quelques jours dans sa bote messages. Rien de bien nouveau : des demandes d'autographes, de ddicaces particulires; un salon littraire Francfort o il tait cens assurer la promotion de son dernier roman le mois prochain; un aprs-midi de rencontre avec des lecteurs et des tudiants en lettres la librairie Tropismes Il prit un soin particulier rpondre immdiatement ce dernier mail ; cette librairie la magnifique architecture Art dco, niche au centre-ville dans la galerie des Princes, l'avait en effet sduit ds son arrive Bruxelles. [] Simon allait rdiger un message son ami Marc, le dynamique proprita ire de Filigranes, irrsistible centre d'attraction pour les bibliophiles et les gourmets du haut de la ville, quand lui arriva un curieux message : "Quand les journes se meurent, Vous, mon rve, ma vie, A travers le miroir, chaque soir, chaque soir" Il s'apprtait l'effacer, ne supportant pas les correspondants anonymes, quand son doigt s'arrta : ces trois petites lignes ne ressemblaient en rien ce qu'il recevait habituellementPas de prsentation flatteuse, de demande incongrue ni de remerciements disproportionns. Simon : page 59 Longtemps aprs. Combien aprs ? La portecelle qui s'ouvre quand l'autre vients'ouvre. Des autres entrent. Ils sont bizarres, avec des lumires qu'ils tiennent dans leurs mains. Ils crient : "Par ici, par ici !" Ils ont l'air trs nervs. Des autres, ailleurs, crient aussi. Quand ils voient maman au milieu, avec le petit paquet tout noir, le premier dit :"Oh, mon Dieu !". Les autres, aprs, disent des "C'est pas possible !"et des "Qu'est ce qui s'est pass ici ?" Puis, ils nous voient, la sur et moi, sous l'vier. Ils veulent nous prendre dans leurs bras. Ils disent que tout va bien, maintenant qu'il ne faut plus avoir peur. Je ne veux pas qu'ils me prennent qu'ils m'emmnent loin de maman qu'ils me fassen t mal, comme l'autre, profond, profond. Je crie, comme maman quand le paquet est sorti de son ventre, plus fort encore, accroch aux tuyaux sous l'vier.
La sur, elle, elle ne bouge plus, assise dans le sang tout noir, tout dur de maman, elle se balance doucement en tenant ses jambes entre ses bras. Je veux la prendre, l'accrocher avec moi aux tuyaux, sous l'vier, pour la protger des autres Ils se disent entre eux des choses de tlphone et de chiffres et nous ils rptent de ne pas avoir peur Alors, avec du gentil dans son sourire et de l'horreur dans le regard, le plus grand m'attrape et me soulve dans ses bras Il me tient serr, serr. J'essaye de me sauver, pas moyen Il est plus fort que maman, plus fort que l'autre. Me tenant fort, serr dans ses bras, il me fait passer la porte Jamais je n'ai t l. Jamais je n'ai vu l'autre ct de la porte. J'ai peur Lumire, partout, comme plein d'ampoules allumes en mme temps. C'est grand, on voit loin, le regard ne s'arrte pas, ne se cogne pas. Quelque chose de lger, de frais me caresse le visage, et qui sent joli et doux. Trop la fois, je ne sais pas Et tous les autres qui sont l et encore des autres avec plein de bruits et de cris et qui veulent nous toucher, pour voir si on va bien qu'ils disent Mais on ne va pas bien ! Ils ont laiss maman de l'autre ct de la porte, avec quelque chose sur elle, froid et brillant et qui cache son visage, et sur le petit paquet gluant aussi, lui qui est devenu tout sec et tout sombre, force Puis, aprs je ne sais pas. Je n'ai plus la force, Je sens que je pars. C'est le noir Voix enfantine : page 79 Elle n'en revenait pas ! Avoir racont a, une presque inconnue ! Elle avait baiss sa garde, ces derniers jours l'avaient tellement chamboule ! Ce regard crois dans le mtro, son bauche de communication internet avec Simon Bersic, cette voiture qui semblait la suivre ce matin Elle ne savait plus o elle en tait, autant se laisser aller, peut tre qu'alors cette boule qui lui treignait la poitrine se diluerait, en tout cas, a ne pourrait pas tre bien pire ! Et puis, Cline semblait vraiment tre quelqu'un de bien, quelqu'un qui on pouvait dire les choses et qui pouvait les couter; pourtant ses vieux dmons taient l, tenaces, et, avec eux, la certitude que personne ne pourrait comprendre ce qu'elle avait vcu, encore moins s'y intresser ou alors, anim par une curiosit malsaine !
La journe tendait sa fin, bientt, elle pourrait rentrer chez elle, retrouver ses habitudes, un semblant de certitudes. Pour une fois, elle fut la premire quitter le magasin, le froid vif lui fit du bien, il faisait noir, dj; le quartier tait envahi par des travailleurs trangers, illicites, clandestins, ils taient dposs l, le long du canal, aprs leur journe de travail. Nalle les croisait, matin et soir, se disant que son sort n'tait finalement, pas trs diffrent du leur : solitaires, dracins, aux aguets ; leurs craintes n'taient pas les mmes, mais c'tait aussi la peur qui rythmait leurs journes. Eux, au moins, avaient peut-tre une famille qui les attendait quelque part, un objectif atteindre, quelque chose construire. Elle, pour toute racine, n'avait que le souvenir diffus de l'institution o elle avait grandi, la tendresse ponctuelle des animateurs, des psychologues, qui faisaient de leur mieux pour donner aux jeunes placs l l'illusion d'un foyer mais qui rentraient chez eux, le soir, retrouver leur vraie famille. Parfois, dans le noir, elle tentait de fouiller sa mmoire, de retrouver les traces de ces douze annes perdues, consignes, sans doute, dans son dossier, l-bas, l'institut, mais auquel elle n'avait pas accs. Elle avait t mancipe vingt et un an et ne retrouvait le cadre et les acteurs de sa jeunesse que lors de la visite semestrielle de contrle. Evidemment, a ne s'appelait pas comme a, l-bas, mais c'tait bien de a qu'ils s'agissait : savoir ce que devenaient les anciens pensionnaires, s'ils tournaient bien, s'ils s'intgraient correctem entEt comme elle n'avait jamais pos aucun problme d'aucune sorte, ces contrles se droulaient plutt agrablement et pouvaient presque passer pour une runion de famille. Pourtant, souvent lui manquait le regard de quelqu'un avec qui elle aurait pu partager des souvenirs Elle en avait si peu, et ils taient si monotones ! Perdue dans ses penses. Lance dans sa dmarche vive, elle ne remarqua pas la voiture qui la suivait, lgrement en retrait. Nalle : page 176-177 Ce soir-l, au moment du coucher, Mline, sa fille, l'avait retenue par le cou pour un dernier baiser, un dernier clin, et lui avait gliss l'oreille :"Maman, tu sens bon comme un arc-en-ciel aprs la pluie!" Cline tait sortie sans bruit de la chambre pour que la petite ne voie pas les larmes de tendresse couler le long de ses joues; voir ses enfants grandir chaque jour tait pour elle un bonheur intense; elle savourait chacun de ces moments de joie, tellement consciente de leur fragilit. La vie avait t gnreuse avec elle, une enfance sans problme, des tudes agrables, un mtier qui lui plaisait, un mari magnifique et comprhensif : aprs vingt ans de vie commune, il semblait la dsirer comme au premier jour malgr ces chemins de la vie qui commenaient s'inscrire sur son corps, autour de ses yeux, sur ses mains. Elle prenait soin de ce bonheur susceptible de s'vanouir du jour au lendemain; soucieuse de transmettre ses enfants cette chose tellement prcieuse qu'est le got de la vie, du bonheur et de toutes ces petites choses insignifiantes qui le rendent possible au quotidien : le plaisir d'un repas partag, d'un jeu de socit au coin du feu, d'une balade en fort , d'une discussion entre amis qui se prolonge tard dans la nuit, la lueur des bougies Plaisirs si fugaces, si importants. Cline : page 64 milie SANTAIS, 1ES3
Aprs la soumission vient la domination Comme des larmes sous la pluie, Vronique BIEFNOT Quatrime de couverture: crivain succs, Simon Bersic n'en est pas moins fragile et malheureux : il ne parvient pas surmonter la perte de sa femme. Et si, avec Nalle, la vie lui offrait une seconde chance ? Rien ne le prdisposait croiser cette beaut magntique, l'alchimie et la magie oprent nanmoins, mais ds qu'il croit la saisir, la mystrieuse inconnue lui chappe. Lorsque les amants se retrouvent au cur d'un sordide fait divers qui secoue la Belgique, et devrait les sparer, Simon refuse l'inluctable et affronte l'insupportable. Implacable scnario, entrecoup d'nigmatiques squences o une petite voix enfantine s'lve dans la nuit, recouvrant le rcit d'un voile d'ombre, Comme des larmes sous la pluie est un tourdissant thriller amoureux. Haletant, mouvant, ce livre sonde les curs et l'inconscient. Rsum: Ce roman retrace quatre histoires parallles: celle de Simon Bersic, veuf, auteur reconnu et son fils Lucas; celle de Nalle, jeune femme qui ne s'intresse qu'aux livres et son travail; celle de la famille Finkel, tranquille, paisible, qui apporte une ambiance sereine (elle fait le contrepoids des autres petites histoires) et la voix sourde d'un enfant dans la nuit, pleine de souffrance... Elle donne un ct trs sombre l'intrigue. Nous pouvons mettre l'hypothse que ces quatre rcits ont un lien. Mon avis: Ce livre raconte une histoire d'amour et, en arrire plan, un drame qui s'est produit dans l'histoire de Bruxelles. Il aborde remarquablement des sujets dlicats. C'est un beau roman, bien racont, l'histoire est belle, entranante, touchante et on ressent de la peine pour les souffrances des trois tres. On a l'impression de vivre cette histoire et on ne peut s'empcher de juger les parents Jonasson pour leurs crimes et les atrocits endurs par leur fille. La mre, certes faible est reste passive. Malgr la relation entre les deux personnages principaux, une autre histoire d'amour impossible est l'origine de la squestration d'une femme surnomme Lilith , dmon de la beaut, sur le dos de qui tous les pchs sont rejets. Dans son journal intime, le changement de style de dessin (joyeux sombre, mlancolique) au fur et mesure du temps et des souffrances, est trs bien trouv. Nous pouvons avoir de la peine, de la piti pour l'enfant, surtout quand on comprend que depuis le dbut de l'histoire, on le suit sans le savoir. Les sous-titres sont beaux, trs potiques. Ils sont souvent des oxymores qui allient les contraires. Exemple: comme la fin d'une histoire qui commence ; comme un cristal dans la boue , ils sont fidles aux promesses du rcit. La structure de ce texte est bien construite. Nous pouvons apprcier les diffrents points de vue, il y a du suspens, les histoires parallles sont bien penses et cet envotement dans cette histoire est trs russi. Les styles d criture sont multiples: les morceaux de journal intime, de cahier de bord, les rcits d'motion, les mails, les rapports d'expertise et les mots du mdecin... Ce livre aborde aussi le peu de places en centre hospitalier pour les personnes souffrant de troubles psychologiques. Une nouvelle thrapie nous est prsente : la thrapie animale.
La multitude de sentiments lie cette histoire est trs bien retranscrite et lui donne un caractre trs raliste. L'auteur est belge, les dtails sont abondants... Tout nous pousse croire que l'crivain s'est inspir de lieux de son quotidien. Explication du titre: L'explication de ce titre est dans le journal de Liliane. Au moment o elle dsire finir ses jours, elle crit des longues phrases exprimant sa situation dont comme des larmes sous la pluie... . On pourrait le comprendre comme une impuissance de la part de cette femme dtenue depuis longtemps dans son cachot, elle vit l'horreur mais personne ne se soucie d'elle, elle est oublie. Les larmes sous la pluie ne sont que de l'eau qui sajoutent de l'eau naturelle et ne se distinguent du temps extrieur. Elle reste cache sans avoir un moyen de sortir. J'ai bien aim tout le roman, choisir un passage a t difficile. J'aime beaucoup les animaux et cette thrapie tait, je trouve, trs belle. Simon, Je ne sais si ceci peut vous aider ou veiller un quelconque cho en vous [] mais... l'animal de pouvoir de Nalle [] est un chat. Maria Un chat? Un chat! a semblait tellement vident que c'en tait risible. Mais Simon n'imaginait pas une seconde que Maria poussait la plaisanterie jusque l; et puis, il tait certain de ne jamais lui avoir parl du chat de Nalle. Tous les matins avant de se rendre l'hpital, il tait pass nourrir l'animal, il n'avait jamais imagin que celui-ci pouvait avoir un quelconque pouvoir thrapeutique. [] Il prit un sac de sport qu'il perfora de quelques trous. Persuader le chat de rentrer dedans ne fut pas une mince affaire... [] Aprs deux jours deffort, le matou sauta dans le sac et se laissa enfermer sans rechigner (les croquettes disposes au fond aidaient peut-tre un peu...]). [] Simon posa son sac au milieu de la chambre et ouvrit la fermeture clair. Prudemment, le matou passa la tte, repra les lieux, puis, d'un bond, se dgagea. Immdiatement il se prcipita vers Nalle, frottant son chine contre le dos, obstinment tourn, de la jeune femme. Le ronronnement du chat s'entendait l'autre bout de la pice. [] Le chat se dressa, posant ses pattes avant sur les paules de Nalle, il se livrait une dmonstration nergique d'affection, enfouissant son museau dans les cheveux blonds, lchant les joues, les oreilles de sa matresse, lui ptrissant la nuque, vrombissant souhait. Quand il estima avoir t au bout du rituel, il s'installa confortablement sur les genoux de la jeune femme et ferma tranquillement les yeux. pages 298-300 Julie CAROL-FRAYER, 2de 4
Extraits : P 61 : A Wittelsheim, une patrouille allemande arrte Walter : Contrle didentit ! Walter tend ses papiers. Il y est crit quil a t naturalis. Cette naturalisation nest pas normale. Personne ne change sans raison de nationalit. Walter a fui sa terre natale. Walter a certainement quelque chose se reprocher. Les Allemands lembarquent. Puis, ils linterrogent. Walter se dfend. Non, il nest pas dserteur de larme allemande. Il navait que douze ans quand la Premire guerre mondiale a commenc. Il a quitt lAllemagne le jour o son pre la chass de la maison. Il est devenu franais aprs avoir servi dans la lgion. Mais pourquoi son pre la-t-il chass ? Walter reste muet. Puis il explique que son pre ne laimait pas, quil voulait que ses autres frres hritent. Ce nest pas clair. Il y a anguille sous roche. Ils lui passent des menottes. Walter doit retourner en Allemagne pour sexpliquer. P 76 : Le sujet idal du rgime totalitaire nest ni le nazi convaincu ni le communiste convaincu, mais lhomme pour qui la distinction entre fait et fiction (cest--dire la ralit de lexprience) et la distinction entre vrai et faux (cest--dire les normes de la pense) nexistent plus . P 80: Hannah se rend au procs de Heidegger pour plaider en sa faveur. Elle ne veut pas dfendre lhomme quelle a aim. Elle soutient seulement lune des plus grandes philosophies que lAllemagne ait portes. Notre tradition de pense politique commena lorsque Platon dcouvrit quil tait inhrent lexprience philosophique de se dtourner du monde commun des affaires humaines (). Puisque la vrit philosophique concerne lhomme dans sa singularit, elle est non politique par nature. Le mpris du politique, tel est le crime de la philosophie, sa faille et sa stupidit. Lhomme qui pense nest pas politiquement mdiocre, insipide et sans influence. Il est inutile de condamner Heidegger. Mieux vaut, selon Hannah, rpondre lindiffrence par lindiffrence. il pour il, dent pour dent. Ici Hannah Arendt dfend Heidegger par des propos contraires aux siens, ceux de Platon. Mais elle fait avant tout cela pour parler au nom de lune des plus grandes philosophies allemandes. Quimporte si son tmoignage va en faveur dHeidegger, elle nest pas venue pour le dfendre directement mme si elle le considre comme innocent, ce quelle soutient seulement cest cette philosophie de laquelle elle est partie pour crer sa propre pense. P 84 : Hannah Arendt part pour Jrusalem assister au procs de Eichmann. Eichmann nest pas fou. Il nest pas, non plus, dune intelligence impressionnante. Il est en fait tonnamment commun, un exemplaire parmi dautres du parfait bureaucrate. Tout le monde aurait prfr dcouvrir un monstre, un psychopathe avr. Une perversion exceptionnelle aurait permis de comprendre le caractre exceptionnel des crimes commis. Mais force est de constater quEichmann na rien de spcial. Il va falloir se rsigner : derrire les camps, il ny a que la banalit du mal. Le mal dont est capable tout un chacun et non une lite de nvross sadiques. Les Juifs refusent ce constat quHannah Arendt leur met devant les yeux. Ils ne veulent pas que le crime inou dont ils ont t victimes ne renvoie qu un mal banal. Ils sen prennent Hannah. Elle na pas le droit dcrire de telles btises. Cest un crime, aussi, de dire nimporte quoi sur lHolocauste. Hannah se retrouve au centre dune tempte furieuse. Les coups fusent. Les Juifs lagressent. Certains membres de la communaut vont mme jusqu lostraciser. Mais elle tient bon. Elle ne les a pas attendus pour prendre la mesure du srieux et de la responsabilit qui incombent toute pense. Peut-on faire un rapprochement avec la conclusion que tire Robert Antelme de son exprience des camps de concentration dans lEspce humaine, celle de reconnatre en la personne dun nazi son humanit et lexistence dune seule espce humaine?
Eichmann SS sous le troisime Reich est le responsable du transport des dports vers les camps. Hannah Arendt reconnat en Eichmann son humanit et le fait quil doit tre considr comme un homme normal et non un monstre mme sil a commis des crimes contre lhumanit. Robert Antelme admet que les nazis sont des hommes comme les autres et en arrive la mme terrible conclusion quHannah Arendt. Laure MERCIER, 1ES3
premire vue, le style est tonnant : les phrases sont courtes, peu dveloppes ; ce qui peut empcher le lecteur d'adhrer l'histoire. Mais on se rend compte par la suite que ces phrases brves peuvent simplifier la comprhension, contrairement certains textes aux phrases plus longues et plus difficilement comprhensibles. On peut aussi trouver trange le principe de raconter plusieurs histoires en parallle et tre rebut par cela, mais c'est le choix qu'a fait l'auteur pour expliquer la situation, notamment sur le plan historique et philosophique. Cette histoire est celle d'un Allemand, Walter, qui nat au tout dbut du XXe sicle. Il part en France avant ses vingt ans et s'engage dans la Lgion trangre. On voit ici ses preuves successives, dans ce sicle de guerres et d'absurdit, et sa vie qui reprsente celle d'un grand nombre de personnes de sa gnration. Ce roman parle aussi de philosophes allemands qui se sont engags contre le pouvoir autoritaire avant de dcrypter, tudier, analyser cette priode particulirement complexe. L'originalit de ce livre, dont le sujet repose sur des moments de lhistoire propos desquels beaucoup d'encre a coul, est de les voir traverss par le mme personnage, et d'autres qui n'en vivent qu'une partie. En fait, Hannah Arendt aussi vit toute l'histoire, mais on s'attache plus Walter. Cette philosophe analyse les preuves que l'Histoire fait subir aux hommes, et ce que les hommes se font subir entre eux. De mme que la terreur ruine toutes les relations entre les hommes, de mme l'auto-contrainte de la pense idologique ruine toute relation avec la ralit. L'pisode de soldat de Walter avec la Lgion met en valeur ce qu'apporte cette exprience particulire dans la vie d'un homme. Lorsqu'un camarade est bless Walter l'observe, admiratif de son sang froid et de son abngation. Il comprend ce que signifient devoir et honneur pour la Lgion. C'est intressant pour nous, jeunes ignorants de ce milieu, de comprendre l'esprit qui rgne entre soldats : Il reprend la marche sans se poser de question. Il suit le bataillon. Il est un membre du bataillon. Il est le bataillon. Cette gradation montre en trois tapes comme les militaires sont unis. Mais l'histoire peut aussi plaire ceux qui ne se sentent pas concerns par ces rcits de combats. Comprenez que, bien que l'on parle de milieux particuliers comme la paysannerie, l'arme, les mines, les Juifs allemands, ce roman s'adresse tous, avec un niveau de lecture facile. Il transmet des valeurs telles que le courage et la fidlit, tant un groupe qu' une personne. Le titre Alle 7, range 38 a de quoi faire rflchir sur son origine, quasiment impossible deviner, qui est dvoile la fin. C'est un roman d'un style rare mais de grande qualit, facile lire et enrichissant. Un jour, deux des camarades de Walter tombent ses cts. L'un est bless la jambe. Malgr la douleur de sa blessure, il ne dit rien. Il serre seulement les dents, sue et crispe ses muscles. Puis il se bricole un garrot autour de la cuisse sans demander d'aide personne. Walter l'observe, admiratif de
son sang-froid et de son abngation. Il comprend ce que signifient devoir et honneur pour la Lgion. Le deuxime camarade qui est tomb ses cts est mort. Walter ne le connaissait pas. Mais il a le cur serr. C'tait un homme de son bataillon. De combats en combats, l'ennemi subit de lourdes pertes. Il se replie pour reconstituer ses forces. L'ennemi a disparu, le bataillon de Walter doit rejoindre, pied, un camp plus de 300 kilomtres au Nord. Les chefs veulent que les troupes se dploient afin d'occuper les territoires dserts par l'ennemi. La marche est longue et pnible. Pas aprs pas, Walter dcouvre sa rsistance. Il est agress par le soleil et la chaleur. Les marches forces lui semblent interminables. Quand le bataillon traverse des caillasses, il trbuche. Quand le sol n'est plus que du sable, celui-ci s'infiltre partout et lui brle la peau. Ses pieds sont en sang. Pourtant, chaque matin, Walter se lve sans garder trace de la fatigue et du dcouragement avec lesquels il se couche chaque soir. Il reprend la marche sans se poser de question. Il suit le bataillon. Il est un membre du bataillon. Il est le bataillon. pages 34-35 En s'immergeant dans les ddales de l'organisation du parti, Hanna ralise que le systme totalitaire est un cheveau plus tortueux et complexe qu'elle ne s'y attendait. Qu'est-ce qui fait tenir ensemble une idologie, une organisation politique et administrative plusieurs entres, la guerre et les camps ? Pour l'instant, Hanna l'ignore. Mais elle est fermement dcide prendre tout le temps qu'il lui faudra pour trouver la logique de ce systme politique sans prcdent. Une vie entire au besoin. Elle y parvient en deux ou trois annes peine. D'un ct, la contrainte de la terreur totale qui, en son cercle de fer, comprime les masses d'hommes isols et les maintien en vie dans un monde qui est devenu pour eux un dsert ; de l'autre, la force autocontraignante de la dduction logique, qui prpare chaque individu dans son isolement dsol contre tous les autres, se correspondent et ont besoin l'une de l'autre afin de mettre en route le mouvement rgi par la terreur et de faire qu'il ne cesse. De mme que la terreur ruine toutes les relations entre les hommes, de mme l'auto contrainte de la pense idologique ruine toutes relations avec la ralit. La prparation est couronne de succs lorsque les gens ont perdu tout contact avec la ralit qui les entoure ; car en mme temps que ces contacts les hommes perdent la fois la facult d'exprimenter et celle de penser. Le sujet idal du rgime totalitaire n'est ni le nazi convaincu ni le communiste convaincu, mais l'homme pour qui la distinction entre fait et fiction (cest --dire la ralit de l'exprience) et la distinction entre vrai et faux (c'est , dire les normes de la pense) n'existe plus. La domination totalitaire est un nouveau type de rgime en cela qu'elle se fonde sur la dsolation, sur l'exprience d'absolue non-appartenance au monde, qui est l'une des expriences les plus radicales et les plus dsespres de l'homme. pages 75-77 Olivier PLANTON, 2de 4
La nuit tait tombe et la bougie ne suffisait plus pour distinguer les fins caractres de l'ouvrage qu'Hadji Akbar tenait entre ses mains. Mais le vieux matre citait de mmoire les derniers vers de sa dmonstration. ...Pour la plupart des hommes, chaque mot est source de querelles ; pour le sage, chaque mot est un guide vers l'union. partie I, chapitre 1 Les reclus , page 18 Il avait tout oubli, jusqu'au doux ovale du visage de sa mre se recouvrant chaque jour d'un voile un peu plus opaque. Pourtant certains matins, dans les premiers temps, il se rveillait en sursaut, piqu par la vision fulgurante de son pre et sa mre, les traits nets de leurs figures penches sur son sommeil fivreux et (dlirant. Le jour les faisait impitoyablement disparatre derrire la grande tenture brode qu'Hadji Akbar avait suspendue au mur en face de son lit pour lui tenir compagnie , disait-il. Ce sont des femmes de ta rgion qui ont fait ces admirables broderies. Qu'elles tapissent de fleurs les jardins de ton me ! L'enfant s'apaisait peu peu car sa chambre communiquait avec celle du vieil homme, qui restait son chevet chaque fois que les images de l'horreur venaient peupler ses nuits. Il te faudra vivre avec cela aussi, lui disait-il, en lui pongeant le front, mais tu verras que chaque jour est une nouvelle pierre l'difice de ton existence. La souffrance la plus vive, la plus dsesprante ne peut lutter contre le temps. Plus on est jeune et mieux les blessures se referment, plus fines sont les cicatrices, tel point qu'elles peuvent tre invisibles pour ceux qui ne savent pas. Dors, mon enfant, dors. partie I, chapitre1 Les reclus , page 19 Hanifa avait seize ans et avait t promise malgr elle un cousin plus g ; Akbar, qui vivait depuis plusieurs annes Kaboul, n'tait revenu au pays qu' l'occasion de l'enterrement d'un oncle. L'homme s'tait fait arracher le visage d'un coup de griffe par une panthre des neiges dont il avait surpris le petit dans un ravin. Le pre d'Akbar avait demand son fils de se joindre la battu organise pour tuer l'animal. Traque, la panthre tomba sous le feu des chasseurs au bout de quelques jours. La peau fut offerte au jeune homme en rcompense de sa bravoure car c'est lui qui avait port le premier coup. Le voici donc, paradant au beau milieu du chemin couvert de neige. Par chance ou par instinct, Hanifa le reconnut de loin et, rassemblant son courage lorsqu'elle le croisa, elle arracha son voile, qu'elle jeta sur lui, indiquant par ce geste qu'elle n'acceptait d'autre mari que celui qu'elle venait de choisir. partie I, chapitre 2 Amours , page 35 Vois comme en quelques jours les hommes peuvent rduire un territoire la mort, effaant des sicles d'un travail patient de cration de la nature. Le dsert gagne chaque jour sur la vie. On a peine croire qu'il y avait des champs, des forts , des fontaines et des enfants qui riaient aux clats, des villes o s'panouissaient les arts et les sciences, dans certains lieux aujourd'hui recouverts d'une poussire strile. partie II, chapitre 6 dith , page 173 Ce matin-l, comme tous les autres, Mina fut rveille la premire par l'appel tonitruant du muezzin invitant pendant une bonne demi-heure les croyants la prire. Heureusement que la petite s'tait endormie. Le silence revint. Et l'heure exquise o tout tait encore permis. Alors que les voyageurs se reposaient, elle sortit la cage du canari, l'accrocha pour la journe une branche du grenadier et aussitt l'oiseau se mit chanter. partie II, chapitre 10 Kaboul , page 213, Salom VIVENOT, 2de 4
Comme il faisait bon dans ce refuge, loin de la barbarie qui avait envahi le monde extrieur. Un parfum particulier, celui des livres, envahissait lespace, non seulement le long des murs, mais sur tous les meubles. Il semblait, en cette fin daprs midi, quune chaude lumire manait des ouvrages eux mmes, tmoins de lhistoire de lhumanit et compagnons dune vie. Ils cdaient regret la place une table, deux chaises et un fauteuil recouvert dun velours rouge fonc vieilli par le temps. Une lampe, dont le pied en cuivre cisel venait de lInde, clairait le livre quHadji Akbar reprenait maintenant dans ses mains en disant : - Nous ne sommes pas les matres de notre mort, envisageons donc avec sagesse le cours de notre vie. Son index effleura la page et, suivant lentement les lignes du texte, sarrta sur le passage quil voulait offrir la rflexion de Djon Ali. - Un conte, quoi de plus distrayant quun conte ? De bon matin, le roi Salomon se promenait en son jardin de roses quand il vit accourir son vizir, le visage blme et les lvres bleues. - Oh, mon roi, je viens de croiser lange de la mort et il ma jet un regard terrible, plein de colre. Je ten supplie, demande au vent de memporter Samarkand afin de sauver mon corps et mon me ! Salomon commanda donc au vent demporter dans les airs son minis tre pour le transporter o il voulait. Peu aprs le roi-prophte rencontra Azral et lui demanda : - Pourquoi as-tu lanc mon ministre ce regard terrible ? Il tait tellement effray quil sest enfui lautre bout du royaume. Azral rpondit alors : Bon roi, je nai pas voulu lui faire peur. Je lai seulement regard avec tonnement car je lattendais ce soir, Samarkand Cest chose impossible de se fuir soi-mme. Mieux vaut avancer avec confiance sur le chemin de la vrit. Djon Ali connaissait bien ce texte quil avait parcouru lui-mme maintes reprises, mais il ny avait rien de tel que la voix du vieux sage pour graver en son esprit ces pomes qui laccompagneraient sa vie durant. Pendant que le matre lisait, le jeune homme observait le visage de celui qui lui avait tout appris. Hadji Akbar, dont il avait vu les photographies tous les ges, avait gard son regard ptillant lorsquil sanimait la lecture des textes quil aimait. Ctait bien le mme que sur les images figes qui rappelaient les pisodes dune vie nourrie de lhistoire et de la culture de leur pays commun. Ce pays que Djon Ali ne connaissait qu travers les rcits quil lui en avait faits. Celui des steppes du Nord o avaient lieu les jeux du bouzkashi, le jeu de lattrape-chvre hrit des cavaliers turkmnes et ouzbeks, celui des casernes et des curies royales. Celui des ftes nationales et familiales. Celui des contes et des lgendes, des djinns et des gants. Celui des chasses au canard et la bartavelle sur les hauts plateaux du centre ou la gazelle et au chamois, et mme lours, dans les montagnes du Nouristan. Le pays des guerriers et des conteurs, des soufis et des malangs, ces fous de Dieu inoffensifs. Djon Ali avait pass sa prime enfance dans un village du Hazaradjat o la seule distraction consistait mener patre les quelques btes de la famille sur les herbages des collines avoisinantes. Il avait un jour accompagn sa mre et ses tantes sur le tombeau dun saint homme, non loin de Bamiyan, o il avait aperu, de loin, les gigantesques bouddhas nichs dans la roche. Cest Hadji qui lui avait racont leur histoire, en insistant sur la valeur de ce patrimoine rcemment dtruit par les talibans. Les statues tailles dans les falaises de grs et ornes de peintures murales tmoignaient que la valle avait t un centre bouddhiste majeur du IIe au VIIIe sicle de notre re. Les habitants de la rgion, bons musulmans, les aimaient, ils attiraient les touristes. Hadji Baba soutenait que lhistoire des vestiges archologiques de lAfghanistan devait tre enseigne tous les enfants afghans pour quils en soient fiers et quils dfendent leur patrimoine. Lorsque Djon Ali tait petit, personne ne lui expliquait rien. la campagne, les enfants font partie de la vie des adultes avec lesquels ils apprennent en regardant et coutant. Les gnrations cohabitent, dans
le respect de la pyramide des ges, mais sans relle communication entre elles : pourquoi dire ce qui est vident et comment dire ce que lon ne connat pas ? Avec Hadji Akbar il avait reu un enseignement quotidien, par la parole et ltude des textes. Il avait aussi appris voyager dans le temps et lespace en restant dans sa chambre, exercice que lisolement d la guerre avait favoris. Exercice dont les personnes ges sont coutumires mais que les enfants en bonne sant ignorent, tout leur dcouverte du monde extrieur. pages 14-17 Eurydice NAUDAT, 1ES3
Le 24 Mars 1999, trente-neuf personnes prirent dans la catastrophe du tunnel du Mont Blanc. Le livre DIX crit par Eric Sommier dcrit ce fait rel par le truchement de Lucio, un sauveteur, hros malgr lui. Ce roman nest pas une enqute policire mais nous sommes spectateurs de ce drame et de ce sauvetage.
Ce roman est dcoup en quatre parties. Tout dabord, on nous prsente Lucio, on apprend connatre sa vie banale, tranquille, ordinaire. On le voit entour de ses amis. Puis, on dcouvre que sa mre est malade et que son pre est dcd. Lucio est passionn de jardinage et surtout de moto. Il a des collgues mais il manque damour. Il travaille au tunnel du Mont Blanc comme patrouilleur moto. Un jour, laccumulation de routine et de petits compromis va mener cette fameuse catast rophe et un dnouement terrible. Dans un deuxime temps, on se trouve spectateur du sauvetage effectu par Lucio. La troisime partie du livre est consacre larrive dun Inspecteur qui value ltat de la catastrophe. Et enfin, on retourne avec Lucio, dans un abri du tunnel o il se trouve coinc avec le chauffeur du camion accident. On apprend ce qui se passe dans labri et on nous donne la dcision du juge aprs le procs.
Cest un bon roman dans lensemble. Nanmoins, certains passages peuvent p aratre incongrus car scabreux ; lorsqu un moment on nous parle de scnes caractre sexuel. En outre, les premiers chapitres sont longs et nous apportent peu dinformations au sujet de la catastrophe en elle -mme. Malgr ces rserves, ce livre est touchant tant par le tmoignage de Lucio, que par les sentiments des personnes prsentes durant laccident. Ce livre est intressant car on nous dcrit les circonstances de laccident qui commence par une alerte traite comme mineure et banale. En outre, le d coupage de ce roman est labor et bien structur. En effet, dans la seconde partie, on assiste au sauvetage dont le
rythme est haletant. Dailleurs, Eric Sommier, suspend parfois lmotion et ajoute son rcit des fragments dhistoire sur la Savoie et le nord de lItalie. Puis, dans la suite de ce livre, on voque laprs tragdie pour ensuite revenir la situation de Lucio dans labri. La faon dont sont prsents les chapitres nous permet, nous, lecteurs, de nous situer diffrents endroits au mme moment. En effet, dans la deuxime et quatrime partie, on peut tre une fois avec Lucio puis la frontire Italienne ou Franaise, ce qui nous donne diffrents points de vue de cette tragdie. Lcriture dEric Sommier est mouvante et donne Lucio, le seul nom qui lui convient : hros. Ce roman nous apporte du suspens, de lmotion, de lamour Il est touchant, poignant, bouleversant, mme sil peut sembler triste et dur de lextrieur. En outre, ce premier roman questionne sur la faon dont les mdias semparent des faits, la cration des lgendes et aussi sur la notion dhrosme. Dailleurs, au dbut de ce roman, une phrase rsume bien le courage de Lucio : Tout homme est une lgende . Ce livre relate ce tragique vnement et il nous montre que nous sommes fragiles face des accidents inattendus. Il est marquant et retrace le parcours dune simple personne, qui, grce son courage, semble avoir pu en sauver dix autres.
Par ailleurs, Eric Sommier fut linvit du 12/13 Rhne-Alpes le 15/12/11 et il a affirm lors de cette rencontre : Ctait une lgende, Lucio na en fait sauv personne. Je me suis alors livr une autre rflexion, ce ntait plus le fait divers en soi qui mintressait, mais larticulation entre la ralit et la fiction. Je me suis dit que jallais essayer de rconcilier Lucio avec sa lgende en montrant que cest lui qui la rve. En outre, ce roman Dix ressemble au livre Mont Blanc dans lequel un jeune orphelin consacre un rcit la mort de ses parents dans la catastrophe du tunnel en 1999.
- Je te remercie pour le soin que tu prends de moi, dit-il au jumeau. Je sais que tu as beaucoup de choses me dire et, moi- mme, je tiens te parler. Il fait chaud et jai soif. Lorsque je passe ma langue sur mes lvres, je sens lpret de la fume. Tout mon corps me fait mal et je naspire qu dormir, me laisser glisser et abandonner. Je suis fier davoir trouv le courage de venir jusquici. Ce nest pas rien de sauver quelquun et seul le courage a pu me donner assez de force pour my risquer. Mais je nen ai plus. Les images se bousculent dans ma tte et je ne sais si elles sont vraies. Je vois sans cesse une vieille femme qui me tend la main et qui me sourit avec bont. Je la repousse mais toujours elle revient, entoure de chats qui se frottent son corps laid. Lhomme prs de moi est mort. Je ne sais plus, ni qui, ni combien de personnes jai sauves. Des ombres me rendent visite et se pressent autour de moi comme les morts appellent les vivants. Jai aim ma femme et sa prsence me manque. Toi seul sais combien je lai aimeCest le seul sujet dont jai envie de te parler, et de toi aussi, qui tes trouv prs de moi pendant toutes ces annes passes attendre que quelque chose se produise et que je nai su prserver lorsque cest arriv . Cela je sais que tu peux le comprendre car tu lprouves galement ; aussi durement que je lai prouv. Toi non plus, tu nas pas su saisir ta chance et cette infortune nous unit au del de lamiti, l o les hommes ne font quun. Jai longtemps cru que javais aim ma femme pour la force qui manait delle, quelle mavait attir comme une plante attire une plus petite, et aussi parce que sa faon de se prcipiter au devant de la vie mavait boulevers Je pensais quil me suffirait de rester auprs delle et de la suivre pour quelle soit heureuse et que le bonheur nous porte pour le restant de nos jours comme leau coule jusqu la mer Mais je sais aujourdhui que je me suis tromp. Chaque soir, je lui cris une lettre et cest le seul moment de la journe qui mimporte et que jattends. Depuis son dpart, il mest venu un dgot de la chair et les rves crus de dsir que je formais pour elle mont abandonn. Seules les fleurs mapportent la paix et le printemps me ra vit au del de tout ce que je saurais exprimer. Parfois, elle rpond mes lettres et je sens son odeur sur le papier. Tout cela, tu le lui diras quand tu la verras afin quelle se souvienne de moi tel que je suis. Maintenant je voudrais tentendre, non pour me rpter que les pompiers vont venir me sauver, toimme ny crois plus, mais pour me dire ce qui te rend si sombre et qui tattache moi.
Le jumeau resta un instant silencieux. Il se demandait quel tait le sens et la valeur du sacrifice de Lucio, son souffle tait bref et saccad. Puis il parla son tour. - Durant toutes ces annes tu as t pour moi comme un frre car mon jumeau nest pas mon frre mais seulement lautre forme de moi que je ne peux pas tre ; vous avez de la chance, vous qui pouvez aller et venir dune moiti de vous-mme lautre selon les circonstances et ce qui vous arrange ; moi je ne pouvais pas, la place tait toujours prise Longtemps, jai envi le chemin que tu prenais ; immobile entre les fleurs, patient, retenu lc art de tout. Je trouvais dans ta constance plus de courage que dans tout ce que jentreprenais et dont la russite me laissait insatisfait. Aussi quand tu as rencontr ta femme, je me suis pris laimer. Jai conu pour elle une passion violente qui ne m e laissait aucun repos et qui mhabite encore. Tu las laiss partir et son dpart ma jet dans le dsarroi, si bien que ma vie est aujourdhui aussi brise que mon corps et que le moindre mouvement me cause dintolrables souffrances. Je ne suis plus que lombre de moi-mme. Je me demande si jai jamais vcu et cela me lie toi comme le sang rpandu unit les assassins. Jai pour toi de laffection et de la honte car, si je ne lavais pas courtise, les choses se seraient peut tre passes autrement. pages 181-183
De Gnration en gnration Juste avant, de Fanny Saintenoy, roman slectionn afin de concourir au Festival du premier roman de Chambry, est un rcit alternant posie dlicate et franches drleries. Une jeune fille prnomme Fanny, tout juste divorce et qui s'apprte commencer une nouvelle vie, accompagne son arrire-grand-mre centenaire, Juliette, surnomme Granny, dans ses derniers instants. Cest une vie remplie de souvenirs, d'motions, de disputes, une vie agrable et comble en croire les narratrices que cinq gnrations sparent. Les personnages prsents au sein de l'histoire constituent l'intrigue et s'intgrent aux pripties romanesques. En effet, nous dcouvrons l'existence de l'ensemble de la famille tout au long du roman. Juliette garde en elle un sentiment d'amertume et certainement de jalousie vis--vis de sa mre. Cette dernire tait en effet davantage attache sa fille, Suzanne en raison de son intelligence et de sa beaut physique. Ce rcit nous interroge sur la relation mre fille. Le lecteur fait galement connaissance de Jacqueline, la fille de la narratrice, Granny, partie tt, trop tt, d'aprs sa mre, cause d'un foutu cancer . Jacqueline, femme simple, battante, malgr cette maladie impitoyable, a donn naissance une fille prnomme Martine sans pour autant tre marie, ce qui n'tait gure courant l'poque. Cette dernire est la mre de Fanny qui tait alors l'arrire-petite-fille de Juliette, aussi la seconde narratrice. Les gnrations se succdent, la vie, elle, continue. Loin d'tre un rcit fataliste, Juste avant est avant tout un formidable change silencieux entre les gnrations. Sur son lit d'hpital, Juliette a peur de la mort qui rde et qui vient bientt, elle le sent. Ses souvenirs quelle nous dvoile, lui servent de tuteurs et la guident vers les derniers instants avant de s'chapper. Fanny, elle, fait face cette arrire-grand-mre dont elle sait pertinemment que son dpart est tout fait proche, dpart, o a ? Rien ni personne ne peut le prdire c'est peut-tre mieux ainsi. Malgr cela, il semble ncessaire Fanny d'tre prsente aux cts de sa Granny jusqu' la fin, jusqu' la mort. Elle aussi, prs de ce lit d'hpital, repense sa vie, mais galement aux vies des femmes de la famille. C'est aussi l'occasion de revenir sur des souvenirs qui psent et apaisent l'esprit, ces souvenirs parfois coupables qui restent inlassablement ancrs sous notre peau. L't, on partait toujours en vacances au bord de la mer, souvent sur la Cte d'Azur. On peut ainsi y lire les actes parfois manqus, une perte de communication mais avant tout les merveilleux liens que tissent les gnrations entre elles. L'auteur a choisi de matrialiser les deux voix qui alternent et se rpondent dans des chapitres courts, en choisissant une police de caractres diffrente pour chacune des narratrices. Aussi, les femmes tiennent une place prpondrante dans ce rcit. En effet, Granny, cette dame ge et respectable a toujours t entoure de prsences fminines telles que celles de sa tante, ses surs,
sa petite fille... Les hommes, eux, s'clipsent. Le mari de Granny disparat la guerre, elle ne connat pas le pre de sa petite-fille ; quant au mari de Fanny, son arrire-petite-fille, la jeune narratrice nous apprend qu'elle sest spare de lui au dbut du roman. On pourrait croire un rcit autobiographique, cela n'interdit cependant pas au lecteur d'tre touch par quelques passages de l'histoire en s'identifiant certaines images faisant cho l'histoire de famille de tout un chacun. Enfin, Fanny Saintenoy, en adaptant un style langage parl donne une fracheur et une sincrit ce roman. L'auteur adopte un ton drle, grce une forme d'ironie. Je me rappelle qu'elle avait la manie de marcher sur les murs et comme tous les gosses [] il n'tait pas question de descendre avant la fin, des fois a nous emmenait loin, aprs il fallait faire demi-tour. Certes, Juste avant est un rcit de fin de vie. Cependant, aucune place n'est laisse la mlancolie. Une vie s'en va, mais c'est la vie, dont il est question ici, qui se perptue au fil des gnrations. Nous n'tions pas riches, mais comme on ne possdait rien, l'argent qui restait, c'tait que pour le luxe. L't, on partait toujours en vacances au bord de la mer, souvent sur la Cte d'Azur. Plus vieille, quand je regardais les photos, a me faisait plaisir de nous voir toutes les trois dans de beaux paysages avec plein de plantes grasses, toutes les trois avec des robes d't la mode, les blanches gros poids, les grands chapeaux de paille ou le foulard et les lunettes, on jouait les lgantes sur la promenade. Martine, elle avait toujours des petits chapeaux un peu comme les Mexicains, on n'en achetait plusieurs bien sr selon les couleurs, pour aller avec les robes. Je me rappelle qu'elle avait la manie de marcher sur les murs comme tous les gosses. Ds qu'elle en reprait un, il fallait lui courir aprs parce qu'videmment, on lui tenait la main. Il ntait pas question de descendre avant la fin, des fois a nous emmenait loin, et aprs il fallait faire demi-tour. Nous marchions des heures, on avait que a faire, c'tait bon. Ces ts-l, je lchais mes godasses pour des espadrilles de toutes les couleurs. Mes bouts de pieds boudinaient la toile, j'avais mal aux talons, c'tait une question d'honneur presque de laisser mes godillots Paris. La petite, elle, passait des heures et des heures dans l'eau. Nous, avec Jacqueline, on avait la trouille parce quon savait pas nager, on se trempait juste les mollets. J'attendais la fin de l'aprs -midi pour enlever mes bas, j'aimais pas qu'on voit mes jambes, les gosses avaient des regards dgots. Martine, c'tait un vrai poisson. Elle avait appris nager l'cole, ds qu'il y avait de l'eau, elle se jetait dedans quel que soit le temps et la temprature. Il ntait pas question d'aller en vacances la montagne ou la campagne. Ds qu'on montait dans le train, elle fixait la vitre et attendait de voir la mer. C'tait une vraie passion, le soir il fallait la traner sur le sable, pour quitter la plage. Elle savait bien nous faire tourner en bourrique, elle savait bien qu'on ne vivait que pour elle. Le dernier t, on est parties toutes les trois, on avait lou une jolie maison Saint-Raphal, avec plein de bougainvilliers, j'adorais a. Martine devait avoir 16 ou 17 ans, elle s'tait trouv une bande de copains sur la plage. On tait toujours inquites avec Jacqueline, on la suivait de loin. Un soir, nous l'avons mme accompagne, en bote de nuit parce qu'on ne voulait pas lui interdire mais on ne pouvait pas la laisser y aller sans surveillance. Les copains, taient sympas, ils disaient rien, on devait les faire un peu rire. Y en n'avait un avec des moustaches, gentil comme tout, Alain. Il tait d'origine espagnole et militait contre la dictature. Heureusement que Martine n'est pas tombe amoureuse de lui, j'aurais pas aim qu'il ait les mmes soucis que moi. Peu de temps aprs dans les Pyrnes, des types lont balanc d'une falaise avec son scooter, en sortant d'une runion. Il est devenu paralys, vingt ans. C'tait toujours aussi dangereux de contrarier les fascistes. Ils sont rests trs amis avec Martine. Alain devenu le parrain de Fanny. Il lui crivait beaucoup, il envoyait de longues lettres, quelle ne comprenait pas toujours parce qu'il tait trs intello, un peu pote, il disait toujours ma petite princesse . Aprs je ne suis plus jamais partie en vacances. J'allais juste Paris tous les ans Nol, je montais comme on dit Bergerac, j'allais un peu partager l'univers des trois filles. J'apprciais pas tellement de retrouver ma grande ville, a changeait trop, je reconnaissais plus les endroits, les quartiers se transformaient, et toutes ces bagnoles, quel boucan, a me mettait un peu le cafard. si, une anne j'ai rejoint Martine pour l'aider avec la petite parce que pour une fois, ma fille avait pens se faire plaisir, elle tait partie en voyage organis avec une copine. C'est juste la fin de sa vie qu'elle a dcouvert le plaisir de voyager. pages 68-71 Clara MARTIN, 1ES3
Tout dabord, Michel Rostain est n le 18 septembre 1942. Il est metteur en scne de thtre lyrique et musical, il devient mme directeur de la scne nationale de Quimper de 1995 2008. Une terrible preuve laffecte en 2003, la mort de son fils unique prnomm Lion , dcd dune maladie. Plusieurs annes aprs la disparition de ce dernier, il dcide de sortir son premier roman, pour lequel il obtient le prix Goncourt du premier roman en 2011. Michel Rostain crit ce roman pour pouvoir remercier toutes les personnes qui ont t prsentes lors de ce drame personnel. Ce livre se devait dtre un hymne la vie. Pour ce faire, lauteur dcide de faire parler son fils. Il a su trouver la bonne forme littraire pour rendre ce roman agrable lire en vitant un registre pathtique et larmoyant. Je nest pas Michel Rostain mais bien Lion Je est son fils . Cela donne une autre dimension au livre, sans dolorisme. Ce fils nous raconte, avec ironie, la drive de son pre qui essaie de survivre lannonce de son dcs . On observe tout dabord les regrets du pre qui aurait tant voulu parler plus ce dernier, lui dire quil comptait vraiment beaucoup pour lui et quil laimait Michel Rostain comprend quil ne connaissait pas rellement son enfant devenu jeune adulte. Mais ses regrets seront ternels, et il va devoir vivre avec. Il y a aussi les regrets le jour du dcs de Lion. Papa est au supermarch, alors que Lion est la maison, il est dj en train de partir. Lambulance arrive et emmne Lion lhpital, mais t out est dj fini. Papa ressassera longtemps ses innombrables minutes quil a loupes attendre au pied de lambulance au lieu dtre l, dans le lit, dans la chambre, dans lambulance, avec moi, avec lui -mme. Comme quand il tait au supermarch, comme quand il rangeait la voiture, le couloir, lescalier, la chambre, mais quavais-tu, Michel, te soucier des anticipations des rglements et dautres choses que lui ? Le vrai prsent ctait dtre l, un point cest tout. On apprend aussi que trois mois avant lincinration de Lion, les obsques dune amie de lauteur se droulent, et les parents de Lion ne se doutent absolument pas quils vont devoir revenir au cimetire plus tt quils ne le pensent . Ce jourl, vous navez pas imagin une seconde que vous devriez revenir bientt, non plus cette fois en tant que visiteur mais comme vedettes du jour. Lhypothse ne vous est mme pas venue lesprit. Ce roman qui retrace donc un deuil, est dcrit par le fils avec de lhumour, de lamour, de la trist esse bien entendu, mais toujours avec une grande pudeur, sans tomber dans la mlancolie, ce qui est remarquable pour une histoire vraie. A travers ce livre, lauteur nous fait comprendre quon peut vivre avec a. A savoir : vivre malgr cette perte immense, cette infinie souffrance. Lauteur crit en citant Mariana Tsvetaieva on na jamais eu un enfant, on la toujours . Ce roman reste adapt un public dassez bons lecteurs. Cependant, nous pouvons penser que ce roman pourra plaire un grand nombre de lecteurs dbutants car il peut nous apprendre plein de choses sur la vie, cest un livre trs enrichissant. De mme que le sujet du deuil familial peut tous nous interpeler que lon ait 15 ans ou que lon ait 90 ans.
Lextrait qui peut le plus marquer le lecteur se situe la page 65 : Aujourdhui, lenterrement ne manque personne grce un rglement de police ; mais, nous autre paens, nous avons aussi des devoirs remplir envers nos morts . Prosper Mrime. Juillet 2003, trois mois avant ma mort. En deuil dun artiste ami, papa est all avec maman au crmatorium. Arrivs Carhaix, ils se sont gars au parking visiteurs, ils ont descendu pied les cinquante derniers mtres, et assist larrive du fourgon mortuaire de Simon. Ce jour -l, vous navez pas imagin une seconde que vous devriez revenir bientt, non plus cette fois en tant que visiteurs mais comme vedettes du jour. Lhypothse ne vous est mme pas venue lesprit. On nanticipe jamais ces choses l. Ensuite lautre extrait qui peut nous mouvoir se trouve la page 154 : Aprs une heure de marche, lvidence surgit en vous deux, maman et papa, sans que vous vous concertiez: ce sera ici, dans la cendre de ce volcan, face ce soleil glac, que vous allez disperser mes cendres. Il y avait presque une semaine que vous sillonniez lIslande de paysage en paysage, en qute du lieu propice, sans jamais savoir lequel vous alliez choisir, bord de mer ou montagne, cascade ou dsert, douceur ou brlure. Ctait beau partout. Ce nest quaujourdhui, cet endroit -l, que lvidence vient. La mto ce matin, plus ce gu en belle crue, plus la panne dun 4x4, plus la lgret de la lumire de lme, plus un paysage immense et somptueux : une accumulation de petits hasards dcident de lendroit o vous allez disperser mes cendres. Antoine DUPONT, 2de4.
La Faute de Got est l'histoire d'une famille et d'un retour : un retour la famille. Une famille se retrouve annuellement lors des vacances d't, aux environs du quinze aot dans la maison familiale situe dans le Sud de la France. La narratrice Mathilde revient dans cette famille et dans cette maison, elle retrouvera le cocon familial et cette atmosphre o tout le monde fait, selon les usages et les convenances, bonne figure. Ce livre montre les rapports qu'il y a entre des personnes qui s'aiment et le climat ressenti entre les uns et les autres. Ce roman rvle les diffrences entre les gnrations ainsi que la place de la femme au sein d'une famille bourgeoise. Cet ouvrage est marqu par de longues descriptions qui a elles seules donnent le ton sur lequel ce roman a t crit : un ton sobre qui sert a faire avancer le rcit tout en laissant une place au climat et l'ambiance parfois convenue avec laquelle la narratrice prend des liberts en jouant sur lironie. Ce roman pose des questions sur l'obligation tre ensemble en famille et sur la place que l'on occupe dans celle-ci Cette famille sera divise lorsqu'un membre de cette dernire proposera aux gardiens de la maison de venir profiter de la piscine lors de leur absence afin de ne pas succomber la chaleur du quinze aot. En effet, le grand-pre propose aux gardiens de la maison de venir se baigner, acte qui sera immdiatement condamn par la majorit des membres de la jeune gnration. Les gardiens sentiront tout de suite qu'ils sont de trop pour la piscine et dcideront de ne plus y aller afin de ne pas ajouter de tensions familiales supplmentaires. Plusieurs fois dans ce roman, il est question de la place de la femme qui est dcrite comme en partie mancipe. Cette mancipation faite de manire partielle est propre au milieu social dans lequel l'histoire se droule : le milieu de la bourgeoisie o la femme est souvent femme au foyer pendant que le mari travaille et occupe un poste responsabilits. L'auteur, Caroline Lunoir, a crit ce roman la suite d'un fait divers lu dans un article, cet article parlait d'un conflit qui sest droul dans une villa de luxe dans le Sud o les habitants de cette coproprit se
battaient pour savoir qui avait le droit de profiter de la piscine. L'crivain a rflchi ce qu'elle aurait fait leur place et a dcid de transposer cette histoire dans une maison familiale dans laquelle toutes les gnrations ainsi que les membres de la famille seraient reprsents. On pourrait s'tonner du peu de nombre de pages (113) que comporte ce roman mais l'histoire est raconte de manire efficace et sans artifice. Chaque mot est une petite pice qui sert assembler un gigantesque puzzle nomm famille. Ce livre fait rflchir aux valeurs que l'on possde et que l'on nous a inculques De plus, c'est un miroir des problmes familiaux tels que le poids de l'hritage, les conflits entre les diffrentes gnrations, les choix et les modes de vie adopts par une famille et ses membres. Dfinir une faute de got, c'est rflchir qui l'on est et do l'on vient. Caroline Lunoir. Ce livre nous concerne tous car l'on appartient tous une famille et des gens que l'on aime. Elle est la seule personne dont je dirais avec conviction: Elle a t heureuse. De ce bonheur dont on hrite par sa condition, dont on est affubl par la chance, mais que l'on choisit aussi de ne pas gcher. A moins que je ne le croie parce que je suis arrive tard dans sa vie. Et que j'en suis une justification. Je n'ai pas connu sa jeunesse, ses doutes et insatisfactions. Madeleine est pour moi la figure inbranlable de la grand-mre attentive. Celle qui raconte sans cesse les progrs de ses douze petits-enfants. Celle qui s'est drape avec une fiert incrdule dans son nouveau statut d'arrire-grand-mre. Peut-tre estelle apaise avec nous, parce que nous sommes sa continuit. Ce qu'elle a accompli, ce qui restera d'elle, aprs elle. Ma grand-mre sera, pour une ou deux gnrations encore, un jeu de cartes qu'elle nous a appris et que nous transmettrons, une partie de ping-pong ou de tennis qu'elle a voulu que nous aimions, une manire infaillible de faire prendre la mayonnaise. Plus tard, beaucoup plus tard, elle ne sera plus qu'une paire de fauteuils Louis XVI transmise et dispute chaque succession, une horloge ou ce portrait ovale de jeune fille ternelle, blonde, toute de transparence et de voiles lgers sur des seins impatients. De petites filles rveront de la mme conscration virginale de leur jeunesse par un peintre habile. Un enfant se balancera ou s'assira sur l'accoudoir du fauteuil Louis XVI et sera tanc d'un Arrte ! Tiens- toi bien ! N'abme pas le fauteuil de ton arrire-arrire-grand-mre . Puis, ma grand-mre passera. Son nom bourgeonnera seulement sur la branche d'un arbre gnalogique. Son souvenir sera arrt aux deux plus grandes dcisions de sa vie. Celle de se marier et de prendre le nom de son mari, ce qui lui vaut un lien ; celle d'avoir des enfants, ce qui la gratifie de trois ramifications. Son nom ne sera pas une impasse, une pousse coupe trop tt ou dessche. Pages 100 102. Premire tape. Comme leurs mres, ces filles marier se sont passionnes pour l'histoire, la gographie, la littrature. A la diffrence de leurs mres, elles sont diplmes, ont fum, dbattu dans les bistrots, fum, port des pantalons, fum, profit de Nanterre pavoise de rouge pour partir la plage, pris leurs sacs, des copines ou leur mecs pour visiter un bout du monde. Comme leurs mres, elles se sont instruites sans penser un mtier. Comme ma grand-mre, Brigitte et ma mre se sont maries. Elles ont abandonn aprs leur deuxime enfant le mtier qu'elles avaient adopt le temps de complter le salaire de leurs maris dbutants. Comme ma grand-mre peut-tre, aprs Nanterre, aprs la plage, aprs les bistrots et le bout du monde, elles ont dcouvert la solitude de la femme au foyer. Deuxime tape. Comme ma mre, j'ai voulu tudier. A cause de mon pre, je serai avocat. Telle est la marche un peu hallucine des femmes demi mancipes. pages 47-48. Aurlien EMIN-JOUVE, 2de 4
LECRIVAIN DE LA FAMILLE OU FAUT-IL LAISSER LE DESTIN CHOISIR POUR NOUS ? Maman, Tes pas du zan. Papa, Tu fais des grands pas. Mamie, Tes douce comme de la mie. Papy, Tout le monde fait pipi. Quatre phrases, quelques rimes, un simple pome enfantin. Simple par la forme et par son fond ; mais pas par les consquences quil aura sur la vie du jeune Edouard, sept ans. Cest par cette posie que dbute sa carrire dhomme de lettres. Quel parent ne smerveillerait pas devant un dessin denfant ordinaire, si celui-ci est cr par sa progniture ? Quel couple ne simaginerait pas quun petit Mozart sommeille au creux de son enfant jouant ses premires notes au piano ? Il est des cas o lespoir que les parents placent en leur enfant est immense ; mais le destin que les autres vous choisissent nest pas toujours le bon. Le dbut du rcit nous projette dans les annes soixante-dix, coup de slogans publicitaires, de refrains de Joe Dassin et de volutes de fume des gitanes omniprsentes dans lhistoire. Grandissant dans une famille hors du commun avec un pre toujours meurtri par son retour de la guerre dAlgrie, une mre malheureuse et rebelle, une sur rveuse et romantique et un frre-oiseau , douard est envoy dans un pensionnat o il se heurtera la violence physique et la violence des mots. Il ne cessera pas pour autant de vouloir sexprimer par lcriture, mme si, son seul moyen dexpression consistera en de vulgaires graffitis sur les murs de son cole. Plus tard, lambigut de ses sentiments se traduira par son rapport complexe lamour, mais, toujours, il crit. Ce sont ses dboires
sentimentaux qui le feront abandonner ce rve, qui nest pas le sien, aprs lcriture dun roman. Nanmoins, cet homme paradoxalement pre de famille, se reconvertira dans la publicit, jouant toujours avec les lettres et les mots afin de ne jamais perdre ce pourquoi il pensait que tout le monde lavait toujours aim. Pas aussi drle que les ditions nous le promettent, Grgoire Delacourt exprime merveille la nostalgie que tout un chacun est capable de ressentir par rapport son enfance. Pour preuve une citation de louvrage qui donne rflchir : Quand on est trs petit, la longueur de nos bras permet tout juste datteindre le cur de ceux qui nous embrassent, quand on est grand, de les loigner. Malgr quelques passages parfois trs crus, voire dplacs et vulgaires, le roman offre une rflexion sur le fait de prendre, ou non sa vie en main. Lauteur, n en 1960 Valenciennes est lui -aussi publicitaire. Nous lui devons quelques slogans de notorit publique, pour des marques tout aussi connues. douard est donc, en quelques sortes, un alter ego de Delacourt, qui dclare tre malheureusement lcrivain de la famille. Le roman mle effectivement fiction et lments autobiographiques. Cest ainsi que cet homme a pu partager les pires moments de sa vie comme le plus beau jour quil a vcu ; quil dclare tre celui o il rencontra la fille sur la voiture . A vous lecteur de le dcouvrir Nous avons affaire une mise en abyme puisque dans le roman, Edouard crit ce roman mme, pour leur crire tous une belle fin. L encore lecteurs, vous de voir si cela est chose faite ou non. Grgoire Delacourt signe avec LEcrivain de la famille, un rcit bouleversant, mouvant et passionnant. Son criture fluide dont on a plaisir dceler les mystres rgis par les mensonges et les non-dits inscrits en filigrane, en font un roman captivant qui lui aura valu trois prix littraires dont le prix Marcel Pagnol. On souhaite le mme succs que ce bon premier roman son petit frre La Liste de mes envies paru le premier fvrier 2012. Cest lhistoire dun loup abandonn le jour de sa naissance prs de ltal dun poissonnier. Du coup, il pue le poisson et tous les chats de la ville lui courent aprs. Le petit loup parvient se cacher dans lombre dune ruelle o un vieux chat sage lui conseille de retourner dans sa fort. Mais dans la fort, il y a les chasseurs ! Saffole le petit loup qui pue. Mais les chasseurs ne chassent pas le poisson, rassure le chat sage. Ce sont les pcheurs. De retour dans la fort, le loup fait bamboche de lapins, mulots et autres oiseaux qui ne le sentent pas venir puisquon ne se mfie pas dun poisson. Mais les animaux finissent par comprendre, se passent le mot : quand tu sens un poisson, mfie-toi cest le loup. Et le voil nouveau dtest. Il retourne en ville, rencontre un parfumeur qui lui conseille une odeur que tout le monde aime. Une odeur qui fera pleuvoir les amis. Lodeur du chocolat. Mais vous imaginez lhorreur pour un loup ? tre poursuivi par des centaines denfants ? Alors le loup exige cette fois un parfum de terreur. Un parfum de loup. Mais un loup qui sent le loup fait fuir la boustifaille et rameute le chasseur. Il retourne une dernire fois en ville, achte un savon, se lave et frotte jusqu sentir nouveau le poisson. Et alors quarrive-t-il ? -Il est temps daller au lit, les filles, dit Monique. Marilda va vous coucher. Et on noublie pas le pipi, les mains et les dents. -Il est beau ton cadeau, dit Mathilde en membrassant. -Il meurt le loup ? demanda Jeanne dune petite voix inquite. -Pai dira la chuite amanha, dit Marilda Corts en emportant nos filles. Nous nous retrouvmes alors seuls. Jallumai une cigarette. Monique se versa un verre de vin. Nous savions tous les deux. Le rideau. La fin.
Cest toi, le loup qui pue, dit-elle. Non pas parce que tes doigts puent depuis cette femme Bruxelles mais parce que comme ton loup la con, tu ne taimes pas comme tu es. Et quand on ne saime pas, on ne peut pas aimer les autres. pages. 216-217
La psychanalyse fit des ravages dans notre famille. Ma mre ne parlait plus parce quelle gardait ses mots pour son analyste, un certain Boucher Lille. Mon pre se taisait parce quil savait que si les mots peuvent gurir, ils peuvent aussi blesser, dtruire. Et nous nosions poser de questions. Ouvrir la bouche pouvait dclencher un cataclysme. Exemple. Dans la cuisine jaune ple qui avait vu mon dbut denfant de lettres, qui se souvenait de nos joies tre parfois une famille drle et lgre comme celles qui habitent dans les films de Franck Capra, je demandai un soir mes parents alors que nous tions table : -Est-ce que le silence a veut dire quon ne saime plus ? Il y eut un silence, cela va sans dire, et des objets volrent. Claire se mit hurler, atteignit une octave inconnue. Mon frre en larmes, limita, terrifi, il se colla elle, disparut en elle. Ils coururent sous les bombes se rfugier dans sa chambre. Je restai l, paralys. Il faut avoir vu ses parents se battre pour comprendre quun enfant puisse avoir envie de mourir. Je mallongeai sous la table ; un chiot trouillard. Ma mre sortit de la cuisine. Plus tard, mon pre quitta doucement sa chaise. Ses jambes tremblaient. Un vieillard de quarante-six ans. Il entreprit de ramasser les mots briss sur le sol ; salire, verre, assiette, broc, ramequin. Il les recollera, les mots parpills. Puis il les rangera leur place, dans le bon ordre, pour en faire une phrase qui dit que tout va bien, que tout ren tre dans lordre justement. Avec le temps, il tentera de cacher les cicatrices des mots. Il les poussera dans lombre du placard, jusqu loubli. Quand il vit le chiot penaud, il saccroupit, tendit la main. Ce fut la seule fois que je le vis pleurer. Cette impudeur inattendue mapprit quil existait cet instant une douleur plus grande encore que la mienne. La sienne. Je me laissais alors guider pour sortir. Revenir la lumire. pages 34-35 Lisa Marin-Lamellet, 1ES3
Cette personne (photo ci-dessus), Charlie Mingus, a inspir lauteur, William Memlouk. Cest son histoire qui est raconte. Mme si videmment elle mle lments biographiques et fictifs. Tijuana Moods est un album de musique de jazz, lui aussi bien rel. Charlie Mingus en est le principal crateur, comme il est le principal personnage de ce livre. Un livre qui peut paratre, premire vue, pas trs intressant et ce, cause de la couverture peu attirante. Elle est sombre, et on ne comprend pas vraiment ce que reprsente la photo. Quant au titre, il nous parat bizarre. Et si nous ne connaissons pas lunivers du jazz, il nvoque rien. Il ne nous engage pas non plus ouvrir le livre. Pourtant, cest ce que nous avons fait et nous tions loin de nous imaginer quil nous emporterait si vite, si facilement dans un autre monde. Nous sommes en 1950, dans une Amrique du Nord o les lois de sgrgation ont t votes et appliques. Le racisme est l, partout. Il sappelle Charlie Mingus et il est noir. Cest un contrebassiste, pianiste et compositeur. Il est issu dun milieu dfavoris. Cet homme a du temprament, beaucoup. Des excs de colre, de violence, de haine, dalcool et de drogue, il en a eus. Mais pourquoi ? Il est parti, comme cela, de New-York, avec son groupe Tijuana, au Mexique. Il laisse derrire lui un amour la peau blanche et aux yeux bleus. Mais pourquoi ? Pour la drogue et lalcool qui sont autoriss ? Ou alors parce que les lois ne sont pas les mmes ? Et si ctait pour fuir un amour dont il ntait pas matre ? Charlie Mingus et son groupe partent pour Tijuana. Dans cette ville se passeront de nombreux vnements. Mais surtout, Charlie. M. se lancera dans un combat intrieur et extrieur, sur plusieurs fronts. Sen sortira-t-il ? Arrivera-t-il vaincre ?
Mingus Mood est une histoire absorbante, attrayante, qui est une bonne surprise. Lcriture de lauteur est brlante, nerveuse, tout en tant fine et pointilleuse. A travers ces mots aligns les uns contre les autres, nous ressentons ce que les personnages prouvent. La colre, la haine est en nous, nous les sentons, ces sentiments qui crpitent en nous. Cette fille quil a laisse sans se retourner, nous voulons lui dire, lui crier de la prendre au moins une dernire fois dans ses bras. Et cette passion quil prouve pour le jazz, nous lavons-nous aussi. Le jazz, qui est sa manire de sexprimer, de parler, de dire ce quil a au fond de lui, ma touche. Cest une belle faon, artistique, pour affirmer ce que nous ressentons. Nous nous attachons au personnage, un personnage, certes impulsif, mais qui a de bons cts. Il est vrai que nous ne le comprenons pas toujours, que ses ractions, ses manires dagir peuvent nous interpeler, mais aprs tout chacun renferme sa part de mystre. Les sentiments ne sont pas les seuls tre incroyablement bien dcrits, les situations, ce qui se passe dans le livre, sont des scnes que nous vivons nous mme. Nous entendons le public dans les joutes, nous sentons la chaleur qui pse sur le chemin qui mne Tijuana, nous touchons les cordes de la contrebasse et nous ressentons le mal qui ronge Charlie. M. de jour en jour. Mingus Mood est un excellent livre. Il a le pouvoir de faire jaillir de nous un bon nombre de sentiments. En plus dtre crite dune trs belle manire, lhistoire es t fluide et cohrente. Nous navons aucun garement, ni moment dincomprhension et encore moins dennui. Ce livre se lit sans aucune difficult et avec grand plaisir. Ce roman qui nous avait paru peu intressant a priori, notamment cause du titre, est e n fait une grande russite Un titre que lon comprend aprs avoir lu luvre. Mingus est le nom de Charlie et Mood le deuxime mot du titre de son album, le premier tant Tijuana. On veut, peut-tre, nous faire comprendre que Charlie a donn beaucoup de son tre pour faire cet album et que ce dernier est lillustration de ce quil ressentait mais narrivait pas exprimer avec des mots. Mais aussi, en quelque sorte, laboutissement de ses diffrents combats quil mne avec des notes. Ce roman, sensible et brutal la fois, nous permet de savoir ce que peut vivre et ressentir une personne noire aux Etats-Unis des annes cinquante. On nous explique ce quest une joute et comment elle se passe. Cela fait partie de lunivers du jazz. On apprend beaucoup sur lambiance des clubs de jazz. Pour des personnes qui ne connaissent pas ce monde, ce livre est une manire de le dcouvrir. Mingus Mood est un livre passionnant qui nous fait passer plein dmotions, nous renseigne sur lunivers du jazz. Il est agrable lire mais surtout nous fait passer un excellent moment. Tiffany Digitello, 1 ES3
Les lves de seconde et de premire au thtre Charles Dullin en compagnie des trois auteurs : Hlne Gestern, Chabname Zariah et Raphalle Riol