BERGER Philippe - Histoire de L'écriture Dans L'antiquité (1891) PDF

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HISTOIRE
DE

L'CRITURE DANS L'ANTIQUIT

SE TROUVE A PARIS
CHEZ
HACHETTE ET
C",

EDITEURS.

CH.

DELAGRAVE, EDITEUR.

Boulevard Saint-Germain, n" 79.

Rue

Soufflot, n" IS.

ALPH. PICARD. DITEUR,

DEL ALAIN FRRES, DITEURS.


'

Rue Bonaparte,

n" 82.

Rue ds

coles, n" 56.

ARMAND COLIN

ET

C''.

DITEURS.
,

ALC. PICARD ET KAAN, DITEURS,

Rue de Mzires

u" 5

Rue

Soufflet, n' 11.

MINISTERE
DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE ET DES BEAUX-ARTS

HISTOIRE
DE

L'CRITURE DANS L'ANTIQUIT


TAR

M.

PHILIPPE BERGER

PARIS
IMPRIMERIE NATIONALE

M DCCC XCI

MONSIEUR ERNEST RENAN,


DE L'ACADMIE FRANAISE ET DE L'ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES,
PRSIDENT DE LA COMMISSION DU CORPUS IXSCRIPTIONVM SE^UlTICAliVM.

LiHER ET ILLUSTRE MAITRE,

Ce

livre

vous appartient. Votre


les

nom

figure au pj-emier

rang des savants qui ont tudi


sives

transformations succes-

de

l'criture chez les diffrents


les lois.

peuples et en ont d-

termin

L'pigraphie phnicienne, ce

nud

de

l'histoire

de

l'al-

phabet, vous est particulirement redevable de la prcision


qui en a
fait

une science au

mme

titre

que l'pigraphie

grecque

et l'pigraphie latine.

C'est vous qui m'avez

form ces tudes. Votre grande

bienveillance et la svrit de votre discipline m'y ont guid

pas pas.
Veuillez accepter cet essai

comme un

faible

tmoignage

de

la

reconnaissance que vous gardera toujours un lve

qui vous doit tant.


Philippe BEI^GER.

INTRODUCTION.

Nous sommes
phabet hbreu

loin

du temps o
forme

l'on croyait

que

l'al-

tait la

la plus

ancienne de

l'cri-

ture et qu'il avait t

donn au premier

homme

en

mme

temps que

la

parole.

L'alphabet hbreu n'est

(ju'une transformation assez rcente de l'criture ph-

nicienne, d'o sont sortis tous les alphabets encore en

usage sur
nicien

la surface

de

la terre;

mais l'alphabet ph-

lui-mme

a t prcd par d'autres systmes

d'criture fort savants, qui ont jou

un

rle consid-

rable dans

rhistoire

des anciennes civilisations.

Ces

critures, dont quelques-unes ont r^n sur le

monde
formes
les

pendant plusieurs milliers d'annes,

se sont

peu peu,

et elles

nous apparaissent, quand nous

tudions aujourd'hui,

comme

le fruit

des longs tton-

nements de l'homme pour arriver donner une forme


crite sa pense.

L'criture a

une

histoire, parce qu'elle a eu

un

d-

veloppement. Cette vrit, longtemps mconnue, n'a pu


tre

dmontre que

le

jour o l'on a renonc aux rap-

prochements
cher sur
les

artificiels et

aux hypothses, pour recher-

monuments des tmoins authentiques des

P
,

.55

vni

INTRODUCTION.
et

formes successives de l'criture,

l'on s'est

appliqu

les expliquer en les rapprochant les unes des autres et

en remontant d une forme connue celles qui

l'ont

im-

mdiatement prcde.
que
l'on a

Il

n'y a

gure plus de cent ans


de l'criture cette m-

appliqu

l'histoire

thode, qui est celle des sciences naturelles, et elle a

donn d'tonnants

rsultats.

Aujourd'hui

les

grandes

lignes de cette histoire sont parfaitement connues, et


l'on

peut tenter d'en prsenter un tahleau d'ensemble

qui permette de l'embrasser d'un seul coup d'il. Cette

tude n'a pas un simple intrt de curiosit savante;


elle a

un

intrt d'une porte plus gnrale. Elle nous

permet de remonter jusqu'aux origines de l'humanit


et

nous

fait assister

aux

efforts

de l'homme pour trans-

mettre sa pense travers le temps et l'espace.

De

tout temps,

l'homme a prouv

le

besoin de conle

signer sa pense par crit, pour conserver

souvenir de

certains faits ou pour en transmettre la connaissance


d'autres. Aussi l'criture est-elle

un des

arts

dont nous

retrouvons

le

plus anciennement les traces. Sur les preles

miers instruments fabriqus par l'homme et sur miers rochers qui


lui

pre-

ont servi d'habitation, on trouve

des images accompagnes de signes conventionnels qui

devaient reprsenter certains


l'esprit

faits

ou certaines ides

de ceux qui

les

employaient.

Tandis que

les races

peu

civilises

en restaient cette

premire tape de l'criture, d'autres Tout ra|)idement


franchie et sont arrives de

bonne heure

possder

un
les

systme d'crituue complet, pouvant rendre toutes

INTRODUCTION.
nuances de
la pense.

ix

On

est

tonn de voir quel deles

gr de perfection avaient atteint

Egyptiens ds

les

premires dynasties de leur empire, c'est--dire prs de


quatre mille ans avant notre re. L'criture des Chaldens, celle des Chinois, ne sont gure moins anciennes.

Mais cette perfection apparente

n'allait

pas sans une


le privi-

grande complication, qui

faisait

de l'criture

lge exclusif d'une caste. Aussi, partir du

moment
l'eflort

les

systmes hiroglvj)liiques ont t forms,


a-t-il

constant de l'homme

tendu

les simplifier et les

rendre plus facilement maniables.


sacre et

ct de l'criture

du

sein

mme

de cette criture est ne une

criture profane et populaire qui sV est peu peu substitue.

On

a peine croire,

quand on compare

la simplicit

de nos alphabets modernes aux systmes hiroglyphiques


des anciens, qu'ils aient une origine

commune,

et l'on

serait tent d'admettre, avec ceux qui se sont les pre-

miers proccups de ces questions, que l'alphabet a t


cr de toutes pices un jour par
Il

le

gnie d'un Cadmus.

n'en est rien pourtant,

et

Ion peut dmontrer au-

jourd'hui que nos critures modernes drivent, par un

dveloppement naturel
lois

et

par l'application de certaines

inhrentes l'esprit humain, des formes plus com-

pliques que l'homme avait

dabord

inventes.
saltus,
les

La

loi

formule par Linn, Nahira non facit


nulle part
les
lois

ne trouve
langues,

mieux son application.

Gomme

critures sont des organismes vivants, soumis aux

de la transformation.

INTRODUCTION.
Le
garanti facteur

de ces transformations de l'criture


de nos alphabets modernes,

qui ont abouti


c'est la
le

la cre'ation

paresse de la main, qui cherche se soulever


et

moins souvent possible

faire

en un seul

trait
les

ce qu'on faisait en plusieurs;

ou plutt, prendre

choses de plus haut, c'est la loi

du moindre

effort,

par

laquelle s'expliquent tous les progrs de l'industrie hu-

maine

et qui consiste

produire

le

mme

travail

en d-

pensant moins de force.

De

l vient la

monotonie de nos alphabets modernes,

compars aux systmes hiroglyphiques des anciens.


Ceux-ci n'taient, en ralit, qu'une peinture de la pense,

dans laquelle chaque ide, chaque mot

tait

rendu

par une image.

Au

contraire, les signes de l'alphabet


ils

n'ont rien de reprsentatif,

ont une valeur purement


;

conventionnelle et algbrique

mais par

mme

ils

peuvent s'appliquer presque indiffremment toutes


les

langues;

ils

ont un caractre universel qui deviendra


la la
loi

de plus en plus

de l'criture, malgr

les

essais
le

de raction dont

fin

du

xix^

sicle

aura donn

singulier exemple, en ressuscitant, par suite de proc-

cupations nationales et politiques, des alphabets qui

semblaient destins disparatre.


Il

est ais d'apercevoir quelle influence ont eue, sur

l'expression de la pense et sur les relations des

hommes

entre eux, les progrs de l'criture.


s'il

On

peut dire que,

est

d'autres

branches

de
il

l'activit

humaine qui
(jui

parlent plus l'imagination,

n'en est pas


le

aient

eu

(les

consquences plus imporlantes pour

dvelop-

INTRODUCTION.

xi

pement de Tosprit humain,


])lus

ni

dont

les

tapes soient

nettement marques.
a cru qu'il ne serait pas sans intrt,

On
toire

dans

l'His-

du Travail organise l'occasion de l'Exposition

universelle de

1889, de donner une place

l'histoire

de l'criture.

On

avait dcid de

runir, cet effet,

dans

les galeries

du

palais des Arts libraux, des spl'criture depuis son

cimens des diffrentes formes de

origine jusqu' la constitution de l'alphabet grec et de

l'alphabet latin d'une part, de l'criture arabe et de


l'criture

indienne de

l'autre.

Charg d'organiser
j'ai

cette

partie de l'exposition rtrospective,

choisi, autant

que possible,

les

monuments

les plus clbres

ou ceux

qui ont jou un rle dans le dchiffrement des critures

anciennes, m'appliquant en donner des reproductions

de tout point conformes aux originaux.


Si cette histoire figure de l'criture a

paru prsenter

quelque intrt, je
j'ai

le dois

au concours bienveillant que

rencontr auprs des

membres de

la

commission,

ainsi qu'auprs des savants, franais et trangers, qui

s'intressent ces tudes. Je tiens

exprimer

ma

reconI

naissance tout d'abord au prsident de la section


l'Histoire

de

du Travail, M. de Rozire,

ainsi

qu

tous

ceux qui ont bien voulu faciliter


culier

ma

tche, en parti-

aux

Trustes

du

British

Musum, aux conservateurs

du muse du Louvre, du muse d'ethnographie du Trocadro, du muse ethnographique de Dresde, de qui

nous avons reu de prcieux moulages. M. de Glercq,


M.
le

colonel \incent.

commandant

le

/i*^

tirailleurs

su al[];rions,

INTRODUCTION.
avaient aussi l)ien
originaux.

voulu nous confier cer-

tains

monuments

Nous avons eu, en outre,

notre disposition les collections runies par T Acadmie

des inscri|)tions et belles-lettres pour la rdaction du

Corpus iuHcnplionum somiticarum.

M.

le

Directeur de l'enseignement primaire a pens

qu'il pourrait tre

bon de conserver

le

souvenir de cette

exposition et

il

a bien voulu

me

fournir les

moyens
Il

d'en publier les rsultats dans le

Muse pdagogi(jue.

ne faut donc pas considrer ces pages


toire

comme une

his-

complte de l'criture, ce serait

la

matire de plu,

sieurs volumes, mais


a pris

comme un manuel dans

lequel on

pour point de dpart l'exposition du palais des

Arts libraux, en largissant le cadre, de faon assurer

ce travail

une valeur indpendante de


et lui

l'occasion qui

lui a

donn naissance,

permettre de rpondre
le

au but d'enseignement que se propose


gogique.
Tel qu'il est, ce travail n'est pas sans

Muse pdaune cer-

offrir

taine nouveaut. Si les diffrentes parties de l'histoire

de l'criture ont t, dans ces derniers temps,

l'objet

de travaux approfondis,
s'en
et

c'est la

premire

fois,

ou peu

faut,

que

l'on

essaye d'en

grouper

les

rsultais

de tracer un tableau gnral du dveloppement orl'criture


j'ai

ganique de

dans

l'antiquit.

Outre

les tra-

vaux spciaux que


dans
le

consults et qu'on trouvera cits


j'ai fait

corps de l'ouvrage,

de larges emprunts
les

l'tude

lumineuse de M. Mas[)ero sur


,

ccrilwes du

mondr

ovicntu]

qui

forme

le

dernier chapitre de son

I^TRODUGTION.
Histoire ancienne des peuples de FOrient, ainsi ([u'

xm
deux

travaux du regrett Franois Lenormant

l'Ecriture, qui
et

termine

le

premier volume de son Histoire ancienne,

VHistoire de la propagation de l'alphabet phnicien dans l'ancien

monde;

l'article

Alphabet, du

mme
et

auteur, dans

le

Dictionnaire des antiquits grecques


glio,

romaines de M. SaJ'ai

m'a aussi i d'un grand secours.

enfin con-

sult avec fruit les excellents taldeaux pigraphiques de

M.

J.

Euting

et les

deux volumes de M. Taylor

intituls

The AlpJtabet. Mais je dois surtout beaucoup au cours


d'[)igrapliie

smitique que M. Renan a profess pen-

dant dix annes conscutives au Collge de France,


et

qui a t

comme

le

laboratoire d'o est sorti le Corles

pus inscriptionum semiticarum. C'est dans

leons de

M. Renan, non moins que dans son enseignement de


tous les jours,

que

j ai

puis la meilleure part des ides

que

l'on

retrouvera au cours de ce volume.

Les divisions du travail taient imposes parla nature

mme
revue.

des systmes d'criture que nous allons passer en

Qu'est-ce que l'criture? C'est

l'art

de fixer
la

la

parole

par des signes conventionnels, tracs

main, qu'on

appelle caractres. Les caractres sont donc les l-

ments de

l'criture.

Deux principes
la

diffrents ont pr-

sid de tout

temps

formation de lcriture. Les ca-

ractres peuvent reprsenter des ides ou des sons.

On

appelle criture idographique celle qui s'attache rendre

directement

les ides;

criture phontique, celle qui ex-

,v

INTRODUCTION.
les

prime par des caractres


ture diire

sons de la parole. L'cri-

du dessin en ce
dans
1

qu'elle est inse'parable de la

langue;

si,

criture idographique, les caractres

sont des peintures de certaines ides ou de certains


objets,
ils

les

rappellent l'esprit sous

la

forme

qu'ils

revtent dans le langage, c'est--dire par l'intermdiaire

du mot.
Celte grande division de l'criture en comporte elle-

mme

d'autres d'une porte

moins gnrale. Dans

l'cri-

ture idographique,

tantt les caractres sont la re-

prsentation des objets eux-mmes, tantt ce sont des


signes conventionnels ayant avec l'ide qu'ils expriment

une parent plus ou moins loigne; ct des


nous avons
les

ima^rea^

symboles; ces derniers sont de beaula

coup

les plus
la

nombreux, car

plupart des objets qui


tel est

occupent
le cas

pense n'ont pas de figure matrielle;


les ides abstraites. L'criture

pour

phontique,

de

mme,

se divise en

deux branches

criture syllales caractres

hique et criture alphahliqne , suivant

que

expriment des articulations complexes ou bien des sons


simples, des syllahrs ou des
lettres.

Toutefois les distinctions qui prcdent ne sont justes

qu'en thorie;
pas.

le

plus souvent les

faits

ne

s'y

conforment

Non seulement on
criture, de

passe constamment, dans une

mme

limage au symbole, mais presque

toutes les critures qui ont

commenc par

tre pure-

ment idogra[)hiques sont

arrives peu peu au sylla-

bisme. La distinction entre critures alphabtiques et


critures

non alphabtiques

est la

seule qui corres-

INTRODUCTION.
})Oiule

xv

une ralit historique. C'est la cration de


le

l'al-

phabet qui marque

g^rand pas dans l'histoire de l'cri:

ture et qui la divise naturellement en deux parties

avant et aprs l'invention de l'alphabet.

Ce
la

travail

comprendra donc deux


sera

parties principales:

premire

consacre

l'histoire

de l'criture
phases

avant l'alphabet. Nous y tudierons

les diverses

par lesquelles a pass l'criture avant d'arriver trouver sa forme dfinitive. Aprs avoir jet

un coup

d'il
l'cri-

sur les premiers essais de l'homme pour dgager


ture

du dessin, dans l'Ancien comme dans


et sur ces
le

le

Nouveau

Monde,

procds encore enfantins auxquels


pictographie, nous suivrons
la

on a donn
les

nom de

progrs

de

l'criture jusqu'

constitution

des

grands systmes hiroglyphiques,


l'criture

l'criture

chinoise,

cuniforme, l'criture gyptienne. Nous ver-

rons ces systmes, d'idographiques, devenir peu peu


syllabiques,
c'est--dire

phontiques. Le plus parfait

d'entre eux, l'gyptien, nous

mnera jusqu'aux portes

de l'alphabet.

Dans

la

seconde partie, nous tudierons


et

la

formation

de l'alphabet phnicien

nous passerons successive-

ment en revue
vingt-deux

les

alphabets qui sont drivs de ses

lettres.

Tous
:

ces alphabets se

ramnent

deux grandes familles


italiote, et la famille
les

la famille

europenne ou grco-

smitique, de laquelle sont sortis

alphabets de llnde et de la Perse. Pour les alphabets


la

europens, nous nous arrterons


l'criture cursive, son apparition

naissance de
le

marquant

point de

XVI

INTRODUCTION.

dpart d'une nouvelle priode, qui va jusqu'aux temps

modernes
rcriture.

et

correspond une nouvelle destination de

Une troisime

partie sera consacre certaines cri-

tures que l'on trouve aux confins

du monde antique

et

qui sont nes de l'alphabet smitique, sans qu'il soit


possible d'en tablir d'une faon rigoureuse la drivation, ainsi qu'

un ou deux

essais d'alphabets diffrents

du ntre, qui paraissent


et

tre le fruit de tentatives isoles

indpendantes.

Cet aperu montrera, je l'espre,

le lien

logique qui

rattache entre elles les diffrentes formes de l'criture


et qui fait l'unit

de son

histoire.

En i83^, Klaproth,

dans son Aperu de rorigine des


cien

diverses critures de l'an-

monde, crivait

ffNous comptons trois sources principales d'criture

dans l'ancien continent


la smitique,

ce sont la chinoise, Yindienne et

qui ont donn naissance aux divers alj)ha-

bets de l'Europe et plusieurs de l'Asie. C'est peine


si

nous commenons souponner

le

systme de

l'cri-

ture gyptienne; nous ne voyons pas encore assez clair

dans ce sujet pour


dcider
si

fixer

nos ides sur sa nature


les

et

pour

les

hiroglyphes et

autres critures de

l'Egypte que nous connaissons constituent une classe


d'criture particulire et originale,
le

ou

s'ils

ne sont que

produit de l'aberration d'une civilisation comprime


rtrograder par la superstition et par
l'in-

et force

fluence des prtres. Nous avons les


l'originalit des critures

mmes

doutes sur
les

cuniformes conserves sur

INTRODUCTION.
anciens

xvii

monuments de

la

Perse et de Babylone

ces

critures ne paraissent avoir servi


sition d'inscriptions lapidaires et

que pour

la

compo-

de talismans, et n'ont
-n

peut-tre jamais

e't

dun

usage gnral.

Cinquante ans ont

suffi

pour transformer entire-

ment notre manire de

voir cet gard.

Non seulement
la

rcriture gyptienne et l'criture cuniforme ont pris

place qui leur appartient dans l'histoire de


tion, et

la civilisa-

chaque jour en

atteste

davantage l'importance
le

capitale et la grande diffusion dans

monde

antique,

mais des
proth,
il

trois sources

de l'criture admises par Klale

n'en est qu'une, l'criture chinoise, qui ait

caractre original qu'il lui attribuait. Les deux autres,


l'criture smitique et
l'on

mme

l'criture

indienne, que
derniers

avait
le

pu considrer jusqu'

ces

temps

comme

produit d'une cration indpendante, sont

des drivs plus ou moins directs des anciens hiro-

glyphes de lEgypte.
C'est tout

un chapitre de

l'histoire

de

l'esprit

humain
se

qui se droule nos yeux.

Sans doute, nos ides


et
il

transformeront encore sur plus d'un point,

reste

plus d'un problme rsoudre; mais ds prsent on

peut dire que

l'histoire

de l'criture
faits

est

fonde

et qu'elle

repose sur un ensemble de

acquis la science et

sur lesquels on n'aura plus revenir.

Le mrite de

cette rnovation revient

pour une bonne


l'pi graphie s-

part aux progrs des tudes relatives

mitique. C'est la mthode rigoureuse qui n'a cess d'y


prsider que l'on doit les dcouvertes les plus solides

xviii

INTRODUCTION.

qui ont t faites depuis trente ans dans le domaine de


rhistoire de l'criture. Aussi,

quand

ces tudes ne pr-

senteraient pas d'autre intrt, ce qui n'est pas, serait-ce

encore une raison suffisante pour


(>r

s'y

adonner; car, mal-

leur aridit apparente, elles procurent, plus qu'au-

cune autre branche des sciences historiques peut-tre,


la satisfaction

que donne
la vrit.

le

sentiment d'avoir dcouvert

une parcelle de

L'excution de ce travail a t confie l'Imprimerie


nationale.

Nous devons

la magnifique collection de

caractres orientaux que

possde ce grand tablisse-

ment,

et qu'if enrichit sans cesse


la

pour

se tenir

au coula

rant des progrs de

science, d'avoir

pu rendre par
J'ai

typographie

la

plupart des alphabets anciens.

grandement second par l'obligeance de ceux auxquels


est confie la direction

de ces travaux

et je tiens leur

en adresser

ici

mes remerciements.

HISTOIRE
DE

L'CRITURE DANS L'ANTIQUIT,


-><^C-

PREMIRE PARTIE.
L'CRITURE AVA>T L'ALPHABET.

CHAPITRE PREMIER.
LES ORIGINES DE L'ECRITURE.

- DESSINS ET SIGNES

MNMONIQUES.

une origine unique; on ne peut pas remonter historiquement sa source et trouver une forme
L'criture n'a pas

primitive d'oii drivent toutes les autres. L'criture est ne

sur plusieurs points la fois, chez certains peuples plus tt,

chez d'autres plus tard, et ses progrs ont donn naissance


des systmes diffrents qui se sont dvelopps parallle-

ment. Mais

si

l'criture n'a

pas eu, son origine, d'unit


et logique

historique, elle a

une unit interne

qui permet

de dterminer par la pense

les diverses

phases de son d-

veloppement. Dans cette recherche, l'tude de ce qui se


passe de nos jours n'est pas moins instructive que celle de
l'antiquit la plus recule, car certains peuples

en sont acil

tuellement

la

priode o d'autres en taient

y a hien

des milliers d'annes.

Parmi

les instincts inhrents


le

l'homme

figure celui de

reproduire par

dessin ce qu'il voit. C'est une des formes

PREMIRE PARTIE,
est

de rinstinct d'imitation, qui

commun

tous les

animaux,

mais une forme qui suppose dj l'existence d'ides gnrales; car,


traits et

pour dessiner,

il

faut faire abstraction de certains


l'objet.

ne considrer qu'une face de

Ce mode de

reprsentation est aussi ancien que

l'homme lui-mme sur

Renne Lioulnnt

(ijravure sur bois de renne de

)ii

groUe de Tiiangen).

la terre.

Dans

les

premires stations humaines on trouve

des os et des bois de renne dcors de dessins et de sculptures reprsentant des

animaux ou des
(').

objets, quelquefois

mme

de vritables scnes

Le dessin suivant, que nous

empruntons M.
h Laugerie-Basse
*''

le

marquis de Nadaillac

et qui a t trouv

par M. Elie Massenat, reprsente un jeune


et les

Marquis de Nadaillac, Les premiers hommes

temps prhistoriques,

9 vol. in-8, Paris,

Masson, 1881; L'Amrique prhistorique, idem, i883.


111-8.

in-S";

Murs

et

Monuments des peuples prhistoriques, idem, 1888.

LKS ORIGINES DE L'i'CRlTUUE.


liomiiie chassant l'aurochs; sur d'autres objets aiialo<jues,

on

trouve des clievaux, des ours, des poissons, des rennes, dans
dillrentes attitudes; l'un de ces dessins

serv une image trs fidle

mme nous a condu mammouth. On est tonn


les

du

de^jr de perfection

auquel taient arrivs


n'est pas

hommes
:

de l'poque quaternaire. Ce
il

encore de l'criture

manque

ce caractre conventionnel qui transforme


il

le

dessin en un signe; et pourtant,


sins taient dj des

est certain

que

ces des-

aide-mmoire,

c'est--dire des
la

moyens

de conserver ou

mme

de transmettre
le

pense.
usit chez les
faits

Les dessins n'taient pas

seul

moyen

peuples primitifs pour se rappeler certains

et

pour

en

fixer le souvenir.

Il

faut se garder,

quand on s'occupe

des origines de l'homme, d'tablir des classifications trop

rigoureuses et de se figurer les clioses


ses partout de la

comme

s'tant pas-

mme

faon.

Il

n'y a

que l'animal chez

qui

la

sret de l'instinct atteigne


s'y

du premier coup son


fois

but; l'homme ttonne et

reprend bien des

avant

d'arriver ses fins; l'origine, c'est la complication qui est


la rgle, la simplicit est le

fruit

d'une rflexion dj trs

avance.

Paralllement au dessin nous voyons se dvelopper, chez


,

certains peuples, des procds

mnmoniques qui

leur per-

mettaient de communiquer, non plus au

moyen

d'images,

mais au moyen de signes purement conventionnels, n'ayant aucune ressemblance avec les objets qu'ils dsignaient. Les
auteurs anciens nous rappoi'tent que les Scythes
et les

Ger-

mains

se servaient, soit

pour correspondre,

soit

pour leurs
ils

pratiques divinatoires, de btonnets sur lesquels

faisaient

des entailles. Cet usage parat avoir t rpandu chez tous les

peuples du Nord;

le

nom mme

qui sert dsigner encore

PREMIERE PARTIE.
les lettres

acluellement

de l'alphabet en allemand,

crbucli-

stabem^, nous a conserv le souvenir de cet tat de choses.


Il

existait,

s'il

faut en croire les auteurs chinois, chez les

Tartares, avant l'introduction d'une criture rgulire dans


ces contres. Les
offrent
cr

Stick-messages
actuel.

i-)

des Australiens nous en

un exemple
la

La forme

plus ancienne de ces signes

mnmoniques
ti

doit tre cherche dans ces remarques de propritaire


l'on

que

croit

reconnatre sur certaines armes des premiers


manifestations

hommes. Une des premires

du

rveil

de

la

personnalit chez l'homme a du consister

marquer d'un

signe distinctif les objets qui lui appartenaient'^^ Cette ha-

bitude

s'est

perptue dans

les

barbelures, diversement

agences, que les pcheurs de. baleines ou de phoques de la

mer de Behring gravent


du

sur leurs harpons. D'autres signes

mme

genre, mais plus compliqus, taient des marques


le

de chasse indiquant

nombre de

btes tues ou d'enne-

mis vaincus. Certaines lames de bois de renne, dcouvertes dans des cavernes habites par l'homme aux poques
les

plus recules, et qui prsentent sur leurs bords des en-

coches ou des stries rgulirement disposes, paraissent se


rattacher cet ordre d'ides
(-).

Ces procds pour se rap:

peler certains faits ont t utiliss de tout temps

c'est le

principe

du nud au mouchoir ou des


fait

entailles

que

la

bou-

langre

sa planchette pour indiquer le

nombre de

miches qu'elle a vendues.


Quippos.
princlj)e

On

trouve une autre application du

mme

dans

les grains

de mas
l'histoire de

et les cailloux

de dilfxko.

''*

Giirtailhac,

MiUcrimuv pour

T homme , 187^,

p.

^**

Larlot et Giirisly, Ikliqiti aqititunic , cxplicalion des planches, p. iG>j


pi.

et

B,

XXV.

LES ORIGINES DE L'CRITURE.


renies couleurs dont se servaient les anciennes
tions de

popula-

TAmrique pour conserver leur

histoire, ou bien

encore dans ces cordelettes nuds, appeles quippos, qui


taient la seule criture des Pruviens l'poque des Incas.

Les Pruviens paraissent avoir port l'emploi des quippos un degr de perfection surprenant;
ils

en faisaient

encore usage au

moment de

la

conqute espagnole. Les

montagnards ont continu


jusqu' nos jours. Le

s'en servir

pour leurs comptes

muse ethnographique du Trocadro


la

possde deux quippos anciens. Nous en devons


nication M. le docteur

commu-

Hamy, qui

a bien voulu mettre

notre disposition, pour toute cette partie de notre travail,


sa science, ainsi

que

les richesses

du muse

qu'il dirige. Ils se

composent de cordelettes formes de


fds

de laine de diffrentes couleurs,


rouges,
blancs,

bleus,

bruns,

sur

lesquelles sont placs, diffrentes

hauteurs, des

nuds

plus ou moins

compliqus.
l'original

Nous publions d'aprs


petit

un fragment du plus

d'entre eux; mais le dessin ne rend

qu'imparfaitement

l'effet

produit par

ces rencontres de couleurs. Tantt les

cordelettes taient rattaches

une

corde plus forte, tantt leurs lignes


capricieuses s'accrochaient aux aspLjid'l
'

ri^y^m
^^^'^

l'its

d'un bois recourb.^Quelquefois


plusieurs cor-

'"

'^

les

nuds embrassaient

delettes, et formaient ainsi de vritables cliames d'ides.


Portion d'un o/d'nno trouv Ancon

(Prou)pa. \i.E.H.Gigiioii.

Lord Kuigsborough a publie en

T'

il*'

(>

PREMIRE PARTIE.

couleurs, dans ses Antiquits du Mexique^^\ un quippo 1res

curieux, qui a t depuis lors souvent reproduit; l'original est perdu.

Le dessin

colori d'un autre

quippo m'a t

communiqu par M. Pihan,


dont
de

sous-chef des travaux typograil

phiques l'Imprimerie nationale;


le

lui vient

de son pre,

nom
:

est
rr

hien connu des orientalistes.

On

lit

au has

la feuille

Copi par M. Oppeti en i83'i, sur un ma-

nuscrit de la biblioth(|ue

du

Roi. n
la

On ne
auteur
lieu

peut attacher aucune valeur


le dessin;

traduction qui

accompagne
tait

mais

la copie parat sincre et

son

un dessiuateur

trs consciencieux.

Il

y a tout

de croire que ce quippo

tait ainsi figur sur le


l'ai

manula

scrit d'o l'a tir

M. Oppeti. Je

cherch en vain

Bibliothque nationale, et les recherches approfondies auxquelles s'est livr M. Pihan n'ont pas eu
rsultat. Je le

un plus heureux
laisser

donne nanmoins, pour ne pas

perdre

un des rares spcimens de ce mode

d'criture.

Les seuls renseignements originaux que nous possdions


sur les quippos nous viennent

du

P. Acosta^-^ de Historia

Chichimera de don Fernando de Alva Ixtlilxochitl^^^ et de


Boturini^*^

Ceux qui ont


la

les

premiers

visit

ces contres
soit

nous attestent

grande habilet des Pruviens

dans

l'usage des quippos, soit

mme

dans celui des cailloux, qui


du volume.
,

'">

Antiquities of Mexico

t.

IV, la fin

'*^

Joseph de Acosta

Htstoria naturaly moral de las Induis

Hispali

690
XII

in-A", p.
*^'

Ao-iia.
par Teruaux-Gompaiis dans
la

Publif^e

Bibliothque amricaine,

t.

et XIII.
^''^

Idea de una
p.

Nuem

Ilistoria

gnerai de

la

America

septentrional,

17 A 6.

in-8,

et

8B-87. Consulter aussi Rivero (Mariaiuia edde) y Juan


,

DiejTo de Tschudi, Aniigiicdadcs Peruanas


atlas.

Viena, Ciirold, 1801,

in-li",

avec

LKS ORIGINFS DH L'CRITURE.


avait

prcd

cliez

eux l'emploi des cordelettes noues

-Il

de voir des vieillards dcrpits apnoster; avec ua prendre avec un rond de cailloux le Pater
est curieux, dit Acosta,

autre, VAve Maria; avec

un troisime,

le

Credo; et savoir

quelle pierre signifie

conu du Saint-Esprit; quelle autre,

a souffert sous Ponce Pilate; puis,

quand

ils

se

trompent, se

cailloux, t Chaque reprendre, seulement en regardant leurs des nuds des quipcouleur, chaque caprice dans la forme

servait, parat-il, dpos avait sa signification; le rouge auteurs admettent mme signer une troupe arme. Certains
qu'il tait possible

de faire avec

les

quippos des combinai-

alphabet. En tout cas, les sons analogues celles de notre titre avaient des fonctionnaires qui portaient le

Pruviens

de Quippo-Camatjas, c'est--dire

cr

archivistes

lecteurs des

nuds

Wampmns. Dans

colors

n.

l'Amrique du Nord,

les

Wampums
degr de

prs le des Iroquois nous prsentent peu

mme

dveloppement de

l'criture.

Les

wampums

sont des colliers

violets ou blancs, ou des ceintures forms de coquillages dont les combifaussement appels grains de porcelaine i^
cr

trs varies rappenaisons forment des figures gomtriques Certains d'entre eux celles de nos broderies sur canevas.
,

lant

grains. Le plus ne comprennent pas moins de 6,000 7,000 rangs de coquilles. long que f on connaisse se compose de /19

nous paratre trange, les Iroquois pour eux des savaient les lire. Ces figures reprsentaient porter avec eux des ides et des phrases. Ils pouvaient ainsi une fois messages ou des discours entiers, qu'ils rcitaient on peut encore arrivs destination ('). Dans certains cas,

Quoique

cela puisse

(')

P. Margry, Mmoires

et

Documents sur

les

origines franaises des


1.

pays

d'oidrc-mer (Corresp. de Gavelier de la Salle,

1679-1681.

1,

Paris,.i879).

PREMIRE PARTIE.
le sens.

en dbrouiller

Un wampum,

publi partiellement
Il

par M. Beauchamp^^^ reprsente la ligue des Iroquois.


est

form d'un cur blanc sur fond pourpre,

reli

par une

fde de coquilles blanches des carrs disposs des deux


cts.
11

signifie

que

la ligue n'a

qu'un cur

et

que toutes
unes

ses parties sont rattaches ce

cur

et rattaches les

aux autres.
Et pourtant, on peut peine donner
le

nom

d'criture

ces tentatives pour transmettre la pense. Les quippos,

de

mme que

les

wampums,

n'taient gure qu'un procd


faciliter
le

mnmotechnique destin

travail

de

la

m-

moire, une mthode au moyen de

laquelle on se crait une

mmoire
il

artificielle;

chaque nud n'exprime pas une ide,


d'une faon
Il

la rappelle l'esprit

artificielle

par sa combi

naison avec d'autres nuds.

manque

d'ailleurs

un des

caractres essentiels de l'criture, qui est d'tre trace sur

une matire

rsistante.
qu'ils taient,
;

Les btonnets des Scythes, tout imparfaits


se rapprochaient,
,

en un certain sens davantage de l'criture

mais

le

nombre des
tait trop

ides qu'on pouvait exprimer par ce

moyen

limit.

Les btonnets ne servaient sans

doute communiquer que dans quelques circonstances prvues d'avance, et ce n'tait gure que des nombres qu'on se
transmettait de cette faon; or la numration crite, sous
sa forme ancienne
,

rentre peine dans les cadres de rcri-

ture, car elle n'est

que

la

reproduction des units que l'on

compte, un dessin que chacun traduit en sa langue.

(''

Smithsonian Report, 1879, p.

889

et

890.

INSCRIPTIONS FIGURATIVES.

CHAPITRE

II.

l^SCRIPTIOx\S FIGURATIVES.

Ceux qui
et les

les

premiers ont eu

l'ide

de runir

les

images
inven-

signes

mnmoniques ont
Ce

les vritables

teurs de l'criture.

jour-l, leurs dessins ont t

non

plus de simples tableaux, mais des rcits fixs par crit.

On remarque

dj cette fusion de scnes figures avec des

signes conventionnels sur des

monuments appartenant aux


qui a t publie pour
^^\

premiers ges de l'humanit. Une scne grave sur un rocher Skebbervall, en Sude,
la
le

et

premire

fois

dans

la

Revue archologique

reprsente

dbarquement d'aventuriers

et leur tablissement

dans

cette contre.

ct d'pisodes de chasse
files

ou de

piraterie,

nous y voyons des

de bateaux monts par des hommes,


le

qui doivent indiquer

nombre d'embarcations dont


le

se

composait l'expdition

et

nombre des

guerriers qui y

ont pris part. La plupart de ces bateaux sont figurs par

deux lignes courbes concentriques hrisses de


parallles qui reprsentent les

petits traits

hommes. L'image

se transet

forme en un signe conventionnel. En haut, des disques


des groupes de points de
tailles difl'rentes
la.

indiquent sans

doute l'poque de l'anne ou de

lune o eut lieu cet

vnement.
Les inscriptions prhistoriques ne se distinguent pas, sous
ce rapport, des inscriptions modernes.
^''

Nous empruntons

On

trouvera d'autres scnes analogues dans Montclius, Sttde prhisto-

rique {Ira.

Kramer, Stockholm, 187^),

p.

6^-69.

10

PREMIERE PARTIE.

rinscriplion suivante Schoolcraft^'^ qui a runi clans ses


trois

volumes un grand nombre de reprsentations figures

rolatives la vie des tribus indiennes

de l'Amrique;

elle

a t gi'ave en
'''

deux parties, sur

les

bords du lac Supi85i-i853.

Schoolcraft, Imlian Tribes, 3 vol. iu-'r, Philadelphia,

INSCRIPTIONS FIGURATIVES.
rioui* cl (lu

11

Garp River, dans

le

Mirhigaii, en souvenir de

Texpdiliou d'un chef clbre dans les arts de la magie,


qui avait travers sur des canots le lac Suprieur.

Le tableau A reprsente
de
la

le chef,

Myengun, qui touche

main

droite

nne tente, occupe par un hommeses

])oisson,

symbole ou totem de son clan; an-dessous,


particulier, crie

pieds, se trouve son symbole

loup^. Sa

main gauche
desquels
il

est

tendue vers

les gnies sous la protection

met son

entreprise.

Le tableau B

relate l'expdition. Elle eut lieu dans cinq

canots, portant 5i

hommes;
roi des

le

premier
a,

tait

conduit par

un lieutenant,

crie

pcheurs

reprsent par son


trois jours;

symbole, l'oiseau pcheur. La traverse dura

l'atterrissement est symbolis par la tortue terrestre; en

avant de
et

la tortue,

on

voit
et

un guerrier arm d'une massue

mont sur un cheval,

un

aigle,

symbole du courage.

Le bas du tableau reprsente


dition par

le

secours accord l'expla

deux puissants gnies,

panthre de nuit

et le

grand serpent.

Sur d'autres inscriptions du


traces paralllement
livres

mme
le

genre, des barres


batailles

marqueront

nombre des
contre

par un chef ou

les blessures qu'il a


qu'il soutint

reues, une tte

d'lan rappellera

un combat

un de

ces

animaux, son symbole ou


mort.

totem renvers indiquera qu'il est

A
par

ct de ces essais d'criture des populations indignes


faite

de l'Amrique, nous plaons une peinture figurative


les blancs l'usage

des indignes

la

proclamation d'un
la pacification

gouverneur de Van-Diemen^^^ pour annoncer

'''

Bonwick.

Tlic

la.st

ofd Tasmaniaim

f.onclon,

1870, in-8\

12

PREMIRE PARTIE,
et

du pays

en recommander

la fidle observation. Elle se

divise en quatre lignes, qu'on peut lire de la

manire sui-

vante

Ligne

La

pacification est faite.

Ligne
accueillis

a.

Les indignes qui l'accepteront seront


le

bien

par
3.
li.

gouverneur.
cjui

Ligne
Ligne

Tout noir
Il

tuera un blanc sera pendu.

en sera de

mme

de tout blanc qui tuerait

un

noir.

L'image

est

facilement intelligible et bien faite

pour

INSCRIPTIONS FIGURATIVES.

13

parler aux yeux; elle loiinie autour de trois ou quatre ides


trs simples
:

blauc,

uoir,

gouverneur, pendu; mais les


:

dtails sont

beaucoup trop soigns


le

l'arbre tient
les

une trop

grande place;

costume du gouverneur,

poses des per-

sonnages sont trop tudis. Des sauvages auraient employ

une

figure abrge

pour rendre

l'ide

de pendu;

ils

auraient
la

sacrifi tous les dtails qui n'taient

pas ncessaires

lecture de ce tableau; leurs inscriptions sont destines

reproduire

la

pense

telle qu'elle

s'exprime par la parole.

Si l'on cherche

en

etet

en quoi ces reprsentations pri-

mitives diffrent d'un simple dessin, on reconnatra que ce

ne sont plus des images reproduisant fidlement un

fait

qui

a frapp l'esprit, ou un individu ou un animal, mais des


peintures suivies reprsentant une succession d'vnements
ce sont des rcits figurs.
:

Un
que

autre caractre, qui dcoule


diles

du premier,
rectement

c'est l'omission

de tout ce qui ne tend pas


l'on

rendre

l'ide

veut exprimer; dans


les accessoires
:

figures elles-mmes,

on supprime

pour ne

garder que
le

les traits caractristiques

un

trait particulier,

nom,

lorsqu'il s'agit d'individus;

au contraire, un

trait

gnral, lorsque l'ide que l'on veut exprimer est une ide

gnrale, l'ide de tente,

d'homme, de combat, de mort.


ne plus exprimer

On

abrge autant que possible fimage, qui se change en un

signe et quelquefois

mme

est rduite

qu'une abstraction, un chiffre ou une date.

Nous trouvons
tous les

ainsi,

dans ces inscriptions figuratives,


les faits

lments 'ncessaires pour rendre


tient conserver la

dont

l'homme

mmoire; car de quoi


si

se

com-

pose fhistoire dans son principe,

ce n'est de catalogues,

de dates et de noms de hros? Une seule chose leur manque

pour tre de vritables critures

elles

rendent des ides

14

PREMIRE PARTIE,
sa langue, elles ne rendent pas des

que chacun liaduit en


mots;
elles sont

indpendantes du langage. Nous verrons,


mexicaine, que
la

en tudiant

l'criture

c'est

par

les

noms

propres que l'expression des sons de

parole s'introduira

dans

l'criture.

Peau couverte de dessins


vie des Indiens
tle

colories

reprsentant des scnes de

la

de l'Amrique du Nord. En bas, un chef cheval,

la

entoure de plumes en ventail. La forme des armes, sabres ou

fusils,

prouve que celte peinture doit dater de

la fin

du

sicle dernier.

(Muse du Trocadro'''.)

'''

M. Molleni
avait
fait

a bien voulu

nous prelor, poiu-

lo

reproduire,

io

cliclic'

(iril

])our uiio coiiforoncc do

M. Haiiiv

la Soiboniip.

INSCRIPTIONS FIGURATIVES.

15

La plupart des
servant de

inscriptions primitives sont graves sur

des rochers, sur des troncs

d'arbre ou

sur des pierres

monuments

funraires. Mais, de

bonne

lieure,

l'homme prouva

aussi le besoin d'crire sur des matires

portatives, sur des peaux, des

morceaux de

bois, soit

pour

transmettre au loin sa pense, soit au contraire pour garder


toujours auprs de lui,
les

comme

dans des livres vritables,


le

symboles sacrs de sa tribu et

souvenir des vne-

ments qui avaient marqu dans son existence, tout ce qui


formait son histoire et sa religion.

Cet usage se rencontre non seulement chez

les

Indiens,
les

mais chez

les

Esquimaux

et jusqu'en

Ocanie, dans

b-

tons de voyage des No-Caldoniens^'', et chez les habitants

des Nicobar, des Clbes, des

les

Palaos, de la Nouvelle-

Guine. Une lettre d'un habitant des Carolines, publie par


Freycinet'"^', fait

supposer chez ces populations un degr de


celui qu'on serait tent

dveloppement suprieur
prter.

de leur

ffOn prendra certainement,

dit-il,

une haute opinion


la lettre

de l'intelligence de ces peuples, d'aprs

nagure

adresse par un de leurs chefs ou tamors, au capitaine

Martinez, que M. Brard a rencontr sur


fut crite

l'le

Rola. Elle

primitivement sur un
le Carolinois s'tait

trs

mauvais morceau de

papier que

procur Guam. Une sorte

de couleur rouge avait servi d'encre. Le premier caractre,


qui reprsente
dessin, est

un homme

les

bras tendus, grossirement

un signe de
le

salut;

dans

la partie

gauche au-

dessous sont indiqus

nombre

et l'espce

des coquillages
:

envoys par
'"'

le

Carolinois au capitaine Martinez, savoir


l.

Hamy,

Mairasin pittoresque ,

LI

i883,
II, i,

p. Slio-3!i-2, avec ligures.

'**

Voyage autour du monde. Historique,

107,

et

|)1.

LVIII,

fig. 8.

16

PREMIRE PARTIE.

cinq gros, sept plus petits et trois autres d'une forme diffrente; droite et vis--vis sont marqus, sur deux lignes,
les objets

demands en change,

c'est--dire trois gros

ha-

meons
de
fer.

et

quatre petits, puis deux haches et deux morceaux


vignette

La

du milieu

et diffrentes lignes traces

et l servent sparer les

membres de

la

phrase. Cette

pice est,

si

l'on

peut s'exprimer ainsi, un vritable modle


i^

d'criture idographique,

Peut-tre trouvera-t-on que ce dernier jugement n'est pas

exempt d'une certaine exagration. M.


recteur

le

docteur Meyer, di,

du muse ethnographique de Dresde a runi les rares


que
l'on a recueillis

vestiges d'critures

dans ces parages ^'^.


Il

En

gnral, elles sont trs grossires.

faut pourtant en

excepter les inscriptions graves sur bois que l'on rencontre

chez les sauvages de

l'le

de Pques (^^; quoique nous ne

les

comprenions pas, nous pouvons dire qu'elles marquent un


pas de plus dans l'histoire de l'criture. Celle que nous re-

produisons est conserve au muse de Santiago du Chili;

nous en devons un moulage l'obligeance de M. Meyer.

Ce sont des plaques de bois couvertes des deux cts de

fi-

gures qui sont disposes en lignes parallles traces alterna-

tivement de droite gauche et de gauclie droite,


les

comme

anciennes inscriptions grecques dites en houstropluklon.

La disposition des
riodique des

lignes, qui se font suite, le retour p-

mmes

signes, leur caractre conventionnel,

nous prouvent que nous sommes en prsence d'une parole

''^

D' A. B. Meyer, BiUlerscImflen des Ostindischcn Archipels uiid der Siid-

see, Leipzi{|,
''

1881,

iii-fol. Cf.

Joura. Anthropol.

Iiist.,

t.

III, p.

370-383.
27 juin
t.

A. de Longprier, Comptes rendus de


p.

VAcadmie

des inscriptions,

1873,
p.

lA

et

5 1-1 55. Cf.

uvres, runies par

G. Schlnmberger,

^I,

335-338.

INSCRIPTIONS FIGURATIVES.

17

18
crite.

PREMIRE PARTIE.

En

effet, le

chevalier de la Rosa^^^ a constat que

les chefs des les


fait

de Pques avaient mis des signes tout


,

analogues, en 1772

au bas de

l'acte

qui consacrait leur

annexion l'Espagne.
Les indignes eux-mmes ne savent plus aujourd'hui dchiffrer ces inscriptions.

On

ne peut s'tonner que

le sens

de l'criture, ds quelle cesse d'tre purement figurative,


se perde,

au bout d'un temps

trs court, chez des

peuples

chez qui la langue elle-mme se renouvelle aussi rapide-

ment. Pour en comprendre l'origine,

il

faut se reporter

certaines peintures figuratives sculptes

dans

le

bois, et

puis remplies de couleur, dont les habitants de l'archipel

des Palaos couvrent leurs maisons. Ces peintures,

oii

des

scnes ralistes se mlent des figures symboliques et conventionnelles, contiennent, sous forme d'images suivies, le
rcit

de leurs lgendes et de leurs traditions.

Ce sont des

suites n

de ce genre qui ont d donner naisti

sance aux rebois parlants

des habitants de

l'le

de Pques.

Seulement, en faisant disparatre presque entirement de


leurs inscriptions le caractre figuratif,
l'criture
ils

ont
ces

fait faire

un saut considrable,

et,

par

l,

tentatives

appartiennent presque une autre priode de


l'criture
;

l'histoire

de

mais

ils

n'ont ralis ce progrs que d'une faon

inconsciente et passagre. Les peuples sauvages ne sont pas

capables de concevoir l'criture d'une faon abstraite et ind-

pendante de
cite

la

peinture des ides. Le pre Chaumonot^"^) en


trs caractristique.
Il

un exemple

raconte que, durant

son sjour chez les Hurons, les indignes, voulant prouver


Cl
^''

Journal de

l'Inst.

anlhrop., III, 187/1, p.

382

et

628,
le

pi.

XWII.

Au lohioj rapide
i865,
p.

(la

B. P.

Cliauiiioiiot

publie par

R.

P. F. Martin,

Paris,

70

(coiniiiunitiue par

M. Haniy).

INSCRIPTIONS FIGURATIVES.

19

20
la vertu

PREMIRE PARTIE.
de l'criture,
firent sortir
le P.

un des pres de

la cal'as:

bane,

rr

Cependant, poursuit

Ghauuionot, un de

semble nie
ff

dit d'un ton bas, et

en sa langue, ces paroles

Je vais la chasse, je trouve


flche dans

un

cbevreuil, je prends une

ft

mon

carquois, je bande

mon

arc, je tire, et

ffdu premier coup j'abats


rr

ma

proie.

Je la charge sur
fais

mes

paules, je la rapporte la cabane, et j'en


-n

un

festin

mes amis,

Je n'eus pas plus tt crit ce petit discours


le pre.

qu'on rappela
il

On

lui

mit

le

papier en main, et

lut

mot pour mot

tout ce qu'on m'avait dict.

cette

lecture, les assistants jetrent

un grand

cri

d'admiration.

Ensuite

ils

prirent le papier, et, aprs l'avoir bien tourn et


s'entredisaient
:

retourn,
rr

ils

rrOii est

donc

la figure

qui re-

prsente le chasseur?

O
et

le chevreuil est-il peint?


la

est

rc

marque

la

chaudire et

cabane du

festin

Nous ne
Hchon.
)!

cr

voyons rien de tout cela,

pourtant
est

l'crit l'a dit

Une
a t

histoire

analogue

rapporte par Mariner, qui


les

pendant de longues annes rsident aux


fixit

Tonga -'l

La langue de ces peuples a trop peu de


tre

pour pouvoir

rendue par des caractres constants. Les progrs de


de ceux du langage.

l'criture sont insparables

TATOUAGES.
Il

semble

qu'il faille

expliquer d'une faon analogue les

tatouages dont les sauvages ont l'habitude de couvrir leur

corps et surtout leur visage. Ces dessins, dont la forme


varie

d'homme

homme,

et

dont

le

nombre augmenle en

raison de la position sociale de ceux qui les portent et des


'*'

An
by

Account of the ISalives of Oie Tonga Islande, compiled frotn


Joliti

W. Ma-

riner,

Marlin.

Edimbourg, 1897,

t.

I,

p. ii^i. (Gonslable's Miscel-

lany, vol. XIII.) Je dois celle indication

M. Erim. Le

Blant.

TATOUAGES.
vnenients qui ont
illiislrc

21
iii-

leur vie, sont de vritables

srriplioris l)(''ialdif|iies,

des blasons,

qui consliluent pour

chacun d'eux, suivant l'expression de Fr. Lenormant^'^ une

marque personnelle

et significative,

reprsentant, d'une

faon symbolique, les caractres distinclifs qui font son individualit.

Le tatouage

est

une vritable signature

qu'ils
le rle

portent avec eux, et dont rinq)ortance s'explique par

du nom propre chez


par
le lien

les

peuples encore enfants, ainsi que


la personnalit.

intime qui le rattache

On

croit retrouver

de ces tatouages dans

les dessins qui

se voient sur quelques

dolmens

et

sur les dalles formant les

parois de certaines alles couvertes de l'ge de la pierre


polie.

Les savants

qui se sont occups de ces questions


les

pensent que ce sont

marques

distinctives

de ceux qui

taient enterrs cette place.

On

les gravait sur leurs s-

pultures,

comme nous
en

inscrivons les

noms des

dfunts sur

leurs tombes.

Quoi

qu'il

soit, les

dcouvertes que les recherches

prhistoriques, d'une part, les progrs de la gographie,

de l'autre, nous font faire chaque jour sur


l'humanit prouvent que
tives tait
le

les origines

de

nombre des
le

critures primi-

beaucoup plus grand qu'on ne


l'criture est

supposait jadis,

et

que non seulement

ne d'une faon ind-

pendante sur un grand nombre de points, mais qu'elle a


t pousse par les

premiers habitants de notre globe beaule croire.

coup plus loin qu'on n'aurait t tent de


^'^

Histoire ancienne, in-/i,

t.

I, p.

/iii.

Cf.

Alfred Maiiry, Les origines


aussi

de l'criture, ilans la Revue des


roiivrafje tout rcent de

Deux Mondes, i" septembre 1876. Voir


:

W.

Jsl

Ttoiriren, Narhenzcichnen

vud Krpcrbe-

malcn, Berlin, i887,in-^, avec 12 planches.

2^

PREMIERE PARTIE.

CHAPITRE

III.

ECRITURES HIROGLYPHIQUES DU NOUVEAU MONDE.

Les progrs de

la

civilisation

ont peu peu


il

amen

l'homme

inscrire les

vnements dont

voulait conserver

le souvenir, son histoire et celle

de ses dieux, non plus sur

des pierres hrutes, mais sur les


ses temples, c'est--dire des

murs de

ses palais et

de

monuments

destins passer

la postrit.

Ce nouvel emploi de

l'criture lui a

commuelle tait

niqu quelque chose des constructions auxquelles


approprie. Elle y a gagn

un caractre plus

dcoratif et

une rgularit qui a donn aux caractres, par une consquence naturelle, une
fixit qu'ils

n'avaient pas auparavant.

Les signes, flottants jusqu'alors et livrs au caprice individuel, ont reu des valeurs constantes et dtermines
:

ils

sont devenus des caractres. C'est cette tape, capitale dans


l'histoire

de

l'criture,

que nous reprsentent

Ycriture az-

tque

ou

l'criture des habitants

du Mexique antrieurement
Mayas

la conqute espagnole et Ycritiire rakuliforme des

du Yucatan.
CRITURE AZTQUE.

On

peut peine compter l'criture aztque au nombre

des systmes hiroglypliiques; les signes idographiques


sont trop troitement unis la pictographie, c'est--dire

une reprsentation des

faits

ou des ides indpendante des

formes du langage; nanmoins, on sent qu'on est en prsence d'un vritable systme destin fixer
la

pense par

CIUTURE AZTQUE.
crit,

23

ayant recours des signes disposs dans un ordre


et dont- la place

dtermin

indique

la valeur.

Bien que nos

lumires sur l'ancienne criture des Mexicains soient bien


incompltes, nous en savons assez pour dterminer les
rgles qui ont prsid sa formation.

V criture aztque parat avoir t commune aux diffrentes


races, Toltques, Ghichimques, Aztques, qui ont successi-

vement envahi
appartenaient

le la

Mexique, venant du Nord,

et qui toutes

grande famille des Nahuas. Elle nous


soit

est

connue

soit

par des inscriptions,


la

par des manuscrits

images, antrieurs

conqute espagnole. Malheureusel'ancienne littrature

ment,

la

plupart des

monuments de

aztque ont t brls par les missionnaires. Aubin avait runi un certain nombre de ces manuscrits, qui ont t acquis
la

rcemment par M. Goupil.


et

Il

en a

tir

son Mmoire sur

peinture didactique

l'criture figurative des anciens

Mexi-

cains,

qui est encore

le

fondement de nos connaissances sur


fois

cette matire.

Ce mmoire, publi une premire

en

i85i, a

rcemment

rdit, avec une importante introtte

duction, par M.

Hamy, en
des

de

la partie historique

de

la

Mission scientifique au Mexique^^\

Les critures

Aztques se

composent

d'images,

peintes ou sculptes, qu'accompagnent de courtes lgendes.

On pourra

s'en faire

une ide par une page emprunte

un manuscrit qui reprsente l'tablissement des Ghichi-

mques dans l'Anahuac au


cuco.

xn*^

sicle et la fondation

de Tezen cou-

Ge manuscrit, qui

a t reproduit tout entier

leurs dans le grand ouvrage sur le Mexique, est


^''

accompagn
et

Mission scieutijique au Mexique; Recherches historiques

archologiques

publies sous la direction de


ia-/i).

M. E.-T. Hamy, t"

partie, Histoire (Paris,

i885

2/i

PREMIRE PARTIE.

crexplicalions en langue nahnatl, qui ont t ajoutes aprs

coup.

Au

liant

de

la

page, on assiste

la

naissance du roi
cria

Ixtlilxocliitl

dans

la

caverne de Tsinacoiioztoc,

caverne

KCniTIHE AZTKQL'K.
de
la cliauve-souris^, lieu

25

de plaisance des rois deTczcuco.

Au-dessous, on voit des


coiupao;ns de leurs

cliefs cliidiiniques

en armes, ac-

femmes, s'avancer dans un pavs o Ton

reconnat la vgtation et la faune du Mexique.

Ces peintures rappellent singulirement


pic(ograplii({ues des Peaux-Rouges;

les inscriptions
ici

seulement

les per-

sonnages sont accompagns de leurs noms,


lettres derrire leur

crits
crie

en toutes

tte;

ce

sont

Tlotli

faucon n;

Nopal Cuellaxiliui, dsign

par

le cactus, nopal,
ce

son premier

nom;

le

troisime enfin,

Amacui

qui prend [cui) du pa-

])ier (amall)-n,

a pour rbus abrg

une

feuille (amall.
:

Les
est

noms de
connue,

leurs

femmes sont moins


rr

certains

la

premire
la

c'est Icpacxocliitl la

couronne de fleurs^,

femme

de Tlotli;
ff

seconde doit sans doute se

lire Quaulieiliuatl

femme

d'aigle^

ou

rr

aiglonnes. La caverne, elle aussi,

porte son
nacon,

nom

crit sous la

forme d'une chauve-souris,

izi-

pendue au sommet.
cette

Le manuscrit auquel nous avons emprunt


appartient ce que

page
ti;

Gama

appelait
le

n l'histoire

vulgaire

pourtant on peut dj y distinguer

principe de l'criture
signes qui en

mexicaine
rappellent

on

crit les

noms au moyen de

le

son, bien qu'ils n'aient souvent aucun rapport

avec

le

sens de ces noms. C'est le principe du rhus, et

mme du
Dans

rbus par peu prs; mais

c'est

une criture,

car ce sont des signes susceptibles d'tre lus.


les

monuments d'un ordre

plus relev, l'analyse


le

des mots est pousse beaucoup plus loin;

symbolisme

disparat presque entirement et fait place

une lecture

purement phontique. Ainsi


pent d'obsidienne), qui
au moyen d'un serpent

le

nom du

roi Itzcoatl (ser-

s'crit
[coalJ)

sur les peintures populaires


garni de flches d'obsidienne

26
[ilztU), s'crit

PREMIRE PARTIE.
dans
les

manuscrits plus savants au


d'obsidienne
{itztU,

moyen
itz),

de celte

mme

flclie

racine

du

vase [comitl, racine co) et de l'eau

{al}).

Mixcoatl

frla

cou-

leuvre nbuleuse

T;,

nom du

cbef lgendaire des premires


le

tribus mexicaines, est

rendu par
co et
atl.

tornade

i^mhi) et

par

les

deux signes dj connus

Teocaltitlan
le

v les

gens d'auprs du temple


{calli

r)

s'crira

avec
et les

temple

= /eom//i

crmaisomi,

teoll

de Dieu:i)

dents
est

= i/w;

en outre,

la lecture

du premier idogramme
et le

dtermine par

les lvres

te

cbemin

= o,

placs

au-dessous. Ainsi, chaque caractre arrive ne plus gure

reprsenter que

la syllabe initiale

(ordinairement radicale)

du mot
Ces

qu'il dsigne.

essais "de

phontisme ont t tout d'abord appliqus

aux noms propres. Gela n'a rien qui doive nous surprendre,
l'ide

de

la

personne tant attache au

nom

lui-mme,
la signi-

c'est--dire

un

certain son,

beaucoup plutt qu'

fication,

presque toujours oublie, de ce nom; aussi est-ce


s'est

par

les

noms propres que

introduite l'criture phon-

tique, en Egypte

comme
le

en Amrique.

Nous savons par


^'^

tmoignage de Las Cases (*\ crivain


Uist. des nations
civi/i-st-s

Cite par Brasseur de


|).

Bourbour^,

du Mexique

I.

XXXIX Ol XL.

CIUTURE AZTQUE.
contemporain de
la

27

conqute, que

les
cr

Mexicains avaient

pouss trs loin ce systme d'criture,


pas une criture

Quoiqu'ils n'eussent
leurs chroniqueurs

comme

nous,

dit-il,

avaient toutefois leurs figures et caractres Tt^ide des-

quels

ils

entendaient tout ce qu'ils voulaient, et de cette


ils

manire
artifice

avaient leurs grands livres composs avec


si

un

si

ingnieux et
lettres

habile,

que

nous

pourrions

dire

que nos
r)

ne leur furent pas d'une bien grande

utilit,
Il

faut

nous figurer ces

cr

grands livres

i^

non pas

comme

des histoires suivies, mais plutt

comme

ces catalogues qui

ont t la forme premire de l'histoire. Nous possdons des

chroniques en langue nahuatl antrieures


espagnole.
srie plus

la

conqute

La plupart

d'entre elles ne consistent qu'en

une

ou moins continue de dates, avec

l'indication

sommaire des vnements correspondants. Les chroniques


mexicaines appartenaient un genre mixte,
cartes gographiques

comme
:

nos
des

ou nos gravures avec lgendes

dates et des portraits ou des plans, accompagns de signes


figuratifs qui
droit.

exprimaient

le

nom du personnage ou

de l'en-

Ces signes

figuratifs constituent

proprement parler

l'criture mexicaine.

C'tait
et

donc une criture en somme assez rudimentaire

qui ne justifie qu'en partie les loges que lui donne Las

Cases. Ainsi

que nous avons eu dj

l'occasion de le dire

propos des quippos


les

et d'autres critures

encore, ceux qui

premiers font une dcouverte sont toujours tents de


Il

s'en exagrer l'importance.

faut reconnatre d'autre part

que nous sommes disposs

porter

un jugement trop svre


:

sur des procds qui ne sont pas les ntres

on arrive sou-

vent tirer un parti excellent d'outils imparfaits. Notre cri-

28

PREMIRE PARTIE.
si

ture, qui nous parat


(le

parfaite, semblera

un jour pleine
l'tu-

cliinoiseries et

de complications inutiles ceux qui

dieront

comme nous

tudions aujourd'hui les hiroglyphes

mexicains.

Le grand dfaut de

l'criture

mexicaine

tait d'exiger

une

trop grande habitude de la


servir.
11

part de ceux qui devaient s'en


il

fallait

savoir lire

un manuscrit mexicain, comme

faut savoir lire

une carte gographique. Brasseur a rsum


le

en quelques mots
mexicaine
:

caractre de cette ancienne science


les

et

Dans toutes

rpubliques de ces contres,

entre autres professions, taient ceux qui faisaient les fonctions de chroniqueurs et d'In'storiens. Ils avaient la connais-

sance des origines et de toutes

les

choses touchant

la reli-

gion, aux dieux et leur culte, conmie aussi des fondateurs

des villes et des

cits. Ils
-n

tenaient enfin le

comput des

jours,

des mois et des annes,

Les Mexicains ont

fait

faire

un grand progrs

l'cri-

ture par l'introduction, dans leurs peintures didactiques,

de dates se rattachant un systme chronologique rgulier.

Le calendrier des Mexicains

tait trs savant;

il

se

com-

posait d'un cycle de 62 ans, divis en quatre priodes de

i3 annes ayant pour symboles quatre figures dilTrentes,

accompagnes chacune de
treize.
la

petits disques
le

au nombi'e de un
])ierre [lecpatl),

Ces figures taient


[calli), le

couteau de

maison

lapin [tochlH) et le roseau [acatl). L'an-

ne elle-mme

tait divise

en 18 mois de 20 jours. Sur

une peinture chronologique que nous empruntons au mmoire de M. Aubin, on voit Tlolli
et Ixpacxochill,

dtenni-

ns par le faucon et la couronne de (leurs, assis l'un en face

de l'autre dans une grotte et relis toute une srie de


princes ou de chefs portant chacun leur nom. Entre eux se

CRITURE AZTQUE.
iit

29

une date. Sur

traiilres

inonumeiits,

la

dale occupe une

place beaucoup plus considrable; certains bas-reliefs sont

conipllement entours de cartouches


indications clironolojiques.

cpii

renferment des

c=;

La pierre commmorative de

la ddicace
le

du grand temple
figure au

de Mexico par l'empereur Tizoc, dont

moulage

muse du Trocadro, reprsente

les

deux empereurs Tizoc

et Ahuitzotl; au-dessus et au-dessous, se trouvent des dis-

ques, grands et petits, pleins ou percs en leur milieu, des


fdes d'anneaux et des roseaux, formant la lgende, qu'on
iit

de

la

faon suivante

crie

jour 7 roseaux i3 du mois

Itzeallt xochilluit

de l'anne 8 roseaux ii, ce qui correspond

au 19 fvrier 1/187. Une autre tablette, en obsidienne, dchiffre

par M. Hamy(^) et dont nous donnons


,

ici la

repro-

duction
<*'

fournit la date de la pose de la premire pierre


la

du

Haniy, Note sur une mscriptioii chronograithique (Extrait de

Revue

d'ethnographie, Paris, Leroux, i883).

30

PREMIRE PARTIE,
temple;
c'est

mme
lire
:

une Yritable inscription, qui doit

se

le jour 9 du mois de pamill (c est--dire du pavillon)


li

de l'anne

roseaux n, et qui permet ainsi de fixer


la plus

le

dbut

de cette uvre arcliitecturale,

grande qu'aient en-

iTH^lCT

Ireprise les Azlques, au 9

dcembre

/i83

dix ans peine


l, l'criture

avant

la

dcouverte de l'Amrique. Mais, par

CRITURE GALCULIFORME.

31
il

mexicaine se rattache un autre systme graphique dont


faut

maintenant nous occuper.


CRITURE GALCULIFORME.

L'criture aztque n'tait pas seule usite en

Amrique,

avant
(le

la

conqute espagnole. Dans toute

la partie centrale

VAmrique, on trouve des monuments couverts

d'in-

scriptions d'un aspect trs diterent et qui nous rvlent

un

systme graphi(jue beaucoup plus perfectionn que


ture aztque.

l'ci'i-

On

appelle cette criture criluve calcullfonne


t))
,

(de cacnhis

rc

caillou

cause de la forme des lments


le

dont

elle se

compose; ces lments eux-mmes portent

nom
le

de katouns.

Les inscriptions calculiformes sont surtout rpandues dans

Yucatan; mais on en rencontre aussi dans l'Amrique cende l'autre ct, jusqu'au milieu du Mexique. Elles
les

trale et,

se

dveloppent sur

murs

d'difices

tmoins d'une

civili-

sation ralhne

que certains auteurs considrent comme bien

antrieure la civilisation aztque. Les marches

du grand

temple de Palenqu, dans l'tat de Ghiapa au Mexique, en


sont couvertes.

Un

chapiteau de Copan, ruine clbre du

32

PREMIRE PARTIE.

Guatemala, dont M.

Hamy nous

donn

la

photographie,

montre

quel point ces caractres devenaient des motifs


l'architecture.

d'ornementation et se mlaient

En dehors
nuscrits,

des inscriptions nous connaissons quelques ma,

malheureusement

trs rares, crits avec les

mmes

caractres et qui sont d'une valeur inapprciable pour fixer


la

nature de cette criture. Le plus clbre est

le

manuscrit

Troano, publi par l'abb Brasseur de Bourbourg. La Bibliothque nationale de Paris en possde deux;
la

bibliothque

royale de Dresde et celle de Madrid en ont chacune un.


L'criture calculiforme nous apparat

comme une

cri-

ture lapidaire dans son origine. Elle se composait, suivant


la dfinition

de Cogolludo^'^, rde pierres graves places

sur une autre pierre grave scelle sur le

mur

des temples

ti.

Les indignes appellent ces

pierres

graves haiouns. Le

plus souvent, au lieu de les incruster, on se contentait de


les

graver en relief sur

la pierre;

mais alors

mme

les let l'as-

ments de

cette criture conservent leur

indpendance

pect primitif qui lui a valu son nom. Cet aspect se retrouve

jusque sur

les

manuscrits qui sont traits plus librement;


ont l'aspect de petits galets, de formes et de
les

les caractres y

dimensions dilfrentes, placs


souds

uns contre

les autres et

comme

des coraux sur leur tronc.


les

L'un des spcimens

plus remarquables de cette cri-

ture est la clbre tablette de la Croix, qui provient

du

temple de
est

la

Croix Palenqu, et dont une des trois pierres

conserve aujourd'hui Washington.

Un moulage

de

l'ensemble de ce prcieux
cadro.
l'on a
'''

monument

est

au muse du Tro-

Chaque katoun

est

compos de figures diverses que


rentrer dans

dformes pour
liv.

les faire

un cadre

uni-

Histoire du Yuentan,

IV, cliap. v, p. 186.

ECRITURE CALGULIFORME.

33

forme et qui reviennent assez souvent dans des agence-

ments

diffrents.

On

y voit de vritables liiroglyplies, des

Fragment de

la

lablelle

de Palenquo.

figures grimaantes, des ttes

d'hommes, d'oiseaux, de ja-

guars, des mains, d'autres signes encore, le tout couvert

de dessins pointills. Ces figures elles-mmes sont souvent


3

3/j

PREMIERE PARTIE.

prcdes de barres et de petits disques, en nombre val'iable,

qui paraissent tre

comme

les

exposants des

fijjures

qu'ils

accompagnent.

Tout cela

n'est

pas sans analogie

avec les lgendes chronograpbiques qui encadrent certaines


peintures mexicaines, ou bien encore avec ces tablettes

compartiments dans lesquelles


tites

les

Quitos plaaient de pe-

pierres,

savamment

tailles,

dont

les diverses cond)i-

naisonslenr permettaient de conserver leur histoire et d'iablir toute espce

de calculs ^^l
effet,

Les katouns, en

semblent avoir servi tout d'abord


comptait
:

conserver des dates.

On

communment

l'ge

par
:

katouns; 60 ans, on disait


J'ai

J'ai trois

pierres, et,

70 ans

trois pierres et

demie. Une bonne

partie des inscrip-

tions calculiformes parat tre

occupe par des indications

chronologiques. Le calendrier

Maya

tait le

mme que
cr

celui

des Aztques; leurs jours, leurs mois, leurs

supports d'an-

nes

i^,

avaient des

noms

qu'ils

exprimaient au moyen de

vritables hiroglyphes, et ce sont ces

noms que nous

rele

trouvons prcds de points ou de barres qui indiquent

nombre de jours ou de mois. Mais


pas l'usage des katouns
archives
:

cela ne se bornait

ils

servaient crire l'histoire. Les

du Yucatan,
le
i^,

disait-on

Gogolludo,

taient

Tixualahtun, dont
les pierres

nom
et

signifie crlieu

o Ton superpose
:

graves

Gogolludo ajoute

crLes

Itzaes

gardent encore aujourd'hui, dans une sorte de livre appel


Anallc, les prophties crites avec leurs caractres antiques.
Ils

y conservent la

mmoire de

tout ce qui leur est arriv

depuis leur tablissement dans cette contre ^'Iti

La dcouverte de manuscrits yucatijues


'"'

dmontre

la

Velasco, Histoire do Quito, Irad. Ternaux, p. 81, i85.


Histoire
(lit

*'

} i/aitaii

liv.

IX,

cli.

xiv, p.

Soy.

EGUlTUllE CALCULIFORME.
justesse de celte tratlition.
l'un des manuscrits
11

35
les

sufft

de jeter

yeux sur
sur une

que nous possdons, ou

mme

inscription,

pour

se convaincre qu'on est

en prsence d'un

systme grapliique assez avanc. Les illustrations ne sont

presque jamais, conmie au Mexique, confondues avec


texte.
ils

le

Les caractres eux-mmes sont beaucoup plus varis,

ont une forme plus constante et plus indpendante des

images qui leur ont donn naissance.

Le

P.

Diego de Landa, l'auteur de

la Relation des choses de

Yncatan'^^\

auquel on doit
le

les seules

lumires qu'on possde


l'criture

sur la matire, atteste

grand dveloppement de
s'il

yucatque, qui aurait atteint,


cations,

faut en juger par ses indi celui des hi-

un degr de perfection comparable


Il

roglypbes gyptiens.

mme

donn,
il

ct des signes des


la valeur, toute
si

jours, des mois, des annes, dont

indique

une

srie de caractres

correspondant certains sons,

bien
al-

que,

l'en croire, cette criture aurait

eu des lments

phabtiques employs concurremment avec les biroglypbes.

On

n'a pas encore russi,

mme
le

avec

les indications

de

Landa,

retrouver la clef des inscriptions calculiformes.

L'abb Brasseur de Bourbourg,


amricaines, qui a publi
P.
le

grand promoteur des ludes

manuscrit longtemps oubli du


la

Diego de Landa,

voulu appliquer son alphabet


il

traduction du manuscrit Troano, mais

a compltement
^'\

cbou. Dans ces dernires annes, M. de Rosny


Tliomas'>^^ et

M. Cyrus
et,

quelques autres ont repris ce problme,

^'^

Relation des choses de Yucatan de Diego de


,

Landa, publie par Brasseur


III, Paris,

de Bourbourg [Collection de documents


'"*

etc.,

t.

186A,

in-8).

Essai sur

le

dchiffrement de l'criture hiratique de l'Amrique centrale

Paris,
'^'

1876,

in-fol.

Codex Cortesianus , ibidem, i883,

a-li".

A Sludy on

the

Mannscript Troano, Wasbington, i88a,

in- 4.

3.

36

PREMIRE PARTIE.
l'tat ac-

sans clicrcher donner de Iraduclions, qui, dans


tuel de la science, seraient

prmatures,

ils

ont russi d-

terminer

la

valeur de quelques nouveaux signes. C'est dans


si

celte voie qu'il faut persvrer,

l'on

veut ne pas tomber

dans

les

traductions fantaisistes de l'abb Brasseur, et d-

fendre ces tudes contre les insanits dont d'autres auteurs


ont donn le triste exemple.

Le principe certain, dj pos par Brasseur, qui


d'autre tort

n'a eu

que de l'abandonner,

c'est qu'il faut

prendre

comme

point de dpart les signes chronologiques de jours,


la

de mois ou d'annes, dont nous connaissons


s'agit tout

valeur;

cril

simplement, suivant son expression, de

les lire

comme
propres

des mots,

mono- ou
et

polysyllabiques, placs la

suite les

uns des autres,


17

nullement

comme

des

noms

(^\

Non seulement

la lecture

de ces caractres, qui sont de

vrais hiroglyphes,

fournira des mots qui doivent se re-

trouver dans les parties non chronologiques; mais la comparaison de leurs variantes permettra de fixer la valeur de

nouveaux signes

et d'arriver

de nouvelles lectures. Peut-

tre parviendi*a-t-on ainsi dvoiler le mystre de la civilisation


la

amricaine avant l'invasion aztque, en retrouver


l'criture.

langue et en dchiffrer

'*'

Etudes sur

le

systme graphirpie

et la lungiie

des

Mayas,

t.

H, p. qSG.

LES GRANDS SYSTMES HIROGLYPHIQUES.

37

CHAPITRE

IV.

LES GRANDS SYSTMES HIROGLYPHIQUES DE L'ANCIEN MONDE.

Les hiroolyphes du Nouveau Monde nous permettent


de comprendre comment l'criture idographique est ne

de

la

pictographie. Faut-il considrer les inscriptions az-

tques

comme une

criture pictographique

ou

les

mettre au
les

nomhre des systmes hiroglyphiques?


uns,
oij finissent les

OiJ

commencent

autres? La question peut tre discute.


difficiles

Les limites des genres sont toujours flottantes et

marquer, dans

le

domaine de

l'criture et

de

la

phontique

comme
phie.
Il

dans celui de
est malais

l'histoire

naturelle et de l'ethnograla cellule le

de dterminer quel moment


et

cesse d'tre plante

pour devenir animal,

pourtant

rgne
faci-

vgtal se distingue

du rgne animal par des caractres

lement reconnaissahles. Les frontires naturelles des peuples


sont toujours affaire de convention et de compromis.

Si

du Nouveau Monde nous passons

l'Ancien, nous

nous trouvons en prsence de systmes hiroglyphiques parfaitement dtermins, ayant leur fonctionnement rgulier,
et spars sans

doute des tapes antrieures de l'criture


sicles.

par une longue srie de


les conditions

Nous avons vu quelle part

archilectoniques ont eue cette transforma-

lion.

Les inscriptions monumentales ont donn aux carac-

tres

une rgularit inconnue auparavant. En

mme

temps,

38

PUEMIERE PARTIE.

par suite de l'usage plus iV(iuent de l'criture, par suite


aussi

du nombre toujours

croissant des ides

que

l'on avait

exprimer, les formes primitives se sont


et les reprsentations figures

peu

peu

altres

ont pris quelque chose de

plus abstrait et de plus indpendant de l'objet qu'elles devaient primitivement peindre aux yeux; on a
fait

au symbole

une place de plus en jdus grande dans

l'criture, qui est


la

devenue vraiment idographique. Enfin,


distinguer les diverses acceptions d'un
l'emploi de

ncessit

de

mme

signe a

amen
in-

complments phontiques, qui devaient en


prononciation et dont les

diquer

la vritable

noms propres
le

ont fourni la premire ide.

Peut-tre aussi, dans la cration des hiroglyphes,


travail

personnel et rflchi d'hommes de gnie


ti'avail

est-il

venu
cas,

hter le

inconscient de

la

pense.

En

tout

qu'elle soit

une uvre individuelle ou

collective, l'criture

nous apparat
sur lui-mme;
telle et,

comme
c'est

le rsultat

d'un retour de l'homme

une

sorte de rflexion de la pense, de


la civilisation;

manire qu'elle n'a pu natre qu'avec

d'autre part, chaque grande civihsation doit corresles

pondre une criture dont


dtermins par
le

caractres gnraux seront

gnie propre et le degr de dveloppe-

ment

intellectuel

de ses inventeurs.

Nous connaissons

trois

grands systmes d'criture ido:

graphique pour l'Ancien Monde

le chinois, l'criture
il

cu-

niforme et les hiroglyphes gyptiens;

faut y ajouter les

hiroglyphes hittites, que l'on trouve dissmins dans tout


le

nord de

la

Syrie et jusqu'en Asie Mineure. Ces grossiers


la

hiroglyphes, dont

dcouverte ne remonte pas plus

de vingt

ans.

et

que nous ne comprenons pas encore,

LES GRANDS SYST MES^HIKOGLYPHIQUJIS.


s'ils

39

n'ont pas

une

oiijjine

indpendante, forment une cat-

gorie bien part. Quoiqu'ils supposent un dveloppement

de

civilisation bien
les

moins avanc que


la suite

celui des gyptiens,

nous
de
la

mettons

de l'criture gyptienne,

cause

parent, peut-tre plus apparente que relle, qu'ils


ils

prsentent avec elle, et du lien bistoiiqlie ])ar lequel


rattachent aux origines de l'alpliabet. C'est d'ailleurs
la

se

place

que leur assignent


rition

et la

gographie et

la

date de leur appa-

dans

riiistoire

de l'criture.

/xO

PREMIRE PARTIE.

CHAPITRE

V.

ECRITURE CHINOISE.
L' (criture chinoise

nous prsente un systme entirement

arrt; elle parat presque aussi ancienne

que

la

langue
Il

chinoise,

dont

elle
n'ait

reproduit l'esprit et les dfauts.


ait t,

somlde qu'elle
le

jamais d changer et qu'elle

ds

premier jour,

telle

que nous

la

voyons aujourd'hui. Et

pourtant, elle aussi a eu son histoire. Le chinois diffrait

moins, dans

le

principe, de l'criture cuniforme et des hi-

roglyphes de rgypie qu'on ne serait tent de le croire aujourd'hui.

Quelques-unes des ides

les

plus lmentaires y

taient rendues de la

mme

manire. Parfois
le

mme

les trois

systmes se sont rencontrs dans

choix de certains

sym-

holes; mais ces ressemblances sont trop vagues

pour qu'on

chercher la y puisse

preuve d'une origine commune. Les


nous
int-

diffrences des grands systmes hiroglyphiques


,

ressent davantage parce qu'elles ont pour causes principales

d'une part, les instruments dont on se servait pour crire,

de l'autre,

le

gnie de la langue qu'il s'agissait de rendre.

Dans

le

principe, les caractres chinois taient de vri-

tables hiroglyphes, rappelant assez l'criture des Mexicains

lorsque les Europens arrivrent dans leur pays. Toutes


les critures

ont

commenc par reprsenter des


par un disque
se prtant

objets.

Le

soleil tait figur

O,

la

lune par un crois-

sant

).

Le pinceau,

mal tracer un rond, donna

ces caractres des formes anguleuses et carres; le soleil

CRITURK CHINOISE.
devint
,

41

la

lune

^.

Toutefois, l'esprit chinois a aussi eu

sa part dans cette transformation.

La langue chinoise proc-

dant par monosyllahes et

les

mots tant

comme

autant de
il

petites units impntrables les unes

aux autres,

tait

naturel d'exprimer chacun d'eux par un signe et de l'en-

fermer

comme

dans une cage.


crites

Nous ne possdons pas d'inscriptions chinoises


dragon, mais

avec ces caractres primitifs. Sur certains vases antiques, on


trouve bien
le rljinocros

ou

le

il

est difficile
si

de dire

s'ils

de caractres, y jouent le rle

ou bien

ce ne

sont pas de simples motifs d'ornementation. Presque tous


les

anciens

monuments

crits

de

la

Chine ont pri


la

lors

de

l'incendie

des livres ordonn, d'aprs


le

tradition, par

l'empereur Tsin-chi Hoang-ti,


muraille, en l'an

constructeur de la grande
re.

9i3 avant notre

Ce que nous en
soin extrme
jeter

connaissons nous a t transmis par les lettrs, qui ont


pris, lors

de

la renaissance des lettres,

un

retrouver et rtablir tous les

monuments pouvant
sicles

quelque lumire sur


et

les

premiers

de leur histoire
Il s'est

en particulier sur l'origine des anciens caractres.


en Chine un
fait

ainsi pass

analogue celui dont nous

offrent l'exemple les tablettes cuniformes qui composaient


la

bibliothque des rois d'Assyrie.

Non seulement

les let-

trs

nous ont conserv des textes

et des inscriptions
ils

qui
ont

leur taient de bien des sicles antrieurs, mais

les

accompagns de commentaires
pour
l'histoire

et

de glossaires trs prcieux

de l'criture chinoise.

Voici, d'aprs Abel Rmusat^'^ et Klaproth(-\ quelques'''

Recherches sur

l'ortifine el la
l.

formation de

l'criture chinoise

[Mmoires

de

l'Institut
''*

royal de France,

VIII, 1827, in-4).


,

Aperu de

l'orifrinc des diverses critures

p. h-i'd.

li

PREMIKnE PARTIE.
les

unes de ces images anciennes mises en parallle avec


caractres usits de nos jours
:

Pluie

tard

V.Q)/

^
1^

'"<'^

Aurore

il

Feu

Bouche

^
_J\ /k

P
g]

kheou

Mont

Jardin

yeou

Ri z

Chariot

^.

iche

Oiseau

i3

niao

Haclic

"''y

Poisson

.^V^lV

tfcl

(*/M

Flche

^
l
^

tclu

Dragon

m
FII?

loi

Vase

hou

Les caractres des plus anciennes inscriptions connues

CRITURE CHINOISE.
s

63
les-

ecartenl dj beaucoup des reprsentations figures par

quelles on veut les expliquer.

On

peut s'en convaincre par

Tinscriplion ci-dessous, grave sur


l'ait,

une lance, du

et

qui dale-

d'aprs Tauteur

recueil chi-

nois o elle se trouve reproduite, de

plus de 2,00

ans avant notre

re^'^.

En dehors de
n'existe

ces caractres et de

quelques autres du

mme

genre,

il

qu'une inscription chinoise reaussi haute antiquit,

montant une
l'inscription

rige
a

par

l'empereur

Yu

le

Grand,

7 8 ans avant notre


les

re, sur le

mont Heng-Ghan, dans

montagnes du Ho-nn, en commmoration des travaux acconq)lis par


lui

pour mettre

fin

aux inondations

qui dsolaient la Chine. Seulement


elle

ne nous

est

connue que par des

copies datant dj de plusieurs sicles


et

gardes Pkin dans

les

archives

de l'empire,

et tous les efforts faits


la

pour retrouver
elle

pierre sur laquelle

tait

grave sont rests infrucn'a-t-il

tueux; aussi

pas

manqu de sa-

vants pour en contester l'authenticit.

La connaissance en
Europe, au commencement du
sicle,

a t apporte en
le P.

par

Amyot,
^-^

et

depuis, cette inscription a t reproduite et tudie


^''

par

Journal asiatique , avril-mai 1868, p. 368, n

1.

^*'

Mmoires sur

l'antiquit de l'histoire et de la cii-ili.tation chinoises

(Journal

asiatique, avril-mai

1868).

li!i

PREMIRE PARTIE.
la

Pauthier. Si elle est authentique, elle nous reprsente

forme

la

plus ancienne de l'criture chinoise

laquelle

on

puisse remonter historiquement. Or

les caractres

de cette
ils

inscription sont des hiroglyphes dj trs altrs;

ap-

partiennent l'criture que les Chinois appellent criture

des ttards,

cause

de

la

forme des lments dont


ici

elle

se compose.

Nous en donnons

quelques-uns, en mettant

en regard

les caractres

correspondants de l'ancienne cri-

CRITURE CHINOISE.
lure ichouen, usite de l'an
et

45

800

l'an 1200 avant notre re,

ceux de l'criture courante.

Les hiroglyphes primitifs des Chinois taient peu nombreux. Dans toute criture idogra[)hi(j[ue, ie

nombre des

caractres doit tre trs limit. Les Chinois l'avaient, dit-on,


fix

deux cents, de peur des confusions. Ces caractres

reprsentaient pour la plupart des objets matriels. Mais

une langue ne peut pas


Pour
(irenl

se contenter de

deux cents

ides.
et

l'enrichir, ils

combinrent ces signes ensemble


ce

en

des caractres composs. Le

milieux (^Ichoung)

tait

reprsent par une ligne verticale qui traverse un cercle;


le
a

tonnerre

17

(/o/),

par quatre roues que rejoignent des


tr

lignes droites en zigzag; les


le

perdrix

ti

et les

tr

faisans

ii,

par

signe d'oiseau et celui de flche.

L'emploi de caractres composs tait surtout ncessaire


lorsque ride exprimer tait une ide gnrale et qu'un
seul signe ne suffisait pas la rendre. C'est ainsi qu'on associa le soleil et la lune, en ne considrant plus

que leur
IH prit

qualit
le

commune,
fr

la
ti.

splendeur;

le

nouveau groupe

sens de
ttttei

briller
cr

De mme, on
17

fondit les caractres

et 1^

mouvement
en
cr

en un seul signe ?, qui


c'est--dire
l'ft

dsigna

une

tte

mouvement,
fut

intellila
fi-

gences. L'ide de

descendances

exprime par
;

gure d'un enfant pendu une chahie

la

runion des idoce

grammes

/e?/iMie
('^

et e7ifant

reut le sens d'craimers;

tre

compatissant s
traits

fut

rendu par un cur surmont de deux

horizontaux, qui signifient deux, pour exprimer l'ide


les

de sentir

peines d'un autre cur;


le

le

cr

principe
le

du
r

cieln,

par un vase renfermant

signe du bonheur;

principe

'*>

Klaprotli, p. 13 cl i3.

/jg

premire partie.
la

de
cr

terre

fl,

par

le

mme

vase avec

le

caractre liioung

malheurs.

Le nombre des
cette

ides

que

l'on

pouvait exprimer de
la

manire

tait

encore trs limit et

complicalion
l'infini.

des caractres empchait de les multiplier

Pour

y remdier, les Chinois imaginrent d'envisager les caractres qu'ils avaient crs

comme

tant les signes non plus

de certaines ides, mais de certains sons. Chaque caractre


cessa de reprsenter
pi'senter

une ide ou un objet, pour ne plus rele

que

la

prononciation attache cet objet. C'est

principe

mme

du

rbus. D'aprs ce systme, en franais,

par exemple, l'image du porc, au lieu de dsigner l'animal


qui poite ce
soit

nom,
il

serait attache la syllabe par, quel qu'en

le sens;

pourrait s'employer indilTremnient pour

toutes les acceptions de celte syllabe, qu'il s'agisse

du porc

(animal), ou du port de mer, ou d'un port de lettre, ou du


port (dmarche de l'homme), ou des pores de
la

peau. Dans

une langue comme

le chinois,

les

mots n'ont jamais plus


l'ex-

d'une syllabe, chacun de ces signes devait devenir

pression constante d'une syllabe. Le phontisme remplaa

presque entirement l'criture idographique. Cette Iransformation parat avoir t trs ancienne. L'inscription de

Yu

est dj

en grande partie phontique.


toutefois, avait

Le phontisme,
grand que
soit le
le

un inconvnient. Quehjue
compte 1260
est

nombre des

syllabes (on en

en chinois),

nombre des mots d'une langue


il

beaucoup

plus considrable encore;

en rsulte que, dans une langue

monosyllabique, des mots n'ayant aucune parent doivent


ncessairement se prononcer de
la

mme

manire.

Ln

mme

caractre peut avoir cinq, six ou huit sens dilTrents.


serait inextricable sans le secours des clefs.

La confusion

LCRlTUnE GHINOISK.

TAlLEAU DES

f?

1 (l

CLETS.

p^

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13
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3

It

fr

^.

liS

PREMIRE PARTIE.
Les
clefs

sont des signes complmentaires qu'on ajoute

aux

diffrents {rroupes

phontiques pour en prciser


est,

le sens.
l'a

Le point de dpart de ce systme

ainsi

que

trs

bien dit Franois Lenormant, la facult, propre l'criture


chinoise, de former indfiniment des

groupes complexes

avec plusieurs caracti'es originairement distincts, par un

procd analogue celui que


l'criture calculiforme.
11

l'on croit reconnatre

dans

se

forme

ainsi des

agglomrai ions

qui ne sont pas sans quelque analogie avec le

mode de

re-

production des polypes

les

mmes
et

lois prsident la forla

mation des organismes primitifs, dans

vie des tres,

comme
en

dans

la vie

du langage

dans

celle

de

l'criture qui

est l'expression.

Les Chinois ont donc choisi dans


criture

le

vieux fonds de leur

un certain nombre d'idogrammes rpondant aux

principales catgories de leur esprit et pouvant servir de

rubrique un nombre correspondant de classes dans lesquelles


ils

rpartissent les mots de la langue d'une faon qui


artificielle. Ils

nous parat assez

ajoutent ces signes idograla

phiques aux signes phontiques, pour guider

pense

et
le

indiquer dans quelle catgorie d'ides doit tre cherch


sens d'un

mot qui

est susceptible

de plusieurs significations

diffrentes.

Le nombre de
a

ces signes,
ti,

que

les

Chinois appel-

lent pof

sections^ ou

classes

aprs avoir t longtemps

indtermin, a t

fix,

en

l'an

1616,

21/4, chiffre qui

a t depuis dfinitivement adopt.

Chaque caractre
le

se

compose

ainsi
le

de deux lments
la syllabe

premier, phontique, indiquant

son de

qui

constitue le mot; le second, idographique, la clef du rbus,

qui nous apprend quel sens

il

convient de donner cette

sylLibe ou ce mot. Ainsi, le signe

^,/nW, par lequel on

CRITURE CHINOISE.
dsigne,

49

quand

il

est seul, les tablettes

avec inscription pla toute la srie

ces au-dessus des portes,

donne naissance

des signes suivants

?i

lia

m m M ^
la

U^]

m m %> M

qui sont l'orms de

combinaison du caractre primitif avec

diverses clefs, et correspondent autant de sens diffrents,

bien que tous se prononcent de

la

mme
des
la

manire
clefs.

pien.

Nous avons donn plus haut


par Abel Rmusat

la liste

2ik

On

en

trouvera la valeur dans les Elmenls de


^^l

Grammaire

chinoise,

Les principales
de
la teire,

clefs

sont celles de

YJwmme, de
la

la bouche,

de

la

femme, du cur, de

main,

du

sokil, des arbres,

de eau, du feu, des maladies,


bambous, de
la soie,

de Vil, des
la chair,

pierres, des crales, des


insectes,

de

des plantes, des

des vtements, de

la parole,

de

la

marche, des mtaux, des espces chevalines, des poissons,

des oiseaux, des usages, des mandarins, des broderies.

Les

clefs

sont donc une

uvre de savants

et

de lexico-

graphes; ce sont des radicaux choisis d'une faon empirique,


des dterminatifs, qui nous apprennent quel genre ou
quelle famille appartient
le trait distinctif,

un

objet;

ils

n'en

marquent pas
Seulement, ces

mais

le caractre gnral.

catgories rpondent assez

mal ce que nous appellerions


retrouve dans leur choix
le d-

des

ides

gnrales.

On

faut de l'esprit chinois, qui se

perd dans

les dtails,

mme

quand
que
dont

il

veut s'lever

la

conception du gnral. L'cri-

ture chinoise est moins le rsultat d'un progrs de l'esprit


celui d'une opration
les

mcanique. C'est un casse-tte


monosvllabes.

lments sont

les

(i)

Y ans

1027,

in-

AlMKBir jT-nrotAE,

50

PREMIRE PARTIE.
PROTOCOLE DE L'INSCRIPTION DU TEMPLE DE CONFUCIUS
PAR L'EMPEREUR KHOUBILA-KHN, EN L'AN laQ^i'^'^

^ ^ m

M ^

ji

t
1

w
m,

# A
7C

/>ii

M
ffl
la traduction, sont

^''

Le

texte, ainsi

que

emprant's Pautlucr (Journal


cliinoise est
,

asiatique, janvier

182,

p.

1-^7). L'inscription

accompagne

d'une transcription en caractres mongols Pa-sse-pa


fait

sur laquelle Paulhier a


ici

en caractres latins

la

transcription

dont nous produisons

un

extrait.

Cotte transcription peut donner une ide de la prononciation chinoise l'poque

l'inscription a t rdige.

GUITUUK CHINOISE.
TRiySCBIPTlOy.

51

Ligne

Chatig then

'^ge'n

mxng
ijeou

Ligue

2.

"hoaug <U ching


tshi

dji

djoung youci ha szhi gaiin U jin

dhiug Khoiiug

Ligne

3.

dji tao chotiei lie

won

chi ngiao (yeou) "gouc "gya dje chou

dang tchoung fong Kfieou


Ligne
Ligne
U. fo 5.

Um mao Chang don Ta


hijo

don djeou loufuou dji huen


"^hi

"In Intig

Che mao

cheou yuen djuo

Tr.DUCTIOS.

Saint

commandement de l'empereur

qui rgne par

la

grce du

ciel

suprme.

On

informe tous les fonctionnaires publics de Tiute'rieur et


e'tant

de Texle'rieur, que, la doctrine de fchoung-lseu (Gonfucius)


loi

une

destine rgir toutes les ge'ne'rations, ceux qui ont la mission


les tats
:

de gouverner

sont spcialement chargs de lui rendre des


le

honneurs publics
dans
la

dans

temple de
oii

la foret
le

de Khio-feoi (situ

province de Chan-toung,

naquit

philosophe), Chang-

tou; dans la capitale de l'empire (Ta-tou); dans les bourgs, les chefslieux de canton, d'arrondissement et de

dpartement de toutes

les

provinces.

En consquence,

il

est prescrit

de construire des temples

(pour l'honorer), des coles publiques

et des collges

(pour y ensei-

gner sa doctrine).

Nous avons vu comment


savante et
si

l'ciiture chinoise actuelle,

si

complique,

tait sortie,

en partie du moins,

d'images reprsentant des objets matriels; cette transfor-

mation ne

s'est

pas faite d'un seul couj);

les

Chinois ont eu

quatre ou cinq critures ditlrentes, qui rpondent ce que


sont chez nous l'criture gothique,
la

romaine

et l'italique. la

Le moment capital dans

cette volution a t

marqu par

dcouverte du papier. Jusqu'alors on avait crit sur de petites

planchettes de

bambou
])ar le

avec une pointe en

mme made

tire,

trempe dans du vernis. Avec


fut

le papier, le stylet

bambou

remplac

pinceau, dont l'usage explique

55

PREMIRE PARTIE.
que
les

riiTgularitc des traits dans l'criture chinoise, ainsi

formes anguleuses et symtric|ues des caractres. Cette rvolution dans les matriaux dont on se servait, qui date de

l'poque de Tsin-chi Hoang-ti, a donn naissance l'criture


/'-^se

ou

li-chou

rr

l'criture des

bureaux ti, qui

diire

peu des caractres

actuels.

L'criture chinoise a pourtant encore subi

une modifi-

cation qui a eu d'importantes consquences. Vers le milieu

du i"

sicle

avant notre re, les savants chinois ont

tir

de l'criture usuelle une

criture cursive o la forme des


Ils l'ont
i^,

caractres disparat presque entirement. Tsao ou Tsao-tse (Tsao-chou)


rr

appele
cause

l'criture des plantes

de son aspect en forme de broussailles.

Le
ainsi

tsao est

principalement employ dans


certains

le

commerce,
Il

que dans

volumes de

littrature lgre.

n'a

jamais supplant l'criture carre, ou hia-chou, qui est universellement usite dans le Cleste-Empire et o se dploie
toute l'habilet calligraphique des Chinois.

CRITURE JAPO>AISE.
L'criture cursive chinoise devait avoir une fortune singulire, car c'est elle qui a servi de
japoiuiise.

modle

criture

Peu de temps sans doute aprs

l'invention de
ils

l'criture tsao, les Japonais l'ont

adapte leur langue;

ont encore abrg ces caractres, sans avoir gard leur

forme primitive,

et ils

ont ainsi compos une criture assez


le Hira-kana.

complique qu'on appelle


est trs obscure,

Cette criture, qui

ne rpondant que d'une faon incomplte


ni^ et le
vi*=

leurs besoins, entre le

sicle,

ils

ont

tir,

non

plus de l'criture cursive, mais de l'criture chinoise ordi-

CRITURE JAPONAISE.
naire,

53

un alphabet de

/17

signes syllabiques invariables, le

Kata-kana, qui est un vrai syllabaire. Malheureusement, au


lieu de l'employer seul, les Japonais emploient conjointe-

ment

le

Hira-kana et

le

Kata-kana, qu'ils entremlent encore

de caractres chinois;

si

bien que l'criture japonaise, assez


difificile

simple dans son principe, est d'une lecture plus


le

que

chinois lui-mme.
C'est surtout

dans leurs prfaces que

les

Japonais,

l'in-

star des Chinois, usent


la multiplicit

de toute

la fantaisie

que leur permet


la

de leurs critures, ainsi que dans

composi'Ula^^^

tion de ces distiques nigmes qui portent le


et

nom

dont

ils

aiment orner leurs ouvrages.


EXTRAIT DU HYAKU-yiy IS-SU.

^:*nj^^ -k<
DT-TO TEN-W\U.

44

Haru
Nat

sffite

ki-ni kerasi,

Siro tahe-no

Koromo hos

te

Ama-710 Kagu-yama

Le printemps
pur (que portent
tanires)

passe', lorsque
les

l'e'te'

arrive, les vtements d'un blanc


les pluies prin-

paysans qui ont t mouills par

sont exposs au soleil sur le


rimpe'ratrice Di-t.)

mont

(cleste)

Kagu-yama.

(Compos par
^''

Des

diffrents

genres d'criture employs par

les

Japonais, par Lt^on de


professeurs de TEcole
p.

Rosny [Nouveau mlanges orientaux, publis par

los

des langues orientales, Paris, Imprimerie nationale,

188G,

a-gS).

54

PREMIRE PARTIE.

SYLLABAIRE JAPONAIS (kATA-KANa).

-f

/SOH

^
+

sa

n
^^

go, ngo
za
zi

n
/^

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-f

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qui

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va
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io
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h
ho

5
f

jj

ga, nga
gi", ngui
goii,

^
/K

X
r
r

V
y

r
RO

gnou

gai, ngai

L'criture japonaise ne

doit,

pas tre confondue avec une

autre criture de la
t

mme
et

rgion, Y criture corenne, qui a

employe en Core

mme,

d'aprs certains auteurs,

au Japon avant l'introduction de


est les

la

langue chinoise

et

qui

une criture alpliabtique


vraisemblances, la

se rattachant, suivant toutes

mme
en sera

origine que Talphabet in-

dien. L'alphabet coren appartient une autre priode de


l'histoire

de l'criture;

il

])arl la suite

des drivs

indiens de l'criture aramenne, qui ont conduit l'alphabet

phnicien jusqu'aux portes de

la

Chine.

CRITURE JAPONAISE.

55
sui- lliistoire

On
dans

trouvera de plus amples renseignements

des diverses critures japonaises et sur leur transcription


les

Mmoires du premier Congrs international des


1878.

orientalistes, tenu Paris en

TEXTE JAPONAIS PUBLIE, EN CARACTERES ROMAINS,


DANS LE COyORS INTERNATIONAL DES ORIENTALISTES
( 1

"

session

Paris

1878,

1. 1

p. a

).

t
')

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7

>
^
^\

y
7

7'

56

PREMIERE PARTIE.

CHAPITRE

YI.

ECRITURE CUNEIFORME.
A
le

l'autre extrmit

de

l'Asie,

dans

la valle

qui spare

Tigre de l'Euphrate, on trouve, aussi haut que remon-

tent les traces de la civilisation,

un autre systme

d'criture

idographique, l'criture cuniforme, qui a rgn sans conteste sur toute l'Asie antrieure jusqu' l'invention

de

l'al-

phabet

et s'y est

maintenue pendant de longs


la

sicles encore,

jusqu'aux bouleversements qui ont suivi

conqute d'A-

lexandre. Les inscriptions assyriennes les plus rcentes datent

du

i" sicle

de

l're chrtienne.

Le dchiffrement des
cent ans peine.
Il

inscriptions cuniformes

remonte

a eu

pour point de dpart non pas une

inscription unique, mais

une

srie d'inscriptions rdiges


les trois

en plusieurs langues; seulement,

langues employes

dans ces inscriptions sont toutes crites en caractres cuniformes


(').

Au

milieu des dfils qui sparent la Perse de la Msopo-

tamie, on voit sur

un

pic isol,

une hauteur inaccessible,

un bas-relief

colossal

qui reprsente Darius recevant des

rois enchans.

Des deux cts de ce bas-relief, au-dessous

'"'

L'histoire

du dchiffrement des

inscriptions cuniformes

U' dcrile

de

la

faon

la

phis complte, et avec une singulire pentHration de vue, par

M.

Fritz

Hommel, dans son remarquable

Abriss der Geschichte des alten

Orients (Ntirdlingen, 1887).


les

On

y trouvera findication trs exacte de tous

travaux

relatifs celle

matire.

KGRITUnE CUNIFORME.
et au-dessus, se

57

trouvent des inscriptions qui comptent plu:

sieurs centaines de lignes

ce sont les clbres inscriptions

de Behistoun, ou Bisoutoun, dans lesquelles Darius raconte


ses victoires

en langue perse, en langue nidique, en langue

assyrienne. D'autres inscriptions en caractres analogues se


lisent sur le

tombeau de Darius,
du

Nakcli-i-Roustam, ainsi

que sur

les portes

palais de Perspolis.

Ces dernires,

depuis longtemps signales par Chardin et par d'autres

voyageurs, ont t
vants.

les

premires fixer l'attention des sa-

Ds l'abord, on
frents.

reconnut

trois

systmes d'criture dif-

Ce

n'est pas l'criture

cuniforme assyrienne, mais


fut d-

l'criture perse,
cliiffre
la

beaucoup moins complique, qui

premire.

En

efet,

tandis

que dans

l'criture

assyrienne les

mmes

signes ont

une valeur tantt idograest

phique, tantt syllabique, l'criture perse


partie alphabtique; elle se

en grande

compose donc d'un nombre de


il

caractres trs restreint, dont

tait plus facile

de dter-

miner

la valeur.
le

Le voyageur Carsten Niebuhr,


le

pre de l'historien, fut

premier apporter quelque clart dans ces recherches.


attentif des inscriptions qu'il avait copies
il

Par un examen

au cours de

ses voyages,

parvint dmontrer, en 1778,

que

l'criture perse devait se lire

de gauche droite et que


;

les clous

y formaient certaines combinaisons constantes


/la

il

put ainsi dterminer

caractres distincts. Quelques an-

nes plus tard, en 1798, Tychsen reconnut que le clou

en diagonale qui se rencontre de place en place servait


sparer les mots. Sa dcouverte eut pour effet d'isoler les

mots

et

ouvrit la voie

au dchifFrement,

en permettant

d'oprer non plus sur des caractres dont on ne connaissait

58

PREMIERE PARTIE.
la valeur,

pas

mais sur des mois dont on pouvait deviner

le sens.

L'anne 1809 fut dcisive pour


scriptions aclimnides.

le

dchiffrement des in-

Le Danois Munter reconnut dans un


titre

des groupes le

mot correspondant au

de

crroir,
Il

sans

toutefois parvenir en dterminer la lecture.

affirmait
rois acli-

en

mme

temps que ces inscriptions dataient des


et

mnides
devait

que

la

langue dans laquelle

elles taient crites

beaucoup

se

rapprocher de

celle

du Zend-Avesta. Mais

l'honneur du dcliiffre ment des inscriptions achmnides appartient en propre Grotefend.

Une analyse pntrante des


agencements

diffrents groupes de caractres et des divers

dans lesquels
aussi eue

ils

se prsentaient lui

donna

l'ide, qu'avait

Munter, de chercher dans un certain groupe, qui

revenait plusieurs reprises, l'quivalent


roisr, prcd et suivi de
rois?

du

titre crroi

des

noms royaux. Quels

taient ces

Parmi

les princes

achmnides, deux noms seuls poula succession


:

vaient rpondre aux conditions exiges par

des

groupes de caractres cuniformes correspondants


Darius
la
il

ceux de

et

de Xerxs. Appliquant leur dchiffrement non


la

forme grecque, mais


lut

forme hbraque de ces noms,

successivement

DLu aujourd'hui
:

on - sh

D-
!!
Kh
-

- va -

xja

va

ou-sh

<< sh

K^
-

m
e
-

^T
r
-

<<
sh

m
-

Lu aujourdiiui

hh-sha-ij

- r - sh

ECRITURE CUNEIFORME.
Et Hystaspe
:

59

TT

<< ^Tt TT
-

]^ ^
- s -

G
Lu aujourd'hui
:

z -

ch

V-i-ch

pa

Puis, raide des valeui's qu'il avait obtenues,


le

il

reconnut

mol zend khsehio (corrig plus tard en

IhsJuijalija)
il

dans

le groupe coj'respondant au titre de roi;

devina enfin,
avait ainsi d-

plutt qu'il ne lut, le

mot

ce

Achmnidei\

Il

termin i3

lettres; les travaux ultrieurs ont


elles.

confirm

la

valeur de 8 d'entre

Sa dcouverte

fut

communique

dans l'automne 1802

l'Acadmie de Gttingue.
Grotefend, qui avait
fait

La

clef tait trouve. Toutefois,

preuve d'une pntration extraordinaire dans

le dchiffre-

ment de

ces textes,

manquait des connaissances philolo:

giques ncessaires pour pousser plus loin ses dcouvertes


le

dchiffrement resta stationnaire jusqu'en i836.

cette

date, le

problme

fut repris

de
et

trois cts la fois,

par Eu-

gne Burnouf, par Lassen


de Lassen, mais surtout
la

par Rawlinson. Les travaux

mthode comparative rigou-

reuse de Burnouf et sa profonde connaissance des langues

de l'Orient, permirent de fixer dfinitivement de presque toutes


firent entrer ces
les lettres

la

valeur
et

de l'alphabet perspolitain
elles

tudes dans une voie dont

ne

se

sont plus cartes.

La

mme

anne,

sir

Henry RaAvlinson

copiait avec tout le soin possible la

grande inscription de
envoyait en Europe la

Behistoun

et,

peu de temps aprs,

il

traduction des premires lignes. L'analyse des lments de


rcriture y tait peut-tre pousse moins loin
les essais

que dans
sur

de Burnouf

et

de Lassen, mais

elle portait

60

PREMIERE PARTIE.

dos matires beaucoup plus tendues. Son dchiffrement,


repris et continu l'aide des

beaux travaux de Burnouf


intgrale

sur

le

Yana, aboutit

la publication

des in-

scriptions de Behistoun dans le journal de la Socit asia-

tique de Londres, de i8/i6

8/19, et

il

peut tre considr


et

comme
l'ont

dfinitif.

Les travaux de

MM. Oppert

Spiegel

complt sur plus d'un point, mais sans en modifier

les rsultats.

Le dchiffrement des cuniformes perses


l'a

n'tait,

comme

ditM..Maspero, qu'un acheminement l'intelligence des

textes babyloniens, assyriens et mdes. Dj

Eugne Burle dchiffre-

nouf avait runi de nombreux matriaux pour

ment des

inscriptions assyriennes; la

mort

vint interrompre

ses travaux.

La dcouverte de Ninive par M. Botta, consul


les fouilles

de France Mossoul (i8/j6),

de M. Layard

Koyoundjik

et

Nimroud (18/19-1851),

facilitrent singu-

lirement la tche, en livrant au public une grande quantit

de documents nouveaux, qui ornent


le

le

muse du Louvre

et

Brksh Musum.

Presque en
plorait la
si

mme

temps (i85i-i85/i), M. Oppert ex-

Msopotamie en compagnie de Fulgence Fresnel;

leur mission fut moins riche en dcouvertes pigraphiques,

elle

eut des rsultats importants par le jour qu'elle a jet

sur l'criture babylonienne et sur l'histoire de la Chalde.

M. Oppert

les a consigns

dans XExpdidon en Msopotamie''^^


la

o ont t exposs pour


suivie, les principes

premire

fois,

d'une manire

du dcliilfrement des

inscriptions chal-

dennes

et assyriennes.

De
''

divers cts, en effet, les savants s'taient appliqus


Oppert, Expdilion
m-Zi").
scientifique en

J.

Msopotamie

(t.

I,

Paris,

i863;

I.

II,

i85y,

CRITUIIE CUNIFORME.
l'tude des inscriptions assyriennes.

61

Parmi ceux qui pos-

rent les bases de leur dchiffrement et firent de Tassyrio-

iogie une discipline scientifique,


ligne

il

faut

nommer
tt, et

en premire

MM.

Rawlinson, Hinks, mort trop


et surtout

Fox Talbot,

en Angleterre; M. de Saulcy

M. Oppert, en France.
les

M. Menant, puis Fr. Lenormant s'engagrent


sur leurs
traces;

premiers
Scbrader,

l'exemple fut suivi par

MM.

Fr. Delitzscli, Haupt, Sayce, Pinches, Halvy, Strassmaier,


St.

Gnyard, Amiaud, Pognon, dont

les efforts se sont ten-

dus fensemble des problmes trs complexes que soulvent les inscriptions cuniformes.

Quelle tait la langue des critures cuniformes qui occupaient


le

second rang sur l'inscription de Behistoun?


le dire

On

ne peut encore

avec certitude.

11

y a de fortes rai-

sons pour supposer que c'tait la langue des Mdes; mais,

jusqu a prsent, on n'est pas arriv comprendre d'une

fa-

on certaine cette troisime catgorie de textes.

Dans
formes

ces dernires annes, le


s'est

champ des tudes cunientreprit en


la lu-

encore considrablement agrandi par suite de

nouvelles dcouvertes.

En 1878, George Smith

Assyrie et en Babylonie des fouilles qui ont

ramen

mire des milliers de briques couvertes d'criture, for-

mant

la

bibliothque d'Assurbanipal et comprenant des syl-

labaires, des textes juridiques et

grammaticaux, des copies

d'anciennes inscriptions et, parmi elles, les clbres tablettes

du Dluge. Les dcouvertes de George Smith nous ont


pouvaient s'expliquer par

livr

toute une srie de textes d'un aspect fort archaque et qui ne


les

mmes

rgles

que

l'assyrien.

Ces inscriptions, que Ton comprend en partie, bien qu'on

ne sache pas comment

elles

devaient se

prononcer, ont

donn naissance

une nouvelle branche d'luds assyriolo-

G-2

PREMIRE PARTIE.

giques, les tudes appeles accadiennes par Fr. Lenormant,

sumriennes par M. Oppert,


troverses passionnes.

et qui

ont provoqu des conle

George Smith mourut


la science.

19 aot*
fouilles

1876, victime de son dvouement


furent reprises, aprs sa mort, par

Les

Hormuzd Rassam, qui

retrouv, de

1877

1881,

tant en Assyrie qu' Babylone,

oulre 1,4 00. nouvelles briques, les portes de bronze de Ba-

lawat et

l'dit

de Cyrus.

Enfin, en 1887, des paysans dcouvraient en Egypte,

Tel-el-Amarna, plusieurs centaines de tablettes cuniformes


analogues celles du palais d'Assurbanipal.
les traductions,
les
S'il

faut en croire

forcment encore incompltes, des savants

plus autoriss en ces matires, ces tablettes contiendraient

la

correspondance, en assyrien, des gouverneurs gyptiens


les rois d'E-

de Syrie ou de certains princes indignes avec


gypte Amnopliis
III et

Amnophis

IV. Les caractres

em-

ploys sur ces tablettes sont des caractres du type babylonien, fort semblables ceux que l'on tait jusqu' prsent

habitu rapporter au temps de Nabuchodonosor.

Tout

cela bouleverse

si

profondment

les ides reues,

que

l'on

prouve quelque hsitation accepter d'emble

ces traductions et qu'on en attend encore la confirmation.


Si elles se confirmaient,
elles

prouveraient que l'criture

cuniforme jouait, 1,700 ans avant notre re, un rle capital

dans toute

l'Asie occidentale, et qu'elle tait


la

employe,
ofiicielles

mme

en dehors de

Chalde, pour les relations

de peuple peuple. En tout cas, ces dcouvertes jettent une


lumire bien particulire sur ces dpts de tablettes dont
les

dcouvertes de George Smith nous avaient fourni un


elles

exemple;

dnotent un dveloppement

littraire
cr

ex-

traordinaire et nous attestent la ralit de ces

villes

des

CRITURE CUNIFORME.
livres n,

63
l'exis-

dont certains indices faisaient souponner

tence, sur diffrents points du


les vritables

monde

ancien, et qui taient

bibliothques de l'antiquit.

Toutes ces dcouvertes ont t surpasses en importance par celles qui ont t faites par M. de Sarzec, de
1881, Tello, dans
la
i

87

Basse-Ghalde. M. de Sarzec a re-

trouv l'un des plus anciens centres de la domination chal-

denne,

et

il

en a rapport tout un ensemble de statues

couvertes d'inscriptions du caractre le plus antique, ne

remontant pas moins de 3,ooo 4,5 00 ans avant notre


re. C'est tout l'ancien

empire chalden qui revient

la lu-

mire.

On

peut voir au muse du Louvre ces monuments,


ils

qui paraissent dater d'hier, tant

sont bien conservs. Ces

dcouvertes, dont M. Heuzey est en train de publier les


rsultats dans

un ouvrage monumental (^), nous ont donn


sur l'histoire de leur criture.

des aperus tout nouveaux sur l'antiquit de la civilisation

des Ghaldens

et

L'criture cuniforme reprsente donc les langues et lescivilisations trs diffrentes qui se sont

succd dans l'Asie

occidentale. Est-elle d'origine smitique?

La question

a t

discute et

l'est

encore. Suivant la plupart des savants qui

s'occupent de ces matires, elle aurait t cre pour une

langue de
tions

la famille

des langues tartares, que les inscrip-

sumriennes nous auraient conserve. M. Halvv, au

contraire, soutient que le sumrien n'a jamais exist et quel'on

n'est

prend pour une langue une sorte de cryptographie qui qu'une autre manire d'crire l'assyrien.
tout cas, les textes cuniformes de la Msopotamie
diffrents.

En

nous rvlent deux systmes d'criture


''

Nous en

Dcouvertes en Clialde par E. de Sarzec, ouvrage accompagn de plan-

ches, publk'parL.

Heuzey

(livr.

3, Paris, Leroux, i88/i

iSyi

,in-fo].).

G/i

PREMIRE PARTIE.
la

avons

preuve dans ces glossaires trouvs parnn'

les ta-

blettes de la bibliothque d'Assurbanipal et qui sont sur

deux colonnes, dont

la

seconde est la traduction ou l'qui-

valent, en caractres cuniformes assyriens, de la premire.

Sans prtendre trancher

la

question de la langue dans la-

quelle sont crites les inscriptions sumriennes et sans se


faire le

champion de ce nom de

toaranien qu'on a peut-tre


il

un peu trop prompt leur appliquer,

semble

difiicile

de ne pas y voir l'uvre d'une

civilisation

diffrente

de

celle des Assyriens et qui l'a prcde.

Les inscriptions de

Tello ne laissent gure de doute cet gard; elles nous attestent l'originalit profonde de
cette

antique civilisation

chaldenne dont on contestait l'existence.

On

ne peut ad-

mettre qu'un peuple arriv un aussi haut degr de dve-

loppement
tablettes

se soit servi,

non pas dans des

livres

ou sur des
d'une

magiques, mais sur ses monuments

officiels,

criture destine ne pas tre comprise.

Nous entrevoyons donc avec une certaine

clart la ge-

nse de l'criture cuniforme. Elle nous apparat

une cration des premiers Chaldens,

comme au temps o Nemnord


et

rod, suivant la lgende, fonda Babel. Adopte parles Assyriens, elle s'est rpandue, avec leur empire, au
l'est,

en Armnie, en Mdie, en Susiane, en Perse.

Mme

en Msopotamie, l'criture cuniforme nous prsente deux


types bien distincts
:

le

type babylonien et

le

type ninivite,

l'un plus archaque, l'autre plus simple, qui ont toujours

conserv quelque chose de


tions.

la difierence

des deux civilisa-

Le principe de

l'criture

cuniforme est

le

mme que
:

celui de l'criture chinoise et des hiroglyphes gyptiens


c'est

une peinture des ides ou des

objets.

On

croit

encore

CRITLHK CUNIFORME.
recoiiiialie
|iicl(|iies-unes

65
elle

des

fijjiires

dont

se

comles

posait piiiiiilivenieiil, bien

que

fort altres dj,

dans

inscriptions les plus anciennes de la priode chaldenne.

Ces inscriptions prsentent surtout un caractre qui


distin<>ue

les

nettement des inscriptions plus rcentes

elles

sont linaires. Les traits n'y ont pas cette forme triangulaire qui les fait

ressembler des coins et qui a donn son

nom
tours

l'criture cuniforme.
ii,

La clbre

rc

stle

des vauet qui est

que nous publions d'aprs M. Heuzey

66

l'RE.MltUE P\UT1E.
les

certainement un des morceaux

plus anciens des in-

scriplions cunilormes, peut servir de type


d'criture.

pour ce

^^eiirc

Mais l'habitude d'crire sur

la

brique et

les

procds

que

les

Assyriens employaient pour cela ont de bonne heure


l'aspect des caracle

amen une profonde transformation dans


tres.

La faon dont on attaquait

la

brique frache avec


Irait

burin produisait au

commencement de chaque

un

lar-

gissement en tle de clou. Peu peu on s'habitua donner


plus d'importance ce petit triangle, et ce qui n'tait qu'un accident devint le caractre distinctif de l'criture,

mme

dans

les inscriptions lapidaires.

On commence

remarquer

cette tendance sur les belles statues


rois

en basalte des premiers


de Sarzec,

chaldens qui font partie de


ainsi

la collection

au muse du Louvre,
de cette poque
:

que sur

les autres

monuments

L'lment fondaniental de l'criture assyrienne parvenue


son plein dveloppement est un clou, horizontal
tical
*

ver-

ou recourb en forme de coin ^, dont

les diverses

combinaisons forment

les caractres, ])lus conqiliqus

Ba-

CRITURE CUNIFORME.

67

byloiie, plus simples et dj plus rapprochs de l'criture

perse Ninive.

Comme
une de
dans

spcimen du type babylonien, on peut prendre

ces briques

que Ton trouve en

si

grand nombre
la

les ruines

de Babylone et qui portent

marque de
la

INabuchodonosor impiime avec un timbre en bois sur


terre frache
:

^^<^>-^i-i{^^^

'^^^^^.{sr^T^,
Nabu-kudurn-usur sar Babilu zanin
sa Nabu-pal-usur sar Babilu
:

bit

Saggatu au

bit

Zi-da habal rislan

Anaku.
fils

Nubukuduriussur

roi

de Babylone,
la

aine de Nabopalasar, roi de

Babyione, restaurateur de

tour et de

la

pyramide, Moi.

Malgr leur date relativement rcente, ces briques, avec


lesquelles taient construits les

deux grands

difices

de Ba-

bylone,

la

tour tages et la pyramide, ont un certain air


:

archaque, et font penser au rcit de la tour de Babel'')


Et
ff

ils

se dirent l'un lautre

Allons! briquetons des briques

Et cuisons-les au feu.w Et
Et
'''

la le

brique leur

tint lieu

de pierre

bitume de ciment.

Gense,

xi, 3.

5.

68

PREMIRE

FAin'IE.
le

On

voit

mme

encore sur certaines briques


elles.

bitume

qui servait les relier entre


struction n'ont gure
tait

Les procds de con-

varier Babylone,

la pierre

presque inconnue.

L'criture

du type assyrien
de

s'tale

sur tous les

monuments
qui est au

de Ninive
British

et

Kalali. L'oblisque
et

de

Mmroud,

Musum

dont nous reproduisons l'une des faces


,

d'aprs

un moulage peut en
le

servir d'exemple.

Ce monument
les tours
II.

en basalte noir, dont

couronnement rappelle

tages, contient le rcit des victoires de Salmanasar

On
est

peut en

fixer la date environ l'an

860 avant

J.-C.

Il

accompagn de
sentent
le roi

bas-reliefs

du plus haut

intrt, qui repret les prsents


est

Salmanasar recevant l'hommage

des rois vaincus ou tributaires.

Chaque prince
voit dfiler

accompa-

gn des produits de son pays.

On

successivement

des lphants, des chevaux, des chameaux, des antilopes,

des singes gants tenus en laisse.

Au second
roi;
fils

registre,

un
lit

personnage
la

est
:

prostern devant

le

au-dessous, se

lgende

Jahoua hin omri, Jhu


les

dOmrir. Derrire
juifs

lui,

on remarque

nez fortement recourbs des


d'oi*.

qui

portent des barres d'argent et

L'inscription, qui est


l'on

en caractres trs nets, appartient ce que


appeler l'poque classique de l'assyrien.

pourrait

partir de ce

mo-

ment,

l'criture assyrienne n'a plus

gure chang.

l'origine,

l'criture

cuniforme
elle est

tait idogj'aphiqiie;

mais de trs bonne heure

devenue en grande partie


fait

syllabique. L'criture assyrienne ne

plus gure usage

des idogrammes que pour les


toutefois

noms

propres. Elle diflre


est essentiel
:

du chinois en un point qui


une langue

tandis

que

le chinois est

isolante, o tous les

mots sont

.-^'^'tll-'

,.,:,

tui-r; -.Y '"' '^n V T 4]rt

'j'un-

..

-F-iuu.-ji,

fer.ii=-.

i'ir'Wr''-'''"i'"'

''
;
':

tBt*r)<->

"'^tH^'-

'^r

'',",',

,,

,, ,^,

'.'J"

|K!-.rMj. -^xi.'-i

T.iw.vi'-i

t'.ir'.'l.
,.,/

':!"J'-,

phMy<./.-;.v;!.T,w./f Iw

VV'-"'

-r-J>';'.

-l-.f/r '
/'

OBELISOUF^ DE

NIMROUD

l5CRITURE CUNIFORME.
des monosyllabes, l'assyrieii,

69

comme

toutes les langues s-

mitiques, est une langue flexions, o les mots peuvent


avoir plusieurs s\llabes.
11

en

est rsult

que, lorsqu'on a

pris les signes idographiques

pour en

faire des signes

pho-

ntiques, on a donn chaque caractre, par un procd

analogue celui que nous avons rencontr dans l'criture


mexicaine, non pas
la

valeur du mot entier, mais


loi'squ'il

la

valeur

de

la

premire syllabe du mot,

en avait plusieurs.
les

On

a ainsi obtenu des signes

non seulement pour

syllabes simples, formes d'une consonne et d'une voyelle,

mais pour toutes

les syllabes

complexes, c'est--dire for-

mes d'une voyelle

et

de plusieurs consonnes. Les syllabes


:

complexes, leur tour, peuvent s'crire de deux manires


soit

en dcomposant

la

syllabe

complexe de faon en
la

faire

deux syllabes simples, dont

seconde commence

toujours par la voyelle qui termine la premire, soit au

moyen d'un

caractre spcial rpondant la syllabe

com-

plte; c'est ainsi


seul caractre
tres
:
:

que

la syllabe

dur pourra s'crire par un


la

chtr,

ou bien par

runion des deux caracpas un jour

du-itr.

Qui

sait

mme

si

l'on n'arrivera

reconnatre que, dans certains cas du moins, les caractres

cuniformes ne rpondaient pas dj des sons simples,


c'est--dire des lettres
?

On
de

trouvera plus loin

la liste

des syllabes simples, suivies

la srie

des formes de plus en plus archaques d'o elles


liste

drivent.

La

des syllabes complexes est beaucoup plus


dj-esser,

longue
cit le

et plus dillicile

cause de la multipli-

des valeurs de chaque signe. Ceux qui voudront avoir

tableau de leurs valeurs les plus usuelles en assyrien le


\

trouveront dans

Histoire ancienne

de AL Maspero; ceux qui

dsireront pousser cette tude plus loin devront consulter

70

PREMIRE PARTIE.
de
^I.

le Syllabaire assyrien

Meiianl^^^, qui a besoin d'tre


et

complt par

le

Tableau compar des critures babylonienne

assyrienne, dress
les

par

MM. Amiaud
^-\

et

Mchineau d'aprs

dcouvertes de M. de Sarzec

Cette multiplicit de
Il

valeurs se retrouve
faut pas croire en

mme

dans

les syllabes simples.

ne

efl'et

que chaque caractre et, ds que

l'ori-

gine, la valeur syllabique unique

lui attribue l'assyrien

moderne. Presque tous ces caractres avaient des valeurs


multiples, dont l'assyrien

mme

ne

s'est
fait

jamais affranchi,

malgr

la simplification qu'il

leur a

subir.

Une des
assvrienne

principales difficults de l'criture cuniforme


rside

dans l'emploi simultan de


il

caractres

idographiques et syllabiques; car

arrive

constamment

qu'un

mme

caractre peut se prononcer de diffrentes


lui assigne

manires, suivant qu'on

sa valeur
il

phontique

ou l'une des valeurs idographiques dont

est susceptible.

La

difficult serait inextricable

pour

les

noms propres,

qui

s'crivent souvent d'une faon purement idograpliiquo,


si,

ct de cette criture
ils

tymologique, on ne trouvait

d'autres textes o

sont crits d'une faon

purement
est

plio-

ntique. C'est ainsi

que

le

nom
:

de Babylone

rendu en

gnral par les trois caractres

Din

tir

ki

'''

Menant, Syllabaire assyrien (Mmoires prsents par dirers savants


,

l'Acadmie des inscriptions


la

"

S('ric

t.

\\l

Paris

8Gf)-i

878 )

ol

Manuel de

langue assyrienne
<''

Paris, Imprimerie nationale, 1880.

Paris, Leroux, 1887, in-8". Voir aussi Aboi et Wincklor, Keilschriftlexle


bei Vorlesungen, Berlin,

zum Gebrauch

1890,

in-lol.

CRITURE cuniforme/
mais, sur d'autres textes, nous
le

71

trouvons crit phonti-

quement

Ba
l'exception

hi

lu

du dernier signe, qui


le

est

idographique.

De mme,

nom
:

de Nabuchodonosor est crit tantt

idographiquement

Ati

pa
:

- sa

du -

sis

tantt

phontiquement

^^T
Afl

r:: rii
bi

ni!
-

:n
-

tzrjj ^<j
-

uv

lu

du

ur

ri

^
u
,

i>-g
-

su

ur

Une

autre didicult, rsultant aussi de l'origine idogra-

pliique de l'criture assyrienne, consiste en ce qu'un

mme

caractre a souvent plusieurs valeurs syllabiques, et que, r-

ciproquement, plusieurs signes diffrents peuvent rpondre


au

mme
Afin de

son.

On

appelle les premiers pohjpJiones

les se-

conds homophones.

mieux

faire saisir
ici

au lecteur

le

gnie de cette

criture,

nous donnons

le

tableau des signes les plus

usuels des syllabes simples dans l'criture assyrienne, avec


leurs formes correspondantes dans le babylonien

moderne,

dans l'criture archaque, enfin dans les inscriptions linaires


des premiers
^''

monuments chaldens (').


ce tableau l'aide
et

Nous avons dresse

du

SijJlahnire

de M. Menant

et

du

Tableau compar de

MM. Amiaud

Mechineau. On a

utilise'

autant que posle travail

sible les caraclrcs line'aires

gravs par llniprimerie nationale pour

de M. Menant. Toutefois ceux qui taient devenus insuflisanis par suite des
dei'nires dcouvertes ont t remplacs.

72

PREMIRE PARTIE.
TABLEAU COMPARATIF DES SYLLABES SIMPLES.
VALEUR
isimvitp:.

BABYLONIEN.

archaque.

LINEAIRE.
SVLLACIQLE.

If

ba

<<I
bi

MA
I

K>y

bu
ab (ap)

y-ww

ib (ip)

>t'
tlTIfc

ub (up)

si

H
H*I
TT^TT

S"
(la

(la)

di (|i)

(lu

(lu)

ad'(at)

rlx^I

1^11^^^

=^"-J

i(l

(il)

CnirURE GUNIi[FORME.
VALEUR
KlMviTr:.
B.\uvLo.Ml;^.

73

AUCIIAIQUE.

i,im:aii!i;.

SYI.I.ABIOLE.

tl

o
<
<I-J^TT

ud

(iil

4-1
m~ ^
<

ah

za (sa)

---::

zi

'<<

=TI

Jif

Zll

az (a, as)

fr

iz

(is, is)

:T

::-H
n
ff<

::Mi
<I<

HZ (us, us]

w<

ha

A
-Kl
-kl

O
hu

7'i

PREMIRE PARTIE.
VALELR
MMVlTi:.
l.VBYLOMEN.
AIICII.VIQL'K

L1>KAIRE.
SYLLADIQLE.

^-ffl-

<-M

cr^

^ ^
^

ail

ka

ki

ku

ak (ag)

^n^

'Ki:
Uk{u{r)
i:T

^V

-S
5!
:::rT:i

^
ffi

la

li

lu

-m
:r;:v[T

al

il

<->

ul

CRITURE CUNIFORME.

75

M.MVlTi:.

BABYLOMEN.

ARCHAQUE.

LINEAIlK.

VALEUR
SVLLAUIQIE.

:I

ma
mi

(va)

c;

(vi)

H
^'

me

>^^

mu

(vu)

:=4

JA
=10

>-^-<

^I

na

>-w-

^
X
'/

[>

ni

ne

nu

-*u>

an

"^^V ^^Z^
<*<

in

en
ii
iff

=Tff

^ttf>

un

76

PREMIRE PARTIE.
VALKUR
SYI.I.lniQUE.

MMVlTi;.

BAIULOMEN.

ARCnAlQLK.

linkaihe.

m
r
S
-T^

sa

se

^0
pa

pi

pu

si

T>

:E

su

I-

n
ri

>!
'P

CI

^
-/\$>

ra

^fT

ru

l'XRITURU CUNIFORME.

77

VALELR
M.MVITE.
BABVLO.Mi;>.

AKCHAIQL'E.

LI.NEAIUK

SILLAIIKHE-

<KIM
WT-

^ "^

ai"

ur

TT y

[>

sa

!<'

se

M]
=1!

^
<
-

<

es

W
I

us

su

tB

ta

li

le

<<<<! <<<<:

r r

tu

78

PREMIRE PARTIE.
Les Assyriens ont cherch remflier aux iiiconviienls

de

la

])olvphonie par des complments phontiques

aprs

avoir crit

un mot au moyen d'un idogramme,

ils

en rcri-

vent la dernire syllabe phontiquement. Les complments

phontiques correspondent donc aux


cette didrence

clefs

des Chinois, avec

qu'au lieu d'indiquer entre plusieurs ho-

monymes quel
les

est le

bon,

ils

indiquent

la

vritable prononfait

ciation d'un signe idographique.

En

outre, on

prcder
signes

noms propres d'hommes, de dieux ou de pays de


devant

idographi(jues qui ne se prononcent pas. Le clou verlical y se place


les

noms d'hommes,
le

le

signe
les
le

>^y- de-

vant les

noms de dieux,

signe

^
il

devant
dsigne

noms de

pays. Ainsi, le

nom
il

d'Assur,

quand
JJ;

grand dieu

des Assyriens, s'crit h-^le

>-

s'il

dsigne, au contraire,

pays d'Assyrie,

s'crit

*^^

T^c'est la syllabe;

En somme,

l'lment fondamental de l'criture cunin'est pas le

forme assyrienne

mol,

par ce

ct, cette criture

marque un progrs
avec

rel sur le chinois;

mais
le

il

faut reconnatre qu'elle tait


et
le

peu compatible avec


constantes

svstme des flexions

les modifications

qu'elles

amnent dans

corps des syllabes.

CRITURE PERSK.
L'criture cuniforme assyrienne n'a pas eu en Assyrie de
ces altrations fcondes qui se prtent aux transformations

du langage

et

donnent naissance de nouvelles formes de


morte sans
s'tre

l'criture; elle est

sensiblement modifie.

La cause principale de

cette immobilit doit tre cherche


s'est

dans rap[)arition de l'criture ai'amenne, qui

dvelop-

pe en !\lsopotamie l'poque o l'criture cuniforme aurait

pu

se transformer.

A cause de

sa sinq)licil, l'alphabet ara-

EGIUTURE PERSE.
nicii s'est subsliLuc rci'itiu'e

70
la corres-

cuniforme pour
le

pondance,
trats,

les pices

de chancellerie,
les relations

commerce,

les con-

en fjnral pour

des

hommes

entre eux qui

exigent une criture plus simple, plus rapide. L'alphabet

aramen
celle

est

devenu

l'criture cursive

de toutes ces contres,


c'est

qu'on employait sur papyrus; or

l'usage de la

plume, ou du calainc, qui amne


j)rofondes

les modifications les

plus

dans

l'criture.

L'criture

cunilorme

semble
brique.

n'avoir t usite

que pour

crire sur la pierre


vm*^ sicle

ou

la

Mais

si,

partir

du vu" ou du

avant notre re,

l'cYiture

cuniforme n'a plus eu de dveloppement orga-

nique,

elle a t

emprunte par d'autres peuples qui

s'en

sont servis en la modifiant plus ou moins piofondment. Ds

une poque recule,


de
la

elle fut

adapte aux langues de

la

Mdie,

Susiane,

derArmme,

contres qui taient en relations

constantes avec l'Assyrie dont elles taient les vassales.


ti'ouve de

On

nombreuses

inscriptions cunifonnesen ces diverses


difficile,

langues; mais l'intelligence en est encore

moins

cause de l'criture que de

la

langue, qui est mal connue.


les caractres

Les Perses, leur tour, ont adopt

cuni-

formes, en leur faisant subir une transformation beaucoup


plus profonde.

Au

vi*'

sicle,

quand

les
le

Perses sous Cyrus

eurent renvers l'empire babylonien,


se prsentait

nouvel empire, qui

comme

le

successeur lgitime des Ghaldens,

s'appropria l'criture des vaincus, qui tait en quelque sorte


l'criture oficielle,
le caractre.

mais non sans en changer entirement

Les Perses prirent au systme cuniforme babv-

Ionien un certain

nombre d'idogrammes, d'o

ils

tirrent

trente-six caractres

alphabtiques, destins rendre les

articulations de leur langue^'l


''^

Oppa-t, Journal asiatiqi , fevrier-niars 187^1,

]).

a38--2^o.

80

PREMIRE PARTIE.

ALPHADE PERSEPOLITAIN.

1>-

GU

s.

VAL Lin.

F G L U E S.
1

VALEL

1!.

m
<rr

I<=

m(i)

^/^
=<

m(u)
ii(a, i)

I^
<!

k(a,i)

:=

n(u)
r(a,
i)

'

k(u)
8(3'
i)

<H-

El -
^1
I<"^I

r(u)
1

\^
II
=ItI

{]:(")

kh
t(a,i)
l(u)

v(a, u)
v(i)

mn

ft

d(a)
d(i)

r
<<

SU
<EI
<l

ch
tch

d(u)
Ih

M"
I~I

W
=T

P
b

-I<
-<=
<=< H

{|j(a,

u)

dj(i)

K<
-Iil

h
thr

m (a)

CRITURE PERSE.

81

Ainsi est dc le systme cuniforme aryen, le plus simple

de tous

et celui

qui a t

le

premier

dcliiflV.

Les Perses avaient-ils eu, ds cette poque, connaissance

de l'alphabet par
a-t-elle exerc

l'criture

aramenne,

et cette connaissance
la

une influence indirecte sur

formation de

leur criture, ou bien faut-il y voir


le

un nouveau pas dans

progrs qui, en assyrien dj, tendait simplifier de plus

en plus l'criture cuniforme? Le grand nombre de voyelles

que possde

l'criture

cuniforme perse nous


Il

fait incliner

pour

cette

seconde explication.

semble

qu'il y ait

eu

une cration analogue

celle qui a fait sortir l'alphabet des

hiroglyphes gyptiens. L'criture perspolitaine nous apparat

comme

l'uvre de l'esprit aryen mis aux prises avec

une criture idographique cre pour des peuples d'une


autre race.

L'analyse de l'inscription des portes de Perspoiis, qui


a t l'objet des premiers essais de dchiffrement des inscriptions achmnides,

montrera toute

la distance

qui sla stle

pare l'criture perse des anciens hiroglyphes de


des vautours
:

H
D
-

B) K- -I
m
-

<=

r<

\ ]]
.

r<

m K~ KT
ija -

Kya

\
.

ya

ou-ch

Kh

ch-

Dari us

roi

lE
va
-

!~I

ET
-

]=^ \ ri
ka
.

r<

K-

W
B -

K~
-

\ !I
.

<<
ch

za - r

Kh

ch - - ya

ya

Kh

grand,

roi

82

PREMIRE PARTIE.

K^
ya

Kl
- 6
-

TT
i

K^
-

m
-

^<
Il

m ^M
-

\1iu<< ^Trl tTt E F-t-cA-i-a-s


.

des rois,

d'Hystaspe

E <^< Kpu
Il

m\^
-

<rt

\ <=< IT
.

-!tI
-

=<
-

<< T

p-ou-Bra
fils,

lia - kh - a

ma

i-ch-i-

Achninide.

/a

ya

ma
cette

la - tcha - ra

-m

a-

qui

salle

K iu
h
-

-< iu
na
-

<<

ou

ou -ch.

fait.

L'criture cuniforme perse est en ralit

un alpliabet m-

lang de quelques signes syllabiques. Elle est l'criture assyrienne peu prs ce qu'est le japonais au chinois. Mais
(l'une part, elle a su conserver
si,

une simplicit

et

une

clart

dont

s'est

carte l'criture japonaise, d'autre part, elle n'a

pas su s'airanchir des formes pigraphiques de l'ancienne


criture cuniforme. Cliaque lettre
petit

manque

d'unit, c'est

un

ensemble form par

la

juxtaposition d'lments diff-

rents, qui n'est pas sans analogie avec le systme d'criture

invent par Braille T usage des aveugles. Aussi cette tentative est-elle reste isole. L'criture

cuniforme perse

s'est

teinte avec l'empire aclimnide.

CIUTIRE PERSE.

83

INSCRIPTION DE XERXS, GHOLRAB.

M
m

<T

<<

:^TiT

:^I

<T-

=<

-IT

\ <:=< K- \

tT

-Ii!

^h \

^ <rr r<= -Til \

f?

\ <=<

T<-

\ fn

^13

^il N

13

-ItT

:=<

-IiT \

fi

i!

\ <-<

I<-

\ -liT

3r

^TT

H\

^hl \

iT

n
=^IiT

\ <=< K- \

<<

K\

^M

H! \
<<

f?

,T 3

T<-

<^<

T<-

<=< K- \ TT
-tTT

T<-

3T

<<

-h] \ TT

<<

T<-

T<T

T<-

<T

<rr

=<

<7 << \

-T3
\

-TiT

^ -
-TiT

<i7

=<
f

-iT \ TT

<<

Tf

T<T

T<-

-TiT

-T^
^TiT

<rr

^<

-TiT \

T 3T
<<

-TiT

=TtT

3T
Tf

^TiT

\ TT

<<

T<"

3T
<<

TT

<<

T<T

T<-

-T3
T<-

T-T

3T
r

T= \ TT

<T- T<T

T<-

\ TT

<<

T<-

T<T

^<

-TiT \ TT <<

T<"

T<T

T<-

<=<
\

T<" <7

=<

-TiT \

n
T<-

-
\
r

-TH \ T-T

:^<

M
=T

-TrT

TT

<<

T<-

T<T

<=<

T<-

T<-

<i7

T<=

T<-

-T3
r

T-T

3T

T=

T<-

\ <ET <r7 HT
\ I<-

T<"

T<-

3T n
>

T -TH <^<

<7

<:<

\ TT

<<

H]

I<-

<-<T<"

<rr

<=< TT

-TrT :^< << ]<- \

{Journal asialique

avril-niai-juin

i84o

plaulie II, u

IX, ligues

ii

iC.)

84

PREMIERE PARTIE.

CHAPITRE

VI.

CRITURE CYPRIOTE.

Non

loin de la cte de Syrie,


,

dans

l'le

de Chypre, nous

trouvons une criture syllabique d'origine certainement asiatique, Y criture cypriote, qui a longtemps exerc la sagacit

des savants. L'le de Chypre a t de tout temps


lieu de rencontre de l'Orient avec l'Occident.
est

le

grand
s'y

La Grce

trouve en contact direct avec les influences asiatiques;

aussi est-ce

un des

points o l'on peut le

mieux

saisir la

p-

ntration des lments orientaux dans la civihsation hell-

nique.

Les inscriptions de
mlange.

l'le

de Chypre portent

la trace

de ce

On

y trouve des inscriptions phniciennes, stricte-

ment
lie et

limites au petit

royaume phnicien de Citium,


un autre caractre propre
criture cypriote.

d'Idain-

de Tamassus, des inscriptions grecques, enhn des

l'le

scriptions traces avec

de

Chypre, qu'on appelle

La plus importante

des inscriptions cypriotes est une inscription sur bronze, d-

couverte Dali, l'ancien Idalion, et donne par

le

duc de

Luynes
par

la

Bibliothque nationale. Elle a

trait

au rle jou

la ville d'Idalion

pendant

les

guerres mdiques. D'autres

inscriptions

bilingues, phniciennes et cypriotes,

dcou-

vertes depuis, sont venues clairer certains points de l'histoire

de Chypre.

Jusqu' ces dernires annes, l'criture cypriote lait


reste impntrable.

On

s'obstinait vouloir expliquer les


\}\\q

inscriptions cypriotes l'aide des langues smitiques.

ECRITURE CYPRIOTE.

85

inscription bilinj^Lie, phnicienne et cypriote, vint aider

leur tlchillVemenl.
articles consculifs

On
de

])eut

en suivre

la

marche dans

trois

MM. Hamilton Lang, George Smith


les

et S. Birch,

parus en 1872 dans


'^^K

Mmoires de

la Socit

d'archologie biblique

Le

travail

de George Smilh

tait d-

monstratif. x\nalysant les dsinences de certains

mots plus

facilement reconnaissablcs,

il

prouva que

le

cypriote cachait

un

dialecte grec crit en caractres syllabiques.

Les hellnistes hsitrent d'abord entrer dans cette voie.

Du

grec en caractres syllabiques d'origine barbare leur

paraissait
l'vidence.

une monstruosit.

Il

fallut

pourtant se rendre

MM.

Brandis, Moritz Schmidt, Ahrens, Deecke,


le

Siegismund, Bral, prirent en main


inscriptions cypriotes,

dchiffrement des

qui rentrrent dsormais

dans

le

domaine des tudes grecques. Grce leurs travaux ^'^^ on


connat aujourd'hui
les

valeurs des diffrents

caractres

cypriotes, et leur lecture ne prsente plus gure d'autres


dilliculls

que

celles

qui rsultent du

mauvais

tat des

textes

ou de

l'aspect trange

que ce dguisement donne

un

dialecte grec Cjui

nous
offre

est

par lui-mme peu familier.

Le cypriote nous

donc l'exemple tonnant d'une

criture syllabique qui a vcu cte cte avec l'alphabet

grec et l'alphabet phnicien dans


n*^

l'le

de Chypre, jusqu'au

sicle

avant notre re, et dont des populations grecques

ont continu se servir concurremment avec l'alphabet,

une poque o Platon


phabet grec
^'^

et Dniostline avaient fait

de lal-

l'criture

du monde

civihs.

Transactions of the Society of Biblical Archologj/,

t.

I,

1872,

p,

116-

138, 129-1/1/, 1^5-172.


''^

Voir xMaspero, Histoire ancienne, k d., p. 72/J-728; M. Bral, Journal

des Savants, aot et septembre

1877.

86

PREMIRE PARTIE.
L'inscription bilingue
^'^

que nous reproduisons

ici

don-

nera une ide de

la

faon dont les Grecs ont adapt cette

criture leur langue et des altrations qu'elle lui a fait

subir

Au jour

XVI
.

du mois de

faalot,

en Tan-

ne XVII.

du

roi
:

Melekjalon, roi de Kic'est ici la statue

tion et (Tldalion

qu'a donne Ab-

dsasam,
lhits;

fils

de [Palajs, son Seigneur Rosef Equ'il avait fait,


!

vu

parce qu'il a entendu

sa voix. Qu'il le bnisse

^''

VV,

Wright, P. Le Page Renonf


,

et

Ph. Berger, Proceediffs of the Soc.

of Biblical Archol.

dcembre i886,

Cvrior et innrs

1887.

Cf.

Ph. Berger,

Comptes rendus de l'Acnd. des insc riplions ,

1887.

p.

187-198; Clerinont-

Ganneau

ibid.

p.

yS-a

CRITURE CYPRIOTE.
a-ti-ri-a-se
lic-ne

87

o-mi lo-ne-to-

A{y]Spi5 o vv tov eScoxev K'i^.crwiiQ

a-pa-sa-so-mo-se o sato-i

2atji

ma-fo-se

a-po-lo-ni to-i
tu--)(/i-i.

(xaFos

7Ji

AttSXwvi

a-la-hi-o-ta-i in

WoLfjJTxi. \v Tyjxi.

La langue de

ces inscriptions est le dialecte olien, avec

des formes grammaticales se rapprochant beaucoup de Tarcadien. Les inscriptions cypriotes connues ne remontent pas

au del du

vi*^

sicle;

une des plus anciennes

est

une

petite

inscription bilingue, grave sur


lions, qui est au

un

socle support par


:

deux

muse du Louvre

(t\)^
Il

(A^C'

KAI>V EMI

est trs

probable que l'criture cypriote remonte beauet

coup plus haut,

que, avant d avoir t adopte par

les
l'le

Grecs, elle tait l'criture des anciennes populations de

de Ghvpre. Durant
connatre,
la

la

priode que les inscriptions nous font


trs

forme des caractres cypriotes a

peu

vari.

M. Bral en a dress un tableau que nous reproduisons la page suivante, et auquel il n'a t apport depuis lors que peu de changements
(').

Quelle est l'origine de l'criture cypriote? La lumire


n'est pas encore

entirement

faite

sur ce point. M. Deecke

^'-^

avait cherch l'expliquer par l'criture cuniforme, dont


elle serait

une simplification,

et

son systme avait trouv


les civili-

bien des partisans. L'influence de l'Assyrie sur

sations de la cte de Syrie a t trs considrable; elle se


faisait

mme

sentir jusqu'en Asie Mineure. Rien ne serait


l'ile

plus naturel que d'en trouver un prolongement dans


^''

Voir pouilant plus loin, p.

1 1 1

Pt

1 1

2.

'-'

Der Urspnoig der Kijprischen

Sijlbenschrijl ,

Strasbourg, 1877, in-8.

88

PREMIRE PARTIE.
liittites

de Chypre. La dcouverte des inscriptions

semble

avoir battu en brclie cette explication. M. Sayce^^^ a runi

toute une srie de caractres hittites qui prsentent une analogie singulire avec le syllabaire cypriote et invitent en

chercher dans cette nouvelle direction la vritable origine;

M. Deecke lui-mme

s'est ralli cette

manire de

voir^^^.

En

tout cas, le syllabaire cypriote se rattache au courant


si-

de simplification que nous avons vu se produire presque

multanment dans

les

anciennes critures idographiques,


:

et d'o est sorti l'alphabet

ces critures se condensent et

tendent une expression de plus en plus simple des formes

du langage; mais en
limites nationales
et

mme

temps

elles franchissent leurs

s'emparent de certains pays qui ne

possdaient pas encore l'criture, et font sentir leur action


sur des critures dj constitues.

Qui
traits

sait

mme

s'il

ne faut pas expliquer par


lycien et

l certains

du carien, du

du phrygien,
le

ces alphabets

usits

en Asie Mineure, grecs pour

fond, mais mlangs


le

d'lments trangers, et dont on n'a pas encore pntr

mystre? Nous y reviendrons propos de


phabet.
(i)

l'histoire

de

l'al-

\\i

Wright

et A.

1886,

p.

177-198.
II.

917, appendice

Schliemann, Les
loin
,

H. Sayce, The Empire of

the IlitMes, 2' dit.

London

Ilios, traduit

par M"" E. Egger, p. 901par A. H. Sayce,

inscriptions trouves Hissarlik,

Paris, Didot, i885.


'^'

Deecke
et

Bczzenhergcr's Beitrge zur Kunde


p.

(1er

ndogerm. Sprachen , IX

p.

200

25i. Voir plus

111

et

12.

CRITURE CYPRIOTE.
ALPHABET CYPRIOTE.

89

Voyelles

^
i'

on

Gutturales.

A A
k, klu^ kc. kli, gu

ki

khi

gi

ko

kho

go

kii

khii

eu

Dentales
ta
,

I(ha
,

T
(la

le, th, (le


le
,

ti

thi

di

lo

Iho

ilo

lu

llm

(lu

tb

de

Labiales
[>a
.

pha

ba

p
p"
,

plii

bi;

pi, ptii

bi

po

pho

bo

pu

phu

bu

plie

M
N
L

V
nii
IllO

X
'i'
n
,

T
lia

i
ni

ne

no

8
la

+
hli

(^

l,

lo

R
V (digamma).

2
ra r
.

X
r

ro

X
\a
vc
,

)'(

y,

Set H

V Y
t|

'5 <?

;!K

X
z

JJ

Signe de ponctuation

Signe de

nume'ration

90

PREMIKRE PARTIE.

CHAPITRE

VIII.

ECRITURE EGYPTIENNE.
De
s'est le

tous les systmes hiroglypliiques, l'criture gyp-

tienne est,

malgr sa complication apparente,

celui

qui

plus rapproch de l'criture alphabtique, et, par un


c'est celui

phnomne trange,
de puret
la

qui a conserv avec le plus


ses hiroglyphes. Elle pos-

forme primitive de

sde, en outre, une littrature trs tendue, qui s'tale sur


les

monuments de

l'Egypte, sur les bandelettes de toile de

coton qui enveloppaient les

momies

et sur des

papyrus

in-

nombrables.
l'criture,

On

peut

y suivre toutes les transformations

de

depuis les hiroglyphes, dans lesquels on recon-

nat encore sans

aucun

effort les

idogrammes

primitifs,

jusqu' l'criture hiratique et l'criture dmotique, qui

en sont des altrations de plus en plus cuisives.


Aussi, de toutes les critures orientales, est-ce la premire

qui ait fix l'attention des savants. Pendant bien longtemps

on
la

fit

fausse route en cherchant dans cliaque hiroglyphe

peinture d'une ide, et Ton construisit de toutes pices


la fantaisie jouait le

des systmes o

plus grand, rle et qui

taient bass sur des ides prconues ou sur les quelques

indications donnes en passant, et souvent

mal comprises,

des auteurs anciens.

Les choses en taient restes


d'Kgy])te vint apporter de

l,

lorsque l'expchtion
la solution

nouveaux lments

du problme. Bonaparte, qui

avait le sens de ranliquit,

CRITURE GYPTIENNE.
avait
les

91

emmen

avec

lui tout

un tat-major de savants, dont


une

travaux ont abouti la Description de l'Egyple, magnifique

ouvra[Te dans lequel parurent pour la premire lois

quantit de textes hiroglyphiques nouveaux. C'est au cours

de ces recherches qu'en 1799 un officier d'artillerie nomm Boussard dcouvrit la clbre inscription de Rosette, aujourd'hui au Dritish Musum, qui a fourni Ghampollion
la clef

du

dcliilTrement des hiroglyphes.

Nous

la

publions

d'aprs
faire

un moulage que M. Le Page Renouf

avait bien voulu

excuter pour l'Exposition de l'Histoire du travail.

Cette inscription, rdige en trois critures, hiroglvphique,

dmotique
les prtres

et

grecque, est un dcret solennel rdig par

en l'honneur de Ptolme V.

Un

passage de

l'in-

scription grecque tait de nature guider les recherches

des savants

et

les

empcher de

s'garer.

Il

y est dit

que

cette inscription est crite

en criture sacre, en criture

populaire et en criture grecque.

M. Maspero, auquel nous empruntons

ces dtails, a exl'histoire

pos de main de matre, dans son Histoire ancienne,

du dchilTrement des hiroglyphes,


de l'criture gyptienne ^'l

ainsi

que

les principes

Ds 1809,

Silvestre de Sacy, s'attaquant l'inscription dr-

molique, y reconnut des groupes de signes qui devaient

pondre aux noms de Ptolme, de Brnice


fournis par le texte grec

et

d'Alexandre,

du dcret de

Rosette. Presque en

mme
essai

temps, un Sudois, Akerblad, donnait un premier


de traduction de l'inscription dmotique, dans la-

'''

Histoire ancienne des peuples de l'Orient, k' dition


p.

Paris, Haclielle,

1886,

728-744. Nous avons

aussi profit de l'Uide de

M. Devria sur
de

l'criture jryptienne, qui se trouve insre

dans

les Ecritures figuratives

M. de Rosuy (Paris, 18G0).

92 quelle
vint
il

PREMIERE PARTIE.
avait devin
la

une criture alphabtique,

et

il

par-

dterminer

valeur de la plupart des caractres

de l'alphabet dmolirjue gyptien. Peu aprs, l'Anglais Th.

Young
11

entreprit de dchiffrer l'inscription hiroglyphique.

passa quatre ans analyser les groupes dont elle se


les

com-

pose et
enfin, en

comparer

ceux de l'inscription
les rsultats

dmotique;

1819, appliquant
reconnut

de son tude aux

cartouches royaux qui rpondent aux


et

noms de Ptolme

de Brnice,

il

l aussi,

avec une merveilleuse

pntration, certains lments alphabtiques; mais sa

m-

thode, trop peu rigoureuse, ne


del.

lui

permit pas d'aller au

Champollion reprit son tour

le

problme. Franois
le

Champollion, qu'on appelle Champollion


distinguer de son frre an

jeune, pour

le

Champollion -Figeac,

s'tait

dj

fait

connatre par les premiers volumes de son grand


les

ouvrage sur l'Egypte sons


i8j A
et

Pharaons, parus de 1811

dans lesquels
gyptienne,

il

avait tabli

que

les trois

systmes

d'criture

hiroglyphique, hiratique et d-

motique, n'taient que des formes successives, de plus en


plus cursives, de la

mme

criture.

Aprs avoir cru pen-

dant assez longtemps que


des sons,

les

hiroglyphes rpondaient non


il

mais des ides,


il

entra dans la voie o


ses

Young

s'tait arrt, et

russit

dcomposer dans
,

lments
la

le

nom

de Ptolme
:

suivante

p, -

t,

(jifl^^^P ^ 0, ji^ l, ^=

qu'il

l"t de
i,

faon

m, \\

s; puis les

noms
de Brnice

f^ p^

et

d'Alexandre

(\ ^^ -^

^7 ^ ^J

BPNIKE

AAKZANTPZ

CRITURE GYPTIENNE.
K

93

L'tude d'un cartouche de l'oblisque de


l'ilc

de Phil, ddi

Cloptre, lui livra le


et lui

Yf^

nom

de cette princesse
les

prouva du

mme
lire

coup que

hiioglyphes pouvaient se

tantt horizontalement, tantt de haut en bas,

)^
La
Lettre

en suivant

le

sens gnral de l'criture.

M. Dacier relative ralphahet

des hiroglyphes pho-

ntiques (Paris,
la

1832,

in-8)

fit

connatre au

monde

savant

dcouverte de Chanipollion. Deux ans aprs parut son

Prcis de systme hiroglyphique, qui apporta la confirmation de

ses premiers dchilrements.

11

y appliquait sa

mthode non

seulement

d'autres
il

cartouches royaux, mais des textes


la

courants, et

dmontra que
et

mme

rgle convenait aux


al-

uns

et

aux autres,

que

les

Egyptiens possdaient un

phabet, c'est--dire un ensemble de signes rpondant non

pas des syllabes, mais des articulations


ainsi jeter les bases

isoles.

Il

put

de la grammaire gyptienne et recon-

natre dans la langue des hiroglyphes la l'orme la plus an-

cienne d'un dialecte dont la langue copte


nier terme.
tait

marque

le

der-

dater de ce

moment,

la science

gyptologique

fonde, malgr les oppositions et les animosits, qui

sont le sort de tous ceux qui s'cartent de la voie battue,


et

qui n'ont pas cess de poursuivre Ghampollion jusque


la

dans

tombe.

Il

mourut en i832,

l'ge de

kk

ans.

Depuis

lors, l'gyptologie est entre

dans

le

concert des

sciences philologiques, et notre sicle a vu une grande cole

d'gyptologues, de tous les pays de l'Europe, marcher, sans


hsitations et sans reculs,

une intelligence toujours plus

complte des

textes.

Nous ne pouvons nommer tous ceux

qui ont contribu porter ces tudes au degr de cerli-

9a

PREMIERE PARTIE.
il

lude qu'elles ont aujourd'hui; mais

nous faut

citer les

noms
en

des vtrans de la science gyptolofjique dont les trala

vaux ont consacr

mthode inau({ure par Champollion

llalie, Salvolini et Roselini;

en Angleterre, Birch; Lepest

sius en

Allemagne; eu Hollande, M. Leemans, qui

un

des survivants de cette premire poque; en France, enfin,

Charles Lenormant, Nestor de l'Hte, et surtout

Emmanuel

de Roug, qui a

fait

porter ses efforts sur l'tude des formes


les Ira vaux

grammaticales

et

dont

ont mis
les

la

langue gyp-

tienne presque sur le


(jues.

mme

rang que

langues classi-

En mme temps,

Mariette en Egyple crait le


la valle

muse

de Boulaq et soumettait toute

du

Nil des fouilles

mthodiques, qui ont t poursuivies, depuis sa mort, avec

un rare bonheur, par M. Maspero,


du vicomte de Roug.

l'lve et le

continuateur

CRITURE HIROGLYPHIQUE.
Ghanq)ollion divise
les

hiroglyphes en trois classes, qui

compremient
1

Les caractres

figuratifs;

2" Les caractres symboliques;

3 Les caractres phontiques.

Les caractres figuratifs sont ceux qui expriment

l'objet

mme

dont
:

ils

rep.sentent
/,

l'il l'iuiage

plus ou moins
iw>.,

abrge

la

lune

une montagne

'
-i.

un serpent

une

sandale |, un miroir ^, une fleur

Les caractres symboli(jues servent principalement ex-

primer
c[ue

les ides abstraites, qu'il n'tait possible

de rendre

par des images conventionnelles ou allgoriques. Les

caractres symboliques sont donc le plus souvent des ca-

CRITURE HIROGLYPHIOUE.

95

raclres figuratifs dtourns de leur sens primitif et plus ou

moins, modifis.

GrAce
l'art

la

perfection que les Egyptiens


les

avaient atteinte dans


ia ricliesse

de dessiner

hiroglyphes et

des renseignements fournis par des

monuments
sicles,
les

crits s'chelonnant sur

un espace de quarante

on

peut

saisir,

mieux que dans aucune autre langue,

pro-

cds au
et

moyen desquels on
les

a tir les symboles des images

en suivre

transformations successives.
plus simple et
le
:

Le procd
prendre

le

plus frquent consiste

l'abstrait

pour

le

concret

un

homme
,

genoux,

les

mains leves, *^, rendra

l'ide d'adoration;

une lampe
l'ide

sus-

pendue an plafond, ou une

toile

au

ciel 'JT

de nuit et
:

d'obscurit. Mais souvent le rapport est plus

complexe tantt
l'efTet,

on forme
exemple,

les
le

symboles en prenant
disque du
soleil

la

cause pour
l'ide
:

par

pour

de jour; tantt
dsigne
le

encore on les forme par mtaphore


roi,

l'abeille

un

ttard, des centaines de mille; ou bien par nigmes,

c'est--dire par des

mtaphores dans lesquelles

le

rapport

entre le signe et l'ide est trs loign, quelquefois

mme
1

purement conventionnel

la

plume d'autruche rend


plumes des
ailes

ide

de justice, parce que toutes

les

de cet ani-

mal sont

gales.

Un mme

signe peut donner naissance


->-

plusieurs catgories de symboles; ainsi l'il


1
la

signifiera

vue; 2 la veille; 3

la science.

Souvent on

laisse la figure sa

forme primitive; mais

d'autres fois on l'abrge et on n'en garde


sentielle;
la tte

que

la partie es:

on prend

la

partie
le

pour

le tout,

par exemple

de buf y pour

buf; deux bras, dont


fcl,

l'un tient
l'ide
l'cri-

un

bouclier, l'autre

une javeline

pour rendre
le

de combat; deux jambes en marche dans


ture

sens de

A expriment

l'ide

de progression; en sens inverse

/v,

96
l'ide

PREMIRE PARTIE.
de rtrogradation. D'autres
fois,

au contraire, on a

des symboles complexes qui sont forms de la runion de


plusieurs signes figuratifs.

Par ce ct, l'criture gyptienne ressemble aux autres


critures idograpliiques.

L o

elle dilFre, c'est elle

que, en

devenant une criture phontique,

ne

s'est

pas arrte,

dans l'analyse des lments du langage,


qu'elle a atteint
vi*^

la syllabe,
la lettre.

mais
la

presque du premier coup

Ds

dynastie, c'est--dire plus de 3,ooo ans avant notre re,

les

gyptiens possdaient vingt-deux articulations diff-

rentes, et se servaient,

pour rendre chacune


:

d'elles,

d'un

ou plusieurs signes alphabtiques

A
A ou A ou A
I

H
\

ra
I

1^
I

HouH^

--

X ou Kn
S
s,

ou F

-^
S% Su....

W
p

w
J

>

^
j

Q
G ou K

B ou V

mm

K
T

^
m.
t

^^
.^

DouT
I\-L
T',

"^

Ts, Dj...

La persistance des formes hiroglyphiques nous per-

met encore
de

d'entrevoir la faon dont sont nes les lettres

cet alphabet.

Le principe des hiroglyphes phontiques

fl

H
O
q.

o H

s U
en

CRITURE HIROGLYPHIQUE.
a consist attribuer certaines images la valeur de

97
la

premire
dans
la

lettre

du mot gyptien par lequel on


la

les dsignait

langue orale. Ainsi, par exemple,


la lettre l,

lionne j^a rele

prsente en hiroglyphes

parce que

lionne, en gyptien lab^ commenait par


l'aigle

nom de la une /; de mme


se disait aAowi,

figurait

un

a,

parce que
a.
Il

cr

aigle
est

mot qui commenait par un


doubles emplois,

en

rsult certains

mme

dans l'alphabet.

Les Egyptiens ne se sont jamais servis de ces caractres


l'exclusion de tous les autres.

ct de l'alphabet,

ils

em-

ployaient des signes syllabiques en grand nombre; mais,


ces signes syllabiques ayant le plus souvent,
rien, des valeurs multiples,
,

comme

en assy-

ils

ont t amens y adjoindre,

eux aussi une ou plusieurs lettres indiquant la pi'ononciation

du mot.

Ainsi, le signe de la syllabe am

|
le

suffit

pour expria
| -|-,

mer
ou
et

cette syllabe,

mais on peut

le faire

prcder d'un

le faire suivre

d'un m -j-^, ou

mme

placer entre un a

un M

11^,

sans que la prononciation de la syllabe am,

qu'on peut encore crire

|^,

avec

les caractres

alphabtrouvera

tiques seuls, en subisse aucune modification.

On

dans

le livre
fait

de M. Maspero

la liste

de ces signes syllabiques,

qui ont

de l'criture gyptienne l'une des plus savantes mais en

et des plus parfaites,

mme

temps des plus com-

pliques.
L'criture gyptienne nous apparat donc, contrairement
ce qu'on pourrait croire,

comme une

criture devenue

en grande partie phontique et

mme

alphabtique. Dans

ces hiroglyphes, qui ne semblent


et

composs que d'images de symboles, l'lment idographique occupe une place

trs part et relativement restreinte.

Nous ne trouvons pas

dans l'criture gyptienne

le

mme

mlange de caractres

98

PREMIERE PARTIE.

idographiques et phontiques qu'en assyrien. L'emploi des


hiroglyphes idographiques dans
le

corps des mots est

li-

mit quelques cas spciaux, principalement lorsqu'on veut

rendre par un seul signe certains mots rpondant des


ides d'un emploi trs gnral
:

l'ide

de vie

anlh, l'ide

de Dieu

"|

nuter.

L'idogramme, presque absent du corps des mots,


parat la fin sous la
le

re-

forme du dterminatif. Pour prciser

sens des mots, les Egyptiens ajoutent la fin


soit l'objet

un hirocaractre

glyphe reprsentant

lui-mme,

soit

un
se

commun
signifier

toute

une

classe d'objets, et qui

ne
lit

prononce
et

pas. C'est ainsi


soit

que l'hiroglyphe ^, qui


ccvieii,

se

ankh

peut

la

soit

l'cf

oreille n,

est

accompagn,

quand
J-^.

il

doit avoir ce dernier sens, de l'image de l'oreille

C'est

un dterminatif

spcial.

Au

contraire, le dter-

nnatif gnrique
la

2l ^^i reprsente un homme portant


se mettra la suite

main sa bouche,

de tous

les

mois

qui marquent un acte matriel de la bouche, ou une ide


abstraite

pouvant entraner
dterminatifs

cet acte
se

boire, crier, parler,

mditer. Les

mettent

mme

aprs des

mots
le

crits

d'une faon purement phontique. Par exemple,


pain, nous dit encore
:

mot

^(^,

M. Maspero,

se

com-

pose de deux parties

la

premire
et

^^,

phontique, est
^, q;

forme du syllabique "^j aq,


la

de son complment

seconde <^ reprsente

l'objet

mme, k

pain.

Les dterminatifs sont trs nombreux

et trs varis. Ils


difi'-

sont emprunts au ciel et la nature, l'homme, aux


renles parties

du corps, aux animaux,

tous les produits

de l'industrie

humaine. Pour en donner une ide, nous

empruntons

M. Maspero

la liste
:

des principaux

dter-

minatifs tirs de

l'homme

CRITURE HIKROGLYPHIQLE.
a^

99

L'homme

et la

femme

ordinaires.

J 7B
norables.

^^^ dieux,

les anctres, les rois, toutes les

personnes vd-

^ ^ ^
'^
j
'

Toutes

les actions

de

la

bouche; 2 de

la

pense.

Le repos,
J^

la tranquillit', la faiblesse.

L'adoration.
L'impie'le', le

1
1

crime; 9 l'ennemi.
2
l'exaltation, la joie.

La hauteur;
Le chef; 2

f^

1
1"

la dijjnit.

^
J

L'enfant; 2 l'ducation; 3 le renouvellement.

Embaumement;

2 rites, usages; 3 images, formes.

Les dterminatifs gyptiens sont donc de vritables peintures figuratives, destines reprsenter aux yeux l'objet

ou

l'ide

dont

les signes

prcdents nous donnent

la

valeur
ils

littrale, et, tout

en restant toujours idographiques,

rpondent

la fois,

dans une certaine mesure, par leur ca-

ractre, tantt gnrique, tantt spcial, aux clefs des Chinois et

aux complments phontiques des Assyriens.


cet expos en donnant, d'aprs
la

Nous terminons
ria, l'analyse

M. Dev:

de la dernire ligne de

pierre de Rosette

3yai^Hn

100

PREMIRE PARTIE.

iH^^TEPEOYAIGOYTOlZAEIEPOIZ
KAIENXnPIOlZKAlEAAHNIKOlZrPAMMAZIN KAIZTHZAIENEKAZTrirrNTEnPnTnNKAI AE
Le
suit,

texte grec a t restitu conjecturalement, ainsi qu'il


[ ]

par Letronne. La partie incluse entre deux crocliets


sur
la stle oi'iginale.

manque
[To
Se

'\/i<^tcTyLix

TOVTO va-ypil/ai i alrlXrjv x o-Jrepeou Xi$ov

7o7s Te hpos Ko yyjjjplois xo XX]viKo7s ypaixfjiaa-iv xa) alijaa.i v


Kaalcf) TJV Te 'apcoTCJv ko.)

SsvTpM[v

x.a)

Tphoov

epjv zrpos Trj tqv

aojvo^iov ^aa-iXcs siKovi].

C'est--dire

Enfin, que ce de'cret soit grav sur une stle de pierre dure, en
caractres sacrs, locaux et grecs, et plac dans chaque temple des

premier, second et troisime ordres, prs de l'image du roi toujours


vivant.

Voici maintenant l'analyse

du

texte hiroglyphique

Pi:^
[X']
soit

s
pn
ce

frit
o'/it

rr
nfi

iyieoui

hr
sur
e'TrJ

grav

dcret

une

stle

de
ex

ivo-ypi^ai

TO l

\{'7f(pCT(Xa

TOTO

a1-f{kt\v

"^

li
a'e

'^
1
n
nlr

li
mout-ou
paroles,

II
sx^e

roui

m
en
TOTS TE

s^e
criture
ypi[t[La<jtv

pierre

dure,
alepEoJ

de

divines
Itpols

criture

A/Oou

xa} (ypa'fxpa-

ECRITURE HIROGLYPHIQUE.

101

^
de
aiv)

"in
cita'

mn
ccrilure
xa< (yp(ifi<t(Ttv)

v
n
de

tiz:^,
Heounibou
Grecs,
XXijvtxoTs

livre

ra

!:
rla
afin

y\

_^^
Hl

^
1 1

ft'A.'-/

OU.<t)(j-OU

m
dans

rou-pe
les

que

il

soil

plac

dans
v

les

jrandes salles,

temples

xa

alfjaat

epv

^
nb

<x^
f
'

(-1
ran

^
/
de
lui,
,

T,

Ar
entier

m
de
rSv re

mh-a'
premier,
crpiWTWt

mh-snaou
second
xot

du pays
Kalci)

au

nom

SevTpuv

S
1 1
1
1

^:
Xnt
le\

\^
statue
e!x6vt

y
n du
TO

i*
sou< ;^6
roi

mh-xomt
Iroisime ord ro,
xai tphcov
i

r-ma
ct do
crp

T^

faaiXet)!

C^MP
Ptlmis

^
vivant

^ 3~TMJ
Pth
toujours
ataivolov

1
dieu

Plolme

de Pthal

chri

ni

- m
nb
nfr-ou
trs escellenl.

pipliane,

seigneur

102

PREMIRE PARTIE.

ECRITURE HIERATIQUE ET DEMOTIQUE.


LY'criture hiroglyphique a dur aussi longtemps

que

l'empire d'Egypte; elle a suhsist, sans grandement ee


difier,

mol're

jusqu' la

fin

des Ptolmes, au

i*^""

sicle

de

chrtienne. Mais,

ct

des hiroglyphes, nous voyons

natre et se dvelopper, plus de

2,000 ans avant notre re,


les

une autre
sont servis

criture.

De
la

trs

bonne heure,

Egyptiens se

du papyrus pour
pour

l'usage de la correspondance,

comme
et

aussi

reproduction des uvres littraires

de certains textes religieux ou funraires. L'emploi du pala

pyrus et de l'encre, substitu

gravure, a donn nais-

sance une criture cursive drive des hiroglyphes, que


les

modernes ont nomme

hiratique. les caractres

Quelques exemples montreront comment

hiratiques ont t tirs des caractres hiroglyphiques qui

en sont

si

diffrents en apparence.

L'image du livre

^,

est devenue en hiratique ;^; le scarabe, jj,

^;

lil, >-,

AA..

Comme

on

le voit

par ces exemples,

le

calame a ren-

forc les traits les plus saillants, les pleins, et les a

em-

pts, en ngligeant les dlis, qui compltaient le contour

de

l'objet et

en marquaient

la

forme.

On

le

remarque par:

ticulirement pour les figures empruntes des oiseaux

l^

h ^ ^ ^ ^ #' ^'
Tandis que l'criture

^'^ ^^"^-^^ ^^^^""

une vritable tachygraphie, qui ne prsente qu'une ressemblance trs loigne avec l'criture
d'oii elle a t tire.

hiroglyphique, essentiellement
la fin sa

monumentale, conservait jusqu'

forme primitive,

l'criture hiratique, suivant la loi des critures cursives,


s'altrait

de plus en plus. Mais, en

mme

temps,

elle

prenait

KGIIITURES HIRATIQUE ET DMOTIQUE.

103

une direction uniforme; au

lieu

de s'crire indiffremment

les liide droite gauche ou de gauclie droite, comme roolypbes, l'criture hiratique s'crit invariablement de

droite gauche.
trois

Nous en donnons, d'aprs M. Maspero,


trois

spcimens, correspondant

priodes diffrentes

de son existence.

Le premier

est

emprunt au papyrus

Prisse

(xi*'

dynastie)

Le deuxime se rapporte

la xix dynastie

Le troisime

est

d'poque grco-romaine

La ressemblance extrme de ces caractres, qui


fondent souvent les uns avec les autres, rend

se con-

la lecture

de

l'criture hiratique particulirement difficile; aussi l'avait-

on

fort nglige et a-t-il fallu les la lumire.


xxv*^

travaux de M. Maspero

pour y porter

Enfin, entre la xxi^ et la

dynastie, les ncessits

com-

merciales ont donn naissance une troisime forme d'criture, l'criture populaire ou dmotique. C'est celle qui porte
le

nom

d'tr

criture indigne

ii,

yywpiCL

y pdii^ctTCt, sur

l'in-

scription de Rosette. Saint

Clment d'Alexandrie, dans


de ce moment,

ses

Sdwnales,

la

nomme

crpistolographiqueii, v \t.i6o^os nielle a t

010X0} pcL:piKv; en

effet, partir

104

PREMIRE PARTIE.
l'exclusion des autres

employe

pour

la

correspondance.

Dans

l'criture

dmotique,
et

les caractres s'abrgent,


si

dimibien

nuent de nombre

de volume, et en arrivent

perdre leuis formes caractristiques,

que parfois

il

est assez

malais de distinguer l'criture dmolique d'autres critures

purement alphabtiques traces sur papyrus

Ainsi,

nous trouvons
et

l'origine

de

l'criture

gyptienne
les

l'idogramme simple,

nous pouvons suivre toutes

transformations qui, en passant par le syllabisme, l'ont

amen
forme

exprimer des lettres isoles.


tait la suite ncessaire

Cette dernire r-

des progrs du langage, qui,


les flexions

en introduisant dans l'conomie des mois

avec

leurs changements incessants, rendent insufiisant l'usage

non seulement des signes idographiques, mais d'une


ture o chaque syllabe formait

cri-

un

tout parfaitement clos.

Du moment
plus le

qu'un signe, pris phontiquement, n'exprimait


pris

mot

dans son entier,

comme

en chinois, mais

seulement une des parties du mot, on devait tre conduit


simplifier encore plus l'criture, en

donnant

tous les ca-

ractres la valeur de simples articulations et en jetant par-

dessus bord l'idographisme. Les Egyptiens ne se sont pas


levs
si

haut;

ils

sont rests captifs de leurs hiroglyphes,

et n'ont

jamais russi en isoler entirement l'alphabet

qu'ils avaient entrevu. C'est

aux Smites qu'tait rserve

cette cration, l'une des plus grandes et des plus fcondes

du gnie humain.

HIEROGLYPHES HITTITES.

105

CHAPITRE

I\.

HIEROGLYPHES HITTITES.
Avanl d'arriver
arrter encore
l'histoire

de l'alphabet,

il

faut nous

un moment
dont
la

un systme hiroglyphique

trs rudimentaire,

dcouverte remonte quelques


les

annes peine

et

qui parat avoir rgn dans

lieux

mmes
hillile,

oii

a pris naissance l'alphabet.

On

l'appelle criture

du nom d'une des principales


les

tribus cananennes,
textes

les

Hittites,

Klitas

ou

Kliiti

des

gyptiens,
l'in-

qui occupaient une partie de la cte de Syrie avant

vasion des Hbreux et qui semblent avoir jou, une certaine poque,

un

rle considrable dans l'histoire de l'Asie

occidentale.

On

lit

dans

le trait

de Ramss

avec Khitisar,
le texte

le

prince

des Hittites, trait dont nous possdons

gyptien,
le

qu'un scribe du
crit

roi

des Khiti en avait apport

texte

sur une tablette en argent.- Pendant longtemps, on

a cru

que

cette

mention

se

rapportait l'alphabet ph-

nicien, qui dut paratre bien grossier aux Egyptiens, ha-

bitus aux dessins lgants de leurs hiroglyphes.


utic vingtaine d'annes,

Il

y a

on dcouvrit Hamath, en Cl-

Syrie, des pierres couvertes de caractres d'un genre trs


particulier,

inconnu jusqu'alors ^'l Ces dcouvertes appe-

lrent l'attention sur toute

une

srie

de monuments, de

^''

Burlon

et

Drake, Une.rploved

Sijria

2 vol. in-8\

London, 1879.

106

PREMIRE PARTIE.

bas-reliefs gigantesques sculpts dans le roc en des carac-

tres tranges, relevs par

M. Perrot dans
la

les

gorges du

Taurus durant son exploration de

Galatie. Et,

comme
bords

une dcouverte en appelle une autre, peine eut-on com-

menc

s'en occuper, qu'on rencontra Alep, sur les


et jusqu'

du Pyramc, jusqu'en Asie Mineure

l'Euphrate,
^^l

des inscriptions entires en caractres analogues

Un

lion

trouv Marach, dans


et

la

haute

Gilicie,

par

Son Exe. Hamdy-bey,

conserv actuellement au muse de

Constantinople, nous en fournit un des exemples les plus

remarquables.

Il

tait encastr

dans

le

mur d'une

forteresse

musulmane, mais une arte


indiquer qu'il avait
fait

qu'il

porte sur le dos semble

partie primitivement d'un autre en-

semble.

On

Yoit sur son paule

un cartouche

olrant l'image

d'un roi ou d'un dieu; tout le ct gauche

du

lion, ainsi
relief dis-

que

sa poitrine, sont couverts

de caractres en

poss en lignes qui se suivent en boustrophdon,

comme

dans

les

plus anciennes inscriptions grecques.


grossiers hiroglyphes, qui reproduisent en-

Ce sont de

core la figure des objets qui leur ont donn naissance.

On

y voit des ttes d'animaux, de buffles, de bliers, des livres,

des oiseaux, des ttes grimaantes, d'autres coiffes d'une


tiare royale, des bras, des

jambes, des pieds, des chaus-

sures, des flches, des fers de lance, des tenailles, des vases,

des ustensiles de toutes sortes, des fleurs et d'autres symboles qu'on est habitu rencontrer dans toutes les critures hiroglyphiques des peuples primitifs.

Chose curieuse, tous ces hiroglyphes sont .sculpts en


'"'

Los inscriptions
les Transactions

liiUilos

ont (H nHinics

ot ])iil)lit'Os

pnr M.
vol.

W.

Rylands

dans
p.

nf

the Sociely

of Biblical

Arcltoloffi/,

VIII,

1882,

129

et siiiv.

IIIKROGLYPHES HITTITES.

107

108
relief, si

PREMIRE PARTIE.
bien que cette ])articularit, qu'on tait habitu

considrer
rat ici

comme

ia

marque d'un
les

art

en dcadence, appa-

une poque o

Phniciens et les Hbreux cri-

vaient peine.

La clbre
le

stle

aramenne de Teima, troule

ve

rcemment dans
a

nord de l'Arabie, prsente

mme

phnomne. On

pu

se

demander
si

tout d'abord, tant ces

images sont rudimentaires,

l'on tait

bien en prsence de

caractres; mais la disposition des lignes et le retour de certains signes

groups dans

le

mme

ordre prouvent que nous

sommes en prsence d'une

vritable criture''^. Ces caracfile les

tres ne sont pas aligns la

uns des autres, mais

disposs par groupes, qui forment des units complexes,


et

dont chacun doit reprsenter un mot ou une phrase.

La nouveaut de
l'histoire,

ces dcouvertes et leur importance

pour

encore

si

mal connue, de toute

cette rgion, ont

amen de

divers cots des tentatives de dchilTrement. Elles

n'ont pas encore abouti, mais diffrents indices permettent

de croire que

le

problme

n'est pas loin d'tre rsolu.

Le

point de dpart de ces tentatives a t un sceau assyrien et


hittite^-',

la

seule

inscription

bilingue que

l'on

possde

jusqu' prsent, dont l'original est malheureusement perdu.

La lgende cuniforme doit

se lire

Tar-

hu-

(Uni-

me

sur

mot

Er-

me-

c'est--dire
(jui

rcTaikundmos, prince du pays d'Ermeii; ce


hittites les
:

nous donnerait, en appliquant aux caractres

valeurs assyriennes correspondantes, l'quivalence suivante


^''

Perrot cl Glii|)icz, Histoire de iart,

t.

IV,

\^.

hSo-Soh.

Maspcro,

Histoire ancienne , p. 180.


^'

Voir plus loin,

p.

1 fi.

HIEROGLYPHES HITTITES.

109

I
Tarku-dimme

A
sar

M \
mat

^^^

Er-me

Celte lgende est trop courte pour servir de base un

dchiffrement; nanmoins elle permet de dterminer les caractres rpondant aux ides de
cr

roi^

et

de

rrpaysii

AA

L'examen des

bas-reliefs

du sanctuaire de Yazili-Kaa,

non

loin

de Bogaz-Kcwi, en Galatie, fournit de nouvelles

valeurs M. Sayce. Ces bas-reliefs forment deux processions parallles


tient la
:

chacune des divinits qui

les

composent

main un objet que


divin.

l'on a pris tout


la

d'abord pour
partie sup;

un symbole

M. Sayce remarqua que

rieure de cet ornement tait toujours la


tie

mme (^

la

par-

infrieure seule variait.

Il

en conclut que

le signe

^g)

tait l'quivalent

du mot

crdieu-n, et les

que

ce qu'on prenait
n'tait

pour des symboles entre

mains de ces divinits

autre chose que l'expression graphique de leurs noms.

M. Sayce ^') a

t plus loin encore:

il

a russi,

en analy-

sant les lments des inscriptions hittites, isoler certains

groupes qui reviennent plusieurs reprises, tantt identiques, tantt avec de lgres modifications, et fixer l'ordre
et le sens

dans lequel devaient se

lire

ces inscriptions.

Partant de trois inscriptions de


le

Hamath qui reproduisent


il

mme

texte avec

quelques variantes,

remarqua que
la

toutes les trois prsentaient au

commencement de
signe
:

pre-

mire ligne, droite,


ligne devait
'*'

le

mme

donc

se lire

de droite

U^. La premire gauche. En tait-il de

Sayce, The Monuments oftlie Hittites, dans les Transactions of the Society
t.

of Biblical Archolo^ij,
Hittites, 2'e'ililion,

VII, p.

253

et suiv.

W.

Wri{>ht, The Empire of the

Londres, 1886.

110

PREMIRE PARTIE.
de
la

mme
ss

seconde? Non. Les caractres qui, sur

la

pre-

mire ligne, sont tourns dans un certain sens, sont dispoen sens inverse sur
les figures
la

seconde; cela est surtout sensible


Il

pour

d'animaux.

en conclut qu'on

tait

en pr-

sence d'inscriptions s'crivant en boustroplidon.

Passant ensuite l'examen des groupes de caractres,

il

parvint les dcomposer, l'aide des variantes que prsenle

un

mme

groupe sur

les diffrentes inscriptions,

et

dmontrer qu'ils devaient se lire par colonnes verticales,

de haut en bas, en suivant le sens gnral de l'criture. Nous

pouvons donc drouler ces inscriptions


caractres crits la
file

et

nous figurer

les

sur une seule ligne; nous pouvons

mme,

ds prsent, fixer la valeur de quelques signes.

C'est ainsi

que M. Sayce non seulement a dtermin

la lec-

ture de certains idogrammes, tels que le


Khalti

nom

des Hittites,

[]]],

"^^^5 niais encore a

pu

isoler des

formes gram-

maticales

L'ethnique

^ = kus;
:
:

La dsinence du nominatif
Celle des cas obliques
(
?

= es ou is; ^p^ = si-is, ou ^5^ =


^f)^

sis.

Toutes ces dcouvertes ont t exposes avec beaucoup


de clart par M. Menant (^). Lui-mme y a ajout de nouvelles lectures, et
il

communiqu

l'Acadmie des inlescjuels


il

scriptions

un groupe de caractres dans


de Karkemis
:

recon-

nat le

nom

^''

Menant, Etudes

lictceiines
et

[Uccueil de travaux relatifs la philologie

el

l'archologie gyptienne

assijricnne , vol.

Mil,

Paris,

1890),

el

lude sur

Karkemish [Mmoires de l'Acadmie des


2' j)artie, cl

inscriptions et belles-lettres

, t.

XXXII,

1890

p. ;oi el suiv.). Cf.


.1.

Sayce, Les Iltens, Iraduit, avec prface

appendice,

[)ar

Menant, Paris, 1891.

HIROGLYPHES HITTITES.

111

i f 2
Roi de K(ir-hamls-i-hu3

t
et

de KhnUu-hia.

Nous ne savons pas encore quelle langue cache


hittite,

l'criture

quoique

la

prsence de dsinences,

si

les lectures

de M. Sayce se confirment, nous empche d'y chercher un

idiome smitique; mais nous connaissons

la

lecture de

quelques-uns des caractres qui figurent sur ces inscriptions et


il

ne faut plus grand'chose pour qu'on arrive

les

traduire. Les hiroglyphes hittites, en tout cas, nous sem-

blent bien appartenir un systme graphique ayant une


origine indpendante. Sans doute, l'criture
liittite

prsente

quelques points de ressemblance avec


tiens;

les

hiroglyphes gyp-

mais ce sont des ressemblances tout extrieures, qui

paraissent tenir

une imitation

grossire, inspire peut-tre


direct.

par

la

vue des hiroglyphes, plutt qu' un emprunt

Nous

n'y trouvons pas les caractres d'une drivation nor-

male, ni ces altrations naturelles qui en sont la consquence.


Il

est possible
la cte

que

l'criture hittite

ne

soit

pas reste

li-

mite

de Syrie,

et qu'il faille y

chercher l'origine

de l'criture cypriote. Cette opinion, dfendue par M. Sayce


au moyen de rapprochements trs sduisants, a t adopte
depuis par M. Deecke et M. Hommel^^). Voici
caractres correspondant aux
critures, telle
la liste

des

mmes

valeurs dans les deux

que

l'a
(-^
:

dresse M. Taylor d'aprs les indi-

cations de
^''

M. Sayce

Voir plus haut, p. 89,

et

Hoaimel, Ahriss der Geschtchte des

alten

Orients, p. 58.
-'>

Taylor, The Alphabet,

t.

II

p.

2 3.

Wriglit

The Empire ofthe

Hittites

' dition, p. 178.

112

PREMIRE PARTIE.
HITTITE.

CYPRIOTE.

oflo

''^='

i,

k
Jeu

'

ka,

1>

ka

^ '^
QUI

te, lo

r\XT
01

Iti

me, mo
se

<D

mo
se

V
t^
A

"1

^
ti,

si

(U

fts
-y-

ti,

(U

X
ces caractres

V
X,

M. Deeckc^^' en

a joint

deux nouveaux

^
^d
(dlerminalif de riiomme)

33|
nos

En admettant que
soit

la

valeur de tous ces caractres


il

liittites

parfaitement certaine,

faut reconnatre

que tout

cela

est

encore loin de constituer une dmonstration. D'autre

part, la thorie de
d'critures

M. Sayce rend bien compte du mlange


Tle

que nous trouvons dans

de Chypre. L'cri-

ture cy|)riotc n'tait pas celle des Phniciens, ni celle des colons gi-ecs
:

ils

avaient chacun leur alphabet. Elle a

tre

l'criture des aborignes, qui se rattachaient, suivant bien

des probabilits, ces populations pr-hellniques que les


anciens ont confondues sous
le

nom gnrique de
aSo

Plasges.

V)

Dctckc,

lie::ciihciircr'i> lk'iti(i{rc,

t.

I\, i88/i, p.

cl

aoi.

HIROGLYPHES HITTITES.
Qui
sait
s'il

113

n'existait

pas de parente entre


le

les

premiers

lia-

Litants de
hittites

l'le

de Chypre et

peuple que

les inscriptions

nous font connatre,

et si la ville
l'a

de Kittion ne nous

aurait pas conserv, ainsi qu'on

depuis longtemps sup-

pos,

le

nom mme

des Klitas?
les

On
se

a t

encore plus loin, et l'on a cru trouver dans


11

caractres hittites l'origine de Talphahet phnicien.

faut

garder de tirer des consquences aussi extrmes d'une


il

criture dont nous ne possdons pas encore la clef;

semble

plus juste de dire que nous

sommes en prsence d'un de

ces essais qui ont prcd la naissance de l'alphabet et ont

contribu,
sion.

soit

directement, soit indirectement, son clo-

Esprons que de nouvelles dcouvertes viendront h-

ter la solution

du problme.
nous aurons revenir, pour-

Des

fouilles sur lesquelles

suivies depuis plusieurs


le

annes avec un rare bonheur par

Comit oriental de Berhn

Singerh, dans l'Amanus,


et

au nord d'Antioche, grce l'appui

aux fonds que

le

gou-

vernement allemand
scientifiques, ont

sait

accorder aux grandes entreprises


la

amen

dcouverte d'une

ville

antique

cache sous une srie de monticules.

En

les

dblayant suc-

cessivement, on a mis au jour des murailles, des difices,


des statues avec inscriptions cuniformes, des inscriptions
hittites,

des inscriptions aramennes en relief, dont Tune


ordre. Peut-

est

un monument pigraphique de premier

tre ces fouilles, qui n'absorbent pas, ce

que

l'on dit,

moins de plusieurs centaines de

milliers de francs par an,

vont-elles nous livrer la clef de l'criture hittite.

Nous

assistons, depuis quelques annes,

une vritable

rsurrection du

monde

antique. Mycnes, Troie, les anciens


Hittites et des

empires disparus des

Chaldens reviennent

lU

PREMIRE PARTIE.
la

successivement tout entiers

lumire,

et,

en remontant

de couche en couche, on peut esprer d'atteindre aux origines de la civilisation asiatique.

Dans

cette reconstitution
la

du monde antique,

la

France a longtemps tenu


il

tte;

nous avons une situation magnifique,


ne nous laissions pas distancer
le

importe que nous

et

que nous ne perdions pas

bnfice de tant

d'efl'orts. Il

appartient au
fait

Gouvernement

de s'inspirer des traditions qui ont


force, et

jusqu' prsent notre


et matriel

de ne pas mnager son appui moral

des travaux qui ont pour but la gloire de la France.

DEUXIME PARTIE.
HISTOIRE DE L'ALPHABET.

L'ALPHABET PHiLmCIEN ET SES DRIVS.

CHAPITRE PREMIER.
L'ORIGlx\E

DE L'ALPHABET.
prciser, mais qui
c est--dire envi-

A une poque que nous ne pouvons


remonte peut-tre
c

i,5oo ans avant J.-C,


fait

ron l'poque de Mose, l'alphabet a


la cte

son apparition sur


l'an-

de Syrie. Le tmoignage presque unanime de

tiquit en attribue l'invention


les vers clbres

aux Phniciens.

On
de

comiat
la tra-

o Lucain

s'est fait

l'interprte

dition d'aprs laquelle les Phniciens furent les premiers

qui osrent fixer les sons de


ractres
:

la

parole par de grossiers ca-

Phnices

prinii,

fam

si

creditur, aiisi

Mansuram rudibus

vocein signare figuris.

D'autres auteurs font honneur de cette dcouverte aux


Syriens.

Que

ce soient les Phniciens, ou les Syriens,


l'aient invent

ou

mme

les

Hbreux qui

(nous manquons en-

core des lments ncessaires pour trancher la question),


l'alphabet est sorti

du groupe des populations cananennes


:

qui taient avec l'Egypte dans un commerce journalier


voil ce qui parat aujourd'hui

peu prs

certain.
8.

IIG

DEUXIME PARTIE.

L'alphabet, toiilefois, n'a pas t cr de toutes pices;


suivant ropinioii aujourd'hui
il

la

plus gnralement admise,

est

n de l'criture gyptienne,

comme

celle-ci tait sor-

tie,

par un dveloppement naturel, des anciennes critures


le

pictographiques. Champollion^'^,

premier, avait mis cette

ide; M. de Roug^^^ Ta reprise et en a entrepris la


stration l'aide

dmon-

d'arguments qui paraissent concluants. Les

])cuples cananens out

emprunt Tcriture aux Egyptiens,

comme
art et,
tant,
ils

ils

leur avaient enqjrunt leur architecture, leur

en partie, leur mythologie. Seulement, en l'adoplui

ont

fait

subir la plus grande transformation


:

dont

l'histoire

de l'criture nous offre l'exemple

ils

n'ont

retenu de cette immense quantit de signes que ceux qui

correspondaient des articulations simples, c'est--dire aux

consonnes,

et ils les

ont adopts l'exclusion de tous les

autres. Ils ont ainsi

obtenu vingt-deux caractres, qui de-

vaient suffire rendre tous les sons d'une langue et toutes


leurs combinaisons possibles; et

parole sont sensiblement les


cet alphabet a

comme les lments de la mmes chez tous les peuples,


moyen de
certaines modi-

pu

s'appliquer, au

fications, toutes les langues.

C'est ainsi qu'est

n l'alphabet, qui a t, suivant

l'ex-

pression de M. Renan, une des plus grandes crations du

gnie humain. Celte cration a consist rendre par l'criture non plus des ides, ni des mots ou des syllabes, mais
les

lments primordiaux de

la parole. Si l'on

cherche se

'>
''

Lellre

M.

Dacicr, p. 80.
l'on'iiiiic
('irifpticiinc

Vicomte Kinmauiol de Uoiig, Mmoire sur


,

de

l'dlphahel phnicien

Pnris, 187^1. Le

mmoire de M. de Roiiye,

lu

en i85()

devant TAcadmie des inscriptions, puis yar, a t retrouve


puis sa mort, avec (quelques clian^jenients
.

et publi de-

par son

fils

M.

J.

de Rougi".

ORIGINE DE L'ALPHABET.
rendre compte de
la

117

cause qui a

amen

]a cration

de

l'al-

phabet, on arrive
les

la

conviction qu'il est n,

comme

toutes

grandes dcouvertes, d'un besoin pratique, des ncessicommerciales, qui exigeaient une criture plus simple,

ts

plus maniable et plus accessible tous. C'est l

mme

en-

core une raison pour en attribuer la paternit au peuple

commerant par excellence,


peuple qui ne lut pas
raire.
Il

c'est--dire

aux Phniciens.

L'al-

phabet ne pouvait d'ailleurs prendre naissance que chez un


li

par une longue tradition

litt-

fallait

en outre, suivant une remarque de Lepsius,


voyelles,

un peuple tenant peu de compte des


poser
la syllabe et isoler les

pour dcom-

consonnes.
la

On
cet

est

moins d'accord sur

manire dont

s'est

fait

emprunt. Les formes intermdiaires nous manquent.


le

D'aprs

systme de M. de Roug, qui a t adopt par

la

plupart de ceux qui s'occupent de ces questions, lesPlimciens auraient

emprunt

les foi-mes

de leurs vingt-deux lettres

l'criture cursive, c'est--dire l'ancienne criture hi-

ratique, et leur alphabet aurait t complet

du premier

coup. M. Halvy^'^, au contraire, suivant en cela M. A. Lvy,

de Breslau, soutient que l'emprunt a t

fait

directement

aux hiroglyphes, mais


lettres

qu'il a

port sur douze ou treize

seulement;

les

autres auraient t formes au

moyeu
sui-

de

traits ditTrentiels.

Nous donnons, aux deux pages

vantes, le systme de M. de

Roug

et celui

de M. Halvy.

Dans

le

premier tableau, nous avons mis ct des formes

de l'inscription d'Esmounazar, les seules que connt M. de

Roug,

les

formes beaucoup plus anciennes que de nouvelles

dcouvertes nous ont rvles.

^''

Mlanges d'pigrophie

siiiilique

p.

iG8

et suiv.

118

DEUXIEME KVRTIE.
INSCRIPTION
l)'ESOU>AZVn.
PIIXICIEN
An(:nA(jt;E.

tcnirunK
llIlniTIQtJE.

CRITIRE
HIRATIQUE.

INSCRIPTION

PIINICIEM

D'ESMOUNAZAR.

ARCHAQUE.

z.

X
3

<
-9

^
j>

6
"1

<s>.

^
A

T
T^
JJ

7
)

^
Ht
A-y

^
3
T

'-<

O
;?

^
n
A/

-*

t;

I z
B

^^

^
<c
i'

A
9
t$

\
\
w

'
/TV

&

X
H

^ w
4-

*\

/
11

semble, au premier abord, naturel cVadmeltre que


les

les

Phniciens aient pris

caractres de leur alphabet


les

rcriture cui'sive des Egyptiens;

formes recueillies
la

par M. de Roug, toutes sur des monuments de

mme

poque, ne sont pas dfavorables cette hypothse, malgi'


les
les

divergences encore trs considrables que prsentent

deux alphabets. H faut songer en

efl'et

que notre ancien

alphabet phnicien est un alphabet pigraphique, tandis

que

les

formes correspondantes de l'criture hiratique ont

t traces au
lent exact des

calame sur papyrus. Pour trouver l'quivaformes phniciennes,


il

taudrait, suivant

la

ORIGINE DE L'ALPHABET.
remarque de M. Maspero, prendre des

119

graffiti hivsiiiquQs,

c'est--dire des inscriptions cursives traces la pointe; le

paralllisme serait beaucoup plus frappant.

D'autre part, en tudiant les formes de l'alphabet phnicien archaque,


lettres aient t
il

est difficile

de mconnatre que certaines


la

formes d'autres lettres de

mme

famille,

ce qui branle

un peu
PlIliMClEN

la

tbse de M. de Rong.

IIIhROGL^PIIKS.

HIKROGLYPIIES.
ARCIlAQl
E.

(grec),

<fC.

(grec),

Y.

i
ra
(l'-^o'^Illll

^^

n-^

)\

W;

Z; V.

L'aspiration dure, helh


tion simple, h

0, N, a

t tire

de l'aspiragauche.
et

3, 3, par l'addition d'un

trait

Les

sifflantes

prsentent un

phnomne analogue
ou deux types;
s'est

pa-

raissent tre toutes sorties d'un

c'est ainsi
la sitllante

que

la

sifflante
a/-,

forle, rade

V,

forme de

douce, zan

de

la

mme

manire que

le helh s'est

form

du h. La
dont
le

mme particularit se remarque pour d'autres lettres


est,
il

la

parent phontique
et
l'r

est vrai, plus loigne

'^; Van (gh) o et le qof (q)

9- Le/A e

enfin

serait, suivant
inscrit

une rcente hypothse de M. Halvy,

le tau

dans un an o. Peut-tre

mme

le

>|

n'est-il

qu'un

120

DEUXIME PARTIE.
/\^''?

redoublement du g

D'une faon gnrale,

la

ressem-

blance du pbnicien avec l'criture liiratique, au lieu de


s'accuser,

diminue tpand on remonte aux formes

les

plus

anciennes de l'alpbabet, que M. de Roug ne pouvait encore


connatre; les lettres ont, dans l'alphabet pbnicien primitif,

quelque chose de plus anguleux


ainsi,

et, si l'on

peut s'exprimer

de cuniforme.
difficults

Toutes ces

ont conduit certains savants^-)

chercher l'origine de l'alphabet phnicien dans l'criture


cuniforme,
soit

chaldenne,

soit assyrienne. Cette thorie a

pour

elle

une autorit que

ses auteurs n'ont pas invoque,

que
moi,

je sache, celle de Pline, qui dit


je persiste croire

quelque part

crPour

que l'alphabet

est d'origine assy:>

rienne. LiUeras sempcr arbitror assyrias fuisse.


est vrai
ait t
:

11

ajoute,

il

Mais d'autres veulent,

comme

Aulu-Gelle, qu'il

trouv en Egypte par Mercure, d'autres encore en


-il

Syrie (^l

La dcouverte des

tablettes de Tell-el-Amarna^')
cette

donne quelque vraisemblance

manire de

voir.

Les rapprochements qu'on a voulu

faire entre l'criture

chaldenne ou ses drivs

et

le

phnicien n'ont pourtant

ni la prcision ni la rigueur scientifique

que

l'on doit

de-

mander

ces sortes de dmonstrations.

M. Deecke prend
les

des critures

d'poques et de lieux trs dillerents


lui, servi

formes qui ont, suivant


'''

do modle l'alphabet;

Il

convient de ivman(uer qu'en assyrien corlaines syllabes formes


g- et

l'aide
p.

du

du h sonl rendues par

les

mmes

caractres. Voir plus liant,

7/1.
'^*

Deecke, Dcv

l'rspniii/r r/?s a/lscniitschon

Alphnhcls nus dertwu-aiisi/riscJu'n


,

Keilschrift,

dans

la Z<?<7iT///-.

dcr D. inorgen. flcslUcli.

1877,

p. io2-if/i.

Fr. Honimel, Abrtss der Geschtchte des aUen Orients, 1887, p. 57.
'''

llist.

nat., I,

/il

9.

^*'

Voir plus haut

p. 6-^.

ORIGINE DE L'ALPHABET.
mais
il

121

est facile

de trouver dans l'ensemble du syllabaire

assyro-babylonien vingt-deux caractres capables d'layer

n'importe quelle tborie.

S'il est

une rgle dont on ne doive

aucun prix

s'carter, c'est

de ne prendre qu' un seul type

d'criture les formes sur lesquelles

on veut appuver

sa d-

monstration.

On

a aussi tent d'expliquer les formes de l'alphabet

phnicien non plus directement par l'criture cuniforme,

mais par
encore

l'criture cypriote, qui tait considre

nagure

comme un

de ses drivs. Cette hypothse a pris

une

signification el

une porte toutes nouvelles, depuis que


relatifs

les derniers

travaux

aux inscriptions de
les liens

la

rgion

de famath ont appel l'attention sur

qui paraissent

unir l'criture cypriote aux hiroglyphes


voit

hittites^'', et l'on

poindre une nouvelle thorie, qui rpond

la

troisime
l'al-

des opinions rapportes par Pline, et d'aprs laquelle

phabet phnicien
faut jamais

serait

n de

l'criture des Khtas.

11

ne

condamner une ide avant

qu'elle ait fait ses

preuves; mais nous avons beaucoup de peine admettre

que l'alphabet

soit sorti

d'une crituie aussi imparfaite; en

tout cas, la dmonstration reste encore fournir.

Nous croyons donc


trs

qu'il faut

maintenir l'opinion, dj

rpandue dans

l'antiquit, qui fait venir d'Egypte l'als'en est


les

phabet phnicien, La tradition


Tacite, qui
l'a

perptue jusqu'
:

exprime dans

termes suivants

crLes

Egyptiens, les premiers, se servirent de figures d'tres ani-

ms pour exprimer

les ides; ils fuient

mme,

ce qu'ils

disent, les inventeurs des lettres. Puis les Phniciens, qui taient les matres des mers, les importrent en Grce, et

^''

Voir

plu>i

haut, p. 89

pf

1 1

9.

122

DEUXIME PARTIE.
la gloire d'avoir

on leur atlribua
reu des autres.

invent ce qu'ils avaient

Quoi

qu'il

en

soit, le

passage des hiroglyphes l'alphasi

bet parat n'avoir t ni

direct ni

si

simple qu'on

l'avait

c]u jusqu' ces derniers temps. Les inscriptions cypriotes,


et

surtout les hiroglyphes hittites, montrent par quels t-

tonnements on a pass avant d'inventer l'alphabet.


L'ALPHABET PHENICIEN PRIMITIF.

Les inscriptions ne nous permettent pas de remonter


jusqu' l'poque de l'invention de l'alphabet. Pourtant nous

pouvons arriver nous


forme premire des

faire

une ide assez exacte de


La
stle

la

lettres phniciennes.

de Msa^^^

qui a le grand avantage de pouvoir tre date avec une prcision

presque absolue (environ 8c)5 ans avant J.-C), nous


la srie

donne

complte des

lettres
11

de l'alphabet prs de

neuf cents ans avant notre re.

faut en rapprocher

une

autre inscription qui est trace sur le bord d'une coupe en

bronze trouve vers 1876 dans

file

de Chypre et ddie
s'intitule
ti cr

au Dieu-Liban par un personnage qui ou


cf

serviteur

ministre de Hiram, roi des Sidoniens

(-1

Ce Hiram
ses succes-

est -il le

contempoiain de Salomon ou l'un de


est

seurs?

La chose

douteuse; mais

le

caractre de l'cricelle

ture, qui n'est gure

moins archaque que

de

la stle

dp Msa, nous oblige placer cette inscription au plus lard

800 ans avant

J.-G. C'est

probablement

la

plus ancienne in-

scription phnicienne
'*'

que Ton connaisse.


9:^.
.

iiii'

[)lits

loin,

|).

88-1

'''

Coi-pus

iiisc)-lj)tio)iiiin

sonilicdniDi

i"

j)arli(",

I.

1,

ii

5.

ALPHABET

PIll':M<.ir.N

PUIMITII-

123

12/i

DEUXIEME PARTIE.
COUPE DU B.VAL-LEBANON.

Sohen de Karthadast, serviteur de Hiram, roi des Sidoniens.


ceci

Il

donne

au Baal-Lebanon son seigneur, des pre'mices de

l'ai-

rain

Celle inscription capitale, dont nous ne possdons que des lambeaux, tait accompagne, quand elle fut acquise

par
tits,

la

Bibliotlique nationale, de deux fragments plus pela

qui appartenaient peut-tre

mme

coupe, en tout
la

cas

srement

des objets

du

mme

ordre et de
le

mme
:

poque;

le texte et la

forme des caractres

prouvent

B
.
.

.< tw^Bf-^9
. .

^>lf -9^.

.toi),

Sken de Kartliadasl

.[Bajal-Lebanon, son seigneur.

Jj'inscriplion

de Msa et

la

coupe du Dieu-Liban u'ap-

pai'lienuent pas absolument au

mme

type d'criture. La
la stle

coupe de Hiram

est

proju'ement pbnicienne;

de

ALPHABET PHNICIEN PRIMITIF.


Msa, au contraire, vient du pays de Moab
aux insciiplions de
la fVimille libraque. et

125
se rattaclic

On

y observe dj

certains traits caractristiques de l'criture tant hbraque

qu'aranienne, en particulier une tendance marque pen-

cher rcriture

et

recourber

les

queues des

lettres;

nan-

moins,
et

les

deux alphabets sont encore presque identiques


la

nous permeUent de remonter jusqu'

forme

commune

d'o sont sortis Thbreu et le phnicien.


rsultat en

On

arrive au

mme

comparant
le

les

plus vieilles inscriptions phni-

ciennes avec

grec archaque.

On

sent que les deux cri-

tures sont engages dans des directions diffrentes, mais ne

sont pas encore bien loignes Tune de l'autre. L'alphabet


primitif a

se

trouver leur point de rencontre.

x\ous avons enfin encore

un autre point de repre


lettres

ce

sont les

noms donns aux


on

par

les Phniciens.

Ces

noms ne nous apprennent

rien sur l'origine des lettres,


ce

comme
On

l'a

cru fort longtemps;

sont

des explica-

tions artificielles reposant sur des ressemblances fortuites.

a suivi

le

procd encore en usage dans nos abc-

daires, o, ])our graver le

nom

des lettres dans l'esprit des

entants, on les associe cerlains mots familiers qui coai-

mencent par
a choisi les
ractres.

la lettre qu'il s'agit

de retenir; seulement on

noms

d'objets qui rappelaient la

forme des

ca-

Ces noms

nous
tait
si

montrent
la

donc,

dans
lettres

une

certaine
les

mesure, quelle
leur a donns.

forme des

lorsqu'on
lettres

Or

pour quelques-unes des

phni-

ciennes la ressemblance du

nom

de

la lettre

avec la forme
sen-

du caractre nous chaj)pe, pour d'autres


sible.

elle est trs

On

saisit

encore l'analogie de Vakf

<

avec une tte

de buf, du

(laJclh

avec une porte de tente, du amcd C

\'2(j

DEUXIME PARTIE.
l'il,

avec un aiguillon, de Vain o avec


dents,

du

sin

avec

les

du

tau

+ avec une

croix.
le dire

Ces noms
;

onl-ils exist ds
,

l'origine ?

Nous ne saunons
retrouve dans

en tout cas

ils

sont trs an-

ciens

car

non seulement on retrouve en grec les mmes noms


le

mais on

les

mme

ordre qu'en phnicien.

Voici donc la forme la plus ancienne de l'alphabet la-

quelle nous puissions remonter historiquement

te
-9

olef

buf
maison
cliamcau
porle
?

l
\M

lamcd

aiguillon

bcth

mem
nun
samedi
an

eau
poisson
?

gu'uncl

^
n
Y

(lakth

*
O
9
V^

il

vaa
zan

clou
9

j)h

bouche
?

I
B
@

>l

a (le

hetJi

9
[?]

quof
resh

telh

serpent

iod

main

^ W
+

tle

sin

dent
croix

haf

paume

(au

Ces caractres ne nous reprsentent pas l'alphabet primitif.

La conqiaraison avec

les types les

plus archaques de

l'alphabet grec nous porle croire (|u' l'origine les queues


et,

en gnral, tous

les

appendices des lettres taient plus

courts,
tre,
si

que

l'criture avait

quelque chose de plus trapu. Peutessais

nous possdions quelque tmoin des premiers


la

des peuples de

cote de Syrie poui* aj)pliquer l'alphabcl

ALPHABET PHNICIEN PRIMITIF.

[-21

leurs langues, serions-nous surpris d'y rencontrer des ditlreiices plus

grandes encore que nous ne

le

supposons avec
foiil

les caractres

que

les

plus anciennes inscriptions nous

connatre; peut-tre n'y retrouverions-nous pas les vingt-

deux

lettres

au conqlet.

Il

ne faut pas oublier qu'un inter-

valle de plusieurs sicles spare la cration de l'alphabet

du

moment o

il

nous apparat sur des monuments authentiques.

On ne
l'an
il

peut former l-dessus que des conjectures. F^orsque

nous trouvons l'alphabet phnicien dans des inscriptions vers

900 avant J.-C,

il

se

compose de vingt-deux

lettres et

est

dfinitivement constitu.

C'est de ces vingt-deux lettres

que sont

sortis tous les

alphabets, en apparence

si

diffrents, qui ont couvert le


assez.

monde. Ce

fait,

connu depuis

longtemps d'une faon


,

gnrale, est aujourd'hui rigoureusement dmontr non seu-

lement pour

l'criture grco-italiote, qui a

donn naissance
les critures

tous les alphabets europens, mais

pour toutes

smitiques, depuis l'aramen et l'hbreu jusqu'au syriaque


et l'arabe;

on peut enfin ftablir avec certitude, sinon

d'une faon aussi rigoureuse, pour Thimyarite et l'thiopien, ainsi que pour toutes les critures

du centre de

l'Asie,

pour

le

zend

et le pehlvi, et

mme

pour

l'criture indienne,

qui a donn naissance au dvangari et tous les alphabets

de

l'Asie mridionale.

128

DEUXIEME PARTIE.

CHAPITRE

II.

LES ALPHABETS ELUOPE.NS.

L'ALPFIABET GREC.

Les alphabets grecs et italiotes ont t

les

premiers se
l'al-

dtacher du tronc

commun.

L'oj'igine

phnicienne de

phabet grec
et les

est

un des

faits les

plus anciennement tablis

mieux connus ^^l Les Grecs eux-mmes appelaient


r lettres

(poiviKifid ypoLfXfjLOLTOL

phniciennes

t^,

ou xa^p;ta

ypdfxixoLTOL

lettres

cadmennesT),

les caracti'es primitifs

d'oij est sortie

leur criture classique.


les

En

effet,

une

tradi-

tion,

dont presque tous

auteurs anciens nous ont transa])poi't

mis Tcho, racontait que Talphabel avait l


Plasges par des navigateurs phniciens ayant
chef.

aux
poui'

Gadmus

Gadmus, en phnicien
de

A^rt///;<d,

est la personnification
si

des induences orientales qui ont jou un


les origines
la civilisation

grand rle dans

grecque.

D'autres lgendes faisaient intervenir dans l'introduction

de l'alphabet en Grce Orphe, Linus, Muse, Palamde.

Ou

racontait

que l'alphabet
lettres selon les

ap[)orl par

Gadmus
letti-es

n'avait

que dix-huit

uns, seize

selon les

autres, et qu'il avait t complt plus tard par Palamde.

a-t-il

dans cette tradition

le

souvenir d'une po(|ue o

'^

Ili-odole, V, 58.

ALPHABET GREC.

129

l'alphabet phnicien ne se composait pas encore de vingt-

deux

lettres"?

On pourrait

tre tent
le

de

le

supposer. Cet em-

prunt, en

eflet, n'a

pas eu

caractre d'un

emprunt

lit-

traire et savant, et l'alphabet phnicien a

d pntrer en

Grce de plusieurs cots la fois et sous plusieurs formes


diffrentes.

Mais l'tude des monuments ne permet gure


:

de s'arrter cette hypothse

les

premires inscriptions

grecques nous montrent l'alphabet dj compos de vingt-

deux ou

mme

de vingt-trois

lettres.

Les Grecs ne se sont pas tenus rigoureusement l'alphabet phnicien.


et
il

Il

s'est

rapidement modifi entre leurs mains,

a subi une srie de transformations, intressant la di-

rection, la forme et la valeur des lettres, qui ont

chang
l'cri-

profondment
ture.
les

l'aspect extrieur et le caractre

de
trois

Ce

travail d'adaptation

peut se rsumer en

mots

Grecs ont retourn l'alphabet phnicien;

ils

l'ont

re-

dress; enfin, par


voyelles.
Il

une vritable cration,

ils

en ont

tir les

faut chercher la cause de cette triple transforle

mation dans
clart

sens artistique des Grecs et dans l'admirable

de leur langue sonore qui ne pouvait se contenter

de l'criture, compose exclusivement de consonnes, que


les

Phniciens avaient lance dans

le

monde.

L'histoire de l'alphabet grec a t, depuis cinquante ans,


l'objet

de nombreux travaux. Franz en a donn


tte

le

premier

un aperu en

de ses Elementa epigraphices grc (Berapprofondie par Kirchhoff dans

lin, i8/io, in-4). Elle a t

les les

Mmoires de

l'

Acadmie de Berlin^^\ et par


livre

Mommsen
de

dans
infait

prolgomnes de son

Sur

les dialectes

l'Italie

frieure.

Plus rcemment, Franois Lenormant en a

'"'

Studien zur Geschtchte des griechischen Alphabets, i863, p.

i56-i6i.

HrUMBAU

lATlOXALB.

130

DEUXIME PARTIE.
qui a l'importance d'une lude

l'objet d'un article capital,

originale, dans le Dictionnaire des anliquits de

MM. Darem-

berg et Saglio. Tous ces travaux ont t repris et discuts


nouveau par M. Sal. Reinacli dans son Trait (Vpigraphie
grecque^^\ Enfin, M. Kirchhoff, qui n'a cess de remanier

son premier mmoire, en a


velle dition
l'tat actuel
^^^

fait

paratre en

1887 une nou-

qui peut tre considre


la science

comme donnant
et

de

allemande sur

cette matire.

Les inscriptions grecques sont trs nombreuses

admile

rablement tudies. Elles ont t runies d'abord dans


Corpus inscriplionum grcarum, de

Bckh, qui
genre.
11

a servi de

modle tous
le

les recueils

du

mme

faut y ajouter

Corpus inscriptionum atticarum et les Inscriptiones grc


(Berlin, 1890), dits par l'Acadmie de
et

Sicili et Ilali

Berlin; le Voyage archologique en Grce

en Asie Mineure,

par Ph. Le Bas, dont la publication a t continue par

MM. Waddington

et

Foucart;

la Collection of ancient
,

Grcek

Inscriptions in the British

Musum par

G. T.

Newton (London,

1876-1883); VEphemeris
mines

archaiologih , le Bulletin de corres-

pondance hellnique et les nombreux recueils oh sont dissles inscriptions

que

l'on

dcouvre tous

les jours.

C'est par les les, oij l'influence phnicienne

tait trs

profonde
rat avoir

et s'est

longtemps maintenue, que l'alphabet pa-

pntr en Grce.

On

a trouv dans

l'le

de Sanlo-

rin

l'ancienne Thra^^^, des inscriptions archaques qui nous


la

donnent

forme

la

plus ancienne que nous connaissions

'''

Paris, Leroux,

i885,

p.

175-286.

''^

A. Kirclilioir, S<</eM zur Geschichle des griech. Alphabets, 4' Auflage,

niit
**'

Karte und a Alpliabellafeln. Gtcrsloli, 1887, in-8,

Bckh, Mmoires

de l'Acad. de Berlin,
,

i836,

p.

/j

1-1 01.

Herniann

nlil, Inscriptiones ffrc antiquissim

Borlin, 188-3.

ALPHABET GREC.

131

de l'alpliabet grec. Cet alphabet ne se distingue gure de


l'alpliabet plinicien;
et
il

se

compose de

vingt-trois lettres,
lettres

ne possde pas 0, X, Y, non plus que . Les

ont en outre cet aspect pench qui est caractristique de


l'criture phnicienne. L'le

de Melos et

la

Crte ont fourni

des inscriptions analogues.


PHENICIEN.

THEKA.

<^ A
^A
^
Y
z^

/5v

^C
\M
^1

'T""
/v^

% ^5 ^ AA ;- \A

/A

w F^
I

z^

Z\

^
s
\

f f

u
o o
?
t^

K
t
^

/^

O o
r f

1/
B R B

I
H
h

79 V- V
d)

M
<f
/^

$ 9
A\

e &
^
^.

9
^

^\ AA

/A

^^ ^^
criture

K K
les

X+

T
fait

T T
subir
l'-

De bonne heure pourtant


changement de front ne
s'est

Grecs ont
:

une modification importante

ils

l'ont retourne.

Ce

pas opr sans de nombreux t-

tonnements. Les inscriptions de Thra nous en ont conserv


la

trace.

Nous y voyons

l'criture, qui part

de

la droite,

suivre en lignes flexueuses les contours

du monument
la

et

revenir sur ses pas. Plus tard, on rgularisa

chose et l'on

132

DEUXIME PARTIE,
en lignes parallles diriges alterna-

prit l'habitude d'crire

tivement de droite gauche et de gauche droite.

On

donn

cette disposition, qui rappelait les sillons de la cliar-

rue, le

nom

de

hoitstrophdon. Cette criture

de transition

persista assez longtemps; enfin l'criture adopta tion uniforme, de


les

une direcdans tous

gauche droite, qui

a prvalu

alphabets europens.

^
Inscription (jravc sur i'nne des faces d'une pierre noire Tbra. (Rhl, p. 2, n la a.)

La

loi

de Gortyne, qui est sans doute de peu postrieure

la loi de Selon,

nous

olre l'exemple

d'une inscription
le pre-

monumentale en boustrophdon. Nous en pubhons

mier fragment, dcouvert en i863 par M. l'abb Thenon,

membre de
Il

l'Ecole d'Athnes, et publi par

M. Bral^'l
qui a

est

conserv au muse du Louvre. La

loi entire,

t retrouve depuis et se

compose de soixante-dix
les n'

articles

dont notre fragment comprend


duite et
historique

58

60, a t trala

commente par M. Dareste dans


du
droit franais et tranger,

Nouvelle Revue

en 1886.

On remar-

quera que cette inscription n'a pas encore de * ni de X:


elle les

remplace par
et
I'q,

le

et le K; elle
I'e

ne connat pas non


To.
C,

plus

I'h

mais seulement

et

Le n a une

forme arrondie

trs particulire, 3

ou

qui n'est autre

'^

Revue archologique, dcembre 1878, p. 366-356.

ALPHABET GREC.
que
l'aiicicn y?

133
aussi a conserv sa

phnicien;

la

lettre

'

i'orme archacpie S (phnicien

\);

enfin,

on y rencontre

deux

fois le

digamma

F.

Loi do Gorlvne.

TBAyscniPTioy.
i-a
S-li
[.
.

.r]ov

vavTov

xctt ft[j)]

e|Wi'av[]oD

ij(iv

jXXev 7[ t2-]

[v]<P(tvanva} xal Ta x^pi^{ict\T' vxiXiOtxt t/ x<t xaTa[A/7rr7-]


[/

5-G 7-8

v]<PoLv(iixvos

Tslivt Se Tov\v(^(tvT6(i
\

fX77

T:r/^uprjv.

[A/ ^]
t()]

[T:o]9avoi v(pavt6i yvtcfa


[iv<p]ava.iivo} i:i0L'k'XvTav\s
[A77?] voLviievos
,

txva

(xi)

xaiaXnrMv, Tsp t^vs


^p-nyicnct.

9-10
11-12
i3-i.'i
1

vywpiiv ta

Ai

[ xa-]
X'i[) it]
,

iicoFemldda} xar' iyopv i:6

t'I>

[i:a]yopvovTi
[

xaTct(pXijLv\a)v tSv 'zsoXicnciv

vdii[v Se]

5-1

(y]7ctTnpavi S SiKa(Tl\[)jpiov, olc]

Un

trait des

Eiens avec
et

les

Arcadiens d'Rra, qui a


la 5o''

t trouv

Olympie

que Bckh place vers

olym-

piade (^), est dj entirement crit de gauche droite;


<''

Environ fioo h 55

ans avant J.-C. Cf. Newlon, Grech Inscriptions


to

n Ct.VII; Robrrts, Introduction

Grech Epigrophy, p. 087, 288

et

309-36^.

13/i

DEUXIME PAUTIE.
les lettres, tout

mais

en tant r'julirement traces, ont en-

core avec l'criture phnicienne une ressemblance qu'elles


n'ont plus au

mme

degr dans

la loi

de Gortyne

elles

sont penches et se terminent souvent par des queues, qui


disparatront dans le grec classique.
fait,

Le Trait des Elens


la

en outre, un usage constant du digamma, que


l'esprit

langue

grecque devait bientt remplacer par

doux^'^

TRAIT DES lENS.

A FpdToa
Fciiois.

ro7p FaXelois xo to7s


x'

p'

^vvfxa^ia
Jio.

ea SKCtrov

Fieci.

apypi Se

TOI' ai Si rt Soi,
x'

ahs Fno? ahe F


xa) zr-

dpyov, auvav
p 'usokyiO
'

XdXois

rot

t' aX(X)'

ai Se [x crvvav, lakavtov x'


toi Za< UAvvTriot roi xa

apyvpo anotivoiav

Sakefxvot Xarpeiiitvov
poL(pea rai"

ai Se zip

toi.

yt-

xaSaXotTO ,

ahe FsTas ahe

slea-l

ahe

Sa[xo5, v t' nidpoi x' v^-

oiTO TOI 'vTouT^ ypayivoi.

TliADiCTIOy.

Trait des lens avec les Hrens.


ans. Qu'elle

Qu il

y ait alliance pour cent

commence ds

i'anne prsente. S'il est besoin de quelque

secours, en paroles ou en actes, qu'ils soient lis les uns aux aulres,

pour

le reste

comme pour

la

guerre.

S'ils

rompent

l'alliance, qu'ils

payent un talent d'argent servir

Jupiler

Olympien qui
soit

a t viol.

Quiconque dtriorera

cette inscription,

que ce

un

associ, ou

un magistrat, ou un dme,
ci-dessus.

qu'il soit tenu

l'amende sacre inscrite

''^

Parfois aussi par l'esprit rude,

ou

mmo

par une autre


t.

lettre. (Sal. Rei-

nach, Manuel de

philoloffie classique, a' dition,

I, p.

i^io.)

'^s^^^T^
'IL

x^

T**"

Nil

"^

'^

('///

R" ,U :^ ^X

J/.//y

^^^f

i\

"^

1^ ^^ .^^

P.

4X
i

136

DEUXIME PARTIE.
les

La seconde rforme apporte par

Grecs dans

l'cri-

ture a consist redresser les lettres. Les Smites ont tou-

jours eu une propension naturelle pencher les caractres


et les

rapprocher de plus en plus du type cursif;


les

les

Grecs,

au contraire, couprent

queues des

lettres et retran-

chrent peu peu tout ce qui dpassait la ligne, de faon


faire tenir les lettres sur leurs pieds et

bien calibrer

les in-

scriptions. L'a est

un des exemples

caractristiques de cette
il

transformation. Dans le Trait des Elens,


parfois la

prsente encore

forme ^, qui

n'est autre
:

que

r<

phnicien redj, dans la


s'al-

tourn et priv de ses antennes

>. Mais

mme

inscription, nous voyons le

jambage suprieur
:

longer pour rejoindre la ligne infrieure


cts de l'angle

A; enfin, les deux


et

prennent une gale inclinaison,

nous arclas-

rivons la forme A, qui est peu prs celle


sique.

du grec

L'm (m),

I'n

(k),

le delta

(^),

le

rfw P

({>),

pourA, qui

raient prter des


est

remarques analogues. Pour

le

n du

phnicien, les Grecs ont encore t plus loin;


le

ne russissant pas

faire
T, et

tenir

en quilibre,
la

ils

l'ont

mis sens dessus dessous,

ont allong

barre oblique,
Il

A, de faon rendre les deux jambes gales.

leur a fallu

plusieurs sicles, cependant, pour arriver tracer les

ma-

gnifiques inscriptions (jue nous admirons encore aujourd'hui.

Dans
on

les

anciens textes, les lettres sont employes avec parles lettres

cimonie; on supprime
fait

doubles, souvent

mme

des lisions qui nous tonnent. Ces lettres ont de


certain air heurt; on sent l'eiTort, et pourtant les

plus

un

inscriptions archaques se distinguent dj par la rgularit


et le sens

pigraphique inhrents au gnie grec.

Une

autre transformation beaucoup plus profonde, por-

ALPHABET GREC.
tant

137

non plus sur

la direction

des lettres ni sur leur forme,


le

mais sur leur valeur, avait eu lieu ds

premier jour de

l'adoption de l'alphabet phnicien par les Grecs. L'alpha-

bet phnicien n'avait pas de voyelles; on n'crivait que les

consonnes, en laissant au
reste.

lecleui'

le

soin de suppler le
,

Au

fond l'criture smitique tait reste syllabique


,

la

voyelle, indiffrente, tant comprise dans la consonne. L'esprit clair des

Grecs ne pouvait se contenter de cette criture


les

par peu prs. Pour se procurer des voyelles,

Grecs

puisrent dans le tas des gutturales et des semi-voyelles

dont leur langue sonore n'avait que


le h, E; le iod,
I;

faire.

Vakf

devint A;

Van, 0. Ces voyelles ne leur suffisant pas


le

encore,

ils

ddoublrent
et

vau, qui correspondait dj au


qu'ils transportrent
la

digamma,
la fin

en tirrent Vu voyelle,
lui

de l'alphabet, en

donnant

forme

Y.

V upsilon ])Avah dj dans les inscriptions grecques les plus


archaques;
il

y a

donc
les

lieu

de croire

qu'il est

de cration
qu'il est

aussi ancieimc

que

quatre autres voyelles et

contemporain de l'adoption de l'alphabet phnicien par


Grecs. Pourtant Vupsilou a t

les

emprunt
que
le

une autre forme

du vau que

le

digamma

tandis

digamma F reprsente
Yupailon Y

l'ancienne forme phnicienne


celle

du vau,

rpond

que nous trouvons sur


dans ce
fait

la stle

de Msa, Y. Peut-tre
la diversit

faut-il voir

encore un indice de

des

sources de l'alphabet grec^^l

Plus tard

chez les Ioniens, une nouvelle distinction translieth

forma l'aspiration dure,

en

long

= la.

Enfin,

aprs l'adoption de l'alpliabet ionien par toutes les populations grecques,

on

tira

de

l'o, par-

une sorte de redouble-

ment,
''^

I'Q,

Ainsi se trouva complt le systme des voyelles.

Voir plus liant, p. i2f).

138

DEUXIME PARTIE.
celte

glande rforme vinrent se joindre d'autres clian-

{Tements de moindre importance. Certaines lettres phni-

ciennes tombrent hors d'usage, puis disparurent tout


fait.

Le digamma, qui correspondait au vau, avait peu


il

peu perdu sa valeur primitive;


correspondant au
(le

en fut de
,

mme du

koppa,

</o/

phnicien

cp,

qui disparat trs tt

l'alphabet grec.

Enfin, les Grecs ont fondu ensemble

plusieurs sifflantes qui faisaient pour eux double emploi.

De bonne heure, chez


servi,

les Ioniens, le ade


le sin

(grec s)
et

s'tait

confondu phontiquement avec


conjointement avec
lui,

(grec z)

avait

mais dans des groupes de


le

populations diffrents, rendre

son

reprsent en grec
lui.

par

le sipiia^^'>;

puis

il

finit

par lre vinc par

La

place dn ade

restait vide.

Dans l'alphabet grec


la

dfinitif,

nous voyons
a la
le

le

(^)

qui occupe
la

place

du samech

et

en

forme, prendre alors

valeur du ade; d'autre part,

nom du

samech a pass, avec une lgre mtathse, au

sifima Z,

qui correspond, pour la forme et pour le son,

au sin phnicien
l'alphabet.

W,

et

qui occupe

la

mme

place dans

Ces

lettres

perdues ont toutefois gard, en partie


la

du moins, leur valeur dans


nous ont t conservs,
soit

numration,
les

et leurs

noms

soit

par

grammairiens grecs,

mme

par

les

auteurs classiques. Dans les Nues d'Aris-

tophane, deux chevaux de l'curie de Philippide portent


les

noms de Ooppatias En mme temps

et

de Sanq)horas

-\

qu'ils sacrifiaient certaines lelti'es

ph-

niciennes, les Grecs enrichissaient leur alphabet des trois

consonnes complmentaires 0, X, t, qui vinrent se placer


'''

Ilirsclifold,

Bvue des ludes ffrecq ns , juillel-septenibre 1890, p. 221-

2-29.
'"'

Arislopliano

^^ubes,

v.

-2

cl

jo-, et scoliasle.

AMMIAIKT GREC.
la suile

139

de

I'y.

Le problme de
il

la

gense de ces nouvelles


lieu,

lettres est assez obsciu', et

donn

jusque dans ces

derniers temps, de nombreuses controverses. MAI. Fr. Le-

normant, Glermont-Ganneau^')
en sens divers. En tout cas,
la

et Kircbliol^''

Tont rsolu

cration des lettres complles

mentaires remonte fort haut, car on


les inscriptions

trouve dans toutes

grecques, l'exception de celles de Tlira,

de Melos et de Crte; elles figurent

mme

dans

les

alpha-

bets des colonies de Clialcis. dont la fondation date de la


fin

du

vni^ sicle.
s'est

Cette rvolution dans l'criture ne

pas accomplie

d un seul coup,

et,

pendant des

sicles, l'criture
lui prtons.

grecque

n'a pas eu l'unit absolue

que nous

KirchhoIT

divise les alphabets grecs en

deux grandes familles, suivant


aux
lettres
il

l'ordre et la valeur qu'ils assignent


taires
:

complmenfaut joindre

les

alphabets orientaux, auxquels

ceux de Corinthe, de Mgare et d'Argos, et les alphabets


occidentaux, qui comprennent ceux de
la

Grce propre
<t>,

et

de ses colonies occidentales. Dans

les prejuiers,

X,

T sont

rangs dans l'ordre actuel, avec leur valeur habituelle;


les

seconds donnent ces lettres


:

la

place et les valeurs

suivantes

X (=^),

et

(=x)-

t'^'-

Lenormant, dve-

loppant les ides de Franz, a cru pouvoir tablir une classification plus dtaille, qui n'est toutefois pas

admise par

KirchholY.

Il

divise les alphabets grecs en quatre branches,

correspondant, peu de chose prs, aux (juatre groupes


principaux des populations hellniques
1
:

Valphahel olo-dorien, usit surtout chez les Grecs du


la

Ploponse, de l'Eube, de l'Achae et de


^''

Grande-Grce,

Mlanges Graux, 188/j,

p. /ii5-/iGo.

^''

KirchhoIT, Stitdten, etc., p. vi el 17-2-17/1.

1/,0

DEUXIME PARTIE.
proche du phnicien.
le
Il

et qui tait rest le plus

avait con-

serv
tait

le

digamma

/", le

koppa et

sam ^;

Vla

=
=

H n'y

pas encore une voyelle,

et jouait le rle

d'aspire;

enfin, cet alphahet possdait les

deux

sifflantes

o-

et

= |.
2"

Dans

Valphahet des
/*,

les,

nous retrouvons
le

les trois lettres

caractristiques

?, ^;

mais

d'aspire, tantt de voyelle; le

= H joue le rle tantt M = et le X = ^ ont disB


(t

paru ou ont chang de valeur.


3 Valphahel ionien se distingue par l'absence des cinq
lettres caractristiques

de l'olo-dorien;

il

a, par contre,
l'H y a con-

une

lettre nouvelle, VQ.,


la

pour rendre Vo long;

stamment

valeur de voyelle.

A" Enfin, Valphabet atlique, qui ne comptait

que vingt

et

une

lettres.

INSCRIPTION DU COLOSSE D'IPSAMBOUL.

BA^IAEO 'rEA^OA'TO^E^ EAEA/^TI/VA^vi/AMATlXO TAVTAC^PA1A^lT0MVrJ^VAMMATIX0ITOI&O^=^OS EPAONBAO^AEt<EPK105t<ATVPEPEYl$onOTAMOS


A^'IBAA0^A050SAB1-EP0TASlMT0AI^YnTI0$AEAMA$l< B^?A4IE-AMAf'X0^^AMOIBIXOI<AlPEAE0O5OYAA^^0
hoiatXos ).6vTos es F.}.^ctvTlvav 'aixaTi)(^o[v\,
rarjTO.

jpa-^av toI

aiiv '^aa^i'x-iiyui

t 0oxA[]os
vTs
,

itAsov
dviri

^Aoj ^ Kpx<os

Kxnnspds

aoraus
Se Afxcr.s.

.XoyXit)ao[v\s S' ^-^e lorafjiin


5'
ef/

Ai'j'U-7r7/o[y]s

ypaie

pp^wr

(zo(/;^o[u] xii

n).9os Oy<afxM-

L'tude des inscriptions prouve, en tout cas, que dans

un

mme

groupe d'alphabets

il

y avait des varits d'un

endroit un autre. Le plus inq)ortant tait sans contredit


l'alplial^ct

ionien, qui arriva

peu

le

peu

supplanter tous

les autres.

Ds

le vu'' sicle,

nous

trouvons employ dans

des inscriptions de dialecte doiien traces par les merce-

ALPHABET GREC.
naires grecs

Ul
jambes du colosse

de Psammtique sur
et

les

d'Ipsamboul,

qur se trouvent ainsi dates environ de l'an

G5o

Tan 09 5 avant J.-C.C).

L'indcision dans la composition de l'alphabet dura pourtant longtemps encore.


Il

faut aller jusqu' l'poque de la


les

mort de Socrate pour voir disparatre

dernires traces

d'archasme dans l'criture et pour nous trouver en prsence d'un alphabet uniforme. Sous l'archontat d'Euclide,

olympiade (608 avant J.-C), un dcret du peuple athnien dcida l'adoption, comme criture offil'an
la 9/1
cielle,

en

n de

de l'alphabet ionien de vingt-quatre


fut bientt suivi

lettres, et cet
la

exemple

par tous
il

les

peuples de

Grce.

A
fin

partir de ce

moment,

n'y eut plus

en Grce qu'un

seul

alphabet. Le
v^ sicle

mouvement
sparation

des ides qui a signal la

du

a eu ainsi son contre-coup dans l'criture.


la

Platon

marque

des

temps anciens

et

de

l'poque classique. Avec lui, l'criture perd son caractre hiratique et officiel, pour transmettre des penses individuelles et

mme

des conversations; elle devient vritacrite; mais,

blement une parole

en

mme

temps,

elle se'

ddouble, et nous voyons natre en Grce l'criture cursive ct de l'criture monumentale.


L'histoire ultrieure de l'alphabet grec avant l're chrtienne ne prsente plus, en dehors de l'criture cursive,

que des modihcations d'ordre secondaire. Environ i5o

200 ans avant


l'criture
lettres et

Jsus-Christ, une dernire

allratiou

de

monumentale

a arrondi les angles de


Yepsilon et

certaines

donn naissance

au sigma lunaires,

e,

C('^),

qui ont en grande partie remplac les anciennes


,

'>

Voir Corpus inscr. semit.


S.

1" partie,

t.

I, p.

i35.

*>

Reinach, Trait irpigraphie, p. QoS-^og.

142
l'ormes E, Z.

DEUXIME PARTIE.
En mme temps,
\ omga Q devenait
Cl). II

faut

cliercher l'oiigine de cette transformation dans la diffusion

de

l'criture sur

papyrus, qui a transporte dans l'criture


dj

monumentale des habitudes reues depuis longtemps


dans
la

palographie manuscrite.

ALPHABETS GllECS.

PIIIMCIEN.

GREC PRIMITIF.

OLO-DORIEX.

CLASSIQUE.

<
^ A

A
1

A
B r

A
B

a ^ ^ n
/^

^
=

<
a
=]

l>

>

A
E

A
E

/^

Y X
I

I
H

X
H

t
>l

B H

e
^

O
1 I

> K

"1

^ L
yv\

A
M
A'

A
l\

>A

Vi

(?)

^
O

PHRYGIEN, LYCIEN, CARIEN.

143

ril.MClE\.

GREC

PlilMlTir.

OLO-DOIUEN.

CLASSIQUE.

9
\
9

1 r

T'f

M ^
<P

9
-^

4>

9
P P
P

f>

w
t
^

2 A\ T

M X
T
Y
6>
<t>

s:

T
Y
4=

X=6

YV^PC
XL

LES DERIVES DE L'ALPHABET GREC.

PHRYGIEN, LYCIEN, CARIEN.


L'criture grecque a
civilisation liellnifj[ue et

du

sa fortune

exceptionnelle la
le sicle

aux ides que


le

de Pricls
ses

et celui d'iVlexandre

ont jetes dans

monde. A ct de
la

grandes lignes, que nous avons suivies depuis

naissance de
il

Talpiiabet grec jusqu' sa constitution dfinitive,

existe,
isols

aux confins du monde oriental, quelques alpliabets


qui se rattachent, en partie du moins, aux

mmes

origines.

On

trouve, jusque dans les

les

de

la

Grce, des inscrip-

\Uk

DEUXIME PARTIE.

lions (icriles avec des caractres apparents au grec, mais

dans une langue qui ne rappelle aucun des dialectes


niques. Tel est ce curieux bas-relief de

liell-

Lemnos qui

est ac-

compagn d'une double inscription dont on ne peut


aucun
cipal

tirer

sens^^l Mais c'est l'Asie

Mineure qui

est le centre prin-

de ces formes plus ou moins altres de l'alphabet

grec.

L nous avons

les inscriptions

phrygiennes, lyciennes

et cariennes,

qui ont recours trois alphabets distincts et

sont, des degrs divers, encore inexpliques.

ALPHABET PIIRYGIEX.

a
b

AA
B

m
n
?
r
s
i

fv\ /V%

hA

B
r

h'

9
d
e

A 6EE
A
P F

r p
p p

ir

%\\

%
i

j-s^
1

T
K

T
t

h
l

-ph

A
tombes monumentales trouves
et

V alphabet phrygien a t connu d'abord (1820) par les inscriptions de sept


iiessus
roi

Prymd'un

en Phrygie,

dont l'une contenait

les restes

nomm

Midas. Quelques autres inscriptions trs courtes,


tracs par les mercenaires de

quelques

{i;ra/fi(i

Psamm-

C)

Bnllpttii (le

correspondance hellnique

janvier 1886, p. l-G.

PHUYGIEN, LYCIEN, GARIEM.

U5

linue sur les rochers d'Assouau ou sur les jambes des colosses qui sol l'eulre

du grand temple d'Ipsamboul^'',


a t dress, de

forment tout ce que nous possdons de cet ancien alphabet.

Le tableau que nous reproduisons

ici

mme
quits

que

celui de l'alphabet phrygien, par Fr.


l'article Alphabet,
(^^.

Lenor-

mant pour

dans

le Dictionnaire des anti-

de M. Saglio

Ces tableaux sont dj un peu an-

ciens et ont besoin d'tre complts par ceux qu'a

donns

Roberts {^Inlroduclion

to

Greek Epigmphy, p.

3i2

et 3i/i).

Les alphabets de Roberls, toutefois, ne sont pas non plus


dhnitils, et
serve.
ils

doivent tre consults avec une certaine r-

Alphabet

lycien.

Les

inscriptions lycienncs sont plus


le

noud^reuses. Elles ont t runies par

savant explorateur
la Lycie^^l

Ch. Fellows dans son grand ouvrage sur

La plus

importante

est rinscription historique,


Il

longue de 260 lignes,


faut faire rentrer dans

grave sur l'oblisque de Xanlhus.


la

mme

catgorie une srie trs

nombreuse de monnaies
alphabet et qui taient

sur lesquelles on retrouve le

mme

restes jusqu'alors sans attribution.

Ces inscriptions, qui

seraient d'un haut intrt, ne nous ont pas encore livr la


clef

de

l'criture lycienne, et,


les

malgr

les

travaux dont elles


l'exception
elles

ont t l'objet, nous ne


des

comprenons pas,

noms propres

et

de quelques autres mots peut-tre;

restent

pour nous une nigme.

''^

Voir plus liant, p. 1^0 et i/ji.

^'^

Ces alphabets,

comme

ceux de Tlira (p. i3i), que nous avons mis

ail

courant, et les reproductions d'inscriptions hiratiques et deiiioliques (p. io3


et 10/i)
^^'

nous ontt gracieusement prts par

la

maison Hachette.
,

Ch. Fellows, An Account 0/ Discoveries

in Lycia

London, 18^41,

m-ti".

lliG

DEUXIME PARTIE.
les inscriptions

L'alphabet que
a

de Lycie nous ont tronsn)is


l'alphabet grec primitif;

un aspect archaque qui rappelle


la

mais

prsence du

et

du

<I>

prouve

qu'il est

de date

moins ancienne peut-tre qu'on ne serait port le croire.

Chose curieuse, l'alphabet des Lyciens ne leur


de leurs voisins
les Ioniens; ils l'ont

est pas

venu

reu des Doriens, ainsi

que

l'a

tabli Kirchlioff.

ALPHABET LYCIEN.

ce

A
X
E
1

y
C
'

M/

< >

^ E
B b B B

d
7.

Z^
I

K
l

A
^V(\W
/S//V

V
^

TtV

n
V
3I

N
r
s

S
V
6
JIC

r
^

r
s
i l
>)

p
6

)ic

:ic

si/vy \i>'^

T
F

V;(^\X/Y^y

o
Les Lyciens, en outre, dont
la

X
non seulement
ont ddouils les

langue prsentait un sys-

tme de vocalisme
o:il

dlicat et compliqu,

adopt
ils

les voyelles

grecques, mais

bles, et

ont cr tout un systme de voyelles trs sala

vant, qui ne raj)polle en rien

sobrit des alphabets pri-

ALPHABET TRUSQUE.
iiiitifs.

I7

Pcut-lre

faul-il

chercher dans l'isolement de ces

])0[Hilations et
le

dans leurs relations constantes avec l'Orient

caractre spcial de cette criture, qui n'est pas sans pr-

senter un air de parent avec l'criture cypriote ('^.

Ce mlange

d'influences grecques et orientales est encore

plus sensible dans les inscriptions de la Carie. Valphabct


carien parat se rattacher au grec par certaines lettres;

par

d'autres, au phnicien; enfin,

il

contient des lments qui

ne ressemblent aucun caractre connu. Le


logies et le petit

manque

d'ana-

nombre des

inscriptions cariennes ont

empas

pch, jusqu' prsent, de dterminer

la valeur des lettres


sait

qui composent l'alphabet carien, et l'on ne

mme

exactement dans quelle langue ces inscriptions sont

crites.

ALPhABET ETRUSQUE.

Dans

le bassin occidental

de

la

Mditerrane, l'alphabet
il

grec a jet des i-acines autrement profondes, et

donn

naissance la famille des alphabets italiotes, qui se divise en

deux grands groupes

VaJphabel lriisque et VaJpliabel

lalin.

L'trusque prsente,

comme

le lycien et le carien,

un

des phnomnes philologiques et palographiques les plus


tranges
:

une langue dont nous

lisons l'alphabet et
efforts faits

que

nous ne comprenons pas. Tous

les

pour ex-

pliquer les inscriptions trusques ont chou jusqu' prsent, et notre sicle, qui a

vu retrouver tant de langues


sans qu'on ait rsolu ce pro-

perdues, parat devoir

finir

blme, qui

n'est peut-tre

pas sans analogie avec celui que

nous prsentent

les inscriptions hittites.

'''

Voir Taylor, The Alphabet,

t.

II. p.

108-1

2 3.

1/18

DEUXIME PARTIE.
le
xvi*=

Ds

sicle,

on connaissait des inscriptions trusla curiosit

ques, et leur dcljiffrement avait tent


dits.

des ru-

Mais

c'est

seulement en 1782 que

le

premier alphabet

trusque vraiment satisfaisant et obtenu par des procds


raisonnes d'une manire scientifique, suivant l'expression de
Fr.

Lenormant,
le

fut publi

par un Franais

nomm Bourguet

dans

tome

des Dissertations de racadmie de Corlone.

Grce aux travaux de Gori, de Maffei, de Lanzi, cet alphabet est aujourd'hui parfaitement connu.

Les inscriptions trusques offraient d'ailleurs des ressources exceptionnelles. Nous possdons, ct d'inscrip-

tions

proprement

dites,

dont

la

plus clbre est la grande

inscription de Prouse, de

nombreuses lgendes trusques

graves sur des miroirs ou sur des vases.


bilet des

On

connat l'ha-

Etrusques reproduire, sur leurs beaux vases

en terre cuite ou sur leurs miroirs en mtal, des scnes

empruntes

la

mythologie classique ou

l'histoire

h-

roque, Oi' sur ces vases,

comme

sur les vases grecs, chaque

ALPHABET TRUSQUE.
personnage
est

l/i9

accompagn de son nom. Le


les

mme

fait se

remarque sur

peintures historiques trouves dans un


le

hypoge de Vulci; ces lgendes, tant

plus souvent for-

mes de noms propres connus, ont permis de reconstituer


Talphabet trusque.

On
tat.

est arriv

encore par une autre voie au

mme

rsul-

Plusieurs vases, rencontrs sur divers points de l'tru-

rie,

Caere, Adria, Bomarzo, Nola, portent non plus

des noms, mais l'alphabet tout entier, quelquefois

mme

l'alphabet grec et l'alphabet trusque, tracs autour de la

panse. Le vase connu sous

le

nom

de vase

Cliigi,

que nous

reproduisons

ici

d'aprs les Mlaiiges d'archologie

et d' histoire

de r Ecole franaise de
cette disposition.
Il

Rome ^^\ pourra donner une

ide de

semble que, l'alphabet tant une nou-

veaut, on

ait

voulu s'en servh^

comme

de motif d'ornemende rpandre

tation. Peut-tre aussi faut-il voir l le dsir

par
soit,

les

yeux

la

connaissance de l'criture. Quoi qu'il en

ces alphabets

nous ont
les

livr

la suite

des lettres et
:

l'ordre

dans lequel

rangeaient les Etrusques

V z

'6

s'

(p

y^

11

est impossible

de ne pas tre frapp de

la

ressemblance
soit

de cet alphabet

soit

avec l'alphabet phnicien,

avec

l'ancien alphabet grec.

Auquel des deux peuples

les

trusques

ont-ils

emprunt

leur alphabet? Pendant longtemps, on a cru qu'ils l'avaient

reu directement des Pliniciens. Otlfried Mullcr et, aprs

')

T. Il, p. Qo3,pl. VI.

150
lui,

DEUXIME PARTIE,

Mommseu

et

Franois Lenormarit ont tabli, par des


l'in-

raisons qui paraissent dcisives, qu'il leur est venu par

termdiaiie des Grecs.

En

effet, l'criture

trusque a trs

peu de
et elle

lettres

qui ne figurent pas dans l'alphabet grec,


celles

ne possde pas

que

les

Grecs avaient laisses

tomber en adoptant l'alphabet phnicien; on y trouve en outre les lettres additionnelles Y, (t>, Y, que ne connaissaient pas les Phniciens. Les Etrusques n'ont qu'une seule
lettre

nouvelle proprement parler

c'est le

$, qu'ils ont

cr pour rendre l'articulation /; or ce nouveau caractre


parat tre n d'un

ddoublement du

<I>

grec, qui repr-

sentait primitivement chez eux Yfei \e ph. Tacite avait donc

raison

quand

il

affirmait^')

que

les

trusques avalent reu

leur alphabet des Grecs.

De

l'alphabet trusque sont ns les alphabets de

l'Italie

septentrionale, ainsi
lations

que

les

alphabets usits chez


l'Italie,

les

popu-

du centre

et

du sud de

ombrien, osque, sa-

bcUique, dont l'tude a t renouvele, dans ces dei'nires

annes, par M. Michel BraU"^), et enfin,


le

s'il

faut en croire

mme

savant, l'alphabet latin.

ALPHABET LATIN.
L'origine grecque de l'alphabet latin tait considre,

jusqu' ces derniers temps,

comme un dogme
les colonies

scientifique.

Suivant M. Kirchlioff,

c'est

par

grecques du sud

de

l'ilalie

que

les

peuples latins ont reu l'criture. L'al-

pliabet latin primitif ne serait autre

que l'alphabet oloet

dorien, tel qu'il tait usit


''
'*'

dans

la

Grande-Grce

en Si-

Annales, XI, i4.

M.

Bri^jil,

Les Tables Etiffubines , lexle et planches, Paris, 1870.

ALPHABET
cile,

LATIN.
c/i,

151

moins

les trois articulations aspires th, pli et

qui

taient trangres l'organe latin. L'histoire, toujours trs

complaisante, semble conduire aux

mmes

conclusions et
les origines

nous invite chercher dans

l'Italie

mridionale

de

la civilisation latine. C'est

de C urnes

et des villes

de

la

Sicile

que sont venues

la

plupart des rformes d'origine

grecque
la cit

et des institutions qui ont

amen

la constitution le

de

romaine. La rforme de Servius Tullius,

systme

des poids et mesures, le systme montaire lui-mme, sont


d'origine grecque.

M. Bral, qui ne
les
rie

craint pas de se mettre en opposition avec

dogmes scientifiques,
^'^:
il

vient de battre en brche cette tho-

a cherch dmontrer

que l'alphabet

latin drive
et

bien du grec, mais par l'intermdiaire de l'trusque,


c'est

que

non des Grecs du sud de


et

l'Italie,

mais de leurs voisins


crire.

de Glusium

de Vulci, que

les

Romains ont appris

L'antiquit de l'usage de l'criture en Italie nous est atteste

par des

faits

nombreux

et concluants.

Les anciens

livres des oracles, le

nom mme

des snateurs, patres contradi-

scripd, les loges

du forum, o, suivant une ancienne

tion, les

fils

des patriciens allaient apprendre

lire et

crire, en sont autant de preuves.

l'poque des auteurs

classiques, on possdait encore des

monuments
Gabics et

crits re-

montant au temps des


connaissait l'original

rois

de Rome. Denys d'Halicarnasse

du

trait entre

Rome

conclu

par l'un des Tarquins. Le


dans
le

mme

auteur raconte avoir vu,


la table

temple de

la

Diane Aventine,

de bronze

sur laquelle tait grav l'acte d'alliance de Servius Tullius

avec

les villes

du Latium. iMalheureusement, nous ne poss-

''

Mmoires de

la

Socit de linguistique, I.VII, p. 1-29-1

34, 1/19-156.

152

DEUXIME PARTIE,

dons pas de monuments remontant ces poques recules.


Les plus anciennes inscriptions latines ne vont gure au
del

du milieu du

v*=

sicle

de Rome, c'est--dire de

l'an

3oo

avant Jsus-Christ.

Mommsen
as libraux
,

place en tte des inscriptions latines ces beaux

de forme carre, qui portent, au-dessous d'un che:

val ail [Talopant, la devise to.v.i.voi/

Les as libraux ayant cess d'exister en


ces lgendes sont

l'an

A90 de Rome,
la

donc antrieures au commencement de


les lettres

premire guerre punique; or


de chose prs,
classique.
la

y ont dj, peu


latin

forme qu'elles auront dans l'alphabet

L'inscription

de
si

Buenos, rcemment dcouverte par


elle n'est

M. Henri Dressel,

pas antrieure

comme

date,

nous prsente du moins une forme beaucoup plus ancienne


de l'alphabet
latin. Elle est

grave sur un vase compos,

comme

certains de nos vases fleurs, de trois petits godets


elle
l'a

souds ensemble, autour desquels


des lignes irrgulires. M. Bral^'^
l'interprtation suivante
:

serpente en faisant

publie eL en a doniu';

OVEIS
Jupiter

AT
aiit

DEIVOS
dous

QOI
ciii

MED
me

MITAT.
millal(isle),

NEI
no

TEDI
te

ENDO,
endo,

COSMISV
commissi

IRCO,
crgo,

SIED,
sit.

ASTED
Asl
le
'"'

NOIS,
nobis,

10
oo

PETO,
penso,

ITES
^.ttaTs

lAI,
iis,

PACARI
pacari

VOIS.
velis.

Ecole franaise do Roiup, Mlanges d'nrcholojie


p. 1/17-167, pi. III.

et

d'histoire,

l.

Il,

1882,

ALPHABET

LATIN,

53

Vase

(le

IJnenos.

15^1

DEUXIME PARTIE.
me
fecit

DVENOS MED FECED EN MANOM; EINOM DVENOI


Diienos
in

honum;

mine

Diieno

NE
ne

MED
me

MALO
nialo

STATOD.
sislito.

Jupiler ou quel que soit le dieu auquel celui-ci m'adressera, que


celui-ci

ne tombe point entre

tes

mains pour ce

qu'il a

pu commettre.

Mais laisse-toi flchir par nous au moyen de ce don, au moyen de


ces crmonies.

Buenos m'a

offert

en

hommage pour

son repos; ne

me

prends pas en mauvaise part pour Buenos.

Les caractres ont

la

mme
trs

forme que dans

les plus an-

ciennes inscriptions de Grce et d'Elrurie.

On remarquera
en outre,

spcialement

la

forme

archaque de l'M, Kh, du P, q,

du Q,

?, de l'R, ^, de l'E, ^. L'alphabet offre,

certaines particularits sur lesquelles nous aurons revenir:


il

n'y a pas de Z; le
ainsi

est

reprsent par
la gutturale

le

G, qui coret la

respond

en

mme temps

douce

jjutturale forte;

deux reprises mme,

le scribe

a crit K,

puis

l'a

corrig en G. Enfin, l'criture est dirige de droite


fois

gauche. G'estla premire

que nous rencontrons Rome


emploi frquent en ombrien,
qui
s'est

cette disposition, qui est d'un

en osque et en trusque,

et

perptue

Paierie

jusqu'au if sicle avant Jsus-Glirist.


L'inscription de

Duenos

est la seule inscription latine qui

puisse nous donner une ide de la physionomie

que devait

avoir la Loi des douze


tion

tables. Si

nous passons de

cette inscrip-

aux anciens as libraux, qui sont peut-tre contempo:

rains, le saut est fait

ce n'est plus l'ancien alpliabet latin,

mais l'alphabet athnien, introduit


d'cole grecs.

Rome

par les matres

Depuis ce moment, l'alphabet

latin n'a plus

gure vari.

ALPHABET
pour
la
loriiie
Il

LATIN.
la

155
lin

des caractres, juscju

de l'empire

romain.

se distingue
lettres,

de l'alphabet grec par une certaine


les dlis sont

lourdeur des
et

dont

moins marqus,
:

par une tendance arrondir


et n deviennent D

les angles

S
,

devient S;

et P, suivant

en cela

le b

qui dj dans
la lettre
r,

l'alphabet grec classique tait


les Latins

devenu B. Pour
d'tat

ont

fait

Un

petit

coup

que nous trouvons

dj bauch dans les alphabets grecs


Ils

du sud de
oblique,

l'Italie.

ont prolong la boucle par un


distinguer du^;, avec lequel
il

trait

P, pour

le

se confondait entirement.

Un
bronze

dcret de
et

Paul Emile, grav sur une plaque de

qui date de l'an 190 avant J.-C, nous prsente


:

dj tous ces caractres

c'est

le

dcret accordant aux esclaves des Hastenses, qui

habitaient la tour de Lascuta, la libert et la proprit de

leur ville ainsi que des terres qu'ils occupaient^'). Cette belle
inscription, qui a t trouve prs de Gibraltar en
est

18G7,

actuellement au muse du Louvre. M. Hron de Ville-

fosse a bien
ici

voulu nous fournir

les

moyens de

la

reproduire

d'aprs l'original.
C.J.L.,{.
II,

'>

1889,

hoh^.

156

DEUXIEME PARTIE.
a recueilli

M. Huebiier
les
fin

dans une impoiiante publication

^'^

principaux

monuments de
Pour

l'pigrapljie latine depuis la

de

la Rpubli(|ue.

se faire
il

une ide complte de

l'histoire

de l'criture latine,

faut surtout avoir sous les

veux le Corpus inscriptiomim lalinarum publi, sous la direction

de M. Th.

Mommsen, par
dans
les

l'Acadmie de Berlin; on

trouvera

notamment

toutes les anciennes inscriptions la-

tines reproduites firaphica,

Prisc

atinitatis

monumenta

rpiI

de Fr. Ritschl, qui forment

l'atlas

du tome

du
le

Corpus.

On

reconnat dans les traits de l'criture latine

caractre d'un peuple moins soucieux de la grce que de


la force, et

qui avait pour devise le vers de Virgile


regere imperio populos, llomane, mmento.

Tu

L'histoire ultrieure

des modifications palographiques

de l'alphabet latin est importante pour l'tude de l'pigraphie; mais elle sort du cadre que nous nous fjommes trac.

M. Gagnt en a donn un expos


Cours (rpigraphie
latine ^^.

trs

complet dans son

On
eSt
la

y verra

comment de

l'al-

phabet monumental ancien


a

ne l'criture cursive, qui


formation de nos critures

jou un rle capital dans

modernes.

La

vie de l'alphabet latin


:

ne

s'est

pas borne

ces

modi-

fications extrieures

l'ordre et la valeur de ses lettres ont

conlinu

subir,

jusqu' l'poque inq)riale, des bouleveret

sements qui s'expliquent par son origine


littraire

par l'influence

de

la

Grce. Gette origine doit tre cherclie, sui-

vant M. Bral, chez les Etrusques, les voisins immdiats


'''

Iliu'bner,

Exempla

sciipttir epiifraphica' laliii

a Csaris dictaloris morte

ad lalcm
''
l\:

Juslltiimii, Berlin,

i885,

iri-ful.

Gajjiial,

Cours d'pigraphic latine, q' ddilion, Paris, Thorin, i88().

ALPIIABKT LATIN.
clos

157

Latins. L'alphabet latin serait, en d'autres tenues,


(jui s'tait

un

alphabet grec

appauvri entre

les

mains des Etrus-

ques
en
les
la

et qui a

cherch reconqurir, lorsqu'il est retourn

possession d'un peuple indo-europen, le peuple latin,


qu'il avait

lments
L'histoire

perdus.
capital de cette volution^''.

du

C
le

forme le point

Primitivement

jouait en latin,
il

comme

en trusque,

le

rle de forte et de douce;

tait tour tour

un
il

c et

un

g,

comme

l'indique sa place dans l'alphabet, o

correspond

au^oawi??rgrec;

CAIVS, CNAEVS, se prononaient Gaius,


le

Gnaeus; au contraire,

K correspondait

la gutturale,

comme

dans

KAESO.

Toutefois, la lettre

tait insuffisante

pour rendre deux

sons aussi diffrents, dans une langue qui les distinguait net-

tement. Environ 3oo ans avant Jsus-Christ, nous voyons


le

reparatre, par
la

une lgre modification de

la lettre c,

sous

forme G,
par
le
c

et s'intercaler entre

et

H,

la place

laisse vide

la

disparition

du

z.

Le

ne servit plus

qu' rendre

dur; mais par

mme

le

K devenait

peu prs
serva le

inutile;

peu

peu,
la

le

prit sa place et l'on r:

K pour exprimer
vn'^

gutturale devant a
il

Kavthago;

enfin, au

sicle

de Rome,

disparut presque entire-

''^

L'histoire

du

latin est

l'argument

le

plus fort en faveur de la thse de

M,

Bre'al.

Les Latins ont toujours eu l'explosive sonore

^^;

il

faut qu'ils aient

pris les caractres de leur alphabet


ils
il

un peuple qui ne

l'avait

pas, sans quoi

n'auraient

})as laisse'

tomber

la lettre destine la

rendre. D'autre part


latin se heurte
lettres, soit

faut reconnatre

que

l'origine trusque
soit

de l'alphabet

de
la

graves objections, qui viennent


pre'sence dans l'alphabet latin

de

la

forme de certaines

de

du B, de l'O, du

et

du

(=?), qui ont

toujours

existe.'

en lalin, quoiqu'ils fussent inconnus des Etrusques. Peut-tre


la

a-t-il

eu dans

formation de l'alphabet latin des influences combinres de

i'Etrurie et de la Grande-Grce.

158

DEUXIEME PARTIE.

ment.

On

ne

le

retrouve plus gure que dans

le

mot

yi-

lendae et dans

un ou deux autres encore, qui ont contiim

s'crire par
tait

un

k,

mme

une poque o
par
les

celte lettre

considre

comme

supervaciia

grammairiens

latins.

L'alpliabet latin primitif se composait de vingt et


lettres et s'arrtait l'X,

une
9)

que Quintilien

[Inst. oral., I, iv,

appelle ullima nostrarum. Si l'on cherche reconstituer cet

alphabet, on n'arrive qu'au chiffre de vingt. Quelle tait


lettre qui a

la

disparu?

Mommsen

a tabli

que

c'tait le z,

qui correspondait au zta de l'alphabet grec, au zain de


l'alphabet phnicien. D'autre part, l'alphabet latin conserva
la lettre F,

correspondant au digamma, qui


les

tait
il

de bonne en faussa
dir-

heure tomb en dsutude chez


la valeur, et
il

Grecs; mais

lui

donna

le

son /, tandis qu'en grec le

gamma
tt

rpondait au vau phnicien, c'est--dire au v ou plu-

au w.
Enfin, l'poque de Cicron, l'invasion des mots grecs

dans

la

langue latine amena


et le
qu'ils

la cration

de deux nouvelles
les in-

lettres, l'Y,

y grciim, ventrent se doutassent

Z, sans que ceux qui


ne
faisaient

que rintroduire

dans l'alphabet des lettres qui y avaient eu primitivement


leur place, le digamma et le zla de l'alpliabet grec primitif.

Toutes ces additions avaient apport une certaine incohrence dans l'alphabet
bien, et
il

latin.

L'empereur Claude

le sentait

voulut remdier cet inconvnient par


:

la cra-

tion de trois lettres nouvelles


i''

Le F renvers, digamma inversvm, J

auquel
:

il

ren-

dait la valeur vritable 2"

du vau

plinicien, ex.

vuJgus;

Vanlisigma, 3, rpondant ps;

In

signe h, ayant une valeur intermdiaire entre

l'I

ALPHABET

LATIN.

15

ALPHABETS ITALIOTES.

OLOKTP.LSQUE.

LAT1.\

DORIEN.

OMBRIEN.

OSQLE.
ARCHAQUE
CLISSIQLE.

A
B

fl

fl

/v
a >

A A

A
B

A
1

A
B

<C
D
3

^ D
3 E

D
3 3
:j

< C
1

n 3
3 3
il

D
II

3 J

E
F

-^

1'

I
B

1
1

G H
I

O
1 1

K
l
t^
v|

X
J
^H

>l

K
J
^VI

M ^
^

>M
M \A

kH

AV
/V

^
n

M
N
O
P

n n

M
'

1
Kl

1 n p

M
?

>

Q
R
S

q
^

G
i

Q
2

1 p

s
T
V X

2
+
y

^
i

^ s
i>

+ i

T
V

V
$
nP 8 8

V X

$ 8
d
-1

Y Z

160
et le V, pingius

DEUXIKMI<: PARTIE.

quam
mots

I, exilius

quam

V,

et qui devait tre

employ dans

les

tels

que oplwnus,

hMo.

On possde deux ou
se trouve le J;
fut plus forte

trois inscriptions

de cette poque o

mais l'usage n'en a pas prvalu. L'Iiabitudc


les dcrets

que

des empereurs. Nous ne paret

lons pas de la distinction


fait

du V

de l'U, de

l'I

et

du

J,

tout

moderne
ainsi,

et

qui tait inconnu des Latins.


les

On
lettres

voit

dans

alphabets grco-italiotes, des

tomber en dsutude, d'autres changer de valeur ou

disparatre
lier

momentanment, pour

revenir, par

un singude

dtour, parmi les lettres supplmentaires de l'alphabet.

L'histoire de l'alphabet grco-italiote n'est

que

l'histoire

l'adaptation des vingt-deux lettres de l'alphabet phnicien


la

langue et au gnie des peuples qui

les lui

ont emprun-

tes.

On

reconnat dans ces transformations les ditTrences


les

profondes qui sparaient

langues orientales des dialectes


tait

europens; pour certaines lettres, la correspondance


facile tablir;

pour d'autres,

les

peuples europens ont

hsit,

et

ils

s'y

sont repris plusieurs fois avant d'eu

puiser le contenu. C'est ainsi que nous voyons le vau phnicien donner successivement naissance, en grec au

(di-

gamma)

et l'Y (xqmlon)
la

en

latin l'F,

au V,

TU

et l'Y.

De mme, pour

forme extrieure des caractres, chacun


la

de ces peuples a inqn-im

marque de son gnie propre

l'alphabet qu'il avait adopt.

Dans

ces transformations, tout n'a pas eu


y

un caractre

galement spontan. Les grammairiens


part,

ont eu leur large

Rome

plus que partout ailleurs. Le vers d'Horace


Grajcia capta forum vicloiHMn
ce{)it

est surtout

vrai

de

l'criture,

cr

A Rome

aflluaient,

ainsi

ALPHABET
que
l'a

LATIN.
la
ville

161

dit

M. Bral,

mesure que

grandissait en

puissance, les trangers lettrs, particulirement les trangers grecs, philosophes, rhteurs, grammairiens, matres
d'cole. Ceux-l apportaient les dernires
littraire; l'alphabet

modes du monde

dont

ils

se servaient, qu'ils enseignaient

leurs htes, tait l'alpliabet grec modifi selon les perfec-

tionnements

les plus rcents,


les
Ti

si

bien que l'alphabet latin est


le

devenu de tous
le

alphabets italiotes

moins trusque

et

plus moderne.

Aux environs de
les

l're

chrtienne, l'alphabet latin tait

dfinitivement constitu, et c'est de lui que sont sortis tous

alphabets usits aujourd'hui chez les peuples de race la-

tine et

de race germanique.

D'autre part, l'alphabet grec, qu'on aurait pu croire puis

par cette immense production, a continu de vivre dans le grec moderne, qui en a respect les formes anciennes; il a

mme
le

encore donn naissance deux alphabets nouveaux,

copte et le russe, jouant ainsi, pour l'Europe orientale et pour l'Egypte, le rle qu'a jou l'alphabet latin en Occident.
les Coptes, descendants des anciens gyptiens, adoptrent pour rendre leur langue l'alphabet gi'ec, auquel ils adjoignirent
les six lettres tires

Aprs l'tablissement du christianisme en Egypte,

de l'criture dmotique. Au
tir

ix" sicle

enfin,

Cyrille et

Mthode ont

du byzantin, par un procd


sorti le russe

analogue, l'ancien alphabet slavon, d'o est

moderne;
fini

si

bien que toute l'Europe et


les

mme

l'Egypte ont

par tre couvertes par

vingt-deux lettres de l'alpha-

bet que les Grecs avaient emprunt aux Phniciens.

162

DEUXIEME PARTIE.

ESSAI DE RESTITUTION DE LA STELE DE BYBLOS.

La
la

stle, ainsi

que

les

deux

lions qui la supportent, aples

partiennent M. de Clercq, qui avait bien voulu

prter

Commission de

l'Histoire

du

travail.

La restauration qui
avec
le

figurait

l'Exposition

a t faite

concours de M. Hbert, statuaire.


a plac la
stle

On
qui

sur les deux lions de pierre qui

avaient t trouvs prs d'elle, au dire des indignes, et


lui servaient

sans doute de base.


:

On
scells

a restaur

le

disque d'or et

les

deux serpents

dans

la pierre; 2 le
la stle.

disque

et les

deux cornes d'or

qui surmontent

TRADUCTIOy.
C'est

moi, Yeliaumelek,
roi de
[

roi

de Byblos,

fils

de Ye[har]baal,

pelil-fils

d"[Asiii-

domjmelek,

Byblos, que
|

ma Dame

la

Bnalat de Byblos a

fait roi

Byblos; et j'invoque
j'ai fait

ma Dame
|

la Baalat

de Byblos, car
est

Et

ma Dame

la Baalat

de Byblos cet autel d'airain qui


|

dans ce

porlique-ci; et le phtuh d'or qui est

en face de
le

[ma

sculpture ] que voici; et


|

[l'uraeus d'or qui est

qui surmonte

phtah d'or rjue voici];

et ce

porlique et ses colonnes et


les ai faits,

les

cbapiteaux qui les surmontent et leur

toit, je

moi,

Yebauraelek, roi de Byblos,


les fois

ma Dame
|

la

Baalat de

By-

blos

parce que , toutes

que j'ai invoqu ma Dame

la

Baalat de Byblos

elle a

eulendu
j

ma

voix et m'a fait

du

bien.

Que

la

Dame
la

de Byblos be'nisso prolonge ses jours

Yebaumclek,
et ses

roi de Byblos, et lui


c'est

donne

la vie, et qu'elle

annes sur Bybios, car


lui concilie la
[

un

roi juste; et

que

grande Baalat de
et la
,

Byblos

faveur des Dieux et du peuple de ce pays,


,

faveur

des peuples
|

trangers jamais. ] Quiconque soit personne royale soit simple

homme

surajouterait

un

travail cet
|

aulel-ci
,
|

et ce]

phtah d'or que voici


,

et ce portique

que

voici

moi Yehaumelck
,

[roi de Byblos j'adjm'e]


soit

....
....

aurait fait cette chose et, soit


cet
et quicoKpie
|

que

que. ...
sur ce

homme-l. Et quiconque

lieu-ci;

que

la

grande Baalat de Byblos extermine

cet

hommc-l

et sa postrit.

STLE DE BYBLOS

ALPHABETS SMITIQUES.

163

CHAPITRE

III.
EIS

DES ALPHABETS SMITIQUES

GNRAL.

Les Smites n'ont jamais

franclii le

pas qui avait mis les


l'histoire interne
:

Grecs en possession des voyelles. Aussi


leur criture se rduit-elle fort
efforts isols

de

peu de chose

quelques

pour arriver une expression plus complte

des voyelles, qu'ils n'ont jamais ralise d'une faon organique. L'histoire extrieure absorbe tout, mais elle est d'un
rare intrt. Les progrs considrables qu'a
faits

dans ces

dernires annes l'pigraphie smitique a permis de porter


cette histoire

un degr de prcision qui approche beaules

coup de
latine.

celui

auquel ont atteint

pigraphies grecque et
les

On

y voit

comment

les

formes

plus ditrentes en

apparence drivent, par une srie de transformations logiques


et ncessaires, les
l'esprit

unes des autres,

et cette

dduction

procure

quelque chose de

la satisfaction

que donne

une dmonstration mathmatique.


Il

y a cent trente ans environ que labb Barthlmy


les

posa

bases du dchiffrement

des

inscriptions

phni-

cieinies^^l L'inscription qui lui a fourni la clef

de l'alpha-

bet phnicien est une inscription bilingue, plinicienne et

grecque, trace en double exemplaire sur


colonnes identiques trouves dans
'"'

le socle

de deux

l'le

de Malte. L'une de
et
et

ljlevions sur quelques

monuments phniciens
d'js

sur

les

alphabets qui en
t.

rsultent

{Mmoires de

l'

Acadmie

inscriptions

belles-lettres,

X\X,

17G/1

p. /io5-/i9.7, et pi. I-V).

164
CCS

DEUXIME PARTIE.
colonnes est encore au muse de Malte, l'autre fut

donne en 1782 l'Acadmie des inscriptions et belleslettres par le chevalier de Rohan, grand matre de l'ordre
de Malte. Elle
Il

est aujourd'hui

au muse du Louvre W.

sufft

pour

se

rendre compte du progrs accompli par

l'abb Barthlmy de mettre en regard de la traduction


actuelle, qui diffre

peu de

la

sienne, celle de Fourmont,


:

plus ancienne de quelques annes seulement


Urinatori

magno urinatorum magislio, deo


(anchoram)

duci et deo absorbenli

in die (quo) subie varunt

et natariint et exierunt (ad ver-

biim) navigarunt e Tyro, portum reliquerunt eum, cperunt iiivcuire coralium, etc.

notre seigneur Melqart, Baal de Tyr,


et

vu
fils

fait

par

tes serviteurs
fils

Abdosir

son frre Osirsamar, tous deux

d'Osirsamar,

d'Ab-

dosir; parce qu'il a entendu leur voix.

Quil

les be'nisse!

Grce une mthode svre, base sur

la

comparaison

minutieuse des dilrents caractres, l'abb Barthlmy sut

dgager l'tude du phnicien des insanits que


tait

l'on dbi-

sous ce nom.

En mme temps,

il

s'attaquait

aux inet

scriptions de

Palmyre, concurremment avec Swinton,

leurs efforts aboutirent la reconstitution de l'alphabet usit

chez les populations de la Syrie au


re.

commencement de
et les inscriptions

notre

Les inscriptions phniciennes

ara-

mennes avaient dsormais une base

sre.
sicle,

Ces tudes, ngliges au commencement de noire


lurent reprises vers

i83o par Gesenius. Les Monumciils

de

rcriture el de la langue 'phnicienne, qui

parurent en 1837,

ont t le point de dpart d'une nouvelle manire d'tudier


''>

Corpus

viser,

seintt.,

i" partie,

n'

122

el

192

bis. Cf.

Comptes rendus

de l'Acadmie des inscriptions ,

1888,

p.

^72, h()li-5oo.

ALPHABETS SMITIQUES.
les inscriptions.

165

Dans ce

recueil, qui

compte quatre-vingt-

cinq inscriptions, Gesenius a montr quelles lumires on

pouvait tirer de
raison.

la

runion des textes et de leur compales

En mme temps,

voyages d'exploration qui ont

signal les cinquante dernires annes ont singulirement

multipli les lments de comparaison.

Il

se

forma en France

une cole d'archologues, ayant

sa tte le

duc de Luynes,

qui a donn une grande impulsion l'pigraphie smitique,


soit

par ses belles publications relatives

la

numismatique
les dl'in-

et l'pigraphie, soit

en encourageant
le

les

travaux et

couvertes et en enricliissant

muse du Louvre de

scription d'Esmounazar, qui est encore aujourd'hui la reine

des inscriptions phniciennes.

A mesure que
arrivait aussi

le

nombre des

inscriptions augmentait,
les diverses familles

on

mieux distinguer

entre

lesquelles elles se divisaient et dterminer les liens qui


les

rattachaient les unes aux autres. Grce aux travaux


et

d'Arnaud

de Fresnel, l'himyarite

et l'thiopien prenaient

place dans le groupe des alphabets smitiques. Pour combler les lacunes des inscriptions et en fixer la chronologie,

on

avait recours la

numismatique. Tandis que

MM.

de

Saulcy et de Longprier faisaient porter leurs efforts sur


les

inscriptions

phniciennes,

l'un

avec l'ardeur de son


intuitions fcondes,

temprament enthousiaste, riche en


l'autre avec son

admirable connaissance des monuments,


l'le

M. de Vogii explorait avec M. Waddington


et

de Chypre

la

Syrie centrale, et posait les rgles de l'pigraphie

libraque et aramenne. Enfin, M.


la

Renan accomplissait

Mission de Phnicie et traait de main de matre, dans

son Histoire des langues smitiques, les grandes lignes de


l'histoire

de l'criture smitique,

qu'il devait

porter dans

16G

DEUXIME PARTIE.
clc

SOS cours (lu Coll(je


cision.

France un

si

haut degr de

])r-

Sous

cette

impulsion fconde,

les

tudes d'pigra])liie

smitique ont pris place dans l'ensemble des sciences historiques et philologiques.

En Allemagne,

le travail

de ru-

nion et de publication des inscriptions, repris par

MM. Levy

de Breslau, Schlottmann, Schroder, Euting, auxquels sont

venus se joindre

MM.

Kautzsch, Smend, Socin, Stade, Nol-

deke, Sachau, a donn naissance des travaux importants.

On

peut en prendre

comme exemple

la

grammaire phni-

cienne de Schroder et les tableaux pigraphicjues d'Euling.


Enfin, en 1867, l'Acadmie des inscriptions et belles-lettres
dcida, sur l'initiative de

MM. Renan

et

W. Waddington, de

runir en

un Corpus
n

toutes les inscriptions en langue et en

caractres smitiques drivs de l'alphabet phnicien. C'est


ainsi qu'est
le

Corpus msc7iptionum semiticarum, dont les


hiiiujarile,

quatre parties, phnicienne, aramenne, hbraque,

correspondent aux quatre grandes familles des alphabets


smitiques.

On

y a joint

un

atlas

o toutes

les insciiptions

sont reproduites en fac-simils. C'est dans cet atlas, qui

forme un recueil palographique incomparable,

(pi'il

faut

chercher*la vritable histoire de l'criture smitique.

Les alphabets smitiques sont trs nombreux

et

en appale

rence trs loigns les uns des autres. C'est d'abord

ph-

nicien, qui a t usit jusqu' l'poque de l're chrtienne

sur la cte de Phnicie et dans les colonies de

Tyr

et

de

Sidon, de Chypre Carthage. Puis, au sud de


l'alphabet hbraque, qui nous a])])arat sous
distinctes,

la

Phnicie,

deux formes

correspondant, Tune

poque du royaume
et

d'Isral, l'autre celle des

Macchabes

des Hrodes.

En
la

pntrant dans l'intrieur des terres, nous trouvons dans

ALPHABETS SMITIQUES.

167

Syrie centrale rancicn alphabet aramen, qui a pouss un

rameau

trs

important jusqu'en Egypte, l'poque perse;


l'iibreu carr,

l'criture

palmyrnienne, proche parente de


le

son contemporain;
niens nomades,

nabaten, qui a t l'criture des Arale

depuis

Haurn jusqu'au Sina

et

au

centre de l'Arabie; le syriaque, et enfin l'arabe. Dans l'Arabie mridionale,

une autre branche des alphabets smitiques,

l'alphabet himyarite et l'alphabet thiopien qui en drive,

nous reprsente l'criture des anciennes populations smitiques

du Sud avant l'Islamisme.


prs ces alphabets, on y reconnat des
Il

En examinant de

drivs de l'ancien alphabet phnicien.

serait pourtant

inexact de croire que tous les alphabets smitiques dcoulent rigoureusement les uns des autres.

Le mme processus

se poursuit sur plusieurs points la fois; les diffrents alpha-

bets smitiques sont les tmoins des diffrents

moments de
ou

cette altration progressive. Ils se rattachent tous trois

quatre grands courants parallles qui prsentent, aux

mmes

poques, des altrations analogues, produites par une


cause
1
:

mme

Le phnicien, qui,

poque romaine, aboutit en

Afrique l'criture no-punique;


2 L'ancien alpliabet

hbreu, dont

le

samaritain est un

rameau dtach qui a sch sur place;


3 L'criture

aramenne, qui a donn naissance, d'une

part, l'hbreu carr et au palmyrnien; de l'autre, au

nabaten, au syriaque

et l'arabe;
il

^ L'criture himyarite, laquelle

convient de joindre
le

Talphabet des inscriptions que l'on trouve dans

dsert

du

Sa fa.
Enfin,
il

faut encore rattacher l'criture

aramenne

les

168

DEUXIME PARTIE,
alphabets modernes usits dans

anciennes critures de llnde, qui ont donn naissance au

dvangari et tous
l'Asie mridionale.

les

Si
rite,

on

laisse

provisoirement de ct l'alphabet himyala

on reconnatra que tous ces alphabets sont ns de

tendance, dj sensible dans l'alphabet phnicien primitif,


se rapprocher de plus en plus de l'criture cursive.
ralit, les

En
si

Smites n'ont jamais eu d'criture monumentale


et leurs

en dehors de l'criture cuniforme,


divers ne

alphabets

marquent que

les

degrs de corruption plus ou


il

moins avance d'une seule criture;


critures

n'y a

gure entre ces


l'on

que des diffrences d'poque,


les relier

et

pourrait

presque
cien

par un

mme

fil,

qui partirait du phni-

pour aboutir au syriaque

et l'arabe.

ALPHABET PHNICIEN.

169

CHAPITRE

IV.

ALPHABET PHEiMCIEi\.
Tandis que
conservent
les liiroglyphes gyptiens, criture sacre,

pendant de longs

sicles

la

puret de leurs
tait

formes primitives, l'alphabet phnicien, qui


traire

au con-

une criture profane

et

usuelle

s'altre

de trs bonne

heure sous Tinfluence de

la

rapidit

du mouvement qui

amne

la

main

se soulever le moins souvent possible.


les altrations

C'est par l

que s'expliquent toutes

non seu-

lement de

l'criture

phnicienne, mais de sa sur l'criture

aramenne.

On considre souvent les inscriptions phniciennes conime


trs

anciennes; en ralit, nous connaissons fort peu d'in-

scriptions phniciennes archaques.

En dehors de

la

coupe

ddie au Dieu-Liban, dont on a donn plus haut la reproduction^^),

nous ne possdons que quelques pierres graves

qui appartiennent la

mme

priode de l'criture phnile

cienne. Tel est ce sceau de

Molokram trouv sous

pied

nmL
d'un des grands taureaux ails du palais de Khorsabad et

par consquent antrieur

la

construction de cet difice.


s'il

Encore
^''

est-il

difficile

de dire avec certitude

est

phni-

Voir plus haul, p.

a3.

170

DEUXIME PARTIE.

cien ou aranieu, cause de la grande ressemblance des

deux critures

leur origine.

Certaines inscriptions de Sardaigne, quoique plus rcentes sans doute, reproduisent le

mme

type d'criture

-D
C'*JT

[Cip-]

ns

pe de Ros,

[fils

de]

iVny 13:

NajTJd, [habitant] de
la
ve'

-a
bir

[iTvya

Sardaigne. A aclicce

NH nh
N'DiD
]T\2'l

qui avait trait

-D
-1 ]3
"iJj

ce

monument
fils

]\Ic-

lck(ja)lon,
s,
fils

de Ro-

jD

l/'

de

Nagid,

^[DJcb

de Libysa

(?)(').

Pour trouver d'autres traces de


faut faire
gt'affiti

l'criture

phnicienne,

il

un saut de deux cents ans

et descendi'e

jusqu'aux

tracs sur les

jambes d'un des colosses du grand

temple d'Jpsamboul par des mercenaires de Psammtique I"


'"'

Corpus

iiiscr. scinil.,

i" parUe, n"

1/4/1.

ALPHABET PHMICIEN.
ou de Psammtiqiic
II, c'est--dire

171

entre

050

et

696 avant

notre re. Or, dans ces pigraphes,


est dj

l'ci'iture

plinicienne

en train de se transformer

>k

Ciis?a,

fils

d'Abdpaam,
C'

prpos aux

Tandis que certaines

lettres ont

encore leur forme an-

cienne, d'autres prsentent dj l'aspect qu'elles auront dans


ce qu'on pourrait appeler
le

phnicien classique, qui corres-

pond
La
de
la

la fin de la priode perse et l'poque grecque.


stle

de Byhlos, qui porte l'inscription commmorative


la

ddicace du temple de

grande desse de Byhlos, ou


^'\

tout au moins d'une des chapelles de ce temple

nous

oire

l'exemple

le

plus remarquahle de cette criture de transition.

On

pu

voir plus haut


faite l'aide

une

restitution de l'ensemble

du mol'in-

nument
tant

des indications fournies soit par

scription, soit par la pierre elle-mme. C'est certainement,

au point de vue archologique qu'au point de vue du

texte,
^''

un des monuments
{user, sein.,

les plus
11

imporlants de Tpigraphie

Corpus

1" parlie,

119.

^''

IhiiL, n" 1. Voir plus liaut, p. iG-3.

172

DEUXIME PARTIE.
le

phnicienne, et l'un de ceux qui peuvent

mieux donner

une ide de ces grandes


mettre

stles

que

les

Phniciens aimaient

dans leurs temples.


suprieure de la stle, on voit
offrir cela

A
sa

la partie

le roi

Yehauti

melek, en costume persan,

coupe de

victoire

Dame,

la

Baalat Gehal, qui a le costume et les traits

d'une desse gyptienne. La pierre, trs poreuse,

comme
cela

toutes celles de la cte de Phnicie, est en mauvais tat, et


l'inscription a

heaucoup

souffert, sans pourtant

que

em-

pche de

saisir la

physionomie des caractres. Ceux-ci ont


su
,

un type

assez part. Certaines lettres, le lamed V, le schin

prsentent encore une forme archaque qui engagerait


rapporter l'inscription au
v*=

ou

mme

au

vi*"

sicle.
si

Cepen-

dant
qu'il

les autres lettres

ont dj une tournure

moderne,
in-

faut peut-tre voir dans ces formes archaques une

fluence de l'criture aramenne, o elles se sont conserves

heaucoup plus longtemps. Le

Ae"J\

de l'inscription de Byblos,
.

qui est presque aramen, est caractristique cet gard.

La
centes

plupart des inscriptions phniciennes sont plus r:

elles sont

presque toutes comprises dans un espace


l'an

de 3oo ans, qui va de


Christ.

hoo

l'an

loo avant Jsuspeu


Les

Dans

cet intervalle, l'criture phnicienne a trs


est dfinitivement constitue.

vari

on peut dire qu'elle

dift'rences entre les inscriptions sont surtout des difl'rences

locales.

On

y reconnat trois types bien distincts

le

type

sidonien, le type cypriote et le type carthaginois.

On

peut prendre

comme exemple

de type sidonien

l'in-

scription grave sur le sarcophage d'Esmounazar^'^, qui, sui-

vant l'opinion

la

plus rpandue, date environ de l'an

38o

avant Jsus-Christ. M. Clermont-Ganneau, s'appuyant sur


^''

Corpvs inscr. semit., i" partie, n 3.

^'

>

o' 3r

ALPHABET PHNICIEN.
un ensemble d'arguments dont on ne peut mconnatre
force, la considre
toutefois
les

173
la

mme comme

postrieure Alexandre;

dernires dcouvertes faites par

Hamdy-Bey

dans

la

ncropole de Sidon semblent plus favorables l'an-

cienne hypothse.
INSCRIPTION D'ESMOUNAZAR.

'^^^'^'3nV^^V^^V^V7^^^^7/'"7'^^^77'"/'^7^^'"/^

*t6'

7^"' V7^^/'"^'^/

7^7 7"^^ 7'^'^^/ ^7 7 v/'"''r*t^/^'^


/)jr/7^''r)^7/'"7V'f 77^"/

'^7)5Y^V^^A^^'^VK/'^7V"^/7'"'^^^^/'t^7^V
)57)'^v/^7v>)7^^/K/

)^^*\ 7^<>'X'77'y'^/'*^ z^*"^ A"*""*^ y" "^^^ ^'^t^/ Kw/^'^x'7)^^

7/^7)^Jr)^y''"^%^^7y'Y-<>^5'\)A>'^e^^<^<rr>.^;^^A>'^7)A>')/;e'^

7) vs'K'"7^'^^/*7A^^/''"jr^*'" ^jf \^^/ * 7-^)"^ 7 <"" ^;r *\'y'^*^*>'^^-''^

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t^ ce

ALPHABET PHNICIEN.
Quoi
qu'il

175

en soit de sa date, l'inscription d'Esmounazar


la

nous montre

transformation de Talpliabet phnicien enl'air

tirement accomplie. Les lettres ont perdu

anguleux

et

raide qu'elles avaient dans l'alphabet archaque; elles sont

plus lances

et

se

penchent davantage sur


et

la ligne;

en

mme
dance

temps, leurs queues s'allongent

prennent une

incli-

naison uniforme et rgulire; tout l'alphabet accuse une ten se

rapprocher des formes de l'criture cursive. Ce


:

changement en entrane un autre


lettre,

toutes les fois qu'une

dans

le

phnicien archaque, est forme de plusieurs

traits spars,

on prend l'habitude de

la faire

d'un seul coup

et l'on substitue

ces barres plus ou moins parallles une

ligne brise unique, qui est, son tour,

peu peu rempla-

ce par une ligne courbe. Tel est le cas pour le


sin,

mcm

et le

qui deviennent successivement

le

niem wi

i+|

i^

sy

^j,

le sin

W, ^,

y/,

/,.

Le samedi, ^,
et le zan,
le voit
/y,

^, \,

-^,

\,

fait

de

mme;

le iod, oj,

aussi. D'autres fois,

au contraire,

comme on
se dta-

au

hif, ces

barres se dplacent, ou
la

mme

chent entirement de

hampe

et finissent

par disparatre,
:

nous donnant

la

succession de formes suivanle

>|,

i^,

y, y. On shabitue ne plus fermer soigneusement les boucles, comme dans le telh et an o. Pour le qoj cp, le

phnicien va encore plus loin


l'autre les
lettre

il

fait glisser

l'une contre
la tte

deux moitis de
les

la

boucle qui forme


bout

de

la

^, de faon
'y,

amener bout

et les tracer

d'un seul trait:

Y- Enfin, nous voyons

se dvelopper,

17G

DEUXIME PARTIE.
la

sur

barre transversale du lamed 4 et du tau /,


la

des

appendices forms par un ressaut de

plume arrive
peu peu des

l'extrmit de sa course, qui deviendront

l-

ments

essentiels

de

la lettre.

Le type cypriote ne

se distingue

gure du type sidonien


:

que par une particularit

assez

remarquable
le

les lettres

fermes par en haut s'crtent et


s'entrouvre
:

sommet de

leur tte

Moi, Abdosir,
de

fils

d'Abdsasam

fils

de Hor,

j'ai

rig

mon

vivant ce cippe au-dessus de la couche o je repose perp[luit

ainsi

que pour

ma femme, Amatastart,

fille

de Teom,

fils

d'Abd-

[molokC).

Ce

petit accident, qui

prendra une grande importance dans


deviendra
le

l'criture

aramenne

et

pivot des modifications

ultrieures de l'criture smitique, est rest en phnicien

un caprice calligraphique. Les

inscriptions phniciennes de
elles sont

nie de Chypre sont en gnral plus soignes;

mieux alignes,
les

comme
le

d'ailleurs aussi celles d'Athnes, et


fait

mots y sont

plus souvent spars par des points,

constant dans les inscriptions hbraques, mais presque in-

connu sur
Grce.
''^

la cte

de Phnicie.

On
UQ.

sent le contact de

la

Corpus

inscr. semit.

i" partie,

1.

1, n

ALPHABET PHNICIEN.
A Carthage,
mation s'oprer
ligne, (,
la
i),

177
transfor-

enfui, nous voyons


:

une nouvelle

les lettres qui s'lvent au-dessus de la

se

couronnent d'une petite aigrette, qui


de l'criture
'

est

marque
les

distinctive

cai'tliaginoise.

En mme
*>

temps,

queues s'allongent

>{

%\

"^ ^

"/

^J^'^^
beaucoup

prennent des proportions souvent dmesures par rapport


la lte, qui est trs rduite.

Toute f criture

est

plus lgre et plus lance. Enfin, tandis que sur la cte de

Phnicie tous les


il

traits

avaient peu prs la

mme

valeur,

se

forme Carthage des pleins

et des dlis, qui


:

donnent

rcriture

punique un aspect

trs lgant

Vu

fait

par ton serviteur Melekjaton


fils

le sufletc,

de Maberbaal

le sulFle '^l

Les inscriptions phniciennes qui proviennent de Tyr


prsentent
le

mme

aspect.

Il

semble

ainsi qu'il y ait

un

lien

entre la mtropole phnicienne et sa grande colonie de la


cte d'Afrique. Ces caractres sont surtout sensibles dans
les textes officiels

ou particulirement soigns, mais on

les

retrouve galement sur un grand nombre d'ex-voto plus

ngligemment

crits.
le rsultat

Toutes ces modifications sont


l'criture cursive;

de l'emploi de

on y sent l'influence du calanie. Les Phils

niciens crivaient beaucoup,

avaient une littrature assez

tendue;

les

auteurs grecs nous ont conserv des fragments


traits d'agriculture ont servi
et

de leurs cosmogonies; leurs


de modles ceux de Caton

de Varron.

Ils

devaient aussi

conserver par crit leurs relations de voyages, qui avaient


^'^

Corpus

viser, semil.,

impartie, n 176.

178

DEUXIEME PVRTIE.

pour leur commerce une importance de premier ordre. Mal-

heureusement nous ne possdons pas un seul fragment de


manuscrit phnicien. Nous ne pouvions pas, jusqu' ces dernires annes, nous faire
Il

une ide de leur criture


l'le

cursive.

y a dix ans environ, on a recueilli dans

de Chypre

(C. /. S., i"= partie, n'

86

et

cuite portant, tracs l'encre,

87) deux tahlettes en terre les comptes de dpenses d'un

temple. L'criture, trs fine et trs courte, est d'une lecture assez
difficile;

mais

elle

ne

diffre

pas essentiellement

de celle que

les inscriptions

nous font connatre.


l'on a dcouverts

Les vases funraires inscriptions que

rcemment dans

la

ncropole punique de Sousse, l'ancienne


et

Hadrumte, en Tunisie,

qui peuvent dater du

i'^''

sicle

avant Jsus-Christ, sont plus instructifs, parce qu'ils nous


fournissent la clef d'une transformation radicale
l'criture

que subit

punique l'poque romaine

Urne ossements de Tatanmelek,


fds d'Abdmeiqart, le

fils

de
("

lioiuilcai',

ECRITURE NEO-PUNIQUE.
L'ancien alphabet
s'tait

maintenu, presque sans modifi-

cations, jusqu' la chute de Carthage, l'an 1/16 avant J.-C.

Les Phniciens paraissent avoir t trs conservateurs en


'''

Revue archcol.

juillel-aot

1889,

]).

-ix-ln; sepl.-ocl., p.

aoi-aaS.

ALPHABET PHNICIEN.
criture. Mais, aprs la destruction de

179
les

Garlhage par
fois

Ro-

mains, nous voyons l'alphabet, une


dilion, s'altrer

priv de sa tra-

rapidement

et

parcourir en peu de temps


a

toutes les phases

que l'alphabet aramen

mis plusieurs

sicles traverser,
vite la

comme

ces rejetons qui atteignent trs

hauteur du tronc principal, mais restent maigres et

n'ont pas la force de porter de fruits.

Cent ans peine aprs

la

chute de Garthage, l'criture

punique
autre

est tellement
la

mconnaissable, qu'on se sert d'un


:

nom pour

dsigner

c'est l'criture

no-jmnique

ou,

suivant une expression du docteur Judas qui ne manquait

pas de justesse, numidico-puniqtie. Nous


voie de formation dans

la

trouvons dj en

une inscription bilingue de Sardaigne


:

qui date du temps de Sylla

HIMILCONMDNIBALIS- Slfi^^^
QVEI H ANC AEDEM EX S C AC[wmlam\ COERAVIT-HIMlLCO-F-STATVAM[^W//]

A Himilcon,

liis

d'Adonibaal,

fils

d'Hiiiicon,

qui a pris soin [d'aprs les ordres

du Snat] de

Sulcis,

de construire ce sanctuaire
a rig cette statue

la

grande
(^l

de'esse Allt,

son

fils

Himilcon

Certaines lettres pourtant,


^'^

le

Immd
1/19.

en particulier, sont

Corpus

inscr. seinit.

i" partie, n"

180
ciifjages

DEUXIME PARTIE.
dans une voie dilTrente de
les

celle qui

prvaudra
la

dans l'crilure no-punique. Sur

monuments de

pro-

vince romaine d'Afrique, la transformation est complte.

L'alphabet no-punique

marque

le

dernier terme de

l'al-

tration de l'alphabet phnicien. C'est une criture ingale


et capricieuse; tandis
elles

que certaines
les

lettres tranent aprs

de longs jambages,
souvent dans
faites
la

autres sont rduites rien; en-

lin, et

ne sont pas

de

mme inscription, les mmes lettres la mme faon. L'alef )^ s'allonge ddans tous
les sens; le

mesurment

et jette ses bras

)\

arrive n'tre plus qu'un grand r dgingand; le tau f se

dtache de ses deux ailes et ne se distingue plus du nun

j"

]
le

que par une

aigrette un

peu plus

forte; le

lamed ^ perd

pdoncule qui

le rattachait la ligne et se

courbe au-dessus

des autres lettres


contraire, le

comme un

pi renvers par le vent;


les sens, n'est
finit

au

mem, rong dans tous

plus re-

prsent que par un petit croisillon qui

par ressembler
si

au

tau

du phnicien archaque. Le
tal qu'on le prendrait

helh est tantt

large:

ment
^)J,

pour un groupe de
il

lettres
:

^y');

tantt, au contraire,

se raccourcit l'excs

).

Enfin, tandis que, sur certains

monuments,
:

le 6, le ,

\r

affectent des formes trs allonges


et ce sont les plus

3^

'^>\->

^ur d'autres,

nombreux,
,

ils

sont rduits n'tre plus


trait

que des virgules


mette de
Si l'on

^j,

>

qui n'ont plus aucun

qui per-

les distinguer; ce sont

de vraies pattes de mouches.


produite cette altration
si

cherche comment

s'est

rapide, on reconnatra que c'est par l'criture cursive. La

phqjart des modifications de l'criture no-punique trouvent


leur explication dans les inscriptions pointes des vases funraires.

On

peut y surprendre, pour chaque lettre,

le

passage

du puni([ue au no-puni(pie.

ALPHABET PHNICIEN.
Nous avons vu, dans
le siu suivre

181

l'criture phnicienne, le
(^^

mem

et

une marche parallle

et

devenir successive-

ment

Arrivs ce point,

ils

bifurquent

le

mem perd

sa

queue

et

jusqu' la lgre courbure qui tait le dernier souvenir des


zigzags de sa forme archaque;
frieure

au contraire,
et

la partie in-

du
la

sin se

dveloppe outre mesure


:

en change en-

tirement

physionomie

Yj

X K

n n

A n
celle
la

}i
l'on

Le km

suit

une marche inverse de

que

observe

dans l'criture aramenne. En aramen,


sale se
tielle

barre transverla partie essen-

recourbe
la lettre

et s'allonge jusqu'
:

former

de

t /
En
Afrique, au contraire,
la

j]

^
devient de plus en plus

hampe

lance; la potence de la croix se casse et donne naissance,

dans

les inscriptions

cramiques, deux ailerons qui se d-

tachent peu peu de leur

hampe

Dans

l'criture

no-punique,

ils

ont entirement disparu, et

le tau n'est

plus qu'un trait surmont d'une aigrette, dans

lequel on a peine reconnatre la croix, le rrtau maudite,

auquel cette
phnicien
:

lettre avait

du son nom dans

l'ancien alphabet

+ f f f f f
''*

Voir plus haut, p. 176.

182

DEUXIEME PARTIE.

5<

5<

_^

Si-

^->

-^

5^

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i<
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< 15
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O <

ALPHABET PHENICIEN.

183

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S S c ^g
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u-

CT

C^

30

C5

184
L'histoire de
le

DEUXIME PARTIE.
Vakf
est

particulirement instructive. Nous

voyons, dans les inscriptions cramiques, et parfois sur


vase, traverser toutes les phases qui sparent le
:

un mme

punique du no-punique

\
quelquefois

'^
il

TXf

^
:

mme

revt certaines formes abusives

/C

Le h y parat sous une forme presque identique celle qu'il a dans l'inscription de Byblos, et qui nous explique la
formation du h no-punique
:

^
la

A
:

Enfin, les inscriptions cramiques nous font assister


naissance des ligatures, dont on ne possde, en dehors
c'est

de ces textes, presque aucun exemple en phnicien


ainsi

devient ^IJJ- Voici d'ailleurs les autres ligatures que nous y avons releves
le

que

mot

>?^A4s

^il a voui^

Le groupe encore plus abrg qui figure dans


que nous avons reproduite plus
la

l'inscription

haut^'^ doit s'expliquer do

mme

manire

y^ Y*

V y

L'criture no-puni(|ue se spare sur ce point de l'cri-

ture des inscriptions cramiques: les ligatures, qui sont

dans
(')

l'esprit

de l'criture smiti({ue et dont l'criture cur-

Voir p. 178.

ALPHABET PHNICIEN.
sive

185

nous prsente,

comme
fojit

on devait

s'y

attendre, des traces

fessez

nombreuses,

absolument dlaut en no-punique.

Peut-tre cela vient-il en partie de ce que nous ne possdons

que des inscriptions

et pas

de manuscrits en caractres no-

puniques. C'est une criture cursive redevenue lapidaire.


ALPHABET PHENICIEN.

AIUIIIAQL'E.

SIDOMEN.

PUiNIQlE.

TRA^S1T10N.

i\KO-PUNIQUE.

HBREU.

< U
-9

X
^

^ ^
^

^
3

X X
)
'

A
xd

A
A

(\

A
1

A
^

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A
Q

&
l

Q
fi
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X
^
C

04

H
L

111
l

/"
h

186

DEUXIEME PARTIE.

AUCIIAQUE.

SIDOMEN.

PLMQLE.

T15MSIT10N.

VO-PUNIQUE.

HBREU..

^'h^
1

1
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-N

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\
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M/

N
^
V/

^ w w
X +
-|-

"!

A
/

u'

Peut-tre aussi faut-il faire entrer eu ligne de compte un

autre facteur

toutes les villes d'Afrique ne subirent pas le

sort de Garthage; elles firent

leur soumission et consers'tait retire

vrent une indpendance relative; la vie qui

de Cartilage continua Hadrumte, Cirta, en Numidie en Maurtanie,


et

et

quand

Cartilage se releva de ses ruines,

cent ans plus tard, elle subit non seulement l'influence ro-

maine, mais une influence provinciab


l'esprit

(pii

contrastait avec

de son ancienne aristocratie. L'criture no-punique,

ALlMIAlJtlT PHENICIEN.

187

qui

s'tait

peu

peu dveloppe dans

les villes

de

l'inl-

rieur,

s'imposa tout d'une pice la nouvelle socit et

devint Tcrilure de tous les Phniciens d'Afrique. Elle subsista

longtemps encore
la vie

et devint l'organe
iv^

de celte renaisde notre re,

sance de
les crits

nationale dont, au

sicle

de saint Augustin nous attestent chaque page

rimportance.

18S

DEUXIME PARTIE.

CHAPITRE

V.

ALPHABET HEBRAQUE.
L'histoire
la raison

de l'alphabet hbraque se rduit peu de chose


est trs

en

simple

nous ne possdons presque pas

de monuments de l'ancienne criture hbraque. Ce n'est


pas que l'introduction de l'criture soit rcente chez les

Hbreux; tout, au contraire, nous porte croire


crit

qu'ils

ont

de trs bonne heure. Les anciens rcits de

la

conqute

de

la Palestine

nous parlent de
de David
et

stles portant des inscrip-

tions; l'poque

de Salomon, on crivait certai-

nement. Les travaux de

la critique

moderne ont dmontr

que, 800 ans avant notre re,

les

Hbreux possdaient dj

une

littrature crite, et qu'ils justifient le

nom

de

peuple

du

livre n

que

l'antiquit a

donn au

peuj)le juif.
la

Ces inductions ont t pleinement confirmes par


couverte de
la stle

d-

du

roi

Msa, trouve en 1869 Dhi-

bon, dans

le

pays de Moab^^^. Cette dcouverte, laquelle

restera attach le
La reproduction

nom

de M. Clermont-Ganneau, a marqu
pour
la

^''

liliographiqiie de la stle a t faite

Notice

des monuiucnts de la Palestine au muse du Louvre, de M.

Hron de
la

Villelbsse.

M. Kaempfen

directeur des muses nationaux

bien voulu
la

mettre

ma

disj)osition. J'ai suivi,


la

sauf quelques modifications,

traduction donne dans

Notice, et qui est,

peu de chose prs,

celle
("t

de M. (llermont-Ganneau,
apportes par

en tenant conqite des corrections qui y ont


et Socin

MM. Smend

{Die Jnschrifl des K. Mesa, F'ribourjv en Brisg'au, 188G, in-h". Cf.


p.

Renan, Journal des Savants, mars 1887,

i58-i6).

ALPHABET HBRAQUE.
un moment
ljiie.

189

capital

dans

l'histoire

de

la

palographie smi-

L'inscription de

Msa nous

a livr

une page de

l'histoire

des guerres de

Moab

contre Isral, crite par un contempo-

rain avec les caractres de l'poque.

Auparavant dj, M. de

Vogii tait parvenu, l'aide de quelques pierres graves,


reconstituer l'alphabet hbreu primitif.

La

stle

de Msa,

qui peut tre date avec une certitude presque absolue,

nous montre

l'criture usite chez les

Hbreux prs de neuf

cents ans avant notre re.

Sans doute, on peut dire que

la stle

de Msa est une

inscription moabite; mais elle appartient la

mme

famille

palographique que l'hbreu.


lettres quiescentes plus
elles font

On

remarque un usage des

frquent que dans le phnicien, o


et le vau,

presque entirement dfaut. Le h


si

qui

sont d'un emploi

particuhrernent hbraque, y figurent l


ei le iod.

le

phnicien met Yaef

En

outre, chose presque

inconnue en phnicien,
points.

les

mots y sont spars par des

Ce

fait,

qui parat de peu d'importance au premier

abord,

est significatif,

parce qu'il est l'indice d'une langue

les

formes grammaticales taient plus arrtes.

Si les Moabites crivaient cette

poque,

les

Hbreux,

qui taient beaucoup plus avancs qu'eux, devaient plus


forte raison crire aussi.

Or,

si

l'on

examine

la stle

de

Msa, on y reconnat, suivant


les caractres

la

remarque de M. Renan,

d'une criture qui n'est plus son berceau;

elle

prsente des traces d'usure qui attestent un emploi dj

assez long de falphabet.

On

peut donc dire que, ds

l'an

100

avant notre re,

les

Hbreux non seulement connais-

saient les lettres, mais se servaient

couramment de

l'cri-

ture, ce qui est bien diffrent.

190

DEUXIEME PARTIE.
INSCRIPTION DE MKSA.

D3 nn")p3
1

c-'DdV

nx nDnn c?yxi
* *

"'SiS

"

-inx

'

\-i

iCN
'

""CD
I

DwXD

nx
'

:rN

'

xn
'

"

d3 icx"! n:3 nDbrPi


'

'

'

n:;

o
7 s

["IX bj]

nx
. .

nDy-ri"!

nVy 'lax isx


'>12^

VN^ti'''^

nnnDi na X")xi

"
|

.nw**p3")X"n:2
"

"'im. .d"*'
*

n3*2*c"'i
|

xsinD'y
'

['
1""'

D3 ]3]xi nrc'xn nz
'

'

cyxi

^y'rbvn

"

nx pxi
*
'

"'D'^s
"

c'Cd hd
'

9
1

n'? -3 ex* n"'ip nx ]2^'i nbyD ri[TL3i'] ynxs d*'i 1] Vd [naj r '^D nx Jinxi n-nxi np2 cnnVxi m[2]i' nx 'jx^e

'

'

"

'

[-d]xi
I

mn
[-xi|
I

"jxix

nx d^d 2^x1 nxcbi eDs'?


' '

nn
"licb
|

ipn nan

e]x nx*

pe ex
' * *

'

nx n3 sexi nnpn eDD


' "

'

'

'7x1e"' bi*

nn:

'

nx nx
" "

j'?
'

"

eDD
'

"

''b

'

idx''*
*

mnD
'

[-n]xi
I

mni' -y
n-)2r>
'

mnen
'

i'pnD

n2 onnVxi nhbi ibn


" "

[-:2i]
. .
.

p[3Dt pn^o 'jribx ny^e


" '

[nJ'jD
'<2
'

'

jinxi 'ht
'

'

oeD
'

npxi ;n"'nD-)nn eDD ^ney'7

"

ni:n[-)T]
'

17

[nx n:]3 Vxie*'


|i
I

"i'pdi

cdd
I

'

':d'?

'

DiT^anoxi m.T' '^b

"':]DD'eDD*ne")3"'i
|

'3'nDnn"'?n3*n3'3e''Tvn''

k.i

nnxrv'"i'3'nxexi

neTbD'ex'jnxD'DXDD-npx
*

^o
3
-2

[nJDm
-XI
I

]ii'>r\

'

non

nmp

""nja -jix

'
|

p^i

'

Vi*

"

nDob
bz'jr,

nn'?i;D*\-i:3*"jJxrn"'-iye""'n:3"i:xi

[-n'a-i]p3"p

exn*\sbD*^neyi:xi|-]'?DT3'^n:3"-]:

ao
r?'i

-yr'y'Dyn"VD'?"iDX"!'nmp3' "^pn'a-ipa'jx'iail tp
-[)D]x3Timpynn"iDt:n""'mD'-]:xi|nn"'33*'.3*ex'D3

m5

:nx3

nbcDn ^ney

"

"

-jixi

-iv[-)2?]

""nis
"

i^x '?xie"'[D
|

aO

...y"'D*-i2:3""'n:3'i:x

xn"Di.T"'3'nD3'n3*"'n:3 "[jx]

37

(-nxjVD ]:xi|nyDeD'p"T'?3"'3"^eDn*p"'Te
|\'^]j3

^8
"1

i^x*
. .
.

yixn bv
I

'

"'nDD"'
*

nex pp3 nxD


*

'

-mj

nx ne xexi

pD'7>'3 n3i |n'73i ^-131


'
|

3o
3i

'
.

3 n3 3e"'

'
I

pmm

yixn
1

-nVxi

nxT p"nn3'Dnnbn"-TeDD "''7""id[xJ ey 'jvV'Do'eDs


XI

3a

[nse^i n3

izn|

33
3'i

p..,e

STELE DE MESA
I/oiioif.

Dttfa/'din

f/np- f^u/i*^^

ParLr

ALPHABET IIKBRAIQUK.
TRinVCTIOW
C'est

191

moi qui

suis

Msa

fils

de Camos[ga(l]

"',

roi

de

Moab

le

Daibonile.
|

Mon
Et
I

pre a rgn sur


j'ai

Moab

trente annes, et

moi

j'ai

n-gn aprs

mon

pre.
'"'',

conslruit ce bmali pour Catnos dans Qorha, [le binah


les

du

salut]

car

il

m'a sauv de tous


|

agresseurs et m'a permis de regarder avec ddain

tous

mes ennemis.
fut roi d'Isral et

Omri

opprima Moab pendant de longs jours, car Camos


|

tait irrit contre sa terre.

Et son
[il

fils

]ui

succda,

et

il

dit, lui aussi

rr

J'op-

primerai Moab. De mes jours


sa

le dit,

mais

j'ai]

triomph[] de
j

lui et

de

maison
Et

''\

et Isral fut ruin,

ruin pour toujours,

Omri

s'tait

empar de
d(^]
'"''

la

terre de

Medeba,
et

et

il

y demeura [sa vie et


l'a

la

moiti de la vie

son

fils,

quarante ans;
,

Camos [me
des
,

rendue] de

mon
Et

temps.
|

Alors je btis Baal-Meon

et j"y

fis

et je construisis

Qiriatham.
les

borames de Gad demeuraient dans


,

le

pays d'[Ataro]th depuis un temps

immmorial
taquai

et le roi d'Isral avait conslruit


|

pour

lui la ville d'Atarotb.


la ville,

J'at-

la ville et je la pris,

et je tuai tout le
l

peuple de

en spectacle
le tranai

Camos

et

Moab,

et

j'emportai de

T Ariel de Daoudob^'', et je
|

h terre devant la face de

Camos,

Qeriolb,
(?).
|

et j'y transportai les

bommes
et

de Saron

et les

bommes
dit
:

de Mabaroutb

Et Camos

me

rrVa! prends INbo sur Isral!'^

El

j'allai
|

de nuit,

je combattis contre la ville depuis le lever


et je tuai tout, savoir sept mille

de l'aube jusqu' midi,


et enfants, et
|

et je la pris: et filles,
l

[bommes

femmes,

et esclaves]

^'^,

que

je

consacrai Astar-Gamos;

et j'emportai
la face

de
|

[les

Ariels]

'^

de Jbovab

et je les tranai terre

devant

de Camos.

^"

e*'

Ou ffCainos[melck]n, S. S., ou encore (tCamo9[iliekJ, H. Je ne distingue pas. Ou de Msa, yy[D n]D2, le mot est le mme en hbreu. MM. Smend et
:

Socin lisent
^'

"i'D i'^'DS rpour

le salut

de Msa,
juiliemels, et nieltre tout ce qui
fin

On
la
Il

peut aussi ne fermer que


tils

les

prcde

dans
^'"'

bouche du

d'Omri, Acliab. La

de

la lijjue

6 est trs obscure.

n'y a qu'une seule lettre douteuse ["]C^ (moulage), ou [n]D^, S. S.; la lecreste

ture
'')

du

de ce passage
trde

est certaine; la traduction l'est

moins.

Sans doute

David.

MM. Smond

et Socin

considrent pourtant

Daoudoh

comme un nom
^ '

divin.
ff

Litt.

ventres ou

corps.
lire
tries

'"'

M. Clermont-Ganneau prfre
L'examen de l'estampage, qui

vases;

MM. Smend
le

et

Socin,

les

Ariels.
cas

est trs froiss


la

en

cet endroit, fait voir

en tout

un

aprs

DC?D,

peut-lrc ensuite

queue d'un T. Dans

doute, j'adopte

192
Et

DEUXIME PARTIE.
le roi d'Isral avait bti

Yahas

et y rsidait lors

de sa guerre contre moi.


|

Et Camos
tout.
1

le

chassa de devant
fis

ma

face. Je pris
et je la pris
le

de Moab deux cents

hommes en
|

Je les

monter h Yalias,
ai

pour l'annexer
et le
|

Daibon.
de

C'est

moi qui
I

construit

Qorba,

mur

des forts

mur

J'ai bti ses portes, et j'ai bti ses tours.

J'ai bti le palais

du
de

roi et j'ai construit les cluses des [rservoirs


la ville.
I

pour

l'eau] dans le milieu

Et

il

n'y avait pas de puits dans l'intrieur de

la ville

dans Qorba

et je dis
|

tout le
les

peuple:

rr

Faites-vous un puits chacun dans sa maison,"


|

et j'ai

creus

conduites d'eau pour Qorba, [avec des captifs (?)] dlsral.


ai construit

C'est

moi qui
ai

Aror, et qui

ai fait la

route de l'Arnon.
|

C'est
ai

moi qui

construit
.

Betb-Bamotb, qui
.

tait dtruite (?).

C'est

moi qui

construit Bosor, qui.

de Daibon, cinquante, car tout Daibon m'est soumis.


|

Et

j'ai

rempli

le

nombre de cent avec

les villes

que

j'ai

ajoutes la terre (de

Moab).
El
c'est

moi qui

ai construit
'"''

[Medeba]
|

et

Belb-Baal-Meon,
oii rsidait
'''

et j'ai [trans-

port] l les

la terre.
rr

Et Horonam,
et

Et Camos

me
l

dit

Descends

combats contre Horonam,

^^
|

et je des-

cendis et je com[battis contre elle,] et


et

Camos me

la

rendit dans

mes jours;

de

les Arels, cause


trs relle
'''

du paralllisme de

la

ligne la, tout en reconnaissant


la

la dilTiciillc

que suscite Temploi du pluriel

ligne 17.
la terre n S. S.

ffles
ffoii

moutons
rsidait le
fils

les

troupeaux de
el

(')

de Dedan;

Dedan

dit

n S. S.

La

stle

de Msa nous offre des formes de lettres

si

ar-

chaques, qu'on a pu se

demander

si

ce n'tait pas aux

H-

breux

qu'il fallait faire

remonter l'invention de l'alphabet.


les raisons qui

Nous avons

dit plus

haut

nous portent

l'at-

tribuer de prfrence aux Pliniciciis.

En

tout cas, ds cotte

poque recule, l'alphabet hbrai(|ue

est enga^j

dans une
il

voie diffrente de celle de l'alphabet phnicien, et

pr-

sente certains traits distinctifs qui deviendront les


caractristiques de l'criture hbraque
:

marques
du

les

angles sont trs


h,

aigus et fortement accuss; les barres transversales

du

iod,

du

zan,

du

ade, acquirent

une importance

qu'elles

ALPHABET HBRAQUE.
monnaies de l'poque des Macchabes;

193

n'ont pas en phnicien, et qu'elles conserveront jusque sur


les

le

vau
(^),

aussi

prsente une forme arrondie trs particulire

qui n'est

pas sans attaches avec

le

vau des inscriptions hbraques

plus rcentes; enfin, on remarque une tendance recour-

ber
se

les

queues des

lettres vers la

gauche, par o l'hbreu

rapproche de l'criture aramenne. L'histoire de l'hbreu

carr nous fournira une nouvelle preuve de cette affinit,

qu'explique

la

parent des deux peuples.

On

trouve ces caractres encore plus marqus sur les

pierres graves lgendes hbraques. Les cachets toutefois

ne portent que peu de

lettres.

Nous possdons un monu:

ment plus complet de


scription

l'ancienne criture hbraque

l'in-

commmorative du percement du canal de

Silo,

dont

la

dcouverte remonte dix ans peine (^).

Cette inscription, qui date, suivant M. Renan,

du temps
nous

du

roi Ezchias(^\ c'est--dire

de

la fin

du

vni^ sicle,

donne une ide de

l'criture

hbraque au
se

mouvement prophtique auquel


^''

moment du grand rattache le nom d'Isae.


applique reproduire, aussi

Voir

le

Uabloau (p. 202) o l'on


le

s'est

exactement que possible,


qu'est sorti l'Y grec.
^''

vau de l'inscription de Me'sa. C'est de cette forme

Journal des Dbats du 16 avril 1882. Une lettre de M. Kautzsch m'apl'inscription

prend qu'on a bris


vons

en voulant l'enlever de place; nous ne sa-

mme

pas o ses morceaux se trouvent actuellement. Les inscriptions

hbraques jouent de malheur.


^^'

Les donnes historiques s'accordent bien avec cette manire de voir;


fauch-ait

j1

ne

pas accorder trop d'importance aux preuves tires de


si

la

palo-

graphie; l'criture hbraque a


toire

peu vari pendant des


peut que l'on se

sicles, et

son his-

nous

est si

peu connue,

qu'il se

soit servi,

longtemps
l'in-

aprs encore, des


scription de Silo

mmes comme

caractres Jrusalem.

M. Neubauer considre

antrieure

mme

zchias, et ne craint pas de la

rapporter au temps d'Achaz.

i3

19&

DEUXIME PARTIE.
yr,--,-

'a.

^^**-

ALPHABET HBRAQUE.
trductios.

195

perce.
la

Et voici Thistoirc de

la perce'e

Lorsque

hache

l'un vers l'autre; et lorsqu'il n'y avait plus

que
d'un

trois
cote'

coudes

[ abattre, voil

que

les

gens s'entendirent] , se criant

l'autre qu'il y avait zda dans le rocher, de droite [et de

gauche]. Et au jour de la perce'e, les mineurs frapprent chacun vis-vis de l'autre, hache contre hache; et alors les eaux coulrent de la

source la piscine, sur un espace de mille deux cents coude'es, et de


cent coude'es tait la hauteur

du rocher au-dessus de

la tte

des mi-

neurs.

Les

lettres ont

quelque chose d'archaque

et

de heurt;

leurs profds sont nettement accuss; mais en


les

mme

temps

queues, dj penches dans l'inscription de Msa, se re-

plient de plus en plus sous la lettre et rappellent les ten-

dances gnrales de

la

palographie manuscrite.

C'est en effet par la palographie manuscrite

que

doit

s'expliquer l'histoire ultrieure de l'criture hbraque. Les

Hbreux ont
la pierre,

crit

de trs bonne heure autrement que sur

peut-tre

mme

l'ont-ils

fait

ds l'origine; mais

on

tait

conome de
tout.

l'criture,

on n'avait gure qu'un seul

livre

pour

L'poque d'Ezchias marque une transformation dans

les

murs
ditions.

littraires

du peuple hbreu. Le royaume


il

d'Isral

venait de succomber;
Il

fallait recueillir ses

anciennes tra-

se produisit

un mouvement

religieux et littraire

qui a t en croissant jusqu' la chute de Jrusalem, et

auquel correspondit une plus grande diffusion de

l'criture.

On

voudrait avoir un manuscrit de cette poque pour se

rendre compte des modifications que l'habitude du calame


a fait subir l'criture

hbraque. L'criture a-t-elle suivi


i3.

196

DEUXIEME PARTIE.
les

une marche parallle sur


scrits?

monuments

et sur les

manu-

Ou

bien Tcriture manuscrite s'est-elle, conformrgle gnrale, altre plus vite

ment

la

que

celle des

inscriptions?

Nous ne pouvons suivre

la trace

de ces modila saisir,

fications sur les


il

monuments; ou du moins, pour


du monde hbraque
et la

nous faut

sortir

chercher dans

l'criture

aramenne.
plusieurs sicles
elle est

Une grande lacune nous drobe pendant


l'criture

hbraque,

et,

quand nous
:

la

retrouvons,

entirement transforme
chose prs
tel

c'est

l'hbreu carr, peu de

que nous

l'crivons encore aujourd'hui.

Gomdfaut

ment

s'est

produite cette transformation radicale?


les

de monuments,

auteurs

juifs

nous l'apprennent.

Ils s'ac-

cordent pour attribuer l'introduction de l'hbreu carr,


qu'ils

appellent criture assyrienne


le

i^aschourilli)

Esdras,

dont

nom rsume
l'exil.

et personnifie les traditions relatives


i^Anl.

au retour de

Josphe

hd., XII, n,

i) dit la

mme

expressment, en parlant des manuscrits de


poss Ptolme Philadelphe en

Bible pro-

278 avant

Jsus-Christ,

que

les caractres

dont se servaient

les Juifs prsentaient

une grande ressemblance avec


dire,

l'criture syrienne, c'est--

d'aprs notre manire de parler, aramenne. C'est

par l'criture aramenne de l'poque perse que s'expliquent


les destines ultrieures

de l'criture hbraque. L'influence

aramenne, qui
l'poque perse,

s'est

exerce sur la langue hbraque

s'est aussi fait sentir

dans l'criture;

l'cri-

ture hbraque cursive s'est confondue avec l'criture ara-

menne,

et c'est

de cette dernire qu'est

sorti,

par un d-

veloppement

nalui'el, l'hbreu carr.

ALPHABET HEBRAQUE.
ALPHABET DES SICLES DU TEMPLE.

197

L'ancienne criture hbraque n'avait pas entirement

abdiqu devant

l'criture

aramenne. La numismatique h-

braque nous prsente un phnomne qui a de tout temps


attir l'attention des hbrasants.

A l'poque des Maccha-

bes, alors que l'hbreu carr tait dj devenu l'criture

courante, les monnaies frappes par Simon et ses successeurs ont toutes des lgendes en caractres archaques drivs

de l'ancien alphabet hbreu. Nous retrouvons

la

mme

criture jusque sur les monnaies de Barcochba, dont la

rvolte

amena

la

ruine dfinitive du judasme, en l'an i3^

aprs Jsus-CIirist.

MONNAIE DATE DE L'AN DE SIMON (vERS

/l

AVANT J.-C.)'

Sicle d'Isral.

Jrusalem au milieu:

la Sainte.

-^W

2[r):]^

a(nno)

ii.

La numismatique grecque nous

offre plus d'un

exemple

de types montaires qui sp sout ainsi perptus pendant des


'*'

Madden. Coins of the Jews, Londoii, i88i,


1888,
p. Sg-o).

p.

61-7^. Voyez pourtant

les attributions trs diffrentes propos<^es

par M. Th. Reinacli {Les monnaies

iuives, Paris,

198
sicles. Telles

DEUXIME PARTIE.
sont ces monnaies de Chios qui ont port,
la

jusqu' l'poque de Sylla, la tte d'Alexandre avec

l-

gende AAEZANAPOY BAZIAEQZ(i).


chasme s'explique par
le

Qg^jg

tendance

l'arles

dsir

de ne pas dranger

habitudes commerciales et de faire profiter les missions


nouvelles de
la

faveur attache certaines espces plus an-

ciennes. Peut-tre, chez les Juifs, tenait-elle


cause. Les

une autre

Asmonens devaient prfrer

les

vieux caractres,

qui rappelaient les souvenirs de l'indpendance nationale,


l'hbreu carr, qui tait l'criture des Syriens.
l'essence de toute restauration de prtendre
et de ne pas tenir
11

est

dans

la lgitimit

compte des

faits

accomplis.
nationale
s'est

Le souvenir de
du

la vieille criture

conserv
le

longtemps encore,
ni*^

et

Origne, qui crivait vers

milieu
la

sicle, dit

que, dans certains manuscrits de


c'est--dire
le

Sep-

tante, le

ttragramme sacr,

nom

de J:

hovah,

tait crit

avec les anciens caractres hbraques


se servait

ByiA^,

et

non avec ceux dont on


I,

de son temps

(Heapla,
chiel.,

86);

et

il

dfinit cet ancien alphabet (ad Ezele tau, y a

IX,

h) en disant que la dernire lettre,

la
le

forme d'une croix, dfinition qui ne s'applique,


fait
'''

ainsi

que

remarquer M. de

Vogii^'^)
p.

qui nous
oi4.

empruntons
rois de

Barclay Head, Hislona


,

nummorum,

Syrie, Iiitrod.

p.
:

ii.

Babelon, Les

Voici quelques autres exemples que


:

me
au
:

signale
sicle

M. de Bartlilemy
avant J.-G.
vf-ni'.
vii*-iv*.

A Samos
:

Cnossus, en Crte

Le labyrinthe, du
vi*-iv*.

v"

ii*

Tte de lion de face,

Eplise

Lal)eille,

A Athnes: Tte de A Corinthe


la

Pallas et chouette, vi*-i".


,

A Egine
le t\\ie

La tortue,

Pc^g-ase

vn'-in'.

Comparez

aussi les
:

monnaies hiinyafait

riles

au type de

la chouette,

portant en exergue

AOE. Nous avons

quelque chose d'analogue en reprenant, aprs 1870,


5 francs de
'*'

des pices de

premire Rpublique.
et l'alphabet

L'alphabet aramcen

hbraque {Mlaiifres d'archologie arien-

taie, Paris,

1868,

p.

161-170).

ALPHABET HBRAQUE.
toute
cette

199

dmonstration, qu' l'alphabet de Msa, des

pierres graves et des sicles

du temple.

Ces exemples prouvent que l'ancienne criture hbraque


n'avait pas entirement cess de vivre, et
ils

expliquent cer-

taines particularits des premires inscriptions en

hbreu
cri-

carr,

notamment de

l'inscription d'Araq-el-Emir.

Une

ture ne meurt pas du coup parce qu'elle est remplace par

une autre;

elle reste

choses, quelquefois
les destines

comme un tmoin de l'ancien ordre de mme elle n'est pas sans influence sur
l'a

de l'criture qui

supplante.

ALPHABET SAMARITAIN.

Deux ou

trois sicles

aprs la ruine de Jrusalem, nous


la

voyons l'ancienne criture reparatre sous

forme du sa-

maritain. L'alphabet samaritain n'a jamais cess d'tre

emmoma-

ploy;

il

est

encore en usage dans

la petite

communaut

samaritaine de Naplouse; mais nous en possdons des

numents d'une antiquit


nuscrits

assez respectable

ce sont des

du Pentateuque

et des inscriptions,

provenant de

Naplouse, qui contiennent une rdaction abrge du Dcalogue ainsi qu'un ou deux autres passages de
la

Bible
x*'

^^l

Les manuscrits ne remontent pas au del du


les inscriptions sont plus

sicle;
les

anciennes; on a

mme

voulu

rapporter l'poque du temple de Garizim, qui fut dtruit


'^'>

par Jean Hircan

P",

l'an

129 avant Jsus-Christ (-^.


t.

Zeitschrift der deiitschen morgenl. Gesellschaft ,


p.

XHI, 1869,

p.

276;

t.

XIV, 1S60,

621.

Cf. Rdiger, Journal de Halle, i8/i5, n"

281, p. 658-

G6/i.
('

Voir p. 200, 201. Les ligues 6-9 (Dent., xxvii, 5

et

8; xxxiir, h), qui

n'apparlieuueut plus au Dcalogue, sont une revendication en faveur du


culte de Garizim.

CO

-3

lTS

-O

t^

QC

-n

X
Xm
'

-
S?:

t>

f^

[j tu

tii-4

ALPHABET HBRAQUE.
Sans leur prter une aussi haule antiquit,
il

20t
est

probable

qu'elles sont antrieures la rvolte qui eut

pour cons-

quence

la destruction

de toutes

les

synagogues des SamariI'^'",

tains et la suppression de leurs privilges, sous Justinien

en

l'an 5

2 9.

DCALOGUE SAMARITAIN DE INAPLOUSE.


[:

rmr\ ah

"jdJn nNT[-i^3N

nx -i^d]

[:3:3n]-NV :ix:[nxVj

[:-|y]i-n^3--Dn[n-NV]

'

[:i]y~)-n:\x--Dn[n-N'?] 5

[:i^-i'7N-mn]>'?.n3D[.
[

DU -11^:31]

6
7

n3T

h2

DN

D|'':3Nn

Si*

nSDDI

[:3aNT-n]N3.nNin-n-nnn
[:3py^-nSnpn2?'nD]-nuD-i:'? n [ri -min]
1

Honore

ton pre et ta mre.

Tu

ne tueras point.

2
:i

Tu ne commettras point adultre. Tu

m droberas point.
ton prochain.

Tu ne porteras pas contre ton prochain de faux tmoignage, Tu


ne convoiteras point la
la

maison de

Tu ne convoiteras point
Et tu btiras
J

femme

de ton prochain.

6
7

un

autel Jhovah ton Dieu.


les

Et tu

e'criras

sur les pierres toutes

paroles

8 9

de cette

loi trs clairement.


loi

Mose nous a donn une


0).

en hritage

pour

la

communaut de

Jacob

Quoi

qu'il

en

soit

de leur date, l'alpliabet que ces inet qui est

scriptions

nous font connatre,


celui des manuscrits,

sensiblement

le

mme que
t''

nous apparat
of
liibl.

comme

Th-

VV.

Wright, Proccedings of

ihe Soc.

Archol., G nov. i883,

p. 2 G.

20-i

DEUXIME PARTIE,
de l'ancienne criture hbraque.
Il

ritier naturel

suffira

de

comparer

la

colonne 3, o nous avons mis l'alphabet des


et la

monnaies du temple,

colonne

II,

qui contient ral])habet

samaritain, pour se convaincre que l'alphabet samaritain dcoule directement de celui des monnaies; plusieurs de ses
lettres

ont

mme

conserv peu de chose prs


les inscriptions archaques;
les lettres

la

forme

qu'elles avaient

dans

nous pouVi/,

vons citer en parlicuher

s? ^i

*^5 ^? 'V,

u.

ALIMIABliT IIEBUAQUE.

MKSA
(

SILO
)

\>A Es
I

HBREU
SAMARITAIN.
CARR.

900 avant J.-C.

(700 avant J.-C.)

DU TEMPLE.

<
^ A

t ^
/1

^
a
n.

^
A

^
^

<x

<T

^
'^
>x

^
f

Y
:r;

r
-H

A^

^
^2^

S
'X/

=L

nf

ALPHABET HEBRAQUE.
MES A
(91X) avant J.-C.
)

203

SILOK
(700 avant J.-C.
)

.MONNAIES

HBREU
SAMARITAIN.
cvnn.

DU TEMPLE.

:x

/
/

5 L a^^
^h

'7

y
j

^
b

r
^

V
^

j
x^
-H.
'Y
'\

^
V77

r
9
<]

t
1
vc^

-^

^
iJU

-1

w
X

w
X

c
n

yv

L'alphabet samaritain

donc des attaches palograles

phiques

trs anciennes;

mais
et

enjolivements y tiennent
cette criture

une trop grande place,

donnent

quelque
l'esprit

chose de factice et de capricieux, qui n'est pas dans

des anciens alphabets, et par o

il

se

rapproche plutt du

204

DEUXIEME PARTIE.

palmyrnien.
certain

On

sent

une criture qui

s'est

arrte

un

moment de

son dveloppement et a pris un carac-

tre liiratique qui jure avec l'aspect plus

ou moins cursif

de

la

plupart des autres alphabets smitiques. Elle prsente

sous ce rapport une grande analogie avec l'hbreu carr,

bien que les lettres soient individuellement trs diffrentes.

On

croit voir

dans cette criture anguleuse et massive, qui

se replie sur

elle-mme

et s'immobilise

dans des caractres


se

strotyps, la tendance de

l'esprit juif

fermer au
mtila

monde

extrieur et reproduire avec

une

fidlit

culeuse jusqu' l'aspect de ses livres saints, mais aussi

grandeur,
qui a t
quit.

la

constance et la

foi

inbranlable de ce peuple,
l'anti-

le vrai

reprsentant de la religion dans

KCRITUKE ARAMENNE.

205

CHAPITRE

VI.

ECRITURE ARAMEN.\E.
Les grands propagateurs de l'alpliabet dans
le

monde

oriental n'ont t ni les Phniciens, qui taient peine des

Smites et qui n'ont jamais entretenu de relations intimes


avec
est
les

peuples asiatiques, ni les Hbreux, dont rcritijrc


l'criture d'un livre,

devenue de bonne heure

mais

les

Aramens. C'est sous sa forme arameune que l'alphabet


s'est

rpandu en Asie;

c'est

des Aramens qu'il a reu cette


l'a fait

forme cursive, approprie au gnie de leur race, qui


accepter de tous les peuples smitiques,
sous laquelle
et
il

mme

des Juifs, et

a pntr depuis l'Arabie jusque dans l'Inde

jusqu'aux confins de la Chine.

Par leur position gographique,

les

Aramens semblaient

destins cette mission. Situs enti-e les Phniciens et les

Assyriens, auxquels

ils

taient attachs par les liens d'une

ancienne parent, rayonnant jusqu'au centre de l'Arabie,


ainsi

que

l'ont

dmontr

les

dcouvertes faites dans ces


et

dernires annes par

MM. Doughty, Huber

Euting, en

contact constant avec les Hbreux, qui n'taient qu'un ra-

meau dtach du
considrer
taient

tronc aramen, les Syriens, que l'on peut


la

comme

branche ane des peuples smitiques,


la

admirablement placs pour s'emparer de

dcou-

verte des Phniciens et la populariser.

Quelle part
l'criture?

les

Aramens
le

ont-ils

eue

la

cration de

Nous ne

savons.

Comme

toutes les origines,

206
celles

DEUXIME PARTIE.
de l'alphabet nous chappent
et

droutent nos inves-

tigations.

Une dcouverte, que nous ne connaissons encore que


par ou-dire, semble devoir apporter de nouvelles lumires
sur les liens qui unissaient l'ancien alphabet aramen au
phnicien. Des fouilles faites Singerli, au nord d'Antioche,

par

le

comit oriental de Berlin, ont amen,

il

y a plus

de

trois ans, la

dcouverte d'une inscription qui vient se

placer, par son caractre palographique, entre la stle

de

Msa

et celle

de Tema, dont

il

sera question plus loin. Cette

inscription, qui
est

ne compte pas moins de vingt-trois lignes,


la face

grave en relief sur

antrieure d'une statue. Le

haut du corps a disparu; mais


l'attitude

la disposition

de l'inscription,

du personnage,

la

forme presque cylindrique de

sa robe, qui

tombe

droit, sans

aucun

pli, font

penser aux

statues chaldennes de Tello.

Pour des raisons que

l'on n'a

pas discuter

ici, l'inscrip-

tion de Singerli n'a pas encore t publie; elle est toujours

sous

le secret.

Il

en existe pourtant une petite photographie,

que M. Renan
qu'il a

doit la libralit de

Son Exe. Hamdy bey,

et

bien voulu m'autoriser reproduire. Cette photo-

ffraphie, qu'on doit s'estimer trs

heureux de possder,
ne

est

insulisante

pour l'tude de

l'inscription, car elle

laisse

voir

que

la

moiti ou le tiers de la longueur des lignes;

le reste disparat

dans
la

la

courbure de

la

robe; mais elle est


fait

trs instructive

par

forme des caractres qu'elle nous

connatre. J'en
la

doime une reproduction hliographique, de


la

dimension de

photographie originale, en

joignant la

copie agrandie des lettres qu'un

examen

attentif m'a

permis

de distinguer.

Autant qu'on peut en juger, l'inscription commence par

HlioS.Dujardm

INSCRIPTION DE SINDJIRLl

CRITURE ARAMEENNE.

207

ih

^
le

JiJ^'

nom

et la

gnalogie du roi qui avait rig cette statue.


ligne dbute par les

La premire
est la statue

mots

du;'[i] 'ds: crCeci

[quja dresses. Puis vient, dans

la

seconde
sur la

moiti de la ligne, un

nom

propre, peine

lisible

208

DEUXIME PARTIE.
mot nDxb
fr

pholograpliie, suivi du

son preii. Ce n'est

donc pas l'auteur de


prsente
la statue.

l'inscription, c'est son pre,


tait le

que re-

Quel

nom du
Il

pre? La ligne 20,

o
ici

il

revient une seconde fois, nous permet de le restituer


faut lire
:

avec une grande probabilit.

tr

Ceci est la

statue qu'a dresse

N.

son pre

Panmou.'n

Au milieu de
de plus
:

la ligne

3, on peut gagner quelques lettres


le

-[2j]-2

n^x

son pre Bodid^. C'est


la fin

nom du
ligne,

pre de Panmou. Puis, vers

de

la

mme

on

entrevoit, fuyant dans la convexit de la pierre, des signes

qui contiennent certainement

la date.

Le

reste

du discours

est

mis dans

la

bouche du

fils

du

roi

Panmou; malheureusement
Ligne ,

la suite

des ides m'chappe.

Par-ci par-l seulement, on distingue


le

un mot ou deux.
deux points.
:

mot rD (mort?)

se dtache entre

Au coinmencement de
''n''33 3-in

la ligne

5,

il

semble

qu'il faille lire

ctl'pe contre

ma

maisons.

La

ligne 7 doit tre capitale. Elle s'ouvre par


: . .

une

srie

de noms de rois
sour et
le

i'7d["iJ

nr^yx "jVd.

roi d'As-

le roi

(''.

Au commencement de

la

ligne 12,

nom

d'Assour reparat, crit de


:

mme

ivca.

Notez encore, ligne 10


si

"ii^rm fret

de mes joursr,

comme

ce qui prcde tait

un l'sum des vnements ant-

rieurs.

Vers

la fin

de l'inscription, on retrouve un peu de


lire les

clart.

la ligne

19, on croit
t

mots

nbj

nn-'n

crdans

une
'cni

scurit complte

(?).

Le

roi fait

mention de sa mre,
l'oi

'''

A moins qu'on no prfro

lire

[pJT'N "jbo "h


le

Assiirdan". Peut(jui

lre faul-il aussi voir


la

un

nom propre dans

groupe D^^ w'inNC

commence

ligne 6. Si
lire le

Ton

iHait h

rj)oquc perse, et non en l'an 750. on serait tent

d\

nom

d'Assurus.

K<;iUTLRE AIIAMKE.X.NE.
(ligne 19), et de son pre
:

209

Panmou,
Ijgne la

^2ni cret mon pre de Bodid. (lione .0). C'est peut-tre la plus claire de l'inscription. La ligne 21 commence
fils

T^'212 id:d

par

mot ^x' c:et moi^ Enfin, les deux dernires lignes ramnent la pense sur le dieu, dont le nom termine l'inle
:

scription

ms,v

rr

ram mon

dieu,,.

Quel

est ce

Les lettres

ou

le

nom

forment-elles seulement la fin de son tout entier? Faut-il aussi cherclier un

mm

dieu?

nom,
divin

nom

dans

les lettres

"n

crHadad'^

la ligne

22? La photogra-

plne ne permet pas dYducider ce point.


Je

donne

ces

moins comme
ceux qui

quelques indications. Lien clairsemes, un essai de traduction que pour orienter

me

suivront dans la lecture des caractres. Tout

pour qu'on puisse essayer de le faire tenir sur ses pieds, ni prfendre en tirer un sens quelque peu suivi. On hsite s'escrimer sur un

cela est trop iragmenlaire et trop incertain

document
l,

aussi incomplet,

quand on

sait

que

l'original est

porte, et qu'on en attend, depuis trois ans, de jour en jour la publication. Quoi qu'il en soit, nous
livrons

votre

que nous avons au public, esprant que d'autres pourront en tirer quelques nouvelles lumires.
ce
Il

ressort de ce qui prcde

que

la statue

de Singerli

est

celle d'un roi,

Panmou.
fils.

fils

de Bodid, qui

elle a t

rige par son


n'est
le

Dans

l'inscription qui couvre la robe, ce


la parole,

pas

le roi

lui-mme qui prend

comme

sur

sarcophage d'Esmounazar ou sur la stle de Alsa, mais son fils, qui entre en scne aprs un protocole de trois ou quatre lignes, et raconte les exploits de son pre et les
Siens

date de l'inscription de Singerli renseignement publi par divers journaux


lors

Quelle est

la

D'aprs un

de sa dcouifi

210
verte,
il

DEUXIME PARTIE.
v serait fait

mention de Tiglatli-Pilezer. Elle


la

serait

donc contemporaine de

chute de Samarie ou

mme

ant-

rieure, c'est--dire de la seconde moiti

du

vni'^

sicle, entre

760
que

et

720 avant

Jsus-Christ. Sans parler des lumires

les indications

contenues dans ce texte ne pourront


si

manquer de
gion,
il

jeter sur l'histoire

peu connue de

cette r-

est trs intressant

de possder une inscription phla

nico-aramenne du nord de

Syrie. Jusqu' prsent, le

point extrme du ct du Nord qui et fourni des inscriptions phniciennes, c'tait Byblos, et dj la

grande inscrip-

tion de

Byblos contenait certaines particularits grammahbraques ou aramennes que phniciennes.


l'inscription

ticales plutt

Le peu que nous pouvons entrevoir de


Siiigerli

de

dnote un mlange encore plus intime d'lments


et

hbreux ou aramens

de phnicien.

En

tout cas, l'aspect gnral de l'criture est celui des ani\

ciennes inscriptions aramennes. Le tau

y prsente cette
les

forme caractristique que nous ne trouvons jamais dans


inscriptions phniciennes en dehors d'ipsamboul; le

h^

a les dents trs longues, la

hampe

courte

et

lgrement
hbraques;

cambre,
le

comme
\alej

dans
<j:,

les vieilles inscriptions

sin

W,

le

mem

'^

ont une pliysionomie trs

arcliaque et absolument aramenne.


taines lettres,

ct de cela, cer-

comme

le im\ ^, ont dj

une tendance mar-

que arrondir leurs angles, qui sera


tifs

l'un des signes distincse prsente sous

de

l'ci'iture

aramenne. Le kaf
:

deux

aspects fort diffrents

dans

le

mot

y^^

rrroin,

il

est fait

comme dans les inscriptions phniciennes archaques; parfois mme le sommet de l'angle dpasse la hanq)e ^. Au contraire,

dans d'autres endroits,


'-]
,

il

semble

qu'il soit

ouvert par

en haut

comme

il

lest

gnralement en aramen. Les

ECRITURE ARAMEENNE.
boueles du hclh ^
,

211

du

daletli

et

du

resh

sont encore

fermes, ce qui n'cnipche pas l'criture d'avoir une couleur

aramenne.

11

faut aussi noter l'emploi trs frquent

du

h,

qui est une lettre proprement hbraque ou aramenne.

Enfin les mots, et parfois


spars par des points,

mme

des lettres isoles, sont


la stle

comme
ait t

sur

de Msa. Nous

manquons d'lments
Ds prsent,
un
fait

suffisants

pour en dire plus. Atten-

dons que ce monument

rendu

la science.

cette nouvelle inscription vient confirmer

que

la

stle

de Teima, dcouverte dans l'Arabie

centrale par Ch. Huber, avait mis en lumire: l'anciennet

de l'habitude,

si

commune

chez les Arabes, de graver les

inscriptions en relief. Cet usage,

que

l'on considrait jus-

qu' ces dernires annes

comme une marque de

basse

poque, remonte, par une tradition continue, jusqu'aux


origines de l'pigraphie aramenne. Par l, l'inscription de
Singerli

forme

le trait

d'union entre les inscriptions ara-

mennes de

l'Arabie et les hiroglyphes hittites


le

que

l'on

trouve dissmins dans tout

nord de

la Syrie.
l'al-

Dans

les plus

anciennes inscriptions aramennes,


les

phabet prsente

mmes
la

caractres que sur la statue de


le

Panmou;
souvent
il

il

se

confond presque avec

phnicien; fort

n'y a

que

langue qui nous permette de recon-

natre laquelle de ces branches de l'criture nous avons

faire.

Pourtant, de trs bonne heure, on voit

les diver11

gences s'accuser et aller rapidement en augmentant.

faut

en chercher
et

la

cause dans

la

nature de l'criture aramenne

dans son emploi.

Parmi

les

tablettes de

brique qui portent des contrats


il

en criture cuniforme,
des faces, soit
le

en

est

qui ont, soit sur l'une

plus souvent sur la tranche, une courte

212

DEUXIME PAUTIE.
compose en gnral du nom du

lgende araiiieiine. Celte lgende est un rsum de Tinscription assyrienne; elle se

vendeur
et

et

de celui de l'acheteur, parfois du prix de vente


petits

des

noms des principaux tmoins. Ces


l'on faisait

monuments

nous montrent quel emploi

de l'criture aram-

enne. L'criture cuniforme tait trs complique; lorsque


l'alphabet se fut

rpandu en Assyrie, on

prit l'habitude d'in-

diquer sur la tranche de la tablette le contenu de l'acte,

comme nous mettons un


se servit

titre

sur le dos d'un livre, et l'on

pour cela de

l'criture

aramenne, plus simple

et

plus condense. L'criture aramenne parat donc avoir t

employe
cursive,

ct de l'criture cunifoi'uie

comme

criture

non seulement pour des


textes officiels
('l

textes privs,

mais

mme

pour des

On

est

conduit

la

mme remarque

par l'tude de ces

poids de bronze, en forme de lions, que l'on a trouvs,

principalement dans

les ruines

de Ninive, et dont quelques-

uns remontent jusqu'au \if


notre re.

et

mme

au

vui^ sicle
:

avant

Eux

aussi portent

deux lgendes

l'une cuni-

forme, l'autre aramenne. Cette double lgende s'explique par


le

dsir de faire connatre la valeur lgale des poids


s'en servaient, et

aux diffrents peuples qui

de l'exprimer

dans une criture plus populaire et plus accessible tous

que

l'criture cuniforme.

C'est cet

emploi de l'criture

aramenne, non plus comme alphabet pigraphique rserv


des inscriptions religieuses

ou historiques, mais

comme

criture populaire et cursive, qui en explique toutes les variations.


'"'

Pli.

Bergor, lappovl

.sur tjiielqiics iiiscriidions

uvamccnnes du

Brilisli
c)

Mii-

sciun {Cotnptes rendus de l'Acadmie des iiiscn'pUons ,


p. i()8-2"i3).

1886,

a et

avril,

ECRITURE ARAMEENNE.

213

L'ECRITURE ARAMEENNE A L'EPOQUE PERSE.

Sons riiifluenco de ces causes diverses, on

voit se pro-

duire dans rcriture un changement trs petit en apparence, mais caractristique. Dans toutes les lettres qui ont

une
le

tte

ferme,

le beth
il

4,

le

dalelli

^, Ymn o,
trou dans

le resh

sommet

s'ouvre;

se foit

comme un
o

le

crne

si

bien que, au lieu d'un triangle, d ne reste plus qu'une

petite cavit

dont

les parois latrales

vont en diminuauL

2Ui

DEUXIEME PARTIE.

13
"DiN

3{''3wV

"3>'

"'n

n
n:3

mp

"3i' \-iD
"'sn
"")

(n)

Oirandc pour
Fait par Abitob

la

comparution de Banit devant Osirls-Apis (Serapis).


de Banit.
Il

fils

a fait cela

en pre'sence d'Osiris-Apis.

(Table libalions de Srapiim [Corpus

inscr. semit., ^' partie, n" i'i3].)

Ce changement, dj

sensible sur les tablettes bilingues

et sur les poids, porte toutes ses consfjuences

l'poque

perse.

La domination perse

a exerc

une influence dcisive

sur

la

propagation de l'alphabet. La Perse reprsentait un

principe beaucoup plus civilisateur que les


l'avaient prcde.

empires qui

Au

lieu de dpayser les peuples vaincus

en

les transplantant l'autre extrmit

de son empire, Gy-

rus s'empressa de les rendre leur patrie.

Ce respect des

nationalits et des religions des peuples qui lui taient sou-

mis devait avoir pour corollaire


et

le

respect de leurs langues

de leurs critures. Les Perses d'ailleurs n'taient pas de

race smitique; c'taient des Iraniens, et l'criture cuni-

forme
la

n'tait

pas pour eux une criture nationale. Tout en


et assy-

conservant cause des populations chaldennes


ils

riennes dont

taient devenus les matres et qui formaient

une grande partie de leur empire, un de leurs premiers


soins avait t de la simplifier et de l'approprier leur

langue.
L'criture

cuniforme perse ne

pouvait toutefois tre

comprise des populations smitiques situes


leui'

l'ouest

de

empire. Aussi voyons-nous,

l'poijue

perse, l'ciilure

aramenne qui, dj sous

les rois d'Assyrie, figurait

dans

les

CRITURE ARAMENNE.
contrats et sur les mesures normales, prendre

215

une grande

extension et devenir la langue ofTicielle dans les relations

quotidiennes de la Perse avec ses vassaux

M. Glermontrencontre, en

Ganneau

l'a

parfaitement dmontr

('^.

On

la

Egypte aussi bien qu'en Asie, non plus seulement dans des
inscriptions, mais sur des ostraka et sur des papyrus; c'est
elle

qui servira dsormais pour


olicielle,

la

correspondance prive
les

ou

pour

les

comptes, en un mot, pour tous

usages de la vie courante, de


nopliis IV,

mme

que, l'poque d'Am-

nous avons trouv

l'criture

cuniforme em-

ploye dans les relations

ofTicielles

des gouverneurs de Syrie


l'cri-

avec les rois d'Egypte. A cet usage plus gnral de


ture

aramenne

et ce

changement de destination corresforme des caractres, mais

pond une
une

altration rapide de la

altration dont on peut suivre la

marche

et

dterminer

la loi.

Cette transformation s'opre de trois faons la


i"

fois

Par

la

suppression de

la tte

des lettres;

2" Par l'effacement des angles;

3 Par

une

sorte de retour des lettres sur elles-mmes.


le

Nous avons vu, dans l'ancien aramen dj,


de
la tte

sommet

des lettres fermes par en haut s'entrouvrir,


la difficult

cause de

que

l'on

prouve, au courant de
les

la

plume, joindre exactement

deux cots d'un angle;

l'poque perse, l'ouverture s'agrandit de plus en plus, les

deux cts de

la tte

deviennent parallles et s'abaissent peu

peu jusqu' ce

qu'il

ne reste plus que deux

petits arra-

chements, qui sont

comme

des tmoins de la partie sup:

rieure de la lettre qui a disparu


''^

Origine perse des momimonls aramccns

d'f'Jffypte

(^Rcvue archologiqur

aot

1878

et

janvior 1879).

2ir.

DEtlXlME PARTIE.

^ ^
^ ^

j
L|

^
O

\)
(J

V
V
:

i 1
Kii

1
les

'V

mmo

temps,

angles des lettres s'nrmiuJisseiil

ou bien

ils

se simplifient

La barre transversale dn

lan se

coucbe snr

la litrne:

celles

du h
la

se dtachent

de

la

hampe

et finissent

par

s'ac-

crocher
attirs

barre suprieure,
:

comme

des brins de papier

par un aimant

celles

du

helh disparaissent entirement, sauf

une

[-|

Toutes
pas le

les inscriptions

de

la

mme

priode ne prsentent
les lettres.
il

mme

de(jr d'altration

pour toutes

Il

a de grandes vai'its d'un pays

un autre; souvent

arrive

que, sur un lume monument, l'criture, on retard pour certaines lettres,

pour d'autres prcipile

le

mouvement
Cli.

et

de-

vance son poque. Une inscription trouve par


en

Huber
fait

mme

temps que
|,

la
|

clbre stle de

Teima nous

voir le _J, le

le

entirement transforms.

Au cou-

CRITURE ARAMENNE.
traire, le lod a encore
dis
il

217
et carre, tan-

une forme archaque

que sur

Ja

plupart des

a dj la forme plus

monuments aramens d'Egypte moderne H d'o soi'tira le iod des


,

alphabets aramens de basse poque.

Trne

(pi'a offoi't

Maaiiii,

lils

d"Am-

rn, au H ion Salm

pour
(ITiiI)or, petile inscriplioii

sa vie.

de Toima [Corpus {user,

seittil.,

?.'

pari., n"

1 1
'i

Mais

la

transformation la plus caractristique est celle

qui atteint le bas des lettres. Le phnicien avait exagr


les

queues des

lettres,

l'aramen les recourbe par en des-

sous, par suite de l'lan

que

le

mouvement de

la

main com-

munique

l'criture.

218

DEUXIME PARTIE.

On

observe surtout celte tendance de l'criture sur les

])apYrus aramens, ainsi

que sur

les

fragments de poterie
et

servant

la

correspondance courante
'^l

aux comptes, que

Ton trouve en Egypte

L'usage du papyrus et de l'criture cursive a

amen

dans

l'alphabet

des

modifications

qui ne sont pas sans

analogie avec celles dont l'criture hiratique

nous

olTre

l'exemple. Des papyrus, elles ont pass dans l'criture mo-

numentale,
scriptions,

et l'Egypte

nous a fourni toute une


bas-reliefs,

srie d'inle

accompagnes de

qui prsentent

mme

type d'criture et les

mmes

particularits

que

les

])apyrus aramens.

dsigne sous

le

On en a fait une classe part, que l'on nom de monuments aramens d'Egypte r.
cr

STELE ARAMEENXE DU VATICAN.

anba noix
Anhliapi,
fils

";

nniD csnn

"id

nnjy

de Tahabis, parfait en Osiris dieu.


iiiscr.

(Corims

seniil., a" partie, Inscr. aravi., n"

i^ia.)

Sur ces monuments,

et

spcialement sur

les

papyrus,

c[ui

sont de vrilables manuscrits, souvent assez


crits,

ngligemment

on a peine reconnatre l'ancienne criture araC'est

menne.
perse

en

efifet

l'criture

aramenne de l'poque

([ui

marque
c'est

le

passage des alphabets anciens aux


qu'il faut

nouveaux;
la (lof

dans ses modifications


les critures

chercher

do toutes

smitiques modernes.

'"'

Corpus

inscr. srinil.

9.*

partie, Inscr. nrain., n' i!.T-i4f).

CRITURE ARAMKE.NNE.

219

Les inscriptions aramennes d'Egypte, qui datent en


gnral de l'an

5oo

Tau 9oo avant Jsus-Christ, nous


la

prouvent quelle extension avait prise, sous


perse, l'criture aramenne.

domination

Nous en trouvons un exemple


la

encore plus remarquable dans

stle clbre
et qui lui a

de Teinia,
cot la
vie.

dcouverte en i883 par Ch. Huber


Elle est aujourd'hui au

muse du Louvre.
la civilisation

La
ture

stle

de Teima nous montre


installes

et l'cri-

aramennes

au cur de l'Arabie. Ce

n'est

pas, en effet, une stle rige par

un Aramen de pascomnimorative de
le

sage dans ces contres, c'est la stle


l'instalhition

du

culte

d'un dieu aramen,

dieu

Salm

(ou Selem) de Hagam, Teima.

L'inscription nous apses

prend que ce dieu


nus sacrs.

y avait son temple, son culte,

revela

Un

bas-relief sculpt sur le

ct droit de
et,

stle reprsente le dieu en

costume perse,

au-dessous
avec
la

de

lui,

un prtre
:

oITrant

un

sacrifice sur l'autel,

lgende
en

rSelemsazab,

prti'eii.

L'inscription

est

grave

relief, et ce fait,

qui nous parat aujourd'hui naturel, a


la

opr une rvolution dans nos ides sur

palographie s-

mitique. D'ailleurs, l'criture de la stle de Teima, tout en


tant de l'poque perse, ne se confond pas avec celle des

monuments aramens d'Egypte


formes;
la
le

les

lettres y sont

mieux

^,

le

'\ y ont encore leur foruK! ancienne;

boucle du

jj.

du ^, du

est

peine entr'ouverte. Le

type gnral de l'criture se rapproche beaucoup plus de


celui des inscriptions

du nord de

la Syrie.

D'autres inscrip-

tions en caractres analogues, trouves soit


soit

Teima mme,
qu'il n'y

aux environs, par Gh. Huber, nous prouvent

a pas l
Il

un

fait isol.

ne faut pas voir dans l'inscription de Teima une simple

220

DELXIMK PARTIE,

proloiioalion accidentelle de rkrilure arameiine sous Tin(lueiice

de

la

domination perse;
cette

la

prsence d'une inscrip-

tion

aramenne de

importance au cur

mme

de

l'Arabie nous prouve que, ds /ioo on


re, les

5oo ans avant notre


de

Aramens

y taient tablis.

Leur sjour dans ces


est
difficile

contres remonte-t-il

plus baut?

Il

le

d-

montrer en l'absence de documents contemporains; mais

on ne peut s'empcber de rap])rocber


nies par la stle de

les indications

four-

Teima des

traditions patriarcales qui

nous montrent Abrabam errant en nomade entre Ur-Cbas-

dim

et la Palestine, et qui

en font

le

pre d'Ismal

et

des

autres tribus du nord de l'Arabie.

Nous trouvons donc

l'criture

aramenne employe de-

puis Antiocbe, au nord, jusqu'en Efjypte et aux portes de


la

Mecque, au sud,

et, l'est,

jusqu'en Msopotamie. Elle

s'tait

avance plus loin encore. Une inscription aramenne

trouve en Perse, Senq-Qaleb^^), mi-cliemin de Tbriz


(t

de Tliran, nous met sur

la

route de l'Inde.

''

Corpus

inscr.

semh.

9.'

parlie, hincv. orinn., n

i.

LKS ALPHABI-TS DK LIN DE.

221

CHAPITRE VU.
LES DRIVES ARYENS DE L'ALPHABET ARAMEX.

LES ALPHABETS DE L'INDE,

La grande

diffiision

de Talpliabet

sciiiitiquc l'poque

perse a eu des consquences d'une importance extrme pour


l'histoire

de

criture, car c'est par elle sans doute qu'il faut

expliquer l'origine de lalphabet liindou. Cette dcouverte


capitale, qui est encore voile de bien des obscurits, date

de trente ans peine.


L'alphabet sanscrit parat isol au milieu des autres al-

phabets;

il

ne ressemble aucun d'entre eux. Le systme

mme

de l'criture sanscrite, avec ses voyelles, ses groupese

ments de consonnes, qui

fondent pour former une unil

complexe, parat trs diirent du principe qui a prsid


la

formation de l'alpliabet phnicien et qu'on retrouve dans


le

presque tous ses drivs. Aussi

dvangari

est-il

reste

longtemps irrductible; on

le

considrait
le

comme un

alphail

bet d'origine distincte, cr par


est rien

gnie hindou,

n'en

pourtant, et l'on a de fortes raisons pour croire


alphabets de l'Inde,

que

les

comme
la

tous ceux que nous

avons rencontrs jusqu' prsent, drivent de l'alphabet


phnicien; suivant l'opinion
criture indienne ne serait

plus probable, l'ancienne

mme

pas ne directement du

222
pliL'iiicieii,

DEUXIME PARTIE.
une poque trs recule, mais de l'ciilurc

aiaiiieiine, l'poque perse.

Vohiey, chez qui Ton trouve de

si

surprenantes ouver-

tures sur les choses de ranlicjuit, avait dj cru entrevoir

des rapports entre

le

dvangari et

les critures smitiques.


l'au-

Le lliologien allemand Schleiermaclier, puis Kopp('\


teur de la Pahi'ograplua critica, taient entrs dans la

mme
:

voie; mais leur sentiment n'avait rencontr qu'incrdulit


c:ll

nous parat,

crit Kiaprotli,

que

ces rudits, d'ailleurs

estimables, se sont attachs des ressemblances qui n'existent pas; car

une conq^araison minutieuse des anciens

al-

phabets de l'Inde avec ceux des peuples smitiques conduit


prcisment

un

rsultat tout lait contraire.

-n

Les travaux des indianistes modernes sur

les inscriptions

d'Aoka ont donn raison Volney contre Klaproth, branlant du

mme

coup l'ancienne croyance


hindoue. Quelle que

la

haute anti(|uit

de

la littrature

soit l'opinion

que

l'on

puisse se faire sur la formation des livres sacrs de l'Inde,


la

palographie dmontre qu'ils n'ont t


crit.
la civilisation

fixs

que

tis tar-

divement par

Chose tonnante,
sidrait
n'a

hindoue, que

l'on

con-

comme remontant

jusqu'au berceau de l'humanit,

pas laiss d'inscriptions qui puissent tre conq)ares,


celles

pour l'antiquit, non seulement


la

de l'Egypte

et

de

Chalde, mais

mme
le

aux inscriptions phniciennes ou

grecques. Les plus anciennes que l'on possde sont les inscriptions

connues sous

nom

d inscriptions d'Aoka ou

d(i

Piyadasi, des
ciens

noms que

porte, tant chez les historiens anle roi

que dans ces inscriptions mmes,

qui en a t

l'auteur.
{:

Uilder vnd Schri/lcii

vol. Il, p.

:U8,

87/1.

LES ALPHABETS DE LIXDE.


Les
iuscj'iptioiis

223
triine srie

de Piyadasi se composent

de

textes, lort analogues

par leur contenu, qu'on trouve repro-

duits, avec des variantes insignifianles, sui" plusieurs points

de

Inde;

ils

sont gravs, les uns sur des colonnes, les autres

sur des rochers.

Ce sont des

dits

royaux empreints d'une

grande lvation morale

et (|ui

ont principalement j)ourLut


la justice

de prescrire aux peuples l'observation de

et des

veilus bouddhiques. Leur auteur y prend le nom de Piyadasi. La langue de ces inscriptions est sensiblement la mme,

mais toutes ne sont pas crites avec

les

mmes

caractres

on

reconnat l'emploi de deux alphabets ditlrents.

Une premire version des dits a t dcouverte, au commencement de ce sicle, sur les rochers de ShahbazGarhi ou Kapour-di-Giri,
de rinde, dans
la la

pointe extrme du nord-ouest


l'an-

valle

du Caboul, qui confinait


la

cienne Bactriane et forme aujourd'hui

frontire de l'At-

ghanislan. Elle est en caractres qui prsentent une grande

ressemblance avec l'alphabet aramen

et (ju'on a

appels

judo-bactriens. Cette srie a t complte


les dits
les

rcemment par de Mansera, relevs et copis par M. Senart sur collines qui forment au midi les premiers contreforts des
et

traces de l'alphabet indo-bactiien ne s'tendent gure dans l'Inde intrieure.

montagnes du Khagan

du Kachemir. Les

Mathur

est jusqu' prsent le point le plus

avanc

vers le sud o elles aient t constates.

Les autres
crites avec

copies

des

dits

de

Piyadasi

sont
et

toutes

un alphabet

diffrent

du prcdent

qui a
l'Inde.
l'al-

donn naissance
M. Senart appelle

tous les alphabets

modernes de
,

cet alphabet indien

par opposition

phabet du Nord-Ouest ou indo-bactrien; on l'appelle aussi


alphabet maurya ou magadha, du

nom

de

la

dvnastie

224
laquelle

DEUXIEME PARTIE.
apparlciiiiit

Aoka ou du pays qui

lorinait

le

centre de son empire.

On

ne connat pas moins de dix ou

douze copies des

dits

d'Aoka en caractres indiens, plus


la

ou moins compltes, qui sont dissmines sur toute

sur-

face de rilindoustan. Les plus clbres sont les inscriptions

sur piliers de Delhi et d'Allahabad, ainsi que


dits sur rocher gravs Girnar,

la srie

des

dans

le

Gouzarate.
la

C'est
dcliiflfr le

James

Prinsep^'^

que

rcvient

gloire d'avoir

premier

les inscriptions

d'Aoka. D'autres s'en

sont occups aprs lui, en premire ligne

Eugne Burnouf,
de l'interprtation
et

qui a pos de

main de matre

les rgles

de ces monuments. Depuis, de nombreux savants anglais

allemands y ont donn leurs soins; dans ces derniers temps


enfin,

M.

Senait^-^ a fix dfinitivement le caractre et la


il

date des insciiptions de Piyadasi, et

en a port l'lude

palographique
qu'on
les

et philologique

un

tel

degr de prcision,
les

comprend aujourd'hui jusque dans


du moins que
le

moindres

dtails, autant

permet

l'tat d'inscriptions

souvent fort mutiles.

Grce certaines indications historiques contenues dans


ces inscriptions, on peut en dterminer la date avec

une

entire certitude

^^l

L'histoire de l'Inde

ne nous fournit avec


([ui

l'histoire grec({ue

qu'un seul synchronisme


c'est ce

puisse servir

de base une chronologie,


le

loi

Tchandragoupla,
le rival
vol.

Sandracottos des historiens grecs, qui fut


''

lieu1837,

Voir: Journal of

the

Royal

Asititic Socictij

of Beiigal,
;

VI,

5 1-477, 566-609, 790-797, 968-986, 1062-1064 p. dian AntiquiUcs , ediled hy Edward Thomas, Loiidon, i858,
/i

Essai/s on In-

1 vgl. in-8.

''^

Les

inscriptions de Pli/ndasi ,

par E. Seiiait,

t.

et

II,

Paris,

Impri-

merie nalionale, 1881.


juin 1888, p.
^'^

Notes

d'cpiffraphie indienne [Journal asiat., avril-

5o4-539
t.

sopt.-oct., p. 01

i-33o,

et pi.).

Senart,

II, p.

267-260.

LES ALPHABETS DE L'INDE.


reux
(le

225

Sleucus. Le petit-fils de ce roi et son deuxime

successeur, bien connu dans l'histoire de l'Inde, s'appelait

Aoka. Or, dans

le

Dpavanisa, Aoka reoit quelquefois le

nom

de Piyadasi que porte l'auteur de nos inscriptions.

Cette ressemblance de noms, que l'on pourrait attribuer

une concidence

fortuite, tire

une valeur toute particupar nos inscripses voisins

lire des indications historiques fournies


tions. D'ans le xni'^ dit, Piyadasi

nomme parmi
:

Antiochus, roi des Yavanas, c'esl--dire des Gi'ecs; puis,


plus au nord, quatre autres rois

Ptolme, Antigne,

Magas

et Alexandre.

La runion de

ces diffrents rois rend


:

certaine leur identification; ce sont


2/17), Ptolme Philadelphe

Antiochus

II

(-260-

(aSB-aAy), Antigone Gonatas


2

de Macdoine (278-2^9.), Magas de Cyrne, mort en


et

58,

Alexandre d'Epire, mort aux environs de


prcisment l'poque
laquelle rgnait

l'an

260. Or

c'est

Aoka-Piyadasi

le petit-fils

de Tchandragoupta. Nos inscriptions viennent

donc

se placer vers le milieu

du

iif sicle,

antrieurement

la rvolte de Diodote et la cration

du royaume grec

de Bactriane.

Le caractre de Piyadasi confirme


nous conduit
le

les rsultats

auxquels

l'histoire.
la

Aoka nous

est reprsent

comme

fondateur de

domination du bouddhisme dans l'Inde;

or,

dans nos inscriptions, nous voyons Piyadasi employer


les

son autorit royale faire triompher


rale

principes de la

mo-

bouddhique,

et

il

met une

insistance qui est le fait

d'un rformateur, insistance bien prcieuse pour nous, puisqu'elle

nous a conserv

les

deux grandes formes de

l'cri-

ture dans rinde ancienne.

Nous nous trouvons donc en prsence de deux systmes


d'criture diffrents, dont l'apparition sur les

monuments

226
est

DEUXIEME PARTIE.
coiilemporaine, usits run l'extrmit nord-ouest de

l'Inde, sur la route de l'Asie centrale et de la Perse, l'autre

dans l'intrieur de

la presqu'le

de l'Hindoustan

l'criture

indo-bactrienne et l'criture indienne, et ces deux alphabets nous permettent d'embrasser


difTusion

du regard

l'origine et la

de l'criture dans

l'Inde.

PREMIER DIT DE KAPOUU-DI-GIRI.


(Texte indo-bacirien.)

'^h'l^1'*'^l!'^l!'il)>^'^'F'T)ThVni1-'hl'''Pll^'l1

mi>lr^t'n'n^i)mi>'^^t>^hil1'>'ii
(3)

^'*i'^ilPi-'im'i,1M'-\

^l'i^'fW^^h
539.)

'^^^^i'i1h^'itn')i\)iF^l^f'iH>^ii1!]l:i
(Senarl, Jommal aiiatique, 1888,
t.

I, p.

PRESUER DIT DE GIRNAR.


(Texle indien.)

:-a:D-8nj'C->(?i*^iie;jL^ceini-j']-t;::-Di-f'cj'^c!>-H-

lr/6,[;-A4;icJcLB"^+A$nl^+-[;-^cCciyE^UclJC><?l*^dC

H-lr/cl^(i<GG>-JLlHa?Ha;DWW7A:r>(!>&IH-ln'1iG

227 O
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5-t

es

-^ C

228

-DEUXIME PARTIE.

L'origine smitique de l'alphabet indo-bactrien est hors

de doute; nous pouvons

mme

prciser la forme de
:

l'al-

phabet aramen qui

lui a

donn naissance
les

c'est ral])habet

de transition que nous trouvons sur


et les inscriptions

papyrus d'Egypte
de l'poque perse.
la

aramennes de
tre

la fin

La dmonstration peut en
lettres prises

faite
Il

pour

plupart des
tre frapp

individuellement.

suffit,

pour

de
les

la

grande ressemblance des deux alphabets, de jeter


les

yeux sur

monnaies des satrapes d'Asie Mineure, en

particulier sur les

monnaies de Msopotamie
:

et

de

Cilicic,

dont

la

lgende

est plus dveloppe^'^


la

la

forme gnrale

des lettres est sensiblement

mme. L'alphabet indo-bac-

trien prsente cette allure cursive qui caractrise l'alpiiabet

aramen de
gauche
et

transition;

il

s'crit

comme

lui

de droite de l'alphabet

possde encore

les trois sifllantes

smitique.

En

outre, les voyelles initiales y sont supportes

par un signe qui est l'quivalent de Yakf dans les langues


smiti(jues,

mais

n'a

plus qu'une valeur purement gra-

^''

Voir

Geseniiis,

Monumenla,

pi.

36;
IV;

Satrapies, Paris, i8/i6,

in-/i, pi. III et

misimque

cl

de philologie , Paris, 18G7, p.

Luynes, Numismatique Waddinfjlon, Mlanges dcuu71-79; Halt^y,


des

Mclaiiffcs d'cpi-

ffvaphie, p. 6^1-71.

LES ALPHABETS DE L'LNDE.


pliiqiie; enfin, le

229
:

systme des voyelles est assez incomplet

l'nlpliabet

indo-bactrien ne possde pas de signe spcial


suit

pour Va qui

une consonne,

et

il

ne

fait

pas de distinc-

tion entre les longues et les brves.

La notation des voyelles


les

elle-mme

quelque chose d'adventice; on

indique,

d'une faon assez sommaire, par des traits pendus aux

consonnes et qui sont, suivant M. Halvy, des altrations


des semi-voyelles iod et vau.

Les peuples du nord de l'Inde n'ont toutefois emprunt

que

seize lettres

aux Aramens;

ils

en ont laiss de ct six

qui reprsentent des sons inconnus aux idiomes indiens.

Par contre,

ils

ont cr seize lettres nouvelles au

moyen de

traits diffrentiels,

pour rpondre aux articulations propres

leur langue.

On ne

peut dterminer avec

la

mme
dit;

certitude l'origine

de l'alphabet indien proprement


les autres critures

l'cart

entre lui et

alphabtiques est beaucoup trop grand.


caractre cursif, propre
l'on retrouve

Les

lettres,

loin d'offrir le

aux

inscriptions smitiques,

que

dans l'alphabet

indo-bactrien, ont un aspect anguleux et raide qui rappellerait plutt celui

de l'criture himyarite ou de l'thiopien;

enfin, au lieu de s'crire de droite gauche, les inscriptions indiennes vont

de gauche droite. Aussi l'origine

indigne de l'alphabet indien n'a-t-elle pas cess d'avoir


des partisans. Dfendue dans le principe par Lassen, elle
t depuis
l'a

par Edw. Thomas, l'diteur des Essais de Prin-

sep, par le major gnral Gunningham^^), enfin, en dernier


lieu,

par M. Dowson^'-^;

c'est--dire, surtout

par des savants

ou des indianistes
''^

anglais.
,

Corpus inscriptionum indicarum


Journal ofthe R, Astattc

vol.

\.

(->

Soc,

n. s., vol. XIII,

1881,

p.

119.

230

DEUXIME PARTIE.
la

Et pourtant,

dcou verte des inscriptions d'Aroka a


la thorie

port un coup terrible

qui veut voir dans les

alphabets de l'Inde

le

produit d'une sorte de cration sponcroire

tane. Tant qu'on a

pu

que

le

dvangari n'avait pas

d'anctres et qu'il avait toujours eu ses formes savantes, on

comprend qu'on

l'ait

admir
il

comme une
a t

cration du gnie
lui

hindou; mais du jour o

dmontr que

aussi

avait sa gense et qu'il tait n d'un type plus simple, se

rapprochant beaucoup plus des autres critures alphabtiques, et oii l'on en a


sives,
il

pu

suivre les transformations succes-

rentrait dans la loi gnrale, et l'on devait arriver

reconnatre qu'il tait sorti

du moule commun qui a donn

naissance tous les alphabets.

Non

l'alphabet sanscrit n'est pas n tout

arm du cerveau

de l'Hindou, pas plus que Minerve du cerveau de Jupiter.

Comme

les

Grecs ont imprim

la

marque de

leur gnie

l'alphabet phnicien en l'adoptant, les

Hindous ont donn


il

l'alphabet indien son caractre propre; mais

leur est arriv

du dehors,

aussi bien
est-il

que l'alphabet indo-baclrien. Seule-

ment, par o leur


auquel
il

venu

et quel est le type

alphabtique

se rattache, voil le point qui n'est

encore qu'im-

parfaitement lucid.
Prinsep et quelques-uns de ceux qui se sont les premiers

occups de ce problme avaient bien senti


de leur dcouverte; mais
ils

les

consquences

s'garrent en cherchant ex-

pliquer l'criture indienne par l'alphabet grec; leur explication, assez superficielle, est aujourd'hui

peu prs aban-

donne, du moins sous cette forme absolue. D'autres,


William Jones et Fr. Lenoi niant, taient frapps de

comme
la res-

semblance que

l'criture indienne prsente

avec l'criture

himyarite et, plus encore, avec l'thiopien. Albrecht

Weber

LES ALPHABETS DE L'INDE.


fit

231

entrer ces itudes dans une nouvelle voie en rattacha?it

l'criture indienne l'alpliabet phnicien; aussi son travail


s'est-ii

impos, malgr ses imperfections, l'attention du


savant
^^l

monde

L'tude de

la
il

palographie smitique
y a trente ans, pour

tait la

encore trop

peu avance,
tente par

que

dmonstration

Weber pt

avoir une base

solide.

M. Halvy

a repris la question en s'aidant des lumires dont nous

disposons, et

il

est arriv

des conclusions assez dii-

rentes^-l D'aprs lui, l'alphabet indien drive

non pas du

phnicien, mais de l'aramen,


trien.
Il

comme

l'alphabet indo-bac-

aurait pris

certains lments l'alphabet indo-

bactrien, d'autres directement l'aramen, d'autres enfin

au grec. C'est par

le

grec

notamment que

s'expliqueraient
trs

ces lettres qui prsentent

une ressemblance apparente

grande avec l'ancien alphabet phnicien. L'alphabet indien


serait,

en somme, un alphabet d'origine complexe, dont

le

fond serait indo-bactrien.

On

s'tonnera toujours, tant qu'on

n'aui'a

pas trouv

d'intermdiaires entre l'alphabet indien et son frre

du

nord-ouest de l'Inde, de voir deux critures aussi rapproches de leur point de dpart diflerer autant Tune de l'autre.

Les diffrences portent non pas seulement sur


lettres, ce qui pourrait s'expliquer

la

forme des

par

le

caractre
le sens

monul'cri-

mental des inscriptions indiennes, mais sur

de

ture, qui va de droite gauche dans l'alphabet

du Nord,

de gauche droite dans celui du Sud.


^''

Zeitschrift der dcutschen morgenl. Gesellschafl

/jo6;
'*>

vol.

X (i856),

p.

889-

Indische Skzten, p.

lay-iSo.

Essai sur l'origine des critures indiennes [Journal asiatique, i885, II.

p.

943-3oi).

232

DEUXIME PARTIE.

Ces raisons ont dtermin M. Taylor^'^ reprendre, en


la

modifiant,
lui,

la

thse de William Jones et de Vv. Lenormant.

Suivant

l'alphabet d'Aoka serait

un driv non pas


du Sud,
cette

de l'himyarite, mais de son prototype, beaucoup moins


loign

du phnicien,

l'ancien alphabet smitique

d'o serait galement sorti l'himyarite.

On

voit

que

thorie se rapproche dans une certaine mesure de celle de

Weber.

Il

est certain

que

l'aspect gnral de l'criture in-

dienne rappelle plutt celui des alphabets smitiques du

Sud; en
la

se plaant

au point de vue de
il

l'histoire

gnrale de

propagation de l'alphabet,

semble assez naturel que

l'criture des habitants

de

la

grande presqu'le de l'Inde

leur soit venue des populations de l'Arabie, avec lesquelles


ils
il

entretenaient des relations commerciales suivies. Mais


resterait expliquer cette rencontre tonnante

dans l'Inde

de deux alphabets smitiques venant, l'un du Nord, l'autre

du Sud,

et l'air

de parent incontestable

qu'ils prsentent

malgr leurs grandes diffrences.

L'aigument

le

plus fort en faveur de

la

communaut d'ori-

gine des deux alphabets est qu'ils procdent tous deux de


la

mme

manire pour

la

formation des lettres nouvelles et


ni l'un ni l'autre

pour l'expression des voyelles; en outre,


n'expriment
le

redoublement des consonnes identiques ou


l'aspect
trs

homognes. Une des causes de


(ju'offre l'alphabet

particulier
la faciht

indien doit tre cherche dans

qu'il a toujours
la

eue de crer des consonnes combines, par

superposition de lettres formant grappe; or ce trait, qui


le signe distinctif

deviendra

du dvanagari,

se

remarque

dj dans l'alphabet indo-bactrien.

A
t')

ces considrations, dont

on ne saurait mconnatre
II, p.

IsaacTaylor, The Alphabet, Loiulon, i883, vol.

Q85-3/i9.

LES ALPHABETS DE L'INDE.


le poids,

233
lui a

M. Seiiart en

a joint d'autres,

que

suggres

une version indienne des


sources de la Jumna.

dits trouve Khlsi, prs des

La version de Khlsi prsente

cerl'al-

taines particularits par lesquelles elle se rapproche de

phabet indo-bactrien. Le systme vocalique y est moins dvelopp que dans les autres inscriptions indiennes, et la
notation des sifflantes semble tre en relation troite avec
celle

qui est usite dans l'alphabet du Nord-Ouest.


dit

Nous avons

que l'alphabet indo-bactrien


)^,

avait con-

serv les trois sifflantes smitiques,

n
A

et

^. L'alphaforme lg-

bet indien n'en connat qu'une seule,

L.

Khlsi, nous la
la

retrouvons soit sous cette forme, soit sous

rement

diffrente

\^;

mais, ct d'elle, nous en voyons


,

paratre une autre,

qui se rattache palographiquement


^'l

la sifflante indo-bactrienne 7^

a-t-il l

un emprunt

postrieur, rsultant

du voisinage des deux alphabets, ou


la

bien l'inscription de Khlsi,

plus septentrionale des ver-

sions indiennes des dits d'Aoka, ne pourrait-elle pas, jus-

qu' un certain degr, servir de transition entre l'alphabet


indo-bactrien et l'alphabet indien?

Quoi

qu'il

en

soit,

un

fait

peut tre tenu pour certain

c'est c|ue le

systme des voyelles a t pris tout entier par

l'alphabet indien l'alphabet indo-bactrien.

En

effet,
il

ce
est

systme tant plus dvelopp dans l'alphabet indien,


vident que
les

habitants de Caboul, qui parlaient la


la valle

mme

langue que ceux de

de l'Indus,

s'ils le

leur avaient

emprunt, ne l'auraient pas appauvri volontairement.

Nous restons donc en prsence de


qui
fait

trois thories

celle

venir l'alphabet indien directement

du phnicien,
le rat-

et qui parat devoir tre


<''

abandonne; une autre qui

Senart,

l.

I, p.

SS-Sg.

234

DEUXIKME PARTIE.
;

tache aux alphabets smitiques du Sud


peut-tre
la

enfin,

une troisime,

plus probable, qui

le

rattache, au moins en
et y voit

partie, aux alpliabets smitiques


riv de l'criture

du Nord,

un dl'alpha-

aramenne, par l'intermdiaire de

bet indo-bactrien.

De

toute faon, deux points semblent

bien acquis

l'origine smitique des


la

deux alphabets
le

usits

dans l'Inde antique, et

grande part qu'a eue

gnie hin-

dou dans l'adaptation de ces deux alphabets aux langues de


l'Inde et

dans leur constitution

dfinitive.

L'introduction de l'alphabet dans l'Inde ne doit gure

dater que du

iv*^

ou du

v*'

sicle

avant notre re; auparavant,


rien
Il

l'Inde ne connaissait sans doute pas l'criture;

du

moins dans

les

Vdas ne permet de

le

supposer.

y a peu

d'apparence que l'usage courant de l'criture dans l'Inde


soit

de beaucoup antrieur au temps d'Aoka. Les Brahainsi

manes,

que M. Senart en

fait la

remarque, taient

peu disposs

se dessaisir de leur monopole. Les

boud-

dhistes, au contraire, ont dii tre presss de se servir de


l'criture

pour rpandre leur doctrine. Ainsi s'explique


le

la

grande extension qu'a prise l'alphabet ds


apparition dans l'Inde.

jour de son

Des deux alphabets rivaux que


nous ont conservs,
le

les inscriptions

d'Aoka

premier, celui du Nord-Ouest, n'a


il

pas eu longue fortune;


lui avait

s'est teint

avec

le

mouvement qui
t apest ainsi

donn naissance. L'autre, au contraire, a


il

pliqu au prAcrit et au pli, puis au sanscrit, et

devenu

l'criture

de toute

la littrature sacre la srie

de Tlnde.

Nous ne pouvons suivre toute


tions

des transformale

que l'alphabet indien

parcourues depuis

temps

d'Aoka jusqu' l'criture moderne du sanscrit classique,


laquelle on

donne

le

nom

de dvangari;

il

faut

nous borner

LES ALPHABETS DE L'INDE.


i*i

235

en

niarqiiei"

par quelques exemples

les principales tapes.

Elles sont toutes reprsentes par des


et parfiiitement

monuments

certains

connus, d'o ont t


le

tirs les

alphabets que

nous avons runis dans page


1"
9/19^').

tableau insr la suite de la


:

On

y trouvera

L'alpliabet indo-bactrien d'Aoka; L'alpliabet des

monnaies de Bactriane, qui en drive

directement;
3
h'^

L'alpliabet indien

(maurya ou magadba) d'Aoka;

Le caractre des inscriptions trouves dans des temples

souterrains, ou caves bouddhiques, de la cte occidentale de


l'Inde, qui

peuvent dater du

i"""

sicle

de notre re;

5 L'alphabet d'une autre inscription, grave, la suite

des dits d'Aoka, sur la colonne monolithe d'Allahabad,


et qui

provient d'un des rois de la grande dynastie des


les

Goupta, dont
de notre re
6
l'an

annes se comptent partir de

l'an

819

f-^;

Le

Routila, qui doit son

nom

une inscription de

999 de notre

re, et qui nous fournit

un type, bien

dat, de la forme de l'criture d'o est sorti le dvangari.

Dans

la

seconde partie du tableau nous avons donn,


les

la suite

du dvangari,

principaux alphabets du Nord


^^\

et

du Sud qui sont ns de l'ancienne criture indienne


'"'

L'alpliabet houtila,

ainsi

que

celui des caves bouddhiques et l'ancien


Facre's (pli,

alphabet pli dont se servaient les Siamois pour leurs livres


carr),

sont empi'unts l'ouvrage de

M. Taylor

The Alphabet,

vol.

Il,

p. 336-3/ii. L'alphabet des monnaies bactriennes a t dresse notre inten-

tion par
^"'

M. Drouin

qui a bien voulu revoir aussi

le reste
,

du

tableau.

Il

faut en rapprocher l'inscription de


t.

Rudradman

Girnar, qui date de la


JS'ssfl^.v, II,

secondemoitie'duii'siclp. (Senart,
'^'

I,p. 33. Cf. Prinsep,

p. 5q.)

Voir plus loin, p. 939, a^o.

DEUXIEME PARTIE.
Arriv son plein dveloppement,
le

dvangari se com-

pose de quatorze voyelles et diplitongues et de trente-quatre

consonnes portant

l'a

bref en

elles.

En

voici le tableau

VOYELLES.

Brves

^
a

^
OI

^
r

^
I.

Longues

DIPHTONGUES.

Il

t
a

^
an

CONSONNES.
Gutturales.

^
ka

^
kha

1
g--

^
fjlia

^
n{;a

Palatales. ...

^
Iclia
.
.

W
Icliha

^
(Ija

^
(Ijlia

5
na

Crbrales

z
ta

-z

^
da

S
dlia

w
na

tha

Dentales

ta

^
Uia

^
(la

V
a ha

T
lia

Labiales.

pa

plia

ba

l.lia

ma

Semi-voyelles.

Jf
ya

T
ra

^
la

^
va

Siflantes.

^
a

^
cha

?
sa

f
lia

LES ALPHABETS DE L'INDE.

237

A ces lettres il faut encore ajouter deux signes, Yanoitsmra et le visarga. Le premier, qui est exprim par un point
plac au-dessus de
la ligne,

correspond une nasalisation


le visarga,

du son,

le

plus souvent Ym; l'autre,

reprsente

une aspiration de nature particulire


points (:); dans certaines positions,
biales,
il

et est

rendu par deux


devant
les la-

comme

se modifie

lgrement,

et les

deux points sont

remplacs par deux demi-cercles (x), ou deux zros (), placs droite de la lettre.
L'alphabet sanscrit ne se prsente pas d'une faon aussi

simple dans

la

pratique de l'criture. Le procd dont nous


principe dans l'indo-bactrien, et qui consis-

avons trouv
tait

le

suspendre les lettres les unes aux autres pour expriles

mer

sons complexes, se dveloppe dans


l'a

le

dvangai-i.

la
fin

Non seulement

bref ne

s'crit ni

au milieu ni

des mots, puisqu'il est iidirent la consonne, mais les


autres voyelles sont remplaces, dans le corps des mots,

par des signes qui dilfrent de


devient
la

la

forme pleine. Li bref


l'criture, quoiqu'il

f et

prcde

la

consonne dans

suive dans la prononciation. Les quatre voyelles


'^ t,

mo,

diales T ,
six

>

o et

au se mettent aprs

la
:

consonne;
o,

autres s'accrochent au bas des consonnes

^ ri, ^ ri,

Ir

et

^jt

Ir;

deux,

*"

et*" a, sont places

au-

dessus. Enfin, les consonnes se soudent de faon former

des groupes dont le

nombre

s'lve plus

de 800.

On

voit ainsi le

sanscrit, par

un phnomne trange,
l'criture

arriver

un systme qui rappelle


il

cuniforme assydif-

rienne; seulement, frence essentielle


:

existe entre les


il

deux critures une

en sanscrit,

n'y a ni

homophones

ni

polyphones, parce que l'criture indienne est partie non de l'idographisme, mais du phontisme. Chaque caractre

238

DEUXIME PARTIE.

correspond, non pas un ancien idogramme, susceptible

souvent de plusieurs lectures, mais un ensemble de sons,

dont chacun

est reprsent

dans ce groupe complexe. L'cri-

ture indienne est le rsultat d'une analyse savante des diffrentes combinaisons des sons

du langage. Mais,

mme
lettre

dans

son parfait dveloppement, elle trahit son origine smitique;

au fond,

c'tait

une criture syllabique, chaque


il

sup-

posant un a bref;

en est rsult que, lorsqu'une consonne

devait tre prononce sans voyelle, on a t oblig de la

souder

la

suivante, pour indiquer que les deux consonnes

devaient se suivre immdiatement.


Afin

qu'on puisse mieux se faire une ide du chemin


l'criture indienne,

parcouru par

nous transcrivons
:

ici

le

premier dit de Girnar en caractres dvangaris

PREMIER EDlT DE GIRNAR.

wr^if^n TT^fff^

-^ '^

^wm ^^iz^ ^^ f|
l^H^f+f

^^rr^fH

<c|Hrti<<^ flT^T^fsr^

TT^

^ifT^STO iMil^f^-n

Grce sa perfection

et

grce aussi
s'est

la

propagande

bouddhiste, l'alphabet sanscrit

rpandu dans une partie


il

de

l'Asie

centrale et dans toute l'Asie mridionale, et


les

donn naissance tous


ainsi

alphabets modernes de l'Inde,


la

qu'aux alphabets des pays soumis Tinfluence de

LES ALPHABETS DE L'INDE.


civilisalioii

231)

hindoue, depuis

le singlialais

jusqu'au lamoul el

au

tliibtain.
11

est trs dilficile,

dans

l'tat

actuel de la palographie

indienne, de donner une classification dfinitive de tous ces


alphabets.
les

On

peut toutefois, pour y mettre un peu d'ordi-e,

partager en deux grandes familles. La premire est forles drivs

me par

du dvangari, qui

est rest l'criture

des dialectes indo-europens parls dans le nord de l'Inde,

du bengali, du maharatte, du gouzarati


de l'hindoustani. L'alphabet indien a
laya et s'est implant de
xui'=

et, partiellement,

mme
la

franchi l'Hima-

bonne heure au
le

Tliibet. Enfin,

au

sicle

de notre re,

chef de

dynastie mongole,

khoubila-Khan,

l'introduisit
s'est

en Chine. Le nouvel alphabet,


appel, du

emprunt au thibtain,
alphabet Pa'-sse-pa.
L'autre branche

nom de

son auteur,

comprend

les

alphabets usits dans la


l'le

partie mridionale de l'Hindoustan et dans


c'est--dire,

de Ceylan,

principalement dans les contres o l'usage du

pli a t introduit

par
le

le

bouddhisme; de
la

l, elle s'est tenle

due sur nie de Java,

Cambodge,

Birmanie,

royaume

de Siam. Deux de ses ramifications ont donn naissance,


d'une part, aux critures alphabtiques des populations dravidiennes, de l'autre, aux diffrents alphabets de la Malaisie^').

La plupart des alphabets de


trs diffrent

ce

groupe ont pris avec

le

temps un aspect

de celui des alphabets du INord.

L'habitude d'crire sur des feuilles de palmier a donn des


contours de plus en plus arrondis aux lettres, qui finissent,

dans certains alphabets, par ne plus former que des croissants, des demi-cercles, des omegas plus
^''

ou moins enjolivs.
"J"

A. G. Biunell, Elments of Sotith-Indian Pahograplnj,

dition,

Lon-

dou, 1878, in-li\

2(i0

DEUXIME PARTIE.
cursifs,
il

A ct de ces alphabets au Cambodge des alphabets

existe

en Birmanie et

hiratiques, spcialement rser-

vs pour les livres sacrs et pour les inscriptions historiques.

Malgr leurs formes archaques, ces alphabets, de

mme
trs

que

l'criture lapidaire

appele

kioiisa,

sont en

somme

voisins des autres et se rattachent

palographiquement aux
en

mmes
elet

origines. Les dcouvertes les plus rcentes ont

dmontr que toutes ces diffrences sont relativement


et

modernes
dienne

que, jusqu'au

v^

ou au

vi*^

sicle, l'criture in-

tait

partout sensiblement la

mme.
Ces inscripsrie

Les inscriptions du Cambodge, en particulier, ont consi-

drablement modifi
tions

les classifications reues.

monumentales, qui s'chelonnent sur une longue


reprsentent l'criture du
vieil

de

sicles,

empire khmr.

Signales ds
ves par le

187^ par Francis Garnier, elles ont t relecommandant Aymonier, qui n'en a pas estamp
les

moins de cent soixante sur


Penli et Ang-Kor.

bords du Mkong, Phnomt le

M, Kern a

premier

en dchiffrer

quelques fragments d'aprs


pltes, publies

les copies,

encore bien incomla

par M.

le

D' Harmant dans

Revue de

l'Elrme Orient. Elles ont t reprises depuis, l'aide des

estampages de M. Aymonier, par

MM.

Barth, Bergaigne
^'^

et

Senart, qui ont entrepris de les publier

pour

le

conq)te

de l'Acadmie des inscriptions

et belles-lettres.

Outre qu

elles offrent

un intrt palographique, ces in-

scriptions, qui se rattachent au courant littraire sanscrit,

sont importantes pour l'histoire religieuse de Tlnde, la seule

que

l'Inde connaisse, vrai dire. Elles ont

prouv que

les

cultes
'''

brahmaniques taient

tablis

dans

la

pninsule indodes manuscrits

Inscriptions sniiscriles du

Cambodge [Notices
grand

et Eitlrails

l.

\XVII, 1"

pulie, avec atlas

in-folio. Paris,

)885).

LES ALPHABETS DE L'INDE.

241

o
c

cz)

aJ^"gnj35jJSiri35;B S^t^a^KlZl

i6

242

deuxime: partie.
au bouddhisme, infirmant
l'Inde
ainsi

chinoise antrieurement
l'opinion accrdite

que

ne

s'est

rpandue au dehors

que par
fois,

le

bouddhisme. Les missions brahmaniques, toutecr

qui taient, suivant l'expression de Bergaigne,

sinon

bottes,

du moins armes de pied en

capii, avaient

un ca-

ractre bien diflfrentde cette prdication de la charit universelle dont les bouddliistes ont t les aptres ^^^.

Trois sicles et demi plus tard, le bouddhisme

s'est

im-

plant son tour dans ces contres, et

il

s'y est

rapidement

propag. Le pli tant


les

la

langue sacre du bouddhisme,


le

alphabets du sud de l'Inde, qui tait


la

foyer principal

de

nouvelle religion, ont pntr dans toutes les conils

tres o s'est fait sentir l'influence bouddhiste;

sont ainsi

devenus prdominants dans


doustan
Il

les

pays situs
la

l'est

de l'Hin-

et

jusqu'aux portes de

Chine.

s'est

pass pour les alphabets de la branche plie,


le dit trs

ainsi

que

bien M.

Taylor^'^^,

un phnomne anarpandu

logue celui dont l'alphabet arabe nous oflre l'exemple.

Seulement, tandis que


par
les

le

mahomtisme, qui

s'est

armes, n'a

laiss subsister

aucune autre criture

ct de l'arabe, le
la

bouddhisme

n'a jamais eu recours qu'

propagande de
pays
oii

ses missionnaires; aussi trouve-t-on,


il

dans

les divers

s'est

implant, les alphabets du sud de


les

l'Inde

employs concurremment avec d'autres critures,


les autres drives

unes indignes,
'*'

du

chinois.

L'inscription de la page prcdeute a

t^t

publie par Bergaigne [Jourla

nal asiatique, fvrier-mars,


d'ajrs
(')

1882,

p.

217); nous

donnons

ici

dii-eclonionl

l'estampage dont nous devons l'obligeante communication M. Bartli.


t.

The Alphabet,

II, p. 3/1/..

TABLEAU
DES

ALPHABETS DE

L'INDE.

TABLEAU DES 1.
Histoire de l'crilure dans V antiquit.

VOYELLES.

GUTTURALES.

P.4LATALES.

kh

ch

clih

Iiido-bacirien

loi"
. . .

-h "h

^
'

"

1-

Monnaies bactriennes

9
H
:

y
A
L
L
i

n
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"

-v

Indieti

>

H'

+
3F

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Temples bouddhiques.

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Dynasiie Goupta

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9 &
"

Telougou (Canara)

7^

-C5

BETS DE

L'INDE.

3RALES.

DENTALES.

LABIALES.

SIFFLANTES.

SEMI-VOYELLES.

(/

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53

5D

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e;

$ $

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//

a5o

LES DERIVES DE L'ALPHABET ARAMEEN.


CRITURE CORENNE.
Peut-tre Talpliabet aranien
loin, et peut-tre laut-il mettre
s'est-il

2^3

avanc encore plus


ses drivs
l'est

au nombre de

une criture
Chine, dans

alpliabli(|ue qui se trouve


l'le

perdue

de

la

de Core. L'criture corenne prsente un

phnomne
le

trange. Tout cot de la Chine, qui possde


le

systme d'criture

plus arrt que l'antiquit nous

ait

transmis, mlan<>e savant de caractres idographiques et de


vaieui's syllabi([ues, la

Core nous

offre

un vritable alpha-

bet, distinguant nettement les voyelles des consonnes, ayant

mme

des signes spciaux pour la transcription des mots

trangers ^^l Cette criture se trace de haut en bas, par co-

lonnes verticales, sans ligatures entre les lettres.

Comment

l'ide

de l'alphabet

a-t-elle
la

pu germer dans

le

cerveau des Corens, au contact de

Chine? Cette gn-

ration spontane d'un alphabet, sans

aucune prparation,

dans un milieu rfraclaire o rien ne semblait l'annoncer,


droute toutes nos ides. D'aprs M. de Rosny, dont
clusions ont t adoptes parFr.
les

con-

Lenormant

et Taylor,

nous

aurions

encore non pas une cration, mais un emprunt,

et l'alphabet

coren serait un driv de l'ancienne criture

indienne, importe aux environs de l're chrtienne par des


missionnaires bouddhistes.

L'alphabet coren prsente en effet avec l'ancien alphabet


pli lapidaire, dit kiousa,

un

certain air de parent. Seule-

ment, peut-on admettre

qu'il

y ait eu, ds le

commencequ'on

ment de
Chine?
^''

l're

chrtienne, des missionnaires bouddhistes en

C'est

une thse grosse de consquences

et

Voir Faulmauu, Das Buck der Schiift (Vienne, 1878, p. 64), auquel

est

empnuite' notre tableau.

16.

244

DEUXIME PARTIE, De Core,

ne saurait accepter sans preuves bien solides.

l'alphabet aurait t introduit avec quelques modifications

au Japon,

et c'est

de

lui

que

serait sortie cette criture in-

digne qui y a t usite jusqu'au

moment o

les

Japo-

nais ont leur tour adopt, en la simplifiant,


chinoise.

l'criture

ALPHABET COREEN.

SIGNES

SIGNES

SIGNES
VALEUR.

^-^
ANCIENS.

MODERNES.

VALEUR.
ANCIENS.

'

VALEUR.
A>CIENS.

MODERNES.

MODERNES,'

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II

II

OA

> A

ALPHABETS ZEND ET PEHLVI.

2^5

CHAPITRE

VIII.

LES DERIVES IRANIENS DE L'ALPHABET ARAMEEN.

ALPHABETS ZEND ET PEHLVI.

Le mouvement qui portait l'alphabet phnicien vers


centre de l'Asie ne
s'est

le

pas arrt

l.

L'invasion a recom-

menc

plusieurs reprises, et vers le

commencement de
l'al-

noire re, avant peut-tre, une nouvelle pousse de

phabet aramen

donn naissance

Valphabet zend, avec

lequel sont crits les livres sacrs de l'Iran connus sous le

nom
zend

de Zend-Avesta,
et pehlvi

et

au

pehJvi.

Au

fond, les alphabets


type, et
ils

sont des varits d'un

mme

se

rattachent directement l'alphabet

aramen de l'poque

perse, dont

ils

ne sont que
la

la

continuation. L'tude des

monnaies en fournit
nous a
fait

preuve

('^.

L'alphabet indo-bactrien

voir l'alphabet phnicien aux prises avec les


les

langues aryennes;

alphabets zend et pehlvi nous le

montrent appliqu aux langues iraniennes.

Le dchiffrement du Zend-Avesta, qui

est l'uvre

par

excellence d'Eugne Burnouf, peut tre considr juste


litre

comme un

des chefs-d'uvre de la mthode philolo-

gique moderne.

En 762 Anquetil-Duperron avait rapport


1
,

de rinde

le texte original

du Zend-Avesta; mais

ces prcieux

manuscrits, dposs la Bibliothque nationale, restaient


lettre close, faute d'un
le

traducteur.UnDanois,Rask, entreprit
mystre, et
il

premier d'en
*

claircir le
les

venait de trouver
et

E. Drouin

Observations sur

monnaies lgendes en peJdvi

en pehlvi-

arabe (Extrait de la Revue archologique), Paris, Leroux, 1886.

2/j6

deuxime PARTIFv
de l'alphabet zend, lorsqu'il fut enlev par
s'tait
la

la clef

mort,

en i83i. Eugne Biirnouf, qui par son Essai sur


le

dj rendu clbre

pli

(1826),

s'attela

au dchilTrement
et

de ces textes; grce sa connaissance du sanscrit

de

la

grammaire compare,
vail,
le

il

parvint, par un miracle de traet

de mthode rigoureuse
fixer la

de pntration, traduire
et l'interprtation

Zend-Avesta, en

grammaire

dans ses moindres dtails,

et analyser les diffrents l-

ments dont
taire siir le

se composait la

langue de

l'Iran.

Son Commen-

Yana (i833-i83/i) restera

comme un modle

de

la

mthode comparative applique au dchiffrement des

langues perdues.

partir de ce

moment,

le

zend

est entr,
Il

comme

le

sanscrit, dans le cercle des langues connues.

a t l'objet

des travaux de savants, parmi lesquels

il

faut placer
il

au

premier rang Lepsius


officiellement, avec

(''

et Spiegel^-^; enfin,

a pris place
l'ensei-

M. James Darmesteter^^', dans

gnement du Collge de France.


L'alphabet zend n'a t dfinitivement
fix

qu'au

v"^

ou

au
de

vi''

sicle

de notre re; encore n'en possdons-nous pas


cette poque. Nos plus anciens
x*^

monuments remontant

manuscrits ne sont pas antrieurs au


Qu'tait-il

ou au

xii''

sicle.

auparavant? Nous ne pouvons nous en


les

faire

une

ide

que par comparaison. Dans

manuscrits de l'Avesta,

l'alphabet zend se coinpose de trente consonnes et de treize


voyelles.

Au

point de vue phontique,

il

se

rapproche donc

'''

Dos

ursjniingltche Zendalphabet
Allcrtiiuiiishimde
Tlie
,

i863,

in-fi".

'^'

Emutsche

t.

I-llI, F^cip/iji'.
,

1871-1878.
James Darmcslctcr,
et XIII

'^'

Voir en parliculier

Zend-Avesta

traitslaled b\j
les
o(

t.

1,

Oxford, 1880;
oftlie Easi).

t.

II, ihid.,

i883 (forme
,

tomes IV

des Sacred
in-8.

Books

Etudes iraniennes

t.

IL Paris, i883,

ALPHABETS ZEND ET
beaucoup do ralphabot
lettres et le sens
il

PEIILVI.
la

V-xl

sanscrit;

mais, par

forme des

de l'criture, qui va de droite gauche,

se rattache

aux alphabets smitiques.


ALPHABET ZEND.

FIGURES.

VALEUR.

FIGURES.

VALEUR.

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11

ng
tch
<lj

^
o

*\

eu

ail

(b

i.

mil

^
jNous

pouvons beaucoup mieux suivre

la filiation

des al-

phabets iraniens dans Y ancien alphabet

peliJvi ,

dont l'alphabet

2/18

DEUXIME PARTIE.

peblvi des manuscrits, usit de nos jours encore chez les


Parsis, est

un driv.
pelilvie

La langue

peut tre considre

comme

le

second

stade de la langue perse; elle tient le milieu entre le vieux

perse des Achmnides et le persan moderne. Quoiqu'elle


soit

mlange de nombreux lments aramens, dont


la

l'in-

troduction date de

priode arsacide,

elle est reste

au

fond une langue iranienne. Le mot Pehlvi lui-mme [paJilava=


partiuiva) n'est

qu'une altration de l'ancien


rattache au

nom

des Parthes.

Le pehlvi

se

mouvement de
marqu
connu par

publication des

livres sacrs

de la Perse qui a
est surtout

la fin
la

de

la

priode

sassanide.

H nous
et

traduction du

Zend-Avesta

par plusieurs autres ouvrages religieux, dont

le principal est le

Boundehesh ou

cela

cration

r).

L'alphabet pehlvi a donc t fix,


nuscrits,
il

comme

criture de
le

ma-

peu prs

la

mme

poque que

zend; mais

en existe une forme beaucoup plus ancienne, qui nous a

t livre soit par des inscriptions, soit

par

les

monnaies

des princes de la dynastie sassanide, qui a succd aux Arsacides et a rgn sur la Perse depuis l'an
l'an

2'j6 jusqu'

652,

c'est--dire jusqu' l'occupation arabe. C'est

donc

l'criture des Perses avant

^Mahomet,

j^e

pehlvi parat avoir

eu son point de formation sous


vinces occidentales de
la

les Arsacides,

dans

les

pro-

Perse, par consquent dans

la partie

de l'empire perse qui


avec
le

tait le plus
il

directement en contact

monde aramen; mais


il

s'est

tendu toutes

les

populations iraniennes, et

a jou

un

rle analogue celui

de l'aramen

l'poque assyrienne.

Cet ancien alphabet nous a t rvl par Silveslre de


Sacy, qui
l'a

extrait des

monnaies sassanides; mais son


de

his-

toire a reu d'impoi'tantes contributions

MAL

Olshausen,

ALPHABETS ZEND ET PEHLVI.


de Longprier,
enfin de
le

U9

Ed.

Thomas, Mordtmann, Darmesteter,

M. Drouin^'^ qui a bien voulu dresser pour nous

tableau de ses formes successives.

ALPHABETS PEHLVIS.

MON>AIES
iniMENSES
de
-< >-

INSCniPTIONS
SASSIMDES.

MO.\.\AIi:S
ei

PEHLVI
des

rpoqiie

arsacide

de

100

IMAILLES
396
CH4LD-'0-PKnLT:.

-\-

PEULTl-SiSSlM.

MA\LSCRIrS.

de J.-C.

^JJU

^^

>JJU

41

b
s
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A>
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ch

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e^-Y^^Xip
Art

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f7b>o;E

m
^"

)^
les

numismatique aramenne sous

ArsaciiL. [Journal asiat., avril-juin

1889,

p.

876-^09).

250

DEUXIEME PARTIE.
MO>JVAIES
inAME.NNES
de l'poque
arsaride

JNSCllI

PTIONS

MONNAIES
et

SASSA MDES.

PEIILVI
des

IMAILLES
aa6
CIIILDCO PEULVI.

de

160 +

PKaiVI-SiSSAN.
SASStMDIiS.

aAMSCIUTS.
i

do J.-C.

11

"iVf

p-f
r

J7
^ly
\>v^<

^ hh
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Li
SL9-

ILL
ilCLxO,

2h
71

a3
7?
})

l
-0

V
Pt'

sh
Idl

22.

n:P-32
t:sy9'<

-0
2-.

^^
que nous font connatre

L'criture
est

les

manuscrits pehlvis
les lettres

une de ces critures abtardies dans lesquelles

ont perdu toute individualit.


porte

Au

contraire,

si

l'on se re-

aux monnaies sassanides, on y trouve un alphabet dont les caractres, quoique dj fort
aux inscriptions
et

altrs, ont encore leur

physionomie propre et permettent

de

saisir la

fdiation qui relie le pehlvi l'alphabet araest

men. Cette parent

encore plus marque sur les

mo-

numents en langue chaldenne, mais en caractres peldvis,


dont
bd.
le

plus important est l'inscription bilingue de Hdja

On

donn

ces caractres,

employs spcialement

pour

crire le chalden, le
l'inscription

nom
,

de Chaldo-pehhi.
le

Par

de Hdj-abd

pehlvi se rattache direcn'^

tement

l'alphabet des

monnaies frappes jusqu'au


l'Iran, et

sicle

de notre re dans diverses provinces de

notum-

meut des monnaies

perspolitaines, qui sont nramonnes,

ALPHABETS
pour
la

ZEiND ET PEIILVI.
le

251

langue

comme pour

caractre. L'intervalle, de

plusieurs sicles peut-tre, qui spare les plus anciennes

de ces monnaies des inscriptions aramennes de l'poque


achmnide^^^, explique les grandes dilVrences palograpliiques de ces deux catgories de

monuments;

d'ailleurs,
l'al-

plus on se rapproche de l'Occident, plus la parent de

phabet arsacide avec l'ancienne criture aramenne devient


sensible.

Fr.
le
Il

Lenormant

avait cru pouvoir expli(juer le pehlvi par


lui

palmyrnien, qui prsente avec


est

de grandes analogies.

probable que l'origine des alphabets iraniens remonte

plus haut et qu'ils se rattachent directement l'ancien al-

phabet aramen des Achmnides.


part s'exagrer
pehlvi.

la

11

ne faudrait pas d'autre

distance qui sparait le palmyrnien


tait,

du

Le palmyrnien

comme nous

le

verrons tout

l'heure,

un driv de l'alphabet aramen, peu prs

contemporain des plus anciennes monnaies pehlvies. Une


pente insensible conduit de l'alphabet aramen de l'poque
perse jusqu' ses diffrents drivs; mais, mesure qu'on

avance, les versants se sparent et


tuent.

les diffrences s'accen-

L'usage du pehlvi
teurs

s'est

perptu chez

les Parsis

adora-

du

feu,

que

l'on appelle

en Orient du

nom

injurieux

de Gubres.
livres sacrs.

Ils s'en

servent encore aujourd'hui pour leurs


la

Mais l'ancien alphabet de

Perse devait tre dl'a-

trn par une autre branche des alphabets smitiques,


rabe, qui a vinc, partout
critures, de
l'criture
oii
il

a pass, toutes les autres

mme que

l'alphabet

aramen

avait supplant

cuniforme
l'histoire

et tous ses drivs. C'est cette dernii'C


qu'il

phase de
''

de l'criture

nous reste

tudier.

Voir plus haut, p. 2 10-220.

252

DEUXIME PARTIE.

CHAPITRE

IX.

LES DRIVS SEMITIQUES DE L'ALPHABET ARAMEN.

partir de la fin de la priode perse, l'histoire de l'alles

phabet phnicien chez


avec celle

peuples asiatiques se confond

de l'aramen. L'criture aramenne, devenue


adopte par tous
les

l'criture populaire et courante, est

peuples smitiques,

et ses

diffrentes varits corresponle

dent aux tapes successives de son acheminement vers

type cursif qui a triomph dfinitivement avec l'criture


arabe.

HBREU CARR.

Au milieu de
breu carr
et le

ces critures de plus en plus cursives, l'h-

palmyrnien, qui sont frres, marquent

un point
chez

d'arrt.

Nous avons vu que l'hbreu carr,

usit

les Juifs

l'poque chrtienne et qui est encore employ

de nos jours,
c'est

n'tait

pas n de l'ancienne criture hbraque;

un driv de

l'criture

aramenne, qui

s'est

peu

peu

substitue l'criture juive partir

du

v*^

ou du vf

sicle

avant notre re, c'est--dire partir des vnements qui

ont mis

le

peuple juif en contact direct

et constant a fourni la
il

avec

la

civilisation

aramenne. M. de Vogii en

dmon-

stration

^'l

Pour comprendre l'hbreu carr,

faut se reles

porter l'criture aiamenne, telle qu'on la trouve sur


pa|)Yrus aramens d'E[jypte.
'''

Voir

])lus liaul

p.

0)6,

HEBREU CARR.
le

253

Nous donnons comme spcimen de l'ci-iture des papyrus dbut de lettre qui a founii la clef de toute cette catjjode textes ^'^
:

rie

L
...i* D^nz
'-2'j

ncTinnD

\snr:

'?n

...' Nin^ \snD Nnn:*i n-n x^n


AJonscigneur Milhrawahicht, ton serviteur Paklim. vivant, joyeux et fort. Monseigneur, qu'il soit.
.

Il

suQit de jeter les yeux sur la transcription hbraque


la

qui l'accompagne pour se convaincre de

parent des

mme de la lettre est, ainsi que la montr M. Glermont-Ganneau, celui de la requte adresse au roi Artaxer.xs par les autorits du pays de Samarie pour arrter la reconstruction du temple ('^l Les deux documents sont del mme poque, c'est--dire environ de l'an
critures.

deux

Le tour

^5o avant
C'est

Jsus-Christ.

donc avec ces caractres-l,


loi

peu de chose prs,


c'est ainsi qu'cri-

qu'a t crite la

au temps d'Esdras;

vaient dj sans doute les prophtes contemporains de la


captivit.

Pour

se

reprsenter l'aspect

du

texte

cette

poque

et

comprendre
il

l'origine des plus anciennes fautes

de copistes,
^'^

faut se reporter aux papyrus aramens.


218.

On

Corpus
Esdras,

inscr. semit., 2' partie, n" i4/i. Cf. p.


iv,

''

11.

25/

DEUXIME PARTIE.
les

en aura quelque ide en voyant

premires lignes du seIl

cond
fois

Lsac transcrites

avec ces caractres.

convient toute-

de noter que l'ccrilure manuscrite est en gnral beaudistincte et

coup moins

que des caractres typographiques,


emprunts
dessein

nicnic fidlement excuts, tant

aux

formes

les

plus correctes, ne peuvent donner qu'une ide

imparfaite des confusions auxquelles prte la palographie

des manuscrits.

.^J^^^K

13)*(^

^^v

^3))1)

^3)W)

3)^^;;

^1^^ Vif

i)}i)>h

^^;v^ ^^:>A)

')i)^j)

\v)^ A(M

.^^)>j>\y 3)^>/i^i iiv^3)!j j>yi^i) i)^i))

.^''i>i

<^^^^

^;7

De

rcriture ai'amenne cursive Tlihreu carr le saut

n'est pas considrable.


''^

Que

l'on substitue l'alphabet typo-

Isae, XL, 1-5.

HEBREU CARRE.
grapliiqiie

255

de nos Bibles, auquel nous sommes habitus, ou

bien aux formes lapidaires des inscriptions juives, les lettres

emptes de Tcriture manuscrite, on sera frapp de


semblance des deux alphabets.

la res-

Le passage de
d'un coup
la

l'un l'autre

ne

s'est

pourtant pas

fait

tout

ni

de

la

mme

faon pour toutes les lettres.


il

Dans

gense de l'hbreu carr,

faut aussi tenir

compte de

l'criture

monumentale, o

les

formes anciennes gardent

beaucoup plus longtemps leur puret primitive.


Le

nom

de Tobie,

n^avL,

retrouv par M.VL Waddinglon

et

de Vogii sur

les

soubassements de

la citadelle

d'Araq-

el-Emir, nous

fait assister

cette transformation t'^.

'*'

Nous reproduisons

ici le

croquis
p.

du monument
80
et pi.

et

de l'inscription d'ai)rs
Cf.

M. de Vogii {Temple de Jntsalem ,


logie orientale , p.

XXI).

Mlnnges d'archot.

i63; Blau,

Zeitschr. dcr d. morgeHl.

Gcsellschaft ,

XI\,

p.

6A0.

256

DEUXIME PARTIE.
lie

Le

7^, le beth

et le iod 1^
le io

ont encore une forme

nettement aramenne;
iod

et le zain sont

surtout est remarquable. Le


lettres qui servent le

deux des
de

mieux

marquer

les tapes

l'histoire
ils

de l'alpliabet aramen.

Trs grands dans l'origine,


rallles qui les

subissent des altrations paIrait insignifiant,

amnent n'tre plus qu'un


le lOf/

avec cette diffrence que

prsente toujours une barre

de plus que

le

zam

^
A/
iod et

Z
Cette dernire forme

du

du

zun est caractristique

des

monuments aramens de

la fin

de l'poque perse et de

l'poque alexandrine;
les

c'est elle

que nous rencontrons sur


le iod n'a

papyrus. Or, dans l'inscription d'Araq-el-Emir,

pas la forme qu'il revt sur les papyrus aramens, mais sa

forme archaque. Cette circonstance pourrait porter croire,


avec M. de Saulcy, que
conserv le
le

Tobie dont l'inscription nous a

nom

serait

Tobiah l'Ammonite, l'adversaire de


l'an /i5o.

Nhmie, qui
fre voir

a dii

mourir vers
celui

M. de Vogii pr-

dans ce

nom

du grand-pre de ce Hyrcan qui

construisit le chteau fort d'Araq-el-Emir et s'y dfendit jus-

qu'en i-yG avant J.-C. Les grottes, en

elfet,

appartiennent
chteau. Quoi
s'ex-

au

mme
en

ensemble de constructions que


il

le

(ju'il

soit,

est certain

que

le \od

de l'hbreu carr

plique par le iod d'Araq-el-Emir beaucoup mieux que par


celui des

papyrus aramens.
les

Nous trouvons l'hbreu carr entirement form dans

inscriptions de Jrusalem et des environs qui viennent se

HEBREU CARRE.
anciennes, l'inscription du

257

[jrouper aux environs de l're chrtienne. L'une des plus


rr

tombeau de
la copie

saint Jacques

-n,

que nous reproduisons d'aprs

de M. de Vogu,

est

grave au-dessus de l'entre d'un des grands spulcres qui

dominent

la

valle de Josaphat Jrusalem

^^^
:

i^n 'jSD

Ceci est
zar,

le

tombeau

et le

[monument]
fils
fils

d'Elazar, Onias, Joa-

Juda, Simon, Johanan,


fils

de Jamali
d'Onias,
.

(?), fils d'Azar[iah]; 2


. .

de

...

d'Elazar; 3"

[des]

d'entre les Ben-He'zir.

'*>

}\ev\ic

arclioL,

t.

IX, mars i86/i, p.

200

et suiv.

et pi. VII. L'inscrip-

tion

est

trop fruste pour qu'on


le

puisse en donner

une traduction

suivie;

nanmoins

sens

ge'nc'ral

t'

tabli,

d'ime faon que l'on peut considrer

comme dfinitive, par M. de Vogii. L'inscription a pour but d'indiquer le nom des propritaires du tombeau et de tous ceux qui ont le droit d'y tre
enterrs.

Pour

saisir

l'agencement du texte, je crois qu'il faut se reporter aux


la

insci-iptions

nabatennes d'El-Hedjr (Medan-Salih), qui sont de

mme

poque

et doivent

nous reprsenter des coutumes analogues.

On

l'appelle
la

en gnral l'inscription des rrBen-Hzir, du

nom

patronylire, la
fils

mique qui

termine. Je m'tais
:

demand

si

on ne pourrait pas
:

dernire ligne

nijD

''j3

ffles

filsd'Oniasn, au lieu de

n^]n

""JD

rrles

de

Hzir, cause de

la

grande ressemblance des deux groupes de


:

lettres

dans l'ancien bbreu carr

Tl\JH \n
Leslampage
fait

par M. de Vogii porte clairement

-i"in

"':3.

>7

258

DEUXIME PARTIE.
marque

L'criture hbraque s'y prsente dj avec tous les caractres qui en seront la
distinctive.

L'alpliabet
la

aramen de l'poque perse

tait caractris

par

suppres-

sion de la tte des lettres, l'effacement des angles et l'ar-

rondissement des queues des

lettres,

qui se replient en des-

sous, de faon rejoindre la lettre suivante. L'hbreu carr


est le rsultat

du dveloppement de

cette triple tendance,

mais rgularise. La tte des lettres a entirement disparu,


et
il

ne reste plus que

la

base du crne, qui forme au-dessus


barre continue. Pourtant,
le beth

de

la ligne
le

comme une
(

{)p),

kaf

b), le daleth et le resh (^7) prsentent encore

au-dessus de cette ligne une lgre encoche, qui n'est que


l'amorce de
la tte

de

la lettre.
il

Ce

trait est

commun

toutes

les inscriptions

hbraques;

a persist jusque dans l'h-

breu moderne.

Au

contraire, dans le Ae jj, le


la

Iwlli
f-(

et le /aw

Jl, ce petit

appendice, qui crve

barre suprieure, ira peu peu en


entirement, vers
le

diminuant, jusqu' ce
ni*^

qu'il disparaisse

ou

le iv^ sicle
l'a

de notre re. Ces

trois dernires lettres, les caractristiques

ainsi

que

tabli

M. de Vogii, sont

de

l'hbreu caii' primitif.


Le

nom

d'Onias se rattache aux souvenirs les plus glorieux du peuple juif

h Pe'poque alexandrine.

Nous connaissons quatre grands prtres du nom d'Onias


suprme
Jrusalem de 3-jo

ayant
les

exerce' la magislratiu'e

176 avant J.-C;

noms d'lazaret de Simon,.qui

figurent dans notre inscription, paraissent

aussi avoir t hrditaires dans celle famille. Ces raisons mihtent en faveur

de l'opinion de M. de Saulcy

et

nous porteraient voir dans

les

personnages
et

mentionns sur celte inscription, sinon


Klazar,

giand prtre Onias I"


famille.

son frre

du moins des membres de

la

mme

La forme des

lettres, sans tre aussi

archaque que dans Tinscription d'Araq-

el-Emir, est assez ancienne. Le premier iod de la seconde ligne

notamment
voyons dans

a encore
;

quehpie chose de

la

forme archaque que nous


remarque.

lui

n"'3*D

je

ne crois pas qu'on en

ait fait la

HKBIIEU C Ali mi.


Enfin, ie
plique
la
io<l

23<J

:-| 1; bienlt il sera rduit n'tre plus qu'un Irait, tan ot plus grand, tantt plus petit, suivant le caprice des scnbes, ce qui foisait dire saint Jrme
qu'il tait

J"

il .arde encore ses dimensions premires et son inclinaison sur la i>S>^o, ,na,s il perd la barre transversale qui le distinguait

une forme hs intressanle qui nous exnaissance du y de riibreu moderne;


a

possible de distinguer le iod

im-

du vau;

et ce trait

ayant plus

lui-mme

ligne, se transformera insensiblement en Dans la belle inscription de la

rien qui le rattache au haut ni au bas de l

un simple point

synagogue de Kefr-Bereim

Inscription de Kefr-Bereim (i^parlie).

que M. Renan
hbreu carr

W
est

rapporte au

,i,=

ou au

iv

sicle

re, en se fondant sur des considrations architecturales,


I

de notre

dfinitivement constitu. Le passage de

'ffge(n, 9) que cette inscription nous a conserv, ainsi que la dmontr M. Renan, peut', dfaut de manuscrits, nous reprsenter une page de la Bible l'poque de

L inscription de

par M. Renan.)
dalen

saint Jrme synagogue d'Alma, galement publie celles de la synagogue de Palmyi'e,q


la

sans doute de l'poque de Znobie, nous en fonr<.ientd antres exemples. Nous publions ici la plus petite le ces dernires, d'aprs un estampage de M. Ernest Gau"ei, ae Lyon, qu, nous en devons la connaissance W
:

'''

-VmIoH
la

,le

Phmcie,
|,a,-lie

dessus

premire

p. 703-7,3 pt | lY m h\jl,'J,,''J ^^^ ""'-"

-"/l""'

ei-

passage ,,yie rep,lii esl pris au Deu, Socit i. iin,,M,,,, ,. vil, p. r.-^l Its'g

m r "Le

"'^'''7.

1>-

2/3-375, n anches
v,

kZ

Tw

* '"
7-

2G0

DEUXIME PARTIE.
PALMYRE. INSCRIPTION DE LA SYNAGOGUE DE

V>>d^r;Tv:-.;^-..
H:, -f'v.

^:^a-^;,.,,:;::7^

^.c;.,,

;^ t.^

,.:

^^

>

-^

[pD ^:nN

i^cn-J

et le

Seigneur loignera de

loi

v.iD bDI ^bin[bD]

toutes les maladies et toutes ces

^y^n

D^i*it2

mauvaises plaies d'Egypte

xb n^T
"13

Tv^iX

que tu connais;

il

ne

QiD^y>

le les infligera pas,

yayj

^33 [D:]n:i

mais

il

en frappera tous

les

ennemis.

de barres

double range Les lettres sont emprisonnes entre une anguleux et borizontales; elles ont un certain air

massif qui explique le

nom

d'hbreu carr que l'on a donn

plus loin, et h cette criture. Quelques-unes vont encore

HBREU CARR.
Le samedi du premier coup;

261

Ton y remanjiie une certaine tendance se refermer par en


}3as.

y arrive

le

mem
le

ne ferme

pas entirement sa boucle, et ce n'est que dans


etl'estranghlo qu'il compltera son volution.

nabaten
lettres

Deux

iont seules exception la rgle gnrale, la lettre qui a le

moins chang

et celle qui a le plus

chang dans
:

l'histoire
le iod.

de

l'criture chez les


/rtwj(?f/,

peuples smitiques

le

lamed et

Le

tant jet en quelque sorte en dehors de la ligne, n'a


les

gure t atteint par

modifications des autres lettres.

Pour

le iod, c'est le

contraire qui a eu lieu;


le faire

comme
il

on

s'tait

habitu de bonne heure

trs petit,

fini

par

perdre conscience de sa forme

et n'tre

plus qu'un point

entre deux lignes. Toutes les autres lettres ont pass sous
le

mme
Si l'on

niveau.

examine

le

mode de formation de

la

barre hori-

zontale qui termine la plupart des lettres et qui tend crer

une ligne continue

les reliant les

unes aux autres par en bas,

^ y
n'est

:i

i>

J3

]p

on y reconnatra le dveloppement d'une tendance que nous avons signale dans l'aramen. Cette barre infrieure

que

la

prolongation de la queue des lettres; en

effet,

la fin des mots, les lettres

queue,

le kaf,

le

nun, le

ph, le ade, n'ayant plus besoin d'tre rattaches celle

qui suit, recouvrent leur indpendance; la tige se redresse


et s'allonge

au-dessous de

la ligne

-,

|, t],

y; c'est ce qu'on

appelle les lettres finales.

Leur apparition ne date gure,


le

sauf en ce qui concerne

nun, que des premiers sicles

de notre re.

la

mme

poque,
et,

les autres traces d'arvn*^

chasme

s'effacent

rapidement,

au

ou au

vni sicle,

l'hbreu a Irouv sa forme peu prs dfinitive.

partir

2G2

DEUXIME PARTIE.
il

de ce moment,

ne

s'est

plus gure modifi; c'est

l'al-

phabet dont nous nous servons encore pour nos bibles.


Pourtant, dans les textes de cette poque,
larit
il

n'a pas la rgu-

mathmatique qui

le

distingue aujourd'hui; la typole

graphie a laiss tomber certains dtails qui

rattachaient

aux formes antrieures.


L'hbreu carr a continu d'tre employ jusqu' nos
jours,

mais

comme
les

criture

savante,

pour

les
Il

critures

saintes et

pour

rouleaux des synagogues.

ne prsente
les

plus ces transformations

que

l'on

remarque dans tous


tel

organismes vivants;
fait

les
le

rabbins l'ont laiss

quel et n'ont
partir de ce
il

qu'en renforcer

caractre hiratique.

moment, l'hbreu
une criture
tant en tirer

n'ajipartient plus l'histoire,

devient

sacre. Les Juifs

du moyen ge devaient pour-

une criture cursive, Yhhreu rabbinique, qui

revt, suivant les pays, des formes assez diffrentes; mais


cette dernire
est

phase de

l'histoire

de l'alphabet hbraque

du

ressort de la palographie juive.


l'influence

Aucun alphabet ne montre mieux

du gnie

d'un peuple sur son criture. Nous avons vu l'alphabet h-

braque, identique, dans l'origine, avec l'alphabet phnicien


et
,

s'en sparer

peu peu

et

prendre des formes anguleuses

volontairement archaques, tout en ayant une tendance

devenir cursives, jusqu'au


vi''

moment o
ils

la

catastrophe du
.Tuifs

sicle

balaya l'ancienne criture hbraque. Les


lui

adoptrent l'alphabet aramen; mais

ont

si

bien donn

l'empreinte de leur caractre que, tandis que l'criture sy-

riaque devenait de plus en plus ouverte, l'hbreu carr se


fermait de plus en plus.

Quand on compare une

inscription

samaritaine une inscription en hbreu carr, on sent sous


la diffrence

profonde de leurs formes un esprit

commun,

CRITURE PALMYRNIENNE.
si

263

bien qu' premire vue on est tent de les confondre et


y lecoiniat

qu'on

deux critures surs.

CRITURE PALMYRNIENNE.

Au commencement de

notre re, on voit paratre au

centre de la Syrie, Palmyre, un autre driv de l'alphabet

aramen, Ycrkure palmyrnienne qui prsente avec l'hbreu


,

carr une sinf^ulire ressemblance.

Pendant deux cents ans, depuis


de Znobie en 278, Palmyre a t

l'an

5o jusqu'

la

chute

le sige

d'une civilisation

hellnistique trs florissante, dont le souvenir reste attach

au

nom

des Odeinath et de

la reine

Znobie,

la

femme du

dernier d'entre eux. C'est de cette poque que datent toutes


les

constructions dont on admire aujourd'hui les ruines.

Toutes ces colonnades sont couvertes, chose inconnue en


Phnicie, d'inscriptions monumentales en grec et en pal-

myrnien. Nulle part


pierre.

les

Smites n'ont autant crit sur

la

Le premier Europen qui

ait signal les

ruines de Pal-

myre

est

un ngociant
Dawkins, qui

anglais

d'Alep,

William Halifax

(1678); mais

elles n'ont t

rellement connues que depuis

Wood

et

firent,

en i^Bi,

le

relev architec^^l

tural de ses difices et y copirent treize inscriptions

Les

originaux de trois d'entre elles, rapports au

muse d'Ox-

ford, permirent l'abb Barthlmy^-) et Swinton^^^ de

retrouver la clef de l'criture palmyrnienne.

^''

Les ruines de Palmyre, autrement dite Tedmor au dsert, London, 1763,

in-r*.

''
t.

Journal des Savants , avril ly/i.Cf. Mmoires do l'Acad. des inscriptions


p.

XXVI,
^''

577-597.

An

Ea'phcalion of ail the Inscriptions in the Pahmjrene language and cha,

racter hitlirrlo pnblish'd. Philosophical Transactions

i']bfi, p.

690-756.

264

DEUXIME PARTIE.

Aujourd'hui, grce aux voyages d'exploiation de


Vogii et

MM.

de

Waddingtoii,

les inscriptions

palinyrniennes for-

ment une des

sries les plus riches

de l'pigrapliie smitique.

Ds i856, M. de Vogii

avait visit
la

Palmyre; en 1861, au

cours d'un nouveau voyage dans


treprit

Syrie centrale, qu'il enet

de concert avec M. Waddington


fructueux pour

qui a eu les rsul-

tats les plus

la science, ce

dernier prit des

copies de toutes les inscriptions, aussi bien grecques

que

s-

mitiques, de Palmyre. Les inscriptions grecques ont t publies

par M. Waddington
la
:

('^;

les inscriptions

palmyrniennes

forment
intitul

premire partie de l'ouvrage de M. de Vogii


^''\

Syrie centrale, inscriptions smitiques

Plus rcemment, le prince Abamelek Lazarev a t assez

heureux pour rendre


longueur
l'octroi

la

lumire une inscription d'une


le

et

d'une importance exceptionnelles,

tarif

de

de Palmyre^^^. Cette inscription, bilingue


d'inscriptions palmyrniennes, ne

comme
mtres

beaucoup

comprend pas
2

moins de 160 lignes, graves sur une pierre de


de hauteur sur 5 mtres de long, qui

tait place l'en-

tre de la ville et tait reste jusqu' prsent enfouie dans


le sable.

De

nouvelles inscriptions ont galement t trouenfin,


il

ves par

MM. Mordtmann, Huber, EutingW;


a rapport
tarif, ainsi

y a

deux ans, M. Ernest Gautier

de Palmyre un es-

tampage complet du
estampages,
la
faits

qu'une quarantaine d'autres

avec

le

plus grand soin, qu'il a donns

commission du Corpus inscriptionum semiticarum.


'''

Inscriptions grecques et latines de la Syrie

Paris,

1870,

iii-'r.

^*)

Paris, Baudry,

1868,

in-Zi".

^''

Marquis de Vogu, Inscriptions palmyrniennes


,

indites.

Un

tarif sons

l'empire romain
^*'

Paris, i883.

Pour

la hihliograpliie

des inscriplions palmyrniennes, voir Lodrain


p. 5 cl
(i.

Dictionnaire des

noms propres palmyrniens, Paris, 1886,

KCRITURE PALMYRNIENNE.
Les inscriptions de Palmyre ont une rgularit
et

2G5

un

caractre dcoratif (|ue l'on rencontre rarement dans les inscriptions smitiques. Elles sont aussi, en gnral, plus d-

veloppes et prsentent plus de varit;

elles

comprennent

des textes religieux, funraires, honorifiques, qui ont jet

une vive lumire sur


qui
les

l'histoire

de Palmyre, grce aux dates


ces

accompagnent presque toujours. Une seule de

inscriptions est antrieure notre re; elle date de l'an

avant

J.-G.^'^; or elle se

9 distingue nettement des autres par


:

son caractre palographique


,

les

lettres ont

une forme

plus simple et plus carre et se rapprochent plus du type ara-

men;
Dans

le

h en particulier,

'^,
i*''"

est

encore

le

h aramen.

la

seconde moiti du

sicle, les inscriptions

de Palelles

myre commencent

devenir plus nombreuses;

mais

sont presque toutes de l'an


la

128
la

l'an 271, c'est--dire de

priode qui correspond

dynastie des Odeinath.

Au

del, on n'en trouve plus

une seule Palmyre.


celles des

Les deux dernires que nous connaissions sont

statues de la reine Znobie et d'Odeinath son poux, ri-

ges au mois d'aot 271, un an peine avant la dfaite de

Znobie. Nous donnons la seconde de ces inscriptions, avec


le texte

grec qui l'accompagne

INSCRIPTION DE L\ STATUE DE ZENOBIE.

//3333-^yjxJV^X^XJii^JJl.XJxiJ3bJ3^J^X
'^

Vofj^ii, n iio et p. 3.

266

DEUXIAlIi; IMH'

CRITURE PALM Y REM EN NE.

207

iX"'?Tr3-l

N-3T

NVCDD

NflD^O

583
Slaliio (le

ri:w'

"-

3N*

m'3

l'.nnnDb

cpN
illiislre

Seplimia Balzabba (Zeiiobie),


{^('noTal

cl

juste

reine.

Les Sepliniiens Zabda,

en

chef, el Zabba, "-(neral de Thadiuor (Palmyre), les trs [)uissanls,

Tont rige leur souveraine. Dans


(aoiit 271).

le

mois de Ab de Tanne 589

Le

texte grec porte

2e7r7/ju/ar T^y]vo^lav rrjv "kaixTvpoTaTjv vcre^ri ^'xakla-G-a.v '^enliynoi

Tud^Sas b [xya.5

crlpot.iriAdjYjS

xai Za^ao? b vBdSs. crlpaTriAiXTiis, oi


ix]vs) Xo(p.

npctTialoi Trjv SaTvotvav. Etoi^ /SuC^'

On

peut

lire

dans M. de Vogii

le

commentaire de
lettres y est la

celle

intressante inscription^'^.

La forme des

que sur des

textes de cent cinquante ans plus

mme anciens. On

se sent en prsence d'une pigrapliie


et qui

nettement circonscrite

correspond une
l'inscription

civilisation trs spciale.


la

Dans

de Znobie,

ressemblance du palmy-

rnien avec l'bbreu carr saute aux yeux. Cette ressemblance, qui a beaucoup
facilit le

dcbilTi'ement des inscrip-

tions palmyrniennes, s'explique par ce

que nous avons

dit

de

la

formation de l'hbreu carr; ce sont deux rameaux pa-

rallles et

peu

pi's

contemporains de l'criture aramenne.

La parent de

ces critures

nous

atteste le

peu de

dis-

tance qui sparait les diffrentes parties du


cette poque.

monde smitique
les barrires

En

face

du monde romain,

tendaient s'abaisser et l'ancienne parent des peuples s'''

Syrie centrale. Palimjre

n ), p. jcj-SG ot 100.

268

DEUXIME PARTIE,
du monde smitique, grce au proslytisme,
moiti juive. Les inscriptions dcouvertes

miliques reprenait ses droits. Dans ce rapprochement des diverses fractions


la

part de l'lment juif a t trs considrable. Palmyre

tait

une

ville

et publies

par

MM. Waddington

et

de Vogii nous four-

nissent plusieurs exemples de familles juives considrables


tablies Palmyre.

Znobie elle-mme,

si

elle

n'tait

pas

juive, entretenait avec les Juifs des relations assez troites

pour qu'on

ait

pu

croire qu'elle tait de leur race.


l'criture.

Cet tat de choses devait avoir son cho dans


L'criture palmyrnienne
toutefois n'a pas

l'austrit

de

l'hbreu carr; elle est plus ornemente.

On

pourrait dire

que

c'est

de l'hbreu carr enjoliv. Les

lettres,

au

lieu

de
et

se terminer,

comme

en hbreu, par des barres droites

raides, s'arrondissent en spirales capricieuses qui simulent

des rinceaux et rappellent les lignes gracieuses, mais

un peu

contournes, des bas- reliefs palmyrniens.


ces inscriptions

On
si

sent dans

moimmentales admirablement

calibres Ini-

fluence del civilisation grecque orientale,

puissante
et toute

Palmyre,

et

dont ses colonnades, ses temples

son

architecture nous ont conserv l'image.

Le monde palmyrnien
trale;

n'tait pas limit la Syrie cen-

nous

le

retrouvons dissmin dans tout l'empire roil

main.

En
le

ralit,

se

confond avec
si

le

monde

syriaque, qui

a exerc
et

une influence

profonde, par sa

difl'usion

mme

par

caractre mystique de sa religion, sur la socit ro-

maine de l'poque impriale.


Si l'on

veut se rendre compte combien large est


l'ornementation dans
l'ci'iture

la

part

qu'il faut faire

monumencouleur,

tale

de Palmyre, on n'a qu' comparer aux inscriptions,


oflicielles, les grajfui tracs la

en quelque sorte

CRITURE PALMYRNIENNE.
en lettres cursives, qui ont t relevs sur
inyre par M. Mordtniaiin
(');

269

les

murs de Paltient le

c'est

une criture qui


:

milieu entre l'hbreu carr et le syriaque

Adieu! Refbl,
fils

fils

d'Ataqab'-^

de Zebed. Zabdal
!

Adieu

L'adieu suivant

ndV:? hnn

rr

Adieu Salma

n
:

est de

l'ii-

bieu, sauf

la dei'nire lettre,

qui est syriaque

^=^^,:4i^A7-%
La
diffrence

du palmyrnien
les

oftlciel et

populaire est en-

core plus

marque sur

ex-voto consacrs leurs dieux

nationaux par des Palmyrniens, Rome, en Afrique et

dans tous

les lieux

du monde o

ils

allaient la suite des

''"'

Euling, Epigraphische Miscellen, dans

les

Comptes rendus

(le

l'Acad. de

Berlin, i6 juillet
^"*

i885,

p.

yS, n" 17
la

et 19.

Al-aqab,

nom
la

form de

mme
Cf. la

manire que

celui

de lacob (laqob-El).
tra crit",

Le dernier mot de

ligue 2 est obscur. Je souponne qu'il faut lire

ou quelque chose d'approchant.

formule ypaypev sur

les graffiti grecs.

270

DEUXIME PARTIE.
Nord de

armes romaines. On en a irouv, dans ces derniers temps,


jusqu' South Shields,
la frontire

l'Angleterre.

Les deux

ci'ilures n'ont plus


et la

presque rien de

commun

en

apparence,

seconde se rapproche beaucoup moins du


est l'hritier lgitime.

pahnyrnien que du syriaque, qui en

L'criture palmyrnienne ressemble l'criture syriaque

encore par un autre cl. Poui' viter la confusion du daleth et

du

resh,

devenus identiques, on
resli.

les diffrencie

par

un point plac au-dessus du


tive

Cette

marque

distinc-

ne se trouve pas toutefois sur


les

les inscriptions

palmyr-

niennes

plus anciennes, et ce n'est qu' partir du n" sicle


la

de notre re qu'on

rencontre. L'alpliabet chaldo-pehlvi


])eu

nous a dj

offert

un exemple,

prs contemporain

sans doute, de l'emploi des points diacritiques, qui devaient

prendre dans

les

alphabets smitiques modernes un

si

grand

fj

dveloppement.

ALPHABET NABATEN.

271

CHAPITRE

X.

LECRiTLUE ARABE ET SES PRCURSEURS.

ALPHABET NABATEEN.
L'histoire de l'criture, partir

de ce moment, ne pr-

sente plus qu'une srie d'altrations de plus en plus rapides,

qui font perdre aux lettres toute leur individualit et les

amnent
fiants sur

n'tre plus

que de

petits accidents trs insignile

une ligne uniforme. L'arabe marque

dernier de-

gr d'altration de l'criture cursive. Les formes des lettres

arabes prsentent une grande ressemblance avec celles de


l'alphabet syriaque; mais,

pour comprendre

l'esprit

et

la

gense de l'criture arabe, on doit remonter jusqu'au nabaten.

En

face de la civilisation de

Palmyre,

les

Nabatens nous

reprsentent les Aramens nomades.

On
vie

aurait tort d'attaet

cher cette expression


faire

aucune ide de dfaveur


la

d'en

un synonyme de barbarie;

nomade

a toujours

t la vie naturelle des peuples smitiques; par

l les

Naba-

lens sont les prcurseurs directs des Arabes. Les INabatens

avaient des villes; Bosra, Hbrn, Salkhat, dans le massif

montagneux du Haurn qui


l'est

se dresse

au milieu du dsert,

de

la Palestine,

portent des traces nombreuses de leur


le

domination; mais on voit, par


tions

grand nomljre des inscrip-

nabatennes traces sur des rochers, que c'taient des

272

DEUXIME PARTIE,
monuments
les plus

populations peu sdentaires. Les


qu'ils

curieux
roc qui

aient laisss sont ces palais creuss dans le

garnissent les flancs de l'Arabie Ptre et auxquels la ville de

Ptra doit son

nom; mais

ce n'taient jamais

que des con-

structions isoles, laites

pour servir de centre de ralliement

des populations vivant le plus souvent sous la tente.


L'pigrapliie do toute cette contre ne date rellement

que du voyage de

MM. Waddington
Hnurn

et

de Vogii. Avant eux,

Burckliardt^^^ et le consul de Prusse


stein
^^\

Damas, M. Welz-

avaient explor le

et avaient pris des copies

trs imparfaites de
et

quelques inscriptions.

MM. Waddington
le dossier

de Vogii ont considrablement enrichi


nabatennes; mais surtout
ils

des in-

sci'iptions

ont rapport soit

des estampages, soit des copies fidles, qui ont donn


l'pigrapliie

nabatenne une base

solide.

Les inscriptions nabatennes prsentent deux aspects trs


difterents.

On

trouve dans

le

massif

du Haurn, aux envi-

rons des anciens centres nabatens de Siah et de Soueideli


des inscriptions traces en caractres qui ont dj les traits
distinctifs

du nabaten, mais dont

la

forme gnrale rapdite


:

pelle encore l'criture

aramenne proprement

Monument de Hamrath, que

lui a construit

Odeinath son seigneur (3).

i
Au
''^'

contraire,

mesure qu'on s'avance vers


Loudon, 18-^2,
in-4".
.

le

Sud,

Travels in Syria, etc.,


licisebericht iiber

^*'

Hauran wid
1

die Trachoiicii, Borliii

1860.

*^>

Vogiii^ Soiicidch, n"

{Syrie centrale, t" partie, p.

89

et pi.

MU).

ALPHABET NABATEN.
mesure aussi qu'on
se

273

rapproche de

l're clirlieune, l'cri-

ture prend des formes plus lances et plus voisines du type

arabe. Cette seconde catgorie d'inscriptions, qui constitue


i'pigrapljie

nabatenne proprement parler,

a t singu-

lirement largie, dans ces dernires annes, par une dcouverte inattendue.

En 1876-1 877, un intrpidevoyageui* anglais, M.


Douglity(^\ dcouvrit au

Charles

cur de

l'Arabie, dans la valle

d'El-Hedjr, l'un des centres des anciennes traditions religieuses des Arabes, toute une srie de constructions creuses

dans

le

roc,

dont l'architeclure
:

et l'aspect
cr

gnral

rappellent celles de Ptra

ce sont les

villes

du prophte

Salelm, Medan Saleh. Ces portiques monumentaux, qui


se

dveloppent tout du long d'un amphithtre de collines,

n'taient pas destins abriter des vivants, ce sont des

tom-

beaux.

De longues inscriptions nabatennes graves au-dessus


noms des
familles auxquelles

des portes nous ont conserv les


ces spultures

taient rserves.

Peu aprs M. Doughty,


deux reprises
("^^j

Charles Huber son tour

visita ces lieux

de 1880 i884. Grce eux, nous possdons l'ensemble


des inscriptions d'El-Hedjr ^^^ M.

Renan

a mis en pleine lu-

mire

le

caractre de cette pigraphie. Inscriptions et


la

mo-

numents sont contemporains de

dynastie des Artas, qui

rgnait sur l'Hauranitide et le nord de l'Arabie l'poque


^'^

E. Renan, Documents recueillis dans

le

nord de l'Arabie far Ch. Doughty


t.

[Mmoires prsents par divers savants l'Acadmie des inscriptions ,

XXIX,

1"

partie.
^-'

Tirage

part, Paris,
,

Klincksieck,
1

i884,

in-4).
inscr. de

Bull, de la Soc. de gogr.

884,

p. 5

6.

Nouv.

Medan Saleh

{Comptes rendus de l'Acad. des


'^'

inscr. et belles-lettres,

sance

du 29 aot 188 4).


une
belle

Toutes ces inscriptions ont t reprises par M. Euting, Pe'minent pigra-

phiste qui acconipaguait Ch. Huiler lors de son second voyage, dans

publication intitule

Nabatische Inschriflen aus Arabien (Berlin, i885).

18
I^rsiHREIt

274

DEUXIME PARTIE,

des Hrodes. Voici donc


lestine,

comme ou
:

crivait l'est

de

la

Pa-

du temps de Jsus (^^

(')

Pli.

Berger, Nouvelles inscriptions, n" 99: Euting, n 9.


,

et

J'ai profil',

pour

la

traduction

des excellentes correclions

que MM. Euling

Noldeke ont

apportes

ma

preiiiicre interprtation.

ALPHA ni: T

.\

BATE EN.

275

-'m

ry.i^,, -(M

C'est ici le

tombeau qu'a
et ses

l'ail

Adou

fils

de Coheilou

fils

d'[Elkesaj

pour lui-mme

enfants et ses descendants, et pour quiconque


la

apportera dans sa main un eciit en forme de

main d'Adou, valable

pour
d'tre

lui et

pour tout autre qui Adou aura accorde' de son vivant enterre' ici. Au mois de nisan, en l'an 9 de Hartat (Aretas), roi

des Nabatens, ami de son peuple. Et que maudissent Dusars et Menai


et

Qes quiconque vendrait ce tombeau-ci, ou l'achterait, ou

le

met-

trait

en gage, ou

le

donnerait, ou

le prterait,

ou [composerait?] sur

lui

une criture quelconque, ou qui y enterrerait un homme, horcrits ci-dessus. Et

mis ceux qui sont

que

ce caveau et son inscription

soient haram (sacres), couforme'ment la rgle

du herem chez
!

les

Nabate'ens et les Soiyme'ens

aux

sicles des sicles

taient les maisons des Arabes assez riches

pour

se

construire de pareilles ncropoles?


trace. Ils

On
fixe,

n'en trouve pas de


les
le

taient des
il

nomades;

or,

pour

populations

nomades,

n'y a

qu'une demeure

nous

voyons par
18.

276
l'histoire

DEUXIME PARTIE.
d'Abraham,
c'est la
rr

maison ternelle
qui

ti,

le

tom-

beau,

et, quelquefois, le sanctuaire

s'y rattache.

Chose inapprciable, ces inscriptions sont toutes dates;


elles s'tendent sur

une priode qui va de

l'an

9 avant J.-G.

l'an

76

aprs. Ainsi,

non seulement nous nous trouvons

en prsence d'une pigraphie parfaitement documente,

mais ses dates fournissent un point de repre prcieux


l'historien et l'archologue, et clairent d'un jour

nouaussi

veau

les

monuments de Ptra

et

de Jrusalem

comme

toute la civilisation

aramenne
fait

l'poque de Jsus-Christ.
l'histoire
l'histoire
la stle

Cette dcouverte a

une rvolution dans

des

peuples smitiques
l'criture,

et,

du mme coup, dans


les

de de

en prouvant que
tablis

Aramens, que

Tema nous montre

en Arabie /joo ou 5oo ans


i^""

avant notre re, pntraient, au


qu'aux portes de
la

sicle

de notre re, jus-

Mecque

et

formaient un lment impor-

tant de la population arabe avant l'islamisme. Les Nabatens

ont t les vrais prcurseurs des Arabes. Aussi, quoique leur


criture diffre encore sensiblement de l'criture arabe, elle

en a dj

l'esprit.

Le nabaten franchit

le

dernier pas qui sparait l'ancien


la cration

alphabet de l'criture cursive, par


L'criture

des ligatures.

aramenne

avait recourb

les lettres

par en dessi

sous, le nabaten les soude l'une l'autre,

bien que

dsormais la partie essentielle de l'criture consistera dans


la ligne

continue qui les rattache par


effet

le bas.

Ces ligatures
lettres,

ont pour

de modifier profondment l'aspect des


de chercher un point d'attache

par

la ncessit

commode

pour

les relier les

unes aux autres,

si

bien qu'un

mme
et

caractre peut tre alternativement trs grand et trs petit.

En mme temps,

les lettres s'arrondissent

par en haut

ALPHABET NABATEEN.
perdent leurs dernires artes; tantt
elles s'lvent

277

au-des-

sus de la ligne, tantt elles descendent au-dessous, mais

toujours elles restent unies par ce lien qui groupe les l-

ments d'un

mme

mot.
les

Le

iod

nous fournit un des exemples

plus curieux de
les

ces mtamorplioses.

Nous avons vu que, dans


tait arriv n'tre

alphabets

de cette poque,

il

presque plus qu'un

point au milieu de la ligne, un petit trait, portant, tantt


sa partie suprieure,

^, tantt en son milieu, ^ un crochet qui en rappelle la forme primitive. En nabaten, ce


,

petit trait s'arrondit

dans

le

courant du mot et se recourbe


:

pour chercher
faire le iod

la lettre suivante
traits,
.

3' ^'
il

P"^^'

^^^ ^'^^^

^^

en deux
:

on prend l'habitude de

le tracer

d'un seul coup

<^

Enfin,

quand

est la fin des

mots, sa

queue

s'allonge de plus en plus


la lettre

pour

se rattacher la lettre

prcdente; on lance
et la tte se
tte

hardiment,

comme un
:

parafe,
dirait la

recourbe en forme de panache


:

on

de quelque oiseau long cou

AT

/>^^^\
lettre

Ces soudures ne se produisent pas seulement d'une


l'autre, mais souvent dans l'intrieur

mme

d'une lettre,
trou-

surtout dans les lettres finales.

La queue de Vm, ^, ne

vant pas d'autres lettres o s'accrocher, se replie sur elle-

mme
les

et se

ferme par en bas ^. Le h

fait

de

mme; dans

anciens centres nabatens de Soueideh, de Siah, dcou-

verts par
la

MM. Waddington

et

de Vogu, on remarque dj
la lettre se

tendance des deux branches de

rapprocher;

278

DEUXIME PARTIE.
prend

El-Hedjr, la jonction est accomplie et le h


fin

la

des mots la forme d'une pochette

JI

/\

"(j

Nulle part, le contraste de la lettre mdiale avec la lettre


finale n'est plus

marqu que pour


ne

Valcf.

A voir ses deux

formes, r>^,

^, jamais on
Pour trouver

se croirait

en prsence d'une

mme
il

lettre.

l'explication

de l'/^ nabaten,

remonter l'hbreu carr JX- Dans l'insci'iption hbraque de la synagogue de Palmyre (voir plus haut p. 2 Go)
faut
,

le

pied vertical est termin par une barre d'arrt fortement


:

marque

/^ A
.

Soueideh cette barre


,

se

prolonge
:

et relie,

comme une

entrave, les deux pieds de la lettre


lui

^^

Le

nabaten n'aura plus qu'

donner
soit

ses

formes arrondies
:

0<.

K pour que

la

mtamorphose

complte

Enfin, tandis que dans

le

corps des mots Yalef se re-

coquille ainsi sur lui-mme, la fin des mots, au contraire,


il

brise son enveloppe et s'lance en formes capricieuses,

qui expliquent Vakf de l'estranghlo, du syriaque et de


l'arabe
:

Al,

2< ^<

''

En rsum,
soudure,
entre les

ligatures entre les lettres et, par suite, diset

tinction des lettres mdiales

des lettres finales,


l'intrieur

enfin

non seulement dans

du mot, mais

membres d'une mme


de l'criture
ceux de l'arabe.

lettre, tels sont les traits

caractristiques

nabatenne; or ce sont en

mme temps

Ces caractres ne sont pas galement accuss dans toutes


les inscriptions

nabatennes.

On

les voit natre sur les in-

ALPHABET NABATEN.
scriptions

279

du Haiirn, qui marquent

le

passage de l'hbreu
le

carr au nabaten.

On

peut en poursuivre

dveloppement

jusqu'au u'^ou au
et les
les

m*^ sicle

de notre re, sur les


la pit

noms propres

formules de salut dont

des plerins a couvert

rochers du Sina^').
L'influence de l'lment nabaten n'tait pas limite au

monde

asiatique.

Deux

inscriptions nabatennes trouves

Pouzzoles^-^

nous attestent l'existence, jusqu'au centre de

l'empire romain, de ces colonies qui avaient

une organisanous
le

tion religieuse fort analogue celle des synagogues,

voyons par une inscription bilingue, phnicienne

et

grecque,
^^^

rcemment dcouverte au

Pire. Les Actes des aptres

nous apprennent qu'd y avait aussi Pouzzoles une com-

munaut

juive, cjui a servi de premier point d'appui au

christianisme. La rencontre de tous ces Asiatiques, diffrents d'origine et de religion, mais de

mme

race et parlant

tous la

mme

langue, ainsi que la dfense de leurs intrts


entre eux des changes con-

communs, devaient amener


stants et

une sorte de

fraternit, dont leurs critures, sous

leurs dillrences apparentes, nous ont conserv Timage.

''^

Voir Ber, Inscriptiones veteres ad moniem Sina reperl, Leipzig, i84o;


,

Lottin de Laval
1

Voyage dans

la pninsule

arabique du Sina,

i vol.
t.

texte et

atlas (Paris,

i855-i859); Lvy,

Zeitschv. der

morg. Ges.,

XIV, t86o,
t.

p. 3(i3-A8/i; Lepsius,
pi.

Denhnler ans jEgijptcn und Nubien,


Be'ne'dile,

6" partie,

XI,

XIV -XXI. Un jeune savant, M.

membre de

l'Ecole

du Caire,

vient d'explorer,

non sans dangers, pendant deux

anne'es conse'cutives

(1889in-

1890),

les valle'es

du massif du
il

Sina,

pour

le

compte de l'Acade'mie des

scriptions et belles-lettres, et

a fait le relev complet de tous ces graffiti,


Ils

dont

le

nombre dpasse 3,000.

paratront prochainement dans

le

Corpus

inscriptiomim semiticarum.
'^'

Renan, Journal asiatique,

avril

1878,

p.

SiS-SaS;

octobre 1878,

p.

36d-38/i; fvrier-mars 187A, p. 23o-233.


'^'

Actes, XX vin, i3 et th.

280

DEUXIME PARTIE.
CRITURE SYRIAQUE.

L'autre facteur de l'criture arabe est le syriaque.

Nous

avons vu

(^)

comment
le

le

syriaque se rattachait au palmyil

rnien cursif; dans

principe,

en

diffrait peine.
le

Pour-

tant, ds le n^ sicle

de notre re, nous

trouvons peu

prs constitu sur les monnaies des rois d'Edesse.

Une

inscription

bilingue,

aujourd'hui

au

muse

du

Louvre, qui a t dcouverte par M. de Saulcy sur un sarcophage, dans


le

tombeau de
fait assister

la reine

Hlne d'Adiabne
la

.Jrusalem, nous

en quelque sorte

naissance

du syriaque.

Elle porte, crits en caractres

aramens qui
les

font pressentir l'estranghlo et en

hbreu carr,

mots

crSadda la reine

n.

La reine Hlne tant venue

se fixer J-

rusalem

l'an lik

aprs J.-C, on place l'inscription


/i/i

deSadda

entre les annes

et

70.

Certaines lettres de l'inscription suprieure rappellent


s'y

mprendre l'alphabet des


lamed est dj pench sur
est

inscriptions
la ligne,

du Haurn

('-);

mais

le

comme

en syriaque;
l'inscription

l'rt/e/*

franchement estranghlo. La langue de


est, elle aussi,

hbraque

mlange d'lments aramens.


la dilf-

L'inscription de
^''

Sadda nous montre d'autant mieux


p.

Cf. plus

haut,

269.
p.

'*'

Voir en parliculier un autel de Bosra (n h) {St/ne centrale,

106

ol

pi.

XIV).

CRITURE SYRIAQUE.

281

rence d'esprit du syriaque et de l'hbreu carr, ns tous deux

de l'criture aramenne. Une autre inscription bilingue,

grecque
la

et syriaque, d'Edesse,

que M.

Sacliau^'^ rapporte

seconde moiti du

if sicle,

prsente les

mmes

carac-

tres.

Le

h, le vau, Vain, le sin, y ont encore l'ancienne

forme aramenne.

En dehors de

ces rares

monuments,

il

faut sauter,

pour

retrouver des tmoins de l'criture syriaque, jusqu'aux plus


vieux manuscrits. Le premier en

date est un manuscrit

d'Edesse, de l'an

/ii i,

qui est conserv au Brittsh Museum''^\

L'cole d'Edesse a jet pendant plusieurs sicles un grand


clat.

Edesse a t
fait

le

centre d'une culture thologique qui


ce

en a

pour

le

monde aramen

qu'a t Antioche

pour

le

christianisme grec. C'est de l qu'est sortie, au


version de la Bible qui porte le

ni^ sicle, la

nom

de Pe-

schito, ainsi
cette

que toute l'ancienne littrature syriaque. Durant


il

premire priode,

n'y a

qu'une seule criture sy-

riaque, celle que l'on a baptise plus tard du


glilo; c'est elle

nom

d'estran-

qu'on rencontre aussi bien dans


les inscriptions.
vi^

les

manu-

scrits

que dans

Les disputes thologiques des

et

vn^ sicles eurent

leur contre-coup sur l'criture. L'estranghlo tait

peu

peu devenu
Syrie,
il

l'criture des nestoriens;

banni de

la cte

de

se rfugia chez les princes sassanides, qui taient


il

favorables au nestorianisme;

n'est plus

gure en usage au-

jourd'hui que chez les Syriens des environs du lac Urmiah.

Mais,

s'il

a cess d'tre

employ en occident,

il

s'est

rpandu

de bonne heure, grce aux missions nestoriennes, dans


^''

Zeilschrift der d.

morg. Ges.,

t.

XXXVI, 1882,

p.
in

Ua-iy.
titc

'-'

W. Wright,

Catalogue of Syriac Mamtscripts

British

Musum,

part I-III, Londres, 1870-187-2,

m-k\

282
l'Asie cenlrale, et
il

DEUXIME PARTIE.
y a

donn naissance
Tandis que
les

toute

une nou-

velle famille d'alphabets.

missionnaires boudet

dhisles pntraient dans

l'Extrme Orient par le Sud

arrivaient jusqu'aux portes de la Chine, les missionnaires

nestoriens y atteignaient en traversant l'Asie centrale.

Une
re,

inscription trouve en Chine, Si-ngan-fou, en 1625, et qui

porte une date correspondant l'anne

781 de notre

en fournit
tal,

la

preuve. L'authenticit de ce

monument

capi-

dfendue par Pauthier^'),

est aujourd'hui 2
,

hors de doute.

C'est

une inscription de

mtre sur

contenant un ret

sum de
chinois.

la doctrine chrtienne

en langue

en caractres

Des deux cts


lit

et

au-dessous de l'inscription chi-

noise, se

une lgende en estranghlo grave perpendicuet

lairement de haut en bas

donnant

le

nom du
Adam,
Il

patriarche
ainsi
est

nestorien Hanan-Jsu, celui de l'vque


diffrentes autres

que
donc

indications chronologiques.
l'an

prouv que, ds
taient tablis en
C'est par ce

781,

les

missionnaires nestoriens

Chine

et y avaient

apport leur criture.

grand dveloppement de l'estranghlo que

doit s'expliquer tout


trale.

un groupe

d'alphabets de l'Asie cenle

Les Turcs du plateau central, connus sous

nom

d'Ouigours, adoptrent l'criture syriaque, et leur alphabet, quelque

peu modifi,

donn naissance

son tour aux

alphabets mongol, kahnouk et


sont crits,

mandchou

^-^

Ces alphabets

comme

l'inscription

de Si-ngan-fou, de haut en

bas. Enfin, les missionnaires nestoriens ont introduit l'ai-

^''

Paiilliier, L'inscription stjro-chinoisc

de Si-ngan-fou , Paris, Diclot, i858.


t.

Cf. Annales de Philosopliie chrtienne, h' soric,


'''

XV^, p.

A3-6o

et

-iSS-aSo.

Kiaprolh, Abhandlunff ber die Sprache


les

u.

Schrift der Uiffiircn,

18 ta.

Ahel Hrmusal, Recherches sur

langues tnrtares ,
?HHr/vc/< wric^,

1830.

J. Eufii)}}',

Tabula scriplur uiguric , mongoUcw ,

Slrasbourjj, 1891.

KCRITL'RE SYRIAQUE.
pliabet syriaque jiisf|ue dans l'Inde,

283
il

s'est

conserv

sous

la

forme du Karcliouni. alphabet composite, usit chez


de Saint-Thomas, sur
la cte

les chrtiens
Il

de Malabar

('l

est

encore une autre ramification des alphabets ara-

mens orientaux, mais plus proche du groupe pehlvi que du


groupe syriaque, l'alphabet mendate, qui nous a
serv par la secte dont
il

con-

porte

le

nom. Les Mendates, que

Ton appelle aussi Sabens ou chrtiens de Saint-Jean, sont une secte peine chrtienne, singulier mlange d'lments
juifs et

chaldens, dont les restes vivent sur les bords du


Ils

Cliat-el-Arab, aux environs de Bassora.

nous ont

laiss

un

livre, le

cr

livre

d'Adam

n, intressant
est

cause du fonds de

doctrines orientales dont


crits des

il

imprgn

^-\

Les monuments

Mendates sont de date rcente; mais leur alphabet


Il

a des attaches palographiques trs anciennes.

parat avoir
n^ sicle
et,

pour prototype l'alphabet aramen qu'on trouve au


de notre re sur
les

monnaies des
v*^

rois

de la Kharacne

plus tard encore, au

sicle,

dans l'inscription d'Aboushadr.


leur religion, appartient

L'criture des Mendates,

comme

donc au courant aramen paen, plutt qu'au courant syriaque chrtien.

Tandis que l'estranghlo

tait

de plus en plus refoul


tablis

vers l'Asie centrale, les Jacobites,


la cte

Alep et sur

de Syrie, adoptaient un type d'criture plus cursif

qui

s'est

rapidement substitu l'estranghlo

et

qui a t

consacr par l'usage dans toute la littrature syriaque

mo-

derne. C'est l'criture dont se servent encore les Maronites.

'"'

Taylor, The Alphabet,


Cf. E.

t.

I, p.

298.
5' dition
,

^"'

Renan, Histoire gnrale des langues smitiques,


l'ge du livre intitul Agriculture
t.

p. li-i-

958; Mmoire sur

uahatenne

(Mm. de

FAcad. des inscriptions,

X\IV, 18G1.

p.

iSg-jyn).

28/i

DEUXIME PARTIE.
est

Le jacobite

devenu

l'criture

syriaque

occidentale,

comme

l'eslranghlo l'criture syriaque orientale.


et l'estranghlo prsentent,

Le jacobite
frences,

malgr leurs

dif-

un caractre commun auquel


:

l'criture syriaque

doit son aspect propre


scrits.

au fond,

c'est

une criture de manudans l'inscription

Sur

le

sarcophage de Sadda,

comme

bilingue d'Edesse, les lettres ont encore une indpendance


relative;

au contraire, dans

les

manuscrits, elles sont com-

mandes par une

ligne continue qui les traverse toutes,

du

commencement

la

fm du mot.
prenaient pour

Cette continuit des lettres dans l'criture syriaque s'explique par la manire dont les scribes
crire.
s'y

Quand on examine

attentivement certains manuscrits

syriaques, on reconnat qu'ils ont dii tre crits en lignes


verticales et

non horizontales;

les ligatures des lettres, leur

inclinaison sur la ligne, ne


celte

peuvent s'expliquer que de

faon.

L'agencement des voyelles qui sont emprunaux mmes conclusions


(^).

tes l'alphabet grec conduit

Il

a fallu toutefois la dcouverte d'inscriptions traces en co-

lonnes verticales pour attirer l'attention sur ce point.

La premire inscription syriaque

crite

de haut en bas

que

l'on

ait

connue

est celle

de Si-ngan-fou; mais, tant

qu'elle tait seule prsenter cette particularit,


vait

on poudue,

croire

que

la

disposition

des lignes tait

de
la

mme que
Chine.

dans l'criture ougoure, au voisinage de


cours de sa mission en Phnicie, M.

Au

Renan

dcouvrit dans la chapelle d'Akoura une petite inscription


syriaque, grave sur
tion
<''

le

mur, qui

affectait la

mme

disposi-

(-).

La preuve

tait

concluante. Depuis lors, les exemples

Voir plus bas, p. 298.


E.

^^'

Renan, Mission de Phnicie ,

p. 3oti.

3o3, vigneUe.

CRITURE SYRIAQUE.
se sont multiplis
scrits, et
^^\

285

dans
lait

les inscriptions et le

dans

les

manulisait

ont mis ce

hors de doute:
il

syriaque se

de droite gauche, mais

s'crivait

de haut en bas.
les

On

peut s'en convaincre aisment en jetant


les

yeux sur

un fragment du Notre Pre trouv sur

murs d'une cha-

LlL'tR^U'''

-;

Voii-Sachau, Zeitschr. der

d.

movg. Ges.

t.

XXXVI, 1883,

p. i/j-j-iGy.

286

DEUXIME PAHTIE.

999999

pelle copte Deir-el-Baliaii, en Egypte, cl

que M. W. VViight

rapporte au

vi*'

sicle

').

La faon dont
et la

cette inscription tait place sur le


l'inscription

mur

comparaison de

grecque, dont

les lignes

suivent une direction perpendiculaire au syriaque, prouvent

clairement que le syriaque a t crit de haut en bas. Ce


fait

nous explique l'importance de

la ligne

fondamentale qui
:

rattache par en bas les lettres d'un

mme mot
d'un

elle est

comme

le

fil

auquel sont suspendues

les diffrentes lettres


collier.

et qui les traverse ainsi

que

les grains

Ce caractre ne
l'criture syriaque

fait

que s'exagrer encore davantage dans


:

courante

les lettres,

au lieu de conserver

leur physionomie indpendante, partent toutes de la ligne

pour y revenir ce ne sont que des soulvements plus ou moins prononcs qui obissent aux caprices du cad'en bas
;

lame.

Il

en rsulte que certaines


l'iW/,i'm, \n,
l'r,
l'.s

lettres,

comme

le alalh, le
>

l'rtm, le heth,

(*>.

?), s'atro-

phient, tandis que d'autres,

comme

\idaf, jettent

de grands

jambages dans toutes


^'^

les directions. L'criture

no-punique

J.

Euliiig, Epigraphische Miscellen, dat)S les Comptes rendus de l'Acad.

de Berlin, 12 mai 1887, p. 4i6, n" ii cl pi. IX.

ARABE.

287

nous avait dj prsont un pliiiomiie analogue. Nous voyons ainsi, sur deux des points extrmes du monde ancien, l'alpliabet parcourir la srie des
arriver,

mmes

altrations et

peu prs
un

la

mme

poque mais par des voies

dilVrentes,

mme

but. Les lettres finales se multi-

plient aussi, et elles ne sont plus l'exception,

comme
que

en h-

breu, mais

la rgle. C'est ce

moment,

enfin,

se gn-

ralise l'usage des points diacritiques,


les
ii'^

dont nous avons trouv

premires traces dans


sicle et qui taient

les inscriptions

palmyrniennes du

devenus ncessaires pour distinguer des lettres qui n'avaient plus rien conserv de leur caractre propre.
ARABE,
L'histoire des modifications successives

de l'alphabet aiaon

men nous conduit


croyait
la

ainsi jusqu' l'criture arabe. Jadis

que
la

l'criture coufique,

que

l'on considrait

comme
de

forme

plus ancienne de l'criture arabe, tait ne de

l'islamisme et qu'elle avait t invente

dans

la

ville

Coula, du temps des premiers khalifes.

Il

convient de rfor-

mer

cette

manire de

voir.

Entre

les

formes de Talphabet
et l'alphabet

que nous avons tudies jusqu' prsent


n'y a pas

arabe d

eu de saut. L'arabe est

sorti

peu

peu, par une

srie d'altrations graduelles, de l'criture des populations

qui occupaient, dans les premiers sicles de notre re, le nord de TArabie. L'criture arabe existait avant Mahomet;
elle a t

chrtienne avant d'tre musulmane.

L'inscription bilingue de Harrn, dans le Ledja, dcouverte par M. WetzsteinW et retrouve

par M. Waddington(^),

'*'

Ausgewltlle Inschn/teii , n"


Luscr. de Syrie, n"

'=*'

^AHh.

no.
Cf. Vo^je, Syrie centrale , p.

tiy, 118.

288

DEUXIME PARTIE.

o o

o
'3

;4

r^

o
3.

.^

a.

Cy H
>5
'vi^

>o

vo

S
C3

cz

Cl

?V

<i>

<u

TS
Oj

T O
-TS OJ

^3
-f-

r<

o_

o "^
u s
^W Q_
rS
a> (73

3 O
ri

es
'

N.)

o
^
'^-^

/-<

O
fc

c
c5

H
^
o
5S-

O
Si

s^

I
cy:

a o

^
J,

Q=.

b
sr

o_ A

<

S
a

O
C"

U^

ARABE.
nous montre cet arabe prislamique. Nous
la

289

publions d'aprs

le croquis original de M. Waddinglon, en y joignant la traduction de la partie arabe par le baron de Slane.

Le

texte grec

nous fournit

la

date du

monument

et,

par

consquent, de l'inscription. L'anne /iG3 de Bosra, pre-

mire indiction, correspond l'aime 568 de notre re.


Voil donc

comment

crivaient les Arabes soixante ans

avant
les

l'iigire. Il n'y a
la

plus qu'un pas faire pour rejoindre

formes de

belle inscription coufique peinte en or sur


et

la

qoubbet es-Sakbrali, Jrusalem,

qui date de

la

fon-

dation de l'difice par le khalife Abd-el-Melik, en l'an 72 de


l'hgire
:

l/^loJloU^lciUl .rux ni

f rii

fl

_Z3

et-"

|<t

Ji

r>

..

A jil

II L

CU

LU (O

^^i_i_o

^-JI/k

jUg^L

blJJL

>-^

.g oLUL .^lr. dli^L

j=^

^u

construit cette qoiibbeh le serviteur de Dieu Abd-[Allali-el-Imainl'ait

ai-Mamoun], prince des croyants, eu Tanne'e 79; que Dieu


agre'able [et soit content

pour

de lui! Amen].

L'inscription porte le

nom du

khalife Abd-Allah

el-Imam
19

290

DEUXIEME PARTIE.
a tabli
^^^

al-Mamoun; mais M. de Vogii

que

le

khalife

Al-Mamoun

avait substitu son

nom

celui d'Abd-el-Melik,

tout en oubliant de changer la date.

Nous retrouvons
tions coufiques

le

mme type

d'criture dans les inscrip-

dcouvertes par M. Renan dans la campagne

de

Byblos^'^^ et

dans

celles qui ont t releves

par M. de

Vogii dans le dsert du Safa et qui paraissent dater des

premiers sicles de l'hgire. Nous publions l'une de ces dernires (^^, avec la transcription en caractres neskhi et la tra-

duction qu'en a donnes M. Gh. Schefer

tlJ oJ

vj

::io

\ol

>--C
J

^lJ
I I

kI
jjji^LaJi tiJ^lx
jj

I-

i^^
*X^^
il

Ll^
A^\

J>Ji^jJ aX~w:>!^ ^.jJ' {j?

mon
les

Dieu! accorde ton pardon

Mohammed,

fils

de Wlid, et

fais-le entrer par ta mise'ricorde parmi tes serviteurs qui pratiquent

bonnes uvres.

partir de ce

moment,

l'criture coufique

ne

s'est

plus

gure modifie, ou du moins ses modifications sont d'ordre

purement calligraphique;

l'criture coufique des manuscrits


celle des inscriptions.

ne diffre pas sensiblement de

Le neski
''
^''

enfin

marque

la

dernire tape dans l'histoire

Temple de Jrusalem , p. 85, Paris, Baudry, i854.


Mission de Phnicie , p. ai 7, 2/19, 20^.
Syrie centrale, p. i43, n" 16, et pi. XVIII.

^''

ARABE.
lies Iransforniatioiis

291

de l'alpliabet phnicien. Cette criture lance et gracieuse est au coufique ce qu'est, en syriaque,
le jacobite

l'estranglilo; c'est

elle

qui a prvalu dans

Tusage courant de l'criture arabe.


Jusqu'en 1826,
les savants
il

tait

reu d'un

commun

accord, parmi
l'cri-

qui ont

fait

des recherches sur l'origine de

ture arabe,

que

le

caractre neskhi tait de deux ou trois


et qu'il devait ses

sicles postrieur

au coufique
vizir

formes ac-

tuelles
et

Ebn-Mokla,

des khalifes abbassides Moklader

Kaher, mort en Tan 82/1 ou 826 de l'hgire. Cette sup-

position a t

dmontre fausse par l'importante dcouverte


la collection

de Silvestre de Sacy, qui a trouv dans

gyp-

tienne conserve au Louvre plusieurs papyrus crits en caractres neskhi, et dont le plus ancien est de
l'an fio

aprs

la fuite

de Mahomet, ou de

l'an

660 de notre

re

(').

L'apparition

du neskhi

est

donc presque contemporaine

de

celle

de

l'criture coufique sur les

monuments. Et pour-

tant le neskhi a l'air

prsente

un

tat

palographiquement plus jeune; il replus avanc de l'criture arabe; il repr-

sente surtout une autre tendance.


tel

Le coufique

est l'arabe

de Syrie; le neskhi, au contraire, est l'arabe d'Egypte; une de ses ramifications a

qu'on

l'crivait

en Arabie

et sur la cte

quel on confond tous

donn naissance au maghrbin, nom sous leles alphabets du Maghreb, c'est--dire

de l'Occident, depuis la Libye jusqu'au Maroc. Il n'est pas dfendu de croire que les deux grandes branches de l'criMmoire sur quelques papyrus crits en arabe et rcemment trouvs en Egjpte, lu en juin iSaS {Mm. de l'Acad. des inscr., t. IX, i83i, p. 66Mmoire sur deux papyrus, crits en langue 80). arabe, appartenant la collection du roi, lu le 3o mai-s 1827 {ibidem, t. X, i833, p. 65-88). Cf. Journal asiatique , t. X, 18^7, p. 209-231.
^

C'

9-

292

DEUXIME PARTIE.

ture arabe, le coufique et le iieskhi, ont subi des iiillueiices


dilTrentes dont
ils

portent la trace.
l'origine

La question de
on

de l'criture arabe

n'est

pas

aussi simple qu'elle parat l'tre


jette les

au premier abord. Quand

yeux sur

les

anciennes inscriptions coufiques,


la

on ne peut en mconnatre

grande analogie avec

l'crilure

syriaque et spcialement avec l'eslranghlo. Aussi est-ce de


ce ct

que

l'on a

cherch tout d'abord l'explication de

l'cri-

ture arabe. La dcouverte des inscriptions nabatennes d'El-

Hedjr a modifi notre manire de voir sur ce point

comme

sur tant d'autres. Elle a prouv que l'criture nabatenne


avait t
le

employe par

les et

populations indignes dans tout


la

nord de l'Arabie,
les

jusqu'aux portes de

Mecque,

dans

premiers
si

sicles

de notre re. Elle nous invite donc

rechercher

l'criture

nabatenne n'aurait pas eu

sa part

dans

la

formation de l'alphabet arabe.

Si l'on

reprend avec cette ide l'examen de l'alphabet


lettre,

arabe lettre par

on s'aperoit

qu'il

prsente avec

le

nabaten des ressemblances profondes; certaines

lettres

sont beaucoup moins uses en coufique qu'en syriaque;

pour trouver une forme qui

les explique,

il

faut

remonter

jusqu' l'alphabet de Mdan Saleh, ou du moins jusqu'aux

formes dj plus altres des inscriptions du Sina. Le


coufique
iU-

stn

n'est pas atrophi

comme en
sin

syriaque

x., et

ses trois ttes sont

un souvenir du
;

nabaten

jui^;

an

est

encore Van nabaten _J/

Viod, le qof, le teth et le

vau de

mme :c

= ^;^=P;ia =

|^;^

1; 1^ daklli

et le resh,

confondus en syriaque, au point

qu'il faut

pour
-^ -H
,

les distinguer avoir

recours des points diacritiques,

sont, en coufique, trs diffrents; enfin le lamed, au lieu

ARABE.
de se pencher sur
fuse
la ligne,

293

A,

s'lve

en

l'air

comme une
et

j, et

il

affecte ces

formes droites et lances qui

sont

communes

l'criture

nabatenne

et l'arabe,

donnent leurs lignes


d'orgue

l'aspect de longues files


le ciel.
le

de tuyaux
l'criture

montant vers

En deux mots,

arabe saute par-dessus


baten.

syriaque et va rejoindre le na-

Et pourtant l'aspect gnral du coufique rappelle d'une


faon incontestable
celui de l'criture syriaque
:

c'est

la

mme
mme

galit

des lettres au-dessus de la ligne,


les

rompue
Yalef, la

seulement par

grandes tiges du lamed


les traverse toutes.

et

de

barre rigide qui

Le coufique

n'a

rien des allures capricieuses

du nabaten. Nous ne savons


de
l'criture chez les

pas assez

le dtail

de

l'histoire locale

diffrentes tribus de l'Arabie

pour pouvoir nous prononcer


il

en pleine connaissance de cause; mais


riaque, dont l'influence

semble que
si

le sy-

s'est fait sentir

loin, ait aussi

exerc son action sur la constitution de l'criture coufique.

Peut-tre le dveloppement du christianisme qui avait pour

organe, dans

les

pays d'Orient, l'criture syriaque,


la direction

n'a-t-il

pas t tranger

qu'a prise l'criture arabe,


et la

en Syrie aussi bien qu' Mdine


voulions rsumer en
l'criture coufique,

Mecque.

Si

nous

un mot

l'impression

que nous produit

nous dirions que

c'est

un alphabet na-

baten transform par l'imitation de l'criture syriaque.


contraire
,

Au

l'arabe d'Egypte

le

neskhi

tant rest plus loisa libert d'allures

gn des influences syriaques, a conserv


el se rvle

nous

comme

l'hritier naturel

du nabaten.
le

Les deux grandes branches de l'criture arabe,


fique et le nesklii, nous prsentent en

cou-

somme

le

mme

phnomne que nous avons

signal propos de l'eslran-

20/

DEUXIME PARTIE,

ghlo et du jacobile, un courant oriental et un courant occidental.

On

dirait qu'il y a des influences gnrales

de mi-

lieu auxquelles l'criture

ne peut pas

se soustraire. L'arabe

oriental, le coufique, s'est faonn sur le

modle du sy-

riaque, et la ressemblance, au lieu d'aller en diminuant,


s'est

accentue avec

le

temps. Elle est moins

le

rsultat

d'une parent originelle que d'une tendance

commune
loi.

de

l'criture, peut-tre aussi d'influences locales trs puissantes.

L'arabe occidental,

le

neskhi, obit une autre


c'est la

Mais

ici

encore Jacob a supplant Esaii;


qui a
fini

branche occidentale
le jacobile
l'tri-

par l'emporter, comme, en syriaque,


et le neskhi est

avait vinc l'estranghlo,

devenu

ture non seulement de l'Afrique musulmane, mais de la

plupart des pays de langue arabe.

Malgr

le

dveloppement extraordinaire de

sa littrature,

l'arabe, partir de l'hgire, n'apporte

que bien peu de chose

l'histoire de l'criture ;
C'est

il

perdu

le

sentiment de ses origines.

moins une criture qu'une calligraphie qui recherche


l'ornementation; elle se plie aux

les formes lgantes et vise

formes de

la

dcoration architecturale, elle en suit les con-

tours, elle s'y

mle

si

bien, que le

mot

arabesque a

fini

par

dsigner

un motif d'ornementation plutt qu'une


presque plus;
elle

criture.

La

lettre n'existe

n'a plus cette

forme

toujours constante qui en faisait le caractre distinctif et


elle se

modifie suivant

la

place qu'elle occupe dans le mot.

Non seulement

l'arabe, qui a pouss plus loin

qu'aucune

autre langue smitique l'analyse des sons

du langage, pospour rendre

sde une richesse de lettres beaucoup plus grande que les


autres alphabets de la

mme

famille; mais,

toutes les situations d'une lettre dans


il

ragcncement du mot,

lui

faut avoir recours

une varit de formes presque

AIWBE.
infinie, qui se plie diiicilement la rgiilai'it

295

de nos ca-

ractres Lypograpliiqiics. L'al[)Iiabet turc grav sous la di-

rection de

M. Barbier de Meyiiard l'Imprimerie nationale

ne compte pas moins de 720 caractres ou groupes de caractres dilTrents.


tiale,

En

arabe, cbaque lettre a une forme ini-

mdiale

et finale.

Lance liardiment au commencement


au-dessous de
la ligne et se elle suit le

du mot,

la fin elle s'abaisse

termine en forme de parafe; au milieu enfin,

mouvement
lui

gnral du mot, dont elle est esclave et, pour


est oblig

rendre son individualit, l'arabe

de multiplier
le

les points diacritiques

dont nous avons trouv

germe en

syriaque et en palmyrnien.

t^

k^irfitiiijylrrjl:;:^:^^^

m imimmmitmm^iM^mm^it^^^

296

DEUXIEME PARTI

CHAPITRE XL
LKS POINTS VOYELLES.
L'histoire de l'criture

aramenne nous a conduits

jus-

qu'

la

constitution

des alphabets smitiques modernes,

li'libreu, le

syriaque et l'arabe appartiennent ce qu'on

pourrait appeler la priode littraire de l'histoire de l'criture.

Cette dernire phase de la vie des alphabets smi-

tiques a t

marque par une


les

cration nouvelle

les voyelles

qui leur manquaient,

Smites, aussi bien hbreux qu'a

rabes, les ont ajoutes

leur criture, mais sans jamais

leur donner place dans l'alphabet.

Les Phniciens n'crivaient pas

les voyelles.
ils

Les Hbreux
n'ont russi

paraissent avoir senti cette lacune; jamais


isoler les voyelles,

mais

l'histoire

de leur criture tmoigne

d'une tendance
complte.
les
Ils

les

exprimer d'une faon de plus en plus

ont employ primitivement cet effet,

comme

Grecs, certaines lettres, gutturales ou semi-voyelles,


le

qui se rapprochaient des voyelles pour

son, tout en leur

conservant dans d'autres cas leur valeur

comme

consonnes.

La
et

mme

lettre

pouvait donc tre alternativement voyelle


,

consonne. Cet usage dont on trouve

les

premires traces,

encore fort rudimentaires, dans l'inscription de Msa, semble


ne s'tre dvelopp qu'au contact des Aramens; mais alors
il

reut une grande extension; on adopta le iod pour rendre


et \i longs, le

l'e

vau pour

l'o

et \u; puis

on leur adjoignit

des gutturales, Ynlef el, en phnicien, l'^m; enfin, peu

peu. au lieu de rendre par des consonnes

les voyelles

Ion-

LES POINTS VOYELLES.


<Tues

297
exprinner toutes
le

seulement, on prit l'habitucle de

les

de cette manire. En

mme

temps, on perdait

souvenir

de

la

valeur primitive de ces consonnes, et on en vint les


les

employer presque indistinctement


si

unes pour
la

les autres,

bien qu'elles finirent par marquer

place plutt que le

son des voyelles.


Cette faon d'indiquer les voyelles devait tre insuffisante
la

du jour o l'hbreu
livre; aussi

cessait d'tre parl


la

pour devenir
ce

langue d'un

voyons-nous remplace

moment par une

notation des voyelles

purement

artificielle

et trangre l'organisme

de fcriture. Les points voyelles

sont soit des points, soit de pelits traits, qui

accompa-

gnent

les

consonnes

et sont disposs

de manire rendre,
les

par leurs diverses combinaisons, toutes


voyelles.

nuances des

Le dfaut de ce systme
oCi

est d'avoir t

compos

une poque

l'hbreu n'tait plus gure employ que

par

les savants et

de ne pas correspondre toujours exactel'ancienne langue hbraque.

ment au vocalisme de

Les points voyelles toutefois n'ont pas t crs tout


d'une pice. L'ide premire parat en avoir t emprunte

au syriaque, qui possdait dj, lorsque

les points voyelles

furent adopts par les Juifs, un systme analogue, quoique plus simple.

Dans

l'origine, le syriaque,

comme

les

autres

langues smitiques, se servait des consonnes alef], vau o,


et iod
.*

pour rendre

les voyelles.

Cette notation donnant

lieu

de nombreuses confusions, on imagina de distinguer


les

par des points diacritiques


dont chacune de ces
tible
:

diffrentes prononciations

trois voyelles auxiliaires tait suscepla lettre

un point plac au-dessus de

indiqua une

prononciation sourde; un point au-dessous, une prononciation aigu.

298

DEUXIEME PARTIE.
la littrature

Le dveioppoment de

syriaque et

la

Ira-

duction des auteurs grecs, en introduisant dans la langue

un grand nombre de mots trangers, devaient


le

faire sentir

besoin
sicle,

d'une indication plus

exacte

des voyelles.

Xu
l'an-

vni'"

Jacques

et

Thophile d'Edesse remplacrent

cienne notation par les voyelles grecques A H

Y; ces

lettres, places dans leur position normale par des scribes


f[ui

crivaient de liant en bas, nous paraissent renverses

^'r-p>

quand nous

lisons

horizontalement une page de sy-

riaque.

Le nouveau systme, adopt par Tcole d'Edesse,


par tous
les jacobites et

fut accept

a prvalu avec eux. Les

nestoriens, au contraire, continurent se servir

pour

l'es-

tranghlo de l'ancien systme lgrement modifi.


C'est le

mme

principe que nous trouvons la base des

points voyelles en

hbreu. Sous l'influence syriaque sans


la ligne

doute, on adopta d'abord un point au-dessous de

pour exprimer

1'/,

un au-dessus pour
l'a

o, puis

un au milieu

pour Vu; enfin, on cra pour

et

l'e,

tant brefs que longs,

des signes plus complexes. Le Talmud, qui fut rdig vers


le
IV*'

sicle

de notre re, ne porte pas encore trace de

points voyelles; au contraire, dans les premiers manuscrits

bibliques

qui datent du

x^

sicle,

on trouve

le

systme

au complet. L'ancienne notation des voyelles au moyen des


maires leclionis tait devenue inutile; toutefois,
texte tait sacr,

comme

le

on
la

les

conserva; mais les grammairiens du

moyen ge

et

de

renaissance, pour indiquer que ces lettres


et

n'avaient plus de fonction, les ont appeles

lettres

fai-

nantes n, hueras

qitiescentes.

Les points voyelles ont pass, avec de lgres modifications,

dans l'criture arabe; seulement l'arabe ayant contitre

nu

une langue vivante,

il

sufii

d'une notation

LES POINTS VOYKLLES.


beaucoup moins complique pour marquer
de voyelles que
la

299

prononciation
ont toujours

l'on coiuiaissait et qui d'ailleurs

conserv quelque chose de vague et d'indtermin. Les petits


accents au

moyen desquels
l'air

les

Arabes notent

les

voyelles
sys-

ont plutt

d'indications jetes en passant

que d'un

tme savant

et raisonn,

comme

l'est celui

des points voyelles

dans l'criture massortique. Les Arabes eux-mmes en font

peu de

cas et ne s'en

servent qu'accidentellement.

C'est

comme l'aumne donne


une race superbe qui

aux faibles

et

aux trangers par

se suffit

elle-mme, se drape dans

son criture et passe au milieu des infidles sans prouver


le

besoin de se faire comprendre de ceux qui ne possdent


la

pas

vraie religion.

Nous sommes arrivs au terme de

l'volution de l'alpha-

bet phnicien. Ds l'origine, nous avons constat qu'il avait

une tendance

simplifier la

forme des

lettres et les crire

d'un seul trait, sans lever la main;


naturel de cette tendance qui a
tracer

c'est le

dveloppement
arabe

amen
mot

l'criture

non plus

la lettre,

mais

le

entier, d'une seule

venue. Dans l'criture arabe,

la lettre a

perdu son existence

indpendante;

elle n'est plus

qu'un lment d'un groupe


si

plus complexe, qui est le mot,

bien qu'il faut dj

com-

prendre l'arabe pour

le

pouvoir

lire.

Mme

dans cette der-

nire transformation, l'arabe est

demeur conforme au gnie

des peuples smitiques. Jamais les langues smitiques ne


sont arrives une conscience nette des voyelles; celles-ci
n'ont jamais t qu'un lment indcis et flottant au milieu

des consonnes;
le

la vritable unit

de prononciation,

c'est

mot. L'absence des voyelles dans l'alphabet de vingtlettres cr

deux

par

les

Phniciens n'tait pas un accident;

300
c'tait l'indice

DEUXIME PARTIE.
d'un tat d'esprit que les Smites n'ont jamais
les

dpass.

Au fond,

langues smitiques sont toujours res-

tes esclaves de la syllabe;

mme

aprs

la

cration de

l'al-

pliabet, la voyelle a continu d'tre comprise dans la con-

sonne qui

la

prcdait. Et

quand

les

Smites ont voulu

crer des signes spciaux pour exprimer les voyelles, ce n'a

jamais t que pour faciliter la lecture; leurs voyelles n'ont


])as cess d'tre

des maires

lectionis,

places en dehors de la
Il

ligne et livres tous les caprices de la prononciation.


fallait le

gnie indo-europen pour assigner aux voyelles

leur place organique dans le langage et pour y reconnatre

un lment de

la

parole, aussi essentiel que la consonne et

sujet des modifications rgles

par des

lois,

dont

la

dter-

mination a donn naissance, en notre sicle, aux merveilleux dveloppements de la philologie compare.


r.

__^

n-

il-

o
.o

^
<
*>

"^
^

kJ

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-1

t.

^
J|

^
^

4J

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-^

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-r-r\^f>>v^^P-J^:^-R
#>-^4>>
.^

*~NX^i^<^>

P_

>

TROISIEME PARTIE.
LKS ALPHABETS DE LV LISIRE DU MONDE ANCIEN.

CHAPITRE PREMIER.

HIMYARITE.

En dehors du

cercle des alphabets drivs


l'histoire et suivre

du phnicien,

dont on peut refaire

sur des
il

monuments
est qui

certains les transformations successives,

en

pa-

raissent s'y rattacher, sans qu'il soit possible d'en

dmontrer
s'y

rigoureusement

l'origine, d'autres

mme

qui ne

ratta-

chent pas. Ces derniers toutefois sont en


et la

trs petit

nombre,

plupart des alphabets que l'on considrait jadis


la

comme

indpendants rentrent aujourd'hui dans


alphabets smito-japhtiques.

grande famille des

Le groupe

le

plus important de ces drivs lointains

du

phnicien comprend les alphabets smitiques du Sud, qui


s'tendaient des deux cts de la
l'Abyssinie, et dont

mer Rouge, de l'Ymen


s'est

une ramification

avance,
Syrie.

tra-

vers l'Arabie, jusqu'au milieu

du dsert de

Pendant longtemps, on

n'a

connu qu'un alphabet apparte,

nant cette famille, l'alphabet thiopien on ghe: dont se servaient les anciennes populations chrtiennes de l'Abyssinie.

302

TROISIEME PARTIE.
possde des manuscrits thiopiens crits avec ces cacpii

Ou

ractres dans les premiers sicles de notre re, et

nous

ont conserv diffrents livres apocryphes, le livre d'Enocli,


le livi'e

des Jubils, ainsi qu'une ancienne version de

la Bible.

L'criture thiopienne s'est transmise jusqu'

nous, avec

quelques modifications, dans \ amharique qui


,

est

encore au-

jourd'hui l'criture liturgique des Abyssins.


lettres

La forme des

de cet alphabet ne rappelle en rien l'criture phni-

cienne, et l'origine de l'thiopien restait enveloppe de mystre, lorsque la

dcouverte des inscriptions himyarites


les liens

est

venue jeter quelque lumire sur


aux alphabets asiatiques.

qui

le

rattachent

Au sud de
le

l'Arabie se trouvait

un empire bien connu

des anciens et qui passait pour avoir jet un grand clat,

royaume de Saba.
l'est;

Il

avait

pour capitales Saba

et

Ma-

riaba,

Radan, l'ouest. Les crivains ecclsias-

tiques et, leur suite, les auteurs

musulmans

l'ont

appel

l'empire liimyarite, du
l'ancien

nom
de

d'une dynastie qui remplaa


l'an
a

empire saben, dtruit,


rois
la

A aprs J.-C, par

^lius Gallus. Les

dynastie himyarite avaient

tabli leur rsidence

Dhafar, l'une des plus belles et des

principales villes de l'Arabie, situe prs de Sana', la capitale


l're

de l'Ymen. Le

nom

lwm/arile

peine

connu avant

chrtienne, ne dsigne qu'une partie des habitants du

sud de l'Arabie. Toute cette contre, qui parait avoir t trs


peuple et trs florissante,
tait

occupe par un grand

nombre de
ncns,

tribus constitues en

royaumes indpendants.

Pline et Ptolme citent, parmi beaucoup d'autres, les Miles

Homrites,

les

Ghatramotitos i^Alrnmil de Ptol'on ren-

lme),

les

Sabens. Les ruines considrables que

contre chaque pas dans cette contre, devenue aujourd'hui

HIMYARITE.
l'une des plus inhospitalires

'"''

Au globe, atlesteul l'importance


,

Je

cette antique civilisation.

populations du sud de D'o venaient les


la tradition rapporte par

\.ab,e?

n Une
aux

Gense semble

les rattacher

M. UenanO, peuples de race conchite; eta.ent le a suppos qu ds mise par le baron dEckstein, .[u. aupartie du golfe Persniue, produit d'une nngration Alr.que par de l'Arabie et pass de l en rait occup le sud cette inscriptions semble condrmer l'Ethiopie. L'tude des
manire de
von'.
.

.-prenant

une .dce

lumyarites et de 1 criture La dcouverte de la langue Anglais et a un dit Gesenius, deux est due, ainsi que l'a anga.se, officiers de la marnie
Franais.

Wellsted

envu'ons dAden, Gruttenden, en station aux de l'Ymen, plusieurs introuvrent Sana', la capitale fort anades caractres inconnus, scriptions traces avec
et

Eu .835, deux

eux-mmes qu'ils en firent logues l'thiopien, ainsi moi le monde saLeur dcouverte, qui mit en
la

remarque.

puis publie en vant, fut annonce en 1887,


SucieUj Journal 0/ the R. Geographlml
'.

i838 dans

ie

Presque en

mme

temps, un

homme

d'autant d esprit qne

,publiait dans le Journa} de science, Fulgence Fresnel, Islamisme, hkioWc des Arabes avant l ,-fleW ses Leures sw socete juste intelligence de la auxquelles nous devons une de ces lettres, il tablissait arabe prislamiqne. Dans une nom avaient confondu sous e ,|ue les auteurs musulmans delangues trs diverses. Les d'arabe des civilisations et des Doughty et de Gh. Huber, couvertes toutes rcentes de M.
(')

HMnieslmgacssmUhlKS,
Vol.

5-ttliiion, l'aria.
p.

iSCS,

p.

3l4-3-j3.

m W

VU,

i>.

20-34, etvol.VIII,

267.

3' wvie,

t.

et

VI, avril-dcembi-o i838.

304

TROISIME PARTIE.
il

dont
(le

a t question plus haut, ont confirm la justesse

ses vues en ce qui concerne le

nord de l'Arabie. Se

limi-

tant TArabie mridionale, Fresnel

dmontra que Tancien


c'tait

idiome himyarite n'avait pas cess d'exister et que

un

dialecte qui tenait de l'hbreu et de l'arabe, sans se confondre

avec aucun des deux. Des orientalistes de profession, Gesenius, Ewald, Rdiger, se lancrent sur cette piste, et, en

moins de

trois ans,

les inscriptions

de Wellsted

et

Grut-

tenden taient lues

et comprises.

De

nouvelles dcouvertes ne tardrent pas confii'mer

ces premires vues.

En

i8/i3, un voyageur franais, le doc-

leur Franois Arnaud, arriva chez Fresnel, alors

agent

consulaire de France Djeddah, et lui parla d'inscriptions

nombreuses, admirablement graves, analogues


Wellsted
et

celles

de

Gruttenden,

qu'il

avait eu l'occasion de voir


les instances
il

durant un sjour

Mareb. Sur

de Fresnel,

Arnaud

repartit, et

Tanne suivante
faillit lui

revint, rapportant

d'un nouveau voyage, qui


six

couler la vue, cinquante-

insci'iptions
la

himyarites. Fresnel se mit

fuvre

et,

en i8A5,

traduction de ces inscriptions, accompagne


asiaticiue.

d'un commentaire, parut au Jotirnal

Ds

lors, les

tudes himyaritiques taient fondes, et elles n'ont cess de


progresser, grce aux travaux du savant allemand Osiander
et,

plus rcemment, de

MM. Mordtmann,
nombre des

D. H. MuUer,

Halvy, Joseph et Hartwig Derenbourg.

Pendant longtemps,
rest

le

textes
le

connus

tait

peu prs slationnairo. En 1869,

courageux explo-

rateur de l'Arabie du Sud, M. Joseph Halvy, charg par

l'Acadmie des inscriptions et belles-lettres d'une mission

dans l'Ymen, pntra, au pril de sa vie et travers mille


fatigues et des misres de tout genre,

beaucoup plus avant

HIMYARITE.
qu'on ne
les copies
l'avait fait jusqu'alors, et

305

rapporta de son voyage

ou
la

les transcri])lions

de

686

inscriptions,

nou-

velles

pour

plupart

(^).

D'autres voyageurs, moins heureux

que

lui,

ont t massacrs en cherchant pntrer au cur

de l'Arabie. Enfin, dans ces dernires annes,


et Glaser ont

MM. Langer
la

parcouru plus

loisir,

en suivant

route

qu'il avait ouverte, les


soit

mmes

contres, et en ont rapport

de meilleures reproductions de textes qu'il n'avait


Il

pu

copier qu' la hte, soit de nouvelles inscriptions.

n'y a

gure plus d'un an, M. Glaser, qui avait recueilli, lors d'une

premire mission, i5o inscriptions, puis, une seconde


3

fois,

00, vient de revenir pour


la

la troisime

fois

d'un voyage

dans

rgion de Bab-el-Mandeb, avec 2,000 inscriptions

indites, s'chelonnant sur

un espace de plusieurs centaines

d'annes.

Les inscriptions himyarites se distinguent, entre toutes


les inscriptions

smitiques, par leur caractre pigraphique.

Ce sont des
toujours

inscriptions souvent fort longues et qui ont


et dcoratif; elles

un aspect monumental
et

sont ad-

mirablement calibres
sur
le la pierre, tantt

graves avec un grand soin, tantt

sur le

marbre ou sur

l'albtre, tantt sur

bronze. Les lignes sont rgulirement traces, les mots

spars par une barre verticale. Les lettres sont en gnral

grandes

et

profondes; parfois elles sont graves en

relief.

L'inscription est assez souvent


liefs

accompagne de bas-re-

plusieurs tages, qui reprsentent,

comme

certains

tableaux du

moyen ge ou de

la renaissance, plusieurs pi-

sodes successifs de la vie du


''

mme personnage. La stle


dans
le

dont

Rapport sur nne mission

archoJogl'jiie

Yenicn, Paris, 1872.

Etudes sabennes (Extrait du Journal asiatique, mai-juiu, octobre 1878 et dJ-

cembre 187/i), Paris, 1875.

IiraiXEUB lATIOSlLC.

306

TROISIEME PARTIE.
la

nous donnons

reproduction

fait

voir Tauteur

du vu,

le
si-

seigneur Saadaouam, de Madmerani, dans diflrentes


tuations. L'inscription porte
:

I>I]H]]HII]hHor^inAH<i>l>oA

Image

et stle

de Saadaouam, de Madmeram.

Sur
parat,

le

!*='

registre,

on

voit

Saadaouam en costume d'apmajestueusement en

un turban sur

la tte, s'avancer

s'np])uyant sur

un bton de commandement. Son domessur un chameau courant.


et

tique le suit pniblement.

Sur
Les

le 2^ registre,

il

est assis

colliers
la

du chameau, son chargement

son harnache-

ment,

marque de chamelier
est assis

sont fidlement reproduits.

Le domestique
Le
3*^

en croupe.

registre reprsente
la tte rase, est
il

une scne de
le

sacrifice.

Un

per-

sonnage,
s'lance;

couch sur

dos d'un taureau qui

tient les

deux mains sur

le front

du taureau

et

passe sa tte entre les cornes, de faon reproduire la figure

symbolique du disque dans

le croissant.

Devant, un second
d'officiant,

personnage, sans doute Saadaouam, en costume


tient le couteau ^^l Derrire, le

domestique s'apprte frap-

per

la

bte avec
le

un bton, ou peut-tre un marteau.


Ix"^

Enfin, sur

registre,

Saadaouam

est reprsent ca-

racolant firement sur un cheval arabe. Son fidle Achate,

une besace
^''

la

main,
ne
faille

le suit

grands pas.

A moins

qu'il
le

reconnatre, connue on le
le

fait

gnralement,
effet

Saadaouam dans
riche
soit ras aussi

personnage qui amne

taureau.

Il

porte en

un
se

manteau sur

le dos.

On

a toutefois peine croire


la circonstance.

que Saadaouam

compltement poui'

IllMYARlTK.

307

308

TROISIME PARTIE.

L'alphabet himyarile se compose peu prs des


lettres

mmes

alphabets smitiques. Pourtant, on y remarque dj des traces de la diffrenciation de certains

que

les autres

lments phontiques confondus par


II

les

anciens Smites.
telh,
ID,

y a deux daklh, H, H;
ade,
ft,

deux

heth,

H',

^; deux

deux

B.

Ce ddoublement des

lettres, qui

prend

en thiopien un beaucoup plus grand dveloppement, sera

un des

traits caractristiques

de l'criture arabe.

L'aspect gnral de l'criture diffre considrablement

de celui de

l'criture phnicienne.
il

Les

lettres ont

une

fixit

remarquable;

n'y a presque pas de diffrence entre les


les

formes qu'elles revtent sur


si

plus anciennes inscriptions,

l'on

en excepte les inscriptions mynennes dcouvertes par


et sur les plus rcentes; elles sont

M. Glaser,
et carres,

anguleuses
et

nettement spares

les

unes des autres

de

forme en gnral assez complique. Beaucoup d'entre

elles

portent de petites aigrettes, tantt anguleuses, tantt arrondies, qui leur donnent une certaine ressemblance avec
les

chapeaux qui couvrent


ville. Si l'on

les

chemines sur

les toits

d'une

grande

voulait leur trouver

un point de comLe

paraison, en dehors de toute proccupation scientifique,


il

faudrait le chercher dans l'ancienne criture hindoue.


,

mode de formation
en bas de
la lettre,

des lettres de l'alphabet himyarite avec

leurs petits appendices qui se soudent, tantt en haut, tantt

rappelle celui que nous font connatre

les inscriptions

indiennes d'Aoka. Aussi ne manque-t-ii

pas de savants qui ont voulu voir, ou bien,

comme

Fr. Le-

normant

et

comme M.

Taylor, dans l'alphabet indien d'Aoka

un driv de
sius,

l'himyarite, ou bien, au contraire, avec M. Lepl'criture

une iniluence de

indienne dans

la

formation

de l'alphabet thiopien.

HIMVAUITE.
Sur nn cippe en albtre
o"",a5(')

309

poli, large

de o\i95, haut de

HlhniUrtiSinAH

p
1 I

Dz:
I

2i::

^b'i

nbim ^nny
1

2;[s]

lh^f'5i!X?o|ho]^

ipn^'

]vi2p

Cippe de Kasm,
frapper celui qui

fils

de Da[f]a.

Et puisse Athtar l'Oriental

le de'truirait!

'"'

Joseph

et

Harlwig Derenbourg, tudes sur Vpigrnphie du Ymen,


asiatique), Paris,

rie (Extrait

du Journal

i88^,

p.

3G

et

oi, n" 6.

310

TROISIME PARTIE.
tirer

On ne peut
liimvarites, ni

aucune lumire de l'ordre des


l'hisloire

lettres

de leurs noms, pour

de leur ori-

gine, puisque l'himyarite ne nous est


inscriptions; mais

connu que par des

une tude

attentive de la valeur et

mme
cer-

de

la

forme des

lettres

permet de reconnatre dans

l'alpha-

bet liimyarite encore un driv


taines lettres caractristiques,
le

du phnicien.
Vakf h,

Si,

pour

le beth PI, le

h V,

vav , le kaf A, le viem ^, la parent nous chappe,

d'autres lettres au contraire, le lamed ^, le guimel H, le

nun h, Vain

o, et celles

de

la fin

de l'alphabet, kof^, sin ^,


singulire,

tau X, ofi'rent

une

ressemblance

non

point

avec les formes plus ou moins cursives de l'alphabet smitique l'poque perse, mais avec le phnicien le plus ar-

chaque,
les

il

y a

mme

dans la contradiction que prsentent

deux moitis de l'alphabet quelque chose qui pourrait

inspirer des doutes sur la ralit de cette ressemblance.

On

s'tonne

que certaines

lettres aient

gard

travers les

sicles leur

forme primitive, tandis que

les autres s'altraient

au point de devenir mconnaissables,


parfois
si

et

Ton

se

demande

ce qu'on

prend pour des formes archaques ne


fait

serait pas

un emprunt

l'alphabet grec.
la

La

solution

du problme dpend de
dans l'Ymen.

date de l'introduc-

tion de l'alphabet
attribuer

A
a

l'origine

on

tait

port

aux inscriptions himyarites une trs haute anti-

quit;

un examen plus approfondi

montr

qu'il fallait

en

rabattre, et l'on est peut-tre


Il

tomb dans un excs

contraire.

y a vingt ans,

il

tait

admis qu'aucune des inscriptions consicle

nues ne remontait au del du i"

avant notre re.

Une dcouverte que l'on doit M. Gustave Schlumberger marqu le point de dpart d'un revirement dans les ides
Pendant un sjour

h ce sujet.

Constantinople,

il

fut assez

HIMYARITE.

311

lieureux pour acqurir un trsor de deux cents monnaies

himyarites de Sana', de types divers et en grande partie

inconnus ('\ Certaines d'entre


himyarites,
la

elles ont, ct

de lgendes

tte

de chouette des monnaies d'Athnes

accompagne des

lettres

E plus ou moins dformes.


rapporter les monnaies de

M. Schlumherger pense

qu'il faut

celte catgorie l'poque de Sleucus

IV

et

d'Antiochus

Epiphane (187-16/i avant J.-C). Elles prouvent donc que


l'criture himyarite tait

couramment employe ds
mais
elles attestent

la

pre-

mire moiti du second

sicle;

en

mme

temps

l'influence qu'a eue,


la

l'poque des Sleucides, la


l'Arabie, et elles tenl'al-

Grce sur

civilisation

du sud de

draient faire admettre la possibilit d'une action de

phabet grec sur

la

formation de l'alphabet himyarite.

Cette manire de voir, qui pouvait paratre trs spcieuse

lorsqu'on croyait que les inscriptions himyarites appartenaient toutes une poque trs voisine de l're chrtienne,

semble devoir tre abandonne par

suite des dernires

d-

couvertes de M. Glaser. Quoiqu'elles ne soient pas encore

intgralement publies, on en connat d'une faon gnrale


les rsultats.

Les inscriptions de M. Glaser


ries.

se divisent

en deux catgo-

Les unes sont des inscriptions himyarites, au sens ordi-

naire

du mot,

et

appartiennent

la

mme

priode que les

inscriptions antrieurement connues. Plusieurs proviennent

mme
ainsi

des rois de

la

dynastie chrtienne, et parmi elles cer-

tains textes prsentant

un

intrt de

premier ordre;

c'est

que M. Glaser a trouv une inscription historique de


d'Ili-

cent trente-deux lignes, racontant une guerre du roi

myar avec
^''

le roi

des Romains.

Le

trsor de

Sana'; monnaies himyarttiques , Paris, 1880.

312

TROISIME PARTIE.
ct de CCS inscriptions,
il

on a trouv d'autres en

grand nombre qui appartiennent des temps beaucoup plus


reuls. Elles ne sont pas crites avec l'alpbabet
tal

monumenfait

et carr

que

les inscriptions

himyarites nous ont

connatre, mais avec des caractres de la

mme

famille,

beaucoup plus simples,

et

qui se rapprochent davantage


il

de ceux des inscriptions du Safa dont


loin, et des inscriptions

sera question plus

tbamoudennes dcouvertes par Ch.


l'Arabie.

Huber dans
l'Ymen, o

le

nord de

Ces inscriptions se rencon-

trent spcialement dans la partie la plus septentrionale de


les

auteurs anciens plaaient

le

royaume des
une foule de
correspon-

Mynens.

Ellps contiennent, ce

que

l'on dit,

noms de

rois, qui portent des titres diffrents,

dant des poques diffrentes, et chacune de ces sries


royales est reprsente par cinquante ou soixante

noms,

si

bien que l'on serait oblig de rapporter une poque trs


recule les premires de ces inscriptions. D'aprs l'opinion

de certains savants, de
l'an

elles

remonteraient jusqu'aux environs


calculs les plus
v^

looo; d'aprs

les

modrs,

elles

iraient

en tout cas jusqu'au

ou au

vi*^

sicle

avant notre
avait son al-

re, et, cette poque, le

royaume de Saba

phabet tout form

et

son pigraphie.

Quand
pourra se
se livrer

les

inscriptions de

M. Glaser seront publies, on


et

faire

une ide plus exacte de leur antiquit,

un examen compar de l'alphabet mynen, qui


la filiation.

permette d'en tablir


vertes donnent

Ds prsent,

ces dcou-

un

certain poids l'opinion qui voit dans

l'alphabet himyarite
le

un driv du phnicien archaque

et

rattache l'ancienne civilisation sabenne, qui a laiss


si

de

profonds souvenirs dans l'imagination des peuples

smitiques, au temps o la reine de Saba rendait visite

THIOPIEN.
Saloiiion et

313

les vaisseaux

de Hiram se rencontraient dans

la nier l^oiige

avec ceux du roi d'Isral pour aller chercher

Ophir de

l'or,

de

l'ivoire,

des singes et des paons.

En

tout

cas, elles

donnent raison M. Halvy, qui voudrait voir


le

remplacer

nom

d'insci'iptions himyarites
eflfet,

par celui d'in-

scriptions sabennes. C'est, en

dans l'ancien royaume


de
la civilisation

de Saba

qu'il faut placer le foyer primitif

du sud de

l'Arabie et de l'criture

que nous ont conserve

les inscriptions

de TYmen.

ALPHABET ETHIOPIEi\.

De l'Ymen,
la suite

l'alphabet saben a pntr en Afrique,

de l'invasion en Abyssinie des populations du sud


le

de l'Arabie parlant
qu' nos jours.
a-t-il

ghez,

et

il

s'y

est

maintenu jus-

quelle date eut lieu cet vnement?

mme

eu conqute proprement parler, ou bien une


l'histoire des
?

de ces infdtrations lentes dont

migrations des
incline

peuples nous ofTre tant d'exemples

M. Renan
en
soit,

pour

la

seconde de ces hypothses. Quoi

qu'il

au

iv*^

sicle les

Abyssins se convertirent au christianisme, et, partir de ce

moment, nous pouvons


l'histoire

suivre, sur des

monuments

certains,

de l'criture thiopienne. Le plus ancien


la

monula

ment de

littrature thiopienne est

une version de
de
la

Bible, qui doit dater

du temps

mme

prdication

chrtienne. D'autres traductions,

notamment

celle

du

livre
les

apocryphe d'Enoch, sont de peu postrieures; mais, sur

plus anciens manuscrits dj, l'criture thiopienne a un


caractre trs diffrent de l'himyarite
:

ce n'est plus

une

criture lapidaire; on y reconnat les formes arrondies de


la

palographie manuscrite.

314

TROISIME PARTIE.
l'un

Le passage de
fourni

de ces alphabets l'autre nous


inscriptions

est

par deux importantes

dcouvertes

Axum

en iSSo^'). Sur

la

plus grande, le roi Azanas, qui

s'intitule roi

d'Axum

et d'Hiniyar,

de Radan
le roi

et

de Saba,

et

de Salhen, raconte ses victoires sur


inscriptions d'Axuni sont

des Falasha. Les


la

donc postrieures
iv'^

conversion

des Abyssins, qui eut lieu au

sicle, et antrieures la

conqute de l'Arabie Heureuse par Chosros; cette conqute


ayant eu lieu au
v""

vi^

sicle,

il

faut les placer environ

au

sicle

de notre re. Des inscriptions grecques del


et

mme

poque

probablement du

mme

roi

confirment ces con-

clusions.

L'criture thiopienne des sicles postrieurs s'carte de

l'himyarite

non seulement par

la

forme des

lettres,

mais

par leur ordre dans l'alphabet

et

par leur nombre. Les d-

doublements de sons confondus dans l'ancien alphabet smitique sont


et,

beaucoup plus nombreux que dans l'himyarite,


ces

pour dsigner

nouveaux phonmes, on cre de nou-

velles lettres,

formes des caractres primitifs au


qui viennent s'accrocher,

moyen de
des anle clasdiff-

traits additionnels

tennes, la tte des lettres.

comme En mme temps, dans

sement des

lettres

de l'alphabet, on adopte un ordre

rent de celui de l'alphabet phnicien; les lettres sont groupes, ainsi qu'en arabe, d'aprs des analogies de forme tout
extrieures; elles n'ont conserv de l'ancien alphabet
leurs noms. Enfin, l'thiopien nous prsente

que

un phnomne
syriaque nous

analogue

celui

dont l'hbreu carr


:

et dj le

avaient fourni l'exemple

la cration

de signes spciaux pour

marquer

les voyelles.

Ces voyelles sont indiques,

comme

^''

Riippcll, lieiae in Abyssinien

i838,

vol. II, p.

;^

68-2 81

et pi. V.

INSCRIPTIONS DU SAFA.
en syriaque, par les lettres
alef,

315

lod et vau, rduites leur

plus simple expression. Seulement, tandis qu'en syriaque


elles sont toujours restes trangres

l'organisme de

l'-

criture, en thiopien elles se soudent

aux

lettres, transfor-

mant

l'alphabet en
petits

un

vritable syllabaire.

Ces

appendices, qui se suspendent aux lettres, leur

donnent une certaine ressemblance avec l'alphabet indien


d'Aoka, ressemblance qui a pu faire croire Lepsius que
l'alpliabet thiopien s'tait inspir

de celui de l'Inde.

11

suffit

du dveloppement naturel de
pliquer cette transformation.

l'criture smitique

pour ex-

Du moment

qu'elle voulait
l'criture

exprimer

les voyelles et leur

donner une place,

smitique devait retourner au syllabisme


tie,

d'oii elle tait

sor-

parce qu'elle n'est jamais arrive concevoir la voyelle


la

indpendante de

consonne.

INSCRIPTIONS DU SAFA.

ct de la transformation littraire et savante qui a fait

sortir le syllabaire thiopien

de l'himyarite, nous trouvons,


l'criture

en Arabie mme, une autre branche de

sabenne,

qui a eu des destines moins brillantes, mais qui n'est peuttre pas

moins importante pour

l'histoire

des anciennes

populations de l'Arabie. C'est celle que nous ont rvle les


inscriptions

du

Safa.

L'influence del civilisation sabenne n'tait pas limite

au sud de l'Arabie;
extrmes du

elle s'est fait sentir

jusqu'aux limites
l'est

monde arabe avant Mahomet. A


une rgion volcanique,

du massif

du Haurn

se trouve

le

Harra, v-

ritable dsert de blocs

de lave, qui s'tend perte de vue,

formant deux massifs

distincts, celui

du Ledja, plus rappro-

316

TROISIME PARTIE.
et qui

ch du Haurii

prsente encore quelques traces de


Safa.

vgtation, et celui

du

Ce dernier

offre rasj)ect

d'une

mer de
noire et

blocs basaltiques aux angles arrondis, la surface


lisse,

qui varient de

la

grosseur du poing celle

d'un corps d'bonime. Ce dsert est limit au nord et au

sud par deux cnes volcaniques,

le

Djebel-Ss

et le

N-

mara,

qui portent des traces de

camps

fortifis

occups

autrefois par des postes romains.

Toute cette rgion


contre

est

couverte d'inscriptions qu'on rent babits,

non seulement autour des points qui ont


les routes

mais sur

qui y conduisent, en plein dsert.

On

trouve, ct Ae

graffiti grecs et latins et de formules pieuses

en caractres coufiques, des inscriptions, en beaucoup plus

grand nombre, traces en caractres qui rappellent,

ainsi

que Wetzstein

l'avait dj

remarqu, malgr leur forme

irrgulire et capricieuse, l'criture bimyarite. Ces inscriptions, qui se

comptent par

milliers, sont

rarement

isoles;

on

les

rencontre gnralement par groupes, et surtout sur

des accumulations de pierres, sortes de tumuU grossiers qui


rappellent les gagals levs par les peuples smitiques en

souvenir d'vnements dont

ils

voulaient conserver

la

md-

moire. L'histoire des patriarches et celle de la conqute de


la Palestine

nous en offrent plus d'un exemple.

On

les

signe dans le dsert sous le

nom de

r'idjvi.

Ces inscriptions sont traces


bien graves en
sur
la

l'aide

du martelage, ou

traits fins et nets

qui se dtachent en clair

surface noire

du roc

et prsentent

une coloration
les

rougeatre due au grain de la pierre. Elles affectent


les plus capricieuses et les plus irrgnlires.

formes

Les caractres

sont dirigs tantt dans

un

sens, tantt dans


e( les

un autre;

la

ligne suit les accidents de la pierre

caprices de sa sur-

INSCRIPTIONS DU SAFA.
face, taiilt revenant sur

317
sorte de

elle-mme

comme une

bouslrophdon, tantt

se repliant, s'enchevlrant sans rgle


les reprsentations figures

apparente et encadrant

qui ac-

compagnent souvent

ces inscriptions, des guerriers cheval

en armes, des femmes, des animaux, quelquefois


figures mythologiques.

mme

des

Le premier Europen qui


Safa est
aprs, le
recueillit
le

ait signal les iiiscriplions

du

voyageur anglais Cyril Graliam, en iSBy. Peu


Wetzslein, durant son sjour dans le HaurAn,
rochers

D""

sur les
et
il

du Safa

260

inscriptions

du

mme

genre,

en publia une dizaine dans un mmoire

318
clbre
('),

TROISIEME PARTIE.
avec des vues, sur l'origine et
le

caractre de cette

criture,
justesse.

dont

les
c'est

dcouvertes ultrieures ont dmontr

Mais

encore

au voyage
la

d'exploration

de

MM. Waddington
Ton doit
la

et

de Vogii dans

Syrie centrale que

connaissance exacte et complte des inscriptions

du Safa, qui a permis


le

M. Halvy d'en

tenter avec succs

dchiffrement.

M. de Vogii
qu'il a

recueillit plus

de /loo de ces inscriptions,

publies dans le volume sur la Syrie centrale auquel


fait

nous avons dj
lui

de nombreux renvois
la description

(^).

C'est d'aprs

que nous avons donn

de ces anciens mo-

numents. Les originaux de quelques-uns d'entre eux, rapports par lui, sont conservs au

muse du Louvre.
les inscriptions

Dj M. Blau avait entrepris de dchiffrer

du

Safa; mais, gar par l'ide


il

que
le

cette criture devait ca-

cher de l'arabe,

avait

mconnu

sens de ces petits textes.


fut gure plus
l'aide

Une

tentative de

M. D. H. Muller ne
^^)

heu-

reuse.

M. Halvy

reprit le

problme,
et
il

des in-

scriptions publies par

M. de Vogu,

parvint recon-

natre le

mot D = p

ffhis

de^, qui spare


lui

les

noms

propres.

Celte dcouverte

non seulement

donnait deux lettres


les

de l'alphabet safatique, mais permettait d'isoler


propres et elle prouvait
qu'il fallait

noms
le

chercher l'explication

de ces inscriptions, non du ct de l'aramen, mais dans


saben, qui emploie
signifier
crfilsii.

le

mme mot que

l'hbreu, hen, pour


il

En s'appuyant
Ihmvan imd
die

sur cette base solide,

est

'"'

Reiseherichl iiber

Trachonen, Reiiin, 1860.


:

^*^

Syrie centrale. Inscriptions smitiques, 2' partie

Les inscriptions du Safa,

Paris, 1876.
''''

Essai sur

les.

inscriptions

du Safa (Extrait du Journal asiatique , 7' srie,

vol.

X, 1877,

p, agS-Zioo).

INSCRIPTIONS DU SAFA.
arriv

319

peu peu

dterminer

les

valeurs des diirentes


ainsi

lettres safatiques et traduire les

noms propres,

qu'un

certain

nombre
tous les

d'autres mots. D'ailleurs ces inscriptions,


graffiti,

comme
des

sont trs pauvres, et ds qu'on sort


cause de leur concisiou

noms propres, on tombe,

mme, dans de grandes

obscurits.

L'alpbabet safatique prsente dans son ensemble une

ressemblance indiscutable avec l'alphabet himyarite; mais,

dans

le dtail,

cette

ressemblance
le

n'est pas aussi absolue

qu'on serait dispos

croire;

M. Halvy va

mme

jus-

qu' dire qu'il y a plutt entre eux

un

air

de famille qu'une

provenance directe,

et qu'il faut

faire

intervenir,
Il

comme
les

terme de comparaison, l'alphabet phnicien.

est certain

que l'alphabet

safatique, tout

en tant plus rcent que

inscriptions himyarites, a
plicit

pu

conserver, cause de la sim-

de ses formes, certaines ressemblances avec des formes

relativement anciennes de l'alphabet phnicien, qui ont dis-

paru dans

l'criture

monumentale de Saba

et

de Mariaba.

Comment expliquer la prsence d'inscriptions appartenant


la famille smitique

du Sud dans une rgion spare de


?

l'Ymen par toute


puyant sur

la

longueur de l'Arabie

Wetzstein, s'ap-

les faits runis


l'effet

par Caussin de Perceval, avait


les

propos d'y voir


sicles

de ce courant qui, dans

premiers

de

l're

chrtienne,

amena

les

populations du sud

de l'Arabie, Fenoukhides, Salihides, Ghassanides, jusqu'aux


portes de

Damas,
en

et

auquel on doit
le

la reconstruction

de

Bosra, ainsi que tout

dveloppement architectural du
du l'alphabet du Safa

Haurn.

S'il

tait ainsi, l'isolement

ne devait tre qu'apparent,

et l'on devait s'attendre en trou-

ver des traces sur d'autres points du chemin parcouru par ces
populations. Les dcouvertes de

MM,

Douglity et Charles

320

TROISIME PARTIE.
une rvolution dans nos connais-

Huber^'', qui ont opr

sances sur l'Arabie an t-islamique, ont sur ce point encore

modifi
ides.

les

conceptions anciennes et largi le cadre de nos


la

Ces voyageurs ont trouv dans toute


la

rgion qui

s'tend depuis Egra jusqu'aux portes de

Mecque, sur

des cadloux, sur des rochers, des

graffiti

en grand nombre,

h.:-

Inscriplioii

ihamoudeuue avec dessin,

releve par Gh. Iluber

*>.

identiques ou fort analogues ceux


inscriptions

du

Safa.

On

appelle ces

thamoudennes, du

nom

des anciens habitants

'''

Cl).
Pli.

Huber, Journal de voyage,


Berger, L'Arabie avant

Piiris,

Imprimerie nationale, 1891.


d'aprs les inscriptions ,
ainsi

^''

Mahomet

Paris,
le

iMaisonnouYC, 1880.
quis
(le

M.

Eiiliof'

m'informe que ce dessin,


la suite de

que

cro-

la stle

de Teiina que

j'ai publie'e

ma

confrence, sont

de sa main.

INSCRIPTIONS DU SAFA.
(le

321
recueillies dans
qu'il

cette contre.

Des inscriptions himyarites

les ruines d'El-Ola,


existait

au nord d'El-Hedjr, ont prouv

en cet endroit un groupe ymnite, ct du groupe

aranien de Mdan-Saleh.

Les inscriptions mynennes dcouvertes par M. Glaser


appartiennent sans doute la

mme

famille palograpliique.
tablie,

Le jour o leur fdiation sera scientifiquement


seulement
fait

non

l'histoire des

alphabets smitiques du
les inscriptions

Sud aura
appelle

un pas

dcisif,

mais
la

que

l'on

safatiques,

du nom de
elles,

contre

oii

ont t retrouves les

premires d'entre

acquerront une valeur de premier

ordre pour l'histoire de l'criture en Arabie, et seront replaces dans leur vritable milieu.
Il

rsulte en tout cas

de ce qui prcde que l'criture safatique n'est pas une


criture locale, ne

spontanment sur un point du dsert


est la

de Syrie, mais qu'elle

forme populaire de

l'criture

des habitants du sud de l'Arabie.

Nous pouvons donc suivre aujourd'hui


l'criture et

la

marche de

himyarite depuis l'Ymen jusqu'au dsert de Syrie


l'aide des

dmontrer,

monuments,

ce qui n'tait jadis

qu une

conjecture.
sicles

Nous voyons

cette criture s'avancer,

aux
et

premiers
s'y

de notre re, jusqu'au nord de l'Arabie

heurter l'criture aramenne.

Qui

sait si

on ne

la

rencontrera pas sur d'autres points


a trouv sur divers

encore du

monde antique? On

monu-

ments, Athnes,

Rome

des

gi'ajlti

encore inexpliqus qui

pourraient bien, d'aprs M. Renan, se rattacher l'criture

dont

le dsert

du Sala nous

a fourni les

premiers exemples,

et avoir t tracs

par des Orientaux appartenant ce

monde

arabe prislamique que nous conmienons peine entrevoir.

322

TROISIME PARTIE.
(les

L'tude

inscriptions

nous

fait

donc

assister

une
la

bataille d'critures qui n'est

que l'expression parlante de

lutte des races qui se partageaient l'Arabie

dans l'antiquit.

L'Arabie avant Maliomet nous apparat

comme forme de
du Nord,
et l'l-

deux lments

l'lment aramen, venu

ment himyarile ou saben, venu du Sud.


Arabes

Ainsi se trouvent

confirmes les traditions hbraques qui reprsentaient les

comme un mlange d'Aramens


et

se

rattachant

Abraham,

par

lui la

Msopotamie,

et

de Gouchites.

Au

milieu de ces deux groupes de populations, l'lment arabe,

proprement parler,

se rduit bien

peu de chose.

L'cri-

ture arabe n'tait que l'criture d'une tribu, celle des Gorischites. G'est

Mahomet

qui en a

fait la fortune.

Il

en a

fait

l'criture

du Goran,

et l'a ainsi

impose tous

les

peuples
ren-

qui ont accept l'islamisme.

Non seulement
elle est

elle s'est

due matresse de l'Arabie, mais

devenue

l'criture

du monde turc

et

persan, et

elle s'est substitue,

chez les

musulmans, toutes
Nord, dans

les autres critures,

dans l'Afrique du

l'Asie centrale et

jusque dans l'Extrme Orient.

Nous avons runi dans

le

tableau ci-contre

les

alphabets

himyarite, thiopien et ghez.


les lettres

leur suite, nous donnons

de ralpliabet safatique d'aprs M. Halvy; on


fin

trouvera la

de son Essai sur

les

inscriptions

du Safa,

planche

I, la

srie conq)lte des diffrentes

formes que revt


sa Se-

chaque

lettre.

Le tableau

insr par

M. Euting dans
les

imlische Schrifllafel , et qui est fait d'aprs

travaux de

MM.

Blau

et

D. H. Muller,

est fautif et

ne doit pas tre

consult.

Une dernire colonne


il

enfin est consacre l'al-

phabet berbre, dont

va tre parl.

INSCRIPTIONS DU SAFA.
ALPHABETS SEMITIQUES DU SUD.

323

=2

IIIMYAIUTE.

THIOPIEN.

GUEZ.

SAFA.

BEUBRE.

N
2
:

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7

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i

^
+ X

WM
il
IMl

+ X

Uh

TKOISIEMU: PARTIE.

CHAPITRE

II.

CRITURE BERBRE.
Eli continuant notre route vers l'Ouest,

nous rencon-

trons dans l'Afrique

du Nord,

l'poque romaine,

une autre

criture alphabtique, l'criture lihyque ou berbre, qui a


t usite chez les populations indignes
la

de

la

Numidie

et

de

Maurtanie. Nous ne la connaissons que par des inscrip-

tions,

presque toutes funraires, que


l'aire

l'on

trouve surtout en

Kabylie; mais

des inscriptions libyques s'tendait beaula presqu'le

coup au del.

On

en rencontre depuis

du Sina
kilo-

jusqu' nie de Fer, c'est--dire sur

un espace de 5,ooo
la cte

mtres de longueur, embrassant toute

occidentale

de l'Afrique.
Les inscriptions libyques sont en gnral assez grossires,
traces en caracties trs grands, qui se lisent le plus souvent

de bas en haut

et

de gauche
lire

droite; certaines d'entre elles

pourtant doivent se

horizontalement, de droite

gauche,

ou mnie de haut en bas. Cette pigraphie ne remonte


gure au del de l'poque de
inscriptions bilingues sont
la

domination romaine. Les


et latines,

gnralement libyques
Il

ou libyques
inscription

et

no-puniques.

faut en excepter la clbre


est
li-

du mausole de Dougga, en Tunisie, qui


j)lus

byquc

et

punique. La partie libyque,


lit

soigne que d'ha-

bitude, se

horizontalement, de droite gauche,

comme

les critures smitiques. C'est sans

doute l'une des plus an-

ciennes inscriptions berbres que nous possdions. D'aprs

CRITURE RERBRE.
le

325

caractre de l'criture punique, elle peut dater de cent


re.

ou deux cents ans avant notre

Une

autre inscription

bilingue, libyco-grecque, grave sur agate et galement


trs soigne,

provient de Dcrna.

L'alphabet des inscriptions libyques prsente une extrme

ressemblance avec

les caractres teftnagh,


les

encore partielle-

ment en usage chez

Touaregs. Les inscriptions en tefnagh

sont trs rpandues dans le nord de l'Afrique et de dates trs


diverses.
11

en est qui remontent plusieurs sicles en arrire

et rejoignent

presque

les inscriptions libyques; d'autres sont

toutes rcentes. L'criture tefinagh n'est pas

une criture
certains indi-

courante, comprise par tout


vidus chez les Touaregs, les

le

monde; mais

femmes

surtout, ont conserv la

connaissance de la valeur phontique et de l'emploi de ses


caractres.

En

ralit,

l'criture

berbre n'a jamais cess

d'tre usite, et

une chane presque ininterrompue rattache


l'criture tefinagh, qui

l'criture libyque
la

en reprsente

forme

la

plus moderne. L'criture des Touaregs n'est


:

qu'une transformation de l'ancien alphabet libyque

certains

caractres ont pris une valeur diffrente de celle qu'ils avaient

primitivement, et d'autres ont t crs pour rpondre aux


besoins nouveaux qui rsultaient de l'introduction dans
la

langue indigne de noms propres


poss par l'islamisme.
.

et

des termes arabes im-

Les deux alphabets offrent encore un autre

trait

commun

suivant M. Duveyrier, qui a tudi sur place, pendant de

longues annes, l'criture des Touaregs et

l'histoire

de ses

dveloppements,

il

n'est pas

prouv jusqu' ce jour que l'un


ait t

ou

l'autre

de ces alphabets

employ pour des r-

dactions de longue haleine,

notamment pour composer des


pour tracer

livres. Ils paraissent plutt avoir t rservs

326

TROISIME PARTIE.
la pierre,

de courtes inscriptions sur


des armes et des bijoux. berbres, anciennes

ou sur des amulettes,


les inscriptions

Il

en rsulte que

comme modernes,

ont un intrt fort


trs

restreint et ne nous fournissent qu'un


limit.

nombre de mots

L'existence de l'criture libyque avait t rvle, ds


1

63

par

la

dcouverte de l'inscription bilingue de Dougga.

Ce

n'est toutefois qu'en i8/i3

que

l'analyse de cette inscripla

tion permit

M. de Saulcy ^'^ de dterminer

valeur de

la

plupart des caractres libyques. Ces tudes ont t poursuivies

par

le D""

Judas

et

par quelques autres. Pendant prs de


D'"

trente ans,
cueilli et

un

travailleur infatigable, le

Rebond,

a re-

publi successivement dans les Mmoires de

Ja Socil

archologique de Constantine toutes les inscriptions libyques


qu'il

rencontrait dans ses courses.

Un grand nombre

de ces

inscriptions parses ont t runies en

un volume, en 1870,

par

le

gnral Faidherbe.

Enfin, M.

Halvy, s'aidant, d'une part, des dcliiire-

ments de

ses devanciers, qu'il modifie sur certains points,

de l'autre, de sa connaissance des langues berbres, a tent de donner


la

traduction complte de

260

inscriptions libyle

ques dans ses Etudes berbres, qui ont paru dans


asialique^'-\

Journal
fait,

Plus rcemment encore, M. Letourneux a

au Congrs des orientalistes de Florence (^), une communication dans laquelle


il

propose d'autres valeurs pour plu-

'*'

Journal asiatique , fvrier 18

'4

3.
et

'^'

Journal asiatique, fdvncr-inars

octobro-novonihre

87

1.

Tirage part,

Paris, Iiiipr. naf., 1875.


'^'

Du

dchiffrement des inscriptions libyco-berbrcs. (^Aui del


ne! scttemhrc

IV

Congrcsso

internationale dcgli oricnlalisli ,


p.

iSjS,

I.

I.

FinMizo,

1880.

57 75.)

CRITURE RERBKRE.

327

sieurs caractres de l'alpliabet libyque. Ces divers systmes

ont t rsums et discuts par M. Tissot dans sa Gographie de V Afrique romainc'^^^; et pourtant, malgr tant de tra-

vaux, on ne peut pas dire que nous soyons arrivs une


intelligence complte des inscriptions libyques.
rier vient

M. Duveypour
la

de leur consacrer dans


le

les

Instructions

recherche des antiquits dans

nord de l'Afrique^^, publies

par

le

ministre de l'instruction publique, une notice sub-

stantielle, qui

donne une ide exacte de

l'tat

de la ques-

tion.

On

y trouvera des spcimens des formes successives

de l'criture berbre, depuis l'inscription de Dougga jusqu'aux inscriptions modernes en caractres tefinagh. M.

Duan-

veyrier y a joint une carte des localits qui ont fourni ces
inscriptions et

un tableau

trs conqjlet des lettres, tant

ciennes que modernes,


les diffrents

avec l'indication des valeurs que

auteurs leur ont assignes.

Nous prendrons comme exemple de l'ancienne criture


libyque une inscription bilingue, libyque et no-punique,

dcouverte Bordj-Halal, entre Hammam-Darradji (Bulla


Regia) et

Cbemtou

(Simittu), et donne par M.

Goguel

au muse du Louvre. La partie no-punique a t publie

par M. Euting
p.

[Zeitschr. der d.

Morg. Ges.,

t.

XXIX, 1870,

289);

l'inscription entire
t.

par M. Tissot (Gographie de

r Afrique romaine ,
'*'

I, p.

5-2

3)^^1
Paris,

Tissot, Gographie compare de lu province romaine d'AJ'riqu",


p.

t.

I,

i884,
^-'

616-527.
le

Instructions adresses par


le

Comit d?s travau.v historiques

et scientifiques.
et

Becherche des antiquits dans

nord de l'Afrique. Conseils aux archologues

aux voyageurs (publi par


nisie), Paris,
^''

les

meml)rcs de

la

Commission d'Algrie

et

de Tu-

Leroux, 1890, p. /i5-62.


Comptes rendus de F Acadmie des inscriptions,

Voir aussi Faidbei-be,


p. 16-19.

1882,

328

TROISIEME PARTIE.

=
1

+
c

in

ir
II

o
1

^ o
1

-7

ir

Voici

comment nous

lisons celle inscription

IM

N D

OU OU
73

OU
"py-i^D
?
I
11

D^IIJD

p piy---^'?
T

xVn D^ax NJ
?

N K

OU
G
I

D R N
K

N G

OU
est claire, sauf

La partie n(''0-puniquc

pour

le

premier

nom, qui

est

douteux

I[g]aoukaii,

fils

de Kanradal,

fils

de

Mesial, ont J riges ces pierres.

HlioS

Dmardin

INSCKiPTION BILINGUE
BEFIBRE ET NEO -PUNIQUE DE CHEMTOU

CRITURE BERBRE.
L'iiiscriptioii

329

libyque est

la

traduction par peu prs


les

de l'inscription no-punique ^^^. Elle dbute par


Igaouhan,
fils

mots
les

de

Kanmdal. Peut-tre faut-il voir dans

deux caractres

OU M
la suite

qui se lisent
des mots

la ligne
:

de
de

Tanche, en haut, le
Me\sia\.-n

commencement

r^fih

Le sens de

nous chappe.
I

On remarquera que nous rendons le signe comme M. Letourneux. Nous n'assignons pas
caractre

par un n,

de valeur au

=, dont

la fonction

n'a pas

encore t dter-

mine d'une faon

satisfaisante;

nous ferons seulement


les

observer qu'd sert trs frquemment sparer

mots,

principalement lorsqu'ils ne sont pas


ou

relis

par

la

particule

=
Il

ce

fils

den.

faut reconnatre

que

si

l'on est arriv,

pour

les

noms

propres, des rsultats assez satisfaisants, on retombe, ds

qu'on sort de l'onomastique, dans de grandes obscurits.

Quand on
bres,

tudie les inscriptions runies dans les Etudes berla

on s'aperoit bientt que

premire partie de ces

textes se

compose presque invariablement de noms propres,

libyques, puniques ou

mme latins, que M.


et qui sont spars
ce

Halvy a lus avec


le

beaucoup de sagacit,

par

mot

ou, cors-

respondant l'hbreu ben


rie

fils ii;

mais ensuite vient une

de mots,

bas, venniina, massiva,

makouda, massahra, qui ne

sont pas prcds de la particule ou, sauf de trs rares exceptions.

M. Halvy
il

les

prend galement pour des noms propres.


omis

Alors

faut admettre, on bien qu'on a indiqu la parent

pour pour
^')

le

premier degr de

la

gnalogie et qu'on
la

l'a

les autres,

ou que nous avons sur


la

mme

pierre les

Suivant M. Euliiig,

pierre ne porlait primitivenirnl qu'une inscrip-

tion libyque, et l'inscription

no-puniqne aurnit

<^t

ajoute aprs coup.

Nous

croyons qu'il se

li'onipe.

330

TROISIME PARTIE.
plusieurs individus, l'un avec sa gnalogie, les

noms de

autres sans gnalogie. Suivant M. Letourneux, ces


seraient ceux

noms

du dfunt

et des

tmoins de

l'acte

de dcs:

cela est contraire toutes nos ides sur les inscriptions fu-

nraires.

Il

est impossible

de ne pas tre frapp de


la

la

mo-

notonie de ces mots oppose


propres. Sans prtendre
se

grande varit des noms


on
est

les traduire,

bien tent de

demander

s'ils

ne cacheraient pas des formules?

L'inscription n

29 de M. Halvy

est

une inscription
:

i)i-

lingue de la Cliefia^'^ qui est ainsi conue

C IVLIVS LVS-VET-DONIS

DONATIS-TORQVI
BVS-ET-ARMILLIS DIMISSVS-ET-IN-CIVIT

SVA-TENELIO-FLAM PERP-VIXAN-LXXX

H-SE

E O
u
Le texte
latin porte
:

U U o T = o
ir

E
C
ir
I

+ =
II

u E
II

u
II

III

ir

OuitsJuHus
et

lus veleranus , (Joins


in civitale
siliis est.

donalis torquihus et armiUis, (Umissus

sua Tencllo

Jhimcn perpcluus.
")

Vi.vil

nnnis l.aj. Hic

C/.

X.,t. VIII,n"5t2o().

CRITURE BERBRE.
Le
texte libyque est ainsi lu par
:

331

M. Halvy, de droite

gauche

Kdho ou Massoulat. Mamva, Makouda, Massacra,

Veniu'ma,

Mamba. Les deux


:

pieaiiers

noms

sont ceux du

dfunt et de son pre

M. Halcvy ajoute
connus, sauf
le

Gains (?) fds de Massoulat^'). n Puis rrLes autres noms propres sont tous
ce

dernier, dont l'origine est trs obscure.


la

Que M. Halvy nous pardonne


un peu comme
connus
si

comparaison, mais
Situs Est

c'est

l'on disait

que Hic

ou

ViJoU

Annis

Octoginta sont des


et qu'ils

noms propres, parce

qu'ils

sont bien
les inscrip-

reviennent frquemment dans

tions. Je supplie

qu'on n'accepte jamais de pareilles traduc-

tions dans le Corpus imcriptionum semilicarum.

Tout

cela est

reprendre.

Les inscriptions no-puniques prsentent encore bien des


obscurits; mais leur interprtation est entre dans la
voie, grce la
cults par le

bonne

mthode qui

consiste claircir les diffitextes et


l'on

rapprochement des

avouer son
ne comprend
inla

ignorance en mettant des points partout o


pas.

On

n'a pas le sentiment

que

le

dchiOVement des

scriptions libyques offre la

mme

scurit.

Nanmoins,

valeur des lettres peut tre considre


certaine, sauf

comme

peu prs

pour quatre ou cinq qui prtent encore

discussion.

Nous avons reproduit, dans

le

tableau qui termine

le

chapitre prcdent, les lettres de l'alpliabet libyque, tant


horizontal

que

vertical,

en

les

ramenant,, pour facihter


Il

la

comparaison, aux valeurs des lettres hbraques.


^''

ne nous
tel

Cela nous porterait restituer, dans l'inscription latine,

un nom

que

Massulus ou Masculus, plutt que Salullus,


le

supposer qu-^

le ils ait

port

mme nom que

son pre.

.'Sa

TROISIME PARTIE.
ici

appartient pas d'entrer

dans

la

discussion des valeurs

qui ont t proposes pour chaque signe; nous ne pr-

tendons
et

mme

pas donner cet alpliabet


le

comme

dfinitif,

nous nous bornons renvoyer


celui

lecteur au tableau de

M. Tissot ou

de M. Duveyrier.
est-il

L'alphabet libyque vient-il du phnicien, ou bien


le rsultat

d'une tentative isole des populations berbres

pour

se crer

une criture? Nous manquons des lments


la

ncessaires pour dcider

chose;

il

y a entre ces

deux

al-

phabets une trop grande lacune. Certaines formes de

l'thio-

pien pourraient jusqu' un certain point servir de transition entre


le

berbre et

les

alphabets smitiques; on en jugera

par

le

tableau des alphabets de l'Arabie du

Sud que nous

avons mis en regard de l'alphabet libyque; mais ces ressemblances ne sont pas assez gnrales pour qu'on puisse les

prendre pour base d'une dmonstration.

La grande dissmination des inscriptions berbres semble


ti'e l'indice

d'un

mouvement de populations
du Sud
et

considrable,

qui se rattachait peut-tre au courant d'o sont sorties les


ciitures de l'Arabie

de l'Ethiopie,

et qui s est

propag de

l'est

l'ouest et s'est tendu,

un certain moil

ment, toute l'Afrique du Nord.


ques annes, jusque dans
les les

On

a trouv,

y a quel-

Canaries, des inscriptions

qui paraissent appartenir au


sait si cette action

mme

systme d'criture. Qui

ne

s'est
s'il

pas

fait sentir

de l'autre cot des


l'in-

colonnes d'Hercule et

ne faut pas en reconnatre

fluence dans certaines formes de l'alphabet des populations

indignes de l'Espagne?

ALPHABETS IBRIQUES.

333

CHAPITRE

III.

ALPHABETS IBRIQUES.
En
face

du nord de

l'Afrique, rgion o s'tendait l'cri-

ture berbre, le sud-ouest, le centre et le nord de l'Eu-

rope nous apparaissent, quand leur histoire


la suite des
les

commence

premires rencontres des armes romaines avec

peuples occidentaux, en possession d'critures alphab-

tiques d'un caractre trs particulier, entre lesquelles on


saisit

un

certain air de parent.


les

Ce sont

l'criture celtib-

rienne en Espagne,

alphabets runiques dans toute l'tenla

due de l'Europe septentrionale. Dans


l'alpliabet

Grande-Bretagne,
les

ogamique,

si

dillerent

de toutes

autres

critures

alphabtiques, touche, par certains

cts,

aux

alphabets runiques. Ces critures ont vcu, et ont eu leur

dveloppement propre
les

et leur littrature; les historiens et

gographes anciens nous en attestent l'importance. Au-

jourd'hui elles sont mortes, et nous ne les connaissons que

par quelques monnaies et quelques pierres crites, qui sont

comme

des ossements fossiles l'aide desquels nous cher-

chons reconstituer des organismes disparus.

Chose curieuse, l'Espagne, o l'influence phnicienne


s'est

plus

fait sentir

que partout

ailleurs, tel point

qu'on

pourrait presque l'appeler une terre punique, ne nous a

pas livr une seule inscription smitique ancienne. L'al-

phabet phnicien, absent des monuments d'Espagne, repa-

33^1

TROISIME PARTIE,
sur les monnaies de certaines villes
:

rat

Abdre, Elnisus,

Gadir, Malaca.

On

y retrouve Talpliabet

punique du

i^""

et

du

n'^

sicle

avant notre re. Gela est conforme ce f[ue


troits qui unissaient l'Espagne
s'est

nous savons des liens


llia<>e.

Gar-

Mais, outre l'influence punique qui


il

exerce par

Gartliage,
cie

y avait entre l'Espagne et la cte de Plini-

des relations directes qui ont d laisser des traces, l

comme
de
la

en Sardaigne

et

sur d'autres points encore du bassin

Mditerrane. Une inscription pbnicienne, rcemla

ment dcouverte par M. de


Le type de

Martinire dans les ruines

de Lixus, au Maroc, semble confirmer cette manire de


voir.
le

l'criture n'est pas le type

punique, mais

type sidonien. Gette particularit doit sans doute s'ex-

pliquer par les relations commerciales du Maroc avec l'Es-

pagne.

ct des

monnaies pbniciennes, l'Espagne fournit un

grand nombre d'autres monnaies avec des lgendes en


caractres inconnus, qui rappellent par certains cts i'al-

pbabet phnicien archaque, par d'autres l'alphabet grec.

M.

Aloss Heiss les a runies dans

une importante publica-

tion^^).

Les monnaies celtibriennes ne sont pas anciennes;

elles appai'tiennent
i"'

presque toutes
elles

la

seconde moiti du

sicle

avant notre re; mais

reprsentent certaine-

ment l'criture indigne, par opposition aux monnaies grecques


et

phniciennes, qui reprsentent

les influences

tran-

gres,

si

profondes en Espagne.
et

Indpendamment des Grecs


la

des Phniciens, en

effet,

pninsule ibrique a t occupe par deux races, les

Ibres et les Celtes. Les Ibres formaient le fond de sa po^''

Aloss Heiss, Description gnrale des

inonuaies nulvpies de

l'

Espagne

Paris, Iinpiiiuerie ualionale, 1870.

ALPHABETS JBUIOUES.
pulation;
le
ils

335

occupaient principalement

le

Nord-Est, l'Est et

Sud;
l'an

les Celtes,

dont l'invasion en Espagne date environ

5oo avant J.-C, s'tendaient au Nord et l'Ouest. Les deux noms se sont fondus dans celui de Celtibriens, par
de
lequel les auteurs grecs et latins dsignent les habitants du centre de l'Espagne et, plus spcialement, ceux du bassin de
l'Ebre.

Au sud de
distinct,

la

pninsule, une rgion part,


la

la

Bpar

tique,

que Ton appelle anssi


mais de

Turdtanie,

tait habite

un peuple

mme

race que les Ibres^^).


civilisation qui, d'aprs
ce

Ces populations jouissaient d'une


Strabon,
n'tait
(2),

pas ddaigner
les

Compars aux autres


les

Ibres, dit-il
ils

Turdlans sont rputs

plus savants;

ont une littrature, des histoires ou annales des anciens


lois

temps, des pomes et des


prtendent, de

en vers qui datent, ce qu'ils

six mille ans^^^;

mais

les autres nations ibres

ont aussi leur littrature, disons mieux leurs littratures,

mme langue. 11 y a tout lieu de croire que c'est l'criture de ces populations
puisqu'elles ne parlent pas toutes la
-i

qui nous a t conserve par les monnaies.

On

reconnat sur

les

monnaies ibriques deux tvpes

d'criture qui correspondent la distinction tablie par Stra-

bon. L'alphabet celtibrien se rencontie sur

les

monnaies

du nord
la

et

du nord-est de l'Espagne, principalement dans


la

Tarraconaise; les monnaies de

Turdtanie nous pr-

sentent
lanjille.

un alphabet

assez diterent, quoique de la

mme
deux

On

trouvera

dans

le

tableau

ci-aprs

ces

'"'

A. Heiss, Monnaies antiques de


les

r Espagne,

p. 3-4 1.

D'Arbois de
R.,

Jii-

baiuville, Xolice sur p.

Celles

d'Espagne {Acad. des

inscr., C.

1890,

919-329).
^'>

Strabon,

JII, i, 6.
:

rad.

Am. Tardieu,

t.

I,

Paris, Haclieltc, 1867.

'^>

D'auti-es lisent

rrcompreuaut plus de six mille vers^.

336

TROISIME PARTIE.
ALPHABETS CELTIBERIEN ET TURDETAN.

NOMS.

CELTIBERIEN.

TURDTAN.

Alef

t>

i>

F
D

A A
^
D

Beth

D
4-

Guimel
Daleth

iT

A
if

A A
E

n
i^

H
)^

^
1"

\ ^
'^

-^

*
'h

Vaii

4^

A A A
5K

A
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H
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X X
^

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A
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Yt
^

Tel 11

^ ^ ^ ^
y^
N

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F
>i

lod

A
e
1

Kaf

<<<<<^AAPI
R
n
r^

c
/^

A
^

>l

ic

Lamed
J\leni

A
K

/^

^
III

r
r

wd
/V

M w

r*i

Noun
Samedi
Ain

N
h

O
P

O
V
?

A / ^ ^ ^ A
t

>^^

Phc
ad
Qof

TYYTV^LuOI
X
i

X
a
q

X
;i

X
^
<P

o
^

Rrsh

<i

9
TA

l-J

Siii

M
V

n
X
H

n X
H

Tau
Upsilon
\/

T
H
H

Omga

ALPHABETS IBERIQUES.

337

alphabets, avec les valeurs assignes chaque lellre par

M.

Heiss. Ces lettres ofleut de

nombreuses variantes dont


et

quelques-unes nous surprennent,

l'on serait tent

au

premier abord de leur donner d'autres attributions; mais,

supposer

mme que

toutes ne soient pas galement cerla

taines,

on trouvera dans

runion de ces caractres de pr-

cieux lments d'information.

Grce aux lgendes grecques frappes sur des monnaies


de
la

mme
la

famille,

on

est

parvenu
les

lire les

noms de

villes

ou de peuples qui figurent sur


mais
est

monnaies celtibriennes;

langue dans laquelle ces lgendes sont crites nous


;

inconnue

les rares inscriptions ibriques


^^^

que

l'on

possde

en dehors des monnaies

droutent nos investigations.

L'origine de l'criture ibrique est fort obscure. L'ide


la plus

rpandue
les

est

que

l'criture aurait t
les

importe en

Espagne par
celtibriennes
soit

Phniciens ou par

Grecs. Les lettres

prsentent des

ressemblances nombreuses

avec l'alphabet phnicien, soit avec les alphabets grco-

italiotes;

mais

les diffrences
diticile d'tablir

sont non moins grandes,

si

bien qu'il est

leur drivation directe, soit

de l'un,

soit

de l'autre de ces alphabets. Si l'alphabet ibil

rique est n directement du phnicien,

faut admettre qu'il

en

est

n une poque

trs recule et qu'il n'a gure vari


le

depuis, car c'est par ses formes les plus anciennes que

phnicien

lui

ressemble; mais, ct de lettres qui rapil

pellent l'alphabet phnicien,

en est d'autres, beaucoup

plus nombreuses, qui sont conues dans un tout autre esprit


et

ne peuvent gure s'expliquer que par l'alphabet grec.


cette difficult s'en joint
^''

une autre, qui vient de


I.

la

pro/iSiS",

Huebner, hiscriptiones Hispuniw latin (G.

L.,

vol.

II,

ii"'

338

TROISIME PARTIE.

pagaliou

mme
il

de l'alphabet ibrique. La plupart des mon-

uaies celtibriennes appartiennent au nord ou au nord-est

de l'Espagne;

semble donc que l'alphabet ibrique se


Sud^'^.

soit

rpandu du Nord au

Toutes ces raisons nous font comprendre comment


a

pu en

arriver considrer l'alphabet celtibrien


la

Grimm comme

un rameau de

grande famille des alphabets runiques^^^,


le

qui s'tendaient, d'aprs


ciens, jusqu'en Gaule.

tmoignage des historiens an-

La parent palographique des deux

critures n'est pas aussi loigne qu'on serait port le croire tout d'abord, puisque, suivant toutes les probabilits l'criture ru nique

elle-mme

est

ne

soit

de l'alphabet

grec, soit de l'alphabet latin.


Il

est difficile
Il

de dfendre encore aujourd'hui cette thola

rie.

ne faut pas juger de

parent des critures d'aprs

leurs ressemblances extrieures. L'alphabet ibrique et l'al-

phabet runique, bien que leur apparition sur

les

monu-

ments
la
le

soit

peu prs contemporaine, n'appartiennent pas

mme

priode. Les monnaies celtibriennes

marquent
ru-

terme d'un dveloppement antrieur,

les inscriptions

niques ne font que


re.

commencer aux premiers


si

sicles

de notre

Encore

faudrait-il savoir

la civilisation ibrique est


le dire, et si l'in-

en

ralit aussi

ancienne qu'on se plat

troduction de l'alphabet dans la pninsule ibrique a prcd


la naissance

de l'alphabet runique. La thorie de


la

Grimm,
l'cri-

en tout cas, repose sur une vue juste de

ddfusion de

ture dans l'Europe occidentale. Sous les alpliabets classiques,

'*'

Il

convient de remarquer pourtant que l'alphabet ibrique

du Sud, ou

lurdtan, qui est plus simple, se rapproche davantag-e


'""'

du phnicien.

Williehn Cari Grinnn, Ueber dculschc Runen, Gtting-en, i8-^i, p. 34

et 35.

ALPHABETS IBRIQUES.
et

339

antrieurement leur invasion dans ces contres, qui


il

date de la conqute romaine,


tures, de
et
les

y avait une couclie d'cri-

mme
le

origine peut-tre, qui a t, pour TOccident


la

pour

nord de l'Europe, ce que furent pour

Grce
le

alphabets prliellniques que l'on a confondus sous

nom d'criture plasgique. On croit reconnatre, d'autre


lettres

part, dans deux ou trois

de l'alphabet ibrique, une lointaine ressemblance


Il

avec l'criture berbre.


possibilit

ne faut pas exclure la lgre la

de cette influence. Les alphabets ne naissent pas


ils

tout d'un bloc;

se

forment, ou plutt se transforment


les

par dilrenciations et par emprunts. Les peuples qui


adoptent modifient certains caractres pour
les

approprier

aux sons de leur langue; souvent aussi


qui leur

ils

empruntent ceux
leurs

manquent

leurs voisins ou

mme

enne-

mis. Peut-tre y a-t-il eu, avant l're chrtienne, sinon

une

invasion, du moins une pntration de l'lment africain

dans

la

pninsule ibrique, rappelant dans une certaine


ce qui s'est pass plus tard l'poque de la dojni-

mesure

nation des Maures en Espagne.

Une dernire

catgorie de monnaies antiques de l'Es-

pagne nous fournit encore un autre type d'criture, qui


parat se rapprocher plus de l'criture phnicienne de basse

poque que du

celtibrien. Ces

monnaies, qui proviennent

des villes de Asido, Bailo, Iptuci, Lasucta, Oba, ont t


baptises du

nom

de bastulo-phniciennes.

La grande

diversit

de ces critures

est

un

reflet des

influences trangres multiples auxquelles

TEspngne a

successivement soumise. Les Phniciens, les Carthaginois,


les

Grecs, les Latins, les Goths, les Arabes, d'autres peuples


s'y

encore peut-tre

sont succd, et chacun d'eux y a laiss

340
sa

TROISIME PARTIE,
marque. De
l

vient l'aspect singulirement composite

qu'offre l'criture des peuples ibi'riques.

Dans

ces

changes'est

ments de dcors constants,

la sincrit

pigraphique

peu
ont

peu mousse,

si

bien que les peuples de l'Espagne

fini

par ne plus savoir eux-mmes ce qui leur apparte-

nait et ce qu'ils avaient pris d'autres. C'est par l sans

doute

qu'il faut

expliquer l'obscurit de l'criture celtib-

rienne, qui reste,

comme

tout ce qui touche l'Espagne

antique, enveloppe de mystre.

ALPHABET OGAMIQUE.

3/il

CHAPITRE

IV.

ALPHABET OGAMIQUE.
Avant d'arriver aux runes,
il

faut nous arrter

une

criture alpliabtique qui semble bien,

au premier abord,

tre de formation indpendante. L'alphabet

ogamique

est

l'ancienne criture de l'Irlande;

il

lait usit

antrieu-

rement
m^

l'adoption des minuscules latines, qui date

du

sicle

de notre re. C'est avec cet alphabet que sont

crits les plus anciens

monuments
11

lapidaires

du pays de

Galles et de l'Irlande.

parat avoir t employ surtout

pour des inscriptions funraires.

Ogma

ou Ogmios

est

un des personnages de l'pope


de
la force

mythologique irlandaise.

C'tait le dieu

arme en
le

mme temps que


repoussant
l'aide

de l'loquence. La lgende nous


des trangers; mais
il

montre

tait aussi le dieu

de

la

parole, et ce fut lui qui inventa un jour Talphabet


n'est

ogamique. Toute cette histoire


expliquer la naissance

qu'un mythe, destin

de l'criture nationale irlandaise

dont

le

dieu Ogmios est la personnification.


tire

En

ralit, l'al-

phabet ogamique ou ogam

son nom, ainsi que nous


la lettre

l'apprennent Varron et Priscien, de


qui lui est propre
l'ancien irlandais.
et qui

ogma (= ng),

joue un rle considrable dans

M. d'Arbois de Jubainville
moire^'',
'"'

a expos

dans un savant mles principes

auquel nous empruntons ces dlails,


le

L'alphabet irlandais pvimilif et

dieu 0<rnos (^Comptes rendus de F Aca-

dmie des inscriptions), 1881, p.

20-26.

342

TROISIME PARTIE.

de l'criture ogamique. Grce aux travaux de


Stokes, S.
d'Iiui

MM. Whilley
aujour-

Ferguson

et

John Rhys, nous

la lisons

sans dillicult. M. Hiibner a publi, avec le concours


ces savants, les inscriptions ogamicpies de la
la

du dernier de

Grande-Bretagne^'). M. Taylor a galement abord


tion de l'origine de l'alphabet ogamique^'-^.

ques-

Voici le tableau de cet alphabet tel


bois de Jubainville.
Il

que

l'a

dress M. d'Ar-

prsente quelque ressemblance avec


aussi a-t-on
:

un arbre grossirement dessin;


lettre le

donn

chaque

nom

d'un arbre ou d'un arbuste


i

idhadh

trif??.

edhadh trlremble^.
u
iir

bruyre n.

onn gent 7).


a

atJm

sapin n.

mis
OH
Is

tt

sureau 71.
prunier siiuvage-:.
tf

X
nrr

sh'a/rf

turedal

roseau

ii.

jf

g(>rt flierrc".
nittin

m
qu
c

ronce n.

queirt

pommier

:i.

coll trcoudriern.

Ic'itne.

duir

tf

chne".

hiiath

aubpine

15.

nion rrfi'nc de plainei;


rrsaule.
tr

s:iil

fern
luis

aulne n.
frne de monlagnen.

tf

hpitli

fr])ouloaun.

'''

LDicriplioncs Britiinnifr clirifttiaiKC

lorlin,

187G.
j).

"'

Grecks and Goths, Londoii, 1878. Cf. The Alphabet,

Qao-s!-.7.

ALPHABET OGAMIQUE.

343

L'alphabet ogamiqiie se divise donc en quatre sections,

dans chacune desquelles

les

mmes lments

reparaissent,

(liiremment disposs. Les lettres sont formes de barres


parallles dont le

nombre

varie de
le

une cinq, places


ligne verticale.
ligne

droite,
Ainsi,

gauche ou sur

mdieu d'une
la

on aura une barre droite de


/,

pour

b,

deux pour

trois

pour/, quatre pour

s,

cinq pour n. Quel-

quefois les consonnes de la troisime srie sont exprimes

par des barres obliques, de

mme longueur que les

voyelles.
la

Les voyelles sont formes de gros points placs sur


verticale,

barre

ou de barres plus courtes.


:

Les lettres de l'alphabet ogamique sont


a, b, c, d, e,f,

g, h,

i,

l,

m,

n, o, q, r, s,

t,

v, ,

agma.

M. d'Arbois de Jubainville a dmontr que


drivait,

cet alphabet

pour
il

la

valeur des lettres, non pas directement du


les voyelles, ni

phnicien,

possde

de l'alphabet grec,

il

possde Yf que les Grecs ont perdu trs tt et d'autre part le 8-, le I et le X lui manquent, mais de l'alphabet latin de
l'poque classique, qui se composait des vingt et une lettres
suivantes
:

ABCDEFGHIKLMNOPQ_RSTVX
Les Irlandais ont emploi avec
le c, et

laiss

tomber

le k,

qui

faisait

double

lep, que leur langue ne connaissait pas


v^sicle(*).

avant saint Patrice, c'est--dire avant le


plter le

Pour com-

nombre 20,
mieux
faij'e

ils

ont enfin cr Vagma.


le sys-

Afin de

comprendre par un exemple

tme de

cette criture, qui parat

unique en son genre, nous

'"'

D'Arbois de Jubainviile, p.

-a-a,

aS.

3^4

TROISIEME PAUTIE.
ici,

reproduisons

d'aprsM. Georges Stephens^^^ l'inscription

bilingue de Saint-Dogmael's-Abbey, o l'irlandais primitif

Sagramni maqui Cunalami


inotami
:

est

rendu en

latin

par Sagranijili

Le caractre dominant de
rgulai'it

l'crituie

ogamique

est cette

absolue

qui prte l'alphabet quelque chose

de schmatique et de conventionnel et porte y voir une

uvre cre d'une faon thorique, tout d'une


pourtant permis de se demander
jours t aussi rigoureuse.
si

pice.

Il

es!

cette rgularit a tou-

Un
x'^

passage
(^^

d'un

manuscrit de

Saint-Gall

crit

au

sicle

est

de nature

fournir quelques lumires sur

ce point. Aprs avoir

donn deux alphabets runiques, Tau:

leur poursuit en ces termes

Klis-runa dicuntur, quae


ita

J.

littera pei- totuni scrihuntur,

ut quotus versus

sit

primum

brevioribus
1

qufe k (c?)

littera sit

in versu longioribus
:

scribatur. ita ut

nomen

corvi scribatur bis litteris ita

I.

mil.

1.

11.11. i!i.

'"'

Tlie old

norlhem

ruitic

Momnncnls ,

l.

I,

18O6,

p.

58.

'"'

Grimm, Uehcr

dculschc

Umcn,

p.

10-1 13, note.

ALPHABET OGAMIQUE.
Lagoruna dicuntur, qute
ut
ila

3/i5

scribuiitur per f litterani,

nomen

corvi

r.

rrrrrr.

m.
istae

r.

\\\\\.

r.

\\.

u.

\\\.

cr

Halialruna dicuntur,

qu

in sinistra parte

quotus ver
sit

sus ostendilur, et in dextera quota littera ipsius versus

^
\

/s
s s

A^
s

xStofruna dicuntur,

qu supra
:

in punctis

quotus

sit

ver

sus subtiliter ostendunt

sed aliquando

mixtim

illas

faciunt,

ut supra sint puncli

qui litteram siguificant, et subter ordo versus.


cr

Clofruna dicuntur, quae pulsu efticitur distinctis perso-

nis et litteris, ita ut

prinium incipiatur a personis, postea

a litteris. n

Les alphabets que ce passage nous


tiennent
,

fait

connatre appar-

la

famille ogainique, cela ne

me parat
,

gure dou;

teux quoique personne ne s'en soit avis que je sache


ils

mais

sont traits trs diffremment de celui que nous avons


c'est le

reproduit plus haut;

mme

principe et ce sont les

mmes

lments, mais autrement combins, et leurs diff-

rences tmoignent d'une grande diversit dans les alphabets des peuples celtiques. Le troisime surtout, avec ses traits
obliques, qui viennent se souder angle aigu sur
la

hampe.

3/iG

TROISIME PARTIE.
les

comme

barbes d'une flche ou

les

branches d'un sapin,

rappelle certaines lettres de l'alphabet'runique.

Le manuscrit de Saint-Gall
conserv
le

n'est pas seul

nous avoir

souvenir de cette criture; on peut en suivre la

trace sur les

monuments de

la

Grande-Bretagne

et

de

la

Scandinavie. M. Stephens^'^ et, aprs lui, Hiibner^'-^ ont publi

une curieuse inscription bilingue, trouve


dans
terre.
le

Hackness

^orkshire, en Angleest

La paitie suprieure
la

runique;

partie

infrieure,

que

l'on n'a su jusqu' ces der-

niers

temps quelle criture rat-

tacher, est certainement crite

avec les caractres que


nuscrit

le

ma-

de

Saint-Gall a])pelle

Hakilnina.

Lue autre

inscription
fait

publie par Hiibner^^^ nous


connatre
rente, mais appartenant la

une criture

diff-

mme

famille. Je crois enfin

retrouver les Halalruna dans deux autres inscriptions de

Stephens

(p.

219

et '-i3i),

non plus
faits

isols,

mais mlangs

des caractres puniques.

Ces

sembleraient lgitimer

l'opinion de ceux qui voient dans l'criture

ogamique une

altration des runes

-'*).

Le nom

un'

me de runes donn par


que nous
dans
existait,

l'auteur

du manuscrit de Saint-Gall
la

ces alphabets,

appellerions ogamiques, indique


sa

parent qui

pense, entre
''
'''

les

deux
I. p.

cj'itures.

liinic

Monuments

t.

Ay.

Inscr. Britanntce chrislian, n"

Hh\

^''

Ibidem, n

l83^
II. p.

^''

Taylor, The Alphabet, vol.

^-i-i-jy.

ALl'HABKT OGAMIQUE.

Ul
le

On

ne doit pas oublier d'autre part que

mot

runea

si-

gniliait,

d'une faon gnrale, une criture secrte, et qu'il

peut avoir t appliqu d'autres systmes que l'criture

runique proprement

dite. L'criture

ogamique a toujours eu
les

un caractre essentiellement mystrieux. Dans


inscriptions irlandaises,

anciennes

on

intervertissait

souvent de propos

dlibr

la

valeur de certains caractres, pour les rendre


la clef.

incomprhensibles ceux qui n'en possdaient pas


Les

mmes

inversions ont persist dans la langue populaire


S'il fallait

de l'Irlande.

trouver un point d'attache l'alpha-

bet ogamique, je
entailles

le

chercherais plutt dans les btonnets


l'in-

dont

les

peuples du Nord se servaient avant


^i).

troduction de l'alphabet latin dans ces contres


tre le

Peut-

moi

rnstah [rnas(afr)

qui cori'espond l'allemand

buchslah'^^, a-t-il

dsign priuiitivement ces btonnets, avant


lettres

d"tre appliqu

aux

de notre alphabet plus ou moins

modifies, et peut-tre l'ide premire de l'criture oga-

mique

a-t-elle t fournie

par les anciens caractres magiques


sait

des peuples

du Nord. Qui

mme

si

les

noms donns

aux

lettres

de l'alphabet ogamique n'en seraient pas une

lointaine rminiscence?

Cette manire de voir ne mconnat pas les ressemblances

que

l'on a releves entre les

runes

et

Talphabet ogamique;

seulement, au lieu d'tre une altration des runes, l'alphabet

ogamique

serait

une adaptation
la

l'alphabet latin classique


trace
se retrouve juscjue

des caractres primitifs dont

dans
'

l'criture runique.
Voir
[)las

'

haut. p. 3,

/.

''

Grirum. Deutsche Rimen,

\).

hj, Gi, 71, yi.

38

TROISIME PARTIE.

CHAPITRE

V.

ECRITURE RUMOUE.
L'criture

ogamique nous conduit

une criture alpha-

btique beaucoup plus parfaite,

que nous trouvons r-

pandue,

une poque relativement ancienne, dans toute

l'Europe septentrionale et

notamment dans

les

pays Scan-

dinaves, Vcrituie rmiiqiie, qui a jou un rle considi'able

avant l'introduction dans ces contres


gothique, soit de l'alphabet slavon.

soit

de ralphal)et

Les lettres de l'alphabet runique sont formes pour la

plupart de barres verticales auxquelles viennent se souder


des traits latraux, tantt obliques, tantt courbes; mais
ces lettres s'en

mlent d'autres qui ont un aspect mani-

festement grec ou romain, et donnent l'criture rum'que

quelque chose de composite

et

de singulirement trange.
le

On dsigne nom des six


0,
r,
c.

l'alphabet

runique par
:

terme Fulhorc, du

premires lettres
lettres

}^

h >

^ ^
le

= f,

u, th,

Les
rr

elles-mmes portent

nom
s'y

do runes.

Le mot

runeii

(nma) parat avoir

signifi

dans l'origine
est jointe
si

un

caractre^'^; mais, de trs

bonne heure,

l'ide

d'une criture mystrieuse; et ce dernier sons a


ditlicile

bien prvalu, qu'il est

de dcider lequel des deux

est le plus ancien. L'antiquit a toujours associ les ides

d'criture et de magie.

Dans

l'histoire

des plaies d'Egypte,

^''

Ciiiiiiin,

Deutsche

liiiiicii

p.

67-78.

CRITURE RUNIQUE.
les

U9

hirograinmates ne sont pas distingus des magiciens.

Les

hommes du Nord,
secret mystrieux

habitus aux formes parlantes de la

pictographie, considrrent longtemps sans doute

comme

un

l'art
Il

de
a

transuieltre

la

pense au

moyen de
prit
([ui,

siuiples traits.

du

se passer

dans leur es-

quelque chose d'analogue l'tonnement du sauvage


eu voyant son

nom

crit

en caractres que Ton pouvait

lire,

demandait
l rien

fcO sont mes jambes, o est

ma
l

tte? Je

ne vois

de ce qui

me

distingue

'^^ti
il

De

prter

la parole crite une vertu magique,

n'y avait

qu'un

pas. Cette vertu, les Sagas en maiut endroit l'attribuent

aux runes. Dans l'Edda, Brinhiid enseigne


sance magique de
la lettre

Sigurd

la puis:

dans

les vers suivants^-)

Tu
Si tu

graveras des runes de vicloire.

veux avoir

la victoire;
la

Tu

les

graveras sur

poigne de Tpe'o

Tu En nommant deux
Tu
Dans

en graveras d'autres sur la lame,


fois

Tyr.

graveras des runes de tempte,

Si lu veux sauver ton navire,


le

bruissement des cueils.

Tu

les graveras sur Ttrave,

Et sur le plat

du gouvernail.

Tu

graveras des runes de pense'e,

Si tu veux devenir plus sage

que

d'autres.

Odin lui-mme
Etc.

a imagine' ces runes.

Les runes en
<''

elTet se

gravaient tantt sur des armes ou


i.
J.

Voir plus baut, p. -30, note

<-'

MonieMws, Sude prhistoririue , traduit par

kramer, Stockholui

87/1

p.

169. 170.

350
(les

TROISIME PARTIE.
parures, tantt sur des pierres dresses qui servaient de
tantt sur des rocliers.

monuments funbres,
lijjnes
\ofHc.

On

voit leurs

serpenter autour de scnes fantastifjues de la mytlio-

de l'Edda ou bien autour de gracieux entrelacenienis

qu'elles encadrent.

Nous reproduisons

ici

d'aprs M.

Mon(jui

telius une pierre i'uni(|ue, baute de plus de 2 mtres,

se trouve sur les terres

de Vigbby, dans

la

paroisse de

Lill-

kyrka, en Apland. L'inscription, qui

commence au

milieu
:

de

la ligne infrieure, doit se lire

de

la

faon suivante

Kl^h1'l:riT:S(ih4':

l\r:iK.IHtlK:t>lh-(--

BniiK'

fil

dlcver et graver
fil

celle pierre aprs Giid-fasl, pio

de

Brune,

cl

Arnvi (la

e'iever)

aprs son mari.

CRITUUE UUNIQUE.
La Sude
(jues,
est
le

351

centre principal des inscriptions runifort

mais

les

runes sont aussi


et

nombreuses en Dane-

mark, en Norvge

dans l'Allemagne du Nord; on en ren-

contre enfin dans toutes les contres qui ont t visites par
les

peuples de race gothique, dans


le

la valle

du Danube,

Cliarnay en Bourgogne, dans

Kent

et le

Gumberland en

Angleterre, et jusqu'en Amrique.


L'existence de l'criture ru nique n'tait pas ignore des

auteurs anciens. C'est d'elle que parlait


tius

le

pote Venan-

Fortunatus, vque de laitiers dans la seconde moiti


sicle et

du yf

qui avait longtemps sjourn chez

les

Ger-

mains, lorsqu'il crivait, dans une


dfaut de l'alphabet latin
criture
,
:

lettre Flavus^'^, qu'

il

pourrait se servir d'une autre

Barbara fraxincis pingalur nina tabeilis,

Quodque papyrus
11

agit, virgula

plana

valet.

semble

mme

qu'il faille voir


^-^

une allusion aux runes

dans ce passage, o Tacite

parle d'inscriptions en carac-

tres grecs qui auraient exist en

Germanie

Quidam opinanlur monumenta ettumulos


iuscriplos, in confinio Geiiiiani

quosdatn,graBcis
exstare.

litlcris

Rhtique adhuc

Le nom de
ceux dont
ces
il

lettres

grecques donn, non par

lui,

mais par

tenait le renseignement,

aux inscriptions de

monuments

funraires, s'explique bien par l'aspect de

l'criture runique.

Pendant longtemps, on ne

connut pas

d'inscriptions

runiques anciennes, et l'on a pu soutenir que l'alphabet

runique
^''

tait

une imitation relativement rcente de


VU.
c.
,

l'al-

Carmininn

lib.

xvni,
c.

v.

ig, 9.0.

'*'

De

inoribus

German.

ni.

352

TROISIME PARTIE.
l'on

phabet gothique; mais aujourd'hui

possde toute une

srie d'inscriptions qui s'chelonnent des premiers sicles

de notre re jusqu'aux temps modernes et permettent de


refaire l'Iiistoire de l'criture runique^^).

Les alphabets runiques se divisent en


cipales
les
:

trois familles

prin-

les

runes Scandinaves,

les

runes germaniques et

runes slaves. Ces dernires, dont certains lments au-

raient pass, suivant

une opinion

assez

rpandue, dans

l'al-

phabet de Cyrille

et

de Mthode et seraient ainsi devenus

des parties intgrantes de l'alphabet slave, n'ont eu toutefois,

comme

criture indpendante, qu'un

dveloppement

trs limit.

Mme

dans

les

deux autres gi'oupes, l'alphabet

prsente de grandes varits, pour la forme et le


des caractres, suivant les
lettres

nombre

temps

et les lieux; le

nombre des

dont

il

se

compose varie de
nous

seize vingt-quatre.

L'inscription qui

a conserv les formes palo-gerla

maniques
dern, en

les plus

anciennes est celle de


:

coupe de Ton-

Danemark

Ek

Hlevagastiz

Holngaz

lioma

tAPI M5^
avido

c'est--dire

Moi, Hlevagastiz Hollingaz,

j'ai

fait

celle

corne,

r,

Nous trouvons

le

mme alphabet

sur une bractate dcou-

verte prs de Valdstena, en Ostrogothie (Sude), qui nous


'"'

Voir on particulier George Stejdiens, The old-norlhern nnilc Monuments


,

of Scandtnavia and England , vol. 1-liI, liOridoii aiid Koheiihavn, i86G-i88^


in-folio.

ECRITURE RUNIQUE.
donne toute l'ancienne
re., Il n'y

353
v" sicle

srie

runique au

de notre

manque qu'une
la restituer

lettre, la dernire

de l'aipliabel;

mais on peut

avec certitude l'aide d'autres


:

monuments de

la

mme

poque

H th

gw

h n ijr(^)p

'

ml ng

Cette lgende est intressante pour l'histoire de l'criture

runique, parce qu'elle nous prouve que l'alphabet runique


a t complet ds l'origine et qu'il tait divis en trois sections de huit lettres chacune.

La parent des runes avec nos critures alpliabtiques


n'est plus

gure conteste aujourd'hui.


cette criture, qui s'est
et peut-tre

On
de

reconnat bien

dans
le

la

marche de

propage dans tout


l'Asie, la puis-

nord de l'Europe

mme

sance d'expansion de l'alphabet phnicien. Mais par quelle


voie et quelle

poque l'alphabet

a-t-il

pntr dans ces

contres?

La lgende des voyages des Phniciens en Scanici

dinavie devait trouver

encore son application.

Un

certain

nombre de

savants, parmi lesquels Dieterich, Peile, F. Lese sont faits les dfenseurs
les

normant lui-mme,

de l'origine

phnicienne des runes. Pour eux,

runes se rattachent

directement aux formes de l'ancien alphabet de Sidon, et


elles

auraient t importes en Scandinavie, antrieurement

notre re,

par

les

marins phniciens qui venaient chercher


la

l'ambre jaune sur les ctes de

mer du Nord.

Cette thorie

parat devoir tre abandonne; les ressemblances sur les-

quelles elle repose sont trop vagues et trop lointaines, et


la direction

de l'criture, qui va de gauche droite en ru-

nique, ne

lui est,

en outre, gure favorable. D'autre part,


a3

354

TROISIME PARTIE.

des raisons srieuses militent en faveur de Fori^rine grecque

ou latine de l'alphabet runique. Quelques-unes de ses


lettres,
\>

d,

r,

i,

h, S s,

ne peuvent

s'expli([uer
elles

que

par l'alphabet grco-italiotc, cerlaines d'entre

mme,
cet

comme

Ya

>^

et

1'/

que par des formes anciennes de

alphabet.

Les ti'avanx dont

les

runes ont t

l'objet

de

la

part des

savants sudois et danois, en particulier de


sen^'),

MM. Thomeffet ta-

Wimmer^-^

et

Sophus Bugge^^^, tendent en

blir

que l'alphabet runique aurait une origine

italique an-

cienne, plus rapproche de l'trusque que du

latin classique.

D'aprs les uns,

il

aurait t
la

communiqu aux Germains


les autres,

par leurs voisins de


il

Gaule cisalpine, suivant

serait

la

preuve du commerce qu'entretenaient,

une
la

poque

trs recule, les Latins

avec les populations de

Scandinavie et des ctes de

la Balti(|ue.

Le voyage

d'exploitation de Pythas sur les ctes de la


et jusqu'au
iv*^

Grande-Bretagne

fond de

la

mer Baltique nous

jU'ouve que, ds le

sicle

avant notre re, les Grecs de

Marseille avaient atteint ces contres la suite des Phniciens^*).

On

sait d'ailleurs

qu'au temps des Csars l'ambi'e


la

jaune fut apporte directement par terre, travers

Ger-

manie, de
''*

la cte

du Nord

l'Adriatique.

Sous

le

rgne de

On

trouvera dans Monlelins

la bibliofj^raphie U-s

coniplle des travaux

antrieurs 187/1.
'-'

Ludv. F. A, Wiinmer, Die Runcnschrift. Vo7n Verfasscv iimjearbeitele


Aiiitffaljc.

uiid

vermchrlc

Ans dem danischcn bersetU


i

voiii D'^

F. Ilolthaiisen
:

Berlin.

1887.

Idem,

Dbcjonten

Ahirkehij Kirke, c'esl--diro

L"sfonls bauis-

vimx
'^^

de l'glise d'Akirkchij
S.

(le

de Bornliohn), Copenhague, 1887.


la

Bugge, Mmoires de

Soc.

B.

di-s

anliiiitttires

du Nord,

p. 176.
'^^

Idem, Ont

1871,

Ritiicskriftens Op)iiidclse, Christiania, 187/1.


la

Vivien de Saint-Martin, Histoire de

Gographie, p. 101-107.

KCIUTURE nUNIQUE.

355

Nron, un chevalier romain fut envoy par cette voie vers


les cotes

de

la

mer

Baltique, la recherche de l'ambre, ei


la

il

rapporta de nouvelles informations sur l'intrieur de

Gerla

manie, o

le fait

mme

de son voyage indique, suivant

remarque de M. Vivien de Saint-Martin, un accs devenu plus facile ('). Tacite, qui crivait peu d'annes aprs, connaissait les
la

Vndes, grande race slave riveraine de

l'est

de

Baltique, et les misrables tribus sauvages des Fenni ou

Finnois, perdues dans les solitudes glaces du Nord-Est.

Et pourtant, toutes

les particularits
s'il

des runes peuvent


est des lettres

dithcilement s'expliquer par le latin;

qui

prsentent une parent indiscutable avec l'alphabet latin,


il

en

est

d'autres qui s'en cartent considrablement.

On

remarque surtout, dans l'alphabet runique, une tendance


constante ramener toutes les lettres des traits obliques

venant se souder une hampe verticale, tendance par laquelle il se rapproche de l'criture ogamique^-), et l'on ne
peut s'empcher de se rappeler les paroles suivantes du moine
bulgare Khrabru
:

rr

Les Slaves,

dit-il

n'avaient anciennement

ni livres, ni lettres

pour

crire;

ils

hsaient et

ils

pronos-

tiquaient au

moyen de
II

traits

(//f^2.T^-M H)

et d'entailles

(P']^Z^M\A)r>^^l

semble que, quand


ils

les

peuples du

Nord ont reu


devant termin
les
la

l'alphabet,

avaient dj dans l'esprit et

yeux certaines formes de caractres qui ont ddirection


si

qu'a prise leur criture. L'alphabet


ainsi,

runique
fait la

est,

l'on

peut s'exprimer

un alphabet

latin

ressemblance de l'criture ogamique, ou du moins


o/;.

(')

Vivien de Saint-Martin

cit., p.

178. Cf. Pline,

Ilisl.

mt., XXXVII,

M,

p.
'''

769-771.
Voir plus baut, p. S/iA-S'iG.
Cliodzko, Graviimtre palo-sLwe , Introduction, p.
1, Paris,

'^"'

iBfig

356

TROISIME

PAIITIE.

on sent derrire ces deux alphabets un substratum prhistorique

commun.
s'est

L'alphabet

rapidement altr entre

les

mains de

peuples spars du centre de la civilisation latine par une

immense tendue de mers. Les


plus dformes; le bton,
la lettre,

lettres se sont

de plus en

le slab,

c'est--dire la

hampe de
runes

a pris

une importance beaucoup plus grande que


et l'on a

dans nos critures,


bton

vu

se

dvelopper ces

rr

commun

)!,

samslafva runor, qui sont formes de deux

runes fixes

la

mme

tige.

Enfin, par un

phnomne que
l'cri-

nous avons dj renconti' dans l'criture ogainique,


ture a perdu son caractre alphabtique
partie symbolique.
C'est ainsi

pour redevenir en
l'o

qu'une

lettre,
soit

par exemple,

qui se dit

othil,

peut tre employe,


soit

avec la valeur alolhil^

phabtique

0,

avec

la

valeur nominale,

dans

le

courant d'une

mme

phrase.
Ulfilas,

Au
cra,

iv'^

sicle

de notre re,

vque des Goths,

pour

sa traduction des Evangiles,

un nouvel alphaaux-

bet, l'alphabet gothique,

compos des

lettres onciales

quelles

il

mla quelques caractres runiques. L'alphabet


surtout connu par le clbre Codex ar^enleus,
d'argent sur vlin jjourpre, qui dale de

d'Lilfilas est

crit
l'an

en

lettres
et est

38o

conserv

la

bii3liothque de l'universit

d'Upsal.

Ce manuscrit

est le

monument

le

plus ancien de

la littrature

germanique.
l'criture

Pendant longtemps,
avec
le

runique vcut cte cte


ge, on crivait des

nouvel alj)habet.

Au moyen

manuscrils en caractres runiques. Des fonts baptismaux,


dos cloches d'glise, des pierres tumulaires chrtiennes, portant des insci-iptions runiques,

nous attestent

le rle

consi-

drable jou par cette criture. Pourtant l'alphabet d'Llfilas

CRITURE RUNIQUE.
supplanta peu peu l'alphabet runique, qui a
fini,

357

comme

beaucoup d'critures anciennes, par devenir un alphabet


magique, dont
la

connaissance tait rserve aux prtres.


le

En

relguant cette criture dans

domaine des sciences mysfaisait

trieuses, la nouvelle religion

ne

que

lui

rendre son

caractre primitif. Mais


s'est

si

le

sentiment de l'criture runique

peu

peu perdu,

le

souvenir en est rest profond-

ment grav dans


fcLes

l'esprit et

dans

les traditions populaires.

Lapons, nous

dit

M. Xavier Marmier, qui

bien

voulu enrichir ce chapitre de ses souvenirs et de sa grande


connaissance des peuples du Nord, taient tout instant

en confrence avec des sorciers ou des sorcires tenant

la

main une espce de tambour qu'on appelait

la

runnehomme.

Avec ce tambour couvert de signes hiroglyphiques, de caractres bizarres, le sorcier prtendait entrer en

commu-

nication directe avec les puissances clestes et infernales,

dvoiler les secrets de l'avenir,

dompter

la fatalit ^'In
(')

L'ouvrage de

Knud Leem

sur les Lapons


la

nous montre

un de

ces sorcieis, le

marteau

main, accroupi derrire

un large tambour couvert de signes mystrieux. Sur un


autre tambour

du

mme

genre ^^^ des bonshommes aux


et

formes ogamiques, des sapins, des animaux, des glises

des croix se mlent des caractres rappelant les runes et


des figures cabalistiques.
Il

serait difficile,

si

l'on n'tait

pas prvenu, de reconnatre une criture dans ces figures capricieuses, et l'on a grand'peine leur trouver

une lointaine

^'^

Voyage en Scandinavie,

t.

I, p.

3i3.

^'

Knud Leem,

Beskrivelse over Finmarkens happer,

Copenhague, ly'^y,

tab. xc[ et p. 464-/j8o.


'^'

Erich Johann Jessen's


delinealioiie

De Finnonim Lapporumque
i

religione

pagana

iinn

cum

Ujmpani runici,

yS.

358

TROISIKME PARTIE.
les grossiers alpliabets

ressemblance avec
(rtiidier; elles ne

que nous venons


le

nous font que mieux sentir

degr

d'al

tration o avait pu descendre l'alphabet qui a servi


crire les chefs-d'uvre de la littrature latine.

ALPHABETS HUNIQUE ET GOTHIQUE COMPARES.

-M S.

VALEUR.

lUMQUE.

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11

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cniTURK RUMQUE.

359

NOMS.

VALKIR.

RUNIQLE.

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'I'
\

q
th

Une autre branche de

l'criture ruiiique a

donn

lieu,

chez les peuples slaves, k Valphahet glagoUtiqiie. La glagolila se

rencontre sous deux formes: la glagcllta curviligne,

et la glagolita carre;

on ne

la

trouve gure que chez les


elle est

Serbes de religion catholique, et

exclusivement r-

serve la langue de l'Eglise. Suivant certams auteurs, ce

360
serait

TROISIME PARTIE.
un alphabet de cration
locale, invent par opposition

l'alphabet cyrillique; suivant d'autres, l'alphabet glagoli-

tique serait une forme de l'alphabet runique, avec lequel


il

prsente de nombreuses ressemblances.

La grande

diffusion de l'alphabet runique, dont

chaque
plus en

jour apporte de nouvelles preuves, nous


plus le considrer

amne de

comme

l'ancienne criture de l'Euet latin,

rope septentrionale, en face des alphabets grec

qui

taient ceux de l'Europe mridionale. Seulement, l'alpha-

bet runique des Slaves devait tre vinc par l'alphabet cyrillique,

de

mme que

les

runes germaniques l'avaient t

par l'alphabet gotliique.

Le nouvel alphabet cr au

ix*"

sicle

par Cyrille et

Mthode

n'tait autre

que l'alphabet byzantin, avec cerhbreux, sans doute

tains lments smitiques, syriaques et

aussi avec certains caractres runiques. Cet alphabet, destin dans l'origine
les prires

faire passer les chants liturgiques et

dans

la

langue des peuples convertis au chris-

tianisme par Cyrille et Mthode, est devenu l'criture de


l'glise, et

par

l celle

de tous

les Slaves

orthodoxes et des
il

luthnes.

La

diversit des lments dont


la civilisation

se

compose

est

l'image exacte de

russe

sous laquelle on re-

trouve

le

vieux fonds slave, hionn par un christianisme qui

a toujours conserv une certaine couleur orientale.

LES ECRITURES DE L'ASIE SEPTENTRIONALE.

301'

CHAPITRE

VI.

LES CRITURES DE L'ASIE SEPTENTRIONALE.

L'alphabet n'a pas t arrt par les frontires de


Paissie

la

d'Europe;

il

a pass en Asie, et
le

il

a pntr jus-

qu'au fond de la Sibrie; nous

retrouvons aux frontires


11

mmes de l'empire russe et de la Chine.


affluents, le
la

existe

dans

la

haute

valle de l'Inissi et sur les bords d'un de ses derniei's

Kemtschik, confinant

la

province d'Irkousk et
l'on

Mongolie orientale, toute une contre o

rencontre

des inscriptions prsentant avec l'criture runique une assez

grande ressemblance pour qu'on

ait

pu leur

attribuer une

mme

origine. Ces inscriptions sont traces,

presque tou-

jours perpendiculairement, soit sur des rochers, soit sur

de longs alignements de pierres colossales qui rappellent


les

menhirs de

la

Bretagne

et

indiquent l'emplacement d'an-

ciens lieux de spulture. Elles sont

accompagnes de scnes

de guerre et de chasse grossirement dessines, mais elles


s'en distinguent

nettement,

et se rattachent, ainsi

qu'on

l'a

reconnu ds

l'origine, l'une des

formes anciennes de

l'al-

phabet. La valle de l'Ob et celle de l'Irtysh fournissent des


inscriptions de la

mme
la

famille.

La dcouverte de

premire de ces inscriptions date de

prs de deux cents ans. Elle est due

un jeune

naturaliste

de Dantzig, Daniel Gottlieb Messerschmidt, qui, sur l'ordre de Pierre


le

Grand, parcourut

la

Sibrie de 17-20 1757.

3G2

TROISIME PVRTIE.
Mmoires de l'Acadmie de Saintce

Elle fut publie dans les

Ptersbourg. Le souvenir des


Sibrie

inscriptions

runiques
,

de

v s'tait

peu prs perdu

lors-

(jue, la fin

du

sicle dernier, l'impII

ratrice Gatberine

envoya une nou-

velle mission leur reclierche.

Cinq
li-

nouvelles inscriptions furent ainsi


vres au

monde

savant. Pallas, Tych-

sen, Abel Rmusat, s'appliqurent


leur tude; Klaprotb mit en lumire
le

mouvement

civilisateur

auquel

elles
le

devaient leur origine et dmontra

caractre plus europen qu'asiatique

de cette pigraphie. Son mmoire parut dans \e Journal asiatique


,

en 1828.

Quelques annes plus tard,


-sf
9:

en

1867, Gastrn entreprit lui-mme un


voyage dans ces contres
et y
fit

de

nouvelles dcouvertes, qui rappelrent l'attention sur ces


.lamais

monuments,
de

pourtant

les

inscriptions

l'Inissi n'avaient t releves

d'une

faon assez complte pour qu'on pt

en tenter

le dcbifl'rement

avec chance

de succs. Enfin, en 1887 et 1888,


la
IiiS(ri|ilion tlcoiivcilo

Socit archologique de Finlande


la

envoya en Sibrie, sous

direction

par kleincnlz, on

i<SSf.

de M. 0. Donner, deux expditions

successives, qui en rapportrent trente-deux inscriptions.


Elles ont t publies dans

un recueil du plus haut


les

intrt,

auquel nous avons emprunt

renseignements qui prc-

LES CRITURES DE LASIE SEPTENTRIONALE.


cdent ('). Une autre mission, confie par
russe M.
jN.

363

le

gouvernement

ladrintseff, a abouti

de son cot une publi-

cation importante'-) qui complte les rsultats de la mission


finlandaise.

celles

M. ladrintset a trouv des inscriptions analogues


et

de l'Ob

de Tlnissi au del de

la

frontire

russe, sur les bords de

l'Orklioun, au sud de Kiaklita,


ville

dans

les

environs de l'ancienne
lui.

de Kara-Korum

dont

nous pouvons, grce

dterminer l'emplacement.

Deux

inscriptions chinoises, dont

une bilingue, en carac-

tres ougours et chinois, qui viennent des

mmes

parages,

permettent de dater

les

inscriptions

sibriennes avec

un

grand degr de probabilit. Le texte chinois de


bilingue mentionne
le

l'inscription
le

beg Koek-Khan, qui fonda ewjtik


l'autre inscription

Khanat des Turks ougours;


le

nous donne

nom

des Kien-Kouen, qui cessa d'tre en usage partir

de l'an 7 58.

M. Hamv, en prsentant
belles-lettres
(^^

l'Acadmie des inscriptions

et

un

travail

de M. Devria sur
faits

les inscriptions

sibriennes, a indiqu les

principaux qui se dgagent


se lisent

de leur dcouverte. Les inscriptions de llnissi


droite

de
al-

gauche

et paraissent appartenir

une criture

phabtique; du moins on n'y a reconnu jusqu' prsent que

quarante ou quarante-deux caractres ditfrents,


n'a rien

chiffre

qui

de surprenant pour un alphabet oriental. D'aprs


par
la Socit finlandaise

^''

Inscriplions ib l'iitissi recueillies

d'archologie,
el

Helsingfors,
dier loisir
'-'

1889,

in-folio.

Je dois M. Cordiei- d'avoir

pu

consulter

(tn-

ce nie'moire, encore peu rpandu en France.


taille et

Anciens caractres trouvs sur des pierres de


In

des monuments an

bord du Orkhon, dans


en

Mongolie orientale, par l'expdition de M. adrintsejj


,

188g, Saint-Pe'lersbourg
^''

1890,

in-folio oblong.
2\

Comptes rendus de l'Acadmie des inscriptions,

nov.

1890.

[).

/i-^o,

/laGet /|/i8-458.

364

TROISIME PARTIE.
tradition

une

rpandue chez

les

Tartares,

elles

seraient
il

l'uvre des Tchouds aux yeux bleus,

nom

par lequel

faut

entendre sans doute l'une des tribus finnoises qui se sont


succd dans ces contres depuis
le ni^ sicle

avant Jsus-

Christ jusqu' l'invasion des peuples turks, au vni^ sicle

de notre re. Cette opinion, assez gnralement admise, a


pourtant trouv des contradicteurs. Strahlenberg et A bel

Rmusat attribuaient les inscriptions sibriennes aux Scythes,


Klaproth aux Kirghizes. Tout rcemment, M. Mohl, dans

un mmoire lu
qu'elles

la Socit

de linguistique

^'),

a mis l'ide

ne proviendraient ni des Tchouds ni des Tartares,

mais des Samoydes, qui ont t trs puissants, avant de

tomber dans

l'tat

de barbarie o nous

les

voyons aujourles

d'hui. Les recherches entreprises

par Munkacsy parmi

Vogouls

lui

ont

fait

retrouver un cycle pique racontant

leurs guerres contre les


se

Samoydes. Des scnes figures, qui


les

mlent aux caractres sibriens sur

rochers de Sou-

lick et

l'on voit des guerriers cheval,

arms
le

d'arcs et

de lances, nous ont probablement conserv


ces luttes. D'autre part, au sicle dernier,
a recueilli
le

souvenir de

Messerschmidt

chez les Oiigriens (Ostiaks) des bords de

lOb

souvenir d'une race guerrire tablie antrieurement


villes, ses

eux en Sibrie, et qui avait ses


criture elle.

princes et son

Peut-tre aussi avons-nous l, ainsi que le croit M. Aspeiin, les critures

de peuples distincts de race

et d'poque.

M. 0. Donner a communiqu en iSSg^' '

la Socit finno-

F. G. Molli, Obsenatioufi sur l'hisloire des langues sibripvncs (Mmoires


Socit de liniruisliqxtc ,
t.

de

la
''

VII, (|ua(riiiio fascicule, 1891).


,

Journal de la Socit

Jiniio-oii<rrieniip

liiiiliiiic

fascicule,

Ilelsing-fors,

i^yo.

LES EGKITURES DE L'ASIE SEPTENTRIONALE.


oii(rrienne

365

une coupe en argent trouve Perni

et qui porte

des caractres fort analogues aux caractres sibriens.

Une

mme
cpi' la

famille d'alphabets s'tendait donc depuis Perin jus-

Mongolie, ds

le vni'' sicle

de notre re, avant

l'in-

li'oduclion de l'criture nestorienne dans l'Asie centrale.

quelle branche de l'alphabet faut-il rattacher ce nou-

veau rameau? Est-ce l'alphabet runique, ou bien,


le voulait

comme

dj Tychsen, aux caractres gothiques, ou bien

mme
est

un des drivs de l'alphabet indien? La question


il

encore discute;

faut esprer qu'elle ne tardera pas

tre rsolue, car de divers cts on s'occupe

du dchif-

frement des inscriptions sibriennes; certaines analogies de


forme, qui ont frapp de tout temps ceux qui s'en sont
occups, et la diffusion
faire

mme

de cette criture, semblent

pencher

la

balance en faveur de son origine runique.


l'Inissi

Les inscriptions de

devraient donc tre considres

comme une

ramification lointaine des

anciens

alphabets

europens, dont l'action se serait ainsi propage jusqu'aux


limites extrmes de l'Asie.

Rien
la

n'est

imposant

comme

cette

marche de l'alphabet

conqute du monde. Elle a quelque chose du caractre


grandes invasions.

irrsistible et fatal des

En

face des

mi-

grations des peuples qui

lancent priodiquement l'Orient

sur l'Occident, nous voyons l'alphabet phnicien remonter


le

courant. Aprs s'tre tabli dans


il

le

bassin de la Mdi-

terrane,
la fois
:

pntre dans

le

centre de l'Asie de trois cts

tandis

que l'alphabet indien s'empare peu


et

peu

de toute la rgion situe au sud de l'Himalaya

rayonne

jusque sur

le

hibet

et la

Mongolie, l'alphabet syriaque

s'avance directement travers le plateau central et lance

une pointe hardie jusqu'en Chine; au Nord, enfin, nous

366

TROISIME PARTIE.

avons vu l'alphabet grco-italiote, aprs avoir contourn


l'Kurope, devanant les voyageurs modernes, pntrer

son tour dans

les plaines

de

la Sibrie; et ces trois

branches

de l'alpliabel, parties dans des directions opposes, se sont


rencontres et sont venues se heurter aux murailles de
la

Chine. C'est

la

marche

mme

de

la civilisation, et les dille-

rents degrs de perfection

ou de dgradation de l'alphabet

correspondent aux dilrents degrs de dveloppement des


peuples.

M.

Senart

remarqu que l'alphabet de

l'inissi

prsentait certaines ressemblances avec l'alphabet indien.

Peut-tre

doivent-elles s'expliquer par l'influence


trs

l'ci-

proque d'alphabets qui n'taient pas


des autres.
11

distants les uns

est possible

que

l'alphabet indien,

que nous
avanc

avons vu tabli au Thibet et en Mongolie, se

soit

encore plus au Nord. Peut-tre aussi cetle ressemblance


vient-elle de ce

que

les

peuples faonnent l'criture leur

image;

si

bien qu'un alphabet, en passant dans un noule

veau miheu, prend

caractre du

sol

il

se trouve

transplant, et qu'ainsi des critures trs diverses d'origine


finissent

par avoir un air de parent qu'elles n'avaient pas

primitivement.

Au centre mme de
pi'e Vial
([ui
(')

l'empire chinois, dans le Yun-nan, le


l'existence d'une criture

a signal

rcemment

par certains cts se rapproche du chinois, tandis que


elle parat se rattacher

par d'autres

nos critures alphaotlVe

btiques. Chose curieuse, l'criture


singulires analogies avec

du Yun-nan

de

une autre criture d'origine toute

rcente, que nous trouvons l'autre extrmit du


'"^

monde,

Vial (P.),

De

la

langue

cl

di l'criturj iiuUgcues du Yun-nan, Angers,

1890.

LES CRITUUKS DE L'ASIE SEPTENTRIONALE.


sur la cte occidentale de rAlVique,
le syllabaire

307

de Doalii

Bukara^'), qui a t cr de toutes pices par deux indignes

appartenant

la famille dos

Vai et qui est usit dans TElat

de Libria

et sur la cte des Esclaves.

Ce dernier systme

d'criture serait intressant tudier, parce qu'il nous per-

met de prendre sur

le fait la

naissance d'une criture cbez


civilisation

un peuple sauvage, au contact del


mais
c'est

europenne;

une cration tout

artificielle et

qui sort du cadre

de notre tude.

A mesure que
tures

l'on s'loigne

du foyer de

la

civilisation

antique, on voit ainsi se multiplier le

nombre de
et

ces cri-

mal

dfinies,

mlange de signes grossiers

de carac-

tres plus rguliers, se reproduisant avec

une persistance
depuis

qui dnote des

emprunts

faits

des

alphabets

longtemps constitus. Ces

essais

pour rendre des langues

peu dveloppes devaient


avait

s'arrter avec la cause qui leur


les races

donn naissance, parce que

auxquelles

ils

s'adressaient n'avaient pas

un degr de

civilisation sufiisant
le

pour s'approprier
l'criture

et

pour conserver intact


ils

principe de

alphabtique sur lequel

reposaient. Par l s'ex-

pliquent les altrations de ces critures alphabtiques per-

dues aux extrmits du monde,

et

dans lesquelles on

peine reconnatre l'alphabet, de


reconnatre la figure

mme
la

qu'on a peine

humaine sous

dgradation de cercriture est l'ex-

taines peuplades de la Polynsie.

Chaque

pression d'une civilisation; abandonne elle-mme, elle

retombe dans
'"'

la

barbarie,

comme

ces

animaux domestiques
t.

Capt. Foi'jjes, Journal of the Gco^nyiph. Socieli/ ,


fort rare sui* l'crilure el
la

XX.

M.

ie

D' Haniy

possde une brocliure


lilre

langue vai, j)arue sans

Londres en i85i

et qu'il a

bien voulu

me communiquer.

368

TROISIEME PARTIE.

qui redeviennent sauvages lorsqu'ils ne sont plus soumis


l'action directe
il

de rhomme.

devait en tre de

mme,

plus forte raison, des alphase produire sur di-

bets indpendants

que nous avons vus

vers points du

monde

antique. Ces essais d'criture, plus ou

moins rudimentaires, taient condamns disparatre devant l'alphabet phnicien; crs en vue de circonstances locales,
ils

ne reposaient pas sur un principe simple

et

fcond,

capable de se modifier suivant les circonstances et de s'approprier d'autres langues;


ils

taient rfractaires la loi

du transformisme, qui

est la loi

souveraine de l'criture. Ce
l'on

sont des tentatives avortes


confins

que

trouve rejetes aux

du monde ancien, comme

ces dbris d'tres vivants

que

la

mer

rejette sur ses bords.

CONCLUSION.

Nous avons puis


cien

la

longue

liste

des critures de TAn-

Monde,
les

et

nous en avons

suivi les

dveloppements,
fixer la parole

depuis
et

premiers essais de l'homme pour

donner l'expression de sa pense une forme durable,

jusqu' la constitution des alphabets dont nous nous ser-

vons encore aujourd'hui. Nous avons vu tous


ns sur les points
les

les

systmes,
le

plus divers, converger vers

mme
du
lan-

but

l'expression, au

moyen de
formule

l'criture, des sons


a t

gage.

Le jour o

cette

trouve et o l'alpha-

bet

s'est

dgag de son enveloppe idographique, Thuma-

nit a
sicles

eu son criture dfinitive, pour une longue srie de

du moins.
effet,

En

les

sons de la parole tant, peu de chose


partout, les

prs, les

mmes

mmes

lettres

pouvaient, avec

quelques lgres modifications, se prter crire toutes


les langues.

Telle est la cause du triomphe de l'alphabet. Sans doute,


il

tait
il

beaucoup moins

parfait

que

l'criture gyptienne,

mais

rpondait beaucoup mieux aux besoins d'o est ne


,

l'criture

parce qu'il

tait plus

simple

et qu'il

pouvait s'apil

pliquer d'autres langues que celle pour laquelle

avait

t cr. Aussi devait-il devenir, par la force des choses,


l'criture

de tout

le

monde

civilis.

Tous

les

alphabets qui sont en usage sur

la terre

drivent

370
(les

CONCLUSION.
vin(jt-(leii\

leltrcs

de l'alphabet pliiiicicn,

les

alpha-

bets indo-europens aussi bien

que

les autres.

Ces derniers

en sont
sorte

mme

ns une date relativement rcente, de telle

que

la civilisation

indo-europenne, qui

est le

couron-

nement du
la

travail des sicles passs,

nous apparat

comme
mot

dernire en date, non seulement dans nos pays, mais

mme

dans llnde. Ainsi se trouve

justifi,

suivant le
:

de M. Renan, l'un des vieux adages de l'humanit


Japhet habite dans les tentes de Semli?
11

crQue

serait difbcile

de trouver, dans

l'histoire

des dcouait

vertes,

un autre exemple d'une invention qui


extraordinaire.

eu une
de
en

fortune aussi

L'alphabet

s'est

tendu
et,

proche en proche tous les peuples de r(3ccident


Orient,
il

supplant l'criture cuniforme et les hiro-

glyphes de l'Egypte qui taient reus depuis des milliers


d'annes et qui avaient une littrature trs dveloppe. La

Chine seule

lui a

ferm ses portes, mais

elle n'a

pu

le faire

qu'en se mettant volontairement en dehors de notre civilisation.

Si

l'on

dresse

une carte des alphabets


(ju'ils
:

usits

dans

le

monde, on reconnatra
impos tous

peuvent

l'est,

se

ramener

quatre

ou cinq types principaux


s'est

l'alphabet arabe, qui

les

peuples de religion musulmane, de-

puis les confins de la Chine jusqu' la cte occidentale de


l'Afrique, et l'alphabet indien; l'ouest, l'alpliabet latin,
(pii

a t adopt
et

par une grande partie des peuples de


les

l'Europe

par tous ceux du Nouveau Monde; entic

deux, l'alphabet grec, qui est devenu celui des peuples


slaves;

au nord, enfin, l'alphabet germanique, qui


qu'un driv de l'alphabet
latin.

n'est lui-

mme

Encore

cette divi-

sion ne rpond-elle pas exactement la ralit.

CONCLUSION.
L'alphabet
laliii s'est

371

rpandu,

soit

par

le

coinmerce,

soit

par

les lettres,

bien au del de ses frontires naturelles. Ses


sicles ont

profres

pendant ces derniers

mme
les

si

consi-

drables qu'il est presque devenu, pour les peuples occi-

dentaux, ce qu'est l'alphabet arabe pour


sulmans.

peuples

mu-

Non seulement
(|ui

il

a t adopt par tous les peuples


il

de l'Amrique et de l'Australie, mais rope des peuples

s'est

impos en Euil

avaient leur criture propre et

est

arriv tre employ,

concurremment avec
et

l'alphabet gerl'al-

manique, en Allemagne
phabet
slave.
Il

en Sude; eu Russie, avec

est la seule criture

des Polonais et des

Hongrois.
ture

On a pu croire un moment qu'il deviendrait l'cricommune de tous les peuples de l'Europe et de l'Amramener tous
les

rique. Cette tendance

alphabets deux
des elorls

ou

trois

nous apparat

comme une consquence


la

constants de l'Iiomme pour arriver une expression toujours

plus simple et plus universelle de

parole.

Depuis vingt ans, nous assistons nue laction dont


l'Allemagne a donn l'exemple, et qui tend enlever sa

prminence

l'alphabet latin, qui tait

devenu peu

peu

un alphabet commun servant aux transactions


nales spciales chaque peuple.

internatio-

nales, et le remplacer par les anciennes critures natio-

Nous ne croyons pas que

l'alphabet germanique, avec ses lettres aux formes compli-

ques, entre lesquelles

les confusions sont


si

si

faciles, puisse

jamais se substituer aux formes


11

simples de l'alpiiabet latin.

faut le concours de bien des circonstances

pour assu-

rer le triomphe d'une forme de l'criture. Sans doute, l'ap-

pui que donne l'criture

la

puissance matrielle et morale

d'un grand empire n'est pas indilfrent sa propagation,

mais bien d'autres causes

y contribuent,

qui ne sont pas


a&.

372

CONCLUSION.
Iiomme
ni

entre les mains d'un

mme
pour
fait

d'un peuple. L'alpha-

bet latin a d sa fortune moins encore au gnie de


qu' la Bible latine, qui en a
fait

Rome

les

peuples occiden-

taux ce que

la liturgie

grecque a
le

de l'alphabet byzantin
les

pour

les

peuples slaves,

Coran de l'arabe pour


la

mu-

sulmans. Et quand, plus tard, l'poque de


les Italiens et les

Renaissance,
les

Espagnols eurent

rompu avec

formes

gothiques des alphabets du

moyen ge pour

revenir aux

caractres latins, ce vieil alphabet trouva

un nouvel agent
langue sciena peut-

d'expansion dans
est

la

langue franaise du xvn' sicle, qui


la

devenue, grce son admirable clart,

tifique par excellence.

Le Discours sur

la

mthode
la

tre contribu indirectement autant

que

Bible la dif-

fusion de l'alphabet latin. Les destines de l'criture et de


la

langue se sont

mme

si

bien fondues que

c'est

par une

raction contre la langue franaise qu'on voudrait proscrire


l'alpliabet latin. tive,

Quelle que

soit la

fortune de cette tenta-

on peut dire que l'avenir ne


la

lui

appartient pas, parce

que
la

multiplication des alphabets locaux est contraire


l'criture.

marche gnrale de
il

A mesure que riiomme

avancera,

donnera l'expression graphique de sa pense


et plus accessible tous.

une forme plus gnrale

Arrivera-t-il jamais crer


verselle, capable

une criture vraiment uniles

de servir indiffremment tous

peusicle

ples et de s'adapter toutes les langues?

Le xvnf

dj s'tait proccup de ce problme. Volney, avec cet esprit singulirement pntrant qu'il portait

dans toutes

les

questions relatives l'antiquit orientale, avait entrepris

de

le

rsoudre; son Alphabel europen appliqu aux langues


qui parut en
1

orientales y

est
la

un

essai d'criture univer-

selle,

appliqu spcialement

transcription des langues

CONCLUSION.
smitiques.

373

Ce

tiait,

qui tait une

uvre

capitale ])our

l'poque, a t adopt pour la transcription des

noms

orien-

taux dans

le

grand ouvrage entrepris, sous


la suite

les

ordres du
la

Premier Consul,
cription de
l'

de l'expdition d'Egypte,

Des-

Egypte, qui a

marqu

le ])oint

de dpart des

travaux de notre sicle sur l'antiquit gyptienne.

Nous

l'avons repris notre tour, avec

une connaissance

exacte des langues qui manquait au xvni' sicle. L'analyse


scientifique des
lois

lments primordiaux du langage

et

des
la

qui prsident ses transformations, c'est--dire de


et d'autre part l'tude

phontique,

comparative des

diff-

rentes langues ont permis de distinguer des sons que l'on


avait confondus sous

une notation commune

et

de

faire des

alphabets de transcription universelle qui sont une sorte de

formule algbrique du langage. Mais


alphabets, crs pour les besoins de
la

il

faut distinguer ces

science l'usage des

savants, d'une criture usuelle capable de se substituer aux


diffrents alphabets

modernes.

L'histoire de l'alphabet phnicien est l

pour nous prou-

ver que,

si

une rforme de ce genre venait se produire,


dans une simplification,
et

elle consisterait

non dans mie


Encore

notation plus savante des lments de fcriture.


est-il

permis de douter que l'alphabet puisse

se prter

une

pareille transformation.

Cette criture universelle, que l'on rve pour l'avenir,


a dj exist et

nous

la

connaissons

c'est

l'alphabet phni-

cien, qui a t,

un certain moment,

l'criture

de tous

les

peuples

civiliss.

Or

l'histoire
il

nous a montr que, quelques


fractionn en une infinit

sicles aprs sa cration,

s'tait

d'critures diffrentes, qui avaient

perdu

le

sentiment de

leur origine

commune

et

dont nous arrivons aujourd'hui

374

CONCLUSION.
la

seulement dmontrer
les

parent.

mmes

causes amneront les

H y a Heu de penser que mmes effets. Les dit-

rences oiganiqucs profondes qui sparent les peuples s-

mitiques des peuples indo-europens seront toujours un

prand obstacle l'adoption d'une criture

commune aux
il

deux races,

et,

quand

cette

criture existerait,
si

est pro-

bable qu'elle ne tarderait pas,

elle tait

abandonne

elle-mme, se scinder en plusieurs branches, parce que


les

langues transforment constamment leur instrument,

l'-

criture,

conformment leur gnie propre. En tout


les

cas,

un alphabet universel suppose entre

peuples une comrelations

munaut de vues
semblent pas prs

et tout

un ordre de

qui ne

d'exister.

La situation de nos critures modernes rappelle assez


celle des critures

de l'Ancien

vention de l'alphabet.
])arlag entre

cette
trois

Monde au moment de poque aussi, le monde

l'in-

tait

deux ou

systmes d'criture diffrents,

dont l'un surtout, l'criture gyptienne, avait port au plus

haut degr de perfection l'expression de toutes


(lu

les

formes

langage. Qu'ont

fait les

Phniciens?

Ils

ont pris dans cet

arsenal une vingtaine de signes, ceux qui leur taient stric-

tement ncessaires,

et

ils

en ont

tir

une criture nouvelle,

sans aucun souci de toutes les finesses de l'orthographe,

sabrant dans les dsinences vocaliques des verbes, jetant

au panier tous

les

conqdments phontiques. Mais

cette cri-

ture, (juelque grossire qu'elle lut, reposait sur

un principe

nouveau

et

fcond,

le

principe de l'criture alphabtique,

c'est--dire d'une criture

dans laquelle chaque

lettre r-

pond
Il

un

son.

faut

reconnatre que nous nous en

sommes

singuli-

CONCLUSION.
renient caiis et que cette dfinition ne saurait

375
s"a|)[)li-

quer rigoureusement

nos

critures modernes.

Elles

ne

sont plus phontiques que dans une trs faible


elles sont

mesure;

devenues des critures savantes, qui ne sont pas

sans quelque analogie avec les hiroglyphes des Egyptiens;

chaque mot forme un

petit
il

ensemble, dans lequel,

ct

d'lments phontiques,

y en a d'autres qui ne se pro-

noncent pas

et

qui servent soit distinguer Til un mot


la signification, soit

d'un autre et en marquer l'origine et


en indiquer la forme grammaticale.

Ce dfaut, commun

presque toutes nos langues,


il

est

particulirement sensible

en franais;
la

faut si\ lettres ])our crire le


fait

mot

aiment, o
le

prononciation ne

entendre que deux sons; encore

premier de ces sons ne rpond-il aucune des deux

lettres

qui servent le rendre; beaucoup d'autres mois sont dans


le

mme
un

cas.

De

l vient, entre l'criture et la

prononciadilficult

tion,

cart toujours plus grand, qui cre

une

souvent presque insurmontable pour ceux qui veulent ap-

prendre crire nos langues,


les peuples.

et contribue

encore sparer

Le sentiment des inconvnients de

cet tat de clioses el

des dangers quil prsente pour l'avenir de notre criture


et,

par suite, de notre langue,

provoqu un mouvement

en faveur d'une rforme de l'ortiiographe qui en ferait disparatre les anomalies et la rapprocherait, dans la

mesure
s'est

du

possible,

du langage

parl.

la tte

du mouvement

plac rsolument un des matres des tudes linguistiques en

France, M. Louis Havet.


L'entreprise n'est pas nouvelle, et, depuis trois cents ans,
elle a t tente

plus d'une fois; mais

le trait

caractristique

du mouvement actuel,

c'est qu'il est |)arti

des

hommes

qui

376 ont
le

CONCLUSION.
plus tudi
l'Iiistoire

de notre langue

et les lois

qui

prsident aux transformations du langage. Elle

est la
le

con-

squence naturelle des travaux accomplis depuis

com-

mencement du
de
la philologie

sicle

dans

le

domaine de

la linguistique et

compare. C'est une rforme demande au


qui cette
fois est alle

nom de

la science,

au-devant du sen-

timent public; et l'accueil qu'elle a reu ds l'abord dans


l'Universit et

parmi ceux qui sont chargs d'enseigner

la

langue franaise semble prouver qu'elle rpond un besoin


rel.

Et pourtant

il

est

si difficile

d'aller contre la tradition

que

l'on

peut se demander

si

cette

tentative,
s'il

mme

r-

duite au plus strict ncessaire, aboutira, et

n'est pas trop

tard pour l'entreprendre. Les poques d'analyse scientifique

ne sont pas
naires

celles oii

l'on

cre. Les langues, rvolution-

quand

elles sont

jeunes, deviennent conservatrices

on
le

vieillissant.

Voltaire, qui possdait

un

si

haut degi'

gnie de la langue franaise, avait dj tent d'introIl

duire dans notre orthographe quelques simplifications.


a chou. Notre langue est

beaucoup moins lastique que

du temps de Voltaire,
diesses qui auraient

et

nous reculons devant des har-

paru jeux d'enfant aux grands crivains

du xvu'

sicle.

L'un des

hommes

qui ont

le

plus

fait

pour provoquer ce

mouvement, M. Michel Bral,


Ilcviic dcH

a expos

rcemment dans
lui

la

Deux-Mondes, avec l'autorit qui

appartient, les
il

difficults

que rencontrerait une

pareille rforme, et

rsum

ses ides en

un volume qui marque une certaine


oh
il

hsitation dans la voie

tait

d'abord entr avec assusi

rance. Notre langue est

un

difice

bien arrt dans toutes

ses parties qu'on risquerait de l'branler en voulant y ton-

CONCLUSION.
cher.

377

Nous sommes enlacs non seulement par toute notre


mais par une orthographe savante qui rend adles

littrature,

mirablement toutes
tient

nuances de notre grammaire

et

qui

au gnie

mme

de notre langue, dont

elle fait la clart.

On
cher

dira peut-tre qu'il ne s'agit plus l de l'criture,


ses applications; et pourtant

mais d'une de

on ne peut tou-

l'oi'thographe sans toucher

au principe

mme

de

notre criture, parce que l'criture ne se borne pas seule-

ment

enregistrer les sons

que

l'on peroit,

mais aussi
et

les

sons latents, qui reparaissent certains

moments

qui

marquent
souvent

la

valeur grammaticale des mots et en prcisent

la signification.

De

mme

viennent

les difficults

presque insurmontables de l'entreprise.

Pour qu'une rforme de notre orthographe puisse aboutir,


il

importe, en tous cas, qu'elle ne se fasse pas d'une


absolue, mais peu peu, en tenant

faon thorique ni

compte de
langue,

l'usage, qui s'impose

mme

aux matres de
le

la

et qu'elle

ne s'en carte que pour

guider dans sa

voie naturelle, en s'inspirant de l'esprit de la langue franaise.

Ce

sera, quoiqu'il advienne,

un honneur pour les savants


les conditions
la

de notre poque d'avoir compris

de

la vie

des

langues et d'avoir cherch faire profiter

ntre du fruit

de leurs travaux.
le

Si notre

langue veut garder sa place dans


c'est--dire l'adapta-

monde,

il

faut

que l'orthographe,
la

tion de

l'criture

langue, se tienne aussi prs que

possible de la ralit.

Notre civilisation marche vite;

elle

va au

plus press

sans se soucier des questions de sentiment ni du respect

des traditions;

elle

estime qu'en matire d'criture,

comme

en toute autre, suivant l'expression de M. Bral,

c'est l'uli-

378
lit

CONCLUSION.
qui doit servir de rgle, et
si
il

ne

serait

pas impossible
elle le laisse

que,

ou ne

lui

rforme pas son instrument,

de cot

et s'en

fabrique un autre. Cetle nouvelle criture

n'aurait rien de
rait

commun

avec nos critures savantes; ce sefaciliter les trans-

une criture commerciale, cre pour

aclions, (luebjue application

du phonographe, une
qui

sorte de

photographie de

la

parole,

nous viendra peut-tre

d'Amrique.
L'alphabet phnicien n'est pas n autrement. C'tait dans
le

principe une criture ne des besoins

du commerce, une
aux

sorte de tachygraphie, qui dut paratre bien grossire

Egyptiens, habitus aux formes lgantes et aux finesses

orthographiques de leurs hiroglyphes;


criture

ils

l'appelaient

l'ils

des

vils

Htas

et,

pendant mille ans encore,

continurent tracer leurs inscriptions et recopier leurs


livres sacrs et leurs

uvres
fait se

littraires

avec leur criture

nationale. Si le

mme

reproduit, jnaintenant ou plus

tard, nous assisterons la rptition des

mmes

incidents.

Nous aurons, d'une

j)art,

une criture tlgraphique, desaux

tine l'exportation et dont l'enseignement sera rserv

coles de

commerce,

et,

d'autre part, l'criture officielle

et savante, qui sera celle

des coles et de la socit lettre.

Pendant longtemps encore, on continuera crire


par
le

comme

pass les chefs-d'uvre de notre littrature, ce qui


l'alpliabet d'tre

n'empchera pas, quelque jour peut-tre,

remplac par une autre criture, reposant sur un principe


nouveau.
L'histoire
(|ue,

de l'criture, en

effet,

nous permet d'affirmer


soit

pour qu'une nouvelle criture


rponde deux conditions.
Il

possible,

il

faut

([u'elle

faut d'abord qu'elle

prenne pour point de dpart

l'criture actuelle et qu'elle

CONCLUSION.
en
soit

379
la loi

une simplification

la

transformation est

con-

stante de rcriture.

lanl, en

second lieu, qu'elle repose

sur un principe nouveau, qui

marque un progrs sur

l'al-

phabet.
Cette criture n'a pas encore t trouve. Qui sait
l'Exposition universelle de l'an
les sicles
si,

1900, ou

celle

de

l'an 9.000,
la verra

comptent bien peu en ces matires, on ne

pas figurer sur les murs de quelque nouveau chemin de


fer Decauville,
et

parmi

les

inscriptions destines tre lues

conqrises des visiteurs

venus de tous

les

points

du

monde?

TABLE ANALYTIQUE DES MATIERES.

Pages.

IxTRODLCTlON

"

I-WIII

PREMIKRE PARTIE.
L'CRITURE
Chapitre
sa
I.

AVAM

L'ALPHABET.
essais

Les origines de rcriture.


crit.

Premiers

de l'homme pour

fixi'r

pense par

Dessins.

Sigaes mne'moniqiies.

Marques de

Marques de Btonnets Quippos. Wampums CuAPiinE fgaratives. Fusion des images moniques. La dernes.
proprilaires.

chasse.

entailles.

Slicki

messages.

11.

Inscriptions

et

des signes

mn-

piclographie.

Inscriptions figuratives anciennes et

mo-

Inscriptions portatives.

Inscriptions sur bois de

l'le

de Pques.
q

Tatouages
III.

CriAPiTRE

Eaulures hiroglyphiques du Nouveau Monde.


d'criture des Mexicains.

Ecriture aztque.
l'criture.

genres Le phontismo
Diffrents

Le rbus dans

s'introduit par les

noms

propres.

= Du

rle des dates et

des indications chronologiques dans l'criture.

Ecriture calculiforme des

Mayas du Yucatan.
lative.

De

l'tendue de celte criture et de sa perfection re-

n
.

Elments de

l'criture calculiforme; les Katouns.

Inscriptions

et manuscrits.

Le

texte se spare des illustrations et les caractres

re-

oivent une forme constante.


(]uAPiTRE

Tentatives de dchiffrement

aG
3-j

Les grands systmes hiroglyphiques de l'Ancien Monde

Chapitre V. Ecriture chinoise.

Origine

figurative des caractres chinois.

Anciennet et premiers monuments de cette criture.

De son

caractre phontique.

De son

principe.

Les

clefs.

Les transformations de

l'criture chinoise.

Ecriture japonaise.

Tableau du syllabaire japonais


/i

Kata-kana)
Ecriture cuniforme.

(JiiiPiTRE VI.

Histoire du dchilrement des


Du

inscriptions

cuniformes.
auxquelles on
assyrienne.

Des

diffrents genres d'critures cuniformes et des langues

les a

appliqus.

Ecriture chaldenne et criture cuniforme


rle des clous

Gense des caractres cuniformes.

ou

382
des coins.
l'ois

TABLE DES MATIRES.

Caraclre

complexe de rcriture cuniforme.


et

idographique

et syllabique.

comparatif des syllabes simples.


devient alphabtique.

Polyphones homophones. Tableau Ecriture L'criture cuniforme


Elle est h
la

pei-se.

CiiAPiTHE VHI. Ecriture cypriote.


ciiiirrcmenf.

Tableau de ralphabel Des

perspolilain

50

inscriptions cypriotes et de leur d-

Opinions

diverses sur l'origine de l'criture cypriote.

Ta8A

bleau

du

syllabaire cypriote

CiiAi'iTRE VIII.

hiratique, dmotique.

Ecriture
glyphes.
et

De formes hiroglyphique, Du dchiffrement des hiroglyphes modes de formation des hiroglyphique. Des Hiroglyphes Les gyptiens un
Ecriture gyptienne.
ses diverses
:

gyptiens.

diffrents

hiro-

avaient

alphabet.

syllabiques

idographiques.

Analyse de

la

dernire ligne de

la pierre

de Rosette.

Ecriture hiratique.

Ecriture dmotique

90

CmpiTRE IX. Hiroglyphes

hittites.

Qu'est-ce que les Hittites?

DcouSpcimen
io5

verte d'inscriptions hiroglyphiques dans le nord

de

la

Syrie.

de cette criture.

Le
les

lion

de Maiacli.

Tentatives de

dchiffrement.

Rapports avec

autres systmes d'crilure

DEUXIME PARTIE.
HISTOIRE DE L'ALPHABET.
Chapitre
I.

L'ALPHABET PHMGIEIN ET SES DERIVES.

L'origine de l'alphabet.

L'alphabet

fait

son apparition sur

la

cte de Syrie.
l'gyptien.

Les
et

traditions des anciens sur son origine.

Il

est

n de
soit

On cherche

l'expliquer soit par l'criture

hiratique,

par

les

hiroglyphes.

Tableau

compar de l'alpbabet phnicien


il

et des

formes hiratiques
ces explications.

hiroglyphiques d'oii

serait sorti.

Difficults

de

Autres thories relatives l'origine de l'alphabet.

1
1

L'alphabet phnicien primitif

Chapitre IL Les alphabets europens.


nicienne est connue des anciens.

L'alphabet Tableau de
ils

grec.

Son origine ph-

l'alphabet des inscriptions

de Thera.
nicien
:

Tiiple
renversent

modification que les Grecs font subir l'alphabet phle

ils

sens de l'criture,

redressent les lettres,

ils

crent

les voyelles.

Autres modifications secondaires.

Les

lettres

addition-

nelles de l'alphabet grec.

Classilication des alphabets grecs et

coup d'il
1

sur leur histoire.

Tableau compar des alphabets grecs

m8

Les drivs de l'alphabet grec.

Phrygien.

Lycien.

Carien.

Tableau

de ces alphabets. phabet


est arriv

Les

alphabets italiotes.

Alphabet trusque.
(recs.

Il

L'al-

aux Etrusques par l'intermdiaire des

donne
latin.

naissance aux alphabets ombrien, osque et sabelli(|U0.

L'alphabet

Diverses opinions au sujet de son origine.

Est-il

n directement du

grec ou vient-il de l'ctrusqne

L'alphabet latin primitif et ses transfor-

TABLE DES MATIERES.


mations.

383
dans
la

Modillcalions dans

la

forme des

letlrcs et

conslilutiou
l'al-

de Talplinbet.
jdiai)et latin.

Tableau compar
et latin

Influence dos gramnicHiiens grecs sur

la

formation de

des alphabets olo-dorien, trusque,

omi

brien, osquo

archaque et moderne
suiiliqiies

^3

Chapitre

III.

Des alphabets

en gnral.

Uniformit de

la

compo-

sition des alphabets smitiques.

qu'a subies
cette tude.

la

forme des
Histoire

lettres.

Leur Degr de
11

histoire se rduit

aux modifications

prcision auquel on a port

classilication.

du dchilTrement des alphabets smitiques.


branches principales:
le

Leur
i

On
que

v reconnat trois

phnicien,

l'hbreu ancien et Taramen.


ses drivs, ainsi
les

faut y rattacher l'alphabet himyarite et

alphabets de l'Inde

03

Cbapitre IV. Alphabet phnicien.

s'expliquent par son caractre cursif.

Alphabet de transition.

datent de l'poque perse et

punique.

De

l'criture cursive

Les modifications de phnicienne phniciennes archaques. La plupart des phniciennes alexandrine. Type sidonien des Phniciens. criture no-punique.
l'criture

Inscriptions

inscriptions
,

type cypriote, type

Tableau compar des alphabets phniciens

i6y

Chapitre V. Alphabet hbraque.

L'criture hbraque ancienne.

La

stle

de Msa peut
ture.

tre considre

comme

nous fournissant

le

type de cette cri-

les

L'inscription du canal de Silo et l'poque d'Ezchias.


s'efl'ace

L'alpha-

bet hbreu archaque

devant l'criture aramenne.


et

Il

se conserve

dans

monnaies des sides du Temple

dans l'alphabet samaritain.

Tableaa compar de ces diffrents alphabets.


braque

Caractre

de l'criture h-

88

Chapitre VI. Ecriture aramenne.


tion de l'alphabet.

Du

rle des

Aramens dans

la

propaga-

Les plus anciens monuments de l'criture aramenne.


les

La statue de Panmou,

anciens sceaux aramens et les briques bicette criture avec


le

chaque.
lingues.

Grande ressemblance de
L'criture

phnicien ar-

aramenne

l'poque perse.

L'criture

aramenne

devient l'criture
s'opre
:

officielle.

La transformation de

l'criture.

Elle

par

la

suppression de la tte des lettres; a" par i'efl'acement des


lettres sur elles-mmes.

angles; 3 par
gatures.

un retour des
la

De branches. sur
l'criture.

grande diffusion de

l'criture

aramenne.

Apparition des Ses

On

li-

diverses

Inscriptions

aramennes d'Egypte.

Influence

du papyrus
re-

Inscriptions

aramennes du nord de l'Arabie.

trouve

la trace

de l'alphabet aramen jusqu'en Perse

ao

Chapitre VIL Les drivs aryens de l'alphabet aramen.


l'nde.

Les alphabets de
ori-

On

a cru

pendant longtemps que l'criture sanscrite avait une

gine indpendante.
Piyadasi.

Date rcente
de
Piyadasi.

de l'criture dans l'Inde.


et

Les

dits

de
la

Texte indo-bactrien

texte

indien.

Dtermination de

date

des inscriptions

Origine

aramenne de l'alphabet

o8'4
iiido-bactrien.
clic a

TABLE DES MATIERES.

Origine de l'alphabet indien.

Discussions auxquelles
doit sans doute

tre

Le dveloppement de en Inde rapport au bouddhisme. Les transformations de qu'au dvangari. Principe du dvangari. Les grandes
donn
lieu.

l'criture

l'alpbahet indien jus-

ramifications

(les

alphabets de l'Inde.

Branche du Nord ou indo-europenne.


Alphabet Pa'-sse-pa.

Elle

s'avance jusqu'au Tbihet.


plie.

Branche du Sud ou
Les inscriptions du

Ecriture cursive et criture monumentale.

Cambodge.
renne

Tableau compar des alphabets de

l'Inde.

Ecriture co9a
J

Chapitre VIII. Les drivs iraniens de Valphabet aramen.


pehlvi.

Dchiffrement du zend-avesta. Date Ses tapes zend. Alphabet


pehlvi.
diffrentes
;

Alphabets zend

et

rcente de l'alphabet
:

monnaies iraniennes
entailles

de

l'poque

arsacide;

chaldo-pehlvi

monnaies

et

tassanides;

pehlvi des manuscrits.

Tableau des

alphabets pehlvis.

des alphabets zend et pehlvi.


est vinc

Le

Origine

peree

pehlvi se perptue chez les Parsis.

Il

par l'arabe

fio

Chapitre IX. Les drivs smitiques de Valphabet aramen.


Origine aramenne de l'hbreu carr.
des manuscrits.

Hbreu

can-.

La transition s'opre par

l'criture

Inscriptions de l'poque des Macchabes.

L'hbreu
L'hbreu
sert

carr reoit sa forme dfinitive vers le iv' sicle de notre re.

devient une criture savante.

Ecriture palmyrnienne.

Caractre hel-

lnistique de la civilisation palmyrnienne.

L'criture en porte la trace.

Les inscriptions monumentales de Paimyre.

Le palmyrnien

d'intermdiaire entre l'hbreu carr et le syriaque.


tiques

Les points diacri-

363
et ses

Chapitre X. L'criture arabe

Nabalens sont

les

Aramens nomades.

Dcouverte des inscriptions

Alphabet Les tendue de leur domination. nabatennes. Leurs


prcurseurs.
nabaten.
diverses catgories.

Le nabaten

franchit le dernier pas qui sparait l'ancien alphabet de l'cri-

ture cursive par la cration des ligatures.

Les Nabatens dans

le

monde

romain.
premiers

Ea-iture syriaque.

Elle se rattache au palmyrnien.

Les
Il

monuments de
le

l'criture syriaque.

L'estranghelo.
^l

se r-

pand avec

nestorianisme dans l'Asie centrale

jusqu'en Chine.

Alest

phabet mendate.

une criture de manuscrits.

Arabe.

Preuves L'arabe marque


l'appui.

Syriaque On Physionomie de
la

occidental

ou jacobile.

Le

syria([ue

l'crivait

primitivement de haut en bas.

l'criture syriaque

371

dernire tape dans l'volution de l'alphabet s-

mitique.

L'criture arabe avant l'hgire.

Coufique

et

iieskhi.

Ces
27(5

doux formes d'criture son!

peu prs contemporaines.


nabatennes.
;

Origines de

rcriture arabe; iniluenccs syriaques et

L'arabe devient

une calligraphie

TABLE DES MATIRES.


Chapitbe XI. Les poinls-voyelles.

385
alpliabels

Tableau

compar dos

ara~

mens

396

TROISIME PARTIE.
LES ALPHABETS DE LA LISIERE DU MONDE ANCIEN.
Chapitre
sime
I.

Himyarite.

partie.

drivs.

Dllnilion des alpliabels compris dans cette troi-

Les alphabets smitiques du Sud.

L'himyarile el ses

Le royaume de Saba

et l'empire himyarite.

dchiffrement des inscriptions bimyarites.


criture.

Son

origine.

Importance
la

Dcouverte

et

Caractres gnraux de cette

des inscriptions safatiques et

myL'al-

nennes pour

la solution

de ce problme.

Alphabet thiopien.

phabet a pntr avec

les

Himyarites en Ethiopie.

Nos

plus anciens do-

cuments sont postrieurs

conversion des thiopiens au christianisme.

Altrations de l'criture thiopienne.

du Caractres de
Inscriptions

Safa.

Le

Elle tend redevenir syliabique.


et les inscriptions safnliques.

dsert

cet alphabet.

nenne.

Sa

du Safa

parent avec l'ancienne criture

my-

Infiltration

de l'lment saben jusqu'au nord de l'Arabie.

Et jusqu'au cur de l'empire romain. de l'lment couchite en Arabie.

Tableau compar des alphabets himyacaractres dislinctifs.

Lutte de l'lment aramen et

rite, thiopien, ghez, safatique et berbre

3oj

Chapitre H. Ecriture berbre.

Ses

ture des populations indignes du nord de l'Afrique.

Elle est l'cri-

Elle s'est continue

jusqu' nos jours dans l'criture lfinagh usite par les Touaregs. Du dchiffrement des inscriptions libyques ou berbres. Discussion des divers systmes. Incertitude au sujet de l'origine de l'alphabet

libyque..

Z^h

Chapitre

III.

Alphabets ibriques.

Espagne.

Les anciennes
:

Absence de monuments phniciens en

populations de l'Espagne, les Ibres el les Celles.

L'criture cellibricnne nous a t conserve par les monnaies.

Ses

deux types
propre
la

l'alphabet cellibrien usit dans le Nord, et l'alphabet turdtan

Btique.

Tableau
au grec,

des deux alphabets.

ture celtibrienne est douteuse.


soit

L'origine de l'cri-

Diverses hypothses qui la rattachent,

au phnicien,

soit

soit l'criture

runique.

Caractre com333

plexe de la civilisation espagnole

CuAPiTRE IV. Alphabet ogamique.


l'criture nationale irlandaise.

principe de l'criture.
lettres,

Tableau des Pour

Ogam

et le dieu

Ogmios.

caractres

L'ogam ogamiques. Le
la

est

L'alphabet ogamique drive, pour


le

valeur des

de l'alphabet latin classique.


il

mode de

formation des ca-

ractres,

ne se rattache aucune autre criture alphabtique.

Diverses

varits do l'criture

ogamique.

Elle parat avoir t l'ancienne criture


les

des peuples celtiques.

Parent de l'ogam avec

btonnets entailles.

On en

ret rouve l'influence

dans l'criture runique

3i

a5

386

TABLE DES MATIRES.

Chapitre V. criture runique.

Le

sens du

mot rune.

attache par les peuples anciens rccriture.

Ide mystrieuse Les plus anciennes


traces
:

de l'criture runique.

Elle se divise

en

trois familles

runes Scandinaves,

runes pcrmaniques, runes slaves.


Ses altralions.
d'Uifilas.

Origine de l'alphabet runique,


iv' sicle,

Il

est

supplant, au

par l'alphabet gothique

Il

persiste pourtant

comme

criture magique.

nlphabeLs runique et gothique compars.


cien alphabet slavon de Cyrille et

Alphabet glagolitique.

Tableau des An348

mthode

CuAPiTRE

^'I.

Les critures de l'Asie septentrionale.

Inscriptions sibriennes.

Histoire de leur dcouverte.

Tentatives de dchiffrement.

Elles

paraissent se rattacher l'alphabet runique.


la

Coup

d'il rtrospectif sur

marche de l'alphabet dans

le

monde
-

36 38

Conclusion

TABLE DES PLANCHES ET DES FIGURES.

PLANCHES HORS TEXTE.


Pages.
I.

L'exposilion de l'histoire de l'criture (frontispice).

n.
III.

Reproduction en lilhocbromio d'un quippo pruvien


Oblisque de Nimroud
Pierre de Rosette
Essai de restitution de la stle de Byblos
Inscription phnicienne d'Esmounazar
Stle de

68

IV.

96
163
17^

V.
YI.

VU.
VIII.

Msa
roi

190

Statue

du

Panmou

(inscription de Singerli)

907

IX.

Inscription libyque et no-punique de

Chemiou

SaS

FIGURES IMPRIMES DANS LE TEXTE.


Renne broutant (dessin de l'poque quaternaire)
Jeune
2 9

homme

chassant l'aurochs {idem)

Portion de quippo conserv au muse d'ethnographie


Inscription figurative grave sur les bords de lac Suprieur

5 10
1

Proclamation pictographique d'un gouverneur du Van Diinen

Peau couverte de

dessins coloris
l'ile

(Amrique du Nord)

Inscription sur bois de

de Pques
Palaos

17 19

Peintures figuratives des

iles

Fragment d'un manuscrit aztque


Peinture chronologique mexicaine
Inscription

24

29
pose de la premire pierre du temple de

commmorative de

la

Mexico
Chapiteau couvert de caractres calcnlil'ormes

3o
3i

Fragment de

la tablette

de Palenqu

33
^3
44

Caractres chinois anciens gravs sur une lance


Inscriptions de

Yu

le

Grand (spcimen des

caractres)

Uta de l'impratrice Di-t


Tablette des vautours (inscription cuniforme linaire; fouilles de M. de Sarzec).
Tablette de pierre noire provenant de Tello

53 65

66

388

TABLE DES MATIERES.


le

Brique de Babylonc poitanl

nom de

Nabucliodonosor

-^6

Fragments d'inscriptions

liiraliqucs

io3
lo/i

Fragment
Lion

d'inscription dmolique

hittite

de Maracli

107
1 1
1

Sceau de Tarku-dimme

Coupe du Baai-Lebanon
Inscription grecque bouslrophdon de

2.3

Thera

i32

Loi de Gortyne (fragment du


Trait des Elens

muse du Louvre)

i33
j

35

Vase trusque avec alphabet (vase Chigi)


Inscription des as libraux

lig
iSa
1

Vase et inscription de Diienos

53

Dcret de Paul-Emile sur plaque de bronze

i55
1

Sceau phnicien de Molokram


Inscription archaque de Nora (Sardaigne)
GrafTito

69 170
ni

du

colosse d'ipsamboul

Inscription peinte sur

un

vase funraire (ncropole

d'Hadrumte)

178
1

Inscription

du canal de

Silo

q4

Monnaie du temple
Daclogue samaritain
Inscription de la statue de Panraou

107

aoo
207

Vase libation du Srapeum de Memphis


Petite inscription

2i3
217

aramenne de Tema

Stle

aramenne du Vatican (inscription)

918
997

Premiers dits de Piyadasi en caractres indo-bactriens

Monnaie des satrapes de


Inscription

Cilicie

998
961
9 53

du Cambodge
surmonte du nom de Tobiah

Papyrus aramen d'Egypte


Citadelle d'Araq-el-emir; porte

955 967 959


960

Inscription hbraque des Benei-Hezir


Inscription de la synagogue de Kefr-Bereim (i" partie)

Inscription

du montant de

la

porte de la synagogue de Palmyre

Inscription de la statue de Znobie


Graffiti

966 969
(Medan-Saleh)
la reine

palmyrniens

Inscription nabatenne d'El-Hedjr Inscription bilingue

976 980 980


988

du tombeau de

Sadda
Deir-el-Bahari

Le Notre Pre en estranghelo, dans une chapelle


Inscription bilingue de Harrn dans le Ledja
Inscrijition coufique

de

la

Qoubbet es-Snkhrah

989
990
(Alhambra).

GrafTito coufique

du Safa du Patio de
los leones

Inscription en arabe neskhi de l'arc central


Stle himyarite de

995

Saadaouam

807
albtre

Inscription himyarite sur

un cippe en

809

TABLE DES MATIERES.


Caillou

389
3
1 r-

du Safa avec dessin


sur
le

et inscription

Chameaux gravs
denne
Inscription

mur

de

la

Mehaggeh (Arabie)

et inscription

tharaou-

3ao
ogamique bilingue de Sagranus
f.

Cunotami

34Zi

Inscription bilingue (runique et Inscription runique de Lillkyrka

ogamique) de Hackness

3/i6

350
Klementz

Stle avec inscription sibrienne trouve par

362

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TORONTO5, CANADA
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