Cagliostro)

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La

Maçonnerie
Egyptienne
de
Cagliostro

Joseph Balsamo, universellement couru sous le nom de Cagliostro, naquit à Parme. II se


fit initier en Allemagne dans les trois rites maçonniques de la Stricte, de la Latte et de l'exac-
te Observance. Ce furent ces principes qui lui fournirent les matériaux nécessaires pour sa
réforme, en instituant sa haute Maçonnerie égyptienne et en se faisant créer son grand
Copte.
Cagliostro avait puisé aussi une partie de ses doctrines dans un manuscrit qu'il avait pu
obtenir, en Angleterre, de George Coston ; Swedenborg lui a fourni aussi des matériaux
dans le Museum allemand, journal dans lequel il dit qu'une révolution religieuse se prépa-
rait sur la terre, que celle des patriarches serait la dominante et qu'elle serait révélée à
Cagliostro dont le corps est ceint du triangle, par le Sublime Architecte de l'univers.
Cagliostro fonda son rite égyptien et le porta en Pologne, en Allemagne et en France, où
il eut beaucoup d'adeptes et des Loges dans les principales villes de ces royaumes.
La mère Loge égyptienne fut établie à Lyon sous le titre distinctif de la Sagesse triom-
phante. Pendant son séjour à Paris, la Loge philosophique des Philalètes et autres établirent
un convent pour y recevoir les lumières de Cagliostro, mais il esquiva leur demande, pro-
mena leurs envoyés, et finit par une boutade; il adressa à la Loge des Philalètes un mani-
feste dans le style d'un inspiré par le grand Jéhovah, leur disant qu'il assisterait au convent
proposé, et qu'il leur communiquerait sa science et ses arcana hierophantis, à la condition
que la susdite Loge des Philalètes brûlerait sa riche bibliothèque, ses manuscrits et ses
archives, attendu que leurs documents ne contenaient que des faussetés et des mensonges,
et qu'après cet acte de soumission il établirait sur les ruines de la tour de Confusion le tem-
ple de la Vérité.
Son rite est un mélange de science hermétique, de divination, d'évocation, de morale, avec
les offices usités par les chrétiens. Cagliostro s'était proposé la régénération physique et
morale de l'homme.

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Voici quelques passages de son catéchisme.
D? Quels sont vos travaux ?
R? J'ai connu le fond de mon orgueil, j'ai assassiné le vice, j'ai pu obtenir la connaissance
de la première matière, etc.
D? Dans quels auteurs avez-vous puisé ces connaissances ?
R? Dans aucun; les plus estimés, les plus suivis sont faux et apocryphes ; tous les livres
qui en parlent ne contiennent que des mensonges, sans en excepter ceux des véritables phi-
losophes, comme Moïse, Jean, etc. Ces écrits ne sont pas à eux eux, on les a altérés et mal
interprétés.
D? A qui faut-il s'adresser pour être éclairé ?
R? Salomon nous a appris qu'il faut recourir aux élus supérieurs qui environnent le trône
du Sublime Architecte de l'univers. Ces êtres sont les sept abnges qui président aux planè-
tes. (L'Ecriture sainte est toujours le fondement de toutes les institutions maç? ).

NOMS DES SEPT ÉLUS

1. Anaël, au Soleil.
2. Michel, à la Lune.
3. Raphaël, à Mars.
4. Gabriel, à Mercure.
5. Uriel, à Jupiter.
6. Zobiachel, à Vénus.
7. Anachiel, à Saturne.

Cagliostro avait admis, entre autres ornements, le drap sénique, ou voile copte, que les
Coens avaient adopté, de couleur jaune, ayant les franges blanches aux extrémités, brodées
en or, et représentant les sept emblèmes des élus, des sept planètes, et les sept sciences pres-
crites pour obtenir la sagesse.
Cagliostro, impliqué dans l'affaire du collier de la reine de France, fut enfermé à la
Bastille, et, en 1786, banni du royaume. I1 passa en Angleterre avec son rite, qui y fut éta-
bli. II quitta cette île en 1790, parcourut l'Allemagne, la Suisse, et fut chassé de Trente par
l'évêque, qui en était prince. II se rendit à Roveredo, il y établit une Loge, et transmit ses
pouvoirs au F? Bat. de Mori (commissaire délégué).
Les évocations de Moïse et des morts, les apparitions des absents, qui avaient lieu par sa
colombe ou son pupille, et ses prédictions, acquirent bientôt une grande publicité par ses
prôneurs et par les visionnaires qui en vantaient l'exactitude; elles se pratiquaient par le
moyen de la colombe ou du pupille, qui seuls voyaient tous ces miracles dans une carafe
remplie d'eau pure, placée sur une table couverte d'un tapis vert, et environnée de sept bou-
gies.
Dans les derniers temps, Cagliostro passait pour avoir le don de guérir les malades ; il
donnait gratuitement aux pauvres les médicaments et faisait des aumônes très généreuses.
Son culte mystérieux et merveilleux lui procura un grand nombre l'adeptes ; son dogme
se rapprochait de celui de Swedenborg. II était fondé sur la même théosophie ; ses cérémo-
nies étaient un mélange de prières sacrées et profanes, de psaumes et de cantiques.
Ses travaux s'ouvrent en langue latine, comme les deux hauts grades de la stricte
Observance.
En quittant Roveredo, Cagliostro passa à Rome. Il y établit une Loge, mais l'inquisiteur le

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fit arrêter et l'accusa d'hérésie, de magie, d'apostasie et même de frénésie, le condamna à la
peine de mort comme hérétique, et le frappa des excommunications de Clément XII et
Benoit XIV. Le saint Père Pie VI crut devoir commuer cette peine de mort à celle de la pri-
son à perpétuité.

Renfermé au château Saint-Ange, il essaya un stratagème pour se sauver ; i1 feignit de se


repentir des erreurs pour lesquelles il avait été condamné. Il demanda à faire pénitence de
ses fautes, et il voulut se confesser. Le délégué à sa garde lui envoya un capucin.

Il fait sa confession générale, supplie le Révérend Père de lui donner la discipline ; il


consent à cette dévote prière. Mais après avoir reçu quelques coups de fustigation, le péni-
tent s'empare du cordon du moine, se jette sur lui et cherche à le lier. Mais le capucin, qui
était très vigoureux, lutta contre Cagliostro, cria, fit du bruit, et appela à son secours les gar-
diens. II paraît que le projet de Cagliostro était de prendre l'habit du Révérend Père et de
s'évader.

En 1797, lorsque les Français s'approchaient de Rome, on le trouva mort dans le château
Saint-Ange. La tradition populaire est que les membres de l'inquisition,, craignant à l'arri-
vée des Français quelque vengeance de la part de ses adeptes, le firent étrangler par mesu-
re de sûreté.

Cette Maçonnerie admet tous les hommes instruits, de bonnes moeurs, et soumis aux lois
de leur pays. Elle ne proscrit aucun rite, à moins qu'il ne renferme en lui quelques princi-
pes contraires à la morale. Elle se compose de trois grades, savoir :

1° Élu, Apprenti (méditation).


2° Sage interprète, Compagnon (silence).
3° Sublime épopte, Maître (science).

TUILEUR

PREMIER GRADE (APPRENTI)

Signe. Porter la main sur la poitrine, le pouce formant l'équerre.


Signe de salut. Retirer la main horizontalement vers l'épaule droite et la laisser retomber le
long du corps.
Attouchement. Se prendre mutuellement la main droite et se la presser par trois fois.
Parole de passe. Deus forcis (Eloah).
Parole sacrée. Gomes (Beauté divine).
Age. Trois ans.
Habillement. Un ruban blanc, porté en sautoir.

DEUXIÈME GRADE (COMPAGNON)

Signe. Porter la main droite sur le coeur.


Attouchement. Frapper cinq coups sur la première phalange de l'index de main droite de
l'examinateur.

3
Parole de passe. Xinchen (siège de l'âme).
Parole sacrée. Elchaï.
Age. Cinq ans.
Habillement. Ruban couleur feu, sur lequel est brodé en cercle, au milieu duquel est un œ il
avec une gloire.

TROISIEME GRADE (MAITRE)

Signe. Croiser les mains sur la poitrine.


Parole de passe. Meborak (Benedictus).
Parole sacrée. Phodeh (Redemptor).
Age. Sept ans.
Habillement. Tunique bleu-céleste. Un large ruban porté en sautoir, sur lequel est brodé en
or un triple triangle avec l'étoile flamboyante.

Marconis de Nègre

Portrait du comte de Cagliostro par


Fragonard

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Sommaire : Le Rite de Memphis-Misraïm : J. BRICAUD. - Symbolisme Mac? et
Occultisme. - La Maçonnerie allemande. - Informations.

LE RITE DE MEMPHIS-MISRAÏM
Le Rite Oriental Ancien et Primitif de MempisMisraïm, fusion du Rite Oriental Ancien et
Primitif de Memphis établi en France en 1838, par le F.? Jean-Etienne Marconis de Nègre
et du Rite Oriental de Misraïm ou d'Egypte importé dItalie en 1815, par les
FF.? Bédarrides, est l'héritier des traditions maçonniques du dix-huitième siècle, dont il a
gardé les sages principes, la force morale et la discipline.
Il est ouvert à tous les hommes libres et de bonnes mœ urs, qui veulent travailler à dégros-
sir la pierre brute, la polir et lui donner une forme cubique. Cette pierre doit servir à la cons-
truction du Saint Temple, fondé sur la Sagesse, décoré par la Beauté et soutenu par la Force,
que les Maçons ont entrepris d'élever sous les auspices et à la gloire du Sublime Architecte
des Mondes.
Respectant par-dessus tout les principes traditionnels de la Franc-Maçonnerie, qu'il a
maintenu et veut maintenir intacts, le Rite de Memphis-Misraïm tient à déclarer qu'il
respecte l'indépendance des autres Rites, et comme il ne s'immisce en rien dans les actes
émanant de leur autorité, il entend que les autres Rites agissent .à son égard de la même
manière.
L'échelle maçonnique, dans le Rite de Memphis-Misraïm, a quatre-vingt-quinze degrés,
divisés en quatre-vingtdix degrés d'instruction et cinq degrés officiels. Il existe de plus un
quatre-vingt-seizième et un quatre-vingt-dix-septième degré, apanage des Grands Maîtres
et du Grand Hi Hiérophante du Rite.
Les degrés d'instruction sont divisés en trois séries et sept classes qui sont bien moins des

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rangées de degrés que des écoles où sont enseignées les Sciences Maçonniques.
La première Série, qui constitue la Maçonnerie Symbolique, enseigne la partie morale,
reposant sur lia connaissance de soi-même. Elle offre l'étude des symboles, des emblèmes
et des allégories ; elle dispose les initiés à l'étude de la philosophie maçonnique.

La deuxième Série, ou Maçonnerie Philosophique, comprend l'étude de l'histoire, de la


philosophie et des Rites maçonniques les plus universellement répandus, ainsi que des
mythes poétiques de l'antiquité et des initiations anciennes.

La troisième Série qui constitue la Maçonnerie Occulte ou Hermétique, renferme le com-


plément de la partie historique et philosophique ; elle étudie le mythe religieux dans les dif-
férents âges, de même crue toutes lies branches de la science appelée occulte ou secrète.
Enfin, relativement à la Maçonnerie, elle en fait connaître la partie mystique et transcen-
dante et admet les études occultes les plus avancées.

Non seulement chacune de ces trois séries est formée de plusieurs divisions dans lesquel-
les sont conférés tous les degrés maçonniques modernes, mais encore, tout en conduisant
progressivement à travers lies anciens mystères où se révèle la raison d'existence de ,ces
degrés, la dernière Série révèle l'ésotérisme de la Maçonnerie, la Gnose, cette connaissan-
ce qui s'est perpétuée de siècle en siècle jusqu'à nous et illumine aujourd'hui notre institu-
tion.

Tels sont, brièvement résumés en quelques lignes, l'origine, le but et l'organisation de


l'Ordre Maçonnique Orientale Ancien et Primitif de Memphis-Misraïm.
D'après ce qui vient d'être dit, on comprendra facilement que le Rite de Memphis-Misraïm
ne peut convenir qu'à un nombre très restreint d'individus Ils se recrutent principalement
parmi les étudiants -de l'Occultisme et de l'Hermétisme lesquels, du fait de leurs études;
sont plus aptes que les autres u comprendre l'ésotérisme de la Maçonnerie, ainsi clac parmi
les Maçons studieux -qui ne se contentent pas de savoir faire certains signes, d'apprendre la
prononciation de certains mots dont ils ignorent le sens, ou de se donner des airs mysté-
rieux, mais sont désireux de remonter jusqu'aux causes premières, jusqu'à la source réelle
de nos institutions et d'étudier la partie occulte et transcendante de la Franc-Maçonnerie.

J. BRICAUD,
Grand Maître Général de l'Ordre.

SYMBOLISME MAC? et OCCULTISME


Le Symbolisme est l'âme de la Maçonnerie. Celle-ci ne saurait exister sans le
Symbolisme, et le jour où le Symbolisme serait exclu de nos Loges, comme le souhaitent,
hélas ! tant de maçons non initiés, la vraie Franc-Maçonnerie serait détruite.

Par symbolisme, il ne faut pas entendre uniquement une représentation des idées morales
et sociales dont l'explication est donnée aux trois grades symboliques. Certes, par la pra-
tique du Symbolisme, la Maçonnerie s'efforce de former des hommes parfaitement équili-

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brés, des hommes tolérants, ayant acquis l'habitude de la réflexion, de la méditation, du tra-
vail " de la pierre brute ". Cependant s'il ne s'agissait que de cela ; si les Symboles n'étaient
que l'expression d'idées représentatives d'un devoir moral et social, point ne serait besoin
d'utiliser des symboles et des rites qui seraient plutôt une gêne qu'une aide à l'explication
matérielle d'idées morales et sociales assez simples. Et dans ce cas, l'attitude de la masse
des maçons de nos jours, demandant la suppression du Symbolisme et du Ritualisme serait
logique, rationnelle, conforme, à la tendance scientifique actuelle.
Mais il y a autre chose dans le Symbolisme, que le côté moral et social. II y a le côté
occulte, hermétique, gnostique.
Et, à ce propos, voici ce qu'écrivait le T.? Ill. Fr.? Papus, en 1907, dans la revue Hiram :
" Ce qui distingue les enseignements maçonniques des enseignements profanes, c'est
l'existence dans chaque grade de Symboles, de signes, de mots sacrés et de mots de passe.
Or, une étude, même superficielle, de ces éléments spéciaux, fait constater à première vue
leur origine hermétique, et permet de les rattacher de suite à la tradition de l'Occultisme.
Enfin, l'Histoire Maçonnique nous montre le rôle im portant joué par les Fraternités
hermétiques et les membres de la Rose-Croix dans la constitution du Rituel des divers gra-
des.
Il suit de là qu'un Maçon ayant étudié l'Occultisme, devra forcément, s'il veut progresser"
dans la science maçonnique, en arriver à connaître les rudiments dé Kabbale hébraïque et
les premiers éléments de l'analogie, indispensables pour la compréhension du Symbolisme
des divers grades.
Nous irons même plus loin en affirmant que le piétinement de la Maçonnerie vient de l'im-
possibilité, pour ses adeptes, de manier l'adaptation symbolique, par suite de leur ignoran-
ce de l'Occultisme, puisqu'il est patent que ces messieurs font de la politique, des intrigues
et des polémiques, mais non de la science. maçonnique. "
Nous avons tenu à citer ces lignes, car elles sont toujours d'actualité.

PROCLAMATION DE L'ORDRE DE MEMPHIS-MISRAÏM

Homme, tu as deux oreilles pour entendre le même son, deux yeux pour percevoir le
même objet, deux mains pour exécuter le même acte.
De même la Science maçonnique, la Science par excellence est ésotérique et exotérique.
L'ésotérisme constitue la pensée, l'exotérisme, le pouvoir. L'éxotérisme s'apprend, s'ensei-
gne, se donne ; l'ésotérisme ne s'apprend, ne s'enseigne ni ne se donne : il vient d'en Haut !

LA MAÇONNERIE ALLEMANDE
La Maçonnerie traditionnelle allemande a cessé d'exister. Le national-socialisme l'a tuée.
On sait que la Maçonnerie allemande était divisée en deux catégories : les trois Grandes
Loges prussiennes, chrétiennes et les Grandes Loges dites humanitaires. Suivant leurs ten-
dances, ces Grandes Loges se sont dissoutes ou ont répudié solennellement leur caractère
maçonnique. C'est le cas notamment des Grandes Loges prussiennes. La plus importante :
la Grande Loge Mère Nationale " Aux Trois Globes ", fondée par Frédéric le Grand, en
1740, dans une adresse au Ministre du Reich, Goebbels, lui annonce que les Grandes Loges

7
prussiennes ont décidé de modifier leur titre et de transformer complètement leur organisa-
tion. En ce qui la concerne, la Grande Loge Mère Nationale "Aux Trois Globes" a été trans-
formée en Ordre National Chrétien de Frédéric le Grand. Pour réaliser une transformation
intérieure complète impliquant le dénouement total des liens existant encore avec les asso-
ciations maçonniques, l'obligation de l'origine racique allemande pour ses membres, la sup-
pression du Decret sur les cérémonies et la disparition, des mots "Franc-Maçon" et "Loge",
l'Ordre s'est donné une Constitution entièrement nouvelle.
Cette Constitution est exposée dans un communiqué publié récemment : " Le caractère de
l'Ordre se trouve fixé par la reconstruction complète de son organisation et de ses règle-
ments Les Idéaux vers lesquels l'Ordre aspire sont une Chrétienté allemande, une
Nationalité allemande, un Tavail allemand. Ceci est défini en, détail dans le préambule des
nouvelles Constitutions de l'Ordre :
" L'Ordre fait profession d'un Christianisme allemand avec lequel le culte vieil-aryen de
nos ancêtres a beaucoup de points communs. Les Symboles, pour l'Ordre, sont la Lumière
et la Croix.
L'Ordre fait profession d'un Idéal de Nationalité de race germanique pure, dont les sym-
boles sont le marteau de Thor et le glaive du preux.
L'Ordre croit à l'ascension du peuple allemand par le Travail allemand… "
Ajoutons que la Constitution de l'Ordre National-Chrétien stipule que ne peuvent être
admis dans l'Ordre que des candidats ne faisant partie " d'aucune obédience maçonnique ou
organisation similaire ".
Les deux autres Grandes Loges prussiennes : La Grande Loge Nationale des Francs-
Maçons Allemands, fondée en 1770, par Zinnendorf, est devenue l'Ordre Germano-
Chrétien des Templiers et la Grande Loge de Prusse " Royal York à l'Amitié ", constituée
en 1765, à la suite de l'initiation d'Edouard, duc d'York (frère du roi Georges III) a pris le
nom d'Ordre Germano-Chrétien " A l'Amitié ".
Parmi les Grandes Loges dites humanitaires, la Grande Loge de Hambourg, dont le Grand
Maître Richard Brose a cru devoir communiquer au gouvenement hitlérien la liste des
maçons de son Obédience ; la Grande Loge Nationale de Saxe, la Grande Loge "Au Soleil"
de Bayreuth, ont adopté, à peu de chose prés, l'attitude des Grandes Loges prussiennes en
se déclarant fidèles à la doctrine germano-chrétienne. La Grande Loge Éclectique de
Francfort et la Grande Loge Symbolique d'Allemagne se sont mises en sommeil.

INFORMATIONS
Le SOUVERAIN SANCTUAIRE de notre Rite a été cruellement éprouvé depuis deux ans.
Quatre anneaux de notre chaîne Maçon.? se sont successivement brisés. Nos TT.? Ill.
Ill.? FF.? baron de Satje de Thoren, Docteur Bertrand-Lauze, Charles Michaud,
Jean?Baptiste Roche, sont partis pour l'Orient éternel. .
La chaîne d'union aussitôt ressoudée est restée aussi solide qu'avant ces douloureux évé-
nements et nos regrettés Frères sont aussi vivants dans nos coeurs.
Notre Resp. Loge Mère HUMANIDAD a l'Or? de Lyon, dans sa Tenue du 4 décembre 1932,
a célébré leurs mérites maçonniques et consacré une Tenue funèbre a leur mémoire.

Le 29 avril dernier, une cérémonie de reconnaissance conjugale de F.? Dagorne André

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et de Violette Lavaud, a été célébrée au Temple de notre Resp. Loge SPHINX à l'Or.? de
Bordeaux. De nombreux Frères, étrangers à notre Rite, nous avaient fait l'honneur de leur
présence. Le Temple était décoré suivant le rituel. Après l'ouverture des travaux, le père et
la mère du marié, les frères et soeurs de l'épouse, furent introduits, et des fleurs furent remi-
ses à chacun d'eux.
Le Temple étant devenu trop petit, les parvis durent être ouverts pour y installer l'harmo-
nium. Les époux furent alors introduits et la colonne d'harmonie se fit entendre dans une
marche nuptiale de circonstance, par notre F.? Brouillet.
Le vénérable, après avoir souhaité la bienvenue aux Frères visiteurs et complimenté les
invités, remercia les nouveaux époux d'avoir pensé, pour l'acte solennel par lequel ils se
liaient, à faire appel à nos rites et à nos sentiments de fraternité. La cérémonie de recon-
naissance conjugale se déroula ensuite selon le rituel maçonnique.
La consécration terminée, le Vénérable, dans une touchante allocution, félicita de nou-
veau les époux et remercia les autres personnes pour l'éclat et l'intérêt que leur présence
avait donné à cette solennité.
En résumé, très belle cérémonie, qui a produit la plus grande impression sur toutes les per-
sonnes présentes, et notamment sur nos Frères visiteurs.

Nous avons appris que notre Tr. Ill. et Subl. Fr.? E. Combe, 33-95? , membre du
Souverain Sanctuaire de notre Rite, avait récemment reçu la croix de Chevalier de la Légion
d'honneur. Nous adressons nos félicitations au nouveau légionnaire.

Nous avons lu dans le N° de mars-avril 1933 des ANNALES MAÇONNIQUES UNI-


VERSELLES, un article du T. III. F.? Cyrus Field Villard, 32°, intitulé Rosicrucisme et
Franc-Maçonnerie, dont nous extrayons ce qui suit :
J'ai, il y a un certain temps, collaboré avec le Dr Fr. Hartmann, l'auteur, de " Chez les
Rose-Croix ", qui était Maçon et membre de notre Loge de Georgetown (Colorado); j'ai, à
cette occasion, fait la connaissance de plusieurs Rose-Croix actuels, tant de véritables Rose-
Croix que de ceux qui se prétendent tels, mais ne font que, se pavaner dans les oripeaux de
leur garde-robe, sans rien comprendre aux idées fondamentales du Rosicrucisme. Certains
d'entre ces derniers ne sont que des " fakirs " et l'un de ceux-ci a même soustrait, dit-on, en
Californie, un million de dollars à ses dupes. Un vrai Rose-Croix ne proclame jamais qu'il
appartient à la Société : La véritable doctrine de la Rose-Croix ne s'apprend pas contre
argent. On mérite cette initiation par l'accomplissement persévérant d'oeuvres altruistes et,
soyez certains que lorsque, par ces oeuvres, vous aurez accru votre spiritualité, lorsque
votre tête dépassera les bornes de la matière, ceux qui sont les guides du pur Rosicrucisme
vous connaîtront. Inutile de les chercher. Ce sont eux qui viendront à vous, lorsque vous en
serez dignes par vos qualités, lorsque vous vous y serez dûment et sincèrement préparés.
C'est ce que nous avons dit et répété soit dans le Voile d'Isis, soit dans les Annales
Initiatiques.
Nous ne saurions trop mettre en garde nos Frères contre les prétendues Sociétés de Rose-
Croix qui, se proclamant toutes plus authentiques les unes que les autres, construisent des
Temples superbes où, moyennant un nombre respectable de dollars, elles dispensent aux
gogos " l'Initiation Rosicrucienne " ! La véritable Rose-Croix a bien son Temple, plus beau
encore que les Temples rosicruciens de Californie ou d'ailleurs, mais il n'est pas situé en un

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lieu géographique.

VIENT DE PARAÎTRE

NOTES HISTORIQUES SUR LE RITE ANCIEN ET PRIMITIF DE MEMPHIS-MISRAÏM, par J.


BRICAUD, Grand Maître du Rite.

Une brochure in-8 coq. de 16 pages. Prix : 2 francs.


(Pour, la propagande, par 10 exempl. : 10 francs.)

Le Gérant : J. BRICAUD IMP. MARTIN, 5, rue Passet, Lyon

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LA SAGESSE ÉGYTIENNE

Le document que nous plaçons sous les yeux de nos lecteurs est une stèle du Moyen-
Empire. Une longue inscription y expose ce que doit être la vie d'un sage en ce monde. Elle
prêche à chacun l'accomplissement absolu de tous les devoirs de son état. Celui qui donne
à ses successeurs ce haut exemple d'un enseignement qui se continue par-delà les tombes,
se nommait, en son vivant, Entef qui fut le premier lieutenant du roi et gouverneur du nome
d'Abydos. Cette stèle se trouve actuelle ment au Musée du Louvre. Nous empruntons la tra-
duction de ce texte important au Catalogue du Musée, pour qui elle a été effectuée par le
vicomte de Rougé.

Entef ne se contente pas, comme la plupart des égyptiens défunts, de nous exposer ce que
fut sa vie, il tient à laisser un exemple à tous ceux qui viendront après lui. Il les exhorte
comme il eût fait, au temps où il vivait sur terre. Il continue, bien qu'il soit mort, à diriger
ceux dont il avait la charge et il leur peint, par vives images, ce qu'ils peuvent et doivent
attendre comme récompense de leur vertu en ce monde et en l'autre.

" Ô ! vous qui vivez sur la terre, hommes, prêtres, grammates, odistes, qui entrerez dans
cette demeure funèbre ; vous qui aimez la vie et repoussez la mort, qui louez les dieux de
vos pays et n'avez pas goûté les mets de l'autre monde ; quand vous reposerez dans vos tom-
beaux, puissiez-vous transmettre vos dignités à vos enfants.

"C'est un sage, nourri de connaissances, jugeant exactement ce qui est le vrai. Il discerne
l'ignorant de l'homme instruit et distingue l'officier habile de l'homme sans mérite. Tenant
son cœ ur en grande perfection, il s'applique à écouter chacun à sa place. Exempt de tout
vice, vertueux dans toutes ses pensées, son cœ ur est droit, aucun détour n'est en lui. Ardent
pour tout devoir, lorsqu'on l'invoque, il écoute favorablement les requêtes. N'aimant pas la
tiédeur, il est vif pour répondre à celui qui agit dans ses conseils. N'ignorant rien de la véri-
té, plein de sagacité, il connaît les paroles de l'intérieur : ce qui n'est pas sorti des lèvres, ce
que l'homme dit en face de son cœ ur, rien ne lui est caché. Il ne néglige pas les paroles du
juste et rejette les discours du frauduleux... Il ne se rebute pas devant un discoureur, il se
presse pour faire justice. Appliquant son cœ ur à pacifier, il ne fait pas de distinction entre
l'inconnu et ses familiers. Recherchant le droit, il applique son cœ ur à écouter les requêtes.
Il rend justice (aux plaintes) du pauvre, il est sévère pour le frauduleux... Il vérifie la paro-
le du véridique, il fait retomber le mal sur celui qui fait tort à l'homme malheureux. C'est le
père du faible, le (soutien) de celui qui n'a plus de mère. Redouté dans le repaire du mal-
faiteur, il protège le pauvre ; il est le sauveur de celui qu'un plus puissant a dépouillé de ses
biens. C'est le mari de la veuve, l'asile de l'orphelin...; les affligés deviennent joyeux quand
ils sont connus de lui. Excellent dans toutes ses pensées, quand il invoque les Dieux, ils
l'exaucent en raison de sa grande vertu. Tous les hommes lui confient leur salut et leur vie.
Le grand second du palais, le commandant de la Grande Demeure, surintendant des gre-
niers, chef de tous les travaux du Roi. C'est à lui que tous les officiers font leurs rapports ;
il suppute les redevances de tous les chefs, de tous les commandants, de tous les gouver-
neurs des villes principales du midi et du nord de l'Égypte, le grammate parfait, Entef,

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l'homme véridique. "

Comme tout égyptien, surtout ceux qui appartenaient à une caste élevée, Entef considère
comme le plus grand des biens terrestres de transmettre à ses fils une situation heureuse et
considérée. C'est par cet encourageant espoir qu'il attire l'attention de ceux "qui n'ont pas
encore goûté les mets de l'autre monde ". Quand une fois ils auront senti la nourriture de
l'Au-delà, ce soutien des vibrations qui lui viennent maintenant des cérémonies accomplies
et des formes peintes aux murs de l'hypogée, les morts futurs ne connaîtront plus les mêmes
soucis. Ils auront des préoccupations peut-être plus hautes, mais aussi plus éloignées de ce
que sont les constantes pensées d'un père de famille. Tant que celui-ci est en ce monde, il
doit rendre les dieux favorables par une conduite exemplaire et, aussi, attirer sur lui et sur
les siens les yeux bienveillants du Pharaon, cette divinité terrestre.

Le Sage, tel que le dépeint Entef, celui qui mérite les suffrages des hommes et des Dieux
est assez semblable à l'initié. Comme lui, il est "nourri de connaissances " ; il sait voir en
toutes choses ce qui est vrai et le discerner des apparences. Cette netteté de la Vue n'est pas
seulement la connaissance qui est propre à tout directeur de peuples qui doit apporter dans
sa tâche un discernement plus complet que celui des formes extérieures; c'est aussi la péné-
tration de celui qui se préoccupe des apports vitaux de ceux qui dépendent de lui, des ensei-
gnements qu'ils sont susceptibles de recevoir et de pénétrer. Ainsi pourra-t-il ne demander
à chacun que ce qu'il est en état de lui fournir. Cette pénétration des âmes, ce " discerne-
ment des esprits " n'est pas l'un des moindres dons qu'un initié puisse recevoir de la cultu-
re spéciale à laquelle il est soumis.

Les pouvoirs qui lui sont accordés surpassent de beaucoup ceux d'un simple fonctionnai-
re tel que nous le connaissons en ce monde matérialiste. Non seulement Entef tient à agir
en stricte justice, à accueillir le faible de préférence au fort et à l'opulent - car la force et l'o-
pulence n'ont pas toujours une origine pure de fraude, - mais il est un soutien moral et maté-
riel pour ceux qui se présentent devant lui, soucieux d'une protection magnifique.

Il est le mari de la veuve et le père de l'orphelin, mais ceci peut passer pour une de ces
exagérations qui sont de style dans la terminologie orientale. Il est, surtout, un réconfort
pour toutes les peines, une guérison pour toutes les douleurs. " Les affligés deviennent
joyeux quand ils sont connus de lui ". Il y a, naturellement, en ces mots la pensée qu'il leur
fera rendre justice s'ils ont été lésés par des exacteurs injustes. Mais il y a aussi la recon-
naissance de cette radiation mystérieuse qui s'échappe de l'initié, qui porte autour de lui
cette rayonnante sérénité dont son cœ ur déborde. Les paroles qui suivent ne nous laissent
aucun doute à cet égard. Entef s'y manifeste comme un trait d'union entre ceux qui souri-
rent des misères de la terre et les Dieux protecteurs, seuls capables d'y obvier. " Excellent
en toutes pensées, quand il invoque les Dieux, ils l'invoquent en raison de sa grande vertu
".

Ceci dépasse singulièrement les vertus requises chez un magistrat, si l'on ne se place que
du point de vue purement humain. C'est l'initié, seulement, qui peut être assuré de trouver
chaque fois qu'il l'implore dans les formes requises les secours des Forces supérieures. Il ne
s'en sert pas seulement pour obtenir des grâces matérielles, des faveurs qui redescendront
sur lui ou sur les autres. Il demande surtout les lumières qui lui sont nécessaires pour faire

12
tout ce qu'il doit, pour rendre à chacun la justice qui lui est due, en faisant pencher la balan-
ce, et celle-ci, dans les cas douteux, s'abaisse du côté de la miséricorde.

C'est à cause de cette vertu spéciale que " tous les bommes lui contient leur salut et leur
vie " avec pleine sécurité. On sait que le Sage en usera envers ses administrés comme Osiris
lui-même envers ses sujets; il cherchera toujours le Bien et, pour plus d'assurance de le faire
sans défaillance, il demandera et recevra l'appui moral et matériel des Divinités favorables.

Il est le second du Palais et aussi le commandant de la Grande Demeure. Pour ceux qui
connaissent les habitudes de la pensée égyptienne, qui savent quelle place tenait la tombe
dans les préoccupations de tout égyptien, cette Grande Demeure est aussi l'hypogée et le
Temple initiatique où le Pharaon communiait quotidiennement avec la mort et la renaissan-
ce dans les rites de la mort et de la renaissance du Dieu solaire. Aussi pouvons-nous consi-
dérer comme à double entente le fait qu'il est surintendant des greniers. Non seulement, il
veille sur les provisions de blé pour l'Égypte entière; non seulement, il est chargé d'assurer
la subsistance du pays, mais encore, mais surtout, il faut que le pays soit ensemencé d'idées
sages, justes, divines, afin que l'hypogée ne soit qu'une porte ouverte sur le monde solaire,
plus parfait et plus beau que tout ce que peuvent imaginer les hommes.

Nous sommes loin, en vérité, de la conception actuelle des pouvoirs publics qui sont exer-
cés, vaille que vaille, par des fonctionnaires que nous voulons croire tous intègres et justes,
mais qui ne sauraient avoir aucun rapport avec les mondes supérieurs. Cela, même s'ils y
faisaient une vague et lointaine allusion en présence de leurs supérieurs, les ferait passer
pour singuliers et quelque peu fous. Nous vivons en une époque où tout est subordonné à
la paix matérielle, à l'intérêt physique, au bien-être du corps. Les meilleurs croient avoir
assez fait quand ils ont réparti de leur mieux ces objets d'utilité confortable avec une entiè-
re justice.

Il en était autrement sur l'antique terre de Khem. Le chef des greniers royaux, premier
lieutenant du Roi, n'était pas seulement un excellent économiste. Il était aussi " le gramma-
te parfait, Entef, l'homme véridique ".

On se rappelle que " dire la vérité " n'est pas uniquement s'abstenir de mensonge, mais
savoir les mots qu'il faut dire, les invocations sacrées à proférer par celui " qui est juste de
voix " pour que les Forces supérieures penchent une aide secourable sur les efforts person-
nels qu'il fait en vue de la meilleure administration du pays. Le " parfait grammate " sait
cela, et bien d'autres choses encore. Il lit dans les âmes. Il connaît les cœ urs et, selon les
intentions des plaidants, il leur fait miséricorde ou exige pleine justice. C'est de la sorte
qu'agissaient autrefois ceux qui étaient les rois du monde, Nous aurions un haut enseigne-
ment à recevoir d'eux. Dans les heures bouleversées que nous vivons, les connaissances pra-
tiques et l'honnêteté matérielle ne suffisent pas. Il faut une élévation de pensée, une harmo-
nie spirituelle pour donner aux êtres de bonne volonté Lumière et Sérénité.

Henri Durville

13
LA TABLE

14
D’EMERAUDE

Tabu la Sm arag dina Herm etis Trism eg isti


V erba secretoru m Herm etis

V erum ,s ine m endacio,certum etv eris s im um : quodes tinferius es ts icut


quodes t s up erius ; et quodes t s up erius es t s icut quodes t inferius , ad
p erp etranda m iracula rei unius . Et s icut om nes res fuerunt ab uno,
m ediatione unius ,s ic om nes res natae fuerunt ab h ac una re,adap tatio-
ne. Pater ejus es t Sol, m ater ejus Luna; p ortav it illudV entus in v entre
s uo; nutrix ejus Terra es t. Pater om nis teles m i totius m undies t h ic. V is
ejus integra es t s i v ers a fuerit in terram . Sep arabis terram ab igne, s ub-
tile a s p is s o, s uav iter, cum m agno ingenio. A s cendit a terra in coelum ,
iterum que des cenditin terram ,et recip it v im s up eriorum et inferiorum .
Sic h abebis gloriam totius m undi. Ideo fugiet a te om nis obs curitas . H ic
es t totius fortitudine fortitudo fortis ; quia v incet om nem rem s ubtilem ,
om nem que s olidam p enetrabit. Sic m undus creatus es t. H inc erunt
adap tationes m irabiles , quarum m odus es t h ic. Itaque v ocatus s um
H erm es Tris m egis tus , h abens tres p artes p h ilos op h iæ totius m undi.
Com p letum es t quoddixide op eratione Solis .

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La Table d'ém erau de
d'Herm ès Trism ég iste père des philosophes

I. Iles t v rais ans m ens onge,certain & très v éritable.


II. Ce quies t en bas ,es t com m e ce quies t en h aut: & ce quies t en
h aut,es t com m e ce quies t en bas ,p our faire les m iracles d'une s eule
ch os e.
III. Et com m e toutes les ch os es ont été, & s ont v enues d'un,p ar la
m édiation d'un : ains i toutes les ch os es ont été nées de cette ch os e
unique,p ar adap tation.
IV . Le s oleil en es t le p ère, la lune es t s a m ère, le v ent l'a porté dans
s on v entre ; la terre es t s a nourrice.
V . Le p ère de tout le teles m e de tout le m onde es t ici. Sa force ou
puis s ance es t entière,
V I. S ielle es t conv ertie en terre.
V II. Tu s ép areras la terre du feu,le s ubtilde l'ép ais doucem ent, av ec
grande indus trie.
V III. Ilm onte de la terre au ciel, & derech efildes cenden terre,& il
reçoit la force des ch os es s up érieures & inférieures . Tu auras p ar ce
m oy en la gloire de tout le m onde ; & pour cela toute obs curité s 'en-
fuira de toi.
IX. C'es t la force forte de toute force: car elle v aincra toute ch os e s ub-
tile,& p énétrera toute ch os e s olide.
X. A in s i le m onde a été créé.
XI. D e cecis eront & s ortirontd'adm irables adap tations ,des quelles le
m oy en en es t ici.
XII. C'es t pourquoij'ai été ap p elé H erm ès Tris m égis te,ay ant les trois
p arties de la p h ilos oph ie de tout le m onde. Ce que j'aiditde l'op éra-
tion du s oleil es t accom p li, & p arach ev é.

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1)- Origines de la Table d'Emeraude
Des légendes circulent sur l'origine de ce texte quasi-fabuleux. Ainsi, on lit dans le
Journal des Savants (1709) ceci :
"Hermès Trismégiste vient à son rang dans la liste. L'inscription de la Table d'Emeraude
n'est pas un des moindres morceaux qui nous soient restés de lui, si l'on en veut croire les
alchimistes. Ce précieux monument fut trouvé, disent-ils, par Sara femme d'Abraham dans
le sépulcre d'Hermès qui était dans la vallée d'Hebron. Le cadavre d'Hermès tenait l'éme-
raude dans ses mains, et l'inscription phénicienne qui y était gravée, se voit ici en latin.
L'auteur convient qu'elle est très ancienne, et répond avec Borrichius à une partie des objec-
tions de ceux qui la croient supposée."

a)- On conviendra sans peine que les circonstances de découverte de cette Table consti-
tuent une pure légende. Mais Hermès lui-même n'est-il pas légendaire ? Car tous les écrits
qu'on lui attribue date du IIIe ou du IVe siècle après J.-C. La Table d'Emeraude, quoi qu'il
en soit, est inséparable de l'ouvrage qui porte le nom de Traité du Secret de la Création des
Etres. C'est un texte qui, manifestement, paraît le fruit de multiples remaniements autour
d'un noyau constitué par le récit d'un certain Belenous, transcription arabe du nom grec
d'Apollonius. L'antiquité classique connaît de nombreux Apollonius, le plus célèbre demeu-
rant Apollonius de Thyane, héros d'une sorte de roman philosophico-merveilleux [A.
Chassang : Apollonius de Thyane, sa vie, ses voyages, ses prodiges, Paris, 1862] écrit par
le rhéteur Philostrate à la demande de l'impératrice Julia Domna, femme de Septimo Sévère
(193-211 apr.J.-C.).On ne sait si Apollonius fut un personnage imaginaire ou si Philostrate
s'inspira d'un modèle réel. Les Anciens ont cru à sa réalité, témoins le rhéteur païen
Hiéroclès qui, au IVe siècle l'opposa à Jésus-Christ. Ceci n'empêcha pas de nombreux écri-
vains chrétiens, saint Augustin en particulier, de mentionner avec égard le nom
d'Apollonius ; un évêque gallo-romain, Sidoine Apollinaire, traduisit même en latin le
roman de Philostrate.
Rien d'extraordinaire donc à trouver associé au nom d'Apollonius de Thyane [que
Fulcanelli non sans humour appelle à peu près en ces termes que nous retranscrivons pour
ce qu'ils sont : Apollon-?? ? de Diane] un ouvrage exposant une théorie du monde. Mais le
héros de Philostrate aurait vécu au Ier siècle de notre ère, alors que le Traité du Secret de la
Création des Etres [Sylvestre de Sacy a étudié le premier ce texte essentiel : Notices des
Mss du Roi. t. 4, pp. 107, 158, Paris, 1799], paraît sûrement postérieur à Zozime, tout en
restant antérieur au VIe siècle puisque quelques passages sont attribués à un certain prêtre
nommé Serdjious, c'està-dire le fameux Sergius de Rès Ayna, qui traduisit sans doute en
syriaque le texte grec de Belenous. Au IXe siècle, le traducteur arabe Ibn Ishak y ajouta des
professions de foi musulmane [le plus ancien mss. connu est daté de 934. Il est à Upsala,
en Suède].
Si l'auteur du Traité du Secret de la Création des Etres ne peut être Apollonius de Thyane,
il pourrait bien, en revanche, se confondre avec Apollonius de Laodicée qui, au témoigna-
ge de Paul d'Alexandrie, accuse dans ses cinq livres les Egyptiens (Zozime ?) de s'être trom-
pés sur le zodiaque, c'est-à-dire sur l'organisation du monde. Le Traité du Secret de la
Création des Etres compte justement cinq livres plus un prologue. Si cette attribution se
révélait exacte, elle nous ramènerait au VIe siècle et ferait de cette oeuvre un survivant

17
important de l'alchimie théorique alexandrine, d'autant plus important que nous possédons
le texte entier.

Une cinquantaine de pages suffiraient pour imprimer cet ouvrage somme toute fort court.
Belenous (ou plutôt Apollonius) commence par exposer les fondements de sa théorie du
système du monde :
" Toutes choses sont composées des quatre qualités élémentaires: le chaud, le froid, l'hu-
mide et le sec, éléments de tout ce qui existe ; ces qualités sont combinées les unes avec les
autres de telle manière que tout est emporté par le même mouvement de rotation et ne forme
qu'un seul assemblage [...], un même corps, sans aucune distinction ou différence, jusqu'à
ce que des accidents modifient ce corps dont les parties se séparent. Des êtres diversifiés se
forment alors entre eux, à raison des différentes combinaisons des qualités élémentaires qui
concourent à leur formation " [...]. C'est là le principe fondamental de la science qui permet
de connaître la cause première de la variété des êtres. " [cité d'après Sylvestre de Sacy]

D'où Belenous tira-til toutes ces connaissances ? Il nous conte à ce sujet une histoire assez
fantastique: il y avait dans son pays une statue d'Hermès, en pierre, sur laquelle on lisait :
" Si quelqu'un désire connaître le Secret de la Création des Etres, qu'il regarde sous mes
pieds. Ceux qui regardèrent n'y virent rien de spécial. Bélenous comprit qu'il fallait creuser
sous les pieds de la statue et mit au jour l'entrée d'un souterrain. Y descendant avec une
lampe, il découvrit, assis sur un trône d'or, un vieillard qui tenait à la main une tablette d'é-
meraude sur laquelle on lisait : C'est ici la formation de la nature. "

Devant l'homme, un livre: le Secret de la Création des Etres et la Science des Causes de
toutes Choses. Belenous le prit pour le faire connaître à l'univers.
Après ce prologue, le premier livre développe la théorie des causes premières de toutes
choses: corps célestes d'abord, mais aussi minéraux, êtres animés et hommes. On y trouve
une curieuse théorie de la création : pendant un très long temps, le chaos primitif, totale-
ment indifférencié à l'origine, se mit peu à peu en mouvement et s'échauffa [...]. Cette agi-
tation divisa progressivement la matière primitive en couches de plus en plus légères, froi-
des et inertes au centre, chaudes et agitées à la périphérie. Le phénomène se prolongea pen-
dant une durée de soixante mille deux cent cinquante ans, puis brusquement, il y eut en qua-
rante-huit heures le dénouement de cet état instable auquel l'univers était. parvenu: le chaud
et le froid s'unirent, engendrant le sec et l'humide. La combinaison de ces quatre qualités
forma les éléments terre, eau, air, le feu ou mouvement existant déjà. En quatre-vingt-seize
heures, toutes les combinaisons se trouvaient achevées et les créatures des trois règnes
apparurent.
Belenous expose dans le second livre la création des sept cieux et des sept planètes qui
gouvernent toutes choses, en particulier les métaux qui leur correspondent. Le rapproche-
ment entre planètes et métaux remonte au moins à Hésiode : à l'origine, il y eut sans doute
des analogies de couleurs. L'or est jaune brillant comme le Soleil et l'argent rappelle la
douce lumière blanchâtre de la Lune. Le fer du guerrier suggère le sang, rouge comme l'é-
clat de la planète Mars et la teinte bleutée des sels de cuivre fait songer naturellement à la
couleur bleuâtre de Vénus. Très vite cette analogie de couleurs suggéra une analogie beau-
coup plus profonde entre planètes et métaux; la génération des corps terrestres s'explique
par les influences célestes : c'est la grande loi des correspondances entre le microcosme,
notre petit monde, et le macrocosme, l'Univers.

18
Belenous s'intéresse tout spécialement à l'origine du mercure qui doit son caractère fusi-
ble à une portion d'eau, enfermée dans la mine. Cette portion d'eau, d'abord volatilisée par
l'action de la chaleur, s'élève vers le sommet de la mine. Ne trouvant pas d'issue, elle s'y
attache sous forme de vapeur qui se refroidit insensiblement. Ses molécules se rapprochent
et, la vapeur retournant à son état premier, se reconvertit en eau. Une seconde volatilisation
se produit alors, suivi d'une seconde condensation et ces opérations se répètent indéfini-
ment. A chaque fois, la substance aqueuse devient plus spiritueuse et plus légère, tant et si
bien que cette eau acquiert la propriété de dissoudre les corps, toute substance chaude et
humide étant naturellement dissolvante. Cette eau peut donc dissoudre les matières sulfu-
reuses voisines et se les incorporer par une longue digestion. [voir ces points dans la sec-
tion Mercure de nature] L'esprit du soufre pénètre les parties de l'eau dont la fluidité sert de
colle pour retenir les molécules sèches du soufre, et la sécheresse du soufre donne au com-
posé un degré de cohésion suffisant pour l'empêcher de se diviser comme l'eau et de se
mêler à d'autres corps.
On reconnaît ici les deux exhalaisons d'Aristote, l'humide et la fumeuse. Apollonius inter-
prète ces exhalaisons sous la forme concrète de soufre et de mercure : c'est la première fois
que la théorie des deux principes Soufre et Mercure apparaît nettement formulée. Un millé-
naire durant, elle allait dominer toute la pensée alchimique. Le Secret de la Création des
Etres se révèle décidément un ouvrage des plus importants. Le troisième livre étudie la for-
mation des substances végétales et le quatrième livre s'attache aux êtres animés et à l'hom-
me. Le cinquième livre, extrêmement court, est la copie de la Table d'Emeraude que le
vieillard tenait à la main, cette Table sur laquelle se trouvait écrit le résumé de toute la scien-
ce. Une fois de plus, nous constatons qu'un traité d'alchimie ne comporte aucune allusion à
la pierre philosophale. Par contre, la théorie du système du monde demeure la base
indispensable sans laquelle aucune science ne serait concevable.

Si les savants arabes ont abondamment cité le Secret de la Création des Etres, les alchi-
mistes latins l'ignorèrent, encore qu'il existe quelques traductions manuscrites, en particu-
lier celle d'Hugo Sanctelliensis [XIe - XIIe siècle] conservée dans un manuscrit de la
Bibliothèque nationale de Paris. La conclusion, en revanche, devint universellement révé-
rée et commentée: elle a gardé le nom de Table d'Emeraude [Mss. latin 13951 (XIIIe siè-
cle) étudié par F. Nau : " une traduction latine du Belinous arabe ", in Revue de l'Orient
chrétien (1907, vol. 12). Le mss. latin 13592 est une copie faite au XVIIe siècle] en souve-
nir de l'histoire de Belenous. I1 s'agit d'un texte énigmatique dont l'obscurité est peut-être
attribuable en partie aux traductions successives, de grec en syriaque, de syriaque en arabe,
d'arabe en latin et, finalement, de latin en français.
[L. Gérardin, Alchimie, Art, Culture, Loisir, 1972].

L. Gérardin donne ensuite la traduction d'après G.-E. Monod-Herzen : l'Alchimie médi-


terranéenne, la Table d'Emeraude, Paris, 1963.

b)- La Table d'Emeraude représente donc, au vrai sens du terme, un résumé lapidaire sur
le Grand Oeuvre. Une autre légende veut que ce texte ait été trouvé par les soldats
d'Alexandre le Grand dans les profondeurs de la Grande Pyramide de Giseh, qui ne serait
autre que le tombeau d'Hermès. Celui-ci aurait lui-même gravé les quelques lignes qui com-
posent la Table, avec une pointe de diamant, sur une lame d'émeraude
[J. Sadoul, le Trésor des Alchimistes, J'ai Lu, 1970].

19
On trouve dans, cette Table d'Emeraude les deux grands principes de la philosophie her-
métique, soit l'unité de la matière (toutes les choses sont nées de cette chose unique par
adaptation), qui est une conception scientifique que seulement notre siècle a réussi à
démontrer et, d'autre part, l'union du microcosme (c'est-à-dire l'homme) au macrocosme
(c'està-dire l'univers) qui est indiquée dans la phrase : " Ce qui est en bas est comme ce qui
est en haut. " Cette doctrine métaphysique est le fondement de l'astrologie tout autant que
de l'alchimie, mais n'est pas admise, elle, par la science moderne, du moins dans l'état actuel
de son avancement. Ce texte va également nous permettre d'essayer de définir l'étymologie
exacte du mot " alchimie ", qui est très controversée. Son origine est assurée. Il s'agit des
deux mots arabes al kimiya, al étant un article défini, le sens généralement admis pour
kimiya est " terre noire ", nom qui peut être rapporté à l'Egypte elle-même (si l'on en croit
Plutarque) ou à la noirceur, qui est un des stades de l'oeuvre alchimique. Mais une autre éty-
mologie est tout aussi possible. Dans les vieux traités grecs, on trouve parfois des référen-
ces à un fondateur mythique de l'alchimie nommé Chémès. Or, un des alchimistes
d'Alexandrie, Zosime le Panopolitain, que nous allons bientôt découvrir, indique dans un de
ses traités que Chémès aurait été un " prophète juif ". Ecoutons alors l'analyse subtile de
René Alleau (Encyclopedia Universalis ,article " Alchimie "):
" Cet auteur, selon un procédé fréquent dans la littérature hermétique, voile ainsi une pré-
cieuse indication philologique par un fait pseudohistorique la légende a ici son sens premier
et révèle exactement " ce que l'on doit lire " c'est-à-dire ce que l'initié doit entendre. Ayant
vécu longtemps à Alexandrie, qui comptait alors de nombreux savants juifs, Zozime ne pou-
vait ignorer qu'en hébreu chémès est le soleil. Afin de préciser son propos, Zozime,dans ses
Instructions à Eusébie, déclare : " Le grand soleil produit l'OEuvre, car c'est par le soleil que
tout s'accomplit. "
II est aisé de rapprocher cette définition de la fin de La Table d'Emeraude : " Ce que j'ai
dit de l'OEuvre solaire est complet. " L'alchimie serait donc la science fondée sur les mys-
tères du soleil, c'est-à-dire sur les révélations initiatiques faites par les prêtres des cultes
solaires en Mésopotamie puis en Egvpte.
[J. Sadoul, le Grand art de l'alchimie, J'ai Lu, 1974].

c)- C'est au cours de la période allant du VIIIe au Xe siècle qu'apparait ce texte, la Table
d'Emeraude ou Tabula Smaragdina, attribué à Hermès [J. Ruska : Tabula smaragdina,
Heidelberg, 1926 - R. Steele et D.W. Singer : The emerald Table, in : Royal society of
Medecine, 1928, XXI, pp 41-57]. Ce texte apparaît comme un croisement des cultures qui
déterminent l'alchimie à cette époque, puisqu'on lui prête un passage dont on a dit qu'il était
possible qu'il fût d'Apollonius de Tyane qui est supposé avoir vécu en Syrie, des commen-
taires d'un traducteur chrétien Sadjious de Naplouse et des adjonctions du traducteur arabe.
La plus ancienne traduction de la Table d'emeraude date du XIIe siècle [G. Monod-Herzen.
L'alchimie méditerranénne, ses origines et son but. La Table d'Emeraude, Paris, 1963, pp
191-193]. Depuis les premiers siècles, il avait été habituel de garantir le contenu du texte
en le faisant remonter à une haute antiquité, à le mettre sous le nom d'un dieu, d'un héros,
d'un philosophe célèbre, d'un roi...
En 1612, un Miroir d'alchimie fut publié sous le nom de Jean de Meung, avec la Table
d'Emeraude d'Hermès et un Commentaire d'Hortulain sur ce texte de base. [c'est l'ensemble
de cette version qui est présentée ici]
[Jacques Van Lennep, Alchimie, Dervy, 1985]

20
d)- Puisqu'il faut évoquer Hermès, voici ce qu'en a écrit Ferdinand Hoefer, dans son
Histoire de la chimie :
Nous avons déjà eu plusieurs fois l'occasion de nommer Hermès Trismégiste, que les
alchimistes invoquent comme un oracle, et auquel ils font remonter l'origine de leur art.
Mercure était, par une tradition universellement répandue, vénéré comme l'inventeur de
tous les arts, chez les peuples les plus divers, chez les Egyptiens comme chez les Gaulois.
Cicéron ne compte pas moins de sept Mercures, qui tous recevaient un culte divin [De natu-
ra Deorum, III]. Vulcain, Thoyth ou Thath, et Cadmus, passent également pour avoir inven-
té plusieurs arts, qu'on mit plus tard sur le compte de Mercure ou d'Hermès. Vulcain ou
Phtha, symbole du feu, était l'objet d'un culte particluier chez les prêtres d'Egypte. Thath,
dont parle Platon [Plat., in Phaed. et Philebo. - Ol. Borrich., de Ortu et prog. Chemiae, in
Manget, Bibl., t. I] est, selon quelques auteurs, le même que Hermès, portantle surnom de
trois fois grand, ? ? ?? ?? ? ? ?? ? ? ? . Quant à Cadmos, que les Grecs font venir de la Phénicie,
son nom sémitique grécisé signifie du côté de l'orient. Il est à remarquer que toutes les fois
qu'il est question, dans les livres anciens, sacrés ou profanes, de quelque art jusqu'alors
inconnu, on le fait venir des pays de l'orient, comme de la source primitive de toute scien-
ce. Faut-il voir là une simple métaphore du soleil levant, et du culte de cet astre considéré
comme la source de toute vie ? ou bien serait-ce un indice vague d'une communication fort
ancienne de la nation la plus reculée de l'orient, des Chinois, avec les Assyriens, avec les
Perses et les Egyptiens ? Ces questions, d'un intérêt historique immense, nous paraissent à
peu près insolubles. Hermès, tout à la fois dieu du ciel et de l'enfer, symbole de la vie et de
la mort, évoquait, d'après les croyances mythologiques, les âmes des décédés, et opérait,
avec son caducée, des transmutations et des miracles. C'est pourquoi les philosophes mys-
tiques, les magiciens et les alchimistes, ne pouvaient et ne devaient choisir pour patron d'au-
tre dieu qu'Hermès. De là, l'art transmutatoire des alchimistes reçut le nom d'art hermétique
; et il n'est pas étonnant que le métal, si utile à l'affineur et à l'orfèvre, que les Anciens appe-
laient eau-argent, et les Adeptes, l'essence du grand oeuvre, fût consacré à cette divinité,
dont il porte encore aujourd'hui le nom. Une fois engagé dans cette voie, on ne pouvait pas
s'arrêter à demi chemin. Il était impossible que des hommes qui avaient voué à Hermès un
culte aussi exclusif ne lui supposassent pas des écrits, afin de donner plus d'autorité aux
leurs ; car la gloire du maître se réfléchit toujours sur celle du disciple. En effet, pendant
que l'Antiquité garde un silence absolu sur les prétendus écrits d'Hermès, les philosophes
de l'école d'Alexandrie, les disciples de l'art sacré, parlent sans cesse des oeuvres d'Hermès,
comme de la source de toute science. voici comment s'explique Jamblique :
"Hermès Trismégiste a écrit, selon Séleucus, vingt mille volumes sur les principes uni-
versels. Mais selon Manethon, c'est trente-six mille cinq cent vingt-cinq volumes qu'il a
composés sur toutes les sciences." [Jambl., de Mysteriis Aegypt., VIII, 1]
Puis il ajoute :
"Les écrits connus sous le titre de Sentences de Mercure contiennent souvent des expres-
sions de philosophes grecs ; car ils ont été traduits de la langue égyptienne par des hommes
instruits dans la philosophie." [Ibid., VIII, 2]
On se demande pourquoi Jamblique ne parle des livres d'Hermès en quelque sorte que par
ouï-dire, et pourquoi il ne dit pas un mot des livres originaux, qu'il lui aurait été si facile de
consulter, en sa qualité de grand prêtre. Ce qui prouve que ces livres n'ont jamais été dépo-
sés, comme sacrés, dans les temples d'Egypte, c'est que Héraïscus et Asclépiade, qui avaient
approfondi les systèmes cosmologiques et astronomiques des Egyptiens, ne disent pas un
mot des livres d'Hermès, au rapport de Damscius, qui vivait du temps de Justinien

21
[Damascius, in Wolfii anecdot. graecis, t. III]. Les écrits qui nous restent sous le nom
d'Hermès, et qui pour la plupart sont complètement étrangers à la chimie, renferment,
comme l'a déjà fait observer Meiners, des emprunts faits aux livres de Moïse et de Platon
[Meiners, Versuch über die Religionsgeschichte der oellestae Völker, t. I]. C'est pourquoi
beaucoup d'autres auteurs, et entre autres Tennemann, pensent que les écrits d'Hermès ont
été composés au oment où la religion chrétienne allait abattre le paganisme, et qu'ils étaient
destinés à être pour les païens ce que la Bible est pour les chrétiens [Geschichte der
Philosophie, t. VI]. Déjà les Pères de l'Eglise, entre autres saint Cyrille, remarquent que l'au-
teur des écrits d'Hermès avait mis à profit les livres de Moïse et de Platon. [...] Dans un
[autre] écrit d'Hermès, on trouve une prophétie, annonçant la décadence du paganisme et le
triomphe d'une religion nouvelle.
"Les temples de l'Egypte seront, y est-il dit, convertis en tombeaux." [Hermetis Asclepius,
Jamblichus, de Myst. aegypt., Lugdun., 1552]
Les chrétiens y sont désignés par les noms de Seythes ou d'Indiens. L'hymne mystique
d'Hermès, qui renferme également des traces évidentes de la philosophie grecque, était ordi-
nairement récité par les Adeptes, avant d'entreprendre les opérations du grand oeuvre. Voici
le commencement de cet hymne, qui est une invocation sublime au dieu des panthéistes :
"Univers, sois attentif à ma prière. Terre, ouvre-toi ; que toute la masse des eaux s'ouvre
à moi. Arbres, ne tremblez pas ; je veux louer le Seigneur de la création, le Tout et l'Un [? ?
? ? ? ?? ? ??? ? ?? ? ]. que les Cieux s'ouvrent, et que les vents se taisent. que toutes les facultés
qui sont en moi célèbrent le Tout et l'Un." [Divinus Pymander Hermetis Trismegisti cum
commentariis Hannibalis Rosselt, fol., Colon., 1630]
A propos des écrits d'Hermès, il serait impardonnable de passer sous silence la fameuse
Table d'Emeraude, l'oracle des alchimistes. Voici ce qu'on y lit :
"Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, ce qui est en haut est comme ce qui est
en bas [idée de circulation, Terre = corruption - Ciel = Âme], pour l'accomplissement des
miracles d'un être unique [Kircher -Oedip. Aegypt., t. II - dit qu'on a découvert une inscrip-
tion en caractères coptes, sculptée sur un rocher près de Memphis, et dans laquelle on lit ces
paroles de la table d'émeraude [...] dont le sens fait allusion à la forme sphérique du monde,
qui était figuré symboliquement par un oeuf]. Toutes les choses proviennent de la média-
tion d'un seul être [?? ? , à rapprocher de ?? ? ]. Le soleil est le père [Soufre rouge], la lune la
mère [le Mercure] et la terre est la nourrice [Sel, avec idée de toison d'or, de résine d'or]. -
Tu sépareras la terre du feu, ce qui est léger de ce qui est lourd ; tu conduiras l'opération
doucement [d'un feu continu] et avec beaucoup de précaution : le produit s'élève de la terre
vers le ciel [sublimation des Soufres], et pénètre la force du monde supérieur et du monde
inférieur [idée de réunion de deux principes contraires]. C'est là que se trouve la science et
la gloire de l'univers ; c'est de là que dérivent les harmonies admirables e la création. Aussi
m'appelés-je Hermès Trismégiste, possédant les trois parties de la philosophie uinvrselle.
Voilà ce que j'ai à dire sur l'oeuvre du soleil." [Ath. Kircher, Oedipus Aegyptiacus, t. II, p.
II, p. 428]
Il y a encore aujourd'hui des alchimistes qui sont persuadés que la Table d'Emeraude
d'Hermès est cachée dans la plus grande des pyramides de Gizeh [Recherches philoso-
phiques sur les Egyptiens, etc., par Paw, t. I]. C'est dans l'oeuvre du soleil d'Hermès
Trimégiste, que les alchimistes cherchent le secret de faire l'or consacré au soleil. Les sen-
tences mystiques faisant allusion à la sublimation, à la calcination et à la fixation, se retro-
uvent dans Jamblique, dans Proclus, et meêm chez des philosophes grecs de plusieurs siè-

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cles antérieurs à ceux-là. Le célèbre Kircher, qui explique, dans son Oedipe, avec une assu-
rance incroyable, les hiéroglyphes de tous les monuments égyptiens qu'il connaissait, s'a-
voue presque incapable de découvrir le trésor caché sous les paroles mystiques de la Table
d'Emeraude. Cependant il assure que cet ouvrage ne contient autre chose que la théorie de
l'élixir universel, ou de l'or potable. Cela est, ajoute-t-il, très certain, certissimum est. Ce qui
nous paraît très certain, c'est que la Table d'Emeraude ressemble singulièrement aux oracles
de Delphes et de Dodone : on y trouve tout ce que l'on veut, et voila en quoi consiste le
grans secret de contenter tout le monde. Le premier qui ait fait mention de la Table
d'Emeraude est Albert le Grand [De secretis]. On attribue encore à Hermès Trismégiste dif-
férents autres ouvrages [De alchimia, De lapidis physici secreto, Testamentum - Mangeti
Bibliotheca Chimica, t. I - Artis auriferae quam Chemiam vocant, etc., Basil., 1610, 12], qui
ne sont pas cités par les philosophes alexandrins, et dont l'origine paraît assez récente. Il en
est de l'authenticité des livres alchimiques d'Hermès comme de celle des traités d'alchimie
attribués à Moïse ou au roi Salomon, et dont les véritables auteurs appartiennent au Moyen
Âge.
[Ferdinand Hoefer, histoire de la Chimie, Première époque, pp. 244-249]

e)- Voici enfin l'avis de Fulcanelli, extrait du chapitre des Demeures Philosophales sur le
cadran solaire du Palais Holyrood :
A notre avis, le cadran solaire écossais est une réplique moderne, à la fois plus concise et
plus savante, de l'antique Table smaragdine. Celle-ci se composait de deux colonnes de
marbre vert, selon certains, ou d'une plaque d'émeraude artificielle, selon d'autres, sur les-
quelles l'ouvre solaire était gravé en termes cabalistiques. L a tradition l'attribue au Père des
philosophes, Hermès Trismégiste, qui s'en déclare l'auteur, quoique sa personnalité, fort
obscure, ne permet pas de savoir si l'homme appartient à la fable ou à l'histoire. D'aucuns
prétendent que ce témoignage de la science sacrée, écrit primitivement en grec, fut décou-
vert après le Déluge dans une grotte rocheuse de la vallée d'Hébron. Ce détail, dépourvu
même d'authenticité, nous aide à mieux comprendre la signification secrète de cette fameu-
se Table, qui pourrait bien n'avoir jamais existé ailleurs que dans l'imagination, subtile et
malicieuse, des vieux maîtres. On nous dit qu'elle est verte, - ainsi que la rosée de prin-
temps, appelée pour cette raison Emeraude des philosophes, - première analogie avec la
matière saline des sages; qu'elle fut rédigée par Hermès, seconde analogie, puisque cette
matière porte le nom de Mercure, divinité romaine correspondant à l'Hermès des Grecs.
Enfin, troisième analogie, ce mercure vert servant pour les trois OEuvres on le qualifie de
triple, d'où l'épithète Trismégiste [...] ajoutée au nom d'Hermès. La Table d'Emeraude prend
ainsi le caractère d'un discours prononcé par le mercure des sages sur la manière dont s'é-
labore l'OEuvre philosophal. Ce n'est pas Hermès, le Thot égyptien, qui parle, mais bien
l'Emeraude des philosophes ou la Table isiaque elle-même1.

Voici enfin quelques sites qui nous ont semblé intéressants sur la Table d'Emeraude :
1)- Interpretation of Tabula Smaragdina (by Dennis William Hauck)
http://www.alchemylab.com/smaragdina.htm.
2)- Tabula Smaragdina Hermetis (by Jack Courtis)
http://www.crcsite.org/Tabula.htm.
3)- The Occult Sciences in the Renaissance: A Study in Intellectual Patterns (University

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of California Press, 1972), long and saddeningly out of print.
http://www.santafe.edu/~shalizi/smaragdina.html.

A SUIVRE [La Table d’Emeraude dans les textes alchimiques]

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