Cognitivisme
Cognitivisme
Cognitivisme
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r e l i r e
Bernard Legault
Professeur d'lectrotechnique Cgep Andr-Laurendeau
e cognitivisme suscite beaucoup dintrt au collgial, preuve, entre autres, le succs de librairie de Moi jenseigne, mais eux, apprennent-ils ? 1, ouvrage dans lequel Michel Saint-Onge prconise une approche cognitive pour rendre lenseignement efficace. Ceux et celles qui veulent en savoir davantage sur le sujet prendront plaisir lire le livre que Jacques Tardif vient de publier. Lauteur y explique, dans un langage simple et clair, ce quest la thorie cognitive de lapprentissage et montre comment elle peut se traduire dans des gestes quotidiens denseignement.
la construction du savoir chez llve. Les rsultats des recherches rcentes sur lintelligence artificielle, les neurosciences, la linguistique et la philosophie apportent des clairages nouveaux permettant de comprendre les phnomnes demmagasinage de linformation en mmoire et il est possible de transposer plusieurs de ces dcouvertes lenseignement et lapprentissage. Cest notamment ce que fait, de faon convaincante, Jacques Tardif dans son livre. Lauteur souligne limportance fondamentale quont les connaissances antrieures dans la construction du savoir. Partant du point de vue que lapprentissage est un processus cumulatif, il insiste sur le fait quon doit btir sur ce qui existe dj. Avant de transmettre de nouvelles connaissances ses lves, lenseignant doit donc dabord sassurer que ces derniers matrisent bien les connaissances pralables indispensables. Si les lves possdent dj ces connaissances, il doit faire en sorte quelles soient utilisables pour le travail faire (rappel des connaissances) ; si les lves ne possdent pas ces connaissances, il lui revient de les leur transmettre avant mme daborder les nouvelles connaissances. Cest ce qui explique, entre autres, limportance que lenseignant doit accorder aux reprsentations spontanes des lves au moment daborder des nouveaux concepts. En effet, ce sont ces reprsentations qui influencent linterprtation des phnomnes par les lves ou qui conditionnent leurs comportements dans des contextes de rsolution de problme. Pour modifier ces reprsentations qui sont bien ancres en mmoire, lenseignante ou lenseignant doit, dune part, les connatre et, dautre part, permettre llve de se convaincre des lacunes quelles prsentent et, enfin, lui offrir dautres repr-
sentations plus justes sur lesquelles llve pourra sappuyer par la suite 2. Tardif prsente les trois types de connaissances que reconnat le cognitivisme dclaratives, procdurales et conditionnelles et invite lenseignant dvelopper des stratgies diffrentes pour faciliter lintgration de chacune delles parce quelles sont reprsentes diffremment dans la mmoire ; les connaissances dclaratives rpondent en effet au QUOI, les connaissances procdurales au COMMENT et les connaissances conditionnelles au QUAND et au POURQUOI. Lensemble de ces trois types de connaissances est essentiel mme si cest au niveau des connaissances conditionnelles seulement que le transfert des apprentissages devient possible. Pour ce qui est du transfert des apprentissages 3, aucun doute quil sagit de lun des objectifs primordiaux de lenseignement : que vaudrait, par exemple, un diplm en gnie lectrique qui serait incapable de solutionner un problme simple dlectricit rsidentielle ? Cest ce transfert des connaissances qui constitue la base mme de la comptence de lexpert ; en effet, ce qui distingue vritablement lexpert du novice, ce ne sont pas les connaissances elles-mmes, mais bien la capacit qua le premier dutiliser lensemble de celles-ci pour rsoudre de nouveaux problmes. Cest ainsi que pour guider et entraner les lves vers un comportement dexperts il faut, comme enseignant, dabord les confronter des tches complexes sapprochant le plus possible de la ralit quils connaissent ou doivent connatre, ensuite leur demander dutiliser les savoirs, les procdures et les stratgies enseigns tout en exigeant deux juste ce quil faut pour que le dfi ne dpasse pas trop leurs limites actuelles.
Tardif accorde une grande attention la motivation scolaire. La construction du savoir ncessite un engagement actif de la part de llve. Or, cet engagement dpend, entre autres, de la perception qua llve du rle de linstitution scolaire. Sil voit lcole comme un lieu dvaluation, il est peu ou pas motiv, il sengage sans conviction et cherche plutt viter les jugements ngatifs. Par contre, sil croit que lcole est dabord un lieu dapprentissage, il sengage plus activement, il sintresse et ne craint pas de faire des erreurs puisque celles-ci lui permettent de progresser. Plusieurs tudes montrent que les jeunes enfants de la maternelle et de premire anne du primaire peroivent gnralement lcole dabord et avant tout comme un lieu dapprentissage, cest ce qui explique leur enthousiasme apprendre, par exemple, la lecture et lcriture. Par contre, ds la deuxime et la troisime annes du primaire, leur perception du rle de lcole se modifie ; lcole devient pour eux, partir de leur jeune exprience, un lieu dvaluation, un lieu o lon porte un jugement sur ce quils connaissent dj, un lieu o lerreur nest pas permise, un lieu o sont survaloriss ceux et celles qui russissent du premier coup. Il nest donc pas surprenant que la motivation soit un problme majeur de notre systme scolaire. Tardif suggre des moyens pour provoquer et soutenir la motivation scolaire ; par exemple, proposer des tches qui prsentent un dfi rel quoique pas trop lev, bien faire voir la pertinence des tches quon demande aux lves daccomplir, etc.
ou quinze noncs fondamentaux retenir ; une telle faon de procder aide structurer les connaissances qui doivent tre vues au cours du chapitre. Ensuite, lauteur sassure de bien situer le problme en sappuyant sur ce quil a dj dit ; sil le faut, il rsume les connaissances requises pour permettre la poursuite de la lecture ou dfinit les termes nouveaux. Suit une prsentation des rsultats de recherches relatifs au sujet trait ou avec lesquels il est possible de faire des analogies pertinentes pour lenseignement ; ces analogies sont utiles car elles aident le lecteur ancrer les nouvelles connaissances dans sa mmoire long terme. Les noncs du dbut sont ensuite dtaills avec de nombreux exemples et contre-exemples, dans une langue vivante et simple. Plusieurs tableaux rsument les arguments voqus et aident poursuivre la structuration des nouvelles connaissances. Enfin, lauteur prsente les impacts pour lenseignement sous forme de rsum synthse, ce qui met en vidence les aspects essentiels de son propos.
fication lvaluation des apprentissages en passant par la prestation mme du cours. De plus, cest un livre crit pour des personnes vivant quotidiennement en relation avec des lves en situation dapprentissage ; comme je lai mentionn plus haut, chaque chapitre se termine par des rfrences la pratique. Enfin, le livre de Jacques Tardif aide comprendre que les difficults quprouvent de nombreux lves assimiler les connaissances quon cherche leur transmettre sont peut-tre dues la conception, plus souvent quautrement inconsciente, de lenseignement et de lapprentissage vhicule par les institutions scolaires.
NOTES ET RFRENCES
1. SAINT-ONGE, Michel, Moi jenseigne, mais eux, apprennent-ils ?, Montral, Beauchemin, 1992, 106 p. 2. Pour en savoir plus sur le sujet, voir : LALIBERT, Jacques, Les origines du savoir dans Pdagogie collgiale, vol. 1, n 2, dcembre 1989, p. 20-21. GIORDAN, Andr et Grard de VECCHI, Les origines du savoir. Des conceptions des apprenants aux concepts scientifiques, Neuchtel-Paris, Delachaux & Niestl diteurs, 1987, 214 p. MTIOUI, Abdeljalil et al., Lassimilation des concepts de base de la thorie des circuits chez les lves du collgial professionnel, rapport abrg, indit, 1990. 3. ce sujet, voir LALIBERT, Jacques, Comment faciliter le transfert des apprentissages dans Pdagogie collgiale, vol. 3, n 3, mars 1990, p. 30-32.
Pour un enseignement stratgique est un ouvrage dense et inspirant ; on peut le lire tout dune traite ou sen servir comme livre de rfrence, comme guide dans toutes les tapes de lenseignement, de la plani-
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