00 1465
00 1465
00 1465
B 125
Déshydratation et hyper-
hydratation cellulaires
et extracellulaires
Étiologie, physiopathologie, diagnostic, traitement
DR Martin FLAMANT, PR Christophe LEGENDRE
Service de néphrologie, hôpital Saint-Louis, 75010 Paris.
Étiologie Diagnostic
La rétention iso-osmotique de sodium et d’eau par le Le diagnostic positif est essentiellement clinique.
rein peut avoir 2 causes. Plus encore qu’en cas de déshydratation extracellulaire,
• Une maladie primitivement rénale peut être en cause l’augmentation du volume du secteur vasculaire a des
telle que les glomérulonéphrites responsables d’un conséquences cliniques rapides et potentiellement graves
syndrome néphritique aigu et en particulier la glomérulo- (œdème aigu pulmonaire) alors que l’augmentation du
néphrite aiguë post-infectieuse, à un moindre degré volume du secteur interstitiel a des conséquences
l’insuffisance rénale aiguë et l’insuffisance rénale chro- bénignes et d’évolution lente.
nique lorsque le régime alimentaire est trop riche en sel. L’hyperhydratation extracellulaire peut se traduire par
• Les conséquences rénales de certaines affections plusieurs signes.
peuvent être en cause. Il s’agit principalement : • Des signes de réplétion du secteur interstitiel : les
– de l’insuffisance cardiaque ; œdèmes périphériques généralisés qui sont déclives,
– de la cirrhose ascitique ; siègent aux chevilles en position debout, aux paupières
– du syndrome néphrotique (dont la place dans l’une ou au réveil, dans les lombes chez les patients alités et
l’autre de ces 2 catégories est d’ailleurs un peu arbitraire) ; donnent le signe du godet. Ces œdèmes peuvent égale-
– d’hypoprotidémies secondaires à la dénutrition ou aux ment intéresser les séreuses (épanchement péricardique,
entéropathies exsudatives ; pleural, ascite) et le secteur interstitiel pulmonaire
– d’une vasodilatation périphérique pathologique (fistule (œdème aigu pulmonaire).
artérioveineuse, maladie de Paget, etc.), physiologiques • Des signes de réplétion du secteur vasculaire rarement
(grossesse), pharmacologiques (vasodilatateurs artériels) ; isolés : ils sont à type d’hypertension artérielle accompa-
– d’un œdème cyclique idiopathique, qui a une place à part. gnée d’un tableau d’insuffisance cardiaque aiguë.
• Une prise de poids est constatée.
Physiopathologie Les signes biologiques sont pauvres car les signes
d’hémodilution sont inconstants et, fait important,
La physiopathologie des hyperhydratations extracellulaires aucun signe biologique ne traduit l’augmentation du
est complexe. Les mouvements d’eau et de sodium de volume du secteur interstitiel.
part et d’autre de la paroi capillaire sont régis par les lois Le diagnostic étiologique est en général simple. Il repose
de Starling. Très schématiquement, les œdèmes généralisés sur l’analyse du contexte et les données d’un examen
ont des causes différentes. clinique minutieux.
Traitement TABLEAU I
Il est d’abord symptomatique : l’induction d’un bilan Causes de diabètes
sodé négatif grâce, d’une part, à un régime alimentaire insipides centraux
hypo- (< 6 g/j) ou désodé (< 2 g/j) d’action lente et,
d’autre part, à l’utilisation de diurétiques d’action plus
rapide. ❑ traumatique
• Les diurétiques de l’anse (furosémide [Lasilix],
bumétanide [Burinex]) qui agissent sur la branche ❑ post-chirurgical (chirurgie transphénoïdale
ascendante de Henle en inhibant le cotransport apical des adénomes hypophysaires)
Na+-K+-2Cl-. Leur action est rapide (1 à 4 min par voie
❑ ischémique (anoxie cérébrale)
intraveineuse, environ 30 min per os), dure 4 à 6 h,
persiste en cas d’insuffisance rénale et est proportion- ❑ néoplasique (pinéalome, métastase, craniopharyngiome)
nelle à la dose utilisée.
• Les diurétiques thiazidiques (hydrochlorothiazide ❑ idiopathique
[Esidrex]) agissent sur le tube contourné distal en inhibant
le co-transport Na+-Cl-.
• Les diurétiques dits « épargneurs de potassium »
(amiloride [Modamide], triamtérène [Tériam], spirono-
lactone [Aldactone]) diminuent la conductance sodée TABLEAU II
apicale des cellules principales du canal collecteur. Ils
sont particulièrement indiqués en cas d’hyperaldostéro- Causes de diabètes
nisme secondaire. insipides néphrogéniques
Le traitement étiologique ne sera pas abordé ici.
Acquis
Physiopathologie Diagnostic
Physiologiquement, le bilan d’eau est équilibré, c’est-à- Les signes cliniques de déshydratation intracellulaire
dire que les entrées (eau de boisson et des aliments, sont essentiellement neurologiques, non spécifiques et
production d’eau par oxydation) sont équivalentes peu évocateurs : somnolence, asthénie, troubles du com-
aux sorties (rénales précisément régulées, cutanées, portement à type d’irritabilité, puis crises convulsives,
respiratoires et digestives). C’est la soif qui régule les coma et hémorragies cérébro-méningées. Cette sympto-
entrées et le rein qui assure l’équilibre en régulant les matologie est en corrélation avec le degré d’hypernatrémie
sorties pour maintenir constante l’osmolalité aussi bien mais surtout avec sa rapidité d’installation. Les autres
intra- qu’extracellulaire. L’hormone antidiurétique signes observés sont, rarement, la soif dont on a vu
(ADH) est une hormone polypeptidique sécrétée par qu’elle permettait d’éviter la survenue d’une déshydra-
les noyaux paraventriculaires et supra-optiques de tation intracellulaire, la sécheresse des muqueuses et un
l’hypothalamus. Elle est transportée jusqu’à la partie syndrome polyuro-polydipsique. L’osmolalité est élevée
postérieure de l’hypophyse pour y être sécrétée. Elle (> 285 mOsm/kg) et sa traduction en pratique courante
agit principalement sur les cellules principales du canal est l’hypernatrémie (> 145 mmol/L).
collecteur en se fixant sur des récepteurs spécifiques V2 Le diagnostic étiologique est donc celui d’une hyper-
à leur pôle basal. Cette fixation entraîne l’incorporation natrémie ou d’un syndrome polyuro-polydipsique.
d’aquaporines (en particulier de type 2) dans la membrane
apicale, ce qui augmente la perméabilité de la cellule à 1. En ce qui concerne l’hypernatrémie
l’eau. L’eau est réabsorbée passivement en fonction du La démarche à suivre est indiquée sur la figure 1. Il
gradient cortico-papillaire. La sécrétion d’ADH est s’agit d’évaluer, grâce à l’examen clinique, l’état du
régulée principalement par les variations de l’osmolalité compartiment extracellulaire. On dispose ainsi de
plasmatique (de l’ordre de 1 %), du volume plasmatique renseignements précis à la fois sur le bilan de l’eau
(entre 10 à 15 %) et accessoirement de la soif. (en déficit) et sur celui du sodium (négatif en cas de
Il convient de préciser que lorsque l’ADH n’est pas déshydratation extracellulaire, normal en cas d’euvolémie
sécrétée ou qu’elle est inefficace, la sensation de soif extracellulaire, positif en cas d’hyperhydratation extra-
évite la survenue d’un bilan d’eau négatif. Cela est très cellulaire).
important en clinique humaine, car les situations de • En cas de déshydratation globale, le déficit com-
déshydratation intracellulaire ne surviennent que lorsque prend le sodium et l’eau mais le déficit en eau est plus
la soif est inopérante (coma, désordres psychiatriques, important que le déficit en sodium. La mesure de la
sédation en réanimation, patients âgés). natriurèse permet de préciser l’origine rénale ou extra-
On peut donc observer un bilan d’eau négatif et une rénale de ces pertes.
hyperosmolalité en cas : • En cas de déshydratation intracellulaire isolée, il
– de perte d’eau extrarénale cutanée ou respiratoire ; convient de définir par l’analyse du contexte si les pertes
– de perte d’eau rénale par absence de sécrétion d’ADH en eau sont d’origine rénale ou extrarénale.
(diabète insipide central) ou absence de sensibilité • En cas d’hyperhydratation extracellulaire associée à
rénale à l’ADH (diabète insipide néphrogénique) ; une déshydratation intracellulaire (excès de sodium et
– d’anomalie des centres de la soif ou des osmorécep- d’eau avec excès de sodium supérieur à celui d’eau), il
teurs hypothalamiques. faut rechercher une cause iatrogénique.
b Mesurer la natriurèse
Étiologie
– l’utilisation de diurétiques ;
Un bilan d’eau positif peut être dû à plusieurs facteurs. – l’insuffisance rénale aiguë ou chronique ;
• L’ingestion d’eau peut être supérieure aux capacités – un excès d’ADH ou une sécrétion inappropriée
d’excrétion physiologiques comme c’est le cas lors de d’ADH (SIADH) (tableau III).
potomanie par exemple.
• Le seuil de déclenchement de la sécrétion d’hormone Physiopathologie
antidiurétique (ADH) peut être anormalement bas, c’est
la situation dite de reset osmostat. La capacité d’excrétion d’eau libre par le rein est très
• L’excrétion d’eau peut être diminuée dans les cir- importante. Elle dépend de la capacité d’abaisser voire
constances suivantes : de supprimer la sécrétion d’ADH et de la fonction rénale.
– toutes les situations d’« hypovolémie efficace » c’est- Un rein normal est capable d’abaisser l’osmolalité
à-dire toutes les causes de déshydratation extracellulaire urinaire jusqu’à un minimum de 60 mOsm/kg. Pour une
(v. supra), certaines causes d’hyperhydratation extra- charge osmotique quotidienne théorique de 900 mOsm,
cellulaire (insuffisance cardiaque congestive, cirrhose, le rein peut donc éliminer environ 15 L d’eau. On
syndrome néphrotique) et les déplétions potassiques peut donc observer un bilan d’eau positif et une hypo-
majeures ; osmolalité :
– quand la capacité maximale physiologique d’excrétion les situations rares où l’hyponatrémie n’est pas le reflet
de l’eau est dépassée dans le cas des grandes potomanies d’une hypo-osmolalité, c’est-à-dire les « fausses hypo-
par exemple ; natrémies » (voir : Pour approfondir). Il s’agit ensuite
– quand la capacité maximale d’excrétion de l’eau est d’évaluer, grâce à l’examen clinique, l’état du comparti-
altérée soit par insuffisance rénale, soit par hyper- ment extracellulaire. On dispose ainsi de renseignements
sécrétion d’ADH. Celle-ci est peut-être appropriée en précis à la fois sur le bilan de l’eau (en excès) et sur
cas d’hypovolémie vraie ou « efficace » par exemple celui du sodium (négatif en cas de déshydratation extra-
ou, au contraire, inappropriée c’est-à-dire anarchique. cellulaire, normal en cas d’euvolémie extracellulaire,
positif en cas d’hyperhydratation extracellulaire). La
Diagnostic figure 2 décrit précisément la démarche à suivre.
• En cas de déshydratation extracellulaire associée à
Les signes cliniques d’hyperhydratation intracellulaire une hyperhydratation intracellulaire (déficit en sodium
(témoins de l’œdème cérébral) sont neurologiques, non et en eau mais compensation avec de l’eau créant ainsi
spécifiques donc peu évocateurs. Au début, on observe un excès relatif en eau), la mesure de la natriurèse
des nausées, des vomissements puis des céphalées, une permet de préciser l’origine rénale ou extrarénale de ces
obnubilation, un coma, des crises convulsives et enfin la pertes. Cette situation est parfois appelée hyponatrémie
mort. Cette symptomatologie est en corrélation avec le de déplétion.
degré d’hyponatrémie mais surtout avec sa rapidité • En cas d’hyperhydratation intracellulaire isolée
d’installation. On observe par ailleurs une prise de poids (excès d’eau pure), il s’agit le plus souvent d’une sécrétion
et une absence de soif voire un dégoût de l’eau. inappropriée d’ADH.
L’osmolalité plasmatique, reflet de l’osmolalité globale, • En cas d’hyperhydratation globale (excès d’eau et de
est diminuée (< 285 mOsm/kg). La traduction biologique sodium avec excès d’eau supérieur à l’excès de sodium),
simple de cette hypo-osmolalité est l’hyponatrémie il s’agit d’une insuffisance cardiaque, d’une cirrhose,
(< 135 mmol/L). d’un syndrome néphrotique ou d’une d’insuffisance
Le diagnostic étiologique est donc celui d’une hypona- rénale. Cette situation est parfois appelée hyponatrémie
trémie. En pratique, il convient tout d’abord d’éliminer de dilution. ■
POUR APPROFONDIR
La natrémie représente la concentration de sodium par litre de plas- tion et d’éthylisme. On peut donc proposer le schéma suivant :
ma : sa valeur est de 140 ± 5 mmol/L. Elle renseigne sur les propor- – en urgence (coma ou convulsions), perfusion de chlorure de sodium
tions d’eau et de sodium dans le plasma c’est-à-dire dans le secteur hypertonique en ne corrigeant pas la natrémie de plus de 2 mmol/h,
vasculaire, et non sur les quantités d’eau et de sodium. Comme tous de plus de 12 mmol dans les 24 premières heures et de 24 mmol
les compartiments liquidiens de l’organisme sont en équilibre osmo- dans les 48 premières heures. Une surveillance en unité de soins
tique, l’osmolalité du secteur vasculaire est égale à l’osmolalité totale. intensifs s’impose de même que la correction de toute hypoxie.
Dans le plasma, l’osmolalité efficace est due aux sels de sodium
– dans un second temps, le traitement redevient celui d’une hypo-
(280 mOsm/kg) et au glucose (5 mOsm/kg). On peut donc en
natrémie asymptomatique.
pratique courante utiliser la natrémie comme une approximation de
l’osmolalité efficace. Or, dans un litre de plasma, 70 mL sont occupés POUR EN SAVOIR PLUS
par une phase solide constituée des protides et des lipides. Dans
certaines circonstances pathologiques, cette phase solide ne repré- Bichet DG. Les diabètes insipides néphrogéniques héréditaires.
sente plus 70 mL/L de plasma mais beaucoup plus comme en cas de Med Sci 1997 ; 13 : 11-7.
myélome, de maladie de Waldenström ou d’hyperlipidémie majeure. Blanchard A, Paillard M. Aquaporines : du gène à la maladie. Med
Cela engendre par un artefact de mesure une pseudohyponatrémie Thera 1998 ; 4 : 165-71.
ou « fausse hyponatrémie » car ces situations ne s’accompagnent pas Chauveau D. Hyponatrémie. Med Ther 1995 ; 1 : 505-13.
d’une hypo-osmolalité mais d’une iso-osmolalité. Parfois, au contrai-
Dussaule JC, Rondeau E. Physiopathologie et traitement des
re, l’hyponatrémie s’accompagne d’une hyperosmolalité lorsqu’il exis-
œdèmes. In : Offenstadt G, Brunette MG (eds). Désordres acido-
te, dans le secteur vasculaire, une substance osmotique en grande basiques et hydro-électrolytiques. Parid : Arnette Blackwell, 1997
quantité qui crée un passage d’eau du compartiment intra- vers le : 31-53.
compartiment extracellulaire. C’est le cas du diabète décompensé
Legendre Ch, Thervet E, Choukroun G. Désordres hydroélectro-
(à cause de l’hyperglycémie) ou de la présence d’osmoles non physio- lytiques. Paris : Arnette-Blackwell, 1995 : 21-97.
logiques (mannitol, glycérol, éthanol, glycine ou sorbitol après résec-
Pillebout E, Martinez F. Furosémide. Med Ther 1997 ; 3 : 215-22.
tion transurétrale de prostate).
Traitement
Le traitement de l’hyponatrémie comprend le traitement étiologique Points Forts à retenir
que nous ne détaillerons pas ici et le traitement symptomatique qui
consiste à réduire l’excès relatif ou absolu d’eau.
• La déshydratation extracellulaire est due
Si l’hyponatrémie est asymptomatique à une perte iso-osmotique d’eau et de sel
(par le rein, le tube digestif, la peau…).
La restriction hydrique (500 à 700 cm3/j) permet de corriger progres- Son diagnostic repose sur l’examen clinique.
sivement sur plusieurs jours l’hyponatrémie. La quantité de sodium à
• La déshydratation intracellulaire est due
administrer est fonction de la cause de l’hyponatrémie :
à un bilan d’eau négatif. Elle se traduit
– apport supplémentaire en cas déshydratation extracellulaire associée
par une hypernatrémie. Elle est due soit
;
à un déficit d’apport, soit à un diabète insipide.
– apport standard en cas d’euvolémie extracellulaire ; • L’hyperhydratation extracellulaire est due
– régime hyposodé et diurétiques en cas d’hyperhydratation extra- à un rétention iso-osmotique d’eau et de sodium
cellulaire associée. qui provoque des œdèmes. Elle s’observe
Plus rarement, on peut utiliser pour induire un bilan d’eau négatif un en cas d’insuffisance cardiaque, de syndrome
apport d’urée exogène, le furosémide per os, la déméclocycline néphrotique ou de cirrhose.
(anti-ADH) ou le lithium. Les antagonistes des récepteurs V2 de • L’hyperhydratation intracellulaire est due
l’ADH devraient pouvoir être utilisés prochainement . à un bilan d’eau positif. Elle se traduit
Si l’hyponatrémie est symptomatique par une hyponatrémie. Elle est due soit
à un excès relatif d’apport, soit à une sécrétion
Le traitement est plus controversé car le risque est de voir survenir inappropriée d’hormone antidiurétique.
une complication rare mais redoutable, la myélinolyse centro- et • La plupart des situations rencontrées
extrapontine. Ce risque semble d’autant plus élevé qu’une hyponatré-
en clinique correspondent à des formes mixtes.
mie chronique a été corrigée rapidement, de façon excessive et que
cette hyponatrémie évoluait dans un contexte d’hypoxie, de malnutri-