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TACTIQUE GNRALE
Diffusion, relations avec les abonns : Major Catherine Brjeon : 01 44 42 43 18 Impression : Point dimpression de larme de terre de Saint-Maixent-lEcole
TACTIQUE GNRALE
FT-02
TACTIQUE GNRALE
C ENTRE
DE
D OCTRINE
D E MPLOI DES
P ARIS ,
JUILLET
F ORCES 2008
Laction globale des forces terrestres sexerce dsormais au sein dune ralit stratgique qui a beaucoup volu.
Si le risque de guerre classique sest estomp, notamment du fait de lcrasante supriorit technologique occidentale, la guerre au sein des populations constitue dsormais et pour longtemps le cadre gnral des engagements. Cette prdominance du milieu humain, associe une menace qui na plus de frontires physiques, modifie ncessairement les attendus stratgiques et tactiques de laction militaire. Dans ce type de guerre, le lien entre la stratgie et la tactique est renforc car laction militaire dcisive est le plus souvent conduite par lchelon tactique au contact et donc, mme de saisir des opportunits. La tactique retrouve ainsi toute son importance. Face un adversaire irrgulier, il ne sagit plus de conjuguer des moyens de destruction selon un mode hirarchis, mais de privilgier leur emploi dcentralis pour appuyer laction tactique des forces au sol. Cette logique sapplique aussi la technologie qui doit mettre disposition des chelons tactiques lensemble des informations et des moyens indispensables la prise dascendant. La manuvre slargit de ce fait la combinaison non seulement de moyens coercitifs, mais aussi de ceux qui agissent sur le milieu physique et humain. Elle confre laction militaire terrestre une capacit globale de contraindre, de contrler et dinfluer pour latteinte dun tat final recherch. Cest ainsi que se renforce le lien entre la tactique et la stratgie militaire. A partir des nouvelles conditions oprationnelles, le prsent document tablit le cadre gnral de lemploi des forces terrestres. Par la prsentation de principes gnraux et de procds tactiques, il vise ensuite dcrire laction tactique pour en faciliter la comprhension et permettre la prparation oprationnelle. Il fournit ainsi les rfrences ncessaires aux documents de doctrine applicatifs tels que les manuels demploi des units. Leur adaptation aux circonstances relve alors du jugement des chefs en opration.
Sommaire
Premire partie
EMPLOI DES FORCES ARMES ET NOUVELLES CONDITIONS DES OPRATIONS
1. DU CADRE DEMPLOI DES FORCES ARMES ................................. 2. DES NOUVELLES CONDITIONS DES OPRATIONS ...........................
8 18
Deuxime partie
PRINCIPES DE LA GUERRE PRENNES... PROCDS NOUVEAUX
28 35
Troisime partie
PRINCIPES TACTIQUES DES OPRATIONS TERRESTRES
1. DES FONDAMENTAUX RESPECTER ............................................ 2. DES MODES TACTIQUES DES FORCES TERRESTRES ...................... 3. DU SOUTIEN DES FORCES TERRESTRES ......................................
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1. DU
La fin de la guerre froide a modifi les quilibres stratgiques rendant ainsi improbable la guerre entre Etats dans lespace occidental tandis que simpose la prdominance des guerres civiles ou intra-tatiques. Dans ce contexte, de nouvelles formes de menace apparaissent, qui contournent les voies de la confrontation classique et accroissent encore lincertitude inhrente la guerre1.
Sa psychologie a elle-mme subi plusieurs volutions notables dues : lemploi de la terreur comme mode opratoire normal justifi par les objectifs ; au retour vers les affirmations les plus extrmes du nationalisme ou de lidentit dun peuple ou dune ethnie. Ce phnomne est parfois conjugu lirruption dune dimension religieuse qui affirme la supriorit de ses dogmes et de ses pratiques sur les autres droits. aux motivations qui reposent sur la corruption, les promesses de pillage, de butin ; aux effets des drogues, en particulier distribues des enfants-soldats, etc. Enfin, le modle dmocratique occidental nest pas reconnu comme tel dans bien des pays. Comprendre la psychologie et les modes de pense des chefs politiques et militaires adverses devient alors hasardeux. Le principe de distanciation doit tre appliqu pour ne pas cder au penchant naturel de vouloir classer en bons et mchants, ce qui na souvent pas de sens. La psychologie de larrire Limplication de la nation reste un facteur majeur du succs quil est parfois difficile de susciter. Il est galement malais dvaluer si les dirigeants adverses peuvent tre affaiblis voire dsavous par leur population ou sils bnficient dun soutien sans faille. Cette psychologie de larrire repose sur des facteurs classiques comme : ladhsion une politique de dfense ou dintervention pour protger des intrts clairement perus ; la capacit des autorits limiter les pertes civiles et militaires ; le soutien dallis ou dorganisations internationales ; lespoir dun rglement du conflit avantageux pour tous.
La confrontation des volonts nobit plus aux rgles passes. Ladversaire politique ou militaire na le plus souvent ni les mmes modes de pense, ni les mmes rfrences thiques, ni les mmes modles daction.
112. Les frictions du champ de bataille 3 Le brouillard de la guerre se conoit aussi en termes de frictions. Par sa nature interactive, une confrontation est soumise aux forces psychologiques de tous les protagonistes et se caractrise par des contrecoups permanents. Il sensuit que le cours dune guerre ne se limite pas au simple enchanement des intentions et actions des parties en prsence car il gnre des frictions permanentes. Ce sont celles des ractions de ladversaire nos propres actions qui engendrent des effets qui sont interprts, produisant leur tour dautres effets. La guerre ne peut tre enferme dans une simple logique de coups et de contrecoups. Tout adversaire cherchera tirer avantage des effets disproportionns et des situations imprvisibles issues des frictions. Qui plus est, il ne suit pas toujours les mmes rgles ; dans sa volont de prendre le dessus, il cherchera souvent changer les normes qui pourraient ventuellement exister. Cest lune des raisons majeures qui explique que la conduite dune guerre peut changer de caractre et que toute guerre est structurellement instable.
La bataille de Malplaquet (11 septembre 1709) : moral et incertitude. Lors de la guerre de succession dEspagne, la France de Louis XIV fait face lEurope coalise ; en 1709, elle a subi une srie de dfaites catastrophiques. Les ngociations de paix et oprations militaires vont alors de conserve tandis que le royaume est affect par une terrible famine due un hiver particulirement rigoureux. Usant de ces revers, la propagande des Allis se fait trs active. Face aux troupes ennemies qui couvrent le sige de Tournai, Villars retranche ses 75 000 hommes sur le terrain trs compartiment autour de Malplaquet. En fin de journe alors que les bruits de paix parcourent avec insistance le champ de bataille, une vritable rencontre pacifique runit plusieurs centaines dofficiers des deux bords sur laile gauche du dispositif franais linitiative dofficiers gnraux allis. Il rsulte de cette embrassade qu cet endroit, outre que son dispositif a t reconnu par lennemi, la partie franaise croit la paix.
3 La friction et lincertitude sont chres Clausewitz. C'est pourquoi il recommande au chef de s'impliquer dans l'excution de ses directives, dans le contrle de l'application de ses ordres, non pour se noyer dans les dtails, mais pour tre en mesure de voir rapidement ce qui ne se droule pas comme prvu afin d'y remdier.
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A 7h30 le lendemain matin, cest sur ce secteur du front quaprs une prparation dartillerie, les Allis attaquent vivement les Franais. Dstabiliss par les vnements de la veille, les meilleurs rgiments franais (Gardes et du Roi) cdent la panique entranant une grande confusion dans les rangs de laile gauche en partie enveloppe par lennemi. Les dsorganisations qui sensuivent rompent le dispositif franais qui nest rtabli quau prix de nombreuses mles parfois fratricides. Villars est en outre bless, ce qui affecte le moral des troupes franaises. Refoul sur laile gauche et menac dtre tourn, Boufflers qui le remplace, fait sonner la retraite qui seffectue en bon ordre. Au bilan, les pertes furent nanmoins suprieures chez les Allis et la France put prolonger ainsi la rsistance pendant quatre annes.
Quel que soit le type de conflit, la conception et la conduite des oprations dpendent en premier lieu des buts politiques retenus et du choix de loption politico-stratgique. Puis lanalyse militaire dtermine le mode stratgique pouvant tre utilis, cest--dire les grandes lignes de laction militaire dcoulant directement de loption stratgique et des contraintes imposes par le politique.
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Dans le cadre de la politique de scurit collective des Etats, trois buts politiques peuvent tre envisags selon la gravit de la crise et le moment o elle est prise en compte : - viter le dsquilibre avant quil ne se produise, - rtablir lquilibre existant avant la crise, - crer un nouvel quilibre parce que le retour lancien est impossible. Le but politique fix, trois options politico-stratgiques sont possibles pour latteindre ; elles ne sont pas forcment militaires. La Charte des Nations Unies par ses chapitres VI et VII, contribue la recherche de ces objectifs. - La participation un rglement pacifique est largement dveloppe dans le chapitre VI de la Charte de lONU. - Le maniement de pressions et de sanctions est voqu dans le chapitre VII de la Charte. Des moyens militaires peuvent tre engags dans cette option. Ils seront ncessaires pour effectuer des dmonstrations de force ou mettre en uvre des mesures en cas dembargo. - Loption de recours la force arme signifie que la solution envisage ne pourra tre obtenue que par lemploi de forces militaires dans le cadre dune stratgie oprationnelle dterminer et conduire. Pour une crise donne, diffrentes options stratgiques militaires sont labores, qui proposent une combinaison dactions permettant de satisfaire loption politique retenue. Le document de doctrine interarmes demploi des forces en oprations4 en distingue trois familles :
contributions des forces armes aux actions politiques, diplomatiques et conomiques, ainsi quaux actions militaires dun pays tiers et enfin aux actions humanitaires et de scurit.
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contenir et contrler lescalade de la violence. Il en rsulte que ces actions ne pourront tre menes sans courir le risque dentraner une force mandate dans un affrontement arm durable que le dcideur politique tente dviter.
- Les actions de force recherchant une victoire militaire sur un adversaire
dsign, ce qui nimplique pas ncessairement la destruction complte de sa capacit de dfense politique, militaire et conomique. Lobjectif dans le contexte stratgique actuel, est de contraindre un adversaire renoncer ses objectifs militaires sur le thtre doprations.
Une fois loption stratgique militaire arrte, les oprations menes par une force nationale ou multinationale, sont planifies et conduites trois niveaux : stratgique, opratif et tactique.
de la conduite gnrale des oprations menes sur diffrents thtres. Laction stratgique, ds lors, vise conduire ladversaire la ngociation ou la dfaite plus ou moins brve chance.
- Le niveau opratif est celui auquel les oprations sont planifies,
conduites et soutenues sur un thtre doprations dtermin, en vue dobtenir leffet voulu et datteindre un objectif militaire donn. Il sagit donc du niveau de coopration et de coordination des actions interarmes, dont la responsabilit incombe au commandant de thtre.
- Le niveau tactique, enfin, est celui auquel sont prpares, conduites
et excutes les manuvres en vue datteindre les objectifs dfinis par le commandant de thtre. La responsabilit en incombe, pour les forces terrestres, au commandant de la composante terrestre. La manuvre tactique terrestre est partie intgrante de la manuvre oprative interarmes.
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La planification et la conduite des oprations respectaient autrefois une spcificit propre un mode opratoire (par exemple la coercition). Cette reprsentation nest plus adapte car elle traduit mal la complexit des situations et la varit des postures prises par les forces sur un mme thtre doprations. En effet sur un mme thtre et en mme temps, peuvent tre menes : - des oprations de coercition servant la gestion de la crise mais qui demeurent des actions de guerre mme quand elles sont engages contre un adversaire asymtrique ; - la restauration de la scurit gnrale, conduite en parallle pour sopposer aux auteurs de violence et selon les cas, assure par larme de Terre ou les forces de scurit ; - une participation des forces armes la reconstruction : reprise de la vie politique et administrative, restauration de la justice, relance de lconomie, organisation de la vie quotidienne. Cette ambivalence des conflits astreint les forces terrestres respecter une
triple posture oprationnelle, cest--dire pouvoir mener simultanment
des actions de force, de scurisation et dassistance. Cette triple posture persiste tout au long de lengagement militaire.
Lengagement militaire est dcrit dans sa globalit selon un continuum des oprations5 : lintervention, la stabilisation et la normalisation.
Au cours dune campagne, laction militaire volue selon ces phases - sans limite prcise et se recouvrant partiellement - afin de concourir ltablissement des conditions indispensables au succs stratgique.
5 Cf. Gagner la bataille conduire la paix, les forces terrestres dans les conflits aujourd'hui et demain (FT-01).
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Lintervention : imposer la dcision militaire Lintervention initiale est un engagement dominante militaire. Lobjectif de cette phase dintervention est dimposer la dcision militaire. Cette phase est indispensable mais pas suffisante. La stabilisation : instaurer les conditions ncessaires la paix La stabilisation est une phase dcisive pour latteinte de lobjectif stratgique. Elle implique divers types dactions conformes la triple posture oprationnelle des forces terrestres : - des actions de scurisation, qui visent contrler le milieu et qui comprennent : des actions de combat contre des rebelles arms ou de lutte contre des activistes ; des actions de matrise de lespace physique dans le but dassurer la scurit et la libert de mouvement ; des actions de scurit publique, dont la protection des personnes et des biens et la restauration de lordre public ;
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des actions dinfluence privilgiant des modalits non strictement militaires ; - des actions de soutien la population dont le dsarmement et la reconstruction des structures armes et de scurit ; - des actions de relance de la vie politique, administrative et conomique. La normalisation : le retour une paix qui saffermit delle-mme La dernire phase de retour un Etat de droit comprend le transfert des responsabilits. En parallle, la reconstruction est un lment essentiel de la phase de normalisation. Elle sexerce dans diffrents domaines : - le soutien aux collectivits centrales et locales pour les administrations publiques, la justice et les affaires intrieures ainsi que la sant ; - le soutien lconomie et la vie sociale notamment pour lducation ; - la poursuite de la reconstruction des systmes militaires et de scurit.
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Au Maroc dans les annes 1920, le Marchal Lyautey aimait dire Tout officier sait semparer dun village laube, mais moi je cherche des officiers qui sachent semparer dun village laube et y ouvrir le march midi. Rappel sous diverses formes par plusieurs de ses collaborateurs, cette phrase signifie videmment que la manire coercitive de semparer dun village sera choisie diffremment selon que lon intgre ou non cet objectif de la tenue dun march midi (normalisation). Cest pourquoi au Maroc, mme si Lyautey fit conduire de nombreuses oprations de force, il a aussi souvent agi par des dmonstrations et des contacts personnels pour obtenir des ralliements lautorit du sultan avec un minimum de combats. Il advint aussi souvent que la fin des combats soit marque par des formes de fte commune o les belligrants se rconciliaient sincrement.
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2. DES NOUVELLES
Ltat classique de guerre ou de paix a cd la place une situation latente de crise dans laquelle les nations et les peuples subissent des tensions qui peuvent dgnrer en conflits arms. Sur un mme thtre doprations, les affrontements et les actions en faveur de la paix peuvent cohabiter. Les forces terrestres constituent aujourdhui linstrument principal par lequel une nation ou une coalition peut imposer sa volont. Par leur contact permanent avec les diffrents protagonistes, elles jouent un rle dterminant grce leurs capacits symboliser un engagement politique, contraindre un adversaire, contrler le milieu et influencer les perceptions.
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lespace politique, qui ne se limite pas aux dcoupages territoriaux mais qui comprend galement les rapports entre les diffrents appareils dEtat, les partis politiques et les groupes de pression. lespace conomique, qui intresse laction militaire car son contrle est essentiel pour stabiliser le thtre. Cest le domaine des flux dapprovisionnement, dnergie, darmements et de financement des activits de guerre.
La zone urbaine est le lieu de pouvoir politique, social et conomique, puisque sy concentrent population, infrastructures et activits secondaires et tertiaires. Contrler les villes est donc une condition ncessaire lexercice du pouvoir. La zone urbaine est aussi celle du pouvoir moral, culturel ou religieux. Il est des villes symboles parce que lies des lments didentit des peuples. Enfin, certains belligrants peuvent considrer la population comme un atout introduire dans le combat (notamment le combat asymtrique) en tant que bouclier ou enjeu.
212. Les formes principales de laction terrestre Les forces terrestres disposent la fois des capacits de mener des actions de force et dobir des impratifs de matrise de la violence. Il sagit dans ce dernier cas de sadapter lvolution des situations, de combattre la violence ds sa manifestation au niveau le plus bas et de saccommoder de conflits de plus en plus longs. Laction terrestre, autant psychologique que matrielle, exige dinscrire dans la dure le dploiement de la Force.
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Mais il est aussi humain, car dpendant de la culture des populations qui loccupent et qui lutilisent pour subsister. Sa reprsentation mentale a une importance considrable car elle fonde les comportements politiques. Elle permet de comprendre les causes dun conflit, didentifier les effets obtenir et les actions mener pour arriver son dnouement. Lespace humain est en outre li aux notions de pouvoir et dintrt qui sexpriment en termes de structures politique, administrative et conomique. Cest pourquoi le milieu intgre dautres espaces qui sont aussi sources denjeux :
Par leur action au sein des populations, les forces terrestres assurent trois finalits tactiques. Contraindre ladversaire : les forces terrestres mnent des actions dcisives conues et excutes dans un cadre interarmes, combinant les feux dans lespace aroterrestre, les actions menes par les forces de contact, lutilisation du terrain et les oprations dinformation. Elles sont une composante indispensable pour emporter la dcision sans ncessairement dtruire ladversaire, et la concrtiser ensuite sur le terrain pour faire diminuer le niveau de violence. Contrler le milieu physique et humain consiste assurer la sret des populations et des forces dployes sur le thtre doprations, limiter la libert daction de ladversaire, assurer la libert de mouvement et enfin faciliter des actions dcisives. La domination de lespace terrestre exige des moyens varis et nombreux ainsi quune coordination avec les autres armes. Influencer les perceptions : dans un contexte o laction arme doit tre maintenue un niveau minimum, cest par la prsence, la communication, le conseil et lassistance que le succs est en partie obtenu. Il sagit de restaurer la confiance afin dempcher toute rsurgence de la violence, de conseiller les administrations locales pour relancer la vie sociale, conomique et civique et dinstaurer la scurit tout en prservant le soutien des opinions publiques.
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Pendant la guerre froide, le combat se concevait de faon linaire sur une ligne de front qui permettait de distinguer ligne de contact et profondeur, zones amie et ennemie. Dsormais, comme lont dmontr les rcents conflits dissymtriques, la manuvre vise essentiellement ladversaire et se soucie moins du contrle du terrain pour lui-mme. Plusieurs raisons ont fait voluer la manuvre vers cette non linarit du champ de bataille. La premire est la diminution du nombre de forces engages qui limite la possibilit de contrler lensemble du terrain. La deuxime tient la capacit nouvelle de dlivrer des feux en nimporte quel point dune zone, mme si celle-ci nest pas occupe par des lments de la Force. Enfin, la menace dissmine que reprsente un adversaire asymtrique ou irrgulier impose de concevoir un combat omnidirectionnel. La lacunarit La lacunarit est la consquence directe de la non linarit. Le chef militaire doit tudier la conduite de sa manuvre dans un espace terrestre o il aura assumer la prsence provisoire de zones vides. Ces zones peuvent tre laisses intentionnellement vides pour des raisons oprationnelles, politiques ou humaines. A contrario, les zones urbaines, lots de fortes concentrations dacteurs et dobjectifs oprationnels et logistiques, tendent focaliser laction terrestre. Mais la lacunarit avantage ladversaire asymtrique ; la rbellion tend en effet subsister dans des zones o le fort est faible et o les espaces vides offrent des refuges aux rebelles. Cest le contrle du milieu - dont loccupation de lespace - qui permet dexercer une pression dissuasive sur les rebelles dans leurs zones de refuge et dasseoir la stabilisation. Ainsi, les actions terrestres se concentrent lors de la phase dintervention dans des zones parsemes sur lespace de manuvre avant de sy rpandre pour assurer la domination indispensable la stabilisation. Cest loccupation progressive par tache dhuile pour reprendre le terme du gnral Gallieni6. Le cercle doccupation stend comme une tache dhuile faisant augmenter le rayon de protection et permettant de refouler les poches de rsistance et les
6 GALLIENI : Rapport densemble sur la pacification, lorganisation et la colonisation de Madagascar 1896/1899, Paris, 1900.
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La non linarit
rebelles. Cela permet de diminuer la superficie du territoire sous influence de ladversaire tout en protgeant ses forces et dorganiser les zones gographiques contrles en favorisant le retour dune vie normale. Ce procd ncessite un effectif important, peu compatible avec le format des armes professionnelles occidentales. Il impose donc le recours aux forces locales, aux nouvelles technologies (drones, robots, etc.) ainsi quune coopration interarmes renforce pour appuyer laction des forces terrestres. Il en rsulte la ncessit de concder chaque niveau tactique une autonomie accrue et la mise disposition dappuis complmentaires. 222. Lapport des nouvelles technologies dans la manuvre Le dveloppement des technologies a considrablement amlior les performances des moyens militaires. Il contribue ladquation de laction terrestre aux nouvelles conditions dj dcrites, caractrises par la dispersion et limbrication. Cependant si la technologie constitue un moyen modifiant les conditions du combat, elle ne change pas la nature de la guerre qui demeure un phnomne profondment humain. Elle ne dispense pas en particulier de la ncessit de dployer au sol des forces nombreuses capables de durer. Pour lessentiel, les progrs rcents concernent laccs la connaissance ainsi que lamlioration des performances techniques de certaines capacits de combat. Ils ont un impact important sur les procds de combat, lorganisation des dispositifs et des systmes de commandement et la gestion de linformation. La connaissance des situations Lamlioration de la connaissance touche dabord celle de la situation amie et de lespace physique. Cette volution a un impact important sur la perception de son propre dispositif ainsi que sur la possibilit et les dlais ncessaires pour lamnager. Elle est aussi de nature apporter une aide importante aux troupes engages pour se coordonner lorsquelles sont imbriques. La connaissance de la situation adverse connat galement de sensibles amliorations. La permanence et la complmentarit des capteurs de tous types et la rapidit du traitement de linformation, facilitent la connaissance des faits matriels et physiques. Cette meilleure apprciation de ladversaire permet de raccourcir la boucle de dcision visant lui appliquer les effets recherchs.
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La matrise des actions de combat Le deuxime grand facteur damlioration concerne la prcision des feux ; ce phnomne intresse en particulier ceux de lartillerie. Il influe particulirement sur la tactique lmentaire dans un contexte asymtrique dont une des caractristiques est la dispersion des moyens et limbrication des troupes avec ladversaire et la population. Lartillerie peut dsormais accder au coup au but grce de nouvelles munitions dotes de guidage terminal. Cette performance conforte laction des feux indirects au cur de la manuvre et rduit notablement les contraintes de la logistique dont les tonnages sont dus 75% aux munitions. En outre, et mme si elle ne peut plus tre prsente comme une nouveaut, laptitude au combat de nuit donne celui qui la matrise une supriorit dcisive par rapport un adversaire dmuni. Ce point est particulirement important en milieu urbain7 et dans un contexte asymtrique car il restreint la libert daction adverse quand elle tait jusqualors maximale. Cet avantage impose de favoriser les interventions nocturnes ainsi que les adaptations structurelles et matrielles des units pour accder cette capacit et la maintenir.
7 Ce milieu est propice aux engagements faible visibilit (densit, secteurs souterrains, immeubles).
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Il en rsulte une acclration gnrale du cycle information, conception, dcision, action. Elle concourt la prise dascendant et la matrise de la situation en imposant son rythme et ses initiatives ladversaire.
Dans le mme temps, sur le thtre doprations lui-mme, les belligrants ou les divers acteurs de violence prtendent tous dtenir une lgitimit, cest-dire agir au nom dun peuple, dun idal politique, religieux ou culturel. Il en dcoule une confrontation de lgitimits qui encadre et motive la confrontation par les armes. Sa lgitimit ntant jamais dfinitivement acquise, la Force mandate doit lentretenir en permanence. Sur le thtre, la recherche de ladhsion vise rendre le contexte propice la ralisation de la mission en obtenant la bienveillance, et si possible le soutien des acteurs cls, savoir les autorits, les mdias et lopinion. Lexplication des objectifs, linformation sur la mission, la rfutation de messages errons, voire hostiles, contribuent convaincre de la lgitimit des oprations. Des actions dinfluence seront galement mises en uvre afin dinflchir la dtermination adverse. Enfin, la lutte contre la propagande et lendoctrinement des populations constitue un mode daction essentiel. Au niveau tactique, la crdibilit est le fait de lensemble des units et repose sur leur comportement. Elle se gagne dans le contact quotidien avec les divers protagonistes afin de donner une perception favorable de la mission et des perspectives quelle ouvre.
Rsum 2. Les oprations subissent une influence accrue du milieu due la forte implication de la population et la matrise ncessaire de lespace physique mais aussi humain dans toutes ses composantes : culturelle, politique et conomique.
Le contrle global du milieu devient alors un impratif commun aux diffrentes formes de laction terrestre. Il se manifeste lors du continuum des oprations par ladoption dune manuvre qui concilie le manque de continuit de la zone des oprations en phase dintervention, puis le renforcement du contrle de lespace en phase de stabilisation. Les nouvelles technologies y contribuent par une meilleure matrise des effets et de la situation physique. La matrise du milieu suppose que la Force prserve en permanence sa
lgitimit.
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1. DES
PRINCIPES TABLIS
Larme de Terre reconnait trois principes de la guerre - la libert daction, la concentration des efforts et lconomie des moyens appliquer par les forces terrestres au niveau tactique.
Les procds dapplication de ces principes doivent privilgier la surprise en tous domaines car elle permet dimposer ladversaire un retard permanent dans laction. Tamerlan8 nonait cela simplement : Il vaut mieux tre avec 10 hommes l o il faut, quailleurs avec 10 000. La surprise peut revtir plusieurs formes qui, successives ou coordonnes, concourent lacquisition ou au maintien de la libert daction : celle de linnovation dans un domaine spcifique en particulier technique ; celle obtenue par la constitution de formations rserves ou par une structure nouvelle par rapport lorganisation habituelle ; celle acquise par lapplication de procds tactiques que ladversaire ne
prvoit pas.
La surprise est en outre favorise par des facteurs tels que la dception, le renseignement et la mobilit qui seront dvelopps dans les chapitres suivants.
8 Chef de guerre Turco-mongol (1336-1405) ayant conquis un vaste empire de la Chine jusquau cur de lAsie mineure.
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Possibilit pour un chef de mettre en uvre ses moyens tout moment et dagir malgr ladversaire et les diverses contraintes imposes par le milieu et les circonstances en vue datteindre le but assign. La libert daction repose sur : - la sret, qui permet de se mettre labri des surprises ; - la prvision et lanticipation des vnements et des actions adverses ; - la capacit de prendre lascendant et dimposer sa volont ladversaire.
La libert daction consiste donc garder linitiative par rapport ladversaire pour permettre de matriser le coup suivant et de saisir les
opportunits.
Initiative : Capacit fixer ou dfinir les termes de laction tout au long de la manuvre ou de lopration.
Sil est possible que lennemi fasse une faute, on peut aussi la provoquer. Dans les deux cas, il faut exploiter cet avantage qui permet de prendre ou de maintenir lascendant sur ladversaire. Mais conserver linitiative ne peut se concevoir sans que le chef fasse preuve daudace. Celle-ci participe en effet entretenir lascendant moral sur lennemi. Elle se caractrise par une prise de risques raisonne qui permet dimposer son action ladversaire.
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Commentaire dErwin Rommel sur laudace Carnets, la guerre sans haine. 1952 Lexprience prouve que les dcisions les plus audacieuses assurent les plus belles promesses de victoire. Mais il y a lieu de bien distinguer laudace stratgique ou tactique et le coup de ds. Lopration audacieuse est une opration o le succs nest pas garanti, mais dans laquelle, en cas dchec, le chef reste la tte de forces suffisantes pour faire face nimporte quelle situation. Le coup de ds, en revanche, peut vous donner la victoire ou mener la destruction totale de votre arme. Dans certaines situations, mme ce coup de ds se justifie. Par exemple lorsque la marche normale des vnements doit avoir pour rsultat la dfaite, que celle-ci nest plus quune question de jours. Aucune raison, ds lors, de temporiser, et la seule chose qui reste faire est de lancer une opration grands risques.
Lefficacit de la concentration des efforts vaut par la conqute dune supriorit relative applique au point de rupture de lquilibre des forces physiques et morales. Elle sexerce mme au risque daffaiblir des points secondaires.
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Ce point de rupture est tabli : Par la notion de rapport de forces qui permet dapprcier les moments et les lieux de supriorit ou dinfriorit relative des forces amies et, par l mme, den dduire les efforts matriels appliquer. Par loptimisation des effets psychologiques obtenue par la surprise et une volont prpondrante - combinaison de la force de conception des chefs et de leur tat-major et de lesprit dinitiative dvelopp chaque chelon - et, den dduire les circonstances les plus favorables. La supriorit relative est davantage la consquence dune lutte morale entre deux volonts que le choc physique entre deux masses. Napolon a nonc que les forces morales entrent pour les trois quarts dans le rsultat final ; les forces numriques et matrielles ny comptent que pour un quart. Le moral et lopinion font plus que la moiti de la ralit. La concentration sera dautant plus efficace, quelle sexercera contre un adversaire surpris et affaibli.
Ce principe implique lexpression claire et prcise du choix du chef pour atteindre un objectif. Laffectation des moyens aux diffrents ensembles tactiques rsulte dabord de ce choix. Mais elle doit galement consentir les risques lis laudace et lacquisition de la supriorit relative voqus avec les deux principes prcdents. Les instruments de lconomie des moyens sont :
La modularit qui se concrtise par la constitution dunits adaptes
espaces occups par celles-ci. Elle doit aboutir disposer de moyens la fois pour acqurir la supriorit relative, pour exploiter les opportunits et pour parer la surprise.
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Le soutien qui doit tre bien dimensionn et permettre de disposer du meilleur potentiel pour le moment de la concentration des efforts. Deux ensembles tactiques peuvent ainsi tre constitus : les forces destines laction principale ; les forces destines la garantie de la libert daction, dont llment rserv.
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des effets appliqus. Ces deux consquences peuvent snoncer en impratif de modration tenant compte de lthique dans la guerre et des dimensions mdiatiques et juridiques trs prsentes lors des oprations. La rversibilit de laction qui vise organiser les forces en vue de la limitation des pertes humaines et des dommages matriels et privilgier la faillite de ladversaire son crasement. Elle repose galement sur la logique du refus de lescalade.
entreprise en fonction de lattitude gnrale de ladversaire, notamment pour maintenir au plus bas niveau dintensit possible une opration.
Rsum 3. Laction de guerre est la confrontation des volonts par des moyens arms. Trois principes essentiels doivent la diriger ; ceux de libert daction, de concentration des efforts et dconomie des moyens. Les procds dapplication doivent favoriser la surprise pour exploiter la permanence de lincertitude dans les conflits. Utiliss avec discernement, ces principes sont complmentaires. Lconomie des moyens facilite la concentration des efforts, la libert daction autorise lconomie des moyens et la convergence des effets. Lissue de laction militaire dpend galement du respect de corollaires nouveaux qui doivent accompagner lapplication des principes de la guerre et notamment, prserver la libert daction : la lgitimit de lintervention ainsi que la ncessit et la rversibilit de laction. Ceux-ci tablissent la cohrence entre lefficacit oprationnelle et lefficacit politique.
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2. DE LVOLUTION
DES PROCDS
Les oprations subissent dsormais la prminence de la phase de stabilisation et la forte incidence de la matrise de lespace physique et humain. Il en rsulte que les procds militaires doivent sadapter aux impratifs dune manuvre globale trace par leffet stratgique obtenir.
Pour y faire face, deux approches des principes de la guerre doivent se combiner : lapproche directe et lapproche indirecte. L o lapproche directe consiste attaquer les forces combattantes de ladversaire en vue de les mettre hors de combat, lapproche indirecte privilgie lattaque des sources de la puissance adverse : elle consiste surprendre, dsquilibrer et dsorganiser ladversaire, mais aussi faonner lenvironnement en cherchant limiter lintensit des combats. Un problme tactique peut donc tre rsolu selon ces deux approches. Lapproche directe vise lannihilation progressive de lennemi par lattrition : elle considre la guerre comme une confrontation de puissance ; le succs y est obtenu par leffet cumulatif de la puissance de destruction matrielle ; il repose la fois, sur : la supriorit globale, la capacit tirer le meilleur parti de la puissance de destruction disponible par les voies les plus immdiates ; paralllement, sur sa propre capacit supporter lattrition impose par ladversaire.
9 Ces rflexions sinspirent directement de Comprendre la guerre, Vincent Desportes, Economica, 2001.
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La confrontation repose sur le choix des concentrations et des axes defforts. Lapproche indirecte privilgie une manuvre globale qui cherche briser la cohsion adverse : elle recherche la victoire par leffondrement plus que par la destruction en utilisant les voies les moins prvisibles ; la force matrielle de lennemi nest pas systmatiquement attaque en tant que telle ; le but est dappliquer une supriorit relative ponctuelle sur une vulnrabilit dcele et dobtenir, par effet dentranement, la dislocation matrielle et morale du systme adverse ; elle repose sur lalternance des concentrations et des dispersions des effets. Entre ces deux extrmits, des combinaisons variables dans le temps et dans lespace permettent de trouver des voies directes comme des voies indirectes au sein dapproches imposes par le niveau suprieur. Ainsi, le choix de lapproche dfini au niveau stratgique ne prjuge pas du type dactions mener aux niveaux opratif et tactique. Outre leurs modalits daction, chacune des deux approches se distingue aussi par une vision diffrente de lennemi. Lapproche directe adopte une vision quantitative et exclusive de lennemi qui est peru comme une addition de forces dont la domination suppose une supriorit relative progressivement accrue par lusure inflige. Cette approche conduit la centralisation du commandement et la matrise impose des actions. A linverse, lapproche indirecte relve dune vision systmique : lennemi est dabord un systme innerv, irrigu, gr, qui prsente des points forts, mais galement des vulnrabilits. Il convient dexploiter celles-ci pour saper une structure organise capable de produire de la violence et de matrialiser une volont. La cible de laction nest pas constitue des composants du systme mais de sa cohrence. Cette vision favorise lconomie des moyens. Elle laisse une part plus large la dcentralisation et linitiative qui sont indispensables lexploitation rapide des vulnrabilits dceles.
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Les oprations quexcutent les forces terrestres se dclinent au niveau tactique en une combinaison dactions directes et indirectes. Pour mener ces dernires, toute la gamme des moyens terrestres disponibles est utilise dans les champs physiques et immatriels pour contraindre ladversaire en exploitant ses vulnrabilits.
Conformment lapproche indirecte, la manuvre globale ne vise pas une destruction systmatique de lennemi. En consquence, il importe de considrer les effets des capacits de la force arme dans les champs daction matriels mais galement immatriels. La matrise du milieu et les interventions de type scuritaire ou humanitaire, procurent aux units terrestres une forte capacit dinfluence.
10 Cf. la manuvre globale, CDEF, 2008. 11 Cest Clausewitz qui a invent la notion de centre de gravit. La dfinition originale en est : le pivot de toute la puissance et de tout mouvement. Cest contre ce point que toute nos nergies doivent tre diriges, Clausewitz, De la guerre, VIII.4.
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Tout au long du continuum des oprations, les forces terrestres contribuent tout ou partie des effets requis au niveau opratif pour agir sur lenvironnement et ladversaire au niveau tactique. La manuvre globale y est mene par lexcution et la dclinaison dans le temps et lespace des ordres reus du niveau suprieur, et par la combinaison de lensemble des moyens. Laction des forces terrestres concourt la ralisation de ltat final recherch (EFR) permettant la sortie de crise.
Cest pour atteindre cet EFR quau niveau opratif - en parallle laction politique dans dautres domaines - le commandant de la Force dfinit des lignes dopration militaires convergeant vers les centres de gravit de ladversaire ou de lenvironnement sur lesquels agir. Le schma suivant illustre la manuvre globale au niveau opratif.
Les lignes dopration reprsentent des lignes de cohrence par domaine daction qui permettent datteindre directement ou indirectement un centre de gravit en exploitant les faiblesses de ladversaire et en vitant la confrontation directe avec ses forces. La concentration des efforts est applique sur un point quil faut savoir identifier judicieusement. Ce point dapplication peut tre un centre de gravit ou un des points dcisifs. Ce procd des lignes dopration et des points dcisifs est un apport essentiel ladaptation aux nouveaux contextes dengagement quand loutil militaire nest plus que lune des composantes mises en uvre pour atteindre lobjectif politique.
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Exemple doctrinal : A Tentative Manual for Countering Irregular Threat : An Updated Approach to Counterinsurgency. Ce document de niveau stratgique du Marine Corps sur la contre insurrection prsente la population comme le centre de gravit car sa dsesprance est lorigine du soutien et du recrutement au profit de linsurrection. Les lignes doprations sont : - les oprations de combat, - lentranement et le conseil des forces de scurit de la nation hte, - le rtablissement de services de base, - la promotion de la bonne gouvernance, - le dveloppement conomique, - les oprations dinformation.
222. La recherche des points dcisifs Le centre de gravit est source de puissance ou de rsistance physique ou morale. Il ne possde cette nature quau travers de capacits fondamentales. Celles-ci dpendent de besoins essentiels qui sont autant de ressources qui permettent leur existence. Si ces besoins sont sensibles aux agressions, ils constituent des vulnrabilits critiques. Ces vulnrabilits critiques sont les points dcisifs dtruire, neutraliser, saisir, isoler, contrler...
Dterminer le(s) centre(s) de gravit Dterminer les + sensibles aux effets amis = vulnrabilits critiques (points dcisifs). issu(s) de capacits fondamentales. Conditions de leur existence = besoins essentiels.
Les points dcisifs peuvent relever de ladversaire ou du milieu : une partie de ladversaire principal ou immdiat ; un point fort de ladversaire : lments rservs ou fanatiss, capacits de mobilit oprative, PC ou centre de tlcommunications, appuis extrieurs ou criminels... ; un point caractristique du terrain, des moyens logistiques, le dmantlement dune milice, un camp dentranement, un refuge physique ou virtuel... ; un domaine immatriel (attitude de la population, mdias, berceau historique...).
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Le niveau tactique intgre les points dcisifs des lignes dopration du niveau suprieur, lorsquils sont conformes ses moyens et adapts sa mission. Il les complte ensuite de ceux dfinis en propre. Les lignes dopration du niveau tactique adaptes dans le temps et dans lespace, sont alors labores. Seul le niveau grande unit, dont celui de la brigade si elle constitue le niveau composante terrestre, dispose des moyens et des capacits de planification pour concevoir une vritable manuvre globale. Les niveaux subordonns ne peuvent quappliquer les ordres du niveau suprieur selon les dispositions de la manuvre globale. Un ou plusieurs points dcisifs - ou le centre de gravit lui-mme - pourront tre le point dapplication de leffort principal. Le meilleur point dapplication est celui qui fait basculer la volont de ladversaire. Ce choix permet dy concentrer les efforts et de prserver laffectation raisonne des forces aux diffrents ensembles tactiques chargs de conduire la manuvre globale. Cest une tape essentielle pour raliser une vritable conomie des moyens.
Le choix de ce ou ces points dapplication de leffort tactique est exprim dans leffet majeur de lordre dopration ou du plan simplifi (ex-conception de la manuvre). Leffet majeur est la condition dont la ralisation garantit le succs de la mission. Il exprime les effets obtenir sur ladversaire ou le milieu12 en un temps et un lieu donns.
A linstar de ltude sur ladversaire, la vulnrabilit globale amie doit aussi faire lobjet dune analyse qui commence par la dtermination du centre de gravit ami, des capacits fondamentales qui lui donnent sa puissance, des besoins essentiels qui le font vivre et des vulnrabilits critiques protger imprativement.
12 Le milieu est considrer comme tant lespace physique, humain, politique et conomique tel que dfini dans le 211 de la premire partie.
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La planification qui doit prserver les capacits de contre raction aux circonstances venir (la manuvre contralatoire du gnral Beaufre14) ; elle labore ainsi : un plan dopration qui dcrit comment remplir la mission, un plan de manuvre qui permet la manuvre contralatoire. Une capacit dadaptation qui repose sur : la facult des modes daction et des dispositifs se plier toutes circonstances, la simplicit comme principe, la constitution de rserves. Nanmoins, la planification tant issue dune connaissance imparfaite et progressivement caduque de la situation, elle ne peut dterminer une liste dactions successives corrles des chances horaires et ignorer lincertitude de la confrontation. Elle doit donc permettre denvisager une partie des futurs possibles par llaboration de manuvres contralatoires anticipant les volutions de la situation, quelles soient favorables ou dfavorables. Cest le fameux Et si... ? des planificateurs qui prvoient les diffrentes arborescences possibles de raction par la production dbauches de manuvres. Elles sont intgres dans le plan de manuvre afin que la cellule raction de ltat-major puisse les utiliser en temps opportun. Le plan labor doit surtout crer pour le subordonn les conditions de linitiative dans les circonstances venir et ne pas brider la libert daction du chef, seul atout matre contre limprvu. Par lunit de vue quelle procure, lunicit du commandement est la qualit essentielle la rapidit dexcution pour complter la prise dascendant sur ladversaire. Mais le commandement doit aussi faire preuve de cohrence, de simplicit et de subsidiarit. A laction planifie succdent en effet trs vite la raction des subordonns et ladaptation ncessaire du chef pour la manuvre future. Les modes daction et les dispositifs doivent faire preuve de souplesse et de simplicit et agir sur une ligne menaant plusieurs objectifs afin daccrotre lincertitude adverse.
14 Il sagit de considrer laction comme une succession dactes dont chacun peut tre mis en chec par les ractions adverses et de prvoir les contre-ractions. La manuvre contralatoire vise prvenir cet alatoire. Andr Beaufre, La stratgie de laction, Edition de lAube, La Tour dAigues, 1997, p. 114.
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Les ordres doivent fixer des objectifs concrets atteindre et se limiter strictement et brivement cela tout en veillant dlguer une grande part dinitiative. Leur fonction est dassurer la cohrence de laction globale tout en organisant lautonomie des subordonns. Loin de tout prescrire, ils doivent dfinir laxe et les limites de laction, cest--dire lintention et la bulle de libert daction du subordonn. Ordres et comptes rendus se limitent au strict ncessaire. La zone des objectifs est confie aux petits chelons tactiques. Lefficacit - particulirement en phase de stabilisation - repose sur lintelligence de situation du subordonn dans le respect de lintention du chef. Il en rsulte limportance accorder au commandement par objectif par opposition au commandement par ordre tels quils sont dfinis dans le FT 0415. Il est le style de commandement le mieux adapt aux nouvelles conditions des oprations. Le tableau ci-dessous en apporte lillustration.
Imprvisible Incertitude
Dcentralisation Confiance Auto discipline
Prvisible Dterminisme
Centralisation Contrle Discipline formelle
En rseau
En relations verticales
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La simplicit sacquiert en limitant la dpendance des actions futures la ralisation des actions qui les prcdent. Le succs de ces dernires ne peut en effet tre assur.
Il exige une expression trs claire de lintention du suprieur, donc de leffet majeur. Son efficacit repose sur quatre lments complmentaires : lide de manuvre du chef, la capacit des subordonns la comprendre et y adhrer, leur esprit dinitiative, la qualit des ordres qui dfiniront leur mission, leur alloueront les ressources ncessaires et prciseront les mesures de coordination indispensables.
Le succs par la simplicit et la libert daction : 2DB ordre doprations pour la journe du 24 aot 1944.
I. Mission : 1. Semparer de Paris 2. Tenir Paris en occupant les routes entre Ivry-sur-Seine et Neuilly-surMarne : - en poussant des lments dans la rgion nord-est de Paris ; - en maintenant un lment rserv au centre de Paris. II. Renseignements : lennemi dispose dun certain nombre de points dappui sans liaisons les uns avec les autres. Ces points dappui sont plus denses dans la rgion sud-ouest de Paris. III. Dispositif :
Mission principale
GT V : a) Pousser sur laxe Arpajon, Sceaux, Paris o se fera leffort principal, en utilisant les petites routes et vitant les grands axes. b) Pntrer dans Paris en direction du Panthon, puis franchir la Seine et sortir par la rgion Vincennes, Charenton et tenir les ponts de la Marne entre Ivry-sur-Seine (inclus) et Neuilly-sur-Marne (inclus). c) Sclairer ensuite distance utile. PC en fin de mission : Porte de Vincennes.
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233. Lutilisation de lincertitude La planification doit aussi permettre daccrotre lincertitude adverse car comme le rappelle Frdric II cest ce quoi lennemi sattend le moins qui russira le mieux. Les principaux procds reposent sur : la dception qui vise leurrer sur les intentions, possibilits et prparatifs en simulant des dploiements et des manuvres, et obtenir la dispersion des forces adverses ; la destruction des moyens de renseignement et de circulation de linformation de lennemi ; la dsinformation pour affaiblir limplication dune nation ou sa capacit danalyse ainsi que pour influencer les mdias de ladversaire ; enfin la mobilit qui est un facteur puissant de surprise.
Dception : Effet rsultant de mesures visant tromper ladversaire en
lamenant une fausse interprtation des attitudes amies en vue de linciter ragir dune manire prjudiciable ses propres intrts et de rduire ses capacits de riposte. La dception repose dune part sur une bonne connaissance de ladversaire et, dautre part, sur lintelligence de sa mise en uvre. Les procds en sont la dissimulation, la diversion et lintoxication. Ils sont le plus souvent associs des oprations militaires dinfluence pour attirer lattention de lennemi sur les actions de diversion et le distraire de laction principale.
Dissimulation : Composante de la dception (mesures passives) ayant pour effet de soustraire les forces amies et leurs mouvements aux investigations de ladversaire. Diversion : Composante de la dception (mesures actives) ayant pour
effet dattirer les moyens de ladversaire vers une zone ou un point diffrent de celui sur lequel on compte exercer leffort principal.
Intoxication : Composante de la dception (mesures actives) ayant
pour effet de tromper ladversaire sur les intentions et les possibilits amies en lui faisant acqurir de fausses informations.
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234. Lemploi des forces rserves. Dernier outil pour exploiter une opportunit16 ou parer le hasard, les rserves constituent par excellence une rponse aux incertitudes.
Rserves tactiques : Elment de manuvre tenu la disposition du commandement lui permettant dinfluer sur le droulement du combat.
Formant la capacit de raction due la manuvre contralatoire, cette rserve tactique est constitue dlments interarmes soit prlevs sur la ressource propre, soit fournis en renforcement par lchelon suprieur. Elle est adapte la situation, lennemi et la mission, polyvalente et toujours disponible. Distincte des units en appui de laction principale, la rserve permet de saisir et dexploiter une occasion particulire pour frapper un des centres de gravit ennemis ou de faire face un brusque changement de situation remettant en cause la cohrence du dispositif de la grande unit. Cette rserve est modulable en cours daction en fonction du rle qui lui est dvolu. Sa permanence doit tre recherche : toute rserve engage doit tre reconstitue. Une unit de rserve dispose de lensemble des moyens de commandement ncessaires son action et est aux ordres dun chef dsign ds sa mise sur pied. Elle constitue un lment organique de lunit tactique suprieure. A ce titre, elle est engage sous la responsabilit du chef tactique et est directement commande par son PC. Il convient galement que le chef fixe le niveau auquel des rserves seront constitues afin dviter leur accumulation prjudiciable laction principale. Les moyens ddis la rserve doivent tre proportionnels aux incertitudes de la planification et aux risques encourus et correspondre de vritables capacits de manuvre. La rserve est constitue au minimum dune unit
de niveau N-2.17
16 Selon Clausewitz : une rserve a deux fonctions qui se distinguent trs nettement lune de lautre : dabord de prolonger et de renouveler le combat, ensuite de servir en cas dimprvu. 17 Selon Foch : plus lincertitude est grande, plus le chef doit avoir le courage daccrotre la part de sa rserve.
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doprations. Elles dfinissent les circonstances et les conditions dans lesquelles les forces armes peuvent faire usage de la force ou effectuer toute action pouvant tre interprte comme hostile.18 Lusage de la force comprend lusage des armes et toutes les actions caractre coercitif susceptibles de limiter la libert des personnes. Le comportement : ces rgles dterminent lattitude adopter par les units et le personnel en opration19 cest--dire quelles fixent lattitude vis--vis de tous les acteurs : - population et autorits politiques et religieuses en particulier le degr douverture ou de rserve dans le cadre de la coopration civilo-militaire ; - belligrants selon que lon souhaite afficher conciliation, dtermination ou dissuasion ; - units appartenant aux autres membres de la coalition et organisations internationales, non gouvernementales et mdias.
Rsum 4. La complexit des nouvelles formes de menace impose la recherche de leffondrement de ladversaire qui prvaut en stratgie indirecte. Elle est mise en uvre au niveau tactique par une manuvre globale qui permet de concentrer les efforts par laboutissement de lignes dopration sur les centres de gravit adverses. Cette approche ne peut nanmoins saffranchir des incertitudes lies toute confrontation. Lacquisition du renseignement - dont la dimension humaine redevient essentielle - et le dveloppement des capacits dinitiative et dadaptation - notamment grce au commandement par objectif et aux rserves - permettent malgr les frictions, une excution dcisive du plan labor. Enfin, lemploi de la force arme ne se conoit que dans un cadre lgal renforc de rgles dengagement.
18 PIA 05-203. Doctrine interarmes sur lusage de la force en opration militaire se droulant lextrieur du territoire franais. Les rgles dengagement les rgles de comportement. Juillet 2006. 19 Op. cit. p.23.
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1. DES
FONDAMENTAUX RESPECTER
Manuvre : emploi des forces sur le champ de bataille combinant le mouvement, le feu effectif ou potentiel et les effets immatriels, pour se mettre en position favorable par rapport ladversaire et remplir la mission donne.
La manuvre vise dabord la ralisation de leffet majeur. La complmentarit des moyens et la combinaison des actions compte tenu du temps, du milieu et de ladversaire, concourent latteinte de cet effet majeur. Lacquisition dune position favorable et la ralisation de la mission imposent ensuite de concevoir et de conduire la manuvre en assurant deux conditions du succs qui visent prendre lascendant puis produire les effets. Elles permettent de respecter les principes dcrits dans les chapitres prcdents en vue de rduire ladversaire, puis dexploiter la situation pour concourir latteinte des objectifs tactiques recherchs. Elles concernent toutes les situations oprationnelles y compris celles issues de confrontations au sein des populations, face un adversaire asymtrique. La manuvre impose lutilisation de lensemble des moyens et savoir faire disponibles (y compris lespace et le temps) avec la plus grande efficacit et si possible au meilleur cot. Leur combinaison est applique soit directement en privilgiant la puissance des effets soit indirectement en crant les conditions de la dsorganisation de ladversaire. Cette distinction est motive par la ralisation de leffet majeur un moment donn, sur un adversaire ou un objectif donn, et dans un lieu fix. La comprhension de leffet majeur est donc capitale pour llaboration de la manuvre.
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La manuvre est subordonne lorganisation des units dexcution. La structure ternaire est la premire autoriser une manuvre lmentaire mais cest la structure quaternaire qui procure toute la souplesse daction : engagement sur deux chelons (1 et 2), manuvre en profondeur avec une rserve (3 et 4), actions spares (5).
Cest donc la structure quaternaire qui doit tre privilgie et qui servira illustrer tous les modes daction de ce chapitre20.
A cette organisation sajoute la ncessit dune construction interarmes de toute unit jusquau plus bas niveau car elle seule permet la conduite des manuvres tactiques dans leur globalit. Elle suppose lunicit du commandement afin de prserver lunit daction et la cohsion, ainsi que lautonomie. Cette dernire concerne les moyens : de commandement et de liaisons pour conduire laction en cours et prparer laction future, de renseignement pour acqurir, traiter et exploiter lessentiel des informations indispensables la conduite de laction, dappui intgr, de soutien.
20 Les illustrations reprendront les codes couleur attachs aux deux chelons et llment rserv qui figurent sur le schma prcdent.
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A 23 heures, lartillerie isralienne organise un barrage roulant devant les trois bataillons dinfanterie qui remontent les trois tranches. Lorsque celles-ci sont prises, les fantassins livrent une ligne de dbouch une brigade de chars qui fonce vers louest et prend contact avec le groupement Natke. Vers 10 heures du matin, le 6 juin, toute la position gyptienne est entre les mains des Israliens au prix de 40 morts et 140 blesss.
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Au del de la description dun dispositif et de sa localisation, la finalit du renseignement est de comprendre la structure et lintention de ladversaire et de connatre lenvironnement, puis dvaluer le rapport de force initial et destimer le potentiel adverse. Un tel objectif implique quau renseignement militaire de toutes origines, doit tre combin selon les circonstances et le contexte, celui fourni par les forces locales, les forces de police ou par laction diplomatique ou autre. Cest la diversit des sources dinformation puis leur analyse et leur exploitation qui permettent dapprhender lenvironnement physique, politique et culturel de laction. Cette analyse doit en outre contribuer la comprhension des lacunes adverses afin de saisir les opportunits de crer la surprise, voire de les provoquer. Mme si dans tous les cas la complmentarit des capteurs de la recherche du renseignement est fondamentale, le renseignement dorigine humaine est prminent dans les conflits actuels.
122. Le soutien Il est ncessaire de dgager llment manuvrant des obligations de dfense des lignes de communications pour prserver sa libert daction. Lors de la constitution de la Force, lautonomie initiale autorise cette libert daction grce ladaptation de moyens techniques et logistiques la mission oprationnelle. Le maintien de ces capacits impose une anticipation de leur renouvellement ainsi quune vritable manuvre logistique des moyens qui participe lintention du chef militaire et vise acqurir un rythme de laction suprieur celui de ladversaire. Le soutien passe galement par le dploiement de la Force sur le thtre doprations incluant ltablissement et la protection des lignes de communications et des bases, mais galement lassistance la population locale. Limpact motionnel des actions de soutien la population accrot leur importance. Ces aspects participent dautant la libert daction que la protection de convois logistiques, plus vulnrables en phase de stabilisation, est une ncessit vitale.
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13. Prendre lascendant - prparation ncessaire de la manuvre Cette exigence est la contribution majeure au principe de libert daction. Sa finalit est en effet de matriser le milieu et de contraindre ladversaire pour le plonger dans lincertitude en vue de lancer sa propre action dcisive puis den exploiter les rsultats. La prise dascendant prpare laction tactique suivante. Ds que ltape prliminaire dacquisition du renseignement est suffisamment avance, laction de contrainte peut tre dcide pour assurer la libert daction tout en diminuant celle de lennemi. Il sagit alors de lui supprimer toute capacit dinitiative et de rduire ses possibilits de coordonner laction de ses forces. Cet objectif est dautant plus dterminant que dsormais lespace de manuvre est non linaire et lacunaire. Cette action sexerce dans les domaines matriels et immatriels. Une combinaison de diffrents procds permet la fois une conomie de ses propres moyens et une dispersion de ceux de ladversaire due la diversit des parades quil doit mettre en uvre. Les actions sur les moyens de ladversaire. Une fois le contact pris par les lments de sret (cest--dire lidentification des secteurs o ladversaire prsente une rsistance persistante), limmobilisation de lennemi doit tre recherche par une action de fixation pour cloisonner llment adverse. Lennemi peut tre fix par des procds coercitifs classiques : feu direct ou indirect, destruction de postes de commandement, de moyens logistiques ou de rserves, obstacles au mouvement ou la manuvre. Lobjectif est de bloquer ou dinterdire laccs une zone pour les forces opposes. La neutralisation de ladversaire peut aussi tre indirecte par une manuvre de dispersion ou disolement de ses forces, de dtournement de ses objectifs ou dexposition de ses vulnrabilits. Les oprations diffuses et alatoires menes par une gurilla sont a contrario un moyen de neutralisation que la Force peut subir par la dispersion et le dtournement deffectifs importants quelles provoquent. Lobjectif est dacqurir la supriorit relative et de modeler lespace de manuvre pour permettre laction directe.
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Les actions sur la volont de ladversaire. Elles doivent faciliter la perte dinitiative voire de raction de ladversaire. Les procds sont lis lincertitude entretenir chez lennemi par des manuvres de dception, de leurre, voire par lincitation suivre des lignes dopration infructueuses. La matrise de linformation et des moyens de communication peut la fois briser la cohsion de ladversaire et lui interdire toute capacit de commandement ou dexcution. Ces oprations dinformation permettent galement de manipuler la comprhension adverse de la manuvre et dagir sur sa volont.
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privilgier la nuit, le terrain et les conditions difficiles, tenir compte de lactivit civile usuelle et camoufler les indices extrieurs (logistique, soutien local, etc.). Le mouvement se fonde sur la reconnaissance et sur le commandement de lavant qui tire le gros des forces vers le point faible adverse. Le choc Cette action dcisive conduit semparer dun objectif ou rduire un ennemi. Privilgiant galement la surprise, le choc et le mouvement coordonns doivent aboutir la rupture du rythme et de la volont de ladversaire et latteinte de ses lments vitaux. Selon les circonstances, il sagit donc datteindre lennemi dans ses capacits essentielles quelles soient matrielles ou morales. Le choc physique est obtenu par la brivet et la soudainet dune action violente, le choc psychique lest par une concentration et un cumul deffets successifs. Cette action ncessite la matrise du rapport de force : celui-ci doit tre valu puis amnag lors de la phase initiale. La supriorit doit ensuite tre acquise au bon endroit et au bon moment. Elle concerne tout dabord lespace et doit se dvelopper dans la profondeur. Le terrain doit tre en effet soit occup, soit battu par les feux ou du moins trait (par les mines, les obstacles, lobservation...). La coordination des moyens doit ensuite tre organise pour assurer une complmentarit optimale des effets et acqurir une suprmatie locale. Celle-ci ne pouvant tre assure en permanence, le maintien dune rserve ou dun chelon de soutien 21 est indispensable. Enfin, cette confrontation tant particulirement propice aux frictions, le cycle de dcision doit tre raccourci par un commandement de lavant et une libert daction au contact pour faciliter les ajustements lvolution de la manuvre adverse.
21 Un chelon de soutien est capable dune manuvre autonome. Sa libert daction nest pas contrainte par lennemi de lchelon situ proximit. Il nest donc pas sous le feu ennemi ni porte dune manuvre rapide.
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Lexploitation Lexploitation a pour objectif de profiter des effets produits par le choc pour en accrotre la porte dans le respect de lintention ou des objectifs du commandement. Il sagit de dpasser la mission assigne pour exploiter les opportunits offertes par les changements de circonstances dus ltape prcdente. Lextension de la suprmatie locale peut soit profiter aux objectifs du niveau suprieur soit servir la domination dune zone plus ample. Lexploitation peut tre soit planifie, soit dopportunit quand il sagit de profiter dune situation qui se rvle favorable. Elle est prfrablement conduite par des lments de deuxime chelon ou de rserve selon le niveau et lobjectif viss. Bnficiant de linitiative rsultant du choc, elle doit tre entame aux petits niveaux tactiques et dpend de la rsolution des subordonns. Cest laudace encourage par la subsidiarit qui permet de saisir lopportunit. La numrisation doit tre un outil propice ce type daction alliant des capacits de ractivit et de rapidit. Cette phase doit sappuyer ds la rupture, sur tous les moyens de reconnaissance afin de dceler les lacunes et les faiblesses adverses. Les forces ddies lexploitation doivent tre complmentaires (capacits de sret, dappuis y compris ariens, de commandement etc.) et disponibles sans pravis. Leur action ne sera pas forcment coercitive mais peut contribuer au succs par des rsultats obtenus dans les domaines psychologique ou mdiatique.
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La zone des oprations dans la profondeur (ZOP) dbute la limite avant de la zone des oprations rapproches, volue avec elle et stend jusqu la limite avant de la zone de responsabilit du commandant du thtre. A lissue des oprations dintervention et selon le contexte, la ZOP disparat ou se transforme en zone lacunaire.
La coopration aroterrestre implique une coordination trs rigoureuse en particulier au sein de la zone des oprations rapproches. Elle est en revanche plus souple dans la zone des oprations dans la profondeur o les actions des forces terrestres sont exceptionnelles. Le schma ci-dessous illustre la rpartition de ces diffrentes zones :
Les nouvelles conditions des oprations imposent la lacunarit de lespace de manuvre lors de la phase dintervention. Le contrle du milieu indispensable la stabilisation exige ensuite que les actions terrestres se rpandent en tache dhuile. Lutilisation de lespace tactique sera donc organise en distinguant ces deux phases du continuum des oprations.
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152. Organisation de lespace tactique en phase dintervention. Le caractre lacunaire du champ de bataille se traduit par une succession despaces limits et disjoints - les zones daction et dengagement - o les confrontations sont conduites sous la responsabilit dun chef tactique et selon des modes de coordination semblables. La non linarit qui peut en dcouler exclut alors la notion de ligne avant des forces amies23 continue.
La zone daction (ZA) est la subdivision de la zone des oprations dont la responsabilit oprationnelle est confie une unit tactique. Au sein de la ZA, la zone dengagement (ZE) est effectivement utilise par le commandant dune unit pour excuter sa mission et atteindre leffet majeur correspondant. La ZE rsulte des choix tactiques du commandant en charge de la ZA. Elle correspond aux zones daction du niveau subalterne. Lespace avant entre la ZA et la ZE est la profondeur tactique. Les zones lacunaires (ZL) sont caractristiques dune zone daction dans laquelle les zones dengagement sont disjointes ou comportent des espaces vides de forces. Elles rsultent des choix du commandement et leur surveillance incombe au niveau qui les a consenties.
Figure 4. Organisation de lespace tactique en phase dintervention 23 FLOT : Forward Line Of Troops.
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Aprs la phase dintervention caractrise par la concentration physique de laction militaire, le territoire doit tre domin pour tre stabilis. Lorganisation territoriale prime et permet de mener les actions politiques caractristiques de la stabilisation - complmentaires des actions militaires. Loccupation progressive par tache dhuile permet de diminuer la superficie du territoire sous domination de ladversaire tout en protgeant les forces dployes. Elle permet galement dorganiser rapidement les zones gographiques contrles en favorisant le retour une vie normale. Cet largissement de la protection repose sur un quadrillage oprationnel permettant une occupation du territoire adapte tant lorganisation politique locale qu lobjectif de stabilisation. Elle assure la protection et le contrle des populations tout en permettant de mener, si ncessaire, des oprations offensives (rversibilit).
Cette mthode du quadrillage oprationnel respecte trois rgles qui garantissent le succs de la stabilisation : Afin de respecter le principe dconomie des moyens, la hirarchie des units sidentifie aux compartiments territoriaux. Cela se traduit par une organisation en secteurs dont les chefs reoivent toute responsabilit militaire et politique. Le groupement, voire le sous-groupement, est lchelon minimum pour de telles actions. Cette organisation territoriale permet dassurer le contact troit avec la population, mme la plus loigne, et de rechercher en permanence le renseignement. Enfin, cette mthode favorise une participation croissante de la population locale la stabilisation.
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La zone de responsabilit du commandant de la Force fait lobjet dun dcoupage destin dlimiter outre les zones daction des chelons subordonns (les secteurs), les zones dotes de statuts juridiques, politiques ou oprationnels particuliers : les bandes de confinement permettent de sparer les belligrants ou disoler la rbellion de ses appuis extrieurs ; linstauration de zones dexclusion permet dy interdire la prsence de certaines armes ou dy entraver les mouvements opratifs adverses sur une portion de lespace ; linterdiction locale de toute activit ou prsence militaire se traduit par la dlimitation dune zone dmilitarise. Les forces terrestres peuvent ainsi entretenir une prsence continue sur le thtre doprations pour surveiller, protger et contrler lespace. Leur polyvalence permet une alternance dactions offensives, dfensives, dissuasives et de protection. Le schma ci-dessous illustre lorganisation de ces diffrentes zones :
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Rsum 5. La manuvre de niveau tactique est la ralisation de leffet majeur par des procds qui visent - dans lespace et dans le temps - prendre lascendant sur ladversaire afin de lui appliquer des effets puis den exploiter les rsultats. Ltape de prparation est caractrise par la recherche du renseignement et la prservation de la libert daction en contraignant ladversaire par des moyens matriels et immatriels. Les actions suivantes constituent leffort de la manuvre : le mouvement favorise lacquisition de la suprmatie locale, et permet le choc dcisif sur ladversaire, cl du succs. Les consquences en sont ensuite exploites dans une tape de consolidation qui cherche tendre lavantage au niveau suprieur. Ce schma tactique inspire les modes daction quels que soient le contexte et ladversaire. Ils sont adapts aux circonstances et lespace par le chef militaire pour rpondre aux exigences propres chaque phase du continuum des oprations. Dans le cas de la phase de stabilisation, cest le quadrillage oprationnel du territoire en secteurs qui permet de concilier efficacit militaire et action politique.
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2. DES
Cest dans le cadre opratif quest fix lemploi des diffrents modes tactiques paralllement la gnration de forces. Le continuum des oprations peut ainsi se drouler selon le schma suivant. Il y apparat une variation de la contribution des modes tactiques en fonction de lvolution dans le temps de lintensit de la violence ou des combats.
Figure 6. Variation de la prdominance des modes tactiques lors du continuum des oprations
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dsorganiser lennemi ; ils permettent denrayer puis de restreindre sa libert daction. Il sagit alors de : dsorganiser ses capacits de renseignement et dacquisition dobjectifs, ses capacits de commandement tant physiques (systmes de transmissions) quimmatrielles (capacits de jugement et volont des chefs), ses capacits de dfense, ses lignes de communications qui relient les chelons de combat leur soutien logistique et lient les chelons de combat entre eux. Cette dsorganisation est acquise par des actions dans la profondeur : feux dartillerie, de lALAT ou de laviation, appui lectronique, oprations spciales et manuvres de dception. fixer et cloisonner ou isoler les chelons de contact par les feux et les obstacles naturels ou artificiels. La prise de conscience par lennemi de sa perte de libert daction permet aussi de le fixer moralement.
Dans cette phase o il sagit de contraindre un ennemi symtrique ou dissymtrique, un rapport de force de 1,5 contre 1 est globalement suffisant.
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EFFORT Aprs avoir runi toutes les conditions pour limiter la libert daction et accrotre le doute chez ladversaire, il sagit de concrtiser laction de destruction ou de conqute. Pour cela, la vitesse et le choc sont dterminants. La manuvre seffectue sur les points faibles crs ou dcels au cours de ltape prcdente. Elle repose sur la surprise, la capacit saisir une opportunit et selon les circonstances, sur la brutalit ou la souplesse afin daffaiblir lennemi pour faciliter sa destruction et rduire nant sa volont. Le mouvement offensif se conoit des deux faons suivantes : Le dbordement - par enveloppement ou contournement - a pour but datteindre lobjectif principal25 avec un volume significatif de forces aprs avoir fix lennemi charg de protger cet objectif et dbord son dispositif. Le contournement diffre de lenveloppement par le dessein de dborder lennemi immdiat pour atteindre directement lchelon arrire. Lascendant sur ladversaire est conserv grce la diversion ralise. Cest le mouvement privilgier. La pntration est lalternative qui a pour but la destruction ou la saisie dun objectif aprs le franchissement frontal du dispositif adverse. Laction principale consiste percer le dispositif ennemi pour atteindre lobjectif tout en se couvrant face une raction adverse. Laction se fait en deux chelons successifs. Le succs repose sur le maintien du rythme de laction par la simultanit des actions et la capacit les coordonner notamment grce la disposition dappuis. Le choc se combine ce mouvement pour annihiler la volont de ladversaire. Il se traduit gnralement par la destruction physique. Le prolongement de celle-ci dans la profondeur sopre soit progressivement, soit sous forme dun raid ou dune poursuite.
25 Cible de loffensive au sens large : terrain, unit
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La phase de consolidation qui succde laction offensive proprement dite est celle qui transforme la victoire locale en victoire dcisive ; elle se concrtise par la perce, lexploitation ou la poursuite. La perce est trs consommatrice de moyens et peut remettre en cause lexploitation qui consiste conserver sa libert daction sur les arrires de ladversaire. La poursuite, quant elle, doit empcher lennemi de se rorganiser.
Face un ennemi symtrique ou dissymtrique, le rapport de force global prserver est de 3 contre 1.
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CONSOLIDATION
Le mode tactique offensif met ainsi en exergue limportance de lenchanement des actions de dsorganisation, manuvre et
destruction.
Le plan de la bataille de Cannes opposant les armes romaine et carthaginoise, est parfaitement connu et constitue une source dinspiration pour de nombreux tacticiens. Hannibal est en infriorit numrique dans un rapport de un pour deux pour linfanterie mais il dispose dune excellente cavalerie. En face, larme romaine est surtout un immense rectangle denviron 80 000 fantassins encadrs par deux ailes de cavalerie. Le principal coup de gnie du Carthaginois est de disposer son infanterie sur une ligne convexe tire par rapport au rectangle romain afin den retarder lavance. Au moment du contact, linfanterie gauloise (1) au centre du dispositif est oblige de reculer sous la pression de la masse des Romains mais elle parviendra par la souplesse de son dispositif fixer les lgions et prserver sa capacit denveloppement par les flancs.
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Simultanment, la cavalerie (2) balaie son homologue adverse sur laile gauche puis vient menacer larrire et le flanc gauche romains. Ce dernier rompt le contact, et achve ainsi de dsorganiser les appuis des lgions. Lascendant est pris, les Romains ne ragiront plus. Les cavaliers dHannibal (3) sont alors libres denvelopper le rectangle romain par larrire, tandis que linfanterie lourde punique (3), place de part et dautre des Gaulois, attaquent les flancs. Huit lgions romaines sont encercles et massacres. On compte prs de 50 000 morts et 7 000 prisonniers chez les Romains contre 6 000 hommes perdus par Hannibal.
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Les modes daction privilgier en fonction des niveaux de force considrs, sont dcrits dans le tableau suivant :
Loffensive en zone urbaine Afin dviter lenlisement et lusure, les actions offensives en zone urbaine doivent tre cibles. Les modes daction y seront adapts. Ils sinscrivent gnralement dans un mouvement visant des objectifs prcis lors dune manuvre denveloppement ou disolement. Ils ncessitent le plus souvent une longue prparation (en particulier dans le domaine du renseignement), lacquisition dun rapport de forces trs favorable (jusqu 10 contre 1) et ladaptation du soutien logistique. Les manuvres de dception et la conqute nocturne dune tte de pont urbaine doivent donc tre favorises. La prise dascendant sur ladversaire revt un caractre particulier. Lacquisition du renseignement est plus malaise en zone urbaine quen terrain ouvert, les capteurs humains y occupent en outre une place prpondrante. Selon la disposition de la ville, des moyens complmentaires (ROEM-GE, ROIM27, etc.) seront mis en uvre. La dsorganisation de ladversaire par la suppression de toute libert daction est, quant elle, beaucoup plus difficile obtenir.
26 Deux niveaux sont distingus selon que la grande unit soit subordonne au niveau opratif (CTT : Composante Terrestre de Thtre) ou tactique (TAC.). 27 ROEM-GE : Renseignement d'origine lectromagntique Guerre Electronique ; ROIM : Renseignement dorigine imagerie.
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La prsence ou non de la population et son attitude sont un facteur dterminant prendre en compte. La prparation ncessite de la minutie et une organisation rigoureuse. Elle est complte par des oprations de dception et de cloisonnement de ladversaire pour lui interdire tout renforcement, repli ou possibilit de manuvre. La phase deffort se concrtise par une ou plusieurs actions puissantes menes simultanment et dans un cadre interarmes permanent, selon deux grands principes qui se dgagent des oprations rcentes : - Le premier repose sur des attaques denvergure qui consistent en un nettoyage mthodique de la ville, quartier par quartier, par linfanterie dbarque. - Le second sarticule autour du contrle progressif des accs principaux de la ville puis de raids blinds sur des objectifs cibls. La consolidation consiste conqurir la ville pour sen assurer le contrle dans la dure par des actions de scurisation.
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222. La dfensive La dfensive contribue gnralement la reprise de loffensive sans perte dinitiative soit en phase prliminaire, soit pour faire face une surprise adverse. En outre, ce mode tactique nest pas forcment rtrograde ; des modes daction offensifs peuvent servir une finalit dfensive. Celle-ci commande en effet de briser la cohrence du dispositif ennemi pour dvelopper les conditions favorables loffensive ou conomiser ses forces localement en vue de porter un effort sur un autre point. Laction dfensive comporte deux tapes : la valorisation et laffaiblissement destins prendre lascendant sur ladversaire puis larrt qui concrtise les effets produire avant de pouvoir les exploiter.
PREPARATION / PRENDRE LASCENDANT Dans le cas de la dfensive, la prise dascendant sexerce sur ladversaire lui-mme mais aussi par des amnagements du terrain dans le but dexploiter lavantage dtre le premier sur la zone dengagement. Les procds mis en uvre sont les suivants : dployer dans la profondeur un dispositif de capteurs qui permette de renseigner sur ladversaire et de dfinir des zones privilgies de harclement ; valoriser le terrain en sappuyant sur un rseau dobstacles en vue de dsorganiser ladversaire tout en protgeant et camouflant le dispositif ami ; affaiblir ladversaire et le priver de sa libert daction en le dissociant par des actions combines de destruction dans toute la profondeur du dispositif, tout en rduisant ses capacits de cohsion et de renseignement (procds de dception).
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Dans cette phase o il sagit dentraver la progression ennemie, un rapport de force de 1,5 contre 1 est globalement suffisant.
EFFORT
Le fait davoir utilis la profondeur du dispositif pour contrarier lattaque ennemie permet de rompre le rythme adverse et de reprendre linitiative. Profitant de la suprmatie locale obtenue, il sagit alors darrter ladversaire en exploitant la matrise du terrain. Cette action repose sur le choc puis sur le mouvement pour susciter la surprise et acqurir un rapport de force localement favorable. Elle se conclut par la phase dexploitation destine relancer loffensive. Le choc vise arrter lennemi pour favoriser la bascule de linitiative. Selon le but recherch, la neutralisation de lennemi ou la dfense dune zone, les modalits de ralisation peuvent varier. Pour autant, quel que soit le procd retenu, les forces amies doivent tre en mesure de dlivrer des feux puissants et concentrs tant dans la profondeur que lors dembuscades ou de dbouchs lors dune contre-attaque.
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Dans le cas de la neutralisation de lennemi, laction dfensive doit faonner celui-ci pour lexposer sur un terrain favorable dans la phase finale de la production deffets. Laccent est port sur la dfaite de lennemi plutt que sur la conservation ou la reconqute du terrain. La dfense combine alors des actions dusure appuyes par des feux et des obstacles. La dfense de zone, o la destruction complte de lennemi nest pas recherche, conjugue lemploi de rserves mobiles et de positions dfensives. Elle est base sur la prservation du terrain en y absorbant lennemi dans une srie de positions entrecroises partir desquelles il peut tre en grande partie dtruit par le feu. Elle combine des actions dinterdiction et de harclement. Le mouvement conscutif larrt de lennemi, repose sur un dbordement ou une contre-attaque conduits par une rserve identifie. La force dfensive doit avoir globalement une mobilit suprieure ou gale celle de lennemi. La neutralisation de lennemi ncessite le dploiement vers lavant de forces relativement restreintes et la capacit de former une rserve importante qui mnera la contre-attaque dcisive sur un espace avantageux. Dans une dfense de zone, le gros de la force dfensive est dploy afin de conserver le terrain. Ce procd privilgie la mobilit des units dans toute la zone dans le but dintercepter ladversaire avec des lments rservs rduits. Dans tous les cas, la rserve exploite lintgralit des moyens techniques dont elle dispose pour frapper au bon endroit et au bon moment. CONSOLIDATION Par principe, la phase dfensive est le plus souvent transitoire. Une exploitation offensive planifie doit en effet mettre profit linversion dinitiative obtenue. Elle repose sur la capacit rsiduelle du dfenseur pouvoir relancer son action grce des forces quil aura mises en rserve et prserves pour cette tape dcisive de laction densemble.
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Le rapport de force prserver est de 1 contre 1 sauf lors des ractions offensives o il doit tre favorable.
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Le principe de cette opration est dutiliser la masse de la puissance arienne et de lartillerie allie avant deffectuer une perce blinde pour bousculer les positions dfensives allemandes. Lattaque arienne, phase prliminaire de lattaque terrestre, constitua le plus grand raid arien : 1700 bombardiers lourds et 400 bombardiers moyens. Les effets du bombardement et la surprise tactique permettent aux lments terrestres de progresser de 5 kilomtres en moins dune heure. Mais loffensive britannique sarrte nette lorsquelle se heurte aux lignes de dfense allemandes. Le 20 juillet quand lopration sachve, les pertes du VIII corps britannique slvent 500 chars et 4000 hommes pour un gain de terrain insignifiant. Le dispositif allemand sarticulait autour de cinq lignes de dfense principales tales sur une profondeur de plus de 15 kilomtres. Derrire les deux premires lignes de dfense, la troisime ligne constituait une nasse antichar valorise par le maillage du bocage normand qui permit aux compagnies mcanises de conduire un combat dusure dont le point cl fut la mobilit. Cette mthode apprise sur le front russe aprs la bataille de Koursk repose sur une dfense mobile et sur un commandement dcentralis pour permettre de petites units antichars de ne pas saccrocher au terrain qui est ensuite reconquis par de puissantes contre-attaques locales menes par les chars lourds.
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En fonction du niveau considr, diffrents modes daction peuvent tre mis en uvre. Cependant, ceux-ci sont peu adapts aux nouvelles conditions des oprations parce quils rpondent difficilement aux contraintes lies la lacunarit et un ennemi non symtrique. Ils ne sont envisageables quen phase dintervention dans un conflit limit face un adversaire dissymtrique notamment en zone urbaine.
La dfensive en zone urbaine Favorables la manuvre dfensive, les zones urbaines peuvent tre utilises pour gagner les dlais ncessaires la prise de linitiative. Elles constituent un excellent environnement valoriser condition de disposer dun volume de forces adapt la taille de lagglomration. Toutefois, il peut suffire de tenir une partie de la zone urbaine dans la profondeur pour sen assurer le contrle en portant leffort sur les points daccs et les nuds de communication.
28 Dfendre : dtruire progressivement dans la profondeur les pntrations ennemies sur une direction ou dans une zone par laction de dtachements mobiles, par des feux et par des obstacles en se laissant dpasser le cas chant.
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La prise dascendant sur ladversaire est souvent assure, au-del et lextrieur de la zone urbaine, par le renseignement recherch trs en amont. La valorisation de la zone tenue est systmatiquement recherche. Leffet sur lennemi est obtenu principalement par le choc. En effet, la zone urbaine limite la mobilit des units et donc les manuvres de contre-attaque et dautre part, morcelle loffensive ennemie. La reprise de loffensive conscutive larrt de ladversaire, sera donc le rsultat dactions dcentralises menes par des lments dont la mission, le volume et le cadre espace-temps, seront adapts aux contraintes de coordination. 223. La scurisation La scurisation a pour but de crer un environnement stable et sr essentiellement au profit des organisations et des populations civiles. - En phase dintervention, la scurisation porte principalement sur les zones hors des combats et les populations. - Lors de la phase de stabilisation, la scurisation est la composante majeure de laction. Elle est particulirement adapte la menace asymtrique dont les cibles privilgies sont la population ou les symboles institutionnels. Ce type dadversaire, dont les procds reposent sur le contournement de laction des forces rgulires, rend difficile lidentification des objectifs potentiels. Les actions de combat adverses sont en effet menes avec une logique diffrente des affrontements classiques, cest--dire : - viter la confrontation dcisive lors de laquelle la supriorit en mobilit et puissance de feu des forces rgulires peut pleinement simposer ; - ne pas adopter des dispositifs militaires marquant une quelconque ligne de front sur le terrain ; - disposer dune zone de repli sre dans laquelle les bandes rebelles seront reconstitues entre deux actions. Elles visent donc plutt disloquer leffort principal ami et paralyser le dploiement de son dispositif. A linstar des modes tactiques classiques, la scurisation respecte la ncessit de prendre lascendant - par linfluence et le contrle - et de produire les effets par la pression dissuasive.
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Il sagit dans tous les cas dviter une escalade de la violence et surtout den favoriser la dsescalade. Par ailleurs, le besoin de dominer le milieu implique un rapport de forces plus contraignant pour la scurisation. Les lments de lanalyse comparative doivent tenir compte des capacits dinfluence sur le milieu, de raction et de concentration rapide des forces, de recherche du renseignement et de protection du personnel. Il sagit donc dun rapport dinfluence qui doit tre estim de faon globale : fonctions de contact et dappui pour valuer les conditions du combat contre des bandes armes dployes sur le terrain, et fonctions denvironnement pour mesurer la capacit dinfluence sur la volont dun adversaire ou sur le soutien dune population. Le ratio est ainsi tabli partir des effectifs amis ddis aux diverses fonctions oprationnelles compars, selon leffet obtenir, soit au nombre de rebelles combattre soit au nombre dhabitants contrler. PREPARATION / PRENDRE LASCENDANT La prise dascendant vise la population par la mise en uvre dun ensemble dactions qui permet dviter toute dstabilisation. Les forces terrestres y participent en assurant la scurit et lordre public par leur prsence au sein de la population, le contrle des zones appropries et la dissuasion. Le contrle consiste matriser lespace terrestre afin dagir prventivement ou de ragir face ce qui pourrait nuire la mission de scurisation. En fonction du degr de scurisation recherch, le contrle peut tre : local, cest--dire restreint la sauvegarde des units militaires charges de missions de soutien ou dassistance, dorganisations civiles ou de ressortissants, cibl sur certaines menaces particulires ou certaines activits juges prioritaires, zonal quand il est tendu aux intervalles, gnral, pour sassurer de lemprise complte sur lenvironnement physique, humain et immatriel.
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Ces deux derniers cas imposent la mise en place dun quadrillage oprationnel29. Le dispositif doit cependant tre strictement limit ses deux objectifs majeurs : protger la population dans les zones o les forces terrestres sont assures de pouvoir garantir la scurit et qui sont vitales du point de vue conomique et politique ; prserver des capacits dintervention par lquilibre entre le soutien des forces et les contraintes lies tant la permanence, qu la vulnrabilit de la logistique. La mise en uvre du contrle sera dautant plus efficace quelle sappuiera sur la dissuasion mais aussi sur une coopration troite avec les autorits et les forces locales. Elle peut alors inclure des actions ponctuelles destines dissuader toute activit criminelle et restreindre la libert daction de ladversaire. Les principaux procds tactiques lis au contrle sont la recherche du renseignement, la surveillance, lappui la libert de circulation, la protection des axes ou de points particuliers, le couvre-feu et lisolement ou le confinement de ladversaire. Linfluence est lexpression de la crdibilit que les forces doivent montrer pour dominer le milieu. Elle consiste montrer sa dtermination utiliser la force afin den viter lusage ainsi qu prserver une capacit de riposte. Elle se manifeste ensuite par le comportement des units, par des dmonstrations spectaculaires et par linformation.
Les principaux procds tactiques lis linfluence sont la dmonstration de force, la dception, les oprations militaires dinfluence et la communication oprationnelle. Ils sappuient sur la constitution dlments dintervention et de zone tampon ou dexclusion (interposition).
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Les enseignements historiques et rcents indiquent un rapport dinfluence de 1 pour 50 habitants afin dassurer la domination du milieu en scurisation. EFFORT La libert daction accorde par linfluence et le contrle permet ensuite de produire localement les effets coercitifs pour prvenir, contenir ou radiquer une pousse de violence. La force de scurisation doit alors tre en mesure dexercer une pression dissuasive pour rtablir la situation compromise. Cette pression sappuie sur une capacit de raction rapide et prcise capable de dcouvrir puis de rduire, neutraliser ou dtruire des lments arms ou des emprises hostiles. Face des lments arms, la pression dissuasive repose sur lacquisition du renseignement puis combine troitement la manuvre et le choc. La manuvre de scurisation vise briser la libert daction de ladversaire. Le confinement de ladversaire est recherch par la surveillance et lintervention dans les espaces aro-maritimes et par le contrle de lespace terrestre issu du quadrillage oprationnel. Lentrave des mouvements opratifs des units rebelles mais aussi de leur soutien (soit extrieur, soit
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apport par la population) complte cette interdiction. Des units locales peuvent y tre affectes en raison de leur bonne connaissance du terrain et du milieu humain. Cette manuvre a pour finalit de reconnatre et de circonscrire les zones de refuge adverses. Lintensit du choc est lie lobjectif militaire atteindre. Le choc est lexercice de la pression dissuasive sur les zones refuges prcdemment identifies en menant des actions classiques de contrle de zone avec recherche, harclement et destruction des units rebelles. Lradication nest toutefois concrtise que par la combinaison de : destruction qui concerne surtout les capacits militaires significatives. Il faut cependant la pratiquer exceptionnellement et en appliquant les principes de proportionnalit du feu et de slection des objectifs afin de ne pas entraner de pertes civiles inutiles et lourdes de consquences sur le plan moral et psychologique, donc politique. saisie des bases logistiques qui est un coup rude pour une organisation arme car leur perte implique des dlais importants avant la reconstitution des capacits militaires perdues.
CONSOLIDATION Elle consiste profiter localement de laffaiblissement des capacits militaires adverses et de lavantage moral acquis pour rallier la population, prcipiter la transition et atteindre ainsi lorganisation qui ravitaille, renseigne les rebelles et soutient leur moral. Cet objectif ncessite de priver ladversaire : du bnfice du terrain en lui imposant une mobilit force par la pression dissuasive, de lemprise sur la population par des mesures politiques et conomiques. Ces dernires doivent tre compltes ou facilites par des actions denvironnement menes par les forces. Le retournement des chefs locaux ou des bandes armes sinsre galement parmi les procds destins couper la rbellion de ses sources de ravitaillement et de renseignement.
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Face une rbellion arme, la riposte peut revtir un caractre coercitif qui impose un rapport de force local suprieur 3 contre 1. En outre, le rapport dinfluence assurer pour lancer ce type dactions est de 20 pour 1 rebelle.
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Le contrle des axes et la dfense des postes doivent sinscrire au passif de la guerre en surface, car ils namnent ni la neutralisation ni la destruction de ladversaire. Cest la mise de fonds ncessaire, mais elle ne porte pas dintrt. A lactif du bilan comptent seulement les actions de contrle en surface, qui visent extirper dune rgion les rebelles qui sy dissimulent. Cette chirurgie, fonde sur le diagnostic des localits les plus contamines et des villages encore relativement sains, doit amener lablation des tissus gangrens et ouvrir la voie cette convalescence, que sera la pacification proprement dite.
Afin dassurer la prennit de ces oprations, les actions entreprises doivent non seulement permettre de chasser ou dtruire ces lments, mais aussi concourir les priver du soutien quils pourraient trouver au sein de la population locale ou dans les territoires limitrophes.
La notion de contrle en surface est trs exactement celle qui va tre mene en Algrie compter de dcembre 1958 aprs les succs rencontrs au cours de la guerre des frontires. Le quadrillage sera exploit dans la plnitude de ses capacits en lui adjoignant une organisation militaire - base sur les commandos de chasse - capable de dtruire les forces rebelles afin de ne plus seulement les contenir ou les cantonner dans des zones dlimites.
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Les modalits de la scurisation se dclinent selon des modes daction qui dpendent du degr de matrise de la violence recherch : protection, scurit largie ou domination.
Cas particulier du contrle de foules ou de lvacuation de populations menaces Lvacuation de populations menaces ou le contrle de foules ncessitent une action tactique identique mais adapte ce contexte particulier. La prise dascendant sappuie sur des procds quivalents qui peuvent tre complts concernant linfluence par lintimidation, la communication, la rsistance et la mise en place dun dispositif dappui et de soutien. Ceux lis au contrle seront amliors par la protection, lidentification, linformation, la matrise du niveau de violence, la conqute de points cls et la sret dont celle du repli.
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La manuvre sappuie sur une capacit de raction rapide capable de contenir des mouvements de foules ou des ractions armes. Les procds particuliers sont les capacits de neutralisation, le regroupement, la sauvegarde, le dsengagement, le recueil et la couverture.
224. Lassistance Lassistance consiste : venir en aide des populations victimes dun conflit ou de catastrophes naturelles ou technologiques et assurer leur sret ainsi que celle de la zone o elles se sont regroupes ; participer la reconstruction de lEtat et de son infrastructure ainsi qu assister les autorits locales. Il sagit de faciliter laction des organisations daide humanitaire et des services publics, voire de sy substituer momentanment, et de contribuer au retour des conditions de vie normales. Lassistance peut sinscrire dans le cadre de la sauvegarde terrestre ou dune opration de projection, voire tre le but mme de lopration.
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Lors dune opration de coercition sur les forces adverses, lassistance mme si elle nest pas prioritaire - est un moyen de gagner la neutralit des populations secourues ainsi que de lopinion, et si possible leur concours. En assistance, les forces terrestres entreprennent principalement des actions de secours, dinformation et de rorganisation qui relvent surtout des fonctions denvironnement : la communication oprationnelle et les actions civilo-militaires. Les principes daction reposent sur la coopration avec les ONG et les gouvernements locaux ainsi que sur une anticipation des mouvements de foules par la constitution dun lment rserv apte sy opposer. Le renseignement doit rester une priorit afin didentifier les indices ventuels de tensions nouvelles voire de dclenchement dune crise. Cette veille se distingue par la nature des informations recueillir. Celles-ci concernent principalement lenvironnement dans lequel se meut la Force et se caractrisent par la grande varit des domaines dintrt concerns. Tous les capteurs spcialiss ou non concourent lacquisition de ces informations denvironnement. Lvaluation des besoins des populations en dtresse, des possibilits locales et celles des organisations non gouvernementales, lestimation des menaces pesant sur les populations et les ONG, lanalyse de ltat des infrastructures et des voies de communication sont un pralable lengagement de la Force dans ce mode tactique.
Les modes daction gnriques sont : lappui la reconstruction de lEtat dont la participation la rforme du secteur de scurit (RSS) et au dsarmement, la dmobilisation et la rinsertion des anciens combattants (DDR)30. Laide aux populations et lassistance humanitaire.
30 RSS : Security Sector Reform, reconstruction des systmes militaires et de scurit. DDR : Disarmament Demobilisation and Reintegration, dsarmement et dmobilisation des factions armes et rinsertion des combattants.
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Les modes daction gnriques se dclinent selon trois principes gnraux. Secourir Il sagit de couvrir les besoins vitaux de populations dmunies principalement en matire dalimentation, dhygine et de soins mdicaux, de transport, dhbergement et dnergie. Bien que ces tches incombent en priorit aux pouvoirs publics et aux organisations humanitaires, des conditions particulires rendent parfois indispensable le recours des moyens militaires de complment ou de substitution. Cest notamment le cas lorsque les moyens civils sont insuffisants ou les lieux dapplication des secours sont peu srs. Informer Ds lors que laction militaire sapplique directement sur des populations, linformation externe devient un lment fondamental. Elle doit tre relaye par les chelons dexcution. Les actions dinformation ont pour but : dinfluer directement sur le comportement dindividus et de dmentir les rumeurs spontanes ou orchestres, de faire connatre les conditions des oprations de secours, dassurer une perception favorable de laction de la force dassistance.
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Lappui la reconstruction de lEtat repose sur des actions visant : contribuer la rorganisation de la vie quotidienne, rtablir la libert de circulation, concourir la relance de la vie conomique, cooprer la restauration de la vie politique et du service public. Les forces terrestres peuvent ainsi participer : la rparation ou la reconstruction des infrastructures de communication, des rseaux de distribution (eau, lectricit, etc.), la dpollution et au dminage, la sret des communications, au transport et la distribution de laide humanitaire, au dsarmement, la formation et au soutien des forces de scurit, lorganisation des lections. Les procds spcifiques lassistance sont essentiellement relatifs lorganisation des actions de secours par : la mise en place dun dispositif de sret densemble de la zone, le convoyage ou lescorte de laide humanitaire vers les lieux de regroupement de la population, la mise en place dinfrastructures daccueil et de prise en charge des populations (centres mdicaux, lieux dhbergement, distribution de nourriture, etc.).
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Rsum 6 : Selon la manire gnrale doprer issue des options militaires stratgiques (i.e. obtenir la dcision ou rsoudre une situation de crise), les forces terrestres mnent les oprations selon une combinaison des quatre modes tactiques : offensive, dfensive, scurisation et assistance.
- En mode offensif, la prise dascendant est acquise aprs avoir dsorganis et fix ladversaire. Sa destruction ou la saisie du terrain sont ensuite obtenues par un mouvement de dbordement qui prpare laction sur lobjectif. Laction en zone urbaine ncessite une prparation minutieuse et un rapport de forces plus favorable quen zone ouverte. - Le mode dfensif, est une tape ncessaire au rtablissement de lascendant sur lennemi. Le nouveau contexte oprationnel favorise les modes daction dfensifs qui privilgient la prservation du terrain par rapport la stricte destruction de ladversaire. La reprise dascendant repose sur le renseignement, sur des actions de valorisation du milieu et daffaiblissement de lennemi. Aprs une phase darrt de celui-ci, les effets obtenus doivent tre exploits pour affirmer la suprmatie acquise. - La scurisation a pour but de crer un environnement sr. La domination du milieu et la matrise de lespace terrestre sont acquises par linfluence, le contrle et le maintien dune capacit dintervention. Lradication dune rbellion arme ne sera obtenue quaprs avoir limit sa libert de manuvre puis maintenu une pression dissuasive sur ses zones de refuge. - Lassistance consiste venir en aide aux populations par des actions de secours, dinformation et de rorganisation de lEtat et des infrastructures.
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3. DU
Le soutien des forces terrestres, sauf exception, respecte les principes du soutien mis en uvre dans un contexte interarmes et multinational. Aussi dans le prsent chapitre, lexpression soutien des oprations dsignera le soutien apport aux oprations terrestres. Le soutien des oprations a pour but la satisfaction des besoins de la Force31. Dans le cadre dune opration, il doit lui permettre de sinstaller, de vivre et de mener toute action qui concourt latteinte des objectifs fixs par le commandement. Appel galement logistique oprationnelle, il est compos de douze domaines et sarticule en deux volets : ladministration32 et la logistique33. Le soutien des oprations sappuie sur une logistique amont sur le thtre national incluant les acheminements inter-thtres et sur une logistique aval sur le thtre doprations. Place sous la responsabilit des tats-majors et directions relevant de ladministration centrale, la logistique amont sappuie sur une organisation nationale, allant des tablissements, des dpts et des hpitaux dinfrastructure jusqu la base logistique interarmes de thtre. La logistique aval repose sur une organisation interarmes, souvent multinationale, adapte au thtre. Elle est place sous lautorit du COMANFOR qui dispose dun adjoint soutien interarmes ASIA dans le cas dune opration nationale, ou sous celle dun REPFRANCE qui en dlgue son excution un ADCONFRANCE dans celui dune opration multinationale. Le fonctionnement optimal de cette chane repose sur une organisation rigoureuse des acheminements, entre territoire national et thtre, pour tablir et entretenir les trois flux indispensables au soutien dune opration : les flux physiques (personnel et ressources), financiers et dinformations.
31 PIA 04.201 : doctrine interarmes du soutien en oprations. 32 Les domaines de ladministration sont : soutien administratif, soutien juridique, soutien financier. 33 Les domaines de la logistique sont : acheminements, soutien des matriels, soutien sant, soutien de lhomme, soutien ptrolier, soutien au stationnement, hygine et scurit en oprations, condition du personnel en oprations, protection de lenvironnement.
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312. La simultanit des engagements sur diffrents thtres Le nouveau contexte des oprations se caractrise par une simultanit des engagements qui rend plus complexe lorganisation, la conduite et lexcution du soutien. La dispersion des moyens sur plusieurs thtres et la rarfaction de la ressource imposent doptimiser les capacits logistiques. Les consquences en sont la mise en uvre dune politique des flux tirs qui rpond au principe de stricte suffisance du besoin exprim par le consommateur de la ressource et la centralisation du soutien des brigades au sein dun groupement de soutien divisionnaire.
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313. Une problmatique gographique complexe Lvolution gostratgique a largi ltendue des zones probables dengagement. La diversit gographique et lloignement des thtres doprations affectent lexcution du soutien et rclament de la part de la logistique une capacit dadaptation accrue. La logistique doit faire preuve de pragmatisme en sadaptant aux contraintes physiques imposes par le milieu aussi bien dans la construction et la mise en place de ses dispositifs que dans le choix de ses modes daction pour soutenir un corps expditionnaire. Ainsi, le recours chaque fois que possible au soutien fourni par les nations htes ou issu des marchs locaux ou des contrats, ainsi que la constitution de stocks de scurit sont des options efficaces pour tenir compte des alas climatiques et rduire les cots lis aux acheminements durgence vers des thtres loigns.
314. Des zones urbaines omniprsentes Les zones urbaines ont une importance particulire. Elles sont autant le lieu des affrontements avec un adversaire asymtrique, que celui de stationnement de la Force. Les confrontations en zone urbaine incitent dcentraliser les responsabilits et lexcution du soutien et les confier aux bas chelons pour prserver la libert daction des lments tactiques au contact. Peu favorable la logistique, le centre ville reprsente une menace pour ses units peu mobiles34 et faiblement protges et rend difficile son action qui rclame stabilit et espace. En agglomration, seul lengagement de moyens blinds chargs dassurer essentiellement la mdicalisation de lavant et le ravitaillement indispensable pour maintenir lautonomie des units au contact sera envisag. La priphrie et les approches de la ville offrent, a contrario, des infrastructures35 souvent adaptes aux activits logistiques et limplantation des bases de soutien.
34 En raison du gabarit imposant de la plupart de leurs moyens. 35 Infrastructures de communication qui facilitent les activits logistiques (routes, ports, aroports).
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315. Le caractre multinational des engagements Le cadre multinational des engagements est devenu la norme car il renforce la lgitimit dune opration. Que ce soit au sein dune alliance militaire ou dune coalition de circonstance, les nations participantes y trouvent la possibilit de rpartir les cots humain et financier gnrs par toute opration militaire. Bien que la logistique soit une responsabilit nationale, elle devient une responsabilit collective dans le cadre dune opration multinationale. La multinationalit permet denvisager le recours une organisation commune de la logistique dans les domaines qui sy prtent, au profit des contingents qui le souhaitent. Une telle ventualit reste nanmoins subordonne une concertation entre toutes les parties prenantes pour mettre en place une organisation du soutien qui soit rpartie, rationnelle et adapte la nature de lopration et qui repose sur une base administrative, juridique et financire.
316. Prennit des principes de la logistique La logistique, comme partie intgrante de la manuvre, sappuie sur les principes de la guerre. La mise en place dune autonomie initiale suffisante sinscrit dans le respect du principe de libert daction. Lentretien des niveaux de ressources sur le thtre se conforme en outre aux autres principes de concentration des efforts et dconomie des moyens par le contrle de lemploi des ressources, leur gestion centralise au niveau opratif national et labsence dlment de soutien lchelon de la brigade.
Trois postulats majeurs rgissent la logistique :
il nexiste pas de manuvre logistique intrinsque, le soutien sintgre dans la manuvre densemble et doit en adopter les principes dorganisation. En consquence, il nexiste pas de solution immuable pour lorganisation du soutien. Chaque opration repose sur un systme de soutien adapt et flexible ; la logistique na pas le pouvoir de dterminer les modes daction, cependant elle peut en interdire certains ; il ny a pas de performance logistique sans anticipation. Il faut rechercher le temps davance. Ceci nest que la traduction logistique du principe de libert daction.
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Le soutien des oprations sappuie pour cela sur neuf principes36. Si le continuum des oprations ne remet pas en cause les principes prennes de la logistique en oprations, une nouvelle hirarchie se dessine.
Lanticipation demeure indispensable compte tenu de la centralisation de
la ressource et des difficults gographiques voques prcdemment. Les engagements actuels confrent en outre une importance particulire aux principes de modularit, de flexibilit et dinteroprabilit. En effet, seul leur respect scrupuleux garantit la capacit de soutenir dans un cadre multinational des units de taille trs variable souvent dissmines sur le thtre et de maintenir une aptitude la rversibilit des dispositifs et des modes daction. A contrario, la disparition des notions davant et darrire et ladoption par la Force dun dispositif plus statique imposes par le contrle du milieu en phase de stabilisation, diminuent la pertinence du principe dallgement de lavant.
36 Unicit de lorganisation, unit daction, cohrence de lconomie gnrale des forces, modularit, flexibilit, interoprabilit, anticipation, allgement de lavant, unicit et centralisation de la ressource
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Le passage de la phase dintervention la phase de stabilisation conduit la logistique passer dune logistique de combat une logistique du soldat. Cette volution se traduit par lmergence de trois nouveaux domaines logistiques : la condition du personnel en oprations, la protection de lenvironnement et lhygine et la scurit en oprations. En phase de stabilisation, la Force inscrit sa prsence dans la dure. Les conditions et le rythme de vie de ses membres se normalisent. Dans ce nouveau contexte, la condition du personnel en opration (CPO) prend une importance accrue, traduite par la mise en place dun dispositif destin prserver le moral (amlioration des conditions de vie, information, culture, sport, moyens de communication, etc.). De mme, loccupation prolonge demprises, prtes ou loues, conduit reconsidrer la politique de stationnement. En effet, la perspective de restituer les zones occupes lors du dsengagement, impose de porter une
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attention toute particulire la prservation de lenvironnement pour viter tout contentieux. Enfin, en phases de stabilisation et de normalisation, quand les conditions de travail au sein des bases logistiques sapparentent celles du temps de paix, la mise en uvre indispensable de rgles de scurit du travail fait de la question de lhygine et de la scurit en opration (HSO) un nouveau domaine part entire de la logistique.
La part croissante de ladministration
Le caractre multinational des engagements et la dure de la prsence sur le thtre conduisent naturellement donner une importance plus grande ladministration, notamment aux domaines juridiques et financiers. La ncessit de devoir vivre pendant une longue priode sur un thtre, au sein dune socit dont le droit devient prpondrant, largit le spectre des questions juridiques auxquelles la Force doit rpondre. Rglement de contentieux, tablissement de contrats locaux, achats effectus sur le march local, accompagnement de la dmarche dexternalisation du soutien, recrutement de main duvre locale soumise au droit du travail et la lgislation sociale du pays, tablissement de baux et application de la rglementation douanire prennent une part croissante parmi les missions des cellules administratives des organismes logistiques dploys. Le caractre multinational des oprations et le dveloppement de la coopration logistique entre nations participantes donnent une sensibilit particulire aux aspects financiers. Dans ce contexte, la prservation des intrts nationaux et des deniers publics place la question des compensations et des remboursements des cots partags entre les nations au centre des proccupations de la logistique. Le soutien aux populations La place prpondrante des zones urbanises densment peuples confre la population une attention particulire de la part du commandement. Si lors de la phase dintervention elle peut tre perue comme un facteur pouvant affecter le droulement des oprations voire le contrarier, en phase de stabilisation, elle devient un lment dterminant du succs.
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Ds lors, la logistique peut intervenir pour amliorer les conditions de vie de la population. Les domaines du soutien sant, de lacheminement, du soutien au stationnement et du soutien de lhomme (eau et alimentation...) apportent alors une contribution non ngligeable. Cette mission, consommatrice de moyens, doit cependant tre incluse au plus tt dans la planification afin den rduire limpact sur la capacit globale de la logistique soutenir la Force, ce qui doit rester sa raison dtre. La diversification des modes daction logistiques La prsence prolonge de la Force et la volont de rentabiliser lemploi de la main duvre favorisent le recours de nouveaux modes daction logistiques telle que la contractualisation du soutien. Cette ouverture lexternalisation et au recours la sous-traitance rpond plusieurs objectifs. Elle permet de librer des capacits militaires et par le recours des socits spcialises, de rechercher une efficience accrue du soutien. Lexternalisation par lutilisation raisonne de ressources locales ou frontalires, reprsente en outre un facteur important dacceptation de la Force, par laide conomique quelle apporte en complment. Malgr les avantages offerts par la contractualisation, il appartient la logistique dadopter un systme suffisamment souple pour pouvoir faire face une ventuelle dgradation de la situation scuritaire, par un retour aux schmas adopts en phase dintervention. Enfin, la dimension multinationale laisse une place plus grande la coopration logistique entre les nations contributrices permettant ainsi une optimisation des moyens et des services dans le cadre daccords techniques pralables. 323. Des exigences plus fortes Une indispensable protection de la logistique La vulnrabilit de la logistique est aggrave par le cumul dune menace diffuse et dun espace lacunaire souvent tendu. Les convois reprsentent en outre, une cible privilgie pour limpact psychologique des destructions sur le moral de la Force et celui de la population, mais aussi pour les consquences sur les capacits oprationnelles.
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La protection de la logistique prsente donc un caractre imprieux. La cration de bases logistiques multinationales permettant la mise en commun de moyens ddis leur protection, constitue une solution possible. En outre, il importe que les missions descorte soient de vritables missions de combat effectues avec des vhicules adapts. A cet effet, des moyens doivent tre ddis la protection des convois logistiques ds la gnration de la Force pour viter les prlvements sur les groupements tactiques.
Un dispositif flexible adapt au besoin Le dispositif rsulte dun compromis permanent entre lallgement des chelons de combat, la stabilit des implantations de soutien et la dure des boucles37. En phase dintervention, les dlais de transit de la mtropole au thtre mais galement la dure des boucles sur le thtre ncessitent, avant le dclenchement de lopration, la constitution de stocks importants et lactivation de structures mdicales non seulement en zone des communications, mais aussi en zone tactique dans des bases logistiques intermdiaires38. En phase de stabilisation, lvolution des modes daction et du besoin logistique de la Force conduit une r-articulation du dispositif de soutien. Elle se traduit chaque fois que possible, par la suppression de la base logistique terre et par ladoption dun mode de soutien de type zonal. Nanmoins pour anticiper une ventuelle dgradation de la situation, la rversibilit impose le maintien de deux chelons - opratif et tactique ventuellement co-localiss ou partiellement mutualiss.
Le renseignement Il existe un besoin spcifique et systmatique en renseignement caractre logistique. La connaissance dtaille des infrastructures portuaires et aroportuaires ainsi que des rseaux de communication de toutes natures
37 Boucle : trajet aller et retour entre deux bases logistiques. 38 Base logistique terre, base logistique divisionnaire.
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dun thtre potentiel a toujours t indispensable la planification et la prparation dune intervention militaire. La perspective dun stationnement de longue dure sur un thtre impose galement la connaissance aussi prcise que possible de son tissu industriel et commercial. La logistique peut aussi contribuer la collecte du renseignement tactique. Les rapports frquents du logisticien avec la population et le milieu des entreprises, le nombre important de convois circulant sur le thtre permettent la logistique de recueillir de linformation dambiance et ainsi de complter laction des units.
multinationale et contractuelle qui saccompagne dune diversification des modes daction et dun largissement de son champ dapplication. Linscription dans la dure des nouveaux engagements largit le primtre de la logistique oprationnelle. Elle rserve ainsi une place plus importante ladministration et aux trois domaines mergents : la condition du personnel en oprations, lhygine et de la scurit en oprations, la protection de lenvironnement. Les moyens logistiques contribuent galement au soutien de la population qui est un enjeu majeur. La protection des moyens, ladaptation du dispositif et lacquisition dun renseignement caractre logistique sont des impratifs essentiels respecter pour lefficacit du soutien.
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Premire partie
EMPLOI DES FORCES ARMES
ET NOUVELLES CONDITIONS DES OPRATIONS
11. APPRHENDER LE BROUILLARD DE LA GUERRE ...................... 8 111. Le facteur humain ......................................................... 8 112. Les frictions du champ de bataille ................................ 10 12. LE CADRE DES INTERVENTIONS MILITAIRES ............................ 11
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Deuxime partie
PRINCIPES PRENNES DE LA GUERRE ...
PROCDS NOUVEAUX
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11. LA LIBERT DACTION ......................................................... 28 12. LA CONCENTRATION DES EFFORTS ....................................... 30 13. LCONOMIE DES MOYENS ................................................... 31 14. DES COROLLAIRES NOUVEAUX ............................................. 32
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22. LA MANUVRE GLOBALE POUR LES FORCES TERRESTRES ...... 37 221. Les principes de la manuvre globale ............................ 37 222 La recherche des points dcisifs ....................................... 39 23. LA PERCEPTION DU BROUILLARD DE LA GUERRE ................. 231. Lintelligence de lintention adverse ............................... 232. La rflexion .................................................................... 233. Lutilisation de lincertitude .......................................... 234. Lemploi des forces rserves ........................................... 41 41 41 46 47
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Troisime partie
PRINCIPES TACTIQUES
DES OPRATIONS TERRESTRES
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12. LES EXIGENCES DE LA MANUVRE ....................................... 55 121. Le renseignement ............................................................. 55 122. Le soutien ........................................................................ 56
14. PRODUIRE LES EFFETS - EFFORT ET CONSOLIDATION ......... 58 15. LUTILISATION DE LESPACE .................................................. 61 151. Organisation du thtre doprations ............................. 61 152. Organisation de lespace tactique en phase dintervention .. 63 153. Evolution de lespace en phase de stabilisation ............... 64
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21. LE CADRE OPRATIF ........................................................... 67 22. LES MODES TACTIQUES DES FORCES TERRESTRES .................. 221. Loffensive ...................................................................... 222. La dfensive ................................................................... 223. La scurisation ............................................................... 224. Lassistance ..................................................................... 68 68 76 82 90
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96 97 97 98 98
32. LES VOLUTIONS DE LA LOGISTIQUE .................................... 99 321. Le continuum du soutien des oprations ......................... 99 322. Un primtre largi .........................................................100 323. Des exigences plus fortes .................................................. 102