HISTOIRE ANCIENNE de l'AFRIQUE DU NORD-par Stéphne Gsell-Tome 4
HISTOIRE ANCIENNE de l'AFRIQUE DU NORD-par Stéphne Gsell-Tome 4
HISTOIRE ANCIENNE de l'AFRIQUE DU NORD-par Stéphne Gsell-Tome 4
MEMBRE DE L’INSTITUT
PROFESSEUR AU COLLÈGE DE FRANCE
HISTOIRE ANCIENNE
DE
L’AFRIQUE DU NORD
TOME IV
LA CIVILISATION CARTHAGINOISE
PARIS
LIBRAIRIE HACHETTE
79, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 79
1920
Livre numérisé en mode texte par :
Alain Spenatto.
1, rue du Puy Griou. 15000 AURILLAC.
[email protected]
http://www.algerie-ancienne.com
L’AFRIQUE DU NORD
— IV —
LIVRE PREMIER
HISTOIRE ÉCONOMIQUE DE CARTHAGE
CHAPITRE PREMIER
AGRICULTURE
II
III
il les aurait fait planter par ses soldats, dont l’oisiveté lui aurait
paru dangereuse pour la République et pour leurs chefs. Si ce
n’est pas une pure légende, on peut supposer que ces olivettes
furent créées dans le Byzacium, pendant les quelques mois qui
s’écoulèrent entre le retour du Barcide en Afrique et le début
de ses opérations militaires contre Scipion, alors qu’Hadrumè-
te était son quartier général(1). Cent cinquante ans plus tard, le
Byzacium produisait de l’huile en grande abondance(2). Plus au
Sud, près de l’île de Djerba, Zita, Zeitha, ville et promontoire
mentionnés dans des documents de l’époque romaine, parais-
sent avoir emprunté leur nom au nom phénicien de l’olivier(3).
Vers 350 avant J.-C., les gens de Djerba faisaient de
l’huile, mais ils la tiraient, au dire du Pseudo-Scylax, d’oli-
viers sauvages(4). Quant aux Carthaginois, ils ne durent pas
s’abstenir de greffer les sauvageons qu’ils rencontraient en
tant de lieux. Timée nous apprend(5) que, dans l’île de Pityuse
(Ibiça), colonisée par eux, des oliviers sauvages avaient été
greffés. Un passage, d’ailleurs obscur, de Pline indique pour
cette opération un procédé qui était propre à l’Afrique(6) peut-
être est-ce un emprunt à Magon.
Celui-ci est expressément cité à propos des règles à suivre
pour constituer une olivette. Il recommandait de faire la plan-
tation des oliviers entre l’équinoxe d’automne et le solstice
d’hiver, sur les coteaux, dans les terrains secs, argileux ; depuis
la moisson jusqu’au solstice, sur les sols gras et humides(7).
Et Pline ajoute : « On comprend qu’il avait prescrit cela pour
l’Afrique » : les agriculteurs d’Italie préféraient le printemps(8).
____________________
1. Voir t. III, p. 244, 254-5.
2. Bell. Afric., XCVII, 3. Conf. Plutarque, Vie de César, 55.
3. T. I, p. 238, n. 8 ; t. II, p. 124.
4. § 110 (p. 87). Le produit en huile des oliviers sauvages étant très mince, il fallait
que ces indigènes eussent un grand nombre d’arbres à leur disposition.
5. Apud Diodore, V, 10, 2.
6. XVIII, 129.
7. Columelle, De arbor., 17, 1. Pline, XVII, 128.
8. En Algérie, on plante aux mois d’octobre-novembre en coteau et sur un soi sec.
AGRICULTURE 29
IV
VI
CHAPITRE II
INDUSTRIE
II
couverte d’un voile(1), assises sur un trône, les mains sur les ge-
noux ; des femmes debout, rigides comme des momies, mais
dont la coiffure et le costume sont grecs(2), — plusieurs pres-
sent sur leur sein une colombe(3) ou un disque(4) ; — des Aph-
rodites tenant d’une main une colombe et de l’autre un pli de
leur vêtement, statuettes creuses, surmontées d’un goulot, qui
servaient de flacons(5). Le commerce répandit ces terres cuites
dans presque toutes les contrées méditerranéennes. Celles que
contiennent les tombes anciennes de Carthage paraissent bien
être de véritables produits grecs. Cependant on se mit à les con-
trefaire(6). On continua même à une époque où les Grecs avaient
délaissé le style archaïque : ce qu’attestent quelques figurines
mal venues, trouvées dans des sépultures des IVe-IIe siècles(7).
____________________
1. M. Lavig., I, p. 99-100, pl. IV, fig. 3-6. En Sardaigne : Perrot, III, p. 425, fig.
299. Conf. Winter, p. 43, n° 2 ; p. 51, n° 2.
2. M. Alaoui, Suppl., p. 145, n° 138, pl. LXXVI, fig. 2. Gauckler, pl. CLXXIII. Voir
aussi M. Lavig., I, p. 122-3, pl. XIX, fig. 1. Conf. Winter, p. 42, n° 5 ; p. 105, nos 2 et 3.
3. Gauckler, p. 249-250, pl. CLXXV, fig. 2 et 2 bis. En Sardaigne : Perrot, III, p.
451, fig. 323.
4. M. Lavig., I, p. 111-2, pl. XVI, fig. 9. Grande figurine, trouvée récemment à Car-
thage (C. r. Acad. Inscr., 1918, p. 261) ; la conservation des couleurs est remarquable. Cet
objet grec du VIe siècle avait été déposé dans une tombe plus récente. A Pantelleria : Orsi.
Mon. dei Lincei, IX, p. 529, fig. 63. En Sardaigne : Perrot, III, p. 418, 290 ; p. 451, fig. 324
; Patroni, Mon, dei Lincei, XIV, p. 191, pl. XVIII. Pour le type, conf. Winter, p. 17, n° 6.
5. M. Lavig., I, p. 123-5, pl. XIX, fig. 2 et 3. Conf. Winter, p. 41, 42, 105. Ces
vases-statuettes ont été probablement fabriqués à Samos, dans la première moitié du VIe
siècle : voir Lechat, Rev, des études grecques, XII, 1899, p. 477-9 (d’après Winter). —
Une déesse assise, tenant sur ses genoux une enfant divine, est certainement de fabrica-
tion grecque : M. Alaoui, Suppl., p. 145, n° 136, pl. LXXVI, fig. 3 ; Gauckler, p. 477-8,
498, pl. CLXIV. — J’attribuerais volontiers à un centre grec oriental (je ne sais lequel)
des figurines représentant un personnage grotesque, qui rappelle le dieu égyptien Bès ;
il a les jambes ployées et il tient des deux mains son ventre, très arrondi, qui paraît être
entouré d’une ceinture. Des exemplaires ont été trouvés, non seulement à Carthage (M.
Lavig., I, p. 110-1, pl. XVI, fig. 8), mais dans diverses villes grecques (Boehlau, Aus io-
nischen und italischen Nekropolen, Leipzig, 1898, p. 155-6 ; Winter, p. 213).
6. Perrot (l. c., p. 452-3) et M. Patroni (Mon, dei Lincei, XIV, p. 192) sont disposés
à admettre l’existence d’ateliers en Sardaigne.
7. Merlin et Drappier, Ard el-Kheraïb, p. 63 ; Boulanger, M. Lavig., Suppl., I, p.
20-23, pl. IV, fig. 1 et 2 : à Carthage. On en a trouvé aussi en Sardaigne, dans la Sicile
phénicienne (Taramelli, Mon. dei Lincei, XXI, p. 129-132, fig. 36-39 ; Boulanger, l. c., p.
21), peut-être à Malte (Mayr, Silzungsber. der bayer. Akad., Philos.-philol. Klasse, 1905,
p. 484, n. 2).
68 HISTOIRE ÉCONOMIQUE DE CARTHAGE.
III
IV
VI
CHAPITRE III
COMMERCE(1)
II
le premier traité assure aux Romains tous les droits dont jouis-
sent les Carthaginois(1). C’est, on le voit, la clause que, plus
tard, le second traité applique à la ville de Carthage; en même
temps, il la renouvelle pour la Sicile(2). Pourquoi cette faveur
accordée dans l’île aux Romains dès la fin du VIe siècle, et
maintenue au IVe, alors que des mesures contraires étaient
adoptées en Sardaigne et en Afrique ? Les Romains avaient-
ils réclamé, dans les ports phéniciens de la, Sicile, les mêmes
facilités d’accès et de trafic que dans les ports grecs ? ou la
participation à des avantages que les Carthaginois auraient
consentis aux Grecs, pour obtenir de ceux-ci des avantages
réciproques(3) ? La liberté des relations commerciales était-
elle un privilège concédé par Carthage à ses vassaux et sujets
siciliens, qu’elle traitait avec quelques ménagements(4) ? Il est
malaisé de choisir entre ces hypothèses(5).
La piraterie a commencé dans la Méditerranée avec la
navigation ; elle y a sévi, d’une manière plus ou moins intense,
jusqu’au XIXe siècle, et c’est sur les côtes barbaresques qu’el-
le eu ses derniers repaires. Les Carthaginois s’y adonnaient(6),
____________________
1. Polybe, III, 22, 10.
2. Le même, III, 24, 12.
3. Ces avantages faits aux Grecs n’auraient peut-être été accordés qu’à regret ;
peut-être même auraient-ils été révoqués peu d’années après la conclusion du premier
traité entre Rome et Carthage. Hérodote (VII, 158) fait dire à Gélon, tyran de Syracuse,
répondant en 480 à des Grecs qui lui demandent son appui contre Xerxès : « Lorsque je
vous ai proposé de rendre libres ces marchés qui vous procuraient de grands avantages
et de grands profits, vous n’êtes pas venus m’assister, etc. » On ne voit pas clairement de
quoi il s’agit. Étaient-ce des marchés grecs, sur lesquels les Phéniciens auraient mis la
main, après l’échec de l’entreprise de Dorieus dans l’Ouest de l’île (t. I, p. 431-2 ; conf.
Pareti, Studi siciliani ed italioti, p. 98-100) ? Ou bien des marchés phéniciens, qui, long-
temps ouverts aux Grecs, leur auraient été fermés ? En tout cas, Gélon, vainqueur des
Carthaginois, dut les contraindre à rétablir l’ancien état de choses.
4. Conf. t. II, p. 311.
5. On conserve à Palerme une dédicace grecque à Aphrodite par un Marseillais
(Inscr. Graecae, XIV, 295). Elle peut être antérieure au milieu du IIIe siècle. Mais il n’est
pas sûr qu’elle ait été trouvée en ce lieu.
6. Les vaisseaux semblables à des navires de guerre que possédaient des particu-
liers devaient servir à la piraterie : voir t. II, p. 444, n. 1.
126 HISTOIRE ÉCONOMIQUE DE CARTHAGE.
comme leurs alliés les Étrusques, comme les Grecs, les Latins,
les Ligures, les Lipariens et d’autres encore(1). Ces brigands ne
se contentaient pas d’arrêter les navires qu’ils rencontraient ; ils
faisaient des descentes à terre ; ils formaient souvent des flottes
assez puissantes pour attaquer et rançonner les villes. Les États
mêmes ne se faisaient pas scrupule d’agir ainsi envers les peu-
ples avec lesquels ils n’étaient pas liés par des traités.
Carthage ne pouvait tolérer de tels crimes quand ils s’exer-
çaient contre ses marchands et ses possessions ; quand ils mena-
çaient de tarir les ressources des pays qu’elle prétendait exploi-
ter. Elle employa évidemment sa marine de guerre à la protection
des routes commerciales et des ports, à la police préventive et
répressive. Les coupables qui se laissaient prendre étaient châ-
tiés avec une sévérité exemplaire, même quand un long temps
s’était écoulé depuis leurs méfaits(2). Pour la défense des côtes,
furent élevées de nombreuses tours(3), qui surveillaient le large
et échangeaient des signaux d’alarme(4). Beaucoup de ces vi-
gies subsistaient en Afrique et en Espagne sous la domination
romaine : on les appelait volontiers « tours d’Hannibal »(5), nom
_____________________
1. Certains chefs de pirates, qui opéraient dans les eaux de Sicile et d’Italie, furent
célèbres : par exemple, au début du Ve siècle, Denys de Phocée, terreur des Carthaginois
et des Étrusques (Hérodote, VI, 17) ; au milieu du IVe, Postumius d’Étrurie (Diodore,
XVI, 82, 3).
2. Aristote, Rhétorique, I, 12, 18 : « La punition n’est que tardive, comme elle le
serait pour des gens qui auraient pillé les Carthaginois. » Il y a là une allusion à quelque
proverbe.
3. Comme au XVe siècle, sur les côtes européennes de la Méditerranée occiden-
tale, contre les pirates barbaresques.
4. Pour ces vigies, voir Pline l’Ancien, II, 181, et XXXV, 169 : en Afrique et en Es-
pagne ; Bell. Africum, XXXVII, 14 : dans la région d’Hadrumète ; Tite-Live, XXII, 19, 6 :
en Espagne ; Strabon, VI, 2, 1, in fine; conf. Plutarque, De communibus notitiis, 44 (Mora-
lia, Didot, II, p. 1325) : en Sicile ; Pseudo-Scylax, 111, p. 89 : dans l’île de Lampédouse,
entre Malte et l’Afrique. M. Patroni (Mon. dei Lincei, XIV, p. 126-130, pl. VIII et IX, fig.
1) a cru reconnaître les ruines d’une tour de guet phénicienne à l’extrémité de la péninsule
de Nora, en Sardaigne. — Pour l’emploi de feux comme signaux : Pline, II, 181 (tours
d’Hannibal) ; voir aussi Polyen, VI, 16, 2 (entre la Sicile et Carthage ; il ne s’agit pas dans
ce texte de mesures contre la piraterie; du reste l’indication n’est pas vraisemblable).
5. Pline, ll. cc. Il faut probablement expliquer de même la mention d’un Monu-
mentum Anibal (sic), sur la côte africaine, non loin d’Hippone : Géographe de Ravenne,
COMMERCE 127
III
Dans les lieux que nous venons d’énumérer, bien plus nom-
breux sont des objets semblables aux produits de l’industrie
punique : vases en terre cuite, bijoux, amulettes, verroteries,
ustensiles en métal, œufs d’autruche ouvrés, etc. Beaucoup
ont été sans doute importés de Carthage. Mais d’autres ont pu
être fabriqués sur place ou dans quelque ville voisine.
Dans les colonies de Sardaigne, surtout à Tharros, on
connaît des tombes antérieures au temps où l’île fut fermée
au commerce étranger. Cependant, les objets grecs y étant
en petit nombre, il est possible qu’ils aient été apportés par
des navires phéniciens(1). Quant aux objets phéniciens, les
uns peuvent avoir été faits en Sardaigne même, d’autres pro-
venir de la Phénicie, ou bien de Carthage. En général, nous
ne saurions choisir entre ces hypothèses; la première est très
vraisemblable, non seulement pour la majeure partie des po-
teries(2), marchandise commune et d’un transport assez diffi-
cile, mais aussi pour les pierres fines, ornées de gravures(3).
En Espagne, dans la vallée du Guadalquivir(4) et sur la côte
méridionale(5), des sépultures datant des VIIe-VIe siècles avaient
reçu des morts qui appartenaient à une population indigène, mais
auprès desquels on avait déposé des objets phéniciens plaques
et peignes gravés, en ivoire ou en os, œufs d’autruche gravés et
peints, bijoux, poteries. Mais il se peut que tout cela ait été fa-
briqué soit en Orient, soit à Gadès, et vendu par des marchands
de cette ville ou de Tyr, et non de Carthage(6).
Dans l’Afrique du Nord, des tombes contemporaines de la
____________________
1. On a aussi découvert quelques vases grecs des VIIe-Ve à Malte et à Pantelleria (voir
p. 155, 156, 157, n. 3-4). Il n’est pas vraisemblable qu’ils aient passé par Carthage. Ils ont dû
être apportés de Sicile, soit sur des vaisseaux grecs, soit sur des vaisseaux phéniciens.
2. Voir p. 58, n. 2 et 4.
3. Supra, p. 94.
4. Autour de Carmona : voir t. I, p. 441, n. 3. A Osuna : Engel et Paris, Nouv. Arch.
des missions, XIII, p. 480-4, pl. XXXIX et XL.
5. A Herrerias et, près de là, à Villaricos (les plus anciens tombeaux de ce lieu) :
voir t. I, p. 441, n. 4.
6. Conf. P. 100.
COMMERCE 133
des vêtements et des cuirs. Les laines très fines d’Ibiça(1) de-
vaient être recherchées par les tisserands puniques. A Cartha-
ge, on apportait aussi de la pourpre, des défenses d’éléphants,
des veufs et probablement des plumes d’autruches, des peaux
d’animaux sauvages : toutes choses qui se trouvaient en Ber-
bérie. Des pierres précieuses, escarboucles et grenats, étaient
recueillies chez les Masæsyles(2) et les Nasamons(3) : les Grecs
les appelaient pierres carthaginoises, du nom de la ville où ils
les achetaient(4). Pour les céréales récoltées sur le territoire li-
byque et en Sardaigne, les prélèvements de l’État réduisaient
beaucoup le rôle des négociants en grains(5). Les salaisons
que l’on préparait dans les stations de pêche africaines et es-
pagnoles donnaient lieu à un trafic assez important(6).
Matières premières et, dans une mesure beaucoup moin-
dre, denrées alimentaires, tels étaient les produits tirés par les
Carthaginois de leur domaine colonial. L’industrie qui s’était
faiblement développée dans quelques villes côtières faisait ap-
point, et non concurrence aux importations de la capitale ; elle
ne répondait qu’à des besoins locaux ou régionaux, sauf les bel-
les étoffes de Malte, dont la renommée s’étendait au loin(7) et
que l’aristocratie punique appréciait certainement. La présence
d’un vase espagnol dans une tombe creusée au lue siècle près de
Bordj Djedid(8) ne suffit pas pour faire admettre que Carthage se
soit largement approvisionnée de cette céramique barbare(9).
_____________________
1. Diodore, V, 16, 2. Couf. supra, p. 41, n. 7.
2. Strabon, XVII, 3, 11 : λίθους ... τούς λυχνίας χαί χαρχηδονίους λεγομένουςι.
3. Pline, XXXVII, 104 : « Carchedonia... nascitur apud Nasamonas Carthaginem
quondam deportabantur ».
4. Théophraste (De lapidibus, III, 18) dit que l’anthrax (il s’agit de l’escarboucle)
vient de Carthage et de Marseille ; conf. ibid., VI, 34 ; Pline, XXXVII, 92. Voir à ce sujet
Tissot, Géographie, I, p. 269-270.
5. Supra, p. 49.
6. Voir p. 51-52. Pour ce trafic, il faut sans doute aussi tenir compte des pêcheries
de Sardaigne.
7. Supra, p. 104.
8. Boulanger, Musée Lavigerie, Suppl., I, p. 61-62, pl. IX, fig. 1.
9. On peut noter aussi la découverte, dans un tombeau de Douimès, d’un objet
138 HISTOIRE ÉCONOMIQUE DE CARTHAGE.
IV
même de ses colonies. Mais ils n’y ont laissé que des traces
insignifiantes ou incertaines. Quelques vases, fort communs,
exhumés à Marseille, ont un aspect phénicien(1). A Ampurias,
au pied des Pyrénées, ce sont des objets peu nombreux et sans
valeur, poteries et amulettes en faïence égyptienne (si on les
a bien trouvés en ce lieu)(2) ; à Monaco, des monnaies puni-
ques(3), qui pourraient y avoir été introduites après le milieu
du IIe siècle. Une célèbre inscription(4), — tarif de sacrifices,
— exhumée sous la cathédrale de Marseille, a été gravée à
Carthage(5), et il n’est pas vraisemblable qu’elle ait pris place
dans un temple qu’auraient élevé des métèques carthaginois,
domiciliés dans la colonie phocéenne(6) ; cette pierre africaine
a pu servir, nous ne savons quand, de lest à quelque vais-
seau et être abandonnée sur la côte de Provence(7). Une autre
inscription punique(8), épitaphe d’une prêtresse, est sortie de
terre, il y a quelques années, à Avignon ; mais il n’est pas in-
terdit de croire qu’on l’avait apportée de Tunisie très peu de
temps auparavant (9).
En Étrurie, dans le Latium, en Campanie, des tombes, ap-
partenant pour la plupart au VIIIe siècle et à la première moitié du
VIIe(10), contenaient des objets de style oriental, qui avaient été
____________________
1. Clerc (et Pottier), Revue historique de Provence, I, 1901, p. 267-9.
2. Kahrstedt, p. 126.
3. Héron de Villefosse, Bull. des Antiquaires de France, 1880, p. 114-5 ; 1895, p.
159. Des monnaies puniques ont été découvertes dans quelques autres lieux de la Gaule,
près de Marseille, à Besançon, etc. : voir Blanchet, Revue numismatique, 1909, p. 270.
4. C. I. S., I, 165.
5. Des géologues ont reconnu que la pierre a été tirée d’une carrière de la région
de Carthage.
6. C. I. S., I, p. 238 du t. I ; Blancard, Bull. archéol. du Comité, 1902, p. LXI-LXII
; Vasseur, Bull. de la Société archéol. de Provence, III, 1916, p. 182. Contra : Jullian,
Histoire de la Gaule, I, p. 389, n. 1, et Rev. des études anciennes, XX, 1918, p. 196.
7. Ce qui ne veut pas dire que, depuis ce temps, elle n’ait pas été déplacée. Elle a
été trouvée à plus de trois mètres au-dessus du niveau de la mer (Blancard, l. c.).
8. Rép. d’ép. sém., 1, 360.
9. La pierre est un calcaire noir, africain.
10. Je ne puis adopter les dates plus élevées, proposées par M. Montelius dans son
livre Die vorklassische Chronologie Italiens (Stockholm et Berlin, 1912).
146 HISTOIRE ÉCONOMIQUE DE CARTHAGE.
VI
LIVRE II
MŒURS ET CROYANCES
CHAPITRE PREMIER
II
III
librement(1), tantôt elle était serrée par une ceinture(2). Elle avait
soit de longues et larges manches(3), qui couvraient presque les
mains(4), soit, plus rarement, des manches courtes, qui laissaient
les avant-bras dégagés(5). Nous parlerons plus loin(6) d’une
sorte d’épitoge ou d’étole, que certains personnages portaient
sur l’épaule gauche et qui était probablement un insigne(7). Sur
la tunique, on ne mettait pas, en général, d’autre vêtement(8).
Tertullien(9) parle cependant d’un manteau (pallium) de forme
quadrangulaire, serré autour de la nuque, attaché par des fi-
bules sur les épaules et retombant de chaque côté. Ce man-
teau devait servir par les temps froids et pluvieux(10). Sur une
____________________
« tunicis demissiciis ». Conf., pour les Phéniciens d’Orient, Hérodien, V. 5, 10, et des
monuments figurés, dont quelques-uns sont cités plus bas. — Tertullien (l. c.) dit, au
contraire, que les tuniques des Carthaginois s’arrêtaient à mi-jambe : « neque trams crura
prodigae, nec intra genua inverecundae ». Sur une statuette en terre cuite de Carthage, la
tunique présente un arrangement particulier. Elle est relevée par devant, massée en plis
dans une ceinture, et retombe en pointe sur les cuisses : Gauckler, Nécrop., p. 123, 139,
539 et pl. CCXXXI ; M. Alaoui, Suppl., pl. LXXVII, fig. 2.
1. Sic sur la plupart des monuments. Plaute, l. c., 1008 : « Tu qui zonam non ha-
bes ». Tertullien, l. c. Voir aussi Silius Italicus, III, 236.
2. C. r. Acad. Inscr., 1916, fig. à la p. 28. C. I. S., 138 et pl. XXIX (stèle de Lily-
bée). Conf. en Phénicie : Heuzey, C. r. Acad. Inscr., 1902, p. 201 ; Clermont-Ganneau,
Rec. d’archéol. orientale, V, pl. I-II; Mendel, Musées ottomans, Catal. des sculptures, I,
nos 100 et 101 (p. 256-7) ; Dussaud, Rev. de l’hist. des religions, 1913, II, fig. à la p. 62.
Cette ceinture est souvent dissimulée sous la tunique, qui bouffe au-dessus d’elle.
3. Les tuniques carthaginoises, dit Tertullien (l. c.), n’étaient « nec brachiis parcae,
nec manibus artae ».
4. Polype, XII, 26 a, 3. Aulu-Gelle, VI (VII), 12, 7. C. r. Acad. Inscr., 1901, fig. à
la p. 586. M. Lavig., Suppl., I, pl. V, fig. 8. Conf. en Phénicie : Hérodien, V, 5, 10 ; Perrot
et Chipiez, III, p. 431, 303 ; C. r. Acad. Inscr., 1902, pl. à la p. 200 ; Clermont-Ganneau,
Mendel, Dussaud, ll. cc.
5. M. Lavig., Suppl., I, pl. II, fig. 1 et 3. C. r. Acad. Inscr., 1916, fig. à la p. 28.
6. P. 400.
7. Des tuniques de prêtres étaient ornées d’une bande (infra, p. 400, n. 5), qui ne
paraît pas s’être confondue avec cette épitoge. Il se peut que des tuniques ordinaires aient
reçu un ornement analogue. Strabon (III, 5, 1) dit que les Phéniciens introduisirent dans
les îles Baléares l’usage des tuniques à large bande, χιτώνας πλατυσήμους. Sur une sta-
tuette de Carthage (Gauckler, Nécrop., pl. CCXXXI ; conf. supra, p. 184, n. 17, in fine),
une bande verticale coupe le devant de la tunique, au milieu.
8. Plaute. l. c., 975-6 : « Quel est donc cet oiseau qui nous arrive en tunique ? Est-
ce qu’il a été refait de son manteau au bain ? »
9. L. c.
10. Il semble bien que des hommes, grossièrement représentés sur quelques
186 MŒURS ET CROYANCES.
silence des textes : Plaute n’aurait sans doute pas négligé cette
matière à grosses plaisanteries.
D’autres coutumes orientales furent conservées; par
exemple, les prosternations devant ceux que l’on voulait ho-
norer humble posture qui choquait les Grecs et les Romains(1).
De même que les Phéniciens, les Carthaginois s’abstenaient
de viande de porc(2).
Ils demeurèrent fidèles au vieux calendrier cananéen, que
les Hébreux avaient abandonné lors de la Captivité pour adop-
ter le calendrier babylonien(3). Ils gardèrent la coudée égyp-
tienne, longue de 0 m. 525(4), et ils la répandirent en Afrique,
où, à l’époque romaine, on s’en servait encore partout(5). Leurs
poids, leurs mesures de capacité étaient certainement aussi
d’origine orientale. Nous avons dit(6) que le peu de précision des
poids retrouvés(7) et l’emploi de différents systèmes rendent un
classement malaisé. On peut reconnaître un système, usité en
____________________
1. Polybe, X, 17, 8 ; XV, 1, 6-7. Tite-Live, XXX, 15, 4 (« accepto, credo, ritu ex ea
regione ex qua oriundi erant »); XLII, 23, 10. Appien, Lib., 49. Voir aussi Diodore, XX, 33, 2.
2. Voir supra, p. 44. Pour l’habitude, peut-être empruntée aux Africains, de man-
ger du chien, voir t. I, p. 418.
3. M.-J. Lagrange, Études sur les religions sémitiques, 2e édit., p. 277. F.-K. Gin-
zel, Handbuch der mathematischen und lechnischen Chronologie, II, p. 13-14. Plusieurs
mois du vieux calendrier hébreu sont mentionnés sur des inscriptions phéniciennes, dont
une est punique.
4. De Vogüé (Rev. archéol., 1889, I, p. 172) a cru la retrouver dans les dimensions
des pierres de taille d’un vieux tombeau carthaginois. Selon M. Saladin (Nouv. Arch. des
missions, II, 1892, p. 483-4), elle est l’unité de mesure du mausolée punique de Dougga.
5. Deux coudées égyptiennes sont tracées sur des tables officielles de mesures,
découvertes à Thibilis (Announa) et à Cuicul (Djemila). Les pierres de taille des édifices
romains d’Afrique ont très souvent des dimensions qui correspondent à cette unité métri-
que. Voir Gsell et Joly, Announa (Alger, 1918), p. 78-79. — Sur la table d’Announa, est
tracée une autre coudée, mesurant 0 m. 509. Peut-être est-ce la coudée babylonienne de 0
m. 497, que les Phéniciens auraient également introduite en Afrique.
6. P. 130.
7. Pour ces poids et les systèmes auxquels on peut les rattacher, voir surtout Ba-
belon, Bull. des Antiquaires de France, 1896, p. 106-7 ; Delaltre, dans M. Lavig., I, p.
194-9 (= Rép. d’ép. sém., I, 124) ; le même, Rev. numismatique, 1902, p. 384 ; Hultsch,
Griechische und römische Metrologie, 2e édit., p. 420 et suiv. ; le même, Die Gewichte
des Alterthums (Abhandl. der philol.-hist. Classe der sächsischen Gesellschaft der Wis-
senschaften, XVIII, 1899), p. 48-51, 144-5.
190 MŒURS ET CROYANCES.
IV
VI
VII
CHAPITRE II
LES DIEUX
II
sur un socle commun ; celui du milieu est plus élevé que les
deux autres. Ce sont là des images de pierres sacrées(1). On
a supposé(2) qu’elles se rapportaient à trois dieux, intimement
unis, dont l’un aurait été supérieur à ses deux compagnons.
Des stèles d’Hadrumète, qui offrent deux ou trois groupes de
trois cippes(3), attesteraient l’adoration simultanée de deux, de
trois triades. Hypothèses qu’il ne faut pas présenter comme des
vérités démontrées(4). Si l’on veut les admettre, l’on n’en peut
rien conclure sur la nature et les relations des dieux que repré-
senteraient les cippes : aucune inscription ne nous éclaire(5).
Certains couples étaient-ils formés de deux époux ? Des
triades se modelaient-elles, comme ce fut fréquemment le cas
en Égypte(6), sur la famille humaine : un père, une mère, un
fils ? Nous l’ignorons(7). Y avait-il à Carthage, comme on l’a
soutenu(8), une triade dominant tout le panthéon, composée de
Tanit Pené Baal, de Baal Hammon et d’Eshmoun ? Tanit et
Baal Hammon étaient très probablement les principaux dieux
____________________
1. Dont nous reparlerons : infra, p. 375.
2. Berger, Rev. archéol., 1884, I, p. 209-211. Bérard, Origine des cultes arcadiens,
p. 260.
3. Gazette archéol., l. c. Rev. archéol., l. c. (pl. VI). C. r. Acad. Inscr., l. c.
4. Selon M. Dussaud (Rev. de l’hist. des religions, 1914, I, p. 424), « les stèles à
trois cippes, ne visent pas la triade, mais bien plutôt les trois états des dieux célestes ». —
Faut-il reconnaître une triade d’origine punique dans une sculpture de l’époque romaine,
trouvée à Carthage ? Elle représente un personnage barbu, vêtu d’un pagne et portant sur
ses épaules deux personnages semblables, mais beaucoup plus petits : Babelon, dans M.
Lavig., II, p. 34-35 et pl. VIII ; Audollent, Carthage romaine, p. 642. Je ne sais comment
interpréter ce monument. En tout cas, ce ne sont pas trois dieux bien distincts, associés,
comme on suppose que l’étaient, dans la Carthage punique, Tanit Pené Baal, Baal Ham-
mon et Eshmoun ; c’est un seul dieu, figuré trois fois.
5. Le bas-relief de Carthage mentionné p. 232, n. 4 (début), est accompagné d’une
inscription, mais elle est indéchiffrable.
6. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, I, p. 104-5.
7. Si l’on pense que les trois groupes de trois cippes figurés sur des stèles d’Hadru-
mète représentent neuf dieux, répartis en trois familles, on ne doit pas alléguer, à l’appui
de cette opinion, les ennéades que nous trouvons dans les systèmes théologiques d’Hélio-
polis et d’Hermopolis en Égypte : dans ces ennéades, les dieux n’étaient pas répartis trois
par trois.
8. Berger, Gazette archéol., 1879, p. 135.
234 MŒURS ET CROYANCES.
III
c’est ce qui n’est contesté par personne. Dans les lettres qui
précèdent, on s’accorde aussi à reconnaître le mot phénicien
répondant au mot français « face »(1). Mais quel était le sens
exact du terme « Face de Baal » ?
Les uns(2) y voient un nom de lieu. On a fait observer
que, sur la côte de la Phénicie, il y avait un cap appelé en
grec Θεοΰ Πρόσωπον(3), « Face de Dieu », ce qui était sans
doute la traduction d’un terme sémitique(4). Ce terme existait
en hébreu Penouel, « Face d’El », était le nom qu’avait reçu
un lieu au delà du Jourdain, parce que la divinité s’y était
manifestée(5). Il faudrait donc traduire « Tanit de Penébaal ».
On a même cru pouvoir indiquer l’emplacement de ce Pe-
nébaal. Ce serait une île, appelée Πρόσωπον dans le lexique
d’Étienne de Byzance et située, d’après cet auteur, non loin
de Carthage(6). Zembra et Zembretta, les Ægimures des an-
ciens (à l’Ouest du cap Bon), et l’île Plane (à l’Est du cap Sidi
Ali et Mekki)(7) sont les seuls îlots qui se trouvent à proximité
de la ville. Mais un de ces rochers, jetés à l’entrée du golfe de
Tunis, a-t-il pu être un centre religieux important, le berceau
du principal culte de Carthage(8) ? Si Penébaal était vraiment
un nom de lieu, on serait plutôt tenté de le chercher à Car-
thage même, là où s’élevait le sanctuaire de la déesse.
____________________
Ce qui, remarque Berger (Actes du XIe congrès des Orientalistes, IV, p. 276), semblerait
indiquer une prononciation Phanou.
1. Cependant Euting (Punische Steine, p. 8, dans Mémoires de l’Acad. de St-Peter-
sburg, 1871) a proposé d’interpréter « Perle de Baal », c’est-à-dire « Parure de Baal ».
2. J. Halévy, Mélanges d’épigraphie et d’archéologie sémitiques (Paris, 1874), p.
46. Le même, Mélanges de critique et d’histoire (Paris, 1883), p. 427. Ed. Meyer, Zeits-
chrift der deutschen morgenländ. Gesellschaft, XXXI, 1877, p. 720. Baudissin, Adonis,
p. 23, n. 1.
3. Au Nord de Byblos : Strabon, XVI, 2, 15 et 18.
4. Renan, Mission de Phénicie, p. 145.
5. Genèse, XXXII, 30. Juges, VIII, 8.
6. Édit. Meineke, p. 537: Πρόσωπον, νήσς ού πόρρω Καρχηδόνο. Le rapproche-
ment a été fait par Halévy.
7. Tissot (Géographie, 1, p. 244) voudrait identifier Prosôpon avec l’île Pilau,
voisine du cap Sidi Ali et Mekki, mais située en dehors du golfe de Tunis.
8. Noter cependant que les Italiens appelaient les Ægimures Arae (Virgile, Énéide,
246 MŒURS ET CROYANCES.
parce que, plus que les autres, elle régit notre vie(1). On pour-
rait chercher dans ce texte un témoignage du caractère lunai-
re de la principale divinité de Carthage, s’il méritait quelque
confiance : ce qui semble fort douteux(2).
Un croissant, retourné sur un petit disque, occupe très sou-
vent le sommet des stèles carthaginoises(3). Mais, si le croissant
est évidemment lunaire, il n’est pas incontestable que le disque
représente la pleine lune(4). Il n’est pas certain non plus qu’on
ait tracé cette double image pour indiquer le ou les domaines
dont Tanit aurait été spécialement la maîtresse. Peut-être est-
elle simplement une allusion au ciel et marque-t-elle que Tanit,
et aussi Baal Hammon y résident(5). Peut-être n’a-t-elle même
pas ce sens : elle serait devenue un vague emblème, jeté au ha-
sard sur les monuments religieux. Dans l’Orient comme dans
l’Occident phéniciens, elle figure auprès de divers dieux : par
exemple, Hercule (Melqart)(6), Bès(7), Isis et Horus(8). On la voit
sur des pierres votives de Lilybée(9) et de Cherchel(10), dont la
dédicace ne s’adresse qu’à Baal Hammon(11).
____________________
1. La lune elle-même aurait donc été une divinité chez les Carthaginois. Mais cela
n’est sans doute pas exact. Pour la mention de la lune dans le traité d’Hannibal et de Phi-
lippe, conf. p. 232, n. 1.
2. Le nom d’homme Benhodesh (C. I. S., 637, 1524, etc.) signifie « celui qui est né
à la nouvelle lune », mais ne prouve pas un culte lunaire : conf. Nöldeke, Z. d. d. morgenl.
Gesellschaft, XLII, p. 472.
3. Voir p. 361.
4. Infra, p. 362-3.
5. Conf. Dussaud, Rev. de l’hist. des religions, 1911, I, p. 337.
6. Hachette en cuivre : Delattre, Sainte-Monique, 2e trimestre, p. 21, fig. 44.
7. Scarabées : Perrot et Chipiez, III, p. 422, fig. 295 ; Furtwängler, Die antiken
Gemmen, I, pl. XV, fig. 16 ; de Ridder, Collection de Clercq, VII, pl. XVIII, n° 2777 ;
Delattre, Les tombeaux puniques de Carthage, p. 14.
8. Plaque en bronze : Delattre, C. r. Acad. Inscr., 1900, p. 503. Hachette : ibid.,
1901, p. 595, fig. 14. — Auprès d’un cavalier armé, sur un médaillon en terre cuite du VIe
siècle : M. Lavig., I, pl. XX, fig. 5 (dans cette image, le croissant est dressé). Auprès d’un
satyre, sur un moule plus récent : Bull. arehéol. du Comité, 1916, pl. XXXIV. Etc.
9. C. I. S., I, 138, pl. XXIX du t. I.
10. Gauckler, Musée de Cherchel, pl. II, fig. 4.
11. A l’époque romaine, le croissant, aux cornes dressées, figure au sommet de
stèles dédiées à Saturnus (C. I. L., VIII, 9328-9330, 12388 et suiv., 20852, 20966-7,
20969 a ; Gauckler, Nouv. Arch. des missions, XV, 1907, p. 483 et suiv.v ; Bull. archéol.
250 MŒURS ET CROYANCES.
puniques, dont l’une aurait été Tanit Pené Baal(1) ? Je ne suis pas
disposé à le croire. Le culte de Déméter et de sa fille, quand il
fut introduit à Carthage, y fut célébré selon les rites grecs. Ce
fut sous cette forme qu’il se propagea dans l’Afrique du Nord,
où nous le retrouvons aux premiers siècles de notre ère(2). On
s’est demandé(3) si les Cereres, mentionnées dans de nombreu-
ses inscriptions latines, n’étaient pas la Déméter grecque et
Tanit Pené Baal. Mais rien ne montre que la grande déesse de
Carthage ait été assimilée par les Romains à Ceres(4) ; l’équi-
valent ordinaire était Iuno. Ce que nous savons du culte de
ces Cereres rappelle celui de Déméter et de Coré, non celui de
Tanit(5). Les Cereres qui sont quelquefois associées à Pluton(6)
ne peuvent être que Coré-Perséphone, épouse de Pluton, et la
mère de Coré. Ce pluriel doit sans doute s’expliquer partout de
la même manière : autrement, l’on ne retrouverait en Afrique
que peu de traces de Coré, qui y vint pourtant avec Déméter.
____________________
1. Sur cette question, voir Clermont-Ganneau, Études d’archéol. orientale, I, p.
151-2 ; le même, Rec. d’arch, or., III, p. 186-8 ; Audollent, dans Assoc. franç. pour
l’avancement des sciences, Tunis, 1896, II, p. 802-7 ; en sens contraire, Gsell, Mél. de
l’École de Rome, XVI, 1896, p. 447-8 ; XVIII, 1898, p. 90-91 ; XX, 1900, p. 95 (à cor-
riger d’après ce qui suit). Bibliographie plus complète apud Merlin, C. r. Acad. Inscr.,
1912, p. 354, n. 4.
2. Toutain, Cultes, 1re partie, I, p. 330-1.
3. Audollent, dans Mélanges Cagnat (Paris, 1912), p. 339 et suiv.
4. Dans Virgile (Enéide, IV, 58-59), Didon et Auna offrent des sacrifices
« Legiferae Cereri, Phoeboque, Patrique Lyaeo,
Iunoni ante omnes, cui vincla iugalia curae ».
Selon M. Baudissin (Adonis, p. 304), Cérès représenterait ici Tanit Pené Baal, et
Junon, Astarté. Il se peut que Virgile ait voulu mentionner des divinités qui furent vrai-
ment adorées à Carthage. Mais ne s’agit-il pas de la Déméter grecque, qui y fut introduite
au de but du IVe siècle ? Comme Servius le remarque, l’expression Ceres legifera répond
à Δημήτηρ Θεσμοφόρος (conf. P. Foucart, Les mystères d’Éleusis, p. 62). Le poète ne se
serait pas fait scrupule de commettre un anachronisme, à supposer qu’il s’en soit rendu
compte. Il ne faut pas chercher une exactitude rigoureuse dans ce passage, qui attribue à
la Junon phénicienne le rôle de la Iuno pronuba des Romains.
5. Noter en particulier que, dans l’Afrique septentrionale comme ailleurs, on im-
molait à Déméter-Cérès des porcs (conf. p. 44), victimes que les Phéniciens n’offraient pas
à leurs dieux (Porphyre, De abstin. ab esu animal., I, 14 ; conf. Silius Italicus, III, 22-23).
6. C. I. L., VIII, 1838 = 16498 (j’ai vu cette inscription : il y a Plutoni), 16693.
LES DIEUX. 269
IV
Baal Hammon eût été introduit dans l’île par les Carthagi-
nois. Mais un type d’écriture ancien s’est peut-être maintenu
à Malte plus longtemps qu’ailleurs(1).
En Phénicie, une inscription de Masoub, dans la banlieue
de Tyr, porte les mots B’L HMN(2). Il n’est pas certain qu’ils
désignent le dieu(3) ; on a traduit avec plus de vraisemblance
« les citoyens d’Hammon », nom de lieu(4). Au contraire, un
dieu Baal HMN est indiqué de la manière la plus claire sur
une inscription du IXe siècle, trouvée hors de la Phénicie, à
Sendjirli, à l’Est du golfe d’Alexandrette(5) ; ce texte, gravé
par les soins d’un roi du pays, est rédigé en une langue étroi-
tement apparentée, ou même identique au phénicien.
Sur les inscriptions africaines, l’orthographe HMN est
quelquefois remplacée par HMN(6), ‘MN(7), ‘M’N(8), ‘MN(9),
et même MN(10).
Les avis diffèrent sur la signification de ces lettres HMN,
qui suivent le mot Baal, « le Maître ». Il parait difficile de
croire qu’elles représentent le nom propre d’un dieu, comme
Eshmoun, Cid, Sakkôn, car elles ne se rencontrent pas dans
____________________
1. Conf. p. 182.
2. Rép., III, 1205.
3. Comme le croit M. Clermont-Ganneau, Rec. d’archéol, orientale, I, p. 83.
4. G. Hoffmann, Ueber einige phônikische Inschriften, p. 20 et suiv. (dans Abhandl. der
Gesellschaft der Wissensch. zu Göttingen, Hist. phil. Classe, XXXVI, 1890), Lagrange, Études,
21 édit., p. 489. Lidzbarski, 1. c., p. 23. — Il est également très douteux qu’un lieu mentionné
dans la Bible (Cantiques des Cantiques, VIII, 11; voir aussi Judith, VIII, 3) ait dû son nom à un
dieu phénicien appelé Baal Hammon. L’orthographe n’est pas la méme (B‘L HMWN).
5. Lidzbarski, Ephem. für semit. Epigraphik, III, p. 223 (I. 16).
6. C. I. S., 774, 953, 1197, 2939, 3098, 580 et 3251 (ces deux dernières inscriptions
sont en écriture néo-punique).
7. Ibid., 378, 1437, 1537, 2089, 2697, 3139, 3244, et des inscriptions plus récentes,
non trouvées à Carthage.
8. Ibid., 3149.
9. C. I. S., 787, 960, et des inscriptions non carthaginoises plus récentes. Pour ces
différences d’orthographe, voir Vassel, Panthéon d’Hannibal, p. 34, auquel j’ai emprunté la
plupart des références.
10. C. I. S., 1183 (peut-être une faute de graveur). Plus lard, sur des inscriptions néo-
puniques de Guelma : Chabot, Journ. asiat., 1916, I, p. 84 ; II, p. 498 et suiv. On trouve aussi
les orthographes M‘N (Schrôder, Die phönizische Sprache, p. 88, n. 17) et M’N (infra, p.
283, n. 5).
280 MŒURS ET CROYANCES.
seule dans l’art égyptien, puis seulement les cornes dans l’art
grec. D’autre part, le bélier était une victime qu’on offrait à
Baal HMN, devenu plus tard Saturnus(1). Mais ce rapproche-
ment ne prouve rien, car on immolait aussi des taureaux à Baal
HMN-Saturnus(2) et l’on sacrifiait des béliers à d’autres dieux.
Au djebel Bou Kournîne, non loin de Tunis, on adorait, dans
les premiers siècles de notre ère, un Saturnus Balcaranensis,
épithète qui représentait l’expression punique Baal Qarnaïm,
« le Maître des deux Cornes ». Mais ces cornes désignaient les
deux sommets de la montagne(3), non pas les cornes qu’aurait
portées le dieu et qu’en fait, ses images ne portent nullement,
car il est figuré sous les traits classiques de Cronos-Saturne(4).
Plus importantes sont les observations que suggèrent les
noms, dont la ressemblance fut encore accrue par des change-
ments d’orthographe, c’est-à-dire de prononciation. Ce n’est
sans doute pas uniquement à des fautes de graveurs qu’il faut at-
tribuer le remplacement, dans quelques inscriptions puniques,
de la gutturale forte heth (H) par une gutturale plus faible, ou
même sa suppression(5). En revanche, le nom du dieu égypto-li-
byen est souvent écrit Hammon, et non Ammon, par des auteurs
latins(6) et sur des inscriptions latines(7) : ce qui s’explique
____________________
1. Voir infra, p. 415.
2. Voir p. 414 ; pour Saturnus, C. I. L.,VIII, 8246, 8247, et les images de nombreu-
ses stèles.
3. Conf. Toutain, Mél. de l’École de Rome, XII, 1892, p. 103-4. Le nom actuel de
cette montagne se rattache directement à son nom ancien.
4. Toutain. l. c., p1. I et II. Un Saturne cornu, représenté sur une stèle d’El Kan-
tara, près de Biskra, n’a pas les cornes de bélier recourbées qui sont propres à Ammon :
Bull. archéol. du Comité, 1898, fig. à la p. 152.
5. Supra, p, 279. Au C. I. S., n° 3149, noter l’orthographe du mot ‘M’N, qui suit
Baal. Les éditeurs du Corpus font observer qu’on devait prononcer Ammôn, car la lettre
aïn représente d’ordinaire le son a, et la lettre aleph le son o. Conf. M’N, aprés Baal, sur
une inscription de Guelma : Chabot, Journ. asiat., 1916, I, p.461.
6. Cicéron, De divinat., I, 1, 3, et 43, 95 ; Virgile, Énéide, IV, 198 ; etc. : voir Parthey,
dans Philol. und hist. Abhandl. der Akad. der Wissenschaften zu Berlin, 1862, p. 134-5.
7. Formes Hammon, Hammonius : C. I. L., VIII, 2400, 9018, 21333, 24519 ; ibid..
VI, 378 ; III, 3463.
284 MŒURS ET CROYANCES.
entrait le mot Baal: ces noms étaient chez eux fort nombreux(1).
Leur Baal, leur Maître par excellence, c’était peut-être, non
plus le dieu que les Tyriens désignaient ainsi, mais Baal HMN.
Indépendamment des noms théophores, Baal apparaît, nous
l’avons dit, sans être suivi d’un autre terme, dans quelques
dédicaces puniques : elles s’adressent, croyons-nous, à Baal
Hammon, qui, en Afrique, était le plus populaire des Baals(2).
Admettant, non l’identité primitive, mais l’identification
d’Ammon et de Baal HMN, nous appellerons celui-ci Baal
Hammon. Nous ne prétendons pas, du reste, que cette identi-
fication ait été générale. Au contraire, beaucoup d’indigènes
continuèrent à adorer Ammon et ne le transformèrent pas en
Baal Hammon. Il en fut ainsi dans la région des Syrtes(3), où
même des hommes qui s’exprimaient en langue punique invo-
quaient, au début de notre ère, Arnmon, nom qu’ils écrivaient
sans y mettre un heth et sans le faire précéder du mot Baal(4).
Du Baal Hammon punique, nous n’avons aucune image
certaine(5). Divers monuments de Tunisie et d’Algérie, dont la
plupart, sinon tous, sont postérieurs à la destruction de Cartha-
ge, offrent une tête de dieu, pourvue de grandes cornes de bélier,
____________________
1. Voir p. 237.
2. P. 238.
3. La Table de Peutinger indique, à l’Ouest de Sabratha, un lieu appelé Ad Ammo-
nem ; conf. Géogr. de Ravenne, V, 5, édit. Pinder et Parthey, p. 350, I. 16. Ptolémée, IV, 3,
11, édit. Müller, p. 659 : lieu appelé Άμμωνος, dans la même région. Corippus mentionne
souvent Ammon (qu’il qualifie à plusieurs reprises de corniger), comme un dieu adoré
par des indigènes de la Tripolitaine et du Sud de la Tunisie : Johannide, II, 110 ; III, 81 ;
VI, 116, 147, 179, 190, 556 ; VII, 513, 519, 534 ; VIII, 252, 304.
4. Rép., II, 662 dédicace néo-punique « au Seigneur, à Ammon (’MN) découverte
non loin de Lebda; elle date de 15-16 après J.-C. — Sur une inscription néo-punique de
Cherchel, on a cru reconnaître une invocation « à notre seigneur Ammon (’MN, non pré-
cédé de Baal) Euting, Z. d. d. morgenl. Gesellschaft, XXX, 1876, p. 286 ; Blau, ibid., p.
738 (Derenbourg, C. r. Acad. Inscr., 1875, p. 260, donne une interprétation différente).
5. Des figurines, trouvées en Phénicie et probablement en Chypre (on n’en ton-
nait pas de l’Afrique du -Nord), représentent un dieu trônant entre deux béliers : Perrot
et Chipiez, III, p. 73, fig. 23 ; p. 199, fig. 140. Même quand il porte des cornes de bélier,
il n’est pas nécessaire d’admettre que ce soit le dieu punique Baal Hammon : ce pourrait
être Zeus Ammon.
LES DIEUX. 287
dieu barbu, assis sur un trône que flanquent deux sphinx. Sur
sa tête, se dresse soit une haute couronne de plumes, soit une
tiare cylindrique cannelée ; son corps est drapé dans une am-
ple tunique, comme celles que portaient les Phéniciens ; la
main droite, levée, est ouverte ; la main gauche, dont les doigts
sont repliés, tenait un objet, aujourd’hui détruit. Le même dieu
barbu, coiffé d’une tiare, s’offre en buste sur une monnaie
d’Hadrumète, datant du règne d’Auguste(1) ; il tient de la main
gauche des épis et lève la main droite. Il reparaît à la fin du IIe
siècle sur des monnaies de Clodius Albinus, qui était originaire
d’Hadrumète ; cette image ressemble fort à la statuette un dieu
barbu, sur un trône flanqué de sphinx ; il porte une coiffure
cylindrique, tiare cannelée ou couronne de plumes ; sa main
droite est levée, sa main gauche tient des épis(2). Ce patron de
l’antique colonie phénicienne d’Hadrumète était certainement
un Baal, qui, sous la domination romaine, avait conservé sa
physionomie particulière. Il est à croire que la statuette repré-
sente le dieu d’Hadrumète, ville qui n’était pas très éloignée
de Bir bou Rekba. Elle doit également représenter le dieu ado-
ré dans le sanctuaire où elle a été placée. Or on a tiré de cette
ruine des dédicaces latines à Saturnus(3) ; une inscription pu-
nique, commémorant la fondation du sanctuaire, s’adresse au
Seigneur Baal et à Tanit Pené Baal(4) : il s’agit probablement
de Baal Hammon, car c’est à Baal Hammon qu’ailleurs Tanit
Pené Baal a été associée, c’est lui qui est devenu Saturnus.
D’autre part, la monnaie de Clodius Albinus porte, autour de
l’effigie du dieu, l’exergue Saeculo frugifero. Cette inscription
est-elle, comme d’aucuns l’ont cru, en relation étroite avec la
figure qu’elle accompagne ? L’épithète, souvent appliquée au
______________________
1. Müller, :Numism., II, p. 52. n 29.
2. Cohen, Descr. des monn. impériales, 2e édit., III, p. 422, nos 68-69. W. Fröhner,
Les médaillons de l’Empire romain, p. 151. Merlin, l. c., p. 39, pl. II, fig 4.
3. Merlin, l. c., p. 19, 32.
4, Ibid., p. 22-23.
LES DIEUX. 299
VI
VII
VIII
Nul dieu de la vallée du Nil n’a été plus populaire que Bès(1)
chez les Phéniciens d’Orient et d’Occident. Un grand nombre
de menus objets, scarabées et chatons de bagues(2), figurines
en pâte émaillée, en os et en ivoire(3), statuettes en terre cuite(4),
représentent(5) ce nain barbu, au visage large et grimaçant, au
nez épaté, à la langue pendante, aux oreilles félines, aux jambes
basses et arquées ; sa tête est d’ordinaire coiffée d’un bouquet
de plumes, sa poitrine serrée dans une peau de fauve. Souvent
il frappe, étreint ou porte en vainqueur des bêtes féroces ou fa-
buleuses, des animaux malfaisants, contre lesquels il a engagé
le bon combat : lions, griffons, sangliers, serpents, etc. Il est
quelquefois muni d’ailes(6). Beaucoup de ces images ont dû être
fabriquées en Occident : un moule pour des statuettes d’argile
a été trouvé à Carthage(7). On attribuait à la figure grotesque de
Bès un pouvoir prophylactique : c’était moins un dieu auquel on
____________________
qui faisaient partie de colliers, ont dû garder longtemps la valeur d’amulettes (cent. P. 98).
1. Il est certain que Bès (comme d’autres nains, mêles et femelles) était bien un
dieu égyptien et que les Phéniciens l’ont connu par l’Égypte : voir Krall, dans O. Benn-
dorf, Das Heroon von Gjölbaschi-Trysa (Jahrbuch der kunsthistorischen Sammlungen,
Vienne, IX, 1889), p. 72 et suiv.
2. A Carthage : Delattre, Les tombeaux puniques de Carthage, p. 13-14 ; le même,
Rev. archéol., 1890, I, fig. à la p. 15 ; le même, C. r. Acad. Inscr., 1900, p. 505 ; Merlin et
Drappier, Ard el-Kheraïb, p. 68, fig. 40, et p. 81, fig. 56 ; Gauckler, Nécrop., p. 528, pl.
CCXLIX, fig. 9 (= M. Alaoui, Suppl., p. 118, n° 59, pl. LVII, fig. 13) ; etc. En Sardaigne
: Ebers, Annali dell’ Instituto, LV, 1883, p. 94-95 ; Furtwängler, Gemmen, III, p. 110. Des
scarabées d’importation phénicienne, représentant Bès, ont été aussi trouvés dans l’Est de
la Sicile et en Italie. Pour les pays orientaux, voir, entre autres, de Ridder, Collection de
Clercq, VII, pl. XVIII, nos 2707 et suiv.
3. M. Lavig., I, p. 237 et pl. XXXIII, fig. 2 ; p. 243 Gauckler, pl. CLXXVII, en bas. Etc.
4. A Carthage : Gauckler, p. 121, pl. LXXXI. On en a trouvé à Hadrumète, qui
sont plus récentes : M. Alaoui, p. 132-3, n°os 10-13, pl. XXIX ; ibid., Suppl., p. 163, n°
270, et p. 166, n° 288 : Gauckler, Gouvet et Hannezo, Musée de Sousse (Paris, 1902), p.
11, nos 1-2 ; p. 50, nos 2-4 ; pl. XIV, fig. 6.
5. Le plus souvent en pied ; parfois la tête seule : M. Lavig., 1. pl. XXXIV, fig. 44
et 52 ; Merlin et Drappier, l. c., p. 82, fig. 59 : Furtwängler, l. c., III, p. 112 ; etc.
6. Pour les images phéniciennes de Bès, voir surtout Heuzey, C. r. Acad. Inscr.,
1879, p. 140-9 ; Furtwängler, l. c., p. 110 et suiv.
7. Voir p. 68, n. 6.
344 MŒURS ET CROYANCES.
CHAPITRE III
LE CULTE
souvent sur des hauteurs, dans ces simples enclos qui n’en-
touraient point une maison divine(1). Il n’y en avait pas non
plus dans des temples fameux et opulents : dans celui de Mel-
qart près de Gadès(2), et probablement dans celui de Melqart
à Tyr(3) ; dans le sanctuaire d’Astarté-Aphrodite à Paphos(4).
Comme d’autres peuples, les Phéniciens s’étaient sans doute
abstenus longtemps de faire les dieux à la ressemblance des
hommes, soit par scrupule religieux, soit par impuissance ar-
tistique. Plus tard, certains d’entre eux persistèrent dans cette
abstention, par respect du passé.
Aux représentations anthropomorphes des divinités, il
faut rattacher deux oreilles(5), deux yeux(6), une bouche(7), tra-
cés au sommet de quelques ex-voto de Carthage : Tanit avait
entendu les requêtes des fidèles(8), abaissé son regard sur eux,
rendu une réponse favorable.
Beaucoup plus fréquente est l’image d’une main(9) droite(10),
ouverte et levée, vue de face(11). Elle occupe d’ordinaire la partie
____________________
1. Conf. Tacite, Hist., II, 78 (lieu saint du Carmel) : « nec simulacrum deo aut tem-
plum, — sic tradidere maiores — : ara tantum et reverentia ».
2. Silius Italicus, III, 30-31. Philostrate, Vie d’Apollonius, V, 5, 1. A l’époque impé-
riale, ce temple eut, semble-t-il, une statue du dieu : voir Cohen, Descr. des monn. impériales,
2° édit., II, p. 174-5, n° 814.
3. Hérodote, du moins, n’en mentionne pas (II, 44). Conf. Perret et Chipiez, III, p. 77.
4. Tacite, Hist., II, 3 : « Simulacrum deae non effigie humana ».
5. C. I. S., I, 180, pl. XLV du t. I ; 604, pl. VI du t. II ; 1020, pl. XIV ; 1249, pl. XX ;
3010, pl. LXII. Voir aussi 265, pl. XLVII du t. I, et 3000, pl. LXI du t. II, où une des oreilles
manque. Une seule oreille au n° 2631, pl. LV. — Deux oreilles sur une stèle de Constantine
: Rec. de la Soc. archéol. de Constantine, XVIII, 1876-7, pl. VIII, fig. 23. Une seule sur une
autre : Reboud, ibid., p. 452.
6. C. I. S., 264, pl. XLIX du t. I ; 471, pl. Il du t. II.
7. Ibid., 1020, pl. XIV, avec une paire d’oreilles.
8. Conf. Psaumes (XVII, XVI), 6 : « Mon Dieu, incline ton oreille vers moi et entends
mes paroles ! » Des oreilles ayant le même sens sont représentées, parfois en grand nombre,
sur des stèles égyptiennes dédiées à Ptah, dieu de Memphis. On en voit aussi sur des monu-
ments grecs et romains : Weinreich, Mitt. des archäol. Instituts, Athen. Abt., XXXVII, 1912,
p. 46 et suiv.
9. Souvent représentée avec l’avant-bras.
10. Une main gauche sur une stèle de Constantine : Rec. de Constantine, XVIII, pl. II,
0g. 4. C’est probablement une erreur du graveur.
11. La main est de profil sur les stèles carthaginoises C. I. S., 941, pl. XII du t. II (main
droite); 1946, pl. XXXVIII (où c’est une main gauche). Deux mains de profil dans les acrotères
LE CULTE. 353
II
III
IV
pierre(1). Cette lettre est sans doute l’initiale du mot TNT, Ta-
nit(2). Le signe se voit sur des monnaies puniques près de la
tête de la divinité, qui, pour avoir été copiée sur des monnaies
de Syracuse, n’en est pas moins, selon toute vraisemblance,
Tanit Pené Baal(3). A l’époque romaine, la figure aux bras le-
vés tient quelquefois le croissant : ce qui la désigne comme la
déesse Céleste, maîtresse de la lune(4).
Mais ce signe n’a pas appartenu exclusivement à Tanit(5).
On a vu(6) que, sur un ex-voto carthaginois, le cercle est rem-
placé par le mot Baal, qui doit s’appliquer à Baal Hammon.
Sur un autre(7), l’image est flanquée d’un beth et d’un taw : elle
a donc été mise en relation avec Baal aussi bien qu’avec Ta-
nit(8). Les deux signes gravés sur un grand nombre de ces stè-
les pourraient être rapportés, l’un à la déesse, l’autre au dieu(9).
Sur une stèle de Lilybée, dont la dédicace s’adresse à Baal
____________________
1. C. I. S., 393, pl. LVI du t. I.
2. Au n° 2802, pl. LVIII du t. II, le signe est flanqué de l’invocation « A la Mai-
tresse, à Tanit », qui parait avoir constitué toute l’inscription.
3. Voir supra, p. 379, n. 2 et 3. Le signe de Tanit, combiné avec le caducée, accom-
pagne, sur une monnaie de Malte (conf. p. 366, n. 5), la tête d’une déesse représentée en
Isis, mais qui peut être la grande déesse phénicienne (voir p. 272, n. 4).
4. Voir p. 250, 263.
5. Ce qui a été reconnu, il y a longtemps déjà, par F. Lenormant, Gazette archéol.,
1876, p. 130.
6. P. 380.
7. C. I. S., 436, pl. LVII du t. I.
8. Au n° 437, pl. LVII, un beth surmonte le signe de Tanit ; on a proposé de l’inter-
préter Baal. — Ph. Berger (C. r. Acad. Inscr., 1909, p. 997 et suiv.) a publié une estampille
d’amphore, où cinq lettres puniques sont groupées de manière à former un ensemble dont
l’aspect rappelle le signe de Tanit. Trois lettres, un beth, un aïn et un lamed, peuvent cons-
tituer le mot B‘L (Baal), comme Berger l’indique; mais il en reste deux autres, un second
beth et un leth, dont on ne sait que faire, si l’on veut admettre l’interprétation de ce savant
: un symbole divin formé de lettres qui dorment le nom de Baal. Contra : Ronzevalle,
Notes et études d’archéol. orientale, 3e fascicule, p. 82. n. 4.
9. Sur quelques stèles (C. I. S., 1996, pl. XXXIX du t. II ; 2325, pl. LIII ; 2999,
pl. LXI ; t. I du texte, fig. à la p. 428), un signe de Tanit en enferme un autre, plus petit.
Au n° 1001, pl. XIV du t. II, deux signes, placés l’un la tête en bas, l’autre la tète en haut,
s’entremêlent, avec des parties communes. Mais peut-être le graveur a-t-il tracé d’abord
un seul de ces signes au sommet d’une pierre ; puis il aurait pris le parti de se servir de la
pierre dans le sens inverse, et il aurait couvert le premier signe par un autre.
390 MŒURS ET CROYANCES.
VI
VII
gravée vers le IVe siècle avant notre ère(1). Elle n’est pas com-
plète : il doit en manquer environ un tiers. Des autres(2), il ne
reste que des fragments, recueillis dans les ruines de Cartha-
ge. Elles sont probablement d’une époque plus récente(3).
Le tarif de Marseille concerne le temple d’un dieu qui pa-
raît avoir été Baal Çafôn(4). Chacun des tarifs de Carthage devait
également s’appliquer à un sanctuaire particulier. Les prescrip-
tions qu’ils contiennent ne sont pas tout à fait les mêmes que
celles du tarif marseillais, mais les parties conservées de deux
d’entre eux concordent mot pour mot(5). On lit dans l’inscrip-
tion de Marseille(6) : « Toute taxe non indiquée sur cette table
sera donnée selon l’écrit qui... [lacune] » ; à en juger par ce qui
suit, il s’agit d’un règlement publié dans la même année que
la table parvenue jusqu’à nous. Le principal fragment de Car-
thage renvoie aussi à une autre ordonnance(7). Les magistrats
préposés au culte établissaient donc pour les divers temples des
règlements spéciaux, qui se ressemblaient plus ou moins et qui,
dans leurs grandes lignes, reproduisaient des dispositions fort
anciennes. On constate, en effet, que ces tarifs sont apparentés
au Lévitique, rituel qui date vraisemblablement du Ve siècle.
La parenté s’explique par une communauté d’origine : les rites
hébreux ont pu être empruntés, dès l’époque de Salomon, à des
rites phéniciens(8), qui furent importés à Carthage et s’y main-
tinrent jusqu’à la destruction de la ville(9).
Le tarif de Marseille mentionne des sacrifices offerts, non
____________________
1. Au Ve ou au IVe siècle, selon les éditeurs du Corpus, p. 238.
2. C. I. S., 167, 168, 169 (= M. Lavig., I, p. 40-41, pl. VI, fig. 2 [numérotée 7]),
170. Berger, Rev. de l’hist. des religions, 1910, I, p. 279-290. Les nos 168 et 169 du C. I.
S. peuvent être deux fragments d’une seule table.
3. L’écriture a un aspect plus ancien dans le tarif de Marseille : Berger, l. c., p. 284.
4. Voir p. 332.
5. C. I. S., 167, et Rev. de l’hist. des religions, l. c. 6. L. 18.
7. C. I. S., 167, I. 11.
8. Ou bien à des rites cananéens, identiques ou analogues aux rites phéniciens.
9. Voir Dussaud, l. c., p. 7, 59-60, 63.
412 MŒURS ET CROYANCES.
pour renforcer les effets des actes religieux, soit pour obtenir
la réalisation de désirs que la religion ne pouvait admettre.
En ce qui concerne Carthage, les documents font presque en-
tièrement défaut(1). Nous n’avons guère à mentionner qu’une
tablette de plomb(2), analogue à celles dont les Grecs et les
Romains se servaient pour des opérations magiques, et dont
beaucoup d’exemplaires, postérieurs à l’ère chrétienne, ont
été retrouvés en Afrique, à Carthage et à Sousse(3), presque
tous dans des tombeaux des morts étaient invités à interve-
nir eux-mêmes, ou chargés de transmettre ces requêtes à des
démons, à des dieux infernaux). On a recueilli la tablette car-
thaginoise dans un terrain plein de sépultures des VIIe-VIe
siècles : il se peut qu’elle ait été enfouie dans le puits d’accès
d’un de ces hypogées. A en juger par le type de l’écriture,
l’inscription qui y est tracée date des derniers temps de la cité
punique. L’homme qui l’a gravée ou fait graver commence
par une adjuration à une ou trois déesses(4) ; puis il souhaite
quelque malheur à une femme(5) dont il a à se plaindre, peut-
être pour une question d’argent. Si l’on comprend le sens gé-
néral, les détails du texte n’ont pas été expliqués d’une ma-
nière satisfaisante.
____________________
1. Nous avons signalé (p. 71) la pratique magique qui consistait à déposer, dans les
fondations des maisons, des images de scorpions, pour écarter les scorpions véritables.
2. Rép., I, 18, avec la bibliographie. Audollent, Defixionum tubellae (Paris, 1904),
p. 288-9, n° 213. Peut-être a-t-on trouvé à Carthage une autre tablette, portant, comme
celle-ci, une inscription punique : Audollent, l. c., p. 289, n° 214.
3. Voir Audollent, l. c., p. 290 et suiv.
4. Voir supra, p. 334-5.
5. Ou à deux femmes.
426 MŒURS ET CROYANCES.
CHAPITRE IV
II
III
que fût le sort réservé à l’âme (si l’on admettait qu’elle sur-
vécût), le feu détruisait le corps ; la croyance à une existence
matérielle devenait une absurdité. Aussi, dans les cimetiè-
res de Carthage, les restes brûlés ne sont-ils accompagnés
d’aucun mobilier. A l’intérieur des coffrets en pierre et des
urnes en terre cuite, on trouve seulement les os calcinés ; par
exception, quelques monnaies, un menu objet de parure ou de
toilette, une amulette, qui ont passe par les flammes avec le
mort(1). Mais à Hadrumète, à Collo, à Gouraya, l’adoption de
l’incinération n’a pas eu pour conséquence la disparition du
mobilier funéraire. Les hommes ne se soucient pas toujours
de la logique(2).
Il est très probable que les Phéniciens ont cru à un sé-
jour commun des trépassés, analogue à l’Enfer des Hébreux,
à ce Shéol souterrain, région lugubre, où l’on a « sa couche
dans les ténèbres(3) ». Conception qui s’accordait mal avec la
croyance, sans doute plus ancienne, au séjour du mort dans
sa tombe; mais il n’importait guère(4). Les habitants du Shéol
étaient les Refaïm, les « Faibles »(5). Or plusieurs textes phé-
niciens mentionnent ces Refaïm. Dans son épitaphe, Eshmou-
nazar, roi de Sidon, souhaite que les violateurs de son sarco-
phage « n’aient pas de couche avec les Refaïm et qu’ils ne
____________________
parce qu’elle permettait de loger des morts dans des caveaux de famille déjà pleins (conf.
Kahrstedt, Geschichte, p. 28, n. 1).
1. Delattre, Sainte-Monique, 2e semestre, p. 4 ; C. r. Acad. Inscr., 1899, p. 310,
n. 1 ; 1900, p. 87. Merlin et Drappier, Ard el-Kheraïb, p. 7. Un ossuaire contenait deux
empreintes de sceaux sur des pastilles d’argile (Delattre, Nécrop. des Rabs, 2e année, p.
10-11) ; ou ne sait sur quoi elles étaient apposées (conf. supra, p. 95).
2. On trouve aussi un mobilier avec des ossements non brûlés, rassemblés pêle-
mêle. Comme l’incinération, ce rite détruisait la forme du corps, par conséquent les be-
soins auxquels le mobilier répondait.
3. Job, XVII, 13. Sur le Shéol des Hébreux, voir, entre autres, A. Lods, La croyan-
ce à la vie future... dans l’antiquité israélite, p. 205 et suiv.
4. Des efforts durent être faits dès l’antiquité pour concilier les deux conceptions
et des savants modernes se sont évertués à montrer qu’elles étaient en effet conciliables.
5. Ce sens n’est pas admis par tout le monde.
LES PRATIQUES FUNÉRAIRES. 463
tions grecques, tracées sur des lamelles d’or, que l’on a re-
cueillies, en Crète et en Italie, dans des tombes d’adeptes de
l’orphisme.
Il n’est pas interdit non plus de supposer que l’introduc-
tion du culte de Déméter et de Coré en Afrique attira l’atten-
tion des Carthaginois sur les garanties d’immortalité bienheu-
reuse, accordées par ces déesses aux initiés de leur sanctuaire
d’Éleusis.
Les Phéniciens d’Occident ont-ils cru que certains hom-
mes, après une vie illustrée par des actions d’éclat et des bien-
faits exceptionnels, avaient été appelés à une condition voisine
de celle des dieux ? C’est ce qu’affirment quelques textes. Ils ne
méritent pas confiance. Comme nous l’avons dit(1), Hérodote(2)
a sans doute confondu avec le dieu Melqart le général Abd-
melqart (Amilcar). — Salluste(3) raconte l’aventure de deux
frères, les Philènes, qui sacrifièrent leur vie pour permettre à
Carthage de reculer les limites de sa domination ; à l’endroit
où ils se firent enterrer vivants, leurs concitoyens leur consa-
crèrent des autels, et d’autres honneurs leur furent rendus dans
leur patrie. Mais ces autels étaient probablement deux simples
amas de pierres ; les Philènes n’ont jamais existé et le nom
que l’on a donné à ces personnages fabuleux était un nom de
lieu(4) — « Tant que Carthage demeura invaincue, écrit Justin(5),
Élissa fut honorée comme une déesse. » Ces honneurs divins,
les Grecs les accordaient, en effet, aux héros légendaires, fon-
dateurs de cités. Mais les Phéniciens faisaient-ils de même ?
et Élissa fut-elle bien la fondatrice de Carthage ? Si l’on veut
attribuer quelque valeur à l’indication de Justin, l’on peut
croire qu’elle se rapporte à une véritable déesse, et non à une
____________________
1. P. 302.
2. VII, 167.
3. Jugurtha, LXXIX, 5-10.
4. Voir t. I, p. 431-4.
5. XVIII, 6, 8.
466 MŒURS ET CROYANCES.
CHAPITRE V
II
territoire vaste et peuplé, qui lui fournit les légions dont elle
eut besoin ; elle soutint la guerre partout. En Italie, elle usa
Hannibal. Les Carthaginois ne réussirent pas à reprendre pied
en Sardaigne et en Sicile. Ils perdirent, avec l’Espagne, l’ins-
trument qu’Amilcar avait forgé pour relever leur puissance.
Dans la préparation de cette lutte, la marine avait été né-
gligée, les Barcides ne l’ayant pas crue nécessaire à l’exécution
de leurs desseins. Une invasion de l’Afrique par une armée qui
serait assurée de ses communications avec la Sicile n’était plus
une entreprise téméraire, comme aux temps d’Agathocle et de
Régulus. De grands royaumes s’étaient formés chez les Numi-
des ; si Rome obtenait leur aide contre Carthage, elle pouvait
s’attendre à de prompts succès. Après avoir terminé la guer-
re en Espagne, Scipion fut autorisé à passer en Afrique. Son
expédition faillit tourner mal. Des deux princes indigènes sur
lesquels il avait compté, l’un, Syphax, s’était déclaré pour les
Carthaginois ; l’autre, Masinissa, vint presque seul au camp
romain. Scipion sortit d’une situation difficile par son heureu-
se audace. Syphax s’effondra. Masinissa, ayant reconquis son
royaume, amena à ses alliés une cavalerie nombreuse. Ce fut
grâce à cette cavalerie, grâce aussi à la bravoure et à la cohé-
sion de ses légionnaires que Scipion anéantit les troupes dispa-
rates d’Hannibal. Carthage avait perdu sa dernière armée ; elle
n’était plus défendue que par ses remparts, derrière lesquels
elle eût pu résister longtemps. Le vainqueur n’essaya pas de
les forcer. Rome laissa vivre sa rivale, en la confinant en Afri-
que et en lui enlevant les moyens matériels de recommencer la
guerre. Hannibal, pourtant, n’avait pas renoncé à tout espoir.
Faisant appel au peuple pour briser l’opposition de l’aristocra-
tie, il entreprit de mettre ses concitoyens en état de se joindre à
une nouvelle coalition. Les ennemis acharnés qu’il avait parmi
eux se débarrassèrent de lui en le dénonçant aux Romains.
Ceux-ci ne voulaient pas s’imposer les charges qu’eût
RÔLE HISTORIQUE DE CARTHAGE. 483
IlI
IV
connaître, soit par des séjours à Carthage, soit par des maria-
ges avec des Carthaginoises. Un grand nombre de leurs sujets
servirent dans les armées des Barcides. Masinissa s’annexa
des territoires étendus, qui avaient appartenu auparavant à la
République. Les colonies des côtes du Maroc, de l’Algérie et
des Syrtes tombèrent au pouvoir des Maures et des Numides;
leurs relations avec l’intérieur furent plus libres et, probable-
ment plus actives que par le passé. La langue punique fut la
langue officielle de Syphax, de Masinissa, d’autres souverains
après eux jusque vers le milieu du Ier siècle; celle dont les vil-
les firent usage pour les légendes de leurs monnaies. Elle était
très répandue à Cirta, capitale numide. Beaucoup d’habitants
de ce lieu portaient des noms phéniciens(1). Une ville fondée
en pleine Numidie reçut aussi un nom phénicien, Macoma-
des (Maqom hadesh)(2). Les institutions de Carthage servirent
de modèles aux princes africains. Ils copièrent ses monnaies,
son organisation militaire, sans doute aussi ses vaisseaux. Sur
une inscription bilingue de Dougga, Zalalsan, grand-père de
Masinissa, est qualifié de sufète, dans le texte libyque com-
me dans le texte punique(3) ; plus tard, le même titre désigna
les magistrats des communes que les rois créèrent dans leurs
États, à l’imitation des cités phéniciennes(4). Baal Hammon
et Tanit Pené Baal furent adorés à Cirta, comme ils l’avaient
été à Carthage. Dans ses efforts pour développer l’agricul-
ture, Masinissa s’inspira sans doute d’exemples carthaginois.
Toutes proportions gardées, il rêva d’être pour la civilisation
____________________
1. Presque tous les noms sont phéniciens sur les inscriptions puniques de Cons-
tantine.
2. Conf. t. II, p. 120, n. 2.
3. T. II, p. 292, n. 2.
4. Au Maroc, Volubilis, avant de devenir municipe sous Claude, fut administrée
par des sufètes (Chatelain, C. r. Acad. Inscr., 191, p. 390 : inscription où la mention du
sufétat ne me parait pas pouvoir être expliquée autrement) ; il semble bien qu’il en ait
été ainsi dès une époque antérieure à la conquête romaine (40 après J.-C.).
496 MŒURS ET CROYANCES.
LIVRE PREMIER
LIVRE II
MŒURS ET CROYANCES
image divine, 380-1. — Elle ressemble à la croix ansée des Égyptiens, mais
a une signification différente, 381. — Elle n’est pas un symbole de la prière,
381-2. — Ce n’est que tardivement qu’elle est devenue une figure humaine,
382-3. — Elle ne parait pas être l’image d’une pierre sacrée, 383. — La partie
supérieure représente un astre, 383-5. — Hypothèses non fondées concernant les
bras de l’image, 385. — Ces bras représentent probablement une table d’autel,
pourvue de cornes, 385-7. — L’autel a peut-être été quelquefois remplacé par
une pierre sacrée, 387. — Le symbole de Tanit dressé sur un socle, une tige, une
hampe, 388. — Il n’appartient pas à Tanit Pené Baal seule, 388-390.
V. Les lieux du culte, 390. — Grottes, 390. — Hauts-lieux, 390-1. — Enceintes
sacrées, 392. — Temples; dispositions générales, 392-4. — On ne sait presque
rien sur les sanctuaires carthaginois, 394-6.
VI. Prêtres et prêtresses, 396-7. — Hiérarchie, 397-8. — Recrutement du clergé,
398-9. — Ce clergé ne forme pas une caste, 399-400 ; il ne s’occupe que du cul-
te, 400. — Costume sacerdotal, 400-1. — Personnel inférieur, 401-2. — Prosti-
tuées, 402-4.
VII. Fêtes religieuses, 404-5. — Sacrifices, 405. — Victimes humaines, 405-6.
— Sacrifices de prisonniers, 407. — Sacrifices humains annuels à Hercule, 407
; à Saturne, 408-9. — Sacrifices extraordinaires d’enfants à Saturne, 409-410.
— Tarifs de sacrifices, 410-1. — Tarif de Marseille, 411-2 ; animaux immolés,
412 ; différentes sortes de sacrifices, 412 ; taxes perçues par les prêtres, 412-3
; parts de victimes revenant aux prêtres et aux auteurs des sacrifices, 413 ; of-
frandes non sanglantes, 413-4. — Autres tarifs, 414. — Images se rapportant
aux sacrifices et aux offrandes, sur des stèles, 414-5. — Destination des stèles,
dépôts qu’elles surmontent, 415-6. — Stèles de Carthage, 416-7 ; dédicace, 417-
8 ; images, 418-420 ; date, 420. — Stèles trouvées en d’autres lieux, 420 ; à
Hadrumète, 421 ; en Sardaigne, 421. Oracles, divination, 421-3. — Amulettes,
423-4. — Magie, 424-5.