Louis de Saussure, Jacques Moeschler, Genoveva Puskas Etudes Semantiques Et Pragmatiques Sur Le Temps, Laspect Et La Modalite. French Edition 2007
Louis de Saussure, Jacques Moeschler, Genoveva Puskas Etudes Semantiques Et Pragmatiques Sur Le Temps, Laspect Et La Modalite. French Edition 2007
Louis de Saussure, Jacques Moeschler, Genoveva Puskas Etudes Semantiques Et Pragmatiques Sur Le Temps, Laspect Et La Modalite. French Edition 2007
ahiers 19 hronos
Carl Vetters (Universit du Littoral Cte dOpale) Patrick Caudal (CNRS Universit Paris 7) Anne-Marie Berthonneau (Universit de Lille 3) Andre Borillo (Universit de Toulouse-Le Mirail) Anne Carlier (Universit de Valenciennes) Renaat Declerck (KULAK-Courtrai) Walter De Mulder (Universit dAnvers) Patrick Dendale (Universit dAnvers) Ilse Depraetere (KUB - Bruxelles) Dulcie Engel (University of Swansea) Laurent Gosselin (Universit de Rouen) Florica Hrubara (Universit Ovidius Constanta) Emmanuelle Labeau (Aston University) Vronique Lagae (Universit de Valenciennes) Sylvie Mellet (CNRS - Universit de Nice) Jacques Moeschler (Universit de Genve) Arie Molendijk (Universit de Groningue) Louis de Saussure (Universit de Neuchtel) Catherine Schnedecker (Universit de Metz) Marleen Van Peteghem (Universit de Lille 3) Genoveva Puskas (Universit de Genve) Co Vet (Universit de Groningue) Carl Vetters (Universit du Littoral - Cte dOpale) Svetlana Vogeleer (Institut Libre Marie Haps - Bruxelles) Marcel Vuillaume (Universit de Nice)
Ce volume est une ralisation de lquipe de recherche HLLI - EA 4030 de lUniversit du Littoral - Cte dOpale, de la Socit Acadmique de lUniversit de Genve (Fonds Charles Bally) et du Groupe de recherche en smantique et pragmatique de lUniversit de Neuchtel.
Cover design: Pier Post Le papier sur lequel le prsent ouvrage est imprim remplit les prescriptions de ISO 9706:1994, Information et documentation Papier pour documents - Prescriptions pour la permanence. The paper on which this book is printed meets the requirements of ISO 9706:1994, Information and documentation - Paper for documents - Requirements for permanence. ISBN: 978-90-420-2308-6 Editions Rodopi B.V., Amsterdam - New York, NY 2007 Printed in The Netherlands
Remerciements
Les diteurs remercient chaleureusement les institutions qui ont soutenu lorganisation du colloque Chronos 6 Genve dont ce livre donne un choix de contributions. En particulier, ils adressent leurs remerciements au Fonds national suisse de la recherche scientifique, lAcadmie suisse des sciences humaines et sociales, la Socit acadmique de lUniversit de Genve et la Facult des Lettres de lUniversit de Genve. Nous remercions galement Carl Vetters et Co Vet de nous avoir donn loccasion de cette confrence internationale en Suisse et donc de cette publication. Nous sommes particulirement reconnaissants envers les collgues chercheurs qui ont bien voulu effectuer les valuations anonymes des textes ici prsents. Nous remercions galement le Fonds Charles Bally (Universit de Genve) davoir permis la ralisation de cet ouvrage. Enfin, nous rservons ici une mention toute particulire Patrick Morency (Universit de Neuchtel) pour le travail dvou et trs efficace auquel il a contribu pour la mise en page, la relecture et la chasse aux rfrences incompltes ou manquantes.
Louis de Saussure
Introduction
Camino lvarez Castro Interprtation du futur de lindicatif et reprsentation dvnements futurs Viara Bourova Liliane Tasmowski Agns Celle La prhistoire des futurs romans ordre de constituants et smantique Analyse unifie du conditionnel de non prise en charge en franais et comparaison avec langlais Lemploi sporadique de pouvoir estil althique ? Aspectualit et cotextes de limparfait narratif introducteur de discours rapport direct loral En passant par le grondif avec mes (gros) sabots Le grondif simple en italien : un moule syntaxique entre concepts partags et structure informationelle Quando en italien : un cas de subordination inverse ? Aspect et structure sousvnementielle Pas si simple ! La place du PS dans linterlangue dapprenants anglophones avancs
63-78 79-91
93-125 127-144
Parmi les contributions prsentes au colloque Chronos 6 Genve en septembre 2004, il tait naturel de rassembler dans un volume thmatique celles qui accordent une attention particulire des phnomnes qui mettent spcifiquement en relation le niveau smantique et pragmatique de linterprtation. Bien entendu, beaucoup danalyses prsentes dans ce colloque ont dpass les frontires traditionnelles entre les disciplines de la linguistique ; ainsi, les contributions plus syntaxiques ont en gnral intgr des lments smantiques et mme parfois pragmatiques. Mais les textes rassembls ici font directement appel des notions comme la reprsentation dvnements, la prise en charge, le contexte narratif, la smantique historique, la structure informationnelle, qui sont toutes, dans leur diversit, des notions la fois smantiques et pragmatiques. Mme les articles dont lintitul voque des questions de structure grammaticale, en ralit, font intervenir trs significativement des notions de processus interprtatif ou, plus simplement, de smantique. De la sorte, une certaine souplesse dans la sparation des domaines a t ici et l ncessaire afin de permettre une certaine cohrence de stablir au long de louvrage. Pour structurer ce volume, nous avons pris le parti de grouper les articles non pas en fonction des approches mais des sujets dtude. Le volume souvre ainsi avec des rflexions sur le futur, puis sur des emplois modaux du conditionnel et du verbe pouvoir, puis sur limparfait narratif loral, puis sur le grondif. Deux articles sont ensuite consacrs au subordonnes introduites par quando (en italien) et cuando (en espagnol). Enfin, la position du pass simple en franais est revisite la lumire de linterlangue dapprenants anglophones. Le domaine temporel, indissociable de celui de laspect et de la modalit, est en effet dun intrt majeur pour la smantique et la pragmatique : en filigrane de la plupart des travaux prsents ici se pose, plus prcisment, la question de linterface mme entre la smantique et la pragmatique, et, dans une certaine mesure, de la relation de ces domaines avec la structuration grammaticale. Si la plupart des traditions ont leur propre solution cette interface smantique-pragmatique, nous ne disposons pas encore aujourdhui dune rponse ou dun modle qui soit consensuellement acceptable par lensemble des linguistes pour grer la fois de linformation
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proprement encode par les items linguistiques et les contraintes venues du contexte, dans un sens large, qui viennent constamment affecter et modifier les valeurs en usage ds expressions, et qui en retour, clairent leur smantique mme. Le temps, avec laspect et la modalit, est au centre de ce dbat pour de nombreux chercheurs, et ce, pour des raisons qui ne sont pas difficiles numrer. Premirement, lexpression du temps fait intervenir des lments linguistiques a priori disparates : des items de natures fort diffrentes, quils soient conceptuels, procduraux, verbaux, adverbiaux, grammaticaux et mme nominaux. Les noncs courants font en gnral appel une combinaison de ces lments pour produire une rfrence temporelle suffisamment prcise pour garantir la pertinence de la reprsentation obtenue. Il est donc en gnral indispensable de disposer dun modle qui permette lchange dinformations, un niveau ou un autre selon les approches, entre ces types dexpression pour leur interprtation conjointe. Il me semble quil est assez naturel de considrer dj ce niveau quune composante contextuelle, mme si elle est encore ici infra-phrastique, est un paramtre indispensable la description. Deuximement, la modalit repose elle aussi sur une multiplicit de donnes lexicales et grammaticales qui entrent facilement en combinaisons complexes. Qui plus est, la permabilit smantique entre des morphmes de temps, comme le conditionnel, et des formes lexicales et grammaticales spcifiques, comme des verbes ou dautres items modalisateurs, est un fait qui claire la fois la composante modale de certaines expressions typiques de lexpression du temps et la composante temporelle de certaines modalits. De plus, qui dit modalit dit subjectivit, ou attitude, ce qui nous ramne directement vers le domaine pragmatique. Troisimement, ds que la question du squencement temporel se pose, ou celle du positionnement dun vnement par rapport un autre, nous entrons dans le domaine pragmatique du contexte discursif, quon appelle parfois cotexte, ce qui montre que certaines problmatiques parmi les plus centrales qui concernent les temps verbaux ne peuvent se traiter dans lisolation de la phrase unique. Quatrimement, et pour terminer, la question de laspect elle-mme concerne la fois, de manire intimement mle, les lexmes verbaux, leur combinaison avec des complmenteurs qui donnent des prdications compltes, lesquelles nont pas ncessairement le mme aspect smantique que les ttes verbales elles-mmes, et laspect verbal, ou grammatical, qui est le produit dune reprsentation propos du procs, et le donne interprter sous une forme perfective ou non. Ces questions ne sont pas investigues frontalement par la plupart des articles de ce volume, mais le lecteur verra facilement quelles sinscrivent toutes en filigrane des proccupations des auteurs travers la description
Introduction
quils font de phnomnes linguistiques bien spcifiques. En dautre termes, la description smantique et pragmatique nest jamais innocente des prsupposs quelle vient nourrir, et cest dans ces prsupposs, me semble-til, que se trouve la matire la plus cruciale des dbats actuels en linguistique du temps. Maintenant, quelques mots des contributions de ce volume. Larticle de Camino Alvarez-Castro commence par un postulat assez couramment rencontr au sujet du futur : un vnement futur naurait pas de statut ontologique, do un questionnement sur la rfrence. Elle propose de considrer une diffrence fondamentale entre la reprsentation dvnements passs, rputs ayant chang ltat du monde, et celle des vnements futurs. Plaant sa rflexion dans le cadre de Sperber et Wilson, elle choisit de ne pas tirer du problme ontologique du futur la consquence, habituelle, de son caractre modal, suivant ainsi les arguments maintenant classiques de Vet, Martin ou Vetters, quelle discute de manire approfondie pour dvelopper son propre modle dinterprtation du futur, lexemple du franais. Dans leur remarquable tude, Viara Bourova et Liliane Tasmowski tablissent une sorte de chanon manquant entre lhistoire structurelle des futurs du latin vers les langues romanes et la smantique complexe du futur dans ces langues. Leur sondage du corpus lectronique de la Library of Latin Texts leur permet dvaluer diffrents cas de figure pour valuer leurs hypothses, notamment au sujet demplois clitiques (faibles), dontiques ou althiques de lauxiliaire de formation du futur latin. Elles concluent de leur tude que la formation des futurs latins est de lordre dun processus de grammaticalisation dun verbe dont la smantique est celle de la possession (habere) comme marque du futur stablit par la modalit de ltre sans que le sens dontique soit un stade intermdiaire oblig . Agns Celle sintresse aux conditionnels de type journalistique, quelle propose de nommer conditionnels de non prise en charge ; ces conditionnels apparassent sans si. Elle discute lanalyse en point de vue en montrant des exemples o dune part le conditionnel de non prise en charge est utilis, mais avec une claire distance du locuteur. Son analyse la conduit une large comparaison avec les moyens linguistiques que langlais prsente pour des contenus smantiques similaires. La position quelle dfend, inspire des travaux de lcole culiolienne, la conduit recourir, dune manire en ralit assez ducrotienne, la notion de double fictif de lnonciateur qui manifeste sa non prise en charge ; cette non prise en charge passe en anglais plutt par des marqueurs adverbiaux qui rfrent une nonciation antrieure, au contraire du conditionnel franais. Carl Vetters aborde la question de savoir sil existe un pouvoir en usage althique, linstar des emplois de ce type identifis par Kronning au sujet de devoir, en classant dans cette catgorie les effets que Kleiber identifiait comme sporadiques et qui correspondent des paraphrases du type il arrive
Louis de Saussure
que P. A laide du critre de vridicibilit, il insiste sur le fait que ce type de cas ne peut pas correspondre des usages de type pistmique ; laide du test de la reprise anaphorique par cette capacit, calqu sur le test de Kronning de la reprise de devoir par cette obligation, il montre que pouvoir en emploi sporadique reste ambigu. Il recourt alors un test de passage la ngative (donn par Le Querler) et montre que le pouvoir sporadique est incompatible avec la ngation, ce qui le distingue tant de lusage pistmique que de lusage dit radical . Larticle de Bertrand Vrine concerne limparfait narratif comme introducteur de discours rapport direct loral. Aprs un tour dhorizon des positions habituelles sur limparfait narratif, il propose une analyse de limparfait narratif pour laquelle dans les changes rapports recourant au discours direct, une des fonctions des propositions rectrices limparfait narratif contrastant avec dautres procs des temps perfectifs parat tre de signifier que le propos [] joue un rle argumentativement secondaire . Il appuie cette hypothse sur les caractres non incident et non ascendant de limparfait dont la consquence serait une inscription rfrentielle moins catgorique sur la ligne du temps. Georges Kleiber concentre son attention sur un ensemble de phnomnes peu ou pas documents au sujet du grondif, et propose un certain nombre de rponses des difficults typiques de lanalyse de cette forme. En particulier, aprs avoir pass en revue les principales proprits du grondif et les grandes problmatiques quil soulve, il ancre son propos sur une hypothse fondamentale qui admet le grondif comme forme morphologique et non pas comme combinaison en + Vpprs, avant de revisiter le grondif par le biais dune analyse de la prposition avec. A travers lanalyse dun grand nombre dexemples, Kleiber identifie ici le grondif comme une sorte davec verbal, ouvrant une conception du grondif base sur lide dune association intgrative de processus. Toujours propos du grondif, mais cette fois en italien, Marco Fasciolo inscrit sa recherche dans un cadre spcifique, la grammaire philosophique de Michele Prandi, qui pose lhypothse que la langue repose sur linteraction de deux structures autonomes, lune grammaticalelinguistique et lautre ontologique-conceptuelle. A travers une analyse fouille du grondif italien, Fasciolo suggre que le rapport entre le morphme grondif et la forme infinitive du verbe est analogue au rapport que lon trouve entre une prposition et un nom, et tudie quelques consquences de cette thse, un point qui entre lgamment en discussion avec larticle de Kleiber. Se tournant vers la subordination inverse avec quando en italien, Laura Baranzini reprend la littrature et propose une explication de ses effets smantiques directement lie au fait que la soi-disante subordonne produit en ralit une prdication distincte. Elle discute la question de savoir si, de la
Introduction
sorte, quando prendrait le rle dun connecteur non subordonnant valeur oppositive, en rappelant quil existe en italien un usage de quando purement oppositif et non temporel. Pour Laura Baranzini, le type de connexion syntaxique ralise par quando inverse se rapproche de celui dune coordination. Sur le plan informationnel, elle relve que limpression de paradoxe, due limpossibilit de distribuer les statuts de thme et de rhme sur les deux propositions, cesse davoir lieu dtre si lon admet lindpendance des propositions en jeu ; toutefois, elle montre que si le quando inverse introduit une rupture informationnelle, il ne cre pas pour autant systmatiquement deux actes illocutoires distincts. Comme pour enchaner sur cette discussion, larticle de Luis Garca Fernndez considre les contraintes lies au changement, traditionnellement associes depuis, en particulier, les travaux de Heinmki, la subordination temporelle. En observant les subordonnes introduites par cuando en castillan, il revisite ces contraintes en montrant que seule une restriction smantique concernant la possibilit du changement et non son caractre effectif est ncessaire. Sa dmonstration se fonde en particulier sur la version que propose Klein de laspect, savoir en termes de relation intervallaire non dictique , et sur la structure sous-vnementielle des prdicats postule par le lexique gnratif de J. Pustjovsky. Son analyse permet enfin de distinguer les contraintes en jeu selon que la proposition introduite par cuando est une principale ou une subordonne, selon que le temps employ est un aoriste ou un imperfectif, et en fonction de laspect lexical du prdicat. Enfin, Emmanuelle Labeau sinterroge sur la comptence et la performance dapprenants du franais, en particulier avancs, en ce qui concerne lutilisation du pass simple. Variant notamment les genres textuels, elle a men une srie dtudes quantitatives qui mettent en relief le fait que les apprenants avancs ont une comptence qui dpasse leur performance, et quen production spontane, la proportion de formes monosyllabiques et de formes rgulires ou rgularises est significativement forte. Enchanant en cela sur certains de ses travaux antrieurs, elle suggre quun modle tel que lhypothse de laspect pour rendre compte de lacquisition aspectuotemporelle en franais langue trangre est inadquat.
1. Introduction Les questions concernant le temps venir et linterprtation des noncs au futur sont multiples. Elles se sont poses et se posent toujours lheure actuelle selon plusieurs axes de rflexion entre autres, lontologie, la logique, la cognition, la smantique, la pragmatique, etc. tant donn la particularit des vnements futurs, nayant aucun statut ontologique, nous nous demandons quel lieu lhypothse rfrentielle occupe en ce qui concerne lanalyse des noncs au futur et linterprtation du temps verbal futur. Lenjeu est de grande tendue et nous proposerons de sonder quelques pistes. En particulier, cette question nous porte considrer lventuelle diffrence entre notre capacit reprsentationnelle sur des vnements futurs et celle sur des vnements passs, dont on constate quils ont modifi ltat du monde. Une fois la rflexion engage, nous nous intressons au statut de lusage descriptif de la forme propositionnelle dun nonc au futur, portant sur un vnement futur. Dans la mme direction, nous sommes amene considrer comment la problmatique aborde est gre par linterlocuteur dans linterprtation de ces noncs et dans le traitement des propositions infres. Nous situons notre rflexion dans le cadre de la thorie de la pertinence (Sperber & Wilson 1986, 1995), qui traduit notre engagement dans la voie pragmatique-infrentielle. Le dveloppement de notre examen nous permettra davancer des arguments pour une conception non modale de linterprtation descriptive des noncs au futur, ainsi que de la smantique du futur en franais. 2. Reprsentation du pass et reprsentation de lavenir Le problme de la description langagire des ventualits 2 non avres se trouve au coeur de lhsitation quant lattribution dun smantisme de type
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Nous tenons remercier les valuateurs externes anonymes, ainsi que Flor Bango de la Campa et Ivan Evrard pour leurs commentaires sur la premire version de cet article. Cahiers Chronos 19 (2007) : 7-24.
temporel ou de type modal au futur de lindicatif et en gnral, du long dbat sur la relation entre temps et modalit sous toutes ses tournures. Un des aspects qui attirent notre attention en rapport avec cette problmatique concerne notre capacit reprsentationnelle sur les vnements futurs en comparaison avec notre capacit reprsentationnelle sur les vnements passs, tant donn la diffrence signale ci-dessus entre les uns et les autres. La faon dintrioriser la notion de futur, ainsi que la manire de percevoir sa ralit en comparaison avec celle du pass constituent, en effet, des questions qui se sont avres fcondes pour la thorie smantique sur le temps verbal futur. Dailleurs, de nombreuses prsentations de celui-ci prennent comme argument une association du point de vue ontologique de lavenir au possible pour justifier certains usages, surtout ceux considrs comme modaux. Lhtrognit des trois catgories traditionnelles du temps (pass, prsent et futur) a fascin depuis toujours les philosophes et dautres chercheurs sur le temps et sa nature. En ce qui nous concerne, dans la philosophie occidentale du temps, la discussion au sujet des conditions qui rendent possible un acte libre ou le dbat sur les ides de ncessit et de contingence se refltent dans la rflexion sur lavenir. Une vue positive de la contingence position prise de faon nuance par Aristote, picure ou Carnade, par exemple, en opposition aux varits du ncessitarisme 3, se retrouve la base dune des diffrences majeures poses entre notre reprsentation du temps futur et notre reprsentation du temps pass. Selon ceux qui se situent dans cette optique, lon se reprsenterait lavenir et sa concrtisation compose dvnements sous forme de structure ramifie, afin de mettre en vidence la distance face au pass au sens de rvolu. Le pass est conu ici comme une priode temporelle susceptible dtre enregistre dans notre mmoire et serait reprsent dune manire linaire. La reprsentation de lavenir sous le signe de la contingence implique, donc, que lon doit pouvoir se reprsenter des possibilits diffrentes, autant de branches qui figurent un prolongement du temps dans une direction diffrente.
la suite de Bach (1989), ce terme (de langlais eventuality) est utilis pour recouvrir toutes les classes aspectuelles : tats, activits, accomplissements et achvements. Lavenir a t associ au contingent, cest--dire ce qui peut tre ou ne pas tre, partir du chapitre IX du De interpretatione dAristote (Garca Surez & al., eds, 1999 : 162-166), le philosophe de lAntiquit dont le systme nous reste le plus accessible (Vuillemin 1984 : 8). Cest le clbre problme des futurs contingents, qui a t lorigine dune littrature et dun dbat trs abondants. La conception de lavenir que nous prsentons ici, de faon forcment concise, et que lon pourrait nommer post-aristotlicienne, coexiste avec une conception ncessitariste.
Ainsi, certains ont compris que seul un systme non dterministe serait capable dapprhender la dimension contingente associe lavenir dans cette tradition. On ne se reprsenterait pas une squence linaire dvnements, mais plutt une structure arborescente incluant tout ce qui pourrait avoir lieu ou toutes les possibilits futures. Cependant, nous voulons attirer lattention sur le fait que cette reprsentation de lavenir serait en ralit un schma idal, car on narriverait pas imaginer toutes les bifurcations possibles 4. Du moment que nous considrons quelle reste attache au sujet qui la conoit ou la manipule, nous devons admettre quelle nest pas entirement libre. Elle se voit contrainte, par exemple, par la propre capacit cognitive du sujet. La version la plus plausible du fonctionnement de notre systme cognitif tablirait que le nombre de donnes stockes par le sujet ne serait pas illimit ou au moins quelles ne seraient pas toutes accessibles au mme moment et au mme degr. De ce fait, certaines issues thoriquement possibles ne nous seraient mme pas manifestes. En tout cas, labsence de dtermination sur le plan ontologique des ventualits futures par rapport ltat du monde au moment de lnonciation, absence qui sajoute lventuelle insuffisance des connaissances, soulve le problme philosophique de lvaluation des conditions de vrit des propositions contingentes rfrence future. Les arguments soutenant une dissymtrie ontologique et cognitive entre pass et futur 5 pourraient porter croire que les ventualits futures ne seraient plus alors susceptibles dtre dcrites par le langage comme le sont les ventualits passes. Pareillement, dans une approche des temps verbaux reposant sur une conception mtaphysique post-aristotlicienne et sur des modalits relles ou temporelles 6, seuls les temps du pass serviraient
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Pourtant, il ne sagirait pas dune question dordre pistmique en rapport avec linsuffisance de la connaissance du sujet dimension souvent associe au sujet de notre reprsentation de lavenir en comparaison avec notre reprsentation du pass. Dailleurs, notre accs au pass est galement faillible. Ainsi, on ne pourrait pas tablir que le moment dnonciation isole le certain (le pass et le prsent) du non-certain (lavenir), car de mme que certains vnements passs peuvent nous tre inconnus, de mme nous connaissons avec certitude certains vnements futurs (par exemple, des vnements inluctables : le soleil va se lever). L. Gosselin (2005 : 83) remarque aussi, lappui de lirrecevabilit de cette coupure modale opre par le moment dnonciation, lutilisation courante dnoncs du type Je sais quil va russir, qui indiquent que nous prouvons des certitudes lgard de lavenir. Cf. Rocci (2000 : 261-262) pour une synthse. Dans la perspective des modalits que les philosophes appellent relles ou temporelles , le pass, ainsi que le prsent, constituent le domaine de lirrvocable, tandis que le futur relve de la modalit du possible. Les vnements passs et prsents, et avec eux les propositions qui les expriment,
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dcrire un tat du monde, vu que les faits passs disposent de traits et de caractristiques vrifiables. La dimension du possible lie lavenir ferait partie, en revanche, de la dnotation du temps verbal futur. Nous estimons, par contre, quune premire sparation doit tre constitue : dun ct, ce que lon croit savoir du monde et notre conception de lavenir en tant que concept temporel, associ dans une perspective post-aristotlicienne, par exemple, la diversit et la contingence ; de lautre, ce qui est exprim par une forme verbale de futur. Lindtermination objective des ventualits futures (qui peut apparatre comme une position mtaphysique particulire) chappe dans une certaine mesure la conception reprsentative du langage. En ce qui concerne la capacit descriptive des noncs au futur, notre hypothse de travail sappuie sur la ncessit de discerner plusieurs dimensions impliques dans ce dbat ontologie, logique, pense, langage, dont lamalgame constitue, notre avis, une source de confusion singulirement manifeste quand on se retrouve face une notion aussi controverse que le futur. Par ailleurs, une des consquences les plus notables du fait quun vnement futur nest pas ontologiquement dtermin au moment prsent, savoir limpossibilit de pouvoir assigner une valeur de vrit une proposition renvoyant au futur, est perue diffremment si lon reconnat quune approche vrifonctionnelle comme la thorie de la pertinence 7 ne postule pas dontologie mondaine. En dautres termes, ce type dapproche ne considre pas ncessairement que le monde soit structur dune manire ou dune autre. Dans cette perspective, la signification dune phrase est lensemble des conditions qui la rendraient vraie dans le monde, dans un monde possible. Lhypothse rfrentielle de base est donc valable pour une reprsentation dans lavenir, de mme que pour une reprsentation dans le pass 8. Ce qui change par rapport au pass, cest que les conditions de
sont considrs comme irrvocables en ce sens quils ne sont pas susceptibles dtre modifis. Cette prmisse ou les consquences qui en dcoulent ont t mises en doute, cependant, par certains, comme par exemple le philosophe Clanthe (cf. Vuillemin 1984 : 19-21, 91-127). Les propositions dcrivant des vnements futurs ne sont, quant elles, ni vraies, ni fausses, mais possibles. La thorie de la pertinence soutient quune partie de linterprtation dun nonc concerne la dtermination des conditions de vrit, mais que linterprtation nest pas puise pas celles-ci. Dans le processus dinterprtation, il y a des infrences non ncessairement vriconditionnelles. Cest pourquoi L. de Saussure (2003 : 119) la qualifie de thorie vrifonctionnelle . Il ne sagit videmment pas ici du dogme logique selon lequel toute dclaration est ncessairement vraie ou fausse. Dans son chapitre consacr la smantique du futur o, en mme temps que la description linguistique, il prend en considration les questions logiques et philosophiques sous-jacentes, F. Nef (1986) rejette le dterminisme ontologique et professe un dterminisme logique, issu dun principe de bivalence tendu aux propositions futures. Il cherche
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vrification sont associes ce qui va se produire. Mais cette distance ne se traduirait pas, selon nous, dans ce qui est communiqu par un usage non interprtatif dune forme propositionnelle : la reprsentation dun tat de faits dun monde dans le pass ou dans lavenir. De cette faon, il est lgitime dadopter une approche vrifonctionnelle pour lanalyse de linterprtation des noncs o apparat le temps verbal futur. Bien entendu, cette prise de position ne va pas sans consquences. Pour ce qui est de notre discussion, il nous faudra surtout revoir le traitement classique de lacte dassertion. Nous serons amene dans la suite refuser que la forme dclarative dune phrase est consubstantielle la reprsentation dun jugement de vrit ou de fausset. Ayant expos jusquici une des conceptions mtaphysiques du temps et la manire dont on se reprsenterait les ventualits futures dans ce cadre, nous croyons utile dtablir une discrimination gnrale, que lon retrouve implicite sous diffrentes versions dans dautres tudes (Gosselin 2001, Schfer-Prie 2001, Vet & Kampers-Manhe 2001), entre lavenir dun point de vue mtaphysique et ontologique, et le futur dun point de vue linguistique. La discrimination que nous faisons ainsi nous servira de point dappui pour prsenter ensuite une vision raliste et pragmatique de linterprtation des noncs au futur en usage descriptif 9. Dailleurs, dans le domaine linguistique, le fait que le temps verbal futur puisse tre interprt comme lexpression dune croyance, dun jugement pistmique sur la probabilit quun quelconque vnement futur puisse se produire ou comme lexpression dune ralit dj dtermine, par exemple, serait, daprs L. Gosselin (2005 : 94), un fait pragmatique en rapport avec la conception de lavenir luvre. Cela nous indique que certaines valeurs qui lui ont t attribues sont en ralit des valeurs modales pragmatiquement infres partir des conceptions de lavenir du locuteur et de ses interlocuteurs. Elles ne sont pas marques par la forme de futur, mais plutt par ce que lon croit savoir du monde. Dautre part, il faut souligner de nouveau que toutes ces rflexions sont en rapport trs troit avec la question de larticulation entre temps et
faire face, par exemple, la question de linaccessibilit pistmique du futur. Cette relation entre le langage et la ralit est propre au domaine de la smantique vriconditionnelle et elle est analyse au sein de la smantique formelle. Notre approche pragmatique-infrentielle, en revanche, est plutt centre sur le processus et les lments qui contribuent rcuprer lintention informative du locuteur. Quand R. Martin (1981 : 83-84), considrant que tous les emplois du futur jouent plus ou moins sur la part dhypothse naturellement inhrente lavenir, affirme que le propre des emplois temporels du futur est lexpression du degr de probabilit minimal possible, avoisinant dj la certitude, il serait en train de confondre les deux questions que nous voulons discerner et sparer.
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modalit. Lapproche proprement linguistique par laquelle nous soutenons une thse rfrentielle et non modale quant aux noncs au futur en usage descriptif trouve galement son pendant dans la mise en question de la conception des modalits (relle ou temporelle) qui conduirait une position oppose la ntre. 3. Usage descriptif des noncs au futur Admettant quune ventualit future, de mme quune ventualit passe, est un objet du monde susceptible dtre reprsent par le langage, nous nous intressons ici au statut de lusage descriptif de la forme propositionnelle dun nonc au futur comme (1) :
(1) Paul passera demain au bureau.
Nous prtendons analyser la nature descriptive de cet usage en mme temps que nous reconsidrons la place donner aux questions dordre mtaphysique et ontologique. Il ne sagit pas denvisager une ventuelle assimilation au type particulier de mtareprsentations constitu par les usages interprtatifs 10. Au contraire, nous argumenterons dans une perspective linguistique le fait que nous pouvons utiliser le langage de faon descriptive propos des faits qui nappartiennent pas au monde actuel. La question est de savoir si cet usage est modal, en ce sens quil implique une quantification sur un ensemble de mondes possibles. Le futur aurait dans ce cas une smantique modale qui se laisserait interprter comme lexpression dune ralisation possible ou plus probable quune autre lintrieur dun monde possible.
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Pour ce qui est de la distinction entre usage descriptif et usage interprtatif dun nonc, il peut tre utile de reprendre la dfinition donne dans Sperber & Wilson (1986 : 228-229) : Any representation with a propositional form, and in particular any utterance, can be used to represent things in two ways. It can represent some state of affairs in virtue of its propositional form being true of that state of affairs ; in this case we will say that the representation is a description, or that it is used descriptively. Or it can represent some other representation which also has a propositional form a thought, for instance in virtue of a resemblance between the two propositional forms ; in this case we will say that the first representation is an interpretation of the second one, or that it is used interpretively Un nonc est produit, donc, en usage interprtatif quand il est utilis comme reprsentation dune autre reprsentation (mtareprsentation). Autrement dit, lnonc servirait reprsenter la parole ou la pense dautrui au sujet dun tat de faits. En ralit, nous ne voyons pas comment lusage qui sera analys dans cet article pourrait tre assimil un usage interprtatif, mis part le cas de lironie.
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Cela reviendrait supposer une certaine dnotation modale dans la description Paul passera demain au bureau. Si nous estimons, par contre, que des noncs comportant un temps du pass et communiquant un vnement pass peuvent tre interprts comme des descriptions du monde dans un certain tat rvolu, un usage comme (1) se laisserait son tour interprter comme la description des faits appartenant au monde de rfrence dans un certain tat venir. Les deux rponses avances correspondraient deux thses diffrentes. En ce qui concerne la premire thse, nous laborderons principalement dans cet article en rapport avec la modalit pistmique. Cette thse revient considrer que la seule faon de sexprimer sur un fait futur est lhypothse, les noncs au futur prsentant les propositions qui renvoient lavenir seulement comme possibles. Ainsi, reprenant les mots de Marschall (1999 : 77), toutes les formes dexpression du futur relveraient de lhypothse et par l du domaine modal . C. Vet (1983), R. Martin (1983) et C. Vetters (2001) ont dj rejet lide selon laquelle le futur de lindicatif ne pourrait exprimer que le doute, la probabilit ou la possibilit. Ils sappuient, par exemple, sur le fait que ce temps verbal saccommode bien dexpressions modales exprimant la certitude, tel quils le constatent en (2) :
(2) Il est certain que Chantal viendra.
Nous pouvons ajouter un argument encore plus probant. Le futur ne pourrait pas relever dune modalit pistmique du type de lhypothse ou de la possibilit, tant donn quil peut tre enchss dans nimporte quel contexte pistmique. On peut le constater la lumire du contraste entre (2) et (3) :
(3) Personne ne croit que Chantal viendra.
En outre, il a t remarqu que cest en contexte de prsent que lincertitude que certains associent la notion davenir sactive de la faon la plus remarquable (Confais 1992 : 86-87). En posant que le futur exprime une incertitude ou du moins une restriction de certitude, suite ce genre dassociation, il deviendrait peut-tre plus facile dexpliquer certains de ses emplois comme celui dans (4), que lon qualifie de futur dattnuation :
(4) Je ne vous cacherai pas que je ne suis gure satisfait.
En revanche, Confais signale que lon ne pourrait pas expliquer pourquoi lnonc (5), qui porte sur lavenir et qui inclut galement un temps verbal futur, a pour effet de rjouir le cur de linterlocutrice et non de lui faire prouver une certaine inquitude :
(5) Ma chrie, je taimerai toute ma vie.
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Dautre part, cette premire thse impliquerait quil persiste une valeur modale pistmique dans la plupart des analyses dans la description Paul passera demain au bureau, de sorte que cet nonc se laisserait paraphraser, par exemple, par (6) :
(6) Je suppose que Paul passera demain au bureau.
Il semble que lon devrait assumer que ce qui est dit par les noncs au futur en usage non interprtatif est lincapacit du locuteur de poser un jugement en termes absolus sur la vrit de la forme propositionnelle de lnonc 11. Le futur se laisserait, par consquent, interprter comme lexpression dune ralisation possible lintrieur dun monde possible, le locuteur lui assignant un certain degr de croyance. Non seulement nous semble douteuse lquivalence entre lavenir ontologique et le futur linguistique que nous reconnaissons sous-jacente, mais nous rejetons aussi la thse qui semble implicite dans ce type danalyse : ltat mental du locuteur (ce que les philosophes analytiques appellent attitude propositionnelle ) ferait partie du sens conventionnel de lnonc. Il nexiste bien videmment pas dquivalence smantique (linguistique et conventionnelle) entre les propositions exprimes par les noncs (1) et (6), que nous reprenons ici :
(1) (6) Paul passera demain au bureau. Je suppose que Paul passera demain au bureau.
On pourrait croire que des noncs au futur comme le premier constituent un cas particulier, tant donn que ce que lon expose propos de lavenir nest jamais vrifiable au moment prsent et partant nest jamais su vrai ou faux. Mais ce nest pas le cas, car la faillibilit, qui caractrise ainsi nos croyances portant sur lavenir, est propre aussi toutes nos croyances, sur le pass et mme sur le prsent 12. Tout cela ne veut pas dire pour autant que la dtermination de lattitude du locuteur face la proposition exprime ne fasse pas partie du processus dinterprtation de lnonc, mais elle ne correspond
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Selon lhypothse modale qui fait du temps verbal futur une partie intgrante du systme des modaux, il est possible de distinguer diffrents degrs dans la valeur de vrit dun nonc qui concerne lavenir, oscillant entre le plutt oui et le plutt non (Rotg 1995 : 114). Ce serait, donc, une hypothse construite sur un modle pistmique qui fait intervenir les connaissances du locuteur. Celui-ci se livre un jeu de probabilit ou de prdiction. Cela permet de scarter dune position mtaphysique quelconque, portant sur la dtermination objective des vnements. Mais elle se trouve toujours confronte des problmes, dont plusieurs ont dj t voqus. Cf. note 4 o nous soulignons linadmissibilit du moment dnonciation comme coupure isolant le certain du non-certain.
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pas ce qui est dit par lnonc sa forme propositionnelle ou explicitation de premier ordre. Elle correspond son explicitation dordre suprieur, sur la vrit de laquelle le locuteur ne sengage pas. Aucune quivalence ne peut donc tre prise en considration. La position soutenue ici partage avec Gosselin (2001 : 52-53) le refus de lide que les noncs au futur prsentent les propositions quils expriment comme simplement possibles. Ce rejet se manifeste paralllement dans son argumentation linconvenance ou limpossibilit de reprendre dans une perspective linguistique larticulation entre temps et modalit qui est la base de cette hypothse et dont lorigine est retrouver, daprs lui, dans le chapitre IX du De interpretatione dAristote. Cette discussion autour de la modalit pistmique pourrait slargir galement la modalit althique. Une valeur modale althique atteindrait les propositions exprimant des vnements futurs, car elles ne sont ni vraies, ni fausses au moment de lnonciation. Cette valeur serait lquivalent lindtermination de la valeur de vrit de la proposition. Linconvenance mentionne unie une approche vrifonctionnelle nous permet dcarter une telle assimilation de la coupure modale au plan linguistique. Daprs ce que nous avons expos au 2, linterprtation dune valeur modale, pistmique ou autre, ne serait pas marque par la forme de futur. Il sagirait dun fait pragmatique. Elle peut tre infre partir de la conception de lavenir des interlocuteurs. Les inconvnients poss ici et dautres nous font partir la recherche dune explication plus satisfaisante de lusage descriptif dun nonc au futur comme (1). La deuxime thse se base sur lide laquelle nous mnent nos rflexions du 2 : la facult du langage pour la description aussi bien dventualits futures que dventualits passes. En premier lieu, nous tenons souligner que lnonc qui nous sert dexemple, Paul passera demain au bureau, ne doit pas tre assimil la ralisation dun acte dassertion. Il nest pas ncessaire que linterlocuteur se reprsente une hypothse du type Le locuteur croit que Paul passera demain au bureau pour pouvoir comprendre lnonc 13. Cela nimplique pas quil ne soit pas capable de dterminer la forme propositionnelle de lnonc, mais que ladhsion du locuteur sa vrit nest pas communique de faon conventionnelle. Dun ct, nous contestons nouveau lide que le langage reprsente de faon transparente les tats mentaux du locuteur : un locuteur qui utilise un nonc forme dclarative nexprime pas automatiquement sa croyance en la vrit de la proposition exprime, contrairement ce qui est
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Il nest pas ncessaire non plus que linterlocuteur se reprsente une hypothse du type Le locuteur prdit que Paul passera demain au bureau pour pouvoir comprendre lnonc (1). Cf. Sperber & Wilson (1986 : 245) sur le caractre non essentiel dun acte de prdiction dans la comprhension dun nonc portant sur un vnement futur.
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dfendu par D. Vanderveken (1988 : 157). De lautre, ce que le locuteur peut communiquer avec lnonc Paul passera demain au bureau, cest que la pense reprsente par la proposition exprime ( Le cousin du locuteur appel Paul passera demain 23 septembre au bureau de son patron , par exemple) est entretenue par lui comme la description dun tat de faits dun monde un moment postrieur au moment de lnonciation 14. Cette description peut videmment se confirmer plus tard comme vraie ou fausse. Dailleurs, la capacit dune forme propositionnelle de reprsenter descriptivement un certain tat du monde repose sur le fait quil est possible de lui assigner un ensemble de conditions de vrit. Cette assignation est ralisable pour ce qui est des noncs au futur dans le cadre dune approche vrifonctionnelle comme celle de la thorie de la pertinence. Nous pouvons argumenter, de plus, que lenrichissement qui conduit de la forme logique la forme propositionnelle dans le processus interprtatif est limit certains domaines de la pragmatique et exclut lassignation dune force illocutoire lnonc. La forme propositionnelle de lnonc est susceptible dtre incorpore un schma que D. Sperber et D. Wilson (1986 : 246) formulent comme The speaker said that P , o P reprsente cette forme propositionnelle. Il sagirait dun acte appel saying (dire que), qui ne peut tre considr comme un type dassertion. A. Reboul et J. Moeschler (1998 : 173) remarquent juste titre quil nest pas question dengagement du locuteur dans la dfinition donne dun acte de ce type 15. Le locuteur communique quelque chose, mais il ne sengage pas sur la vrit de ce quil communique. Nous suivons ainsi la classification propose dans Sperber & Wilson (1986 : 243-254) des actes de langage en trois grands types gnriques : saying (dire que), telling (dire de) et asking (demander si, quoi, etc.). Ce sont les seuls universaux et fondamentaux dans la communication humaine et dans la comprhension, puisquils doivent tre reconnus comme tels par linterlocuteur pour que linterprtation de lnonc soit satisfaisante 16.
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La pense reprsente par la forme propositionnelle P peut tre conue comme une description soit par le locuteur et dans ce cas nous aurons un usage descriptif de lnonc, soit par la personne ou le type de personne dont le locuteur interprte la pense et dans ce cas nous aurons un usage interprtatif. Voici cette dfinition : Let us define saying that P, where P is the propositional form of the utterance, as communicating that the thought interpreted by P is entertained as a description of an actual state of affairs (Sperber & Wilson 1986 : 247). Daprs D. Sperber et D. Wilson (1986, 1995), la typologie traditionnelle des actes de langage mise en place dans le cadre de la thorie des actes de langage permet de classer les noncs des locuteurs, mais cela ne veut pas dire pour autant que cette classification joue un rle dans la communication et dans la
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Prenons comme illustration de ces actes un autre exemple au futur. Un locuteur X dit son interlocuteur Y :
(7) Tu feras cet exercice.
X peut vouloir communiquer que la pense exprime est prsente non pas comme la description dun tat de choses rel ou possible, mais comme la description dun tat de choses dsirable. Il sagirait dun acte de telling (dire de). Quant Y, il peut rcuprer, parmi dautres propositions, une explicitation dordre suprieur du type Je, X, dsire que Y fasse lexercice signal sur le cahier que je tiens dans ma main , si cette hypothse est cohrente avec le principe de pertinence. Une telle hypothse serait le rsultat de linteraction entre la forme linguistique de lnonc, les informations sur la situation et les hypothses contextuelles actives et accessibles. En effet, la reconnaissance par linterlocuteur de lacte effectu par le locuteur sappuie en partie sur les indices explicites prsents dans la forme linguistique de lnonc 17 et sur le critre de cohrence avec le principe de pertinence. Dans la qute de la pense que le locuteur voulait communiquer avec un nonc comme, par exemple, Paul passera demain au bureau, la
comprhension. Lidentification de certains de ces actes nest pas ncessaire pour quils saccomplissent avec succs. Si un locuteur dit Je viendrai te visiter, cela peut tre une assertion, une prdiction, une menace, etc., mais linterprtation de lnonc nest pas soumise lidentification prcise dun acte de ce type. On refuse, toutefois, une correspondance exacte entre forme syntaxique et type dacte, comme celle postule dans la thorie classique des actes de langage. Par ailleurs, le temps verbal futur fait partie de la forme linguistique des noncs analyss. Nous voulons remarquer son propos quen tant que marque procdurale (Moeschler 1998), il contribue indiquer linterlocuteur la manire de construire le contexte dinterprtation et la manire de se reprsenter lventualit en question. ce sujet, il est intressant de noter la thse soutenue par F. Kangethe Iraki (2003) : les temps verbaux ont des effets sur la manire de construire les reprsentations mentales qui vont au del des conditions de vrit. La description langagire des ventualits serait une affaire fortement dpendante des intentions du locuteur sur limage mentale de lventualit quil dsire susciter en loccurrence dans lesprit de linterlocuteur. Il sagirait dun processus cognitif dans lequel les intentions du locuteur occupent une place de choix et dterminent la construction de la forme linguistique de lnonc et particulirement le choix dun temps verbal au lieu dun autre pour dcrire une mme ventualit. Selon lhypothse de Kangethe Iraki, chaque temps verbal produit son propre effet cognitif en ce sens que les divers temps verbaux dclenchent diffrentes reprsentations mentales. Cette hypothse ouvre une voie dtude en ce qui concerne, par exemple, lanalyse du comportement smantico-pragmatique du temps verbal futur en comparaison avec la forme priphrastique du futur.
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combinaison de ces indices avec des lments situationnels et contextuels, ainsi que le gouvernement du principe de pertinence et du critre de cohrence avec le principe de pertinence, peuvent contribuer ce que linterlocuteur se reprsente comme faisant partie de lintention informative du locuteur la description dun tat de faits futur. La reprsentation dune description sobtiendrait, ainsi, indpendamment de la probabilit ou du fait que ce futur se vrifie dans un moment venir. Linterlocuteur doit adopter toujours la premire interprtation cohrente avec le principe de pertinence et partant la seule cohrente de son point de vue. Sur ce dernier point, il est ncessaire de prciser que, pour que linterprtation reconnue par linterlocuteur comme cohrente avec le principe de pertinence soit bien linterprtation descriptive qui est dsire par le locuteur lors dun acte communicatif dtermin, plusieurs facteurs doivent orienter la tche du premier dans cette direction. Le fait quun locuteur qui produit un nonc sattende ce quil soit compris repose sur la capacit admise des tres humains de rflchir sur leurs propres croyances et sur les croyances dautrui (Sperber 1990). Cest cette capacit qui nous fait croire que le locuteur value ou attribue au pralable des croyances et des connaissances son interlocuteur. Il slectionne par la suite la forme du stimulus ostensif la plus adquate pour que leur interaction, o interviennent galement dautres lments situationnels et contextuels accessibles et le principe de pertinence, puisse conduire le travail infrentiel de linterlocuteur sur la bonne voie, celle de linterprtation quil dsire et avec le moindre effort cognitif possible 18. On dira alors que le locuteur prvoit que lnonc sera optimalement pertinent pour son interlocuteur dans cette interprtation. Ainsi lidentification dune hypothse du type Le locuteur dit que P ou du type Le locuteur dit de P correspondante un acte de dire de est une tape indispensable dans le processus de comprhension. Mais dans certaines situations communicatives, ces hypothses peuvent tre pertinentes parce quelles rendent manifestes dautres hypothses qui peuvent, leur tour, servir modifier la force dadhsion ou lattitude de linterlocuteur face une croyance qui fait dj partie de son environnement cognitif. Par exemple, dire que P peut avoir la valeur dune assertion, si lexplicitation Le locuteur dit que son cousin Paul passera demain 23 septembre au
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Cependant, cette valuation peut tre errone et elle ne garantit donc pas une interprtation correcte, cest--dire, celle qui est conforme aux intentions du locuteur. Si lon accepte que linterprtation des noncs ne se limite pas un simple processus de dcodage, on devra admettre quil sagit alors dun processus faillible o prennent part la formation et lvaluation dhypothses. Dans cette perspective, il ny a pas de garantie absolue que linterprtation qui satisfait les expectatives de pertinence de linterlocuteur soit celle qui tait prvue par le locuteur (Wilson 1993 : 349).
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bureau de son patron donne des raisons pour accepter lhypothse Le locuteur croit que son cousin Paul passera demain 23 septembre au bureau de son patron . Si linterlocuteur fait confiance au locuteur, lexplicitation peut mme donner des raisons qui, en conjonction avec des informations contextuelles accessibles, lui fassent accepter lhypothse Paul passera demain au bureau . Linterlocuteur lincorpore alors son environnement cognitif ou augmente la force de sa croyance en cette proposition, au cas o il disposerait dj dune quelconque information concernant la visite de Paul dans le bureau de son patron. Par consquent, une assertion sur un fait futur, de mme que lexploitation descriptive dun nonc au futur, est possible dun point de vue linguistique et pragmatique, si le locuteur prvoit que son nonc sera pertinent pour son interlocuteur sous cette interprtation et si en outre lnonc est une reprsentation littrale de sa pense. Si lon considre les observations prcdentes, le fait quune ventualit future nait pas de prsence dans le panorama peru par les interlocuteurs nempche donc pas le discours de sappuyer sur un processus de reprsentation de ce qui est absent pour communiquer la description dun tat du monde un stade postrieur au moment de lnonciation. Le discours permet, ainsi, dans une perspective proprement linguistique de faire face au dcouplage temporel entre le sujet et les ventualits absentes 19. De mme, lintention du locuteur peut tre de reprsenter descriptivement dans son nonc au futur une ventualit future, mais elle devra tre mutuellement manifeste pour lui et pour linterlocuteur 20. Lanalyse mene jusquici nous
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Cf. Gosselin (2005 : 22-27, 211-214) pour une explication sur le processus cognitif de reprsentation et sur le discours de reprsentation , dont nous reprenons quelques ides. Le thme est particulirement intressant pour la question dont nous nous occupons ici. La dissociation, opre par le processus cognitif de reprsentation, dun ensemble de caractristiques de la situation perceptive permet au sujet dchapper sa situation spatio-temporelle et de se dplacer la rencontre des objets qui ne concident pas avec lui. De mme, le discours de reprsentation sappuie sur le processus cognitif de reprsentation de ce qui est absent et suppose la non-synchronie temporelle entre le sujet prsent et lobjet absent, mais qui est linguistiquement situ dans le temps. Notre hypothse suit la mme direction que dautres travaux sur le temps verbal futur (Marschall 1999, Vet & Kampers-Manhe 2001, par exemple), en ce quil est important, dun point de vue linguistique, de reconnatre la diffrence entre lintention de communication du locuteur et le statut ontologique particulier des ventualits futures. Cependant, si le but dernier de linterlocuteur est didentifier lintention informative du locuteur, autrement dit, de reconnatre linterprtation correspondante la pense que le locuteur cherche lui communiquer, le critre de slection appliquer doit tre autre que lintention du locuteur. Dans la perspective pertinentiste, ce sont le principe de pertinence et le critre de cohrence avec le principe de pertinence qui nous serviront
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permet aussi de soutenir en mme temps que le futur na pas une smantique modale quand il fait rfrence des ventualits futures. Dautre part, la nature descriptive de ces noncs au futur peut se retrouver claire aussi par comparaison avec les noncs de fiction . Mme si ceux-ci portent sur des personnages et des vnements fictifs, qui nappartiennent pas ce que lon considre le monde de la ralit, lusage descriptif de ces noncs est galement dfendable. Tel que L. de Saussure (2003 : 131) le signale, le changement de monde de rfrence est un fait manifeste aux participants et les conditions dutilisation dune forme propositionnelle ne changent donc pas de faon substantielle. Ainsi, la forme propositionnelle dun nonc peut dcrire un tat de faits dun monde fictif et les conditions de vrit sont values au sein de ce monde fictif, mais partag. Observons, par exemple, le cas dun adulte qui dit un enfant :
(8) Le pre Nol passe par la chemine.
Bien que ladulte sache quil ne sagit pas du monde rel, il est conscient que lenfant pense que son monde imaginaire o existe le pre Nol est le monde rel. Ce dont il faut tenir compte dans ce cas en particulier nest pas que la fiction ne soit pas reconnue et interprte comme telle, mais le fait quils partagent tous les deux le mme monde de rfrence. Ce que ladulte veut communiquer et que lenfant interprte , cest que la pense exprime par la forme propositionnelle Le pre Nol passe par la chemine est ce que lui-mme entretient comme la description dun tat de faits dans le monde imaginaire de lenfant. Lon est donc ainsi oblig dadmettre que le monde de rfrence que lon dcrit peut ne pas tre un monde constitu par des faits avrs. En mme temps, il est intressant dobserver que ladulte ou lauteur dun texte de fiction nest pas en train de mentir quand il produit un nonc renvoyant un monde de rfrence qui nest pas le monde rel. En effet, ce qui est faux dans un mensonge est le rapport avec une ralit ou son image mentale, vrifiable par une comparaison. Cest un indice assez fort du fait que ladulte communique une description qui est vraie du monde imaginaire de lenfant ou dun certain monde (de fiction) qui est manifeste aux deux en mme temps. De notre point de vue, il se passe quelque chose de similaire avec les noncs au futur. De mme quavec les noncs de fiction, on peut trouver dans le renvoi des vnements futurs, non avrs, des usages descriptifs. Le locuteur communique ostensiblement une information concernant le monde dans un tat venir, non vrifiable au moment de lnonciation. Cela se
comme critres de slection majeurs tout au long du processus interprtatif. Ils nous permettront didentifier lintention informative du locuteur.
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rvle mutuellement manifeste et donc partag par les participants quand linterlocuteur identifie la forme propositionnelle de lnonc et lincorpore dans un schma du type Le locuteur dit que P , par exemple, si telle est lhypothse cohrente avec le principe de pertinence. Comme nous lavons montr, la forme propositionnelle de lnonc Paul passera demain au bureau pourrait reprsenter ce que le locuteur entretient comme la description dun tat de faits dans le monde venir. La description nest pas vrifiable effectivement au moment de lnonciation. Cependant, elle est toujours dote dun ensemble de conditions de vrit, dtermin par des processus linguistiques et pragmatiques, de manire mutuellement manifeste pour le locuteur et pour linterlocuteur. On combine ainsi la ralisation de lacte son identification par le locuteur et par linterlocuteur et la vrit de la proposition. Ce serait une question part que la non-adhsion du locuteur la vrit de la proposition communique, dans les cas o il ne donne pas dindices explicites ncessaires pour que linterprtation de son nonc cohrente avec le principe de pertinence se fasse autrement que celle dun simple acte de dire que. Par ailleurs, ce manque dengagement ne relve en aucune faon de linexistence dun tat de choses qui vrifie les conditions de vrit du contenu propositionnel de lnonc, comme on pourrait le croire du point de vue de la premire thse expose, qui supposait une smantique modale pour le futur. Il ne sagit pas non plus dun contenu propositionnel que le locuteur considre faux du fait de cette absence dinformation probante. On devrait, en effet, admettre ds lors que tous les noncs au futur portant sur une ventualit future sont ncessairement faux et aussi que tous les noncs au futur expriment un jugement du locuteur sur la vrit de P, conclusions qui dans notre cadre paraissent absurdes. 4. Gestion par linterlocuteur dune croyance en rfrence un tat du monde venir Nous avons fait remarquer au 3 que lorsque linterlocuteur rcupre un usage descriptif dun nonc au futur comme tant inclus dans lintention informative du locuteur, cette interprtation se fait indpendamment de la probabilit ou du fait que ce futur se produise finalement ou non. Pour complter cette rflexion sur lusage descriptif dun nonc comme Paul passera demain au bureau et sur la nature non modale du futur qui y apparat, nous voudrions voquer nouveau la problmatique prsente au 2. Afin de conserver une analyse raliste et pragmatique, il importe de souligner la ncessit de discerner encore, dune part, ce qui relve de lontologie et, dautre part, la gestion mise en place par linterlocuteur de lhypothse quil a forme lissue du processus interprtatif. En dautres termes, pour viter des assimilations trompeuses, nous sparons le fait quun
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quelconque vnement puisse effectivement avoir lieu ou non du traitement de lhypothse touchant lintention informative du locuteur. Les diffrents lments qui prennent part tout processus interprtatif peuvent orienter linterlocuteur vers la reconnaissance, par exemple, dun acte de dire que et dune lecture descriptive de lnonc Paul passera demain au bureau dans la forme et dans les conditions dj traites. Autrement dit, linterlocuteur va pouvoir tirer un certain nombre de propositions quil assume comme lintention informative du locuteur. Mais le degr de croyance en lhypothse propos du vouloir dire du locuteur peut tre plus ou moins fort, car linterlocuteur peut disposer de plus ou moins dindices pour y arriver. De plus, ce degr de croyance sera plus lev en ce qui concerne linformation explicitement communique quen ce qui concerne linformation implicitement communique. Par ailleurs, il ne faut pas confondre ce degr de croyance et le degr dadhsion avec lequel linterlocuteur va entretenir lui-mme cette hypothse en tant quhypothse contextuelle qui va sintgrer dans son environnement cognitif. Lincertitude, qui ferait partie selon certains de la dnotation du temps verbal futur, serait sous cet autre angle une question qui relve de la gestion ou valuation de linterlocuteur des propositions exprimes par le locuteur en rfrence un tat du monde venir par rapport ses connaissances contextuelles, ce quil croit savoir du monde et du locuteur et sa conception de lavenir. Linterlocuteur dterminerait son propre degr de croyance en la ralisation de lventualit dnote par lnonc relativement certains facteurs, autres que le temps verbal futur. 5. Conclusion Nous esprons avoir montr jusquici que dans le cadre voqu pour analyser linterprtation des noncs, il est possible de soutenir une thse descriptiviste et rfrentielle en ce qui concerne lexpression langagire des ventualits futures moyennant le temps verbal futur. Nous avons soutenu que cette position impose de diffrencier, de leur reprsentation ontologique, leur reprsentation linguistique laide de ce temps verbal. Cette distinction nous permet de reconstruire et de proposer une description du processus interprtatif, en mme temps que nous allgeons le contenu smantique du temps verbal futur de certaines valeurs modales qui lui ont t attribues dans dautres tudes. Ce raisonnement que nous avons men ici partir de la modalit pistmique devrait tre semblablement appliqu, par exemple, aux modalits althiques. Ce serait lobjet dun autre travail. Dautre part, des considrations comme celles que nous avons exposes relancent la discussion sur la notion de modalit en rapport avec le futur dans une perspective proprement linguistique. Elles mettent en relief la ncessit dabandonner un modle des relations entre temps et modalit bas
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uniquement sur une conception relle de la modalit, dans lintrt de ladquation descriptive et explicative relativement au temps verbal futur et aux noncs au futur en usage non interprtatif. Rfrences Bach, E. (1989). Informal Lectures on Formal Semantics, New York : Suny Press. Confais, J.-P. (1992). No future ? Les futurs du franais et de lallemand, in : G. Grciano ; G. Kleiber, (ds), Systmes interactifs. Mlanges en lhonneur de Jean David, Metz : Universit de Metz, 81-93. Dendale, P. ; Tasmowski, L., (ds), (2001). Le conditionnel en franais, Paris : Klincksieck. Garca Surez, A. ; Valds Villanueva, L. M. ; Velarde Lombraa, J., (eds), (1999). Aristteles : Categoras, De Interpretatione, Isagoge, Madrid : Tecnos. Gosselin, L. (2001). Relations temporelles et modales dans le conditionnel journalistique , in : P. Dendale ; L. Tasmowski, (ds) (2001), Le conditionnel en franais, Paris : Klincksieck, 45-66. Gosselin, L. (2005). Temporalit et modalit, Bruxelles : De Boeck / Duculot. Kangethe Iraki, F. (2003). Le Modle de Conflit et les temps verbaux, Cahiers de Linguistique Franaise 25 : 137-152. Marschall, G. R. (1999). Pas davenir pour le futur ? propos du futur allemand, in : S. Vogeleer ; A. Borillo ; M. Vuillaume ; C. Vetters, (ds), La modalit sous tous ses aspects, Amsterdam, Atlante : Rodopi, 77-92. Martin, R. (1981). Le futur linguistique : temps linaire ou temps ramifi ?, Langages 64 : 81-92. Martin, R. (1983). Pour une logique du sens, Paris : P.U.F. Moeschler, J. (1998). Pragmatique de la rfrence temporelle, in : J. Jayez ; M. Kozlowska ; J-.M. Luscher ; J. Moeschler ; L. de Saussure ; B. Sthioul, (ds), Le temps des vnements. Pragmatique de la rfrence temporelle, Paris : Kim, 157-180. Nef, F. (1986). Smantique de la rfrence temporelle, Berne, Frankfurt, New York : Peter Lang. Reboul, A. ; Moeschler, J. (1998). La pragmatique aujourdhui, Paris : ditions du Seuil. Rocci, A. (2000). Linterprtation pistmique du futur en italien et en franais : une analyse procdurale, Cahiers de linguistique franaise 22 : 241-274. Rotg, W. (1995). Temps et modalit : enqute sur le futur en anglais, Modles linguistiques 31 : 111-131.
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La prhistoire des futurs romans Ordre des constituants et smantique Viara BOUROVA Liliane TASMOWSKI
Universit dAnvers 1. Le problme La filire menant des priphrases latines avec habere aux futurs du prsent et du pass romans est bien connue. Ainsi lit-on dans Herman (1996, 57) que ces formes remontent, sans lombre dun doute, linfinitif (Inf.) latin suivi des formes personnelles du verbe habere :
(1a) cantare habeo > chanterai (fr.) / cantar (esp., ptg.) / canter (it.) (1b) cantare habebam > chanterais (fr.) / cantara (esp., ptg., anc.it.) (1c) cantare habui > canterei (it.) 1
Cette formulation implique une fixation de la combinaison {habere, Inf.} en Infinitif + habere (IH). Mais tant donn qu'en latin tardif,
(i) la construction se prsente tant dans l'ordre qui est la base des futurs romans (IH) que dans lordre oppos, habere + Infinitif (HI) ; (ii) aucune tendance diachronique vers IH ne se laisse dtecter 2,
la question se pose de savoir comment justifier la fixation de lordre IH et quelle peut tre la relation entre lordre des constituants et la smantique 3.
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Aujourd'hui avrei cantato. Les exemples plus tardifs de {habere, Infinitif} ne sont pas majoritairement des squences de type IH (Coleman 1971, 230 ; Bourova 2005). La prsente tude sinscrit dans le cadre d'un projet de recherche BOF-NOI financ par lUniversit dAnvers et portant sur le dveloppement du conditionnel dans les langues romanes. Les auteurs remercient les participants au colloque Chronos 6 et deux relecteurs anonymes pour leurs commentaires et suggestions. Cahiers Chronos 19 (2007) : 25-41.
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2. Propositions de solution 2.1. La justification smantique traditionnelle Dans les exemples latins de la construction, habere nest pas un morphme temporel. Il faut donc dcrire la gamme de significations qu'il peut prsenter dans la combinaison {habere, Inf.} et les classer de faon aboutir au sens futur. A partir de Thielmann (1885) et du TLL, il est presque universellement admis que la masse des exemples se laisse diviser en au moins trois groupes : posse (capacit/possibilit) ; debere (obligation/ ncessit) ; pro futuro (futur), mme s'il est tout aussi universellement admis que cette rpartition reste subjective et qu'inscrire de faon rigoureuse les exemples dans des groupes smantiques portant ces tiquettes est impossible (e.a. Fruyt 1996, 60 ; Pinkster 1985, 201). La division en groupes smantiques une fois faite, les chercheurs (e.a. Thielmann 1885, Coleman 1971, Fleischman 1982, Adams 1991) tentent alors de dmontrer que la signification future provient de la signification dontique, c..d. du groupe devoir dans le sens d'obligationncessit. Thielmann (1885) a t le premier constater une prdominance statistique de lordre IH dans le groupe devoir. Ses observations sont reprises dans le TLL ( infinitivus pluribus antecedit ). Coleman (1971, 229230), partir de ses propres calculs bass sur les exemples du TLL, ne les contredit pas 4. Adams (1991), sur la base d'un corpus constitu de 55 exemples tirs du grammairien Pompeius, note quavec lordre HI, on peut hsiter entre les interprtations posse, debere et futur, alors qu'avec IH on na jamais linterprtation posse 5, rapprochant donc lui aussi devoir et futur. Que les chercheurs tendent driver la futurit en particulier de lobligation, est confirm par leurs frquents recours un parallle avec avoir et par le choix des exemples pour modeler le passage (p.ex. Fleischman 1982, 59). Cette dmarche est pourtant dj conteste par Benveniste (1974, 131) qui insiste sur ce que habre avec linfinitif a pour fonction dindiquer la prdestination de lobjet dsign tre fait tel et qui pose que aujourdhui comme autrefois, jai travailler ne se confond jamais avec je travaillerai . Depuis, Bybee et al. (1994, 261-262), sur la base de faits typologiques, ont suggr un passage direct du sens de prdestination celui de prdiction, sans mdiation par le sens dobligation.
Notons au passage que le propos du TLL reste trs approximatif, et que des prdominances poses sur la base de rapports qui frisent les 50% ne sont pas vraiment convaincantes. Bien qu'il reconnaisse que, comme le veut le TLL, certains des exemples sont de sens potentiel.
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2.2. Justifications syntaxiques et pragma-syntaxiques La drivation des futurs romans la plus connue, celle de Fleischman (1982), est inspire de luniversel N16 de Greenberg (VSO/SVO & Aux V ; SOV & V Aux): Fleischman nonce que IH s'est impos un moment o l'ordre des constituants en latin tait encore OV. Cette thse a t rejete pour des raisons de chronologie relative : Adams (1991, 132-134) montre que si lon accepte lexplication de Fleischman, il faudrait situer la fossilisation du futur avec habere sous la forme IH avant la priode augustinienne, un moment o il n'y a aucune raison pour supposer lexistence de la construction {habere, Inf.}, ni a fortiori, de lordre IH. Nocentini (2001) quant lui, prend appui sur la loi de Tobler-Mussafia. A partir de l'alternance quid habeo dicere? dicere habes hoc est, il formule l'hypothse qu'un auxiliaire se comporte comme un clitique, et qu'il ne peut donc pas occuper la position initiale dans la phrase. Par consquent si des facteurs syntaxiques ou pragmatiques appellent le verbe en position initiale, la construction doit apparatre dans lordre IH; dans le cas contraire, ce sera HI. Nocentini vrifie son hypothse sur les exemples cits dans larticle d'Adams (1991) et il lappuie par le tmoignage des premiers grands textes des langues romanes anciennes. Evidemment, la construction Infinitif + habere ayant fini par se synthtiser, il faut bien que habere soit pass par un stade clitique, et dans une telle perspective, l'volution vers des formes temporelles est un exemple-type de ce que Hopper & Traugott (2003, 111) ont baptis verb-to-affix cline , soit verbe plein > auxiliaire > clitique verbal > affixe verbal . Mais la solution de Nocentini concerne une phase proto-romane suppose. Pour ce qui est des exemples latins, il est impossible de considrer habere comme un auxiliaire clitique partout: notre corpus fournit 37 HI en position initiale, dont 23 en position initiale absolue et 14 en position assimilable linitiale, c'est--dire prcds d'une conjonction. 2.3. La perspective adopte On se trouve donc confront des problmes majeurs : d'une part, il ny a pas en latin, ni classique, ni tardif, de prfrence notable pour l'ordre possum dicere vs. l'ordre dicere debeo/habeo qui puisse tayer l'ide d'un passage obligation > futur, et d'autre part, la chronologie relative, pas plus que la chronologie absolue, ne permet de situer le passage d'une tournure priphrastique une forme synthtique. Si les matriaux latins que les chercheurs cits ont eu leur disposition ne leur ont pas permis d'tablir une tendance mcanique vers l'ordre IH, c'est bien entendu que le principe gouvernant lalternance HI / IH ne saurait tre simple. De toute vidence, il s'agit du rsultat d'une interaction complexe entre des facteurs syntaxiques, smantiques, pragmatiques et prosodiques,
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interaction dont nous nous proposons d'clairer certains aspects partir d'un ensemble de donnes nouveau. Dans ce qui suit, nous tenterons d'exploiter la piste ouverte par Nocentini en cherchant des phnomnes (autres que l'ordre IH ou HI, mais allant de pair avec eux) pouvant caractriser les cas o habere fonctionnerait d'une part comme auxiliaire et clitique, d'autre part comme verbe plein, et d'tablir si les groupes ainsi obtenus font montre d'une certaine homognit smantico-pragmatique. Dans l'affirmative, le paralllisme syntaxesmantique pourra passer pour une explication de la faon dont le passage d'une tournure priphrastique une forme verbale simple peut se faire. 3. Les coverbes 6 3.1. Les types de modalit Dans sa combinaison avec l'infinitif, habere en latin tardif est le plus souvent considr comme un verbe modal 7, et en tant que tel, on s'attend ce qu'il connaisse un emploi dontique (ou radical), et un emploi pistmique. Ou, dans la terminologie de Kratzer (1991, 650), qu'on distingue entre modalit base modale circonstancielle ( in view of what the law provides, given the regulations ) et modalit base modale pistmique ( in view of what we know, the available evidence ). La premire prend mesure sur des sources relies des lois, des buts, des plans et des dsirs; la seconde sur des sources relies aux connaissances: le cours normal des choses, les comptes-rendus, les croyances (Kratzer 1991, 649). Du point de vue constructionnel, les deux diffrent par leur structure argumentale et par leur porte: selon Abraham (2001), le verbe modal interprtation radicale est un prdicat trois places (agent, patient [+anim], p), tandis que le verbe modal interprtation pistmique est un oprateur monadique qui porte sur toute la proposition (p). Les donnes quantitatives suggrent que lagentivit (sujet anim, 1re ou 2me pers., verbe daction contrlable) est cruciale pour linterprtation dontique, tandis que lpistmique est typiquement li aux sujets existentiels et aux verbes dtat (e.a. Coates 1983, Heine 1995). La modalit dontique ( base circonstancielle, impliquant un agent possible et donc un FAIRE) a trait l'obligation et la permission, la modalit pistmique (qui concerne un tat de choses, et donc un TRE), s' applique tant la ncessit qu' la possibilit. Kronning (1990, 1996, 2001), pour le verbe devoir en franais, propose plutt une tripartition entre emplois, en distinguant dune part le domaine du dontique (l'obligation morale et l'obligation pratique de FAIRE TRE), dautre part le domaine de lalthique (la ncessit dTRE vridicible) et en
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est coverbe tout verbe qui se construit avec un mode impersonnel infinitif, participe (Kronning 2003, 232). Cette approche est conteste par Pinkster (1985).
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troisime lieu le domaine de l'pistmique (la ncessit d'TRE montrable, soit le domaine du probable). L'pistmique concerne un vnement simultan ou antrieur (un certain tat de choses est ou a t le cas), tandis que l'althique concerne un vnement simultan ou postrieur (un certain tat de choses est ou sera le cas). Kronning (2001, 2003) montre que selon l'interprtation, devoir ragit de manire diffrente aux tests syntaxiques pour l'auxiliarit. Il observe ainsi que dans l'emploi dontique, le comportement de devoir est proche de celui du verbe plein. Devoir dontique est donc un coverbe non auxiliaire , un coverbe fort, peu grammaticalis; en revanche, devoir althique est auxiliaire, plus faible et plus avanc dans la grammaticalisation. Nous proposons une interprtation lato sensu de l'althique de Kronning en considrant qu'avec l'althique la base modale est lie un type spcial d'information disponible, la connaissance des lois mathmatiques et physiques (Si tu lances une pierre, elle doit retomber) ou des lois naturelles (Tous les hommes doivent mourir), les croyances qui ont accd au statut de vrits absolues (prdestination, prophties). Restent du domaine du dontique les rgulations normatives et les ncessits ou possibilits imposes par les circonstances. 3.2. Coverbes non-auxiliaires, auxiliaires et clitiques en latin et ordre des mots Revenons-en maintenant aux faits du latin. Existe-t-il une relation entre des phnomnes syntaxiques (p.ex. lordre des mots) et une division des verbes employs avec lInfinitif ou le Participe en auxiliaires et en coverbes? Pour ce qui est des verbes autres que habere qui se combinent avec l'Infinitif (possum, debeo, volo, coepi etc.), il a t tabli en littrature que lordre {possum, debeo...} + dicere est devenu lordre presque invariable en latin tardif (Adams 1991, 133 ; Stengaard 1985). Dautre part, le seul verbe grammaticalis du latin, le seul verbe entrer dans le paradigme de la conjugaison, est esse: esse sert former le parfait au passif (factus est) et la coniugatio perifrastica avec les participes futurs (facturus est, faciendum est), et pour ces combinaisons-l, le tableau est trs diffrent de ce qui se passe avec posse et debere : selon nos dcomptes, dans 81% des cas chez Ptrone et dans 95% des cas dans la Peregrinatio Aetheriae, le verbe esse suit le participe (cf. aussi Stengaard 1985, 217; Herman 1996, 67). Les exceptions se prsentent majoritairement avec des temps autres que le prsent, forms sur le radical pass fu- et/ou avec des formes non monosyllabiques. La prfrence de esse pour la postposition au verbe lexical quand esse se construit avec un participe doit tre due son caractre clitique.
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Selon Adams (1994a, 1994b), en latin, si un terme potentiellement clitique quelque catgorie morphologique qu'il appartienne se dplace de sa position normale, cest pour aller saccrocher une classe spciale dhtes, quil nomme des focused hosts . 8 Or, il a t tabli que la position initiale en latin est une position focalise (cf. Adams 1994b, 1994a ; Janse 2000), le terme de focus concernant tant le focus d'information que le focus contrastif et le topique contrastif de Bring (2003). Ces mots ou ces constituants sont normalement saillants du point de vue prosodique dans les langues, et on suppose que cest la Tonstrke de la premire position en latin qui attirait les lments faibles, dans la position dite de Wackernagel (cf. Janse 2000, 236). Les clitiques tant des lments faibles, inaccentus, qui ne peuvent tre focaliss, la position initiale leur est interdite. Si de telles formes apparaissent en position initiale, elles ne sauraient y avoir le statut de clitiques, et esse en particulier prend alors le sens existentiel fort (Adams 1994a). Puisqu'en latin tardif esse suivait normalement la forme non-finie (factus est), on peut conjecturer que dans de telles squences 9, l'ordre est en accord avec la contrainte de Wackernagel et que cet ordre est d au caractre clitique de esse, ce qui justifie la fois la postposition de est factus et l'apparition de factus est en premire position de proposition. Par contre, les verbes modaux (posse, debere etc.) taient gnralement des lments forts, des coverbes non-auxiliaires dans la terminologie de Kronning (2003). 4. Lhypothse 4.1. Les interprtations possibles Dans la littrature sur {habere, Inf.}, on l'a vu, une distinction a gnralement t faite entre lobligation/ncessit et la possibilit/capacit. Personne, notre connaissance, na essay de distinguer pour les occurrences latines de {habere, Inf.} entre la modalit du FAIRE et la modalit de lTRE et de scinder ainsi les groupes pouvoir et devoir en dontique et althique de la manire que nous adoptons sous 3.1. Il est vrai que Pinkster (1985, 1989) a attir lattention sur le fait qu la diffrence de posse et debere, habere en construction avec lInfinitif noffre pas demplois pistmiques infrentiels 10, et en effet, un emploi pistmique au sens restreint ne se
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Adams y inclut les membres dune antithse et d'autres termes rhtoriques, des adjectifs de quantit, des numraux, des intensifieurs et des superlatifs, des dmonstratifs, des mots danticipation, des adverbes de temps, la ngation, linterrogatif et le relatif. Noter lexistence de formes comme rediturus, factust. Mais il se trompe quand il croit que debere ( la diffrence de habere) ne se rencontre pas en contextes de prdiction, cf. Tert. Adv. Iud. 13, Unde et manifestum est, quod civitas simul eo tempore EXTERMINARI DEBERET, cum
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laisse dtecter dans aucun de nos exemples de {habere, Inf.}, en accord avec les observations typologiques (e.a. Bybee et al. 1994) selon lesquelles les emplois pistmiques sont en gnral tardifs. Mais cela nempche pas de considrer lalthique comme une catgorie part, diffrente la fois du dontique et de lpistmique au sens restreint. L'althique est bien une modalit de lTRE, et non pas une modalit du FAIRE, tout en tant distincte de lpistmique, et nous croyons que la distinction est cruciale: dune part, il est possible dillustrer avec {habere, Inf.} les diffrentes significations de pouvoir et devoir dontiques (obligation pratique et morale, permission, capacit). Dautre part, les exemples de {habere, Inf.} qui ont traditionnellement t interprts comme des futurs se trouvent bien dans des contextes qui font avant tout penser au devoir althique reconnu par Kronning (devoir-auxiliaire du futur y compris, cf. e.a. Tasmowski 1980), avec cette nuance de prdestination que soulignait Benveniste, tout en restant encore distincts dun morphme temporel. Comparons cet gard les exemples (2) et (3) dun ct et (4) et (5) de l'autre :
(2) (3) Sed HABEO pauca adversus te DICERE. (Primasius Hadrumetinus, Commentarius in Apocalypsin, 1,2) [Mais jAI peu de choses A TE DIRE] non enim, ubi vocalis est, necesse habemus semper aspirare; sed ubicumque nos HABEMUS ASPIRARE, necesse est ut sequatur vocalis. (Pompeius Grammaticus, 107.31) [Ainsi il nest pas toujours ncessaire daspirer quand il y a une voyelle ; mais l o NOUS SOMMES OBLIGES DASPIRER, cest ncessairement le cas quune voyelle suit.] Mortem timetis: quid timetis? ventura est: timeam, non timeam, VENIRE HABET; sero, cito, ventura est. (Augustinus Hipponensis , De disciplina christiana, 11) [Vous avez peur de la mort : quavez-vous craindre ? Elle viendra [invitablement] : que je craigne ou que ne craigne pas, elle DOIT VENIR ; tt ou tard, elle viendra.] si enim sustuleris istam tertiam, REMANERE HABENT duae. (Pompeius Grammaticus, 129.26) [si tu enlves cette troisime [syllabe], il RESTERA deux [syllabes].]
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Dans (2) habere nest pas loin d'avoir le sens du verbe plein ; dans (3) on a une obligation pratique (dontique). Les deux sont la premire personne, typique pour la lecture radicale (cf. 3.1.). Ces exemples ont lordre HI. Par ailleurs, (4) et (5) sont des cas typiques de modalit althique, avec des formes la 3e personne et des sujets non-anims; la ncessit est infre grce une loi naturelle dans (4) et une loi mathmatique dans (5). (4) et (5) prsentent lordre IH.
ducatus eius in ea pati haberet secundum scripturas prophetarum dicentium. / vs. ibidem, 8 EXTERMINARI HABERET .
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Si ce que (2)-(5) montrent est appuy par des prfrences statistiques, nous pourrions soutenir que la variante auxiliaire/clitique est relie lalthique et que les futurs romans seraient issus de l. Par analogie avec le comportement de devoir en franais moderne, on pourrait poser qu'en latin tardif habere tait auxiliaire clitique (non focalisable) dans certains emplois et coverbe non-auxiliaire (focalisable) dans d'autres. Si le parcours constat par Kronning (1990) pour devoir devait se confirmer pour habere, la signification future serait issue non de lobligation de faire, mais de la ncessit/possibilit dtre. 4.2. Les validations et les neutralisations A la lumire de ce qui vient dtre expos, nous pouvons nous attendre ce que les positions qui vont valider le lien ventuel entre lordre HI ou IH et la smantique sont :
la position initiale, vu quelle est (i) focalise, et (ii) interdite aux lments faibles (clitiques). Il faudra donc quen position initiale, HI soit dontique ou de sens proche du sens plein (possder), et que IH exprime une modalit de lTRE ; la position non initiale, quand llment qui prcde la combinaison {habere, Inf.} ne peut pas tre reconnu comme focused host . Ce serait lapplication forte de lhypothse selon laquelle un lment faible ne se dplace pas vers l'avant pour aller sattacher nimporte quel mot, mais seulement pour s'attacher un terme focaliser.
Dautre part, il y aura des positions de neutralisation, o des facteurs prosodiques prendront le relais de la smantique pour masquer lventuelle diffrence entre les deux ordres :
en position non-initiale, si llment qui prcde peut tre reconnu comme un focused host , la variante forte HI sera gale la variante faible, tant donn que IH devra se transformer en Focused host_HI sous lattraction du focus. il faudra aussi tenir compte du fait que si la construction habere + Infinitif se trouve en fin de clausule, elle pourrait tre invertie pour rpondre des exigences de rythme, ou cause de rminiscences de syntaxe classique, o le verbe conjugu se trouve en position finale. La position finale pourrait donc galement tre une position de neutralisation.
Nous essaierons dans la suite de tenir compte de ces diffrents facteurs pour tenter de justifier lordre HI ou IH, mme si la formule exacte de leur interaction ou de leur hirarchisation doit nous chapper.
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5. Examen des donnes Lhypothse a t teste sur le matriel de notre base de donnes qui contient la majorit des constructions latines de habere (dans toutes ses formes) avec lInfinitif (actuellement 671 exemples). Les exemples sont principalement extraits du corpus lectronique Library of Latin Texts (CLCTL-5), riche de 26 millions de mots environ pour la priode examine (des origines au 78me sicle)11 ; nous y avons ajout les exemples cits en littrature si nous avons russi rcuprer un contexte relativement satisfaisant, et des exemples provenant de dpouillements manuels. 5.1. En position initiale Commenons par l'examen des occurrences dans la position de validation la plus vidente, la position initiale, en comprenant par l le dbut dun colon . 12 Comme Nocentini (2001), nous allons assimiler la prcdence de la seule conjonction (de coordination ou de subordination) la position initiale. 5.1.1. Ordre HI linitiale Nous avons 23 exemples formes personnelles 13 linitiale absolue dans lordre HI. Il est remarquable quil n'y ait qu'un seul dentre eux prsenter un sujet non-anim. 14 En plus, de ces 23 constructions, 20 ont un verbe lactif, 20 un verbe dynamique et 7 verbes se trouvent la 2me personne, liens troits avec les directives. Sans garantir la lecture dontique, ces chiffres suggrent nanmoins quelle est fort probable. L'hypothse est fortifie par l'examen des exemples, comme (6)-(7), base circonstancielle, ou (8), o habere est proche de son sens plein.
(6) HABES igitur et bonitatem dei AGNOSCERE ex dignatione et rationem ex dispositione (Tertullianus, Adversus Marcionem, 2, 6, 4) [aprs une
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Le triage des donnes extraites de CLCLT-5 a t ralis en collaboration avec Bianca Slobbe. La notion est due Fraenkel (cf. Laughton 1970) : il s'agit d'une unit intonative. Le colon s'achve non seulement aprs chaque proposition, mais aussi aprs chaque pause (que lditeur marque par une virgule) ou aprs un constituant lourd (un ablativus absolutus, un circonstanciel long, un groupe nominal alourdi de gnitifs, etc.). Nous excluons de cette tude les constructions avec participe ou infinitif de habere. Cest une construction impersonnelle du type habet (il y a), donc de signification existentielle.
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Viara Bourova & Liliane Tasmowski argumentation] [Tu ES DONC OBLIGE DE RECONNAITRE la bont de Dieu cause de sa condescendance, et la rationalit de Dieu cause de lordre.] HABENT de incolatu aeris et de vicinia siderum et de commercio nubium caelestes SAPERE paraturas, ut et pluuias, quas iam sentiunt, repromittant. (Tertullianus, Apologeticum, 22, 10) [Habitant l'air, voisins des astres et en contact avec les nuages, les dmons PEUVENT SAVOIR les phnomnes qui se prparent dans le ciel et prdire, par exemple, les pluies, que dj ils sentent.] (trad. J.P. Waltzing ) et respondens Iesus dixit ad illum Simon HABEO tibi aliquid DICERE at ille ait magister dic, Biblia sacra iuxta Vulgatam versionem, Luc. 7 :40) [Mais, prenant la parole, Jsus lui dit : Simon, JAI quelque chose A TE DIRE - Parle, matre , rpond-il] (trad. Bible de Jrusalem)
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La situation est semblable avec HI en position initiale relative, c..d. prcd d'une conjonction (14 ex. au total), cf. (9) dont l'interprtation est indubitablement de type dontique:
(9) - Quis ergo es? aiunt, dic ut HABEAMUS RENUNTIARE his qui nos miserunt. (Quodvultdeus, Liber promissionum et praedictorum Dei, 3, 1) [ Qui es-tu donc ? disent ils. Dis, pour que nous PUISSIONS le RAPPORTER ceux qui nous ont envoys.]
Certains exemples sont difficiles interprter, mais les deux exceptions les plus claires la rgularit constate, o on trouve en position initiale un HI de sens althique, sont avec habere au plus-que-parfait :
(10) Unde Abimelech rex dixit ad Abraham: Nisi deus admonuisset me nocte in visione, HABUERAM PECCARE in te, sed () (Arnobius Iunior, Commentarii in Psalmos, 104) [Alors le roi Abimlech dit Abraham : Si Dieu ne mavait pas averti pendant la nuit dans une vision, JAURAIS COMMIS UN PECHE CONTRE TOI, mais ()]
Mais on a vu supra 3. 2. quavec les temps forms sur le radical pass de esse, la prfrence pour la postposition nest pas vidente: il est difficile, sinon impossible, de voir un clitique dans une forme verbale de 4 syllabes. Il nest dailleurs pas ncessaire que habere passe au statut de clitique dans tout le paradigme en mme temps. 5.1.2. Ordre IH linitiale Nous avons 50 occurrences de IH l'initiale absolue. A la diffrence de HI, o le sujet anim tait la rgle, ici 58% des formes la 3me pers. ont des sujets non-anims. Il y a 16 infinitifs passifs ou dponents, 5 verbes dtat, 11 infinitifs qui expriment une action qui ne peut pas tre contrle. Ces faits s'opposent une interprtation dontique.
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Les exemples de IH l'initiale sont trs majoritairement de sens althique. Ceci vaut galement pour les IH prcds de la seule conjonction (34 au total). On trouve dans (11), une pitaphe, et dans (12) le sens de prdestination : il s'agit de l'accomplissement d'une loi de la nature.
(11) cod estis, fui, et quod sum, ESSERE ABETIS (Inscriptiones Latinae christianae veteres, d. Ernestus Diehl, 3865) [Ce que vous tes, je (le) fus, et ce que je suis, vous le SEREZ.] amas ergo istam vitam, ubi tantum laboras, curris, satagis, anhelas; et vix enumerantur quae necessaria sunt in misera vita; seminare, arare, novellare, navigare, molere, coquere, texere: et post haec omnia, FINIRE HABES vitam. (Augustinus Hipponensis, Sermones, 84) [Tu aimes donc cette vie, o tu travailles, tu cours, tu te donnes tant de peine, tu es hors dhaleine ; et il est difficile dnumrer tout ce qui est ncessaire cette vie misrable : semer, labourer, planter de nouveau, naviguer, moudre, faire la cuisine, tisser : et aprs tout cela tu FINIRAS ta vie.]
(12)
Dans (13) le sens de prdestination est corrobor par la mention du Jugement dernier. Notons que quand il y a plusieurs lments clitiques qui s'attachent l'infinitif, habere se trouve en dernire position dans cette squence. On peut donc bien supposer que habere tait lui-mme un clitique, position fixe, finale, dans les squences de clitiques.
(13) ADSTARE enim tibi HABET in iudicio nostra monitio vel tuus spiritus, cui cum carne per propriam voluntatem repugnasti, ante tribunal tremendi iudicii, dicens: (Regula Magistri , 13, 15) [Il SERA l, A TES COTES lors du Jugement, notre avertissement ou ton esprit, qui tu tes oppos avec la chair par ta propre volont, devant le tribunal du Jugement dernier, disant:]
Nous considrons comme des expressions de la modalit althique galement le potentiel (14), paraphrasable par il est possible que ce soit le cas que quelquun dise (modalit de l' TRE), ou l'apodose d'une priode hypothtique, comme dans (5) supra ( ce sera ncessairement le cas ).
(14) DICERE HABET nescio quis : sed meretrix non est, concubina mea est. (Augustinus Hipponensis Sermones, 224) [Il POURRAIT SE TROUVER quelqu'un POUR DIRE: mais ce nest pas une courtisane, cest ma concubine ]
Il nous reste 10% de cas difficiles interprter et 5% de cas o, contre l'hypothse formule, les passages ont un sens nettement dontique. En voici un :
(15) non possum dicere 'ponite spes sibi quisque', sed DICERE HABEO 'ponite pes sibi quisque'. (Pompeius Gramm., 109.8) [Je ne peux pas dire 'ponite spes sibi quisque', mais JE DOIS DIRE 'ponite pes sibi quisque']
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5.2. Position non-initiale sans focused host 5.2.1. Ordre HI Les exemples dans l'ordre HI en position non-initiale (47 au total) se rpartissent de manire presque gale entre les sens dontique (plus proche du sens plein) et althique. Il n'y a donc pas de prfrence prononce comme en position initiale. On pourrait justifier certains HI althiques par leur position en finale de clausule ou par la forme plus longue de habere, mais aucune tendance claire ne se dessine. On verra dans (16) un exemple d'obligation (l'autorit d'une loi); dans (17) on peut hsiter entre les interprtations permission ou directive (il s'agit d'un trait de grammaire prescriptif). A l'oppos, (18) est de sens althique.
(16) Et illa nuptura in domino HABET NUBERE, id est non ethnico, sed fratri, quia et vetus lex adimit coniugium allophylorum. (Tertullianus, De monogamia, 7) [et celle qui a lintention de se marier DOIT EPOUSER dans le Seigneur, c..d. pas un paen, mais un frre, parce que mme la vieille Loi interdit lunion conjugale avec un tranger.] nam si maiores nostri utebantur nunc accusativo, nunc ablativo, sic et tu HABES UTI. (Pompeius Grammaticus, 277.6) [Mais si nos anctres employaient soit laccusatif, soit lablatif, toi aussi tu PEUX/DOIS EN FAIRE AUTANT.] primum illic legem constituit de ieiunio; sciebat enim quod per escam culpa HABERET INTRARE. (Ambrosius Mediolanensis, De Helia et Ieiunio, 4, 7) [dabord il a constitu la loi pour le jene ; car il savait que le pch DEVAIT ENTRER par la nourriture.]
(17)
(18)
5.2.2. Ordre IH Des 75 occurrences de IH en position non-initiale, 45 (56%) sont avec des infinitifs passifs ou dponents (dans l'ordre inverse: 23%). Le sens des exemples est presque toujours althique (80% des cas), les exceptions dontiques sont presque toutes en fin de clausule. Ainsi donc si la configuration HI dans cette position semble neutre quant au sens, ici la prfrence pour lalthique est clairement marque. (19) et (20) sont des contextes de prophtie et prdiction, dans (21) on a une hypothtique. (22) est une des exceptions dontiques, qu'on pourrait justifier par l'influence de la position finale de clausule.
(19) Nazareus VOCARI HABEBAT secundum prophetiam christus creatoris. (Tertullianus, Adversus Marcionem, 4, 8) [Le Christ du crateur DEVAIT ETRE APPELE le Nazaren daprs la prophtie.] Saepe enim scriptura divina quae nondum facta sunt pro factis annuntiat, quia sic futura sint, et quae omnibus modis FIERI HABENT, non quasi futura
(20)
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(21)
(22)
sint praedicat, sed quasi facta sint narrat. (Novatianus, De Trinitate, 28) [Souvent lEcriture sainte annonce comme passs des vnements qui ne sont pas encore arrivs, parce que ces vnements doivent arriver ainsi, et les choses qui de toutes faons DOIVENT SE PASSER, au lieu de les prdire comme de lavenir, elle les raconte comme du pass.] si autem voluero elocutionem facere, postposita PERDERE HABET casum. (Pompeius Grammaticus, 270.23) [si je veux faire une locution, [la prposition ainsi] postpose VA PERDRE son cas.] Ipsam ergo vallem nos TRAVERSARE HABEBAMUS, ut possimus montem ingredi. (Itinerarium Egeriae seu Peregrinatio ad loca sancta, 1, 2) [Nous AVIONS donc cette valle A TRAVERSER, pour pouvoir nous engager dans la montagne. (trad. H. Ptr)]
5.3. Position non-initiale avec focused host Examinons pour finir {habere, Inf.} en position non initiale prcd par un terme appartenant au groupe des focused hosts (cf. la note 8). On doit sattendre ici une neutralisation de lopposition modalit du FAIRE modalit de lTRE, puisque la construction avec coverbe non auxiliaire gardera son ordre normal, tandis que celle avec lauxiliaire se transformera de IH en HI suite lattraction exerce par le focus sur llment faible, habere en l'occurrence. Certaines de ces constructions, notamment celles avec les pronoms interrogatifs ou relatifs, et celles avec la ngation, peuvent passer pour des fossilisations grammaticales de stratgies discursives En cas dinterrogation partielle, le tour se prsente avec lordre QU_HI dans 88% des cas. Pour la ngation, on a couramment les types non habeo facere et facere non habeo, mais jamais *habeo non facere. Dans quatre exemples, on se trouve devant non facere habeo, tous althiques. Les cas de HI aprs un relatif se rpartissent de manire gale entre le dontique et lalthique ; par contre, les IH aprs un relatif sont trs majoritairement (81%) althiques, cf. (23).
(23) nostri autem et melius interpretantur et rectius: quod in fine mundi haec sit facturus antichristus, qui CONSURGERE HABET de modica gente, id est de populo iudaeorum, (Hieronymus, Commentarii in Danielem, 4, 11) [Les ntres linterprtent de manire meilleure et plus correcte : qu la fin du monde ceci sera fait par lantchrist qui DOIT SE LEVER dun petit peuple, c..d. le peuple juif.]
Dans les autres groupes de focused hosts , pour l'ordre HI, la distribution est gale entre le sens althique et dontique. Dans (24) nous avons affaire une cataphore, dans (25) on a un topique contrastif, dans (26) un terme de quantit. Si les clitiques en latin avaient
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tendance s'accrocher ces types d'htes, nous pouvons justifier le sens althique de ces exemples malgr l'ordre HI, par l'attraction exerce sur habere par le focused host .
(24) Fratres, multi non credentes sic HABENT INVENIRI die novissimo, quomodo multitudo illa inventa est in diebus Noe. (Augustinus Hipponensis, Sermones, 5D (=114B), 7) [Frres, beaucoup dincroyants se TROUVERONT le dernier des jours dans la situation dans laquelle s'est trouve cette multitude du temps de No.] puta si dicas 'vidi statuam auream hastam tenentem', prout distinxeris sensum, aut statuam HABES AUREAM dicere et qualemcumque hastam, argenteam ferream plumbeam, aut hastam auream et qualemcumque statuam, puta aeneam ferream. (Pompeius Gramm., 295.17) [Si tu dis par exemple 'vidi statuam auream hastam tenentem', daprs la manire dont tu vas diviser le sens, ou bien tu exprimeras que la statue est en or et la lance quelconque en argent, fer ou plomb - , ou bien que la lance est en or et la statue quelconque p.ex. en bronze, en fer.] Abbati Ammoni prophetavit beatus Antonius dicens: Multum HABES in timore Dei PROFICERE. (Vitae patrum, 7,9,3) [Le bienheureux Antoine prophtisa labb Ammon, disant : Tu avanceras beaucoup dans la crainte de Dieu.]
(25)
(26)
Mais la relation entre un mot appartenant au groupe des htes focaliss et lordre HI nest pas stable, et on trouve des cas o des termes de la catgorie des focaliss sont suivis de IH. Force est donc d'admettre ici qu'un auteur peut choisir entre exploiter cette ressource ou l'ignorer. 6. Conclusion Nous avons cherch vrifier lhypothse que la modalit de lTRE interprtation althique serait lie lordre IH (faible) et la modalit du FAIRE l'ordre HI (fort). Les chiffres tayent cette hypothse de manire quelquefois spectaculaire : ainsi, les constructions avec le verbe nasci (incontrlable, normalement althique) prsentent 19 fois lordre IH contre 4 fois lordre HI. Si lon prend ensemble toutes les occurrences marques positivement pour les proprits qui favorisent la lecture dontique (force, agent anim, voix active, action contrlable, autorit, dynamique), on obtient 37 HI vs. 5 IH. En particulier, pour ce qui est des occurrences avec agent anim et l'expression d'une autorit contraignante, il y a 64 HI vs 8 IH. Il n'empche que lexamen dtaill des donnes a montr aussi que la relation entre lalthique et IH d'une part, entre le dontique et HI de l'autre nest pas mcanique. Le jeu complexe dune multitude de facteurs brouille quelquefois la diffrence entre les deux ordres censs reflter une distinction
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smantique. Nous ne croyons pas quil soit possible dtablir de manire exacte la porte de chaque facteur, mais ce qui prcde autorise les conclusions que :
la position initiale - position de validation par excellence pour notre hypothse - offre une preuve convaincante de l'existence d'un lien entre la modalit de l'TRE et l'ordre IH d'un ct, entre la modalit du FAIRE et l'ordre HI, de l'autre; en position non initiale la distinction n'est pas tranche, en particulier lorsque prcde un focused host . Dans un tel cas, on se trouve devant une neutralisation: l'althique et le dontique peuvent se prsenter en proportion gale dans l'ordre HI; l'ordre IH va nanmoins toujours majoritairement de pair avec une interprtation althique, et ce, quelle que soit la position du groupe dans la proposition. Ceci mne la conclusion que dans le cas standard, HI est un ordre non-marqu (pouvant exprimer une modalit du FAIRE, une modalit de l'TRE, ou se rapprocher du sens plein de habere), tandis que IH est un ordre marqu (li l'althique); rappelons enfin que si habere n'est pas au prsent (la forme est donc plus longue) ou si la construction se trouve en position finale on peut aboutir l'inversion des configurations.
L'ide que le latin aurait connu d'autres verbes inaccentus que esse a t lance par Adams (1994a, 90), et lui-mme suggrait que the colourless habeo pourrait tre un bon candidat. Nous croyons avoir apport quelques arguments dans ce sens. Et nous pensons que malgr les exceptions, nous sommes en face d'une preuve du parcours propos par Bybee et al. (1994, 262) dans une perspective typologique: la grammaticalisation d'un verbe de possession vers une marque de futur peut se faire directement via le sens de prdestination (qui est une modalit de l'TRE dans la classification que nous adoptons) sans que le sens d'obligation (qui appartient la modalit du FAIRE) soit un stade intermdiaire oblig. Bibliographie Abraham, W. (2001). Modals: toward explaining the epistemic nonfiniteness gap, in : Mller R. & Reis M., (eds), Modalitt und Modalverben im Deutschen, Hamburg : H. Buske, 7-36. Adams, J. N. (1991). Some neglected evidence for Latin habeo with infinitive: the order of the constituents, Transactions of the Philological Society 89 : 131-196. Adams, J. N. (1994a). Wackernagels law and the placement of the copula esse in Classical Latin, Cambridge : Cambridge Philological Society Supplementary volume 18.
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Analyse unifie du conditionnel de non prise en charge en franais et comparaison avec langlais Agns CELLE
Universit Paris 7 Denis-Diderot
0. Introduction En franais, les emplois du conditionnel de non prise en charge dpassent largement la rfrence une source assertive distincte de lnonciateur. Le conditionnel de non prise en charge peut notamment apparatre dans linterrogation dans le discours et dans les protases sans si. Cest la raison pour laquelle nous parlerons de conditionnel de non prise en charge plutt que de conditionnel journalistique, cette dernire dnomination laissant supposer que cette valeur du conditionnel est propre un genre textuel. Dans une perspective contrastive, la non prise en charge pose problme, car langlais na pas dans son systme verbal de marqueur comparable au conditionnel. Il semble que les modaux de langlais soient spcialiss, des titres divers, dans lexpression du possible et du ncessaire, et non dans labsence de prise en charge dun contenu propositionnel. Dans cet article, nous nous proposons danalyser le conditionnel de non prise en charge tout en le contrastant ses traductions en anglais et aux marqueurs adverbiaux qui peuvent lui correspondre en anglais. 1. La spcificit du dcrochage fictif Si lon choisit darticuler le systme verbal autour de la diffrence entre temps et mode, on se trouve confront des formes temporelles qui ont nanmoins une valeur non temporelle ou bien des formes de mode susceptibles dtre temporelles. Afin dviter cet cueil et de parvenir une reprsentation unifie visant rendre compte de toutes les valeurs, de Vog (1993, 1999), a montr quil tait plus probant de partir de la morphologie. A cet gard, le conditionnel se caractrise par la combinaison des terminaisons du futur et de limparfait (-ra et ait). Dun ct, comme le montre de Vog (1993 : 77-88), le futur prdique lexistence dune occurrence. Dun autre, limparfait marque une validation diffre. Cest prcisment la combinaison de ces deux valeurs que marque le conditionnel en diffrant la construction dune occurrence envisage sur un plan fictif. Ce dcrochage fictif peut sinterprter de trois faons diffrentes : de faon essentiellement temporelle (il ma dit quil trouverait rapidement une solution) ; de faon hypothtique (il trouverait une solution si tu voulais bien laider) ; ou bien encore de faon
Cahiers Chronos 19 (2007) : 43-61.
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Agns Celle
purement subjective (apparemment il aurait trouv une solution). De l dcoule la non prise en charge de lnonc par lnonciateur, qui se ddouble en nonciateur fictif. Cette position est largement inspire de Culioli (1990 : 150), qui dfinit en ces termes le conditionnel journalistique :
On construit un repre fictif, ce qui permet de dissocier lnonciateur du locuteur (ou scripteur). La vise se fait partir de ce repre fictif et peut donc aussi bien porter sur lactuel que sur lavenir (X serait en ce moment Londres ct de X serait Londres dans une semaine. [] Ceci permet de dire, sans prendre en charge ce quon dit.
Dun point de vue thorique, le repre fictif (symbolis par * dans Culioli (1978 : 185) 1 est distinguer du repre dcroch (symbolis par ). En effet, la construction dun repre dcroch (tel quon peut lavoir avec le pass simple en franais ou avec le prtrit en anglais), suppose une rupture effectue sur le paramtre T de la situation qui fait passer sur le plan de laoristique (T01 T0) tout en restant parfaitement compatible avec lassertion. La construction dun repre fictif ncessite une rupture non seulement sur le paramtre temporel mais aussi et surtout sur le paramtre subjectif, ce qui permet la mise en place dune instance dcroche origine du point de vue. A partir de ce repre, lassertion est suspendue, ce qui peut donner lieu lexpression de lhypothse ou du rve. Toutefois, la non-prise en charge ne peut se ramener une hypothse. Il semble bien que le repre fictif auquel on a affaire avec le conditionnel de non prise en charge ne soit pas un repre fictif au sens plein du terme : le dcrochage seffectue seulement sur le paramtre subjectif. En franais, le conditionnel de non prise en charge ne peut pas non plus tre assimil une forme dassertion mdiate. Nous rejoignons sur ce point Lazard (1996 : 25) qui considre que le conditionnel franais est dubitatif , et donc distinct du mdiatif en persan qui nimplique pas une mise en doute . Il semble en effet que selon les langues, diffrents types dassertion soient envisager :
Dans certaines langues, on pourra distinguer les assertions immdiates, dont on se porte garant, et les assertions mdiates, donc renvoyant des vnements dont on na pas t directement tmoin (turc, bulgare, hopi), outre les assertions dont on ne se porte pas garant, laissant autrui la responsabilit de ce quil avance (subjonctif allemand, conditionnel journalistique en franais). Culioli (1993 : 22)
T01 dsigne le repre-origine fictif construit partir de T0, de sorte que lon a T01 * T0. De ce moment fictif, on effectue des reprages fictifs, cest--dire que, en construisant Sit01, S0 pose la relation prdicative comme validable. Culioli (1978 : 185)
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Si lon reprend la glose jasserte, mais propose par Guentcheva, Donabdian, Meydan & Camus (1994 : 180) pour mieux cerner le sens mdiatif tel quil existe dans le systme de certaines langues, on constate que cette glose ne sapplique pas au conditionnel en franais, faute dassertion. Le conditionnel journalistique indique que, tout en localisant le contenu propositionnel par rapport une source assertive, lnonciateur ne le prend pas en charge. Le reprage par rapport une source assertive est donc parasit par le dcrochage subjectif, do leffet dhtrognit de points de vue ou de polyphonie selon les thories adoptes. Selon en (1) introduit un point de vue, celui qui est dvelopp dans le quotidien Al-Wasat, mais le conditionnel indique dans le mme temps que lnonciateur ne lui accorde pas de crdit :
(1) Selon le quotidien Al-Wasat, paru Londres et dat du 6 mai 1996, 6 170 Arabes seraient passs par le Pakistan pour rejoindre l'Afghanistan. L'International Herald Tribune (Paris, 12 octobre 2001), de son ct, fait tat de quatre six milliers d'hommes formant les troupes arabes Kaboul. (Le Monde Diplomatique, novembre 2001)
Etant donn les diffrents points de vue la prcision des donnes chiffres du quotidien Al-Wasat sopposant lestimation plus vague de lInternational Herald Tribune lnonciateur ne se porte pas garant du point de vue dvelopp par le quotidien Al-Wasat. Selon peut galement introduire une pluralit de voix, auquel cas il explicite la variation et la divergence des points de vue en fonction des diffrentes sources assertives :
(2) Selon les sources, les crances douteuses se situeraient entre 860 milliards et 1 200 milliards de yuans. (Le Monde Diplomatique, Marc Mangin, dcembre 2000) These bad debts are estimated at between $107.5bn and $150bn. (English Edition)
Il en dcoule une pluralit de valeurs, entre 860 milliards et 1 200 milliards , qui justifie le conditionnel : lassertion est laisse en suspens. Lassertion avec le prsent serait galement possible, mais neutraliserait la valeur de variation de selon. Avec le prsent, les sources parleraient dune mme voix et seraient daccord pour situer les crances douteuses dans la mme fourchette. Nous rejoignons donc Haillet (1998) dans la rfrence une altrit nonciative avec le conditionnel, mais il nous parat essentiel dinsister sur le fait que cette instance ne peut devenir origine nonciative support de la prise en charge.
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Agns Celle
2. Comparaison avec langlais : de la non prise en charge lassertion Il est bien difficile de dire quels sont les marqueurs de ce mode de reprage en anglais. En tout cas, aucune forme verbale ne peut correspondre au conditionnel dans la non prise en charge nonciative. Cette absence reflte une profonde divergence dans les systmes verbaux du franais et de langlais. On sattendrait trouver dans la traduction un marqueur adverbial tel que reportedly ou allegedly, mais ces adverbes napparaissent pas frquemment dans la traduction du conditionnel. Cette observation partir des traductions du conditionnel en anglais se trouve confirme par lexamen de corpus anglais unilingues. En effet, les conditions demploi de reportedly et allegedly sont diffrentes de celles du conditionnel :
(3) Saudi poet reportedly killed in attack ALGIERS, Algeria (AP) -A prominent Saudi poet was shot to death by attackers while on a hunting trip in Algeria, where an Islamic insurgency has raged for more than a decade. Talal al-Rasheed and his party were ambushed late Thursday near Djelfa, 175 miles south of Algiers, newspapers reported Saturday, citing unidentified sources. At least six others in the hunting party were wounded, the daily Liberte reported. The newspaper L'Expression said the gunmen wounded several police. There was no immediate confirmation of al-Rasheed's death by Algerian authorities, or claim of responsibility for the attack. Newspapers, however, blamed the attack on the Salafist Group for Call and Combat, known as the GSPC, one of two movements waging war against Algeria's military-backed government in fighting that has killed more than 120,000 people over the past decade. Al-Rasheed's party reportedly came to the Djelfa area a week ago to hunt. His body was brought home Friday aboard a private plane dispatched to Algeria by Saudi Defense Minister Prince Sultan, according to the Saudi newspaper al-Riyadh. *http://www.cnn.com/2003/WORLD/africa/11/29/algeria.saudi.killed.ap/ index.html * Document Dated: 2004/06/18 13:11:42 (server header)
Avec reportedly, lnonciateur ne prend pas en charge la relation parce quil prend ses distances par rapport une source assertive. La fonction principale de reportedly est dattribuer une simple information, et non un vritable discours, une source distincte de lnonciateur. On le rencontre tout particulirement dans les titres, et ensuite larticle explicite les sources, souvent diverses et contradictoires, ventuellement mal identifies. Il apparat clairement en (3) que reportedly nimplique pas une mise en doute puisque la premire phrase de larticle commence par la rfrence lattentat dans
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lequel le pote a trouv la mort : A prominent Saudi poet was shot to death by attackers. La mort du pote saoudien est donc certaine ; ce qui lest moins, cest la fiabilit des sources et des diffrentes versions. Dans ce contexte, on imagine trs mal le conditionnel en franais : il serait en effet contradictoire de poser dans le titre Un pote saoudien aurait t tu dans un attentat , pour ensuite faire rfrence sa mort et aux conditions dans lesquelles son corps a t rapatri. Quant allegedly, il na pas pour fonction de diffrencier lnonciateur dautres sources assertives comme reportedly. Les sources assertives ne sont gnralement pas mentionnes la suite de allegedly qui, la diffrence de reportedly, peut tre rpt tout au long dun article de presse:
(4) Man faces charges after allegedly storming cockpit CHICAGO, Illinois (CNN) - A man who allegedly stormed the cockpit of an American Airlines jet was scheduled to appear in federal court Tuesday to face charges of interfering with a flight crew, a felony offense. Edward Coburn, 31, whom a federal agent described as mentally impaired, was a passenger on board American Flight 1238 from Los Angeles, California, to Chicago when he allegedly rushed up the aisle of the Boeing 767 toward the cockpit. He was to appear before a U.S. magistrate at 10:30 a.m. (11:30 a.m. EDT) in Chicago, the U.S. attorney's office said. *http://www.cnn.com/2001/US/10/09/plane.scare/index.html* Document Dated: 2004/06/18 13:13:16 (server header)
Allegedly marque le refus de lnonciateur de prendre en charge une information quil tient dautrui sans pouvoir vraiment identifier la source. Dans la presse, cet adverbe apparat le plus souvent dailleurs dans des contextes caractre criminel, o il indique que les faits ne sont pas encore tablis faute de vrification ou dans lattente dun procs. Dans lexemple suivant, tir dune narration, la prsence de allegedly nentrane pas une mise en question directe de la relation prdicative <the divorced women from New York move into New Hampshire>, mais plutt une prise de distance, dailleurs trs ironique, par rapport in droves , cest--dire par rapport lampleur du mouvement en marche :
(5) The divorced women from New York allegedly were moving into New Hampshire in droves. Their intentions were to turn New Hampshire women into lesbians, or at the very least to encourage them to be unfaithful to their New Hampshire husbands; their intentions also included the seduction of New Hampshire husbands, and New Hampshire high school boys. The New York divorcees apparently represented widespread promiscuity, socialism, alimony, and something ominously referred to, in the New Hampshire press, as Group Female Living. (J. Irving, The World According to Garp)
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La porte de allegedly dpasse le cadre de lnonc o il apparat, puisque sa suite on peut galement mettre les objectifs des divorces new-yorkaises au compte dune source non identifiable, ici une rumeur hallucinante et nanmoins persistante. On constate nouveau que le conditionnel serait inappropri en franais. Les deux seules formes disponibles, afflueraient au prsent ou auraient afflu au pass, ne permettent pas de spcifier un processus en cours dans le pass 2 :
(5) A EN CROIRE LA RUMEUR, des hordes de divorces new-yorkaises affluaient dans le New Hampshire. Leur objectif tait de transformer en lesbiennes les braves citoyennes du New Hampshire, ou, au minimum, de les inciter tromper leurs maris; au nombre de leurs objectifs figurait galement la sduction systmatique des maris et des lycens du New Hampshire. Les divorces new-yorkaises reprsentaient et symbolisaient la licence gnralise des moeurs, le socialisme, les pensions alimentaires, et aussi autre chose quen termes voils et lourds de menaces la presse du New Hampshire qualifiait de vie communautaire fminine. (M. Rambaud, Le Monde selon Garp)
Par contre, le choix de la prdication en croire la rumeur permet de spcifier le procs limparfait, voire la suite ( leur objectif tait ), de faon comparable allegedly dans lnonc dorigine. Vu ces diffrences entre le conditionnel franais et les adverbes de non prise en charge de langlais, il nest gure tonnant que dans la traduction du conditionnel en anglais, ces adverbes soient faiblement reprsents. Dans environ la moiti des cas 3, on trouve plutt des formes assertives, et de faon minoritaire le verbe believe et ladverbe apparently. En labsence de rfrence explicite une source assertive autre, et tout particulirement sil sagit dun article de fond et non dinformation communique quasiment en direct, le rcit journalistique tend privilgier en anglais lassertion dans la traduction du conditionnel journalistique :
(6) Le mouvement des collectivisations aurait concern, au total, entre un million et demi et deux millions et demi de travailleurs mais il est difficile d'en faire un bilan prcis. (Le Monde Diplomatique, Frdric Goldbronn & Frank Mintz, dcembre 2000)
Il sagit plus exactement dun pass de narration ici. Mais le blocage avec le conditionnel est le mme que le processus en cours renvoie un pass temporel ou un pass de narration. Afin de soigneusement distinguer ce qui relve de la prise en charge de ce qui relve dautres modalits, le prsent article naborde pas les verbes modaux au conditionnel.
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All in all, one and half to two and a half million people were involved in the wave of collectivisation though precise figures are hard to come by. (English Edition) Le consommateur, lui, n'a conscience de rien. Cette stimulation se fait compltement son insu. Une tentation pour les grandes surfaces. Certaines, pour augmenter leurs ventes, n'y auraient pas rsist : diffusion d'armes artificiels de fruits mrs sur des fruits qui ne le sont pas encore, odeur luxueuse de cuir sur des produits en plastique... Dernire nouveaut, l'odeur de cuir neuf, qui fait le bonheur des vendeurs de voitures d'occasion. (Le Monde Diplomatique, Franck Mazoyer, dcembre 2000) Consumers are quite unaware that their senses are being stimulated in this way. In the drive to boost sales, some supermarkets have not been able to resist this temptation. Artificial aromas, simulating ripe fruit, are puffed over not-so-ripe produce. The luxurious fragrance of real leather enhances PVC products. The smell of new leather comes in very handy for selling second-hand cars, too. (English Edition)
Soit il sagit dun vnement pass, ce qui justifie un dcalage marqu par le prtrit. Soit il sagit dun vnement pertinent en situation et le present perfect marque ce lien dictique lnonciation. Dans les deux cas, il y a assertion et rien nautorise en anglais un dcrochage fictif. La mise en place de ce dcrochage en franais revient rompre le reprage contextuel dans le premier cas, le reprage situationnel dans le second, o les phrases averbales en franais (diffusion darmes, odeur luxueuse de cuir, lodeur de cuir neuf) vont galement dans le sens dune indtermination situationnelle. On pourrait certes se demander si la traduction du conditionnel na pas tout simplement t laisse de ct, ou bien sil ne sagit pas dun cas isol. Or lexamen de douze ditions du Monde Diplomatique confirme que ce phnomne est rcurrent quel que soit le traducteur. En outre, on voit mal comment maintenir ici en anglais une modalisation correspondant au conditionnel. Les adverbes reportedly et allegedly nauraient leur place ni en (6) ni en (7), le premier laissant supposer quune source assertive va tre explicite ultrieurement, le second privilgiant la rfrence une source non identifie de lordre de la rumeur. De plus, la traduction du conditionnel en (7) ne peut tre isole de la traduction des noncs averbaux, qui ne peuvent tre maintenus tels quels en anglais : il convient de les ancrer dun point de vue spatio-temporel. Les formes de prsent constituent alors autant de preuves lappui de la prdication qui les prcde, et celle-ci devient difficilement modalisable. En revanche, si rfrence est faite une source assertive identifie, elle tend devenir lorigine de la modalit de prise en charge et il y a rupture par rapport lnonciateur-origine :
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Agns Celle According to the daily Al-Wasat (published in London) of 6 May 1996, 6,170 Arabs had made their way to Afghanistan via Pakistan. According to the International Herald Tribune (Paris, 12 October 2001), the Arab troops in Kabul number between 4,000 and 6,000 men. (English Edition)
According to introduit ici deux points de vue diffrents (celui de Al-Wasat et celui du International Herald Tribune) qui relativisent lassertion. Mais on doit faire une diffrence par rapport au franais selon. Alors que selon peut tre suivi dune forme de conditionnel cest le cas en (1) according to ne peut pas tre suivi dune forme modalise susceptible de mettre en doute le point de vue quil introduit. De la sorte, le point de vue autre saffranchit de lnonciateur-origine en anglais, alors quen franais rien nempche quil soit localis par rapport une source avec selon tout en tant mis en doute par lnonciateur-origine avec le conditionnel. On assiste au mme phnomne dans la traduction des relatives dterminatives (les thories selon lesquelles) et des compltives complments du nom (arguer du fait que), o le conditionnel est dun emploi frquent en franais. Ces formes renvoient une source assertive ou plus gnralement un point de vue sans que la relation lnonciateur-origine soit pour autant forcment coupe, puisque le conditionnel peut y manifester la non-adhsion de lnonciateur. Dans la traduction anglaise, deux faits sont remarquer. Dune part, les relatives du franais sont traduites par des compltives complments du nom, qui manifestent une plus forte dpendance par rapport llment nominal quelles compltent. Dautre part, cette diffrence de statut assertif a une rpercussion sur les formes susceptibles dapparatre au sein de la compltive complment du nom : il ne peut y avoir de modalit manant de lnonciateur-origine. Ainsi, en dpit de la forme assertive de prsent dans lexemple (8), il est clair que le contenu propositionnel de la compltive ne peut tre mis au compte de lnonciateur-origine :
(8) Ce sont moins ces propos que l'cho donn par M. Mbeki aux thories dissidentes selon lesquelles le virus de l'immunodficience humaine (VIH) ne serait pas la cause du sida qui suscitrent une leve de boucliers de la part de nombreux scientifiques et d'organisations non gouvernementales. (Le Monde Diplomatique, Anatole Ayissi, janvier 2001) Though many scientists and non-governmental organisations were less than happy at these statements, they rose up in arms when Mbeki echoed dissident theories that the human immunodeficiency virus (HIV) is not what causes Aids. (English Edition)
La forme assertive de prsent marque en anglais un reprage homogne par rapport une autre origine qui assure la prise en charge : ici, le point de vue exprim est celui des thories dissidentes. Avec that, obligatoire dans ce type de compltive, lnonciateur se dissocie de lassertion et la repre strictement
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par rapport cette altrit subjective. Le contexte de larticle indique sans ambigut par ailleurs que le journaliste sinscrit en faux contre les thories dissidentes dont Mbeki se fait le porte-parole. Lorsque les compltives sont introduites par des verbes dclaratifs, la prsence de that nest pas systmatique. Mais le statut assertif de la compltive nest pas le mme selon que that est prsent ou absent. Poncharal (2003 : 99-101) a montr 4 que that marque la distance modale entre lnonciateur et lnonciateur rapport. En labsence de that, les points de vue ne sont plus dissocis, si bien quon passe sans rupture avec dune modalisation une assertion transmise par lnonciateur et susceptible dtre prise en charge par tout nonciateur potentiel, alors que le franais marque systmatiquement la dpendance par rapport un point de vue avec que. Lexemple suivant illustre cette diffrence entre les deux langues :
(9) Well, you remember, Papa, the ice pond on Harkers estate is right next to the farm, and you remember Shaughnessy keeps pigs. Well, it seems theres a break in the fence and the pigs have been bathing in the millionaires ice pond, and Harkers foreman told him he was sure Shaughnessy had broken the fence on purpose to give his pigs a free wallow. (E. ONeill, Long Days Journey into Night, p. 20) Oui Tu sais, la rserve glace, dans la proprit des Harker, elle est juste ct de la ferme. Et tu sais aussi que Shaughnessy lve des porcs. Eh bien, il parat quun bout de la clture a t dmoli, et que les porcs se sont baigns dans leau du milliardaire. Et le rgisseur aurait dit Harker que, trs certainement, Shaughnessy avait dmoli lui-mme la clture, pour offrir un bain gratuit ses cochons. (J. Autrusseau et M. Goldring, p. 20)
It seems relativise lassertion theres a break in the fence par rapport au point de vue de lnonciateur, mais les propositions coordonnes qui lui succdent chappent progressivement cette modalisation en labsence de marque de subordination. Lassertion and Harkers foreman told him devient ainsi valide indpendamment du point de vue particulier de lnonciateur exprim au dbut de lnonc avec it seems. Les compltives en ( he was sure Shaughnessy had broken the fence on purpose) ont pour fonction de localiser Shaughnessy had broken the fence on purpose par rapport une source assertive et par rapport un point de vue : Harkers foreman. Mais elles nopposent pas le point de vue du rgisseur celui de lnonciateur primaire qui devient imperceptible au fil de lnonc. On obtient ainsi, en labsence de that, une rfrence au point de vue de lasserteur sans que ce
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Les analyses de De Mattia (1997 : 62) vont dans le mme sens. Elle estime quen labsence de that on met en relief linformation contenue dans la compltive et non la source assertive, si bien que leffacement de that peut tre considr comme la premire tape en direction du discours indirect libre.
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dernier soit pos dans sa diffrence par rapport au point de vue de lnonciateur primaire. Nous souscrivons lhypothse de lidentification fictive entre nonciateur et asserteur formule par Poncharal (2003 : 99-100):
Suivi de , le verbe dclaratif neutre devient un pur oprateur de localisation entre un nonc rapport et une instance de locution S1, avec, par consquent un effacement relatif du rle jou par S0, cest--dire en tant que S0 se fait le porte parole de S1 ; ce qui donne limpression que la distance entre S0 et S1 est rduite, mme si forcment elle nest pas annule. Tout se passe comme sil y avait une identification fictive entre S0 et S1. Ce qui ne signifie pas que S0 rapporte les propos de S1 au mot mot, mais que leffet recherch sur le co-nonciateur est un effet de rel : je te donne entendre les paroles de S1 telles que je les ai perues , donc en quelque sorte je vise te mettre dans la position de co-locuteur que joccupais dans la situation dnonciation laquelle je fais rfrence.
Or cette identification fictive est beaucoup plus difficile mettre en place en franais, o la prsence de que est systmatique aprs les verbes dclaratifs ou modaux. En (9), cette identification est bloque en franais par la rptition de que et par lintroduction du conditionnel, qui marquent laltrit entre S1 et S0 et qui ramnent au seul S0 la structuration de lnonc. Les deux compltives coordonnes introduites par il parat sont toutes deux prcdes de que qui empche toute mancipation des compltives par rapport cette modalit. Leffet de restitution relle que lon a en anglais dans he was sure Shaughnessy had broken the fence on purpose, ne peut tre produit en franais o la fois le conditionnel (lui aurait dit) et la conjonction que marquent la prise de distance de lnonciateur par rapport au dire quil rapporte. Par ailleurs, au sein de cette compltive, la modalit exprime par ladverbe trs certainement en incise sinterprte en contexte comme manant de S1, mais la syntaxe de lnonc nexclut pas quelle puisse tre mise au compte de S0, contrairement ladjectif sure en anglais. 3. Interrogation et protase au conditionnel En dehors des noncs dclaratifs typiquement reprsents dans le discours journalistique, le conditionnel de non prise en charge apparat dans deux autres types dnoncs : les interrogations et les protases sans si, qui nimpliquent en aucune faon une source assertive autre. Dans les deux cas, le dcrochage fictif de nature subjective entrane la non prise en compte du co-nonciateur, ce qui confirme le rle structurant de lnonciateur. Linterrogation, qui se caractrise habituellement par le recours au cononciateur pour valider une relation prdicative, ne construit paradoxalement pas un reprage par rapport ce dernier avec le conditionnel, qui peut apparatre toutes les personnes :
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Say, he said, Sylder ? You the Sylder you Marion Sylder, aint you ? (C. McCarthy, the Orchard Keeper, p. 14) Dis-donc, fit-il. Tu serais pas Sylder ? Oui, le Sylder, Marion Sylder, cest pas toi ? (F. Hirsch & P. Schaeffer, p. 19) Kat : Are you accusing me of sarcasm ? (K. Mainwaring, The Rain Dancers) Kat : Maccuserais-tu par hasard de sarcasme ? (J.-P Richard, Les danseurs de la pluie, p. 15)
Dans ces deux exemples la 2me personne, la relation nonciateur / cononciateur est au premier plan en anglais. Linterlocuteur est invit lever le doute du locuteur sur son identit en (10), approuver linterprtation qui est faite de son dire en (11). Le co-nonciateur est ainsi directement sollicit pour valider la relation prdicative, et on pourrait envisager des rponses qui reprendraient le mme auxiliaire : I am. En franais, le conditionnel modifie la relation co-nonciative. Le dcrochage subjectif introduit une dissymtrie qui interdit le conditionnel dans la rponse la question : *Je serais Marion Sylder et *Je taccuserais de sarcasme ne peuvent fournir de rponses aux questions poses. Ces noncs ne peuvent fonctionner de faon neutre et indpendante 5 en rponse une question, moins dimaginer une reprise polmique du co-nonciateur du type Quoi ! Moi, je taccuserais de sarcasme ! Cette dissymtrie provient du ddoublement du co-nonciateur en co-nonciateur fictif, alors que rien dans la situation ne lui donne accs ce double de lui-mme prfabriqu par lnonciateur. Le dcrochage fictif entrane en effet la mise en place dune instance fictive elle-mme ddouble en co-nonciateur fictif. Or le dcrochage fictif est dclench par la contingence de la situation du seul point de vue de lnonciateur, ce qui compromet une vritable relation co-nonciative o le co-nonciateur pourrait son tour devenir origine de la modalit. On note que par hasard est introduit dans la traduction de (11), ce qui correspond un cas de figure frquent en franais en association avec le conditionnel. Lnonciateur, confront une situation non-conforme son attente, demande en fait confirmation au co-nonciateur de linterprtation quil en fait. Aucune latitude nest laisse au co-nonciateur dans le choix entre p ou non p, et il se trouve fictivement interrog tandis que lnonciateur fait passer par ce biais son propre point de vue. Linterrogation au conditionnel est de ce fait une interrogation sens unique qui ne permet pas au cononciateur de se situer sur un plan fictif. Comme le souligne Haillet (2001,
Pour quils deviennent possibles, il faudrait par exemple ajouter que a ntonnerait personne , cest--dire un point de vue valuatif. Voir infra. A distinguer de Je taccuserais de sarcasme si je te prenais au srieux , o le dcrochage de type hypothtique est global, sur les deux coordonnes S et T.
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315), la conclusion est montre linterlocuteur, et le discours reste monologal 6. Aux autres personnes, le mcanisme est le mme :
(12) - Celui-ci porte un nom. Regardez, l, en tout petits caractres : LA LICORNE. - Tiens, oui : LA LICORNE Je ne lavais jamais remarqu. - Le MIEN PORTERAIT-IL UN NOM AUSSI, PAR HASARD ? (Herg, Tintin, Le secret de la licorne, p. 6) Theres a name here. Look there, in tiny letters : UNICORN. So there is: UNICORN. Ive never noticed it. Maybe theres a name on mine too (L. Lonsdale-Cooper; M. Turner, The Secret of the Unicorn, p. 6). Elle tait profondment tonne. Aurais-je de lamour pour Julien ? se ditelle enfin. [] (Stendhal, Le Rouge et le noir, p. 113) Quoi ! jaimerais, se disait-elle, jaurais de lamour ! Moi, femme marie, je serais amoureuse ! (Stendhal, Le Rouge et le noir, p. 123) She was deeply amazed. Can it be that Im in love with Julien ? she said to herself at length. [] (M. Shaw, p. 66) What ! she said to herself. Can I love him, feel love for him ? Can I, a married woman, have fallen in love ? (M. Shaw, p. 83)
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En franais, ltonnement de Mme de Rnal ou de Tintin dclenche un dcrochage fictif, ce qui permet dans lnonc la 1re personne en (13) une auto-interrogation de lnonciateur qui se ddouble en nonciateur fictif. En anglais, la non-adquation par rapport la norme de lnonciateur renforce le reprage par rapport la situation dnonciation : il ny a pas de dcrochage fictif marqu par ed. En (12), linterrogation disparat dans la traduction. Comme en franais, on na pas dassertion ; toutefois, ce qui prime, ce nest pas tant la raction de surprise de lnonciateur face une donne contingente, mais plutt la modalit pistmique (maybe). En (13), le choix du modal can donne la priorit une manifestation situationnelle dun comportement que lnonciateur assimile notionnellement de lamour. La question rhtorique vise avaliser cette assimilation entre une donne situationnelle et la proprit be in love . Linterrogation cense dans un premier temps faire admettre lnonciatrice la valeur p la conduit quelques pages plus loin dans le roman un rejet de celle-ci (Quoi ! jaimerais). La non prise en charge du conditionnel pourrait dailleurs tre compare linfinitif : Moi, femme marie, tre amoureuse ! . Labsence de validation permet ainsi de faire basculer le conditionnel soit du ct de p, soit au contraire du ct de non p. Quil y ait choix ou rejet de p, il doit y avoir
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valuation, marque soit par linterrogation, soit par lexclamation. Cest cette absence de stabilit qui explique que le conditionnel puisse apparatre dans un schma interrogatif avec inversion sujet / verbe 7 lintrieur des protases sans si. Nous considrons que dans cette position, le conditionnel procde du mme dcrochage subjectif que dans le discours journalistique ou dans linterrogation. On peut dailleurs sen convaincre en manipulant les noncs dj examins :
(2) (10) (11) Les crances douteuses se situeraient entre 860 milliards et 1 200 milliards de yuans que a ne surprendrait personne. Tu serais Marion Sylder que a mtonnerait pas. Maccuserais-tu de sarcasme que je ne retirerais pas mes propos.
La non prise en charge permet en effet de passer du schma assertif (tu serais) au schma interrogatif avec inversion (maccuserais-tu) au sein de la protase, ce qui rvle clairement quil ny a pas assertion, ni mme assertion fictive. L rside la diffrence par rapport aux hypothses en si, qui autorisent une assertion fictive sur un plan fictif globalement dcroch (sur les coordonnes S et T) 8. Le fait que le conditionnel de non prise en charge opre un dcrochage sur la seule coordonne S explique selon nous pourquoi la protase au conditionnel est souvent considre comme moins probable que la protase en si 9. Ce nest pas le conditionnel en tant que tel qui affaiblit la probabilit, mais plutt le fait que le dcrochage seffectue sur le seul paramtre subjectif lintrieur de la protase. Leffet de suspension provoqu par la courbe montante de la protase, selon les termes de Borillo (2001 : 240), nous semble reflter une suspension de lassertion. La prise en charge intervient seulement dans lapodose, o le conditionnel marque un dcrochage la fois temporel et subjectif, et o on a vritablement une assertion fictive. Ce mode de reprage est minemment problmatique dans la traduction. En effet, rien ne lui correspond en anglais. Lhypothse schma interrogatif en anglais suppose un vnement fictif et procde dun dcrochage fictif
La possibilit davoir une inversion sujet verbe typique du schma interrogatif (maccuserais-tu) lintrieur des protases au conditionnel nest pas anodine. Les protases en si nautorisent pas ce schma (*si maccusais-tu), ce qui constitue un indice supplmentaire en faveur de leur plus grande stabilit. Dans une hypothse standard, du type si p, alors q, le cadre fictif pos par p permet dasserter q dun point de vue fictif. Nous allons voir quavec la protase au conditionnel, la nature de la relation entre p et q est dune autre nature : il ne sagit pas dasserter q dun point de vue fictif et p nentrane pas q. Voir Borillo (2001 : 242) : Il nest pas douteux que lemploi du conditionnel affaiblit le degr de probabilit accord lhypothse.
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total, cest--dire sur les paramtres la fois temporel et subjectif (cf. Celle 2002). Cette diffrence est frappante lintrieur des compltives en that:
(14) (15) I am convinced that had we gone to Baghdad, we would have stayed there much longer than we wanted to. (The Gulf War, BBC World, 1-2-1) Les salons que ces messieurs traversrent au premier tage, avant d'arriver au cabinet du marquis, vous eussent sembl, mon lecteur, aussi tristes que magnifiques. On vous les donnerait tels qu'ils sont, que vous refuseriez de les habiter; c'est la patrie du billement et du raisonnement triste. Ils redoublrent l'enchantement de Julien. Comment peut-on tre malheureux, pensait-il, quand on habite un sjour aussi splendide! (Stendhal, Le Rouge et le Noir) The reception-rooms on the first floor through which the two men passed before reaching the Marquiss study would have seemed to you, good reader, as gloomy as they were magnificent. One might offer them to you just as they are, yet you would refuse to live in them ; they are the country of yawns and dreary argument. Julien was still more spell bound at the sight of them. How can anyone be unhappy, he thought, who lives in such a splendid dwelling ! (M. Shaw, p. 253)
Alors quen anglais le dcrochage fictif global est compatible avec lexpression dun point de vue 10 (exprim par he knew, I think etc.) qui vient renforcer la validit de lassertion fictive, il nest pas possible en franais dintroduire un point de vue ce niveau, car la proposition introductive modifierait la nature du dcrochage lintrieur de la compltive. Selon le temps de la proposition introductive, on aurait soit un dcrochage sur le paramtre T (Jtais convaincu quon vous les donnerait), soit global (Je suis convaincu quon vous les donnerait (si)), mais le dcrochage sur la seule coordonne S ne peut tre prserv et il est de toute faon impossible de maintenir la suite de lnonc dans son rle dapodose (*Je suis convaincu quon vous les donnerait (que) vous refuseriez de les habiter). Lintroduction dun point de vue bloque le dcrochage subjectif en franais. Pour que le dcrochage sur le seul paramtre S puisse tre mis en uvre, il faut donc que la protase saccompagne dun vidage subjectif qui lui confre une valeur totalement instable. Le reprage par rapport un point de vue est introduit seulement ensuite dans lapodose, notamment par le biais de que image de lnonciateur selon les termes de Culioli (1985 : 72). Une fois ce point de vue introduit au niveau de lapodose, on peut alors interprter rtroactivement la protase et comprendre le lien qui lunit lapodose. Alors que that effectue une reprise et dissocie les plans nonciatifs, que repre a posteriori la protase par rapport lnonciateur, et remdie ainsi au vidage subjectif effectu dans
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Daprs notre corpus, that est gnralement prsent, et permet de dissocier le plan de lnonciation du plan fictif. Seul I think semble autoriser .
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un premier temps par le dcrochage sur le paramtre S dans la protase. Linstabilit du conditionnel dans la protase permet, par un jeu comparable celui que nous avons observ en (13), de construire deux types de relations entre protase et apodose : soit on envisage la validation de p, auquel cas la non-conformit de p est nie dans lapodose (cf. (16) et (17)) et la contingence est limine ; soit au contraire p est ramene une simple circonstance fictive : p nempche pas non q contrairement lattente de lnonciateur et lnonc prend alors une valeur concessive comme en (18) et (19) :
(16) Mais on voudrait chasser les paysans de la rgion qu'on ne s'y prendrait pas autrement. (Le Monde Diplomatique, M. Lemoine, fvrier 2001.) If the intention was to hound the peasants from the regions, you would not go about it any differently. (English Edition) Le gouvernement aurait voulu faire un coup mdiatique quil ne sy serait pas pris autrement. [] A deux jours du rfrendum en Corse, il faudrait tre naf pour croire lintervention du hasard. (France Info, dclaration de N. Mamre aprs larrestation dY. Colonna, 4 juillet 2003) Tu expliquerais longuement aux savants du pays le mcanisme d'un arostat, qu'ils ne sauraient te comprendre, et admettraient toujours l une intervention surnaturelle. (J. Verne, Cinq semaines en ballon) Even if you were to explain aerostat mechanics at length to the countrys scientists, they wouldnt understand you and would still believe in a supernatural intervention. Oussama Ben Laden aurait pu habiter ct de chez moi que je ne laurais pas su. (Dclaration dun habitant de Kaboul cite par un journaliste de France Info, 14-09-2001) Had Osama Bin Laden been a neighbour, I wouldnt have known it.
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Daprs notre corpus, la conjonction que tend apparatre de faon beaucoup plus systmatique dans le premier cas et le point de vue exprim est alors celui de lnonciateur (que a ne mtonnerait pas, que a me surprendrait qu demi, que a serait pas plus bte quautre chose, que a serait pas mieux etc.), alors quelle nest pas systmatiquement prsente dans le second cas, notamment si le point de vue exprim dans lapodose correspond au point de vue dun tiers :
(20) Je viendrais lui dire quun tordu a embouti une aile de sa calche, il marquerait plus de contrarit. (San-Antonio, Polka p. 84) He would have looked more upset if Id come to tell him a moron had bumped into the wing of his car.
On observe galement que lapodose contient systmatiquement une forme de ngation dans le premier cas, et frquemment dans le second. La prsence
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en surface de la ngation dans le second cas est lie la relation concessive entre les deux propositions : aussi extrme p soit-elle, elle est inefficace puisquelle ne suffit pas empcher non q. Linfrence attendue p entrane q est remise en question. La valeur non q est donc de fondation vu la nature du lien interpropositionnel : on obtient en q le contraire de la valeur attendue. Dans le premier cas, illustr en (16) et (17), la ngation est indispensable dans lapodose qui value p. Rappelons en effet que lapodose reprend largement la prdication de p, au moyen du pronom a suivi dune forme verbale apprciative, ou bien au moyen de formes prdicatives sy prendre, faire. Cette reprise en q nie la contingence de p pour mieux affirmer p par des voies dtournes et non sans ironie. P nallant pas de soi dans la relation co-nonciative, le dtour par le fictif est un garde-fou qui permet finalement lnonciateur de dire p est le cas sans encourir le risque dtre tax daccusation mensongre. Dun point de vue contrastif, le travail de rinterprtation qui incombe au co-nonciateur en franais doit tre demble spcifi dans la traduction anglaise. On ne peut attendre la fin de lnonc pour savoir si lavnement de p fait lobjet dune apprciation, dans le but dasserter p par des moyens dtourns (cf. (16) et (17)), ou si p dclenche une consquence fictive qui est en ralit la remise en question dune relation dentranement (cf. (18) et (19)). Par ailleurs, une mme forme, en loccurrence le conditionnel, effectue deux types de dcrochages diffrents dans la protase et dans lapodose, ce qui brouille la vision du co-nonciateur. Dautre part, on se repre immdiatement en anglais par rapport une situation fictive, ce qui permet de distinguer les plans nonciatifs en confrontant le plan fictif au plan de lnonciation, do rsulte la valeur contrefactuelle en (20). Or en franais, le dcrochage subjectif orchestr par lnonciateur maintient une ambigut dans le rle de celui-ci. On a finalement le sentiment que les reprages sont inverss dans les deux langues. En franais, le surgissement de limprvu en situation dclenche une prise de distance fictive de lnonciateur qui se ddouble et lhypothse va pouvoir se construire sur une base instable. Soit p est reformate a posteriori travers le point de vue de lnonciateur, et laltrit est vacue par apprciation et limination de la contingence. Soit p est prise comme une circonstance non-conforme mais inefficace et non q est le cas de toute faon, ce qui produit une valeur contingente. En anglais, le reprage fictif de la protase rompt la relation lnonciateur et autorise une assertion fictive dans lapodose. Dans le mme temps, le point de vue exprim dans lapodose est totalement dpendant de lvnement exprim dans la protase, ce qui laisse une place laltrit : si p nest pas le cas, on obtient la valeur complmentaire dans lapodose, alors que cette valeur complmentaire est limine en franais.
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4. Conclusion En franais, le conditionnel ne requiert nullement une origine assertive source de linformation. Il construit un double fictif de lnonciateur, prtexte fictif un commentaire nonciatif. En manifestant sa non prise en charge, lnonciateur prend ses distances vis--vis de son propre nonc, soit parce quil ne veut pas en assumer la responsabilit face au co-nonciateur ce qui est frquent dans la presse o les journalistes se mettent ainsi labri de tout procs en diffamation soit parce quil refuse dadmettre un vnement constat mais contraire lattente. Cette prise de distance fictive permet de construire une protase de faon instable, puisque cest seulement la lecture de lapodose que lon peut comprendre la nature du lien qui unit protase et apodose. En anglais, la rfrence une altrit subjective peut dboucher :
soit sur une dissociation subjective. Dans ce cas, la prise en charge est limite cette altrit subjective qui se construit en rupture par rapport lnonciateur tous gards ; soit au contraire sur une identification fictive. La rduction de laltrit ramne lnonciation une seule voix, directement audible pour le cononciateur sans que la structuration mane dun nonciateur primaire. Le contexte reprend alors ses droits 11.
En tout cas, aucun temps verbal ne peut exprimer la non prise en charge en oprant un dcrochage fictif sur le seul paramtre subjectif. La non prise en charge passe plutt par des marqueurs adverbiaux comme reportedly et allegedly, qui indiquent une prise de distance respectivement par rapport une source assertive et par rapport la vracit de faits rapports qui restent prouver. Leur emploi est donc troitement li lvocation dun dire, ce qui nest pas une condition ncessaire lemploi du conditionnel. Il va de soi que la non-conformit dune situation par rapport lattente de lnonciateur nest pas une raison suffisante en anglais pour dclencher la non prise en charge. Cest plutt la relation directe au co-nonciateur qui est privilgie dans cette langue. Rfrences Abouda, L. (2001). Les emplois journalistique, polmique, et attnuatif du conditionnel. Un traitement unitaire, in : P. Dendale ; L. Tasmowski, (ds), Le conditionnel en franais, Paris : Klincksieck, 277-294.
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0. Introduction H. Kronning 1 (1996, 2001) a introduit, ct des emplois dontiques et pistmiques de devoir, une troisime catgorie, savoir les emplois althiques. Dans cet article nous rpondrons aux deux questions suivantes : (i) peut-on galement distinguer un pouvoir althique ? et (ii) le pouvoir sporadique (cf. Kleiber 1983) relve-t-il de cette catgorie (cf. Kronning 1996 : 32) ? 1. Les effets de sens de pouvoir et devoir selon la tradition Selon Sueur (1977a/b, 1979, 1983), Le Querler (1996, 2001) et Kronning (1996, 2001), on peut qualifier pouvoir et devoir comme des verbes polysmiques avec un noyau sous-dtermin, savoir respectivement la possibilit abstraite et la ncessit abstraite . Nous nentrerons pas ici dans le dbat entre polysmistes et monosmistes 2. Que lon adopte une analyse monosmique ou polysmique des verbes modaux, force est de constater la diversit des effets de sens. La sous-dtermination du noyau smantique laisse la place plusieurs effets de sens contextuels. Ainsi, lnonc (1) :
(1) Luc PEUT venir en vlo
Nous tenons remercier H. Kronning pour ses commentaire aprs le 6e Colloque Chronos Genve. Ses remarques nous ont permis dapporter quelques nuances et de mieux prciser nos ides sur devoir et pouvoir. Pour une analyse monosmique des verbes modaux franais ou anglais, v. par exemple Sten (1954), Meyer (1991), Perkins (1982) ou Papafragou (2000). Cahiers Chronos 19 (2007) : 63-78.
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Carl Vetters c. Les circonstances permettent Luc de venir en vlo, (car la route est dneige). POSSIBILITE MATERIELLE source : les circonstances matrielles d. Il se peut que Luc vienne en vlo / Luc viendra peut-tre en vlo. EVENTUALITE POSSIBILITE EPISTEMIQUE
La tradition (cf. Sueur 1977a/b, 1979, 1983, Le Querler 1996, 2001) distingue deux grands groupes demplois, savoir, dune part, les emplois radicaux (1a-c) subdiviss, daprs la source de la possibilit, dans les effets de sens de permission , capacit et possibilit matrielle et, dautre part, lemploi pistmique (1d). Dhabitude, le contexte lve la sous-dtermination et filtre la bonne interprtation, comme on le voit dans les exemples suivants 3:
(2) On me dit que, pourvu que je vous donne ma roue quand vous crevez, mon bidon quand vous avez soif, mon abri quand vous tes dans le vent, et que je ne tente ni de mchapper, ni de briller, ni dabandonner, je PUIS courir ma guise et librement, sous la surveillance de deux ou trois commissaires. (AB, 9 juillet 1962) - PERMISSION Le divorce, par exemple, est une chose quelle ne POUVAIT admettre en aucun cas. Lorsque son fils Henry, passant outre ses instances, a divorc, elle a cess de le voir. (Pierre Darcis, Un pav pour lenfer, Club des Masques, p. 59) CAPACITE Javais un dner daffaires avec un client. Jai rejoint Mme Daviaud ds que jAI PU me librer. (Pierre Darcis, Un pav pour lenfer, Club des Masques, p. 53) POSSIBILITE MATERIELLE Mais, le [= Eddy Merckx] considrer dans la plonge sur Grenoble, pass le col de Porte, lendroit mme o lanne dernire, pareille poque, il POUVAIT soffrir le luxe daugmenter son avance tout en rparant sa selle avec une cl molette, il me semble quun peu deau a coul sous les ponts. (AB, 8 juillet 1971) POSSIBILITE MATERIELLE la lumire des chiffres, ltape dhier, vue de loin, POURRA sembler dcevante et peut-tre mme celle daujourdhui. (AB, 16 juillet 1957)
EVENTUALITE
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Il laissa son pouce appuy sur le bouton de sonnette pendant dix bonnes secondes. Si Mme Arnolphe Daviaud tait vieille, elle POUVAIT aussi tre sourde. Stany nobtint aucun rsultat. (Pierre Darcis, Un pav pour lenfer, Club des Masques, p. 10) EVENTUALITE
Mais, comme N. Le Querler le fait remarquer juste titre, la sousdtermination nest pas toujours leve, sans que cela entrave la comprhension du texte. Ainsi, face un nonc comme Le Sporting peut
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gagner la coupe dEurope, peu importe pour linterlocuteur si lnonciateur veut dire quelle en est capable, que les circonstances sy prtent ou sil prsente ltat de choses gagner (le Sporting, la coupe dEurope) juste comme une ventualit 4. La diffrence entre modalit radicale et modalit pistmique a t traite de diffrentes faons. Ainsi, N. Le Querler (1996, 2001) estime que la modalit radicale est intra-prdicative tandis que la modalit pistmique est extra-prdicative :
Modalit radicale : Modalit pistmique : Sujet Possibilit Verbe Possibilit [Sujet Verbe]
H. Kronning (1996, 2001 : 67) y ajoute que la modalit radicale est une modalit du faire, une modalit oriente vers lagent (cf. Bybee e.a. 1994), tandis que la modalit pistmique est une modalit de ltre. Ce qui donne en combinaison avec les observations de N. Le Querler :
Modalit radicale : Modalit pistmique : GN a la possibilit de FAIRE GV la proposition P peut ETRE vraie
Kronning dfinit ainsi, juste titre, la modalit radicale comme tant agentive, ce que certains spcialistes des verbes modaux franais, comme J.-P. Sueur ou N. Le Querler navaient pas remarqu. Dautres travaux, par contre, comme Huot (1974) ou Boissel et alii (1989) avaient bien signal quun processus qui chappe au contrle du sujet, qui ne suppose aucune intervention active de sa part, ne peut pas relever de la modalit radicale. La lecture de (8), que le modal soit pouvoir ou devoir, ne peut pas tre radicale :
(8) Jan Ullrich PEUT / DOIT avoir une tendinite au genou.
(8) ne peut pas signifier que Jan Ullrich a la permission, la capacit, la possibilit matrielle avec devoir lobligation thorique ou matrielle (cf. ci-dessous) davoir une tendinite au genou, mais signifie par contre quil a peut-tre ou probablement une tendinite. De mme, avec un verbe impersonnel comme pleuvoir il est difficile davoir une lecture radicale, comme le montre (9) 5 :
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H. Kronning nous a fait remarquer quune interprtation radicale de permission semble exclue ici. Cela dpend cependant du contexte. Lactualit sportive de lanne 2005 montre que certains matchs de football sont arrangs lavance par une mafia qui dcide qui peut ou doit gagner quel match. Dans ce contexte, une lecture dontique devient possible. Cette observation qui est galement valable pour langlais ( ?*It must rain tomorrow, otherwise the harvest will be lost / It has to rain tomorrow, otherwise
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Carl Vetters a. ?*Il DOIT absolument pleuvoir demain, sinon la rcolte sera perdue. b. Il FAUT absolument quil pleuve demain, sinon la rcolte sera perdue.
Ce qui prcde ne signifie pas pour autant que les prdicats qui rfrent des tats (dans le sens vendlerien) soient exclus de la modalit de faire. Une lecture radicale relevant de la modalit du faire reste possible, condition que ltat soit prsent comme le rsultat dune action contrle par un agent. Les noncs de (10) peuvent avoir un effet de sens de possibilit ou dimpossibilit matrielle ( X a / na pas la possibilit de faire de sorte que ltat P (X tre en forme) se ralise ) :
(10) a. Sil est autoris participer au Dauphin et la Route du Sud, Jan Ullrich PEUT tre en forme pour le Tour de France. b. Si la suspension de son quipe est maintenue, Jan Ullrich ne PEUT pas tre en forme pour le Tour de France.
Face aux quatre valeurs reconnues pour pouvoir (cf. (1)), J.-P. Sueur nen reconnat que trois pour devoir :
(11) a. source : un tre humain Kronning : obligation thorique b. NECESSITE source : les circonstances matrielles Kronning : obligation matrielle c. PROBABILITE Lnonc P doit tre vrai
OBLIGATION
Sagissant deffets de sens bien connus, nous nous contenterons ici de les illustrer brivement par quelques exemples :
(12) Car enfin, le rapport est flagrant : si le vassal doit son suzerain foi, hommage, et conseil, il est vident quil DOIT galement lui passer sa roue, sans prjudice des grands devoirs du bidon, de la canette et de la chasse. (AB, 24 juin 1961) OBLIGATION THEORIQUE En toute chose, une femme DOIT tre soumise son poux. (Euripide, Electre, Arla, traduit du grec par Franois Rosso, p. 106) OBLIGATION
THEORIQUE
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Aprs chaque explosion, on DEVAIT attendre que la poussire se dissipe. (Jos Giovanni, Le Ruffian, Gallimard, Carr Noir 479, p. 102)
OBLIGATION MATERIELLE
the harvest will be lost), ne concerne pas le nerlandais: okHet moet morgen regenen, anders gaat de oogst verloren. Le comportement inattendu du nerlandais est probablement d au fait que cette langue na pas de construction quivalant falloir ou to have to.
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Mais tes parti avant-hier avec une ID 19 toute neuve ! [] Lon, jAI DU la vendre hier, pour payer le casino.(Henri Viard, La bande Bonape, Gallimard, Carr Noir 509, p. 126) OBLIGATION MATERIELLE /A propos dune tape du Tour avec arrive Vittel/ Une seule ombre ce festival de la sant recouvre : labandon prmatur de lexcellent Hollandais Van Der Vleuten. En voil un qui DOIT la trouver saumtre quand on lui dit que leau de Vittel favorise llimination. (AB, 29 juin 1968) PROBABILITE On avait trois chiens, deux braques et un setter gordon. Quelque part au nord-est il DEVAIT y avoir dautres chasseurs car on entendit le dpart dun coup, []. (Jean-Patrick Manchette, Fatale, Folio Policier 44, p. 9)
PROBABILITE
La diffrence entre les descriptions de Sueur pour pouvoir et devoir rside dans labsence du ct de devoir dun quivalent pour leffet de sens de capacit de pouvoir. En effet, la tradition considre que devoir ne peut pas exprimer une ncessit de faire dont lorigine rside dans les proprits du sujet. Il nous semble pourtant que les exemples suivants pourraient tre considrs comme relevant dun effet de sens non prvu par Sueur que lon pourrait appeler auto-obligation et qui serait le pendant de leffet de sens de capacit de pouvoir :
(18) Le tabagisme de mes tudiants devient de plus en plus inquitant. Aprs une heure de cours ils snervent, car ils DOIVENT absolument fumer leur cigarette. La femme du gardien eut piti deux et leur proposa du caf. Ils acceptrent. Prvoyant une nuit blanche Aldo en avala plusieurs. Il POUVAIT avaler une boisson brlante tandis que Anselme DEVAIT attendre quelle tidisse. (Jos Giovanni, Le Ruffian, Gallimard, Carr Noir 479, p.32)
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Les travaux des vingt dernires annes ont considrablement largi linventaire des effets de sens de pouvoir et devoir. Nous ne dvelopperons pas ici lanalyse des effets de sens suivants que lon a reconnus, la suite de Boissel et alii (1989) et Le Querler (1996, 2001 : 22) :
(20) a. Elle PEUT pleurer, en tout cas je nirai pas la voir. ( concession) b. Je me demande o jAI [bien] PU lire cela. ( dlibration ) c. Il PEUT tre bon ce prix l ! ( justification de la relation prdicative )
Nous nous contentons de signaler que ces effets de sens correspondent des notions qui ont un rapport avec la force illocutoire de lnonc ou qui correspondent ce que J. Van der Auwera et V. Plungian (1998) traitent comme des valeurs postmodales . Il nous semble que lon a ici affaire un troisime type deffet de sens ct de la modalit du faire et de la modalit de ltre o pouvoir fonctionne comme oprateur illocutoire.
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Nous accorderons par contre plus dattention deux autres effets de sens, introduits dans lanalyse des verbes modaux en franais par G. Kleiber (1983) et H. Kronning (1996, 2001), respectivement. 2. Pouvoir sporadique et devoir althique G. Kleiber (1983) distingue en sinspirant de lanalyse de Boyd & Thorne (1969, 1974) pour langlais un cinquime effet de sens, appel sporadique , qui correspond une paraphrase par il arrive que p :
(21) a. Les Alsaciens PEUVENT tre obses. b. Luc PEUT tre odieux.
Ces deux noncs correspondent aux deux types de sporadicit, distingus par G. Kleiber, savoir la sporadicit rfrentielle pour (21a) Certains Alsaciens sont obses et la sporadicit temporelle pour (21b) Luc est parfois odieux . Cet emploi est assez courant, comme le montrent les exemples suivants, qui peuvent avoir une interprtation sporadique :
(22) Apparemment, il ny a pas mille faons de monter bicyclette, de rouler, de grimper, de descendre, de sprinter. Les nuances qui PEUVENT exister dans le comportement des champions sont moins une affaire de principes que de temprament. (AB, 4 juillet 1963) La communaut o nous vivons nest pas ferme, elle ne demande qu communiquer ses secrets, les faire partager, mails ils rclament certaines initiations et il ny a pas dinitiation sans langage. Le Tour de France, et chaque Tour en particulier, sen forge un la mesure des circonstances. Lemployer lgard du lecteur, cest donner nos mystres les rsonances du cor de chasse et appeler tout un chacun dans notre vaste intimit. Ainsi voudra-t-on bien excuser les calembours, les nologismes ou les tournures de syntaxe auxquels nous POUVONS nous abandonner. (AB, 11 juillet 1963) Nous savons maintenant que rien naurait pu arrter le jeune Felice Gimondi sur la route du triomphe, mme pas les interventions supra-sportives, telles quelles PEUVENT se manifester en France, dans une nuit du 13 au 14 juillet. (AB, 15 juillet 1965) Beaucoup de gens [] doutent de la ncessit de ce personnage quasi mythologique quon appelle un ardoisier. [] Sa prsence est donc essentielle mme si elle PEUT peser parfois dun poids lgrement superflu. (AB, 5 juillet 1980)
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G. Kleiber (1983) construit son analyse de la sporadicit sur des exemples qui rfrent des tats. Il signale en note que les verbes daction quil dfinit par leur compatibilit avec tre en train de ne sont pas exclus de la sporadicit, tout en tant moins courants. Cette observation est confirme par la srie dexemples ci-dessus, dans laquelle au moins deux prdicats verbaux
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(sabandonner quelque chose (23) et se manifester (24)) sont compatibles avec tre en train de. G. Kleiber (1983 : 186) insiste en critiquant une analyse dAntinucci et Parisi (1971) sur le fait que la sporadicit doit clairement tre distingue des deux autres grandes catgories demplois de pouvoir (dontique et pistmique). En effet, les paraphrases utilises pour identifier ces effets de sens (cf. (1a-d)) ne peuvent servir pour la sporadicit. N. Le Querler (2001 : 25-27) avance que lemploi sporadique est extra-prdicatif. H. Kronning (1996, 2001) introduit la catgorie du devoir althique pour rendre compte dnoncs comme ceux de (26) que lon peut difficilement ranger parmi les effets de sens radicaux ou pistmique 6 :
(26) a. Si tu lances une pierre en lair, elle DOIT retomber. elle retombe (ncessairement). elle retombera probablement. b. Un regret, cela DOIT tre inutile, ou alors ce nest plus un vrai regret. cela est inutile. cela est probablement inutile.
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Comme le montrent les paraphrases proposes, (26a) et (26b) ont en commun que le modal devoir y semble dans une certaine mesure optionnel , leffet de sens en tant un de certitude et non pas de probabilit. Cette proprit rapproche devoir althique de pouvoir sporadique, qui, comme le fait observer G. Kleiber (1983 : 185), parat avoir bascul du ct de la certitude. En effet, tous les autres effets de sens de pouvoir respectent la conversion complmentaire selon laquelle il est possible que p implique il est possible que non p . Par exemple Jan Ullrich peut tre en forme implique que Jan Ullrich peut ne pas tre en forme. Or leffet de sens sporadique est rfractaire la conversion complmentaire. Les noncs (21a) Les Alsaciens peuvent tre obses et (21b) Luc peut tre odieux excluent la possibilit que les Alsaciens ne soient pas obses ou que Luc ne soit pas
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odieux, car ils assertent que certains Alsaciens sont obses et que Luc est parfois odieux. Cela ne signifie pas pour autant que lon soit ici en prsence dun effet de sens radicalement diffrent de tous les autres effets de sens de pouvoir. Selon G. Kleiber, pouvoir sporadique fonctionne comme un quantificateur gnrique existentiel et le principe de la conversion complmentaire sapplique au niveau des occurrences spcifiques : la possibilit de rencontrer Luc quand il est odieux implique celle de le rencontrer quand il nest pas odieux. Selon H. Kronning, devoir althique est vridicible cest--dire justiciable dune apprciation en termes de vrit ou de fausset tandis que devoir pistmique est non vridicible, mais montrable cest--dire non justiciable en termes de vrit et de fausset. Cette observation rapproche davantage les effets de sens sporadique et althique, dans la mesure o un nonc comme Luc peut tre odieux est vridicible (cf. aussi Kronning 1996 : 32). Sur la base de ce qui prcde, lon nest donc pas surpris de constater que Kronning range les emplois sporadiques de pouvoir dans la classe de la modalit de ltre althique (1996 : 32). Dans ce qui suit, nous valuerons cette proposition. 3. Existe-t-il un pouvoir althique ? La distinction entre lpistmique et lalthique, propose par H. Kronning pour lanalyse de devoir en franais, nest pas accepte par tous les linguistes, la plupart prfrant classer les deux dans une seule catgorie (cf. Dendale 1999). Il nous semble cependant que Kronning a raison dinsister sur cette distinction. Dune part, devoir althique et devoir pistmique nont pas le mme comportement syntaxique. H. Kronning (2001 : 73-74) propose deux tests, savoir (i) la compatibilit avec linterrogation partielle et (ii) celle avec les subordonnes introduites par puisque, qui permettent de vrifier la vridicibilit dun nonc, car dune part le substrat des interrogatives partielles est (faiblement) prsuppos et dautre part, le contenu dune subordonne introduite par puisque est sinon prsuppos au sens strict, du moins prsent comme vrai pralablement lnonciation. Par son caractre vridicible, devoir althique peut apparatre dans ces constructions tandis que devoir pistmique y est impossible :
(29) a. Par lintermdiaire de la ressemblance de famille, la thorie du prototype devient une version tendue qui trouve sappliquer tous les phnomnes de catgorisation polysmique, cest--dire tous les phnomnes de sens multiple dont les acceptions, puisque enchanement il DOITA y avoir,
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prsentent un lien ou des liens entre elles. (G. Kleiber, cit par Kronning 2001 : 73) b. *Puisquil DOITE avoir une tendinite au genou, Jan Ullrich ne peut pas participer au Tour de France,. (30) a. Que DOIVENTA tre lhomme et le monde pour que le rapport soit possible entre eux ? (Sartre, cit par Kronning 2001) b. *Quand est-ce que Jan Ullrich DOITE tre en forme ? 7
Dautre part, la diffrence notionnelle entre les deux est trop importante pour les classer ensemble. Pour nous, lalthique concerne une ncessit objective, lpistmique une ncessit subjective (cf. Van der Auwera & Plungian 1998 qui rejettent cette proposition de Coates 1983). Avec devoir pistmique, le locuteur prsente subjectivement une situation comme tant ncessaire, alors quil sait objectivement quelle ne lest pas. Dans un nonc comme Luc nest pas l, il doit tre malade, le locuteur prsente cette situation comme une infrence. Il sait objectivement quelle nest pas ncessaire, mais il la prsente subjectivement comme ltant, en cartant pour linstant dventuelles autres explications pour labsence de Luc (cf. Tasmowski & Dendale 1994). Il nous semble judicieux de faire la mme distinction pour pouvoir , mme si H. Kronning est notre connaissance le seul lavoir propose pour le franais. Il nest pas difficile de fabriquer des noncs semblables ceux de (26) :
(31) Un mlange de X et Y PEUT senflammer basse temprature.
De mme, un nonc comme (32) nous semble se prter deux interprtations diffrentes :
(32) Dreyfus PEUT tre coupable.
Soit le locuteur exprime avec cet nonc une conviction personnelle subjective : il souponne Dreyfus dtre coupable. Soit il ne le souponne pas, mais il est oblig dadmettre que, objectivement, cette possibilit existe. Pour illustrer notre propos, voici le genre de dialogue que lon pourrait trouver dans un roman policier :
(33) PEUT-il tre coupable ? A mon avis, il est innocent. Daccord, je le sais, mais la question nest pas l : je ne tai pas demand si tu croyais ou non quil tait coupable, mais sil PEUT tre coupable.
Il va de soi que limpossibilit de (30b) ne concerne que la lecture pistmique, les effets de sens radicaux tant possibles.
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Carl Vetters Je dois admettre, tout en croyant son innocence, quil PEUT avoir vol le Van Gogh.
De plus, de mme que devoir althique, pouvoir non dontique peut tre employ dans des propositions introduites par puisque ou dans des questions partielles, ce qui plaide en faveur dune interprtation althique.
(34) (35) Puisque Luc PEUT tre impliqu dans cette affaire dlicate, il vaut mieux ne pas le proposer pour le poste de directeur. O Pierre PEUT-il avoir mis ses cls ?
4. Pouvoir sporadique et la modalit de ltre Aprs avoir admis la distinction althique / pistmique pour pouvoir, nous allons examiner la suggestion de H. Kronning selon laquelle lemploi sporadique de pouvoir relverait de lalthique. Lide de Kronning semble tre confirme par le fait que pouvoir sporadique se comporte de la mme faon que devoir althique face aux deux tests syntaxiques quil a proposs :
(36) a. Puisque Luc PEUT tre odieux, il vaut mieux ne pas linviter. b. Quand Luc PEUT-il tre odieux ?
Cependant, les tests mis en uvre par H. Kronning dans (29) et (30) cidessus permettent de distinguer entre devoir pistmique et devoir althique, mais ne permettent pas de distinguer entre devoir althique et devoir radical, comme le montre (37) :
(37) a. Puisque les enfants DOIVENT obir, b. Pourquoi les enfants DOIVENT-ils obir ?
En consquence, les noncs de (36) montrent que pouvoir sporadique nest pas pistmique, mais laissent ouvert la question de savoir sil est dontique ou althique. Ce rsultat sexplique par le fait que ces tests concernent la vridicibilit (cf. supra) et que les domaines althique aussi bien que dontique sont vridicibles (cf. Kronning 2001 : 41 ; 2003). Or les emplois althiques de devoir se distinguent bel et bien des emplois radicaux, dans la mesure o ils ne permettent pas la reprise anaphorique par cette obligation (comparer (38a/b) (38c) ; cf. Kronning 2001 : 69) :
(38) a. Tout ce quoi on rfre DOITA exister. Appelons cela /*cette obligation laxiome dexistence. b. Si tu lances une pierre en lair, elle DOITA retomber. *Cette obligation
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c. Les tudiants DOIVENTD assister aux travaux pratiques. Le non-respect de cette obligation peut entraner lexclusion dfinitive.
Par ailleurs, rappelons que le domaine dontique relve de la modalit du faire, qui est une modalit agentive. Certains emplois althiques de devoir ne peuvent pas relever de la modalit du faire, cause de labsence dagentivit. Ainsi, linfinitif accompli avoir crit dans (27) ne peut pas tre radical dans la mesure o lon peut obliger quelquun dcrire une lettre, mais non pas davoir crit une lettre 8. Dans ce qui suit, nous traiterons diffremment le pouvoir sporadique temporel et le pouvoir sporadique rfrentiel. Il nous semble quau moins le pouvoir sporadique temporel peut difficilement tre class dans la catgorie de la modalit althique. Un nonc comme Pierre peut tre odieux peut tre paraphras par Il arrive Pierre de se comporter dune faon odieuse . Lagentivit de cette paraphrase plaide pour un classement dans la modalit du faire. En effet, il y a au moins deux caractristiques par lesquelles la sporadicit temporelle avec pouvoir se rapproche des emplois radicaux : (i) Alors que les emplois pistmiques 9 et althiques de devoir ne permettent pas de reprise anaphorique par Cette obligation, rien ne semble empcher une reprise par Cette capacit dans le cas de pouvoir sporadique temporel :
(39) Pierre PEUT tre charmant. Cela / Cette capacit fait de lui un collgue trs apprci.
(ii) De mme que pouvoir radical, pouvoir sporadique temporel est difficilement compatible avec linfinitif accompli :
(40) Pierre PEUT avoir t charmant ( sporadique)
ce qui plaide en mme temps contre une appartenance la modalit de ltre (cf. supra). Pour les emplois sporadiques rfrentiels sans agentivit, les deux tests donnent des rsultats divergents.
(41) (42) Les Alsaciens PEUVENT tre obses. *Cette capacit Les Alsaciens PEUVENT avoir t obses. ( sporadique)
(41) montre quune lecture dontique est exclue, ce quoi nous nous attendions, vu labsence dagentivit. Lincompatibilit avec linfinitif
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Cette observation ne concerne pas les cas o linfinitif accompli est accompagn dun complment futur. Devoir peut tre dontique dans Jean DOIT avoir crit cette lettre demain soir (cf. Huot 1974 : 54). Cf. Luc DOITE tre malade. *Cette obligation le drange beaucoup.
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Carl Vetters
accompli constate dans (42), par contre, suggre que lon a affaire ici un effet de sens diffrent de ceux qui relvent de la modalit de ltre. Cet nonc semble donc indiquer que G. Kleiber avait au moins raison pour la sporadicit temporelle, lorsquil avanait quil sagissait dun effet de sens que lon ne peut rduire aucun autre effet de sens connu de pouvoir. 5. Largument de la ngation N. Le Querler avance un argument 10 qui devrait avrer la nature extraprdicative de pouvoir sporadique et donc son appartenance la modalit de ltre. Selon elle, les effets de sens extra-prdicatifs se distinguent des effets de sens intra-prdicatifs par leur incompatibilit avec la ngation. Lobservation est correcte pour lemploi sporadique, comme le montre limpossibilit de construire des paraphrases sporadiques pour les noncs de (21) :
(21) a. Les Alsaciens ne PEUVENT pas tre obses. Certains Alsaciens ne sont pas obses. b. Luc ne PEUT pas tre odieux. Parfois, Luc nest pas odieux.
Tout en admettant que leffet de sens sporadique se distingue en cela des effets de sens radicaux de pouvoir (cf. La Roumanie ne peut pas gagner la coupe du monde, Pierre ne peut pas aller au cinma), nous contestons lide que lincompatibilit avec la ngation rapproche pouvoir sporadique de pouvoir pistmique ou de la modalit de ltre en gnral. Mais pour cela, il faut attaquer un vieux mythe en linguistique franaise : lincompatibilit entre pouvoir pistmique et la ngation N. Le Querler reprend lide de Sueur (1979, 1983) selon laquelle leffet de sens pistmique serait incompatible avec la ngation et ltend tous les effets de sens extra-prdicatifs. Or, bien quil sagisse dune ide reue tenace, leffet de sens pistmique de pouvoir linstar de celui de devoir nest pas incompatible avec la ngation. Ds le colloque de Metz en 1981 (cf. David & Kleiber, (ds), 1983), A. Borillo et C. Dobrovie-Sorin ont contest cette incompatibilit. Ainsi, A. Borillo a fait remarquer, lors de la discussion de la communication de J.-P. Sueur (1983 : 181) que linterprtation naturelle de certains noncs ngatifs avec pouvoir est pistmique. Ainsi, lexemple dA. Borillo Il ne peut pas avoir dit cela sinterprte facilement comme Il ne se peut pas quil ait dit cela . De
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N. Le Querler (2001 : 25-27) avance par ailleurs largument des paraphrases extra-prdicatives, qui nest pas trs solide, car leffet de sens sporadique a aussi bien des paraphrases syntaxiquement intra-prdicatives ( Luc est parfois odieux ) quextra-prdicatives ( Il arrive que Luc soit odieux ).
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mme, (21a) et (21b) qui ne peuvent pas tre sporadiques sinterprtent naturellement comme Il ne se peut pas que les Alsaciens soient obses et Il ne se peut pas que Luc soit odieux . De plus, on voit mal pour quelles raisons une lecture pistmique serait possible dans (43a-c) et exclue dans (43d) :
(43) a. b. c. d. Jan Ullrich DOIT tre en forme Jan Ullrich PEUT tre en forme Jan Ullrich ne DOIT pas tre en forme Jan Ullrich ne PEUT pas tre en forme.
(43d), qui peut dans certains contextes avoir une lecture radicale (cf. (10b) cidessus), peut galement tre paraphras par Il ne se peut pas / Il nest pas possible que Jan Ullrich soit en forme . En explorant des corpus, nous avons facilement trouv un grand nombre doccurrences de ne pas pouvoir qui peuvent avoir une lecture pistmique, parmi lesquelles les noncs suivants11 :
(44) (45) Je sais dj que ce ne PEUT pas tre quelquun dici ! fit-il. (Frdric Dard, Une seconde de toute beaut, Fleuve Noir 517, p. 28) Vous POUVEZ pas t aussi mauvaise que lng que vous voyez l, dclara Doosy, la langue un peu paisse. (Richard Jessup, Un bruit de chanes, Gallimard, Carr Noir 56, p.171) A la relecture de notre texte, nous avons constat quil contient un certain nombre doccurrences de pouvoir avec la ngation qui ne relvent clairement pas de la modalit radicale : Dautres travaux, par contre, comme Huot (1974) ou Boissel et alii (1989) avaient bien signal quun processus qui chappe au contrle du sujet, qui ne suppose aucune intervention active de sa part, ne PEUT pas relever de la modalit radicale. (p. 65) La lecture de (8), que le modal soit pouvoir ou devoir, ne PEUT pas tre radicale : [] (8) ne PEUT pas signifier que Jan Ullrich a la permission, la capacit, la possibilit matrielle avec devoir lobligation thorique ou matrielle (cf. ci-dessous) davoir une tendinite au genou, mais signifie par contre quil a peut-tre ou probablement une tendinite. (Id.) En effet, la tradition considre que devoir ne PEUT pas exprimer une ncessit de faire dont lorigine rside dans les proprits du sujet. (p. 67) Ainsi, linfinitif accompli avoir crit dans (27) ne PEUT pas tre radical dans la mesure o lon peut obliger quelquun dcrire une lettre, mais non pas davoir crit une lettre. (p. 73) Pour nous, ces noncs ne son pas pistmiques mais althiques, dans la mesure o nous les prsentons comme une impossibilit objective et non pas comme une supposition subjective.
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Carl Vetters Soyons srieux : le sportif, le sociologue, lhomme desprit quest M. Daninos nA PU se buter dans une telle posture dhostilit face la ferie sociale que reprsente le Tour, il sest simplement abandonn un moment de complaisance envers une certaine dmagogie. (AB, 1er juillet 1963)
Si pouvoir pistmique est bel et bien compatible avec la ngation, il ny a pourtant pas de fume sans feu : la combinatoire de pouvoir pistmique avec la ngation est restreinte. Lemploi des temps verbaux et de certaines priphrases aspectuelles joue un rle important ici. Ainsi, il nest pas toujours possible dobtenir une lecture pistmique avec la ngation lorsque un prdicat agentif (appel [+contrle] par Sueur 1977b) est mis lindicatif prsent. Linterprtation des noncs de (47) peut difficilement tre autre que radicale :
(47) a. Tom Boonen ne PEUT pas remporter le Tour de France. b. Raymond Poulidor ne PEUT pas battre Anquetil dans un contre-la-montre.
Cependant, si lon met pouvoir au pass compos, leffet de sens pistmique devient possible pour ces mmes noncs :
(48) a. Tom Boonen nA pas PU remporter le Tour de France. b. Raymond Poulidor nA pas PU battre Anquetil dans un contre-la-montre.
Si linfinitif complment de pouvoir est prcd par tre en train de (49) cf. la remarque de C. Dobrovie-Sorin dans Sueur (1983 : 181) ou sil est mis laccompli (50), la lecture pistmique semble mme simposer, la lecture radicale tant devenue difficile, voire mme impossible :
(49) a. Tom Boonen ne PEUT pas tre en train de remporter le Tour de France. b. Raymond Poulidor ne PEUT pas tre en train de battre Anquetil dans un contre-la-montre. (50) a. Tom Boonen ne PEUT pas avoir remport leTour de France. b. Raymond Poulidor ne PEUT pas avoir battu Anquetil dans un contre-lamontre.
On voit donc que, par son incompatibilit avec la ngation, pouvoir sporadique ne se rapproche ni de pouvoir radical, ni de pouvoir pistmique, dans la mesure o aucun des deux nest incompatible avec la ngation.
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6. Conclusion Rsumons en guise de bilan les hypothses que nous avons voulu dfendre dans cette tude : 1. La modalit radicale est une modalit du faire, ce qui implique quelle suppose une activit contrle par un agent. En labsence de ce contrle, pouvoir et devoir relvent ncessairement de la modalit de ltre. 2. Ne pas pouvoir peut dans certaines circonstances relever de la modalit de ltre. Lemploi des temps verbaux et des priphrases aspectuelles influence ici linterprtation de faon cruciale. Lincompatibilit avec la ngation de pouvoir sporadique ne saurait donc pas tre invoque pour le classer dans la modalit de ltre. 3. Le rattachement de pouvoir sporadique au domaine de la modalit de ltre ou de la modalit du faire ne va pas de soi. Les tests linguistiques ne permettent pas de valider lide de H. Kronning selon laquelle cet effet de sens relve de la modalit de ltre : (i) les emplois sporadiques temporels de pouvoir se rapprochent, de par leur agentivit, de leffet de sens dontique de capacit (reprise anaphorique par cette capacit, incompatibilit avec linfinitif accompli), mais sen distinguent par leur incompatibilit avec la ngation. (ii) les emplois sporadiques rfrentiels de pouvoir ne peuvent pas tre dontiques en labsence dagentivit. Ils ont un comportement syntaxique qui les distingue aussi bien de la modalit du faire que de la modalit de ltre. Rfrences Antinucci, F. ; Parisi, D. (1971). On English modal verbs, Papers from the Seventh Regional Meeting, Chicago Linguistic Society, 28-29. Boissel, P. ; Darbord, B. ; Devarrieux, J. ; Fuchx, C. ; et alii (1989). Paramtres nonciatifs et interprtations de pouvoir , Langue franaise 84 : 24-69. Boyd, J. ; Thorne J. P. (1969). The deep grammar of modal verbs, Journal of Linguistics 5 : 57-74. Boyd, J.; Thorne, J. P. (1974). La smantique des verbes modaux en anglais, Langages 34 : 103-121. Bybee, J. ; Perkins, R. ; Pagliucca, W. (1994). The evolution of grammar. Tense, aspect and modality in the languages of the world, Chicago ; London : The Chicago University Press. Coates, J. (1983). The semantics of modal auxiliaries, London : Croon Helm.
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Aspectualit et cotextes de limparfait narratif introducteur de discours rapport direct l'oral Bertrand VERINE
Praxiling / ICAR, UMR 5191 CNRS - Universit Montpellier III
0. Introduction Limparfait est trs connu pour son rle dans lamalgame des noncs enchssant et enchss propre au discours indirect libre. Son intervention dans les propositions subordonnes du discours indirect est galement bien documente. On sinterroge peu, en revanche, sur lactualisation des verbes introducteurs de parole dans les propositions rectrices de discours rapport aussi bien indirect que direct. Si on le fait, on sen tient le plus souvent, comme D. Vincent et S. Dubois (1997) en ce qui concerne loral conversationnel, aux trois poques future, prsente et passe, pour commenter la rfrenciation chronologique 1. Soit lexemple (1) 2 :
(1) (Manuel Manzaneque raconte comment un responsable syndical a persuad des grvistes dvacuer les bureaux des Houillres avant lintervention des policiers et de leurs chiens.) 62A il a dit alors / on perd pas la face non plus (mm B C bien sr B) / i faut pas perdre la face (bien sr C) / donc on la perd pas / mais sis arrivent tout lheure on va la perdre on va perdre les deux (sifflement de B mm C) / alors il a dit i faut sen aller ... 63B puis le pantalon l aussi (62A) alors on disait (rire de B) ouais mais / pourquoi on est venus l ? / a:h d:connez pas / on va pas faire massacrer les g- les gonzes l / eh / alors il a dit on sen va (Ladrecht, Manzaneque III). Le temps du discours rapport a donc t codifi en fonction de la rfrence temporelle de lvnement de communication, plutt qu partir de la forme morphologique du verbe. En bout de ligne, pour cette tude, seule lopposition binaire pass / autres temps a t maintenue [...] (op. cit. : 52). Les exemples analyss ici sont tous tirs du corpus Ladrecht, interviews recueillies et transcrites par Jacques Bres et Franoise Madray de 1982 1984. Conventions de transcription : [:] allongement vocalique ; [/] pause ; [-] apocope ou aphrse ; lencadrement d'un segment par [(1)] indique une intonation rieuse. Tous les noms dsignant des personnes prives ont t remplacs par des pseudonymes. Les enquteurs sont toujours nots B et C, linterview A. Pour respecter labsence de marqueur univoque de clture de lnonc enchss loral, je bannis de mes transcriptions tout guillemet et les tirets autres que celui indiquant le dbut dun tour de parole de linterview. Jattire cependant lattention par litalique sur le(s) morphme(s) tudi(s). Cahiers Chronos 19 (2007) : 79-91.
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Bertrand Verine
Rien ninterdit de reformuler lenchanement des trois derniers tours en discours direct (dsormais DD) de la manire suivante :
(1) alors il a dit i faut sen aller / alors on a dit ouais mais / pourquoi on est venus l ? / a:h d:connez pas / on va pas faire massacrer les g- les gonzes l / eh / alors il a dit on sen va /
Pour quelles raisons, bien quils se succdent sans inclusion, ces procs ne se trouvent-ils pas tous trois actualiss au pass compos (dsormais PC) ? Nest-ce pas en fonction de critres aspectuels que le second dire, que rien ne distingue temporellement du premier ni du troisime, apparat actualis limparfait ? Naurions-nous pas affaire une occurrence non prototypique dimparfait narratif (dsormais IN) ? Mais, dans ce cas, pour quelles raisons ces alternances relativement frquentes restent-elles trs peu commentes, aussi bien dans la littrature sur limparfait que dans celle concernant le DD ? Je montrerai dabord que de tels emplois semblent rpondre la dfinition affine de limparfait narratif propose par Bres (2005), avant de faire lhypothse que les instructions aspectuelles de limparfait y sont utilises contrastivement pour signifier des diffrences de statut textuel entre les tours de parole. 1. Limparfait et ses emplois narratifs 1.1. Valeur en langue Au fil de ses nombreux travaux, synthtiss et amplifis dans son ouvrage sur Limparfait dit narratif , J. Bres (2005) dcrit la valeur en langue de limparfait selon une approche aspectuo-temporelle laquelle jai moi-mme apport quelques arguments (Bres et Verine 1998, Verine 2000). Sans entrer dans le dtail de la dmonstration, je rappellerai que cette forme verbale se dfinit pour nous par le fait quelle dlivre dans tous ses emplois deux instructions : linstruction temporelle {+ pass}, qui loppose aux formes rfrant aux autres poques ou ne rfrant aucune poque ; et linstruction aspectuelle {+ tension, incidence, ascendance}. Le trait {+ tension} distingue limparfait des temps composs, tandis que les traits { incidence} et { ascendance} le diffrencient du pass simple, mais aussi du PC dans ses emplois daoriste du discours (au sens de Benveniste) : ainsi en va-t-il pour lalternance entre il a dit, on disait et il a dit dans lexemple (1). Je ninsisterai que sur ces deux derniers points, seuls cruciaux pour les configurations analyses ici. Selon le trait { incidence}, le temps impliqu par le procs est reprsent de manire scante, i.e. la fois et pour partie comme effectivement accompli et en perspective daccomplissement. Ce trait a pour corollaire la non-reprsentation des bornes initiale et terminale du temps impliqu, car la saisie scante ne peut sappliquer quen un point du procs
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situ au del de sa borne initiale (il est dj en train, part daccompli) et en de de sa borne terminale (il est encore en cours, part daccomplissement). Limparfait ne marquant pas le point dincidence du procs, il donne galement apprhender le temps impliqu comme arrivant depuis le futur et s'en allant vers le pass, do le trait { ascendance}. Cest partir de ces instructions que la praxmatique sefforce dexpliquer lensemble des effets de sens que limparfait produit en discours : aussi bien ceux inventoris comme ses valeurs standard, que ceux rpertoris comme des emplois marqus, dont limparfait dit narratif et ses nombreuses variantes : pittoresque, impressionniste, perspectif, douverture, de rupture, etc. 1.2. Interactions cotextuelles J. Bres (2005 : 241-242) dveloppe cette explication dans un cadre interactionnel :
lactualisation syntagmatique, phrastique, discursive ne saurait consister simplement en lajout des diffrentes units actualises : A + B + C, mais en leur produit : A x B x C .
On peut dcrire cette interaction en termes doffre et de demande : en discours, loffre et la demande de chaque unit linguistique entrent en interaction avec les offres et demandes des autres lments du cotexte, voire du contexte. Ainsi :
en emploi typique, linteraction entre ce quoffre linstruction du morphme et la reprsentation demande par le cotexte est parfaitement concordante, sans reste ; en emploi stylistique, linteraction entre ce quoffre linstruction du morphme et la reprsentation demande par le cotexte est plus ou moins discordante, avec des restes. Et ce sont ces restes qui sont lorigine des effets de sens particuliers (Bres 2005 : 66).
Selon cette approche, on dira donc que, pour assumer un de ses emplois standard, limparfait demande un contexte dlivrant les instructions quil offre lui-mme, ce qui est prototypiquement le cas, par exemple, dans une squence descriptive au pass. Si, au contraire, un ou plusieurs lments du contexte dlivrent une ou des instructions diffrentes, lemploi de limparfait apparatra comme marqu. Singulirement :
leffet de sens narratif est le produit de linteraction tendanciellement discordante entre (i) dune part, un cotexte qui demande, par la voix de diffrents lments, que le procs soit reprsent dans son incidence au temps ; et (ii) dautre part, limparfait qui ne rpond pas positivement cette
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Bertrand Verine demande dans la mesure o il reprsente le procs comme non incident au temps, savoir dans son cours (Bres 2005 : 9).
Ainsi, dans lexemple (1), observe-t-on la discordance de limparfait on disait avec les demandes de perfectivit poses, notamment, par les deux PC il a dit, les trois circonstants alors et lenchanement des tours de parole impliquant que les dires se succdent : enchanement syntaxique du second sur le premier par oui mais, enchanement smantique du troisime sur le second par a:h d:connez pas et on va pas faire massacrer les gonzes. De fait, linterrogation pourquoi on est venus l ? sous-entend, en contexte, un argument du type{on doit rester faire ce pour quoi on est venus], objection quenregistre et combat le dernier tour. Il y a donc bien succession non inclusive entre eux. Par del, en appliquant le mme raisonnement aux emplois de limparfait en cotexte incident, il est possible de dresser la liste des paramtres qui favorisent ce type dinteraction discordante et contribuent prototypiquement leffet narratif. Ces paramtres sont au nombre de sept 3 : la textualit narrative, la relation de progression temporelle, le statut de premier plan, la semelfactivit, la structure syntaxique de proposition principale ou indpendante, le type de procs achvement et la prsence dun circonstant frontal de type x temps plus tard. Les cinq premiers sont luvre en (1), mais pas les deux derniers, que certains auteurs jugent indispensables la catgorisation dun emploi de limparfait comme IN. Sappuyant sur 700 exemples attests, J. Bres dmontre quaucun de ces paramtres ne constitue une condition sine qua non. Ainsi, 20 % de ses occurrences actualisent-elles lIN des procs dun type autre que lachvement, ce qui est le cas dans notre exemple (1), o la longueur de la proposition enchsse en DD implique de catgoriser dire comme un accomplissement. De mme, le circonstant temporel napparat-il que dans 35 % de ses occurrences, et sa proportion connat-elle de fortes variations selon les cotextes 4. Trs prcisment, lIN nexige pas ce circonstant lorsque le procs ainsi actualis se trouve en relation de contigut temporelle et logique avec le procs prcdent. Je soulignerai la double spcification de cette contigut : dun ct, lorsque le circonstant signifie un laps de temps bref, il est (le plus souvent) effaable ; de lautre, quand le procs est cotextuellement attendu, labsence de circonstant savre (presque toujours) possible. Sauf cas particulier, ces deux conditions se trouvent ralises dans les rcits de parole comme (1) : car en vertu des principes dalternance et
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Plus un supplmentaire lcrit : lisolement typographique par un alina, voire un blanc, avant et/ou aprs. Pour dautres exemples littraires de ces IN non prototypiques, cf. Verine ( paratre).
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denchanement, les interventions dun change sont presque toujours spares par un laps de temps trs bref, et une initiative implique cotextuellement une raction ou une valuation. Au total, un critre unique savre la fois ncessaire et suffisant pour quun emploi de limparfait puisse tre considr comme narratif : que le cotexte, damont comme daval, implique, prsuppose ou pose explicitement que le temps impliqu par le procs limparfait [...] est bien all jusqu son terme, contrairement la reprsentation quen fournit ce temps verbal (Bres 2005 : 76). Leffet sera patent, voire exacerb, quand plusieurs lments incidents apparaissent combins ; il savre frquemment plus discret, voire quasi tacite, parce que peu dingrdients ou un seul participe(nt) la demande cotextuelle de perfectivit. Voil qui tend justifier que je catgorise comme narratifs les imparfaits de certaines propositions rectrices de DD, et qui pourrait expliquer pourquoi ce type doccurrences non prototypiques na gure attir lattention des commentateurs. 1.3. Imparfait narratif et verbes introducteurs de parole Dune part, la mise en scne dun change implique en principe que chaque dire soit reprsent comme allant jusqu son terme, ce que confirme la possibilit mme des enchanements dialogaux, comme en (1) ci-dessus. Ce type de cotexte est donc fondamentalement demandeur de perfectivit, et un imparfait isol actualisant un dire semelfactif encadr dautres dires au PC doit a priori tre catgoris comme narratif, puisquil saisit lvnement de parole en un point de son cours antrieur sa borne finale. Dautre part, les propositions rectrices de DD constituent plus souvent des accomplissements, reprsentant la progression syntagmatique dune ou plusieurs phrases, que des achvements instantans du type le temps de dire ouf ; dans les changes rapports, ces procs se caractrisent aussi presque toujours par leur contigut temporelle et logique. Ce sont ces deux facteurs qui, entranant labsence de circonstant temporel, ou le remplacement du type x temps plus tard par des marqueurs dincidence beaucoup moins forts comme alors dans lexemple (1), expliqueraient que ce type dimparfait ne soit pas ressenti comme narratif. De fait, ma connaissance, cette configuration discursive nest mentionne pour elle-mme que par Garnier et Guimier (1986 : 124-125). tudiant les problmes de traduction en anglais de Mme Bovary, ils font de cet emploi lexemple le plus typique de lIN, et lassocient au caractre lacunaire des propos rapports et/ou la superposition de tours de parole : parce que lIN ne reprsente ni le dbut ni la fin du procs de dire, il permet de signifier linterruption des tours, voire leur chevauchement partiel. Le recours lIN pour signifier ce gommage des frontires (conversations en
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pointill et/ou entrecroises, dbordements de joie ou dagressivit) savre trs prcieux lcrit o, sauf exception, la vraisemblance ne va pas jusqu formuler des DD syntaxiquement inachevs 5. G. Guillaume, commentant plus gnralement linteraction de lIN avec le smantisme des verbes ainsi actualiss, lexplique par un certain recul de la pense en de de leffet entier . Dans le cas des verbes de parole, parce quil ne marque pas le point dincidence du dire, lIN cre une nuance discrtement anti-conclusive [...] laissant la porte largement ouverte la discussion, laffirmation contraire et permet d viter le dcisif, le catgorique, le premptoire (Guillaume 1990 : 215-217). Cette explication semble cependant valoir avant tout pour les cas de modalisation, du type quest-ce que je vous disais ? ou je venais vous parler. G. Guillaume ne prend dailleurs quun seul exemple de DD, qui porte sur un tour de parole isol. Cest galement le cas de loccurrence releve chez J.-J. Rousseau par L. de Saussure et B. Sthioul (2005 : 108), quils expliquent par le rendu d un moment de conscience, correspondant aux penses ou aux sensations dun personnage de lunivers dnot , en lespce le narrateur-actant JeanJacques. Linterprtation que je proposerai ci-dessous est compatible avec la leur sur le plan pragmatique de leffet en discours, mais non au plan smantique de lexplication en langue : de fait, les deux auteurs posent que, dans ce type demplois, la valeur aspectuo-temporelle de limparfait se trouve suspendue au profit dune lecture en usage interprtatif, ce qui ne saccorde pas avec les observations de J. Bres ou de G. Garnier et C. Guimier. 2. Limparfait narratif introducteur de discours direct dans les changes rapports loral Sur les 1680 occurrences de DD que jai actuellement dpouilles, quelque 11 % (180 cas) prsentent une proposition rectrice limparfait, dont plus des trois quarts (140 cas) introduisent un tour de parole isol : limparfait assume alors presque toujours un de ses emplois standard, majoritairement celui daccompagner la reprsentation itrative du dire. Le quart restant (40 cas) participe la mise en scne dchanges rapports, dont 55 % (22 cas) alternent avec des procs au PC ou au prsent de narration. Cest sur ces occurrences que sappuie prioritairement mon travail, car dans les 18 autres, les effets de limparfait se trouvent attnus par labsence de contraste verboaspectuel : soit parce que les procs environnants sont actualiss ce mme temps, soit parce quun ou plusieurs autres tours de parole sont insrs sans proposition rectrice.
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Lincompltude syntaxique de lnonc enchss reste galement rare loral : quatre occurrences sur les quarante considres ici.
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2.1. Alternance aspectuelle et diffrence de statut textuel entre les tours de parole Nous avons observ, au fil de la prsentation thorique, que lexemple (1) rpond la fois aux critres dfinitoires de lIN poss par Bres (2005) et leffet rsultatif en contexte dcrit par Garnier et Guimier (1986) : alors on disait constitue une occurrence dIN parce que le procs de dire est all jusqu son terme, le tour de parole ainsi introduit entrant en conscution temporelle et logique avec le tour antrieur sur lequel il enchane et avec le tour postrieur qui enchane sur lui. Ce recours lIN a pour cotexte un rcit de discussion sur le vif, dans le feu dune action prilleuse, impliquant prototypiquement le chevauchement de certains tours : cette prcipitation est suggre par le retardement de la proposition il a dit presque la fin du troisime tour, qui dbute par a:h d:connez pas. Douze autres occurrences sont justiciables dune analyse similaire. Dans neuf cas, en revanche, lensemble du cotexte ne verbalise aucune tension interactionnelle, comme l'illustre (2) :
(2) (Franois Combe raconte comment les mineurs du bassin dAls ont obtenu que leur direction fasse ltude prliminaire pour une ventuelle exploitation du puits de Ladrecht.) alors on a sorti notre t- / notre tude / et la direction nous disait oui mais financirement vous lavez pas trop fix / mais on a dit cest vrai: nous manque des lments / on peut pas tout fixer mais on sait qui y a tant de charbon / quon peut faire ci / quon peut faire l / b puisque l faites votre tude / et la direction b cest pas la peine tout a / et on a bagarr un an et la direction a sorti son tude (mm C) / (Ladrecht, Combe I, 35A).
Le discours narrativis on a sorti notre tude constitue linitiative dun change, comme le prouve lenchanement syntaxique par oui mais dans lnonc enchss du DD quintroduit et la direction nous disait. Dans ce mme nonc enchss, la prcision de lobjection marque par financirement suppose une lecture attentive de ltude, donc un espacement temporel demandeur dincidence : une proposition rectrice au PC, du type {et la direction nous a dit} serait par consquent plus concordante avec le cotexte que celle effectivement actualise. Leffet narratif de limparfait apparat cependant attnu, en aval, par le fait que la structure {imparfait mais PC} implique souvent, dans dautres contextes, que le procs au PC se superpose ou mette fin au procs limparfait. Cette interprtation est totalement exclue pour la squence la direction nous disait [...] mais on a dit : le tour de parole de la direction, oui mais financirement vous lavez pas trop fix, est bien all jusqu son terme, puisque la contre-argumentation des mineurs en anaphorise le contenu par cest vrai: avant de le reprendre smantiquement par nous manque des lments et lexicalement dans on peut pas tout fixer.
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Or, malgr la mtaphore on a bagarr, les interactants changent des arguments purement techniques et la reprsentation de leur dialogue noffre aucune marque demportement. Comment, donc, expliquer cet imparfait ? Il me semble heuristique de croiser les remarques de G. Guillaume (cf. supra 1.3.) avec une des conclusions formules par Bres (2005 : 232) au sujet du rcit littraire, quel que soit le smantisme des verbes :
lIN assure des fonctions textuelles de structuration. [...] il peut enfin, en alternance avec le pass simple, contribuer diffrencier lactantialit de lactant secondaire de celle de lactant principal .
Je ferai lhypothse suivante, en complment de lexplication de G. Garnier et C. Guimier : loral comme lcrit, dans les changes rapports recourant au DD, une des fonctions des propositions rectrices lIN contrastant avec dautres procs des temps perfectifs parat tre de signifier que le propos ainsi actualis joue un rle narrativement et/ou argumentativement secondaire dans la squence en cours. Ce fonctionnement drive du trait { incidence} dans la mesure o, en discordance avec lenchanement dialogal, le tour rgi par lIN est inscrit de manire moins catgorique que les autres sur la ligne du temps. Cet effet dcoule surtout du trait { ascendance} dans la mesure o, en discordance avec la conscution de lchange, le tour rgi par lIN est inscrit contre-courant de lorientation ascendante de la squence, ce qui le reprsente comme contribuant de faon moins dcisive que les autres la progression textuelle prototypiquement, lavance de lhistoire vers son dnouement. Dans lexemple (2), jassocierai donc lIN au fait que le narrateur structure son rcit du point de vue de lobtention de ltude officielle. Par rapport ce dnouement, les procs on a sorti, on a dit et on a bagarr constituent des tapes faisant progresser laction, le PC en marque lincidence sur la ligne du temps et les y inscrit en ascendance du pass vers le futur, tout comme la direction a sorti son tude. Symtriquement, la direction disait ne fait pas progresser laction vers son dnouement, et lIN donne apprhender ce procs de manire non incidente / non ascendante. La diffrence de statut textuel entre le tour lIN et les tours au PC napparat dailleurs jamais incompatible, dans mes corpus, avec lexplication de G. Garnier et C. Guimier. Ainsi en (1), le groupe dont la contestation est mise en scne par on disait ouais mais / pourquoi on est venus l ? finit, dans la suite du rcit, par accepter dvacuer les bureaux : le contenu implicite {on doit rester faire ce pour quoi on est venus} savre donc secondaire par rapport aux impratifs de pas perdre la face et pas faire massacrer les gonzes, ce que suggre lIN en inscrivant ce tour contre-courant de lorientation de la squence.
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2.2. Co(r)rection aspectuelle : la structuration textuelle en travail Cette hypothse dune utilisation contrastive de lIN en fonction dun projet textuel trouve un tayage complmentaire dans le fait que six occurrences de mes corpus encadrent un seul et mme DD au moyen de deux propositions rectrices : lune, antpose, un temps perfectif ; lautre, postpose, lIN (exemple (3)) ou vice versa (exemple (4)). De telles co(r)rections ont de quoi intriguer si on les oppose la possibilit de ne pas introduire du tout lnonc enchss, dont Faur et Verine (2004) ont montr la frquence loral. Elles apparaissent galement beaucoup plus nombreuses et beaucoup plus symptomatiques que les hsitations immdiatement rsolues du type je disais euh jai dit ou is ont dit euh is disaient. De fait, les corrections immdiates, quelles quen soient les raisons, simposent au locuteur qui doit maintenir le plus continment possible le fil de son discours. Au contraire, quel intrt peut avoir un narrateur perturber dlibrment la reprsentation de lenchanement dialogal entre des tours brefs 6 pour retoucher la rection dun nonc enchss entirement profr, comme en (3), ou en cours de profration, comme en (4) ?
(3) (Lon Bonnoure rpond la question : et le dix mai 7 dj a reprsentait quelque chose pour toi tu tais content ?) 382A donc je lai su ici / (mm C) quante jai vu se dessiner le: // le: / dabord / n- dabord cest pas moi qui lai dit / cest ma femme ma femme elle ma dit / elle regardait la tl / ma dit mais il est tout drle le machin le: / celui qui prsentait l le: / le soir l / (rire de C) / ou:ff / moi jai pas mieux dit eh / saves me fasiai de souci eh jai dit encora ara // (1) enfin / je disais rien du tout eh (1) / elle me di:t / regarde / cest le Mitterrand // cest le Mitterrand qui se dessine dis elle me dit regarde / mais cest pas vrai / si elle me dit je te dis que si / cest le Mitterrand vois / et en effet on on voyait le: / si tu te rappelle:s avec la couleur on voyait le: / (mm C) le truque du: eu:h la tte de: du Mitterrand / qui se dessinait (Ladrecht, Bonnoure). (Henri Privat raconte comment son meilleur ami et lui ont t les deux seuls volontaires pour descendre au nouveau puits ouvert par les grvistes sans vritables moyens de scurit.) i te sortait du grisou l / tu penses / bon on y a t nous autres Sylvain avec Sylvain tous les deux l-bas / e:t l je veux dire jtais quinze jours ou (1) un
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Vincent et Dubois (1997 : 101-104) soulignent que, dans les tours de parole de quelque ampleur ou dans les dialogues constitus de plusieurs changes, les incises X dire ont tendance se multiplier avec une fonction dmarcative de ponctuants internes qui structurent lnonc enchss, et non de propositions orchestrant lhtrognit macrostructurelle de la squence. Ce nest jamais le cas dans les 40 occurrences considres ici. Premire lection de Franois Mitterrand la prsidence de la Rpublique Franaise aprs laquelle la fermeture des mines dAls a connu un sursis.
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Bertrand Verine mois de la retraite moi l jtais pas loin l eh (1) / aors Sylvain i me disait tu es fou toi i me dit pourquoi tu y vas toi ? jy ai di:t y en a point qui veulent y aller / eux is savent co- / is savent comme a marche tout et is sont au poste de sauvetage is veulent pas y aller jy ai dit on y va eh / jy suis all je suis pas mort eh / avec lappareil quand mme / non mais si javais voulu vraiment 8 tu vois bon (Ladrecht, Privat 3).
Une raison plausible de ces doubles rections me semble rsider dans laffinement du programme de la squence au fil de son actualisation. En termes praxmatiques, javancerai lide que, pendant quil profre lnonc enchss du DD (niveau du dire), le narrateur prpare mentalement les phases ultrieures de sa squence (niveau de l-dire) et peut tre amen rvaluer le rle que doit y jouer le tour de parole rapport (niveau du dit) 9 : dans nos exemples, la variation aspectuelle constituerait la trace de ce travail de structuration. Ainsi, en (3), interrog sur ses sentiments personnels lors de llection prsidentielle de 1981, linterview a tendance se poser comme lactant principal de son rcit, sujet des procs incidents / ascendants je lai su, jai vu et jai dit ; mais il introduit ensuite deux rectifications qui lui donnent un statut secondaire : le clivage cest pas moi qui lai dit / cest ma femme puis, dans le dialogue rapport, la co(r)rection lIN enfin / je disais rien du tout eh, souligne par le connecteur de rectification et par lintonation rieuse. De la sorte, lvaluation dubitative encora ara, qui prolonge plusieurs verbalisations antrieures du scepticisme politique de Bonnoure, est rinterprte comme contribuant au rcit titre de simple contrepoint dont le narrateur sourit. La parole de son pouse peut ds lors tre longuement dveloppe, et mise en saillance par les trois propositions rectrices au prsent elle me dit. linverse, en (4), Privat pose dabord, par lIN i me disait 10, la parole de son ami Sylvain comme secondaire, puis lui redonne de la saillance grce au prsent de narration i me dit. Cette double rection peut tre relie deux paramtres, lgrement contradictoires entre eux, de la mise en rcit. Lactantialit est au dpart reprsente de faon insistante comme duelle :
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Une demande de prcision sur le taux de grisou empche linterview de finir sa phrase, mais le cotexte rend vraisemblable quelque chose comme : {si javais voulu vraiment rien risquer jy serais pas all}. Cf. Dtrie, Siblot et Verine (2001 : 22 et 342-344). Prcisons que i me disait entretient avec on y a t une relation de composition / laboration : lchange rapport met en scne la dlibration qui prcde le procs daller, il se clt sur la dcision on y va que reprend lassertion du narrateur jy suis all. Ce rapport dinclusion namoindrit en rien la singularit de limparfait compar au i me dit et au jy ai dit qui le suivent. De plus, malgr sa position premire dans le dialogue reprsent, tu es fou toi value et ragit une initiative (verbale ou gestuelle) dont le narrateur fait lellipse.
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nous autres, avec Sylvain, tous les deux. Cependant, dune part, la situation particulire de lactant-narrateur Privat, quelques jours de la retraite au moment des faits, doit tre valorise parce quelle donne chair son sentiment dhrosme ; cela tend rduire son ami au rle dadjuvant : Sylvain i me disait tu es fou toi. Dautre part, la parole de lami doit demeurer saillante parce quelle apporte au discours de Privat la fois une caution extrieure et une confirmation motionnelle ; cela tend maintenir Sylvain dans son rle de co-actant principal du rcit : tu es fou toi i me dit pourquoi tu y vas toi ? De tels exemples me semblent prouver que lactualisation du verbe recteur de DD lIN obit un choix, sinon conscient, du moins effectif. Certes, je nai encore trouv, loral, aucune occurrence dalternance aspectuelle systmatise sur tout un dialogue rapport, voire tout un rcit long contrairement ce que G. Garnier et C. Guimier puis J. Bres ont observ en littrature, de Voltaire Mauriac. Mais dautres effets du mme ordre sont crs, dans mes corpus, par la bascule entre PC et prsent de narration, ainsi que par lemploi de lIN pour assurer la transition entre une squence narrative et la squence argumentative ou explicative qui la prcde ou qui la suit. 3. Conclusion Une objection plus fondamentale tient la discordance entre leffet de saillance frquemment associ aux emplois narratifs de limparfait et celui de minoration que je propose dassocier aux occurrences non prototypiques rgissant des DD : cet effet ne sapparenterait-il pas plus conomiquement celui darrire-plan ? Je rpondrai quun tel effet darrire-plan ne laisserait pas dtre lui aussi non prototypique, et rsumerai ainsi la situation : (i) si, au niveau microstructurel de la syntaxe intra- ou interphrastique, leffet darrire-plan suppose la concidence du procs limparfait avec un procs actualis un temps perfectif, mes exemples montrent quau niveau macrostructurel de la squence, leffet de minoration nest pas incompatible avec la successivit non-inclusive des procs ; (ii) si, au niveau microstructurel, la non-interception dun procs limparfait dfinit leffet narratif, cela nexclut pas quau niveau macrostructurel, le contraste avec des procs actualiss des temps perfectifs produise un effet de minoration actantielle / argumentative du procs lIN. Peut-tre doit-on en dduire que, quand la succession non inclusive nest pas rendue saillante par de nombreux paramtres du microcontexte, limparfait est prioritairement mis en relation avec le trait { ascendance} au niveau du macrocontexte. En tout tat de cause, la possibilit mme de passage de lun lautre effet me semble rsider dans la variation de la valeur ajoute que produit linteraction du contexte avec linstruction aspectuelle de limparfait. Dans
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les termes de Caudal et Vetters (2005), on dira que la forme verbale ne se prononce pas sur lau-del de la phase interne de la situation dcrite, et en particulier la phase rsultante ; pour autant, contrairement ce qui se produit dans les occurrences dIN prototypique, le contexte nen dit gure plus que nen dit la forme verbale et napporte que peu d informations complmentaires sur cette partie non-dcrite . La rsolution du problme serait donc chercher dans une description affine des diffrents paramtres contextuels, de leur saillance respective et de leur combinatoire, ce qui excde de beaucoup le cadre du prsent travail. Je conclurai donc que lIN, sous sa forme canonique avec circonstant du type x temps plus tard, reste dune grande raret dans loral conversationnel, mais que la dfinition affine quen donne Bres (2005) permet den relever un nombre significatif doccurrences non prototypiques. Singulirement, les propositions rectrices de DD me semblent accrditer lexplication de lIN en termes dinteraction discordante entre les instructions portes par limparfait et celles que dlivre le reste du cotexte. Ce raisonnement interactionnel subsume les effets rsultatifs analyss par G. Guillaume puis G. Garnier et C. Guimier, et permet de leur ajouter un rle contrastif de lIN dans la saillance relative des diffrents dires dun dialogue rapport, voire dun dire par rapport aux autres procs dune squence textuelle. Rfrences Bres, J. (2005). Limparfait dit narratif, Paris : CNRS ditions. Bres, J. ; Verine, B. (1998). Dun zeugme verbo-temporel : lappariement [PS et IP], in : A. Englebert ; M. Pierrard ; L. Rosier ; D. van Raemdonck (ds), La ligne claire : de la linguistique la grammaire. Mlanges offerts Marc Wilmet loccasion de son 60e anniversaire, Paris ; Bruxelles : Duculot, 175-185. Caudal, P. ; Vetters, C. (2005). Que limparfait nest pas (encore) un prtrit, Cahiers Chronos 14, Amsterdam/Atlanta : Rodopi, 45-77. Dtrie, C. ; Siblot, P. ; Verine, B., (ds), (2001). Termes et concepts pour lanalyse du discours. Une approche praxmatique, Paris : Champion (Lexica). Faur, L. ; Verine, B. (2004). Authentifier un discours autre en y mettant du sien : les vocalisations ah et oh en frontire de discours rapport direct loral, in : J.-M. Lpez-Muoz, S. Marnette, L. Rosier (ds), Le discours rapport dans tous ses tats, Paris : LHarmattan, 317-327. Garnier, G. ; Guimier, C. (1986). Les hommes aussi avaient leurs chagrins : tude comparative franais-anglais, in : P. Le Goffic (d.), Points de vue sur limparfait, Caen : Centre dtudes linguistiques de luniversit de Caen, 107-137.
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Guillaume, G. (1990). Leons de linguistique 1943-1944 srie A, Qubec : P.U. Laval ; Lille : P.U. Lille. Saussure, L. de ; Sthioul, B. (2005). Imparfait et enrichissement pragmatique, Cahiers Chronos 14, Amsterdam ; Atlanta : Rodopi B. V., 103-120. Verine, B. (2000). Pour une interprtation aspectuelle des tiroirs du pass : deux insertions cotextuelles du zeugme [Pass simple et Imparfait], Cahiers Chronos 6, Amsterdam ; Atlanta : Rodopi B. V., 49-57. Verine, B. ( paratre). Lopposition aspectuelle global vs scant marginalise par les traductions de lespagnol au franais, communication au 3e colloque Reprsentations du sens linguistique, Bruxelles : 3-5 novembre 2005 ( paratre). Vincent, D. ; Dubois, S. (1997). Le discours rapport au quotidien, Qubec : Nuit blanche.
0. Introduction En mme temps quil annonce clairement le sujet, le trop facile jeu de mots du titre, indique, de faon transparente galement, que nous nentendons pas proposer une description clture du grondif, mais plutt un parcours o nous ferons quelques haltes sur tel ou tel de ses aspects. Il ne sagit donc pas pour nous de livrer une analyse complte qui aurait la prtention de boucler le dossier, mais de le reprendre, partir de pices rcentes et moins rcentes prsentes dans les deux monographies de Halmy (1982 et 2003), dans la thse de Franckel (1987 et 1989), dans le numro 149 de Langages de 2003 dirig par Arnavielle et dans des articles comme ceux de Kindt (1999) et de Herslund (2000 et 2003). De faon plus prcise, nous essaierons, dans un esprit de linguistique cumulative, la fois dapporter des lments et des complments nouveaux et de fournir une rponse certaines des difficults que suscite le fonctionnement du grondif. Deux questions principales retiendront notre attention : le problme du statut du grondif et celui de la dtermination de son sens, la rsolution du premier nous servant de guide pour la rsolution du second. Pour les traiter, notre en passant par le grondif se dploiera en trois parties. La premire tracera les grandes lignes de la problmatique du grondif en rappelant, dune part, ce qui est commun aux diffrentes descriptions du grondif et, en soulignant, dautre part, les diffrences de structurations et de classification auxquelles il a pu donner lieu. Nous nous attacherons ensuite, dans une deuxime partie, prouver que le grondif reprsente bien un morphme grammatical et ne doit donc plus tre analys comme la simple combinaison de la prposition en et du verbe au participe prsent. Cette option existentielle nous permettra daborder, dans la troisime partie, la question, reste ouverte, dune dfinition unitaire du grondif, en liaison avec la notion de simultanit temporelle souvent avance pour le cerner. Nous essaierons dapporter une rponse qui sappuiera sur un rapprochement indit, mais capital lui aussi dj annonc, mais de faon plus opaque, par notre titre avec la prposition avec.
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1. Vu les circonstances 1.1. Un premier dnominateur commun On commencera par un rappel. Un dnominateur commun se dgage des prsentations du grondif faites par les grammaires et les travaux des spcialistes : cest que le syntagme en Vant est un complment qui indique une circonstance de la prdication (principale) laquelle il se trouve subordonn. On constate ainsi une convergence assez grande quant aux interprtations auxquelles peut donner lieu le grondif. Toutes les descriptions se rejoignent pour lui reconnatre la possibilit de fonctionner comme complment circonstanciel. Les circonstances gnralement cites, avec de lgres variations portant soit sur leurs dnominations, soit sur leur nombre, sont celles de :
(i) (ii) (iii) (iv) moyen (ou dinstrument) : Il a teint le feu en pissant dessus (Halmy 2003 : 130). manire : Il me rpondit en maugrant. cause : Pierre a rveill Marie en claquant la porte. concomitance : Le chef faisait les cent pas en fumant sa pipe en bambou (Halmy 2003 : 101). condition : Pierre russira en travaillant. temps ou repre temporel (Gettrup 1977) 1 : Je chante en me rasant (Gettrup 1977 : 217).
(v) (vi)
La plupart notent, dune part, que certaines interprtations circonstancielles peuvent tre associes :
(viii) (ix) Ils progressrent en se frayant un chemin laide de leur coupe-gorge (manire + moyen) (Herslund 2003 : 233). Marion a pleur en mentendant crier (temps + cause) (Halmy 2003 : 95).
Ceux qui parlent de circonstanciel temporel ajoutent bien souvent quil sagit de simultanit temporelle. Voir infra.
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et, dautre part, quil nest pas toujours ais de dterminer avec sret de quelle circonstance il sagit 2. Linterrogation et la paraphrase laide dune subordonne circonstancielle servent en gnral de tests pour reconnatre telle ou telle interprtation. Le test de linterrogation savre surtout pertinent pour mettre en relief lemploi de repre temporel. La question en quand convient en effet uniquement au grondif repre temporel et permet de souligner que le grondif sert localiser temporellement la prdication principale :
(1) (2) En arrivant la maison neuve dUrbain, Voiturier aperut les Muselier (Gettrup 1977 : 215). Quand Voiturier aperut-il les Muselier ? En arrivant la maison neuve dUrbain.
Les autres emplois circonstanciels ne rpondent effectivement gure une telle interrogation :
(3) (4) (5) (6) (7) Quand a-t-il teint le feu ? ? En pissant dessus. Quand me rpondit-il ? ? En maugrant. Quand Pierre a-t-il russi ? ? En travaillant. Quand le chef faisait-il les cent pas ? ? En fumant sa pipe en bambou. Quand Pierre russira-t-il ? En travaillant.
En revanche, lemploi temporel naccepte gure la question en comment (ou de quelle manire) qui savre pleinement pertinente pour le moyen, la manire, la cause et la condition 3
(8) (9) (10) (11) (12) Comment Voiturier aperut-il les Muselier ? ? En arrivant la maison neuve dUrbain. Comment a-t-il teint le feu ? En pissant dessus. Comment a-t-il rpondu ? En maugrant. Comment a-t-il russi ? En travaillant. Comment russira-t-il ? En travaillant.
Halmy (2003 : 95) pense mme que, dans certains cas, aucune tiquette circonstancielle pertinente ne se trouve disponible. Elle cite cet gard lexemple suivant du Monde : Le 25 septembre, larme revenait discrtement la charge, profitant du calme du Yom Kippour, en tentant de chasser les habitants des grottes et en dcrtant la zone territoire militaire ferme aux civils pour une priode de trois mois. Elle ne semble pas approprie pour la concomitance ni pour la concession.
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La paraphrase par une subordonne temporelle savre galement un bon rvlateur de lemploi temporel. A lnonc :
(13) Quand / lorsquil arriva la maison neuve dUrbain, Voiturier aperut les Muselier.
qui rpond la phrase originelle avec grondif cite ci-dessus, on ajoutera un savoureux exemple dactualit dans lequel une dclaration de Laurent Fabius au grondif a reu en cho-cot pas seulement grammatical une rvlatrice rplique de Nicolas Sarkozy avec subordonne temporelle :
(14) (15) Jy pense en me rasant (Fabius en parlant de la prochaine lection prsidentielle, TF1). Jy pense, mais pas seulement lorsque je me rase (Sarkozy, DNA, 30/4/ 2003).
Applique aux autres emplois du grondif, elle donne lieu soit des noncs anomaux, soit des noncs avec un sens qui ne correspond plus celui de lnonc de dpart :
(16) (17) (18) (19) (20) Il a teint le feu quand / lorsquil a piss dessus. ? Il me rpondit, quand / lorsquil maugra. Pierre a russi quand / lorsquil a travaill. (?) Le chef faisait les cent pas pendant quil fumait sa pipe en bambou. Pierre russira quand / lorsquil travaillera.
Pour linterprtation de condition et pour celle de concession, lon avance parfois les subordonnes en si et bien que :
(21) (22) Pierre russira sil travaille. Anne a pris deux semaines de vacances bien quelle se rendt compte
1.2. Un second dnominateur commun Un second dnominateur commun prolonge le premier. Tout le monde saccorde reconnatre que ces diffrentes interprtations sont dues au contexte et quil serait peu judicieux de les envisager dans une perspective polysmique. Cest de la relation entre les proprits du verbe du syntagme grondif et celles de la prdication principale (lexicales et aspectuotemporelles) et, galement, de la position du syntagme grondif, ainsi que dautres facteurs comme la situation informationnelle tablie par le discours prcdant la phrase contenant le grondif, que naissent les diffrentes interprtations contextuelles. Halmy (2003 : 88) montre ainsi que le mme
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syntagme grondif en claquant la porte change de valeur suivant la prdication principale qui le rgit :
(23) (24) (25) Zo est partie en claquant la porte (manire). En claquant la porte, Zo a rveill son petit frre (cause). En claquant la porte, Zo aurait rveill son petit frre (condition).
et que la position du syntagme grondif influe galement sur linterprtation, puisque linterprtation de manire ne rsiste pas lantposition du grondif, alors que la cause et la condition ne sont pas affectes par la postposition 4 :
(26) (27) (28) ? En claquant la porte, Zo est partie. Zo a rveill son petit frre en claquant la porte. Zo aurait rveill son petit frre en claquant la porte.
Avec lexemple devenu clbre de se raser et de chanter, Gettrup (1977 : 217) (voir aussi Herslund 2003) montre comment la permutation des verbes entrane une interprtation radicalement diffrente :
(29) (30) Je chante en me rasant (repre temporel). Je me rase en chantant (circonstance concomitante).
Si le SG en me rasant donne lieu une interprtation de repre temporel, cest parce que se raser est une activit rgulire, en quelque sorte connue (Gettrup parle dacquis existentiel 5), qui permet donc de localiser temporellement le procs de chanter. Il nen va pas ainsi de chanter, puisquil y a des gens qui ne savent pas chanter et que, de toute faon, on nest pas cens le faire rgulirement, des heures fixes (Gettrup 1977 : 218). Le SG en chantant se trouve par l-mme vou lexpression dune circonstance concomitante (en loccurrence la manire). 1.3. Classifications et structurations Le consensus ne va gure au-del de cette mise en avant des principaux emplois du grondif et du refus de les considrer polysmiquement comme autant de grondifs diffrents.
Pour la question de lantposition des adverbiaux en gnral, voir Charolles (2003). Si linformation est donne par le contexte, il sagit dun acquis contextuel. Cest partir de ces cas contextuels que Herslund (2003) a abouti une caractrisation en termes danaphore de tous les grondifs repres temporels.
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Une premire source de divergence apparat dans lorganisation de ces interprtations. On voit immdiatement quelles nont pas toutes la mme importance et quelles ne sont donc pas au mme niveau. Comment donc les articuler ? 1.3.1. Gettrup (1977) et Herslund (2003) Les classements varient selon les critres adopts. Certains comme Gettrup (1997) et, sa suite, Herslund (2003) les rpartissent en deux grands types, en sparant les grondifs repres temporels, qui servent localiser temporellement la prdication principale, du reste des grondifs, dits en emploi simple par Herslund (2003), qui se contentent dajouter au verbe principal une circonstance concomitante. Les grondifs repres temporels peuvent connatre, comme le note Herslund (20003 : 234), les mmes nuances de sens que les grondifs en emploi simple 6. 1.3.2. Halmy (1982 et 2003) Halmy (1982 et 2003 7) propose une typologie plus complexe en cinq rubriques organises sur deux niveaux. Au premier, il y a, dun ct, galement les grondifs repres temporels mis en relief par Gettrup, et de lautre, deux grandes classes (appeles A et B) distingues selon que le rapport VR (= verbe rgissant) SG (= en Vant) est orient logiquement ou non selon quil y a interfrence dun procs avec lautre (A : Il essayait de rchauffer ses pieds en les frottant avec ses mains), ou quil sagit dune simple concomitance entre deux procs (B : Il faisait les cent pas en fumant sa pipe) (Halmy, 2003 : 91). A un second niveau, elle distingue, pour chacune des catgories A et B, une sous-classe de grondifs (A et B) dont la particularit est de ne pas reprsenter un procs diffrent de celui de la prdication principale, mais uniquement den prciser un aspect : Le grondif de la catgorie A illustre un des aspects (concret) de lide abstraite ou mtaphorique exprime par le VR (en tranglant sa mre, il a tu le rve) 8, le grondif de la construction B auquel on peut rserver lappellation de manire dnotant une modalit particulire du procs
Ceci est d au fait quen fonction de repre temporel et, surtout, lorsquil est antpos, le grondif prend souvent une valeur causale (cf. En voyant leur instituteur, les enfants cessrent de bavarder). Pour un tel emploi, voir Franckel (1987 et 1989). La classification de 2003 se spare de celle de 1982 par la mise part des grondifs temporels, classs avec les A en 1982. Cest Halmy quon doit davoir mis en relief un tel emploi, rarement relev par les analystes.
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exprim par le VR (dit-il en bafouillant = bafouilla-t-il) (Halmy 2003 : 91). 1.3.3. Franckel (1987 et 1989) Franckel (1987 : 271 et ss) soumet les diffrentes interprtations du grondif une opposition fondamentale grondif repre vs grondif spcifiant, lie, elle, la position occupe par le grondif. Sil est plac en tte dnonc 9, et donc en antposition par rapport la proposition principale, il fonctionne comme repre dnonc, dans un reprage de type interpropositionnel 10 :
(31) En claquant la porte, jai rveill tout le monde.
Sil est postpos, comme son fonctionnement est cette fois-ci intrapropositionnel, il joue non plus le rle dun repre, mais celui dun spcifiant (Franckel 1987 : 274) :
(32) Je suis sorti en claquant la porte.
1.3.4. La place du sens Nous ne discuterons pas ici du bien fond de ces diffrentes structurations. Il nous semble plus important ce stade de signaler que cette divergence dans la classification des interprtations du grondif est directement lie au problme du sens accorder au grondif. Le refus, tout fait justifi, de ne pas associer directement au grondif les interprtations circonstancielles observes ncessite, non seulement la description des lments contextuels ouvrant lventail 11 de ces interprtations, mais oblige aussi prendre parti sur le sens du grondif lui-mme, puisquil est, lui aussi, et de quelle manire, partie prenante dans laffaire. Sagit-il dune valeur circonstancielle de base partir de laquelle on driverait les autres interprtations ? Ou bien faut-il parler de sens sous-dtermin (donc plus abstrait) ou encore non marqu (Halmy 2003 : 87) qui sincarne dans les diffrents effets de sens relevs ? Quoi quil en soit, il sagit de prendre position et dindiquer clairement quel est le sens choisi pour expliquer la diversit interprtative observe. Or, ce problme, il faut le reconnatre, dans la plupart des
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Ou, cas particulier, postpos, mais alors spar de la proposition principale par une pause et prsentant une intonation spciale. L encore, pour avoir une vue plus large du problme, on renverra Charolles (2003). Lexpression, qui nous semble fort bien trouve, est utilise par Cadiot (1997 a) pour avec et par Halmy (2003) pour le grondif.
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travaux 12, nest pas rellement trait comme il le devrait. Tourns essentiellement vers laval, cest--dire vers la description, ncessaire, empressons-nous de le souligner, des diffrents emplois auxquels donne lieu le grondif, la plupart des auteurs ngligent lamont et oublient ou nvoquent que fugacement la question du sens gnral du grondif. Ainsi, chez Gettrup (1977), ne trouve-t-on nulle tentative de coiffer les deux grands types demplois du grondif (repre temporels et circonstance concomitante) mis en avant. Outre la sparation du grondif du participe prsent, le souci principal de lauteur est de dcrire de faon minutieuse les diffrents types de relations aspectuo-temporelles qui peuvent sinstaurer, pour les grondifs repres temporels, entre le procs du grondif et celui de la prdication principale. On ne trouve pas non plus chez Halmy (2003) une caractrisation smantique globale de ce sens non marqu quelle attribue au grondif, sens unitaire qui subsumerait les cinq catgories de grondif dgages. On peut expliquer de diffrentes manires les raisons dun tel tat de faits, par la faon daborder le problme, par des objectifs prioritaires diffrents, par la ncessit de cerner pralablement la ralit discursive du grondif, par lobligation de justifier lmergence des catgories de grondifs postules, de procder leur diffrenciation et stabilisation, etc., choses remarquablement faites dans les diffrents travaux cits 13, mme si cest, en cho tout fait logique aux diffrences de classifications prsentes, avec des divergences de traitement et dexplications qui mriteraient quon leur consacre plus de temps 14. A ces raisons, tout fait lgitimes, qui excluent en consquence toute ide de critique de notre part, sajoute, nous semble-t-il, une autre explication encore, qui rside dans la question du statut du grondif. La dtermination dun sens basique pour le grondif dpend en effet crucialement de la conception que lon a du grondif lui-mme. Nous verrons la fin de notre deuxime partie consacre cette question que les partisans de lexistence relle du grondif nont pas su tirer toutes les consquences dcoulant de leur choix. Or, ce sont ces consquences, qui, comme le dveloppera notre troisime partie, donnent accs une caractrisation smantique gnrale du grondif rendant compte de lventail de ses emplois circonstanciels .
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Franckel (1987 et 1989) est, par exemple, une exception. Voir par exemple cet gard le chapitre 4 de Halmy (1982) et les chapitres 6 et 8 de Halmy (2003). Pour une vue dtaille sur le grondif repre temporel, on se reportera Gettrup (1997) et pour son prolongement anaphorique Herslund (2000 et 2003). Nous ne pouvons citer ici, faute de place, toutes les informations et analyses stimulantes contenues dans ces travaux. Elles gagneraient tre reprises dans les grammaires pour que le grondif soit mieux connu.
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2. Le grondif, existe-t-il ? La question porte sur lexistence mme du grondif : le grondif existe-t-il vraiment ou nest-il que la combinaison de la prposition en et du participe prsent ? Autrement dit, sagit-il dun morphme discontinu, dans lequel en na plus son statut plein de prposition, ou dune construction associant la prposition en un verbe suffix par la forme en ant que lon retrouve galement dans le participe prsent ? La question est loin dtre tranche et lon trouve encore aujourdhui aussi bien des dfenseurs dune approche que lon peut appeler mono-morphmatique que des partisans dune approche, que lon nommera en opposition la premire, bi-morphmatique . 2.1. La thse mono-morphmatique La premire solution, assez rpandue parmi les spcialistes du grondif (Gettrup 1977, Halmy 1982 et 2003, Haspelmath et Knig 1995, Herslund 2000 et 2003), considre quil sagit dune vritable unit morphologique, donc dun rel morphme grammatical qui mrite dtre dfini pour luimme, en bloc . Mme si, originellement, en est bien une prposition et mme si la forme en ant est bien celle qui a dbouch sur notre participe prsent, ils ont perdu leur statut de forme autonome au fur et mesure du figement 15 de leur combinaison dans les syntagmes du type en Vant. Pour les partisans de cette position, il ny a donc pas de doute : le grondif existe 16, ils lont rencontr. La solution mono-morphmatique, sappuie avant tout sur la syntaxe, avec la fixit distributionnelle que lon observe entre les formes en et -ant. Ce nest en effet que en qui peut apparatre avec ant et la seule forme verbale qui peut figurer aprs en est ant, ainsi que le souligne Bonnard (1971-1978, vol. 3, 2221 et ss, cit par Halmy 2003 : 61). A ct de en chantant, on na ni *en chanter, *en chant, ni * chantant, *pour chantant, *sans chantant, etc. Cette double impossibilit dfinit ainsi une solidarit formelle qui autorise considrer [le grondif] comme un tout inscable, une unit morphologique (Bonnard 1971-1978) 17.
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On peut aussi parler de grammaticalisation, mme sil ne sagit pas dun cas prototypique de grammaticalisation. Voir Halmy (2003 : 63) qui suggre quon a peut-tre l un cas de grammaticalisation en voie dachvement . Mme si, comme le rappellent plusieurs auteurs (Halmy et Wilmet), son existence dans la nomenclature officielle ne date que de 1961. Nous navons donn que la fin de la citation de Bonnard, parce que le dbut fait apparatre ce qui nous semble tre une lgre contradiction, tant donn que Bonnard continue de reconnatre dans le en du grondif la prposition en, alors quil refuse de voir dans la forme ant le participe prsent.
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Elle peut aussi sappuyer sur la smantique, en invoquant la difficult dassigner un sens propre chacun des deux morceaux du grondif. Il nest en effet pas facile dattribuer en et surtout ant une signification claire et univoque qui soit telle quelle explique les interprtations auxquelles donne lieu le grondif. Halmy (2003 : 63) cite plusieurs auteurs, dont Weerenbeck (1927), qui doutent que lon puisse attribuer en un sens qui puisse rester opratoire. Mme si nous le reconnaissons bien volontiers il ne sagit l pas vritablement dun argument, puisque la difficult de trouver un sens ne signifie nullement linexistence de ce sens, il nen reste pas moins que ce fait constitue un indice non ngligeable en faveur de lunit grondivale que lon aurait tort de ngliger. Dun point de vue morphologique, le grondif ainsi conu apparat comme une unit discontinue, un compos hybride assemblant en une expression fige le en provenant de la prposition en et un affixe ant. Halmy (2003 : 62-63) note que Haspelmath et Knig (1995 : 9) vont jusqu suggrer que lon pourrait peut-tre considrer le en du grondif franais comme un prfixe. Il ne nous semble pas quil faille aller si loin. Il vaut mieux considrer en comme le constituant dune unit complexe fige, ce qui permet de conserver le lien avec la prposition en. Dun point de vue syntaxique, cela signifie, il faut bien sen rendre compte, car cest l le point important, qui chappe bien souvent aux promoteurs mmes dune analyse mono-morphmatique du grondif, que ce nest pas en qui introduit la manire dune prposition son rgime Vant, mais que cest la forme complexe entire en ant qui sapplique ou rgit V. Nous y reviendrons plus longuement ci-dessous. 2.2. La thse bi-morphmatique La seconde position, qui, en opposition la premire, prne une approche bimorphmatique, est encore bien vivace aujourdhui (Franckel 1989, Le Goffic 1993, Wilmet 1997 et paratre, Kindt 1999, Lipsky 2003, etc.). Elle entend conserver, mais avec des variantes 18, le statut de prposition en et prfre voir dans ant la mme forme que celle quil y a dans le participe prsent. Autrement dit, le grondif na aucune lgitimit en franais ; il ne serait quune survivance latine 19 en grammaire franaise (Wilmet
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Voir, par exemple, Bonnard qui adopte une position la fois mono- et bimorphmatique, difficile matriser : dun ct, comme nous lavons vu, le grondif est pour lui un tout inscable, une unit morphologique , mais, de lautre, en reprsente pour lui la prposition en et, on le verra ci-dessous, la forme Vant une variante de linfinitif. Rappelons que la grammaire latine prsentait cinq modes impersonnels : linfinitif (amare), le participe (prsent : amans et pass : amatus), le supin amatum, ladjectif verbal (amandus) et le grondif (amandi/um/o).
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paratre) 20: le grondif nexiste pas en franais moderne 21. Selon nous, le franais a une forme en ant, et cette forme se combine dans certains cas avec la prposition en (Henrichsen 1967 : 100). Largument principal est, bien entendu, morphologique : les conceptions linguistiques, comme la psycho-mcanique guillaumienne par exemple, qui souscrivent lquation une forme = un signifi unique, sont conduites tout naturellement postuler que lidentit de forme est suffisante pour conclure que en est le mme en que celui de la prposition et que ant est la mme forme que celle que lon retrouve en dehors du grondif dans le participe prsent. Les arguments sont aussi syntaxiques. Le premier est dordre plutt distributionnel et se laisse dcliner de deux manires. La premire revient voquer lautonomie de la forme ant par rapport en : si le grondif formait une seule unit grammaticale, la forme ant ne devrait pas pouvoir semployer seule, sans son compre en. Or, elle sen dtache aisment lorsquelle fonctionne comme participe prsent et comme adjectif verbal. Il serait par consquent peu judicieux de maintenir quelle ne reprsente pas un morphme plein dans son emploi grondival. La mme dmonstration sapplique en. La deuxime manire consiste montrer que la situation du grondif nest au fond gure diffrente de celle dautres syntagmes prpositionnels comportant un infinitif, comme par exemple, linfinitif introduit par la prposition de dans lart daimer 22 mis en avant par Wilmet ( paratre). Lobjection est alors claire : pourquoi, pour reprendre lexpression mme de Wilmet, rserver un compartiment spcial au grondif et non la squence de + infinitif ? Le second argument porte sur la fonction du syntagme grondival. La position bi-morphmatique , dans laquelle en, cette fois-ci, il faut le souligner, prend bien sous sa coupe Vant, permet dexpliquer le statut adverbial du syntagme grondif en postulant que cest la prposition en qui assure le passage de la fonction adjectivale reconnue au participe prsent la fonction adverbiale (ou de subordonne circonstancielle) assigne au grondif : la prposition en permet de rattacher directement le procs du grondif au procs principal (Lipsky 2003 : 78). On aboutit par l-mme
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Wilmet ( paratre) avance deux arguments diachroniques en faveur de cette thse : 1 le fait, signal par Lavency (1985 : 6 297), que chez les auteurs du 1er sicle aprs J.-Chr. dj, grondif et participe prsent entrent en concurrence rgulirement et 2 que le participe prsent se traduit parfois par un grondif : Platon scribens mortuus est = Platon est mort en crivant. De Carvalho (2003 : 119) parle du fantme du grondif . Qui, comme le note Wilmet ( paratre) correspond prcisment au grondif latin ars amandi.
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une vision unitaire du participe prsent, avec, comme le suggre Wilmet ( paratre), trois fonctions diffrentes : 1) fonction de par exemple le ministre sortant ou la garde montante (le participe prsent officiellement catalogu adjectif verbal) ; 2) fonction de par exemple Sortant du cinma, jai rencontr Pierre, non identifie, ou mal identifie bombarde, parfois, pithte dtache par la grammaire scolaire ; 3 fonction circonstancielle de par exemple jai rencontr Pierre en sortant du cinma = alors que je sortais du cinma . La solution bi-morphmatique permet encore, corollairement, dans une perspective morpho-syntaxique, de faire jouer la prposition en un rle de translateur, qui fait passer la forme verbale Vant de la catgorie adjectivale la catgorie substantivale: lexpression en + Vant nest rien dautre () quun emploi substantival de ce nom adjectif quest le participe prsent, loprateur de substantivation tant, en loccurrence, la prposition en (De Carvalho 2003 :101). Dun point de vue smantique, largumentation est beaucoup moins forte, tant donn que, comme nous lavons signal ci-dessus, la face smantique constitue a priori plutt un argument contre une vision bimorphmatique. Il nest en effet pas facile dassigner un sens clair chacun des deux constituants du grondif, mais cela ne signifie pas pour autant, nous lavons galement soulign, quils nen ont pas. Dire que en prsente le sens de la prposition en et ant le sens du participe prsent proposition qui constitue la base mme de ceux qui refusent lanalyse mono-morphmatique ne rsout pas grand chose, puisquil faut prciser quel est le sens attribu la prposition en et au participe prsent. Or, a, cest une autre paire de manches, que la plupart des partisans de lanalyse bi-morphmatique ne cherchent pas retrousser. On constate en effet que rares sont les tentatives qui essaient dexpliquer partir dun sens explicitement attribu la prposition en et au participe prsent (ou la forme en ant en gnral) quel est le sens gnral de la combinaison grondivale et comment se constituent les interprtations auxquelles elle donne lieu. Il faut citer ici tout particulirement Franckel (1987 et 1989), qui postule pour la prposition en le sens basique de localisation, et Kindt (1999), qui attribue comme invariant la prposition en le sens de contenant/contenu 23. La forme en ant, parce que reconnue comme tant aussi celle du participe prsent, se voit gnralement assigner, mais sans que lon se serve vritablement ensuite de ce sens pour expliquer le fonctionnement du grondif la chose semblant
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Nous y reviendrons ci-dessous. On soulignera uniquement ici que laccent est mis sur le sens de la prposition plus que sur le sens de la forme en ant.
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aller de soi 24 la valeur scante ou imperfective de la forme en ant du participe prsent (Arnavielle 1997 : 47) 25. 2.3. Consquences Outre quelle permet de faire lconomie dune unit morphologique supplmentaire, lapproche bi-morphmatique prsente un autre avantage immdiat : elle ne ncessite nulle dfinition unitaire ou spcifique supplmentaire du grondif, puisque le problme dfinitoire se trouve rgl avec lhypothse que le grondif nest que la combinaison de la prposition en et de la forme ant prsente galement dans le participe prsent. Les partisans de la premire solution, puisquils optent pour un figement de la combinaison, sont par contre obligs de fournir une dfinition spcifique de la locution enant obtenue qui soit diffrente du sens obtenu par la composition prposition en + forme en ant. Nous reviendrons sur ce point ci-dessous. Pour le moment, on signalera simplement que cette difficult a une contrepartie positive : la description et lanalyse du grondif peuvent se faire directement, sans que lon soit oblig de ramener les faits et comportements dcrits au sens de la prposition en et de celui du participe prsent. Autrement dit, sans souci dexpliquer les emplois relevs partir du sens des deux constituants de la combinaison prposition en + Vant). Le gain, on le verra, est plus important quil ny parat. Pour les tenants de la deuxime solution, il faut, au contraire, montrer comment la prposition en combine au participe prsent peut donner lieu aux diffrents emplois que peut remplir le grondif. La tche nest pas facile. La meilleure preuve en est que le plus souvent, comme dj signal, cette tape, pourtant ncessaire dans loption thorique de la premire solution, est omise : dans la majorit des cas, on ne retrouve pas explicitement dans la description opre des emplois du grondif le rle smantique jou par la prposition en et celui assur par le participe prsent. Le lien entre le sens gnral de la prposition en et celui attribu la forme en ant (donc au participe prsent) et le rsultat interprtatif global nest le plus souvent pas explicit. Il sensuit ce nest pas surprenant que les analyses des emplois ralises dans loptique bi-morphmatique recoupent trs largement les analyses des emplois auxquelles conduit lapproche monomorphmatique .
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Nous reviendrons sur ce point ci-dessous avec le lien entre simultanit temporelle et aspect imperfectif. On notera toutefois quArnavielle (2003 : 52) revient sur cette position : nous poserons hardiment que la valeur scante prtendument stable sur tout le parcours qui va de la forme en ant lindicatif imparfait () est une illusion. que statistiquement, ce qui est ouvertement scant paraisse plus frquent que ce qui ne lest pas ne change rien laffaire .
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On pourrait penser, du coup, quau fond la question de lexistence ou non du grondif, cest--dire la question de savoir sil sagit dune relle unit morphologique grammaticale ou de la simple combinaison de la prposition en et dun verbe au participe prsent, ne tire pas tellement consquence et quon puisse donc laisser le dbat ouvert. Il nous semble malgr tout quil faut trancher, ne serait-ce que parce que les deux positions donnent lieu deux analyses structurales radicalement diffrentes, puisque loption monomorphmatique fait dpendre le verbe du morphme discontinu grondival enant (cest enant qui rgit V) alors que, dans la solution bimorphmatique, cest la prposition en qui prend sous sa coupe le verbe au participe prsent (cest en qui rgit Vant). Nous opterons clairement pour la solution du morphme discontinu, autrement dit pour celle dun grondif constituant rellement une unit morphologique grammaticale et non pour celle qui en fait une simple configuration rsultant de la combinaison de la prposition en avec un verbe au participe prsent. 2.4. Contre lanalyse prposition en + participe prsent Les arguments avancs par les tenants de la deuxime solution ne nous semblent en effet gure dcisifs. Largument morphologique de lidentit formelle est, certes, un indice srieux, mais reste seulement un indice et ne peut donc prtendre au statut dargument en faveur de lhypothse bimorphmatique. Ce nest pas parce que en et ant du grondif correspondent respectivement la forme de la prposition en et celle du participe prsent quils sagit automatiquement de ces deux catgories grammaticales. Cette identit-l reste prcisment dmontrer. Largument de lautonomie de la forme ant par rapport en ny arrive pas. Ce nest pas parce que la forme ant se rencontre sans en dans ce quon appelle le participe prsent quil est interdit de voir dans le grondif une unit formelle discontinue. Si une telle conclusion tait invitable, il faudrait ce moment-l considrer galement que toutes les expressions figes ne sont plus des expressions figes, cest--dire des units formelles polylexicales et que leurs composants conservent le statut quils ont en emploi non fig, puisquils peuvent semployer en dehors de lexpression fige Lexpression casser sa pipe ne serait, dans cette hypothse, plus une unit polylexicale fige, puisque pipe peut se dtacher sans problme du reste de lexpression pour semployer (plus) librement ailleurs. Largument de la comparaison avec dautres prpositions comme de ne fait pas laffaire non plus, parce que la situation de ces prpositions nest distributionnellement pas la mme que celle du en du grondif, contrairement ce que donne croire le raisonnement de Marc Wilmet. La combinaison de de (ou dautres prpositions) avec linfinitif nest pas du tout fixe on peut avoir ct de daimer, pour aimer, aimer, sans aimer et il ny a donc
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pas entre la prposition de et linfinitif aimer la solidarit, mise en avant par Bonnard (2001 : 81), quil y a entre la forme en et la forme ant du grondif. On objectera peut-tre que le SN lart daimer admet difficilement que de soit remplac par une autre prposition. Mais, outre le fait que lon peut avoir sans trop de difficults des SN comme lart pour aimer et mme, pourquoi pas ?, lart aimer, on notera que lopposition nest alors plus pertinente, puisquelle ne met plus en relation le grondif avec un syntagme prpositionnel, mais avec un SN. Largument syntaxique, qui se fonde sur le caractre adverbial du grondif, est plus recevable. Il se trouve toutefois vite dsamorc, ds que lon fait intervenir la dimension diachronique et la perspective de la grammaticalisation 26 : tout ce qui est dit sur le rle subordonnant et/ou translateur de la prposition en peut tre vrai dans une dimension volutive, donc mergente du grondif 27, mais ne signifie nullement que, dans la stabilisation synchronique que connat le grondif actuellement, la forme en et la forme en ant ne forment pas une unit discontinue et quelles gardent leur statut originel de prposition et de forme en ant. Cela ne signifie bien entendu pas quil faille oublier leurs origines on sait bien que certains traits des lments originels dune locution fige peuvent perdurer dans lexpression fige obtenue mais cela nautorise pas pour autant conclure quelles continuent dy exister pleinement. Mme si cest bien la prposition en qui a t utilise pour introduire la forme en ant et mme si cette forme en ant est aussi celle qui a donn notre participe prsent, ce nest pas une raison suffisante pour postuler que dans le grondif actuel cette prposition est reste la prposition en et que cette forme en ant est reste la forme en ant de dpart. Ce nest pas une raison suffisante non plus pour refuser leur fusion grammaticale en une seule unit et donc maintenir une structure syntaxique o cest en qui rgit, sapplique ou introduit le verbe au participe prsent. Corollairement, le caractre adverbial ou circonstanciel du syntagme grondif peut sexpliquer autrement que par le biais de la prposition en applique au verbe au participe prsent, ainsi que le postule la thse bi-morphmatique, puisquil peut rsulter de lapplication du grondif, cest--dire du morphme discontinu enant V. Pour ce qui est du volet smantique, nous avons suffisamment dj indiqu ci-dessus, avec la difficult dassigner des sens propres en et ant, que ctait plutt un indice en faveur de lapproche mono-morphmatique que de loption bi-morphmatique et quattribuer en le sens de la
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Lorsque le figement stend jusquau verbe, on est en face de locutions totalement grammaticalises comme en attendant ou en passant. Voir Halmy (2003) pour cette dimension. Voir cet gard, lexcellent chapitre 3 de Halmy (2003) et lclairant article de Combettes (2003) sur lvolution de la forme en ant.
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prposition en et ant le sens du participe prsent (ou dune forme en ant en gnral) ne faisait gure avancer le schmilblick smantique du grondif, puisquil restait dire quels sont ces sens et comment ils contribuent au sens gnral de la combinaison et la production de ses diffrentes interprtations circonstancielles. La rponse un argument de Kindt (1999) permettra de prciser notre position et dillustrer la porte de lhypothse dfendue. Attache montrer que cest bien la prposition en qui fonctionne dans le grondif, Kindt utilise lopposition de sens quil y a entre deux phrases ne diffrant que par lemploi du grondif dans lune et le participe prsent dans lautre, autrement dit ne diffrant, selon elle, que par la prsence ou labsence de en :
(33) (34) Il a fait enrager tout le monde en chantant trs faux Il a fait enrager tout le monde, chantant trs faux
Son raisonnement est alors le suivant : si en nest plus une prposition, il naurait aucun sens et donc du coup il ne devrait pas y avoir de diffrence entre les deux noncs. Or, celle-ci est bien relle, puisque en tablit une interdpendance syntaxique et smantique trs forte entre faire enrager tout le monde et chanter trs faux (), dans le second nonc chantant trs faux ne sintgre pas aussi fortement dans la proposition principale que dans le premier (Kindt 1999 : 110). Conclusion : il sagit bien de la prposition en qui figure dans le grondif. On ne peut discuter le fait quil y ait une diffrence de sens entre les deux noncs, mme si, de prime abord, elle nest pas tellement vidente. Ce qui est biais dans la dmonstration, cest quelle suppose que ce soit le mme ant qui fonctionne dans les deux phrases. Du coup, on le voit, Kindt sappuie dj sur le fait quelle entend prouver, savoir que le grondif est constitu de deux morphmes, le morphme ant et le morphme en. La seule chose quelle arrive montrer, cest que, dans une telle hypothse, en a du sens. La thse du grondif mono-morphmatique , par contre, nest nullement battue en brche, puisquelle postule que les deux noncs se diffrencient, non par la simple prsence ou absence de en, mais par lopposition entre la forme ant et la forme compose enant. A ce moment-l, la diffrence de sens entre eux ne peut plus tre porte au crdit de en, mais celui du grondif tout entier oppos au participe prsent. 2.5. Pour une analyse du type en ant (V) La solidarit formelle qui existe indniablement entre en et ant, jointe la difficult, voire limpossibilit, dassigner aux deux stck en et ant des sens propres, nous semble un argument suffisamment dcisif pour conclure que le grondif forme un tout inscable, une seule unit morphologique, forme, hybridement du point de vue morphologique, de en et du suffixe
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-ant. Cest, rappelons-le, alors cette expression complexe enant qui sapplique V et non la prposition en qui introduit Vant. La plupart de ceux qui admettent lexistence du grondif nont pourtant pas, comme dj signal ci-dessus, reconnu ce fait et continuent dattribuer, explicitement 28 ou implicitement 29, au syntagme grondival la structure o en rgit ou introduit le verbe avec son suffixe ant. Or, si lon opte pour un grondif unitaire, cest--dire si lon considre quil sagit vritablement dune unit grammaticale ou encore si lon adopte la notion et le terme de grondif (Bonnard, GLFF, cit par Halmy 2003 : 61), alors on ne peut plus souscrire au schma structurel en (Vant), cest--dire au schma dun en rgissant ou introduisant Vant, mais on se voit oblig dadopter le schma enant (V), cest--dire la dpendance de V par rapport enant. On comprend aisment pourquoi un tel rsultat, qui dcoule pourtant de loption mono-morphmatique du grondif, napparat pas tel quel dans les descriptions qui se rclament de cette option. Une double raison contribue masquer sa ralit : cest dune part le caractre morphologique inhabituel, car hybride, de cette formation, qui rsulte de lunion dun morphme grammatical, la prposition en, et dun suffixe verbal, la forme en ant, et, dautre part, la discordance entre le schma enant (V) et la squence linaire. Celle-ci prsente la fois une asymtrie entre les deux constituants, asymtrie constitue par la soudure suffixale de ant au verbe oppose lantposition non prfixale de en 30, et une discontinuit entre les deux parties, double phnomne qui, iconiquement, ne reflte absolument pas le schma de subordination en-ant (V). Il nous faut encore signaler un corollaire important de notre analyse unitaire du grondif. Nous avons pu voir ci-dessus, avec Wilmet et Bonnard, que partisans dun grondif bi-morphmatique comme dfenseurs dun grondif en un bloc avaient recours dans leur dmonstration des comparaisons entre le syntagme grondif et des syntagmes prpositionnels rgissant des infinitifs. Une telle comparaison semble de prime abord tout fait naturelle, tant donn lapparente similitude formelle des deux syntagmes. Elle conduit mme Bonnard (2001 : 81) faire du grondif une variante combinatoire de linfinitif : La construction prpositionnelle
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Voir par exemple Bonnard (2001 : 81). Chez la plupart des dfenseurs du grondif. Tout en se plaant prudemment une position intermdiaire, Halmy (2003 : 63) continue pourtant voir en en lintroducteur de Vant : la prposition en, dont le rle se borne souligner la dpendance du syntagme quelle introduit un terme de la phrase, na plus quun sens trs affaibli . Rappelons toutefois que Haspelmath et Knig (1995) vont jusqu faire de en un prfixe.
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rapproche formellement le grondif de linfinitif, dont il apparat comme une variante combinatoire si lon compare les sries suivantes :
voir, de voir, pour voir, sans voir, *en voir * voyant, *de voyant, *pour voyant, *sans voyant, en voyant
La comparaison et donc le rsultat concernant la relation entre linfinitif et le grondif ne sont gure pertinents dans le cadre dune option monomorphmatique, puisque celle-ci conduit analyser le syntagme grondif en enant (V) et non en en (Vant). Or, la structure des syntagmes prpositionnels avec infinitif correspond elle prp (Vinfinitif), ce qui interdit donc toute comparaison entre les deux. Une telle comparaison ne serait licite que si et seulement si prposition et affixe infinitif constituaient, limage du grondif, un seul morphme discontinu qui sapplique V. Tel nest prcisment pas le cas, comme le montre labsence de solidarit formelle entre linfinitif et les prpositions, cest--dire la possibilit davoir des prpositions diffrentes devant un infinitif. Et, du coup, il est illgitime, et mme fourvoyant, dopposer directement, comme on peut tre tent de le faire, un syntagme grondif un syntagme prpositionnel comportant un infinitif. Ce rsultat, plus important quil ny parat premire vue, nous sera dune aide prcieuse, on le verra dans la troisime partie, pour nous mettre sur la voie du sens du grondif. 3. Quel sens pour le grondif ? Nous naborderons que trois aspects de la question : une vocation et une critique rapide des solutions antrieures, une comparaison avec la situation de la prposition avec et une caractrisation du sens du grondif qui la fois rend compte de lmergence de ses diffrentes interprtations et qui est mme dexpliquer certaines contraintes signales dans la littrature. 3.1. Solutions antrieures Nous avons dj largement entam cet aspect en notant ci-dessus que :
(i) mme si ce ntait pas dans les mmes termes, le problme dune dfinition gnrale du grondif se posait aussi bien pour les tenants dune approche bimorphmatique que pour ceux de la conception mono-morphmatique, (ii) les partisans de linexistence grammatico-lexicale du grondif doivent fournir une rponse partir du sens des constituants de la construction, savoir la prposition en et le participe prsent, alors que les promoteurs dune vritable unit morphologique grondif peuvent directement attribuer un sens au morphme discontinu enant.
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(iii) de faon gnrale, la question tait, pour des raisons diffrentes, ou laisse de ct ou traite de faon assez allusive et non directe.
3.1.1. La thse de la simultanit temporelle Une des raisons lorigine du point (iii) rside dans lexistence dune thse traditionnelle, gnralement reprise dans les manuels, dont la pertinence parat aller de soi : selon cette thse, le grondif indique, pour reprendre les termes de la Grammaire Mthodique du Franais de Riegel et alii (1984 : 342), un procs en cours de ralisation, simultan par rapport au procs exprim par le verbe principal . Cette thse du en mme temps , laquelle sassocie llment aspectuel de la scance ou imperfectivit, sexplique tout naturellement par labsence dindication temporelle du procs au grondif et par sa subordination la prdication principale. Lide est quil prend le temps du procs principal, donc quil lui est simultan. Cette thse se trouve conforte par les nombreux emplois du grondif, comme la manire, la concomitance, etc., o il y a effectivement simultanit. Elle a un autre avantage, cest quelle peut servir aussi bien pour les tenants dune approche bi-morphmatique que pour ceux qui plaident pour une analyse mono-morphmatique. Les premiers peuvent arguer que la simultanit est celle du participe prsent, qui, lui aussi, na pas dindications temporelles propres, alors que les seconds peuvent la porter au crdit de tout le grondif. On voit tout de suite que les premiers se retrouvent nanmoins avec la prposition en sur les bras : quen faire si la simultanit est dj exprime par la forme en ant ? Cest l quintervient le rle de subordination adverbiale dj signal ci-dessus et quon peut faire galement jouer lapptence toute particulire de la prposition en pour lindication de la simultanit 31. Ajoutons encore que cette simultanit temporelle saccompagne du trait aspectuel de limperfectivit, mis en avant pour ant, comme signal supra, dans beaucoup de travaux (Curat 1991, Arnavielle 1997, etc.) 32, parce que, comme le rappelle Duffley (2003), limperfectivit a normalement pour consquence la simultanit. Apparemment donc du solide, aussi bien pour le temps que pour laspect. Mais si on y regarde de plus prs, on saperoit bien vite que ni le trait imperfectif 33 ni surtout la simultanit ne sont adquats pour cerner le sens global du grondif.
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La GMF (1994 : 342) souligne ainsi que la prposition en convient le mieux lexpression de la simultanit temporelle, comme le montrent ses emplois pour indiquer une datation (en t) La forme en ant passe ainsi pour tre lquivalent impersonnel et atemporel de limparfait. Comme dj signal en not supra, Arnavielle (2003) a renonc la valeur scante.
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Pour limperfectivit, il semble plus judicieux, si elle merge dans linterprtation, de lexpliquer partir de linteraction entre les proprits lexicales dAktionsart du verbe du grondif et les proprits la fois intrinsques et aspectuo-temporelles du verbe de la prdication principale. Lanalyse dtaille de Gettrup (1977) des diffrentes relations aspectuotemporelles possibles entre le procs au grondif et celui de la proposition principale montre fort bien que le grondif ne rpond pas intrinsquement limperfectivit. Il peut fort bien rpondre des actions qui ne sont pas saisies en droulement ou qui nont rien de progressif comme le montre 34 lnonc :
(35) En sortant de lglise, nous sommes alls boire un verre au bar du coin.
ou encore cet exemple de Franckel (1987) o le changement de prdication principale fait passer linterprtation imperfective du grondif en construisant sa maison une interprtation perfective :
(36) (37) En construisant sa maison, il est tomb (pendant au cours de ). En construisant sa maison, il sest ruin (il a construit sa maison).
La simultanit semble aussi trop forte, parce que, ainsi que la galement mis en relief Gettrup (1977 : 229), elle ne sapplique plus des cas comme :
(38) (39) En apprenant ces nouvelles, le roi dcida de convoquer ses barons. En atteignant la promenade du bord de mer, ils hsitrent.
o il semble prfrable de voir un cas de ce quil appelle contigut temporelle plutt que simultanit ou mme recouvrement partiel seulement. Et lorsquon passe des emplois comme ceux de condition :
(40) En partant aujourdhui, tu arriveras demain matin.
mme la notion de contigut temporelle nest plus de mise. Cest dire que la thse du en mme temps , mme si elle est la plus frquente 35, ne saurait servir dfinir le sens gnral du grondif.
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Gosselin (communication personnelle) ma signal que, contrairement limparfait, le grondif acceptait difficilement des SP en depuis + SN temporel : il chantait depuis trois heures vs *Paul marchait, en chantant depuis trois heures. Et que donc ce fait doit tre expliqu.
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3.1.2. Localisation et contenant-contenu Franckel (1987 et 1989) et Kindt (1999), comme dj signal ci-dessus, ont propos chacun, dans le cadre dune approche bi-morphmatique, une analyse du grondif qui se spare de la description classique en termes de simultanit temporelle, parce quelle essaie explicitement de construire le sens global du grondif partir du sens de la prposition en, Cette dmarche a lavantage, par rapport la thse traditionnelle de la simultanit, daboutir une diffrenciation plus nette davec le participe prsent. Franckel met en avant le trait de localisation de la prposition, alors que Kindt privilgie le trait contenant. Il sensuit un trait commun aux deux approches : le participe prsent du fait de la prposition en fonctionne en quelque sorte comme un intrieur ouvert 36 (Franckel 1987 : 272) ou un contenant (Kindt 1999) :
a. On peut faire lhypothse que, dans le grondif, la fonction de en compos au verbe au participe prsent est de fonder ce verbe comme un procs localisateur dont la proprit est de ne se dterminer quen fonction du procs quil localise. En outre, le participe prsent ainsi constitu comme localisateur se comporte, travers cette mise en relation, comme un intrieur ouvert, du fait du fonctionnement spcifique de en. (Franckel 1987 : 272) b. En accorde laction dnote par le groupe verbal sous-catgoris la fonction de contenant. Le contenu est alors laction dnote par le groupe verbal de la principale. (Kindt 1999 : 114)
Ces deux caractrisations, si elles conviennent bien certains emplois, se heurtent trs vite dautres, pour lesquels elles apparaissent plutt contreintuitives. Celle de Franckel, en termes de localisation, se rvle adquate pour les emplois de repre temporel du grondif (En sortant, elle a dit au revoir ), mais ne peut sappliquer lemploi de manire (Paul se rase en chantant), puisquon ne voit pas trop bien comment le grondif de manire peut tre dit localiser le procs de la principale, linverse semblant ici plutt de mise. La solution du grondif contenant temporel propose par Kindt, parce quelle est amene tout logiquement supposer que le champ
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Franckel (1987 : 272) sappuie sur lopposition, souvent reprise depuis, que fait Gustave Guillaume entre dans et en : en oriente une relation dintriorisation du N1 intriorisant-repre vers le N2 intrioris repr, selon une direction oppose celle que dtermine dans, du N2 repre intriorisant au N1 repre intrioris. Un livre quon jette dans le jeu ne tarde pas tre en feu. : ce qui tait lextrieur comme devant contenir passe lintrieur et devient contenu () tre en prison se dit du prisonnier, de celui qui se trouve emprisonn, tandis que tre dans la prison sappliquera aux geliers et aux visiteurs . Kindt invoque galement ce dernier exemple, mais daprs Waugh (1976). .
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temporel recouvert par en + GV est au moins identique au champ recouvert par P ou peut tre plus grand (Kindt 1999 : 114) rejoint en fait, mais par un autre chemin, la thse de la simultanit temporelle. Et, du coup, se heurte aux mmes obstacles. Si elle est effectivement bien approprie pour les emplois de manire ou de concomitance, par exemple, elle se rvle incapable de matriser les emplois cits ci-dessus o le champ temporel de la proposition principale survient aprs ou du moins se prolonge aprs celui du grondif 37. 3.2. Le grondif, un avec du verbe ? Si nous avons tellement tenu rgler le problme du statut, mono- ou bimorphmatique, du grondif et montrer quil fallait adopter loption mono-, cest parce que celle-ci conduit, comme nous lavons soulign la fin de la premire partie, rejeter lopposition faite rgulirement dans les travaux sur le grondif entre le grondif et des syntagmes prpositionnels comportant un infinitif. Le parallle qutablit une telle opposition entre dun ct en et le verbe suffixe Vant du grondif et de lautre la prposition et le verbe linfinitif du SP Prp. + Vinfinitif est en effet fallacieux si le grondif forme une relle unit morphologique constitue de enant. Ce nest pas pour autant quil faut abandonner la piste prpositionnelle, mais cest celle du SP infinitival quil faut dlaisser. La comparaison pertinente du syntagme grondif doit se faire avec des SP comportant un nom, la correspondance stablissant alors entre dun ct le grondif en -ant et V et, de lautre, la prposition et le SN rgi. Une telle correspondance se trouve tablie par Wilmet (1997 : 569) lorsquil pose, pour le grondif de lnonc :
(41) Jai rencontr Pierre en sortant du cinma.
lquivalence :
(41) en sortant du cinma = la sortie du cinma
mais il nen tire pas dautres instructions que celles qui vont dans le sens de la thse bi-morphmatique, cest--dire celle dune prposition en transfrant le participe en nom dverbal (1997 : 569). Or, le fait de comparer le
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Kindt (1999 : 114) est bien consciente de cette difficult, mais la solution quelle propose, savoir associer en GV un intervalle temporel qui contient dj la fois GV et lintervalle du procs principal, ne rgle quapparemment le problme, puisquelle nexplique pas pourquoi et comment en fait passer lintervalle temporel de GV un intervalle temporel contenant dj celui de la proposition principale.
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syntagme grondif un SP avec substantif a une consquence qui nous semble rvlatrice pour la smantique du grondif : celle de le mettre en rapport avec une prposition avec laquelle on ne pouvait le comparer, puisquelle ne se fait jamais suivre dun infinitif, mais toujours dun lment nominal. Il sagit de la prposition avec, jamais signale dans les prpositions compares au grondif, alors que les lments qui poussent une mise en correspondance avec le grondif enant sont tellement nombreux et paraissent tellement vidents quils auraient d limposer. Lhypothse que nous ferons est que le grondif, cest--dire la catgorie grammaticale discontinue enant, est en quelque sorte un avec du verbe :
enant + V avec + SN ou N
La diffrence entre les lments rgis (V dans un cas et SN ou N dans lautre) empche videmment toute assimilation et interdit par avance de poser que le grondif enant correspond la prposition avec. Mais ceci, bien entendu, nest pas une raison pour ne pas les comparer et pour ne pas voir ce quils ont en commun. Les lments suivants peuvent tre mis en avant : 1. Lindice le plus fort rside dans le fait que le grondif et avec ont, dans certains de leurs emplois, tous deux comme lment ngatif la prposition sans :
(42) (43) (44) (45) Paul boit avec modration > sans modration Paul se rase en chantant > sans chanter Paul se promne avec Pierre > sans Pierre Paul fume un havane en buvant du bourbon > sans boire du bourbon
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La palette demplois davec est plus large que celle du grondif. La diffrence provient de la diffrence N-V. Si on en fait abstraction, instrument et moyen sont identiques. La preuve en est que parfois on parle dinstrument pour le grondif (voir par exemple Herslund, 2003).
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cause :
(50) (51) Pierre a rveill Marie avec ses gros sabots. Pierre a rveill Marie en claquant la porte.
condition :
(54) (55) Pierre russira avec du travail. Pierre russira en travaillant.
Linterprtation de repre temporel, qui reprsente un des traits caractristiques du grondif, semble exclue pour avec, mais cela na rien de surprenant tant donn prcisment la diffrence de catgorie de llment rgi (SN ou N vs V). Il suffit toutefois que le SN introduit par avec puisse donner lieu une interprtation processuelle, pour que avec fonctionne galement comme un complment circonstanciel de temps :
(58) Paul se lve avec le soleil (= il se lve quand le soleil se lve).
On soulignera encore que, comme signal pour le grondif, certaines interprtations circonstancielles davec peuvent plus ou moins se combiner dans un seul emploi
(59) Vous nous avez intrigu avec votre histoire (instrument + cause).
et que, comme avec le grondif, il nest pas toujours facile, de mettre au jour linterprtation exacte de la prposition avec :
(60) (61) Avec son pantalon blanc, Paul sest sali (Cadiot 1997 b: 150). Paul se promne avec son parapluie (Choi-Jonin 2002).
3. Etant donn 2., il ny a rien dtonnant ce que lon puisse parfois gloser un SP en avec par un grondif ou vice versa :
En passant par le grondif avec mes (gros) sabots (62) (62) (63) (63) (64) (64) (65) (65) (66) (66) (67) (67) Pierre russira avec du travail. Pierre russira en travaillant. En fumant, on dtruit sa sant. Avec le tabac, on dtruit sa sant. Larbre sest abattu avec fracas. Larbre sest abattu en faisant un grand bruit. Il ma dit avec des grognements Il ma dit en grognant En perdant son travail (), un cadre prend conscience de son gosme (Halmy 2003 : 81). Avec la perte de son travail, un cadre prend conscience de son gosme. Tu mnerves avec ton discours sur les femmes. Tu mnerves en parlant ainsi des femmes.
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4. Comitatif et emploi de concomitance donnent lieu une situation de paralllisme (Schapira 2003), trs souvent mise en avant pour caractriser le sens davec (Cadiot 1997). Dans le cas davec comitatif, SN1 accomplit laction en parallle avec SN2, dans celui dun grondif concomitant , cest laction de la prdication principale qui se trouve accomplie en parallle avec celle du grondif 40. Les proprits mises en avant pour caractriser lemploi comitatif (en compagnie de) davec se retrouvent en consquence avec le grondif de concomitance : linversion sans changement demploi et sans changer les conditions de vrit de la phrase :
(68) (69) (70) (71) Paul se promne avec Pierre. Pierre se promne avec Paul. Paul fume un Havane en buvant un verre de bourbon. Paul boit un verre de bourbon en fumant un Havane.
la coordination salva veritate des SN dans le cas davec et celle des SV dans le cas du grondif :
(72) (73) Paul et Pierre se promnent. Paul fume un Havane et boit un verre de bourbon.
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La traduction en coren que donne Choi-Jonin (2002 : 13) de Paul se promne avec son chien est rvlatrice : cest une sorte de grondif qui apparat (en emmenant son chien).
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glissement du sens comitatif ou de concomitance vers linterprtation de condition en situation dantposition 41 et si la phrase est habituelle 42 :
(74) (75) Avec Pierre, Paul se promne (sil est avec Pierre, Paul se promne) En buvant un verre de bourbon, Paul fume un Havane (sil boit un verre de bourbon, Paul fume un Havane)
Ces faits, qui justifient amplement, notre avis, le rapprochement que nous avons opr entre avec et le grondif, rsultent dune situation smanticosyntaxique trs proche. Il est significatif dobserver que ce que Cadiot (1990 : 152) a crit au dbut de son article sur avec se laisse appliquer quasiment tel quel au grondif :
il semble raisonnable dadmettre quavec introduit un complment qui reste extrieur au schma de la sous-catgorisation de la catgorie principale (verbe, adjectif, nom) de la phrase. Ce caractre priphrique a une contrepartie smantique directement intuitive : le SP exprime des sortes de cas smantiques bien typs dont les plus nets sont sans doute ceux qui dans la tradition grammaticale sont nomms instrumental (Paul enfonce le clou avec le marteau) et comitatif (ide de concomitance ou daccompanement ) : Paul se promne avec un chien (Cadiot 1990 : 152).
Il nest donc pas surprenant que les deux conduisent une problmatique smantique mettant en jeu des interprtations basiques grandement identiques et donnant lieu des difficults de traitement galement voisines. La question rcurrente que lon trouve dans la littrature sur avec peut galement tre pose pour le grondif : faut-il privilgier le sens instrumental et / ou le sens comitatif et expliquer les autres sens par un largissement interprtatif 43 ou est-il prfrable de rechercher un invariant sousdtermin ?
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Voir pour ce problme, Charolles (2003). Tout simplement parce quen phrase vnementielle (Kleiber : 1987), lantposition est difficile et suppose des circonstances contextuelles particulires justifiant la position extra-prdicative : ? Avec Pierre, Paul sest promen ; ? En buvant un verre de bourbon, Paul a fum un Havane. Ce que fait Cadiot (1990) pour avec : partir des sens prototypiques instrumental et comitatif, il rend compte des autres sens relevs en parlant dlargissement interprtatif.
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3.3. Vers le sens du grondif 3.3.1. Deux enseignements Tout pousse donc regarder du ct de la smantique davec pour trouver un chemin daccs celle du grondif. De labondante littrature rcente 44 consacre au sens davec que nous nallons bien entendu pas exposer ici nous avons tir deux enseignements qui nous semblent essentiels pour mieux comprendre le fonctionnement smantique du grondif. Le premier, dordre ngatif, est une confirmation de labandon de la solution en termes de simultanit temporelle dfendue traditionnellement et que lon peut tre tent, nous avons vu pourquoi, de postuler comme sens primitif sous-jacent au grondif. Des analyses comme celles de Cadiot (1997) ou Choi (1995 et 2002) ont en effet montr que le correspondant pour avec du en mme temps grondival, savoir le sens comitatif ou daccompagnement, qui indique du simultan ou du concomitant (Spang-Hanssen 1963), ne pouvait tre retenu comme sens basique de la prposition avec. La solution et cest le deuxime enseignement recueilli, positif, celuil passe plutt par lide de composition 45, dunion ou dassociation 46 laquelle on recourt frquemment pour caractriser le sens davec :
a. En franais, avec, qui marque des complments de manire, accompagnement, concomitance, et non pas seulement dinstrument, na sans doute comme valeur propre () que celle dune simple association. (note 13) Ainsi, dans jai coup du bois avec Paul, Paul fait partie du x de couper (x,y), dans on pourra faire cela avec les beaux jours, les beaux jours dsigne un vnement dont la concomitance avec lvnement principal est ncessaire pour que ce dernier ait lieu (Lemarchal 1997 : 116). b. Quy a-t-il de commun ces processus qui signerait la valeur instructionnelle de avec ? Nous suggrons que cest de crer, par une mise en parallle, les conditions dune interaction optimale entre deux segments de la ralit rfrs. Le processus agit dans les deux sens : en dissociant et en associant. (Cadiot 1997 :156). c. Lhypothse de dpart est quavec structure linformation par un double mouvement : elle isole une composante de linformation globale, qui acquiert ainsi une certaine autonomie et elle lassocie ensuite un des lments saillants de la scne rapporte (Melis 2003 : 76).
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Voir Cadiot (1990, 1991, 1993, 1997 a et b et 1999), Choi-Jonin (1995, 2000 et 2002), Melis (2003), Schapira (2002), Schnedecker (2002), etc. Choi-Jonin (1995) fait de avec un oprateur de (d)composition. Qui suppose videmment que llment associ soit (dabord) dissoci. Do le couple association-dissociation ou composition dcomposition (ChoiJonin 1995) souvent utilis propos davec.
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3.3.2. Une association processuelle subordonne sous-dtermine Il nous semble que cest cette piste quil faut suivre pour cerner le sens du grondif. Lhypothse que nous dvelopperons est que le grondif conduit oprer une union ou association ou intgration semblable celle que dclenche avec, la diffrence, due celle de catgorie rgie (N ou SN vs V), tant celle de llment quavec ou le grondif demande associer ou intgrer la prdication principale. Dans un cas, il sagit dun lment nominal, dans lautre, dun lment prdicationnel. Voyons de plus prs quelle est cette association que nous assignons au grondif. La premire chose noter est quil ne sagit pas dune jonction (de type coordination, par exemple, ou parataxe). Le statut syntaxique adverbial ou de complment circonstanciel du syntagme grondif fait que lassociation ne se ralise pas entre lments de mme niveau, mais entrane clairement une dpendance de lun par rapport lautre. Il sagit ainsi de lintgration dune prdication dans lautre et non dune simple association de procs de mme niveau. Une autre consquence est porter au crdit du statut syntaxique. Celuici exclut par avance que le SG sintgre une place dargument de la prdication principale. Le SG ne peut apparatre comme objet ou sujet de la prdication en question, cest--dire ne peut faire partie de la rection troite dun prdicat. On naura donc pas *je veux en partant comme on a je veux partir. Pour que lintgration associative puisse se faire, il faut nanmoins quil y ait des places intgratives prvues dans la prdication daccueil, sinon le SG, quelle que soit la valeur ou les valeurs postules, ne peut sy intgrer. Autrement dit, il faut que la prdication principale ne soit pas complte pour pouvoir tre sature sur le mode intgratif par le SG. Comme les places argumentales sont exclues, celles qui peuvent rester vides ne peuvent plus correspondre qu la rection large (Choi-Jonin 1995), cest--dire aux cas ou complments du type lieu, temps, manire, instrument, moyen, etc. On voit ainsi que le SG grondif, pour quil apparaisse comme un associ processuel intgr dans la prdication principale, doit pouvoir sinterprter comme une sorte de complment circonstanciel de la prdication en question indiquant que le procs au grondif est une circonstance ou un complment circonstanciel de cette prdication. Linstrument, le moyen, le temps, le lieu, la manire, le concomitant, etc., sont en effet associs (certaines comme le temps et le lieu, de faon rgulire, dautres selon le potentiel lexical du SV) et se laissent tous subsumer par le trait dassoci subordonn (non principal, do le terme de circonstances.). Associ puisquils accompagnent la prdication et subordonn puisquils nen constituent que des lments spcificateurs secondaires par rapport la structure prdicative centrale arguments-prdicat ou zone rectionnelle stricte.
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On soulignera ici un aspect du SG qui est important et que notre analyse a laiss jusquici dans lombre. Si le SG arrive sassocier sur le mode intgratif aux places circonstancielles de la prdication principale, cest parce quil ne comporte ni dindication de sujet 47 (cf. lappellation traditionnelle de mode impersonnel) ni dindications aspectuo-temporelles. Nanti de telles spcifications, il ne pourrait plus, en effet, sintgrer comme circonstanciel de manire par exemple, puisque la manire suppose une identit de temps et une identit de sujet. Idem pour le moyen. On peut penser que pour lemploi de repre temporel et celui de concomitance, il nen va plus ainsi, puisque l on peut fort bien avoir, comme le montre le recours aux subordonnes temporelles en quand et pendant que, dans le cas de lemploi temporel, et aux coordonnes, dans le cas de la concomitance, des sujets et des spcifications aspectuo-temporelles qui ne sont pas hrites de la prdication principale. Mais dans ce cas il ny a plus cette association que provoque le grondif : part la relation temporelle, les deux situations processuelles peuvent rester totalement spares. Elles ne ncessitent nullement lintgration de lune dans lautre et ne sont pas prsentes comme tant lune une associe de lautre. Lemploi de concomitance nest un vritable cas ou circonstance de la prdication principale que parce que le sujet est identique 48. Il ne repose pas uniquement sur la simultanit temporelle. La mme chose vaut pour lemploi de repre temporel, qui nest pas seulement un emploi de localisation temporelle, mais qui contribue crer sur le mode associatif une prdication complexe pivotant sur un seul sujet et qui se rvle par l-mme beaucoup plus informative quune simple dtermination temporelle 49. On voit ainsi ce quapporte lincompltude du SG quant au sujet et aux indications aspectuo-temporelles : la ncessit de complter le SG en ce domaine par la prdication principale a pour effet de renforcer lunion des deux prdications en une seule. La situation peut paratre paradoxale, puisque le SG la fois complte la prdication principale et se trouve lui-mme complt par elle. Le paradoxe nest quapparent, puisque comme nous venons de le voir, si le SG tait dj complet, il ne pourrait plus complter la prdication principale sur le mode dun associ subordonn non dtermin, non spcifi. Lassociation intgrative rclame par le grondif nest en effet pas spcifie, mais reste sous-dtermine. Si le SG explicite ou sature bien les places vides de la rection large de la prdication principale, il nindique pas
47
48 49
Souvre ici le dbat sur la corfrence ou non corfrence entre le sujet du grondif et celui de la principale. Voir Halmy (2003) qui apporte de prcieux renseignements sur ce sujet. Cest exactement la situation davec comitatif ou sociatif. Cest dans ce sens, je crois, quil faudrait reprendre la question des emplois de repre temporel du grondif.
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lui-mme de quel type dassociation subordonne il sagit. La seule instruction dlivre est dassocier sur un mode subordonn ou circonstanciel le procs du SG la prdication principale. La dtermination de la circonstance , cest--dire du lien particulier (ou de lemploi effectif du SG) entre la prdication principale et le SG dpend de trois facteurs :
1. des proprits intrinsques (en somme lexicales, aussi bien celles, gnrales, relevant de lAktionsart, que celles, plus spcifiques, attaches au V prcis) du V du grondif et de celui de la prdication, 2. des marques temporelles et aspectuelles du SV de la prdication principale, 3. de la position, antpose 50 ou postpose, du SG 51.
Cest ici que prennent toute leur valeur les travaux en aval de Halmy sur les cinq rubriques de grondifs quelle a mises en relief et ceux de Gettrup et de Herslund pour les grondifs temporels. Nous nous contenterons dune illustration bien maigrelette pour montrer le rle dcisif des proprits lexicales particulires aux deux V incrimins. On reprendra la situation de Gettrup avec chanter et se raser, mais en remplaant se raser par un V comme courir qui ne correspond pas une activit rgulire, rpute avoir lieu certains moments, comme se raser, et qui donc ne devrait pas pouvoir servir demploi temporel pour chanter. Or, il est curieux dobserver que le rsultat obtenu est pourtant le mme. Le grondif en chantant de lnonc :
(76) Paul court en chantant (Comment court-il ? En chantant ; ? Paul court, lorsquil chante ; Quand est-ce que Paul court ? ?? En chantant).
reoit plutt une interprtation de manire, alors que en courant fonctionne comme repre temporel :
(77) Paul chante en courant (Paul chante lorsquil court ; Comment chante-t-il ? *En courant ; Quand est-ce que Paul chante ? En courant).
La raison en est lasymtrie a priori qui existe entre les deux V dactivit chanter et courir. Le fait de chanter peut a priori faire partie des attitudes ou du comportement de quelquun qui court, cest--dire quil peut a priori
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Ou, comme not ci-dessus, postpos et dtach de la prdication principale par une pause et donnant lieu une intonation spciale. Nous ferons abstraction ici de ce problme, qui met en jeu la structure informationnelle de lnonc (thme rhme) et qui pose plus particulirement le problme des adverbiaux antposs (Charolles, 2003). Disons simplement et de faon trs schmatique que la postposition correspond (i) et lantposition (ii) : (i) P : dans quelle circonstance ? En Vant (ii) Dans la circonstance En Vant : Quoi ? ou Quest-ce qui se passe ? P.
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passer pour une manire de courir, alors que linverse nest pas vrai. Courir, pour des raisons lies la diffrence de gestuelle et de facettes ou dimensions impliques par les deux activits, nentre pas dans le stock des activits permettant de spcifier la manire de chanter. On peut mme formuler la rgle suivante :
Si une activit X est une manire possible dune activit Z, alors X au grondif ne peut tre repre temporel pour Z, comme Z au grondif peut ltre pour X.
Mais nous nirons pas plus loin, car le moment est venu de conclure. 4. En concluant Trois rsultats principaux se dgagent de notre travail. En premier lieu, la confirmation de lanalyse mono-morphmatique du grondif. Cette confirmation nous a permis en corollaire de montrer quil fallait opter pour une analyse du SG en Vant du type enant (V), o le morphme discontinu hybride enant, que constitue le grondif, sapplique V, et quil convenait donc de renoncer aux analyses classiques de structure en (Vant), o cest en qui prend dans sa porte le verbe la forme en ant. Ce premier rsultat a servi de marche-pied notre approche du sens gnral du grondif, parce quil nous a conduit rejeter lopposition faite gnralement dans les travaux sur le grondif entre le SG et les syntagmes prpositionnels comportant un infinitif (Prp + Vinfinitif) et opter pour une comparaison avec des SP comportant un N ou un SN. Do un deuxime rsultat, extrmement instructif pour aborder le sens du grondif : le grondif apparat comme tant une sorte davec du verbe. Ce rapprochement a abouti un troisime rsultat, peut-tre le plus important : il nous a en effet ouvert la voie pour dfinir le grondif en termes dune association processuelle sous-dtermine, oprer sur le mode intgratif et non jonctif : il demande uniquement que le procs quil rgit soit intgr comme associ processuel une place de la zone rectionnelle large et non stricte de la prdication principale. Lmergence des diffrentes interprtations circonstancielles est due linteraction de trois facteurs : les proprits intrinsques des deux V en prsence, les marques aspectuotemporelles du V conjugu de la proposition principale et la position du SG. Il reste, bien entendu, du pain sur la planche, et pas seulement des baguettes ! Mais nous en resterons l, car, comme dit lautre, mme si ce nest quen passant : je le vois venir avec ses gros sabots ! Rfrences Arnavielle, T. (1998). Le morphme ANT : Unit et diversit. Etude historique et thorique, Louvain-Paris : Peeters.
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Le grondif simple en italien : un moule syntaxique entre concepts partags et structure informationnelle 1 Marco FASCIOLO
Universit de Genve
0. Introduction Cet article sinsre dans le paradigme thorique inhrent lide de grammaire philosophique de Michele Prandi qui est lorigine de la question suivante :
To what extent and within which limits are linguistic structures autonomous from their contents, and to what extent and within which limits is their form motivated by the structure of independent concepts? (cf. Prandi 2004: XII). Dans quelle mesure et selon quelles limites les structures linguistiques sontelles autonomes par rapport leurs contenus, et dans quelle mesure et selon quelles limites leur forme est-elle motive par la structure de concepts indpendants ?
Une grammaire philosophique pense une langue en tant quinteraction entre deux structures irrductibles et logiquement indpendantes : les structures grammaticales et lontologie naturelle, un systme de concepts partags qui sappuient sur un sol plus profond de critres de cohrence. Une grammaire philosophique, donc, rpond la question prcdente comme suit :
On the one hand, the ideation of complex meanings cannot be reduced to a unilateral imposition of form, be it on the part of grammatical structures or on the part of conceptual structures, but is the outcome of a variable interaction between two autonomous structures, each characterized by its own form and capable to a given extent of imposing a form. Conceptual structures, on the other hand, are formed by different layers, and cognitive models are only one of these layers, albeit a significant one (cf. Prandi 2004: 89). Dune part, lidalisation de significations complexes ne peut se rduire une imposition unilatrale de forme, que ce soit de la part de structures grammaticales ou de la part des structures conceptuelles, mais est le rsultat dune interaction variable entre deux structures autonomes, chacune caractrise par sa forme propre et capable dans une certaine mesure dimposer une forme. Les structures conceptuelles, dautre part, sont formes
1
Je dsire remercier vivement Laura Baranzini, Emilio Manzotti, Michele Prandi et particulirement Silvia Hrri, qui a bien voulu corriger et recorriger mon franais. La responsabilit pour toutes les imprcisions ou les fautes demeure exclusivement la mienne. Cahiers Chronos 19 (2007) : 127-144.
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Marco Fasciolo de diffrentes strates, et les modles cognitifs ne sont que lune de ces strates, bien que particulirement significative.
Dun point de vue gnral, le but de cet article est de considrer le lien de subordination non-compltive grondive comme un moule linguistique, vide, o des concepts sont couls. Contrairement ce que cette analogie peut amener penser, ces concepts ne sont pas une matire informe, mais ils sont structurs par des relations logiques fondamentales et indpendantes de la langue. Cette remarque ouvre la possibilit dvaluer la tension entre lorganisation naturelle des concepts en jeu et le moule linguistique o ils sont placs, en portant une attention particulire aux manipulations et leurs limites que ce moule peut imposer. Plus prcisment, il y a trois thses principales et strictement lies que je vais soutenir :
lindtermination smantique du grondif : lide que le rapport entre le suffixe -ndo et linfinitif soit analogue au rapport entre une prposition et un nom (cf. 1) ; le double schmatisme du grondif : lide que la structure informationnelle peut avoir une influence sur llaboration du signifi seulement sil y a une tension entre les relations logiques naturelles des concepts en jeu et le rapport de subordination impos par le grondif (cf. 2) ; lincompatibilit entre grondif et surcodage linguistique : lide que, entre les relations logiques qui ncessitent un surcodage linguistique, le grondif peut exprimer seulement une conscutive non-prototypique et, en substance, il ne peut pas exprimer une relation finale (cf. 3).
La deuxime et la troisime thse sont des consquences de la premire. 1. La smantique du grondif 1.1. Considrations prliminaires Le grondif greffe la subordonne directement sur la principale sans la mdiation daucun connecteur :
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Puisquil intervient tant sur la structure interne de la phrase que sur la connexion transphrastique, le grondif assume ces deux fonctions de faon rduite : en sous-dterminant la construction du procs subordonn et en sous-dterminant sa position fonctionnelle dans la phrase complexe. Le grondif se caractrise donc avant tout par le fait quil tablit une dpendance
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rciproque entre lexpression de la structure interne de la subordonne et lexpression dun lien avec la principale. En ce qui concerne la structure interne de la subordonne, la perte des informations de genre et nombre conduit une exactitude idationnelle 2 mineure quant aux formes verbales finies : dans (2) 3
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seul (2b) codifie la lune en tant que sujet du rve. Cependant, le grondif conserve sa structure fonctionnelle et il a donc une exactitude dans llaboration de concepts suprieure celle des noms : en effet, on peut imaginer une chelle allant dun minimum (les noms) un maximum (les formes verbales finies), en passant par un point mdian (les formes verbales non-finies). En ce qui concerne plus spcifiquement la connexion transphrastique, le grondif apparat comme une expansion endocentrique subordinative : il ne peut pas saturer la valence dun verbe ni en tant que constituant dun procs intrinsquement complexe, ni en tant que complment de lieu des verbes de mouvement ; et il implique toujours lexistence dun noyau 4. En consquence, leffet de lintroduction du suffixe -ndo dans linfinitif est analogue celui dune prposition sur un nom 5 : la faon dont le lien transphrastique est exprim dans (1a) est donc quivalent lenrichissement infrentiel inhrent la prposition con /avec dans (3) :
(3) Ha colto la mela con il saltare / con un salto. Il a cueilli la pomme avec un saut.
Avec exactitude idationnelle jentends la capacit dimposer une fonction (et donc une position syntaxique) prcise aux contenus. Intuitivement, si on compare (2a) (2c) (2c) (Con) Per il sogno della luna, tutti erano felici. (Avec) Pour le rve de la lune tous taient heureux. on peut relever que si dans les deux cas la lune peut tre le sujet de laction de rver, cela semble plus difficile dans la version prpositionnelle (2c) compltement nominalise par rapport celle au grondif. Les exemples italiens peuvent paratre mal forms en franais, puisque je les traduis littralement. Pour les dfinitions prcises des concept d expansion endocentrique et de procs intrinsquement complexe , je renvoie Prandi (2004 : 282-94). Notamment dans un rgime de codification ponctuelle , cf. Prandi (2004 : 60-79, 286-90).
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En synthse, le grondif italien ne dtermine pas la prsence dune vraie liaison syntaxique :
(4) a. Concludendo larringa, limputato colpevole. En concluant la plaidoirie, laccus est coupable. b. Limputato colpevole. Lo dico concludendo larringa. Laccus est coupable. Je le dis en concluant la plaidoirie.
pas mme si le lien (ventuel) se place au niveau dune expansion du verbe (5), du prdicat (6) ou dun circonstanciel (7) 6 :
(5) a. Camminava ciondolando. Il marchait en se balanant. b. *Camminava. Lo faceva ciondolando. Il marchait. Il le faisait en se balanant. a. Ha aperto la porta ruotando la maniglia. Il a ouvert la porte en tournant la poigne. b. Ha aperto la porta. Lha fatto ruotando la maniglia. Il a ouvert la porte. Il la fait en tournant la poigne. a. Smottando, la neve ha cancellato il sentiero. En sboulant, la neige a effac le chemin. b. ??La neve ha cancellato il sentiero. Questo accaduto smottando. La neige a effac le chemin. Cest arriv en sboulant.
(6)
(7)
En reprenant la comparaison entre (1a) et (1b), on peut remarquer ce qui suit : en (1b), on dtermine a posteriori aprs une valuation des contenus en jeu si la subordonne exprime une cause physique (circonstanciel) ou un motif (expansion du prdicat), mais on tablit a priori en valuant seulement le contenu de parce que quelle ne peut jamais tre une expansion du verbe. En (1a), par contre, toutes les positions syntaxiques et les relations logiques quelles peuvent exprimer sont admises et infres exclusivement a posteriori 7. Conformment cela, jadopterai donc lide que le grondif est smantiquement indtermin ou transparent 8, cest dire, quil ne codifie aucune relation logique.
Leffet de manque de naturel gnr par (7b) est d la forme implicite du grondif. Cest la raison pour laquelle on trouve seulement en (1a) une relation dinstrument ou manire : elle nest pas annule par le contenu plus riche de parce que. Cette ide est prsente dans Halmy (1982 : 242-3, 248, 252-3).
131
1.2. Lide de subordination Sil existe une relation logique dont on aurait pu penser quelle est codifie par le grondif, cest srement la modalit :
(8) a. Camminava ciondolando. Il marchait en se balanant. b. Ciondolava. Camminava / Camminando in questo modo. Il se balanait. Il marchait / En marchant de cette faon.
Cependant, lventuelle relation de modalit est linguistiquement codifie dans (8b) par lencapsulation anaphorique (questo modo / cette faon) 9, mais pas dans (8a) o le grondif laisse simplement merger un lien conceptuel indpendant. La preuve en est que si (9)
(9) *Camminava. Ciondolava / Ciondolando in questo modo. *Il marchait. Il se balanait / En se balanant de cette faon.
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Linterprtation pertinente est celle o cette faon fonctionne en tant quanaphore du processus prcdent. Ici, les concepts en jeu sont se balancer et marcher dune certain faon : dans (8b), alors, on peut parler dadjonction et la lecture modale est due une re-description de laction prcdente. Il y a incohrence si on essaie dinterprter questo modo (cette faon) en tant quanaphore du processus prcdent ; gnralement, questo modo (cette faon) dans un exemple comme (9) serait interprt en tant que deixis ou cataphore. Dans la lecture dictique de (9) on peut parler d illustration ostensive . En ce qui concerne (8a) e (10a), les phrases clives (8c) et (10b) ci-dessous donnent des rsultats quivalents (respectivement, modalit et circonstance) (8b) et (10b) ou (11) : (8c) E ciondolando che Giorgio camminava. Cest en se balanant que Georges marchait. (10c) E camminando che Giorgio ciondolava. Cest en marchant que Georges se balanait.
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Si on compare maintenant (8a) et (10a), on constate que le grondif a agi comme un filtre sur lexpression. Il a fourni seulement un schma combinatoire linguistique, abstrait des concepts prexistants avec des liens potentiels prtablis : et ce schma consiste simplement en lasymtrie constitutive de lide de subordination. La consquence la premire et la plus gnrale qui dcoule de la transparence smantique du grondif est donc que son signifi se rduit la subordination endocentrique ellemme 12 : cest dire linstruction de faire dpendre un processus dun autre, indpendamment de lordre des noncs. Notamment, si S est la subordonne et P la principale, la contribution smantique du grondif consiste dans linstruction (I) suivante :
I.1. I.2. la lumire des relations logiques admises par nos modles cognitifs entre les contenus en jeu, on infre le statut de S par rapport a P, en commenant par les relations avec le degr dintgration au verbe principal le plus haut 13.
Une premire implication (qui dcoule de I.1) est que le grondif apporte lexpression toutes les relations possibles admises entre deux processus par notre grammaire des concepts, en les manipulant avec son schma : et cela dtermine son caractre suggestif-maeutique et protiforme, qui peut tre exploit soit pour suggrer un effet de vague, soit pour viter la redondance quil y a expliciter des relations logiques videntes ou dj connues. Une deuxime implication (qui dcoule de I.2) est la vocation naturelle du grondif exprimer, en ordre dcroissant, relations de modalit, instrument, motif de laction, cause, circonstances spatio-temporelles : et cela justifie la saveur modale qui accompagne toujours cette subordonne. En synthse, priv de contenu positif, quel quil soit, le grondif peut constituer un point de vue privilgi pour tudier au niveau transphrastique la subordination mise nue : en dlimitant linteraction entre son schma formel, les concepts indpendants (avec leurs affinits lectives
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Dans la suite de larticle, elle sera dfinie comme subordination tout court. En assimilant le grondif la subordination endocentrique (au niveau transphrastique), on peut penser cette dernire comme la codification de lapplication du principe de cohrence dans une juxtaposition : elle serait donc une juxtaposition avec une perspective informationnelle globale, o le fait que les noncs forment un seul message nest pas prsuppos, mais linguistiquement codifi. En dautres termes, dans une priode (non-compltive), si deux processus peuvent tre lis par les relations logiques A et B et si B a un plus haut degr dintgration au verbe principal, B est sollicite et A admise (voir aussi la notion de closeness chez Prandi 2004 : 174-280).
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naturelles) qui la remplissent et lventuelle influence conceptuelle de la structure informationnelle. 2. Le schmatisme du grondif 2.1. Une double iconicit Suite la conclusion prcdente, on peut distinguer deux niveaux possibles diconicit ou schmatisme qui peuvent tre activs dans le grondif pendant lexpression du lien transphrastique :
(i) une iconicit syntaxique, cest--dire le sens de la subordination explicit par (I.1) ; (ii) une iconicit informationnelle, cest--dire la perspective globale premierplan/arrire-plan et lordre linaire.
Ces niveaux sont hirarchiquement ordonns dans le sens que (ii) collabore llaboration du signifi dans la mesure o (i) dtermine une tension par rapport aux relations logiques naturelles admises entre les concepts en jeu. Dun point de vue thorique, la relation tablie par un modle cognitif dtermine lventuelle activation de (i) et cela dtermine son tour celle de (ii). Dun point de vue pratique, quand il y a plusieurs modles cognitifs possibles, la structure informationnelle fonctionne comme indice pour slectionner celui qui est pertinent. Le critre ultime dinterprtation il faut le remarquer reste toujours la cohrence 14. Pour illustrer ce point je considrerai deux cas extrmes :
A. une relation logique (la causalit) avec une forte structuration interne, o les niveaux diconicit (i) et (ii) peuvent se greffer (cf. infra, 2.2) ; B. une relation logique (la collocation spatio-temporelle) sans une vritable structuration interne, o les niveaux diconicit (i) et (ii) se vident de toute fonction idationnelle (cf. infra, 2.3) 15.
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La notion de coherence ou cohrence textuelle soppose celle de consistency ou non-contradiction : seule la premire constitue la quidditas dun texte. Pour ce concept je renvoie Conte (1999 : 29). Les cas intermdiaires sont reprsents par des relations plus simples par rapport la cause : par exemple une relation de succession spatio-temporelle. Analogiquement la cause, elle prsente un ordre interne (un moment avant et lautre aprs) ; contrairement la cause, elle ne fonctionne pas en tant que modle pour infrer des interprtations du dire. Pour ces cas que Solarino (1992 : 158-159) appellerait gerundio di anteriorit on peut conduire mutatis mutandis des observations analogues celles que nous allons faire.
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2.2. La relation de cause 2.2.1. Un seul modle cognitif admis En prsupposant le modle cognitif
1 = lboulement de la neige peut effacer les chemins
la subordonne a le statut de cause et sa fonction par rapport leffet est univoque 16. Cest pourquoi la structure informationnelle ne peut pas avoir un poids important dans llaboration du signifi, et les exemples prcdents sen trouvent conceptuellement quivalents (13) :
(13) a. Poich ha smottato, la neve ha cancellato il sentiero. Puisque la neige sest boule, elle a effac le chemin. b. La neve ha cancellato il sentiero poich ha smottato. La neige a effac le chemin puisquelle sest boule.
Ici on ne peut pas parler au sens propre de modalit : la paraphrase (12c) (12c) La neve ha smottato. Ha cancellato il sentiero in questo modo. La neige sest boule. Elle a effac le chemin de cette faon. est trompeuse cause de la sous-dtermination de lencapsulateur modo (faon). Intuitivement, lacception dans laquelle se balancer peut tre une faon de marcher, implique quelle soit pensable comme marcher + un trait x ; mais sbouler nest pas facilement descriptible comme effacer un chemin + un trait x. Dans (12c), donc, la relation logique serait quand mme une relation de causalit, bien que la forme linguistique soit particulirement apte exprimer une modalit. A la limite, on pourrait parler dune expression non-prototypique de manire ou dinstrument, si on cherche projeter analogiquement sur la neige une forme dintentionnalit drive et mtaphorique. La manire (cest dire un instrument abstrait ) nest pas une forme de modalit stricto sensu parce quelle peut tre dcrite en tant que faon dexprimer un motif du faire complmentaire la finalit. Ce quon a appel manire , donc, consiste simplement dans lexpression dun motif du faire (projectif, intentionnel) avec un grondif. En dernire analyse, la manire et la modalit se distinguent par le fait que la premire prsuppose une relation de motif et donc des intentions exclues par la deuxime qui, par contre, est substantiellement une relation hyperonyme-hyponyme.
Le grondif simple en italien (14) a. ?Cancellando il sentiero, la neve ha smottato. ?En effaant le chemin, la neige sest boule. b. La neve ha smottato cancellando il sentiero. La neige sest boule en effaant le chemin.
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La structure informationnelle peut donc tre employe pour orienter linterprtation entre ceux deux alternatives : le degr dintgration intonative et lordre linaire seront exploits pour suggrer un degr dintgration smantique et donc des relations logiques possibles. A la lumire de 1, (14b) serait lu comme une pseudo-conscutive :
(15) La neve ha smottato e cos ha cancellato il sentiero. La neige sest boule et elle a effac le chemin.
et (14a) bien quavec un certain effort peut tre interprte comme un motif du dire :
(16) a. Cancellando il sentiero la neve deve aver smottato. En effacent le chemin, la neige doit stre boule. b. Poich ha cancellato il sentiero, (dico che) la neve ha (abbia) smottato. Puisque la neige a effac le chemin, (je dis que) elle sest boule.
puisque la position de setting (antpos ou postpos) est apte suggrer des relations avec une intgration smantique rduite ou, comme dans ce cas, nulle. Les observations immdiatement prcdentes nimpliquent pas que dans (14a) une interprtation de cause effet soit exclue (bien que il faille alors justifier la structure informationnelle incohrente) et encore moins que dans (14b) une interprtation de motif du dire soit exclue. Cependant, on doit remarquer que si dans (14a) la sparation des sujets facilite linterprtation mtalinguistique, comme en tmoigne (17),
(17) Cancellandosi il sentiero, la neve ha smottato. En seffaant le chemin, la neige sest boule.
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qui organisent paradigmatiquement les relations logiques possibles. Si pour chacun nonc on peut conduire un discours identique au prcdent, en ce qui concerne la choix entre 2 ou 3, linterprtation sollicite est toujours celle qui est cohrente avec la structure informationnelle : dans (19a), par exemple, on peut infrer un motif du dire en prsupposant 3, mais loption causale qui prsuppose 2 est certainement sollicite 17. Les exemples (20) ci-dessous se distinguent de (19) parce que terminare (terminer) slectionne le modle 3. :
(20) a. *Terminando la sua corsa contro un muretto, lauto ha sbandato. En terminant sa trajectoire contre un petit mur, la voiture a fait une embarde. b. Lauto ha sbandato terminando la sua corsa contro un muretto. La voiture a fait une embarde en terminant sa trajectoire contre un petit mur. c. *Lauto termin la sua corsa contro un muretto e sband. La voiture termina sa trajectoire contre un petit mur et fit une embarde. d. Lauto sband e termin la sua corsa contro un muretto. La voiture fit une embarde et termina sa trajectoire contre un petit mur 18.
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R. Solarino (cf. Solarino 1992 : 161) appelle ce phnomne gerundio di posteriorit. Pour nous, il sagit dun cas particulier du phnompne que nous dcrivions ci-dessus en 2.2.1. On remarquera quil y a un phnomne analogue avec la subordination pauvre: (20e) *Per terminare la sua corsa contro un muretto, lauto sband. Pour terminer sa trajectoire contre un mur, la voiture fit une embarde.
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Puisque le statut de la subordonne est celui de l effet , on se retrouve ici dans un cas analogue (14) et la seule lecture possible (bien que difficile) pour (20a) est celle o le grondif exprime un motif mtalinguistique. Dautre part, si on renverse la subordination, on se retrouve dans un cas analogue (12) :
(21) a. Sbandando, lauto termin la sua corsa contro il muretto. En faisant une embarde, la voiture termina sa trajectoire contre un petit mur. b. Lauto termin la sua corsa contro il muretto, sbandando. La voiture termina sa trajectoire contre un petit mur, en faisant une embarde.
2.3. La relation de co-location spatio-temporelle 2.3.1. Un seul modle cognitif admis Une relation de contemporanit (ou co-location) ne prsente aucune sorte de structure interne : en consquence, affirmer quun moment est contemporain lautre ou vice-versa (instruction I.1) est substantiellement quivalent. En prsupposant le modle
1 = les processus de se promener vers la maison et lire les panneaux publicitaires sont contemporains et logiquement distincts
dans les exemples (22) 19, aucune forme diconicit ne sapplique et les deux niveaux de schmatisme du grondif se vident de leur fonction dlaboration conceptuelle :
(22) a Giorgio camminava verso casa leggendo i cartelloni pubblicitari. Georges se promenait vers sa maison en lisant les panneaux publicitaires. b. Leggendo i cartelloni pubblicitari, Giorgio camminava verso casa. En lisant les panneaux publicitaires, Georges se promenait vers sa maison. c. Giorgio leggeva i cartelloni pubblicitari camminando verso casa. Georges lisait les panneaux publicitaires en se promenant vers sa maison. d. Camminando verso casa, Giorgio leggeva i cartelloni pubblicitari. En se promenant vers sa maison, Georges lisait les panneaux publicitaires.
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Que Solarino (1992: 159) appellerait gerundio di inclusione. Je ne considre pas ici, par manque despace, les complications dues aux problmes daspect (ponctuel vs. duratif).
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2.3.2. Deux modles cognitifs admis Les exemples (23) 20 sont peut-tre plus intressants :
(23) a. Giorgio entr nella stanza facendo un inchino. Georges entra dans la salle en faisant la rvrence. b. Facendo un inchino, Giorgio entr nella stanza. En faisant la rvrence, Georges entra dans la salle. c. Entrando nella stanza, Giorgio fece un inchino. En entrant dans la salle, Georges fit la rvrence. d. Giorgio fece un inchino entrando nella stanza. Georges fit la rvrence en entrant dans la salle.
A la lumire de 2, (23) seront tous quivalents. A la lumire de , dans (23a) et (23b) la subordonne exprime une modalit et la structure informationnelle na pas un poids significatif dans la cration du signifi :
(24) Giorgio fece un inchino. Entr nella stanza in questo modo. Georges fit la rvrence. Il entra dans la salle de cette faon.
Mais dans (23c) et (23d), o la lumire de le sens de la subordination serait invers, linfrence de rsulte impossible 21 :
20
21
Pour lesquels R. Solarino (cf. Solarino 1992 : 160) parlerait de gerundio di coincidenza. Si on exclut la manire parce quelle est lie au sens de la subordination a fortiori : en tant une certaine expression linguistique dune relation de motif les exemples (23) (mais aussi (8a) vs. (10a)) montrent que la modalit semble la seule relation logique dtruite par une inversion du sens de la subordination : soit la cause, soit la succession spatio-temporelle, en effet, peuvent filtrer dans les deux sens (en tant bloques ventuellement par la structure informationnelle ou lordre linaire). Si la modalit est lexicalise, lincohrence de liconicit syntaxique produit une redondance : (i) ??Sussurrava parlando. (ii) ??Il murmurait en parlant. (iii) ??Sussurrava quando parlava. (iv) ??Il murmurait quand il parlait.
Le grondif simple en italien (25) *Giorgio entr nella stanza. Fece un inchino in questo modo. Georges entra dans la salle. Il fit la rvrence de cette faon.
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En synthse comme prvu par linstruction (I.2) dans (23a) et (23b) la lecture modale (cest--dire ) est sollicite cause du plus haut degr dintgration smantique et dans (23c) et (23d) on a une lecture ncessairement circonstancielle (cest--dire 2) :
(26) a. Quando entr nella stanza, Giorgio fece un inchino. Quand il entra dans la salle, Georges fit la rvrence. b. Giorgio fece un inchino quando entr nella stanza. Georges fit la rvrence quand il entra dans la salle.
3. Lincompatibilit entre grondif et surcodage 3.1. Le rapport avec la conscution Je considrerai finalement la difficult du grondif exprimer les relations logiques qui ncessitent, pour tre exprimes, un certain niveau de surcodage : la conscution (dans ce paragraphe) et la finalit (cf. infra, 3.2) 22. En ce qui concerne le rapport entre grondif et conscution, considrons (27) :
(27) Lauto ha sbandato cos tanto che finita contro un muro. La voiture a fait une embarde si forte quelle a fini contre un mur.
et remarquons quon peut dcrire les exemples (28) ci-dessous de la mme manire que (27), mais sans la structure intensificateur + que , cest--dire sans que lide de seuil qui caractrise la conscution nintervienne 23 :
22
23
La concession, qui a besoin seulement dun cadre syntaxique minimal, c'est-dire la coordination avec et, mrite une considration part. Le grondif pour lexprimer sans le pur ncessite que la subordonne soit en position rhmatique intonativement intgre : en effet, si on compare (a), (b) et (c) a. Essendo i pi deboli, hanno vinto. En tant les plus faibles, ils ont vaincu. b. Hanno vinto, essendo i pi deboli. Ils ont vaincu, en tant les plus faibles. c. Hanno vinto essendo i pi deboli. Ils ont vaincu en tant les plus faibles. on constate que cest seulement dans (c) quon infre sans problme une concession ; dans (a) et (b) on parlerait plutt dopposition, comme dans une juxtaposition simple. Cf. Cuzzolin (1996 : 103-45) pour plus de dtails sur la relation de conscution.
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(28) a. Lauto sband ampiamente terminando la sua corsa contro un muro. La voiture fit une grande embarde en terminant sa trajectoire contre un mur. b. Lauto sband ampiamente per terminare la sua corsa contro un muro. La voiture fit une grande embarde pour terminer sa trajectoire contre un mur.
Toutefois, cela nimplique pas que (28a) et (28b) soient quivalents (29) :
(29) a. Lauto sband ampiamente. Termin la sua corsa contro un muro. La voiture fit une grande embarde. Elle termina sa trajectoire contre un mur. b. Lauto sband ampiamente e termin la sua corsa contro un muro. La voiture fit une grande embarde et termina sa trajectoire contre un mur.
Dans (29), leffet de bas-relief du labsence dune perspective informationnelle globale conduit parler, plutt que de conscution, dune simple relation causale exprime avec une perspective objective. Dans (28), par contre, le lien de subordination (o le grondif accueille leffet et la principale la cause), avec la proposition dpendante en premire plan, intonativement intgre, suggre un climax analogue celui de (27). En ce qui concerne la diffrence entre (28a) et (28b), on remarquera que dans (28b) la structure per/pour + infinitif en raison de son caractre directionnel particulirement apte exprimer des finales peut suggrer une nuance de destination qui reste exclue dans (28a). 3.2. Le rapport avec la finalit 24 La question du rapport entre grondif et finalit peut tre synthtiquement pose en observant les jugements de cohrence dans les exemples suivants :
(30) a. Ha studiato per superare lesame, e lha superato / ma non lha superato. Il a tudi pour russir lexamen, et il la russi / mais il ne la pas russi. b. *Ha studiato superando lesame, e lha superato / ma non lha superato. Il a tudi en russissant lexamen, et il la russi / mais il ne la pas russi.
24
E. Manzotti (2002 : 234) souligne la radicalit de lincompatibilit entre grondif et finalit. Etant donn le continuum sous-codagesur-codage dans un rgime de codification ponctuelle (voir la note 24), le grondif, cause de son indtermination smantique, se place au ple sous-codage alors que la structure per/pour + infinitif se place vers le ple surcodage . Le point est que la relation de finalit est exprimable seulement partir dun degr de codification pareil celui de la structure per/pour + infinitif .
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o (30b) est redondant (dans la version avec et) ou contradictoire (dans la version avec mais) 25. A cette observation on peut ajouter immdiatement lquivalence dans llaboration des exemples (31) :
(31) a. Il sentiero proseguiva ancora qualche metro per perdersi (poi) nel bosco. Le sentier continuait encore quelques mtres pour se perdre (ensuite) dans le bois. b. Il sentiero proseguiva ancora qualche metro perdendosi (poi) nel bosco. Le sentier continuait encore quelques mtres en se perdant (ensuite) dans le bois.
qui expriment une succession spatio-temporelle. Lvaluation des formes spcifiques de lincohrence dans (30b) redondance et contradiction et de lquivalence dans (31), suggre lide que le grondif au contraire de la structure per/pour + infinitif a une composante factuelle 26. La consquence, videmment, serait que puisquune relation finale suspend la ralisation du contenu de lintention, elle ne peut pas tre exprime par le grondif. Cependant, mon avis, cette hypothse mnerait une impasse. Sil est hors de discussion que le grondif ne sollicite aucune suspension de vrit, il est toutefois clair quil ladmet, et notamment dans ses interprtations conditionnelles. Limpasse est donc que dans (30b) bien quil y ait un sujet intentionnel une suspension de la vrit est exclue, mais elle reste pourtant possible dans (32) :
(32) a. Si salver dal labirinto svoltando a destra. Il se sauvera du labyrinthe en tournant droite. b. Si salverebbe dal labirinto svoltando a destra. Il se sauverait du labyrinthe en tournant droite. c. Si salva dal labirinto svoltando a destra 27. Il se sauve du labyrinthe en tournant droite.
A ces observations, il faut aussi ajouter une autre remarque. Si la vacuit smantique du grondif peut impliquer son incompatibilit avec une relation qui ncessite un certain type de surcodage cest dire la relation de finalit elle nimplique pas que le grondif soit incompatible avec lide de
25
26
27
On observera que si linterprtation sollicite dans le premier membre de (30a) est videmment celle de la finalit, une lecture identique celle du premier membre de (30b) est cependant admise : dans (30a), donc, la coordonne slectionne la lecture sollicite. A ce propos, on notera incidemment quen anglais, les grondifs sont supports par les prdicats factifs. On notera que tous ces exemples partagent le paradigme infrences sollicites vs. admises avec leur contreparties prototypiques.
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finalit tout court 28 : et, notamment, il peut estomper une nuance finale quand le concept de but est contenu dans la racine du verbe. Cela ne signifie pas que dans les exemples (33) :
(33) a. Ha studiato desiderando superare lesame. Il a tudi en dsirant russir lexamen. b. Ha studiato con il desiderio di superare lesame. Il a tudi avec le dsir de russir lexamen.
il y ait une relation finale, mais plus simplement que leur interprtation est directement lie. Jentends par l que si lon dit que, dans (33b), il y a un complment de but (comme le soutiennent les grammaires scolaires), on devrait affirmer que dans (33a) il y a une relation pseudo-finale (bien quavec une rfrence aux intentions) ; et si on dit que (33a) a quand mme un caractre de motivation, on devrait affirmer la mme chose de (33b) 29. A mon avis, donc, la question nest pas que le grondif codifie la factivit de sa proposition (vraisemblablement, il se limite la solliciter), ni quil est incompatible avec lide de fin. Il semblerait plutt que le grondif ne puisse pas exprimer une relation finale pour des raisons non intrinsques, dues la structure conceptuelle de la relation logique. On peut argumenter en faveur de cette thse comme suit. Une finale comme (34) :
(34) Ha studiato per superare lesame. Il a tudi pour russir lexamen.
28
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Et cela a fortiori : si le grondif ne codifie aucun contenu, il ne peut pas tre incompatible avec nimporte quel contenu. On ne considre pas la (discutable) nuance finale des interprtations nonciatives comme (4). A ce propos, il peut tre intressant de relever le fait phnomnologique suivant : il est vrai qu y regarder de plus prs, pour (33), on devrait parler de relation de motivation du dsir sur le sujet. Mais il est vrai aussi que cela demande une rflexion ; or devant (33), lattitude naturelle est de sentir une finalit vers laquelle le sujet se dplace, et non de voir un sujet et une cause psychologique de son action. La raison en est claire : le but est un motif (projectif). Donc en excluant le cas nonciatif de (4) un exemple comme (33a) est, peut-tre, la seule vritable exception la rgle que le grondif nexprime pas la finalit. Une exception, cependant, pleinement justifie : parce que le dsir est lui-mme un nom inhrent lide de but et donc dans ce cas et dans ce cas seulement il ny a pas besoin de la structure per/pour + infinitif laquelle, en effet, est refuse. La preuve en est que si je lapplique (33) je dtruis la nuance finale et je reviens une perspective causale : Ha studiato per il desiderio di superare lesame. Il a tudi pour le dsir de russir lexamen.
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travers la structure per/pour + infinitif de (34). Or, si (35) est la structure conceptuelle quon doit infrer pour voir une relation finale dans (34), il est clair que (35) peut tre cohrent entre autres si on se fonde sur le fait quil y a une relation causale (le moyenbut) entre tudier et russir lexamen : si on ne prsuppose pas cette relation, le dsir qui motive laction en (35) et donc la finalit en (34) devient incomprhensible. Mais quand on relie avec le grondif ou avec une coordination simple les processus tudier et russir lexamen , on fait merger exactement cette mme relation de cause (sous forme de consquence ou manire) :
(36) a. Ha studiato superando lesame. Il a tudi en russissant lexamen. b. Studiando, ha superato lesame. En tudiant, il a russi lexamen. c. Ha studiato e ha superato lesame. Il a tudi et il a russi lexamen.
La conclusion est donc quon peut avoir une lecture finale dans (34) parce quil y a une consquence dans (36a) ; et, vice-versa, dans (36a) on a ncessairement une relation de consquence si on a une relation finale dans (34). En termes plus gnraux, si on a une relation finale, cest aussi parce quon prsuppose quil y a une relation causale possible (ou de moyen but ) entre laction et le contenu de lintention ; donc, si lon relie ces deux lments simplement 31 comme cest le cas avec le grondif ou la coordination et cette relation ne peut pas ne pas merger. La vraie question, alors, nest pas de savoir pourquoi le grondif nexprime pas la finalit, mais pourquoi la structure per/pour + infinitif peut lexprimer : le problme ne concerne donc pas le grondif en soi (ou la coordination), mais la composante de codage ncessaire lexpression de la finalit, qui est contenue dans pour 32.
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Il sagit dun motif du faire prospectif intentionnel. Pour cette analyse je renvoie Prandi (2004 : 320-44). Jentends : avec un moyen linguistique dplac au pole du sous-codage (voir la note 24). Et sur cette question je renvoie Gross & Prandi (2004 : 217-25).
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Rfrences Conte, M. E. (1999). Condizioni di coerenza, Alessandria: Edizioni dellOrso. Cuzzolin, P. (1996), La proposizione consecutiva dellItaliano, Studi Italiani di Linguistica Teorica e Applicata XXV 1: 103-151. Ferrari A., (ed), (2004). Il testo nella lingua la lingua nel testo, Torino: Istituto dellAtlante Linguistico Italiano. Gross, G. ; Prandi, M. (2004). La finalit Fondements conceptuels et gense linguistique, Bruxelles : De Boeck / Duculot. Halmy, J. O. (1982). Le grondif Elments pour une description syntaxique et smantique, Trondheim : Tapir. Jansen, H., (ed.), (2002). Linfinito & oltre, Odense: Odense University Press. Manzotti, E. (2002). Sulla negazione delle subordinate gerundive, in : H. Jansen, (ed.), 317-333. Moretti B. ; Petrini D. ; Bianconi S., (ed.), (1992). Linee di tendenza dellItaliano contemporaneo, Roma : Bulzoni. Prandi, M. (2004). The building blocks of meaning, Amsterdam Philadelphia : John Benjamins. Solarino, R. (1992). Fra iconicit e paraipotassi: il gerundio nellItaliano contemporaneo, in : B. Moretti ; D. Petrini ; S. Bianconi, (ed.), Linee di tendenza dellItaliano contemporaneo, Roma : Bulzoni, 155-160. Zampese, L. (2004). Aspetti semantico-testuali del gerundio modale in apertura di frase, in: A. Ferrari, (ed.), Il testo nella lingua la lingua nel testo, Torino: Istituto dellAtlante Linguistico Italiano, 79-116.
1. Remarques introductives Dans la grammaire latine on identifie, parmi les nombreux et diffrents emplois de la conjonction cum suivie de lindicatif, un cas particulier trait le plus souvent sous ltiquette de cum 1 inversum. Cet emploi inverse de cum se distingue par un certain nombre de caractristiques formelles et surtout par sa valeur smantique, qui est dcrite dans un manuel universitaire courant de la faon suivante :
il s'emploie [= le cum inverse] pour introduire un vnement qui se prsente de facon subite ou inattendue. La phrase introduite par cum suit la principale. Dans celle-ci on trouve frquemment des adverbes comme vix, aegre, nondum [...]. Par contre, pour signaler avec plus de force le caractre inattendu de l'action on renforce la phrase introduite par cum avec des 2 adverbes comme repente, subito (Bassols de Climent M. 1983, 326-327 , 3 notre traduction )
Le cum latin dans ce cas a comme correspondant italien le terme quando, que je traduirai indiffremment en franais comme quand ou lorsque. Lauteur remarque de plus que la mme construction existe en espagnol, et cite lexemple suivant : estaba dentro de una tienda dudoso de lo que habia de hacer, cuando las voces y algazara de los que bailaban le sac de su tienda (Ferran Jimnez). Texte original: se emplea [= el cum inverso] para introducir un incidente que se presenta repentina o inesperadamente. La oracin introducida por cum sigue a la principal. En esta figuran con frecuencia adverbios como vix, aegre, nondum []. Para sealar con mas fuerza lo inesperado de la accin se refuerza a veces la oracin introducida con cum mediante adverbios como repente, subito . Texte original : hier enthlt der cum-Satz den Hauptgedanken und bezeichnet meistens den Eintritt einer pltzlichen oder unerwarteten Handlung (daher oft mit desubito [] subito [] repente [] etc.) Cahiers Chronos 19 (2007) : 145-157.
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Laura Baranzini
Les lments de discrimination dcisifs pour dfinir cet emploi par rapport aux autres emplois de cum suivi dun verbe lindicatif sont donc la prsence de lvnement principal dans la proposition introduite par cum et le caractre soudain ou inattendu de celui-ci (qui peut tre typiquement renforc par la prsence de certains adverbes dans la deuxime proposition, qui est toujours celle introduite par le cum). Un exemple de ce type de construction est prsent en 1 :
(1) Iamque haec facere noctu apparabant, cum matres familiae repente in publicum procurrerunt, flentesque proiectae ad pedes suorum omnibus precibus petierunt (Csar, De bello gallico, 7,26,3). Ils faisaient dj leurs prparatifs, la nuit venue, quand soudain les mres de famille accoururent sur les places et se jetant, en larmes, leurs pieds, les supplirent de mille faons.
On retrouve cette mme construction dans nombre de langues, parmi lesquelles litalien, o ce type demploi de quando est trs frquent mais na presque pas fait lobjet dtudes systmatiques. Il mimporte ici de revenir sur la description qui a t propose de ce phnomne pour dautres langues, en particulier pour le franais, en soulignant limportance de larticulation des diffrents niveaux linguistiques. Plus prcisment je marrterai sur quelques proprits syntaxiques, smantiques et informationnelles qui contribuent esquisser une description globale du fonctionnement de quando dans ce type de constructions. 2. Les subordonnes temporelles canoniques Rappelons tout dabord les proprits principales qui caractrisent lemploi canonique de quando dans une subordonne temporelle circonstancielle telle que 2, 3, 4 ou 5 :
(2) Quando si accorse che erano gi le sei, Luca decise di tornare a casa. Quand il saperut quil tait dj six heures, Luca dcida de rentrer chez lui. Quando ero giovane pensavo che tutto fosse facile. Quand jtais jeune je croyais que tout tait simple. Luca decise di tornare a casa quando si accorse che erano gi le sei. Luca dcida de rentrer chez lui quand il saperut quil tait dj six heures. Pensavo che tutto fosse facile quando ero giovane. Je croyais que tout tait simple quand jtais jeune.
(3) (4)
(5)
Cette structure (quando q, p) est normalement dcrite syntaxiquement par exemple dans Giusti (1991) comme une structure articulant une proposition
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principale et une proposition subordonne ou une proposition principale et une ralisation propositionnelle dun constituant circonstanciel de celle-ci, en loccurrence dun syntagme valeur temporelle. La proposition circonstancielle aurait donc dans la phrase la mme fonction logique quun complment circonstanciel de temps 5, ce qui conduit dailleurs G. Giusti (1991) considrer ces subordonnes comme des propositions relatives dpourvues dantcdent lexical. Ce rapport de subordination se retrouve galement au niveau smantique, o p est toujours principal par rapport q. Smantiquement, en effet, q a la fonction de prsenter les circonstances, le cadre temporel darrire-plan lintrieur duquel ltat de choses dcrit par p est pertinent. Il existe quelques contraintes de consecutio temporum entre les deux propositions, mais la construction permet une bonne libert demploi de temps verbaux diffrents que lon retrouve aussi bien dans la proposition principale que dans la subordonne. Les exemples 4 et 5 montrent que q peut tout aussi bien prcder que suivre la proposition principale. Linformation est articule dans lnonc de la faon suivante : q est thmatique sil est antpos p ou sil se trouve droite mais en position disloque , spar par une virgule ou dotant dintonation montante la dernire partie de p selon le contexte diamsique. Lorsque q suit p et lnonc est caractris par une intonation neutre (labsence de marque de ponctuation lcrit ne me parat pas forcment dcisive, ladquation au contexte restant llment le plus contraignant pour linterprtation informationnelle) q se retrouve en position rhmatique. Dans ce cas il vhicule plus souvent une information nouvelle et peut avoir plus facilement une valeur contrastive. La proposition garde cependant sa fonction logique de localisateur temporel et son statut syntaxiquement et logiquement subordonn. 3. Les subordonnes inverses Dans certaines conditions une proposition introduite par quando assume un comportement et une valeur smantique diffrents dans lnonc, comme le montrent les exemples suivants :
(6) (7) Cappuccetto camminava nel bosco. Quando apparve il lupo. Le Petit Chaperon Rouge marchait dans les bois. Quand le loup apparut. Dormivo profondamente, quando a un tratto Pietro entr nella stanza. Je dormais profondment, quand soudainement Pietro entra dans la pice.
Pour ce type de construction on parle gnralement de quand inverse ou, plus traditionnellement, de subordination inverse 6, et on lui attribue un certain
5
Bien que A. Borillo (1998) montre quil existe quand mme des diffrences de comportement entre ces deux ralisations. Celui de quando est un des cas de subordination inverse.
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Laura Baranzini
nombre de caractristiques qui la diffrencient fortement de la structure circonstancielle canonique. Une premire observation importante rside dans le fait que lantposition de q p nest plus admise. Ce phnomne de subordination inverse est reconnu principalement dans le fait que le rapport hirarchique pos par la syntaxe entre p et q, et maintenu au niveau smantique en employant un quando circonstanciel, sinverse smantiquement. ce propos F. Agostini (1978) remarque en effet que la proposizione che formalmente (ma non logicamente) principale esprime unazione durativa [] nella quale viene a incidere lazione della subordinata introdotta da quando [], che rappresenta dal punto di vista logico levento principale . Donc non seulement la proposition syntaxiquement subordonne est logiquement principale, mais en plus un certain type de fonction circonstancielle de temps va tre assume par p. C. Touratier (1994) dcrit cette inversion en expliquant que
il arrive que la relation temporelle entre le procs principal et le procs subordonn ne tende pas dater le premier, mais plutt prsenter le contexte vnementiel dans lequel sest produit le second, qui est alors llment informatif le plus important, parce quinattendu .
On reviendra par la suite sur cette ide dinversion qui nest pas tout fait convaincante. Du point de vue smantique on peut donc retenir les deux lments principaux de cette structure dans lide dincidence soudaine dun vnement dans un tat de choses et dans un effet de surprise. Il sagira donc de distinguer la valeur smantique premire de la construction des effets de sens quelle dclenche et de voir de quelle manire ceux-ci sont activs. Une circonstancielle temporelle est prsuppositionnelle et fait fonctionnellement partie, comme on la vu plus haut, de la proposition principale en tant que constituant de phrase . R. Declerck (1997) et A. Le Draoulec (2003) montrent que dans une structure inverse q nest plus prsuppositionnel mais assert, et on a affaire deux prdications distinctes. Dans ce cas quando assume donc la fonction connective de relier les deux propositions partageant un mme statut assertif (Vogeleer 1998). De quel type de connecteur sagit-il ? Les nombreux effets de sens dclenchs par cet emploi de quando portent croire que sa valeur est plus riche quun simple lien temporel, mais il faut voir dans quelle mesure ces significations font partie du connecteur et ne sont pas induites ou plus facilement vhicules par ce type de construction. Lide dopposition, par exemple, est trs fortement lie au quando inverse et lon retrouve dans les dictionnaires un quando oppositif clairement distingu du quando temporel 7.
Je ne prends pas en compte ici lemploi oppositif de quando dans un nonc tel que Mi stai rimproverando quando sei tu ad essere nel torto qui se traduirait
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En ce qui concerne les temps verbaux, on remarque que les restrictions demploi sont plus nombreuses par rapport la construction avec un quando circonstanciel. On parle gnralement de la ncessit davoir une action durative en p et non-durative en q. S. Vogeleer (1998), en outre, parle dun effet terminatif de q sur p, au sens o laction ponctuelle introduite par q cause larrt de la phase durative exprime par p. On verra que cette ide doit tre corrige ou modalise. En conclusion on remarque que la structure informationnelle change radicalement dans ce type demplois. La proposition q ne peut pas tre thmatique et introduit typiquement une information nouvelle. En mme temps il est impossible (contrairement une subordonne circonstancielle) de la mettre en position focale en linsrant dans une structure clive ou en lui antposant un intensificateur tel que solo ou proprio. La possibilit de lui donner une valeur constrastive est galement exclue. Ces comportements amnent S. Vogeleer (1998) affirmer quil ne sagit ni dun lment thmatique ni dun lment rhmatique. Ce cas particulier, qui serait peuttre un unicum dans la langue, mrite une attention particulire. Jai rsum les caractristiques principales qui sont normalement associes au quando inverse. Jaimerais maintenant revenir et marrter sur celles qui me paraissent les plus remarquables ou problmatiques, pour proposer une description partiellement diffrente de ce phnomne. 3.1. Statut syntaxique En ce qui concerne le statut syntaxique de q on peut partir des observations suivantes : on a vu que la proposition na pas dans ces constructions de fonction circonstancielle. En outre il est impossible de la thmatiser et de la focaliser, cest--dire de la traiter en tant que constituant de la proposition principale p, comme le montrent les exemples 13 15 en regard de 8 12. De ce fait q ne peut pas rpondre une question portant sur les coordonnes temporelles de p (16 vs 17) mais peut seulement rpondre une question qui mettrait le contenu de p sous-forme de circonstancielle temporelle et le contenu de q en tant que prdication. La question se pose alors de la nature syntaxique de ce type de propositions, qui ne sont pas argumentales et noccupent pas la position dun constituant circonstanciel dpendant de la proposition principale. Il est donc important de souligner une dpendance syntaxique beaucoup plus faible de la principale par rapport une subordonne circonstancielle.
de prfrence par tandis que ou par alors que : Tu me fais des reproches tandis que cest toi qui as tort .
Laura Baranzini Quando arrivai al concerto, scoppi il temporale. Quand jarrivai au concert, lorage clata. quando arrivai al concerto che scoppi il temporale. Cest quand jarrivai au concert que lorage clata. Proprio quando arrivai al concerto scoppi il temporale. Juste quand jarrivai au concert lorage clata. Quando arrivai al concerto (e non quando partii), scoppi il temporale. Quand jarrivai au concert (et non pas quand je partis), lorage clata. Mi preparavo ad uscire, quando scoppi il temporale. Je mapprtais sortir, quand lorage clata. * quando scoppi il temporale che mi preparavo ad uscire 8. Cest quand lorage clata que je mapprtais sortir. *Mi preparavo ad uscire, proprio quando scoppi il temporale. Je mapprtais sortir, juste quand lorage clata. *Mi preparavo ad uscire, quando scoppi il temporale (e non quando arriv Luca). Je mapprtais sortir, quand lorage clata (et non pas quand Luca arriva). A : Quando scoppi il temporale ? B : Quando arrivai al concerto. A : Quand lorage clata-t-il? B : Quand jarrivai au concert. A : Quando ti preparavi ad uscire ? B : *Quando scoppi il temporale. A : Quand tapprtais-tu sortir ? B : Quand lorage clata.
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(17)
Je propose ici de considrer non seulement que le rapport de dpendance entre p et q est plus faible dans une construction inverse, mais que la relation entre les deux propositions se rapproche dune coordination 9. Considrons les exemples suivants :
(18) (19) (20) Quand la porte souvrit et quun homme entra, le serveur se mit crier. ?Quand la porte souvrit et un homme entra, le serveur se mit crier. ?Jtais assis dans mon bistro habituel, quand la porte souvrit et quun homme entra. Lagrammaticalit des noncs en 13, 14, 15 et 17 est bien videmment lie linterprtation inverse ; lagrammaticalit disparat au moment o on considre les propositions introduites par quando comme des subordonnes temporelles canoniques. En outre, rappelons que la proposition introduite par quando inverse, contrairement aux subordonnes temporelles, a toujours un statut assertif, et ne peut pas tre prsuppositionnelle. (Declerck 1997 et Le Draoulec 2003)
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Jtais assis dans mon bistro habituel, quand la porte souvrit et un homme entra 10.
En franais on prfre normalement, quand on a deux subordonnes coordonnes entre elles, antposer un que la deuxime proposition, comme le montre la diffrence dacceptabilit entre 18 et 19. La prsence de que est par contre impossible dans une proposition coordonne. Les exemples 20 et 21 montrent que dans le cas dune construction inverse la variante sans que est beaucoup plus acceptable : on va donc traiter les constructions avec quando inverse comme des structures articulant deux propositions syntaxiquement coordonnes 11. On retrouve dailleurs dans quelques grammaires latines (par exemple dans Juret 1926 et dans Nehring 1930) des rfrences plus ou moins explicites cette interprtation syntaxique. 3.2. Statut informationnel Le fait denvisager un rapport de coordination entre p et q permettrait peuttre aussi dexpliquer lapparent paradoxe informationnel du quand inverse, cest--dire le fait que la proposition introduite par quando ne parat tre ni thmatique ni rhmatique. Le problme serait pos par la volont dattribuer une valeur informationnelle <q par rapport p>, alors que la question mme dune articulation informationnelle intra-phrastique perdrait sa pertinence si on postulait deux units distinctes. On dira donc que q a une articulation thme-rhme propre, autonome, en tant que nouvelle unit, et ses rapports informationnels par rapports p sont dordre discursif et non phrastique. ce propos on peut remarquer que la structure avec quando inverse diminue la saillance du thme de q, mme si celui-ci se trouve en position prverbale. La proposition q prsente un vnement dans sa globalit, plutt quune prdication propos dun objet de discours, ou alors ce thme est rechercher dans le cotexte prcdent, en p. En outre, lvnement introduit par q dans sa totalit est prsent en tant quinformation nouvelle (ce qui est en relation avec leffet souvent mentionn de surprise). Au niveau de lenchanement des noncs larticulation informationnelle intra-phrastique de q (et donc la prdication propos de llment topical lintrieur de q) passe en arrire-plan et cest la
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Je remercie Bertrand Sthioul pour ces exemples et le dveloppement de cette ide. Il faut remarquer ce propos quune langue comme lallemand qui marque la hirarchie syntaxique par lordre des constituants prsente dans ces constructions inverses lordre typique des subordonnes. La situation nest donc pas forcment gnralisable toute langue. Dans notre hypothse de travail on a considr le quando italien et ses variantes franaises comme prsentant les mmes caractristiques et les mmes conditions demploi.
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distribution textuelle de linformation dans la structure entire (p quando q) qui simpose lattention. Ltat de choses dcrit en p assume donc le rle de situation darrire-plan (active cognitivement et ractualise par q) situation circonstancielle thmatique par rapport q - qui introduit la prdication et est donc rhmatique au niveau discursif. Il est intressant de remarquer ce propos la forte ressemblance que cette structure prsente avec les propositions introduites par ed ecco/ed ecco che (et voil/ et voil que) ecco est dailleurs une expression dmonstrative rhmatisante qui accompagne trs souvent le quando inverse. Dans sa grammaire de la langue latine Juret (1926) parle de cet emploi de cum comme dun emploi o la conjonction assume un sens dmonstratif. Ceci irait dans la direction propose de voir ces construction comme discursivement semi-prsentatives. Cette interprtation informationnelle semble pouvoir fonctionner aussi pour les variantes avec et non intgr. Pour rsumer, on a donc une superposition de deux diffrents niveaux darticulation informationnelle. Au niveau intra-phrastique la proposition introduite par quando a sa propre articulation thme-rhme (dans 22 par exemple le thme serait llment rfrentiel pr-verbal Pietro propos duquel je fais la prdication entr nella stanza). Mais la connexion trs forte entre p et q porte au premier plan une articulation un niveau suprieur, textuel. La proposition q rpondrait donc dans cette perspective une question comme que se passa-t-il ? ou que vit Giovanni ? et non pas une question comme que fit Pietro ? .
(22) Giovanni dormiva. Quando Pietro entr nella stanza. Giovanni dormait. Quand Pietro entra dans la pice.
3.3. Relation temporelle et relation logique Un problme se pose aussi par rapport aux choix tempo-aspectuels des verbes. Sil est indispensable davoir une action non-durative en q (bien que celle-ci puisse tre exprime par un prsent historique ou par un imparfait narratif), la restriction sur le type de forme verbale employe en p semble tre moins systmatique :
(23) Giovanni entr in casa, quando improvvisamente un quadro si stacc dalla parete. Giovanni entra chez lui, quand soudainement un tableau se dcrocha du mur.
En effet un nonc comme 23 est parfaitement acceptable, mme si le verbe en p est un pass simple. En ralit il est possible de garder lide intuitive selon laquelle il faut une dure de laction de p en faisant lhypothse que lemploi du pass simple focalise le dbut dun tat ; q marquerait donc
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toujours lincidence dun vnement dans un tat duratif (en loccurrence essere a casa/tre chez lui) et lemploi du pass simple ajouterait linformation que lincidence de q a lieu un moment proche du commencement de cet tat. Ceci explique linterprtation de ces noncs au pass simple (ou au pass compos) qui se rapproche de paraphrases telles que era appena entrato in casa (il venait juste de rentrer chez lui). La forte prsence de formes inchoatives au pass simple (si mise a, cominci a/ il se mit , il commena ) porterait dans la mme direction dexplication. Limpossibilit davoir un verbe au prsent en p reste expliquer, et pourrait, selon une hypothse de S. Vogeleer (1998), tre ramene un problme li au point de vue. Considrons maintenant lide de S. Vogeleer (1998) 12 selon laquelle le quando inverse impose une lecture terminative de limparfait de p. En effet dans plusieurs noncs on est oblig (ou fortement sollicit) dinterprter le moment de lvnement de q comme concidant avec le moment final de la dure couverte par limparfait de p. Une partie du sens temporel de quando serait donc maintenue et le rapport basculerait, si on se rfre par exemple la classification propose par A. Borillo (1988), entre une relation de recouvrement partiel et une relation de concidence-antriorit (mais toujours en inversant p et q). En ralit il est possible de dfaire cette infrence terminative en dplaant le point de vue, en ajoutant une instance perceptive pour laquelle lvnement introduit est pertinent :
(24) (25) Giovanni dormiva. Quando Pietro entr nella stanza. Giovanni dormait. Lorsque Pietro entra dans la pice. ?Giovanni dormiva. Quando Pietro entr nella stanza e rimase a guardarlo dormire. Giovanni dormait. Lorsque Pietro entra dans la pice et resta le regarder dormir.
Un exemple comme 24 semble confirmer lide de lecture terminative : en effet on interprte le moment de lentre de Pietro dans la pice o se trouve Giovanni comme interrompant la dure de ltat de dormir prsent en p. Cette interprtation nest pas mon avis impose par la structure inverse mais consiste seulement en une infrence (forte), qui peut donc tre dfaite. Une premire tentative de dfaire cette infrence est prsente en 25, o on explicite lexicalement la continuation de ltat de p. Or, cet nonc nest pas acceptable et parat donc confirmer la premire hypothse. En ralit linacceptabilit de 25 peut tre reconduite un problme diffrent. Si on substitue le verbe rimase avec si mise, par exemple, lnonc devient
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En ralit cette ide est modalise par S. Vogeleer (1998) qui dit quil y a une lecture terminative de limparfait de p mme si, pragmatiquement, il est possible que laction continue.
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beaucoup plus naturel. Lincompatibilit serait donc cause par limpossibilit de faire avancer les vnements, dintroduire un fait nouveau qui change la situation dans sa globalit (en crant cet effet de surprise et d ouverture droite systmatiquement associ aux constructions inverses). Sil nest pas possible denvisager un dveloppement nouveau de laction (pas seulement du point de vue du sujet de p, ce qui imposerait une lecture terminative de limparfait, mais dune instance perceptive quelconque) lnonc parat difficile interprter. Cependant on peut construire une suite telle que 26, o ces conditions narratives sont respectes, tout en poussant linterprtation vers une continuation de ltat de p : lexpression di soppiatto permet dimaginer que Giovanni ne saperoit pas de lentre de Pietro et quil continue donc de dormir.
(26) Giovanni dormiva. Quando Pietro entr di soppiatto nella stanza. Giovanni dormait. Lorsque Pietro entra la drobe dans la pice.
Le changement provoqu par q et ses consquences sont perus par une instance diffrente de Giovanni, mais sont bien prsents. Outre ces exemples, o lon a essay de manipuler un nonc de base qui semblait solliciter une infrence terminative forte, on peut proposer ces trois autres exemples qui montrent clairement limpossibilit de gnraliser cette description :
(27) Giovanni era nella sua camera, quando a un tratto un quadro si stacc dalla parete. Giovanni tait dans sa chambre, lorsque tout coup un tableau se dcrocha du mur. Ero seduto al solito bar, quando improvvisamente Francesco entr e si sedette al mio tavolo. Jtais assis dans mon bistro habituel, lorsque soudainement Francesco entra et sassit ma table. Francesco era ubriaco, quando suo padre torn a casa. Francesco tait ivre, lorsque son pre rentra la maison.
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Dans ces exemples il est impossible de soutenir que laction ou ltat dcrit par p se termine au moment de lincidence de lvnement introduit par q. Pour que la lecture terminative de limparfait soit active il faut donc que les contenus des deux propositions sy prtent, que lvnement dcrit en q soit considr en mesure davoir cet effet sur ltat de choses dcrit en p, de faon cohrente. Il est clair cependant quune structure inverse avec quando facilite, dans certains contextes, cette lecture, bien plus que ne le fait une simple incidence dun vnement dans un tat vhicule par dautres moyens (par exemple une simple juxtaposition), comme le montrent 30 et 31 :
(30) Giovanni dormiva. Pietro entr nella stanza. Giovanni dormait. Pietro entra dans la pice.
Quando en italien : un cas de subordination inverse ? (31) Giovanni dormiva. Pietro entr di soppiatto nella stanza. Giovanni dormait. Pietro entra en cachette dans la pice.
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En 30 rien ne favorise linterprtation terminative par rapport lautre, alors quen 24 on avait vu que linterprtation forte tait celle comportant la fin de ltat de p. En 31 on reprend lnonc 26 et on peut remarquer que dans sa variante sans quando la suite est plus immdiate et requiert moins defforts dinterprtation (mme si on a vu que 26 tait aussi acceptable). Il reste donc rflchir sur cette caractristique de quando qui le diffrencie dune juxtaposition. On pourrait envisager, par exemple, que cette rupture se situe non pas au niveau des contenus propositionnels mais un niveau narratif. Ceci ferait du quando inverse un connecteur qui ajouterait sa composante temporelle un effet de changement situationnel. Cet effet se traduirait souvent par un changement concret de la situation propositionnelle dcrite en p, et parfois par un changement de direction narrative ou argumentative . Leffet de surprise reconnu comme systmatiquement activ par le quando inverse en serait donc en partie une consquence (il est probable que des lments nonciatifs aient aussi une importance pour lactivation de cet effet de sens). On peut ajouter ces observations que F. Sabatini & V. Coletti (1997), parmi dautres dictionnaires et grammaires, parlent pour le quando inverse de valeur oppositive . En effet on peut souvent remplacer quando par ma et on retrouve des noncs o il y a incidence dun vnement dans un tat de choses pralable qui sont introduits par ma. En (32), par exemple, on peut dire que lopposition cre par ma ne se fait pas directement entre les contenus des deux propositions mais au niveau de direction argumentative :
(32) Cappuccetto camminava nel bosco, ma apparve il lupo. Le Petit Chaperon rouge marchait dans les bois, mais le loup apparut.
3.4. Fragmentation nonciative En conclusion jaimerais rappeler un autre niveau danalyse quil serait utile daborder pour comprendre le phnomne du quando inverse dans sa globalit, cest--dire la segmentation illocutoire et prosodique des units formant ce type de structures. On retrouve dans la langue crite une alternance entre des formes comme :
(33) (34) (35) (36) Francesco era ubriaco quando suo padre torn a casa. Francesco tait ivre quand son pre rentra la maison. Francesco era ubriaco, quando suo padre torn a casa. Francesco era ubriaco. Quando suo padre torn a casa. Francesco era ubriaco. Quandecco che suo padre torn a casa. Francesco tait ivre. Quand voil que son pre rentra la maison.
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On constate d'emble quil y a des degrs dintgration diffrents. Si on admet comme on a essay de le montrer quil ny a jamais dintgration syntaxico-smantique forte, on remarque cependant quon peut avoir des intgrations illocutoires diffrentes. Une subordonne circonstancielle temporelle (sans rupture prosodique ou ponctuation forte) est intgre et ne provoque pas de monte intonative sur la partie finale de p. Le quando inverse cre toujours une rupture informationnelle mais peut ne pas crer deux actes illocutoires distincts (34). Par contre en 35 et 36 on a une rupture illocutoire et deux actes distincts. Dans ces cas-l le pouvoir de q de ractiver, ractualiser p dans sa totalit en tant que circonstance, arrire-plan communicationnel dans lequel lvnement dcrit en q incide est plus fort (et encore plus avec quandecco), comme le montre la lgre mais nette diffrence dacceptabilit entre 37 et 38 ( moins davoir une csure prosodique accentue en 37, ce qui pousserait cependant vers une lecture des deux propositions comme deux actes illocutoires spars) :
(37) ?Erano tutti ubriachi, la casa era in disordine e sporca e la musica era a tutto volume quando il padre di Francesco torn a casa. Tout le monde tait ivre, la maison tait dans le chaos et sale et la musique tait trs forte quand le pre de Francesco rentra la maison. Erano tutti ubriachi, la casa era in disordine e sporca e la musica era a tutto volume. Quandecco che il padre di Francesco torn a casa. Tout le monde tait ivre, la maison tait dans la chaos et sale et la musique tait trs forte. Quand voil que le pre de Francesco rentra la maison.
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4. Conclusion Nous avons essay de montrer dans cet article les diffrents domaines danalyse parcourir pour arriver une description globale du phnomne de la subordination inverse avec quando, qui se distingue dun emploi circonstanciel non seulement par une hirarchie smantique diffrente entre les deux propositions, mais aussi par des caractristiques, souvent partiellement lies entre elles, qui touchent dautres niveaux linguistiques. Les effets smantiques et larticulation logique entre les deux propositions ont montr des reflets dans lemploi des temps verbaux, lequel suit des rgles prcises en limitant les possibilits demploi consenties par les propositions circonstancielles. Nous avons soulign limportance de revoir le statut syntaxique de ces propositions, et nous en avons donn une description du point de vue informationnel. En particulier, nous avons propos de considrer les deux propositions relies par un quando inverse comme deux propositions coordonnes, smantiquement et syntaxiquement. La distribution de linformation a ainsi pu tre observe de deux points de vue diffrents : lintrieur de la phrase et au niveau textuel. Dans ce dernier cas, notre analyse fait du quando inverse un connecteur introduisant un nonc semi-prsentatif.
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1. Prsentation O. Heinmki (1974 :32) affirme que les subordonnes de temps nous ne nous occuperons ici que de celles qui sont introduites par cuando en espagnol obissent deux contraintes smantiques. Elle soutient tout dabord que ces propositions exigent quun changement soit possible. Cela explique que les prdicats dtat permanent ne puissent apparatre dans une proposition subordonne de temps :
(1) a. *Conoc a Juan cuando era de buena familia. {Je connus / Jai connu} Juan quand il tait de bonne famille. b. *Lleg a Madrid cuando era de Cuenca. Il {arriva / est arriv} Madrid quand il tait de Cuenca.
Les raisons de cette restriction sont claires : si les subordonnes temporelles situent lvnement dnot par le prdicat principal par rapport un autre vnement, ce dernier doit tre susceptible de changement. En effet, sil se droulait de faon continue tout au long de la ligne temporelle, lvnement principal ne serait pas situ. Cependant O. Heinmki ajoute quen ralit il ne suffit pas que le changement soit possible, il faut aussi quil soit effectif. Cette seconde caractristique expliquerait linadquation de la phrase (2) si le locuteur sait que Juan est encore mari :
(2) Conoc a Juan cuando estaba casado. {Je connus / Jai connu} Juan quand il tait mari.
Toutefois, ce raisonnement nexplique pas pourquoi la phrase (3) est possible, mme sil continue pleuvoir au moment de lnonciation et quil ny a donc eu aucun changement :
(3) Sal cuando ya llova. Je {sortis / suis sorti} quand il pleuvait dj.
Lhypothse dO. Heinmki nexplique pas non plus pourquoi lexemple de (4) est mal construit bien quil y ait un changement :
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Luis Garca Fernndez # Cuando estuvo vivo, hablabas mal de l. Quand il {fut / a t} vivant, tu disais du mal de lui.
Les remarques que nous venons de faire nous permettent de prciser quel est lobjectif de notre travail. Il sagit de dmontrer, vu les relations existant entre limparfait et les autres formes du pass dans les langues romanes, que seule la premire restriction de O. Heinmki est obligatoire. Il faut, en effet, que les subordonnes introduites par cuando contiennent un prdicat qui dnote un vnement susceptible de changement, mais il nest pas ncessaire que ce changement soit effectif. Lessentiel, cest que lvnement subordonn puisse tre identifi temporellement et cela est facilement comprhensible ; en effet, si les subordonnes de temps situent lvnement principal par rapport lvnement que leurs prdicats dnotent, il faut que ce dernier soit identifi dans le temps. Cette identification dans le temps peut se raliser de plusieurs faons, mais le contenu aspectuel du prdicat subordonn sera toujours dterminant. Tout dabord, si ce contenu aspectuel, contenu que lon dfinit comme la somme de laspect grammatical et de laspect lexical, implique un changement, lvnement sera automatiquement identifi par ce changement. En revanche, dans le cas o le contenu aspectuel nimplique aucun changement, lvnement peut sinsrer dans une srie dvnements lintrieur de laquelle on lidentifiera de faon absolue ou relative. Si le prdicat subordonn apparat lAoriste, donc dlimit aspectuellement, nous nous trouverons face aux deux situations que nous venons denvisager : que lon soit en prsence de lune ou de lautre dpend du mode daction auquel appartient le prdicat. Si lvnement subordonn ne peut tre identifi daucune de ces deux faons, il faudra que lon fasse rfrence un changement, ou alors que lon puisse dduire que lvnement a cess partir des informations dont on dispose sur le monde rel. Cest ce qui arrive quand le prdicat subordonn apparat en aspect Imperfectif. Nous allons illustrer rapidement ce que nous venons de dire. En (5), nous donnons des exemples du comportement de lAoriste o lon voit comment un vnement est identifi temporellement dans cette varit aspectuelle :
(5) a. Cuando construy la casa, tuvo problemas con el ayuntamiento. Quand il {construisit / a construit} sa maison, il {eut / a eu} des problmes avec la mairie. b. Cuando muri, volv a Espaa. Quand il {mourut / est mort}, je {rentrai / suis rentr} en Espagne. c. Cuando Juan estuvo en mi casa, me cont todo. Quand Juan {fut / a t} chez moi, il {me raconta tout / ma tout racont}.
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Dans lexemple de (5a), les problmes avec la mairie concident avec la construction de la maison, vnement dlimit par le changement que suppose le dbut et la fin de la construction dune maison. Cest de cette manire que lon identifie dans le temps lvnement dnot par le prdicat de la subordonne. En (5b), lvnement dnot par muri donne lieu un nouvel tat de choses ; il est donc dlimit par la priode pendant laquelle lindividu tait vivant et celle o il ne ltait plus : on se trouve ainsi face un changement dtat qui identifie dans le temps lvnement de la subordonne. En (5c), lvnement dnot par estuvo en mi casa est dlimit temporellement par deux priodes o Juan ntait pas chez moi, lune antrieure et lautre postrieure ; nous obtenons alors, comme nous le verrons plus tard, linterprtation srielle qui permet didentifier dans le temps lvnement subordonn. Si le prdicat subordonn apparat limparfait, comme cest le cas dans lexemple de (2) que nous rptons en (6a), il nest pas identifi temporellement en lui-mme, car la varit aspectuelle Imperfective ne focalise quune partie interne de lvnement. Cest pourquoi il faut que lon dduise des informations dont on dispose sur le monde que lvnement a cess avant le moment de lnonciation dans le cas de (2), comme la remarqu O. Heinmki, que Juan nest plus mari. Mais il est possible aussi que lon se rfre de faon explicite au dbut de lvnement, comme en (6b), ou sa fin comme en (6c), de sorte quil nest pas ncessaire davoir un changement effectif :
(6) a. Conoc a Juan cuando estaba casado. {Je connus / Jai connu} Juan quand il tait mari. b. Sal cuando ya llova. Je {sortis / suis sorti} quand il pleuvait dj. c. John muri cuando todava era americano. John {mourut / est mort} quand il tait encore amricain.
Nous reprendrons ces exemples plus tard, de faon dtaille. 2. La notion daspect Il nous faut prsenter maintenant la notion daspect dfinie par W. Klein (1992) afin de prciser la notion de changement ncessaire dans les subordonnes temporelles. Pour cela, nous devrons absolument faire appel aussi la thorie de la structure sous-vnementielle des prdicats de J. Pustejovsky (1991). Pour nous, suivant en cela Klein (1992), la catgorie grammaticale daspect se dfinit comme la relation non dictique entre deux intervalles de temps. Le premier de ces intervalles est le Temps de la Situation (Time of the
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Situation) fourni par le prdicat. Le second intervalle, le Temps de la Focalisation (Topic Time), est la partie de cette situation que laspect affirme ou focalise. Seule la partie focalise par laspect est affirme dans la phrase. Nous estimons quen aspect Imperfectif, le Temps de la Focalisation est proprement inclus dans le Temps de la Situation. En aspect Perfectif ou Aoriste, en revanche, le Temps de la Focalisation inclut tout le Temps de la Situation, de son dbut sa fin. Cependant, ces dfinitions ne peuvent pas tre appliques sans distinguer les quatre types de mode daction que diffrencie Z. Vendler : les tats, les activits, les accomplissements et les achvements. Nous allons proposer et il sagit dun point essentiel de notre analyse que lAoriste des tats et des activits est substantiellement diffrent de celui des accomplissements et des achvements. Pour le dmontrer, nous allons adopter la thorie de J. Pustejovsky qui envisage lexistence dune structure sous vnementielle. Cet auteur a prsent un modle thorique du lexique qui prvoit lexistence dune structure sous vnementielle complexe : J. Pustejovsky (1991) montre en effet que les diffrents types dvnements dnots par les prdicats ne sont pas des entits indcomposables, mais des entits pouvant tre composes de diffrents sous-vnements qui sont ou ne sont pas de nature diffrente. Il rinterprte la classification de Z. Vendler la lumire de la thorie de la structure sous vnementielle selon les termes du Tableau 1.
tat e
Procs (Vendler : Activits) : une srie dvnements identifiant la mme expression smantique. Procs e1 .... Transitions
1
en
163
Les consquences aspectuelles dune telle thorie sont claires. Chaque varit aspectuelle produira une interprtation diffrente en fonction du type de mode daction laquelle on lapplique. Ainsi laspect Imperfectif, parce quil naffirme pas la fin de lvnement, produit-il le fameux paradoxe imperfectif sil est combin avec les accomplissements. En revanche, ce phnomne ne se produit ni avec les tats ni avec les activits, car ces deux types dvnements ne sont pas composs par deux sous-vnements de nature diffrente. Voyons les exemples de (7). Si la proposition exprime par (7a) est vraie, celle quexprime (7b) le sera aussi parce que les activits comme les tats sont des vnements homognes qui saccomplissent en chacun des instants o ils ont lieu 2 :
(7) a. Juan estaba caminando por el parque. Juan marchait dans le parc. b. Juan camin por el parque. Juan {marcha / a march} dans le parc.
Si lon considre maintenant les exemples (8), o nous avons un accomplissement, nous remarquons que la situation est diffrente. Dans ce cas, mme si la proposition exprime par (8a) est vraie, cela ne permet en aucune faon de conclure que la proposition exprime par (8b) lest aussi ; nous le signalons par un #. En effet, dans un accomplissement limparfait, on affirme une partie du procs ou activit qui mne ltat en rsultant, sans dterminer si cet tat a t ou non atteint :
(8) a. Juan estaba dibujando un crculo. Juan dessinait un rond. b. # Juan dibuj un crculo. Juan {dessina / a dessin} un rond.
Le problme pos par le paradoxe imperfectif, cest de dterminer le type dvnement dans lequel Juan a t impliqu en (8a), vu quil na pas forcment dessin un rond. De mme et cest l que rside la nouveaut de notre proposition lAoriste des tats et des activits est-il dune nature diffrente de celui des transitions (les accomplissements et les achvements). En effet, les transitions sont composes de deux vnements de nature diffrente un
2
En fait, et contrairement ce qui arrive avec les tats, dans le cas des activits il est ncessaire que lintervalle o elles ont lieu ait une certaine longueur pour pouvoir affirmer que lactivit en question a lieu. Cela parce que les tats sont homognes et denses, alors que les activits sont homognes mais ne sont pas denses. Cf. Bonomi & Zucchi (2001 : 152).
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procs ou activit et un tat de sorte que lAoriste de ce mode daction prdique la transition du procs ltat postrieur. Dans le cas des achvements, on focalise seulement la transition, car les accomplissements se distinguent des achvements dans la mesure o les premiers font rfrence au procs et o les seconds ne le font pas. Pour ce qui est des tats et des activits, lAoriste prdique du premier au dernier moment o ils se produisent, mais il ne prdique aucune transition, vu qutats et activits ne sont pas composs de deux sous-vnements diffrents. Avec les reprsentations graphiques de W. Klein, nous pouvons diffrencier les Aoristes dtat et dactivit des Aoristes daccomplissement et dachvement et les reprsenter avec laspect Imperfectif. Les traits dunion symbolisent lvnement, les croix les priodes qui prcdent et suivent lvnement et les parenthses carres la partie de lvnement focalise. Aspect Imperfectif +++----[----]----+++ Perfectif ou Aoriste tats et activits +++[---------]+++ accomplissements +++[+------+]+++ achvements et tats dinterprtation inchoative +++[+-+]+++ Tableau 2 : lapproche de Klein Quelles sont les consquences qui dcoulent de la thorie que nous venons dexposer ? Tout dabord, lon comprend aisment partir du Tableau 2 que les formes de laspect Imperfectif et celles de lAoriste se comportent dune faon trs diffrente dans les subordonnes de temps. Dans le cas de laspect Imperfectif, lvnement subordonn nest absolument pas identifi temporellement parce que laspect ne focalise quune partie interne de cet vnement. Cest pourquoi il faut que lon fasse rfrence un changement le dbut ou la fin de la situation ou que lon dduise que lvnement a cess avant le moment de lnonciation partir des informations dont on dispose sur le monde rel. Nous approfondirons ces questions plus tard.
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Dans le cas de lAoriste, chaque mode daction produit une interprtation aspectuelle diffrente, comme nous allons le voir dans la section qui suit. 3. Linterprtation de lAoriste Dans une subordonne de temps introduite par cuando, les Aoristes se comportent diffremment en fonction de la structure sous vnementielle du prdicat. Les tats et les activits ne sont pas des vnements composs de sous vnements diffrents et leurs Aoristes ne dnotent aucun changement, car ils nincluent pas de transition de ou vers un autre vnement dans leur structure vnementielle. En dautres termes, les formes dAoriste des tats et des activits incluent le premier et le dernier moment o lon peut prdiquer les situations correspondantes, mais nincluent pas la transition, alors que les accomplissements et les achvements le font 3. Cest pourquoi, dans une subordonne introduite par cuando, les Aoristes dtat et dactivit doivent tre interprts lintrieur dune srie dvnements analogues, de sorte que lvnement qui sert situer le prdicat principal soit dlimit par une priode antrieure pendant laquelle lvnement navait pas lieu et une priode postrieure pendant laquelle il na pas lieu non plus. Ces priodes sont dlimites leur tour par des vnements virtuels analogues, antrieurs ou postrieurs, de sorte que linterprtation donner un Aoriste dtat ou dactivit dans une subordonne de temps introduite par cuando est celle qui figure dans le Tableau 3 ; ce comportement est illustr par la phrase Cuando estuvo en Londres, Quand il {fut / a t} Londres , o lon observe que lvnement prdiqu estuvo en Londres est prcd et suivi par des tats analogues virtuels. Nous entendons par tat analogue un tat qui fait partie de lensemble des situations dnotes par le prdicat en question et par tat virtuel un tat possible, mais qui nest pas obligatoirement effectif.
Nous nabordons pas ici la question du dbut des vnements, en particulier celle du dbut des activits et des accomplissements. On peut, en effet, supposer que les tats commencent comme ils finissent, sans transition. Toutefois, pour les activits et les accomplissements, il faudrait se demander si les premires commencent de la mme faon que les seconds ou pas, surtout si lon tient compte du fait que J. Pustejovsky, comme beaucoup dautres auteurs, dcrit les accomplissements comme des activits qui produisent un tat.
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Cuando estuvo en Londres Quand {il fut / a t} Londres tat virtuel tat affirm tat virtuel
Tableau 3: aoriste dtat / dactivit introduit par cuando Dans le Tableau 3, nous avons trois tats qui se succdent temporellement de gauche droite. Le premier et le dernier sont des tats virtuels tandis que le deuxime est ltat affirm et il est donc rel. La succession des trois tats donne linterprtation que nous appelons srielle . Les Aoristes des accomplissements et des achvements rentrent aussi dans linterprtation srielle. Toutefois, si les vnements quils dnotent sont uniques, ils ne produisent pas des structures inacceptables parce quils peuvent identifier lvnement de la subordonne travers les changements quils dnotent. En effet, lAoriste des accomplissements prdique aussi bien le dbut que la fin de lvnement, de manire que lvnement en lui-mme est dlimit par ces deux changements ; les achvements, de leur ct, dnotent des changements. Cest pourquoi, si (9c) est inacceptable prcisment parce que lvnement dnot par le prdicat estuvo vivo ne peut pas rentrer dans une srie dans le monde rel, (9a) et (9b) sont parfaitement formes avec un vnement qui ne peut avoir lieu quune seule fois.
(9) a. Cuando Beethoven compuso la Novena sinfona, nadie reconoci su genio. Quand Beethoven {composa / a compos} la Neuvime Symphonie, personne {ne reconnut / na reconnu} son gnie. b. Cuando Fleming descubri la penicilina, nadie reconoci su genio. Quand Fleming {dcouvrit / a dcouvert} la pnicilline, personne {ne reconnut / na reconnu} son gnie. c. # Cuando Beethoven estuvo vivo, nadie reconoci su genio. Quand Beethoven {fut / a t} vivant, personne {ne reconnut / na reconnu} son gnie.
Voyons plus en dtail pourquoi (9c) nest pas bien forme. Lon peut prvoir facilement que les prdicats dtat qui dnotent des vnements ne pouvant avoir lieu quune seule fois dans la vie dun individu produiront des phrases inacceptables en Aoriste, puisque nous avons tabli prcdemment que les tats sinterprtent obligatoirement dans une srie. Ces tats apparaissent de faon systmatique limparfait dans les subordonnes de temps introduites par cuando. Observons le contraste entre (10a) et (10b) :
(10) a. Cuando estaba vivo, hablabas mal de l. Quand il tait vivant, tu disais du mal de lui.
Aspect et structure sousvnementielle b. # Cuando estuvo vivo, hablabas mal de l. Quand il {fut / a t} vivant, tu disais du mal de lui.
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Supposons que, dans les deux cas, lindividu auquel se rfre le sujet nul du verbe de la phrase introduite par cuando est mort. Le changement effectif dont parlait O. Heinmki lorsquelle tablissait sa deuxime restriction sest alors produit. Toutefois, si (10a) est acceptable, (10b) est pragmatiquement inadquate. Nous disons pragmatiquement inadquate parce que nous pensons que lanomalie de (10b), comme celle de (9c), nest pas grammaticale. Admettons que (10b) soit prononce dans un contexte o les personnes peuvent vivre et mourir plusieurs fois (comme dans le film La famille Addams) ; dans un tel contexte, cette phrase serait parfaitement acceptable. Ce qui nous intresse ici, videmment, cest de comprendre quelle est la raison grammaticale de la diffrence de comportement entre (10a) et (10b). Rappelons que nous avons propos que les Aoristes des tats ne dnotent aucun changement. Cest pourquoi, lorsquils apparaissent dans une subordonne de temps introduite par cuando, on les interprte dans une srie afin que lvnement soit dlimit par les priodes antrieures et postrieures et quil soit de la sorte identifi dans le temps. Si lvnement est dune nature telle quil ne peut pas, dans le monde rel, tre prcd ou suivi dvnements analogues, nous nous trouvons face des squences tranges, comme celle que nous avons vue en (10b) et que nous reprenons dans le Tableau 4 en appliquant le Tableau 3 cet exemple particulier :
# Cuando estuvo vivo, hablabas mal de l. Quand il {fut / a t} vivant, tu disais du mal de lui. estuvo vivo (tat affirm ) estuvo vivo (tat virtuel)
(tat virtuel)
Tableau 4 : un cas de squence trange. Comme dans le Tableau 3, on reprsente ici une srie dvnements ordonns temporellement de gauche droite. Des trois vnements qui forment la srie, seul le deuxime est affirm, mais nous soutenons quil faut supposer les deux autres, ce qui est la cause de ltranget de (10b), puisque dans le monde rel on ne vit quune seule fois. Remarquons quil nest absolument pas ncessaire de supposer un contexte trange ou anormal dans le cas de (10a), avec un imparfait. Il suffit quun changement soit possible et cest videmment le cas. cela, ajoutons que lnonciateur, lorsquil prononce (10a), assume que lindividu dnot par le sujet de estaba est mort. Dans le cas de (10b), il faudrait en plus que
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lindividu dnot par le sujet puisse revenir la vie, ce qui est trange dans le monde rel. De plus, il existe une implicature pragmatique qui, en labsence dinformations contraires, fait que lvnement dnot par le prdicat en Aoriste dune subordonne introduite par cuando sinterprte comme le dernier vnement effectif de la srie et quil est identifi de cette faon dans le temps. Cela est d des raisons de pertinence : vu le nombre infini dvnements, celui auquel se rfre le prdicat dune subordonne de temps est lvnement effectif de sa classe le plus proche du moment de lnonciation 4. Ainsi, dans lexemple du Tableau 3, on considre que lvnement dnot par estuvo en Londres est le dernier dune srie dvnements appartenant la classe dvnements quil dnote. De mme, dans les exemples de (11), les vnements dnots respectivement par estuve enfermo je fus / jai t malade et hel il {gela /a gel} sont interprts comme les derniers dune srie dvnements appartenant la classe dvnements quils dnotent :
(11) a. Cuando estuve enfermo, nadie vino a verme. Quand {je fus / jai t} malade, personne {ne vint / nest venu} me voir. b. Cuando hel, se perdi toda la cosecha. Quand il {gela / a gel}, toute la rcolte {fut / a t} perdue.
Bien sr, il peut y avoir une information qui sert identifier loccasion o a lieu lvnement dnot par le prdicat subordonn qui, de cette faon, ne doit plus obligatoirement tre le dernier effectif dune srie. Cette information peut prciser de faon absolue de quelle occasion il sagit, comme en (12a), ou bien elle peut la situer de faon relative dans la srie, comme cest le cas en (12b) :
(12) a. Cuando estuve enfermo el mes pasado, nadie me llam. Le mois pass, quand {je fus / jai t} malade, personne ne ma appel. b. Cuando habl con Ana la segunda vez, no estuve de acuerdo con ella. Quand {je parlai / jai parl} avec Ana la deuxime fois, {je ne fus pas / je nai pas t} daccord avec elle.
En ce sens, le comportement des propositions principales contraste avec celui des subordonnes temporelles introduites par cuando. Dans les premires, la rfrence, avec un ordinal, loccasion o a lieu lvnement
4
Si lvnement de la subordonne introduite par cuando se situe dans le futur, ltat prdiqu est interprt comme tant le premier ; ainsi dans Te llamar cuando est en casa, Je tappellerai quand je serai la maison , lon parle de la prochaine fois o je serai chez moi et non pas de nimporte quelle fois dans le futur.
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peut se faire uniquement en prsence dun complment adverbial temporel de localisation. Cest ce que nous pouvons observer si lon compare (13a), mal form, avec (13b), bien form.
(13) a. * Vi a Juan por ltima vez 5. {Je vis / jai vu} Juan pour la dernire fois. b. Vi a Juan por ltima vez en 1999. {Je vis / jai vu} Juan pour la dernire fois en 1999.
En revanche, dans les subordonnes introduites par cuando, il est possible de situer sans aucune restriction la position de lvnement dans la srie 6, car cuando joue videmment le rle de complment temporel de localisation :
(14) a. Cuando vi a Juan por ltima vez, discutimos. Quand {je vis / jai vu} Juan pour la dernire fois, nous nous {disputmes / sommes disputs}. b. Cuando me lo dijo la primera vez, no le cre. Quand il me {le dit / la dit} la premire fois, je ne {le crus pas / lai pas cru}.
La phrase peut contenir une information qui signale quen plus de ltat prdiqu, lun des vnements a eu lieu rellement. Cest ce qui se passait en (12b) et cest ce qui se passe en (15) o les syntagmes nominaux dinterprtation adverbiale la primera vez et la ultima vez signalent explicitement la position dans la srie de lvnement dnot par le prdicat de la subordonne introduite par cuando. En (15a), lon fait rfrence un vnement rel postrieur lvnement prdiqu, vu que Juan a d obligatoirement sjourner Londres au moins une deuxime fois ; en (15b), au contraire, lon fait rfrence un vnement rel antrieur lvnement prdiqu, vu que Juan a d obligatoirement sjourner Londres au moins une fois auparavant :
(15) a. Cuando Juan estuvo en Londres la primera vez, conoci a Ana. Quand Juan {fut / a t} Londres la premire fois, il {connut / a connu} Ana.
En espagnol pninsulaire, He visto a Juan por ltima vez, Jai vu Juan pour la dernire fois , est acceptable parce que le pretrito perfecto compuesto (le pass compos) nous indique que lvnement a lieu le jour mme ; il y a donc un complment temporel implicite. Cf. Garca Fernndez (2000 : 184-192). moins quil ne sagisse daccomplissements et dachvements uniques, videmment.
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Luis Garca Fernndez b. Cuando Juan estuvo en Londres la ltima vez, conoci a Ana. Quand Juan {fut / a t} Londres la dernire fois, il {connut / a connu} Ana.
Cependant, pour que la srie dvnements soit approprie, il est essentiel que lvnement postrieur soit possible, sans que doive ltre lvnement antrieur lvnement prdiqu. Cest ce qui se passe, par exemple, en (15a), o la position de ltat prdiqu rend impossible lexistence dun tat analogue antrieur. Ainsi, ce qui est fondamental, cest quun vnement postrieur soit possible. Mme dans des cas comme (15b), o lon indique de faon explicite que ltat prdiqu est le dernier, il est ncessaire quun tat postrieur analogue soit possible. Un lment dcisif soutenant notre analyse nous est fourni par une curieuse incompatibilit syntaxique : les subordonnes de temps introduites par cuando ne peuvent pas contenir le complment adverbial la nica vez, la seule fois . Quelle en est la raison ? Le syntagme la nica vez, la seule fois , exclut linterprtation srielle et oblige, par ailleurs, assumer que lvnement puisse se rpter, mais en dehors de la sphre temporelle o se situe cet vnement. Cest--dire que si lvnement se situe dans le pass, le complment la seule fois exclut une autre occurrence dans le pass, mais rend obligatoire sa rptition ventuelle dans le futur. Tous les vnements qui sinterprtent dans une srie sont donc incompatibles smantiquement avec le syntagme nominal dinterprtation adverbiale la nica vez, comme nous le montrons en (16).
(16) * Cuando estuve en Londres la nica vez, ... Quand {je fus / jai t} Londres la seule fois, ...
Puisque linterprtation srielle est une caractristique des subordonnes temporelles, il est possible bien sr davoir ce complment si cuando est supprim :
(17) Estuve en Londres la nica vez en 1996. {Je fus / jai t} Londres la seule fois en 1996.
Les accomplissements et les achvements qui dnotent des vnements uniques ne rentrent pas dans des sries et sont donc incompatibles avec la nica vez qui suppose la rptition possible de lvnement ; cela explique que (18b) soit inacceptable :
(18) * Cuando se muri la nica vez, ... Quand il {mourut / est mort} la seule fois, ...
Mais dans ce cas, cela est indpendant de la prsence de cuando, comme on peut lobserver dans :
Aspect et structure sousvnementielle (19) * Se muri la nica vez en 1998. Il {mourut / est mort} la seule fois en 1998.
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Naturellement, les prdicats qui dnotent des vnements pouvant se rpter peuvent contenir, comme nous lavons vu, des complments adverbiaux, par exemple la primera vez, la ltima vez, etc. Remarquons que notre proposition rend compte de faon naturelle de cette incompatibilit inattendue, vu quelle exige justement ou bien que lvnement soit interprt dans une srie, ce qui va lencontre de la signification de la nica vez, ou bien que ce soit un accomplissement ou un achvement unique, ce qui est aussi incompatible avec le contenu de la nica vez. Par ailleurs, selon le Tableau 3, lAoriste des tats interprts de faon inchoative se comporte comme celui des achvements. Nous devons distinguer les deux interprtations des Aoristes des tats, ce que nous permettent de faire les exemples suivants :
(20) a. Cuando estuvo enfermo, nadie lo visit. Quand il {fut / a t} malade, personne {ne vint / nest venu} le voir. b. Cuando estuvo a salvo, decidi cambiar de vida. Quand il {fut / a t} hors de danger, il {dcida / a dcid} de changer de vie.
Remarquons quen (20a), o nous avons la premire interprtation, lon focalise la totalit de ltat dnot par estuvo enfermo. En (20b), o nous avons linterprtation inchoative, lvnement que dnote estuvo a salvo tant un changement dtat, lon ne fait pas du tout rfrence la fin de ltat de choses qui consiste tre hors de danger, mais seulement son dbut. Linterprtation inchoative est particulirement probable avec les tats qui sont la consquence dun processus antrieur, comme, par exemple, dans cuando estuvo curado, cuando estuvo a salvo, cuando todo estuvo a punto, etc. ( quand il {fut / a t} guri, quand il {fut / a t} hors de danger, quand tout {fut / a t} prt ). Il importe de souligner que dans ces cas-l les tats se comportent comme des achvements. Voyons quelle en est la raison. Les achvements sont des prdicats ponctuels qui dnotent des transitions entre des tats. Lorsque lAoriste dun tat sinterprte de faon inchoative, il dnote le dbut de cet tat et donc la transition entre une situation o lvnement na pas lieu et une autre o il a bien lieu. Nous pouvons construire ainsi les paires dexemples suivants :
(21) a. Cuando estuvo dormido, sal de la habitacin. Quand il {fut / a t endormi}, je {sortis / suis sorti} de la chambre. b. Cuando se durmi, sal de la habitacin. Quand il {sendormit / sest endormi}, je {sortis / suis sorti} de la chambre. (22) a. Cuando estuvo curado, abandonamos la ciudad.
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Luis Garca Fernndez Quand il {fut / a t} guri, nous {quittmes / avons quitt} la ville. b. Cuando se cur, abandonamos la ciudad. Quand il {gurit / a guri}, nous {quittmes / avons quitt} la ville.
Dans les exemples qui prcdent, nous remarquons que dans la subordonne introduite par cuando de (21a) et de (22a), nous avons un tat interprt inchoativement qui est quivalent, respectivement, lachvement correspondant dans la subordonne introduite par cuando de (21b) et de (22b). Linterprtation inchoative dun tat est dterminante quand il sagit didentifier temporellement lvnement subordonn, car les tats interprts inchoativement se comportent comme des achvements, cest--dire comme des prdicats qui dnotent des changements dtat. Or nous avons dit que lvnement subordonn est identifi par rapport un changement. Il ny a donc pas, dans ces cas-l, dinterprtation srielle obligatoire. Nous allons maintenant nous occuper de lautre problme que nous avons mentionn dans lintroduction : avec limparfait dans une subordonne de temps introduite par cuando, faut-il que lvnement dnot par le prdicat subordonn ait cess au moment de lnonciation ? Nous dmontrerons quil nen est pas ainsi. 4. Changement possible et changement effectif Nous avons soutenu quun prdicat en aspect Imperfectif ne dnote pas un vnement dlimit et que, pour quun vnement soit identifi dans le temps, comme lexigent les subordonnes introduites par cuando, il faut faire rfrence au dbut ou la fin de lvnement ou pouvoir dduire celui-ci des informations que lon a sur le monde rel. Nous allons maintenant approfondir cette question en abordant le problme suivant : dans une subordonne introduite par cuando, un prdicat limparfait dnote-t-il un vnement qui est obligatoirement termin au moment de lnonciation et, sil en est ainsi, sagit-il dune exigence smantique ou pragmatique ? De faon gnrale, il nous faut dterminer si, dans les subordonnes introduites par cuando, le changement doit tre effectif, comme le soutient O. Heinmki, ou simplement possible. Relevons dabord que la restriction de O. Heinmki ne peut pas sappliquer au futur car lon ne peut, en aucun cas, soutenir quun verbe indiquant un futur dans une subordonne introduite par cuando dnote un changement effectif. Dans un exemple comme Saldremos cuando llueva, ( Nous sortirons quand il pleuvra ), la subordonne fait rfrence un changement hypothtique et non pas un changement effectif car, de toute vidence, il peut ne pas pleuvoir. Mais on ne peut pas non plus limiter laffirmation de Heinmki aux subordonnes de temps qui sont au pass. Pour le dmontrer et mieux
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comprendre ce problme, nous allons tudier les exemples suivants, dans lesquels la prsence ou labsence de ladverbe ya, dj, est dterminante :
(23) a. He salido cuando ya llova. Je suis sorti quand il pleuvait dj. b. He salido cuando llova. Je suis sorti quand il pleuvait.
Si lon compare (23a) (23b), nous remarquons quil est possible quil continue pleuvoir jusquau moment de lnonciation dans le premier cas, alors quen (23b) cela est impossible. Imaginons des amis qui, lors dune excursion, sont en train de prendre la pluie alors quils croyaient quil allait faire beau. Ils demandent au dernier arriv comment il se fait quil a un parapluie et celui-ci rpond par la phrase (23a). Il est alors vident que la pluie continue tomber encore au moment de lnonciation. Donc, lvnement dnot par le prdicat subordonn ne doit pas tre ncessairement termin avant le moment de lnonciation, ce qui montre que cela nest pas une exigence smantique puisque cette ncessit peut tre annule. Il nous faut maintenant dterminer quel rle joue ladverbe ya ( dj ) dans la diffrence qui existe entre (23a) et (23b). Cl. Muller (1975) prsente ya ( dj ) et todava ( encore ), ainsi que leurs ngations respectives, comme des adverbes de phase. Pour ce qui est de ya, il propose la configuration smantique suivante :
Phase actuelle
Affirmative
Tableau 5 : structure smantique de ya selon Muller (1975) Avec ladverbe ya, on affirme la transition dune priode o lvnement na pas lieu vers une autre o il a lieu ; dans lexemple du Tableau 5, Juan a une voiture maintenant, mais il nen avait pas avant. Ya se rfre donc explicitement au changement que suppose le passage dune priode o lvnement na pas lieu une autre o il a lieu. Nous sommes en prsence ici dune rfrence un changement permettant dutiliser limparfait sans quil soit ncessaire que lvnement quil dnote soit conclu au moment de lnonciation. Il nest donc pas sr que, dans une subordonne
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introduite par cuando, la situation dnote par un imparfait doive tre conclue obligatoirement avant le moment de lnonciation. Il suffit que lon fasse rfrence un changement qui permette que lvnement principal soit identifi dans le temps. Ce qui nous intresse ici, cest que ce changement na pas se produire vers la droite, cest--dire que le changement na pas tre la fin de la situation, mais quil peut se produire gauche, cest--dire au dbut. En revanche, il est ncessaire de faire rfrence un tel changement, comme cest le cas lorsquon utilise ladverbe ya. Limplication smantique savoir que si un vnement a lieu, il a d obligatoirement commencer ne suffit pas ; il faut obligatoirement faire rfrence au dbut de la situation. La fin dun vnement en aspect Imperfectif peut tre le changement ncessaire dans les subordonnes de temps, si lon peut dduire quun tel changement a eu lieu partir des informations dont on dispose sur le monde rel, cest--dire si lvnement subordonn a pris fin au moment de lnonciation, de sorte que lvnement principal se situe par rapport au temps o lvnement subordonn avait lieu. Cest ce qui arrive dans des cas comme He hablado con Juan cuando Ana estaba en el jardn ( Jai parl avec Juan quand Ana tait dans le jardin ) lorsque lon sait quAna ne se trouve plus dans le jardin. Mais, en outre, il est possible que la fin dun vnement en aspect Imperfectif fournisse le changement ncessaire dans une subordonne introduite par cuando si lon y fait rfrence et cela sans quil y ait besoin dun changement effectif. Nous allons le voir maintenant avec ladverbe todava, ( encore ). Cela nous permettra de comprendre de faon dcisive la nature du changement dans les subordonnes de temps. Muller (1975) attribue la structure temporelle suivante todava :
Tableau 6 : structure temporelle de todavia selon Muller (1975) Pour todava, contrairement ce qui se passe avec ya, le changement nest pas effectif, mais virtuel. Cest pourquoi, dans lexemple que nous avons donn, les invits sont toujours dans lglise, mais on sattend ce quils en sortent ultrieurement. Ainsi, alors quavec ya il y a un changement effectif dune priode o la situation na pas lieu vers une autre o elle a lieu, avec todava le changement vers un moment o la situation cesse davoir lieu est seulement virtuel, car il se produit aprs la phase qui est prdique. Si nous
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mettons todava dans une subordonne introduite par cuando, nous obtenons un exemple comme celui-ci :
(24) John muri cuando todava era americano. John {mourut / est mort} quand il tait encore amricain.
Imaginons que John, citoyen amricain, a essay de changer de nationalit, mais que, malheureusement, il est mort avant davoir pu le faire. Dans cette situation, il est vident quil ny a aucun changement effectif, car John nat et meurt amricain. Toutefois todava fait rfrence un changement virtuel qui permet lvnement principal dtre situ temporellement. Nous arrivons donc la conclusion que le changement ne doit pas tre effectif, mais que lon doit y faire rfrence. Daprs tout ce que nous venons de voir, nous pouvons conclure quil suffit que le changement auquel lon fait rfrence soit virtuel pour quune subordonne de temps soit acceptable. Donc, si en de nombreuses occasions le changement auquel lon se rfre dans les subordonnes introduites par cuando limparfait est un changement effectif, cela ne doit pas tre compris comme le rsultat dune exigence smantique des subordonnes de temps, mais comme le rsultat dune implicature pragmatique. Cependant, si dans la subordonne lon fait rfrence un autre changement effectif, comme dans He salido cuando ya llova, ( Je suis sorti quand il pleuvait dj ), il nest pas ncessaire que cet vnement soit conclu au moment de lnonciation ; il nest mme pas ncessaire que le changement soit effectif, comme cest le cas dans John muri cuando todava era americano, ( John {mourut / est mort} quand il tait encore amricain ), o lon fait rfrence un changement qui na pas pu se raliser. 5. Conclusion Nos conclusions sont claires. Dabord, nous affirmons que la structure vnementielle est dterminante pour comprendre le comportement des diffrents modes daction dans les subordonnes de temps. Chaque mode daction est interprt de faon diffrente dans chaque varit aspectuelle en fonction de sa structure sous vnementielle Cest pourquoi lAoriste des tats et des activits ne prdique aucune transition, alors que lAoriste des accomplissements et des achvements le fait. Il en rsulte une diffrence de comportement dans les subordonnes de temps introduites par cuando. Lon explique ainsi que les tats qui ne se produisent quune seule fois dans la vie relle sont pragmatiquement inadquats en Aoriste et doivent apparatre en aspect Imperfectif.
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Enfin, par rapport la thse de O. Heinmki, nous soutenons quil nest pas ncessaire que le changement dans les subordonnes de temps introduites par cuando soit effectif, mais quil suffit que ce changement soit possible, pourvu que lon y fasse rfrence. Cest ce qui se passe, comme nous lavons vu, avec ya et todava. Si les informations que nous possdons sur la ralit contredisent un tel changement, la squence est alors inacceptable ; il en est ainsi dans lexemple Conoc a Juan cuando estaba casado, ( Je connus / jai connu} Juan quand il tait mari ), si lon sait que Juan est encore mari. Sil sagit dun changement rel, savoir la fin de lvnement, il nest alors pas ncessaire dy faire rfrence et il suffit que lon puisse le dduire des informations dont on dispose sur le monde rel.
Rfrences Bonomi, A. ; Zucchi A. (2001). Tempo e linguaggio. Introduzione alla semantica del tempo e dellaspetto verbale, Milano : Mondadori. Garca Fernndez, L. (2000). La gramtica de los complementos temporales, Madrid : Visor. Grimshaw, J. (1990). Argument Structure, Cambridge : MIT Press. Heinmki, O. T. (1974). Semantics of English Temporal Connectives, thse de doctorat, University of Texas at Austin. Klein, W. (1992). The Present Perfect Puzzle, Language 68 : 525-552. Muller, C. (1975). Remarques syntactico-smantiques sur certains adverbes de temps, Le Franais Moderne 43 : 12-38. Pustejovsky, J. (1991). The Syntax of Event Structure, in : B. Levin ; S. Pinker, (eds), Lexical and Conceptual Semantics, Oxford : Blackwell, 47-81. Vendler, Z. (1957). Verbs and Times, Philosophical Review, 56 : 143-160. Reproduit dans Vendler Z. (1967). Linguistics and Philosophy, Ithaca New York : Cornwell University, 97-121.
Pas si simple! La place du PS dans linterlangue dapprenants anglophones avancs Emmanuelle LABEAU
Aston University
1. Il ne faut pas se fier laspect Le dveloppement du temps et de laspect en langue seconde retient lattention des acquisitionnistes depuis une vingtaine dannes. Deux volumes rcents (Bardovi-Harlig 2000, Salaberry & Shirai 2002), tentant de faire le point sur la question, montrent combien le domaine est porteur. Un modle, dvelopp par Andersen partir de 1986, sest avr des plus populaires ; il postule un dveloppement aspectuo-temporel linaire en huit tapes :
tats avoir tiene tiene tena tena tena tena tena tena tuvo Activits jouer juega juega juega jugaba jugaba jugaba jug jugaba jug jugaba jug vnements tliques enseigner ensea ensea ensea enseo enseo enseeba enseo enseeba enseo enseeba enseo enseeba vnements ponctuels 1 briser se parte se parti se parti se parti se parti se parti se parti se partia se parti se partia
1 2 3 4 5 6 7 8
Tableau 1: Squence de dveloppement des marqueurs de morphologie verbale (adaptation dAndersen 1991: 314) Au niveau 1, ni le temps pass ni laspect ne sont indiqus et une forme de base, le prsent (PRES), est utilise. Le niveau 2 voit lapparition du prtrit (en italiques dans le tableau) uniquement avec des verbes ponctuels alors que les verbes statifs mergent limparfait (IMP) au niveau 3 (en gras dans le tableau). Au niveau 4, un marquage du pass existe dans toutes les catgories,
1
La classification des syntagmes verbaux sinspire des quatre catgories de Vendler (1967): states, activities, accomplishments et achievements. Cahiers Chronos 19 (2007) : 177-197.
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Emmanuelle Labeau
le prtrit stendant aux accomplissements et limparfait aux activits. A partir du niveau 5, la morphologie verbale commence progressivement marquer toutes les catgories de verbes jusqu ce quau niveau 8, les verbes statifs apparaissent finalement au prtrit, ce qui devrait reprsenter le dveloppement ultime du systme aspectuel. On a soulev plus en dtail ailleurs (Labeau 2005a) les problmes thoriques de cette hypothse de laspect : la nature hypothtique du dveloppement dont seulement 4 tapes sont attestes chez les deux sujets tudis (Andersen 1991 : 313-4), la validit des affinits une fois que tout marqueur temporel sapplique tout type de verbe (Kihlstedt 1998 : 43ss), la persistance de petits ppins (non native glitches) au niveau 8 (Andersen 1991 : 316) La recherche de terrain (Salaberry 2000 pour lespagnol, Labeau 2002 pour le franais) montre galement que le dveloppement aspectuo-temporel des apprenants dinstruction leve (pour une dfinition de ce concept, voir Bartning 1997) ne correspond pas ce modle linaire. On a suggr que lacquisition des temps du pass franais suivt un mouvement de sous-application, surgnralisation et rgression (Salaberry 2000) avec stabilisation progressive2 autour des normes natives. Conscient des limites de son hypothse, Andersen la dailleurs modifie plusieurs reprises et la dernire mouture de lhypothse (Andersen 2002) suggre 6 facteurs tudier pour rendre compte du dveloppement aspectuo-temporel. En plus de laspect lexical, il suggre dy intgrer le type dvnement (les marqueurs du pass porteront dabord sur des vnements uniques, puis sur les vnements habituels et rptitifs), la distinction entre rel et irrel (les emplois valeurs dirrel apparatront tardivement), la pragmatique (des fonctions comme lIMP de politesse seront tardivement acquises), lancrage dans le premier plan ou larrire-plan (les marqueurs du pass porteront dabord sur les verbes du premier plan) et la structure du discours. On ne peut quaccueillir favorablement cet largissement indispensable de lhypothse. Toutefois, il pourrait tre ncessaire dy ajouter au moins en franais une dimension stylistique. 2. Il tait une fois le pass simple Le franais est riche en formes verbales susceptibles dexprimer le pass. Leur frquence et leurs utilisations ont cependant volu au cours de lhistoire de la langue. Le pass simple (PS) est vu traditionnellement comme le tiroir de la narration par excellence (la pierre dangle du rcit de Barthes). Au cours du dernier demi-sicle, les linguistes ont nanmoins souvent dbattu de la vitalit du PS. Selon certains, le PS est toujours trs productif dans les champs limits de lcrit et de loral prpar (Judge &
2
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Healey 1983 : 108, Martin 1971 : 11, Pfister 1974 : 401). Dautres (ex. Van Vliet 1983) prdisent sa disparition en invoquant largument que toutes les fonctions du PS peuvent tre remplies par dautres temps (Schogt 1964 : 16). Il serait par consquent superflu denseigner le PS en franais, langue trangre (FLE) (Gougenheim et al. 1964) La plupart des apprenants anglophones sont conscients de lexistence dun historic past tense mais quelle est la place relle de cette forme dans linterlangue dapprenants avancs au niveau licence? A part Labeau (2002, 2005a), aucune des tudes consacres au dveloppement du temps et de laspect en franais langue seconde (Bergstrm 1995, Bardovi-Harlig & Bergstrm 1996, Kihlstedt 1998, Salaberry 1998, Howard 2002) ne mentionne doccurrences de PS. La prsente tude sera donc de nature largement exploratoire : ce marqueur morphologique apparatra-t-il dans linterlangue 3 dapprenants avancs ? Le cas chant cette mergence exiget-elle un cotexte ou un contexte particulier ? 3. Un jour, mon PS viendra ? Cette recherche est base sur un corpus de narrations orales et crites rassembles auprs de francophones et dapprenants anglophones qualifis 4 aprs la lecture du conte Cendrillon de Charles Perrault. Un conte de fes tait jug propice lemploi du PS : les productions littraires de ce genre y ont recours ; les locuteurs natifs peroivent le PS comme la marque du genre et utilisent le tiroir dans leurs propres narrations 5. Pour sassurer que la narration tait perue comme un conte et non un rsum qui, en franais, se fait au PRES 6, les informateurs taient invits commencer leur rcit par Il tait une fois En plus dun groupe de contrle de 13 7 francophones (N pour natifs), quatre groupes dapprenants (dsigns par A pour les apprenants 8 et B pour les bilingues) ont t pris en compte :
3
4 5
6 7
Suggre par Selinker en 1972, la notion dinterlangue (interlanguage) peut tre dfinie comme les grammaires intermdiaires que les apprenants construisent au cours de leur acquisition de la langue cible. La notion implique la fois une dimension horizontale ou synchronique rfrant linterlangue que lapprenant possde un moment donn et une dimension verticale ou diachronique li aux niveaux dveloppementaux que lapprenant traverse. Pour une dfinition du concept d apprenant qualifi , voir Bartning 1997. Une histoire, a doit tre au pass historique. Ou bien personne ne sait que cest une histoire. (Robbe-Grillet Djinn 1981 : 51). Comme le fait remarquer trs justement un des valuateurs La disparit numrique entre les groupes sexplique ainsi : les productions des tudiants bilingues et de premire anne ont t rassembles auprs de tous les tudiants entrants par lauteur en septembre 2003 ; les autres donnes ont t
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Emmanuelle Labeau (1) 34 tudiants de premire anne pendant la semaine daccueil luniversit; (2) 13 tudiants de deuxime anne qui avaient reu un enseignement explicite de la forme dans leur cours de grammaire de premire anne; (3) 16 tudiants de quatrime anne susceptibles davoir acquis par ailleurs une certaine perception des conventions stylistiques adoptes par les francophones natifs au cours de leur anne ltranger et (4) 8 sujets bilingues, tudiants de premire anne, dont la situation personnelle (famille bilingue, sjour en pays francophone, cole franaise) a permis une exposition au franais en milieu naturel.
La moiti des sujets ont lu le texte en franais (et donc au PS) et lautre moiti la lu en anglais 9. Aprs 10 minutes de lecture, ils ont enregistr (10 min) en laboratoire de langue leur propre version de lhistoire, avant de rdiger une version crite (20 min). Les sujets ont finalement rempli un questionnaire portant sur leur exprience linguistique qui contenait en outre une liste de 10 verbes mettre au PS. Grce ce protocole de recherche, on esprait tester les questions de recherche suivantes:
(1) (2) (3) (4) (5) Quelle est la frquence demploi du PS dans la production crite, orale et mtalinguistique dapprenants qualifis? La prsence du PS dans linput fourni entrane-t-elle lutilisation de la forme par les apprenants? Les impratifs du genre conte de fes ont-ils raison de la rpugnance utiliser le PS loral? Lutilisation du PS est-elle productive ou formulaire ? Quel(s) facteur(s) amne(nt) recourir au PS: des facteurs personnels (lenseignement et / ou le sjour ltranger et /ou le contexte familial), des facteurs textuels ou encore stylistiques?
recueillies auprs de volontaires en novembre 2003 par des tudiants de 2me anne dans le cadre du cours Contemporary French (LF2408) Aston University. Le mme protocole de recherche a t rigoureusement suivi. On a choisi de prendre en compte toutes les donnes disponibles car il aurait t arbitraire de supprimer certains lments du corpus plutt que dautres. Les apprenants sont identifis par un premier numro (1, 2 ou 4) indiquant leur niveau dtude et de deux numros didentification personnelle. La version originale de Charles Perrault ainsi que sa traduction anglaise ont t tldcharges du site: http://www.chez.com/feeclochette/Perrault/cendrill.htm.
181
4. Analyse des donnes 4.1. Frquence demploi du PS On a dpouill les narrations crites et orales des quatre groupes dapprenants et du groupe de contrle et relev les formes verbales conjugues ou qui en tenaient lieu 10. On na donc pris en compte les infinitifs et les participes 11 quen emplois de forme de base :
(1) (2) Il faut que la fille faire le mnage, la lessive, etc. (A109) Quand Cinderella arriv le fils de roi decid de danser avec Cinderella mais Cinderella doit partir de minuit. A la maison Cinderella tait toujours parl sur le nuit. Elle demand aller encore ! Elle entend trs bien avec le fils de roi mais elle oublir sur le minuit ! Cinderella parti trs vite est sa chaussere rest en bal ! (A101)
On a galement constitu une catgorie de formes indtermines (rpertories sous le signe ?) qui regroupe dune part les formes cres et dautre part les formes ambigus, prsentant des caractristiques morphologiques de plusieurs tiroirs franais et ne pouvant donc pas tre classifis de faon univoque:
(3) (4) Cinderella dansaient avec le Prince et elle a rencontrait ses deux belles-soeurs. (A401) Puis et est habite au palace
Ce relev a donn les proportions suivantes demploi du PS ; la premire colonne indique les chiffres absolus, la seconde le pourcentage par rapport la totalit des formes verbales prises en compte :
10
11
Pour les narrations orales, on a adopt les conventions de transcription prsentes dans Kihlstedt (1998). Dans le comptage, on na pas pris en compte les propositions avortes et en cas de rptition dune forme due des erreurs de performance, seule une occurrence a t retenue. Etant donn lidentit phonique des infinitifs (INF) et participes passs (PP) en er qui constituent la majorit des verbes franais, on a confondu ces deux catgories dans les comptages oraux.
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Tableau 2 : Emploi du PS dans les corpus Deux rsultats semblent a priori tonnants : (1) le groupe de 1re anne prsente la frquence demploi du PS la plus leve des trois groupes dapprenants alors quil est le moins avanc et (2) le PS apparat loral et pas lcrit, contexte pourtant jug plus favorable, dans le corpus de 2me. Une approche qualitative nous permettra de relativiser ces anomalies apparentes. Ainsi, dans les narrations crites de 1re anne, on trouve huit fois la formule ils furent heureux et eurent beaucoup denfants qui concluait la liste dillustrations distribues aux sujets pour les aider se rappeler les pripties principales de lhistoire. 16 des 23 occurrences de PS ne sont donc pas des emplois productifs mais du simple recopiage. Il reste donc les sept formes suivantes : fut (A106) [2], fit (A127), se mit (A128), donna (A123, A132), regarda (A423). Labsence de PS lcrit en 2me provient peut-tre des conditions moins formelles de recueil des donnes. Les donnes de 1re avaient t releves durant la semaine daccueil luniversit et on peut supposer que les tudiants taient soucieux de bien faire, lenqute en 4me se droulait pendant le cours de langue crite. Par contre, en deuxime anne,
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13 14 15 16
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A101, A105, A107, A112, A116, A123, A125, A126, A127 en produisent chacun deux occurrences ; A106 et A132 une et A128, trois. Lenregistrement de A202 en offre 2 exemples et celui de A213 un seul. Ces occurrences apparaissent chez A406 (2), A407 (2), A410 (1) et A412. Une occurrence apparat dans les enregistrements de A403 et A407. Tous les bilingues emploient au moins une fois (B01, B07) le PS et la proportion dutilisation est la plus leve (47,06%) chez B02. Malgr cette aisance dutilisation du PS, B02 semble manquer de vocabulaire mtalinguistique et fournit des PC et des IMP pour les dix verbes mettre au PS. Trois sujets ont recours au PS : B02, BO4 et B08, mais dans le cas de ce dernier, cest une occurrence isole. Le PS constitue 15,38% des formes utilises par B04 et 60,64% chez B02. Le PS constitue plus de la moiti des tiroirs utiliss (de 51,92% 81,36%) pour tous les locuteurs natifs sauf N09 (33,33%) qui offre le plus court des rcits. Lemploi du PS est moins gnralis qu lcrit : quatre des locuteurs natifs (N01, N07, N09 et N11) ne lutilisent pas et les autres lutilisent de faon moins systmatique, allant dune occurrence (1,96%) chez N12 64% chez N05.
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les donnes ont t obtenues par des tudiants auprs de collgues volontaires et en labsence du chercheur. Pour ce qui est des PS loral en 2me, ils sont produits par deux apprenants A202 (fit, pousa) et A213 (sortit). Dans le cas du second informant, le cotexte semble indiquer que sortit est un prsent dintention :
(5) il est minuit moins quart et elle souvient que la marraine dit que devient-devient euh quelle a besoin revient avant minuit donc elle sortit du bal et elle quitte le prince retourne a sa maison
Lapproche purement quantitative rvle des diffrences marquantes dans lemploi du PS par les francophones dune part et les apprenants de lautre. Elle montre aussi linfluence dune exposition extra-acadmique au franais dans lutilisation de la forme car le groupe des apprenants bilingues prsente un pourcentage demploi du PS nettement plus lev que celui des apprenants en milieu acadmique. On pourrait se demander quel facteur est le plus propice lutilisation du PS chez les bilingues : linfluence familiale ou le sjour ltranger. Le tableau 3 ci-aprs rsume larrire-plan de nos huit bilingues et leur production du PS dans la narration crite, la narration orale et la liste de dix formes. Nos informations personnelles ne permettent pas de trancher dfinitivement sur linfluence respective du milieu familial et du sjour dans un pays francophone. Dune part, les trois sujets issus de familles francoanglaises possdent des degrs divers le PS : on ne dispose pas des informations permettant dvaluer la place relle du franais dans ces familles. Il semble dautre part que plus les sujets ont sjourn dans un pays francophone, plus ils matrisent le PS, sauf B07 qui, quoique natif loral, semble ignorer la forme. Il se pourrait que lenvironnement scolaire soit ici dcisif et que la matrise du PS dpende de la frquentation dune cole francophone lge o le PS est enseign. Nos donnes biographiques limites ne nous permettent malheureusement pas de vrifier cette hypothse de faon satisfaisante 20.
20
Nous avons recontact par courrier lectronique les huit sujets bilingues en octobre 2004, leur demandant de remplir un questionnaire plus dtaill. Seuls B01, B02 et B07 ont rpondu ; cet chantillon trs limit semble confirmer notre hypothse de linfluence scolaire. B01 et B07, dont la matrise du PS est trs limite, nont effectu quune partie de leurs tudes primaires en franais ; B02, qui utilisait le PS avec beaucoup de succs, a suivi un cursus scolaire en franais entre les ges de 4 et 18 ans.
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Influence familiale B01 B02 B03 B04 B05 B06 B07 B08 Famille bilingue Famille bilingue
Sjour ltranger 3 ans en Belgique 14 ans en France 7 ans en France 8 ans en France 17 ans lle Maurice 12 ans en France 5 ans en France
Nombre de PS lcrit 1 21 15 23 7 26 17 28 5 31 15 33 2 35
Nombre de PS loral 57 24 9 29 1 36
Famille bilingue
21 22 23
24
25 26 27 28
29 30 31 32 33
34 35 36
Vcurent. Chanta, donna. Apparut, cessrent, commena, demanda (2), donna, obit, ordonna, put, se cacha, se remaria, se trouva, transforma (2), vint. Accourut, aida, alla (3), arrtrent, arriva, attrista, cessrent (2), commencrent (2), courut, demanda (2), disparut, donna, durent, entendit, entra, eurent (2), fut, furent (2), garda, invita, mit, obit (2), ordonna, ouvrit, partirent, passa, perdit, prit, ramena (2), rapporta, reconnurent, regarda, senfuit (2), se marirent, se mit (2), se transformrent, se trouva, se tut, tapa, transforma (3), vida, vit (2), *vivrrent fut, chanta, sentit, put, finit, donna, rendit + *dt et *st. Appela (2), dcida, dit, se mit, se mirent, trouva. Chanta, sentit, dit, finit, donna, rendit + *ft, *ft, *st. *Apparu, disparu, pousa, fut, furent, invita (2), *parti, proposa, *recevrent, salua, se passa, sonna (2), vit. Arriva (3), dit, fut, fit, partit, *rponda, rpondit. Fut, chanta, sentit, put, fit, dit, finit, donna, rendit et *s. Demanda, demandrent, donna, pardonna, quitta. Chanta, dit, sut, finit, donna + fut pour faire et *senta. Changea (2), *courra, dansa, *devenna, *disa, donna, passa (2), *perda, *prenna (2), prpara, ramena. Chanta, sut, donna + *senti et *pu + *faissa, *disa, *finissa, *renda. Eurent, vcurent. Interdit
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Concentrons-nous maintenant sur la production mtalinguistique du PS dans la liste de dix formes verbales soumises nos sujets. La production de ces formes hors contexte a rvl deux points intressants. Dune part, N03 et N06 ont systmatiquement fourni des PC. Bien qutant ns en France et ayant effectu toute leur scolarit en milieu francophone, ces deux sujets sont des immigrs dExtrme-Orient de deuxime gnration et auraient pu ne pas bnficier du mme input familial que les autres locuteurs natifs, Toutefois, N03 produit 19 PS lcrit et 17 loral tandis que N06 en utilise 25 lcrit et 10 loral, la forme est donc clairement productive dans leur idiolecte. Leur erreur mtalinguistique provient sans doute de leur formation acadmique : ces deux sujets sont des doctorants en informatique alors que les autres francophones proviennent dun cursus en sciences du langage. Dautre part, les francophones rencontrent des problmes morphologiques avec le PS. Il peut sagir (1) de PS = formes au PS mais inexactes (ex. : fit pour tre), (2) de PS = formes mal orthographies (ex. : senti pour sentit), (3) de PS = formes inventes dsinence de PS (ex. : *pouva).
PS PS PS PS PC Pres
chanter 77,78
sentir 66,67
dire 77,78
donner 77,78
rendre 66,67
22,22
22,22 11,11
22,22
22,22
22,22
22,22
11,11 22,22
Tableau 4 : Distribution des formes produites comme PS par les locuteurs natifs 37 Compars aux francophones, les locuteurs bilingues produisent un ventail plus large de formes avec une confusion des temps du pass, la cration de formes et des abstentions. On pourrait peut-tre attribuer cette comptence infrieure au dficit acadmique, ces sujets nayant pas ncessairement suivi des cours de franais, langue maternelle.
37
Nous ne disposons de questionnaires pour N5, N7, N9 et N11. Le prsent tableau ne fournit les rponses que de 9 des 13 informateurs.
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PS PS PS PS PC
IMP SUBJ
Etre 20 10 10 30 10 10
chanter 60
sentir 30 10 20 10 20
pouvoir 20 20 10 20 10
10 20 10
faire 10 20 10 20 10 20
dire 30 10 20 10 20
savoir 20 30 10 20 10
finir 40
donner 60
rendre 30
20 20 10
10 20 10
30 10 10
PP COND ?
10 10
10 10
10
10
10
10
10 10
Tableau 5 : Distribution des formes produites comme PS par les bilingues 38 On constate chez les apprenants de 4me et de 2me annes un taux dabstention important ainsi quune confusion avec le PC en 4me anne, labsence du problme en 2me pourrait venir de la mthode de rassemblement de donnes en face face qui permettait au sujet de sassurer plus facilement de ce qutait le PS :
Etre 30,77 7,69 7,69 23,08 23,08 7,69 chanter 15,38 7,69 30,77 53,85 15,38 69,23 15,38 15,38 69,23 23,08 61,54 sentir 7,69 pouvoir faire 7,69 7,69 dire 7,69 7,69 15,38 69,23 savoir finir donner 15,38 rendre
PS PS PS PS PC ?
Tableau 6 : Distribution des formes produites comme PS par les 4me anne
38
Des rponses multiples ayant t fournies par certains informateurs, nous disposons de 10 formes au lieu de 8.
187
PS PS PS PS Pres PP ?
chanter 53,85
dire 7,69
finir 15,38
donner 53,85
rendre 7,69
46,15
Tableau 7 : Distribution des formes produites comme PS par les 2me anne Les rsultats de premire anne rvlent une confusion la fois terminologique et morphologique. Les sujets semblent incertains de ce quest le PS et produisent des formes inventes.
PS PS PS PS PC
IMP COND PRES PQP SUBJ
pouvoir 5,88 2,94 8,82 14,71 2,94 2,94 2,94 2,94 50 5,88
faire 17,65
donner 2,94
rendre
17,65 8,82
8 11,76 5,88
PP ?
Tableau 8 : Distribution des formes produites comme PS par les 1re anne Les donnes quantitatives tudies dans cette section soulignent plusieurs caractristiques du corpus. Ainsi, les apprenants ne recourent quoccasionnellement au PS dans leur production spontane crite et orale. Le PS apparat plus frquemment dans la production mtalinguistique et la proportion de formations correctes (PS) et dessais (PS, PS, PS) augmente paralllement au niveau davancement linguistique.
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PS PS PS PS
Bilingues 32 2 9 13 56
Tableau 9 : Pourcentages des formes du PS ou assimiles Si les francophones produisent rgulirement le PS dans leurs narrations et sont en gnral capables de former ce tiroir, leur matrise nen est pas moins imparfaite et des problmes morphologiques et surtout orthographiques subsistent ; ceux-ci suggrent que le PS ne fait pas partie du rpertoire courant de nos sujets. 4.2. Influence de linput Krashen (1985:2) a avanc l Input Hypothesis selon laquelle [] humans acquire language in only one way by understanding messages, or by receiving comprehensible input . Les apprenants sont capables de comprendre des extraits langagiers comprenant des lments de grammaire non acquis grce au contexte, la connaissance du monde et la comptence linguistique pralable. Linstruction formelle peut jouer un rle facilitateur en ce quelle simplifie linput trop complexe. Pour tenter dvaluer une possible influence de linput sur lutilisation du PS, on a slectionn diffrentes catgories dapprenants : certains nayant pas eu denseignement explicite en facult (premire anne), dautres en ayant reu un (deuxime anne). En outre, les sujets de quatrime ont bnfici dune immersion en pays francophone. On sattendrait ce que les tudiants de premire anne fassent preuve dune performance moindre. De plus, pour valuer leffet de linput sur la productivit, on avait spar chacun des groupes en deux : la premire moiti lisait le conte en version anglaise (A101 A 116 ; A201 A207 ; A401 A408 ; B01 B04 ; N01 N07)) et la seconde en version franaise (A117 A134 ; A208 A213 ; A409 A416 ; B05 B08 ; N08 N13) . On aurait attendu une proportion plus leve de PS dans le deuxime groupe.
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Tableau 10 : Proportion relative du PS dans les narrations bases sur les scripts anglais et franais du conte Les rsultats vont lencontre des attentes puisque les sujets ayant lu la version anglaise recourent plus au PS que ceux qui se sont bass sur le texte franais. La prsence du PS dans linput ne semble donc pas ici favoriser lemploi de cette forme. Il faut toutefois noter que les deux formes vcurent et eurent mises par crit et laisses sous les yeux des sujets (contrairement au texte lui-mme) ont t utilises par les premire anne. Il se pourrait simplement que le PS ne se manifeste que sil est dj bien implant dans lIL des apprenants et une simple lecture but informationnel ne suffit pas pour reprer les formes verbales caractristiques du type de texte. 4.3. Utilisation productive ou formulaire ? Ayant constat la prsence occasionnelle du PS tous les niveaux dapprentissage, nous allons nous interroger sur la productivit de la forme dans linterlangue avance. Une analyse qualitative des PS rvle un emploi largement formulaire chez les apprenants : lcrit, 16 emplois sur 23 (69,57%) en 1re et 5 sur 8 (62,5%) en 4me sont des reprises de ils furent heureux et eurent beaucoup denfants. Les autres formes sont majoritairement monosyllabiques : dit (A132), fut (A106), deux fit (A127), se mit (A128, A407). Dans le groupe bilingue, lventail de verbes au PS est nettement plus large 39 et on peut difficilement soutenir lhypothse de
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Appela (2) (B04), apparut (B03, B05), eurent (B02, B09), cessrent (B03), changea (2), (B07), commena (B03), courra (B07), dansa (B07), dcida (B04), demanda (B02, B03 [2], B06), demandrent (B06), devenna (B07), dit (B04), donna (B03, B06, B07), pousa (B05), fut (B05), furent (B05), invita (B05), abit (B03), ordonna(B03), pardonna (B06), partit (B05), passrent (2) (B07), perda (B07), put (B03), prenna (2) (B07), prpara (B07), proposa (B05), quitta (B06), ramena (B07), recevrent (B05), salua (B05), se cacha (B03), se mit (B04), se mirent (B04), se passa (B05), se remaria (B03), se trouva (B03), sonna (2) (B05), transforma (2)(B03), trouva (B04), vint (B03), vida (B03), vit (B05), vcurent (B01, B02, B09) lcrit.
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chunk learning tant donn que des formes non natives rgulires sont produites, particulirement par B07 qui produit courra, devenna et perda. 4.4. Genre contre medium On ne stendra pas sur laffinit du PS avec lcrit ; elle a t largement documente ailleurs. On sait par ailleurs que le PS est un ressort dterminant du conte de fes traditionnel 40. Compte tenu de ces tendances contradictoires, on voulait voir si une reddition orale allait invalider lemploi du PS. Si lon constate que le PS est, lexception de la 2me anne, moins utilis loral qu lcrit, lemploi du PS est trop limit dans les corpus dapprenants pour en tirer des conclusions trs convaincantes. Cependant, le corpus natif montre que dans le genre du conte, le PS sutilise loral en concurrence avec le PRES et pas le PC. 4.5. Facteurs favorisant lutilisation du PS Dans cette section, nous allons tenter didentifier des facteurs propices lutilisation du PS. Nous nous pencherons dabord sur des indices contextuels comme le genre narratif avant daborder des lments cotextuels tels que la structure narrative du rcit. 4.5.1. Influence du contexte On constate que les francophones narrent le conte de fes diffremment dautres rcits, tels que des extraits de films (Labeau 2002 et 2005). Alors que les pripties du film se racontent lcrit au PC et, loral au PC ou au PRES 41, le conte de fes scrit au PS et se dit principalement au PS et au PRES. Il existe donc une forte influence du genre sur le choix des marqueurs verbaux.
40
41
Les premiers rsultats de la recherche de Janice Carruthers sur le no-conte indiquent que cette contrainte ny est pas essentielle. La tendance naturelle est de raconter au PRES (Salaberry 2000) mais lors de la rcolte du corpus bas sur des extraits de film, les locuteurs natifs avaient reu linstruction de raconter au pass.
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Tableau 11: Pourcentage demplois des temps dans la narration dun film et dun conte par des locuteurs natifs Si lon compare maintenant lemploi des apprenants dans la narration des deux genres, on constate une lgre hausse de lutilisation du PS, qui reste un marqueur marginal. Les traits les plus remarquables sont dune part la frquence du PRES, thoriquement exclu par la consigne de raconter au pass lors du recueil des narrations de films, qui augmente considrablement sauf en 4me, et dautre part, la frquence plus leve de lIMP tous les niveaux due la plus grande composante de description dans le conte et la longueur des narrations dans le corpus de 4me qui laisse plus de place aux informations darrire-plan lIMP ; voir le tableau 12 ci-aprs. On constate donc que la dimension stylistique de la narration chappe aux apprenants, qui semblent ignorer lquation contes de fes = PS que manient les francophones au moins lcrit. Le corpus form de narrations de films ne comprenait pas de groupe bilingue, mais il est probable que la proportion de PS y aurait t beaucoup plus limite que dans le corpus de contes de fes.
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Conte Oral crit 4me anne 23,52 53,83 20,33 0,56 0,16 0,4 0,4 0,15 0,29 0,48 1re anne 18,12 1,91 63,56 23,59 2,19 0,73 33,42 32,5 2,08 2,83 0,42 2,83 0,83 31,63 28,6 0,23 0,93 0,47 1,4 2,09 0,23 2me anne 31,63 4me anne 10,82 1,22 36,3 43,98 0,35 10,82 0,35 0,87 0,87 1,57 0,17 32,65 0,07 28,26 0,07 0,89 0,14 0,34 0,19 0,07 0,75 1,42 0,35 1,06 1,77 0,18 0,35 1re anne 31,89 Oral 2me anne 28,55 0,53 34,04 29,26 4me anne 10,99 0,23 41,68 37,83 0,68 3,49 0,34 1,25 1,25 0,23 1,59 0,11 0,82 1,71 0,53 1,95 0,34 1,02 1re 2me anne 9,33
4me anne 3,42 1,5 66,12 25,68 1,64 0,14 0,27 0,14 0,27 0,27
0,63 0,31
0,85
0,16 0,16
0,17 2,27
Tableau 12 : Pourcentage demplois des temps dans la narration dun film et dun conte par des apprenants anglophones 4.4.2. Influence du cotexte (la position dans le texte) On va maintenant sinterroger sur linfluence possible de la structure narrative dans lutilisation du PS. Cette forme apparatrait-elle prfrentiellement certains points du rcit ? Propp a propos une structure du conte en 31 points qui peuvent se regrouper en 4 catgories : (1) la squence dintroduction, (2) le corps du texte, (3) la squence du don (obtention dune aide magique) et (4) retour du hros. Dans la version de Cendrillon tudie, on a relev les points suivants :
(1) Squence dintroduction 1. Un membre de la famille disparat (la mre) et lhrone est prsente. 2. Linterdiction : Cendrillon doit renoncer ses prrogatives de fille de la maison. 7. La soumission : Cendrillon accepte son sort sans se plaindre. (2) Corps du texte 8. La vilenie : la belle-mre et les belles-surs de Cendrillon la privent de bal tout en la tentant.
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9. Le manque : Cendrillon rvle sa marraine son dsir dassister au bal. 10. Laccord laction : Cendrillon se soumet aux ordres de sa marraine. (3) La squence du don 12. Le test : la fe teste la motivation de Cendrillon en lui donnant des ordres apparemment ridicules. 13. La raction : Cendrillon obit. 14. Lobjet magique : Cendrillon reoit par magie les moyens daller au bal. 15. Le transfert vers le lieu o le manque va tre combl : Cendrillon part pour le bal. 19. Disparition du manque : Cendrillon est honore. (4) Le retour du hros 20. Le dpart : Cendrillon quitte le bal [ retour en arrire]. 18. La dfaite du mchant : les mchantes surs doivent sincliner devant la beaut de linconnue. 19. Disparition du manque : Cendrillon est honore. 20. Le dpart : Cendrillon quitte le bal. 21. La poursuite : le prince tente de la rattraper. 22. Lchappe : Cendrillon disparat en abandonnant sa pantoufle. 23. Le retour sans reconnaissance : Cendrillon reprend sa place de souillon. 24. Les faux hros : les mchantes surs tentent denfiler la pantoufle. 25. Lpreuve : Cendrillon demande essayer la pantoufle sous les moqueries. 26. La victoire : La pantoufle sied Cendrillon. 27. La reconnaissance : Cendrillon confirme son identit par la seconde pantoufle. 28. Les mchants dmasqus : les mchantes surs shumilient. 29. Lpiphanie : Cendrillon est mene au prince dans un habit de lumire. 31. Le mariage et le rgne du hros.
Certaines des catgories voquent la succession des pripties, alors que dautres (principalement la squence dintroduction et les tats rsultants final (31) ou intermdiaires (19, 23) sont propices la description. Ces contrastes sont susceptibles de se manifester dans la morphologie verbale : le PS se prterait lexpression des vnements successifs (voir Bres 2003, Vetters 2003) alors que lIMP conviendrait mieux aux parties descriptives. Le tableau suivant explicite la rpartition proportionnelle des PS dans les narrations crites 42 pour les diffrentes catgories releves. Il montre des diffrences majeures entre les natifs et les bilingues dune part, et les apprenants de lautre, dans lemploi discursif du PS.
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Nous nous limitons ici aux narrations crites qui comprennent une plus grande frquence de PS. Des phnomnes comparables sont aussi perceptibles dans les narrations orales.
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Catgories 1 2 7 8 9 10 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 31
Corpus natif Nb PS % 14 4,26 11 3,34 3 0,91 38 11,55 29 8,81 3 0,91 8 2,43 3 0,91 41 12,46 9 2,74 26 7,9 11 3,34 7 2,13 22 6,69 10 3,04 1 0,3 9 2,74 18 5,47 9 2,74 13 3,95 7 2,13 5 1,52 2 0,61 5 1,52 25 7,6 329 100
14,29
Nb PS 2 6 1 9 4 3 1 12 2 7 4 2 1 3
Bilingues % 3,23 9,68 1,61 15,42 6,45 4,84 1,61 19,35 3,23 11,29 6,45 3,23 1,61 4,84
8,7
Tableau 13 : Rpartition du PS par catgorie Les francophones et les bilingues utilisent le PS comme ressource narrative constante : on relve des occurrences dans toutes (ou la plupart de) les catgories ; la frquence du PS est, comme on pouvait sy attendre, plus importante aux points-cls de lhistoire : linvitation (8), la transformation (14), le bal (19) et la conclusion (31). Chez les apprenants, les occurrences du PS sont isoles et apparemment alatoires, sauf pour (31) mais on a vu plus haut que ces emplois taient formulaires. Dans les corpus dapprenants, labsence du PS est pallie par dautres formes verbales : le PC bien entendu mais aussi des IMP non natifs et des PRES :
(6) Quand les soeurs ont quitt la maison, la marenne de Cendrillon a apparu. Cendrillon pleurait. Est-ce que tu veut aller au bal , la marenne a demand ? Bien sur ! Cendrillon a rpondu. Bon, trouve-moi un lgume, 6 souris, 1 rat et 3 lizards . Cendrillon a trouv tous ses choses dans le jardin et elle a donn ces choses sa marenne. La marenne a fait la magie. (A414)
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Cendrillon tait trs triste parce quelle ne pouvait pas y aller. Cendrillon dcidait de demander sa marraine si elle pouvait aller au bal, la marraine disait quil faut que Cendrillon cherche une lgume dans le jardin. Cendrillon trouvait la lgume, la marraine utilisait son pouvoir et dans un flashe Cendrillon portait des beaux vtements et il y avait des chevaux, qui taient prts de la prendre au bal. Avant que Cendrillon partit la marraine la disait quelle devait rentrer chez elle avant minuit. (A412) (8) Pendant la soire du ball, Cinderellion tait faire la menage de la maison quand une femme gentile arrivait sa maison. Cette femme tait magicale et elle aidait Cinderellion faire du ball. Elle changait des mices aux chevaux, et donnait Cinderellion un robe magnifique. Cinderellion arrivait du ball mais elle avait faire un promis de rentrer chez soi avant minuit. (A114) (9) Les temps arriv pour la belle-mre et les soeurs dallent le bal et Cendrillon tait triste quand une marriere arriv. Cendrillon dit quelle surs sont horrible mais la femme aid Cendrillon de prepare pour le bal. Elle change souris entre les chevaux et les rats entre trois hommes et une citroe entre un carrage. Elle aussi donne Cendrillon une belle robe et dit quelle doit retourn minuit parce que les chevaux retourn souris et les hommes rats. (A126) (10) Cendrillon reste a la maison. Dans un coup, sa *marriane apparatre et elle dit Cendrillon quelle doit aller au bal. Mais Cendrillon dit a sa marraine quelle nest pas des vetements pour aller au bal.. la marraine dit Cendrillon damener 6 souris, et avec sa baguette elle transformer les souris 6 chevaux. Elle demande Cendrillon damener aussi 3 rats et 6 lezards. La *marrine transformer les rats et les lezards au 3 hommes et 6 laquais. Enfin elle change les vetements de Cendrillon et elle devient une princesse. La *marriane dit Cendrillon de venir avant minuit car tout vas changer comme avant. (A213)
On constate que, contrairement aux francophones et dans une certaine mesure aux bilingues -, les apprenants nutilisent en rgle gnrale pas le PS comme ressource narrative cohrente. Leurs emplois sont majoritairement isols et semblent merger de faon alatoire. 5. Conclusion La prsente tude nous permet de tirer quelques conclusions sur lutilisation du PS par les apprenants avancs. Dabord, on constate que leur comptence dpasse leur performance dans ce domaine : si les PS sont rares en production spontane, ils sont nettement plus nombreux en production sollicite. En production spontane, on constate une nette proportion de formes monosyllabiques (chunks ?) et de formes rgulires ou rgularises. Quant au corpus bilingue, il nous a permis de constater des diffrences nettes entre leur apprhension du PS et celle des apprenants monolingues. La limitation de nos donnes ne nous a pas permis dtablir avec certitude le rle respectif du sjour en pays francophone, de lentourage familial ou de la scolarit en franais dans l'acquisition de la forme. Compte tenu de
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lutilisation limite du PS par les 4me anne, on peut douter de linfluence du sjour. Il est plus difficile de trancher sur linfluence familiale (familiarisation avec les histoires la franaise durant lenfance) ou scolaire (enseignement formel du PS) ; la conscience du PS double du manque de matrise morphologique des sujets issus de familles bilingues semblerait indiquer que leur dficit par rapport aux francophones est dordre scolaire. Finalement, la prsence limite du PS dans les corpus dapprenants souligne une fois de plus les limitations dun modle tel que lhypothse de laspect pour rendre compte de lacquisition aspectuo-temporelle en franais, langue trangre. Il ne prend en effet pas plus en compte les variantes stylistiques que les variantes smantiques (Labeau 2004b). Rfrences Andersen, R. (1986). El desarollo de la morphologa verbal en el Espaol como segunda idioma, in : Meisel, J.M. (ed.), Adquicisin de languaje / Acquisicao da linguagem, Frankfurt : Vervuert, 115-138. Andersen, R.W. (1991). Developmental sequences : the emergence of aspect marking in second language acquisition, in : T. Huebner ; C.A. Ferguson, (eds), Crosscurrents in Second Language Acquisition Theories, Amsterdam / Philadelphia : John Benjamins. Andersen, R. (2002). The dimensions of pastness, in : R. Salaberry ; Y. Shirai, (eds), The L2 Acquisition of Tense-Aspect Morphology, Amsterdam / Philadelphia : John Benjamins, 79-105. Andersen, R. ; Shirai, Y. (1994). Discourse motivations for some cognitive acquisition principles, Studies in Second Language Acquisition 16 : 133156. Bardovi-Harlig, K. (2000). Tense and Aspect in Second Language Acquisition : Form, Meaning and Use, Oxford : Blackwell. Bardovi-Harlig, K. ; Bergstrm, A. (1996). Acquisition of tense and aspect in second language and foreign language learning: learner narratives in ESL and FFL, Canadian Modern Language Review 52 : 308-330. Bartning, I. (1997). Lapprenant dit avanc et son acquisition dune langue trangre. Tour dhorizon et esquisse dune caractrisation de la varit avance , in : I. Bartning, (d.), Les apprenants avancs. AILE : 9-50. Bergstrm, A. (1995). The expression of past temporal reference by Englishspeakers of French, Unpublished PhD dissertation, The Pennsylvania State University. Bres, J. (2003). Non, le pass simple ne contient pas linstruction [+progression], Cahiers Chronos 11 : 99-112. Gougenheim, G. ; Rivenc, P. ; Micha, R. ; Sauvageot, A. (1964). L'laboration du franais fondamental, Paris : Didier.
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