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Paul Verlaine

Ddicaces

Daprs le Tome III des uvres compltes de Paul Verlaine chez Lon Vanier (1901).

DDICACES

BALLADE
TOUCHANT UN POINT DHISTOIRE

A Anatole France.

A S S E Z quon sinon plus quassez


Dplore avec dsinvolture, Les uns mes dsordres passs, Les autres ma Noce ! future ; Mais tous joignent cette torture A leurs racontars dplaisants De me vieillir plus que nature : Je nai que quarante-trois ans. Jai mille vices, je le sais, Et connais leur nomenclature, Mais pas tous ceux quon a tracs. La pnible msaventure ! Va-t-il falloir que je lendure ? Oui, non sans maints ennuis cuisants. Or voici le cas de rupture : Je nai que quarante-trois ans.

PAUL VERLAINE

Jaurai quelque jour un accs Contre cette littrature. Je jure alors, foi de Franais ! De courre et nvrer limposture, Ft-ce au fond de lEstramadure Ou vers le ple aux froids jusants. Dilemme : Surcharge ou rture ! Je nai que quarante-trois ans.
ENVOI

Princes du pouf et de lordure, Sachez-l, choliers maldisants Que tente une poigne encor dure, Je nai que quarante-trois ans.
Dcembre 1887.

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DDICACES

II

BALLADE
EN VUE DHONORER LES PARNASSIENS

A Ernest Jaubert.

O R on vivait en des temps fort affreux


O la rclame tait mal en avance. Dans la bataille aux rimes plus dun preux Tout juste eut pour lattaque et la dfense Quelque canard dArtois ou de Provence ; Mais Phbus vint qui reconnut les siens Et sut garder, vainqueurs, de toute offense Les chers, les bons, les braves Parnassiens. Bien que tenus un peu pour des lpreux, Ne touchant gure en fait de redevance Que tels petits cus des moins nombreux Et lamour et leau claire pour chevance Unique avec la faim de connivence, Tous, aussi bien les neufs que les anciens, Ils marchaient droit dans la stricte observance, Les chers, les bons, les braves Parnassiens.

PAUL VERLAINE

Ctaient, aprs les Matres valeureux, Ces pages fiers : Mends en son enfance Mais qui dj portait des coups heureux, Ah lui ! ne let oncques la rime en vance Gn du tout, voir celle en revance, Heredia, fleur des patriciens, Dierx, Cazals, que leur nom pur devance, Les chers, les bons, les braves Parnassiens.
ENVOI

Princes et rois gards de toute offense , Ai-je dit, lun de ces miliciens, Qu leurs sants boivent leau de Jouvence Les chers, les bons, les braves Parnassiens. _____

DDICACES

A JULES TELLIER

Q U A N D je vous vois de face et pench sur un livre


Vous mavez lair dun loup qui serait un chrtien, Pardon, rectifiez : qui serait un paen, En tous cas dun loup peu garou qui saurait vivre. Je vous vois de profil : un faune mapparat, Mais un faune select au complet sans reproche Avec, pour plus de chic, une main dans la poche Et promenant pas distraits son vu secret. Vu de dos, vous semblez un sage qui mdite, A jamais affranchi des fureurs dAphrodite Et du soin de penser uniquement jaloux. Vu de loin, on vous veut de prs justes titres, Et, car la vie, hlas ! a de sombres chapitres, Quand je ne vous vois pas je me souviens de vous.
1er janvier 1889.

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PAUL VERLAINE

II

AU MME

A I N S I je riais, fou, car la vie est folie !


Mais je ne savais pas non plus que tu mourrais, Moi malade et mourant presque (on et dit exprs, Sr, mort, du cher tribut de ta mlancolie) Car tu maimas de sorte ce quon ne loublie, Esprit et cur enthousiastes toujours prts A se manifester en quelques nobles traits Et cest moi qui sur toi dis la triste lalie ! Hlas, hlas ! que tout soit ou semble discord En ce inonde o qui donc a raison ou bien tort, A ce qu assure une dure philosophie ! Mon ami, quelle soit la dispute ou la loi, Je reprends un de mes vers vrais vous en vie : Quand je ne te vois plus je me souviens de toi.
Juin 1889.

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III

A FRANOIS COPPE

L E S passages Choiseul aux odeurs de jadis,


Oranges, parchemins rares, et les gantires ! Et nos dbuts , et nos verves primesautires, De ce Soixante-sept ce Soixante-dix, O sont-ils ? Mais o sont aussi les tout petits vnements et les catastrophes altires, Et le temps o Sarcey signait S. de Suttires, Ntant pas encore mort de la mort dAthys ! Or vous, mon cher Coppe, au sein du bon Lemerre Comme au sein dAbraham les justes dautrefois, Vous gotez limmortalit sur des pavois. Moi, ma gloire nest quune humble absinthe phmre Prise en catimini, crainte des trahisons, Et, si je nen bois pas plus, cest pour des raisons. _____

PAUL VERLAINE

IV

J.-K. HUYSMANS

S A douceur nest pas excessive,


Elle existe, mais il faut la voir, Et cest une laveuse au lavoir Tapant ferme et dru sur la lessive. Il la veut blanche et qui sente bon Et je crois qu force il laura telle. Mais point ne sagit de bagatelle Et la tche nest pas dun capon. Et combien mritoire son cas De soigner ton linge et sa dtresse, Humanit, crasses et cacas ! Sans jamais dinsolite paresse, O douceur du plus fort des J.-K., Tape ferme et dru, bonne bougresse ! _____

10

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A STPHANE MALLARM

D E S jeunes cest imprudent !


Ont, dit-on, fait une liste O vous passez symboliste. Symboliste ? Ce pendant Que dautres, dans leur ardent Dgot naf ou fumiste Pour cette pauvre rime iste, Mont bombard dcadent. Soit ! Chacun de nous, en somme, Se voit-il si bien nomm ? Point ne suis tant enflamm Que a vers les nymphes, comme Vous ntes pas mal arm Plus que Sully nest Prudhomme. _____

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PAUL VERLAINE

VI

A JEAN MORAS

C E S T le beau Jean Moras


Qui fait dire lchotier Que lart priclite, hlas ! Aux mains dun si tel routier. Routier de lpoque insigne, Violant des villanelles Coin nie aussi, blancheurs de cygne ! Violant des pronnelles. Va-ten, sonnet libertin, Fleurir de rimes gaillardes Ce chanteur et ce hutin, Migrateur emmi les bardes, Que suivent sur ses appels Tous les curs des archipels. _____

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VII

A LAURENT TAILHADE

L E prtre et sa chasuble norme dor jusques aux pieds


Avec un long pan daube en guipures sur les degrs ; Le diacre et le sous-diacre aux dalmatiques chamarres Dorerie et de perle quelque Eldorado pilles ; Le Sang Rel par Qui toutes fautes sont expies, Dans un calice clair comme des flammes mordores ; Lautel tout fusel sous six cierges dmesurs, Et ces troublants Agnus Dei quon dirait ppis ; Et ces enfants de chur plus beaux que rien qui soit au monde Leurs soutanettes carlates, leurs surplis jolis, Et les lourds encensoirs bercs de leurs mains appalies ; Cependant que, pote au front royal sur tout haut front, Laurent Tailhade, tels jadis Bivar, Sanche et Gomez, rect, et beau chrtien, et beau cavalier, suit la messe. _____

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PAUL VERLAINE

VIII

A VILLIERS DE LISLE-ADAM

T U nous fuis comme fuit le soleil sous la mer


Derrire un rideau lourd de pourpres lthargiques, Las davoir splendi seul sur les ombres tragiques De la terre sans verbe et de laveugle ther. Tu pars, me chrtienne on ma dit rsigne Parce que tu savais que ton Dieu prparait Une fte enfin claire ton cur sans secret, Une amour toute flamme ton amour igne. Nous restons pour encore un peu de temps ici, Conservant ta mmoire en notre espoir transi, Tels les mourants savourent lhuile du Saint-Chrme. Villiers, sois envi comme il aurait fallu Par tes frres impatients du jour suprme O saluer en toi la gloire dun lu. _____

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IX

LON BLOY

L E Dogme certes, et la Loi,


Mais Charit qui ne commence Ni ne finit, norme, immense, Telle est la foi de Lon Bloy. Un Abel mais un saint loi : Enclume et marteau sans clmence, La raison jusqu la dmence, Telle est la foi de Lon Bloy. Une tte froce et douce, Trs extraordinairement Un peu va comme je te pousse ; Un gnie horrible et charmant, Et tout ltre et tout le paratre Dun mauvais moine et dun bon prtre. _____

15

PAUL VERLAINE

A RAOUL PONCHON

VO U S aviez des cheveux terriblement ;


Moi je ramenais dsesprment ; Quinze ans se sont passs, nous sommes chauves Avec, tous crins, des barbes de fauves. La Barbe est une erreur de ces temps-ci Que nous voulons bien partager aussi ; Mais lidal serait des coups de sabres Ou mme de rasoirs nous faisant glabres. Voyez de Banville, et voyez LeconTe de Lisle, et tt pratiquons leur conDuite et soyons, tels ces deux preux, nature. Et quand dans Paris, tels que ces deux preux, Nous irons, fleurant de littrature, Le peuple, bloui, rions prendra pour eux. _____

16

DDICACES

XI

A F. CAZALS

A D O N I S expirant sur des fleurs nest pas lui.


Narcisse en fleur chang non plus, non plus Arbate Triste de ne rimer qu peine Mithridate, Et non plus rien qui nous rappellerait lennui. Au contraire, les chagrins qui nous auraient nui, Littral Arlequin, il les bat de sa batte Comme un Pierrot, et a na rien qui nous pate, Attendu que le rire en ses yeux bruns a lui. Dcoratif sa faon sinon la bonne, Cest la meilleure, il na le cachet de personne Ni personne le sien, rciprocit ! Le roi des bons enfants et la pire des gales, Car que de vices, las ! aux noirceurs sans gales : Jeunesse, esprit, gat, bont, simplicit ! _____

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PAUL VERLAINE

XII

A GERMAIN NOUVEAU

C E fut Londres, ville o lAnglaise domine,


Que nous nous sommes vus pour la premire fois, Et, dans Kings Cross mlant ferrailles, pas et voix, Reconnus ds labord sur notre bonne mine. Puis, la soif nous creusant fond comme une mine, De nous prcipiter, ds libres des convois, Vers des bars attractifs comme les vieilles fois, O de longues misses plus blanches que lhermine Font couler lale et le bitter dans ltain clair Et le cristal chanteur et lger comme lair, Et de boire sans soif lamiti future ! Notre toast a tenu sa promesse. Voici. Que, vieillis quelque peu depuis cette aventure, Nous navons ni le cur ni le coude transi. _____

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XIII

MAURICE BOUCHOR

I L sappelle Maurice ainsi que ce soldat.


Et se nomme Bouchor comme saint Bouche dor. Soldat du rire franc, saint, sinon point encor, Du moins religieux desprit sinon dtat. Chaque effort de son uvre acclame bien sa date Et, sous ses deux patrons, ce quen outre elle arbore Cest bien la bonne foi sortant par chaque pore Et lamour du mtier que chaque heure constate. Jeunesse folle bien, extravagante au point : Tel un page sa dame au cur, sa dague au poing, Bondissant, comme hennissant, sil meurt, tant pis ! Age dhomme pensif et profond dont tmoigne On dirait, lon dirait, sonne pleine poigne, La tour change en nourrice de Saint-Sulpice. _____

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PAUL VERLAINE

X IV

HENRY DARGIS

R U D I T , graphologue est presque ncromant,


Pourtant il est aimable et si mal redoutable Quil fait belle et digne figure au bal, table, Au jeu, partout, ce quon dit, et lon ne ment. Ce sage aime la Femme, et qui croit quil a tort ? Pour lui plaire, ou plutt pour se plaire soi-mme, Si jen crois mes auteurs, il prend un soin suprme Dtre lgant sans rien qui sente un seul effort. Agile, souple, interrogant, cest un vainqueur. Son cur a de lesprit comme quatre, et sa tte Est bonne comme un cur, bien que tte desthte, Et que son cur soit bte ainsi que tout bon cur. Ermite deux, parmi chienne et chien chat et chatte, Il vit, lt comme lhiver, la GrandJatte. _____

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XV

A ERNEST RAYNAUD

N O U S sommes tous les deux des moitis dArdennais,


Moi plus fonc que vous, dirai-je plus sauvage ? Procdant des Forts quand vous de ce Vallage Doux et frisque quaussi bien que je vous connais. Il y a peu de temps quencor jy promenais, Vous le savez, mon got de son clair paysage, Poussant les choses jusqu nous mettre en mnage, Mon rve et moi, l-bas, paysans dsormais. Faut croire que l-bas joffensai quelque fe, Car men voil parti plus tt que de saison Aprs avoir vendu mon clos et ma maison. Aussi combien en vous jadore, retrouve Parmi ces gens que nos airs francs font bahis, La bonne humanit de ce brave pays. _____

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PAUL VERLAINE

XVI

RAYMOND DE LA TAILHDE

U N jour que la nature avait fait de bons rves,


Elle vit sveiller Raymond de la Tailhde Aux bords o, pour charmer lennui des heures brves, Le joyeux troubadour procde de lade. Ple implacablement avec des fois la rose, Sur la joue et le front, de vingt ans pas encore, Et, sduisante aussi par-dessus toute chose, Cette vivacit, mercure, ther, phosphore ! Petit, ainsi quil sied ces futurs grands hommes, Mais si haut de mpris pour le sicle o nous sommes Quil voque liogabale, quil lassume Et quil lincarne, en haine de lheure mauvaise, Absolument indiffrent la coutume. Dailleurs correct et gentleman la franaise. _____

22

DDICACES

XVII

A ARMAND SILVESTRE

L A grande Sand porta sur les fonds baptismaux


Votre muse robuste et saine et, bonne fe, Fous prdit le gnie et luvre dun Orphe Charmant lhomme et la femme et jusquaux animaux, Jusquau serpent, jusqu loiseau sur les rameaux. Et vous, pour faire bien la parole prouve, Vous avez remport ce double cher trophe : Belle ampleur de lide en lalme ampleur des mots. Vos livres sont un don mme de la nature, Tant il fait bon les lire et les relire, ainsi Quon respire et respire une atmosphre pure. Vos livres ! o lamour quil faut, jamais transi, Toujours sincre, clate en vives splendeurs franches, Puis o le mle au fond quon est prend ses revanches. _____

23

PAUL VERLAINE

XVIII

FERNAND LANGLOIS

H A U T comme le soleil, ple comme la lune,


Comme dit vaguement le proverbe espagnol, Il a presque la voix tendre du rossignol, Tant son cur fut clment ma triste fortune. Je lcoute toujours, cette voix opportune Qui me parlait nagure, est-ce en ut, est-ce en sol ? Et qui sut relever, furieux sur le sol, Mon cur, cur sauvage et fou de roi de Thune ! Mais rions ! car mon livre est un livre amusant, Et ds lors que ce souvenir doux et cuisant Dun suicide prvenu de mains pieuses Me remonte ce soir, peut-tre pire encor Dans un absurde et vraiment sinistre dcor, Paix-l, pour ces mains-l, mes mains calamiteuses ! _____

24

DDICACES

XIX

A IRNE DECROIX

O sont les nuits de grands chemins aux chants bachiques


Dans les Nords noirs et dans les verts Pas-de-Calais, Et les canaux priculeux vers les Belgiques O, gris, on chavirait en hurlant des couplets ? Car on riait dans ces temps-l. Tuiles et briques Poudroyaient par la plaine en hameaux assez laids ; Les fourbouyres, leurs pipes et leurs bourriques Dvalaient sur Arras, la ville aux toits follets Poignardant, espagnols, ces ciels pais de Flandre ; Douai brandissait de son ct, pour sen dfendre, Son lourd beffroi carr, si lger cependant ; Lille et sa bire et ses moulins vent sans nombre Bruissaient. Oui, qui nous rendra, cher ami, lombre Des bonnes nuits, et les beaux jours au rire ardent ? _____

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PAUL VERLAINE

XX

A GEORGE BONNAMOUR

J T A I S malade de regrets, de quels regrets !


Toute ma bonne foi pleurait dune mprise. Mon corps qui fut nagure fort, si faible aprs Agonisait presque, comme un tigre agonise. Ma face dure aux poils fauves de barbe grise Suait froid, mes yeux clos se rejoignaient trop prs, Daffreux hoquets me secouaient sous ma chemise Et mes membres salignaient, la mort tout prts. Puis il fallut manger et boire. Comment faire ? Mais vous vous trouviez l qui me tendiez mon verre Et dcoupiez ma chre et me teniez le front. Et, tout en coutant, pieux, ma juste plainte, La consolant parfois dun mot franc dit sans crainte, Berciez lenfant quest moi des beaux jours qui seront. _____

26

DDICACES

XXI

A PATERNE BERRICHON

T O U S deux avons ce travers


De raffoler des bons vers Et daimer notre repos. Aussi tout, jusquaux hasards, Punit sur nos tristes peaux Ces principes de lzards. Alors parfois nos rancunes, Ne connaissant plus dobstacles, uvrent sans mercis aucunes, Toutes sortes de miracles ; Si que le pante morose Sindigne que, mal civile, Lu muse mtamorphose Le lzard en crocodile. _____

27

PAUL VERLAINE

X XII

A GABRIEL CHAUPRE

V O T R E grand-pre des temps chauds, lhonnte Pache,


Fut un rpublicain srieux, simple et franc. Il mprisa largent, abomina le sang Ft mourut vnr, pur de la moindre tache. Nous sommes en des jours autres o lon sattache Au positif ainsi quun abcs sur un flanc, O le bleu comme le rouge et comme le blanc, Tous tirent tes pis, notre France, bonne vache ? Hlas ! France, Patrie, vivre et voir cela ! Mais votre cur loyal bientt se rebella Contre la manigance actuelle, un mystre De sottise mchante, et fier, se donna tout Aux Lettres, comprimant son civique dgot ; Et vous mourrez trs bien, comme votre grand-pre. _____

28

DDICACES

XXIII

AU DOCTEUR GUILLAND

D A N S ce mien voyage de cure,


En dpit de Joanne et de Chaix Je nai rien vu dAix-les-Bains quAix Pur, nature, sans fioriture. Lent, grave figure daugure, Jallais comparable tel exBoyard quentortille un vortex De mainte et mainte couverture. La douche, le lit, trois repas, Furent le rgime. svre Que nous suivmes pas pas, Larthrite et moi dans cette affaire, Pour, cher Docteur, hter, normal Mon rtablissement thermal. _____

29

PAUL VERLAINE

XXIV

A LOUIS ET JEAN JULLIEN

S A V A N T I S S I M O Doctori
Bonissimoque Scriptori, Au frre et puis encore au frre Ce sont les jambes en lair Qui commence chanter son air En pur latin de feu Molire ! Ce sonnet pour dire tous deux, Sur un ton badin mais sincre Que je les aime bien et serre Leurs loyales mains tous deux. Louis, malgr le sort contraire, Salut vous qui gurissez, A vous aussi qui punissez Lordre bourgeois, Jean, mon confrre. _____

30

DDICACES

XXV

A MILE LE BRUN

D A N S le gchis de lan dernier


Nous fmes, osons le nier Vous, parlementaire, quatroce ! Moi, boulangiste, si froce ! Or, ne pouvant rouler carrosse, Lun et lautre enfourchant sa rosse, Inutile de le nier, Chacun arriva bon dernier. Mais quimporte la politique, Puisque ferme et mme pratique, Laffection chassa lassaut ? Malgr ces convictions denses. Ami des fortes confidences ; Vous en vouloir, moi ? Quel sot ! _____

31

PAUL VERLAINE

XXVI

A HENRI MERCIER

I L nous sied de remercier


Sur tous les tons de tous les modes Ballades, sonnets, stances, odes, Le sage, le juste Mercier. Car quelle guerre lpicier Qui trouve ses us incommodes, Et les truculentes mthodes, En lhonneur de quels besaciers ? Puis il va, doux Porthos physique lit subtil Aramis moral, De la peinture la musique, Noctambule mais auroral, Prince des vers et de la prose Et bath ami sur toute chose. _____

32

DDICACES

XXVII

A ADRIEN REMACLE

V O T R E femme chantait dlicieusement


De trs anciens vers miens par vous mis en musique Vers sans grande porte idale ou physique, Mais que la voix tait exquise et lair charmant ! Si bien que jentrais dans un grand tonnement, Moi le lass qui rve dtre un ironique, Dainsi revivre sensuel et platonique. Quoi, sensuel ? Vraiment ? Platonique ? Comment ? Ah ! quand jeune jtais ainsi ! Tiens tiens. Possible. Aprs tout. Oui, rvasseur et mauvais sujet. Ma tte alors dsirait et ma chair songeait. Mais jadmire, moi le blas (mais limpassible, Non !) jadmire combien la sympathie et lart voqurent lenfant presque au quasi-vieillard. _____

33

PAUL VERLAINE

XXVIII

A ARMAND SINVAL

H A B I T A N T de ces chers confins de la Bastille,


O je fus trop heureux et puis trop malheureux, Battant monnaie ici, l faisant buisson creux Et passant (cest le mot) de lAmer la Fille, Tous accrocs et raccrocs dont mon dossier fourmille ! Ami dans ces quartiers, moi qui berc par eux, Bern par eux damours bizarres et daffreux Guignons, leur garde comme un regret de famille, Je vous prie instamment, du fond de ce Broussais, Un hpital sis Plaisance o le pote Vit, caress par lombre du drapeau franais, De porter mon bonjour et mon baiser de fte. A ce mien pass dor vann reprsent Par un Gnie en lair, misre et libert ! _____

34

DDICACES

XXIX

A CHARLES DE SIVRY

A R T I S T E , toi, jusquau fantastique,


Pote, moi, jusqu la btise, Nous voil, la barbe moiti grise, Moi fou de vers et toi de musique. Nous voil, non sans quelques travaux, Riches, moi de leau de lHippocrne, Quand toi des chansons de la Sirne, Mrs pour la gloire et ses chafauds. Bah !nous aurons eu notre plaisir Qui nest pas celui de tout le monde l Et le loisir de notre dsir. Aussi bnissons la paix profonde Qu dfaut dun trsor moins subtil Nous donnrent ces ainsi soit-il. _____

35

PAUL VERLAINE

XXX

A CHARLES VESSERON

D A N S nos savoureuses Ardennes


O je fis le mal et le bien, Ici, mortifi, chrtien, L, perptrant quelles fredaines ! Jai, par le cours aventureux De mes mrites et du reste, Coul, dun flot lger et leste, Quelques jours tout de mme heureux. Je tais ma paix chaste et profonde Et je jette un voile sant Sur mes horreurs de mcrant. Mais notre amiti toute ronde. Vaut un los sur un rythme net, Et jexpress exprs ce sonnet. _____

36

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XXXI

A GABRIEL VICAIRE

V O U S tes un mystique et jen suis un aussi :


Mais vous lger, charmant, on dirait du Shakespeare, Moi pas mal sombre, un Dante imperceptible et pire Avec un reste, au fond, de pcheur mal transi. Je suis un sensuel, vous en tes un autre : Mais vous gentil, rieur, un Gaulois et demi, Moi lombre du marquis de Sade, et ce, parmi Parfois des airs nafs et faux de bon aptre, Plaignez-moi, car je suis mauvais et non mchant, Puis, tel vous, jaime la danse et jaime le chant, Toutes raisons pour ne plus men vouloir qu peine. Et puis jaime ! Tout court ! En masse, en gnral. Depuis la fille amre au souris spulcral Jusqu Dieu tout-puissant dont la droite nous mne ! _____

37

PAUL VERLAINE

XXXII

A MILE BLMONT

L A vindicte bourgeoise assassinait mon nom


Chinoisement, coups dpingle, quelle affaire Et la tempte allait plus pre dans mon verre. Dailleurs du seul grief, Dieu brav, pas un non, Pas un oui, pas un mot ! LOpinion svre Mais juste sen moquait autant quune guenon De noix vides. Ce buf bavant sur son fanon, Le Public, mchonnait ma gloire encore faire. Lheure tait tentatrice et plusieurs dentre ceux Qui maimaient en dpit de Prudhomme complice, Tournrent carrment, furent de mon supplice. Ou se turent, la peur les trouvant paresseux, Mais vous du premier jour vous ftes simple, brave, FIDLE ; et dans un cur bien fait cela se grave. _____

38

DDICACES

XXVIII

A EMMANUEL CHABRIER
C H A B R I E R , nous faisions, un ami cher et moi, Des paroles pour vous qui leur donniez des ailes, Et tous trois frmissions quand pour bnir nos zles, Passait lEcce Deus et le Je ne sais quoi. Chez ma mre, charmante et divinement bonne, Votre gnie improvisait au piano, Et ctait tout autour comme un brlant anneau De sympathie et daise aimable qui rayonne. Hlas ! ma mre est morte et lami cher est mort, Et me voici semblable au chrtien prs du port. Qui surveille les tout derniers cueils du monde, Non toutefois sans saluer lhorizon Comme une voile sur le large au blanc frisson, Le souvenir des frais instants de paix profonde. _____

39

PAUL VERLAINE

XXXIV

A ERNEST DELAHAYE

D I E U , nous voulant amis parfaits, nous fit tous deux


Gais de cette gat qui rit pour elle-mme, De ce rire absolu, colossal et suprme Qui sesclaffe de tous et ne blesse aucun deux. Tous deux nous ignorons lgosme hideux Qui nargue ce prochain mme quil faut quon aime Comme soi-mme : tels les termes du problme, Telle la loi totale au texte non douteux : Et notre rire tant celui de linnocence, Il clate et rugit dans la toute-puissance Dun bon orage plein de lumire et dair frais. Pour le soin du Salut, qui me pique et minspire. Jestime que, parmi nos faons dtre prts, Il nous faut mettre au rang des meilleures ce rire. _____

40

DDICACES

XXXV

A MAURICE DU PLESSYS

J E vous prends tmoin entre tous mes amis,


Vous qui mavez connu ds lextrme infortune, Que je fus digne delle, Dieu seul tout soumis, Sans criard dsespoir ni jactance importune, Simple dans mon mpris pour des revanches viles Et dans limmense effort en dtournant leurs coups, Calme travers ces sortes de guerres civiles O la Faim et lHonneur eurent leurs torts jaloux, Et, nest-ce pas, bon juge, et fier ! mon du Plessys, Quen lamer combat que la gloire revendique, LHonneur a triomph de sorte magnifique ? Aimez-moi donc, aimez, quels que soient les soucis Plissant parfois mon front et crispant mon sourire, Ma haute pauvret plus chre quun empire. _____

41

PAUL VERLAINE

XXXVI

CHARLES MORICE

I M P R I A L , royal, sacerdotal, comme une


Rpublique Franaise en ce Quatre-vingt-Treize Brlant empereur, roi, prtre, dans sa fournaise, Avec la danse autour, de la grande Commune Ltudiant et sa guitare et sa fortune A travers les dcors dune Espagne mauvaise Mais blanche de pieds nains et noire dyeux de braise, Hroque au soleil et folle sous la lune ; Noptolme, me charmante et chaste tte, Dont je serais en mme temps le Philoctte Au cur ulcr plus encor que sa blessure, Et, pour un conseil froid et bon parfois, lUlysse ; Artiste pur, pote o la gloire sassure ; Cher aux femmes, cher aux Lettres, Charles Morice ! _____

42

DDICACES

XXXVII

A EDMOND THOMAS

M O N ami, vous mavez, quoique encore si jeune,


Vu dj bien divers, mais ondoyant jamais, Direct et bref, oui : tels les Juins suivent les Mais, Ou comme un affam de la veille djeune. Homme de primesaut et dexcs, je le suis, Daventure et derreur, allons, je le concde, Soit, bien ; mais illogique ou mol ou huche ou tide En quoi que ce soit, le dire je ne le puis, Je ne le dois ! Et ce serait le plus impie Pch contre le Saint-Esprit, que rien nexpie, Pour ma foi que lamour claire de son feu, Et pour mon cur dor pur le mensonge suprme, Puisquil nest de justice, aprs lglise et Dieu, Que celle quon se fait, confesse, soi-mme. _____

43

PAUL VERLAINE

XXXVIII

A MES AMIS DE LA-BAS

G E N S de la paisible Hollande
Quun instant ma voix vint troubler Sans trop, jespre, dire grande De votre part, voulant parler A vos esprits que la nature Fit calmes pour mieux y mler Lenthousiasme et la foi pure Et lidal fou de rel Et la raison et laventure De sorte quitable, le ciel Non plus brumeux, mais de par lombre Mme, et lclat essentiel, O le ciel aux teintes sans nombre Quopalisent lombre et lclat Re votre art clair ensemble et sombre, Ciel dont il fallait que parlt La gratitude encor des races. Et dont il fallait que perlt

44

DDICACES

Cette douceur vraiment mystique Et crue aussi vraiment qui rend Rveuse notre pre critique, O votre ciel, fils de Rembrandt ! _____

45

PAUL VERLAINE

XXXIX

QUATORZAIN POUR TOUS

O mes contemporains du sexe fort,


Je vous mprise et contemne point peu. Mme il en est que je dteste mort Et que je hais dune haine de dieu. Vous tes laids moi compris au-del De toute expression, et btes, moi Compris, comme il nest pas permis : cest la Pire peine mon cur, et son moi De ne pouvoir tre (ni vous non plus) Intelligent et beau pour rire ainsi Quil sied, du choix qui me rend cramoisi Et pour pleurer que parmi tant dlus A faire, ces messieurs aient entre tous Pris Brunetire. O les topinambous* ! _____

Voir Boileau, pigrammes.

46

DDICACES

XL

QUATORZAIN POUR TOUTES

O femmes, je vous aime toutes, l, cest dit !


Nallez pas me taxer daudace ou dimposture. Raffolant de la blonde douce et de la dure Brune et de la virginit bte un petit Mais si gente et si prompte se dniaiser, Comme aussi de lalme maturit (que vicieuse ! Mais susceptible dun grand cur et si joyeuse Dun sourire et savourant, lente, un long baiser). Toutes, oui, je vous aime, oui, femmes, je vous aime Except si par trop laides ou vieilles, dam ! Alors je vous vnre ou vous plains. Je vais mme Jusqu me voir fru, parfois mon grand dam, Dune inconnue un peu vulgaire, rencontre Au coin non pas dun bois sacr ! qui mest sucre. _____

47

PAUL VERLAINE

XLI

A G***

T U mas plu par ta joliesse


Et ta folle frivolit. Jaime tes yeux pour leur liesse Et ton corps pour sa vnust. Mais jai dtest tout de suite La gourmandise de ta chair. Jabhorre ton besoin de cuite (Non pas celui qui mest si cher, Le besoin dtre avec cet homme Encore vert qui serait moi), Jabomine pour parler comme Il faut, ton got pour trop dmoi Joyeux, gamin, charmant sans doute Au fait, jy pense, je suis vieux Tant (cinquante ans !) et tes en route Pour tes dix-huit ans pauvre vieux ! _____

48

DDICACES

XLII

ENCORE POUR G

O U I , gamine bonne, je taime


Et ce sera mon plus cher thme Dinstinct non moins que de systme. Oui, certes, gamine bonne ! Je ne suis docteur en Sorbonne Non plus que riche ou beau, friponne. Mes amours ne sont enrages Et mes passions sont ranges Comme une boite de drages. Et devant tre et voulant tre Raisonnable et pur comme un prtre Srieux, je ne suis le matre, Las ! de mon cur qui taime, bonne Gamine que si bien friponne ! Et si peu docteur en Sorbonne ! Et je mennuie, ainsi la pluie Et je me pleure et je messuie Les yeux parce que je mennuie Parce que je suis vieux et parce que je taime. _____
49

PAUL VERLAINE

XLIII

POUR S

O R jadore une chaste Suzanne


Dont je serais lun et lautre vieillard Et pour qui donc je brairais comme un ne, Si ntait par trop chaste ma Suzanne, Elle rieuse, que non pas ! grasse lard ? Mais non plus lexcs diaphane Et je serais heureux sans coq--lne, Si ne mtait trop chaste ma Suzanne Et je te dirai tout doucement Quil faudra bien vite oublier ton amant Ft-ce moi-mme, chose invraisemblable ! Et je serais alors le plus heureux Non pas des trois mais que plutt des deux Et ce ne serait pas dj le diable ! _____

50

DDICACES

XLIV

CHANSON POUR L

E N F I N , aprs deux ans, je te revois et taime


Pour de bon cette fois, En raison de ta voix

A cause de ton corps dabord, et surtout mme,

Si bonne et si calmante et qui dicte des choses Paisibles mon cur Un peu cruel mais doux au fond telles aux roses Les pines et, sur Presque aime cause de ta gente sagesse A travers tant et tant De gaiet polissonne, et de cette largesse Dun cur pourtant prudent, Que ton cur et mon cur rgnent donc sans consteste Sus notre vie tous Les deux et ds ce soir ( jour, je te dteste !) Soyons-nous bons et doux ! _____

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PAUL VERLAINE

X LV

A ***

T O N cur est plus grand que le mien


Mais le mien peut-tre est plus tendre Qui ne sait que ne pas attendre, Tant il serait jaloux du tien, Si je mtais sr de la foi Quil faut, chre, que (je te prte), pauvre, Et que riche, je donne en tout aloi Bon et meilleur ou pire, en vrai pote. Mon cur est moins grand que le tien Mais le tien peut-tre est moins vaste Qui naime gure que le faste Dtre aim du mien, et fait bien. _____

52

DDICACES

XLVI

LE PINSON DE***

C E S T trs miraculeux : ce pinson si joli


Qui sautillait dun air attentif et poli Tout au bout des barreaux, prtant sa tte fine A ma bouche lui sifflant lair de la Czarine, Il nest plus ! Le voici sans souffle dsormais. Il avait bien souffert, autant que tu laimais ! Maussade, hlas ! et symptme bien pire encore, Immobile et muet dans la cage sonore Du ppiement des autres htes de nos bois Et vibrante Dieu sait comme de leurs mois, De leurs bats plus fous que les jeux de la houle. Il stait accroupi, se contournant en boule, La tte sous son aile, ayant lair de dormir, Et ta gardais lespoir, cessant de trop gmir, De le croire en effet endormi La nuit sombre Vint, qui nous consola quelque peu. Mais quand lombre Se dissipa, cdant, Soleil, ton effort, La vrit nous apparut : il tait mort ! Tu reculas dhorreur malgr tout ton courage Ordinaire, et nosais le sortir de la cage. Jaccomplis en ton lieu ce douloureux devoir, Et toi, dpliant en silence un vieux Chat noir ,
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PAUL VERLAINE

Le replias sur le petit cadavre avec des larmes, Linceul appropri, symbole non sans charmes ! Nous dbattmes un long temps lheure et le lieu O rendre les derniers honneurs au petit dieu. Tout coup tu pris ton panier dj clbre Et partis sans me prvenir du lieu funbre Destin dans ton cur lenterrement d, Emportant en ce char loiseau, bien entendu. Quand tu revins, tavais lair fier et plein de grce De quelquun ayant fait, sans bruit et sans grimace, Ce quon peut appeler une grande action : Je lai jet dans les caveaux du Panthon ! Tcrias-tu, puis, car la femme est toujours femme, Et tes yeux teignant soudain leur sombre flamme, Tu repris, et cela me parut aussi beau : Il aurait peut-tre mieux fait sur mon chapeau !
20 fvrier 1893.

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54

DDICACES

XLVII

A E

O toi chaude comme lenfer,


O toi, froide comme lhiver, Douce et dure, on dirait du fer Et de la mousse, Dure et douce comme la mousse Et le fer, si dure et si douce, Va ! sois toi-mme ! Un vent te pousse. Vent de printemps Et vent dautomne, et tant dautans Et de zphirs sont palpitants, Dans tes grands yeux mahomtans De catholique Que jen reste mlancolique Et joyeux, et sans plus doblique Madrigal, je taime ! Madrigal, je taime ! O rplique, Diable anglique. _____

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PAUL VERLAINE

XLVIII

A E
POUR SES TRENNES

J E mprise, vrai ! ces vers-ci


Mais jaime le sujet diceux, Les vers sont-ils tendres ou pisseux ? Mais le sujet est russi. Mais jidoltre, au fond, ces vers Parce quils figurent mon me Pisseuse ou tendre telle dame Sur un fond candide ou pervers. Et ces vers pervers ou candides Seront le tmoignage, au fond, De choix qui viennent et qui vont Et finissent daprs davides, Davidement cruels dsirs Et tout ! par tre moins perfides.
1er janvier 1894.

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56

DDICACES

XLIX

A***

M A U V A I S E , criarde, et a vaut mieux


Quen somme bavarde et muette. Or tel est le vu de ce pote, De ce pote criard, bavard et vieux. Ce pote, bavard et curieux, Amoureux avant tout de sa tte Et de ses motions desthte, Se creuse sa tte denvieux, Denvieux plutt dtre tranquille Comme un naufrag nageant vers lle O se scher des flots furieux Et comme il se cramponne, le pote, Avec son bagage lch desthte A cette mauvaise criarde, et a vaut mieux ! _____

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PAUL VERLAINE

A LA MME

N O N . Ce nest pas vrai. Vous tes trs bonne,


Trs sobre de paroles dures vraiment Et votre verbe est un pur liniment Toute en voyelles sans la moindre consonne. Cest la cause pourquoi je vous pardonne Quelque vivacit dite ventuellement Et srement dans le juste moment O je la mrite, et parlant ma personne. Car vous tes franche et ce mest doux Dans ce monde vil et surtout jaloux De ramper autour de quelquun pour le tromper Et cest trs bien a, ma si chre amie, Et je vous en estime (et ne mens mie) Et je ten aime mieux encor de ne pas me tromper. _____

58

DDICACES

LI

POUR LA MME

Z U T , il nen faut plus, cest une hypocrite


A rebours ou cest une folle ou, mieux, Une sotte en cinq lettres, mais de vieux Jeu, trop Second Empire, et qui seffrite. Car jeune elle est trs loin de ltre encor Et la date de sa naissance est un Trsor De suppositions contradictoires. Cela ne ferait rien sans doute au cas prsent Moi ntant plus non plus ladolescent Epris de sa cousine, lys ! ivoires ! Mais surtout elle est sotte, dmrite Pire mes yeux que tous maux sous les cieux Et, tort non moindre en surplus mes yeux, Elle a le don qui fait que je mirrite. _____

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PAUL VERLAINE

LII

A UNE DAME
QUI PARTAIT POUR LA COLOMBIE

N O T R E -D A M E de Santa F de Bogota
Qui vous apprtez faire le tour de ce monde, Or, mon motion serait par trop profonde Dans le chagrin rel dont mon cur clata A la nouvelle de ce dpart dplorable Si je navais lorgueil de vous avoir, taBle dhte, vue ainsi que tel ou tel rasta Et de vous devoir ce sonnet point admirable. Hlas ! assez, mais que voici de tout mon cur Tel que je lai conu dans un rve vainqueur Dont, hlas ! je reviens avec le bruit qui grise Dun tambourin, bruyant sans doute mais gentil Dtre, grce votre talent de femme exquiseMent amusante, dcor dun doigt subtil. _____

60

DDICACES

LIII

A E***
I

L O R S Q U E nous allons chez Vanier


Dans des buts peu problmatiques, Tu portes un petit panier Moins plein dobjets aromatiques, Persil, cerfeuil, s-authentiques Torsades dun savant vannier Et tels bouquins pour les boutiques Que le Quai n peut renier, Moins plein, dis-je, de toutes choses Que de ceci : soucis moroses, Querelles affreuses, raisons Mauvaises, jeter en Seine, Si quau retour, sans plus de scne, Tout bonnement nous nous baisons. _____

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PAUL VERLAINE

II

A PROPOS DUN PETIT PANIER QUIL AVAIT DMOLI AU BRAS DUNE DAME DANS UN MOMENT DE VIVACIT
Lorsque nous allons chez Vanier Dans des buts peu problmatiques Tu portes un petit panier

I L est mort le petit panier !


Je lai dtruit lors dune scne. Irons-nous encor chez Vanier ? II est mort le petit panier ! Dire que ton uvre, vannier, Je lai tue au bord de Seine. Il est mort le petit panier ! Je lai dtruit lors dune scne. Je ne suis pas trop fier, vraiment, De a qui nest pas mon chef-duvre, Tant sen faut, je le dis crment. Je ne suis pas trop fier, vraiment, Et mme un remords vhment, Me mord ainsi quune couleuvre. Je ne suis pas trop fier, vraiment, De a qui nest pas mon chef-duvre. 62

DDICACES

Heureusement il est un dieu Pour ceux que la colre enivre. Et ce dieu-l nest pas un pieu. Heureusement il est un dieu Qui tinspirait. Aprs ladieu Dit, que ce gage dt revivre. Heureusement il est un dieu Pour ceux que la colre enivre. Et, comme autrefois le phnix, Il reparat beau, vaste mme, Disant lpre Parque : Nix ! Et, comme autrefois le phnix, Le revoici, daprs un X O tel pipo perd son barme. Oui, comme autrefois le phnix, Il reparat beau, vaste mme. Nous irons encor chez Vanier Dans des buts peu problmatiques. Encor quil semble le nier, Nous irons encor chez Vanier Avec cet norme panier Plein de choses mal esthtiques. Nous irons encor chez Vanier Dans des buts peu problmatiques.
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PAUL VERLAINE

Et nous en reviendrons toujours Aprs avoir, sans plus de scne, Vid vos querelles, amours, Et nous en reviendrons toujours, Aprs vous avoir jets, lourds Soupons et faux propos, en Seine, Aux vrais propos, mais pour toujours, Aux francs baisers sans plus de scne. _____

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DDICACES

LIV

ANNIVERSAIRE
A William Ilothenstein. Et javais cinquante ans quand cela marriva.

J E ne crois plus au langage des fleurs


Et lOiseau bleu pour moi ne chante plus. Mes yeux se sont fatigus des couleurs Et me voici las dappels superflus. Cest en un mot, la triste cinquantaine. Moirage mr, pour tous fruits tu ne portes Que vue hsitante et marche incertaine Et ta frondaison na que feuilles mortes ! Mais des amis venus de ltranger, Nul nest, dit-on, prophte en son pays Du moins ont voulu, non encourager, Consoler un peu ces lustres has. Ils ont grimp jusques mon tage Et des fleurs plein les mains, dun ton sans leurre. Souhait gentiment mon sot ge Beaucoup dautres ans et sant meilleure.
65

PAUL VERLAINE

Et comme on buvait ces vux du cur Le vin dor qui rit dans le cristal fin, Il ma sembl que des bouquets, en chur, Sortaient des voix sur un air divin ; Et comme le pinson de ma fentre Et le canari, son voisin de cage, Ppiaient gaiement, je crus reconnatre LOiseau bleu qui chantait dans le bocage.
Paris, 30 mars 1894.

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66

DDICACES

LV

A MON DITEUR
I MISRE

J E veux dpeindre en ce sonnet


Toute mon indignation Contre ce Vanier quon connat, Aussi la rsignation Quil me faut (avec lonction Ncessaire au temps o lon est, Temps gaspill sous laction Dune jeunesse qui renat). Or ce Vanier dont la maison Telle celle dite Pont-Neuf Nest pas au coin du quai, raison Insuffisante mon courroux Terrible, tel celui dun buf, Oui, ce Vanier na pas de sous

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PAUL VERLAINE

II RICHESSE

A me mettre hlas dans la poche, Mais demain comme il sera tendre Il nest tel que de bien attendre Avec une tte de Boche, Et la chose dtre un gavroche Qui ne voudrait ; plus rien entendre Que dtre un gas plus ou moins tendre Sans peur autant que sans reproche Et je vais enfin, digne et riche, Mieux quun militaire en Autriche, Mpandre et me rpandre encore En un luxe sans fin ni bornes Qui, buf littral que dcore Sa force, te montre les cornes, Misre qui voudrait me proposer des bornes. _____

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DDICACES

LVI

A LON VANIER
I

VO U S voulez tuer le veau gras


Et quun sonnet signe la trve. Trs bien, le voici, mais mon rve Serait pour sortir dembarras Et nous bien dcharger les bras De la manire la plus brve, Tel un lourd fardeau quon enlve Que ce veau ft dor et trs gras, Afin que parmi cette foule Qui nous bouscule et que lon roule, Nul, voyant ce pacte nouveau Dment paraph de nos plumes, Au bas de lacte o nous nous plmes, Nul ne dise : On dirait du veau ! _____

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PAUL VERLAINE

A LON VANIER
SUITE AU 1er SONNET
II

O R puisque le veau dor a lieu


Et quon ne dirait plus du veau, II nous faut dabord prier Dieu De bnir le pacte nouveau. Pour nous ruer des travaux Tout bonnement prodigieux. Prose au kilo, vers frais ou faux, Quimporte ? Tant pis et tant mieux ! Nouer et dnouer des nuds Gordiens ou non, et ntant Pas plus des princes que des bufs. Nanmoins, peiner tant et tant Que vous fassiez une fortune buf Et que moi, jachetasse un courage neuf.
Jour de Nol 1892.

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DDICACES

LV II

TOAST A DISTANCE
Aux Rosati.

G E N S du Nord, mes compatriotes,


Hlas ! je vous avais promis Quelques mots propos de bottes Comme on en change entre amis Sous le titre de confrence Que lon galvaude en de vains us Jaurais gaiement pour loccurrence, En propos exprs dcousus Parl longtemps de la contre A laquelle malgr Paris Et sa rumeur dmesure Rpondront toujours nos esprits. Lille, Arras, Douai, Valenciennes, Que sais-je encore, Saint-Quentin ! Hlas ! des douleurs anciennes Me tiennent du soir au matin,

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PAUL VERLAINE

A ce quon croit rhumatismales, Et le docteur, froce et doux, Me dfend en phrases normales, Trop normales, daller vers vous ; Mais il me fait esprer, comme Il sied, quand vos toasts envis, Dans un mois je serais votre homme. En attendant, si vous buviez !
22 fvrier 1894.

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72

DDICACES

LVIII

SOUVENIR DE MANCHESTER
A Thodore C. London.

J E nai vu Manchester que dun coin de Salford


Donc trs mal et trs peu, quel que ft mon effort A travers le brouillard et les courses pnibles Au possible, en dpit dhansoms inaccessibles Presque, grce ma jambe male et mes pieds bots, Nimporte, jai gard des souvenirs plus beaux De cette ville que lon dit industrielle, Encore que de telle quintellectuelle Place o ma vanit devait se pavaner Soi-disant mieux, et dussiez-vous vous tonner Des semblantes navets de cette ptre, O vous ! quand je parlais du haut de mon pupitre Dans cette salle o l lite de Manchester Applaudissait en Verlaine lauteur dEsther, Et que je proclamais, insoucieux du pire Ou du meilleur, mon culte norme pour Shakespeare.
30 janvier 1894.

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PAUL VERLAINE

LIX

FOUNTAIN COURT
A Arthur Symons.

L A Cour de la fontaine est, dans le Temple,


Un coin exquis de ce coin dlicat Du Londres vieux o le jeune avocat Apprend ltroite Loi, puis le Droit ample : Des arbres moins anciens (mais vieux, sans faute) Que les maisons daspect ancien trs bien Et la noire chapelle au plus ancien Encore galbe, aujourdhui table dhte Des moineaux francs picorent joliment Car cest lhiver la baie un peu moisie Sur la branche prcaire, et posie ! La jeune Anglaise lAnglais g ment Quimporte ! ils ont raison, et nous aussi, Symons, daimer les vers et la musique Et tout lart, et largent mlancolique ! Dtre si vite envol, vil souci !

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DDICACES

Et le jet deau ride lhumble bassin Comme chantait, quand il avait votre ge, Lauteur de ces vers-ci, dbris dorage. Ruine, pave, au vague et lent dessin.
Londres, novembre 1894.

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PAUL VERLAINE

LX

A EDMOND LEPELLETIER

M O N plus vieil ami survivant


Dun groupe dj de fantmes Qui dansent comme des atomes Dans un rais de lune devant Nos yeux assombris et rvant Sous les rainures polychromes Que lautomne arrondit en dmes Funbres o gmit le vent, Bah ! la vie est si courte en somme Quel sot rveil aprs quel somme ! Quil ne faut plus penser aux morts Que pour les plaindre et pour les oindre De regrets exempts de remords, Car nallons-nous pas les rejoindre ? _____

76

DDICACES

LXI

JEAN RICHEPIN
Splicans ! (F. Villon.)

RICHEPIN
Nest pas le nom dun turlupin Ni dun marchand de poudre de perlinpinpin Cest le nom dun bon bougre et dun gentil copain. coutez : Il blasphme de tous cts, Au Bourgeois mme il dit de sales vrits, Ses marins lOprCom seraient peu cots. Tout le mal Il le chante dun ton normal Et cest, dire vrai, le plus pire animal. Mais les gueux Combattant, souffrant avec eux Il les aime de quel amour, noble et fougueux ! _____

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PAUL VERLAINE

LXII

A ARTHUR RIMBAUD

M O R T E L , ange ET dmon, autant dire Rimbaud,


Tu mrites la prime place en ce mien livre Bien que tel sot grimaud tait trait de ribaud Imberbe et de monstre en herbe et de potache ivre. Les spirales dencens et les accords de luth Signalent ton entre au temple de mmoire Et ton nom radieux chantera dans la gloire, Parce que tu maimas ainsi quil le fallut. Les femmes te verront grand jeune homme trs fort, Trs beau dune beaut paysanne et ruse, Trs dsirable dune indolence quose ! Lhistoire ta sculpt triomphant de la mort Et jusquaux purs excs jouissant de la vie, Tes pieds blancs poss sur la _____ de lEnvie !

78

DDICACES

LXIII

A ARTHUR RIMBAUD
SUR UN CROQUIS DE LUI PAR SA SUR

II

En ngre blanc, en sauvage splendidement Civilis, civilisant ngligemment Ah, mort ! Vivant plutt en moi de mille feux Dadmiration sainte et de souvenirs feux Mieux que tous les aspects vivants mme comment Grandioses ! de mille feux brlant vraiment De bonne foi dans lamour chaste aux fiers aveux. Pote qui mourus comme tu le voulais, En dehors de ces Paris-Londres moins que laids, Je tadmire en ces traits nafs de ce croquis, Don prcieux lultime postrit Par une main dont lart naf nous est acquis, Rimbaud ! pax tecum sit, Dominus sit cum te ! _____

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PAUL VERLAINE

LX V

A M l l e RENE ZILCKEN

O Mademoiselle Rene,
Fillette exquisement mignonne, Que le bon Dieu toujours vous donne Vie lgante et fortune. Grandissez dment bien-aime Dans la sagesse douce et bonne Sous lil qui sourit et stonne De votre famille charme. Soyez lespoir et le bonheur De votre pre, lui, lhonneur De lart et de votre famille Et de votre mre, lhonneur Et la grce dune famille Stonnant de tout ce bonheur.
La Haye, octobre 1892.

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DDICACES

LXV

A M l l e EVELINE

E V E L I N E , mais cest ve
En miniature et cest Tout le charme et tout le rve Que notre esprit caressait Quand nagure il sagissait Encore denfance brve Qui grandit et grandissait Dans la femme qui sachve. Mais o va donc mon Sonnet ? Vous tes toute mignonne Et lge en fleurs vous couronne. Votre ge gai ne connat Que linnocence divine Riez, petite Eveline ! _____

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PAUL VERLAINE

LXVI

A M l l e LONIE R

V O U S emplissez dun bruit gentil, quoique terrible,


Ma tte que console un tapage denfant, Et mon cur quil est difficile quon console ! Vous me rendez la joie et je suis triomphant De moi-mme, ce moi-mme qui fut horrible Lorsquune enfant aussi, criait, mchante et folle Et bonne, au fond, quand jtais moi-mme un enfant Aux yeux vrais, au sang pur comme dune mouette Qui revient de trs loin, ainsi que ce pote. _____

82

DDICACES

LXVII

A M l l e JEANNE VANIER

P A R F O I S dans un local plein de livres, deux hommes


Se gourment presque, bien que bons garons au fond ; Cest votre pre et moi dont les paroles vont De loffre la demande en quels carts de sommes ! Je nai pas lair commode. Il est mal dispos. Choc terrible ! Soudain, au fort de la querelle, Petite et fine la croire surnaturelle, Une enfant apparat, grands yeux noirs, teint ros. Elle senqute, elle tremble, comme inquite Srieusement trop ? Non, du bruit de tempte Que vont menant ce monsieur chauve et son papa Souriants sur-le-champ, et voici la paix faite Entre, en un mutuel et franc me culp, Votre pre, diteur, et moi, votre pote.
Paris, 21 avril 1894.

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PAUL VERLAINE

LXVIII

SUR UN BUSTE DE MOI


Pour mon ami Niederhausern.

C E buste qui me reprsente


Auprs de la postrit Lui montre une face imposante Pleine de quelle gravit ! Devant cette tte pesante Du poids tous les jours augment Dune pense, pas puissante Dun souci plutt entt, Quest-ce que vont dire les femmes Et les hommes des temps futurs ? Au fait, on sent, sous ces traits durs Et derrire ces yeux aux flammes Noires, un monsieur malveillant, Mais le sculpteur eut du talent. _____

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DDICACES

LXIX

A RAYMOND MAYGRIER
Lhistoire vridique De la langouste atmosphrique. ( Lil crev.)

C O M M E la langouste dHerv
Qui portait lherbe magique, Sur sa croupe magntique Mieux que la langouste dHerv, Que ce crustac controuv, Vous possdez lart magique Et mme le magntique Fi dun crustac controuv ! Puis, vous tes graphologue, Et dmleriez, tonnerre ! une glogue Dans un grimoire o Nostradamus perdrait son latin. Bon Maygrier, sorcier rose, Magicien blanc sans rien de morose, Dites, prdisez-moi quelque plus sortable destin. _____

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PAUL VERLAINE

LXX

A M l l e ADLE

M A D E M O I S E L L E Adle
Vous tes un modle : Dordre et dautorit Qui mauriez complt ! Mademoiselle Adle, Vous tes un modle De joie et de gat Viv votre autorit ! Vous mavez dit des choses, Presque le drapeau rose Quest le drapeau franais, Vous mavez dit des choses, Presque le drapeau rouge Quon voit sur votre bouche. _____

86

DDICACES

LXXI

A M m e MARIE A
POUR SA FTE

L E pote nest pas trs riche !


Aussi, devant ce frais jardin De bouquets dignes dun den, Se voit-il forc dtre chiche En ce jour de sainte Marie, Votre fte, et chiche ce point De ne contribuer, las ! point A cette closion fleurie De sympathie et damiti. Il se contente avec remords De vous offrir, non pas des ors Ni mme dhumbles rangs de perles, Mais son petit air ppi, Comme le plus humble des merles. _____

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PAUL VERLAINE

LXXII

A RODOLPHE DARZENS

J E U N E homme lanc
Comme un peuplier, Qui donc a pens Quon pt toublier Dans ce livre si Vraiment amical ? Quel sot russi, Quel crtin fcal ? Jeune homme lanc Vers la vie et vers Lart et les beaux vers, Enfant annonc Par ta chanson, viens, Entre et sois des miens. _____

88

DDICACES

LXXIII

A HENRI BOSSANNE

B O N imprimeur de la premire dition


De Ddicaces Vous vntes Paris dans une intention Des plus cocasses : Sagissait de me voir, de minterviewer Pour la province, Apprendre ce que pouvait agir et rver Ce moi si mince. Or il advint quau jour o jeus le cher plaisir De vous connatre Jtais chez moi, rideaux tirs sur la fentre, En manches de chemise et chaussons de loisir, Avec deux femmes ! ! ! Et vous : Ce nest donc pas CE prince des infmes ! _____

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PAUL VERLAINE

LXXIV

A MAX ROSA

R O S A nest pas rosa la rose,


Ni Salvador, peintre en brigands, Ni la belle dame aux longs gants Quun tel pronom signe ou suppose, Ni lun de ces rois de la pose, Seores par trop lgants Ou senhores plus quloquents, Ou rastas pour dire la chose. Rosa, cest le nom dun ami, Parisien de bonne souche Et Franais non point demi. Il est prompt prendre la mouche, Mais le chagrin dautrui le touche : Dear friend, Im sorry ; think of me. _____

90

DDICACES

LXXV

A M l l e A. ROM***

C E nom, Sedan ! me dit de vacances denfance,


De passages en diligence dans un bruit Joyeux de clics-clacs et de vitraille qui fuit Vers un horizon gai quon dirait qui savance. Ce mot, Sedan ! mvoque, ainsi qu tous en France, Une plaine lourde de sang ; blme de nuit, Des cris teints quune rumeur de rve suit, Sur quoi plane trs haut comme de lesprance. Sedan ! Sedan ! pourtant il sonne encore doux Et frais, non plus pour lavenir ou la mmoire, Mais bien dans le prsent bien vivant, grce vous ! Il sonne, il brille, le futur nom de victoire : Accent joli, mignon entrain toujours accru Et lArdennais quest moi presque, en reste fru. _____

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PAUL VERLAINE

LXXVI

A A. DUVIGNEAUX
TROP FOUGUEUX ADVERSAIRE DE LORTHOGRAPHE PHONTIQUE

coi vrman, bon Duvign,


Vau zci dou ke l zagn E meeur ke le pin con manj. Vou melran ce courou ztranj Contr(e) ce t de brav(e) jan O fon plus bte ke mchan Drapan leur linguistic tic Dan lortograf(e) fontic ? Kel ir(e) donc vou zambala ? Vizavi de c zoizola Sufi dune parol(e) verde. Et pour leur prouv san dba Kil d mo ke natin pa Leur sistem(e), dison-leur : ! _____

92

DDICACES

LXXVII

A RODOLPHE SALIS

C A B A R E T I E R miraculeux,
Ainsi quet dit le bon Ptrus Aux temps dj si fabuleux Du romantisme et de ses us ; Cabaretier miraculeux Et bonisseur digne dUrsus, Puis ennemi mticuleux De la sottise et de ses us ; Salis quon prnomme Rodolphe, Crateur, comme Promthe ! Flot de liquides, tel un golfe ! O Matre, nul ne test athe, Sauf quelque muffle, lymphe et dartre, En ton domaine de Montmartre. _____

93

PAUL VERLAINE

LVXIII

A LON CLADEL

T U fus excessif
Et je ten aimais Dun amour plus vif, Plus vif que jamais, Depuis que la mort, Cette vie en mieux, A bris leffort De Toi vers les cieux, Vers des cieux voulus Par ta volont, Des cieux absolus, Toi ressuscit Aux fins, glorieux. Dune vie en mieux.
25 juillet 1892.

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94

DDICACES

LXXIX

POUR MARIE***
A F.-A. Cazals.

C H E Z nos anciens ctait une bonne coutume


Que la dame de nos amis ft clbre. Je veux donc dire de ma voix la mieux timbre, Et les tracer du bec de ma meilleure plume, Vos mrites et vos vertus dans lamertume Douce de vous savoir dun autre namoure Mais dun autre: moi-mme et la tche sacre Dexalter et de promouvoir, or je lassume, La louange de vos yeux qui le surent voir, Celle de votre cur qui put gagner le sien, Et celle due votre, hlas ! fidlit ! Et, consolation ! celle du bon vouloir Qui fait que votre main, sre du respect mien Serre la mienne en lui, sr de ma loyaut. _____

95

PAUL VERLAINE

LXXX

A GUSTAVE LEROUGE

L A vie est vraiment si stupide que ; ma foi !


Jai, devant cette perspective plus que bte, Rsolu de ntre absolument quun pote Sans plus, et de vieillir ainsi, ne sachant quoi Que ce soit, que daimer au hasard devant moi. Aimer pour ne har, aimer damour honnte Ou non, destime ou dintrt, en proxnte A moins quen martyr, et nayant plus dautre moi ! Lerouge ! Et vous ? Tout cur et toute flamme vive, Quallez-vous faire en notre exil ainsi quil est, Vous, une si belle me en un monde si laid ? Bah ! faites comme moi, dussent trouver nave Votre ample expansion ceux forts que fallait Aimer sans fin ni loi. Et qui maime me suive !
Broussais, dcembre 1891.

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96

DDICACES

LXXXI

AU COMPAGNON LARTIGUES
Pour Henri Cholin.

VO U S qui ne connaissez de brigue


Que la seule briguedondaine Et nourdissez jamais dintrigue Quen lespoir de quelque fredaine, Un penser damour et de haine Pourtant vous hante et vous fatigue Et vous fait plate la bedaine : Lamour du Pauvre, bon Lartigue ! Lamour du Pauvre mieux peut-tre Que celuidu moderne prtre Et de lactuel philanthrope. Si cela cest tre anarchiste Inscrivez-moi sur votre liste. Et que saute la vieille Europe !
Hpital Broussais, 15 janvier 1893.

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PAUL VERLAINE

LXXXII

A M. LE DOCTEUR CHAUFTART

L E pote nest parbleu pas ce que lon croit.


Il na que quand il veut toutes les ignorances Sans trop dpre verdeur ou de prjugs rances Et parfois mme il sent profond et pense droit. Son regard va, cruel et prcis comme un doigt Et sa tte, qui sait mrir les apparences, Taisant soudain ses bruits de peurs et desprances, Voit terriblement clair ce quautrui lui doit. Non son cur, proie intarissable linfortune, Mais sa tte, aprs tout auguste, et ctera, Et ds lors pour beaucoup samasse une rancune Qui saura sassouvir, advienne que pourra. Mais, fracheur ! pour quelques-uns elle recense Et rserve, tout prix ! quelle reconnaissance ! _____

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DDICACES

LXXXIII

A AMAN JEAN
SUR UN PORTRAIT ENFIN REPOS QUIL AVAIT FAIT DE MOI

V O U S mavez pris dans un moment de calme familier


O le masque devient comme enfantin comme nouveau. Tel jtais, moins la barbe et ce front de tte de veau Vers lan quarante-huit, bb rotond, en Montpellier. Jallais dans des Peyroux, tranquillement avec ma bonne, Jy faisais mille et des fortins de sable inexpugnables Et des fosss remplis, mon Dieu, des eaux les moins potables Suivant lexemple que Gargantua pompier nous donne. Jy voyais passer des processions, des pnitents Et proclamer la Rpublique en ces candides temps O tant dun tas davis ntaient pas encore invents. Mais malgr ce souci de nos jours quil agite et trouble Et dautres ! au trfonds de mes moelles encor butes Je demeure assur, conforme votre excellent double.
Hpital Broussais, dcembre 1891.

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99

PAUL VERLAINE

LXXXIV

A Mme MARIE P

O jeune chevelure blanche


Pomponnant gaiement une face Passionne et perspicace Aux yeux trs bons, mais, en revanche, Trs mchants, trs poing sur la hanche, Pour peu quun faquin les agace, Que fin de sicle et fin de race Vous tes, chevelure blanche, Lorsque vous vous pavanez sous Ce chapeau mousquetaire noir Et quil fait plaisant de vous voir Panache fier aux fiers remous, Fleur pompadour gare, Tircis ! Dune toilette Mdicis ! _____

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DDICACES

LXXXV

A CSAR C.

VO U S tes la douceur elle-mme et la paix,


Et cest au nom de quoi, mon ami, je vous aime, Comme tant la douceur et oui ! la paix, moi-mme, La paix, comme je veux, la douceur, o je vais ! Parfois, cest vrai, je suis mchant et non mauvais. Je ne suis plus celui que trouble le problme, Je ne suis plus celui quenvolait le pome, Je ne suis, par instants, que fais donc ce que fais , Instinctif, et, sinon terrible, prs de ltre, Comme vous mavez vu, puis, comme un mauvais prtre Affreux dhypocrisie et vil de faux honneur, Mais ensuite, et de vous, ami, prenant lexemple, Srieusement doux et paisible donneur De douceur et de paix ds la porte du temple. _____

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PAUL VERLAINE

LXXXV

A BIBI-PURE

B I B I -P U R E
Type patant Et drle tant ! Quel Dieu te cre Ce chic, pourtant, Qui nous agre, Pourtant, aussi, Ta gentillesse Notre liesse, Et ton souci, De lobligeance, Notre gat, Ta pauvret, Ton opulence ? _____

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DDICACES

LXXXVII

A UN PASSANT

M O N cher enfant que jai vu clans ma vie errante,


Mon cher enfant, que, mon Dieu, tu me recueillis, Moi-mme pauvre ainsi que toi, purs comme lys. Mon cher enfant que jai vu dans ma vie errante ! Et beau comme notre me pure et transparente, Mon cher enfant, grande vertu de moi, la rente De mon effort de charit, nous, fleurs de lys ! On te dit mort Mort, ou vivant, sois ma mmoire ! Et quon ne hurle donc plus que cest de la gloire Que je moccupe, fou quil fallut et quil faut Petit ! mort ou vivant, qui fis vibrer mes fibres, Quoi quen aient dit et dit tels imbciles noirs, Petit compagnon qui ressuscitas les saints espoirs, Va donc, vivant ou mort, dans les espaces libres. _____

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PAUL VERLAINE

LXXXVIII

POUR ROBERTE
A Henri Degron.

S E C O N D E me de mon ami, son autre cur,


Roberte, or, vous voici veuve pour une anne, Et je viens avec vous penser sa langueur A lui loin de vos yeux vous, sa Destine En quelque sorte, et trs pieusement je viens Et reviens avec vous tristement vous redire Quil pleure autant que vous et que, non son martyre (Ce serait blasphmer, car nous sommes chrtiens) Mais son impatience est gale la vtre. Et ne faisons donc plus ici le bon aptre Et parlons franchement dun chagrin trop rel, Sans rien exagrer puisque, Roberte chre, Il va bien, il vous aime bien et que son ciel Cest de vous revoir comme il est sr de le faire. _____

104

DDICACES

LXXXIX

AU VICOMTE DE LAUTREC

C E nest pas un bonjour tout sec,


Mon cher Guy, vicomte Lautrec. Que je vous donne, cest, avec Un vu qui ne part pas du bec, Mais un qui vient du cur vraiment Et ce, sous la foi du serment Dailleurs vous savez quil ne ment, En dpit de la rime en ment Rime calomnie et trop Mprise ainsi quun sirop Qui sucrerait trop un poison ! Et voici ma forte raison : Souvenez-vous de lhpital ! Vous voyez que ctait fatal.
1er janvier 1893.

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105

PAUL VERLAINE

XC

POUR M l l e D. A.

J E vous aime trop, Andre,


Au trot comme au galop ! Vous tes mon adore Au galop tout comme au trot. Andre, je taime trop (Bien que trop dans la pure) Et cest au trot que je be Aprs ton jupon salop. Puis chantons-nous la romance Quil faut que lon recommence Comme oiseaux sans feu ni lieu Et prouvons-nous lesprance, Et la bonne confiance Quon se doit au iiom de Dieu. _____

106

DDICACES

XCI

A PH

T U me demandes des vers,


a, cest gentil comme un cur. En voici, mais point pervers : Car mon amour, tout vigueur, Tout force et dvouement jusque Au sang mien, tu ne lignores Pas, a cess tout ton brusque Depuis quil a vu, sonores, Les rives du sombre bord Strcir autour de lui, Sonores cris de mort, Et quil ta vue en lennui. De la crainte lgitime Dun trpas sans conscience De soi-mme. Aussi ma rime Fleure aujourdhui dinnocence !

107

PAUL VERLAINE

Et demain en fleurira. Car notre amour est sacr, Tmoin des et (ctera) Dun deuil qui viendra, malgr Tout, et songeons bien, chrie, A ces tristes fins dernires. Hlas ! ma pauvre chrie, Songeons nos fins dernires.
Hpital Broussais, 9 juillet 1893.

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108

DDICACES

XCII

A LA MME

II

O U I , soyons-nous pote et muse


Mais dans le mode familier, Nous avons pass le millier Des heures jeunes o lon ruse Pour faire croire aux bonnes gens Dont on est le premier soi-mme. Quon naime en tout a que lextrme ! Fiers, paradoxaux, exigeants. La vie avec sa vraie outrance A pris soin de nous corriger Du travers de nous rengorger, Ne nous laissant de lesprance Rien que la simple illusion Dtre un couple encore sensible Et ne livrant notre cible Quun but, la rsignation !

109

PAUL VERLAINE

Ce lot est prfrable en somme. A des apptits quil est bon, Toi, veuve au fait, moi ce barbon, De rgler de sorte conome. Profitons, puisquil en est temps De cette sagesse dont rage Qui vient dote notre mnage. Pour faire uvre de pnitents ? Que non pas ! Fmes-nous des crimes ? Pas mal de pchs voil tout. De ces pchs lgers quabsout Le seul pardon de leurs victimes, Et leurs victimes ce fut nous, De ces victimes sans rancune. Toi, reste encor longtemps ma brune. Toujours la bonne qu genoux Invoquent mes instants de doute, De tristesse ou de dsespoir, Mon toile dans le ciel noir, Lauberge frache en l pre route.

110

DDICACES

Moi devenu calme ce nest Pas malheureux, car tant de frasques, Et de rles, sous que de masques ! Je suis celui qui ne connat Et ne chante plus que les choses, Et lhumanit quil convient. La vrit seule me tient, Soient ses aspects sombres ou roses. Mes vers pris dornavant, De la raison mais de la saine Ne dclameront plus en scne Ils vivront dans tout cur vivant. _____

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PAUL VERLAINE

XCIII

A LA MME
III

A H ! dtre heureux puisquon le peut, puisque la vie


Tumultueuse nous a tu toute envie Autre que dtre calme en un lieu calme enfin ! Nous boirons quand nous aurons soif. Quant la faim, Des repas frugaux mais nourris sauront lteindre. Que nous dussions jamais lun ou bien lautre atteindre Aux splendeurs, aux sommets, nous en dsesprons, En nous aimant plus fort, nous nous consolerons. Les dimanches et jours de ftes, car tu gotes a, lon ne verra plus que nous deux sur les routes De Svres Clamart et de Meudon au Pecq, Avec des propos gais, mais retenus au bec. Nous rentrerons vans, fauchs lor embarrasse Parfois et puis nous dormirons, chair lasse, Aprs, hein ? Si tu veux, des manires nous. Et je commencerai la fte tes genoux. Puis sur ton cur, et nous dormirons sans grand rve. Lhiver, nous irons au thtre ! je nen crve Plus de dsir, mais toi tu raffoles de a. 112

DDICACES

Et nous verrons de beaux dcors quun tel brossa, Et nous applaudirons tel calembour superbe. Puis nous irons coucher, mieux encor que sur lherbe, Dans le grand lit de chtaignier quaura vu tant De fois moi dans le paradis, sage et prudent, Quest devenu le tien pendant nos durs passages Dailleurs cest a, restons toujours prudents et sages Quelquun nous bnira qui dj nous bnit. Aimons-nous en poux apaiss dans leur nid. La tendresse ny perdra rien, tout au contraire Rien dexquis que dtre aux yeux des gens sur et frre !
Hpital Broussais, 12 juillet 1804.

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113

PAUL VERLAINE

XCIV

A EDMOND PICARD

P U I S Q U I L nest pas permis en ce libre pays


Qui pourtant fut la France et prtend encore ltre, De parler librement dun homme libre et matre De soi, dun citoyen, dun artiste, obis, Pote, ton ide, et faisons bahis ! Les sots et les puissants, mme chose peut-tre, En clbrant cet homme, un soldat ? Non. Un prtre ? Non ! tout cela dans toi, Picard, qui ne trahis Ni ta foi politique (en ce sicle critique Il sied vraiment davoir une foi politique). Ni la foi littraire, artistique quil faut Avoir aussi pour consoler lme indigne Des choses de la vie encor que rsigne Et pour laquelle on meurt aussi, car ce le vaut.
Hpital Broussais, juillet 1893.

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114

DDICACES

XCV

A FRANCIS POICTEVIN

T O U J O U R S mcontent de son uvre


Dautant plus exquise de flou Et damour de lart dment fou O la limace et la couleuvre Ne peuvent rien quuser leur dent, Et leur bave, nest-ce pas, presse Littraire en gnral. Quest-ce Que cet indicible imprudent Qui ncrit pas pour la publique Moyenne et jamais ne rplique Aux haros que par le halo Dun esprit en bonne fortune, Mystrieux comme la Lune Clair et sinueux comme lEau.
18 septembre 1894.

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115

PAUL VERLAINE

XCVI

A PH***

L E petit chien est mort. Quel dommage ! il tait


Si gentil ! Blanc pur que du jaune tachetait, Dun jaune on et dit dor brunissant. Sa gueugueule Et son nnez, roses tous deux, semblaient la seule Chose vivante en lui ; car son corps trop dodu Ne rendait pas le mouvement qui semblait d A cet tre quun charme spcial dcore ; Quant sa queue, elle tait bien trop jeune encore Pour rire ou pour pleurer, pour frtiller, enfin, De joie ou de chagrin, ou de soif ou de faim. Il piaulait, jadis miaulait, mme Piaillait, tant son cri formait la voix suprme De lanimal dans son innocence, oiseau, chat ; Mais du chien proprement, rien qui sen rapprocht Quun grle, si lon veut aboiement plus semblable Au chant du colibri dans la fort drable. Il nous lchait, le pauvre aveugle encore un peu, De sa langue imperceptible, quand, dinstinct, comme Dune flche soudaine, il roula, le chtif tre, 116

DDICACES

Ses yeux tourns vers sa matresse et vers son matre, Et mourut, nous presque pleurant, tout blancs, tout sots, Ses pattes frles en lair, comme les oiseaux. _____

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PAUL VERLAINE

XCVII

AU GRANT DU MULLER

V O U S tes nancien et moi je suis messin :


Vive donc jamais cette vieille Lorraine Qui nous vit natre et nous rchauffa dans son sein Et dont, fils pieux, nous baisons le front de reine. Captive, en attendant lheure o le duc tocsin, Le pur tocsin la voix terrible et sereine, Apre cri de gorgone et doux chant de sirne, Dictera le devoir messin et nancien. En attendant encor, hte de la grandville, Malgr ton dlice, bon cru de Tantonville Et tout ce que Munich vend de nectar trop clair Et tout ce que Dublin et tout ce que Bruxelles Brassent lintention de nos escarcelles, Lheure de savourer la bire de Mller. _____

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DDICACES

XCVIII

A E
EN LUI OFFRANT MES PRISONS

J E suis prisonnier de tes yeux.


Toujours, et parfois de tes bras. Mais ne plains pas ces embarras Qui ne sont gure quocieux. Lodieux, mais, l cest dur, Cest que mon cur est en prison ln mme temps que ma raison Dans ton amiti, cachot pur ! Et bien que trop intelligents, Mes dsirs, quoique diligents, Sen ressentent jusqu parfois Ressembler daffreux courroux Mais tu les mets sous les verroux De ta bont, cur, geste et voix.
Le 8 mai 1833.

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PAUL VERLAINE

XCIX

A LOPOLD II, ROI DES BELGES

J E vous aime Franais et roi je vous respecte.


Beaucoup de votre sang circule en moi. Beaucoup Du mien bat en vos veines et le tout Se dit compatriote en langue bien correcte. Vous tes souverain et je suis un insecte. Citoyen dune rpublique tant le coup (Comme St-Cloud !), mouton en grand danger du loup Sous un berger dormeur que se bouger affecte ; Votre hte dun instant, partout un peu ft. Parlant de posie et de pure beaut, pris de votre si gente et forte Belgique ! A peine moi parti, lmeute fit son cri, Que vous domptctes dun clment geste nergique Car vous tes vraiment un fils du roi Henry ! _____

120

DDICACES

LAIME

V O I C I des cheveux gris et de la barbe grise.


Tu me les demandas en un jour denjouement Pour, disais-tu, les encadrer bien gentiment Autour de ce portrait ou ma grce agonise. Pauvre photo ! Mais jy pense, il sera de mise, Quand mes yeux fatigus se seront clos dment Et que la terre bercera son fils dormant, Il sera de saison alors, cbrie exquise Attention ! de faire avec ces cheveux, teints A cette barbe, teinte en boucles blondes, brunes Ou telle autre nuance entre tant dopportunes, Faire, par un coiffeur de choix, sur des fonds peints Davance, le tombeau, lors pleur sans astuce Du jeune homme quil aurait fallu que je fusse.
Hpital Broussais. 18 septembre 1873.

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121

PAUL VERLAINE

CI

AU COMTE DE MONTESQUIOU-FEZENSAC

L E pote infini qui, doublant et triplant


Les nuances, sonda jusques nos scrupules, Crevant les mauvais arguments comme ces bulles De savon quil suffit de dtruire en soufflant. Le voil, composant dun geste sobre et lent, Un bouquet frais cueilli, lors des doux crpuscules Tombant, dahlia, lis, tulipe et renoncule Et toutes fleurs au monde et par del, relent Mystique quil fallait pour complter la fle Parfume o le mage exquis nous conviait, Et dont nous jouissions dun frisson inquiet. Jadmire le penseur subtil et lpre esthte Des pensers voletant comme chauves-souris, Mais jaime le fin enchanteur aux sorts fleuris. _____

122

DDICACES

CII

GABRIEL DE YTURRY

Y T U R R Y ! Cest un nom terrible,


vocation de Pyrnes Prises, reprises, ranonnes Par un chef au visage horrible. il de feu sous le sombrero Il se moque un peu du bourreau, Tel le torero du taureau, Balles pleuvent comme dun crible, Femmes se sauvant, dpeignes, Par quels bras affreux empoignes, Tout voyageur est une cible Ti ! cest le Cavalier exquis Tout lami quil a conquis Parmi quelques Amaguis. _____

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PAUL VERLAINE

CIII

A AURLIEN SCHOLL

A seize ans, lge du bachot pouvantable


Dantan, et du bachot bizarre daujourdhui, Comme nous nous passions Denise sous la table, En nous disant tout bas : Lis, mon bon, cest de Lui ! A lEscrime, le seul de nos matres sortable, Robert, nous dmontrait quelque coup inou Daudace magnifique ou de ruse admirable Et nous clamions plein gosier : a cest de Lui ! Lui ! cest vous. Et, depuis, par la vie o le lucre, O le rve vont nous usant, quon aime donc Votre amre sagesse et lesprit qui la sucre Et la sale et la poivre et, souples, tel le jonc Qui vous fut coutumier au dam de maintes faces Et maints dos, vos mots pleins de grces et daudaces.
Hpital Broussais, 28 aot 1893.

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124

DDICACES

CIV

A LON DIERX
Dierz le voit.

D I E R X ! dont le nom fait pour la gloire sonne clair


Comme une bonne pe en la main dun hros. Quavons-nous de commun, nous, rois avec ce gros De rustres sen allant en guerre de quel air ? Nous, rois de linfini, du Ciel et de lEnfer QuHphaistos a vtus et que dlace ros, Et qui, de tous les dieux, de Corinthe Paros, Avons fait nos gaux, bronze et marbre, or et fer ! Car le pote, enfin vainqueur et hors aux foules, Comme Poseidon met du geste un frein des houles Et rgne, tel que Zeus, dun pli de ses sourcils. Hlas ! cest faux de moi, tige au plus qui fleuronne, Mais, vous, calme ennui de splendides soucis, Portez, olympien, le nimbe et la couronne. _____

125

PAUL VERLAINE

CV

A M m e J***
En vers libres.

J E vous ai promis mon sonnet pour ce soir.


En revanche vous mavez promis une rcompense Certes immrite, et voici que jy pense. Et depuis lors je vis dans un si doux et vague espoir. Mais que pour moi lavenir serait noir Si, pendant que je rve la bonne bombance Espre et promise et voici que je panse La blessure que me ferait de ne pas voir De mes yeux presque en pleurs dans cette incertitude Vos yeux sourirent avec plus de mansutude Que de coutume envers Pauvre et, de plus lauteur. Et jai fait ces vers-ci quil fallait que je fisse, Ne vous faisant dailleurs pas dautre sacrifice Que de vous plaire un peu, bien quun peu radoteur. _____

126

DDICACES

III

BALLADE
EN FAVEUR DES DNOMMS DCADENTS ET SYMBOLISTES

A Lon Vanier.

Q U E L Q U E S - U N S dans tout ce Paris


Nous vivons dorgueil et de dche. Dalcool encore qupris Nous buvons surtout de leau fraiche En cassant la crote un peu sche. A dautres fins mets et grands vins Et la beaut jamais revche ! Nous sommes les bons crivains. Phb, quand tous les chats sont gris, Effile dune pointe rche Nos corps par la gloire nourris Dont lenfer, au guet, se pourlche, Et Pbus nous lana sa flche, La nuit nous berce en songes vains Sur des lits de noyaux de pche. Nous sommes les bons crivains.
127

PAUL VERLAINE

Beaucoup de beaux esprits ont pris Lenseigne de lHomme qui bche, Et Lemerre tient les paris, Plus dun encor se dpche Et triche dentrer par la brche ; Mais Vanier la fin des fins Seul eut de la chance la pche. Nous sommes les bons crivains.
ENVOI

Bien que la bourse chez nous pche, Princes, rions, doux et divins. Quoi que lon dise ou que lon prche. Nous sommes les bons crivains. _____

128

DDICACES

IV

BALLADE
POUR SINCITER A LINSOUCI

A Maurice Barrs.

J A I cette honneur davoir des ennemis


Dordre priv, dont je suis trop bien aise Et mesjouis autant quil est permis, Car la vie autrement serait fadaise Et, parlons clair, une bonne foutaise. Or jen ai moult, non des moins furieux Mais, comme on dit, ardents, chauds comme braise : Mes ennemis sont des gens srieux. Ils ont pass ma substance au tamis, Argent et tout, fors ma gat franaise Et mon honneur humain qui, jen frmis, Eussent bien pu dchoir en la fournaise O leur cuisine excellemment mauvaise Grille et bout, pour quels gots injurieux ? Sottise, Lucre et Haine qui biaise ? Mes ennemis sont des gens srieux.
129

PAUL VERLAINE

Ils iraient bien jusquau crime commis. Satan les guide et son souffle les baise. Prire au ciel den garder mes amis. Can, certes, tait dans leur gense Et son pch forme leur exgse. Leur discours va flatteur et captieux : Tel un serpent rampe en un plan de fraise. Mes ennemis sont des gens srieux.
ENVOI

Prince des curs que rien ne dniaise, Mon cur tout rond, tout franc, tout glorieux De battre, et dtre, et daimer qui te plaise, Mes ennemis sont des gens srieux. _____

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DDICACES

TABLE
I. II. I. II. III. IV. V. VI. VII. VIII. IX. X. XI. XII. XIII. XIV. XV. XVI. XVII. XVIII. XIX. Ballade touchant un point d'histoire . . . . . . . . . . Ballade en vue dhonorer les Parnassiens . . . . . . . A Jules Tellier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Au mme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . A Franois Coppe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 5 7 8 9

J.-K. Huysmans . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 A Stphane Mallarm . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 A Jean Moras . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 Laurent Tailhade . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 A Villiers de l'Isle-Adam . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 Lon Bloy . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 A Raoul Ponchon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16 A F. Cazals . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 A Germain Nouveau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18 Maurice Bouchor . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 Henry d'Argis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20 A Ernest Raynaud . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 Raymond de la Tailhde . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 A Armand Silvestre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 Fernand Langlois . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 A Irne Decroix . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
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PAUL VERLAINE

XX. XXI. XXII. XXIII. XXIV. XXV. XXVI. XXVII. XXVIII. XXIX. XXX. XXXI. XXXII. XXXIII. XXXIV. XXXV. XXXVI. XXXVII. XXXVIII. XXXIX. XL. XLI. XLII. XLIII.

A George Bonnamour . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26 A Paterne Berrichon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27 A Gabriel chaupre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28 Au docteur Guilland . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29 A Louis et Jean Jullien . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30 A mile Le Brun . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31 A Henri Mercier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32 A Adrien Remacle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33 A Armand Sinval . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34 A Charles de Sivry . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35 A Charles Vesseron . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36 A Gabriel Vicaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37 A mile Blmont . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38 A Emmanuel Chabrier . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39 A Ernest Delahaye . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40 A Maurice du Plessy . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41 Charles Morice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42 A Edmond Thomas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43 A mes amis de l-bas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44 Quatorzain pour tous . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46 Quatorzain pour toutes . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47 A. G . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48 Encore pour G . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49 Pour S . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50 132

DDICACES

XLIV. XLV. XLVI. XLVII. XLVIII. XLIX. L. LI. LII. LIII. LIV. LV. LVI. LVII. LVIII. LIX. LX. LXI. LXII. LXIII. LXIV.

Chanson pour L . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51 A *** . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52 Le pinson d'E*** . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53 A E . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55 A E pour ses trennes . . . . . . . . . . . . . . . . . 56 A*** . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57 A la mme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58 Pour la mme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59 A une dame qui partait pour la Colombie . . . . . . 60 A E***. I. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61 II. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62 Anniversaire, William Rothenstein . . . . . . . . . 65 A mon diteur. I. Misre . . . . . . . . . . . . . . . . . 67 II. Richesse . . . . . . . . . . . . . . . 68 II. (Suite au 1er sonnet) . . . . . . . . 70 A Lon Vanier. I. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69 Toast distance, aux Rosati . . . . . . . . . . . . . . . 71 Souvenir de Manchester . . . . . . . . . . . . . . . . . 73 Fountain Court . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74 A Edmond Lepelletier . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76 Jean Richepin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77 A Arthur Rimbaud. I . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78 A Arthur Rimbaud. II . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79 80 A Mlle Rene Zilcken . . . . . . . . . . . . . . . . . .
133

PAUL VERLAINE

LXV. LXVI. LXVII. LXVIII. LXIX. LXX. LXXI. LXXII. LXXIII. LXXIV. LXXV. LXXVI. LXXVII. LXXVIII. LXXIX. LXXX. LXXXI. LXXXII. LXXXIII. LXXXIV. LXXXV. LXXXVI. LXXXVII. LXXXVIII.

A Mlle Eveline . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81 A Mlle Lonie R . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82 A Mlle Jeanne Vanier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83 Sur un buste de moi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84 A Raymond Maygrier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85 A Mlle Adle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86 A Mme Marie A..., pour sa fte . . . . . . . . . . . . . . 87 A Rodolphe Darzens . . . . . . . . . . . . . . . . . . A Max Rosa . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88 90 A Henri Bossanne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89 A Mlle A. Rom*** . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91 A A. Duvignaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92 A Rodolphe Salis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93 A Lon Cladel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94 Pour Marie*** . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95 A Gustave Lerouge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96 Au compagnon Lartigues . . . . . . . . . . . . . . . . . 97 A M. le docteur Chauf'art . . . . . . . . . . . . . . . . 98 A Aman Jean, sur un portrait enfin repos de moi . 99 A Mme Marie P . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100 A Csar C. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101 A Bibi-Pure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102 A un passant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103 Pour Roberte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104 134

DDICACES

LXXXIX. XC. XCI. XCII. XCIII. XCIV. XCV. XCVI. XCVII. XCVIII. XCIX. C. CI. CII. CIII. CIV. CV. III. IV.

Au vicomte de Lautrec . . . . . . . . . . . . . . . . . 105 Pour Mlle D. A. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106 A Ph I . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . A la mme. III . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . A Edmond Picard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . A Francis Poictevin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . A Ph*** . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Au Grant du Muller . . . . . . . . . . . . . . . . . . A E en lui offrant Mes Prisons . . . . . . . . . . . Laime . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Au Comte de Montesquiou-Fesensac . . . . . . . . Gabriel de Yturry . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . A Aurlien Scholl . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . A Lon Dierx . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . A Mme J*** . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107 112 114 115 116 118 119 121 122 123 124 125 126 127 Ballade pour sinciter linsouci . . . . . . . . . . . __________ 129 A la mme. II . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109

A Lopold II, roi des Belges . . . . . . . . . . . . . . 120

135

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