Cercles Et Carrés

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Centre Pompidou

DOSSIERS PDAGOGIQUES COLLECTIONS DU MUSE

LE CENTRE POMPIDOU MOBILE PRSENTE CERCLES ET CARRS

DANIEL BUREN, photo-souvenir : Cabane clate n6: Les Damiers, in Ugo Ferranti, Rome 1985 DB, Adagp, Paris

LA VIE DES FORMES GOMTRIQUES


LACCROCHAGE - LES ARTISTES ET LEURS UVRES
I. Vers la spiritualit
Frantiek Kupka [1871-1957], Disques de Newton. tude pour Fugue deux couleurs, 1911-1912 Vassily Kandinsky [1866-1944], Auf Spitzen [Sur les pointes], 1928

II. Abstraction et guration


Fernand Lger [1881-1955], Le Pont du remorqueur, 1920

III. Tout un programme


Theo Van Doesburg [1883-1931], Peinture pure, 1920 Auguste Herbin [1882-1960], Vendredi 1, 1951 Franois Morellet [1926], Du jaune au violet, 1956 ; Sphre-trames, 1969 Max Bill [1908-1994], Acht Liniengruppen um Weiss, [Huit groupes de lignes autour du blanc], 1969-70

IV. Cintisme et jeux d'optique


Marcel Duchamp [1887-1968], Roue de bicyclette, 1913 Josef Albers [1888-1976], Homage to the Square [Hommage au carr], 1956 Victor Vasarely [1906-1997], Procion-neg, 1957 Jess Rafael Soto [1923-2005], Cuadrados oliva y negro [Carrs olive et noir], 1966

V. L'abstraction dans l'espace


Dan Flavin [1933-1997], untitled (To Donna) 5a, [sans titre ( Donna) 5a], 1971 Carl Andre [1935], 144 Tin Square [144 carrs d'tain], 1975 Daniel Buren [1938], Cabane clate n6: Les Damiers, 1985

VI. Cinma et abstraction


Hans Richter [1888-1976], Rhythmus 21, 1921-1924 ; Filmstudie [tude filmique], 1926

REPRES CHRONOLOGIQUES BIBLIOGRAPHIE SLECTIVE


TEXTES ET RESSOURCES
3 Dossier pdagogique / Collections du Muse

LA VIE DES FORMES GOMTRIQUES


Pour son deuxime parcours (1), le Centre Pompidou mobile prsente une slection d'uvres qui ont pour point commun d'tre composes de formes gomtriques simples, dveloppant des rflexions, instaurant des jeux et des expriences qui refltent la richesse et la diversit de l'une des principales tendances de la cration au 20e sicle, l'art abstrait, et plus spcifiquement l'abstraction gomtrique (2). Que ce soit dans l'art gyptien avec ses pyramides, dans l'Antiquit grecque et romaine dj familires du nombre d'or, ou la Renaissance, la gomtrie a toujours constitu lun des fondements des inventions des artistes. Au 20e sicle, elle est au cur de l'art abstrait et a permis aux artistes de donner naissance un vocabulaire artistique indit. Le titre de laccrochage fait allusion une association d'artistes abstraits, Cercle et Carr, fonde en 1929 dont certains dentre eux reprsents ici, Vassily Kandinsky et Fernand Lger, taient membres. D'une courte dure l'association n'a exist qu'un an, le temps d'organiser une exposition et de publier quelques numros d'une revue , elle a t relaye par une autre association, centrale dans l'histoire de l'abstraction gomtrique, Abstraction-Cration. Fonde par Auguste Herbin et Georges Vantongerloo, rejoints notamment par Kandinsky et Frantiek Kupka galement prsents dans l'accrochage , elle a t active entre 1931 et 1936. Mais ce parcours dborde largement le cadre historique de ces rfrences en montrant des uvres qui utilisent la gomtrie chacune leur manire et dans des buts qui leur sont propres. En particulier, des uvres ralises dans la deuxime moiti du 20e sicle, encore peu connues du grand public, sont dcouvrir, comme la peinture de Max Bill qui sinspire de combinatoires mathmatiques ou celles de Franois Morellet issues de programmes mis au point par l'artiste pour fuir l'arbitraire de la subjectivit. D'autres uvres, bien diffuses dans les annes 1970-1980 et depuis un peu oublies, sont redcouvrir, Procion-neg, 1957 de Victor Vasarely, par exemple. D'autres encore, trs ludiques, invitent le spectateur se mouvoir, dedans, autour et mme dessus. L'accrochage comporte deux sections. Ce sont tout d'abord des uvres historiques qui sont prsentes. Puis un deuxime module propose des installations se dployant dans l'espace et deux films. Ainsi, partir de la simplicit des formes gomtriques, le spectateur est convi prouver la vitalit de la cration moderne et contemporaine.

1. Le premier accrochage avait pour thmatique La Couleur. 2. L'art abstrait comporte trois principales tendances, l'abstraction gomtrique, l'abstraction lyrique et l'expressionnisme abstrait, les deux dernires, l'oppos de la premire, exaltant la subjectivit de l'artiste.

4 Dossier pdagogique / Collections du Muse

LACCROCHAGE LES ARTISTES ET LEURS UVRES


I. Vers la spiritualit
Avec Vassily Kandinsky, Kasimir Malevitch et Piet Mondrian, Frantiek Kupka compte parmi les grands pionniers de labstraction, apparue au dbut des annes 1910. Leurs uvres, hormis celle de Kandinsky jusquau dbut des annes 1920, recourent aux formes gomtriques pour rompre avec la reprsentation des objets, au profit de lexpression de leur vie intrieure, de leurs croyances spirituelles ou philosophiques et le plus souvent de lexaltation de la couleur.

FRANTIEK KUPKA [1871-1957]


Disques de Newton. tude pour Fugue deux couleurs, 1911-1912
Titre attribu :tude pour la fugue deux couleurs Huile sur toile, 49,5 x 65 cm Don d'Eugnie Kupka, 1959 - AM 3635 P

Original et trs personnel, lart de Kupka trouve notamment dans l'imagerie scientifique, observation au microscope, au tlescope, rayons X, l'une de ses principales sources d'inspiration. Cette tude prliminaire une uvre plus vaste (Amorpha, fugue deux couleurs, 1912, Muse de Philadelphie) a pour point de dpart le disque invent par Isaac Newton la fin du 17e sicle. Conu pour dmontrer que la lumire blanche est la combinaison des couleurs de l'arc-en-ciel, ce disque, recouvert des sept couleurs rouge, orange, jaune, vert, bleu, indigo et violet apparat blanc lorsquil tourne rapidement. Afin d'voquer cette ide de synthse par le mouvement, Kupka peint ici plusieurs disques de diffrentes couleurs qui se chevauchent et se recoupent. Grce aux touches de peinture parfois trs marques, des dcalages entre formes et couleurs, aux impressions d'avances et de reculs produites par les contrastes, ces disques semblent mme anims de vibrations, comme s'ils taient vivants. Car telle est la fonction de l'abstraction chez Kupka, stimuler la perception et, par l, la conscience du spectateur pour invoquer la vie. Jusqu'en 1912, il peint des formes circulaires, mais aussi des compositions juxtaposant de grandes bandes verticales qui mettent l'accent sur l'ide d'ascension spirituelle. partir de 1912, peut-tre parce que son ami Robert Delaunay, trs impressionn par ses toiles, se lance son tour dans la peinture de cercles, Kupka s'inspire de formes plus complexes issues des sciences naturelles.
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Photo Centre Pompidou, Bertrand Prvost/Dist. RMN-GP Adagp, Paris

Biographie
Longtemps sous-estim, Franti ek Kupka est aujourd'hui reconnu comme l'un des grands matres de l'art abstrait. Originaire dune petite ville de Bohme orientale, rgion alors rattache lEmpire austro-hongrois, il dcouvre la peinture en autodidacte, puis suit des cours de dessin dans une cole dart locale. En 1889, il intgre lAcadmie des Beaux-arts de Prague o il frquente un atelier de peinture religieuse dirig par un artiste appartenant au groupe des Nazarens, peintres qui prnent un retour linnocence et la sensibilit. Il est ensuite admis lAcadmie des Beaux-arts de Vienne en 1892. C'est cette poque qu'il forge sa culture personnelle : il lit Platon, Goethe, Schopenhauer, sintresse lastronomie, la chimie, lhistoire naturelle Il devient vgtarien et pratique la culture physique. Cette mulation le conduit, en 1896, Paris, o il gagne sa vie comme illustrateur pour des journaux tels que LAssiette au beurre, ou des cabarets pour lesquels il conoit des affiches, sinspirant du travail de son compatriote Alphonse Mucha, avec lequel il se lie d'amiti. Il frquente des chansonniers, vit avec La Goulue. En 1906, il rencontre les frres Duchamp et le groupe de Puteaux qui lui font dcouvrir le cubisme. Ce style tout dabord lenthousiasme et influence sa peinture, mais il s'en carte vite, ny voyant quune interprtation de plus de la ralit. Il prfre s'inspirer de l'imagerie scientifique qui le conduit tout droit l'abstraction. En effet, partir de 1911, ses peintures saffranchissent de toute rfrence au monde des objets. Rejoint un peu plus tard dans cette dmarche par d'autres artistes tels que Piet Mondrian, Georges Vantongerloo, Auguste Herbin, il participe leurs cts de nombreuses expositions d'art abstrait, fonde en 1931, avec certains d'entre eux, l'association Abstraction-Cration et, malgr un manque de reconnaissance institutionnelle, reste jusqu' sa mort en 1957 l'un des artistes les plus cratifs de la scne artistique parisienne.

Pour en savoir plus sur Frantiek Kupka, consulter le dossier pdagogique: La naissance de lart abstrait, collections du Muse

VASSILY KANDINSKY [1866-1944]


Auf Spitzen [Sur les pointes], 1928
Huile sur toile, 140 x 140 cm Donation Mme Nina Kandinsky 1976 - AM 1976-858

Dans cette uvre, gomtrie et posie trouvent un parfait point de convergence. Sur une toile de grand format carr telle que Kandinsky en utilise souvent, des triangles sur les pointes forment un bouquet d'o semblent jaillir de plus petits triangles et des cercles, comme des boutons de fleurs ou des bulles de savon. Lorsquil ralise ce tableau, Kandinsky enseigne depuis 1922 au Bauhaus o la tendance rationaliste de lcole et leffort de systmatisation que suppose la transmission ses tudiants ont influenc sa pratique. Son vocabulaire formel et sa gamme chromatique sont simplifis pour s'apparenter l'abstraction gomtrique. Mais loin d'effacer les racines symbolistes de son art, les significations qu'il attribue aux formes et aux couleurs comme le montre son premier texte thorique Du Spirituel dans l'art, cette radicalisation donne lieu des tableaux construits et sensibles la fois. En particulier, l'application dlicate des touches de couleur nuances de blanc et de gris rappelle ses premires peintures, lorsque les paysages servaient de points de dpart pour voluer vers des formes autonomes. S'il rappelle ces premires toiles, Sur les pointes annonce aussi celles qui suivent o le cercle prend une part prpondrante. Comme il le confie un ami, en 1930, des trois formes primaires le cercle est celle qui tend le plus vers la quatrime dimension , cest--dire lvocation du temps. Le cercle deviendra chez Kandinsky l'indice d'un dpassement de notre monde physique.

Photo Centre Pompidou, Dist. RMN-GP Adagp, Paris

Biographie
N en 1866 Moscou, Vassily Kandinsky tudie le droit et lconomie jusqu sa thse de doctorat en 1895, quand subitement, lanne suivante, il part tudier la peinture Munich. Il ralise alors en dilettante de grands dessins et des petits paysages lhuile qui sont des souvenirs de ses voyages effectus en Europe. En quelques annes, ses rflexions et son vocabulaire artistiques se mettent en place. Les collaborations et les initiatives se multiplient : il rdige, en 1909, Du Spirituel dans lart, fait la connaissance dArnold Schnberg, lance en 1912 avec Franz Marc lAlmanach du Cavalier bleu (Almanach der Blaue Reiter). Stimul par ces frquentations, il peint un grand nombre de toiles qui se librent peu peu de la figuration. Les formes gomtriques, et en particulier le cercle, y jouent un rle prpondrant. La dclaration de la guerre en 1914 met brutalement fin cette priode hautement crative, obligeant Kandinsky quitter lAllemagne. leuphorie munichoise succde une priode de crise durant laquelle il ne peint presque pas. Aprs la Rvolution dOctobre, il occupe diverses fonctions officielles en Russie et reprend la peinture. Mais, ds 1921, profitant d'une mission professionnelle, il s'enfuit et regagne l'Allemagne. linvitation de Walter Gropius, il enseigne au Bauhaus, Weimar, puis Dessau et enfin Berlin, o il prend en charge le cours prliminaire et latelier de peinture murale. De nouveau chass d'Allemagne par le rgime nazi, le peintre sinstalle en 1934 Neuilly-sur-Seine. Ce nouveau changement de vie entrane encore un tournant dans son vocabulaire formel. Ses peintures explorent une gamme chromatique tendre et se peuplent de petits tres biomorphiques que lon croirait observs travers un microscope. Tout au long de sa vie, Kandinsky a su profiter des apports de son environnement sans dnaturer son aspiration une peinture abstraite et spirituelle.

Pour en savoir plus sur Vassily Kandinsky, consulter les dossiers pdagogiques: Vassily Kandinsky dans les collections du Muse Kandinsky, exposition Vassily Kandinsky, Jaune, rouge, bleu, 1925. Pour les enseignants du primaire

6 Dossier pdagogique / Collections du Muse

II. Abstraction et figuration


Dans l'art du 20e sicle, rares sont les artistes qui ont rassembl des formes abstraites et des figures au sein de mmes uvres. Fernand Lger fait partie de ces exceptions aux cts, par exemple, de Sonia et Robert Delaunay qui introduisent des lments de ralit parmi des cercles de couleur. Pour Lger, absorb par sa passion de lhumain et la gomtrie de la ville, les deux sont associes pour traduire les bouleversements du monde moderne.

FERNAND LGER [1881-1955]


Le Pont du remorqueur, 1920
Huile sur toile, 96,5 x 130 cm Legs Baronne Eva Gourgaud 1965 - AM 4315 P

Tout l'uvre de Fernand Lger se caractrise par des formes stylises, parfois l'extrme, confinant la gomtrie, qui laissent penser que l'abstraction est pour lui un moyen puissant pour voquer le rel. Au dbut des annes 1920, il peint plusieurs tableaux de grand format qui reprsentent un thme ses yeux fascinant, la ville moderne. Ce sont des uvres trs colores, avec, a et l, des bribes de typographie qui voquent les affiches nouvellement placardes aux murs, des machines porteuses de l'espoir d'une vie meilleure, et des disques qui insufflent un dynamisme l'ensemble. Le Pont du remorqueur obit cette construction : quelques signes indiquent un milieu urbain tandis que des formes au centre aident reconnatre l'architecture d'un bateau. Un petit personnage accoud une rambarde finit de nous convaincre que ce tableau est bel et bien figuratif. Mais la reprsentation du rel n'empche pas Lger d'avoir recours des formes gomtrises et de grands aplats de couleur, vocabulaire pictural issu de l'art gomtrique abstrait alors en train de se mettre en place. Ce sont les fameux disques que l'on retrouve au centre de ce tableau, et de manire plus manifeste dans la grande toile intitule Les Disques dans la Ville, ralise la mme anne. Ici, on trouve aussi un damier, un enchevtrement de rectangles qui donnent l'impression d'une succession de plans. Le tout est ponctu d'un rseau d'oppositions entre le noir et le blanc, qui permet de rpartir de manire quilibre le vert, l'orange, le jaune et le rose. Lger restera fidle cette manire de construire l'espace pictural.

Photo Centre Pompidou, Dist. RMN-GP Adagp, Paris

Biographie
N dans une petite ville de lOrne, Argentan, Fernand Lger est un lve dissip qui passe son temps dessiner. Adolescent, il entre comme apprenti chez un architecte puis, en 1900, il s'installe Paris o il frquente lcole des Arts dcoratifs et lAcadmie Julian. Dans le quartier de Montparnasse, il pntre le milieu artistique parisien et se lie damiti avec Robert Delaunay, Marc Chagall, Blaise Cendrars partir de 1910, le cubisme, qui simpose de plus en plus dans lavant-garde artistique, le sduit son tour. Il en rsulte ses Contrastes de formes: des peintures qui articulent dj abstraction et figuration, dont la composition se fonde sur l'opposition des valeurs, des lignes et des couleurs, tout en faisant rfrence la ralit quotidienne. La guerre interrompt brutalement ces premiers succs. Lger est envoy au front mais continue de dessiner. Rform la fin de 1917, il entreprend de grandes peintures influences par le thme de la modernit. Les collaborations se multiplient : avec Rolf de Mar, fondateur des Ballets sudois, pour les dcors et costumes dun ballet, avec Robert Mallet-Stevens et Marcel LHerbier pour les dcors du film LInhumaine, ou avec Dudley Murphy pour le film Ballet mcanique. En 1929, il participe mme aux activits du groupe d'art abstrait Cercle et Carr. Avec larrive du Front populaire, son engagement politique se manifeste travers des confrences et de grandes peintures murales o il ralise son rve de concilier lavant-garde et lart populaire. Mais la guerre interrompt de nouveau son travail et le conduit pour quelques annes New York. La ville moderne lui inspirera encore de grandes compositions.

Pour en savoir plus sur Fernand Lger, consulter le dossier pdagogique: Fernand Lger dans les collections du Muse

7 Dossier pdagogique / Collections du Muse

III.Tout un programme
Les peintres ayant choisi la voie de l'abstraction gomtrique ont, pour un grand nombre d'entre eux, un point commun, le fait de raliser leurs uvres en fonction d'un programme, de lois ou de rgles du jeu qu'ils s'imposent eux-mmes avec plus ou moins de souplesse.

THEO VAN DOESBURG [1883-1931]


Peinture pure, mai 1920 - 7 juillet 1920
Ancien titre: Dcomposition; Composition Huile sur toile, 130 x 80,5 cm Cadre-baguette original peint l'huile en deux couleurs Achat 1964 - AM 4281 P

la suite de Mondrian qui vient d'inventer une peinture gomtrique abstraite trs pure, Theo Van Doesburg se lance dans la ralisation de tableaux qui schmatisent le rel pour finalement se dtacher compltement de ses apparences. Tous deux aboutissent un style rigoureux qu'ils baptisent noplasticisme, pens comme continuation logique du cubisme en opposition au baroque moderne . Leurs tableaux se composent de couleurs primaires et de lignes orthogonales. Le titre initial de cette uvre, Dcomposition ; Composition, est significatif de la dmarche de lartiste : dcomposer la forme, la rduire en une srie de quelques lments, puis articuler ou composer ces derniers en un tout indivisible et sans hirarchie. Mais ici, contrairement ce que prne son ami Mondrian, Van Doesburg rintroduit les couleurs secondaires ainsi que le gris (qui recouvre deux baguettes du cadre). Les formes sont aussi plus diversifies : carrs et rectangles sencastrent les uns dans les autres avec, notamment, un grand carr blanc dans le coin gauche qui provoque une impression de dsquilibre. Dans d'autres toiles, Van Doesburg ira encore plus loin, rintroduisant les diagonales. Inacceptable pour Mondrian, cet assouplissement des rgles conduira les deux artistes une rupture en 1924.

Domaine public

Biographie
Originaire d'Utrecht aux Pays-Bas, Theo Van Doesburg (de son vrai nom Christian Emil Kuepper) se consacre d'abord au thtre et l'criture avant de s'intresser la peinture. Pendant la guerre, il dcouvre l'uvre de Mondrian et, en 1917, ralise ses premiers tableaux, des compositions bases sur des rseaux de lignes orthogonales. Dans la foule, il fonde la revue De Stijl, l'origine du mouvement du mme nom qui rassemble des peintres, des sculpteurs, des potes, des designers et des architectes. Cest en 1916 quil rencontre les architectes Jacobus Johannes Pieter Oud et Jan Wils avec lesquels il va collaborer, notamment pour des mises en couleur despaces intrieurs puis pour des faades ddifices. Mais sa conception de la couleur comme moyen de dynamiser et de dstructurer larchitecture conduira Oud rompre avec De Stijl. En 1926, il ramnage Strasbourg le clbre caf-restaurant dancing lAubette avec Sophie Taeuber et Hans Arp. Ses compositions aux dimensions monumentales constituent alors une tape clef dans sa dfinition de llmentarisme qui repose sur lutilisation de formes lmentaires, de lignes droites et des trois couleurs primaires, accompagnes du noir et du blanc. Plus tard, il ralise sa propre maison-atelier Meudon. Ouvert toute forme de crativit, il s'intresse galement aux uvres avant-gardistes des dadastes et des constructivistes ainsi qu'aux crations de l'cole du Bauhaus. Cette ouverture et la rintroduction d'lments bannis de la peinture par Mondrian, comme la diagonale, l'amnent rompre avec le matre, sans pour autant renoncer une peinture gomtrique abstraite rigoureuse. En 1930, il publie son court manifeste de l'Art concret, un art qui nest pas un dogme, pas un isme , qui nest pas une transposition de la nature , un art qui est le rel , car rien nest plus concret () quune ligne, quune couleur, quune surface . Ce texte aura une grande postrit et influencera toute une nouvelle gnration d'artistes. Theo Van Doesburg meurt prmaturment en 1931, laissant une uvre prometteuse inacheve.

Pour en savoir plus sur le mouvement de Stijl et Theo Van Doesburg, consulter le dossier pdagogique Mondrian / De Stijl, exposition

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AUGUSTE HERBIN [1882-1960]


Vendredi 1, 1951
Huile sur toile, 96 x 129 cm Achat 1976 - AM 1976-6

Tandis qu'il ralise des peintures abstraites depuis 1917, Auguste Herbin procure un souffle nouveau son uvre avec l'invention, autour de 1942, d'un systme pictural rigoureux qu'il utilisera jusqu la fin de sa vie, un alphabet plastique . chaque lettre correspond une couleur et une ou plusieurs formes. Cette dmarche n'est pas sans rappeler les voyelles colores du pome de Rimbaud, mais l'alphabet plastique d'Herbin peut aussi tre rapproch de la posie concrte et sonore autour de la lettre et du son, ou des recherches littraires menes un peu plus tard par les protagonistes de l'Oulipo (Ouvroir de littrature potentielle fond en 1960, notamment par Raymond Queneau) pour qui les contraintes stimulent la cration. Pour composer ses tableaux, Herbin choisit en effet des mots, non pour leur sens, mais comme points de dpart pour oprer le libre agencement des formes et des couleurs sans recours l'arbitraire de la sensibilit. Entre 1949 et 1951, il peint une srie partir des noms des sept jours de la semaine, dont fait partie Vendredi 1. Dans un entretien de 1957, l'artiste dtaille l'application de son systme ce tableau : le V, triangle invers noir, est peint en opposition avec le blanc des quelques barres voquant le N, tandis que les formes rouges incarnent le E, opposes au bleu qui reprsente le R, sur un fond orang symbolisant le I. En somme, ces correspondances sont les moyens dont s'est dot l'artiste pour composer des toiles selon des lois issues de son esprit plutt que de la ralit extrieure.

Photo Centre Pompidou, Philippe Migeat/Dist. RMN-GP Adagp, Paris

Biographie
Auguste Herbin est un artiste central de labstraction gomtrique franaise, tant il a particip aux activits de ce milieu et influenc plusieurs gnrations de crateurs. Car, au-del d'une froideur apparente, sa pratique est guide par la recherche gnreuse d'un art universel accessible tous. D'origine modeste ses parents sont ouvriers dans une fabrique de textiles , il est bon lve et dcouvre le dessin en frquentant des cours municipaux. Ses aptitudes le distinguent et une bourse lui permet d'tudier l'cole des Beaux-arts de Lille. En 1901, il s'installe Paris o il dcouvre les peintures de Seurat, Van Gogh, Manet... Ses premires uvres sont marques par ces influences puis voluent vers le cubisme. partir de 1917, ses toiles ne font plus rfrence la ralit quotidienne, comme c'est le cas chez les peintres de ce mouvement ; elles deviennent des agencements de couleurs purement abstraits. Aprs un retour provisoire la figuration au dbut des annes 1920, il adopte dfinitivement l'abstraction en 1926, et produit des uvres, majoritairement des peintures mais aussi des sculptures, o les formes aussi bien gomtriques qu'organiques expriment la qute dune spiritualit inspire par la thosophie (1). Membre fondateur d'Abstraction-Cration, il dirige les activits du groupe et notamment la revue du mme nom. Reconnu surtout aprs la Seconde Guerre mondiale grce l'invention de son alphabet plastique et aux uvres qui en dcoulent, Auguste Herbin publie un ouvrage thorique, LArt non-figuratif non-objectif. Il expose Paris la galerie Denise Ren, New York, Bruxelles... et connat un relatif succs jusqu' sa mort en 1960, avant que l'abstraction gomtrique soit clipse par une nouvelle vague de mouvements avant-gardistes.

consulter: les pages de la collection Herbin au Muse Matisse du Cateau-Cambrsis

1. Le courant thosophique dcoule dune tradition, initie au 3e sicle, consistant soutenir que les diffrentes religions sont des tentatives dapproche de la connaissance du divin et que chacune delles recle une part de vrit. La thosophie connat un renouveau au 19e sicle avec la fondation de la Socit thosophique par Helena Petrovna von Hahn, dite Madame Blavatsky. De nombreux artistes seront sensibles ce courant peru comme initiatique, notamment dans les pays du Nord, comme Piet Mondrian ou Edvard Munch.

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Du jaune au violet, 1956 Photo Centre Pompidou, Jacques Faujour/Dist. RMN-GP Adagp, Paris

Sphre-trames,1969 Le Havre, MuMa. Clich Charles Maslard.

FRANOIS MORELLET [1926]


Du jaune au violet, 1956
Huile sur toile, 110,3 x 215,8 cm Achat 1982 - AM 1982-15

Cette peinture, comme lensemble des uvres de Franois Morellet, est l'excution d'un programme prdtermin par lartiste. Une dmarche qui lui permet de se dfaire de sa subjectivit et de pousser un principe jusqu' son parfait accomplissement, tche non dnue d'absurdit, d'o dcoule un certain humour. Ici, le programme semble chapp d'un manuel pour apprendre matriser les couleurs en peinture. Il s'agirait mme de les neutraliser, tant la proposition, simple et mcanique, rejette toute association entre couleur et sensibilit. travers le motif de deux carrs concentriques, Morellet explore, partir du cercle chromatique, les deux manires de passer graduellement du jaune au violet . La progression passe soit par le vert et le bleu, soit par l'orange et le rouge. Les traits sont bien sr tracs la rgle, les couleurs sont appliques la roulette, pour que toute trace manuelle disparaisse. Le tableau qui en rsulte est un trange diptyque o la rigueur de la mthode aboutit une image quasi psychdlique et hypnotique.

Au sujet des trames, dabord apparues dans ses tableaux, il dit : En 1962, jai voulu ajouter une troisime dimension mes trames superposes... Toutes mes trames peintes cette poque taient infinies, cest--dire quelles donnaient limpression de se prolonger au-del des limites conventionnelles du carr du tableau. Pour les sculptures, il nexiste pas de limites conventionnelles, si ce nest les limites de la salle dexposition. Le choix de limites en forme de sphre plutt que, par exemple, en forme de cube, nest pourtant pas gratuit. Ma sphre, lorsquelle tourne sur elle-mme ou que lon tourne autour, nayant aucun angle, aucun accident de surface sur sa priphrie, permet au regard du spectateur de mieux se concentrer lintrieur, l o se succdent les superpositions de trames.

Biographie
Franois Morellet ralise depuis plus de cinquante ans des uvres dans la ligne de l'abstraction gomtrique, s'attachant dmystifier le rle de l'artiste avec autant de persvrance que de drlerie. ses dbuts, il pratique la peinture en autodidacte et se forme au gr de ses rencontres avec des artistes, en frquentant galeries et expositions. Ses premires uvres sont inspires des arts primitifs puis, avec la dcouverte des travaux de Mondrian et de Max Bill au dbut des annes 1950, il ralise ses premires peintures abstraites. Nourries galement de ses lectures Morellet aime la littrature exprimentale de Joyce ou de Queneau , ses uvres sont composes en fonction de programmes prtablis qui conduisent des processus radicaux, par exemple la srie de toiles de 1958 intitule 6 rpartitions alatoires de 4 carrs noirs et blancs d'aprs les chiffres pairs et impairs du nombre Pi. Au dbut des annes 1960, il fonde, avec des amis franais et dAmrique latine, le GRAV, Groupe de Recherche d'Art Visuel, qui devient lun des ples de lart cintique. Lobjectif est la cration dun art nouveau et de nouveaux objets, fonds sur la gomtrie mais surtout le mouvement, labsence de subjectivit de lartiste voire lanonymat et, subsidiairement, le renouvellement du rle du public qui en devient acteur. Organisation d'expositions, publications de textes et de tracts diffuss au cours d'vnements culturels constituent les activits du groupe jusqu' sa dissolution en 1968. Paralllement, Morellet dveloppe ses recherches personnelles en exprimentant de nouveaux supports tels que le mtal et le non qu'il est l'un des premiers artistes utiliser. Le Centre Pompidou a rendu hommage cette personnalit forte et attachante en 1986 puis en 2011 avec lexposition Rinstallations, o 26 de ses installations, actualises, retraaient les grands axes de ses recherches, de 1963 aujourdhui.

Sphre-trames, 1969
178 x 178 x 178 cm Coll. Muse dart moderne Andr Malraux

Dans Sphre-trames, on retrouve deux constantes de luvre de Morellet : une abstraction gomtrique, fonde ici sur le carr, et une rgle de composition mathmatique. Ici, des tubes en acier inoxydable sont souds entre eux puis assembls en grilles qui se croisent angle droit dans une position incline. Franois Morellet a ralis plusieurs uvres de ce type, dans des tailles ou des matriaux diffrents.
10 Dossier pdagogique / Collections du Muse

Pour en savoir plus sur Franois Morellet, consulter le dossier pdagogique: Franois Morellet. Rinstallations, exposition

MAX BILL [1908-1994]


Acht Liniengruppen um Weiss, [Huit groupes de lignes autour du blanc], 1969-70
Huile sur toile, 150 x 150 cm Achat de l'tat 1971, attribution 1980 - AM 1980-402

Huit groupes de lignes autour du blanc , tel est le titre presque dansant de ce tableau de Max Bill, promettant quelques farandoles de lignes autour d'une quelconque divinit virginale. Or, lorsqu'on dcouvre la toile, aucune ronde ne nous saute aux yeux, seul un rseau de diagonales qui se croisent sur un fond blanc. Ce tableau de Max Bill semble uniquement compos d'lments gomtriques rudimentaires. Il a t ralis daprs un programme que lartiste sest donn. Quelques secondes supplmentaires permettent de dcouvrir un univers riche et dynamique, en harmonie avec son titre. Les lignes droites s'organisent sous nos yeux en une succession de carrs qui s'enchssent les uns dans les autres. Le plus immdiatement perceptible d'entre eux, en quilibre sur la pointe, s'insre dans le carr que constitue le chssis de la toile. Travers par les deux grandes diagonales qui barrent la toile, il est lui-mme constitu de quatre petits carrs sur la pointe. Cet agencement de lignes cre un effet dynamique inspir des toiles de Theo Van Doesburg. Les 8 groupes de lignes (un pour chaque ct du carr et deux pour chaque diagonale, soit 8 groupes de lignes de mme mesure) sont chacun composs de deux segments (soit 4 segments pour chaque grande diagonale ou 8 pour les 2, et 2 segments pour chaque ct du carr ou 8 en tout pour son primtre). Chacun de ces segments est lui-mme compos de 2 segments colors, poss ct cte. En tout, il y a donc dans ce tableau 32 segments de couleurs, colls deux par deux, jaune, orange, rose, violet, rouge, bleu. Toutes plus subtiles les unes que les autres, bien loin de la rigueur des couleurs primaires des premiers temps de l'abstraction gomtrique, ces teintes illuminent les groupes de lignes et leur procurent une vitalit qui ferait croire que, d'une seconde l'autre, ils pourraient se mettre danser sur la surface blanche de la toile.

Photo Centre Pompidou, Dist. RMN-GP Adagp, Paris

Biographie
Connu comme le principal reprsentant de l'abstraction gomtrique suisse, Max Bill est en ralit un artiste complexe, aux multiples facettes. Aprs des tudes darts appliqus Zurich et au Bauhaus, il devient architecte en 1930. Tout au long de sa carrire, cette discipline et ses avances avant-gardistes lui resteront chres : il vit dans une maison exprimentale, construite partir d'lments prfabriqus, adhre aux CIAM (Congrs Internationaux d'Architecture Moderne), publie des essais sur Le Corbusier et sur l'architecture moderniste, conoit la mise en espace d'expositions. La peinture et la sculpture l'intressent tout autant. Il publie des essais sur Paul Klee ou Vassily Kandinsky... Ds 1932, il adhre au groupe Abstraction-Cration et peint des tableaux inspirs de Mondrian et Van Doesburg. En 1936, la suite de Theo Van Doesburg, il dfinit ce quil appelle, plutt qu'abstrait, l'art concret : Nous appelons art concret les uvres dart qui sont cres selon une technique et des lois qui leur sont entirement propres sans prendre extrieurement appui sur la nature sensible ou les transformations de celles-ci []. Des ides abstraites qui nexistaient auparavant que dans lesprit, sont rendues visibles sous forme concrte. Peu aprs, ses uvres s'inspirent de formules mathmatiques, mais sans toutefois les appliquer la lettre. En particulier, la couleur est convoque pour contrebalancer la rigueur des formes grce sa douceur et sa sensibilit. Aprs la Deuxime Guerre, Max Bill enseigne en Suisse et en Allemagne et de nombreuses expositions lui sont consacres.

11 Dossier pdagogique / Collections du Muse

IV.Cintisme et jeux d'optique


L'un des dveloppements de l'art abstrait gomtrique consiste en des uvres qui exprimentent les effets du mouvement, rel ou virtuel, sur la perception. Ces uvres ont t qualifies comme relevant d'un art cintique ou d'un art optique (dit Op'Art aux tats-Unis). Et Marcel Duchamp se rvle ici, une fois encore, comme un prcurseur de cet art en mouvement qui remet en cause la peinture et la sculpture.

MARCEL DUCHAMP [1887-1968]


Roue de bicyclette, 1913 / 1964
Mtal, bois peint, 126,5 x 31,5 x 63,5 cm Achat 1986 - AM 1986-286

Roue de bicyclette est souvent considre comme le premier ready-made de Marcel Duchamp readymade : une pice que lartiste trouve alreadymade , cest--dire dj toute faite et quil expose telle quelle. Mais ce n'est pas exactement le cas, la roue ayant tout de mme t fixe par lui sur le tabouret. Son premier ready-made sera un portebouteilles achet l'anne suivante dans un magasin, le BHV. Duchamp dfinit lui-mme sa Roue de bicyclette comme une sculpture sur un socle, la manire des uvres de son ami Constantin Brancusi. Dans une lettre de 1915, il explique qu'il s'est fabriqu cet objet parce qu'il apprcie particulirement le mouvement hypnotique de la roue, favoris par sa position sur le tabouret, qui lui rappelle sa fascination devant les flammes d'un feu de chemine. Plus qu' l'origine de la tradition de l'objet trouv qui traverse tout le 20e sicle jusqu' aujourd'hui, la Roue de bicyclette, libre de son usage au profit de sa forme, un cercle, et de sa qualit essentielle, le mouvement, devrait tre regarde comme l'une des premires uvres cintiques. Elle annonce les pices ludiques qui apparaissent au dbut des annes 1950 et qui supposent la participation active du spectateur. Elle montre aussi lintrt de Duchamp pour les formes industrielles. Dautres uvres de Duchamp jouent avec les illusions optiques en se basant sur une gomtrisation des formes et le mouvement : le Nu descendant l'escalier de 1912 o il schmatise et multiplie la figure, Anemic cinema, film de 1925, ou encore les Rotoreliefs de 1935 qui en sont issus, des disques en carton imprims de motifs en spirale et destins tre utiliss sur des tourne-disques pour produire l'illusion du volume. Ces derniers ont d'ailleurs t montrs lors de l'exposition Le Mouvement en 1955 la galerie Denise Ren.
Pour en savoir plus sur Marcel Duchamp et son influence, consulter les dossiers pdagogiques: Marcel Duchamp dans les collections du Muse Le futurisme Paris. Une avant-garde explosive, exposition John Cage, le gnie ingnu

Succession Marcel Duchamp/Adagp, Paris

Biographie
Marcel Duchamp est le troisime d'une famille de six enfants, dont quatre sont des artistes reconnus : les peintres Jacques Villon (1875-1963) et Suzanne Duchamp (1889-1963), le sculpteur Raymond Duchamp-Villon (1876-1918) et lui-mme, le plus clbre. Aprs une scolarit Rouen, il frquente Paris l'Acadmie Julian. Mais c'est auprs de ses frres et de leurs amis, des peintres cubistes, qu'il fait son vritable apprentissage de la peinture. Son travail s'loigne toutefois rapidement de la problmatique spatiale des cubistes. lcoute de la modernit du monde, il s'attache la dcomposition du mouvement, comme dans son Nu descendant l'escalier. Install New York partir de 1915 il fera toute sa vie des allers et retours entre les tats-Unis et la France , il diffuse les avant-gardes parisiennes auprs du public amricain. cette poque, il labore ses uvres les plus connues comme le Grand Verre La Marie mise nu par ses clibataires, mme ou Fontaine le clbre urinoir sign Richard Mutt , mais se consacre de plus en plus aux checs qui deviennent, au milieu des annes 1920, sa principale activit. C'est travers le surralisme qu'il renoue avec l'art dans les annes 1930 en organisant des vnements en collaboration avec Andr Breton. De retour sur la scne artistique, il acquiert une renomme croissante et devient clbre partir de la dcennie suivante.

12 Dossier pdagogique / Collections du Muse

JOSEF ALBERS [1888-1976]


Homage to the Square [Hommage au carr], 1956
Huile sur isorel, 61 x 61 cm Don de la Josef and Anni Albers Foundation 1978 AM 1978-751

partir des annes 1950, Albers commence raliser, comme le mentionnent leurs titres, des hommages au carr . les observer, on aurait pourtant tendance penser que ce sont des hommages la couleur. La forme gomtrique primaire qu'est le carr n'est pour Albers qu'un motif neutre et commode. Ses toiles en comportent gnralement trois ou quatre qui s'imbriquent les uns dans les autres, formant un dispositif simple pour tudier le comportement des couleurs entre elles. Car, pour lui, une couleur nest jamais la mme, elle varie en fonction de son tendue, de son intensit et de son environnement. Albers pousse mme la prcision de ses recherches jusqu' l'observation des variations d'une mme couleur selon les marques de peinture utilises, ce quil prend bien soin de noter au revers des toiles ou sur ses esquisses. De la mme manire, il teste l'effet sur la perception des diffrences de texture, de brillance, d'paisseur des couches de peinture. En somme, la gomtrie permet l'artiste de rgler un problme pour lui mineur, celui de la forme, pour mieux se concentrer sur ce qui lui est cher, la couleur. Dans lHommage au carr de 1956, le peintre a organis la rencontre de trois couleurs automnales, un ocre chaleureux la priphrie, un bleu apaisant comme intermdiaire et un vert au milieu. Contre toute attente, cest le bleu qui lemporte sur les autres couleurs, crant lillusion davancer et de se dtacher du fond ocre, tandis que le vert, grce une force contraire vers larrire, lempcherait de schapper du tableau. Ainsi, les Hommages au carr d'Albers provoquent-ils des effets optiques trs subtils, o certaines couleurs dominent tandis que d'autres seffacent. C'est dans ce sens que le peintre peut tre considr comme un prcurseur de l'OpArt, mouvement qui fera son apparition au milieu des annes 1960. Certaines de ses uvres seront montres dans l'exposition fondatrice de ce mouvement, The Responsive Eye, au MoMA de New York, en 1965.
13 Dossier pdagogique / Collections du Muse

Photo Centre Pompidou, Jacqueline Hyde/Dist. RMN-GP The Josef and Anni Albers Foundation/Adagp, Paris

Biographie
Originaire de Westphalie, Josef Albers sengage dabord dans la carrire dinstituteur avant de frquenter successivement lAcadmie royale des Beauxarts de Berlin et le Bauhaus, quil intgre sa cration en 1919. Le cours de Johannes Itten sur la couleur, trs orient vers la rflexion spirituelle, sera dterminant pour son uvre venir. Son diplme obtenu, il reste au Bauhaus en tant quenseignant o il remplace Itten aprs son dpart en 1923, en assurant, notamment, pour le cours prliminaire, lapprentissage des fondamentaux. la fermeture de lcole, en 1933, comme nombre de ses collgues, Walter Gropius, Mies van der Rohe..., Albers migre aux tats-Unis il devient citoyen amricain en 1939 et enseigne dans les meilleures coles du pays. son arrive, il travaille au Black Mountain College, frquent par les futurs acteurs de la scne artistique amricaine (ceux-l mmes qui se passionneront pour Duchamp). Puis, partir de 1950, il occupe la chaire de design de lUniversit de Yale. Temporairement, en 1954, il est mme invit lUniversit dHonolulu. Grce cette activit intense denseignement, Albers diffuse lesprit et les ides hrites du Bauhaus qui auront une grande postrit outreAtlantique et au-del. En 1963, il publie un texte majeur, l'Interaction des couleurs.

VICTOR VASARELY [1906-1997]


Procion-neg, 1957
Huile sur toile, 195 x 114 cm Don de l'artiste 1977 - AM 1977-226

Sur ce tableau un rectangle des disques et des carrs semblent se renvoyer la balle ! Dans le haut, les disques sont dans des carrs. Jamais tout fait entiers. Dans le bas, cest linverse : ce sont des carrs que lon retrouve dans des disques qui, eux-mmes, forment un carr unique. Victor Vasarely met en scne une double opposition: entre les formes mais aussi entre le noir et le blanc. Il sest inspir de travaux photographiques quil ralise la mme poque : de la pellicule au tirage papier, tout sinverse, le blanc devient noir et le noir devient blanc. Cette uvre sinscrit dans le prolongement des compositions pures et abstraites conues par lartiste ds la fin des annes 1940. Les jeux de contrastes colors mais aussi formels tmoignent de son pass de graphiste. Mais Procion neg, 1957, fait aussi partie de sa priode intitule Noir-Blanc qui stend de 1954 1960, et dans laquelle le travail sur les illusions optiques a pour but dapprofondir la perception du mouvement qui constituera, ds les annes 1960, sa marque de fabrique. Ici, notre il nest pas proprement parler dup, mais incit aller dune forme lautre, se dplacer constamment. Nous prouvons aussi parfois lillusion de la profondeur. Par cette participation du spectateur, lartiste vise un art populaire: Nous ne pouvons indfiniment laisser la jouissance de luvre dart la seule lite des connaisseurs, dit-il. Lart prsent sachemine vers des formes gnreuses, souhait recrables : lart de demain sera trsor commun.

Photo Centre Pompidou, Philippe Migeat/Dist. RMN-GP Adagp, Paris

Biographie
Originaire de Hongrie o il tudie l'art dans une cole organise sur le modle du Bauhaus, Victor Vasarely migre en 1930 Paris et travaille comme graphiste dans une agence de publicit. Ds ses dbuts, il s'intresse aux effets optiques en travaillant, par exemple, sur le motif des rayures. Aprs guerre, ses uvres prennent le chemin de l'abstraction gomtrique, en lien avec la remise en cause de la notion d'original et de son corollaire, la pice unique. Ainsi, dans ses crations, tout est calcul pour allier la simplicit de la comprhension, la qualit de l'objet et la multiplication des exemplaires. Ds 1955, Vasarely s'impose comme le chef de file de l'art cintique avec une exposition qu'il organise chez Denise Ren, Le Mouvement, o il runit les uvres de prcurseurs comme Marcel Duchamp et de plus jeunes artistes, Soto, Agam, Bury... Pour l'occasion, il rdige un texte surnomm Manifeste jaune dans lequel il pose les principes de son travail : un art accessible tous et facilement reproductible. Au dbut des annes 1960, il s'intresse aux formes qui permutent progressivement dans des dgrads de couleurs. Ce thme devient central dans son uvre et est l'origine de l'OpArt, expression invente l'occasion de l'exposition Responsive Eye. Vasarely devient l'un des artistes europens la fois les plus vendus et les plus connus du grand public. Vasarely a mis lart gomtrique au service du divertissement et du dcoratif, ce quon a pu lui reprocher. Mais, aprs tout, d'autres artistes clbres n'ont-ils pas prn un art d'quilibre, de puret, de tranquillit, sans sujet inquitant ou proccupant, qui soit... quelque chose d'analogue un bon fauteuil qui dlasse de ses fatigues physiques ? (1). Vasarely ne se situet-il pas lgitimement dans la ligne de ceux qui, avec leurs uvres, cherchent produire du bonheur plutt que du tracas?

1. Henri Matisse, Notes d'un peintre, paru dans La Grande Revue, dcembre 1908. Pour en savoir plus sur Victor Vasarely, voir le site de la Fondation Vasarely, inaugure Aix-en-Provence en 1976 Pour en savoir plus sur lart cintique, consulter le dossier pdagogique: Lart cintique dans les collections du Muse

14 Dossier pdagogique / Collections du Muse

JESS RAFAEL SOTO [1923-2005]


Cuadrados oliva y negro [Carrs olive et noir], 1966
Peinture acrylique sur bois et mtal, 106 x 106 x 16 cm Dation en 201 - AM 2012-108

Ds sa formation Caracas (Venezuela), Jess Rafael Soto est attir par les uvres de Mondrian et surtout par celles de Malevitch, aux formes lmentaires et lgrement instables, conues par les peintres comme une introduction lespace infini. Soto fait partie de cette gnration dartistes qui, dans les annes 1950, veut renouveler lart gomtrique abstrait. Il veut y introduire le mouvement par lorganisation rythmique des couleurs et des formes. Aprs ses uvres abstraites ralises en un plexiglas qui brouille les motifs gomtriques quil recouvre, ses Vibrations constitues de fils de fer ou de btonnets de mtal suspendus devant des fonds stris, Soto se rapproche, entre 1959 et 1962, des Nouveaux ralistes et de leur intrt pour les matriaux trouvs (ferrailles usages, madriers rcuprs sur des chantiers de dmolition...) quil continue confronter des fonds stris et des fils de fer. la recherche de la vibration pure, il abandonne la potique des matriaux trouvs pour se librer de tout jeu optique. Dsormais fils de fer ou carrs sur fonds uniformment stris, tiges suspendues en quilibre nauront de but que de montrer le caractre proprement cintique du rel. Ainsi dans Cuadrados oliva y negro, seize carrs sont disposs en ranges horizontales lavant dun fond uniformment stri, disposition qui dmatrialise les formes pour nen garder que la pure nergie. Que lon bouge devant elle, son tour luvre bouge. Ou, plus prcisment, instable, elle vibre. Ddoublement, dcalage, superpositions, interfrences : nous ne sommes plus face une image, mais face plusieurs images. Rien nest fig pour Soto, et surtout pas luvre dart, sa recherche du mouvement est lie sa conviction que les formes sont instables. Son but est de mettre en lien le temps, lespace et le mouvement, en cho l'univers qui, pour l'artiste, se caractrise par une vibration perptuelle. Ce que dmontrent dailleurs les mathmaticiens et les physiciens. Lil devient conscient de sa vibration dans lespace.
15 Dossier pdagogique / Collections du Muse

Photo Centre Pompidou, Georges Meguerditchian/Dist. RMN-GP Adagp, Paris

Biographie
Originaire d'une petite ville du Venezuela, Ciudad Bolivar, Soto commence trs tt peindre en autodidacte et gagne un peu d'argent en ralisant des affiches de cinma. Puis, grce une bourse, il part tudier lcole des Beaux-arts de Caracas o il dcouvre l'art moderne europen travers des reproductions. Le cubisme, avec son caractre trs construit, l'intresse immdiatement. Aprs une exprience d'enseignement Maracaibo, il s'installe Paris en 1950. L, il approfondit sa connaissance de l'art, en particulier de l'art abstrait qu'il dcouvre dans les livres et aussi grce ses rencontres avec Auguste Herbin et les artistes de la galerie Denise Ren. Il mne une vie de bohme, gagnant sa vie comme guitariste la nuit et peignant le jour. La musique influence son travail plastique en lui suggrant des principes de compositions sriels. En 1955, plusieurs de ses uvres, des reliefs en plexiglas, sont prsentes dans l'exposition Le Mouvement, qui fait de lui l'un des principaux artistes de l'art cintique. L'anne suivante, Denise Ren lui consacre sa premire exposition Paris. la fin des annes 1960, il invente un nouveau type d'uvre qu'il appelle les Pntrables : des environnements faits de tubes de plastique suspendus au plafond, dans lesquels les spectateurs peuvent voluer librement et prouver les vibrations qui animent l'univers. Car, pour Soto, loin d'tre seulement une exprience ludique, l'art cintique est l'occasion d'prouver le caractre instable de la ralit toute grouillante de forces vives , dit-il (entretien avec Jean Clay, 1968). Par la suite, ses uvres monumentales connaissent un grand succs et font l'objet de nombreuses commandes dans le monde entier.

Pour en savoir plus sur Jess Rafael Soto, voir le site officiel de lartiste

V. L'abstraction dans l'espace


partir du milieu des annes 1960, alors que linstallation devient une forme artistique majeure, l'abstraction entre en dialogue avec l'espace. Les trois uvres prsentes ici, composes de formes gomtriques orthogonales, rectangles ou carrs que lon voyait jusqualors accrochs aux murs, habitent l'espace qui les environne et font prendre conscience de son existence.

DAN FLAVIN [1933-1997]


untitled (To Donna) 5a, [sans titre ( Donna) 5a], 1971
Installation avec de la lumire 6 tubes fluorescents jaune, bleu, rose et structure de mtal peint placs en carr en travers d'un angle 244 x 244 x 139 cm Don de Leo Castelli par l'intermdiaire de la Georges Pompidou Art and Culture Foundation, 1977 - AM 1977-210

Artiste clbre de l'art minimal, Dan Flavin ralise des uvres en assemblant des nons blancs ou de couleur, pour sculpter l'espace grce la lumire. Constitue d'un ensemble de six nons de couleur monts en carr sur une structure mtallique, to Donna doit tre installe dans l'angle d'une pice, comme les peintures de Malevitch que l'artiste russe assimilait des icnes. Puis, au-del de cette rfrence, linstallation de Flavin joue avec les effets optiques que ses diffrentes couleurs produisent dans langle de la pice, irradiant en mme temps l'espace devant et derrire elle. Certains nons sont en effet dirigs vers les spectateurs, tandis que dautres, de couleurs diffrentes, orients vers le mur, provoquent une surprise visuelle. La couleur devient immatrialit. Flavin inaugure ce type d'uvres o la lumire est un marqueur d'espace, et sera notamment suivi par un artiste amricain de la gnration suivante, James Turrell, connu pour ses grandes installations spectaculaires.
Photo Centre Pompidou, Philippe Migeat/Dist. RMN-GP Adagp, Paris

Biographie
Dan Flavin est un artiste autodidacte. Sminariste de formation, il renonce la prtrise et, aprs un service militaire en Core, sinscrit en 1959 aux cours dhistoire de lart de la Columbia University. Ses premires pices, ralises cette poque, sont des peintures intitules Icnes dont le pourtour est orn dampoules lectriques. Suite cette premire srie, son uvre dveloppe une recherche sur la lumire, qui nest pas sans lien avec le religieux et, souligne-t-il lui-mme, avec le faste catholique . partir de 1963, il ralise des pices base de nons, travail qu'il poursuit jusqu ses dernires uvres. Le constructivisme russe, et en particulier le peintre et architecte utopiste Vladimir Tatline, lui inspire une srie d'uvres trs pures, marques par l'efficacit de la gomtrisation des formes pratique par les artistes de ce mouvement. La diversit des lieux pour lesquels il cre ses installations enrichit ses problmatiques : ainsi expose-t-il aussi bien dans des muses tels que le Muse Guggenheim de New York, en 1971 et en 1992, ou dans des endroits plus inattendus, la gare centrale de New York en 1977 dont il illumine les quais, ou lglise Santa Maria Annunziata de Milan pour laquelle il conoit une installation qui sera acheve aprs sa mort en 1997.

Pour en savoir plus sur lart minimal et Dan Flavin, consulter le dossier pdagogique: Le minimalisme, collections du Muse

16 Dossier pdagogique / Collections du Muse

CARL ANDRE [1935]


144 Tin Square [144 carrs d'tain], 1975
144 plaques d'tain assembles au sol par ranges de 12 tain, 0,96 x 366 x 366 cm Chaque plaque : 0,96 x 30,5 x 30,5 cm Achat 1987 - AM 1987-1137

Artiste majeur de l'art minimal amricain, Carl Andre labore des pices qui offrent l'occasion d'exprimenter concrtement l'espace o elles se trouvent. Non seulement elles occupent un espace, comme n'importe quel objet, mais elles nous invitent en prendre possession en nous interrogeant sur la manire dont nous le percevons, y compris par le toucher. 144 Tin Square [144 carrs dtain] fait partie de la srie d'uvres la plus clbre de Carl Andre. Elle consiste en un grand carr de 12 x 12 petits carrs d'tain poss au sol, souvent au milieu d'un passage pour inciter les fouler. Car c'est en parcourant rellement la surface de l'uvre que le visiteur en prend la pleine mesure. Il peut comparer l'espace qu'elle occupe celui de son propre corps en mouvement ou l'arrt, les bras ouverts au beau milieu du carr, ou en le traversant comme une pice sur un chiquier. Il peut ainsi prendre conscience de l'espace de l'exposition matrialis par les carrs d'tain, celui qui lui est accessible, celui qui lui est interdit, et s'interroger sur le respect qu'imposent habituellement les sculptures. Traditionnellement verticales et imposantes, les sculptures sont riges pour clbrer quelques grands hommes ou construire une perspective. Au contraire, chez Carl Andre, elles restent tapies au sol, n'imposant aucune symbolique, aucun point de vue privilgi, aucune hirarchie. Sinspirant de Constantin Brancusi qui travaillait ses socles comme des uvres, l'artiste amricain poursuit cette dsacralisation de la sculpture en la mettant terre.

Photo Centre Pompidou, Adam Rzepka/Dist. RMN-GP Adagp, Paris

Biographie
Carl Andre grandit dans le Massachusetts o il tudie la peinture dans une petite cole prs de Boston. En 1954, un voyage en Europe lui permet de dcouvrir luvre de Brancusi qui le marque profondment, au point quil dira tre un disciple du sculpteur roumain. Il visite le site prhistorique des mgalithes de Stonehenge en Angleterre qui influencera aussi son travail. De retour New York, vers 1958, il commence raliser des sculptures, dans un premier temps des pices en bois, matriau quil transformera de moins en moins au profit du bois brut. Puis, tant court dargent, il travaille pendant quelques annes pour la Compagnie des chemins de fer de Pennsylvanie, exprience malgr tout dterminante : lhorizontalit de larchitecture ferroviaire est l'une des sources d'inspiration de ses pices au sol. En tmoigne cette rflexion : Pour moi, une sculpture est semblable une route Mes uvres obligent le spectateur marcher le long delles, ou autour delles ou au-dessus delles. Cest en 1966, lexposition fondatrice de lart minimal, Primary Structures, organise au Jewish Museum de New York, quil expose pour la premire fois une pice horizontale ralise laide dun mme module rpt : une ligne de 100 briques. Lanne suivante, il conoit ses premiers carrs au sol, dont 144 Tin Square est une variante. Ces uvres lui apportent une grande renomme et de nombreuses expositions lui sont consacres.

Pour en savoir plus sur lart minimal et Carl Andre, consulter le dossier pdagogique: Le minimalisme, collections du Muse

17 Dossier pdagogique / Collections du Muse

DANIEL BUREN [1938]


Cabane clate n6: Les Damiers, avril 1985 Travail situ, ralis chez Ugo Ferranti, Rome
Bois, toile de coton rayures blanches et jaune d'or, alternes et verticales de 8,7cm (+/-0,3), colle, toile de coton blanche, peinture acrylique blanche 283x283x424,5cm (avant clatement) Achat 1990 - AM 1990-87

Daniel Buren a ralis de nombreuses uvres qui interrogent la perception de l'espace, dont un grand nombre de cabanes clates de diffrentes formes et de diffrentes couleurs. Initialement ralise pour une galerie Rome, la galerie Ugo Ferranti, la Cabane clate n6 : Les Damiers a t achete par le Muse national d'art moderne et remonte plusieurs reprises en suivant les instructions de l'artiste (1989, 1990, 1993, 2001, 2003). Sur une structure en baguettes de bois, qui forme au sol un grand rectangle et sur les lvations un damier, des bandes de toile rayures, typiques du travail de l'artiste depuis les annes 1960, sont fixes en alternance avec des espaces vides. Euxmmes ont leurs contreparties accroches aux murs qui entourent la cabane, d'o le qualificatif d'une construction clate , comme si des morceaux avaient t dcoups et projets sur les murs. La cabane constitue ainsi un espace dlimit l'intrieur de l'espace d'exposition, ni tout fait ferm, ni tout fait ouvert. En parcourant cet espace, le visiteur fait l'exprience d'une dambulation qui l'incite rester dans et prs de l'uvre et ressentir son charme. Car, au-del de la gomtrie des rayures et des carrs du damier, des modules rpts en plein ou en creux, dun espace euclidien, la cabane renvoie aux jeux de l'enfance, au bricolage. Dans cette version o Buren a choisi un jaune or pour alterner avec les bandes blanches, elle ne peut qu'voquer le soleil et le plein air.

Photo-souvenir : Cabane clate n6: Les Damiers, in Ugo Ferranti, Rome 1985 /DB, Adagp, Paris

Biographie
ses dbuts, Daniel Buren ralise des p e i n t u re s a b st ra i t e s co m p o s e s d'aplats de couleurs et de signes graphiques. Certaines comportent des rayures et, en 1965, pour parfaire son vocabulaire de l'poque, il achte au March Saint-Pierre Paris du tissu standard rayures pour repeindre dessus. Peu peu, le tissu s'impose et repousse la peinture aux marges des toiles. Deux ans plus tard, lors d'une confrence au Muse des Arts dcoratifs reste clbre, Buren montre l'une de ses toiles rayures montes sur chssis ne comportant en terme de peinture que deux bandes blanches aux extrmits , en compagnie de trois autres artistes ayant eux aussi choisi un motif simple pour leurs toiles. Olivier Mosset peint des petits cercles, Michel Parmentier se limite d'paisses rayures horizontales et Niele Toroni effectue des empreintes avec un pinceau n50. Mais, trs vite, Buren s'loigne de ses collgues pour utiliser les rayures dans d'autres contextes. Leur usage est pens pour interagir avec des lieux cibls : elles deviennent, selon l'expression chre l'artiste, un outil visuel . On les trouve colles la place d'affiches sur la voie publique, sur des pancartes de manifestations, ou sur des hommessandwichs pour attirer l'attention sur leur support. Plus tard, elles deviennent des papiers peints ou des gilets pour les gardiens d'un muse. Paralllement, Daniel Buren dveloppe un travail proche de l'architecture, que ce soit pour les cabanes clates , des projets plus prennes dans des institutions culturelles, ou l'occasion de commandes publiques comme les clbres Colonnes de Buren , Les Deux plateaux, ralises dans la cour du Palais Royal Paris en 1986. Ce sont des uvres in situ, conues pour valoriser ou souligner les caractristiques d'un lieu. Depuis, les expositions et les commandes prestigieuses se succdent dans le monde entier. En mai et juin 2012, lartiste a investi les 13 500 m2 de la nef du Grand Palais pour lexposition Monumenta, avec un travail in situ intitul Excentrique(s).

Pour en savoir plus sur Daniel Buren, consulter: Le site officiel de lartiste Monumenta 2012. Daniel Buren, Excentrique(s), le site de lexposition du Grand Palais

18 Dossier pdagogique / Collections du Muse

VI.Cinma et abstraction
Lorsquon parle dabstraction, on pense rarement au cinma. Il existe pourtant depuis le dbut du 20e sicle des films abstraits. De Rhythmus 21, par exemple, lun des premiers films abstraits, on pourrait dire quil est un tableau abstrait, mais un tableau sans peinture et en mouvement.

Biographie
Hans Richter fait la connaissance de Viking Eggeling en 1918 Zrich, par lintermdiaire du pote Tristan Tzara. Figures marquantes du mouvement dada, les deux peintres, sous linfluence du modle musical, vont sassocier dans la recherche dun nouveau langage qui dclinerait le mouvement des formes plastiques.
Filmstudie [tude filmique], 1926 Rhythmus 21, 1921-1924 Photos Centre Pompidou, MNAM-CCI/Dist. RMN-GP Estate Hans Richter

HANS RICHTER [1888-1976]


Rhythmus 21, 1921-1924
35 mm noir et blanc, silencieux Dure: 2'56" Achat 1976 - AM 1976-F0265

Dans Rhythmus 21, un film abstrait, minimal, en noir et blanc, carrs et rectangles apparaissent ou disparaissent, sapprochent, se dplacent et sloignent. Ils jouent avec la forme de lcran, semblent en tre lmanation et se confondre avec lui. Face cet cran aux limites floues, dont les impulsions lumineuses se succdent un rythme soutenu, la sparation entre la surface de projection et la salle semblant sabolir, nous ne sommes plus des spectateurs lointains, rejets dans un espace spar de celui du film. De Rhythmus 21, un des premiers films abstraits de lhistoire, on pourrait dire aussi quil est un tableau, mais un tableau sans peinture et en mouvement.

Relatant cette priode, Richter explique : [Nos] dessins, excuts sur des petits bouts de papier, nous servaient tudier les rapports entre formes simples et formes complexes ; nous les disposions sur le plancher jusquau jour o nous dcouvrmes quune espce de continuit se dgageait de ces lignes de dessins. Ce fut alors que nous dcidmes de raliser, dlibrment, sur de longs rouleaux de papier, un dveloppement continu des formes : nos premiers rouleaux.

Lues progressivement, les formes abstraites deviennent dynamiques. Aprs lutilisation des longs rouleaux puis de transparents superposables, cest mme le mdium filmique quils crent leurs enchanements de formes par la technique du photogramme. Rhythmus 21 de Richter et Diagonal Symphony, 1923-1924 dEggeling font partie des premiers films abstraits dans lhistoire. Richter nliminera cependant pas toute figure de sa production comme le montre Filmstudie de 1926. Au dbut des annes 1940, Richter migre aux tats-Unis o il poursuit son activit de cinaste, sans pour autant se dtourner totalement de sa carrire de peintre. N en Allemagne en 1888, il meurt Locarno, en Suisse, en 1976.

Cinma et abstraction
Lorsquon parle dabstraction, on pense rarement au cinma, plutt la peinture, la sculpture. Il existe pourtant depuis le dbut du 20e sicle des films abstraits. Si le mouvement des images fascine alors et influence nombre de peintres, en retour, certains cinastes commencent jouer avec lune des inventions de la peinture: labstraction. Cest en 1912, deux ans aprs lapparition de ce mouvement, que les premiers films abstraits sont raliss par deux artistes futuristes italiens, Bruno Corra et son frre Arnaldo Ginna. Mais le genre se dveloppe surtout partir des annes 1920 en Allemagne. Walter Ruttman est le premier prsenter publiquement un film abstrait, Opus I, Berlin, en 1921. Les pionniers de ce cinma davant-garde abandonnent ce sur quoi repose la popularit des films : lacteur, le rcit. Il ne sagit plus de raconter une histoire, de linterprter, de la mettre en scne, mais dinventer de nouvelles visions et de jouer avec les lments proprement constitutifs de leur art : la lumire, le mouvement, la pellicule, le collage, le montage Comme nombre de peintres abstraits, ces cinastes prennent modle sur la musique. Ils jouent ainsi avec les matires, les lumires comme sil sagissait de notes, de sons, portant au rythme une attention soutenue.
Pour en savoir plus sur le cinma dartiste et ses rapports avec les arts plastiques, consulter les dossiers pdagogiques: Le mouvement des images Le film. Collections du Muse, Centre Pompidou Sons & lumires. Une histoire de lart du 20e sicle

Filmstudie [tude filmique], 1926


35 mm noir et blanc, sonore Dure: 3'52" Achat 1976 - AM 1976-F0267

Dans Filmstudie, tourn cinq ans plus tard, en 1926, les formes abstraites alternent avec des images figures, parfois montres en ngatif. Elles suggrent un monde rv dont lemblme est un globe oculaire tournoyant qui ne cesse de revenir, symbole de notre propre regard. Ici, lartiste allemand ne se nourrit plus seulement de la peinture abstraite, mais aussi des recherches surralistes. En 1926, le mouvement surraliste est en pleine activit, artistes et crivains, mens par Andr Breton, font de leurs rves et de leur inconscient la matire mme de leurs uvres.
19 Dossier pdagogique / Collections du Muse

REPRES CHRONOLOGIQUES
1907 Pablo Picasso et Georges Braque commencent peindre en suivant l'injonction de Czanne Traitez la nature par le cylindre, la sphre, le cne (lettre mile Bernard, 15 avril 1904). 1911 Premires peintures abstraites de Frantiek Kupka et de Vassily Kandinsky. Ce dernier publie Du spirituel dans l'art. Frantiek Kupka, Disques de Newton. Etude pour Fugue deux couleurs, 1911-1912. 1912 Fernand Lger commence raliser ses Contrastes de formes, une srie de toiles composes notamment de cnes et de cylindres colors, proches de labstraction. 1913 Frantiek Kupka publie de La Cration dans les arts plastiques. Marcel Duchamp, Roue de bicyclette, 1913 / 1964. 1915 Kasimir Malevitch publie Du cubisme au suprmatisme. Le nouveau ralisme pictural, o il thorise le suprmatisme. Constitues de formes-plans gomtriques, ses compositions suprmatistes librent la peinture du monde des objets pour louvrir sur linfini. Il expose son premier Carr noir. 1917 Premires uvres abstraites d'Auguste Herbin. Le processus dpuration dans la reprsentation du rel auquel s'est livr Piet Mondrian depuis sa dcouverte du cubisme aboutit un vocabulaire plastique, le noplasticisme, qu'il ne quittera plus : agencement stable d'un rseau orthogonal en utilisant le noir, le blanc et les couleurs primaires. Cration Amsterdam de la revue d'art et d'architecture De Stijl qui sera publie jusqu'en 1928. Piet Mondrian et Theo Van Doesburg sont les principaux thoriciens de la revue. 1919 Cration de lcole du Bauhaus par Walter Gropius. Son enseignement, qui favorise le rapprochement entre arts et artisanat, pose la question de la fonction et de la subjectivit de lartiste, question au cur des pratiques des artistes utilisant les formes gomtriques. 1920 Van Doesburg se rend Weimar o il visite le Bauhaus. Trs intress par l'application des recherches artistiques aux arts appliqus, il s'installe l'anne suivante Weimar et se consacre des collaborations avec des architectes.
20 Dossier pdagogique / Collections du Muse

Fernand Lger, Le Pont du remorqueur, 1920. Theo Van Doesburg, Peinture pure, 1920. 1925 Rupture entre Mondrian et Van Doesburg. 1926 Publication par Kandinsky de Point et ligne sur plan : Contribution lanalyse des lments de la peinture. 1928 Vassily Kandinsky, Auf Spitzen [Sur les pointes], 1928. 1929 Cration Paris du groupe Cercle et Carr par Michel Seuphor et Joaquin Torrs-Garcia. 1930 Cration de la revue Cercle et Carr. Premire exposition du groupe avec la participation de Jean Arp, Robert Delaunay, Vassily Kandinsky, Le Corbusier, Fernand Lger, Piet Mondrian, Antoine Pevsner, Kurt Schwitters, Joaquin Torrs-Garcia, Sophie Taeuber-Arp, Georges Vantongerloo Cration par Theo Van Doesburg du groupe et de la revue Art concret, appellation qui doit remplacer celle d art abstrait , juge trop dralisante . Dans l'unique numro de la revue, Van Doesburg publie son Manifeste de l'art concret o il prne un art entirement conu par l'esprit avant son excution, qui ne doit rien recevoir des donnes de la nature, ni de la sensualit. 1931 Dcs de Theo Van Doesburg. Cration de l'association et de la revue Abstraction-Cration (premier numro en 1932) qui rassemble les artistes issus des groupes Cercle et Carr et Art concret. 1933 Fermeture du Bauhaus. Kandinsky, Josef Albers et bien d'autres quittent l'Allemagne. 1936 Max Bill reformule les ides de Van Doesburg et reprend son compte le terme dart concret. 1942 Herbin invente son alphabet plastique constitu de formes gomtriques colores qui guidera toute son uvre d'aprs-guerre. 1944 Ouverture de la galerie Denise Ren Paris, avec la premire exposition de Victor Vasarely.

1946 Premier Salon des Ralits nouvelles Paris, salon annuel consacr exclusivement lart abstrait. Le Salon est domin par la personnalit dAuguste Herbin, pionnier de labstraction gomtrique. Parmi les personnalits marquantes de ce courant gomtrique, citons galement Alberto Magnelli, Jean Gorin ou Csar Domela. 1949 Herbin publie son essai L'Art non-figuratif non-objectif. 1950 Jess Rafael Soto arrive du Venezuela et s'installe Paris. Lart abstrait triomphe sur la scne internationale, mais sa forme statique va apparatre comme une faiblesse. Dans les annes 1950-1970, les artistes cintiques (Franois Morellet, Jess Rafael Soto, Victor Vasarely) vont recourir au mouvement et linstabilit des formes pour sortir des impasses de labstraction gomtrique, mais vont aussi contribuer la prolonger en la renouvelant. 1951 Auguste Herbin, Vendredi 1, 1951. 1955 Exposition Le Mouvement la galerie Denise Ren qui rvle au public l'art cintique. Propose par Vasarely, elle runit des uvres de Marcel Duchamp, Alexander Calder, Jess Rafael Soto, Agam, Jean Tinguely, Pol Bury 1956 Herbin offre un grand nombre de ses uvres au Muse Matisse du Cateau-Cambrsis. Franois Morellet, Du jaune au violet, 1956 Josef Albers, Homage to the Square [Hommage au carr], 1956 1957 Victor Vasarely, Procion-neg, 1957. 1961 Cration du GRAV, Groupe de Recherches d'Art Visuel, qui runit des artistes cintiques, Franois Morellet, Julio le Parc, Yvaral, Francisco Sobrino, Jol Stein et Horacio Garcia Rossi. Son objectif est la cration dun art nouveau, fond sur le mouvement, labsence de subjectivit de lartiste et la participation du public. 1965 Exposition The Responsive Eye au MoMA de New York. C'est la conscration de l'Op Art aux tats-Unis. 1966 Exposition Primary Structures au Jewish Museum de New York, fondatrice de l'art minimal. Lart minimal nat avec des artistes tels que Frank Stella, Donald Judd, Carl Andre, Robert Morris, Sol LeWitt, en raction au dbordement subjectif de lexpressionnisme abstrait et la figuration du Pop Art. Au moyen de struc21 Dossier pdagogique / Collections du Muse

tures simples, appeles structures primaires , leur travail et leur rflexion portent avant tout sur la perception des objets et leur rapport lespace. Jess Rafael Soto, Cuadrados oliva y negro [Carrs olive et noir], 1966. 1969 Max Bill, Acht Liniengruppen um Weiss [Huit groupes de lignes autour du blanc], 1969-70. Franois Morellet, Sphre-trames, 1969 1971 Dan Flavin, untitled (to Donna) 5a [sans titre ( Donna) 5a], 1971. 1974 Carl Andre, 144 Tin Square [144 Carrs d'tain], 1975. 1976 Vasarely ralise un portrait monumental de Georges Pompidou en profils d'aluminium chancrs qu'il offre au Muse national d'art moderne. Il cre sa fondation Aix-en-Provence. 1979 Soto ralise un grand volume suspendu install dans le Forum du Centre Pompidou. 1985 Daniel Buren, Cabane clate n6 : Les Damiers, de la srie Cabanes clates, avril 1985 2000 Lexposition Force Fields Barcelone et Londres prsente les diffrentes formes de lart cintique depuis sa naissance. 2004 Lexposition Beyond Geometry: Experiments in Form, 1940s to 1970s au Los Angeles County Museum of Art tmoigne du renouveau de lintrt des muses amricains pour labstraction gomtrique. 2005 L'exposition L'il moteur au Muse d'art moderne et contemporain de Strasbourg fait redcouvrir en France l'art optique et cintique. 2012 Daniel Buren occupe les 13 500 m2 de la nef du Grand Palais avec un travail in situ, Excentrique(s). Accrochage itinrant Cercles et carrs du Centre Pompidou mobile.

BIBLIOGRAPHIE SLECTIVE
OUVRAGES ET REVUES
Essais sur lart abstrait et l'abstraction gomtrique
Georges Roque, Qu'est-ce que l'art abstrait ? Une histoire de l'abstraction en peinture, 1860-1960, Gallimard, Paris, 2003 Dora Vallier, L'Art abstrait, Hachette, Paris, 1998 Michel Ragon, LAventure de lart abstrait, Paris, RobertLaffont, 1956 Michel Seuphor, LArt abstrait: priode 1910-1918, vol.1, Paris, Maeght, 1971 Michel Seuphor, LArt abstrait: priode 1918-1928, vol.2, Paris, Maeght, 1972 Michel Seuphor et Michel Ragon, LArt abstrait: priode 1939-1950, vol.3, Paris, Maeght, 1973 Michel Seuphor et Michel Ragon, LArt abstrait: priode 1945-1970, vol.4, Paris, Maeght, 1974 Michel Seuphor et Michel Ragon, LArt abstrait: priode 1970-1987, vol.5, Paris, Maeght, 1988 Michel Seuphor et Michel Ragon, LArt abstrait: priode 1939-1950, vol.3, Paris, Maeght, 1973 Michel Seuphor, Cercle et carr, Pierre Belfond, Paris, 1971

Reprint des revues


Cercle et carr, 3 numros, mars-juin 1930 Abstraction-cration, art non figuratif, 5 numros, 193236

crits d'artistes
Vassily Kandinsky, Du Spirituel dans l'art, et dans la peinture en particulier, Paris, Gallimard, 2005 Vassily Kandinsky, Point et ligne sur plan: Contribution l'analyse des lments de la peinture, Paris, Gallimard, 2006 Frantiek Kupka, La Cration dans les arts plastiques, Paris, Cercle d'Art, 1989 (rdition) Kasimir Malevitch, crits sur lart, Lge dhomme, Lausanne, 1974 Theo Van Doesburg, Principes fondamentaux de l'art no-plastique, Ensba, Paris, 2008 (rdition) Mondrian, crits franais, Centre Pompidou, 2010 Auguste Herbin, L'art non-figuratif non-objectif, Paris, L. Conti, 1949 Victor Vasarely, Notes brutes, Paris, Denol-Gonthier, 1972 Marcel Duchamp, Duchamp du signe, Flammarion, 1994 (recueil) Franois Morellet, Mais comment taire mes commentaires, Ensba, Paris, 1999

Catalogues d'exposition
Franois Morellet. Rinstallations, Centre Pompidou, Paris, 2011 Victor Vasarely: uvres 1930-1980, Fondation Vasarely, Aix-en-Provence, 2008 L'il moteur. Art optique et cintique, 1950-1975, Muses de Strasbourg, Strasbourg, 2005 Franois Morellet : quelques systmes en hommage Herbin, Muse Matisse, Le Cateau-Cambrsis, 2003 Muse Matisse, Le Cateau-Cambrsis : les collections Henri Matisse, Auguste Herbin, Abstraction gomtrique, Triade, diteur d'art, Le Cateau-Cambrsis, Muse Matisse, 2002 Denise Ren l'intrpide. Une galerie dans l'aventure de l'art abstrait 1944-1978, Centre Pompidou, Paris, 2001 Qu'est-ce que l'abstraction gomtrique : la rponse de 12 artistes, FRAC Nord-Pas de Calais, Dunkerque, 1998 GRAV, 1960-1968, Le Magasin, Grenoble, 1998 Jess Rafael Soto, Galerie nationale du Jeu de Paume, Paris, 1997 Franois Morellet, Centre Pompidou, Paris, 1986

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LIENS INTERNET
Dossiers pdagogiques www.centrepompidou.fr
La naissance de lart abstrait, collections du Muse
http://www.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-abstrait/E NS-abstrait.html

Liens externes
Jess Rafael Soto, site officiel de lartiste
http://www.jr-soto.com

Le futurisme Paris. Une avant-garde explosive, exposition


http://www.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-futurisme 2008/ENS-futurisme2008-00-intro.html

Daniel Buren, site officiel de lartiste


http://www.danielburen.com

Vassily Kandinsky dans les collections du Muse


http://www.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-kandinsky -mono/ENS-kandinsky-monographie.html

Beyond Geometry: Experiments in Form 1940s to 1970s, sur le site du Los Angeles County Museum of Art (LACMA)
http://www.lacma.org/beyondgeometry/

Kandinsky, exposition
http://www.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-kandinsky/ ENS-kandinsky.html

Lil moteur. Art optique et cintique, 1950-1975, sur le site du Muse dart moderne et contemporain de Strasbourg
http://www.musees.strasbourg.eu/sites_expos/OEIL_MOTEUR/OEIL_ EXPO.HTML

Vassily Kandinsky, Jaune, rouge, bleu, 1925. Pour les enseignants du primaire
http://www.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-Kandinsky -jaune-rouge-bleu/ENS-Kandinsky-jaune-rouge-bleu.htm

Monumenta 2012. Daniel Buren, Excentrique(s), le site de lexposition du Grand Palais


http://www.monumenta.com

Fernand Lger dans les collections du Muse


http://www.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-leger/ENS -leger.html

Les carrs magiques. uvres dart associs aux carrs magiques


http://www.kandaki.com/CM-media.php?cat=1&aut=7

Mondrian / De Stijl, exposition


http://www.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-mondrian/ ENS-mondrian.html

Muse en herbe: Nos zexpos: Vasarely vous a lil (avec un dossier de lexposition)
http://www.musee-en-herbe.com

Marcel Duchamp dans les collections du Muse,


http://www.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-Duchamp/ ENS-duchamp.htm

Lart cintique dans les collections du Muse


http://www.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-cinetique/ ENS-cinetique.html

Pour connatre les autres dossiers sur les expositions, les collections du Muse national dart moderne, les spectacles, larchitecture du Centre Pompidou
http://www.centrepompidou.fr/Pompidou/Pedagogie.nsf/DossiersPedag ogique?OpenView&sessionM=3.3.3&L=1&sessionM=4.3&L=1

Le minimalisme dans les collections du Muse


http://www.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-minimalis me/ENS-minimalisme.htm

Le monochrome dans les collections du Muse


http://www.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-monochro me/ENS-monochrome.html

Franois Morellet. Rinstallations, exposition


http://www.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-Morellet/i ndex.html

CRDITS Centre Pompidou, Direction des publics, janvier 2013


Texte: Vanessa Morisset Design graphique: C-album Mise en page: Cyril Clment Pour les uvres: Adagp, Paris 2013 Coordination: Marie-Jos Rodriguez, responsable ditoriale des dossiers pdagogiques Responsable de la mdiation pour le Centre Pompidou mobile: Pierre Ryngaert Commissaire de laccrochage Cercles et Carrs: Jean-Paul Ameline, conservateur au Muse national dart moderne, Centre Pompidou, chef du service des collections modernes

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TEXTES ET RESSOURCES

DAN FLAVIN, untitled (to Donna) 5a, 1971


Installation avec de la lumire, 244 x 244 x 139 cm Adagp, Paris

TEXTES CHOISIS (extraits)


Paul Czanne, Lettre mile Bernard, 15 avril 1904 Vassily Kandinsky, Du spirituel dans l'art, 1909 Guillaume Apollinaire, La Peinture Nouvelle. Notes dArt, 1911-1912 Kasimir Malevitch, Du cubisme et du futurisme au suprmatisme. Le nouveau ralisme pictural, 1916 Michel Seuphor, Pour la dfense dune architecture, mars 1930 Theo Van Doesburg, lmentarisme, 1932 (publication posthume) Piet Mondrian, Lart plastique et lart plastique pur, 1937 Max Bill, La Pense mathmatique dans l'art de notre temps, 1949 Ad Reinhardt, Lart en tant que tel, 1962 Victor Vasarely, propos de son Alphabet plastique, 1969 Daniel Buren, Au sujet de, 1998
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EN LIEN AVEC LES PROGRAMMES SCOLAIRES


Faire pour mieux voir Activits pour les classes maternelles et primaires Quelques dfinitions. La quadrature du cercle coles, collges, lyces Propositions pdagogiques pour les lyces professionnels Programme arts appliqus en interdisciplinarit avec les enseignants de lettres, histoire et sciences Cercles et carrs, de la gomtrie au rel. Une approche philosophique Lyces. Classes terminales

TEXTES CHOISIS (extraits)


PAUL CZANNE
Lettre mile Bernard, 15 avril 1904
mile Bernard, Souvenirs sur Paul Czanne, Paris, 1912 Conversations avec Czanne (dition critique prsente par P.M. Doran), ditions Macula, 1978

Permettez-moi de vous rpter ce que je vous disais ici : traiter la nature par le cylindre, la sphre, le cne, le tout mis en perspective, soit que chaque ct dun objet, dun plan, se dirige vers un point central. Les lignes parallles lhorizon donnent ltendue []. Les lignes perpendiculaires cet horizon donnent la profondeur. Or, la nature, pour nous hommes, est plus en profondeur quen surface, do la ncessit dintroduire dans nos vibrations de lumire, reprsentes par les rouges et les jaunes, une somme suffisante de bleuts, pour faire sentir lair.

VASSILY KANDINSKY
Du spirituel dans l'art, et dans la peinture en particulier, 1909
Chapitre VI, Le langage des formes et des couleurs Rdition, Gallimard, Folio/Essais, 2005

Cette situation [de la peinture de nos jours] est le dpart du chemin sur lequel la peinture, grce ses moyens propres, deviendra un art au sens abstrait du mot et atteindra finalement la composition picturale pure. Pour cette composition, deux moyens sont sa disposition: 1. couleur, 2. forme. La forme seule, en tant que reprsentation de l'objet (rel ou non rel) ou comme dlimitation purement abstraite d'un espace, d'une surface, peut exister indpendamment. La couleur non. La couleur ne se laisse pas tendre sans limite. On ne peut que penser ou se reprsenter mentalement le rouge sans limite. [...] si ce rouge doit tre rendu sous une forme matrielle (comme en peinture), il faut: 1. qu'il ait un ton donn de la gamme infinie des diffrents rouges, c'est-dire qu'il soit caractris subjectivement et 2. qu'il soit limit sur la surface, spar des autres couleurs qui existent ncessairement, qu'on ne peut en aucun cas viter. Ainsi, par dlimitation et voisinage, se modifient les caractristiques subjectives en recevant une enveloppe objective et c'est ici que joue l'harmonique objective. Ce rapport invitable entre la couleur et la forme nous amne observer les effets de la forme sur la couleur : la forme proprement dite, mme si elle est parfaitement abstraite ou ressemble une forme gomtrique, a sa propre rsonnance intrieure. La forme est un tre spirituel dou de proprits qui s'y identifient. Un triangle (sans autres prcisions : pointu, plat ou quilatral) est un de ces tres avec son parfum spirituel propre. Associ d'autres formes, ce parfum se diffrencie, s'enrichit de nuances harmoniques mais reste au fond inchang, comme le parfum de la rose que l'on ne saurait confondre avec celui de la violette. Il en est de mme pour le cercle, le carr et toutes les autres formes possibles.

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TEXTES CHOISIS (extraits)

GUILLAUME APOLLINAIRE
La Peinture Nouvelle. Notes dArt, 1911-1912
Extrait dune confrence prononce loccasion dune exposition cubiste en novembre 1911 et publie dans Les Soires de Paris en avril-mai 1912 In Art en thorie 1900-1990. Une anthologie par Charles Harrison et Paul Wood, Hazan

On a vivement reproch aux peintres nouveaux des proccupations gomtriques. Cependant les figures gomtriques sont lessentiel du dessin. La gomtrie, science qui a pour objet ltendue, sa mesure et ses rapports, a t de tous les temps la rgle mme de la peinture. Jusqu prsent, les trois dimensions de la gomtrie euclidienne suffisaient aux inquitudes que le sentiment de linfini met dans lme des grands artistes, inquitudes qui ne sont pas dlibrment scientifiques puisque lart et la science sont deux domaines distincts. Les nouveaux peintres, pas plus que les anciens, ne se sont proposs dtre des gomtres. Mais on peut dire que la gomtrie est aux arts plastiques ce que la grammaire est lart de lcrivain. Or, aujourdhui, les savants ne sen tiennent plus aux trois dimensions de la gomtrie euclidienne. Les peintres ont t amens tout naturellement se proccuper de ces nouvelles mesures de ltendue que dans le langage des ateliers modernes on dsigne toutes ensemble et brivement par le terme de quatrime dimension. Sans entrer dans des explications mathmatiques dun autre domaine et en men tenant la reprsentation plastique, telle quelle soffre mon esprit, je dirais que dans ces arts plastiques, la quatrime dimension est engendre par les trois mesures connues : elle figure limmensit de lespace sternisant dans toutes les directions un moment dtermin. Elle est lespace mme, la dimension de linfini ; cest elle qui dote de plasticit les objets. Elle leur donne les proportions quils mritent dans luvre dart tandis que, dans lart grec par exemple, un rythme en quelque sorte mcanique dtruit sans cesse les proportions. Lart grec avait de la beaut une conception purement humaine. II prenait lhomme comme mesure de la perfection. Lart des peintres nouveaux prend lunivers infini comme idal et cest la quatrime dimension seule que lon doit cette nouvelle mesure de la perfection [].

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TEXTES CHOISIS (extraits)

KASIMIR MALEVITCH
Du cubisme et du futurisme au suprmatisme. Le nouveau ralisme pictural, 1916
crits sur lart, Lge dhomme, Lausanne, 1974 Traduction Jean-Claude et Valentine Marcad In Art en thorie 1900-1990. Une anthologie par Charles Harrison et Paul Wood, Hazan

Si dans les millnaires passs lartiste aspirait se rapprocher le plus prs possible de la reprsentation de lobjet, de la reproduction de son essence et de son sens, dans notre re cubiste lartiste a dtruit les objets avec leur sens, leur essence et leur destination. Sur leurs dbris a pouss un tableau nouveau. Les objets ont disparu comme de la fume pour une nouvelle culture artistique [] Il ny a plus damour des petits coins, il ny a plus damour au nom duquel on modifiait la Vrit de lart. Le carr nest pas une forme subconsciente. Cest la cration de la raison intuitive. Le visage de lart nouveau. Le carr est un enfant royal plein de vie. Cest le premier pas de la cration pure en art. Avant elle, il y avait des laideurs naves et des copies de la nature. Notre monde de lart est devenu nouveau, non figuratif, pur.

MICHEL SEUPHOR
Pour la dfense dune architecture, 1930
Revue Cercle et carr n1, mars 1930 Rdition des textes de la revue, 1971

La structure est le vrai intime de tout ce qui est. Elle tait donc de tout temps indispensable dans luvre dart. Avant le moteur, le cheval symbolisait la vitesse ou la force. Lordre et le rythme ne sont plus en substruction, ils ne sont plus sous-entendus : ils sont devenus la chose mme, qui ralise en soi, cest--dire synthtiquement, la vitesse et la force du cheval. Ce qui tait moyen devient lobjet lui-mme. Ce qui en dautres temps tait obscurment cel sous les formes gracieuses mais inextricables de la nature devient pour nous dune claire ralit quotidienne. Ce qui en dautres grandes poques de lart tait une aide presque magique dont on voyait les bienfaits dans luvre, mais quon navait pas pu saisir encore dans son entit propre, se trouve maintenant la porte de notre main. Nous nous familiarisons avec le vrai ; nous le pntrons. Les alchimies, les sciences obscures, font place la conscience ouverte. Labstraction du monde rel, son secret mathmatique et architectonique devient la nourriture substantielle de notre monde crbral. Oui. Le liquide clair nest plus au fond des caves secrtes : il brille dans nos verres et nous convie.

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TEXTES CHOISIS (extraits)

THEO VAN DOESBURG


lmentarisme
Publication posthume, revue Abstraction-Cration n1, 1932

Au point de vue forme un seul lment suffit, par exemple le carr. Le carr est un lment stable, qui doit tre arithmtis pour devenir anim. La ligne est fonctionnelle, elle spare et elle lie en mme temps. Elle donne la force luvre, et lil du spectateur la direction. La composition nest plus suprieure dans la peinture. La composition tait une transition vers une forme universelle : la forme-esprit. La vritable uvre dart est seulement faite par ceux qui nont pas hsit devant la destruction totale de leurs impressions optiques. Luvre complte et dfinitive se cre hors de notre personnalit. Il ne faut mme pas hsiter supprimer notre personnalit, luniversel est au-dessus delle. La spontanit na jamais cr une uvre dune valeur culturelle et solide. Le procd de la forme universelle est bas sur le calcul de la mesure et le nombre.

PIET MONDRIAN
Lart plastique et lart plastique pur
crits franais, dition Centre Pompidou, 2010

travers toute lhistoire de la culture, lart a fait preuve que la beaut universelle ne nat pas du caractre particulier de la forme, mais du rythme dynamique de ses rapports inhrents ou dans une composition des rapports mutuels des formes. [] Graduellement, lart purifie ses moyens plastiques, et fait ainsi apparatre leurs rapports. De sorte quaujourdhui, deux grandes tendances apparaissent : lune maintient la figuration, lautre llimine. Tandis que la premire emploie des formes plus ou moins compliques et particulires, la deuxime utilise des formes simples, neutres, ou finalement la ligne libre et la couleur pure. Il est vident que cette dernire (la tendance non figurative) se librera plus facilement et plus profondment de la domination du subjectif que la tendance figurative; les formes particulires (art figuratif) se laissent plus facilement exploiter que les formes neutres. Il est cependant indispensable de remarquer que ces dfinitions, figuratif et non figuratif , ne sont quapproximatives et relatives. Car toute forme, toute ligne mme, reprsente une figure; aucune forme nest absolument neutre. [] Les formes gomtriques, parce quelles sont le rsultat dune trs profonde abstraction de la forme, peuvent tre considres comme neutres, et elles peuvent mme, compte tenu de leur tension et de la puret de leurs contours, tre prfres aux autres formes neutres.

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TEXTES CHOISIS (extraits)

MAX BILL
La Pense mathmatique dans l'art de notre temps, 1949
Werk n 3, Winterthur, 1949

Je crois qu'il est possible de dvelopper largement un art bas sur une conception mathmatique. De fortes objections s'lvent immdiatement contre ce point de vue. On soutient que l'art n'a rien voir avec les mathmatiques, que celles-ci constituent une matire aride, non artistique, un domaine purement intellectuel et tranger par consquent l'art. Aucun de ces arguments n'est acceptable, car l'art a besoin du sentiment et de la pense. On peut citer une fois de plus l'exemple bien connu de Jean-Sbastien Bach qui, avec des moyens mathmatiques prcis, a donn forme la matire son , crant des structures parfaites. Dans sa bibliothque se trouvaient, en effet, des traits mathmatiques auprs d'crits thologiques, une poque o les mathmatiques avaient dj t abandonnes comme lment de formation du procs de configuration des formes et o, d'autre part, cette ide n'avait pas encore t reprise.

AD REINHARDT
Lart en tant que tel, 1962
Article publi dans Art International, VI, n10, Lugano, dcembre 1962 Traduction Annick Baudoin [Du dbut des annes 1960 jusqu sa mort en 1967, Ad Reinhardt a peint des tableaux noirs dune seule taille, carrs, de 5 pieds sur 5.] In Art en thorie 1900-1990. Une anthologie par Charles Harrison et Paul Wood, Hazan

La seule chose dire de la relation entre lart et la vie, cest que lart cest lart, et la vie, cest la vie. Un art tranche de vie ne vaut ni plus ni moins quune vie tranche dart. [] La seule tache pour un artiste vritable, la seule peinture faire, cest la peinture dune toile dun format unique selon un mme projet et un seul moyen formel, une mme couleur monochrome, une mme division linaire dans chaque direction, une mme symtrie, une mme texture, un seul mouvement du pinceau main leve, selon un mme rythme, de faon tout fondre dans la dissolution et lindivisibilit, fondre chaque toile dans une uniformit et une non-irrgularit gnrales. Ni lignes ni motifs, ni formes ni compositions ou ni reprsentations, ni visions, ni sensations, ni impulsions, ni symboles, ni signes, ni emptements, ni dcorations ni couleurs ni reprsentations, ni plaisir ni douleur, ni accidents ni ready-made, ni objets ni ides, ni relations, ni attributs, ni qualits rien qui ne soit lessence mme de lart.

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TEXTES CHOISIS (extraits)

VICTOR VASARELY
propos de son Alphabet plastique, 1969
Jean-Louis Ferrier, Entretiens avec Victor Vasarely, Belfond, Paris, 1969

Dj, le simple carr et ses drivs, comme le losange , fuyant de gauche droite, de droite gauche, de haut en bas et bas en haut, fournit lui seul quatre variations informationnelles Le carr et ses drivs, le rond et ses drivs, eux seuls, sont dous de ressources insouponnables, qui se multiplient considrablement grce aux multi-sens et aux volumes quils prennent. Puis il y a les grandeurs, qui peuvent varier linfini Ces deux types dunits reprsentent la structure du damier ; partir du triangle quilatral, nous construisons aisment des structures hexagonales. Enfin, au-del, il y a loctogone et laxonomtrie, dont les paralllpipdes ouvrent des voies insouponnes. Au dpart, lunit plastique tait compose de formes noires sur fond blanc ou de formes blanches sur fond noir Il a suffi dintroduire la couleur et ses diffrentes gammes pour que le nombre de combinaisons deviennent vertigineux.

DANIEL BUREN
Au sujet de, 1998
Entretien avec Jrme Sans, Flammarion, 1998

Les Cabanes perturbent beaucoup plus lespace quelles ne sy insrent. la diffrence dautres travaux qui se fondent dans le lieu et laissent planer une ambigit sur leur qualit dobjet, elles ne peuvent passer cette fois pour un lment du mobilier ou du dcor. Avec la Cabane, on est de faon plus traditionnelle directement confront un objet. Sa faon dexploser propre chaque lieu rend clair lespace dans lequel il se trouve. [] Sil ny avait pas dclatement, les Cabanes seraient des cubes ou des paralllpipdes dans un lieu. Lclatement induit que quelque chose se passe sur lenvers et sur lendroit, sur le dcor et sur le dcor, sur larchitecture et sur lobjet architectur, sur la sculpture et sur la peinture. Lclatement permet galement de dcouper, dventrer le paralllpipde et, donc, dy entrer.

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FAIRE POUR MIEUX VOIR


ACTIVITS POUR LES CLASSES MATERNELLES (MOYENNE ET GRANDE SECTIONS) ET PRIMAIRES
Trouver ses repres
Le Service de laction ducative et de la programmation publics jeunes du Centre Pompidou est linitiative des activits pdagogiques de laccrochage Cercles et Carrs organises pour les enfants de 4 10 ans. Il a conu un dispositif de mdiation ludique et sensoriel qui sappuie sur des outils pdagogiques spcialement crs pour dcouvrir les uvres prsentes. La dmarche pdagogique Faire pour mieux voir , ou en dautres termes exprimenter pour regarder autrement les uvres , sollicite plusieurs sens, la vue, loue, le toucher, avec des approches individuelles et collectives. Lexprimentation sarticule autour de quatre phases: - donner voir - donner faire - donner dire - donner penser une problmatique plastique. Cest tout naturellement que les plus jeunes trouveront ainsi leurs premiers repres dans lart du 20e sicle. Pour prolonger ces parcours en classe ou, pour ceux qui nont pu visiter laccrochage, le Service de laction ducative et de la programmation public jeune met ici la disposition des enseignants deux propositions ralises dans le cadre de ces parcours thmatiques.

Quatre grands domaines sont abords


Formes, rythmes et combinatoires partir de jeux, jeux de cartes ou jeux de superposition, jeux de cadrages ou de dcoupage : dvelopper les capacits dobservation, aborder par lexprimentation les notions de composition, de proportion, de logique mathmatique, et sapproprier le rpertoire de formes gomtriques pour dcouvrir un nouveau langage et dvelopper un imaginaire. Lumire et couleurs partir doutils, lampes, toupies optiques ou cercles chromatiques : comprendre le mlange des couleurs, en peinture et en lumire et faire lexprience de la lumire blanche. Lil joue des tours En superposant des carrs de couleurs diffrentes ou en utilisant des lunettes filtres, en regardant un disque mobile avec motif color hypnotique: samuser comprendre le mouvement optique par rapport au mouvement rel, percer le jeu des illusions. La mesure du corps lespace Jouer avec son corps comme lment de rfrence, comme lment de mesure, crer des parcours, des gestuelles, intrioriser le vocabulaire lmentaire de la sculpture pour se sensibiliser lespace de luvre, lespace en dehors de luvre, la transformation de lespace environnant par luvre.
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FAIRE POUR MIEUX VOIR

Ainsi, pour Les Disques de Newton de Frantiek Kupka, trois thmes sont abords: - composition et couleurs - le disque de Newton - le cercle chromatique Faire pour mieux voir : ct outils, des lampes munies de filtres de couleur seront utilises en faisant converger les faisceaux lumineux afin dobtenir du blanc. La ralisation dun cercle chromatique permettra dexprimenter les mlanges partir des trois couleurs primaires, de comprendre lorganisation des couleurs et dtudier leur complmentarit.

Frantiek Kupka, Disques de Newton, 1911-12


Adagp, Paris Outils pdagogiques Cercles et Carrs

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FAIRE POUR MIEUX VOIR

Autre exemple, pour Vendredi 1 dAuguste Herbin, trois thmes sont galement abords: - le langage - lalphabet imaginaire de formes - la composition Faire pour mieux voir : constituer des cartes avec des associations de formes extraites du tableau dHerbin : un carr noir peut tre associ un cercle rouge ou un triangle blanc, toutes les combinaisons sont possibles comme dans une langue, et lon peut faire de chacun de ces nouveaux symboles une histoire ; composer un tableau avec ces formes.

Auguste Herbin, Vendredi 1, 1951


Adagp, Paris Outils pdagogiques Cercles et Carrs

Conception: Odile Fayet et Isabelle Frantz-Marty Illustrations: Delphine Lebovici, designer

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QUELQUES DFINITIONS LA QUADRATURE DU CERCLE


COLES COLLGES LYCES
Quadrature du cercle
Dans le langage courant, rechercher la quadrature du cercle est une expression signifiant vouloir rsoudre un problme insoluble. Pendant trois millnaires, des savants ont en effet tent de construire un cercle et un carr de mme surface avec une rgle et un compas. Vainement.

Cercles et carrs dans lhistoire de lart


Lonard de Vinci a plac son homme aux proportions idales dans un cercle et un carr (tude de proportions du corps humain selon Vitruve, dessin la plume, encre et lavis sur papier, environ 1492). Czanne (Aix-en-Provence, 1839-1906), en affirmant qu Il faut traiter la nature par le cylindre, la sphre et le cne , inscrit son uvre dans un espace gomtrique trois dimensions. Que souhaitent les membres de lphmre groupe Cercle et Carr fond en 1929par Joaquin Torrs-Garcia rejoint par Michel Seuphor? Proposer une alternative limagerie surraliste? Dfendre le pr carr des artistes abstraits?

Gomtrie
Cest une science qui a pour objet les relations entre points, droites, courbes, surfaces et volumes des espaces. Plus prcisment, la gomtrie euclidienne est la partie des mathmatiques qui tudie les figures du plan et de l'espace.

Abstraction gomtrique
Plusieurs courants artistiques ont recouru aux formes gomtriques pour produire des uvres abstraites. Ce cercle dartistes est trs ouvert: dans cet accrochage figurent deux des pionniers de l'art abstrait, Frantiek Kupka et Vassily Kandinsky ; un membre du Stijl, Theo Van Doesburg; un reprsentant dAbstraction-Cration, Auguste Herbin, et de l'art concret suisse, Max Bill ; Josef Albers, dclinant sa srie Hommage au carr, ou Victor Vasarely, opartiste ; Franois Morellet et Carl Andre, un reprsentant de lart minimal, adoptent aussi cette approche par la gomtrie.

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QUELQUES DFINITIONS

Hommage au carr
Josef Albers, enseignant allemand au Bauhaus, fuit le nazisme en 1933 et rejoint le pays de la bannire toile blanc sur bleu avec fond de bandes rouges et blanches. De 1950 jusqu la fin de sa vie en 1976, lartiste dcline une recherche sur la couleur partir dune forme lmentaire, le carr. Un carr, un cercle nimporte quelle forme lmentaire a des qualits propres et donc une expression. [Tous] agissent et nous obligent ragir, dclare t-il Elaine de Kooning en 1950.

Cercles bleus, carrs rouges et triangles jaunes


A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu, Arthur Rimbaud associe voyelles et couleurs selon un choix arbitraire. Alors quil enseigne au Bauhaus, Vassily Kandinsky tablit une corrlation subjective entre trois formes gomtriques lmentaires et trois couleurs primaires : cercle bleu, carr rouge, triangle jaune. Traditionnellement, toutefois, carr et rouge renvoient la Terre, le cercle et le bleu au Ciel.

Quadrangle et Beau coin


Kasimir Malevitch, suprmatiste autoproclam, cherche le point ultime dexistence de la peinture au travers de formes basiques: la croix, le cercle et le carr. Avec une prfrence pour cette dernire. Son uvre Carr noir sur fond blanc, 1915, est expose en hauteur, dans langle dune pice, l o traditionnellement on accroche les icnes dans les maisons paysannes russes. Malevitch sinscrit-il dans la continuit dune culture russe dont il renouvelle les icnes ou rompt-il avec les usages occidentaux en matire daccrochage? Trois ans plus tard, il peint Carr blanc sur fond blanc. Que cherche Dan Flavin en exposant son carr lumineux untitled dans un angle? Un cho dans lhistoire de lart?

Carrment rond
Les quatre pieds du tabouret assise ronde, supportant la fourche de Roue de bicyclette, forment un carr au sol. Pied terre et roue en lair, bas et haut, terrestre et cleste, socle statique et sculpture dynamique, objets usuels et objet dart, Marcel Duchamp et Marchand du sel (son double par contrepterie) troublent les repres usuels avec maestria en mettant en tension des ples opposs.

Terrestre et cleste
Runir cercle (figure gomtrique sans angle et sans ct) et carr (figure gomtrique possdant quatre cts gaux et quatre angles droits), nest-ce pas runir des lments aussi dissemblables que leau et le feu? La symbolique des formes renvoie le cercle au cleste et le carr au terrestre. Le cercle voque le divin tandis que les quatre points cardinaux ordonnent le monde terrestre, rgi par lorthogonale croise du cardo (l'axe nord-sud) et du decumanus (l'axe est-ouest). Perfection du O de Giotto (Perfetto come la O di Giotto).

35 Dossier pdagogique / Collections du Muse

QUELQUES DFINITIONS

Carrment lumineux
untitled, Dan Flavin. Un carr dont le primtre est constitu de tubes fluorescents de couleur sinscrit, telle une icne plane et linaire, dans un angle tridimensionnel dfini par lintersection de trois plans colors par les lumires lectriques bleue, rouge et jaune qui manent des tubes lumineux. lmentaire, mon cher Edison.

Cercle chromatique
Cest une reprsentation circulaire conventionnelle des couleurs. Il en existe plusieurs formes. Trois couleurs primaires et trois secondaires alternent, les couleurs complmentaires sont diamtralement opposes deux deux. Le disque de Newton (1642-1727) auquel se rfre Frantiek Kupka est compos de sept couleurs, celles de larc-en-ciel (rouge, orange, jaune, vert, bleu, indigo et violet). Sa rotation rapide autour de son axe central (re)donne voir du blanc, synthse des couleurs observes lors de lanalyse spectrale, c'est--dire de la dcomposition de la lumire blanche du soleil par un prisme. Robert Delaunay et Sonia Terk-Delaunay prouvent un intrt manifeste pour les thories scientifiques de la couleur du 19e sicle dveloppes notamment par Chevreul (1786-1889) et son concept de contraste simultan. Il sexprime au travers des Rythmes, des formes circulaires et des disques simultans.

Carr et cercle chromatique


Si lon place son regard sur la couleur jaune dun cercle chromatique, il y a deux voies pour atteindre le violet qui, diamtralement, lui fait face : passer par lorange et le rouge ou passer par le vert et le bleu. Franois Morellet nous propose aussi ces deux voies, exprimes dans deux carrs juxtaposs. Chacun dentre eux est constitu de sept carrs concentriques dclinant les passages du jaune central au violet priphrique.

Peut-on marcher sur les pieds de Carl Andre ?


Oui, bien sr. Cest mme recommand. La mesure de 144 Tin Square de Carl Andre est dailleurs une invitation au pitinement, car chacun des petits carrs mesure en effet un pied, soit 30.48 cm, soit one foot , un pied, unit de mesure anglo-saxonne.

Cercle et carr lcole


Dans le premier degr de lenseignement, le cycle des approfondissements prvoit des progressions pour le cours lmentaire deuxime anne et le cours moyen (BOEN, Hors-srie n 3 du 19 juin 2008). Il sagit de rendre llve capable de matriser des figures gomtriques lmentaires (trac, calcul des primtres et des surfaces).

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QUELQUES DFINITIONS

Problme n1 / Carr d'un nombre


12X12=(12)2 =? Combien de carrs composent 144 Tin Square de Carl Andre? Question subsidiaire : quelle est la couleur du Carr blanc sur fond blanc de Kasimir Malevitch?

Problme n2 / Surface
Carl Andre, 144 Tin Square, 1975 (144 carrs d'tain). Installation Assemblage au sol de 144 carrs d'tain par ranges de 12 Etain, 367 x 367 cm. Chaque carr : 30,5 x 30,5 cm. Quelle est, en cm2 et en pieds carrs, la surface au sol de cette installation?

Cases en plus ou case en moins?


Damier et chiquier: 100 cases pour lun, 64 cases pour lautre. Davantage que les checs, Daniel Buren prfre les jeux russis avec lespace. Avec Les Damiers de la srie Cabanes clates, il dame encore le pion la critique: cabanes ou cases, ses structures tressent le plein et le vide jouant du huis clos et de louverture.

Dernier carr
Ultime regroupement de personnes dfendant une cause.

Texte: Patrice Cornu Professeur relais au Centre Pompidou Direction des Publics / Service de laction ducative et de la programmation publics jeunes Enseignant en arts plastiques

37 Dossier pdagogique / Collections du Muse

PROPOSITIONS PDAGOGIQUES POUR LES LYCES PROFESSIONNELS


Pour le programme arts appliqus En interdisciplinarit avec les enseignants de lettres, histoire et sciences

TUDIER LE CENTRE POMPIDOU MOBILE ET LE THME DU CERCLE ET DU CARR APPRHENDER SON ESPACE DE VIE

Il s'agit de conduire les lves dvelopper une attitude informe, vigilante et critique sur leur environnement quotidien en affinant leur sensibilit au design d'espace, design de produits, design graphique ; rflchir au sens que porte une production, aux raisons qui conditionnent sa conception, son adaptation aux besoins de la socit ; poser des questions lies au dveloppement durable, l'environnement ; chercher des solutions argumentes en rponse une interrogation concernant le paysage, le tissu urbain, l'habitat, l'objet d'art. () Il s'agit d'aiguiser le regard critique et de dvelopper une opinion argumente.
Programme d'enseignement d'arts appliqus et cultures artistiques pour les classes prparatoires au baccalaurat professionnel. Bulletin officiel spcial n2 du 19 fvrier 2009. Arrt du 10-2-2009 - J.O. du 11-2-2009 et du 14-2-2009.

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PROPOSITIONS PDAGOGIQUES POUR LES LYCES PROFESSIONNELS

1. tude du chapiteau du Centre Pompidou mobile (design despace, design produit)


- Comparaison du chapiteau avec les structures mobiles vnementielles locales (chapiteaux traditionnels de cirque, architectures modulaires et mobiles) : tudier leurs capacits respectives d'adaptation aux terrains et leurs solutions de modularit de l'espace, leur intgration momentane dans l'environnement et aux services locaux, leurs besoins et leurs traces, les principes constructifs et les gestes HQE. Les principes de juxtaposition, de superposition, dimbrication, de pntration des espaces ; les notions de limites, de frontires, de liaisons, de passages, de pntration (autonomie, porosit et dialectique des espaces).
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- Cartographie de l'implantation du Centre Pompidou mobile au niveau national, rgional et dpartemental en interdisciplinarit avec un travail en mathmatiques (calcul de distances) et en gographie. - tude fonctionnelle et technique du chapiteau, des aspects conomiques, plastiques et smantiques lis aux formes, aux volumes, aux matires et aux couleurs. tude du statut du Centre Pompidou mobile (objet manifeste/objet fonctionnel, objet artisanal/objet industriel, pice unique/production srielle). Recherche du type de relations des lves avec l'objet Centre Pompidou mobile et avec ses uvres (fonction dusage, fonction destime, ergonomie), et leurs incidences sur leur comportement (contextes dutilisation, besoins et dsirs des utilisateurs). Ralisation d'enqutes, de statistiques, d'interviews, avec les enseignants de lettres et de mathmatiques.

2. tude du logotype, de l'identit visuelle et de la signaltique du Centre Pompidou mobile (design graphique)
- tude a priori de l'identit visuelle du Centre Pompidou mobile partir daffiches et dannonces presse, puis comparaison a posteriori avec le design graphique des supports ditoriaux (plaquette, dpliants) rcolts pendant la visite. - Comparaison avec l'identit visuelle d'un partenaire culturel ou sportif local. - tude de cas concrte de proximit et de notorit internationale pour l'approche des notions d'incidences des diffrentes formes de communication sur la perception et le comportement du destinataire (capacits sduire, convaincre, susciter le dsir), defficacit de limpact visuel et de cible.

3. Retrouver le thme des cercles et des carrs dans son environnement spatial, graphique et dans les produits
partir des exemples des uvres de laccrochage, inventorier les figures du cercle et du carr dans le domaine des arts appliqus dans la vie quotidienne de llve et dans son enseignement professionnel:
39 Dossier pdagogique / Collections du Muse

PROPOSITIONS PDAGOGIQUES POUR LES LYCES PROFESSIONNELS

- dans les objets de design produit (mobilier, objet dart de la table, CD, badge, post-it, cadre, montre, horloge, miroir, abat-jour, bijou) - dans les pictogrammes de design graphique (le code de la route, les pictogrammes de marque comme Orange, Fnac, Gap, SFR, LCL, BHV, Alfa Romo, BMW, Starbuck, RATP, Volkswagen) - dans larchitecture locale : le carr, dans les lments darchitecture normande (colombage, pav, petits carreaux des fentres), les tomettes des pays de la Loire, dans le plan de lOnyx, du palais de justice de Jean Nouvel et de La Fabrique Nantes, du phare du Verdon (Gironde), le cercle, dans les forts et les phares, les puits et les fontaines des placettes de village, les yeux de bufs en brique (Normandie) ou en bois (Loire), les rosaces gothiques, les arnes, dans les plans de la cit de Larressingle (Gers), dans les tours des chteaux Yquem (Gironde), Brantme et Montaigne (Dordogne), Amboise (Indre-et-Loire) , ou les Anneaux de Buren (Nantes); - dans des exemples phares du monde entier, dhier ou daujourdhui: le muse Guggenheim, la cathdrale dvry, le projet de cimetire et la Saline royale d'Arc-et-Senans de Claude-Nicolas Ledoux, la Gode du Parc de la Villette de Paris, le Muse dart islamique du Qatar, les logements sociaux de la Place de Catalogne (Paris 14e)

4. tudier le thme en mathmatiques et en lettres


Le thme de laccrochage du Centre Pompidou mobile introduit un travail en mathmatiques de rvision des activits de base sur le carr (calcul du primtre, de la surface, de la diagonale, des droites remarquables telles que les mdianes, les bissectrices) et sur le cercle (mise en vidence de Pi, calcul du primtre, de la surface, du diamtre et du rayon). Aprs les rvisions, lenseignant peut aborder les activits de mesure dun angle avec un rapporteur, la conversion dune mesure en radian et en degr, le travail sur les formes trigonomtriques (cosinus, sinus, tangente). La squence de lettres Des gots et des couleurs, discutons-en , qui vise des capacits dexpression de soi et daffirmation dun jugement travers lacquisition de connaissances linguistiques et culturelles, peut tre introduite ou conclue par la visite au Centre Pompidou mobile. Laccrochage Cercles et Carrs sera loccasion de travailler les questions proposes: Les gots varient dune gnration lautre. Ceux daujourdhui sont-ils meilleurs que ceux des gnrations prcdentes ? Comment faire partager ses gots dans une dmarche de dialogue et de respect ? En quoi la connaissance dune uvre et de sa rception aide t-elle former ses gots et/ou souvrir aux gots des autres ?
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PROPOSITIONS PDAGOGIQUES POUR LES LYCES PROFESSIONNELS

MONTER UN PROJET ARTISTIQUE ET CULTUREL LOCAL AUTOUR DU CENTRE POMPIDOU MOBILE LARGIR SA CULTURE ARTISTIQUE
Approfondissement artistique et culturel: arts du son, arts visuels, patrimoines, spectacle vivant.

Cette partie du programme permet aux lves daborder la culture artistique en tant que dimension inhrente aux connaissances et aux comptences qui fondent une culture gnrale humaniste, en lien avec les autres disciplines. Il sagit pour llve de sengager et de conduire un projet de cration individuelle ou collective pour le communiquer et pour transmettre une motion, travers une sensibilisation un domaine artistique choisi parmi les arts du son, les arts visuels, les patrimoines, le spectacle vivant (ou associant divers titres plusieurs domaines). Une importance toute particulire est donne au dveloppement dune pratique artistique mene dans le cadre dun partenariat artistique et culturel.
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La venue du Centre Pompidou mobile est prtexte la rencontre des divers partenaires culturels locaux et la mise en place dun projet artistique et culturel. On exploitera des uvres de rfrence de laccrochage du Centre Pompidou mobile que les lves confronteront dautres formes de cration artistique du patrimoine local. Chacun pourra ainsi dvelopper des comportements engags, cratifs, ouverts, participer activement un travail de groupe et dcouvrir, avec surprise et motion, ses propres capacits ressentir et s'exprimer artistiquement. La pratique artistique et le type de projet seront choisis par l'quipe enseignante en fonction des opportunits de partenariat proximit immdiate du lyce.

41 Dossier pdagogique / Collections du Muse

PROPOSITIONS PDAGOGIQUES POUR LES LYCES PROFESSIONNELS

Quatre domaines sont proposs pour cette dcouverte de la pratique artistique:

Arts visuels
Tous les aspects du Centre Pompidou mobile, du chapiteau ou de laccrochage Cercles et Carrs peuvent tre prtexte un projet arts visuels, de la diversit des techniques et des moyens, la place de limage et au rle du spectateur. Seront privilgies : les rencontres avec les artistes et leurs productions contribuant une meilleure comprhension des processus de cration ; lintroduction de pratiques diversifies () ; les pratiques dveloppant une dmarche artistique. Afin dinstaurer une dmarche valorisant une aventure plastique, en particulier lengagement et la prise de risque de la part de llve, () llve (sera) pralablement confront un problme plastique (par le biais de contraintes, consignes et/ou un thme) quil aborde(ra), directement par la pratique. Cette situation conduit des rponses inattendues et divergentes et cest, a posteriori et au regard des productions des lves, que se tient une phase dinvestigation ou de contextualisation.
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Arts du son
Un projet arts du son permettra un travail de cration sonore avec le conservatoire rgional ou municipal ou une association de musique (lectroacoustique, par exemple) en rsonance avec une uvre du Centre Pompidou mobile. Les enseignants pourront ainsi tablir un projet la manire des Ateliers de la cration, projet dducation artistique la croise des arts visuels, des arts du son et des nouvelles technologies, dvelopp par le Centre Pompidou et l'Ircam depuis 2007, en direction des lyces professionnels. Selon la priode dinstallation du Centre Pompidou mobile dans la rgion, la rencontre avec les uvres introduira ou finalisera le projet men sur l'anne avec un partenaire local. Certaines dentre elles pourront tre choisies comme uvres de rfrence, moins que le Centre Pompidou mobile lui-mme devienne rfrent d'un projet architectural ou patrimonial. Diffrents outils de mdiation, proposs par les mdiateurs du Centre Pompidou mobile et les partenaires arts du son des structures locales, seront mis au service de l'lve afin quil puisse reprer linscription dans le temps, les caractristiques majeures et le contexte de cration des uvres de rfrence. travers ses analyses, l'lve dveloppera sa sensibilit, ses capacits conceptualiser et exprimer son ressenti. Il deviendra ensuite lui-mme mdiateur de luvre en transmettant son exprience.
Le site www.ateliers-creation.centrepompidou.fr retrace les projets des Ateliers de la cration depuis 2007 travers la France.

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PROPOSITIONS PDAGOGIQUES POUR LES LYCES PROFESSIONNELS

Patrimoine
La frquentation d'une bibliothque, d'archives, d'archologues ou d'historiens, fera dcouvrir aux lves des pratiques artisanales, amateurs ou professionnelles, locales. Ils s'engageront ensuite dans la ralisation dun projet de mmoire du patrimoine matriel (les monuments, les lieux chargs de mmoire) ou immatriel (les contes et lgendes, histoires, chansons) de la rgion. La visite au Centre Pompidou mobile rpond aux propositions du programme de: - diffrencier patrimoine matriel et immatriel, patrimoine ancien et contemporain; - apprhender les modalits de slection, de conservation et de transmission; - cerner les enjeux dune collection et observer sa mise en exposition; - apprendre replacer un lment dans son contexte historique et culturel.
Programme d'enseignement d'arts appliqus et cultures artistiques pour les classes prparatoires au baccalaurat professionnel. Bulletin officiel spcial n 2 du 19 fvrier 2009. Arrt du 10-2-2009 - J.O. du 11-2-2009 et du 14-2-2009.

Spectacle vivant
Le choix original de mdiation des visites par des comdiens et l'vocation du monde du cirque par le chapiteau du Centre Pompidou mobile, ainsi que certaines uvres qui invitent au dplacement (Carl Andre, Dan Flavin, Daniel Buren, Jess Rafael Soto), sont prtexte un travail de spectacle vivant. La rencontre d'artistes du spectacle vivant et de leurs crations, la frquentation des lieux de spectacle et la cration collective dune mise en scne ou dune chorgraphie rvleront aussi l'univers des techniques (clairage, son, dcors, costumes et accessoires). Les notions suivantes sont dveloppes : les formes corporelles () ; lapprhension de lespace ; le rythme, le mouvement, lnergie ; les emprunts mutuels entre thtre, danse et cirque dans la cration contemporaine.
Programme d'enseignement d'arts appliqus et cultures artistiques pour les classes prparatoires au baccalaurat professionnel. Bulletin officiel spcial n 2 du 19 fvrier 2009. Arrt du 10-2-2009 - J.O. du 11-2-2009 et du 14-2-2009.

Les enseignants sont engags visiter le site www.ateliers-creation.centrepompidou.fr sur lequel ils trouveront tous les outils pour monter un tel projet d'ducation artistique et culturel dans la rubrique Monter votre projet ainsi que de nombreux conseils et exemples. Ils peuvent galement consulter les dossiers pdagogiques consacrs aux spectacles vivants du Centre Pompidou : Arts de la scne. Aux limites du thtre et de la danse, o sont dveloppes les notions de corps, despace, de rythme, demprunts mutuels entre thtre et danse.

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PROPOSITIONS PDAGOGIQUES POUR LES LYCES PROFESSIONNELS

LA VISITE AU CENTRE POMPIDOU MOBILE COMME PROJET ANNUEL POUR LE DOSSIER DE CCF (CONTRLE EN COURS DE FORMATION) DE PREMIRE ET TERMINALE BAC PRO
Le Centre Pompidou mobile sous l'angle du design d'espace et d'un projet d'ducation artistique avec une cole de cirque locale.

Exemple de dossier de CCF pour les lves


Page 1 (couverture) : CHAPITEAUX Documentation mise la disposition des lves (images, identit visuelle du dossier).
Double-page 2-3 : Je dcouvre le Centre Pompidou mobile. Prsentation de tous les lments qui ont permis de prparer la visite au Centre Pompidou mobile (O est-il localis ?, Comment y va-t-on ? quoi ressemble-t-il ? Les premires images du CPm dans la ville) sous forme de croquis de la structure annots, de collecte d'images, de commentaires crits et photographiques, de cartes Double-page 4-5 : J'tudie l'architecture nomade. tude rapide de l'histoire de l'architecture nomade et du chapiteau de l'cole nationale des arts du cirque de Patrick Bouchain, en interdisciplinarit avec les mathmatiques et l'EPS. Double-page 6-7 : J'entre sous le chapiteau du Centre Pompidou mobile. Composition dune planche de photos et images lgendes, documents ditoriaux, textes sur les impressions ressenties pendant la visite. Double-page 8-9: Je comprends un chapiteau. Analyse de l'architecture du Centre Pompidou mobile (fonction, formes, rapports forme/fonction, connotations). Double-page 10-11: Je me souviens du chapiteau de mon enfance. Analyse du chapiteau, sur le plan fonctionnel, technique, environnemental, dcoratif, usuel, statutaire Double-page 12-13: Je fais mon cirque. Prsentation du projet annuel d'ducation artistique avec l'cole de cirque locale. Double-page 14-15: Je rve de chapiteau. Rsolution dun projet d'arts appliqus partir de ces expriences. Page 16 (4e de couverture): J'invente une histoire de chapiteau. Ecriture dun texte par llve : ce quil a prfr, ce qui la mu pendant toute cette anne, ce que a lui a apport pour sa vie quotidienne ; il en fait une histoire avec le professeur de lettres.

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PROPOSITIONS PDAGOGIQUES POUR LES LYCES PROFESSIONNELS

PROPOSITION PDAGOGIQUE POUR UN TRAVAIL DE MDIATION POUR LE NIVEAU CAP, CAP RSERV, ENSEIGNEMENT ADAPT (ULIS, UPI)
Projet annuel, un dossier-image : Je visite le Centre Pompidou mobile.

Pour le niveau CAP, les lves pourront raliser des dossiers-images Je visite le Centre Pompidou mobile afin de comprendre et conceptualiser les savoirs des arts appliqus. Ce travail permettra de revoir des notions de base (informatique, dextrit manuelle, vocabulaire, composition, organisation, orientation) qui peuvent ne pas avoir t acquises. L'lve reoit une consigne et cherche des images (dun muse, dune uvre dart, dun gardien de muse) sur Google images pour rpondre des questions (du type des 5 W : What, Where, When, Who, Why). Lenseignant peut ainsi vrifier si les reprsentations des lves correspondent bien la notion dont il parle, celle de muse , par exemple. Un change peut stablir autour des diffrents types et reprsentations du muse. Chaque dossier fait l'objet d'une autovaluation des savoirs et savoirfaire que l'enseignant cherche faire acqurir l'lve. Par exemple, llve sera incit se poser ces questions: Ai-je bien choisi les images ? Les ai-je bien dcoupes ? Sont-elles colles proprement ? Ai-je fini mon travail dans le temps donn ?

Texte: Marie-Hlne Vincent-Choukroun Professeur relais au Centre Pompidou Direction des Publics / Service de laction ducative et de la programmation publics jeunes Enseignante darts appliqus en lyce professionnel

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CERCLES ET CARRS, DE LA GOMETRIE AU REL UNE APPROCHE PHILOSOPHIQUE


Lyces. Classes terminales.

SYMBOLISME ET GOMTRIE
Le carr et le cercle, la matire et lesprit
Cercles, carrs et autres formes gomtriques ont toujours constitu un rservoir inpuisable de formes, autorisant un trs grand nombre de variations plastiques et un nombre presque aussi grand de codifications symboliques des uvres et ouvrages dart. Un exemple bien connu de cette codification symbolique est la tradition dinspiration pythagoricienne qui, jusqu la Renaissance, voyait dans le carr le symbole de la matire et du monde terrestre et, dans le cercle, celui de lesprit et du ciel, par quoi les glises, avec leur dallage carr au sol et leurs votes circulaires, taient censes relier la terre au ciel.1 Dans un tout autre contexte culturel, les sagesses orientales attribuent aux figures gomtriques un symbolisme complexe permettant de comprendre les relations entre la terre, le ciel, le dploiement temporel des phnomnes, les forces de la vie et celles de lesprit. Les clbres yantras de la tradition indienne donnent ainsi celui qui mdite, des instruments de matrise (cest la dfinition du mot) pour accder au plus haut niveau de la pense. Dans la philosophie occidentale, lusage des formes gomtriques ne prtend pas toutefois nous apprendre quoi que ce soit du monde sensible : elles sont une cration de lesprit qui ne fait sens que pour le monde intelligible et pour la relation de celui-ci celui-l. Inutile, pour un Platon comme pour un thoricien de la scolastique mdivale, dessayer de connatre le rel partir de la gomtrie : ce nest pas sa vocation qui tend bien davantage conduire lesprit vers linvisible. Lusage des formes gomtriques dans lart a travers les sicles et na pas disparu. Pour ne prendre que lexemple le plus saillant, on peut difficilement pntrer dans lunivers pictural de Vassily Kandinsky sans tenir compte du symbolisme qui associe, chez lui, formes gomtriques, couleurs et forces spirituelles. De mme a-t-on pu dire que le langage gomtrique dont use Auguste Herbin teinte ses uvres dune sorte de matrialisme mystique.
1. Voir ce sujet le texte de Michel Seuphor dans le premier numro de la revue Cercle et Carr.

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CERCLES ET CARRS, DE LA GOMETRIE AU REL UNE APPROCHE PHILOSOPHIQUE

LUNIVERS EST-IL CRIT EN LANGAGE MATHMATIQUE?


Au 17e sicle, constructions thoriques et exprience du monde
Cette conception et cet usage de la gomtrie changent presque du tout au tout au 17e sicle lorsque les thoriciens (savants et philosophes confondus) sefforcent dexpliquer et de lgitimer le recours si efficace aux mathmatiques dans la science moderne. La science est la preuve que les constructions thoriques des mathmaticiens ne sont pas trangres aux phnomnes et quelles peuvent rendre compte de ce que ces derniers ont de rationnel. Lide tend mme simposer que le rel est de nature mathmatique et quil est donc tout fait lgitime de faire appel au savoir mathmatique pour connatre tout ce qui nous est donn dans lexprience du monde. Galile va spectaculairement dans ce sens: La philosophie [ici comprise au sens de science] est crite dans ce livre gigantesque qui est continuellement ouvert nos yeux (je parle de l'Univers), mais on ne peut le comprendre si d'abord on n'apprend pas en comprendre la langue et en connatre les caractres dans lesquels il est crit. Il est crit en langage mathmatique, et les caractres en sont des triangles, des cercles, et d'autres figures gomtriques sans lesquelles il est impossible d'y comprendre un mot. Dpourvu de ces moyens, on erre vainement dans un labyrinthe obscur.

Galile, LEssayeur, 1623

Alberti et la perspective point de fuite unique


Cette ide, majeure dans lhistoire de la pense occidentale, redouble et justifie le projet albertien dinscrire la reprsentation des choses dans une perspective point de fuite unique: une telle construction conduit en effet quadriller le spectacle quon est cens voir travers la fentre du tableau. Les objets eux-mmes tendent recevoir des proportions idales o cercles et carrs sont dterminants, limage du corps humain que Lonard de Vinci reprsente en le plaant dans un cercle et un carr. Toutefois, les aspirations de lart occidental du 15e au 19e sicle dbordent de beaucoup le cadre de la gomtrisation de lespace de la reprsentation. En effet le tableau-fentre cher Alberti est ouvert sur lhistoire (et non sur le monde comme on le dit trop souvent2), et cette histoire est celle de lAncien et du Nouveau Testament (histoire religieuse), celle des grands hommes qui incarnent la rdemption promise aux hommes par le Christ (histoire profane), celle de lhumanit tout entire tendue vers son salut. Lart est empreint, sinon de religiosit, du moins de spiritualit et cette spiritualit prend le pas sur ce quon peut appeler lesprit gomtrique tout en en limitant les effets dans les uvres.

2. Le texte exact d'Alberti parle d histoire (storia), tant entendu que l'histoire s'accomplit dans ce monde; l'ide est importante : elle justifie la hirarchie des genres, en considrant que le genre le plus lev la peinture d'histoire comprend en lui les autres genres, paysages ou natures mortes nen tant donc que des succdans.

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CERCLES ET CARRS, DE LA GOMETRIE AU REL UNE APPROCHE PHILOSOPHIQUE

Lre industrielle et lexpression gomtrique du monde


Sur trois points au moins, lre industrielle va changer la donne. En dsenchantant le monde, en produisant des objets de plus en plus formats, en imposant au plus grand nombre lespace toujours plus rationalis et fonctionnel de la ville, elle va tout la fois dtourner les hommes dune spiritualit strictement religieuse et donner leur perception des repres de plus en plus gomtriques. Elle accomplit en quelque sorte lide galilenne de mathmatisation du monde. Que les artistes aient donn forme artistique cet accomplissement, comment sen tonner ? Se regroupant dans des associations telles que Cercle et Carr, lArt concret, Abstraction-cration, pour ne citer que les principales avec lesquelles les artistes de lexposition ont eu des affinits, ils revendiquent expressment le recours aux formes gomtriques pour crer des uvres quon appelle abstraites . Certains dentre eux laffirment sans dtour: Avec un fil plomb dans les mains, avec les yeux aussi prcis quune rgle, lesprit tendu comme un compas, nous construirons notre uvre comme lunivers construit la sienne, lingnieur un pont, le mathmaticien ses calculs dorbites.
Naum Gabo et Anton Pevsner, Manifeste raliste, 1920

Lart concret ou la gomtrie de lesprit humain


Dans un esprit assez proche, Theo Van Doesburg soutient que lart concret (dont il formule, avec quelques autres artistes, le manifeste en 1930) veut clarifier, participer lharmonisation de notre monde artificiel (Manifeste 2). Sil refuse, dans le mme texte, le mauvais subjectivisme qui accompagne tous les courants artistiques en isme (lyrisme, symbolisme, mysticisme), il ne rejette pas loin sen faut cette forme de subjectivit par quoi lesprit humain, au lieu dtre une transposition de la nature, en pouse gomtriquement le fond. Cest pourquoi lart concret est le reflet de lesprit humain pour lesprit humain (Manifeste 2) : dans les lments purement plastiques avec lesquels il construit ses tableaux, lartiste reconnat lexpression dune pense intellectuelle qui manifeste la puissance de lesprit humain. On comprend alors que Max Bill rponde au dsir de reprsenter ce que les mathmatiques en gnral, la gomtrie en particulier, nous offrent comme accs au monde: De mme que les mathmatiques nous apportent un moyen de connaissance primordial, et nous permettent donc d'apprhender notre environnement physique, de mme certains de leurs lments essentiels nous fournissent des lois pour valuer les interactions entre objets ou groupes d'objets. Et du coup, il est naturel de passer de la reconnaissance du fait que ce sont les mathmatiques qui donnent sens ces relations, au dsir de les reprsenter.

Max Bill, La Pense mathmatique dans l'art de notre temps, 1949

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CERCLES ET CARRS, DE LA GOMETRIE AU REL UNE APPROCHE PHILOSOPHIQUE

UN USAGE PARADOXAL DE LA GOMTRIE


La gomtrie mise sur la roue
On peut donc difficilement douter de la fascination que cercles et carrs ont exerce sur de nombreux artistes modernes et contemporains. Mais on ne peut pas davantage douter de lart avec lequel ils explorent librement ces formes, les dtournent souvent (toujours?) de leur rigoureux et redoutable pouvoir denfermement, leur imposent la manire dun musicien de subtiles variations. Ne peut-on pas penser, par exemple, quen fixant une roue sur un tabouret pos au sol et en la livrant ainsi un mouvement tout arien (Roue de bicyclette), Marcel Duchamp nous invite tout la fois des associations cocasses et, plus srieusement, des rveries libres sur des rotations sans fin et sans but, affranchies peut-tre de toute vise utilitaire mais pas de toute vanit.

Entre paramtres gomtriques et arbitraire


De la mme manire, mme si Franois Morellet a dit prfrer la dduction mathmatique lintuition artistique , ses arrangements de formes simples et leurs compositions chromatiques (dune logique apparemment imparable) ne finissent-ils pas par gnrer un tat perceptif et moteur instable chez le spectateur et par produire de limprvisible au sein mme de donnes gomtriquement paramtres? Dans son texte si bien nomm ( Gomtrie iconoclaste et gomtrie accidente , 1981), le mme Morellet dit aimer tout particulirement les accouplements hors nature de logiques inverties, tout ce qui permet lintelligence dexister libre, noble et absurde . Il reconnat avoir abandonn lespoir de reprsenter correctement la pure, lirreprsentable gomtrie . Je me suis laiss, crit-il encore, mon got dune sorte daccidents redoutables, ceux qui viennent de la rencontre absurde de deux systmes logiques. Un soupon : lirreprsentable gomtrie ne serait-elle si pure que dtre un pur produit de lesprit, grce auquel il est certes possible de schmatiser les phnomnes de lexprience sans pour autant que ces derniers soient de nature gomtrique? O le peintre rejoint le philosophe: La gomtrie () constitue des figures gomtriques idales, des idalits gomtriques, qui nexistent pas dans la nature. Dans la nature, il y a des ronds, il ny a pas de cercle. Le cercle est une figure idale.
Michel Henry, Phnomnologie matrielle, 1990

Sauf accomplir, comme Victor Vasarely, la quadrature du cercle, on peut se demander ds lors si nombre dartistes nont pas fait un usage paradoxal de la gomtrie, la retournant en quelque sorte contre ellemme afin de produire, dans ses marges, de subtiles variations sensibles, limage de Theo Van Doesburg dont les constructions sont de plus en plus libres partir des annes 1920, ou de Josef Albers dont les carrs vibrent dune vie silencieuse en senchssant les uns dans les autres.

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DE LA TTUE GOMTRIE LA CHAIR DU REL


Czanne, de la gomtrie la plnitude par la couleur
Tout en nous donnant voir le gomtrisable, les artistes ne nous donnent-ils pas accs au non gomtrisable ? Mieux encore : nest-ce pas puiser le premier quils nous font vraiment accder au second? Ne nous invitent-ils pas rflchir sur le surinvestissement gomtrisant de lhomme moderne lgard du rel et sur ce qui se joue pour lhomme dans un tel rapport au monde? Cette invitation ne revient-elle pas galement retrouver ce quil y a de non gomtrisable dans le rel, cette chair du rel dont parlent les phnomnologues? Cest ainsi, du moins, que Maurice Merleau-Ponty (et sa suite, Gilles Deleuze) lit les propos de Czanne sur son uvre. De ces propos, on retient le plus souvent le clbre passage de la lettre mile Bernard : Traitez la nature par le cylindre, la sphre, le cne, le tout mis en perspective, que chaque ct d'un objet, d'un plan, se dirige vers un point central. Mais cest oublier la suitedu texte qui prcise que tout le travail de construction gomtrique du tableau scroule bientt pour laisser place la couleur : lassise gologique, le travail prparatoire, le monde du dessin senfonce, sest croul comme dans une catastrophe. Un cataclysme la emport. Une nouvelle priode vit, la vraie, celle o rien ne mchappe o tout est dense et fluide la fois, naturel. Il ny a plus que des couleurs et en elles de la clart, ltre qui les pense, cette monte de la terre vers le soleil, cette exhalaison des profondeurs vers lamour.
Czanne, lettre mile Bernard du 15 avril 1904.

Dans ses Conversations avec Joachim Gasquet, Czanne est encore plus explicite : Une logique arienne, colore, remplace brusquement la sombre, la ttue gomtrie . Et encore : Au fur et mesure que lon peint, on dessine, plus la couleur sharmonise, plus le dessin se prcise quand la couleur est sa richesse, la forme est sa plnitude . Merleau-Ponty souligne ces propos, en remarquant que lespace rigide des formes est boulevers par la couleur : par elle les choses se mettent bouger, moduler dans linstabilit (Lil et lEsprit).

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Le rythme du monde
Moduler dans linstabilit: nest-ce pas ainsi que se donnent voir les formes en rotation dans les tableaux de Frantiek Kupka, formes dont Gilles Deleuze considre quelles perdent bientt leur caractre gomtrique pour laisser place des forces presque cosmiques: Comment expliquer que, avec des espces de petites boules bien sr avec des indications de rotation etc. Kupka ait russi ce point donner, capter une force quon ne peut appeler quune force de rotation et de gravitation ? Une espce de force, alors, astronomique.
Gilles Deleuze, cours luniversit de Vincennes-Paris VIII, cours du 07.04.1981

Pour le philosophe Henri Maldiney, lexpression artistique de telles forces permet daccder ce quil appelle le rythme du monde. Par rythme, il faut entendre cette articulation du mouvement (sonore, lumineux, color) qui permet de lier entre eux des moments ou des lieux diffrents, tout en laissant lespace et le temps ouverts dinfinies variations afin de les rendre habitables. Plus de place, ici, pour un strict respect de la gomtrie : les artistes albertiens le savaient bien, eux qui avaient expurg la gomtrie d'Euclide d'un de ses thormes afin de donner un espace appropri la reprsentation d'une nature idalise, cest--dire ordonne, ouverte sur linfini et offerte la ralisation de lhomme dans lhistoire3. Les artistes modernes et contemporains le savent mieux encore et s'ils font usage de cercles et de carrs, leurs figures gomtriques sont pareilles aux lignes que le pote Henri Michaux suit du regard dans les uvres de Paul Klee : On peut les suivre mal ou bien, sans jamais risquer d'tre conduit l'loquence, toujours vite, toujours vit le spectaculaire, toujours dans la construction, toujours dans le proltariat des humbles constituants de ce monde. Sur des taches, de ces taches qui paraissent encore maculatrices, venues du fond, du fond d'o il revient pour y retourner, au lieu du secret, dans le ventre humide de la Terre-Mre.
Henri Michaux, Aventures de lignes , avant-propos Will Grohmann, Paul Klee, 1954

3. Dans lil et lEsprit, Merleau-Ponty explique que lun des thormes de la gomtrie dEuclide tait pass sous silence par les continuateurs dAlberti parce quil remettait en cause la construction du tableau perspective linaire et point de fuite unique. Une telle construction (qui ne respectait pas davantage la faon dont nos yeux voient rellement les choses) avait pour but de reprsenter une nature idalise, cest--dire la fois ordonne, rationnellement comprhensible, ouverte sur linfini, rconciliant la finitude terrestre et linfinitude cleste, offerte la ralisation de lhumanit dans lhistoire.

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CERCLES ET CARRS, DE LA GOMETRIE AU REL UNE APPROCHE PHILOSOPHIQUE

BIBLIOGRAPHIE
Gilles Deleuze, cours luniversit de Vincennes-Paris VIII, 1978-1981, consultable sur www.webdeleuze.com Ren Descartes, Mditations mtaphysiques (II), 1641 Michel Henry, Phnomnologie matrielle, 1990 Henri Maldiney, Regard, parole, espace, 1973 Maurice Merleau-Ponty, Lil et lEsprit, 1960 Clifford A. Pickover, Le Beau Livre des Maths - De Pythagore la 57e dimension, 2010

Texte: Bertrand Vieillard Professeur relais au Centre Pompidou Direction des Publics / Service de laction ducative et de la programmation publics jeunes Enseignant en philosophie

Centre Pompidou Direction des publics, janvier 2013 Dossier ralis pour laccrochage du Centre Pompidou mobile: Cercles et Carrs

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