Le Complot Dans L Imaginaire Arabo Musulman
Le Complot Dans L Imaginaire Arabo Musulman
Le Complot Dans L Imaginaire Arabo Musulman
A MONTREAL
MMOIRE
PRSENT
COMME EXIGENCE PARTIELLE
DE LA MATRISE EN SCIENCE POLITIQUE
PAR
MOHAMEDOURYA
FVRIER 2008
Avertissement
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REMERCIEMENTS
Je tiens exprimer gnreusement toute ma reconnaissance messieurs les professeurs Lawrence Olivier et Sarni Aoun. La ralisation de ce mmoire n'aurait pu tre possible sans leur soutien intellectuel et moral. Je tiens formellement les remercier et leur tmoigner le gr que je leur sais de leurs conseils et de leur appui: Le professeur Sami Aoun, qui a suivi le cheminement de ce travail avec intrt et passion, qu'il sache que ma gratitude n'en est pas moins sincre. Le professeur Lawrence Olivier, envers qui j'aimerais tmoigner ma gratitude d'avoir dirig ce mmoire avec patience et minutie. Je ne peux omettre de citer aussi messieurs les professeurs Haykal Rahi et Samir Moukal. Je les remercie infiniment d'avoir accept de lire ce mmoire et je les remercie aussi de leurs prcieux conseils.
RSUM
1) INTRODUCTION
1.1)
etc.)
2
3
9
2.1) Analyse du corpus religieux islamique 2.1.1) rcits coraniques sur le peuple juif et l'interprtation
exgtique classique ou traditionnelle 2.1.2) Les Juifs dans la Sra (Biographie)
du Prophte de l'Islam
12
12
21
Le bricolage narcissique 39
lV
3.1) Critique du discours arabo-musulman contemporain concernant la thorie du complot.. 3.1.1) La Naksa (1967) dans le discours panarabe nationaliste
nassrien: L'explication par le complot.. 3.1.2) La thorie du complot dans le discours islamiste
(Les cas d'AI Qada, et du Hamas) 57
50
.48
4) CONCLUSION
88
5) GLOSSAIRE
91
6) BIBLIOGRAPHIE
100
RSUM
La notion du complot dans l'imaginaire arabo-musulman trouve son origine dans la FUna (la Grande Discorde) vers 656. Les guerres entre les compagnons du prophte ont t imputes par plusieurs rudits musulmans un seul homme: Abdallah Ibn Saba (un Juif converti l'Islam). C'est lui qui, d'aprs plusieurs thologiens et mme des intellectuels musulmans actuels, a mont le complot contre le troisime calife Othman en 656 et du coup il tait responsable des divergences des musulmans pendant cette priode. Cette mentalit d'imputer ses erreurs historiques l'Autre trouve son expression dans la culture arabo-musulmane. Cela est foment le plus souvent par un refus catgorique d'expliquer rationnellement les bouleversements historiques. En effet l'histoire politique musulmane retient que le concept de l'Umma repose sur le rve d'une socit homogne, o toute contestation, politique ou religieuse, est rejete car suspecte. Ce qui explique le dveloppement de la rhtorique du complot dans la culture arabo-musulmane, depuis la FUna, en passant par les croisades, les invasions mongoles... etc. Plusieurs vnements, tragiques certes, sont expliqus par "un complot contre la nation musulmane". Cette idologie fut accepte par la population musulmane comme idologie de ressentiment et d'amertume, car elle se dgage de toute responsabilit. Par ailleurs, elle tait machiavliquement cultive par la classe dirigeante musulmane, des fins politiques. L'ide de la conspiration va atteindre son point culminant dans les guerres isralo-arabes partir de 1949 et mme avant. Le discours nassrien et nationaliste arabe, aprs la guerre de 1967, pour expliquer la dfaite, avance qu'Isral et les Etats-Unis ont complot contre la nation arabe pour entraver sa renaissance et son dveloppement. D'autre part, les facteurs les plus importants de la crise culturelle contemporaine du discours culturel arabo-musulman se situe dans la tentative d'identifier les composantes de la culture occidentale mondialise, avec la peur ou la hantise pour sa culture nationale, son identit culturelle, et sa spcificit nationaliste hritire d'un legs historique important. D'o une culture arabo-musulmane contemporaine perue comme un rapport dsquilibr entre la perception et l'action, entre le "penser" brouill et l'agir vague. En outre, on peut ajouter que derruis la marginalisation de la rflexion philosophique et du rationalisme, vers le 111 me sicle, la culture arabo musulmane a t paralyse par la persistance des superstitions. Ajoutons cela l'analphabtisme et la primaut du fatalisme, sans oublier le manque d'esprit critique, la propagation de la mentalit du dni, o les erreurs ne sont pas avoues, et le verrouillage du systme politique. C'est ainsi que la mentalit du complot s'rige comme un raccourci mental et un dtour de la critique interdite et une libert limite, absente ou touffe. Elle est mme devenue un paravent pour celer toutes les difficults, dont souffre la socit arabo-musulmane. Mots cls: Arabe - Complot - Imaginaire - Islam - Juif - Musulman - Thorie
1) INTRODUCTION
On entend par mentalit du complot (en arabe: 'aqliat al moumara), l'approche d'imputer ses revers et ses dfaites politiques et culturels "l'Autre". L' "Autre" tranger et extrieur ici, est identifi par rapport au 'Nous", groupe prtendument compact, dans l'imaginaire arabo-musulman. L'expression de
"l'imaginaire arabo-musulman" qui figure d'ailleurs dans le titre de ce travail est emprunte de l'ouvrage qui porte le mme titre de Malek Chebel!. On signale la difficult de dfinir clairement cette notion de l'imaginaire arabo-musulman. Malek Chebel, lui-mme n'en donne pas une dfinition claire. Il parle plutt du concept de l'imaginaire comme une vision globale que peut acqurir un peuple pendant son interaction avec son entourage proche et lointain, d'une part, et l'interaction entre les composantes de cet entourage d'autre part. Mais aprs avoir mis en exergue la difficult d'tablir une dfinition claire, Chebel stipule que:
"Si les premiers balbutiements de cet imaginaire remontent la nuit des temps {.. .} il faut attendre le VIIe sicle aprs Je pour que celui-ci - fcond donc par la vertu insminatrice du monothisme musulman - puisse trouver ses repres spatio temporels dfinitifs... {.. .}... cet imaginaire arabe ancien, devenu depuis arabo musulman, a mis plusieurs sicles pour constituer [. ..} un socle de valeurs communes indispensables toute formes d'volution ultrieure. ,,2.
La rhtorique du complot a surgi trs tt dans la culture arabo-musulmane 3, mais elle a pris de l'ampleur dans les temps modernes vu que la personnalit arabe
1 _
2 _ Ibid. pp 21-22. La vertu insminatrice du monothisme musulman, dont parle ici Chebel est Jargement ancre dans le Coran et la Sunna du prophte (voir ces termes), qui constituent en grande partie notre corpus pour ce travail sur la notion du complot dans cet imaginaire arabo-musulman.
3 _ on signifie par culture arabo-musulmane, la culture propage sous la civilisation musulmane, dont la langue arabe est le principal vecteur linguistique et mme identitaire. Cette langue arabe est le vecteur qui ''fonde l'imaginaire de la nation dite arabe prcisment en raison de ce choi.x", selon les termes de Malek ChebeJ. ibid, p.14
2 actuelle porte une profonde blessure narcissique 4 . Ce qui est traduit le plus souvent par un manque dans l'appareil interprtatif d'expliquer rationnellement et
objectivement, les bouleversements historiques. Ainsi que par une faiblesse dans, ou par un rare usage de, l'approche autocritique. Il faut remarquer que la littrature arabe contemporaine a retenu
principalement les deux termes: Nadhariyat al moumara (Thorie du complot), pour souligner l'effort se voulant rationnel et objectif, et 'aqliat al moumara (mentalit du complot), pour souligner l'enracinement de l'explication par le complot dans le comportement et la mentalit. Cela tant, un dtour par le champ smantique de la notion du complot en arabe, parat essentiel.
1.1)
Champ smantique de la notion du complot en arabe (Mouamara, Makida, Dassissa ... etc.)
Plusieurs termes arabes peuvent signifier ou se rapporter au terme complot ou conspiration: HUa [ruse], l'timr, Moumara,
[complict], Makida [stratagme], Dassissa, khadi'a [intrigue]. Si ces termes font partie de l'arabe classique et figure dans les grands dictionnaires de la langue arabe 5 . Les termes comme Nadhariyat al moumara (Thorie du complot), 'aqliat al
moumara (mentalit du complot), Fikrat al moumara (l'ide du complot), et Fikr al moumara (la pense du complot 6) sont gnralement traduits partir de la langue
franaise ou anglaise.
4 _ Le rve du pass prestigieux est ressenti partout, des discussions les plus intimes jusqu'aux dbats les plus intellectuels.
5 _ Mandhour Ibn. Lissan A1 Arabe, Beyrouth. Edition Youssef Al-Khayat, 1988. Entre autres, mais gnralement Lissan al arabe reste le plus consult par les chercheurs arabes, car il est le plus exhaustif dans l'explication des racines du mot.
6 _ utilis entre autres par Pierre-Andr Taguieff dans "l'imaginaire du complot mondial". Paris. Mille et une nuits. 2006, p. 7
3 On signale l'absence de l'utilisation du tenue "l'imaginaire du complot", utilis en premier lieu par Marcel Gauchet?, et dont on propose ici une traduction "al mikhial al
intgre
l'inconscient
travers
plusieurs
historiques. Ainsi, par exemple, on parle de l'inconscient musulman contre celui occidental, ou vice versa 8.
1.2)
Cela tant, certaines nuances concernant le cadre d'analyse doivent tre prcises. Pour ce travail, il est pris en compte l'analyse du discours (religieux et politique 9 ) et aussi des vnements historiques qui se sont produits. La meilleure manire de procder (il existe assurment d'autres) consiste d'intgrer dans le cheminement de l'analyse, le travail mthodologique, en prenant en considration certaines donnes, historiques, psychologiques et sociologiques ... etc. Il arrive que, traitant un sujet mettant en cause les valeurs mme des connaissances, les sensibilits et les passions, l'analyse se trouve au centre du champ idologique. L'analyse du systme religieux musulman en termes de la "thorie du complot" est elle-mme un parti pris. Comment tre tout fait objectif dans ce cas?
7 _
Voir Vigne, Eric. "Le dmon du soupon", L'Histoire, n' 84, pp. 49-56
8 _ Arkoun, Mohamed. Ayna hou al-flkr al-islami al-mouassir? [O se situe la pense musulmane aujourd'hui ?]. Traduit par Hachem Saleh. Beyrouth. Dar as-Saqi. 1993, p 12.
9 _ pour ce, le corpus tudier sera le Coran, les Hadith et les ouvrages clbres de l'histoire musulmane (Ibn Hicham, Tabari, Ibn Athir ... etc), ainsi que certains discours politiques contemporains.
4
Un autre problme se pose; en effet l'Islam est un ensemble de tendances, d'coles, de doctrines, et de rites schismatiques. Est-il appropri (ou mme possible) d'analyser toute la production idologique islamique pour tre crdible dans l'analyse de la notion de la conspiration dans l'imaginaire arabo-musulman ?Les choses tant ainsi, l'option de la synthse reste la plus approprie, tout en essayant de mettre en uvre une dmarche qui mettra en exergue une logique qui sous-tend la mentalit du complot, susceptible de donner des claircissements sur l'ensemble. Mais toujours est-il que plusieurs remarques s'imposent: Dans le domaine de la thorie du complot, il est facile de faire des hypothses malS il est plus difficile de rassembler des preuves scientifiques d'un ventuel complot. Cette difficult est notamment rencontre par le chercheur dans l'histoire musulmane, quand il tudie la crise de la Fitna/ o (Grande Discorde) comme un fait social qui s'est produit naturellement dans l' histoire. Or, les preuves de la vracit (ou de la fausset) d'un ventuel complot sont toujoms difficiles mettre en vidence et toujours susceptibles d'interprtation. Cela ne signifie nullement que les complots n'existent pas ou n'ont jamais exist, mais la pierre d'achoppement des thoriciens du complot est la certitude de l'existence d'une conspiration. Ce qui implique, suivant cette logique, que l'analyse de tous les faits Il est aborde travers le prisme de cette thorie du complot. Ce qui les pousse chercher d'autres faits en relation avec le complot. Ainsi assiste-t-on l'appauvrissement de l'analyse voire sa sortie du champ de la logique scientifique, pour des explications mtascientifiques. Dans le domaine de la science, il est souvent fait rfrence aux concepts du philosophe Karl Popper. A ce sujet Popper dit: Une thorie qui n'est rfutable par
10 _ Fitna ou discorde: Crise politique violente aux implications religieuses sous le califat d'Ali (656- 661), et qui a bris dfinitivement l'unit des premiers Musulmans. Elle est plus connue sous le nom de la Grande Discorde.
Il _ Dans notre cas de la Fi/na, toutes les crises et les guerres qui ont eu lieu entre les compagnons du Prophte Mahomet.
,2.
Ainsi selon les critres de scientificit de Popper, une th~orie est scientifique, si elle est rpute falsifiable, c'est--dire si on peut en dmontrer l'ventuelle fausset. Pour la thorie du complot, on ne peut pas imaginer de mthode exprimentale pour en dmontrer la fausset, voire mme la vrification. Ainsi on ne peut savoir si elle est dmontre, et prouver ainsi que sa construction a obi une mthode scientifique. Par ailleurs, Daniel Pipes reproche aux thoriciens du complot de renverser le raisonnement qu'il appelle conventionnel 13 , bas sur l'induction, pour suivre celui de la dduction (la vrit est dj prsente il suffit de collecter les faits pour la confirmer). Toutefois, il ne faut pas oublier que ce processus de raisonnement est aussi scientifique. D'autre part, le fait que depuis le dbut du 20
ime
sicle les
politiques dans l'espace arabo-musulman ont t formules dans les capitales europennes 14, a contribu l'enracinement de la rhtorique du complot dans l'imaginaire arabo-musulman. Cela en fait ouvre sur un autre point crucial. C'est le terme mme de thorie
(nadhari). Il faut signaler que le terme "thorie" est utilis ici abusivement. En effet
la notion de complot ne respecte pas le critre de falsification nonc par Karl Popper, dans sa dfinition de la thorie. En d'autres termes, elle est toujours vraie, et suit une rationalit implacable. Concernant la thorie du complot chez Karl Popper, il a formul quelques remarques dans son ouvrage clbre
l5 ,
conception rpandue, bien qu'elle soit un type assez primitif de superstition. Popper
12 _ Popper, Karl: Conjectures et rfutations. La croissance du savoir scientifique. Paris: Payot ,1985, p 64 13 _ Pipes, Daniel: The Hidden Hand. Middle East Fears ofConspiracy. New York: St. Martin's Press, 1996. p. 252.
14 _ On cite par exemple, la dclaration Balfour de 1917 qui concerne l'tablissement d'un foyer national juif. L'accord ou les accords Sykes-Picot-Sazonov de 1916, dans le cadre duquel la France, la Grande-Bretagne et la Russie ont dmantel les territoires arabes de l'empire Ottoman."etc.
15 _
6
ajoute que dans sa version moderne, la thorie du complot est un produit caractristique du processus de lacisation des superstitions religieuses. Ainsi on ne croit plus aux dieux et leurs machinations, mais ils taient remplacs par les protocoles des sages de Sion, les imprialistes. "etc.
16.
dualit Islam/Occident est fondatrice de l'image de l'Autre (occidental) dans l'espace arabo-musulman. Certes, cette image n'est pas toujours ngative, mais la mmoire arabo-musulmane retient que l'Occident judo-chrtien est d'une faon ou d'une autre un adversaire. titre d'exemple, on cite un verset coranique qui revient frquemment dans le discours islamique : Ni les juifs ni les Chrtiens ne seront
jamais satisfaits de toi, jusqu' ce que tu suives leur religion. /7. Ce verset et d'autres hadiths/ 8 alimentent et constituent mme un vecteur d'un large courant du discours
islamiste contemporain qui explique les vnements et les faits par le complot. D'autres points sont soulevs dans l'article
Il
1119.
Jane
Parish se demande si les thories du complot prsentent une nouvelle catgorisation du vrai ou si elles sont seulement une solution ancienne qui rpond aux anxits du monde, de plus en plus incertain. Parish se demande aussi et surtout si les thories du complot actuelles constituent une faon d'assembler les informations possibles plutt qu'une qute de la vrit. En effet, dans le cas de cette mentalit dans l'espace arabe, la vrit existe dj, il suffit de collecter les informations pour la renforcer, sans pour autant essayer de contredire le postulat de base: la nation arabo-musulmane est victime de complot occidental ou amricano-sioniste (au meilleur des cas).
16 _
Ibid, p. 498.
17 _
18 _ Hadith: " rcit, propos". Ce terme dsigne les paroles et les faits du Prophte de l'Islam rapports par ses compagnons, dans le but de constituer le modle suivre par tous les musulmans. L'ensemble des hadiths, quand ils sont authentifis constitue la seconde source de la charia aprs Je Coran.
19 _ Parish, J and Parker, M (eds) The Age 01 Anxiety: Conspiracy Theory and the Human Sciences. Oxford: Blackwell. pp 1- 16
7
La thorie du complot est capable de rendre compte de n'importe quel vnement dans l'histoire, n'offrant ainsi aucune possibilit de vrification ou de rfutation. Elle est capable de faire des prvisions vagues qui ne peuvent jamais tre prises en dfaut. Ainsi, elle ne peut tre contredite, donc elle n'est pas scientifique.
Les points prsents constituent des prludes et des antcdents pour explorer la profusion, et la persistance de ce pli mental qu'on appelle ici 'aqliat al moumara (mentalit du complot/D, ou cette tentation de recourir abusivement l'interprtation par le complot qu'on appelle nadharia al mouamara (thorie du complot). Ici on s'aperoit des racines profondes de la thorie du complot dans la pense musulmane et qui faonne les perceptions des lites ou des couches populaires, soit dans le champ des relations internationales soit concernant leur situation existentielle, leur prsent et leur avenir. La question centrale en fait est: Pourquoi l'imaginaire arabo-m usulman demeure-t-il aux prises, ou sous l'emprise, de la mentalit du complot? Et pourquoi restera-t-il otage du dogmatisme et de la mentalit apologtique, ainsi que sous la domination de l'approche superstitieuse et souponneuse? Cet imaginaire serait-il rebelle ou tanche aux analyses critiques et autocritiques de son corpus religieux et historique (hiss lui aussi au rang du sacr ou du tabou)? Aussi, la notion du complot resterait-elle un instrument pour celer toutes les difficults pistmiques, politiques et morales dont souffre cet imaginaire ou cette culture? Ce travail a pour objectif de rpondre ces questions spcifiques, et d'offrir une comprhension des raisons d'tre de la mentalit et de la thorie du complot dans
20 _ ou mme 'oqdat al mouamara (complexe du complot), selon les termes de Cheikh Hussein Al Khechen Voir Khechen (AI), Cheikh Hussein. Al islam wa al 'onf [l'islam et la violence]. AI markaz at-taqafi al-arabi. Casablanca, Beyrouth. 2006. pp 257-261
8
l'imaginaire arabo-musulman. Du mme souffle, mettre dans une perspective critique le recours maladif, en un certain sens, et abusif mme, au complot pour essayer de comprendre des faits et des vnements essentiellement d'ordre politique et gopolitique, est une tape dcisive dans les efforts pour remdier au dficit du rationalisme, de l'esprit critique et de la culture dmocratique dans l'espace arabo musulman.
La mthodologie utilise dans ce travail est dductive, et le type de sources utilises se situe principalement dans la recherche bibliographique. Plus prcisment, cela signifie que le travail se base sur une analyse des textes et des discours des auteurs qui participent au dbat sur la pense et l'imaginaire arabo-musulmans. Ensuite, ces auteurs sont utiliss pour dfendre le point de vue l'tude. Cette mthode possde deux variables sur lesquelles est bas le prsent travail. La premire est le rtrcissement du sens critique dans l'analyse du corpus religieux et historique, dans la culture arabo-musulmane. La deuxime, consiste dans l'enracinement de la mentalit du complot dans l'imaginaire arabo-musulman. Afin de vrifier notre hypothse, nous utiliserons principalement le corpus religieux et historique. Les sources sont le Coran et ses principales exgses (tafssir
at-tabari. et tafssir Al Qortobi), le corpus de la Sunna21 (Sahih al Boukhari et Sahih Muslim rfrences principales des hadiths de l'Islam sunnite), et les principaux livres
de l'histoire musulmane: Al-Kami! fi al-Tarikh [L'histoire complte] d'Ibn Athir, Al
21 _
Sunna: paroles et actes du prophte et plus gnralement les enseignements et les exemples
qu'il a donns.
9
sources sont utilises, savoir entre autres les pactes de Hamas et les discours politiques des islamistes et des nationalistes. La raison de ce choix se justifie, par la raret des ouvrages ayant trait de la mentalit du complot dans l'espace arabo musulman. Toutefois, il faut signaler que l'argumentation des auteurs arabes ayant analys la mentalit et la pense arabo-musulmane nous permettra de mieux approcher et saisir notre problmatique. Comme nous l'avons remarqu travers le cadre d'analyse, tout le travail consiste trouver le fil conducteur dans cette bibliographie, pour dmontrer notre thse. Cette approche dductive nous force finir cette recherche avec une ouverture sur les difficults de la pense arabo-musulmane intgrer le paradigme moderniste.
Dans l'introduction, la problmatique et l'hypothse de recherche sont les deux lments importants traits, ainsi que les variables explicatives retenues dans notre hypothse de recherche. L'laboration de la problmatique permet de mieux saisir l'enracinement de la thorie du complot dans la mmoire collective arabo musulmane. Nous serons alors mme de mieux analyser certains antcdents historico-religieux car plusieurs rflexions, surtout sur les premiers temps de l'Islam, concourent une meilleure comprhension de la thorie du complot dans l'espace musulman. Dans un premier temps, il faudra d'une part, mettre en contexte les rcits du Coran sur les intrigues des Juifs contre leurs prophtes et aussi contre les autres nations. D'autre part, il faut mettre en vidence, les confirmations de la Sunna du prophte Mahomet sur le rle "complotiste" des Juifs contre l'Islam et son prophte. Ce qui alimente encore plus l'imaginaire musulman et le rend fragile devant la tentation de l'interprtation historique partir du prisme du complot, surtout juif. Sans oublier ce qu'on peut retenir des ouvrages historiques de la civilisation arabo musulmane, sur la conspiration juive et persane dans la Fitna. Il est mis ensuite de la lumire sur cette priode cruciale de l'Islam, ainsi que sur le rle prtendtJ de
10
Abdallah Ibn Saba clbre personnage de la FUna, hiss au rang de la lgende, et
qui aurait selon des sources historiques mont tout le complot contre l'autorit califale. Ces lments mettront en place la base de ce travail. Concernant la seconde partie, elle se divisera en deux principales sections: la premire rend compte du discours nationaliste arabe (nassrien par exemple) et islamiste (on a retenu les exemples les plus connus; ceux d'Al Qada, et le Hamas). Tandis que la seconde section met en relief l'puisement du sens critique et l'enracinement de la blessure narcissique dans la mmoire collective arabo musulmane. Ces deux sections sont ncessaires afin de bien cerner 1'hypothse de recherche de la problmatique pose dans le mmoire. Ce sont aussi des sujets qui vont toucher plus directement, l'imaginaire politique arabo-musulman, et comment il continue d'accepter l'interprtation par la thorie du complot. Cette analyse cible les caractristiques qui nous aident prcisment comprendre certains cts du discours arabo-musulman contemporain, qui vhicule la rhtorique du complot. Le premier chapitre concerne les antcdents historico-religieux islamiques de la thorie du complot. Celui-ci est important pour notre le prsent travail. Il met en lumire ce qui constitue nos yeux les origines de la notion du complot contre l'Umma 22 . Ce qui s'ouvre sur l'incapacit, voire l'chec de la pense scientifique et philosophique arabo-musulmane qui s'est teinte prcipitamment, crer une tradition permanente. Le second chapitre se veut une contribution pour dmontrer que la notion du complot reste un outil ou une chappatoire pour cacher les difficults pistmiques, politiques et morales que la pense arabe prsente dans plusieurs de ses manifestations. Parmi celles-ci, il faut considrer l'utilisation "machiavlique" de la notion du complot par la classe politique dirigeante dans l'espace arabe ainsi que les difficults d'tablir des espaces de participation politique.
22 _ Terme Coranique dsignant la communaut des musulmans prise dans son ensemble dans le monde entier. Traduit parfois par Nation (connotation politique), ou Communaut (aspect religieux et culturel).
Il Finalement, la conclusion nous permet de faire un rcapitulatif gnral sous forme de rappel et de vrification de l'hypothse pour ensuite finir sur une tentative de dconstruction de la thorie du complot en gnral, avec une ouverture sur les principales difficults de la pense arabo-musulmane contemporaine.
Le but des lignes qui suivent est de mettre en lumire la priode de l'Islam originel, lors de la formation du petit tat musulman de Mdine, ainsi que la priode des troubles aprs la mort du prophte en 632 (les vnements de la Grande Discorde).
Principalement, il est question d'analyser les versets coraniques sur les Juifs, pour voir ensuite les relations entretenues par ces derniers avec Mahomet Mdine.
Le Coran (Qur 'an en arabe qui dcoule du syriaque qeryn), le livre sacr de l'Islam, est divis schmatiquement en deux grandes parties: une partie dite mecquoise, constitue de sourates transmises au prophte la Mecque. Ces sourates mettent entre autres l'emphase sur la polmique engage par Mahomet avec sa tribu Qorach, concernant les idoles de cette dernire. Mais aussi sur les dimensions spirituelles, sur l'au-del, le salut de l'homme et la dlivrance du pch. Concernant les Juifs (appels aussi Banu IsraI 23), les versets de cette partie sont consacrs l'histoire du peuple juif. Mais l'accent est mis sur leur souffrance, notamment sous les Pharaons (particulirement celui de l'exode Mineptah 24 fils de Ramss II), leurs
23 _ Fils d'Isral ou Jacob (fils d'Abraham), par opposition aux Arabes aux fils d'Ismal (fils d'Abraham aussi), selon la tradition abrahamique. 24 _ On adhre ici l'avis de Maurice Bucaille, considrant Mineptah comme le Pharaon de l'exode, dans son ouvrage Mose et Pharaon. Paris, Seghers, 1995
13
relations avec leurs prophtes et commandeurs, ainsi que leur parcours historique avant l'avnement de l'Islam. L'autre paltie, dite mdinoise, est constitue de sourates transmises Mdine, aprs l'migration (Hijra) du prophte Yathrib (qui devient Mdine ou la ville du Prophte) en 622. Elle reprsente la partie politique et conqurante de la vie du prophte. Mais aussi la partie qui contient les versets dnigrant plus les Juifs. Quand Mahomet est arriv Mdine, la ville et ses alentours, taient habits par deux tribus arabes, les Aws et les Khazraj, ainsi que trois principales tribus juives
Banu Qaynuqaa, Banu an-nadir et Banu Qurayza, en plus d'autres tribus, juives
paennes, animistes et chrtiennes aux alentours de la ville Mahomet signa un pacte
26 25 .
al-madina) avec ces tribus. Le point qui concerne les Juifs dans ce pacte est que ces
derniers sont appels se montrer solidaires avec la communaut musulmane, et cooprants pour leur propre bien tre et leur protection de la part des Musulmans. Ils sont appels aussi ne pas cooprer avec Qorach, ce moment en conflit avec le prophte Mahomet
27 .
Pendant cette priode Mdine, les versets coraniques mme ceux mdinois, sont axs plus sur l'histoire du peuple juif, leur rappelant tout de mme qu'ils ont t
25 _ Pour plus d'informations sur les tribus juives de Mdine veuillez voir: ABITBOL Michel. Le Pass d'une discorde: Juifs et Arabes du VIle sicle nos jours. Paris. Perrin. 1999. Pp. 13-27. Watt William Montgomery. Mahomet Mdine. Paris. Payot. 1959. Pp. 231-265. Lewis, Bernard: Les Juifs en terre d'Islam, Paris, Flammarion, 1986. p. 22-27. ATTALI. Jacques. Les Juifs, le monde et l'argent: histoire conomique du peuple juif. Paris. Fayard 2002. Pp 173-177.
26 _ Document fondateur de la vision politique en Islam. II est connu sous plusieurs appellations: douslour (constitution de Mdine), walhiqa (document) ou pacte formul Mdine. Il a tabli les fondements de la paix sociale, de scurit interne et ceux de la dfense de dar al-islam. Il est peru en tant que testament sur les fondements du nouvel tat musulman qui a pris naissance en 622. Ce pacte a t sign entre le prophte Mahomet et les principales tribus non musulmanes des alentours de Mdine. Pour une lecture approfondie de ce pacte, voir Watt, William Montgomery. Op cil, pp 267-275.
27 _
Pour plus de dtails voir: Aoun, Sami. Mots cls de l'islam. Montral. Mediaspaul. 2007, p
44
14 ingrats envers Dieu qui les a bni et qui ont t confies ses paroles. " enfants
d'Isral, rappelez-vous Mon bienfait dont Je vous ai combls, (Rappelez-vous) que Je vous ai prfrs tous les peuples (de l'poque)." (La Vache, 46). Jusqu' les
maudire:
Il
mcrance aux rvlations de Dieu, leur meurtre injustifi des prophtes... " (Les
Femmes, 154). C'est avec de tels versets et d'autres encore que la communaut musulmane, nouvellement constitue, a entam ses contacts avec les Juifs de Mdine,
"le plus important centre de vie juive en Arabie" l'poque, selon les termes de
Walter Short28 . Une autre image du Juif est venue ainsi se dessiner dans l'imaginaire collectif musulman, s'ajoutant celle qui mane des controverses sur le dogme. Il est bien vident que Mahomet dnona la mutilation par les Juifs, des Livres Sacrs, dans ces polmiques avec les rabbins de Mdine. Le Coran lui-mme avance:
"Nous les avons maudits et endurci leurs curs: ils dtournent les paroles de leur sens et oublient une partie de ce qui leur a t rappel. Tu ne cesseras de dcouvrir leur trahison, sauf d'un petit nombre d'entre eux ... " (La Table, 14), et "Malheur, donc, ceux qui de leurs propres mains composent un livre puis le prsentent comme venant de Dieu pour en tirer un vil profit! - Malheur eux, donc, cause de ce que leurs mains ont crit, et malheur eux cause de ce qu'ils en profitent!" (La Vache, 78).
Ces versets dirigs contre les Juifs, ont t appris par les compagnons du prophte, mais la relation entre les Musulmans et les Juifs a normalement continu, caractrise par le respect du pacte de Mdine, et n'allait se dtriorer qu'aprs le ralliement de ces derniers aux arabes des tribus des Aws et des Khazrajs, qui ont refus le prophte et la nouvelle religion (le prophte les a appels al-mounafiqoun ou les hypocrites). A partir de cet vnement et d'autres qui suivront, le style coranique envers les Juifs allait prendre une autre tournure. La dtrioration des relations judo-musulmanes
28 _ In The exclusion of the Jews and Christians from the Arabian Peninsula, cit par ATTALI. Jacques. Les Juifs, le monde et l'argent: histoire conomique du peuple juif. Paris. Fayard 2002. P. 175.
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allait s'accentuer avec le changement de la Qibla 29 par Mahomet sur un ordre coranique en 623. Les Juifs allaient s'opposer de plus en plus au pacte de Mdine pour rgler leurs diffrends et litiges avec les Musulmans, ainsi que s'allier au prophte dans ses batailles contre Qorach (Badr 624 et Ohod en 626, Al-khandaq 627). Ces vnements ont t mis en vidence par le Coran, dans plusieurs versets, mais en mettant plus l'emphase sur le comportement hostile des tribus juives de Mdine: "Ni les mcrants parmi les gens du Livre, ni les Associateurs n'aiment
qu'on fasse descendre sur vous un bienfait de la part de votre Seigneur ... " (La
Vache, 104), ou "Nombre de gens du Livre aimeraient par jalousie de leur part,
pouvoir vous rendre mcrants aprs que vous ayez cru. Et aprs que la vrit s'est manifeste eux ... " (La Vache, 109). La dtrioration des relations allait atteindre
son point culminant avec la bataille de Khaybar en 628 o une partie de la tribu Banu
an-Nadir retire Khaybar au Nord de Mdine, aprs leur expulsion 3o de cette ville
par le prophte en 625. Cet pisode de l'histoire musulmane, caractrise par les premiers contacts des Musulmans avec une communaut juive qui venait elle aussi de dcouvrir un environnement monothiste autre que le sien, n'a dur que 6 ans (de 622 628). Mais
29 _ La Qibla veut dire direction. C'est le point vers lequel les Musulmans se tournent lors des prires. Mahomet a pri en se tournant vers Jrusalem (Al Quds), comme le faisaient les Juifs. Le changement de la Qibla vers la Mecque a t sollicit par Mahomet mais non accept par les Juifs qui ont vu dans ce changement un acte offensant. La prire vers la Mecque a t politiquement considre par certains historiens comme le signe annonciateur de la prise de cette ville par les Musulmans, quelques annes plus tard. Voir Aoun, Sami. Mots cls de l'islam. Montral. Mediaspaul, 2007, pp 100-101
30 _
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fermement conclu avec Dieu, coupent ce que Dieu a ordonn d'unir, et sment la corruption sur la terre. Ceux-l sont les vrais perdants." (La Vache, 27), l'explication
donne par l'exgte Tabari (839-923), est que les gens viss par ce verset ne sont pas ncessairement les Juifs. Tabari cite plusieurs catgories de gens, qui rpondent la description coranique dans ce verset, dont plusieurs rabbins juifs d'Arabie. Ces derniers, selon Tabari, ont refus de reconnatre le message de Mahomet que les textes bibliques eux mmes prdisent selon la tradition musulmane 3 '.
Le Coran retient aussi de l'loge et du louange pour les Juifs: '''En vrit, nous
avons accord aux enfants d'Isral les Ecritures, le commandement et la prophtie, de bonnes choses, et nous les avons favoriss plus que [tous] les peuples." (Al Jaithiyah: 16). Les exgtes du Coran sont d'accord que ce privilge accord par le
Coran aux Juifs tient au fait qu'ils formaient le seul peuple monothiste de l'antiquit. Narunoins, l'image ngative du peuple juif dans le Coran est celle qui a prim jusqu' aujourd'hui. Ce qui apparat bel et bien dans la tendance traditionaliste actuelle, dont le tmoignage d'Abdoul-Sattar EI-Sayed, Mufti de Tartous (Syrie) :
Le Coran a dress un sombre tableau des Enfants d'Isral, ne les montrant que sous forme de horde disperse, possde par une me pernicieuse qui vite tout ce qui est bon et apporte le dsastre tout ce qui est dans le droit chemin. La description coranique des enfants d'Isral n'est pas la description d'un phnomne
Il
31 _ Le Coran estime que les textes religieux juifs et chrtiens ont prdit ['avnement de Mahomet, mais cela a t occult par les rabbins et les prtres. Voir notamment: "Ceux qui suivent le Messager, le Prophte il/el/r qu'ils trouvent crit (mentionn) chez eux dans la Thora et l'Evangile. JI leur ordonne le convenable, leur dfend le blmable, leur rend licites les bonnes choses, leur interdit les mauvaises, et leur te le fardeau el les jougs qui taient sur eux. Ceux qui croiront en lui, le soutiendront, lui porteront secours et suivront la lumire descendue avec lui; ceux-l seront les gagnants" (AI A'raf, 137). Cette question a t traite par certains intellectuels musulmans qui ont essay de montrer que Mahomet est bel et bien mentionn dans le texte biblique connu aujourd'hui. Voir notamment l'ouvrage d'Ahmad Didat. Mohammed dans les critures bibliques. Traduit de l'Anglais par Cheikh B. Hamza Editions ENAG, Alger. 1989.
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qui serait apparu durant l're de la Prophtie, mais plutt d'une tare ancienne transmise depuis des ges par une gnration de Juifs l'autre. (..) Qui plus est, les Juifs devinrent fourbes et perfides, sanctionnrent toutes les actions interdites et prtendirent ensuite qu'elles leurs avaient t ordonnes par Dieu et taient prvues par la loi. En agissant ainsi, ils dsiraient confrer ces pchs et ces vices un , , ) caractere sacre. ( .... ,,32
Cette image ngative des Juifs, repnse par plusieurs reprsentants 33 du courant islamiste traditionaliste actuel, provient essentiellement du Coran. En effet, plusieurs versets coraniques retiennent des dfauts que le Coran a attribu aux Juifs, entre autres: Le blasphme envers Dieu et l'assassinat des prophtes: "Dieu a
certainement entendu la parole de ceux qui ont dit: Dieu est pauvre et nous sommes riches. Nous retiendrons leurs paroles, ainsi que leur meurtre, sans droit, des prophtes. Et Nous leur dirons: Gotez au chtiment de la fournaise 1" (Al-Imran:
181). Il faut retenir que les exgtes Tabari et Al Qortobi restent largement spcifiques et prcis dans l'explication de ce verset. Ils retiennent tous les deux la mme explication et avancent que les Juifs viss par ce verset sont un groupe de Juifs qui vivaient au temps du prophte. Ils sont entrs avec ce dernier et son compagnon
meurtre, sans droit, des prophtes" veut dire le consentement de ce groupe des Juifs
32 _ Les Juifs et Isral vus par les thologiens arabes, Extraits des procs verbaux de la 4me Confrence de l'Acadmie de Recherche islamique 1968. prf. pour l'd. franaise de Lon Poliakov; compilation et introd. de D.F. Green; trad. franaise de Jean Christophe Pala. Genve Ed de l'Avenir, 1974, p 43 33 _ L'exemple le plus frappant est l'ouvrage du Cheikh d'AI AZHAR en Egypte, Mohamed Sayyed Tantaoui. Banu _israilJiI_kitab_wassunah. Banu Isral dans le Coran et La Sunna. Le Caire. Dar Ashourouq. 1996. L'ouvrage est l'origine la thse du doctorat de Tantaoui, prsent AI Azhar en 1966.
18 aux meurtres de certains prophtes hbreux. Ce consentement a t clair dans la mme discussion avec les compagnons du prophte, notamment Abou Bakr. Il est clair que l'interprtation exgtique de ce verset reste prcise, et n'attribue pas le mensonge et le meurtre des prophtes, tous les Juifs comme il apparat dans la littrature arabo-islamique contemporaine 34 . Toutefois, ce mme discours se rfre un autre verset, qui s'avre plus clair sur la question de l'assassinat des prophtes. Le Coran dit ce sujet, en parlant des Juifs guids par Moise: ".. .L'avilissement et la misre s'abattirent sur eux; ils
encoururent la colre de Dieu. Cela est parce qu'ils reniaient les rvlations de Dieu, et qu'ils tuaient sans droit les prophtes. Cela parce qu'ils dsobissaient et transgressaient." (La Vache, 61). Les Juifs concerns par ce verset sont ceux du
temps de MOse 35 . Le verset lie la cause de l'assassinat des prophtes aux malheurs (avilissement, misre ... etc.) abattus sur eux, selon les termes du verset, comme consquence. Le verset est donc prcis, mais le fait d'taler ce jugement tous les Juifs travers le temps (soit par dficit pistmologique ou un surplus idologique) pousse accepter un rle machiavlique des Juifs dans l'histoire.
En outre, il est une autre image que retient l'imaginaire musulman des Juifs, partir du Coran, c'est la dsobissance Dieu. "Et puis, cause de leur violation de
l'engagement, Nous les avons maudits et endurci leurs curs". (La Table, 13). Dans
ce verset aussi, les exgtes restent prcis. Ibn Kathir, pour ne citer que lui, parle dans son explication de ce verset de l'engagement qui a t conclu entre le prophte et les tribus juives de Mdine et rompu par certaines d'entre-elles. Dans ce cas aussi, ce ne sont pas tous les Juifs qui sont viss, comme il peut apparatre dans certains discours contemporains, mettant plus en vidence l'image du Juif comploteur.
Tantaoui, Mohamed Sayyed. Banu _israilJi'- kitab_wassunah. Op cit. pp 5- 7
34 _
35 _ Tabari, Imad Ed-dine Mohamed. Tafssir at-tabari. Exgse du Coran. T 1. Damas. Dar al fikr. 2001. P 457
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Une autre image retenue, qui est celle de la dformation des Livres Sacrs. A ce sujet, le Coran dit: "Malheur, donc, ceux qui de leurs propres mains composent
un livre puis le prsentent comme venant de Dieu, pour en tirer un vil profit! Malheur eux, donc, cause de ce que leurs mains ont crit, et malheur eux cause du profit qu'ils en tirent l' (La Vache, 79). Ce verset est largement repris
comme preuve que les Juifs ont dform les critures saintes. Toutefois, un dtour par les exgses du Coran ouvre la voie une autre lecture. En effet, Tabari retient une explication, avanant que ce verset concerne des Juifs qui au temps du prophte, ont crit un livre et le vendaient aux arabes bdouins, comme venant de Dieu 36 . Le verset coranique vise dnoncer cette pratique. Concernant le mme verset Tabari donne une autre explication. Et celle-l revient toujours dans le discours islamique moderne. A savoir que le livre dans le verset est la Torah d'o les Juifs de Mdine 37 , ont laiss tomber le nom de Mahomet. C'est--dire que les Juifs ont cart la preuve de la prophtie de Mahomet et son avnement de leurs livres sacrs pour rpondre aux accusations de la nouvelle religion. Notamment que le judasme est une religion errone. Il est adquat de signaler que cette controverse cite par Tabari et d'autres historiens (comme Ibn Hicham), concernait plutt les rapports entretenus entre les Musulmans et les tribus juives aprs que ces dernires ont rompu le pacte de Mdine. Mais le discours islamique survenu aprs, parle de la question du rejet du message de Mahomet, par le judasme (et aussi par le christianisme), partir de ce verset, donnant ainsi plus d'importance l'attitude de tous les Juifs, en tant que peuple, d'occulter les signes qui annoncent l'arrive de Mahomet 38 . Mais, le dfaut qui reste le plus cit
36 _ Tabari, Imad Ed-dine Mohamed. Tafssir at-tabari. Exgse du Coran. T II. Damas. Dar al fikr. 2001. P 48.
37 _ Ce sont toujours ces tribus juives qui taient en contact avec les musulmans nouvellement converties dans la socit de Mdine.
38 _
On peut vite s'apercevoir de la difficult technique de dissimuler de tels signes, des critures
saintes.
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dans la littrature musulmane et qUi sert mme pour alimenter la rhtorique du complot dans l'imaginaire musulman est la notion de l'hypocrisie, en arabe Nifaq. Dans un verset coranique, il est dit: "En prsence des croyants, ils disent: nous
croyons. Mais quand ils se trouvent seuls avec leurs diables, ils disent: nous sommes avec vous; en effet, nous nefaisions que nous moquer (d'eux)" (La Vache 14). Il faut
rappeler que les exgtes Ibn Kathir et Al Qortobe 9 avancent que ce verset parle des hypocrites de la tribu Qorach, qui exprimaient leur appartenance l'Islam et faisaient serment qu'ils taient Musulmans, alors qu'ils ne l'taient pas. Mais Tabari, dans son explication de ce verset avance, en plus de l'explication retenue par plusieurs exgtes, une possibilit que ce verset pourrait signifier des hommes des tribus juives de Mdine qui jouaient ce jeu. Toujours est-il que le discours islamique contemporain ne se gne gure d'utiliser ce verset pour parler de l' hypocrisie absolue des Juifs, mettant en vidence un autre verset: "Commanderiez-vous aux gens de faire le bien, en oubliant vous-mmes de le
faire, alors que vous rcitez le Livre? Etes-vous donc dpourvus de raison ?". (La
Vache, 44). Et qui concerne les Juifs pl us clairement. La jalousie (en arabe al hassad) comme dfaut s'ouvre sur le dsir de faire mal aux Musulmans et de chercher les corrompre. C'est du moins ce qu'on peut lire dans le verset suivant: "Nombre de gens du Livre aimeraient, par jalousie, pouvoir vous
rendre mcrants aprs que vous avez cru. Et aprs que la vrit se fut manifeste eux. " (La Table, 109).
Dans ce verset aussi, les exgtes sont loin de la gnralisation qui articule certains discours islamiques contemporains. En effet, Tabari par exemple, reste trs prcis dans son explication retenue pour ce verset. Les gens du Livre, dont il est question dans le verset ci-dessus sont toujours la communaut juive de Mdine au temps du prophte. Tabari donne mme quelques noms des Juifs viss prcisment et exclusivement par le verset, notamment les deux frres Hoyay Ibn Akhtab et Abou
39 _ Il arrive souvent que deux ou plusieurs exgtes donnent une mme explication seul verset ai.! mme que les divergences soient minimes.
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Yasser Ibn Akhtab qui, selon Tabari, poussaient les Musulmans renoncer la
nouvelle foi. Ils taient trs rputs par leur haine envers Mahomet et la petite communaut musulmane de Mdine. Quand Al Qortobi, il n'est gure prcis et reste plutt laconique en disant que le verset concerne les Juifs. On se contentera de ses versets pour la commodit de l'tude. Encore faut-il signaler que les versets coraniques cits parlaient des Juifs dans des cas spcifiques 4o . Ce qui ne laisse gure de possibilit pour gnraliser ces accusations, tous les Juifs du monde et travers les poques. Cela tant considr, qu'en est-il maintenant des relations des Juifs avec le prophte?
Comme il a t brivement esquiss ci-dessus, les rapports de Mahomet avec les Juifs de Mdine taient plutt conflictuels et traverss par des apprhensions mutuelles. Les Juifs assistaient l'largissement de la communaut musulmane autour d'un nouveau prophte non juif. Du point de vue religieux, le prophte allait rompre avec le dogme des tribus juives mdinoises. Il a commenc par ne plus se tourner pour la prire vers Jrusalem, mais plutt vers la Kaaba la Mecque, sanctuaire des divinits de pierre, adores par Qorach. La rupture avec la tradition thologique juive allait s'instaurer au fur et mesure que le rituel musulman prenait forme et se distinguer par rapport aux prceptes bibliques concernant la manire de prier, de jener41
... etc.
40
Dans les sciences du Coran, on parle des causes de la descente du ou des versets (asbab an
nouzoul)
41 _ Dans un hadith rapport par Boukhr et Muslim, selon Ibn Abbas: "Lorsque le Prophte (PBSL) arriva Mdine, il apprit que les Juifs jenaient Achoura. Il demanda alors: Quelle est la raison de celle pratique? On lui rpondit: C'est un jour bni. Mose fut sauv en ce jour, ainsi que les enfants d'Isral, contre les agissements de leurs ennemis. (Par reconnaissance envers Son Seigneur), Mose jena ce jour. Le Prophte conclut alors: Je suis plus proche de Mose que vous autres (c'est- dire: j'ai plus de lgitimit me revendiquer de cette pratique de Mose que vous, en raison de la proximit spirituelle qui me lie lui). Il jena, par consquent, ce jour et ordonna de le jener."
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mme au nIveau de la manire de s'habiller. De plus, si les Juifs de Mdine s'attendaient attirer Mahomet vers leur religion, ce dernier s'est montr plus ferme et a demand leurs rabbins de se convertir l'Islam. Ce qui tait inacceptable pour les docteurs de la loi juive, qui se sont montrs plus rservs, et rticents Mahomet. En effet, "la dispute thologique est trs vive avec les rabbins qui accusent Mahomet
de dformer le texte biblique,,42. Mahomet, en plus, s'est avr menaant pour leurs
privilges sociaux et religieux. En effet "si le plan de Mahomet russirait, les Juifs
perdraient tout espoir de domination ... ,,43 . En sus, selon le pacte de Mdine (art. 23,
24), tous les diffrends devraient tre ports devant Mahomet. Politiquement, ce dernier allait dclarer la guerre aux Juifs de Mdine, aprs que ces derniers aient rompu le pacte de Mdine conclu avec lui, juste aprs son arrive. Aprs la victoire des Musulmans sur Qorach la bataille de Badr en 624, la nouvelle religion dont Mahomet se dclare le messager, allait prendre de l'ampleur. Le premier contact conflictuel du prophte a t avec la tribu des Banu
Toutefois quand le jene du Ramadan fut prescrit en 624 (Coran, La Vache II, 183-185 et 187), le Prophte n'imposait plus ses compagnons de consacrer un jour de jener l'occasion de Achoura (Rapport par el bukhr (Hadith 2003) et Muslim (Hadith 1129)). A la fin de sa vie, le Prophte a dcid de ne plus jener un jour seul ette occasion. Il a voulu en effet accompagner 'Achoura un autre jour de jene, en vue de se distinguer des Juifs (rapport par Muslim (1 J 34).
42 _
ATTALl. Jacques. Op cit. p. 175. WATT William Montgomery. Mahomet Mdine. Paris. Payot. 1959. P 243
43 _
44 _ Entre autres HICHAM Ibn, As-sira an-nabawyia. [La biographie du prophte Mahomet]. Beyrouth. Moassassat al-ma 'arif li-atiba'a wa an-nachr. 2005. tome II, p 561
23 tribu de Banu Qaynuqaa est assige par le Prophte et quelques jours aprs cette tribu juive tait contrainte de quitter Mdine
45 ,
En 625, lors de la bataille d'Ohod entre Qorach d'un ct et Mahomet et ses disciples mdinois de l'autre, la tribu juive des Banu an-nadir a choisi de soutenir les ennemis mecquois de Mahomet. Ce soutien est survenu surtout aprs la mort de leur pote Kaab Ibn al-Achraf, dont les pomes visaient tourner Mahomet en drision, et dtruire la rputation des Musulmanes de Mdine. Suite la victoire du prophte, Kaab s'est rendu la Mecque pour inciter les Mecquois la vengeance, ce qui a t fait dans la bataille d'Ohod. Il est rapport que Mahomet lui-mme a ordonn son assassinat. Dans ce climat de tensions entre le prophte et les Banu an-nadir, ces derniers ont t chasss de Mdine vers le nord aprs avoir t assig pendant des jourS.
46
Le troisime conflit entre Mahomet et les Juifs de Mdine se dclencha vers 627, aprs que la dernire tribu juive de Mdine, les Banu Qurayza, ait dcid de soutenir Qorach dans son sige aux Musulmans dans la "bataille du foss" [Ma 'rakat
al-Khandaq]. Aprs l'chec des Mecquois dans leur sige, Mahomet dcide
45 _ On se rfre aux ouvrages d'histoire, arabo-musulmans, car les vnements ayant mis aux prises le prophte et les Juifs, comme le note Michel Abitbol, "n'ont laiss que trs peu de traces dans les sources juives" (ABrTBOL. Michel. Op cit. p 27). Abitbol retient deux raisons essentielles de la raret des traces de ces vnements: " Non seulement celles-ci vitent d'voquer ouvertement le sort des tribus judo-mdinoises, mais lorsque, quelques annes aprs la mort de Mahomet, les armes arabes se lancent la conqute du monde , les Juifs qu'elles rencontrent sur leur parcours leur rservent, en rgle gnral, un accueil trs favorable, (... ). Mais par une sorte de censure, le personnage lui-mme de Mahomet est trs peu voqu dans les textes juifs ... ". ABfTBOL. Miche, Op cit. P. 27.
46 _ Il faut signaler que ces vnements relats, presque de la mme faon dans les ouvrages historiques arabes, sont autrement dcrits par deux chroniques: Seder Eliyahu Zatu du rabbin crtois du XVIe sicle, eliyahu Capsali, et Sefer Divrei Yose! du rabbin gyptien du XVIf sicle Yosef Sambari. Les deux rabbins ont soulign le rle des Juifs dans l'ascension de Mahomet, tout en "lavant" (selon l'expression d'Abitbol) Mahomet de toute responsabilit directe dans le sort subi par les juifs de Mdine. Pour plus d'explications voir ABrTBOL. Michel. Op cil. p. 28.
24
d'assiger son tour les Banu Qurayza accuss de comploter contre les Musulmans au profit des Qorachites. Sur l'ordre du prophte, plusieurs dizaines de Juifs ont t 47 ensevelis dans des fosss, tout en pargnant les femmes et les enfants . La srie des rapports conflictuels entre Mahomet et les Juifs de Mdine, allait prendre fin avec la prise de Khayba/8 par Mahomet, vers 629. En effet, cet oasis est devenu, ds le dbut des conflits entre la petite communaut musulmane et les tribus juives Mdine, un refuge pour tous les Juifs qui cherchaient la vengeance. Selon les termes mme du philosophe arabe contemporain Mohamed Abed Al Jabri : "l'oasis de Khaybar est devenu un centre de complot,,49. De Khaybar, devenue source de dangers pour les Musulmans de Mdine, les Juifs prparaient leur guerre Mahomet. Ce dernier tait plutt proccup par le pacte dit de Hudaibiya 50. Une fois ce dernier conclu avec ses ennemis Mecquois, il assige Khaybar et ses habitants se rendirent aprs plusieurs semaines de combats. Le Prophte vainqueur laissa aux Juifs leurs terres cultiver, en contrepartie, la moiti de leurs rcoltes est verse aux Musulmans. La prise et la reddition d'autres petits villages juifs, ont suivi rapidement aprs la chute de Khaybar. Avec cette premire conqute arabo-musulmane, allaient prendre fin les rapports conflictuels entre Mahomet et les Juifs de Mdine et ses rgions. Les Juifs devenus faibles et les Musulmans de plus en plus puissants. L'imaginaire musulman donne beaucoup
47 _ voir Ibn Hicham As-sira an-nabawyia. [La biographie du prophte Mahomet). Beyrouth. Moassassat al-ma 'arif li-atiba' a wa an-nachr. 2005. Tome III, pp 722-724.
48 _ Oasis au nord de Mdine, qui a t massivement habite par les Juifs chasss par le prophte Mahomet de Mdine.
49 _ Jabri (AI), Mohamed Abed. Introduction au Coran. Tome 1. Beyrouth. Casablanca. Markaz dirassat al wahda al Arabia. 2006. P 400
50 _ Hudaibiya: lieu clbre prs de La Mecque, o ft conclu en mars 628, un trait entre le Prophte Mahomet et les chefs de la tribu de Qoraish qui contestait sa mission. Le trait prvoyait une trve et permettait au prophte Mahomet et ses compagnons d'effectuer le plerinage La Mecque.
25 d'importance cet pisode de l'histoire. Il retient principalement que les Juifs ont complot contre Mahomet5J Ces vnements relats ci-dessus, sont repris mme (et surtout) en parlant du conflit isralo-arabe. Le rapprochement est toujours mis en vidence entre les tribus de Mdine et les Juifs d'Isral ou du monde. Alors que les conflits entre les Juifs de Mdine et ses Musulmans, ainsi que ceux entre Qorach et Mahomet, relevaient plutt des luttes pour le pouvoir politique, socioconomique et idologique (ou religieux). En effet dans la premire priode mecquoise, l'avnement de Mahomet a srieusement perturb les affaires socioconomiques de Qorach: Premirement plusieurs esclaves se sont dtourns de leurs matres qorachites vers la nouvelle religion, qui leur a promis la libert contre l'aristocratie tribale en crise. Deuximement, Mahomet visait combattre le Chirk (polythisme), pch d'une gravit absolue en Islam, car il met en cause le dogme de l'unicit de Dieu ou le monothisme. Or, la ville de la Mecque tait le centre religieux des idoltres et des paens, car elle regroupait toutes les statues des divinits vnres 52 par les tribus d'Arabie. Ce qui confrait la ville un statut spcial, en plus de sa position comme point de passage des caravanes marchandes de l'poque. Les statues des divinits de Qorach qui rgnait sur la ville et gardait le monopole commercial aussi, taient une
51 _ Attali rapporte lui aussi que: "L'Ange Gabriel, qui l'a inform le premier de sa mission, revient avertir Mahomet que la tribu juive des Banu an-Nadir (... ), complote contre lui ... ". Attali se rfre clairement aux sources musulmanes. Voir ATTALI. Jacques. Op cit. p 175. Aussi, la plupart des ouvrages de l'histoire de l'islam. (La biographie du prophte d'Ibn Hicham, Chronique de Tabari : Histoire des Prophtes et des rois) rapportent plusieurs pisodes de l'histoire allant dans le sens que Mahomet a accus ces tribus d'avoir soutenu ses ennemis Qorayshites. Certes l'appui des tribus juives ces derniers peut tre expliqu par une stratgie militaire ad hoc qui pourrait tre bnfique ces tribus pendant ces temps de guerre (comme elles ont soutenu le prophte lui-mme au paravent, mais l'explication par le complot reste prsente et retenue par plusieurs. Et comme l'indique Bernard Lewis: "Les rfrences aux Juifs, presque toujours ngatives, que l'on retrouve dans le Coran, ainsi que dans la biographie et les traditions du prophte", ont beaucoup facilit ce raccourci dans l'explication des coalitions des tribus juives. Voir aussi Lewis, Bernard: Les Juifs en terre d'Islam, Paris, Flammarion, J986. p. 25.
52 _
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source de richesse pour la puissante tribu d'Arabie. De l, le fait de s'attaquer aux statues et tourner la pratique d'idoltrie en drision par la nouvelle religion prche par Mahomet, avait touch directement les revenus du plerinage et tout ce qui se rapporte aux profits gagns par Qorach lors des visites des caravanes marchandes. Dans cette perspective, il n'est pas tonnant que le point de divergence entre l'aristocratie qorachite et Mahomet n'tait pas religieux mais conomique surtout. D'ailleurs, comme le rapporte un auteur contemporain 53 , il est plutt bizarre que dans toute l'histoire de la Mecque, la rsistance Mahomet n'tait pas orchestre par les religieux 54 mais par une lite conomique peu soucieuse de la religion et plus proccupe par ses intrts. Cela tant les rapports conflictuels entre Mahomet et Qorach qui allaient suivre, taient plus axs sur les intrts conomiques nuire et les caravanes de Qorach dtourner. Le conflit avec les tribus juives de Mdine tait la fois religieux, politique et conomique. En effet son anive plusieurs dbats religieux ont t entams entre les rabbins juifs et Mahomet. Ce dernier a provoqu la colre des rabbins juifs mdinois, en les accusant de dvier le message divin inscrit dans leurs Livres Sacrs. Du point de vue politique, l'arrive de Mahomet Mdine comme un nouveau chef et l'instauration de son pacte a t pressenti par les Juifs de la ville comme une offense leur privilge politique dont jouissaient les rabbins juifs qui jouaient le rle de juge mme entre les tribus arabes de Mdine. Concernant le point de vue conomique, l'interdiction catgorique de l'usure en vertu du pacte de Mdine a rellement nui aux Juifs de Mdine, qui commerait avec leurs voisins Arabes sur cette base.
53 _ Ali (AI), Sai eh Ahmed. Mohadaratfl tarikh al arab [Confrences sur l'histoire des arabes]. Baghdad. AI maarif. 1955. T. 1. P 233
54 _ Le penseur marocain AI Jabri atteste de l'absence totale des religieux Qorachites dans la ville. Voir AI labri (AI). Mohamed Abed. AI- 'aql al-siys 01- 'arab: muhaddidtuh wa tajalliytuh [La raison politique arabe. Dterminants et manifestations] (Beyrouth, Casablanca. AI markz A't me thaqfi al-'arab. 1991. i dition). P 100
27 Mais l' histoire retient que les rapports entre eux allaient prendre une autre tournure: les tentatives juives d'assassiner le prophte. Ces faits sont trs ancrs dans l'imaginaire collectif arabo-musulman. En effet, il est retenu dans les biographies du Prophte et les ouvrages d'histoire qu'il existe plusieurs tentatives d'assassinat du Prophte. Deux tentatives d'assassinat du prophte sont attribues la tribu Banu an
nad;r55 . La premire est survenue juste aprs sa victoire la Bataille de Badr en 624,
les Banu an-nad;r lui ont propos un dbat thologique dans un lieu retranch. Mais en ralit, comme rapporte Abou Daoud dans ses "Sounan,,56, ils tendaient un pige au prophte dans le but de le tuer. Quand ce dernier a pris connaissance du complot, il a march sur la tribu et a dport les Banu an-nad;r. La seconde tentative est survenue lorsque le prophte est all chercher de l'aide financire chez les Banu an-nad;r. Il a t sauv in extrmis par l'archange Gabriel. Il est utile de signaler que cette tentative est relate par les exgtes (notamment Ibn Kathir et Tabari), comme une des explications du verset suivant: "
les croyants! Rappelez-vous le b;enfaU de D;eu votre gard, le jour o un groupe d'ennem s'apprtaU porter la ma;n sur vous (en vue de vous attaquer) et qu'Il repoussa leur tentat;ve. Et cra;gnez D;eu. C'est en D;eu que les croyants do;vent mettre leur confiance." (La Table, Il). L'autre explication rapporte par les mmes
exgtes serait la tentative d'assassinat du prophte par un Arabe bdouin. Toujours
55 _ Il est intressant de souligner l'exgse et la cause de la descente du verset coranique suivant: " les croyants! Rappelez-vous le bienfait d'Allah votre gard, le jour o un groupe d'ennemis s'apprtait porter la main sur vous (en vue de vous attaquer) et qu'li repoussa leur tentative ... " (La Table, 12). En effet, Ibn Jarir dans son exgse (T Il, p. 146) et Ibn Kathir dans son exgse (T Il, P. 31) rapportent que ce verset est descendu pour relater la tentative d'assassinat du prophte par Banu an-nadir. Ceci afin de montrer la rfrence au Coran pour expliquer les vnements historiques. 56 _
Hadith 3004
28
est-il que la tentative d'assassinat par les Banu an-nadir est considre elle aussi comme une cause de la dportation de la tribu juive en dehors de Mdine. Toutefois, le principal pisode dans la srie des tentatives d'assassinat du prophte, reste l'empoisonnement de ce dernier, aprs la conqute de Khaybar par une femme juive. Cette dernire a offert Mahomet un mouton rti mais empoisonn. Le prophte en a mang un morceau et l'a recrach aprs qu'il a t averti que la viande tait empoisonne 57 . Des annes aprs, et propos de la maladie du prophte: On rapporte ce hadith relat par Aicha son pouse: "Au cours de la maladie la suite de laquelle il mourt,
l'envoy de Dieu disait: "0 Aicha! Je ne cesse de ressentir la souffrance que m'a fait prouver le mets que j'ai mang Khaybar. Le moment est venu o mon aorte va se briser sous l'influence de ce poison".
Aprs cette brve esquisse des rapports conflictuels entre Mahomet et les tribus juives de Mdine, que l'imaginaire musulman retient, il est important de signaler que ces tribus elles-mmes n'taient pas unies. Au contraire, elles complotaient mme les unes contre les autres et s'entretuaient entre-elles en s'alliant avec les autres tribus arabes de Mdine les Aws et les Khazraj.
57 _ L'affaire de l'empoisonnement est relate par Boukhr dans son Sahih (Hadith 5332) et explique par Ibn Hajar AI Asqalani dans "Fath Al Bari, Sharh Sahih Al Boukhari" Edition Beyrouth 1410/1989. T VII. P. 345.
29
Le Coran rllpporte 58 cet vnement et l'explication rapporte par Ibn Kathir 59 parle de la guelTe des trois tribus juives de Mdine, juste avant l'migration de Mahomet cette ville. En effet, les Banu Qurayza et les Banu an-nadir se sont allis
la tribu des Aws, tandis que les Banu Qaynuqaa se sont allis aux Khazraj. Pendant
cette guerre les Juifs vainqueurs dportaient les autres vaincus et les emprisonnaient. Une fois la guene finie, les trois tribus juives se sont prcipites pour librer tous les prisonniers juifs moyennant de l'argent. Ce qui a tonn les tribus arabes. On rapporte ici cet pisode souvent omis, de l'histoire des tribus juives de Mdine, car il met en vidence que les alliances ou les ruptures des pactes des tribus juives mdinoises dans leurs rapports avec les Arabes et les Musulmans, ne sont pas dictes par la dualit (Juif / Arabe) ou (Juif / Musulman), mais relvent d'intrts prcis qui peuvent changer d'une alliance une autre. Toujours est -il que cette priode cruciale de. l'histoire de l'Islam est fondatrice de l'image des Juifs dans l'imaginaire musulman, qui va la perptrer chaque fois qu'il est question de crises et de dfaites musulmanes. Cela tant, avant d'entamer la priode de la Fitna, il est adquat de mettre en vidence un autre Hadith du prophte qui relate les signes de la Fin des Temps, formul ainsi:
58 _ "Et rappelez-vous, lorsque Nous obtnmes de vous l'engagement de ne pas vous verser le sang, [par le meurtre] de ne pas vous expulser les uns les autres de vos maisons. Puis vous y avez souscrit avec votre propre tmoignage. Quoique ainsi engags, voil que vous vous entretuez, que vous expulsez de leurs maisons une partie d'entre vous contre qui vous prtez main forte par pch et agression. Mais quelle contradiction! Si vos coreligionnaires vous viennent captifs vous les ranonnez alors qu'il vous tait interdit de les expulser (de chez eux). Croyez-vous donc en une partie du Livre et rejetez-vous le reste? Ceux d'entre vous qui agissent de la sorte ne mritent que l'ignominie dans cette vie, et au Jour de la Rsurrection ils serons refouls au plus dur chtiment, et Allah n'est pas inattentif ce que vous faites. " (La Vache, 84-85).
59 _ il est utile de rappeler que dans l'exgse donne par Qortobi et Tabari, il n'est pas question de des tribusjuives de Mdine, mais plutt de Juifs au temps de Mose.
30 Le Prophte a dit: "L'Heure Suprme ne se dressera que lorsque les Musulmans combattront les Juifs et les tueront. Lorsque le Juif se cache derrire un rocher ou un arbre, celui-ci dira: " Musulman esclave d'Allah, un Juif se cache derrire moi viens le tuer". Seul un arbre pineux de Jrusalem "Al Gharquad gardera le silence car il fait partie des arbres des Juifs',6O. Ce Hadith clbre, alimente encore plus l'imaginaire musulman sur la guerre infinie entre les Juifs et les Musulmans, et le rend plus pench vers l'interprtation de l'histoire partir du prisme du complot juif. Il tait question dans ces paragraphes de mettre en vidence des rcits coraniques sur les intrigues des Juifs contre leurs prophtes et aussi contre les Musulmans de la socit mdinoise. Ainsi que les confirmations de la Sunna du prophte Mahomet sur le rle comploteur des Juifs ds les premiers temps de l'Islam contre la nouvelle religion et son prophte, ainsi que l'Etat musulman encore embryonnaire. Ceci tant considr, qu'en est-il de la Grande Discorde (Fitna) en Islam et derrire elle se dessine- t- il une conspiration juive eUou persane?
L'histoire politique musulmane retient que le concept de l'Umma repose sur l'idal social homogne o toute divergence est dnonce et attribue une interfrence trangre suspecte. Ce qui peut expliquer le dveloppement de la thorie du complot dans la culture arabo-musulmane, depuis la Fitna. Quid de cette priode cruciale en Islam?
60 _ Ce
31
Toutefois, avant d'entamer cette priode qui a pris naissance avec l'assassinat du troisime calife Othman en 656, il est important d'esquisser un autre assassinat, lui aussi a t expliqu travers le prisme du complot. .. c'est celui du second calife Omar en 644.
L'histoire arabo-musulmane est fonde sur les schismes survenus en Islam. Mais l'vnement essentiel et fondateur des divergences politiques et idelles est la
Fitna ou la Grande Discorde. En effet, cette priode de crises politico-religieuses
survenues sous le califat61 d' Ali (de 656 661) a beaucoup port atteinte l'Unit de la communaut musulmane, qui a t vise par le prophte Mahomet, assure par lui de son vivant, et continue par les deux premiers califes de l'Islam Abou Bakr et Omar. Cette priode en effet "fut une poque matrice parce qu'elle suscita les grandes
divisions de l'Islam en sunnisme, shi 'isme, kharijisme, immdiatement ou plus ou moins longue chance. ,,62.
Toutefois, les antcdents historiques du complot remontent une priode ultrieure aux vnements lis la Fitna. En effet, l'assassinat politique du deuxime
61 _ Le califat est une institution ne aprs la mort du prophte en 632. Quatre Califes se sont succds (Abou Bakr, Omar, Othman et Ali) (632-660). Aprs, la monarchie a t instaure en Islam avec la dynastie des omeyyades (661-750), celle des abbassides (750-1532) celle des ottomans (1532 1924).
62 _ Djat, Hichem. La Grand Discorde: Religion et politique dans ['Islam des origines. Paris. Editions Gallimard. 1989. P 9
32
calife Omar en 644 reste un vnement charnire dans l'histoire de l'Islam 63 . Le calife Omar a t assassin par un esclave d'origine perse (Fayrouz Abou 10 '10 'a), aprs la dfaite de l'empire perse devant les armes musulmanes. L'assassinat tait facile pour plusieurs raisons, dont: Le calife Omar dtestait aVOIr une protection rapproche: car
premirement la culture bdouine ne le permettait pas, secondairement, elle tait une pratique mprise par Omar lui- mme car elle relevait des empires perse et romain. La mosque, o a t assassin Omar par un couteau, tait accessible tout le monde mme pour les non musulmans. Cet assassinat tait-il un complot juif, chrtien et non musulman, comme le veut tout un courant de la littrature islamiste traditionaliste et activiste? Le thologien musulman de renom, Ibn Taymya (1263-1328) stipule: "Abou 10 '10 'a
est un infidle (Kajir) qui adorait le soleil ... il a tu Omar par haine l'Islam et les Musulmans ... et par vengeance pour les injidles, dont Omar a conquis les pays et tu les dirigeants, et a pris l'argent,t64 On signale ici au passage que le tombeau d'Abou Lo '10 'a est devenu un sanctuaire en Iran, visit par plusieurs fidles chiites 65 .
Ce qui lgitime l'enracinement de l'ide de la moumara, encore plus dans le monde sunnite. Ibn Taymiya reste laconique sur l'assassinat d'Omar, mais l'essentiel a t dit dans ce passage. Toutefois, d'aprs les diverses sources historiques, il y a eu un
questionnement sur cette mort d'Omar. Et on peut dceler travers les histoires rapportes que plusieurs acteurs avaient un lien (direct ou non), avec cet assassinat.
63 _ Voir entre autres l'ouvrage en arabe de AI-alaoui (Hadi): al-ightial as-syiassi fi al-islam [l'assassinat politique en islam], markaz ad-dirassat al-ichtirakiat fi al-alam al-arabi. Le Caire. 1988). P : 201 - 209
64 _
370-371.
65 _
Les chiites, en leur majorit, n'acceptent ni le califat d'Omar ni celui d'Abou Bakr.
33 En effet, Abderrahmane le fils d'Abou Bakr (Premier calife de l'Islam), atteste qu'il a vu la veille du crime, Abou 10 '10 'a, avec deux autres personnes: un dnomm Al
Abou Bakr, parlaient voix basse, quand ils ont vu Abderrahmane, ils ont paniqu et
le couteau avec lequel Omar sera tu le lendemain est tomb. Abderrahmane le vit et attesta aprs que c'est le mme. Il est vident que cette histoire ne signifie pas qu'il s'agit d'un complot, prmdit 6, mais toujours est-il qu'il est retenu que le complot a bel et bien t mont contre le calife Omar. Il est un autre facteur qui a t lui aussi mis en lumire dans ce "complot". C'est celui de la conspiration juive. En effet Tabari rapporte dans son Histoir que
7
Kaab al-Ahbar68 , un Juif converti, avait prdit la mort d'Omar trois jours auparavant.
Ce qui le relie la conspiration, puisqu'il savait qu'on allait assassiner le calife. Cela tant, on peut dire que la mort du calife Omar rpondait des intrts socio-conomiques plus qu'idologiques. En effet, la politique d'Omar sur le plan interne et concernant le partage des biens gagns par les Musulmans lors de leurs conqutes 69, tait plus quitable, surtout aprs que les signes de l'aisance et de
66 _ On signale qu'il pe!lt s'agir d'un complot, comme d'autres dans toute l'histoire de l'humanit, mais ce qui nous concerne c'est quand ce meurtre est devenu un exemple type du complot perso-judo-chrtien contre l'islam
67 _
Tabari. L'histoire des nations et des rois. T IV. Beyrouth. Dar al-kutub al-' ilmya. 1987, p
191
68 _ Kaab tait un luifdu Ymen, venu Mdine pendant le califat d'Omar. Il tait Rabbin et il a dclar sa conversion l'Islam et a rsid Mdine jusqu'au califat d'Othman. Voir TABARI. Op cit, P 191. 69 _
Ces biens peuvent tre diviss comme suit: - Fay'e: Butin constitu par les biens des non-musulmans vaincus et qui ont t acquis ou dont on s'est accapar, mais sans guerre. - Ghallima: Butin constitu par les biens des non-musulmans vaincus lors d'un combat, en faveur des combattants musulmans. - Jizia.' La capitation est un impt vers par les non-musulmans qui vivent en terre d'islam ou les dhimmis (protgs). Son quivalent la zakat
34 l'opulence sont apparus chez plusieurs de ses lieutenants dans d'autres contres. Ce qui dfavorisait l'aristocratie qorachite 70, qui a eu l'habitude de profiter plus de l'argent de bayt al-mal 7f . En d'autres termes, l'assassinat du calife Omar faisait l'affaire de plusieurs acteurs (aristocratie qorachite, activistes perses et autres). Et mme si ces diffrents acteurs n'ont pas particip directement son meurtre, ils se sont dbarrasss chacun de son ct, d'un calife qui les drangeait. Ce qui prouve le caractre rducteur et simpliste de l'accusation rapide d'un bouc missaire: juif ou persan.
Banu Umayya 72. Les membres de cette dernire ont vite connu une ascension, aussi
bien dans les affaires politiques (avec des contres et des villes nouvellement conquises gouverner), que dans les affaires conomiques (comme ordonnateurs de budget ou grce aux activits commerciales facilites par leur appartenance ou leur rapprochement du calife Othman). En fait ces deux dterminants (la tribu et le butin) selon les termes d'Al Jabri
73 ,
- Kharj : C'est un impt foncier sur les terres des dhimmis. ... etc.
Pour plus de dtails sur le systme fiscal musulman, voir Aoun, Sami. Mots cls de l'islam. Montral. MEDIASPAUL 2007. Pp 69-70
70 _
Tabari. L'histoire des nations et des rois. T Il. Beyrouth. Dar al-kutub al-'ilmya. 1987. P 679 littralement maison d'argent: la trsorerie gnrale. Grande famille de la grande tribu de Qorach.
71 _
72 _
73 _ Voir labri (AI), Mohamed Abed. Al- 'aql al-siys al- 'arab: muhaddidtuh wa tajalliytuh [La raison politique arabe. Dterminants et manifestations]. Op cit. p 168
35
plusieurs troupes rebelles, venues d'Irak (de Kufa et Bassora) et d'gypte, assiger Othman Mdine et l'assassiner. Il n'est pas du ressort de ces lignes d'esquisser le meurtre du Calife Othman74 . Mais il est utile de signaler que les insurgs, ayant assig la rsidence de ce Calife, taient des Musulmans et parmi eux Muhammad Ibn Abi Bakr75 . Pourtant, il ya un nom et un groupe qui apparaissent dans les ouvrages historiques, comme les fomenteurs de l'assassinat du calife Othman Ibn Affane. Il s'agit de : Abdallah Ibn
Saba, un Juif ymnite converti l'Islam au temps d'Othman 76 . Le groupe est la Saba 'iyya, secte qu'Ibn Saba aurait fonde, autour de l'adoration excessive d'Ali Ibn
Abi Taleb, gendre du prophte et quatrime calife de l'Islam. D'ailleurs, l'apparition du chiisme est attribue ce personnage diabolis. En effet, Tabari, lui mme rapporte qu'aprs la mort d'Othman les insurgs bdouins taient mens par la secte d'Ibn Saba77 . Mais cela tant et comme l'atteste un des pionniers contemporains de la pense ritique de cette priode, Taha Hussein 78 , il est trs difficile de croire que la communaut musulmane se laisse manipuler par un seul homme aussi intelligent qu'il soit. Taha Hussein avance aussi "qu'imputer tous ces
vnements un seul homme, ne peut tre accept par la raison, et l 'histoire ne peut
74 _ pour plus de dtails, veuillez se reporter l'ouvrage dj cit de Hichem Djat, la Grande Discorde. Pp 138-155.
75 _ Fils d'Abou Bakr compagnon du Prophte et frre de sa femme Aicha, Une controverse est survenue sur la participation de Muhammad Ibn Abi Bakr au meurtre d'Othman, et si les rfrences historiques avancent qu'il n'a pas particip directement au meurtre, il est retenu qu'il a maltrait Othman avant son assassinat par d'autres insurgs, A ce sujet voir Ibn al Athir. Al-Kamil fi al-Tarikh [L'histoire complte]. Damas. Dar al-fikr. 1978. T III. Pp 72-75. Tabari, tarikh al-oumam wa al moulouk. L'histoire des nations et des rois. Beyrouth. Dar al-kutub al-'ilmya. 1987. TV. Pp. 125 et 131-132. Ibn Saad. at-tabaqat al koubra.. Beyrouth. Dar al-koutoub al- 'ilmyia. 1998. Till. PSI
76 _ on va revenir plus en dtails dans la section qui suit, sur ce personnage hiss au rang du mythe concernant les complots qu'il aurait foment durant toute la priode de la Fitna.
77 _
78 _ Hussein, Taha. al fitna al koubra - Othman [La Grande Discorde - Othman]. Tome 1. Le Caire. Dar AI-maarif. 1998. P 134
36
tre tudie de cette faon 1179. En fait, sans le dire expressment, Taha Hussein parle
de la mentalit du complot qui articule ce genre de lecture de l'histoire et se dressant comme une pierre d'achoppement au sens critique et la lecture sense des ventements historiques.
Ali Ibn Abi Taleb est proclam calife, aprs avoir t sollicit par les Mdinois, le jour mme de la mort de son prdcesseur Othman en 656. L'investiture d'Ali a t controverse par les compagnons les plus proches de Mahomet, notamment par Acha, l'pouse du prophte, et ses deux clbres compagnons Talha et Zubayr. Il y a plusieurs facteurs qui expliquent la dsobissance de ces derniers au nouveau calife. En effet, Ali tait connu par son asctisme et son rigorisme, qu'il appliqua une fois au pouvoir. Et parmi ses premires dmarches, il y avait le renvoi des gouverneurs qui taient proches de Othman et qui se sont emichis juste parce qu'ils appartenaient Banu Umayya. Or Talha et Zubayr faisaient partie de l'aristocratie qorachite SO , et avaient srieusement peur de l'attitude rigoriste d'Ali. Du coup, ils n'ont accept son investiture que "sous l'empire de laforce"s,. De plus, Talha et Zubayr n'ont pas t nomms par Ali dans des postes de gouvernance comme ils l'espraient.
79 _
80 _ Ibn Kathir dans al biadaya wa nihaya rapporte entre autre que Zubayr avait 1000 esclaves qui lui payaient le kharaj. Et en plus de son commerce il bnficiait de la rente de Bayt al-mal. Quand Talha il avait selon Ibn Saad dans at-tabaqat al koubra, sa fortune galait 100 sacs de cuir, dont chacun peut porter environ 300 kilos de pices d'or. Ce.qui est norme pour l'poque.
81 _
37 Concernant Aicha, les sources rapportent sa querelle avec Ali depuis "hadeth
arifk:~2 (l'vnement de la calomnie), en plus du retard d'Ali pour investir Abou Bakr
le pre d'Acha comme premier calife. Toujours est-il que le point de dsaccord qui fut lev par les trois principaux opposants d'Ali, Acha, Talha et Zubayr, est la vengeance d'Othman, pour rparer l'injustice commise sur le troisime calife, ainsi que dresser un procs pour les tueurs et les excuter mme s'ils sont nombreux. Ce qui ne fut pas fait par Ali. Les opposants sont alls mme jusqu' accuser Ali de connivence avec les tueurs. Les consquences de la bataille taient comme suit: la victoire d'Ali, le meurtre de Talha et Zubayr, et la capitulation d'Acha avant de recevoir le pardon d'Ali. Elle retournera dfinitivement la Mecque pour y vivre jusqu' sa mort. La bataille du Chameau est un vnement majeur, retenu par l'imaginaire musulman. Elle a oppos des compagnons du prophte, qui cet imaginaire n'accorde que les bonnes actions. Dans cette bataille, il y avait a fortiori, un fautif et un autre sur la bonne voie. Alors que l'imaginaire musulman (surtout sunnite, car les chiites sont du ct d'Ali, quoiqu'il en soit), retient que tous les compagnons du prophte sont sur la bonne voie, surtout s'ils font partie des dix hommes promis au Paradis (moubacharine bi aljanna)83. Comment la conscience musulmane a attnu ce paradoxe? Cette question ouvre sur une autre, quel rle a t donn Abdallah Ibn
82 _ dit aussi hadithat Zina Acha (adultre d'Aicha), au cours duquel l'pouse du prophte fut souponne d'adultre avec un compagnon du prophte nomm Safwan Ibn Almu'attal. Demandant Ali son avis, ce dernier conseilla au prophte de la rpudier. La suite des vnements alla plus vers l'innocence d'Aicha. Jusqu' ce que le Coran tranche, aprs un mois, dans cette polmique et innocente de faon dfinitive Aicha, en vertu du verset suivant: "Ceux qui lancent des calomnies sur des femmes maries inattentives mais croyantes seront maudits en ce bas monde et dans l'au-del. Et ils auront un norme chtiment" (La lumire, 23). 83 _ qui sont selon un hadith du prophte: ABU BAKR; MAR IBN EL KHATAB; UTHMAN; ALI IBN ABI TALlB; TALHA IBN OUBEYD ALLAH; ABD EL RAHMANE IBN AOUF; SAID IBN ZAYD; SAAD IBN AB! WAKASS; EL ZOUBAYR IBN EL AWAM; ABU OBEYDA IBN EL JARRAH.
38 Le rle attribu Abdallah Ibn Saba dans cette crise se rsume la mise en chec des pourparlers de paix qui se sont drouls avant le dclenchement des hostilits, entre Ali et Aicha. Il faut signaler ici que l'histoire du complot d'Ibn Saba dans l'attisement de la haine entre les belligrants l'insu d'Ali et d'Acha, est rapporte par Tabari dans son Histoire, se rfrant un seul rapporteur Say! ibn Omar. Mme Ibn Khaldoun, rput prcurseur dans l'analyse historique reprend dans son livre d'histoire, les vnements de la Bataille du Chameau et le rle d'Ibn Saba, en les rsumant partir du livre d'histoire de Tabari. Ibn Khaldoun ajoute qu'il fait confiance cet historien
84 .
Ceci sans pour autant les confronter avec d'autres sources qui ne font pas
rfrence ce rle d'Ibn Saba. Historiquement c'est avec la Bataille du Chameau que se termine le rle comploteur d'Ibn Saba. Dans les crises qui surviennent aprs, la Bataille de Siffin en 657 entre Ali et Muawiya, l'assassinat d'Ali par les KharUites en 661, ce rle n'a pas t mis en vidence dans les ouvrages de l'histoire. Ce qui a pouss Taha Hussein nier l'existence d'Ibn Saba, dans sa seconde partie de son livre sur cette priode
85 .
Un autre rle donn par l'Islam sunnite Abdallah Ibn Saba, c'est sa responsabilit dans la cration du chiisme. Certes, comme il est rapport dans plusieurs ouvrages sur les sectes en Islam 86 , Abdallah Ibn Saba a appel l'Amour
84 _ Ibn Khaldoun. Kilb al-'Ibar [Livre des Exemples]. Le Caire. Lajnat al-bayan al-arabi. 1958. T II. P 425. 85 _ Hussein, Taha. Al-fitna al-koubra - Ali wa Banouh [La Grande discord -Ali et ses fils]. Tome II. Le Caire. Dar Al ma'arif. 1998. P 98. 86 _ Voir notamment al-Shahrastani. Kitb al-Mi/al wa al-Nihal (Livre des religions et des sectes). T l Beyrouth. Dar al-ma'rifa. 1993. P 204-205. Et al Noubakhti. Firaq a-chi'a [Les sectes chiites]. Le Caire. Dar ar-rachad. 1992. P.32
39
excessif d'Ali jusqu' la sacralisation de la personne de ce dernier. Mais est-il besoin de rappeler que si la personnalit d'Ali est trs respecte dans les courants chiites qui ont survcu jusqu' prsent (chiisme duodcimain, chiisme ismalien ... etc.), cela n'a rien voir avec les excs d'Ibn Saba et ses disciples. D'autant plus que les rfrences chiites (et mme certaines autres sunnites), parlent du chiisme comme courant n au temps mme du prophte, avec notamment les compagnons de ce dernier: Abou Dhar al-Ghifari 87 , Ammar Ibn Yasser88 et Salman al-Farissi 89 . Cela tant considr, il apparat que la cration du personnage d'Ibn Saba, et surtout son rle trop prpondrant dans les rfrences sunnites, est venue pour allger la souffrance pose l'imaginaire ou la conscience musulmane. Cette dernire reste incapable d'accepter que des compagnons du prophte soient descendus de leur pidestal, aprs avoir t hisss au rang des Saints qui ne peuvent se tromper, ni dfendre leurs intrts conomiques et politiques personnels. D'o un tiraillement dans la conscience collective musulmane entre la puret des personnages et les ralits de leur vcu.
40
nation musulmane. D'autres soutiennent au contraire que c'est un personnage de fiction, cre pour mettre en vidence la puret et la "saintet" des compagnons du prophte, et montrer que les maux de l'Islam ne sont pas dus aux antagonismes politiques et rivalits conomiques entre les compagnons du prophte, mais proviennent des complots de l'Autre. Le personnage d'Abdallah Ibn Saba s'est avr 90 et s'avre toujours , une chappatoire ou un paravent pour celer les raisons de la Grande discorde et du coup les difficults pistmiques, politiques et morales dont souffre cet imaginaire. Qu'en est-il de ce personnage entre le mythe et la ralit? Pour essayer de rpondre cette question, il faut signaler que tous les crits sur le personnage d'Ibn Saba, se basent sur les rcits transmis par un certain Say! Ibn Omar at-Tamimi, que Tabari et autres historiens 9! qui sont venus aprs, ont pris en considration. Say! Ibn Omar parle d'Ibn Saba, dans ce que rapporte Tabari, comme un Juif de Sana, de mre noire, converti l'Islam au temps d'Othman et qui voyagea dans les contres musulmanes, en essayant de corrompre les Musulmans. Il a commenc par le Hjaz, ensuite Bassora, Kufa et le Cham 92 . Il aurait t la base d'ides bouleversantes comme la rsurrection du prophte de Mahomet et son retour (rij'a), et aussi la lgation du prophte Ali de sa mission (wassiyya)93. Tabari continue, selon Say! Ibn Omar, qu'aprs un sjour au Cham (Damas actuel et ses
90 _ En effet plusieurs ouvrages rcents mettent plus en vidence le rle d'Ibn Saba dans les vnements de la Fitna. Par exemple on peut citer Solaimane al-'Oda. Abdalla Ibn Saba wa daoroho fi ahdath al Fitnafi sadr al-islam [Abdalla Ibn Saba et son rle dans les vnements de la Fitna aux premiers temps de l'Islam]. Arabie Saoudie. Dar Tiba. Sd. 270 pages.
91 _ Tel Ibn Khaldoun qui met dans ses prolgomnes Sayf Ibn Omar au rang des "grands historiens". Cit par Hichem Dja'it, Dja'it, Hichem. La Grand Discorde: Religion et politique dans l'Islam des origines. Op cit. p 174.
92 _
9J _ on voit bien le rapprochement sur ce dernier point ave le courant chiite en islam. Le chiisme se rclame du droit et de la lgitimit de la famille du prophte Mahomet (ahl al bayt), surtout d'Ali son gendre, et ses descendants, pour prendre les commandes de la communaut. L'opposition fondamentale entre sunnisme et chiisme tient la question du droit incontestable d'Ali la succession du Prophte.
41
environs), o il n'a pas pu mettre en marche son plan et o il a t sorti par les habitants de cette contre. Ibn Saba va s'tablir ensuite en Egypte, pour prcher la vnration et le culte d'Ali. Selon Tabari
94 ,
partis dans les autres contres pour rpandre son appel. Leur but, selon le rcit de Sayf, tait de prparer la rvolte contre Othman et ses gouverneurs. Sans oublier qu'ils opraient en cachette et montraient le contraire [l'Islam] de ce qu'ils pensaient [la haine aux Musulmans]. Le rcit de Sayf mettait plus l'accent sur l'antipathie d'Ibn Sabaa l'Islam. Ce qui laisse entendre que cette position vient de son statut ancien de Juif, converti pour ruiner l'Islam de l'intrieur. Nanmoins, il est une autre explication de la haine d'Ibn Saba Othman, donne par l'historien persan Mir
Muhammaddans ben Khawand, dans son ouvrage clbre jardins de la puret sur la biographie des prophtes, des rois et des califes, crit en 1417. Sans nier l'existence
d'Ibn Saba, Khawand avance que la haine de ce dernier envers le calife Othman, provient du fait qu'Ibn Saba en arrivant Mdine, s'attendait ce qu'il soit bien reu par le calife et le prendre sous son aile. Ce qui ne fut pas fait. Ibn Saba a quitt Mdine pour aller prparer ses complots contre le calife 95 . Il est bien vident que le rapprochement peut tre fait entre cette secte
saba 'yia et le chiisme. Elle est mme prsente par les historiens sunnites comme
prcurseur du chiisme, surtout concernant la question de la taqyyia
96 .
Toujours est-il que l'histoire rapporte par Sayf sur Ibn Sabba lui donne un autre rle non moins prpondrant. C'est celui d'inciter Abou Dhar al-Ghifari un
Tabari. tarikh al-oumam wa al moulouk. Op cit TIL P 647
94 _
95 _ Cit par Ali Chabbi. Mabahit fi 'ilm al-kalam wa al-falsafa [axes de recherches dans le Kalam et la philosophie]. Beyrouth. Dar al-kitab al-jadid al mouttahida. 2002. P 20.
96 _ Dissimulation de l'appartenance une secte pour chapper des perscutions de l'tat qui tait majoritairement sunnite, surtout aux temps des Omeyyades.
42
compagnon du prophte proche d'Ali Ibn Abi Taleb, se rebeller contre Muawiya alors gouverneur de Damas depuis 638. Cette histoire souffre du manque de crdibilit, pour plusieurs raIsons: premirement, on imagine mal comment un compagnon du prophte comme Abou
Dhar al-Ghifari se laisserait influencer par Ibn Saba. Lui qui est considr comme
l'un des plus grands sahaba. Deuximement, l'histoire retient que devant les critiques
d'Abou Dhar contre Muawiya et son mode de vie luxurieux, ce dernier a exil Abou Dhar, aprs l'autorisation du calife Othman, sans pour autant prendre des mesures
contre Ibn Saba, qui est selon le rcit rapport par Say! Ibn Omar l'incitateur de la rvolte contre Othman et ses gouverneurs. Ce qui pousse se demander mme si ce personnage avait exist, il n'aurait pas ce rle prpondrant dans les vnements de la
FUna, vu les raisons qu'on vient d'voquer. En sus, mme s'il avait cette attention, il
n'aurait pas russi si le terrain n'tait pas propice et les sentiments de mcontentement et de protestation contre l'enrichissement rapide d'une aristocratie proche d'Othman, et l'appauvrissement d'une masse musulmane qui touchait de moins en moins ses dus de Bayt al-Mal. Il faut retenir que plusieurs penseurs et intellectuels arabo-musulmans contemporains ont catgoriquement ni l'existence d'Abdallah Ibn Saba 97 . D'autres ont accept son existence en niant son rle de juif comploteur contre l'Umma. D'autres par contre, ont ritr leur soutien la thse du complot et le rle d'Ibn
97 Avant de discuter leurs ides, il est utile de rappeler que le point qui reste essentiel dans tous ses dbats c'est ('accusation de Say! Ibn Omar d'tre un faible ou un mauvais transmetteur de Hadiths. Mme si cela ne diminue pas de sa qualit de rapporteur de rcits historiques, tant donn que les sciences du hadith utilisent d'autres critres de vrification que ceux du rcit historique. Toujours est-il qu'il a t accus de mensonge et de faiblesse comme rapporteur de tradition.
43
Saba dans les vnements de la Fitna. On se contente d'voquer les grandes lignes
de l'ouvrage du cheikh saoudien Sulaiman al-'Oda 98. Aprs avoir consacr, le premier chapitre de son ouvrage la socit musulmane, depuis le meurtre du calife Omar, et les consquences de cet vnement sur la communaut musulmane, Sulaiman al-'Oda esquisse dans le second chapitre, une biographie d'Ibn Saba. Il se base principalement sur les rcits de Say! Ibn Omar et autres historiens sunnites et chiites ainsi que les crits des orientalistes. Dans le troisime et quatrime chapitres, al-'Oda impute tous les vnements de la Fitna au seul Abdallah Ibn Saba, du meurtre d'Othman, jusqu' la bataille du Chameau. Dans ses chapitres le mot mouamara (complot en arabe) est utilis plusieurs fois. Dans le cinquime, il tend la notion du complot chez tous les disciples d'Ibn Saba. Il faut ajouter que l'auteur saoudien a consacr une partie 99 pour les orientalistes qui ont affirm l'existence d'Ibn Saba, entre autres Reynlod Allen Nicholson et Ignaz Goldziger. Mais encore faut-il ajouter que ces orientalistes, mme s'ils n'ont pas ni l'existence d'Ibn Saba, ils ne lui ont pas donn une grande importance dans les vnements tragiques de la Fitna. Toujours est-il que l'ouvrage du saoudien Sulaiman al-'Oda a pour principal objectif de confronter les crits sur Ibn Saba et les comparer. Ce qui n'est pas le cas par exemple d'un autre professeur de l'universit islamique d'Al-Madina al
Mounawwara en Arabie saoudite. Dans son ouvrage 100 Saad al-Hachimi, postule dans
un premier temps que les auteurs musulmans qui ont ni l'existence d'Ibn Saba,
98 _ AI-'Oda, Sulaiman Ahdalla Ibn Saha wa daoroho fi ahdath al Fitna fi sadr al-islam [Abd alla Ibn Saba et son rle dans les vnements de la Fitna aux premiers temps de l'Islam]. Arabie Saoudie. Dar Tiba. Sd
99
-Ibid, pp 62-72
100 _ Hachimi (AI), Saad. Abdallah Ibn Saha: haqiqa la khayal. Abdallah Ibn Saba une ralit non un mythe. AI-Madina al-Mounawwara. Maktabat ad-dar. 1986.
44
tiennent leurs ides de certains orientalistes, notamment Bernard Lewis et Julius Wellhausen 101 . Il prend comme premier exemple l'crivain Taha Hussein 102 . AI-Hachimi entame sa critique de Taha Hussein en avanant que ce dernier crit pour plaire ses matres thse d'Hussein
104 , 103
le taxant de comploteur lui aussi contre l'Umma musulmane J05 . Et tout en essayant de relier Taha Hussein aux Juifs gyptiens fondateurs du parti communiste gyptien
106 ,
AI-Hachimi avance, pour corroborer son ide que Taha Hussein fait partie du complot sioniste contre les Musulmans, que la premire thse de doctorat dirige par Hussein la facult des Lettres de l'universit du Caire en Egypte, tait soutenue par Isral Wolfensohn sous le titre de "Les tribus juives d'Arabie"lo7. L'auteur saoudien ajoute que Taha Hussein a tout fait pour que le rabbin juif Chaim Nahum, devienne membre de l'Acadmie de la Langue Arabe
/1
1/
en Egypte, en
1923. Cela, avance AI-Hachimi, pour que le Rabbin espionne les Ulmas et les penseurs arabo-m usulmans J08 .
lOI _
Ibid, pp 2-3
102 _ on verra ultrieurement comment et pourquoi Taha Hussein nie l'existence d'Ibn Saba et son rle comploteur, mais dans ce paragraphe on se contente de voir comment Saad Hachimi (AI) a abord la thse de Hussein sur cette question.
103 _
104 _ Il faut prciser que c'est la mme thse tenue contre Taha Hussein par al-'Oda et autres intellectuels islamistes, dont on traitera les critiques dans les paragraphes ultrieurs
105 _
106 _ ce qui parat vraiment trange tant donn que Taha Hussein tait plus proche des libraux (surtout le parti des libraux constitutionnalistes" Hizb al-Ahrar ad-douslouryinne" qui l'ont soutenu quand il a crit son ouvrage controvers fi ach-chi'r al'jahili [de la posie prislamique].
107 _
108 _
45 En fait mme la nomination des professeurs trangers par Taha Hussein l'universit du Caire, devient un complot contre la communaut musulmane 109 . De l, il dduit d'une faon tranche que c'est pour cela que Taha Hussein a ni dans son ouvrage "La Grande Discorde" l'existence d'Ibn Saba et tout son rle comploteur contre l'islam 110. Pourquoi Taha Hussein a ni l'existence d'Ibn Saba et tout rle de complot de sa part ? Hussein relit les vnements de la Grande Discorde, en intgrant les facteurs conomiques (opulence exagre, pauvret outrancire ... etc.) ainsi que le facteur social du lien tribal, encore trs fort au temps de la Fitna, afin d'expliquer les vnements de cette dernire. Il faut prciser que le facteur conomique et celui tribal interviennent dans la plupart des tudes faites par les penseurs lacs musulmans, entre autres Hichem Djat, AI labri ... etc. Mais il est fondamental de signaler que Taha Hussein tait parmi les premiers mettre un tel postulat. Et afin de consolider sa thse il est all jusqu' nier l'existence mme d'Ibn Saba. Toujours est-il que la pierre angulaire de la thse de Taha Hussein sur Ibn Saba, est que ce dernier ne figure pas dans les ouvrages de l'historien Al
Baladhur/ Il, et ne figure que dans ceux des historiens qui ont repris le rcit de Say!
Ibn Omar 112. Hussein ajoute aussi que l'histoire du bcher d'Ibn Saba et ses
disciples mont par le calife Ali Ibn Abi Talib, quand il a pris connaissance que ces derniers l'ont hiss au rang divin, ne figure elle aussi que chez Tabari (d'aprs Say!
109
-Ibid, P4 -Ibid, P 4
110
III _ minent historien musulman du 9ime sicle qui a crit notamment deux grands ouvrages, Futuhat al-Buldan (Histoire des conqutes musulmanes) et les Ansab al-Ashraf (Gnalogie des notables).
112 _ Hussein, Taha. Al-fitna al- koubra - Othman [La Grande DiscordeI - Othman] (Tome 1). Le Caire. Dar AI-maarif. P [31
46
Ibn Omar toujours)ll3. Alors Hussein conclut que puisque les historiens, ayant parl
d'Ibn Saba dans leurs ouvrages, se rfrent tous Say! Ibn Omar, et puisqu'un seul homme ne peut comploter contre toute une communaut, ce personnage ne peut tre que fictif et n'ajamais exist
l14 .
Parmi ceux qui ont ni l'existence du personnage d'Ibn Saba, Ali al-Wardi, dans son ouvrage "Wuaz al-salatin". Al Wardi avance qu'Ibn Saba est un personnage mythique et n'est autre que le compagnon du prophte Ammar Ibn Yasser
l15 .
qu'Ammar tait lui aussi ymnite et de mre noire, comme Ibn Saba. Les dplacements d'Ammar, surtout en Egypte taient les mmes que ceux d'Ibn Saba. En plus du rle d' Ammar Ibn Yasser dans la Bataille du Chameau et son amour Ali
116 .
En fait, il est un peu difficile de croire qu'Ammar Ibn Yassir et Ibn Saba sont la mme personne, en se basant sur les raisons proposes par al-Wardi. En effet, il peut s'agir de deux personnes diffrentes qui rpondent aux mmes critres esquisss par Al Wardi, sans pour autant, porter atteinte au bon sens ou la logique moderne comme le veut Al Wardi. De toute faon, Ibn Saba reste un personnage nigmatique qui a suscit la curiosit et mme l'imagination des chercheurs et intellectuels dans le champ de la pense arabo-musulmane.
113 _ Hussein, Taha. Al-fitna al-koubra - Ali wa Banouh [La Grande discord -Ali et ses fils]. Tome II. Le Caire. Dar AI ma'arif. 1998. Pp 98 - 100
114 _
Ibid, p 100.
115 _ Wardi (AI), Ali. Wuaz al-salatin: rai sarih fi tarikh al-fikr al-Islami fi daw al-mantiq al hadith [les conseillers des sultans: opinion franche sur J'histoire de la pense musulmane la lumire de la logique moderne]. Baghdad. Dar al maarif. 1954. P 274
116 _
Voir tous ses dveloppements dans Wardi (AI), Ali. Op cit. pp 275 - 278
47 On ne peut omettre de signaler que l'historien actuel Hichem Djat ne dorme gure d'importance Ibn Saba. Djat en parle en quelques lignes ll7 , en dormant les deux opinions contradictoires sur son existence, sans pour autant trancher sur la question et dormer son avis, ni mme essayer de confronter les diffrentes opinions comme il a fait pour d'autres vnements. L'attitude de Djat reste comprhensible et hante par l'ide d'loigner le spectre de la thorie du complot qui rgne ds que le nom d'Ibn Saba apparat. Cela tant considr, on peut avancer, aprs ces dveloppements, qu'au-del de l'existence (ou non), de ce persormage, l'imaginaire musulman lui retient un rle de juif comploteur. Alors que la mme position a t tenue par des grands compagnons du prophte, Ammar Ibn Yasser, Abou Dhar AI-Ghifari, l'gard du calife Othman et contre Acha dans la Bataille du Chameau, sans pour autant tre taxs de comploteurs contre l'Umma. L'explication de ce "deux poids deux mesures" est qu'en crant ce rle de complot, l'imaginaire arabo-musulman a trouv une faon d'interprter l'histoire, faisant en sorte que les compagnons du prophte ne soient jamais associs des luttes de pouvoir. Ainsi le complot ne peut venir de l'intrieur, ou maner de l'Umma idalise, projete et conue comme parfaite ou en plnitude, mais plutt d'un corps tranger et d'un lment extrieur malicieux. En effet, il est trs difficile, voire impossible pour cet imaginaire d'imputer des erreurs aux compagnons (as-sahaba) du prophte dits aussi les bons anctres (as-sala! as-saleh). Leur qualit de bon ou saleh signifie leur statut rfrentiel hiss au niveau des mentors et des modles suivre. Le fait qu'ils avaient le privilge d'tre des Compagnons ou sahaba, les entoure d'un halo de respectabilit, et les immunise contre les reproches et les critiques.
117 _
Djat Hichem. La Grand Discorde: Religion et politique dans l'Islam des origines. Op cit. p
140
Il a t question de mettre en vidence, dans la partie prcdente, les antcdents historico-religieux de la rhtorique du complot dans l'imaginaire arabo musulman, et dans la prsente, il s'agit de voir comment certains discours arabo musulmans ont renou avec le complot comme rhtorique pour expliquer les difficults et les checs. En fait cette rhtorique du complot apparat srieusement aux temps des crises.
Toutefois, avant d'entreprendre l'analyse du discours nationaliste nassrien sur la notion de la mouamara, ainsi que d'autres discours islamistes pris comme cas d'tude, il est utile de rappeler un vnement historique important, qui a t lui aussi vu par l'Islam sunnite comme un complot contre l'Umma. C'est la chute de la capitale du califat abbasside Baghdd en 1258 entre les mains des Mongols. En effet, la victoire des armes mongoles sur le calife abbasside a t attribue aussi au complot du chiite Mohammed ibn Al-Alqami. Ce dernier tait vizir du calife abbasside Al-Musta 'sim. Ibn Al-Alqami, avec la connivence du savant (d'obdience chiite lui aussi) Nasreddine Toussi, aurait aid l'arme de Hulagu, prendre Bagdad. Selon Ibn Kathir, le complot d'Ibn A l-Alqami s'est ralis en trois tapes 118
:
118 _ Ibn Kathir. AI bidaya wa an-nihaya [le Commencement et la fin). T XIII. P 202. L'ide du complot est confirme aussi par Ibn Taymyia, connu par son intgrisme sunnite et son animosit contre les chiites dans Minhaj as-sunna. Tome III. P 38, qui ajoute aussi la connivence de Toussi, non relate par Ibn Kathir.
49
Premirement: il a fait en sorte que l'arme musulmane soit diminue. Elle tait forme de 100 milles combattants. Le nombre a diminu jusqu' 10 milles. Deuximement: il a envoy des ptres aux Tatars (Mongols), leur expliquant la faiblesse des armes musulmanes. Troisimement: il a dconseill le combat des envahisseurs de Baghdd, en rpandant l'ide de la vacuit de se dfendre par les armes face aux Mongols. IL n'est pas du ressort de ces lignes de voir jusqu' quel point les rcits rapports par Ibn Kathir et Ibn Taymya, sont vrais. Ce qu'on tient mettre en vidence, c'est que la personnalit d'Ibn al-Alqami est devenue le symbole du complot chiite contre la communaut musulmane sunnite. D'ailleurs, ce nom est revenu avec acuit dans les discours politiques arabo-sunnites irakiens depuis la chute de Baghdd en 2003. L'ex prsident irakien Saddam Hussein tait, parmi les premiers, crier au complot chiite. En effet, dans une lettre signe par Saddam Hussein, publie par le quotidien londonien arabophone Alquds al arabi
119,
l'ex
prsident dchu affirme que la dfaite a t cause par la trahison: "A l'instar
d'Hulagu, Bush le criminel est entr Bagdad, avec l'aide d'Ibn AI-Alqami
l2O -
et pas
d'un seul Ibn Al-Alqami.. ", Il a ajout aussi que:" Ceux qui se positionnent contre l'Irak et complotent contre lui ne trouveront pas la paix de l'appui amricain ... ".
De toute faon dans les vnements qui suivent, la rhtorique du complot va alimenter le discours sunnite en Irak surtout celui d'Al Qada, cachant un malaise comprendre la situation irakienne. Ce discours reprend aussi et surtout les mmes
119 _
120 _ Il est clair que Saddam faisait rfrence Ahmed Chalabi leader chiite du Congrs national irakien. Ce mme Chalabi, lui a t attribu le rle de servir l'Iran contre les tats-Unis dans la guerre en Irak. D'autres personnages chiites ont t viss par Saddam dans sa lettre comme Kanaan Makia et mme l'Ayatollah Ali AI-Sistani.
50 propos utiliss par les sunnites contre les chiites, lors de la perscution de ces derniers au temps du calife Al-musta 'sim et mme avant. Aprs cette brve esquisse d'un des principaux vnements de l'histoire musulmane la lumire de la rhtorique du complot. Qu'en est-il de cette dernire dans le discours nationaliste nassrien ?
3.1.1) La Naksa (1967) dans le discours nationaliste nassrien :
La dfaite des armes arabes devant Isral en juin 1967, a t sentie dans le monde arabo-musulman comme une blessure narcissique. Un "petit" pays a mis en chec le leader panarabe le plus charismatique Gamal Abdel Nasser l2J . Le prsident gyptien n'a pas reconnu sa dfaite. Et son premier discours historique aprs la guerre dite des six jours, dans lequel il a annonc sa dmission 122 , il a fait allusion un complot isralo-amricano-britannique. En effet, Abdel Nasser a donn une autre explication de la dfaite par les propos suivants: "L'ennemi, que nous attendions
l'Est et au Nord, nous a attaqus par l'Ouest. Ce fait suffit prouver que des moyens, allant bien au-del de ses capacits propres et de la force qu'on lui connaissait, avaient t mis sa disposition". Il a expliqu ensuite comment des avions
britanniques ont attaqu les fronts syrien et gyptien, en plus des oprations de reconnaissance menes par des avions amricains sur des positions gyptiennes. Il est clair que Nasser, le leader le plus cout ce moment par les peuples arabes, essayait d'expliquer sa dfaite rapide et inconcevable la nation qui s'attendait une victoire rapide sur Isral comme cela a t annonc partout dans les
- Gamal Abdel Nasser (1918-1970) prsident d'Egypte de 1954 en 1970. Fondateur de l'idologie nassrienne et est considr comme l'un des grands dirigeants arabes de l'histoire contemporaine.
122 _ Juste aprs le discours, des manifestations se sont droules dans les rues gyptiennes pour l'appeler ne pas dmissionner. Ce qu'il a fait d'ailleurs.
121
51
mdias des pays arabes. Ce discours a t suffisant pour fonder la rhtorique du complot
123 ,
pas seulement parmi la masse arabe, mais aussi chez l'lite intellectuelle
impossible les premiers jours qui ont suivi la dfaite du 5 juin 1967. Pourtant, on ne peut omettre de signaler la clbre discussion tlphonique qui a eu lieu entre Nasser et le roi Hussein de Jordanie, et rapporte par ce dernier dans ses mmoires. Au cours de la conversation, Nasser avait l'intention de coordonner avec le roi jordanien pour faire sortir un communiqu sur la prtendue participation amricano-britannique cette guerre aux cts d'Isral. Nasser a demand Hussein: " Nous faut-il dire les
123 _ On signale que la rhtorique du complot articulait les propos de Nasser avant la dfaite de 1967. Par exemple dans son discours du 26 juillet 1956 en Alexandrie pour annoncer la nationalisation du canal de Suez lamai Abdel Nasser avance: Les imprialistes ont commenc, l'aide de leurs complices et de leurs suppts, "ourdir leurs complots et tresser les filets de leurs manuvres. Et ils l'ont fait dans chacun des pays arabes En fait, Nasser jouissant d'un immense prestige dans le monde arabe cultivait son image de nationaliste arabe qui milite contre le "complot imprialiste".
fi fi.
124 _
125 _ En fait le complot aurait pu avoir lieu. Mais ce n'est pas l'objet de la prsente recherche. Le but ici est de voir comment le thme du complot articulait-il le discours nationaliste arabe, surtout national iste.
126 _ la conversation qui a eu lieu entre Nasser et Le roi Hussein prouve qu'il n'y a pas eu de vrification des faits, mais on cherchait plutt faire rpandre le thme du complot travers le communiqu.
52
tats-Unis et la Grande-Bretagne, ou seulement les tats-Unis ?". Le roi a rpondu: " les tats-Unis et la Grande-Bretagne
,,127.
propos sur le complot, les attribuant des informations inexactes fournies par des gnraux gyptiens, dmis de leurs fonctions depuis, d'ailleurs 128. En fait, le thme du complot visant l'Umma, a intgr le discours arabo musulman contemporain, surtout nationaliste arabe ou qawmiste (et islamiste aprs), depuis le dbut du XXe sicle. Notamment avec les correspondances 129 MacMahon Hussein entre 1915 et 1916, le Sykes-Picot l30 en 1916 et la dclaration de Balfour
l3
!
de 1917. Le discours politique dans l'espace arabe voque l'existence d'une conspiration sioniste et coloniale, conue pour dcomposer la "nation arabe" et le monde musulman, engendrant des guerres civiles et des conflits entre les peuples de
127 _
Talai, hussein Ibn. My "war" with Isral. Ney York. Willam Morrow, 1969, pp 82-83.
128 _ Pasternak, Henri. Juin 1967: le grand mensonge qui refuse de mourir. In L'Arche nO 566, juin 2005. Disponible sur le lien: (page consulte le 11/06/2007), [en ligne], adresse URL: http://www.nouveau-reac.orgidocs/PHlPH_67.htm 129 _ ces correspondances taient des lettres entre Sir Henry MacMahon, Haut-commissaire britannique pour l'Egypte, et le shrif Hussein de la Mecque pendant la priode 1915-16. Dans lesquelles MacMahon propose au shrif l'indpendance du monde arabe, en contre partie celui-ci devrait aider la Grande Bretagne, en organisant une rbellion contre ['arme ottomane, depuis l'Arabie.
IJO _ Sykes-Picot est un accord secret entre les gouvernements franais et anglais, concernant le partage de l'Empire ottoman entre les pays allis de la premire guerre mondiale. La Russie et l'Italie ont accept les termes de l'accord, qui stipule que la France exercera un contrle direct sur la plus grande partie de la Galile, tandis que l'Angleterre contrlera le petit territoire de la baie Hafa-Acre. L'accord est considr comme un complot pour diviser l'Umma musulmane et surtout un prlude de ce qui viendra aprs, notamment la dclaration de Balfour quelques mois plus tard.
IJI _ la dclaration de Balfour est une dclaration officielle (sous forme de lettre), adresse par Lord Arthur Balfour, ministre britannique des Affaires trangres, Lord Lionel Walter Rothschild, et date du 2 novembre 1917 : dans laquelle la Grande Bretagne envisage l'tablissement en Palestine d'un foyer national pour le peuple juif. Le Document du Mandat, tel qu'il sera ratifi par la Socit des Nations in 1922, contiendra le texte intgral de la Dclaration Balfour. Cette promesse wa'd ou dclaration (l'lan) serait un point pivot de ce qui sera considr comme un complot ou mou'amara contre la nation arabo-musulmane. Dans l'utilisation arabe on souligne plus le terme wa'd justement pour accentuer l'insinuation au complot.
53 la rgion selon le principe '.'diviser pou rgner". Cela pour qu'Isral vive en paix, et pour que les puissances trangres imposent leurs rgles du jeu sur toute la rgion et ses richesses. Il faut rappeler que ce discours n'a gure chang depuis. Plusieurs vnements qui ont suivi et durant lesquels la rgion arabe est reste comme un objet d'exprimentation, sans pouvoir agir, sont interprts travers ce prisme. Le thme du complot a t accept et rpandu, surtout quand il est mis en vidence par un leader du calibre de Nasser. Le complot comme premire raction la dfaite, reste quand mme, comprhensible. Vu la confiance qui rgnait en Egypte et dans le monde arabe, dans les capacits de l'arme gyptierme "craser Isral en quelques heures sans pour
autant utiliser toutes les capacits militaires [gyptiennes} ,,132. Haykal lui-mme,
pourtant cormu par son ralisme, a t emport par l'euphorie. Trois jours avant la
Naksa, il a avanc qu'''Isral est sur le point d'tre cass de l'intrieur ou de l'extrieur"
/33.
l'ventualit mme ou la probabilit d'une dfaite devant Isral, dont le rle comploteur a t surestim depuis sa cration, alors que ses capacits militaires ont t sous-estimes. La rhtorique du complot, svissait aussI au sem des milieux militaires gyptiens. En effet Haykal rapporte dans l'un de ses ouvrages sur la guerre de 1967, que le marchal Abdel Hakim Amer, commandant en chef adjoint des forces gyptiermes, a reu le 06 Juin 1967, l'ambassadeur sovitique au Caire, Dimitri Pojidaev, pour lui armoncer ses soupons et ceux de tous le corps des officiers de
132 _ Comme l'a attest un ditorial du quotidien cairote "La rpublique" (al goumhouria) du 20/05/1967, cit par Youssef AI Qaradaoui. AI houloul al moustawrada wa kayJa janat 'ala oummatina [Les solutions importes et comment elles taint fatales pour notre Umma]. Le Caire. Maktabat Wahba. 1977. P 274.
133 _
Ibid, P 274
54
l'arme gyptienne, sur une ventuelle connivence 134 entre les Etats-Unis et l'Union sovitique 135 . Amer ajoute que l'Egypte n'obtient pas d'armement efficace de la part de l'Union sovitique, comme l'obtient Isral de la part des Etats-Unis. La rponse de l'ambassadeur a t annonce en signalant l'efficacit de ce mme armement sovitique entre les mains des combattants vietnamiens contre les armes amricaines 136. La question de l'inefficacit des armes sovitiques ouvre sur un autre point essentiel. Figurant d'ailleurs parmi les facteurs explicatifs de la dfaite arabe, donns par les journalistes europens. En effet le lendemain de la guerre des six jours, un article crit par une journaliste franaise dans les pages du magazine l 'Express 137, avance que les Arabes, inventeurs de l'Algbre dans le temps sont incapables d'utiliser les appareils lectroniques pour mener bien une guerre moderne. Au-del de la vracit de telles explications, il est sr que la question de la matrise de l'armement n'a pas t une priorit du commandement militaire gyptien. En effet la prolifration des explications de la dfaite autour du complot, a empch entre autres de situer le problme dans la matrise de la technologie d'armement, et de faire une critique de la situation militaire. D'ailleurs mme Haykal pourtant prolifique, n'entame cette question de l'armement que superficiellement. Toutefois, il atteste que
134 _ Le mot utilis en arabe est Tawatou', qui comme on a vu, se rapporte aussi au complot ou conspiration. 135 _ Haykal, Muhammad Hasanayn. al-Infljar 1967 : harb al-thalathin sanah [L'explosion 1967: la guerre des trente ans]. Le Caire. Markaz al-Ahram li at-tarjama wa an-nachr. 1990. P 728
136 _
Ibid, P 729
137 _ Cit par Abdellah Laroui dans" Thaqafatouna fi daou' at-tharikh [notre culture la lumire de l'Histoire]. Beyrouth, Casablanca. Centre culturel arabe, 1997, p 120.
55 les armes arabes dans la guerre de 1967, n'taient pas prtes pour un conflit arm, ni pour le grer avec l'intelligence suffisante et l'exprience ncessaire 138. Cela tant, le discours nationaliste arabe, allait perptuer l'ide du complot 40 ans aprs la Naksa. En effet dans un communiqu diffus par le Mouvement Nationaliste Arabe (Harakat al-Qawmiyyin al-Arab)139, ce dernier impute toutes les dfaites arabes au complot. En fait, le communiqu est compos de 255 mots et o le terme de " mouamara " apparat 6 fois.
"ll n'y a pas eu une vraie guerre en 1967 dans le sens militaire du terme, mais juste une conspiration mticuleusement prpar dans le but de renverser le leader du nationalisme arabe lamaI Abdel Nasser, et de paralyser la pense nationaliste arabe, l'ennemi des mouvements ractionnaires arabes et ceux de la gauche aventurire et .. d U sIOnisme ara be. ,,/40.
Le communiqu continue avec le mme discours (conspirationniste), citer les diffrents complots contre la nation arabe depuis l'invasion tripartite de 1956 disparition de la Rpublique Arabe Unie
l42 ,
141
la
138 _
139 _ Le Mouvement Nationaliste Arabe est constitu Beyrouth vers la fin des annes 1940 par un groupe d'tudiants nationalistes. Le mouvement est fortement influenc par les ides des nationalistes arabes surtout Constantin Zureiq. Il a adopt une idologie rvolutionnaire et panarabe socialiste.
140 _ Voir le communiqu diffus sur plusieurs sites internet, entre autres celui du journal d'al Moharer: (page consulte le 11106/2007), [en ligne], adresse URL: http://www.al-moharer.netlmoh258/qarb258.htm 141 _ Trois mois aprs la nationalisation du Canal de Suez, l'Egypte a t le thtre des frappes ariennes menes conjointement par la Grande Bretagne, la France et Isral. Il est clair que la non participation des Etats-Unis cette coalition met beaucoup de difficults devant les tenants de la thse du complot occidental sur le monde arabe. Au contraire les Etats-Unis ont fortement condamn cette inyasion! 142 _ la Rpublique Arabe Unie (RAU) est l'Etat form en 1956 par l'Egypte de Nasser et la Syrie. L'union a pris fin en 196].
56
mouamara selon les termes du communiqu visait "abattre" le rve unioniste et
nationaliste arabe. Naturellement, il y a plusieurs raisons de l'chec de la RAU, principalement internes, notamment qu'elle a t impos htivement sans
participation relle des deux peuples gyptiens et syriens. Le communiqu en fait reprend la mme thse du discours nationaliste arabe sur le complot contre la nation arabe, depuis des dcennies. Certes, ce discours a chang avec le temps notamment avec les critiques de ces principaux thoriciens
l43 .
Mais les difficults inhrentes ce discours sont restes les mmes. En effet comme l'atteste le penseur marocain Mohamed Abed Al labri: " ... d'un point de vue
pistmologique ( ..) le discours qawmiste est d'une nature problmatique, c'est- dire qu'i! se pose des problmes sans solutions, ( ..), en plus c'est un discours qui transcende la ralit arabe contemporaine ,,144.
En effet, concernant ce premier point, ce discours pose par exemple la libration de la Palestine comme tape premire l'union. D'un autre ct, il avance que c'est l'union arabe qui va librer la Palestine discours l'instar de son homologue salafiste
146 , 145 .
changements historiques. Certes il a russi faire natre le sentiment nationaliste dans la rue arabe mais il est rest irraliste. Ses thses sont restes romantiques lies la langue (arabe), l'histoire (surtout l'ge d'or de la civilisation musulmane), et le destin
143 _ voir notamment les travaux du colloque organis Paris par le magazine "AI-Wahda" [l'Union] le 26 Fevrier 1985" Al-Wahda n 7. Paris. CNCA. Avril 1985. 144 _ labri (AI) Mohamed Abed. Al khitb al- 'arab al- mo 'ssr : dirsa tahlliyya naqdiyya [Le discours arabe contemporain: Etude analytique et critique]. Beyrouth. Dar Attali'aa li attiba'aa wa annachr. 1982. P 132 145 _ Notons aussi que Nasser lui-mme a dclare ne pas avoir de solution pour les palestiniens. Voir AI Hafez Yassin. Al-hazima wa al-idiolojia al-mahzouma [la dfaite et l'idologie dfaite]. Beyrouth. Dar Attali'aa li attiba'aa wa annachr. 1979. P 109 146 _ Discours islamiste qui voit dans l'ge des salaf assaleh (les anctres bons) : le prophte et ses compagnons), l'ge d'or des musulmans, et qu'il faut le faire revivre l'poque contemporaine.
57
commun de tous les peuples de la rgion. Cependant avec la renaissance du sentiment nationaliste dans la rue arabe, toute une mentalit de complot s'installe, et comme l'esquisse le penseur arabe palestinien Hisham Sharabi : "L'homme ordinaire voit un
complot derrire tout changement, dans chaque politique, chaque dcision ou dveloppement. Que ce soit au sein de l'arme, par une puissance trangre, ou par un groupe po 1It/que ,,147
Toujours est-il qu'avec de telles caractristiques, l'autocritique demeure difficile. Du coup la faute devient imputable l'Autre, qui n'adhre pas au projet qawmiste et nationaliste. Cela tant dit, qu'en est-il maintenant du discours islamiste?
3.1.2) La thorie du complot dans le discours islamiste (exemples d'Al Qaida, et du Hamas) :
Le point central du discours islamique ou salafiste, est d'une nature passiste ou anim du rve passiste d'un futur meilleur. En d'autres termes, le pass arabo musulman reste la rfrence principale de ce discours. C'est ainsi que ce discours salafiste, ritre les mmes thses labores par ce courant depuis la "Nahda"; avec un refus des ides occidentales, le culte du pass "glorieux", l'universalit de l'Islam ... etc. Ce modle salafiste qui s'obstine sur une vrit (se trouvant ncessairement dans le pass)
148,
58
historique et prchant un dogmatisme a-historique ou anti-historique. Dans cette vision, la science mme devient pour l'intellectuel salafiste, juste une interprtation des thses "des savants d'antan", et toute l'histoire scientifique n'est que rptition et point cration. Le discours donc, est une tendance traditionnelle textuelle et dogmatique ayant prfr la fuite dans le pass (foncirement ancr dans l'imaginaire collectif arabo-musulman). Ce retour reprsente aujourd'hui un mcanisme
psychologique de compensation, "une nostalgie romantique", selon les termes d'Abdallah Laroui. Pour essayer de comprendre cette tendance traditionnaliste dans le discours islamiste, on se rfre une uvre majeure dans la pense arabe contemporaine:
"Majhoum AI- 'aql [Concept de la raison] 149. L'auteur focalise sa critique sur deux
grands penseurs arabes Mohamed Abdou ou Abduh (1845-1905), et Ibn Khaldoun (1332-1406). Selon Abdallah Laroui
150
l'expression du phnomne des tendances traditionalistes dans la pense arabe contemporaine. Le choix salafiste d' Abdou, dans ses positions vis--vis de l'Occident, de la science et de la modernit politique, reprsente une tape paradoxale dans la pense arabe contemporaine. En effet Abdou, et du coup le discours salafiste, en stipulant que "l'Islam est une religion de science, compatible. avec l'esprit de l'poque", tout en essayant de concilier le pass avec le prsent travers une actualisation de l'hritage arabo-musulman, n'a point pu percevoir .l'cart
pistmologique et historique fondamentale, qui existe entre la raison traditionnelle et la rationalit moderne contemporaine. Laroui ajoute, que Mohamed Abdou s'attaque
149 _ Laroui, Abdallah. Majhoum AI- 'aql [Concept de la raison]. Centre culturel arabe. Beyrouth. 1996.
150 _ Sur l'tude consacre M. Abdou, voir Laroui, Abdallah. Ibid. Pp 23 - 166, et dont on essaie ici de faire une synthse.
59
au projet moderniste occidental (dans son nouveau paradigme), avec une mentalit thologico-dialectique digne des premiers sicles de l'Islam. Dans ce dernier rfrentiel, la raison est dans le Texte, et elle est absolue. Le paradoxe d' Abdou rside, selon Laroui, dans son dni de la dimension temporelle et l'histoire, et sa rcusation des exigences modernes. D'o son incomprhension de la coupure tablie par la modernit avec les cultures anciennes et pr modernes. Ce qui l'a pouss croire, avoir repr un vecteur de la modernit dans le pass arabo-musulman, tout en essayant de le renouveler de l'intrieur. Il est clair que Laroui est contre toutes ces tentatives de conciliation entre le pass, quoique que glorieux, et le prsent. Pour corroborer cette thse, Laroui s'attaque un autre penseur arabe; Ibn Khaldoun 151, en mettant en lumire les limites de l'apport khaldounien, et du coup les difficults du savoir scientifique dans la culture arabe. En effet, en critiquant Ibn Khaldoun (penseur qui revient toujours dans les analyses arabes contemporaines), Laroui insiste sur sa thse principale qui stipule que l'pistmologie des poques glorieuses de la civilisation arabo-musulmane est dpasse. Pour lui, Ibn Khaldoun carte' toute possibilit de renouvellement dans l'histoire pour ne pas contredire sa thse sur les lois tablies de l'univers, et n'a jamais pu dfinir clairement les concepts dans ses Prolgomnes, ils sont rests imprgns des considrations thiques et religieuses. Selon Laroui, elles ne peuvent tre rintgres dans le paradigme moderniste. Et comme le cadre pistmologique moderniste rompt radicalement avec la vision religieuse, le dpassement et la coupure deviennent une ncessit historique. La thorie khaldounienne reste une phase primordiale dans la victoire ou la prminence de la rationalit au moyen ge, mais elle est propre cette priode de l'histoire. Et cette dernire est largement dpasse par les systmes de la connaissance moderne.
151 _ de mme sur la critique d'Ibn Khaldoun, voir Laroui, AbdaJiah. Ibid, pp 169 - 364, et dont on essaie ici de faire une synthse.
60
Ainsi, chaque poque admet son propre systme cognitif et sa propre philosophie de 1'histoire. Pour ce, la situation conomique et socioculturelle arabe, ne peut s'amliorer sans une nouvelle lecture des problmatiques et des concepts historiques, afin de repenser ce domaine scientifique sur des bases modernes fondamentalement europens. Cela tant, il existe d'autres difficults dont souffre la pense islamiste salafiste, l'expression par excellence du phnomne des tendances traditionalistes dans la pense arabe contemporaine. Le choix salafiste, dans les positions de ce courant vis--vis de l'Occident, de la science et de la modernit politique, reprsente une tape paradoxale, et fort complexe dans la pense arabe contemporaine. En effet, ce courant stipule entre autres que "l'Islam est une religion de science, compatible avec l'esprit de l'poque", tout en essayant de concilier le pass avec le prsent travers une actualisation de l'hritage arabo-musulman. Ceci sans pour autant percevoir l'cart pistmologique et historique fondamental, qui existe entre la raison traditionnelle et la rationalit moderne contemporaine. Ce qui pousse dire que les penseurs de ce courant 152 s'attaquent au projet moderniste occidental (dans son nouveau paradigme), avec une mentalit du pass. Dans ce dernier rfrentiel, la raison est dans le Texte, et est absolue. D'o aussi les difficults des tentatives de conciliation entre le pass, quoique que glorieux, et le prsent. Et du coup les difficults du savoir scientifique dans la culture arabo-musulmane mme. Toujours est-il qu'il est un point essentiel qu'il faut mettre de l'avant pour essayer de comprendre les difficults du savoir scientifique contemporain pour cette culture. Il faut signaler que la civilisation arabo-musulmane est une "civilisation du Fiqhl53rd54. En sus, il faut noter que l'ensemble des sciences appartenant au champ
152
153 _ Le Fiqh et la science du droit islamique constitu partir du VIlle sicle, et dont il existe plusieurs cole dans le monde musulman.
61
paradigmatique musulman 155, englobe la linguistique ('ilm al lougha), la science du droit musulman (Fiqh) et la thologie dialectique (Al Kalm). Foncirement, ces branches du savoir trouvent leurs fondements dans le texte coranique et les dires et faits du prophte (Hadths). Elles s'alignent au texte sacr sans contestation et se contentent de l'interprter. Il faut souligner surtout la place centrale des fondements du Fiqh dans la raison arabe
156,
fondements du Fiqh reprsentent pour la raison arabe, ce que le systme cartsien est pour la raison occidentale ,,157.
On peut dire ainsi que le discours islamiste salafiste, imprgn par les fondements du Fiqh essaie, dans toutes ses dimensions pistmologiques, de comprendre le texte l'intrieur de son champ paradigmatique de l'poque du prophte et ses compagnons ('Asr AssalafAssaleh). Par ailleurs, et vu que la science du Fiqh, est arrive son stade complet et ultime, au dbut mme de leur laboration
154 _ labri (Al), Mohamed Abed. Takwn al- 'aql al- 'arab. [La gense de la raison arabe] (Beyrouth, Casablanca. AI markz At-thaqfi al-'arab. 1991. 4ime dition). P 339
155 _
c'est dire les lois gnrales qui rglementent le dogme, la langue et la connaissance en
islam.
156 _ On emprunte ici le terme de "raison arabe" de Mohamed Abed AI labri, pour signifier l'ensemble des connaissances produites par les penseurs, philosophes et Ulmas en langue arabe. Voir labri (Al), Mohamed Abed. Takwn al- 'aql al- 'arab. [La gense de la raison arabe]. Op cit. p Il 157 _
Ibid, P 339
62
Toujours est-il que les principales caractristiques du discours islamiste contemporain, et les fondements qui articulent sa pense, d'un point de vue pistmologique, peuvent ouvrir une brche la comprhension de l'utilisation de la rhtorique du complot, surtout dans sa dimension politique. On note que le religieux et le politique sont intimement lis dans la pense islamiste salafiste. Cette ide est pal1age par toutes les tendances du courant islamiste 158. En effet, ce discours se considre lui-mme tellement complet et ultime (ceci, comme on a vu, cause de ses fondements), que toute dfaillance ne peut venir de l'intrieur, mais plutt de l'extrieur. Quelque soit cet extrieur: juif, occidental. .. etc.
Dans cette perspective, Pierre-Andr Taguieff avance que le discours islamiste antisioniste, antiamricain, antimaonnique est structur suivant les mmes procds que les pamphlets conspirationnistes occidentaux. Dans ce genre de discours islamiste, il est question du complot mondial depuis les Illuminati et les Templiers jusqu'aux Skull and Eanes, en passant par les protocoles des sages de Sion/
59 .
Mais
naturellement le complot contre l'Islam est celui qui est mis en lumire. Cela tant, qu'en est-il de ce discours dans sa dimension politique, et surtout jihadiste.
158 _ De l on peut comprendre partiellement l'chec du processus de la lacisation en islam. Par exemple Le penseur islamiste Youssef AI Qaradaoui, avance dans son ouvrage AttatarroujAI 'ilman fi mouwajahat al islam (L'intgrisme laque face l'islam), Dar As-chourouq, 2001. P 29, que "la lacit est en contradiction avec la religion islamique et qu'elle ne peut russir s'implanter en terre d'islam, tant donn que l'ide augustinienne des deux cits (cleste et terrestre) n'a point de place dans le systme symbolique islamique o tout est religieux, l'tat et la socit". Cit par Sami Aoun in: Aujourd'hui l'islam: Fractures, intgrisme et modernit. Montral. MEDIASPAUL 2007. P 63 159 _ Taguieff, Pierre-Andr. La foire aux illumins. Esotrisme, thorie du complot, extrmisme. Fayard, Mille et une nuits, novembre 2005. P. 518-522
63
Le discours d'AI Qada travers les dclarations des deux leaders Oussama Ben Laden et Ayman al-Zawahiri 160 ne parait pas trop attach au thme du complot. En effet, depuis le premier communiqu de Ben Laden du 16 septembre 2001, une semaine aprs les vnements du Il septembre, l'allusion au complot contre la communaut musulmane n'apparat que dans trois occasions. La premire est la lettre 161 de Ben Laden concernant l'initiative saoudielU1e sur la paix au Moyen Orient. Le paragraphe qui retient l'attention est le suivant:
"Le personnage d'Abou Raghal se rpte dans l'histoire de l'Umma depuis un sicle pour aider les infidles mieux s'infiltrer et tablir les bases. L'initiative (amricano-sioniste avec une couverture saoudienne) du prince Abdullah, n'est autre qu'une conspiration et une autre forme de trahison que l'histoire de la rgion retient parmi d'autres." 163.
La suite du discours consiste attirer l'attention sur fIles complots de la famille Al
J62
160 Tous les discours de Ben Laden et AJ-Zawahiri sont disponibles sur le site d'A[ Jazeera (page consulte le 07 Janvier 2007), [en ligne], adresse URL: http://www.aliazeera.net/NR/exeres/392BC4D7-E9AA-4E5A-8F33-877EEBOC0781.htm. Il faut remarquer qu'il Y a toujours une mise jour avec l'ajout de nouveaux discours des deux leaders.
161 _
162 _ Abu Raghal est le symbole de la trahison dans l'histoire arabo-musulmane. Il a t le guide du reprsentant gnral du Ngus thiopien au Ymen, l'Abyssinien Abraha AI-Achram, quand il a march sur la Mecque pour dtruire la Kaaba en 570. 163 _ La proposition saoudienne a t un plan de paix propos par le Roi saoudien actuel Abdullah alors prince hritier. Ce plan consiste normaliser la relation entre Isral et les pays de la Ligue des tats Arabes, en change du retrait isralien des territoires obtenus aprs la victoire de 1967.
64
isralo-arabe, sous le commandement de Glubb Pacha 164, jusqu' leur rle pour mettre fin l'Intifada, avec les accords d'Oslo en 1992. Il faut noter que le discours de Ben Laden met l'accent sur un complot continu sur l'Umma de l'intrieur de celle-ci. Il fait signaler aussi la rfrence faite par le chef d'Al Qada, au personnage d'Abu Raghal que l'imaginaire arabo-musulman retient comme tratre et comploteur contre les Arabes. Il est intressant de souligner une contradiction qui survient dans le discours islamiste contemporain faisant rfrence au personnage d'Abou Raghal comme tant un tratre et un comploteur contre l'Umma, alors qu'en ce temps, au VIe sicle, la Mecque tait le centre des divinits en pierre que les tribus arabes vnraient et que l'Islam a lui-mme combattu. Dans un autre discours aux Europens, Ben Laden fait rfrence expressment au complot amricain :"Je leur [Europens] propose par la prsente un trait de paix,
bas sur notre engagement cesser les oprations contre tous les pays qui s'engageraient eux-mmes ne pas attaquer les Musulmans et ne pas s'ingrer dans leurs affaires, y compris dans le complot amricain contre le monde islamique dans son ensemble. ,,165. Il est clair que Ben Laden cherchait plus la division au sein
de la coalition autour des Etats-Unis. Ce discours, totalement politique, comme on peut le constater, est dcharg des propos religieux. Par ailleurs, et quand Ayman al-Zawahiri, il n'a fait rfrence au thme du complot, dans tous ses discours qu'une seule fois. Elle concerne la participation du mouvement Hamas dans les lections palestiniennes en 2006 : "L'ennemi sioniste et
crois veut nous [Musulmans] sduire en donnant au mouvement [le Hamas] la possibilit d'accder au pouvoir pour la pousser accepter leurs exigences. Par
164 _ Sir John Bagot Glubb, Lieutenant-Gnral britannique qui a t le commandant de la Lgion arabe pendant la Guerre isralo-arabe de 1948. et dont le rle est rest controvers.
165 _
65
consquent, nous devons faire face la conspiration de l'ennemi, avec le Jihad et le refus des conventions ...
,,166.
C'est ainsi qu'on peut dduire que la rhtorique du complot n'est pas une caractristique du discours des dirigeants d'Al Qada, d'ailleurs Ben Laden est en cOill1aissance parfaite des politiques amricaines dans la rgion, guides par les intrts plutt que par le complot contre l'Islam. Ceci bien sr, peut tre expliqu par la cOill1ivence qui a eu lieu pendant la guerre d'Afghanistan (1979-1989) entre les "Arabes-Afghans" amricains 167. dont Ben Laden tait le leader, et les services secrets
"Le sionisme mondial et les forces colonialistes, par un mouvement subtil et une planification tudie, essaient de faire sortir les uns aprs les autres les Etats arabes du cercle du conflit avec le sionisme pour qu'enfin de parcours le peuple palestinien se retrouve tout seul ( ..J. Le Mouvement de la Rsistance Islamique appelle les peuples arabes et islamiques uvrer avec srieux et persvrance empcher la poursuite de ce plan effroyable ( .. J, le plan sioniste n'a pas de limite; aprs la
166
167 _ Les liens entre la CIA et Ben Laden sont retenus par plusieurs analystes entre autres Abdel Monam Saidali, du Centre AI-Ahram des tudes stratgiques du Caire. Cit dans l'article de professeur canadien gauchiste de l'universit d'ottawa Michel Chossudovsky du Centre de recherche sur la mondialisation (CRM) : " Qui est Oussama ben Laden?". (Page consulte le 10 Fvrier 2007), [en ligne], adresse URL: http://www.globalresearch.caJarticles/CHOI09E.html 168 _ ceci est clair avec le nombre de versets Coraniques et des hadiths contenus dans la charte du Hamas de 1988
66
Palestine, ils ambitionnent de s'tendre du Nil l'Euphrate. Leur plan se trouve dans "les Protocoles des Sages de Sion" et leur conduite prsente est une bonne preuve de ce qu'ils avancent. ,,169.
Ce qui retient l'attention dans cet article c'est la rfrence aux " Protocoles
des Sages de Sion", et qui met de l'avant l'ide d'une conspiration juive.
On peut signaler ici que "les Protocoles des Sages de Sion,,170 remporte beaucoup de succs, gnralement chez le lecteur arabe, vu la place qu'occupe "le Juif' dans l'imaginaire musulman. En effet, comme l'affirme Jacques Tarnero : Le sionisme et
Isral occupent dsormais, en particulier dans l'imaginaire arabe, la place qu'occupait jadis le Juif dans l'imaginaire mdival europen
17l.
"Les Protocoles
des Sages de Sion" est un faux, comme l'on dmontr plusieurs chercheurs 172. Par
exemple, Pierre Andr Taguieff assure que Les protocoles constituent assurment le
Mais si Taguieff a dmontr que les protocoles ont dfini les aspects du mythe antijuif moderne et la hantise du complot sioniste mondial, le penseur gyptien
169 _ voir la traduction de la charte en franais par Jean-Franois LEGRAIN, Ancien chercheur l'Institut Franais d'Etudes Arabes de Damas (IFEAD) (1976-1977, 1986-1987), et charg de recherche au CNRS depuis 1990. La traduction est disponible sur: (page consulte le 10/06/2007), [en ligne], adresse URL: http://www.gremmo.mom.fr/legrain/legrain.htm 1
170 _
171 _ Tarnero, Jacques: Le ngationnisme, ou le symptme des temps pervers: Une nigme rcurrente: le signe antijuif. ln Revue d'histoire de la Shoah nO 166, mai-aot 1999. Centre de documentation juive contemporaine 1999.
vo ir entre autres : Taguieff. Pierre Andr. Les Protocoles des Sages de Sion. Faux et usages d'un faux. Paris, Berg international, 1992. Taguieff. Pierre Andr. Les prcheurs de haine. Traverse de la judophobie plantaire. Paris. Mille et une nuits. 2004. Pp 617-817. AI-Massiri Abdelwahab. The Protocols, Judaism, and Zionism. Cairo, 2003
172 _
173 _ Taguieff, Pierre-Andr. La foire aux illumines. Esotrisme, thorie du complot, extrmisme. Op cit. P 620.
67
Abdelouhab al Massiri 174, avance que "Les Protocoles .... est un faux, mais son ide
a plus servi au sionisme qu'aux Arabes, mme s'il est un faux car ils donnent aux Juifs des pouvoirs qu'ils n'ont pas rellement" 175. Il ajoute aussi que le but du
sionisme est de promouvoir ces ides pour "semer la terreur dans les curs des
Musulmans et des Arabes afin de gagner la guerre psychologique avant d'entrer dans le champ de bataille ,,176.
La question qui se pose est: Est ce que le professeur Abdelwahhab al Massiri ne tombe pas, lui-mme, sous les charmes de la thorie du complot, avec une telle vision des choses, en essayant de ne pas verser dans le simplisme qui caractrise celtains crits ou discours des tenants des thories du complot? Mme s'il indique dans plusieurs de ses ouvrages que la thorie de la conspiration est rductrice, immorale, et n'a aucune puissance explicative, ou mme une capacit de mobilisation 177. Toujours est-il que pour le Hamas, cette vision est fondamentale dans son projet et mme dans sa survie comme mouvement dans les territoires palestiniens occups. Il ne faut pas omettre de noter que, les versets coraniques qui figurent dans la charte du Hamas, sont tirs de leur contexte 178 , pour servir le discours du mouvement. Par exemple, le verset coranique cit dans le mme article 32: "Nous avons suscit, parmi eux,
l'hostilit et la haine, jusqu'au Jour de la Rsurrection. Chaque fois qu'ils allument un feu pour la guerre, Dieu l'teint. Ils s'efforcent corrompre la terre. Dieu n'aime pas les corrupteurs" (5, 64). On rappelle que ce verset concernait les tribus juives de
174 _ AI-Massiri est un intellectuel gyptien spcialiste du judasme et du sionisme. Il est l'auteur de plusieurs sur cette question, et d'une grande encyclopdie sur les Juifs et le sionisme. 175 _ Voir son entretien tlphonique ave le site de la tlvision qatari AI-Jazeera disponible sur: (page consulte le 30/06/2007), [en ligne], adresse URL: : http://www.aljazeera.netlNews/archive/archive?ArchiveId=44179 176 _
Ibid.
177 _
voir entre autres, AI Massiri, Abdelwahab. The Protocols, Judaism, and Zionism. Cairo,
2003
178 _ voir la premire partie du chapitre 1 de ce mmoire, pour les exemples des versets coraniques concernant les Juifs.
68 Mdine (comme l'avance l'exgte Ibn Kathir), et le gnraliser tous les Juifs travers l'histoire (au moins de la civilisation arabo-musulmane) serait un indice rvlateur du dficit dans le raisonnement historique, sinon une instrumentalisation idologique.
Fitna. Dans cette perspective, la religion est exploite pour expliquer que le mal ne
peut venir que de l'extrieur et se soustraire ainsi de toute responsabilit. Etant donn que cet imaginaire retient que l'Umma est la meilleure communaut sur Terre. L'ide provient du verset coranique suivant: "Vous tes la meilleure Umma (communaut)
qu'on ait fait surgir pour les hommes, vous ordonnez le convenable, interdisez le blmable et croyez en Dieu" (Al !marne, 110). Ce verset est repris chaque fois, pour
parler de la communaut musulmane dans son ensemble. Mais en se rfrant aux exgses, notamment d'Ibn Kathir et Tabari, on constate que le verset dsigne par communaut, les mouhajirine, ou les compagnons qui ont immigr avec le prophte Mdine. Tabari ajoute que le terme Umma peut dsigner, selon certains linguistes, la voie. On signale aussi qu'Ibn Kathir stipule que ce verset peut tre gnralis toute la communaut musulmane, si elle suit les pas des mouhajirine, notamment en ordonnant le convenable, en interdisant le blmable et en croyant en Dieu.
Dans cette perspective, on peut retenir les trois traits caractristiques du Complot qu'Emile Poulat a avanc dans" L'esprit du complot,,179 ; et qui sont: la
179 _
69
l'adversaire/ 8o . D'autre part, selon Poulat, les socits dans leur tat de fragilit, se
sentent menaces par l'tranger 181, qui devient un ennemi extrieur, et par les insatisfaits et les rvolts de l'intrieur. Cette ide rejoint cel1e de Serge Moscovici dans son article" The conspiracy mentality
"la mentalit
du complot divise les gens [. ..} en deux classes. L'une pure, l'autre impure" 183. Dans
le mme ordre d'ide, la culture arabo-musulmane et mme la thologie retient l'existence de deux espaces ou monde Dar al-Islam
/84,
Musulmans, ncessairement "bien"; et Dar al-Harb/ 85 , territoire impie, donc "Mal" et o les Musulmans doivent faire la guerre pour le soumettre Dar al-Islam, ou au Bien. Toujours selon Moscovici, dans l'esprit des thoriciens du complot, la socit est dans un tat d'harmonie sans conflits, et si dsordre et dcadence il y a, cela ne peut venir que des mauvais conspirateurs. A ce titre, plusieurs mouvements de rbel1ion dans l'histoire arabo-musulmane ont t expliqus par plusieurs penseurs musulmans, rvant du retour du califat, par un complot contre l'Umma. Alors que l'explication rationnel1e, tenant compte de plusieurs facteurs
186
(conomique,
politique,
180
181
182 _ Moscovici, Serge. "The Conspiracy Mentality." Trans. Kathy Stuart. ln Changing Conceptions of Conspiracy. Ed. Carl F. Graumann and Serge Moscovici. New York: Springer-Verlag, 1987.151-169.
183
-Ibid, p.154
184 _ littralement Dar al-islam signifie la Maison l'Islam : ce sont les territoires domins par l'empire musulman. 185 _ Littralement Dar al-Harb signifie (Maison de la guerre) : ce sont les territoires des non musulmans, donc en dehors de dar al-islam. 186 _ comme la rvolte des zandj (esclaves noirs), dans les priodes de 689 jusqu' 883, et le mouvement des Qarmates qui sont dcrits comme des rvolutionnaires communistes , et parfois comme une secte guerrire et qui en 930, se sont empars de La Mecque.
70
contre le despotisme califal 187 . Ce discours de victimisation est le mme tenu par plusieurs islamistes et nationalistes (nassriens, syriens ... etc.).
Devant ces explications, il parat clair que l'utilisation des rfrents religieux surtout dans les prches de Vendredi, pour rendre l 'Umma aussi pure, a facilit la tche l'imaginaire musulman pour croire profondment que ces difficults internes ont des causes externes. Il en tait ainsi avec la mort du calife Omar, celle du Calife Othman, les batailles des Sahaba entre eux, la chute de Bagdad en 1258, la cration de l'Etat d'Isral en 1948, et tout ce qui se passe dans la rgion depuis la seconde guerre du Golfe en 1991. Cette 'oqdat al mouamara (complexe du complot)188 selon les termes du chercheur religieux libanais Cheikh Hussein AI Khechen, est peru comme rvlateur du dficit du sens critique.
Depuis la seconde moiti du XXe sicle, on retient que le SIOnisme est considr comme le mouvement responsable de tous les plans politiques survenus dans la rgion du monde arabe. La thorie du complot va refaire surface aprs l'clatement de l'Union sovitique. Plusieurs crits, amricains surtout, ont essay de montrer le monde de l'Islam comme un futur rival des tats-Unis. Ce qui retient l'attention, c'est qu'aprs chaque crise et chaque dfaite, la rhtorique du complot refait surface, pour accuser l'Autre (colonialisme, Les tats-Unis, les communistes, le sionisme, les firmes internationales, les institutions financires internationales ... etc.).
187 _ voir par exemple Ismal, Mahmoud : Al-harakat as-sirryia fi al-islam: Les mouvements secrets en islam. Sina li an-nachr. Le Caire. Moassassat al intichar al -arabi. Beyrouth. 1997. 5ime dition.
188 _.
71
Leur attribuer tous les malheurs, c'est en fait adopter une interprtation dimensiOlUlelle et uni factorielle. Il y a plusieurs niveaux pour approcher la mentalit du complot dans l'imaginaire musulman: l'approche de l'analyse politique, et celle de l'exagration politique.
UnI
qu'''illui est toujours bon, par exemple de paratre clment, fidle, humain, religieux, sincre ... ", mais qu'il doit songer "uniquement conserver sa vie et son tat ... ". Par
consquent, on peut dire que tout ce que la politique ne peut pas le raliser solennellement par le droit et les conventions, elle cherche le raliser par d'autres moyens tels la guerre, l'influence, la manipulation et les complots susceptibles d'tre rentables pour l'Etat dans une situation donne. De l, on peut dire que tout tat a deux politiques, une avoue et orne de principes moraux, et une autre politique secrte esquisse par les militaires, les stratges et les services d'intelligence. Dans cette perspective, toute politique internationale qui se
189 _ Chevalier. Jean-Jacques. Les grandes uvres politiques de Machiavel nos jours. Paris Armand Colin. 1970. P 27
ad-hoc,
190 _
72
veut russie doit en pnnclpe fonctionner publiquement, en vertu du droit et des principes humains, sans pour autant omettre l'attitude machiavlique, que
Comme il a t esquiss 191, cet imaginaire musulman ne prend pas les analyses critiques et autocritiques de son corpus religieux et historique (hiss lui aussi au rang du sacr ou du tabou ), en considration. Au contraire, plusieurs chercheurs modernes
l92
191 _
192 _ On cite l'exemple du penseur gyptien Farag Fouda auteur de "La vrit absente" (Al haqiqa al-gha 'iba) assassin en 1992, pour avoir os donner une lecture scientifique non conventionnelle de l'histoire des premiers califes de l'islam, les montrant comme des hommes susceptibles de faire des erreurs et ambitieux du pouvoir politique, pour expliquer notamment les vnements de la Fitna. Ce qui est intolrable dans la littrature islamiste contemporaine. Il ya aussi Nasr Hamed Abou Zeid intellectuel gyptien dclar comme apostat et contraint de quitter son pays, pour avoir os avancer la thse de l'historicit du texte Coranique. Voir entre autres ses deux ouvrages: Discours et hermneutique et Critique du discours arabe. Et autres encore comme, Sayed AI-Qomni auteur de nombreux ouvrages contre les thses islamistes sur l'histoire musulmane: " le parti hachmite et la constitution de l'Etat islamique", "Les guerres de l'Etat du prophte' Badr et Ohoud' et "le mythe et la tradition". AI Qomni a renonc son travail d'crivain aprs avoir reu des menaces de mort de la part d'islamistes gyptiens. Nawal al Saadaoui intellectuelle et fministe gyptienne, auteur notamment de " Femmes gyptiennes: tradition et modernit ". Paris. Editions Des femmes. 199 J
73
religieux par la critique et l'analyse, se sont vus discrdits par le courant islamiste, radical certes mais bel et bien influent au sein des masses populaires 193. En outre, le recours au complot pour comprendre des faits et des vnements essentiellement d'ordre politique et gopolitique, est un indice du dficit du rationalisme, de l'esprit critique et de la culture dmocratique dans l'espace arabo-musulman. Et plusieurs contraintes jouent en faveur de ce dficit et du coup, du recours l'ide du complot comme un raccourci mental et facile pour comprendre et expliquer l'histoire:
diamtralement opposes: La premire est un monde rural marginalis qui comprend la campagne, et quelques villes ou parties de villes, ruralises 194. La seconde est le monde urbain, avec tous ses mtiers commerces et professions, nouveaux et changeants, ses tudiants, ses acteurs politiques modernes. Les relations sociales se chevauchent entre ces deux mondes, le premier est structur sur une base tribale. Tandis que l'autre est organis selon les critres de la socit moderne, dans ses activits conomiques et sociales. Ce hiatus entre ces deux mondes, et surtout l'incapacit du second influencer le premier intgrer la modernit, constitue un problme essentiel pour la pense arabo musulmane contemporaine. En effet les gens de la campagne ont intgr les institutions "modernes" de la ville (Arme, partis politiques ... etc.), en gardant la culture tribalo-clanique, c'est ainsi que les valeurs modernes de l'action politique et
193 _ Les lections emportes par les islamistes dans plusieurs pays arabo-musulmans, mme les plus lacs telle la Turquie, sont largement significatives. Par exemple: La perce des Frres Musulmans dans les lections lgislatives gyptiennes 2005 tait plus ou moins surprenante pour le parti national au pouvoir et les autres forces laques de l'opposition. La victoire du Hamas dans les lections palestiniennes du 25 janvier 2006 a mis fin au mythe du Fatah comme seul reprsentant du peuple palestinien l'intrieur des territoires palestiniens occups. 194 _ Selon les termes de Halim Barakat dans son ouvrage" La socit arabe au XXe sicle". Barakat, Halim. La socit arabe au XXe sicle. Beyrouth, CasablancaMarkaz dirassat al-wahda al arabyia. 2000. P 232
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civile, se sont elles mme ruralises dans la socit arabo-musulmane. Les forces qui ont jou un rle important dans les pays arabo-musulmans sont nombreuses. Grce leurs degrs d'influence, ces forces peuvent tre classes par catgorie comme suit:
Les familles rgnantes traditionnelles qui ont hrit le pouvoir depuis des sicles 195, ou de nouvelles familles venues au pouvoir par des coups d'Etat ou mme des lections ou par plbiscite. Ces familles ne tiennent pas seulement le pouvoir politique, mais aussi les rnes de la vie conomique
l96 .
La bourgeoisie commerante financire et foncire qui est constitue des grandes familles anciennes, des familles qui ont dvelopp leurs commerces sous le colonialisme occidental. Ainsi que la petite bourgeoisie et la moyenne qui se sont dveloppes aprs l'indpendance, mais qui reste largement dpendante de la grande bourgeoisie.
La petite bourgeoise qui bnficie du soutien des familles rgnantes dans le domaine commercial et financier et qui occupe des postes importants dans la hirarchie tatique, l'arme et les offices nationaux.
195 _ Comme la Famille AI Saoud, en Arabie saoudite, les Hachmites en Jordanie, ou les Alaouites au Maroc. 196 _ Par exemple, Zartman dans "political elites in Arab North Africa , stipule que la richesse, au Maroc comme en Egypte reste un facteur dcisif pour faire partie de l'lite ministrielle. Cit par Amina El Messaoudi. In Al wouzara' fi an-nidham as-siyassi al-maghribi [les ministres dans le systme politique marocain] : 1955-1992 . Casablanca. AI najah al jadida. 2001. P 121. L'auteur ajoute pour le cas du Maroc que la classe riche ou aise ou mme "chanceuse", selon les termes de l'auteur, a donn 83 ministres depuis 1955 1985, avec un pourcentage de 42.34%. Suivie de la classe moyenne avec 56 ministres (28.58%), vient aprs, la classe populaire ou infrieure avec seulement 29 ministres (14.8%). ibid. page 122, tableau 23
75
* Les
son immuabilit relative travers la reconduction et la perptuation, de gnration en gnration, des valeurs et des normes hrites et relevant des socits archaques. Ainsi plusieurs tendances du systme des valeurs, arabo-musulman, entravent srieusement la possibilit d'une ducation base sur l'autocritique, susceptible de librer le citoyen de la mentalit du complot et son corollaire celle de la victimisation : - La tendance de mettre l'emphase sur l'appartenance la famille ou la
Ce qui a cr un dsquilibre dont souffre la structure sociale arabo-musulmane qui reste sous la pression d'autres contraintes, notamment d'ordre culturel. En effet, il semble que les explications par les contraintes socio-conomiques et politiques dans la culture arabo-musulmane, restent insuffisantes. Les mentalits, bien que dpendantes des transformations conomiques sociales et politiques, gardent une autonomie dans une certaine mesure. Et parfois la ralit sociale change sans que les mentalits suivent ce changement. Les moyens technologiques modernes deviennent utiliss par une socit, mais les mentalits traditionnelles 197 sont encore persistantes. A ce niveau, le discours culturel, la lumire du vcu dans les socits
197 _ La sorcellerie, le culte des dmons et des saints susceptibles de gurir, restent des pratiques largement rpandues dans les pays de l'espace arabo-musulman. A ce sujet voir par exemple: Dermenghem, Emile.: Le culte des saints dans l'Islam Maghrbin. Gallimard, Paris, 1954. Rachik, Hassan. Sacr et sacrifice dans le Haut Atlas marocain, Casablanca: Afrique-Orient, 1990.
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contemporaines devant ses dfis est un discours en cnse : d'une part, il y a
l'effritement des politiques, des idologies et des ides. D'autre part, les grands progrs dans les sciences sociales qui ont eu comme consquence l'apparition de nouvelles lectures des rapports humains et entre acteurs politiques. En plus des rvolutions scientifiques (technologiques, informatiques ... etc.) sonnant le glas une culture et donnant naissance une autre. Les facteurs les plus importants de la cnse culturelle contemporaine du discours arabo-musulman se situe dans la tentative d'identifier les composantes de la culture occidentale mondialise, avec la peur ou la hantise pour sa culture nationale, son identit culturelle, et sa spcificit nationaliste hritire d'un legs historique important. D'o une culture arabo-musulmane contemporaine perue comme un rapport dsquilibr entre la perception et l'action, entre une perception incomplte et une action impuissante, entre le "penser" brouill et l'agir vague. En outre on peut ajouter que depuis la marginalisation de la rflexion philosophique et du rationalisme, vers le Il ime sicle, la culture intellectuelle arabo-musulmane a t paralyse par la persistance des superstitions. Ajoutons cela l'analphabtisme 198 et la primaut de la culture orale et celle du fatalisme, sans oublier le manque de l'esprit critique dans les programmes scolaires, la propagation de la mentalit du dni 199, o les erreurs ne sont pas avoues, et le verrouillage du systme politique ne permettant aucune participation au pouvoir. C'est ainsi que la mentalit du complot s'rige comme un raccourci mental et un dtour de la critique interdite et une libert limite, absente ou touffe.
198 _ A titre d'indication: En matire d'enseignement, le niveau inacceptable d'analphabtisme (le tiers des hommes et la moiti des femmes en 2002) et la privation de certains enfants arabes, quand bien mme dans de faibles proportions, de leur droit fondamental l'enseignement lmentaire, limitent la progression de l'enseignement en terme quantitatif . Voir le rapport sur le dveloppement humain dans le monde arabe publi par l'agence de l'ONU pour le dveloppement dat de 2005. (Page consulte le 07 Janvier 2007), [en ligne], adresse URL: http://domino.un.org/unispal.nsf/8525 5db800470aa48525 5d8 b004e349a/09ca608fa317fDf48525 6fda006geOac/$FILE/French.pdf 199 _ A titre d'exemple, on peut dire que les erreurs du pass sont rarement avoues, concernant la Fitna par exemple, les erreurs des compagnons du prophte, qui ont fait la guerre entre eux, sont rarement dbattues dans les mosques et par les penseurs islamistes.
77
Ce point ouvre sur (et explique partiellement) un autre, non moins essentiel, c'est la monte de l'intolrance et de l'extrmisme, accompagn de l'appel incessant du retour de l'tat religieux. Il est structur par un discours strotype traditionaliste rfutant la modernit jusqu' la diabolisation, se rfrant aux Hadiths du prophte:
"Suivez et n'innovez pas, car on vous a donn ce qui est suffisant [et toute innovation est un garement.],,2oo, et, "Toute innovation est un garement, mme si les gens la considre comme bonne." 201, et aussi et surtout "Faites attention aux choses nouvelles, car toute nouveaut est une innovation, et toute innovation est un garement, et tout garement mne l'Enfer". Signalons que ces hadiths concernent
les affaires religieuses, o l'innovation est interdite, alors que les affaires autres que religieuses ne sont pas prises en considration dans cette question d'innovation, d'ailleurs d'aprs un autre hadith rapport par Muslim le Prophte a dit: "Vous tes
plus au courant que moi des affaires de votre vie (ici-bas) ".
Ce malaise senti dans la culture arabo-musulmane, principalement avec ses rfrents historiques et religieux, reste un indice clair de la non assimilation de l'hritage arabo-musulman, de ses lectures et de ses interprtations divergentes. Ce pass est alors assujetti une seule lecture, o il devient pur et immacul, et toute tentative de changement surtout si elle vient de l'extrieur est perue comme une menace et faisant partie du Complot contre l'Umma.
n'a pas connu la mme gestation pistmologique et idologique comme la pense politique en Occident, dans le sicle des Lumires et les rvolutions nationales. Ces dernires ont permis la politique de passer du paradigme thologique la science et
200 _ Rapport par Waki ' dans az-Zuhd (No 315) et Abou Khaythamah dans Kitabul-'Ilm (No 54), o shaikh AI-Albani l'a authentifi. Le complment est rapport par Tabarani dans Al-Kabir (9/1 54)
20\ _ Rapport par Al-Bayhaqi dans Al-Madkhal ila Sunan al koubra (No 191) et aussi Ibn Nasr dans As-Sunna (p. 24).
78
autorits [dans le monde musulman] exploitent machiavliquement les thories de complot pour leurs propres fins ,,203 Pipes donne l' exempie de l'crivain britannique
Salman Rushdie: "La campagne contre Salman Rushdie a commenc dans les rues
de Grande-Bretagne et le Pakistan; Seulement aprs que les gouvernements, saoudien et iranien, l'ont adopt et en ont fait un vnement,,204 Pipes avance que la
thorie du complot constitue un obstacle rel la modernit elle-mme dans la rgion, et empche les citoyens dans monde musulman de raliser le progrs auquel ils aspirent. Mme les intellectuels arabes au Moyen Orient interprtent les grands
202 -Il n'est pas de l'intention de ces lignes d'analyser l'histoire de la politique en occident. Mais il est important de signaler que le ralisme politique a t instaur depuis Machiavel (1469-1527), dans "Le Prince" o la politique n'est plus une affaire de morale. 203 _ Pipes, Daniel: The Hidden Hand: Middle East Fears ofConspiracy. New York: St. Martin's Press, 1996, p 231 .
204
-Ibid, P 231
79
vnements de l'histoire par le prisme des thories du comploe0 5 . Elle constitue un des dispositifs politiques les plus distinctifs de la rgion. Dans la mme vision des choses, Olivier Roy avance que: "La thorie du complot est en ce moment ce qui
3.2.2) La thorie du complot: le raccourci mental vers le bouc missaire et le machiavlisme de la classe dirigeante.
La rhtorique du complot a t cultive par la classe dirigeante qui utilise ce genre de discours pour justifier les checs ainsi que pour barrer la route aux revendications des forces de l'opposition. Le complot est aussi employ contre les opposants. Les discours accusateurs contre les opposants font souvent rfrence la trahison et au complot de l'extrieur, et o participeraient activement ces opposants 0 . Les justifications par les accusations et le complot interfrent avec la personnification du pouvoir et des relations politiques. La rhtorique du complot elle mme devient une tendance la personnalisation d'ennemis (imagins), et que l'imaginaire retient comme formant une menace contre "le moi social". On trouve dans cette perspective, toute une terminologie "atteinte l'identit nationale", "L'occident et le retour des croisades" ... etc. Ce qui rejoint l'ide avance par Alain de Benoist
208
2 7
d'efforts. La thorie du complot, chez lui, tient une seule cause, pargnant ainsi ses tenants, de se livrer aux recherches historiques, psychologiques et sociologiques
205 _
Ibid, P 2
206 _
207 _ Exemple de Ayman Nour le Prsident du mouvement Kifaya, et du Professeur Saad Eddine Ibrahim directeur du centre de recherches Ibn Khaldoun au Caire en Egypte. Voir l'entretien fait avec Saad Eddine Ibrahim dans le Journal montralais Al-Mustakbal du 12 Juillet 2007. 208 _ Benoist, Alain DE: Psychologie de la thorie du complol, Politica hermetica [diffusion l'Age d'Homme], n'6-1992, pp. 13-35
80
pour expliquer les vnements sociaux. En d'autres mots, Le refus de penser le
bouleversement, de substituer aux modes de reprsentation traditionnels de nouveaux codes est le corollaire de la peur de l'historialit.
209.
14
81
dbat public, le mensonge politique, le manque de la responsabilit interne, sans oublier le manque critique des processus dcisionnels et de la comprhension des dcisions stratgiques et tatiques, la situation sociale devient de plus en plus difficile comprendre par l'homme ordinaire. L'Occident ou l'extrieur devient un bouc missaire pour affranchir les pouvoirs de leur dficience et incomptence, ainsi que donner une lgitimit l'attentisme de la socit. Cette situation est plus ou moins similaire l'poque postrvolutionnaire (la rvolution franaise de 1789), Massimo Introvigue souligne en parlant de l'imaginaire du complot qui rgnait l'poque en France:
"... c'est le rle sociologique { .. .} de la thorie du complot qui me semblerait plutt naitre de la socit complexe o les gens, quelle que soit leur position politique, voient la situation sociale extrmement difficile saisir et la thorie du complot {.. .} les aide saisir nouveau, se sentir matres de la situation historique dans un schma noir / blanc, nous / eux ... etc. ,,211
La sparation entre gouvernants et gouverns et le manque d'interaction entre les valeurs et les demandes de ces derniers d'une part et le comportement politique des premiers d'autre part, affecte la transparence et accentue la disposition des gouverns
derniers ne se gnent gure d'utiliser toutes les formes de violence contre ses adversaires. Ajoutons cela l'absence d'institutions sociales et politiques capables de prparer et socialiser des citoyens au dialogue ouvert, ainsi que des structures conomiques et sociales et du cadre culturel, ncessaires pour l'apprentissage de la dmocratie, sans oublier la non-reconnaissance du pluralisme politique, et l'absence de l'alternance du pouvoir comme un rgulateur dmocratique. En un mot "quand la
socit souffre, constate Durkheim, elle prouve le besoin de trouver quelqu'un qui elle puisse imputer son mal, sur qui elle puisse se venger de ses dceptions.
,,212.
211 _ Introvigne, Massimo. L'esprit du complot, Politica Hermetica, nO 6, L'Age d'Homme, Paris. 1992. P 30
212.
Girardet, Raoul Mythes et mythologies politiques. Paris. ditions du Seuil. 1986. P. 54.
82
Cela tant, il y a une ide qui a t exploite par plusieurs leaders arabes et qui a beaucoup servi les tenir au pouvoir dans leurs pays. C'est l'ide du "Grand Isral" qui consiste dire que l'tat isralien projette d'agrandir ses territoires sur tous les territoires des pays arabes. Au-del de la vracit de ce rve, ce qui nous concerne ici c'est de mettre en vidence son utilisation par certains chefs d'Etat de la rgion. En effet, parmi les propos du leader libyen Mouammar Kadhafi la tlvision libyenne le 20 Mars 1990: "le plan amricano-sioniste travers "le Grand Isral" projette
occuper le monde arabe et le monde musulman, et contrler surtout la Mecque et Mdine."
213.
profondment de la thorie du complot. Parfois ce dernier est la fois isralien et amricain, dans d'autres occasions, il est juif et chrtien. Par exemple, s'adressant aux Serbes dans leur guerre contre les Bosniaques il avance la tlvision libyenne:
"Vous les Serbes, vous tiez nos amis depuis Tito. La doctrine orthodoxe est similaire
l'Islam,' vous ne devez pas tombez dans le complot des Catholiques, des
Nul doute que l'image du leader libyen en Occident est reste ngative, mme aprs la leve des sanctions contre la Libye et l'ouverture du rgime libyen sur les pays occidentaux. Cette image de Kadhafi peut tre explique par l'orientation du leader libyen depuis son avnement au pouvoir en 1969. Kadhafi se proclame lui mme comme un disciple du leader nationaliste arabe Nasser. L'idologie nationaliste, pousse au paroxysme par Kadhafi, est fondamentalement antilibrale et anticapitaliste, et qui voit dans l'Occident et Isral, la source de tous les maux arabes
213 _ Cit par Pipes, Daniel: The Hidden Hand: Middle East Fears ofConspiracy. New York: St. Martin's Press, 1996. P 59 214 _
Ibid. P 129
83 et musulmans. Du coup Kadhafi rejette le systme conomique capitaliste amricain qu'il considre "corrompu et dcadent" (page 45 des explications du Livre Vert)215. L'anti-occidentalisme tait le cheval de bataille de Kadhafi qui tenaient des discours journaliers pour dnoncer, voire insulter ce qu'il appelle l'imprialisme amricain, responsable de l'implantation d'Isral dans la rgion selon ses propos. Cette vision du monde et ce rfrentiel idologique de Kadhafi a largement consolid l'image du leader libyen en Occident, o les mdias lui rservent "le quasi-monopole
215 _ Cit par Robert Charvin et Jaques Vignet - Zuns in Charvin, Robert et Vignet-Zuns, Jacques. Le syndrome Kadhafi. Paris Editions Albatros, 1987. P. 73
216 _
217 _ "Je me tiens aux cts de l'homme de la rue, de j'homme perscut, qu'il soit chrtien ou musulman ... " cit par Robert Charvin et Jacques Vignet - Zuns. P 121.
218 _
84
bon deal". Depuis le dbut de cette affaire, les autorits libyennes ont cri au complot occidental et sioniste pour contaminer les enfants libyens. Les dclarations de Saf al Islam Kadhafi, sont passes sans gne en Libye, et n'ont pas suscit d'indignation au sein de la population. Ce qui prouve encore une fois que l'imaginaire arabo musulman n'est pas encore prt accepter une rvision de l'ide du complot occidental contre l'Umma musulmane. Cela tant et si Kadhafi a chang son discours, celui du parti Baath en Syrie est rest le mme, et avec la mme rhtorique du complot vhicule par l'ex-prsident syrien Hafez al-Assad, et perptu par son fils Bachar le prsident actuel de la Syrie. En effet, le complot isralien et l'ide du "Grand Isral" reviennent beaucoup dans le discours de Hafez al-Asad, comme danger imminent 2J9 contre les Palestiniens et les Arabes. Alors qu'il a t souponn de saboter la dfense syrienne au Golan en 1967, lorsqu'il tait ministre de la dfense, une offensive irakienne sur Isral en 1973, d'avoir permis le massacre Tel Zaatar (camp palestinien Beyrouth-Est au Liban) en 1976, et d'avoir t plusieurs reprises en contact avec les Israliens lors de la guelTe civile libanaise (1975-1990)220. En sus, il a t souponn de cooprer avec les tats-Unis
22
!
ses discours anti-amricains. En fait ces accusations, qu'on peut aussi considrer comme relevant elles-mmes de la rhtorique du complot, tant donn qu'elles mmes sont prsentes sans preuves claires, allaient se confirmer chez leurs dfenseurs aprs que les troupes syriennes rejoignent celles amricaines dans la
219 _ Voir quelques uns de ses discours annuels, du 8 Mars commmorant la rvolution du parti Baath de 1963, entre 1985 et 1990 in, Ma'oz Moshe, syria and Isral: From War to peace-making. Oxford. Clarendon Press. 1995. Pp 32-80 220 _ Pour plus de dtails voir Saint-Prot Charles. Les mystres syriens: La politique au Proche Orient de 1974 1984. Paris. Albin Michel. 1984. Pp22-23 221 _ Cit par Turki Fawaz, Exile's Return: The Making of a Palestinian American. New York. Free Press. 1994. P 76
85
seconde guerre du Golfe en 1991
222
rgime syrien est vu par l'Islam sunnite comme l'ennemi de ce dernier, vu qu'il est entre les mains des Alaouites
223 .
souvent vus par les sunnites comme de connivence avec Isral, aprs la perte en 1967 du Golan conquis par Isral lors de la guerre des Six Jours, et son annexion par l'Etat hbreu en 1981. Et surtout avec le massacre de Hama, ville syrienne majorit sunnite, qui a t crase par le rgime syrien en 1982. On signale que si les alliances et contre alliances faites par le rgime syrien au moment des crises relvent de la "raison d'Etat" esquisse par Machiavel dans son "Prince", et qui peut tre contraire aux "idaux" de la Syrie
224 .
La rhtorique du
complot est utilise davantage vers l'intrieur et a ainsi servi comme moyen, parmi d'autres pour lgitimer le pouvoir syrien. Il est important de noter que le mme discours est encore utilis par le parti Baath syrien, toujours en pouvoir. En effet, le 25 Mai 2007 l'occasion de la candidature du prsident Bachar al-Assad pour un
me
mandat prsidentiel, le
secrtaire gnral adjoint du Parti Baath Syrien, Abdallah al-Alunar a affirm que:
" Le peuple arabe vit une occasion nationale pour choisir son leader exceptionnel le prsident Bachar al-Assad (. ..) qu'il est le leader des ambitions et des esphts du peuple arabe et qui affronte, forcement, les d~fis
222 _ Pipes, Daniel: The Hidden Hand: Middle East Fears ofConspiracy. New York: St. Martin's Press, 1996. P 277 223 _ les Alaouites constituent environ JO % de la population de la Syrie, dont fait partie la famille rgnante AI-Assad. Les alaouites forment une branche radicale du chiisme professant qu'Ali (gendre du Prophte et 4ime calife de l'Islam) est l'incarnation de Dieu. Il est ternel en sa nature divine et s'est manifest comme imam du temps. 224 _ Ces idaux figurent dans la constitution syrienne, toujours en vigueur. En vertu du premier principe intitul" l'unit de la nation arabe et sa libert: Le peuple de la Syrie arabe fait partie des autres peuples de la nation arabe. Ils travaillent et luttent ensemble pour la ralisation l'unit complte de la nation arabe.
86
extrieurs et les complots sionistes qui menacent le peuple palestinien et arabe. ,,225.
On remarque que la rhtorique du complot revient chaque investiture comme une composante essentielle dans le pacte qui devrait lier le prsident syrien avec son peuple. L'ex-prsident irakien Saddam Hussein lui aussi, utilisait cette rhtorique du complot, sans pour autant en tre convaincu. En effet selon un communiqu de l'Agence nationale de presse iraquienne NINA, du 27 dcembre 1990, lors de l'invasion irakienne du Kowet et quelques semaines avant le dclenchement de la seconde guerre du Golfe en Fvrier 1991, Saddam Hussein a dclar que "1 'essence
du complot ... ce sont les efforts amricains pour dominer le monde et le dsir isralien pour fonder le "Grand Isral,,226. Les discours de l'ex-leader irakien, dont
on a cit un seul exemple pour la commodit du travail, taient imprgns de la rhtorique du complot judo-imprialiste. Proclam comme leader nationaliste du monde arabe, surtout grce son aide aux Palestiniens, Saddam Hussein a t lui aussi accus de connivence et de complot avec Isra1
227 ,
Hosni Moubarak 228 . Mais si les liens avec Isral restaient au seuil des accusations entre les leaders arabes, ceux avec les tats-Unis s'avrent plus concrets. En effet, Saddam a t depuis son avnement l'homme des Etats-Unis dans la rgion.
225 _ voir le discours sur le site official du Parti Baath Syrien: (page consulte le 10/07/2007), [en ligne], adresse URL: http://www.baath-party.org/french/news detail.asp?id= 154
226 _
Cit par Pipes, Daniel: The Hidden Hand. Op cil, p 156 l'Agence de presse du Moyen-Orient, le 01 Octobre 1990. Cit par Pipes, Daniel. Ibid, p
227 _
274
228 _
Qui a t lui aussi accus par le rgime irakien d'tre un agent isralien.
87
D'ailleurs comme l'affirme un auteur: "le parti Baath antiamricain est venu au
jordanien avec la CIA et jusqu' devenir un haut responsable de la CIA dans la rgion du Moyen-Orient
232 .
York Times du 26 Juillet 1999, stipulant lui aussi les liens du roi du Maroc avec le Mossad, pour avoir mis sur coute les sommets arabes que Hassan II organisait dans son pays, en contrepartie, les services secrets israliens protgeaient le roi l'intrieur et l'extrieur du Maroc
m . Ces deux exemples sont cits pour montrer
que dans une telle atmosphre d'accusations et d'accusations rciproques de trahison et de tratrise, il est plus ais pour la rhtorique du complot de s'installer et de prolifrer, ainsi que de rduire toute explication un complot sioniste et imprialiste et que mme la tentative de dconstruire cette mentalit du complot devient elle mme un complot.
229 _ Sami Yosif, "The lraqi-U.S. War: a Conspiracy Theory," in The Gulf War and the New World Order, edited by Haim Bresheeth and Nira Yuval-Davis (London: Zed Books, 1991), P 58
230_ Haykal, Muhammad Hasanayn. Kalam fi as-syiassa. Qadaya wa rijal : wijhat nadhar ma 'a bidayat al-qarn al-wahed wa al- 'ichrine [Propos En politiqueAffaires et Hommes: Points de vue au dbut du 21'eme sicle. Le Caire. Ach-charika al-misryya li an-nachr al-arabi wa ad-daouli. 2000 231 _ Woodward, Bob. Shadow. Five Presidents and the Legacy of Watergate. New York: Simon & Schuster. 2000. 232 _ Haykal. Muhammad Hasanayn. Kalam fi as-syiassa. Qadaya wa rijal : wijhat nadhar ma 'a bidayat al-qarn al-wahed wa al- 'ichrine. Op cit. p 311 233 _
Ibid, pp 332-333
CONCLUSION
Ce travail est une tentative pour dmontrer que la thorie du complot a des racines plus profondes, dans les structures mentales arabo-musulmanes remontant aux croyances et aux faits historico-politiques. Ce qui inclut: des rcits coraniques sur les intrigues des Juifs contre leurs prophtes et aussi contre les autres nations. Il tait indispensable de mettre en valeur les diffrentes exgses, sur ces rcits coraniques et les mettre dans leur contexte historique. Pour voir ensuite leur gnralisation sur tous les juifs, dans un souci de trouver un fondement la mentalit du complot dans le texte religieux. Les confirmations de la Sunna du prophte Mahomet sur le rle "complotiste" des Juifs ds les premiers temps de l'Islam contre la nouvelle religion et son prophte, ainsi que l'tat musulman encore embryonnaire. Cet pisode de l'histoire comme on a essay de le montrer, a t fondateur de l'insertion de l'image ngative des Juifs dans l'imaginaire musulman. Ce qu'on peut retenir des ouvrages historiques de la civilisation arabo musulmane est que derrire la Fi/na, se dessine une conspiration juive et/ou persane. En effet, la notion du complot, dans l'imaginaire musulman trouve son origine, aprs la mort du deuxime calife Othman en 656. Aprs, toutes les guerres entre les compagnons du prophte qui se sont produites, ont t imputes,
un seul homme: Abdallah Ibn Saba. C'est lui qui, d'aprs plusieurs
historiens, a mont tout le complot contre le troisime calife Otlunan (644-656), et du coup il tait responsable de tous les maux des musulmans pendant cette priode. La pierre angulaire dans ce genre d'explication des vnements historiques de cette priode, est que les compagnons du prophte, gardent dans l'imaginaire musulman, une place d'hommes saints qui ne font pas d'erreurs . Cela malgr leurs dsaccords politiques et leurs conflits arms pour la prise du pouvoir aprs la mort du prophte. En sus, la recherche historique, comme on vient de le voir, montre qu'il est peu probable, voire difficile, qu'un individu
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(Abdallah ibn Saba) soit seul responsable de tous les vnements historiques de la Fitna. Mais la "cration" de ce personnage et/ou de son rle, reste un paravent pour celer ou occulter les raisons de la Grande Discorde et du coup les difficults pistmiques, politiques et morales dont souffre cet imaginaire musulman. Dans l'eschatologie musulmane parmi les dires du prophte qui relatent les signes de la Fin des Temps, plusieurs hadiths alimentent encore plus l'imaginaire musulman et le rendent plus pench vers l'interprtation de l'histoire partir du prisme du complot juif. L'imaginaire arabo-musulman contemporain, retient que les maux de son monde proviennent soit des Juifs, d'ailleurs, l'ouvrage "les protocoles des sages de
des dimensions importantes avec la dclaration (ou promesse) Balfour de 1917, le conflit isralo-palestinien avec la naissance de l'tat d'Isral depuis 1949.
Dans ce travail, l'accent a t mis sur l'influence des textes sacrs et leurs diffrentes interprtations, ainsi que leur rle dans l'implantation de cette notion dans l'imaginaire collectif arabo-musulman, et cela depuis les premiers temps de l'Islam. Il tait question travers les lignes prcdentes, de voir comment la tradition (legs historique) et la culture politique musulmane contemporaine, interagissent pour rendre la thorie du complot aussi persistante dans plusieurs aspects de la pense arabo-musulmane. Il a t mis en contexte les rcits du Coran sur les intrigues des Juifs pour montrer qu'ils alimentent encore l'imaginaire arabo-musulman et le rend plus pench vers l'interprtation de l'histoire partir du prisme du complot, surtout juif. Ensuite comme cas d'tude, nous avons trait du discours nationaliste arabe (nassrien comme exemple) et islamiste (ceux d'AI Qada, et le Hamas comme exemples). Si on a essay de dmontrer que le poids de l'histoire et de la religion ont largement concouru ce que l'imaginaire arabo-musulman continue d'accepter l'interprtation par la thorie du complot, d'autres facteurs, tell' puisement du sens
90 critique, l'enracinement de la blessure narcissique dans la mmoire collective arabo musulmane ont t mis en relief, afin de bien cerner l'hypothse de recherche de la problmatique pose dans le mmoire. Cela tant, avec une vision narcissique de soi (" Vous tes la meilleure Umma (communaut) qu'on ait fait surgir pour les hommes, vous ordonnez le convenable,
GLOSSAIRE
Ce petit glossaire regroupe les prIncIpaux termes et noms arabes cits dans le mmoire.
TERMES ARABES:
ARABE: regroupe des peuples d'origine smite, qui ont vcu en Arabie et qui sont
rests lis par la langue arabe (langue du Coran aussi). Les Arabes sont en majorit Musulmans, mais il existe quelques millions de chrtiens vivant principalement au Liban et en Egypte.
CHIRK (polythisme) : Le chirk en Islam est un pch grave, car il met en cause le
dogme de l'unicit de Dieu.
- Ce glossaire a t principalement et en grande partie, synthtis partir de l'ouvrage de Sami Aoun : mots-cls de J'islam. Montral. MEDIASPAUL 2007.
92
DAR AL-HARB (le domaine de la guerre). Territoires des non musulmans, par
monde appartient au fiqh ancien, c'est pourquoi plusieurs penseurs arabes avancent
qu'elle est inadquate dans les temps modernes.
FIQH : Science du droit islamique constitu partir du VIlle sicle. Dans le monde
sunnite, il existe quatre coles juridiques fiqhistes sunnites: malikite Malik (env.
715- env. 795), hanafite d'Abou Hanifa (699-767), shafi'ite de Shafi'i (767-820) et
hanbalite Ibn Hanbal (780-855. Ainsi que l'cole chiite dite jaafarite fonde par
Jaafar Sadek (699-765).
Elle est plus connue sous le nom de Grande Discorde. Le califat d'Ali a t
contest par Acha (veuve du Prophte) et d'autres compagnons du Prophte. Ce qui a
conduit la bataille du Chameau (ma 'rakat al jamal) entre Ali et ses allis (les
premiers chiites) d'une part, et Acha et ses proches d'autre part.
compagnons. Il existe toute une science des hadiths, qui rejoint l'exgse du Coran,
pour former les principales sciences religieuses en Islam.
93
Le mouvement est sur la liste des mouvements terroristes de plusieurs pays occidentaux.
NAHDA: Renaissance arabe au XIX e sicle, caractrise par l'envoi des missions
scolaires gyptiermes en Europe. Les penseurs arabes se sont interrogs sur les causes du retard du monde musulman. Parmi eux: Girgi Zaydan (1861-1914), Mohamed Abdou (1849-1905)
QIBLA (direction) : C'est le point vers lequel les Musulmans se tournent lors des
prires. Ce point est la Kaaba la Mecque. La premire Qibla tait Jrusalem.
94
QUDS (AL) (Jrusalem) : Pour les Musulmans, c'est une ville sainte qui abrite la
Mosque AI-Aqsa troisime lieu sacr en Islam.
CORAN (QUR 'AN) : Livre sacr de l'Islam. Selon la tradition musulmane, il est la
parole de Dieu. Il comprend 114 chapitres (sourates) diviss en versets (ayat).
SALAFI ou salafiste (du sala!qui signifie anctres) : Terme utilis pour dsigner le
courant islamiste qui refuse la modernit et appelle un retour la vie du prophte et de ses compagnons dits (as-sala! as-saleh (les anctres vertueux).
95
NOMS PROPRES
ABDOU, Mohamed (1849-1905): Thologien rformiste de la Nahda. Il a publi entre autres Risalat al tawhid (Trait de l'unicit divine).
ALI (600 env. -661). Quatrime calife de l'Islam (656-661), cousin et gendre du
prophte Mahomet, assassin par les kharidjites. Les chiites le vnrent en tant que premier Imam de la communaut chiite.
autres "l'Humanisme arabe au Xe sicle", "Pour une critique de la raison islamique" et "La Pense arabe".
BAKR (Abou) (570 env.-634) : Premier calife de l'Islam (632-634), beau-pre et ami de Mahomet. Abou Bakr a consacr son court califat mettre fin un mouvement scessionniste politico-religieux de plusieurs tribus.
96
gyptien "le Jihad islamique". Il est le principal bras droit de Ben Laden du rseau AI-Qaida.
FOUDA, Farag (1945-1992) : Intellectuel gyptien lac assassin en 1992 par les
islamistes. Parmi ses ouvrages: "La vrit absente" et " le Mariage Temporaire".
al- 'aql al- 'arab. [Critique de la raison arabe] en 4 tomes. Il a crit aussi Nahnu wa al-turth. Qir 't mu 'sira fi turthin al-falsafi. [Nous et notre tradition. Lectures
contemporaines de notre tradition philosophique] et AI-Turth wa al-hadtha [tradition et modernit]
KATHIR
KHALDOUN
d'AI-Qada et principal ennemi de l'administration amricaine depuis les vnements du Il septembre 2001.
d'analyse de la pense arabo-musulmane: "Islam et modernit" "L'idologie arabe contemporaine" et 'l,a Crise des intellectuels arabes"
97
MUSLIM (821-875). Compilateur des hadiths pour l'Islam sunnite: Son livre Sahih
Mouslim est considr comme la plus importante collection de hadiths aprs celui d'Al Boukhari.
plusieurs ouvrages dont: Al-Hall wal-Harm jil-Islm [Le licite et l'illicite en Islam], Fatw Mu 'irah [Fatwas contemporaines].
98 OMAR (581-644). Deuxime calife de l'Islam (de 634 644). Sous son rgne, plusieurs conqutes ont t menes contre l'empire sassanide, et l'gypte. Il a t assassin par un prisonnier d'origine perse.
OTHMAN (576-656) : Troisime calife de l'Islam (de 644 656). Sous son califat plusieurs contestations ont t engages contre sa politique financire.
oumam wa al moulouk [L'histoire des rois et des peuples] et son Ta/sir a-tabari)
[Exgse du Coran]
T AHA (Hussein) (1889 - 1973) : Penseur et romancier gyptien. Nomm Doyen des
Lettres Arabes. Disciple de Durkheim, il a crit notamment une autobiographie "Al Ayyam" [Les Jours] et "de la posie prislamique".
TAYMIYA (Ibn) (1263-1328) : Thologien et jurisconsulte musulman. Il est l'auteur de nombreux ouvrages, notamment: Dar 'u ta 'rudh i/- 'aqli wan-naql [Rfutation de l'opposition entre raison et rvlation].
ZEID (Abou) Nasr Hamid : Penseur gyptien qui a crit notamment naqd al khitab
99
Coran. Il a t considr comme apostat et menac de mort par les islamistes gyptiens. Ce qui l'a contrait quitter l'Egypte vers l'Europe.
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