Les Merveilles Divines Dans Les Ames Du Purgatoire 000000373
Les Merveilles Divines Dans Les Ames Du Purgatoire 000000373
Les Merveilles Divines Dans Les Ames Du Purgatoire 000000373
AMES DU PURGATOIRE
PAR
Le P. Grgoire
Rossignoli
le II Compagnie de Jtu,
par M . l'abb J . C b a n a y .
PUBIRE PtXW*.
BORDEAUX
F. B A R E T S , LIBRAIRE-DITEUR
H S BU PALAIS DE JUSTICE, 8
1870
AMES DU PURGATOIRE.
NOTICE
SDR LA VIE DU PRE ROSSIGNOLI
Le P. C H A U L E S G R G O I R E ROSSIGNOLI, auteur de plusieurs ouvra ges de science et de pit, rpandus aujourd'hui dans l'Italie et dans les autres parties de l'Europe, est n le 4 novembre de l'anne 1 6 3 1 Borgo-Manero qui tait autrefois un fief considrable de la maison d'Est. Le jeune Rossignoli dont la famille tait une des plus cousidres du pays, montra ds le plus jeune ge une grande aptitude pour les sciences et un attrait prononc pour la pit. A vingt ans, il entra dans la compagnie de Jsus qu'il difia pendant 5 G annes par l'exercice de toutes les vertus. Il professa jusqu' sa mort une tendre dvotion envers les saints et surtout envers la trs-sainte Vierge. Anim de la plus tendre compassion pour toutes les misres humaines, cet minent religieux t'appliqua toute sa vie procurer du soulagement aux pauvres amcs du purgatoire. Il joignait une pit profonde une gat charmante, une humilit parfaite et cette bont toute franche, toute cordiale qui caractrisait les chrtiens des premiers sicles de l'Eglise. De si brillantes quali. ts lui concilirent l'affection gnrale, et sa mort futpleure de tous ceux qui le connaissaient. Le P. Rossignoli enseigna avec le plus grand succs les BellesLettres, la Philosophie, l'Ecriture-sainte, la Thologie scolastique et la Morale. Les charges les plus honorables et les pics importantes
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lai furent confies. Mais au milieu de ses nombreuses occupations, l'activit de son gnie lui permit de composer un grand nombre d'ou. vrages qu'il traduisit en plusieurs langues pour la gloire de Dieu et le salut des mes. Au milieu de ses fatigues et de ses saintes tudes, il fut atteint d'une fivre maligne; par surcrot, la gangrne se mit une plaie et enleva bientt tout espoir de conserver le saint religieux. Pendant la dure de sa maladie, il conserva une admirable tranquillit d'me et de physionomie, et son aimable et innocente galt dura jusqu'sa mort. On ne lui entendit jamais profrer une plainte, un seul gmissement, mme lorsqu'on lui faisait la douloureuse extraction des chairs gangrenes. Quand on vint l'avertir de se prparer recevoir les dentiers sacrements, et que l'heure de sa mort approchait, il rpondit avec sa srnit habituelle: Pendant toute ma vie, j'ai pens Dieu, la sainte Vierge, aux saints et aux mes du purgatoire, avec ce pacte, qu'eux aussi penseraient moi au moment de la mort. Maintenant, je leur laisse le soin de penser moi, et je m'en vais de ce monde tans trouble ni inquitude aucune. Au moment de recevoir le saint Viatique, il pronona de ses lvres mourantes, une prire qui exprimait ses ardentes affections pour son Dieu; puis au milieu des assistants en pleurs, il expira avec une srnit toute cleste, le S Janvier 1707 dans la 77<" anne de son ge. il est all recevoir au ciel la couronne de son amour pour Dieu, de sa charit pour le prochain et de ses incessants travaux. Le P. Rossignoli a compos un grand nombre d'ouvrages dont les principaux sont: les merveilles divines dans les saints: les merveilles divines dans la sainte Eucharistie et dans le saint Sacrifice( 1 ),- les merveilles divines dans les mes du purgatoire; Us merveilles de la nature; des ouvrages de pit et de morale. Nous avons sous les yeux l'dition italienne de 1703, publie du vivant de l'auteur, et nous y lisons IM approbations les plus compltes accordes cette
(1 ) Les merveilles divines dans la sainte Eucharistie et dans le saint sacrifice de la messe paratront incessamment la mime librairie. Mous donne* rons successivement les mrrviilli's divines dans les saints et les ouvrages les plus estims du P. llm-igni'h.
-nintae anne, par te Rformateur des Etudes dePadoue, par le Snat, par l'Archevque de Milan, par plusieurs commissions d'examen charges de la censure des livres et par le Provincial de la Compagnie de Jsus. Mous ajoutons que ces divers ouvrages ont t imprims plusieurs fois a Rome mme, avec les permissions ordinaires, et qu'ils sont trs-rpandus en Italie depuis plus d'un sicle. Le lecteur est donc assur de ne pas trouver une seule merveille qui puisse offenser mme lgrement la foi catholique. Laissons maintenant parler le P. Rossignoli sur le but qu'il s'est propos en publiant les merveilles divines daas les mes du purgatoire.
Aprs avoir recueilli et publi trois cents merveilles de Dieu dans ses saints, il m'a sembl utile d'y joindre cent autres merveille concernant les mes du purgatoire. Les trois cents premires servent glorifier ici-bas les lus du ciel; les cent autres serviront procurer, je l'espre, quelque soulagement aux Ames du purgatoire. Sachant combien il est petit le nombre de ceux qui savent viter les peines du purgatoire et s'en aller directement l'ternelle vie, je me suis livr avec ardeur ce travail, dans l'esprance qu'il serait profitable aux fidles qui vivent sur la terre et eux Ames qui gmissent dans le lieu de l'expiation. Les plus grands saints n'espraient pas viter le purgatoire; le cardinal Bellarmin dont la saintet galait la science, terminait ainsi les lettres qu'il adressait aux Pres de la Compagnie : Si votre Rvrence m'aime, qu'elle m'obtienne une bonne mort et un court purgatoire. Lorsqu'il fut sa dernire heure, un Pre voulut lui mire esprer qu'il irait droit au Ciel, mais il lui rpondit: Non, je n'en ai pas l'espoir. Cette rponse est conforme ce qu'il avait dj dit dans son prcieux livre: Des gmissements de la Colombe. Si quelques justes vitent les tourments du purgatoire et s'en vont droit au ciel, c'est encore par un effet de la grande misricorde de Dieu. Puissent ces merveilles divines, inspirer la crainte du purgatoire et enseigner en mme temps les moyens de l'viter ou du moins 4e n'y faire qu'un court sjour. Puissent-Ailes aussi exciter les fidles
JkipMMrer le nombreux suffrages de prires et de bonnes urnes aiOMmes bnies. naXaiifarcouru avec soin les diffrentes histoires ecclsiastiques-el toAwiqus de quelques ordres religieux: j'ai .choisi 4e pateen. Milesitraits qui m'ont paru les plus authentiques, cean.qui taient insns.dans des livres bien approuvs. A cesjMneSrAisteirvB, j'ai feint liniques circonstances qu'ils avaient omiaes, ou j'iaiifit,rassortir quelques particularits dignes d'intrt. < Je crois n'avoir point fait un travail inutile en runissant dans un seul volume des laits disperss dans un grand nombre d'ouvrages; et de mme que deux miroirs placs en face l'un de l'autre redouble! la splendeur des rayons solaires, de mme aussi, j'ose l'esprer, jaillira de cet ensemble une plus grande lumire J'ai donn ce recueil, le titre de mervoilles divines l/itutiatioa des saints interprtes du livre de Job, vraie figure d'une amo du purgatoire. Ils disent qu'autant Dieu se montre aimable dans le paradis et terrible dans l'enfer, autant il se montre admirable dais le purgatoire o il purifie ses lus par le tourment du feu. Je voulais d'abord classer ces merveilles par ordre dfaits, mais j'ai pens que la varit serait plus agrable mon lecteur. Je ma suis aussi abstenu dans mes rcits d'ornements de style parce qu'il m'a sembl inopportun de viser l'harmonie des phrases, et an charme de la description, dans un trait des peines, des gmissements du purgatoire; et scion cette pense du sage: un discours ) contre temps est comme une musique pendant le deuil. ( Eccl. XXII, 6.) Il me semble presque inhumain d'entretenir l'esprit du lecteur de gracieuses penses, alors qu'il s'agit4'mouvoir son cur en faveui des pauvres mes qui languissent dans les flammes expiatoires. Ce livre a mu bien des curs, nous en avons la Certitude. Non, nous n'oublierons jamais les sentiments que nous avons prouvs la lecture de ce livre introuvable en France, mais que la Providence nous envoyait de Venin, et mettait pour ainsi dire dans nos mains. Comment ne pas croire la mission de le traduire, et de le propager? Nous avons donc fait une traduction aussi littrale que possible, ei bien exacte. Que Dieu la bnisse, et que ce livre aille rclamer de:
prires pour les mes du purgatoire ! Dj de consolants effets nous ont t signals, et entre tous, nous en citerons deux seulement. Un missionnaire nous crit de la Lproserie de l'ile Bourbon. Nos lpreux se runissent pour lire en commun les merveilles divines dans les Ames du purgatoire. Ce livre fait autant de bien aux bons lpreux qu'il nous en fait nous-mmes Une cinquantaine d'entre-eux ont dj fait l'acte de charit. Je vous remercie avec effusion d'avoir choisi un si bon livre Deux enfants qui avaient entendu lire les merveilles, ajoutaient leur prire du matin et du soir, un Pater et un Ave en faveur des mes du purgatoire. Ce n'tait pas assez pour eux; ils auraient voulu fairo rtire au moins une messe. Mais comment se procurer l'argent? Un jour qu'ils se promenaient, ils aperurent dans un champ une brebis morte, et depuis assez de jours. Sans mut dire, nos deux enfants se comprennent, ils tirent leur couteau de leur poche et se btent d'corcher l'animal. Des passants se rcrient sur la mauvaise odeur; mais les enfants continuent et arrachant la peau qu'ils vendent fr. 50. Voil, disent-ils au cur du village, deux messes pour les mes du purgatoire. Heureux et triumphants, ils se disaient entre eux: Nous n'avons plus rien craindre lsmes du purgatoire veilleront sur nous. Un dernier mot. Les mes pieuses qui liront ce livre, sauront tout ce qu'elles doivent faire pour le suulagemcnt et la dlivrance des ames du purgatoire, et elles trouveront dans les recueils des indulgences, toutes les pratiques de pit et les prires auxquelles sont attachs les trsors de la Misricorde divine. Nous nous bornerons donc leur recommander l'Acte de charit qu'elles trouveront la fin de ce volume. Cet acte est approuv par les Evques de Toulouse, Moulin, Carcassonne, etc. Nous donnons le mme, mais approuv par Son Eminence, le Cardinal-Archevque de Bordeaux.
AMES DU PURGATOIRE
PREMIRE PARTIE.
INTRODUCTION. La charit bien comprise demande qu'on porte un prompt secours aux mes du purgatoire.
Ordinavit in me charitatem: Dieu m'a plac sous l'tendard de la charit. ( Gant. 3,4.)
Il n'entre pas dans ma pense de traiter, en quelques lignes, des perfections de la charit envers les mes du purgatoire, je me contenterai d'en indiquer quelques-unes. La charit la plus parfaite est celle qui s'applique soulager les plus grandes misres, et l'obligation de secourir les ncessiteux est d'autant plus rigoureuse q u e leur dtresse est extrme. Or, quelle plus douloureuse ncessit que celle des mes plonges dans un Ocan de douleurs, voues aux souffrances les plus
atroces, aux supplices les plus intolrables? Les commentateurs appliquent au purgatoire ces paroles du prophte Malachie: Le Messie sera comme un homme qui s'assied pour faire fondre et pour purer l'argent; il purifiera les enfants de Lvi, et il les rendra nets comme l'or qui a pass par le feu . De mme que le chimiste distille de diverses substances les sucs les plus purs pour en composer u n seul extrait, de mme Dieu, dans le laboratoire de sa misricordieuse Justice compose comme la quintessence de tous les maux qu'on peut souffrir ici-bas, tels que les supplices violents, les tourments des martyrs, les angoisses du cur et les maladies naturelles. Le prophte Isae semble y faire allusion par ces paroles: Le Seigneur purifiera les souillures de la fille de Sion dans l'ardeur du feu. Le feu du purgatoire est dou d'une puissance surnaturelle, d'une activit et d'une violence incomparables parce qu'il est l'instrument de la divine Justice. Tertullien appelle le purgatoire u n enfer transitoire, parce q u e , dit-il, on y souffre comme dans l'enfer, la peine du dam et la peine du sens. Le feu du purgatoire est le mme que celui de l'enfer, suivant saint Augustin; la seule diffrence est dans la dure: Le mme feu, dit-il, purifie le juste et tourmente le rprouv. Oh 1 combien elle est admirable, cette charit qui s'applique dlivrer les dfuntsl car il ne s'agit pas seulement de procurer aux pauvres la nourriture et le vtement, de soigner et de gurir les malades,
mais de retirer des mes infortunes de l'abme immense o sont runis tous les m a u x . Cette charit paratra plus prcieuse encore, si l'on considre les biens inestimables qu'on procure ces mes. Tous les sicles ont regard comme un prodige de bont, l'action du grand Thodose qui tira de sa misrable condition la jeune fille Athnas pour l'lever sur le trne imprial. David a rendu au Seigneur mille et mille louanges de ce qu'il avait daign changer sa houlette de berger contre le sceptre d'Isral. Ohl combien elle est plus excellente, cette charit qui lve une me la gloire ternelle! Ne pourrait-on pas dire, en quelque sorte, que cette charit est aussi grande que le bien qu'elle assure? Les mes du purgatoire l'apprcient bien mieux que nous, elles qui comprennent ce que c'est que de contempler Dieu sans voile, Dieu, le premier principe et la dernire fin ! Elles pntrent la signification de ces mots: s'unir Dieu, cet aimable objet qu'elles aiment d'un ardent autour, et vers lequel se portent tous leurs dsirs. Cet amour, qui ne peut se satisfaire, les tourmente beaucoup plus que le feu qui les consume. Tertullien explique admirablement cette vrit par l'exemple de Job, image sensible de l'me dans le purgatoire, ainsi que l'Eglise le fait entendre ellemme en appliquant ses leons l'office des morts. Tout le corps de ce saint homme, modle de patience, tait couvert d'ulcres qui le tourmentaient de la tte aux pieds, et, parmi toutes ces douleurs, il en tait une plus intolrable qui lui arrachait des plaintes amres,
r/tait que ses yeux n'apercevaient plus le bien suprme: Mon il est plong dans l'amertume; oh 1 pourquoi me cachez-vous votre visage? Comme s'il disait: Ne pas vous voir, 6 mon Dieu ! c'est la douleur des douleurs I On plaint l'il qui est tout entier dans les tourments, dit encore Tertullien. Ainsi, l'me du purgatoire n'a point de souffrance qui l'prouve autant que la privation le la vue de Dieu, les autres peines no lui semblent rien en comparaison de ceJJe-i. Or, que fait la charit l'gard des mes? elle hte le terme de l'preuve et les met en possession de ce souverain oien, vers lequel elles aspirent avec toute la violence de leur ardent amour. Travailler leur dlivrance, est non-seulement un acte de charit envers le prochain, mais encore un acte direct d'amour de Dieu, car il tarde cette tendresse infinie de recevoir ces mes bien-aimes dans son sein, e t d e leur communiquer sa batitude e t sa gloire: Mes dlices sont d'tre avec les enfants des hommes, dit-il, au livre des proverbes, comme si la compagnie de ses cratures pouvait ajouter quelque chose sa flicit, et qu'il ne ft parfaitement heureux qu'en les faisant participer ces biens infinis dont il est la source. Ces mes sont ses. chres filles et les pouses bien-aimes du Sauveur, rachetes au prix d e son sang. Considrez quel bonheur prouverait un roi, si un ami fidle lui ramenait u n fils bicn-aim, retenu longtemps captif chez u n peuple barbare. Quel accueil ne ferait pas un poux au mdecin qui lui rendrait son pouse bien-aime gurie d'une longue
t cruelle maladie? A h ! Dieu chrit bien autrement tm mes saintes; c'est avec une joie sans mesure qu'il les introduit dans sa gloire. Et quelle ne sera pas sa reconnaissance pour les bienfaiteurs de ces m e s , pour ceux qui les dlivrent et les font entrer, selon l'expression de saint Pierre, dans la parfaite libert det enfants de Dieu, et qui les amnent du fond des tnbres son admirable lumire. En outre, en dlivrant ces mes, nous envoyons u ciel de parfaites adoratrices de la divine Majest. Nous, dans les tnbres et dans les misres de cette vie, nous ne pouvons ni connatre ni aimer convenablement cette divine Bont; c'est au sortir de la prison du corps, en se trouvant face face avec Dieu, que l'me obtient une connaissance "parfaite de la Beaut divine, et se rpand en actes sraphiques de charit plus levs que ceux de Marie-Madeleine dont le Seigneur a dit qu'elle avait tant aim, plus ardents q u e ceux d e saint Pierre assurant par trois fois qu'il aime Jsus, et le prenant lui-mme pour tmoin de la vrit de son amour: Voue savez, Seigneur, que je vous aime. Qu'ils doivent tre touchants les premiers actes d e reconnaissance des mes dlivres, quand, pour la premire fois, elles se trouvent en prsence de la Misricorde cleste ! quelle adoration profonde des ternelles perfections ! avec quelle ardeur elles doivent redire cette hymne de l'Apocalypse : Bndiction, honneur, gloire, actions de grces notre Dieu dans Ut sicles de sicles ! Or, nous participons ces actes
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parfaits d'amour, de gratitude et de louange envers la divine Majest, toutes les fois que nos suffrages introduisent une me dans la cleste Patrie. Enfin, pour conclusion, j e citerai, selon le rcit de Denis-le-Chartreux, les paroles que le Sauveur adressa sainte Gertrude dans une rvlation: Toutes les fois que vous dlivrez une Ame, cela m'est aussi agrable que si vous me rachetiez moi-mme de la captivit. Donc, lorsque vous aurez dlivr une me, vous aurez fait au divin Sauveur autant de bien q u e si vous l'aviez rachet lui-mme de la servitude. Oh ! d e quelles ineffables faveurs Dieu rcompensera votre charit au jour de la Rmunration! Mais j e me rserve de revenir sur ce sujet dans l'introduction d e la seconde partie.
Une grave controverse s'leva entre deux clbres religieux de l'ordre des Frres-Prcheurs, Bertrand et Benoit. Il s'agissait de savoir ce qui est le plus agrable Dieu et le plus profitable pour nous-mmes: d'offrir nos bonnes uvres pour le soulagement des dfunts, ou de les consacrer la conversion des pcheurs. Bertrand, grand avocat des pcheurs pour lesquels il offrait souvent le saint sacrifice et faisait de continuelles oraisons jointes des uvres de pnitence, s'efforait de faire prvaloir leur cause. Les pcheurs, disait-il, n'ayant pas la grce de Dieu, sont dans un tat de perdition ternelle; ils sont constamment exposs aux embches des mauvais esprits qui oherchent leur faire perdre le ciel et les entraner dans les tourments de l'enfer. Celui qui n e connat {Mis le prix des Ames, n e s'tudie pas les gagner ffteu. Le Verbe divin en descendant sur la terre, et * B dvouant la mort la plus douloureuse, notis apprend le cas que nous devons en (aire. Il n'est
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point d'oeuvre plus sublime et qui ressemble plus celle de Dieu, que de cooprer au salut des pcheurs. Saint Denis assure que ce qu'il y a de plus divin dans les choses divines, c'est de travailler les sauver, afin qu'ils chappent aux mains de l'ennemi commun et puissent arriver jusque dans le soin de leur bienfaisant Crateur. Laisser prir une me qui a cot au Sauveur son sang et sa vie, c'est laisser perdre le prix de la Rdemption. Quant aux ames du purgatoire, disait ce bon religieux, elles sont hors de pril, assures de leur salut ternel; il est vrai qu'elles sont plonges dans u n abme de douleurs, mais elles sont au port de la grce; si elles gmissent prisonnires, pour des dettes prcdemment contractes, c'est avec la certitude de les voir acquittes bientt et de rentrer dans la libert des enfants du Dieu si bon dont elles sont les amies. Ah! dans quel tat diffrent sont les pauvres pcheurs! ils sont les ennemis de Dieu, malheur le plus redoutable et le plus digne de compassion, parmi tous ceux qui peuvent fondre sur l'homme. Benoit, qui tait le protecteur des mes du purgatoire pour lesquelles il offrait toutes ses bonnes uvres, rpondait: Les pcheurs ne sont lis que p a r des chanes volontaires et ils s'y plaisent, puisqu'ils peuvent les briser quand ils veulent; tandis que les morts sont enchans pieds et mains, contre leur gr, d a n s les tourments les plus affreux; il ne leur reste de libre, pour ainsi dire, que la langue pour rclamer le Becoon des vivants qui ils disent, comme Job
afflig: r Piti, piti pour moi, voua du moim, met ami$, car la main du Seigneur m'a frapp l Dites-moi, si vous aviez devant vous deux mendiants: l'un plein de vigueur et de sant, capable d e gagner sa vie, mais aimant mieux la paresse et la mendicit; l'autre, infirme, priv de l'usage de ses membres, incapable de pourvoir ses besoins, vous demandant avec larmes la charit, lequel vous semblerait plus digne de compassion? lequel mriterait le plus de secours, surtout si celui qui est infirme, se trouvait en proie aux plus cruelles souffrances? C'est prcisment notre cas. Ces mes sont dans u n cruel martyre et il leur est impossible de s'en dlivrer t mme de l'allger; il est vrai qu'elles ont mrit <cette peine par leurs fautes passes, mais actuellement elles les ont pleures et dtestes, et en prouvent u n e entire contrition; elles sont dans la grce d u Seigneur, elles lui sont agrables et sont redevenues ses filles bien-aimes, tandis que les pcheurs sont devant Dieu comme des ennemis et des rebelles. Si donc, la charit bien comprise veut que nous nous conformions la trs-sage bont de Dieu, il est vident q u e nous devons nous appliquer de prfrence, soulager ceux qu'il aime le plus. Bertrand, toutefois, ne se rendit pas ces raisons. Une apparition miraculeuse devint ncessaire pour le convaincre. La nuit suivante, comme il se rendait au chur pour chanter l'office, tout--coup apparat devant lui
- 1 0 une Ame du purgatoire, sous la forme d'un spectre horrible, accabl sous un poids norme; le fantme, en gmissant, s'approche du religieux et le charge de cet pouvantable fardeau. Oh! alors, comme dit Isae, le tourment lui donna l'intelligence; il comprit qu'il ne s'occupait pas assez des mes souffrantes; aussi, ds le matin , la compassion dans le cur, et les larmes aux yeux, il clbra le saint sacrifice en leur faveur, et continua cette pratique toute sa vie. Le grand docteur saint Thomas d'Aquin s'est prononc en faveur des mes du purgatoire dans les paroles suivantes, tires de sa Somme thologique: Les suffrages pour les morts sont plus agrables Dieu que les suffrages pour les vivants, parce que les premiers se trouvent dans un plus pressant besoin, ne pouvant se secourir ev-x-mmes comme ceux qui vivent encore. J'ajoute cependant que plusieurs saints docteurs, conciliant les deux opinions, enseignent qu'il faut offrir les bonnes uvres pour les mes du purgatoire, afin que celles-ci prient et intercdent pour la conversion des pcheurs.
Il MERVEILLE. Ile pas soulager les dfunts par les aumnes, c'est se priver soi-mme des suffrages.
A'oi eue putillanimit et facere cletmotynam ne despicias: Ne soyez pas pusillanime en voire cur et ne ngligez point de faire l'aumne. (Ecc/t, vu, 9.)
Le Docteur anglque, saint Thomas d'Aquin, prfre au jene et la prire, le mrite de l'aumne, quand il s'agit d'expier les fautes passes. L'aumne, dit-il, possde plus compltement la vertu de la satisfaction que la prire, et la prire, plus compltement que le jene. C'est pourquoi, de grands docteurs et de grands saints ont principalement choisi l'aumne comme moyen d e secourir les dfunts. En voici un exemple dans la vie du pieux Raban-Maur, premier abb de Fulde, puis archevque de Mayence. L'abb Trithme raconte que Raban avait ordonn aux conomes de son monastre de distribuer constamment aux pauvres les plus abondantes aumnes. Cependant le procureur de l'abbaye, appel Edelard, trop soucieux des biens de la terre et peu proccup des pauvres, retenait souvent la part qui leur tait des tinel Le saint abb avait de plus, avec l'assentiment de tous, dcrt que chaque fois qu'un des religieux,
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passerait l'autre vie, sa portion serait pendant trente jours distribue aux pauvres, afin que l'me du dfunt ft soulage par cette aumne. L'avare procureur omettait souvent cette distribution, ou bien la remettait au-del du trentime jour, malgr la tradition anciennement observe par saint Grgoire-le-Grand, qui dsigne ce temps comme le plus propice secourir les morts. H arriva, l'an 830, qu'une sorte de contagion fit mour i r u n grand nombre de moines, et mme un abb du monastre. Baban-Maur, plein de zle et de charit pour les mes de ses religieux, fit venir le procureur e t lui recommanda la pieuse pratique. Ayez grand soin, lui dit-il, que nos constitutions soient fidlem e n t observes, et qu'on donne aux pauvres, p e n d a n t trente jours, les portions destines aux frres que nous venons de perdre. Si vous y manquiez, vous seriez trs-coupable devant Dieu, et croyez qu'il vous en punirait svrement. Le procureur promit une obissance parfaite, mais, hlas! combien l'avarice est dangereuse 1 Edelard, qui tait avare p a r instinct, qui avait le cur troit et la main serre, dsobit son suprieur. Il fut d u r envers les pauvres, et resta sans piti pour les mes de ses frres. Dans la crainte excessive q u e les vivants n e vinssent m a n q u e r du ncessaire, il priva les dfunts des suffrages, et les indigents de l'aumne. La Justice divine, comme on va le voir, n e laissa pas impunie une si tmraire cupidit.
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C'tait aprs u n e journe de fatigue; il tait t a r d , et les religieux s'taient dj retirs dans leurs cellules; Edelard, une lanterne la main, traversait la salle du chapitre. Qu'aperoit-il ? u n e assemble de religieux assis comme pour tenir conseil. A cette vue il se trouble, ne comprenant pas le sujet d'une telle runion au milieu de la nuit. Revenu un peu luimme, il regarde plus attentivement et reconnat le suprieur et les moines dfunts. Alors, Edelard est saisi de terreur; un froid glacial court dans ses veines et le laisse immobile comme une statue. Mais ce n'tait encore que le prlude de ce qui lui tait rserv. L'abb et quelques-uns des morts se lvent, viennent droit lui, arrachent ses vtements, et le frappent coups de fouet avec tant de violence qu'il reste demimort. En mme temps, ils lui adressent cette terrible menace: Reois, malheureux 1 reois le chtiment de ton avarice! dans trois jours tu en prouveras un plus terrible encore, lorsque tu seras descendu avec nous dans le tombeau; alors le suffrage qui tait rserv ton Ame sera appliqu aux religieux qui en ont t privs par toi. Aprs cette scne pouvantable, les morts disparaissent, laissant l'conome infidle tout bris, couvert de plaies sanglantes. Il fut trouv dans cet tat p a r les religieux, qui se rendaient aux matines aprs minuit. Touchs de compassion ils le portrent l'infirmerie, s'empressrent de lui prodiguer tous les soins que rclamait son triste tat. Mais lui, d'une voix gmissante, leur dit : Vite, par piti, appelez le Pre; j'ai plus besoin de remdes pour mon
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me q u e pour mon corps qui ne gurira plus. En prsence d e l'abb et de tout le monastre, il raconta le terrible vnement qu'attestaient ses sanglantes blessures. E t comme il savait que dans trois jours, il devait paratre devant le tribunal du souverain Juge, il demanda les derniers sacrements qu'on lui administra sans dlai. Il les reut avec tous les signes d'un vif repentir et d'une grande dvotion, puis il commena baisser jusqu'au moment o il expira, prcisment le troisime jour, p e n d a n t que le suprieur l'exhortait se confier dans la divine Misricorde, et que ses frres suppliaient Dieu de lui accorder une heureuse mort. Ds qu'il eut expir, Raban fit chanter la messe de Requiem, et l'on commena observer la rgle en distribuant aux pauvres, pendant trente jours conscutifs, la portion de la nourriture d'Edelard. La distribution tait termine, mais la peine durait toujours, car le dfunt ple et dfigur apparut Raban qui, frapp de cette vision, le conjura au nom d e Dieu de lui faire connatre son tat. Ahl rpondit le trpass, les saintes prires des religieux m'ont bien procur du soulagement, mais j e suis encore plong dans des tourments cruels, et je ne puis obtenir ma grce entire avant la dlivrance de mes frres que mon avarice et ma ngligence ont retenus dans le purgatoire. Ce qu'on a donn aux pauvres, en mon nom, a t profitable aux autres et non pas moi, selon le dcret de la divine Justice. Je vous supplie donc, bon Pre, vous qui me voulez tant de. bien, de
- 1 8 mire redoubler les aumnes, e t j'espre que Dieu, dans sa misricorde infinie, nous dlivrera tous, mes frres d'abord, et moi ensuite. Raban-Maur promit au dfunt ce qu'il dsirait, et tout fut fidlement excut. Un mois aprs, Edelard lui apparut de nouveau, vtu de blanc, environn de lumire et le visage rayonnant de joie et de srnit. Il rendit au monastre les plus affectueuses actions de grces pour la charit dont on avait us envers lui, et il assura qu'au ciel, o il s'envolait, il ne cesserait de demander pour ses frres les bndictions divines. Oh! que de sages instructions on peut tirer de cette histoire! La premire, c'est que les mes du purgatoire, quoiqu'elles ne puissent rien pour elles-mmes, obtiennent quelquefois la permision de chtier ceux qui les p r i vent des secours qui leur sont dusLa deuxime, c'est que p a r un juste jugement, Dieu prive parfois une me, pour une faute spciale, de l'application des suffrages; mais surtout les Ames qui, pendant la vie, n'ont pas rempli leurs devoirs envers les dfunts. La troisime, c'est que nous devons exciter en nous un zle ardent pour les mes souffrantes, l'exemple de celui dont fut embrase la pieuse congrgation d e Fulde. Cette charit tait si grande, rapporte le mme historien, que chaque religieux se privait mme d'une partie de ses aliments pour en faire la distribution aux pauvres, en faveur des mes du purgatoire.
(V. Trithemii, Vita Rab.-Hauri, I. II.)
H1 MERVEILLE. Dira exauce les prires des communauts ferventes en faveur des dfunts.
Oculi Domini tuperjuttot, et aurttejia tn prce* torvm: Les yevx do Seigneur sont ouverts sur les justes, ot son oreille est attentive leurs prires. (Ps. XXXIII, 16.
Saint Jean Chrysostme, s'appuyant sur les promesses que Jsus-Chrit a faites, d'couter et d'exaucer les prires de ceux qui sont runis en son nom, dmontre combien sont profitables les prires des communauts ferventes: Dieu, dit-il, atteste souvent d a n s les saintes Ecritures qu'il a les oreilles attentives aux prires de ceux qui s'assemblent en son nom. On vit une preuve admirable d e cette vrit d a n s une chartreuse d'Angleterre. Un personnage minent en dignit et possesseur de grandes richesses, tait mort d a n s ce pays, laissant u n fils profondment afflig. Plein de ale pour le salut de celui qu'il pleurait, ce bon fils se rendit la chartreuse o avaient t clbres les funrailles; il offrit au prieur une forte somme d'argent, titre d'aumne, en le suppliant de faire prier pour l'me de son pre bien-aim. Aussitt l'abb convoque au choeur tous les religieux: Serviteurs de Dieu, leur
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dit-il, priez pour rame du dfunt enterr ici depuis peu, priez en reconnaissance de la grande charit qu'a exerce envers nous ce noble jeune homme. Les religieux alors, chantrent d'une seule voix le Requietcat in puce, auquel le suprieur rpondit Amen; puis chacun fit une inclination et se retira en silence d a n s sa cellule. Le bienfaiteur resta tout tonn et peu satisfait: Hlasi disait-il en lui-mme, un seul Requieecat pour tant d'or. II ose enfin s'approcher du prieur avec une humble modestie et lui dit d'un ton de nave plainte: Est-ce l, mon Pre, tout le suffrage que recueillera cette chre me pour ma gnreuse offrande? Le suprieur, tonn de cette question, rpond avec douceur: Prtendriez-vous, mon fils, peser dans la mme balance, l'or de votre aumne avec les prires de mes religieux, quelque brves qu'elles soient? Non, mon rvrend Pre, rpliqua le jeune homme, j e ne veux point tablir de comparaison, cependant, il me semble que ces trois simples paroles ne peuvent pas compenser le don que je vous ai offert. Vous en doutez, rpondit le prieur, attendez un moment, vous allez connatre le prix de nos prires. Puis, se tournant vers le Pre cellrier: Allez, lui dit-il, dans toutes les cellules, dites chaque religieux d'crire sur un morceau de papier son Requiescat in pace et d e me l'apporter immdiatement. Il ordonna aussi u n frre convers de lui donner des balances; il y mit d'un ct l'argent et l'or qui firent baisser rapidement le plateau. Ensuite il se fit remettre les lgers billets, et ayant invoqu intrieurement l'Esprit-Saint, il dit an
- 1 8 jeune seigneur: Considrez de quelle valeur est notre courte prire du Requieteal in pace, que je place de l'autre ct de la balance. 0 merveille! s'crie ici l'historien, tout cet or, quoique trs-pesant, s'lve comme une plume ou un brin de paille, tandis que les petits papiers entranent le plateau et tombent lourds et rapides comme une masse de plomb. A la vue de ce prodige, tous les assistants firent le signe de la croix, tant ils taient frapps de stupeur. La nouvelle dp ce miracle se rpandit nu loin et fit apprcier les prires des communauts ferventes. Le jeune homme plus <jne les attires tait dans l'admiration, et les yeux pleins de larmes, le repentir dans le cur, il demande pardon de son peu de foi. Pour perptuer la mmoire de ee prodige, il fit placer sur la tombe d e son pre une magnifique pierre spulcrale, o tait grav en gros caractres le Requiescat in pace. Et ce bon fils demeura convaincu que ces simples et courtes paroles avaient mrit l a m e de son pre un grand soulagement, ou mme une entire dlivrance.
(V. Doriantus, Chranica carttmana, cap. T, Thophile Raynaod, Bel, tphrit., p. t. sect. S, punct. 10, q. 1 . )
Ceux qui ne veulent donner Dieu, dit u n saint interprte du Psalmiste, que les restes de leur vie, en n e se convertissant que dans la dernire vieillesse, aux approches de la mort, seront traits sans misricorde p a r un juste retour, et ils n'obtiendront leur salut qu'au prix d'un long et rigoureux purgatoire. Nous en lisons un exemple dans la vie de Jean Corneille, de la Compagnie de Jsus, zl promoteur de la foi catholique en Angleterre. Dou de vertus minentes, il se distinguait surtout par une grande charit envers les Ames des dfunts, et il les secourait encore avec plus d e libralit quand il les avait converties la vraie religion. Alors, les considrant comme ses filles spirituelles, il se croyait dans une plus pressante obligation de les secourir. Il avait un grand nombre de pratiques quotidiennes destines lui rappeler leur souvenir. Par exemple, quand il se lavait les mains, il rcitait un De profundis, afin que Dieu les purifit
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et leur accordt quelques rafrachissements. Outre ses frquentes oraisons, il offrait encore pour ses chres mes le suffrage de quatre messes par semaine. Dieu, pour lui faire connatre le grand soulagement qu'il leur procurait, permit plusieurs de lui apparatre, soit pour le remercier, soit pour solliciter de nouvelles faveurs. Je rapporterai seulement une de ces apparitions, clbre parmi les catholiques d'Angleterre, et qui leur fut un prcieux enseignement; c'est celle du baron Sturton. Je donne les paroles mmes d'un tmoin oculaire, de Dorothe Arundell, dame de haute noblesse et de rare vertu, qui devint plus tard une fervente religieuse. Voici le rcit qu'elle nous a laiss d e cet vnement: Un jour, ma mre pria le P . Corneille d'offrir le saint sacrifice pour l'me de son premier mari, le ba ron Jean Sturton. Il accomplit ce dsir, et l'autel, aprs la conscration et pendant le mmento des morts, il resta longtemps en prire. La messe termine, il fit u n e exhortation sur ce texte: Bienheureux les morts qui ont morts dans le Seigneur, et il raconta la vision qu'il venait d'avoir. Devant lui se droulait une fort immense toute de feu et d e flammes, et au milieu, l'me du baron poussait des cris lamentables. Il gmissait et s'accusait d e la mauvaise vie qu'il avait mene pend a n t plusieurs annes, spcialement la cour; son plus grand regret c'tait d'avoir dissimul qu'il tait catholique, et mme d'avoir frquent les temples protestants, au scandale et la ruine spirituelle de ses parents. Mais surtout il s'accusait, avec d'amres
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paroles, d'avoir t l'un des quarante-sept, choisis par la reine Elisabeth pour condamner l'innocente MarieStuart d'Ecosse: ce crime lui causa une douleur si vive que ses jours en furent abrgs. Le baron aprs tous ces aveux s'tait cri: Piti, piti pour moi, vous du moins qui tes mes amis, car la main du Seigneur m'a frapp! C'tait bien Siurton, le Pre le reconnaissait sa tte chauve qui dpassait un peu les flammes. Aprs avoir demand des prires ferventes, l'me disparut. Le Pre pleurait en racontant cette vision, et la famille q u i l'coutait, au nombre de quatre-vingts personnes, pleurait aussi. Le servant de messe qui fut un de ceux qui prirent plus lard avec Je religieux pour la foi catholique, moi-mme et tous les assitants nous vmes tout d'un coup apparatre sur la muraille blanche laquelle est adoss l'autel, comme un reflet de charbons ardents. Pour comprendre la raison de cette condamnation et de ces tourments, il est utile de rappeler les renseignements ajouts ce rcit par le rvrend Pre Guillaume Westen, qui se trouvait Londres quand le baron mourut. Ce gentilhomme tait un deceux qui, en t e n a n t d a n s leur maison un prtre leur disposition, croyaient pouvoir se jouer de Dieu, c'est--dire, vivre extrieurement en protestant et mourir en catholique. Mais en l'absence du prtre, une mort imprvue le priva des secours religieux qu'il s'tait vainement promis. Cependant. Dieu dans sa misricorde lui fit
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concevoir une si grande horreur de ses crimes, lui en inspira une contrition si vive, jointe au ferme propos d'en demander pardon publiquement e t d e les rparer, qu'il fit appeler sa famille et protesta devant elle qu'il mourait catholique, parce qu'il n'y a point d'autre religion o l'on puisse faire son salut. Puis il dplora avec les larmes les plus amres tous les scandales d e sa vie, assurant qu'il voudrait les effacer, s'il tait possible, avec tout son sang. Ces nobles sentiments dont le ciel et la terre venaient d'tre tmoins, le sauvrent de la perdition ternelle; il rendit son me au misricordieux Crateur. Hais on voit par les tourments intolrables qui l'attendaient dans le purgatoire, combien est intense celui qui renvoie sa conversion au soir del vie!
(V. Daniel, Histoire d'Angleterre, I. V, ch. 7.J
V MERVEILLE. La misricorde envers les dfunts procure le salut de l'me et souvent celui du corps.
Benefacil unim suas vir misericort: L'homme de misricorde assure le bonheur de son me. (//ror. xi, 3 9 . )
Pour exciter la pit des fidles en faveur des mes des malheureux qui ont t mis mort par la justice humaine, et qui souffrent d a n s les flammes du purga-
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foire, il n'est peut-tre point de trait plus pathtique que le suivant. Vers l'an 1020, vivait aux environs de Rome, un jeune homme qu'on ne nomme pas, mais dont on raconte la conversion. Il menait une vie si dissolue et si scandaleuse, qu'il tait devenu un objet d'horreur et d'effroi. Ses crimes lui suscitrent des ennemis puissants qui rsolurent de le faire prir, soit en lui dressant des embches, soit en l'attaquant de front. Le malheureux, au milieu de ses dsordres, avait conserv une pieuse compassion pour les mes du purgatoire, en faveur desquelles il priait souvent, donnait l'aumne et faisait dire de temps en temps des messes. Cette dvotion lui valut de soustraire son Ame la vengeance divine, et son corps la haine de ses ennemis. Un soir qu'il se rendait seul Tivoli, se confiant dans la vitesse de son cheval, pour chapper aux poursuites de ceux qui avaient j u r sa perte, il ne s'aperut pas qu'il allait juste a u - d e v a n t de leurs piges. En effet, ses ennemis, sachant qu'il ne pouvait passer que par ce chemin, placrent en embuscade derrire une haie, quatre hommes arms pour le tuer. Il approchait rapidement de ce lieu, quand passant prs d'un chne, il aperoit suspendus aux branches, les membres d'un criminel excut depuis peu, et plac l pour inspirer de la crainte aux malfaiteurs. Emu de piti, il s'arrte un instant afin de rciter une prire pour le soulagement de celte Ame. Pendant qu'il prie, un spectacle trange frappe ses yeux:
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voil que toutes les parties de ce corps dmembre s'agitent, se dlient, tombent terre, se runissent et forment un homme qui marche au-devant du voyag e u r . Je vous laisse penser quel fut son effroi 1 Le fantme prend la bride du cheval et dit au jeune homme: Descends et laisse-moi monter un moment, il y va de ton intrt; attends ici, et j e reviendrai vite. Le cavalier, muet de terreur, descend et cde son cheval au cadavre ressuscit qui y monte, et le lance en avant dans le mme chemin. Non loin de l. les ennemis voyant arriver le cavalier, dchargent sur lui leurs arquebuses, et le voyant tomber, s'enfuient au plus vite avant que la dtonation n'attirt du monde et ne les fit dcouvrir. Mais le cadavre se relve, conduit le cheval la main et revient vers le jeune homme. As-tu entendu, lui dit le spectre, cette dcharge d'arquebuses? elle t'tait destine, tu aurais t p*>rdu infailliblement pour le corps et pour l'me, si les dfunts l'gard desquels tu as une compatissante dvotion, ne m'avaient envoy ton secours. Reconnais cet immense bienfait, en continuant de prier pour eux, et surtout en changeant de vie et en devenant bon chrtien. Aprs ces paroles, le cadavre se partage en quatre morceaux qui vont reprendre leur place aux branches du chne, comme si une main invisible les y avait suspendus. L'heureux jeune homme partit anim des meilleurs sentiments. Peu de jours aprs, il se rfugia dans un ordre austre pour y faire pnitence; il y vcut dans une grande perfection, et assura ainsi son salut ternel
25 que sa mauvaise conduite avait mis en si grand pril. Ce prodige est bien fait pour exciter notre charit envers les mes du purgatoire qui savent rcompenser si gnreusement leurs bienfaiteurs. Quelle est donc vraie, cette parole de la divine Ecriture: L'homme de misricorde assure le bonheur de son me.
(V. J.-B. Tanni. Sac. Trig., dise. 12.)
Saint mbroisc recommande fortement aux viorges consacres Dieu, l'observation rigoureuse du silence, principalement lorsqu'elles sont au chur, parce que l'Epoux cleste, quand il vient, n'entre dans une me qu'autant que les portes en sont fermes aux discours profanes, et ouvertes aux louanges de Dieu. L'Epoux, dit ce grand docteur, veut que la porte soit ferme quand il frappe. Cette porte, c'est la bouche qui ne doit s'ouvrir que pour le Seigneur. Csaire raconte un fait remarquable qui dmontre Combien les conversations dans le lieu saint dplaisent Dieu.
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Dans un monastre de l'ordre de Citeaux, appel Saint-Sauveur, deux jeunes filles, Gertrude et Marguerite, de familles riches et distingues, firent profession et vourent Dieu leur virginit. Ou les avait places au chur l'une ct de l'autre. La premire, quoique trs-vertueuse, avait cependant le malheureux dfaut de trop parler; elle rompait souvent le silence, et entranait sa compagne dans cette faute, ce qui lui attira un svre chtiment aprs sa mort. Une maladie l'emporta a la Heur de ses annes: on la dposa, selon la coutume du temps, dans un caveau de l'glise. Un soir, pendant que les religieuses chantaient l'office, Gertrude apparat devant l'autel, y fait une profonde gnuflexion et va s'asseoir, comme autrefois, ct do Marguerite; celle-ci, la vue de cette ombre, est saisie d'eUroi, elle tremble de tous ses membres et devient si ple, qu'on s'aperoit bientt qu'il lui est arriv quelque chose d'extraordinaire. Marguerite, encourage par ses compagnes, va se prosterner aux pieds de la Mre abbesse, lui raconte que sur Gertrude lui tait apparue et qu'elle tait reste place ct d'elle jusqu' la fin des vpres, qu' ce moment elle s'tait leve, avait fait une inclination jusqu' terre et avait disparu. La prudente suprieure, craignant que tout cela ne ft l'effet de l'imagination, ou quelque illusion du dmon, lui donna cet ordre: Si Gertrude vient encore se placer prs de vous, vous lui direz: Benedicite, et si elle rpond selon notre usage: Dominus, vous lui demanderez d'o elle vient et ce qu'elle veut.
Le jour suivant, la mme heure, Gertrude apparut d nouveau; Marguerite la salua par Bencdicite! Dominm! rpond le fantme. Ma bien-aime sur Gertrude, continue la religieuse, d'o venez-vous cette a u r e et que voulez-vous-? Je viens, dit-elle, satisfaire la Justice divine dans le lieu mme o j'ai offens .Dieu avec toi en rompant le silence, et en te le faisant rompre par des discours inutiles pendant les saints ollices. Le Juge quitable vont que je vienne ici subir le chtiment de ces fautes. Oli! si lu savais combien je souffre! Je suis tout environne de flammes; ma langue surtout en est consume, sans que je trouve le moindre rafrachissement. Ma chre sur, si tu as le malheur de retomber dans ces fautes, vois les cruelles peines qui l'allendent. loi et les compagnes que tu aurais entranes. Puis elle disparut. Elle revint plusieurs fois se recommander aux prires des religieuses jusqu' ce que, dlivre par leurs suffrages, elle dit un dernier adieu Marguerite qui Ja vit se diriger vers son tombeau, en soulever la pier re et s'y coucher pour toujours. Ces apparitions et ce dernier avis consternrent tel Jement Marguerite, qu'elle tomba dans une grave ma ladie et ne tarda pas tre touie extrmit, mme on la crut morte. Mais ce n'tait qu'une sorte d'extase, pendant laquelle, elle vit des choses admirables de l'autre vie. Quand elle fut revenue elle-mme, elle les raconta toutes les surs qui comprirent la ncessit de la mortification des se;js. Dsormais, sur Marguerite observa scrupuleusement la reale du
?s silence pour ne pas encourir dans le purgatoire le chtiment dont l'avait menace la dfunte, et elle veilla avec tant de soin sur ses paroles, qu'elle pouvait dire avec le Prophte royal: Je me suis promis de veiller sur moi afin de ne point pcher par la langue, et j'ai mis une barrire mes lvres.
(V. Csaire, Illuslr. Mirac., 1. xxii, ch. 36; Alexis Segala, T> iumph. Pwg p. n, c. 54, n. 32. )
VII MERVEILLE. Une me du purgatoire rappele sur la terre pour faire pnitence
Dedi illi tftnpus ut ptenitentiam agerel: Je lui ai accord du temps pour Taire pnitence. (Apocal. n, 21.1
Ohl que ne donneraient pas les mes du purgatoire pour ressaisir quelques instants de cette vie, dont nous dpensons les heures et les jours dans des occupations inutiles, et daus les vanits terrestresl Quelles pnitences, quels travaux, ne s'imposeraient-elles pas volontiers pour adoucir, seulement quelques minutes, ces indicibles tortures 1 Citons ce sujet l'exemple plus admirable qu'imi(able, donn par la vnrable vierge Angle Tholomi, dominicaine. Eleve, ds la plus tendre enfance, dans la pratique
29 de toutes les vertus, elle avait dj acquis une rare perfection, quand elle tomba dangereusement malade. Voyant que tout secours humain devenait inutile, elle eut recours son bienheureux frre J.-B. Tholomi. Celui-ci adressa au ciel de ferventes prires pour obtenir la gurison de sa s u r ; mais Dieu restait inexorable, parce qu'il avait des vues toutes providentielles sur sa servante. On peut dire ici, comme 6aint Augustin au sujet de Lazare: Il tarde gurir le
malade afin de ressusciter le mort.
Angle tait prs de rendre le dernier soupir lorsque, tout--coup, elle fut ravie hors d'elle-mme p a r Une trange vision. Il lui sembla qu'elle tait transporte dans un lieu immense, o taient reprsentes les peines du purgatoire. C'taient des tourments de toutes sortes: ici, des mes taient la proie des flammes dvorantes; l, d'autres taient plonges dans des tangs de glace, dans du soufre bouillant, ou bien dchires avec des pointes de fer rougies au feu, ou elles taient ronges par la dent venimeuse des botes froces. Elle vit encore une infinit de supplices, et il lui fut montr en quel lieu son me, qui allait bientt sortir de son corps, devait se rendre pour l'expiation d e certains dfauts qu'elle n'avait pas assez combatt u s pendant sa vie. Les peines qui lui taient rserves lui parurent si horribles que, lorsqu'elle recouvra sa connaissance, elle frmit de tous ses membres. Elle faconta cette vision son saint frre, le suppliant d'obtenir p a r ses prires assez de vie pour se purifier
-30 de ses fautes, et viter les tourments si cruels du purgatoire. Dieu sembla n'avoir tenu aucun compte des ardentes prires du frre et de la sur, car Angle mourut. Mais pendant qu'on portait son corps en t e r r e , le bienheureux Jean-Baptiste, inspir de Dieu, commanda sa sur, au nom de Jsus-Chrit, de se lever de son cercueil et de reprendre place parmi les vivants. 0 prodige admirable! l'instant, le cadavre s'agite, lve la tle; Angle est ressuscite! Elle savait pour quelle fin Dieu lui accordait la vie, aussi commena-t-elle de suite faire pnitence; mais les austrits ordinaires telles que cilice, discipline, j e n e , veille, ne lui paraissaient que des futilits en comparaison des tourments dont elle avait t tmoin. Elle purifiait ses fautes avec l'eau et le feu: au milieu de l'hiver elle se plongeait dans u n tang glac, quelquefois elle se mettait dans les flammes et restait assez de temps pour endurer les plus cuisantes douleurs; ou bien elle se roulait sur les pines jusqu' ce qu'elle ft tout en sang. Enfin, elle n e cessait de rechercher les moyens de se tourmenter, malgr les afflictions de l'me et les infirmits d u corps que Dieu lui envoyait pour prouver sa constance. Angle tait devenue un objet, j e n e dis pas d'admiration, mais d'pouvante pour les tmoins de son martyre; plus d'une fois, on lui reprocha d'tre trop cruelle, trop barbare pour ellemme. Ah! rpondaitelle, qu'est-ce que tout cela .compar aux supplices
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que j e devais souffrir dans l'autre vie pour l'expiation de mes fautes, si la divine Misricorde n'avait pas accept en change ces lgres souffrances. A la stupfaction universelle, elle continua ce rigoureux genre de vie jusqu'au moment o, semblable l'or purifi par le feu du creuset, elle fut de nouveau appele par le souverain Matre au sjour du cleste repos o elle s'envola, ( comme on peut le penser ] sans passer par les flammes du purgatoire. Qui ne tremblera au rcit des chtiments de l'autre vie ! Si sur Angle, cette religieuse d'une si grande vertu, devait endurer d'aussi cruels supplices pour effacer des fautes commises dans la voie de la perfection, quels seront donc ceux rservs aux pcheurs qui, bien que confesss et absous, n'auront pas fait pnitence pour satisfaire la Justice divine. 1
(V. fr. Dominique-Marie Marchcsi, Vita vtntrabilh Angel Tlwlome, 9 nov., uu Diurio Dontiniccmo.)
VIII MERVEILLE. Combien les mes du purgatoire sont soulages par l'oraison et le jene.
Exaudiet Dominus preees vestras, si ptrmanseritis in orationibus et jejuniis: Le Seigneur exaucera vos prires, si vous persvrez dans la prire et le jene, (Judith, iv, 12.)
La charit doit porter tous les fidles soulager les mes du purgatoire; mais l'obligation devient plus rigoureuse quand il s'agit de parents, d'amis, de bienfaiteurs et de personnes qui nous sont chres quelque autre titre. La reine Gude, pouse de Sarich' roi de Lon, l'avait compris. Ce grand roi venait de vaincre et de soumettre par la valeur de ses armes tous les rebelles de son royaume, et surtout Gonzalve leur chef; lorsque ce sditieux, voyant qu'il ne pouvait rsister la force, eut recours une ruse odieuse: il vint se jeter aux pieds du roi, implora son pardon et l'obtint facilement. Admis dans les bonnes grces de Sanche, le flon trama une noire trahison: un jour, il prsenta au prince un fruit empoisonn. A peine celui-ci l'eut-il got, que se sentant mortellement atteint, il voulut tre report tout de suite dans sa capitale; mais la violence du poison le fit expirer en route. Ce fut une
33 grande dsolation dans tout le royaume o Sanche tait chri pour sa bienfaisance. La douleur de Gude tait inconcevable. Cette reine fit faire son poux des funrailles qui taient plus remarquables par la douleur et les larmes que par le luxe et la pompe; elles eurent nanmoins la magnificence due la majest royale. On porta le corps dans le monastre de Castillo, situ sur les rives du fleuve Minio, et l'on clbra un grand nombre de messes. La reine ne voulut point s'loigner de la tombe de sou poux, et, ne prenant conseil que de son amour, elle dposa son diadme, et se dpouilla de la pourpre royale pour se revtir de l'humble habit du clotre. Plusieurs dames de la cour l'imitrent dans son gnreux sacrifice. Ds lors, Gude s'adonna tout entire aux uvres saintes, dans l'intention de soulager son cher dfunt. Jour et nuit, elle ne cessait d'adresser au ciel les plus ferventes prires; mais le samedi ddi la divine Marie, tait spcialement consacr au j e u n e , la prire et la pnitence pour dlivrer cette me, si elle tait encore en purgatoire. Or un samedi, qu'elle tait agenouille devant l'autel de la Reine d u ciel, Sanche lui apparut couvert d'un manteau de deuil, et entour d'une ceinture forme de deux chanes rougies par le feu. II commena remercier son pouse de sa charit envers lui, et la supplia d'augmenter encore ses uvres de misricorde: A h ! lui dit-il, s'il m'tait donn de vous faire connatre quels
-34supplices j ' e n d u r e dans le purgatoire, combien s'accrotrait votre compassion pour votre aim SanCbei Par les entrailles de la divine Misricorde, secourezmoi, Gude, secourez-moi ! j e suis dvor p a r le feu vengeur. Cette apparition enflamma le zle de cette reine si pieuse, si tendre. Pendant quarante jours, elle ne cessa d e verser des larmes afin d'teindre les flammes qui brlaient son poux. Elle faisait de nombreuses prires afin de faire tomber ses chanes, et rpandait d'abondantes aumnes pour acquitter ses dettes envers la Justice divine; de plus elle fit prsent un saint prtre d'une toffe prcieuse, richement travaille, qui devait servir rehausser la beaut d'un ornement sacerdotal dont on se servait la messe, offerte chaque jour pour l'me du dfunt. Au bout de quarante jours, un samedi prcisment, le roi lui apparut d e nouveau, non-seulement dlivr d e ses chanes brlantes, mais environn d'un clat cleste, et vtu d'un manteau blanc, embelli de cette mme toffe que Gude avait donne au prtre. Dieu l'avait miraculeusement applique la dlivrance et au triomphe de Sanche: Me voici, lui dit-il, d'un air heureux, je suis libre; grce vous, mes peines sont finies. Que Dieu vous bnisse j a m a i s ! Persvrez dans vos saints exercices; mditez les peines de l'autre vie, et surtout la gloire du paradis o j e vais vous attendre, et o j e serai votre protecteur. Gude s'lana vers lui, mais elle ne put que saisir la prcieuse toffe qu'elle donna de nouveau au monastre de
Saint-Etienne. Les religieux attestrent sous la foi du serment que cette toffe avait t miraculeusement enleve de l'ornement, et ils la conservrent comme une chre relique et un prcieux souvenir d'une pit qui avait ouvert le ciel une me du purgatoire.
(V. Jean Vasquez, Chronique, an 9 4 0 . )
IX MERVEILLE. Une pouse vertueuse est un trsor pour son poux pendant la vie et aprs la mort.
Hulieris bon beatus vir: Heureux l'poux d'une femme vertueuse!( Eccli. xxvi, I . )
A l'histoire d'un roi, ajoutons celle d'un empereur qui obtint sa conversion la foi catholique, et plus tard, sa dlivrance du purgatoire par les vertus et les prires de sa iidie compagne, laquelle on peut appliquer ces paroles de l'aptre: L'poux infidle a
4U sanctifi par la femme fidle.
Thophile, empereur de Constantinople, s'tait dclar l'ennemi acharn des saintes images, et fore de perscutions, il tait parvenu les bannir de son royaume. Afin qu'on n'en peignit plus de nouvelles, il fit couper la main au pieux peintre Lazare. Inutile cruaut, car la main vint miraculeusement se rattacher au poignet de l'artiste.
- 3 6 Ce fut un grand bonheur pour ce prince d'avoir, dans l'impratrice Thodora, une sainte pouse dont les minentes vertus, les prires, les jenes et les aumnes finirent par obtenir de Dieu sa conversion. En effet, sur la fin de sa vie, ce prince accabl par d'affreux revers, surtout par le massacre de ses armes, reconnut l'action de la vengeance d h i n e ; il rentra en lui-mme, dtesta ses iniquits, et rsolut de rtablir le culte des saintes images. Mais la mort ne lui en laissa pas le temps; nanmoins il donna des signes certains de contrition et d'un grand dsir de faire pnitence. On peut donc croire, en toute confiance, que par la Misricorde divine, il a\ait chapp aux supplices de l'enfer, et tait seulement destin expier ses feules dans ie purgatoire. Aussi la pieuse Thodora s'appliqua a\ec une ferveur extraordinaire soulager cette aine, non-seulement par ses prires et ses jenes, niais encore par l'oblation du saint sacrifice qu'elle demanda a beaucoup de saints prtres, et par -^es u>a\ res de pnitence qu'elle rclamait de plusieurs saiuts religieux. Elle eut bientt une vision qui lui causa d'abord quelque terreur, et ensuite une grande joie. Une nuit, aprs a\oir pri avec ferveur, ii lui sembla voir son poux Thophile, li a\ec des chanes et entran par une troupe d'horribles soldats devant le tribunal du Juge ternel. Quelques-uns marchaient devant et portaient toutes sortes d'instruments de torture. Dans sa vision, Thodora se voj ait la .suite du cortge. Quand elle fut arrive, elle aussi, devant le trne de la souveraine
et redoutable Majest, elle se jeta humblement a u x pieds du Christ vengeur et demanda, avec larmes, piti et misricorde pour son malheureux poux qui tremblait de tous ses membres. Alors le Juge, dont l'aspect avait t terrible et menaant, s'adoucit tout--coup, et, d'un air plein de douceur et de compassion, il dit: 0 femme votre foi ett grande ! A cause de vous et en considration des prires de mes prtres, j'accorde votre* poux son pardon. Puis, se tournant vers les ministres de sa justice: Dliez-le, leur dit-il, et rendez-le son pouse. Cet heureux songe remplit le cur de Thodora d'un doux espoir, et ses larmes de tristesse se changrent en larmes de joie. Sa consolation augmenta encore lorsqu'elle apprit de Mthode, patriarche de Constantinople, qu'il avait eu une vision non moins surprenante. Cet insigne prlat, adversaire dclar des Iconoclastes, avait, la demande de l'in^pratrice, consacr toutes ses prires et ses autres uvres au Soulagement des dfunts; or, prcisment, la mme uuit, il avait vu en songe un ange entrer dans l'glise de Sainte-Sophie, venir lui et lui dire: Tes prires, 6 Pontife, sont exauces, et Thophile a obtenu sa grce. * son rveil, le prlat combl de joie, se rendit cette mme glise de Sainte-Sophie o il trouva la confirmation complte de sa vision. Il avait crit les noms des Iconoclastes, et Thophile en tte, sur un petit livre qu'il plaait sous l'autel afin d'implorer pour eux la misricorde divine en offrant le saint sacrifice.
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Mthode ouvre le livre, et no voit plus le nom de l'empereur; il se trouvait miraculeusement effac de la liste des impies. Ce prodige combla d'allgresse tous les curs chrt i e n s , et ramena la religion un grand nombre d'hrtiques.
(V. Cennade, Defensio concilii Florentini, scct. 5. Thophile Raynaud, Ueter. Spiril., 2 partie, sect. 1, 6 point.)
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Nous lisons dans l'ancien Testament que le prophte Elise manifesta la prsence de la milice cleste envoye la dfense du roi d'Isral contre l'arme du
roi de Syrie en disant: Ne craignez rien, nous plus nombreux qu'eux. sommes
Sous la loi nouvelle, on a vu plus d'une fois des lgions d'mes bienheureuses protger les princes qui, par leurs suffrages, les avaient dlivres du purgatoire. J'aurais voulu que Thomas de Catiinpr nous donnt le nom d'un grand seigneur contemporain dont il raconte, l'histoire et qui reut du ciel une sembla-
M Me protection. Ce seigneur s'tait livr ds sa jeu* oesse aux plaisirs et la vanit, employant les revtons de ses possessions immenses l'talage d'un luxe effrn et l'entretien d'une cour nombreuse. Un jour qu'il tait venu par hasard entendre un Pre dominicain, grand prdicateur de son poque, 11 sortit du sermon le our touch par l'Esprit-Saint, e t , fidle ses inspirations, il rsolut de revenir Dieu. Rassemblant ses courtisans, il leur dclare franchement qu'il dteste les crimes de sa vie passe, qu'il veut les rparer, mettre fin aux dpenses superflues et renvoyer beaucoup de personnes de son service afin de donner aux pauvres des aumnes plus abondantes. 11 [dit et tient parole: aussitt il prend ses trsors, les distribue aux indigents, ayant soin toutefois de faire une large part aux prtres qu'il charge d'offrir chaque jour le saint sacrifice en faveur des Ames qui souffrent dans le purgatoire. Mais les courtisans indigns de voir ces conomies, faites leurs dpens, toutes employes en bonnes uvres, machinrent contre leur bon matre une conjuration; ils semrent d'abord parmi le peuple un esprit de lizanie et de sdition, non contents de cela, ils all rent trouver un prince voisin qui dj gardait dans Son cur, rancune contre ce seigneur et dsirait se venger de quelques checs qu'il avait essuys. Ils lui suggrrent donc que c'tait Je moment favorable de tirer une clatante vengeance d'un ennemi qui a mcontent ses courtisans, irrit ses sujets, et ruin le trsor public pour enrichir les glises. Il n'en fallait
-40pas tant pour rallumer la colre de ce prince et lai faire prendre les armes. Rsolu de tenter la fortune, il assemble ses soldats et met son arme sur le pied de guerre, puis il envoie son adversaire un hraut lui dclarer sous des prtextes frivoles le commencement des hostilits. Surpris de cette dclaration de guerre que rien ne lui avait, fait prvoir, le pieux seigneur rassemble ses conseillers et ses chefs d'arme, et leur demande ce qu'il faut faire. Les tratres, d'un air ddaigneux, osent rpondre qu'ils n'ont ni la force ni la volont de combattre. Prenez, dirent-ils, tous ces prtres q u e vous avez enrichis, et qu'ils vous dfendent avec leurs psaumes, leurs signes de croix et leurs bndictions 1 Ce bon seigneur trahi, abandonn par ses capitaines, n'eut d'autre parti prendre que de se rfugier avec un petit nombre de soldats dans un chteau fort et de mettre toute son esprance en Dieu. Quelques jours a p r s , il apprend que l'arme ennemie tait sortie du camp, bannires dployes, et que bientt la forteresse serait assige; alors il monte au sommet d'une tour pour inspecter ses fortifications, et voici qu'il aperoit une brillante lgion, marchant en bataille, les tendards dploys au vent et arme d'pes tincelantes et de boucliers d'or marqus d'une croix rouge. 11 comprit que c'taient des auxiliaires. Saisi d'tonnement et d'admiration, il vole leur rencontre avec quelques soldats, et les salue avec de vives dmonstrations de joie. Au mme instant un chef sort des rangs et lui dit: Pieux guerrier, ne craignez plus
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votre ennemi, c'est par l'ordre de Dieu que nous sommes ici tous arms; nous vous dfendrons parce que vous nous avez dlivrs du purgatoire par vos suffrages et par les sacrifices de vos prtres; au jour de l'assaut nous serons plus nombreux, car d'ici l, votre charit aura dlivr bien des mes, et elles se (oindront nous pour votre dfense. Aprs ces paroles, le bon seigneur, plein d'une entire confiance, rentra au chteau et enflamma ses soldats en leur promettant une victoire certaine. Le jour du combat arriv, le prince orgueilleux s'avanait la tte d'une arme nombreuse, et menaait de mettre tout feu et sang, et dj il chantait son triomphe. Les assigs peu nombreux, mais anims d'un courage extraordinaire, sortent nanmoins de la citadelle et se rangent en bataille. Tout-coup, la lgion cleste vient prendre position leurs cts, et, entourant tous les fosss, elle offre l'aspect d'une grande et brillante arme. L'envahisseur qui voit de loin ces formidables lignes de soldats, est surpris et terrifi, il n'ose se mesurer avec des forces si suprieures; ses soldats eux-mmes, tout effars, jettent leurs armes et s'enfuient. Le prince orgueilleux, craignant une nouvelle dfaite, s'humilie et envoie des dputs pour demander la paix, s'offrant d'aller en personne se rconcilier avec celui qu'il avait offens. Celui-ci tait trop bon, trop clment pour refuser ses avances; il reut son ennemi bras ouverts et lui donna le baiser de la rconci* liation. Alors la lgion cleste disparut.
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Tous deux reconnurent le prodige et l'immense gratitude des mes du purgatoire, et ils rendirent grces au Dieu des armes, qui opre de telles merveilles en faveur des siens.
(V. Thomas Catimpr, Apum ( son meilleur ouvrage), t. II, eh. S3. )
XI MERVEILLE. Martyre de charit de sainte Christine l'Admirable pour la dlivrance des mes du purgatoire.
Majorem hc tlilcctioncm nemo habet, ni
animam suam ponut rjiiis J,IO amicis sais:
On ne peut tmoigner plus d'amour qu'en sacrifiant sa vie pour ses amis. (Joan. XV, 13.)
Ce livre tout petit qu'il est, serait trop imparfait s'il ne faisait aussi mention de l'incomparable charit de la bienheureuse Christine, surnomme l'Admirable l'gard des mes du purgatoire. Les pnitences et les austrits qu'elle s'imposait pour elles, paratraient incroyables si le rcit n'en tait fait par les historiens les plus clignes de foi. lis racontent donc que l a m e de cette vierge, spare de son corps, fut porte par les anges dans le purgatoire afin de voir les supplices qu'on y endure, et qu'elle en ressentit une tristesse et une compassion inexprimables. De
43 l, elle fut n n i e au eiel pour en contempler la gloire infinie; et, prsente la Majest divine, elle entendit ces paroles: Tu es dans le sjour de la flicit, tu es libre de te fixer dans le ciel pour y vivre ternellement parmi les bienheureux, o de retourner comme victime sur la terre pendant quelques annes, afin de dlivrer par tes souffrances, les mes qui gmissent dans le purgatoire. Si tu prfres le premier parti, tu es au port, tu n'as plus rien craindre, plus rien souffrir; si c'est le second, retourne dans ton corps pour y tre martyre de la charit, pour y endurer d'tranges peines qui dlivreront les mes et embelliront ta couronne. La gnreuse fille rpondit: - Je retourne. Seigneur, < je retourne sur la terre, sacrifier ma vie, j'accepte tous les tourments, tous les martyres pour soulager lsmes du purgatoire. Cette me magnanime rentre donc dans son corps, et, aussitt commencrent les pnitences pouvantables dont on ne peut rapporter les dtails sans frmir: c'tait peu pour elle de rester plusieurs jours de suite sans prendre aucune nourriture, de se rouler sur des pines, de meurtrir ses membres dlicats par des disciplines; elle se jetait dans des brasiers ardents dont elle ne sortait que par miracle, et, peine retire, elle se plongeait jusqu'au cou dans l'eau glace o elle prouvait d'affreuses douleurs; d'autres fois, elle se jetait sous les *oues des moulins pour se faire broyer; elle se faisait dchirer par des pointes de fer aigus, ou bien, - l'aide d'une corde, elle se suspendait par les bras
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une poutre. Mais j e n'ai pas le courage de continuer ce rcit, cela suffit pour faire comprendre combien elle dlivra d'uies du purgatoire. Dieu permettait qu'elles vinssent, en montant au ciel, remercier affectueusement leur libratrice. Rappelons au moins une de ces apparitions. Louis, comte de Lon, dans la basse Allemagne, seigneur vaillant et renomm p a r la sagesse de ses conseils, avait une sainte affection pour Christine, et il coutait volontiers les reproches qu'elle lui adressait, au sujet de bien des fautes auxquelles il s'abandonnait. Etant tomb malade et en danger de mort, il expdia u n messager pour la supplier de venir, car il dsirait ardemment, avant de mourir, s'entretenir avec elle des intrts de son me. Elle ne fut pas plus tt venue, qu'il renvoya tous ses serviteurs, et, s'efforant de descendre du lit, il s'agenouilla devant elle et lui dit, au milieu de ses larmes et de ses gmissements: Servante de Dieu, vous savez, quel grand pcheur j e suis! Dans peu de temps, je vais rendre compte au Juge suprme de mes graves et nombreuses fautes. Vous, qui tes si fidle au Seigneur, suppliez j e vous en conjure, le Dieu de misricorde de m'accorder une vraie contrition qui efface mes pchs, et puis, par vos suffrages, obtenez cette pauvre me quelque diminution des peines qu'elle mrite. La pieuse vierge pria avec ferveur, et Louis, bris par le repentir, rconcili par la confession, rendit son me au Crateur. 11 n e tarda pas se montrer Christine, et lui dit:
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0 pieuse servante de Jsus-Christ, si vous saviez quels tourments atroces je suis condamn, combien vous auriez piti de moi ! Je vous conjure de nouveau p a r les entrailles de la misricorde de notre Dieu, de redoubler vos suffrages, afin que j e sois soulag. Christine touche de compassion, lui dit: Allez en paix, me bien-aime, j e m'offre endurer dans mon corps la moiti des tourments qui vous seraient infligs pour satisfaire la Justice divine. Elle recommena donc ses pnitences effroyables: le feu, l'eau, la glace furent les agents de sa charit. Elle allait dans les lieux mmes o Louis s'tait livr des plaisirs coupables, et l, par ses larmes, p a r son sang, elle s'efforait de les expier. Elle continua ainsi martyriser son corps jusqu' ce que le dfunt se montra elle de nouveau; mais cette fois environn de gloire. Il la remercia affectueusement d'avoir acquitt la moiti de sa dette, puis il s'leva vers les splendeurs ternelles. Sainte Christine l'y accompagna d'un doux regard et ses larmes de tristesse se changrent en larmes de consolation.
(V. S. Surins, Vie de Christine l'Admirable, 23 juin; Denis-le-Chartreux, De quatuor nomtimi, es. 90.)
Ce beau nom de Mre des mes du purgatoire, la Reine du Ciel se le donne elle-mme dans les rvlations de sainte Brigitte: Je suis, dit-elle cette sainte, la mre de tous ceux qui sont dans le lieu de l'expiation, car nies prires adoucissent tous les chtiments qui leur sont infligs pour leurs fautes. Certainement si les saints du paradis peuvent par leur intercession obtenir la grce de ces mes, qui osera nier que Celle qui est appele Sainte des Saints,
Consolatrice des affligs, Iilre de la Misricorde, ne jouis-
se de ce privilge un bien plus haut degr? Saint Pierre Damien rapporte l'apparition d'une personne sortie du purgatoire, qui assurait que dans la fte de la glorieuse Assomption de Marie, il avait t dlivr plus d'mes qu'il n'y avait d'habitants Rome. De plus,|il raconte le mmorable exemple d'un prtre qui il fut donn de voir des choses merveilleuses dans la basilique de Sainte-Ccile. Il sembla ce prtre qu'il tait tir de son sommeil par un ami dfunt, et conduit dans cette glise.
47 L, il aperut une troupe de vierges saintes, Ccile, Agns, Agathe, et a u t r e s , qui prparaient un trne magnifique sur lequel vint s'asseoir la Mre de Dieu, environne d'anges et de bienheureux qui formaient sa cour. Cette grande Reine avait un visage majestueux et serein qui faisait la joie de la sainte et silencieuse assemble. Alors parut une pauvre petite femme en habits ngligs, mais ayant sur les paules une fourrure prcieuse, elle se mit humblement aux pieds de la cleste Reine, et les mains jointes, les yeux pleins de larmes, elle dit en soupirant: Mre des misricordes, au nom de votre ineffable bont, je vous supplie d'avoir piti du malheureux Jean Palricius qui vient de mourir, et qui souffre cruellement dans lo purgatoire. Trois fois elle rpta la mme prire, et trois fois avec, plus de ferveur, sans recevoir aucune rponse. Enfin, elle leva encore la voix et ajouta: Vous savez bien, trs-compatissante Heine, que je suis cette mendiante qui, la porte de -votre plus grande basilique, demandait l'aumne dans le coeur de l'hiver, sans autre vtement qu'un misrable haillon. Un jour, toute transie de froid, j'implorai, au nom de la Vierge Marie, le bon Patricius qui se dpouilla aussitt de cette prcieuse fourrure pour me la donner. Une si grande charit faite en votre nom, mrite bien quelque indulgence? A cette touchante prire, la Reine du Ciel jeta sur la suppliante un regard plein d'amour: L'homme pour lequel tu pries, lui rpondit-elle, est condamn pour longtemps cause de ses nombreuses et graves
48 fautes; mais comme il a eu deux vertus spciales: la misricorde envers les pauvres, et la dvotion de fournir l'huile qui brlait devant mes autels, je veux user d'indulgence. Les autres saints qui taient prsents, intercdrent h leur tour. Marie ordonna qu'on conduisit Patricius au milieu de l'assemble. Aussitt une troupe de dmons le prsentrent, ple, puis, charg de chanes. Marie commanda aux esprits infernaux de le dlier l'instant, et de le mettre en libert, afin qu'il pt se joindre aux bienheureux qui formaient la couronne de son trne. Cet ordre excut, la Mre de Dieu disparut avec son glorieux cortge. Le prtre, qui avait t favoris de cette vision, prcha toute sa vie la clmence de la divine Marie, envers les pauvres mes qui ont t charitables et qui l'ont honore.
( V. Pierre Damier, Opusc. 34. e. 4; Thophile Raynaud, Heter. Spirit., 2 partie, sect.3,2 point> <l- 2. )
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XIII MERVEILLE. Dieu accorde ses saints de grandes grces en faveur des mes du purgatoire.
Mirificavit Dominm sanctum suum; Dominas exaudiet me cm clamavero ad eum: Le Seigneur a exalt son serviteur: il m'exaucera lorsque je crierai vers lui. (Ps. v. 4.)
Je n e veux pas examiner ici comment et par quels suffrages les saints du paradis peuvent secourir les mes du purgatoire. Saint Augustin, saint Thomas et tous les matres de la thologie, nous enseignent que les bienheureux sont trs-puissants et qu'ils obtienn e n t par voie de supplication, la dlivrance des mes du purgatoire. Aprs un tel tmoignage, je crois q u i i suffira de rapporter comme preuve, l'exemple de Dagobert l" , roi de France. Le Pre Thophile Raynaud nous assure que celte histoire a t reprsente sur la pierre spulcrale du prince dans l'glise de saint Denis. C'est ce mme Dagobert qui a fait btir cette magnifique basilique o depuis ont t ensevelis tous les rois trs-chrtiens.
r
Ansoald, vque de Poitiers, avait fait le voyage de Sicile pour une ambassade, et quelques affaires concernant son glise. Sa mission termine, comme il
50 revenait Marseille, il fut surpris par une tempte qui le contraignit d'aborder une petite lie presque dserte o vivait un fervent anachorte, nomm Jean, qui tait en grande rputation de saintet. On venait de loin se recommander ses prires qui obtenaient du ciel beaucoup de grces. Ansoald quittant son navire, entra dans le pauvre ermitage et se mit parler avec le solitaire des choses de Dieu, spcialement de la gloire du paradis. Aprs ces pieux et consolants entretiens, Jean s'informa du pays de l'vque, du motif de son voyage. Quand il eut appris qu'il tait de France et qu'il y rentrait, il lui demanda s'il connaissait la vie difiante du roi Dagobert. Parfaitement, rpondit le prlat, et il raconta que ce prince aprs ses premires guerres s'tait adonn une grande pit, qu'il propageait le culte divin, levait de somptueuses basiliques. Il parlait encore lorsque l'ermite l'interrompit: Votre prince, dit-il, est pass une meilleure vie. Comme preuve de Ja vrit de cette nouvelle, il lui raconta la vision qu'il avait eue. Un matin, que, fatigu de ses longues veilles, il s'tait laiss surprendre par un doux sommeil, il vit apparatre un vnrable personnage aux cheveux blancs, qui lui dit: Levez-vous promptement, et implorez la divine Misricorde en faveur du roi Dagobert dont l'me est sortie aujourd'hui mme de son corps. Le serviteur de Dieu avait peine commenc sa prire, qu'il aperut sur les flots de la mer une troupe de monstres infernaux qui conduisaient le roi dans une barque. Ils le poussaient avec furie vers une lie
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volcanique tout en feu; et le menaant avec des cris pouvantables, ils le frappaient avec cruaut et le tourmentaient de mille manires. Ce prince infortun appelait h son secours avec des paroles suppliantes, le saint voque Martin et les glorieux martyrs Denis et Maurice, qu'il avait honors d'une manire particulire et auxquels il avait lev trois magnifiques glises. Mais voici que le ciel s'obscurcit; d'horribles clairs sillonnent la nue, la foudre clate et frappe les dmons au visage. Au milieu de la tempte, trois personnages vtus de blanc, environns d'une lumire clatante, s'approchent du roi et le considrent avec un visage plein de mansutude et de srnit. Ah 1 qui les-vous? leur demanda Dagobert. Ils rpondent qu'ils sont Denis, Maurice et Martin, accourus son appel pour le sauver du pril et le conduire l'ternelle flicit. Aussitt les trois saints, se retournant vers les esprits infernaux, les menacent cl les mettent en fuite; puis ils embrassent tendrement la victime qu'ils ont arrache la rage do ses bourreaux, et l'emportent triomphalement au ciel en chantant avec une douce mlodie: Bienheureux Seigneur celui que vous avez choisi et attir vous t II habitera dans vos parvis; il sera rassasi des biens de votre maison; votre demeure est sainte, et on Vadmire parce que les justes seuls y sont reus. Le rcit de cet vnement, que l'vque de Poitiers nous a religieusement transmis, a t retrac sur le marbre de la basilique de Saint-Denis, afin que la mmoire en ft conserve, et que les princes appris-
rasent honorer les saints afin de les avoir pour protecteurs dans les prils de la vie et aprs la mort.
(V. Le chroniqueur bndictin du sicle, Aymon, Histoire des Franais, liv. v, ch. 34; Baynsud, Btter. Spirit., 3 p., sect. 3,4* point. 4. .)
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XIV MERVEILLE.
Puisque nous avons parl de la puissante intercession des saints en faveur des mes souffrantes, il ne sera pas inutile de rappeler ici la grce singulire qui fut accorde Jean de Nivelle, chanoine de la cathdrale de Lige. Thomas de Catimpr raconte et loue sans rserve, les uvres admirables de salut qu'opra ce pieux personnage. Majs citons seulement ce qui a rapport notre sujet. Un zl prdicateur prchant un jour dans u n e glise d'Angleterre, parlait avec la plus grande vhmence contre ces impies qui osent p a r leurs crimes, outrager en face la Majest divine. Une femme d u monde, coupable des plus graves dsordres, assistait ce sermon; elle y fut si vivement touche p a r la grce, et elle conut u n e telle horreur des crimes de sa
- 5 3 vie, que tout--coup, interrompant le prdicateur; elle s'cria tout en larmes: Mon Pre, la confession vite vite,pour cette malheureuse pcheresse. Celui-ci,tout en admirant un semblable courage, l'invita cependant se taire jusqu' la fin du sermon, pour ne pas trou bler le recueillement de l'auditoire. Elle se tut quelques moments, mais la contrition prenait un tel accroissement dans son cur, qu'elle s'cria de nouveau: D e grcel serviteur de Dieu, descendez vite poui me donner l'absolution de mes normes crimes. Le prtre lui imposa encore silence, ajoutant qu'il ne lui restait que peu de choses dire, et qu'immdiatement il l'entendrait et lui donnerait l'absolution. U rcapitulait brivement ce qu'il avait dit de la .gravit du pch, lorsque cette femme se leva et recommena ses cris: Tout de suite, mon Pre, tout de suite, la douleur nie brise et je me meurs... En effet, elle tomba sur le pav de l'glise, et expira l'instant. Grande fut la stupeur du peuple, et plus encore celle du prdicateur; il dplorait de ne pas s'tre rendu plus tt aux instances de cette pauvre pcheresse. Aprs ce premier moment de trouble, il pria ses auditeurs de conjurer la divine Misricorde d'avoir piti de cette pauvre me et de daigner rvler en quel tat elle se trouvait, afin de lui obtenir quelques suffrages si elle en avait besoin. Ds qu'il fut rentr dans son monastre, il s'enferma dans sa cellule pendant trois jours qu'il passa tout entiers dans la prire, sans prendre ni repos ni nourriture. La troisime nuit, la dfunte lui apparut toute glorieuse, vtue d'un manteau blanc,
- 5 4 le visage rayonnant de joie. Elle lui dit: Voici la pcheresse pour laquelle vous faites t a n t de prires; j e suis dlivre des peines que m'avaient mrites mes innombrables fautes. Grces ternelles soient rendues au Seigneur qui a us d'une si prompte misricorde envers moi; changez vos prires en remerclments; je m'envole au sjour des flicits infinies o je serai votre reconnaissante protectrice. Comme le prdicateur craignait d'tre le jouet d'une illusion, l'me ajouta: Afin que vous ne doutiez plus de la vrit de cette apparition, voici un signe certain auquel vous reconnatrez la vrit: aujourd'hui mme est pass la vie bienheureuse, le grand serviteur de Dieu, Jean de Nivelle, chanoine de Lige. Comme il a t toute sa vie le bienfaiteur des pauvres, les secourant par d'abondantes aumnes et autres uvres de charit, il a obtenu de Dieu la grce de dlivrer un grand nombre d'mes et de les conduire avec lui au ciel. Car tandis que les anges le portaient dans la cleste Jrusalem, il aperut le gouffre du purgatoire, et au milieu des flammes, un grand nombre de ceux qu'il avait convertis la pnitence. Alors il s'est adress la divine Mis ricorde, la suppliant au nom des mrites de JsusChrist, de lui accorder la grce de ces pauvres captifs. Il fut si promptement exauc, qu' l'instant mme, une grande multitude d'mes dlivres de leurs chanes, escortrent le librateur dans son triomphe. J'ai t du nombre de ces privilgies; mais avant de monter au cleste royaume, il m'a t accord de venir vous tmoigner ma gratitude, et pour vos paroles
- 6 5 qti ont pntr mon cur de contrition, et pour vos prires qui ont obtenu ma dlivrance. Puis la vision disparut. Le Pre, afin d'avoir la preuve complte de cet vnement, s'empressa (l'crire Lige, et il reut des chanoines l'assurance que, prcisment l'heure de l'apparition, le vnrable Jean avait quitt ce monde. Voyez, conclut ici l'historien, voyez, de quelle gloire sont jugs dignes, ceux qui emploient le temps de leur existence travailler au salut du prochain.
(V, Thomas de Calimpr, Apum, liv. n, Cliap. 31, n. 5.)
Bien des enfants, bien des hritiers, sont ingrats envers leurs parents et leurs bienfaiteurs. Thomas de Catimpr nous cite un exemple qui peut 'Servir de leon tous. Pendant les clbres guerres de Charlemagne, un valeureux soldat avait servi pendant de longues annes dans les emploi.; les plus honorables. 11 s'tait content de sa p a \ e , il n'a*, ait commis aucun acte de rapine, et au milieu du tumulte des cam^j, il avait vcu
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en bon chrtien. Toutefois sa vie n'avait pas t exemp te des fautes ordinaires aux gens de sa profession. Ayant blanchi sous le casque, courb sous le poids des an nes aussi bien que des armes, il tomba gravement malade. Pressentant une mort prochaine, il appela auprs de son lit un neveu orphelin auquel il avait servi d e pre, et lui dit: J'ai dpens soixante ans au service de mon roi et je n'ai pas acquis un pouce de terrain; je ne pourrai te lguer en testament que mes armes et mon cheval. Je te recommande, je te prie pour l'affection que tu me portes, de vendre cet animal, et d'en distribuer le prix des prtres afin qu'ils offrent pour moi le saint sacrifice, et aux pauvres afin qu'ils me secourent par leurs prires. Le neveu, mu de ce langage, promit d'accomplir ponctuellement et sans dlai cette dernire volont. J)s que son oncle eut expir, il prit le cheval avec tous ses harnais et l'emmena chez lui. Il trouva la bte bien belle, s'y affectionna et voulut d'abord s'en servir pour quelques petits voyages. Comme elle tait douce, vive, lgante, il ne voulut pas s'en priver de sitt, soit qu'il ne se crt pas oblig d'excuter tout de suite la volont de son oncle, soit parce qu'il pensait satisfaire sa dette en appliquant aux pauvres le prix des armes auxquelles il tenait moins, et qui taient loin d'avoir la valeur du cheval. Il tarda tant, qu'il finit par touffer les remords qui le pressaient de rem; l i r sa promesse; ainsi sans gard pour son parent et bienfaiteur, il se conduisit comme s'il ne l'avait point connu, et comme s'il ne lui restait rien de lui.
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Sfac mois s'taient couls lorsqu'un matin, le d funt lui apparat et lui adresse les plus amers reproches. Aht ingrat, lui dit-il, tu n'as eu aucun souci df faire pour mon me ce que j e te demandais avec justice, e t q u e t u me promis mes derniers moments. A cause de cette injuste omission, il m'a fallu endurei des supplices inexprimables dans le purgatoire. Main tenant Dieu a eu piti de moi, il a bris mes chanes, et j e m'envole au sjour des ternelles flicits. Mai? par u n juste jugement, tu mourras bientt, et ton me ira dans le purgatoire pour souffrir ma place autant d e temps qu'il m'en restait faire si Dieu n'avait us envers moi d'une grande indulgence. Outre ce chtiment, il te faudra encore expier tes propres fautes. A ces mots, il disparut. Comme il l'avait prdit, ce jeun e homme ne tarda pas tomber dangereusement malade. Il appelle un prtre, confesse ses pchs, racon te sa vision et les menaces qui lui ont t faites; puis aussitt il expire pour commencer souffrir dans le purgatoire les tourments dont son oncle avait t dlivr p a r la misricorde de Dieu. Une telle ingratitude, une telle injustice envers des parents ou des bienfaiteurs, fait observer ici l'historien, dplat tant au Seigneur q u e , souvent, il condamne les ingrats aux peines qui taient rserves leurs bienfaiteurs dfunts.
(V, Thomas de Catimpr, Apvm, liv. 11, ch. 53, n. 25.)
XVI MERVEILLE.
Ce verset de. l'office des morts est appliqu nonseulement par les docteurs, mais encore par l'Eglise elle-mme, ceux qui sont misricordieux envers les dfunts. En effet ces pauvres Ames sont dans une complte indigence, et dignes de toute compassion, puisqu'elles ne peuvent rien pour elles-mmes; aussi rclamentelles nos suffrages avec une vive instance, nous promettant d'ailleurs de grands soulagements dans nos afflictions. Nous avons rapport plusieurs traits de cet te reconnaissance: en voici un nouveau. Vers l'an 1649, Guillaume Freyssen, clbre libraire de Cologne, ayant obtenu par l'intercession des dfunts, deux grces signales, crivit au Pre Jacques Montfort, de la Compagnie de Jsus, grand promoteur de cette dvotion par son prcieux livre: De misericordi fidelibm defunctis exhibend, une lettre que nous
citons textuellement:
mhibend, a des religieux et des prtres, afin que oette lecture excitt en eux un saint zle pour le soulagement des mes du purgatoire. Plein d'esprance, je rentrai la maison et je trouvai l'tat de mon fils dj amlior; il demandait de la nourriture quoique depuis plusieurs jours il ne pt avaler mme une goutte d'eau. Le lendemain il fut parfaitement guri, il se leva, fit une promenade, et mangea comme s'il n'avait jamais souffert. Convaincu que le Ciel m'avait exauc, j e pris les cent volumes que je portai aux Pres du collge de la Compagnie, les priant d'en accepter quelques exemplaires et de distribuer le reste aux ordres religieux et aux ecclsiastiques, afin qu'ils apprissent la grce que
-50j'avais reue, et qu'ils fussent encourags soulager les dfunts. Trois semaines ne s'taient pas coules, qu'un autre accident, non moins grave, vint fondre sur moi. Ma femme, en rentrant la maison, fut saisie d'un tremblement de tous ses membres, qui la jetait terre et la faisait vanouir. Peu peu les paroxysmes augmentrent jusqu' lui ter l'apptit et mme la parole. Tous les remdes furent inutiles; le mal fit des progrs si rapides que la malade fut bientt aux portes de la tombe. Le confesseur qui l'assistait, ayant perdu toute esprance, m'exhortait me soumettre la divine Volont qui appelait mon pouse au paradis. Pour moi, aprs mon exprience de la protection des mes du purgatoire, loin de me dcourager, j'esprais une gurison. Je retournai la mme glise,et, prostern devant l'autel du Saint-Sacrement, je renouvelai mes supplications avec toute l'ardeur que me suggrait mon affection pour ma compagne. 0 Seigneur, disais-je, les grces de votre misricorde sont inpuisables; au nom de votre infinie bont, ne permettez pas que la mort de mon pouse arrache de mon cur la consolation que vous y avez mise en me rendant mon fils. Je fis vu de distribuer cette fois, deux cents exemplaires du mme livre afin d'engager un plus grand nombre de personnes secourir les dfunts. Puis je suppliai ces mes d'avoir piti de moi, d'unir leurs prires aux miennes, en considration du dsir que j'avais toujours eu, de les dlivrer
- 6 1 Ma prire finie, comme j e revenais la maison, vois accourir au-devant de moi mes domestiques; ils m'annoncent tout joyeux, q u e ma femme prouve un soulagement notable, qu'elle ouvre les yeux et qu'elle parle. Je cours m'en assurer par moi-mme. Je lui prsente des aliments, elle les mange avec plaisir Peu de jours aprs, elle tait si parfaitement gurie, qu'elle vint avec moi rendre grces au divin Dispensateur de tant de bienfaits. Je ne diffrai point remplir ma promesse; je portai mes livres aux Pres du collge, aux Dominicains, aux autres religieux, et j e les priai de les rpandre, afin que les mes souffrantes pussent recueillir de nombreux suffrages. Que votre Rvrence accorde une foi entire ce rcit. Dieu est tmoin que je dis la vrit. Aidez-moi, mon Pre, remercier le Seigneur de ces deux miracles. Ce simple expos fait natre assez de rflexions pour qu'il soit inutile d'ajouter une seule parole.
( V. Jarqucs Ilautin, S. J. Pahustlcftmct. I.
o.
art, 3.)
XVII MERVEILLE. Les souffrances du purgatoire, si courtes qu'elles soient, paraissent trs-longues.
Heu mihi quia mcolatus meus prolongatus est. Hlas ! que mon exil est long. ( Ps. cxix, 5. )
Saint Augustin reprend svrement la tmrit d'un chrtien qui disait que les peines passagres du purgatoire ne sont pas redouter, et qu'il importait seulement d'chapper aux tourments ternels de l'enfer. Peu m'importe, ajoutait-il, le temps que je passerai dans ce lieu, si a la fin j'entre dans le ciel. Le saint lui rpondit: Que personne ne parle ainsi: car le feu du purgatoire est plus affreux que tous les supplices que nous pourrions souffrir ou mme imaginer en ce monde. L'exemple suivant dmontrera clairement combien ces peines indicibles paraissent prolonges. Deux religieux (l'historien ne dit pas de quel monastre ) s'appliquaient avec ardeur tous les exercices de la perfection. La ressemblance de leurs vertus les avait si troitement unis qu'on pouvait dire: Ils ont deux corps et une seule me. Ils avaient fait entre eux u n e sainte ligue pour travailler la gloire d e Dieu; ils taient convenus de se trouver les premiers au chur pour la psalmodie, de s'appliquer au salut
du prochain et de maintenir la stricte observance de leurs rgles monastiques. Mais au milieu d'une si belle vie, l'un d'eux tomba tout--coup dans une grave maladie qui mit ses jours en danger. Un ange du Seigneur lui apparut et lui annona qu'il allait mourir, et qu'il expierait ses imperfections dans le purgatoire jusqu' ce qu'on et dit pour lui une messe de niort, aprs laquelle il s'envolerait glorieux la cleste patrie. Cette heureuse nouvelle le remplit do joie. Aussitt appelant prs de son lit le compagnon de ses vertus, il lui fait part de sa vision, de sa morl prochaine et de la courte expiation qui lui tait rserve au purgatoire. Mais en mme temps, il le conjura au nom de cette ardente charit qui les avait unis si longtemps, d'offrir le plus tt possible le divin sacrifice d'o dpendaient sa dlivrance et sa flicit . Le bon religieux le promit, et fut fidle sa parole, car le lendemain matin la mort tant survenue, peine eutil ferm les yeux de son cher dfunt qu'il courut la sacristie revtir les ornements sacrs. Il clbra la messe avec une ferveur extraordinaire, demandant au Seigneur par cet holocauste non sanglant, la dlivrance de cette sainte me. La messe venait d'tre termine; peine le saint religieux commenait-il son action de grces qu'il vit apparatre son ami avec un visage joyeux; cependant on y entrevoyait un reste de chagrin: Mon frre, dit le dfunt, o est donc votre fidlit? Vous mriteriez (que Dieu n'et pas plus compassion de vous, que vous
64 n'en avez ou de moiEt pourquoi? demanda l'autre. Parce que, rpondit le dfunt, vous n'avez pas accompli votre promesse d'offrir le saint sacrifice aussitt aprs ma mort; vous m'avez laiss souffrir plus d'une anne sans que ni vous ni aucun des frres, dit pour moi une seule messe qui aurait teint ce feu vengeur. N'est-ce pas l un oubli cruel? Quoil rpliqua le religieux stupfait, j ' a i tenu si exactement ma promesse que je quitte l'instant les habits sacerdotaux. Comment pouvez-vous dire que j'ai diffr plus d'une anne lorsqu'il n'y a pas encore un jour que vous avez quitt la terre, et que les funrailles ne sont pas encore faites? Voulez-vous vous en convaincre? venez aveemoi, votre cadavre n'est pas encore ferm dans le cercueil. Alors l'Ame fit entendre u n douloureux soupir. Hlas I dit-elle, qu'elles sont terribles ces souffrances qui font prendre quelques heures pour plusieurs annes. Loue soit ii jamais I n divine Misricorde qui met un terme mes souffrances; merci pour votre charit, merci pour vos prires. Je m'envole au ciel o je supplierai le Dieu de bont de vous rendre ce que vous avez fait pour moi, afin que nous soyons u n jour runis dans Ja gloire ternelle, comme nous l'avons t sur la terre dans l'exercice des vertus. L'historien conclut en citant ces paroles de saint Augustin: La douleur qu'on prouve dans les flammes du purgatoire, mme dans l'instant fugitif que l'il met s'ouvrir et se fermer, cette douleur est mille fois plus omette que ellequ'prouva saint Laurent sur son gril enflamm- (V. *Q6. Harolias, Ce.'aw'na4<w,eena. tQQ.)
XVni MERVEILLE.
Lm peines dn purgatoire conformes ans fautes commises.
Per qu guis peccat, per htee et torquetur. L'homme est tourment par ou il a pch. (Sap.xi,i7.)
Dans les rvlations de sainte Brigitte, on lit d'admirables apparitions concernant le purgatoire, rvlations qui sont d'autant plus dignes de foi qu'elles ont t discutes et approuves par les plus sages docteurs; en sorte qu'on a crit avec raison, autour de l'image de la sainte, ces belles paroles que l'Ecriture Sacre applique la jeune veuve Judith: Tout
0 que vous avez dit, est vrai, et il n'y a rien reprendre
ians vos paroles. Parmi ces nombreuses visions, j ' e n choisis seulement deux des plus instructives. Sainte Brigitte assista au jugement et la condamnation d'un soldat qui venait de mourir. L'me fut prsente au Juge ternel; elle avait, sa droite son ange gardien pour avocat, et sa gauche le dmon pour accusateur. Celui-ci se mit l'accuser spcialement d e trois crimes: le premier, d'avoir pch par les yeux en les arrtant sur des objets dfendus qui Bouillaient son imagination et remplissaient son cur de dsirs coupables; le second, d'avoir pch par la
- 6 6 laague en prononant des paroles obscnes, des blasphmes et des maldictions; le troisime, d'avoir pche" en actions par des larcins et p a r toutes sortes de dsordre. L'ange prit sa dfense et numra les bonnes couvres qu'il avait faites: ses prires ferventes, ses abondantes aumnes, les jenes, les pnitences accomplies mme au milieu du tumulte des camps. Il ajouta spcialement qu'au moment de la mort il avait recouru avec une grande affection la Mre des misricordes, la Reine du ciel, et qu'il en avait obtenu un vrai repentir. Aprs cette accusation et cette dfense, le souverain Juge pronona que cette me tait exempte des peines ternelles, mais qu'il la condamnait de longs tourments dans le purgatoire. Cette me, dit-il, doit tre entirement purifie et elle subira u n chtiment en rapport avec ses pchs. La peine des yeux sera de voir d'horribles objets; celle de la langue, d'tre perce de pointes trs-aigus et dessche par une soif intolrable; celle du toucher sera d'tre plong dans des flammes ardentes. A ce moment, la Mre de Dieu, l'avocate des pcheurs, parut debout devant son divin Fils pour lui demander en grce un adoucissement tant de supplices. Ce soldat, dit cette Vierge misricordieuse, a jen les veilles de mes ftes, rcit souvent mon office, et recouru ma protection par de ferventes prires. Le Sauveur se rendit la demande de sa Mre; il diminua les peines, et dit que pour satisfaire entirement sa justice, il faudrait que les vivants offrissent pour cette me des prire^, des aumnes et des puitences.
- d passons la seconde vision. Un jour, sainte Brigitte tait d a n s une haute contemplation, lorsque tout-aooup ollc fut mise hors d'elle-mme la vue des peines de l'autre vie. Parmi un grand nombre de personnes elle distingua une jeune fille de trs-noble origine qui gmissait dans d'affreux tourments; elle se plaignait douloureusement de sa mre dont l'aveugle tendresse, pjj;e que la haine, lui avait laiss une trop grande libert, favorisant son envie do plaire, l'encourageant dpenser pour de vaines parures, et avait ainsi excit son orgueil et sa vanit. En outre, elle l'avait conduite aux spectacles, aux festins, aux runions mondaines et licencieuses. En un mot, au lieu de mettre un frein aux folles passions de la jeunesse, cette mre coupable avait au contraire, entran sa fille dans la voie des dsordres qui mnent la perdition. 11 e: l yrai, ajoutait la malheureuse enfant, que ma mre m e conseillait de temps en temps quelques bonnes uvres et certaines dvotions; mais comme d'autre p a r t , elle consentait mes drglements, ces actes de vertu se mlaient aux habitudes du vice; c'taient comme des aliments, sains d'eux-mmes, mais auxquels on aurait ml du poison. Nanmoins, je dois rendro grces l'infinie misricorde du Rdempteur qui n'a pas permis la damnation que mritaient mes crimes. Avant de mourir, pntre d'un vif regret de ma coupable vie, jo me suis confesse; et quoique le motif d e ma onliilion ft la crainte de la mort, cependant au moment o j'entrais en agonie, je me ressouvins de. la douloureuse passion d u Sauveur, et cette pense
- 6 8 me fit faire un acte de contrition parfaite. Je m'criai donc plus de cur que de bouche: 0 mon Seigneur Jsus, j e crois et j e confesse que vous tes mon Dieu. De grce 1 Fils de la Vierge Marie, p a r les mrites d e votre douloureuse passion, ayez piti de moil J'ai un vif repentir de mes offenses, et j e les rparerai si vous me donnez la vie. En disant ces mots, j'expirai. Dieu m'a fait grce des peines ternelles, mais j e souffre dans le purgatoire les plus affreux tourments. Aprs ces paroles que Dieu fit entendre distinctement la sainte pour servir d'instruction tous, l'me continua d'expliquer ce qu'elle endurait et fit connatre comment les peines correspondent aux fautes commises: Maintenant, disait-elle, cette tte qui se plaisait aux vains ornements, qui ne pensait qu' de folles dpenses, est dvore de flammes l'intrieur et l'extrieur, et ces flammes sont si cuisantes, qu'il me semble que toutes les flches enflammes du ciel viennent fondre sur moi. Ces bras et ces paules que j'aimais tant dcouvrir, sont treints dans des chanes de fer rougies au feu. Ces pieds orns pour la danse, sont entours de vipres qui les blessent et les dvorent. Tous ces membres chargs d'ornements prcieux se trouvent maintenant plongs dans des tortures que leur font prouver tour tour les ardeurs d'un feu dvorant et le froid insupportable de la glace. L'infortune esprait avec raison que le rcit de ses tourments exciterait la compassion de Brigitte et obtiendrait ses suffrages. La sainte raconta cette vision une cousine de la
-69ifunte, esclave, elle aussi, du luxe, del vanit et de ta faiblesse de son cur. Ce rcit lui fit une telle impression que, dposant aussitt tous ses vains ornements, elle renona tous les plaisirs du sicle pour commencer une vie chrtienne. Plus t a r d , elle dit adieu au monde, se rfugia dans u n clotre austre, et ses jours s'coulrent tout entiers dans l'exercice du jene, des mortifications et de la prire, afin d'viter pour elle-mme les flammes du purgatoire, et d'obtenir aussi par ses suffrages, le bonheur cleste l'me de son infortune parente.
(V. Rvlations de saintv Brigitte, liv. vi, ch. 38 et
XIX MERVEILLE. Le Ciel bnit ceux qui prient pour les ames du purgatoire.
Bencdicti vos Domino, qui fecislis misericordiam: Bnis soyez-vous Un Soigneur, vous qui avez exerc la misricorde, ( n Reij., n, S.)
Avant de quitter sainte Brigitte, je vais rapporter une autre d > ses admirables visions, qui montre clai. < rfementcombiensontbnis du ciel ceux qui prient pour les morts. Les bndictions que le saint roi David demandait pour les habitants de Jabs : Soyez bnis du Seigneur, vous qui ave: us de misricorde envers votre
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matre Saiil et qui lui avez donn la spulture, losanges et les mes souffrantes les demandent encore avec plus d'instance pour les bieniaiteurs des dfunts. Sainte Brigitte vit donc une autre fois ces sombres prisons o les mes se purifient comme l'or dans le creuset; elle y entendit la voix sonore d'un ange qui disait parmi ses prires: Bni soit celui qui, vivant sur la terre, secourt les mes souffrantes par ses oraisons et ses bonnes uvres, puisque l'infaillible justice de Dieu exige que les mes soient purifies, par les tourments du purgatoire ou dlivres par les suffrages de leurs amis. Ensuite la sainte entendit plusieurs voix attendrissantes qui s'criaient: 0 Jsus trs-juste Juge, au nom de votre infinie misricorde, n'ayez pas gard nos innombrables fautes, mais aux mrites de votre trs-prcieuse passion. Inspirez la vraie charit au cur des ecclsiastiques, des religieux et des prlats, afin que par leurs prires, leurs sacrifices, leurs aumnes et leurs indulgences, ils apportent un soulagement nos peines. Oh 1 alors, nous pourrons esprer que Dieu adoucira, abrgera nos tourments et nous appellera plus tt lui pour contempler sa beaut infinie. Enfin du fond de cet abme de souffrances, d'autres supplications se firent entendre: Que Dieu rcompense ceux qui envoient du secours des infortuns qui souffrent et qui ne peuvent rien eux-mmes pour leur dlivrance. Puis une splendide clart, suivie cependant d'un nuage, s'leva de cette obscure prison pour faire comprendre que c'tait l'aube d'un beau
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jour dont la lumire n e serait pas nanmoins aperue par toutes les mes, et on entendait un chur de voix qui chantait: 0 Dieu des misricordes! que votre puissance infinie rcompense au centuple ceux qui, par leurs bonnes uvres, nous lvent de ces tnbres la cleste lumire. Voil la rcompense de ceux qui aiment les mes du purgatoire, voil les avocats qu'ils s'attachent par les prires. Ces mes bien-aimes de Dieu, envoyes par eux dans la flicit ternelle, n'oublient jamais ce qu'on a fait pour leur dlivrance, et obtiennent toujours les grces les plus abondantes. Plaise Dieu que ces visions dont la iecture a dj produit tant de sentiments de pit et de ferveur, fassent natre dans l'me de chacun de mes lecteurs, le plus \ if d'sir d'assurer son salut en travaillant au soulagement desnies du purgatoire.
( V. Rvlation* de Milite Briyitte, liv. IV, ch. 7 ; Tlu'ophile lia\iiauil, Heur. Spiril., 2 partie;sect. 1. 7* piniit. )
e
Si Dieu doit juger sans misricorde celui qui n'a pas eu de misricorde envers les autres, quelle ne sera pas sa rigueur contre ces hritiers cupides qui portent un tort si grave l'me de leurs bienfaiteurs, en refusant d'acquitter leurs legs pieux? Un canon du IV concile de Garthage, les appelle les meurtriers des malheureux. Le trait que nous allons citer montrera que leur ingratitude, leur impit, leur injustice sont chties, et que ces hritages ne donnent leurs possesseurs que fatigues et dboires.
mi
A Milan, une proprit peu loigne do la ville avait t ravage par la grle, pendant que les campagnes voisines taient demeures intactes et florissantes. On ne pouvait trop s'expliquer la cause d'un fait si extraordinaire, lorsque l'apparition d'une me du purgatoire fit connatre que c'tait un chtiment de la Justice divine sur des enfants ingrats qui n'avaient pas excut les legs pieux de leur pre. On raconte aussi que bien souvent les mes des dfunts ont fait entendre dans les maisons des bruits
73 effrayants, qu'elles ont boulevers tout ce qui s'y trouvait, et cela parce que les hritiers ne remplissaient pas les dispositions suprmes de ces mes. A Ferrare, un des plus beaux palais de la ville tait rest inhabitable par suite du fracas horrible qu'on y entendait chaque nuit. Le propritaire se dsolait de ne pouvoir faire son sjour dans cotte belle habitation et de n'en tirer aucun proiit. Un tudiant en droit, fatigu de ces plaintes, et persuad que ce bruit n'a t invent que pour faire pour aux pusillanimes, s'offre hardiment rester seul dans cette maison, pourvu qu'on lui cde gratuitement une chambre pendant dix a n s . Le propritaire accepte avec plaisir cette proposition; l'tudiant fait porter le jour mme au palais, ses livres et ses meubles, et s'y installe rsolument. La nuit vient, le courageux jeune homme se met a l'tude, feuillette ses livres et travaille une thse importante qu'il devait soutenir le lendemain. Une pense de foi l'avait port a s'clairer d'un cierge bnit dans le cas o le dmon chercherait lui nuire. Il est minuit; voici qu'un graad bruit se fait entendre dans tous les appartements; on et dit un mouvement de chanes tranes sur les parquets. L'tudiant ne perd pas courage, il coute avec impassibilit le bruit qui s'avance de plus en plus; il lve firement la tte, fixe ses veux sur la porte. Elle s'ouvre: qu'aperoit-il? un spectre hideux, Jes pieds et les mains entours de longues chanes. Le fantme s'approche, prend un sige, s'assied ct de lui
et le fixe avec ries yeux hagards. L'intrpide tudiant continue d'crire et de consulter ses livres. Que cherches-tu donc avec tant de soin? demanda enfin le spectre. Je cherche une loi qui m'est indispensable pour tablir une thse. C'est bien, rpondit-il, mais si tu veux trouver de solides raisons, prends et lis le docteur Barthole, le voil. E t il met le doigt sur le livre. L'tudiant poursuivait son travail, lorsqu' la lueur du jour, cet trange visiteur se leva et sortit en faisant rsonner ses chanes. Le jeune homme se lve son tour, prend le cierge bnit et le suit pas pas jusqu' un lieu o la terre s'ouvrit et reut le spectre; il laisse le cierge dans cet endroit afin de pouvoir y faire des recherches dans la matine. L'tudiant raconta ses amis ce qui venait de lui arriver, et se rendit avec eux dans l'endroit marqu; on creuse la terre et on trouve un cadavre sur lequel tait des signes de chrtien. On se hta de le dposer dans un cercueil, et aprs les crmonies et les prires de l'Eglise, on l'inhuma en terre sainte, et plusieursmessesfurentclbres pour l'me du dfunt. Depuis ce moment, aucun bruit n'a t entendu dans ce palais. Tout le monde fut persuad que c'tait l'me de l'ancien propritaire qui, par une permission de Dieu, tait venue demander des prires, et que, dlivre des flammes du purgatoire, elle tait monte au sjour du repos ternel.
(V. Jacques Hautin. Piitror, defanct., 1. n, art. 5; Nice-la* Lairus, Jfi'rac. SS. Sacram., <r. n, ilist. 4, eh. 7.)
XXI MERVEILLE. Actions de grces des mes do purgatoire, envers leurs librateurs.
Salvsli nos de affligentibus nos, et odientes no confudisti: Vous nous avez dlivrs de nos perscuteurs, et vous avez confondu ceux qui noua
hassaient, (J>. XLIII, 8.)
Les mes du purgatoire ont emprunt au psalmiste 0*8 paroles d'actions de grces pour remercier le gfori eux confesseur du Christ, saint Nicolas de Tolentin de leur avoir ouvert le Ciel. Une des plus grandes vertus de cet illustre serviteur de Dieu tait sa charit pour l'Eglise souffrante: pour elle, il jenait souvent au pain et l'eau, prenait de sanglantes disciplines, et se ceignait troitement les reins d'une chane de fer. Lorsque l'obissance l'eut forc recevoir les saints ordres, il offrait frquemment la Victime sainte pour le soulagement des pauvres mes. Aussi, lui apparurent-elles souvent pour le supplier de leur continuer l e s saintes aumnes. 11 habitait l'ermitage de Vallimans, prs d e Pise, tout appliqu ses exercices spirituels, lorsque dans la nuit d'un samedi, s'tant retir pour prendre un |>en de repos, il vit en songe une personne triste, qui,
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d'une voix attendrissante, le supplia d'offrir le saint sacrifice dans la matine suivante, pour elle et pour d'autres mes qui souffraient d'horribles tourments dans le purgatoire. Nicolas croyait reconnatre cette voix, mais les traits du visage ne lui rappelaient aucun souvenir. Qui tes-vous? dit-il.Je suis, rpondit cette me, votre ami, votre frre Pellgrino d'Osima, j'ai chapp, grce la misricorde divine, aux peines ternelles dues mes fautes, mais je suis au p u r gatoire, plong dans des flammes ardentes. Je v i e n s , au nom de beaucoup d'mes qui souffrent comme moi, vous supplier de dire demain pour nous une messe de Requiem; nous en esprons notre dlivrance, ou du moins le plus grand soulagement. Le saint lui rpondit avec une tendre charit: Que le Sauveur daigne vous secourir toutes par les mrites de son sang, au prix duquel il vous a rachetes; mais je ne puis dire demain la messe de Requiem: c'est moi qui dois chanter au chur la messe conventuelle, puis le dimanche, il ne nous est pas permis de dire une messe de mort. A ces paroles, l'me pousse un profond soupir et dit en gmissant: De grce! venez avec moi, je vous en conjure pour l'amour de Dieu; venez contempler nos supplices, et j'espre que vous ne nous abandonnerez pas: vous tes trop bon pour ne pas vous rendre nos justes prires. A l'instant, il lui sembla qu'il tait transport dans une immense plaine du ct de Pise, l il aperut une grande multitude d'mes de tout ge, de toute condition, livres des tortures diverses et effroyables. Du geste, de la voix, elles demandaient la
7? saint sacrifice. Voil, lui dit le frre Pellgrino, le malheureux tat des mes qui m'ont dput pour implorer votre piti. Nous avons la confiance que vos sacrifices agiront si puissament sur le cur de Dieu, qu'il nous accordera notre dlivrance. Le serviteur de Dieu, la vue d'un spectacle si dchirant, se sentit mu jusqu'au fond des entrailles. Se jetant aussitt genoux, il pria avec une grande ferveur pour tant d'infortunes. 11 et voulu rpandre un ocan de larmes pour teindre ce feu expiatoire. A l'aube du jour, il courut chez le prieur lui raconter en dtail toute la vision et lui exposer la demande que le frre Pellgrino lui avait faite d'une messe de Requiem, ce jour-l mme. Le prieur, vivement impressionn, permit Nicolas de dire cette messe, nonSeulement ce dimanche, mais encore toute la semaine, et il chargea un autre Pre de chanter la messe conventuelle. Heureux de cette permission, Nicolas se rendit aussitt la sacristie, clbra le saint sacrifice avec une extraordinaire ferveur. De plus, il passa les jours, et mme les nuits, toutes sortes de bonnes uvres avec la mme intention; macrations, jenes, disciplines, oraisons prolonges, il mit tout en uvre pour dlivrer cette me. Son historien assure que le dmon le troubla dans ses exercices, mais ce fut en vain. Il persvra toute la semaine. Alors, il revit le frre Pellgrino mais quel changement! plus de flammes, plus de douleur, plus de tristesse; son vtement plus blanc que la neige,
-78et la splendeur cleste dont il tait couronn, annonaient qu'il avait quitt l'exil. Une troupe d'mes bienheureuses se joignirent h lui pour rendre grces leur librateur. Saint Nicolas les vit ensuite passer devant lui et monter au ciel en chantant ces paroles du psalmiste: F o u n o u s avez dlivrs de nos perscuteurs, et vous avez confondu ceux qui nous hassent.
(V. surius, lto S. Mcol. Toi., 10 sept. ; Jourdain de Saxe, vies des (T. erm. de S.-Augustin.J
C'est avec une grande sagesse que Thomas Kempis nous avertit de ne pas trop compter sur les prires de nos parents et de nos amis aprs notre mort, mais de prendre nous-mmes le plus grand soin de notre salut. Ne vous fiez pas vos amis et vos proches, dit-il dans l'imitation, car ils vous oublieront plus vite que vous ne penses. Si vous ne vous occupez pas de vous-mme actuellement, qui s'occupera de vous quand vous ne serez plus
Est-il un souvenir plus ineffaable que celui d'un pre dans le cur d'une fille? Et pourtant, il s'est trouv des filles, mme vertueuses, qui ont dlaiss leurs parents dfunts. Archangle Panigarola, prieure du monastre de Sainte-Marthe Milan, avait un zle extraordinaire pour Je soulagement des mes du purgatoire; elle priait et faisait beaucoup prier en leur faveur. Cependant elle ne songeait que rarement l'me de son pre, bien qu'elle l'et tendrement aim pendant sa vie. Parfois il lui venait l'ide de prier pour lui; mais hlas! cette bonne inspiration s'vanouissait aussitt. H fallut un vnement merveilleux pour contraindre Cette fille oublieuse remplir un devoir aussi sacr. C'tait la fte des morts, Archangle, retire dans 8a cellule, se livrait avec ardeur des exercices de prire et de pnitence en laveur des pauvres mes, out--coup, elle eut comme un ravissement pendant lequel son ange gardien la conduisit dans le purgatoire.L, parmi plusieurs mes, elle reconnut celle de son pre; il tait plong dans un tang glac. A peine eutil reconnu lui-mme sa fille, qu'il s'cria d'un ton plaintif: 0 Archangle, comment as-tu pu oublier si longtemps ton malheureux pre dans les horribles tourments qu'il souffre en ce lieu? Tu as une grande charit envers les trangers; j ' e n ai vu un grand nomtwe monter au ciel par tes suffrages, et pour moi qui 8Uis ton pre, moi qui t'ai leve, aime avec une si vive tendresse, tu n'as pas le moindre sentiment de compassion! Vois les insupportables douleurs que
-80j ' e n d u r e dans ce lac de glace en punition de ma coupable tideur au service de Dieu et de mon indiffrence pour le salut de mon me. Ah! sois donc mue une fois de piti pour ton pre, et obtiens-moi, par la ferveur de tes supplications, de sortir de ce lieu de souffrance et de m'envoler au Ciel. Archangle mue au plus profond de l'me, et touffe par ses sanglots, ne p u t rpondre que ces paroles: Je ferai, pre bien-aim, tout ce que vous me demandez, je le ferai tout de suite. Plaise au Seigneur que mes prires vous dlivrent de vos souffrances. L'ange l'enleva alors ce douloureux spectacle et la conduisit dans un autre lieu. Archangle lui demanda comment il se faisait que, ayant bien des fois form la rsolution de prier pour son pre, elle l'avait toujours oubli. Je me rappelle mme, dit-elle, qu'un matin, comme je commenais intercder pour lui, je fus ravie en esprit, et il me sembla que je lui offrais un pain trs-blanc, mais qu'il le refusait d'un air ddaigneux. Ce qui me fit craindre qu'il ne ft damn, et je ne pensai plus prier pour lui tandis que je m'appliquais dlivrer tant d'autres mes qui me sont trangres. L'ange lui rpondit: Votre oubli-est une permission de Dieu pour punir votre pre de sa ngligence pour les choses du salut. Ses murs taient bonnes, il est vrai; mais il n'avait aucun zle pour les uvres pieuses que Dieu lui inspirait, et s'il en accomplissait quelques-unes, elles taient toutes imparfaites. C'est un dcret du Ciel, qu'on se conduise pour
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l'ordinaire envers ces mes lches et insouciantes comme elles se sont conduites elles-mmes envers Dieu. Voil la peine: oubli pour oubli. Vous comprenez maintenant le sens de ce refus ddaigneux de votre pre. Mais cette heure, suppliez la divine Misricorde de le tirer de ce lieu de tourments et de lui ouvrir les portes du repos ternel. Aprs ces paroles, Archangle revint elle-mme; mais elle avait le cceur bris de chagrin. Dans son affliction, il lui semblait entendre r- :iner ses oreilles les gmissements de son pre, et ell.< \ersait un dluge de larmes. Que de prires, de jenes, de pnitences, elle fit pour l'Ame de son prel Elle avait l'habitude de demander la dlivrance des dfunts au nom d u prcieux sang du Sauveur et de l'amour infini qu'il nous a tmoign sur la croix. Dsormais, aux mrites du Rdempteur, elle joignit ceux de la Vierge Marie, et suppliait surtout au nom des douleurs que cette divine Mre ressentit aux pieds de son fils expirant. Enfin lorsque la justice de Dieu fut satisfaite, l'me de son pre lui apparut, lumineuse, rayonnante de joie. Il remercia sa fille dans les termes les plus affectueux et prit son essor vers l'ternelle batitude. Archangle ressentit dans son coeur autant de consolation qu'elle avait p r o u \ de douleur et de regrets.
(\. Tic de la wur Archangle Panigarola, par le R. P. Octave Invitiati, de la Compagnie de Jsus, l " partie, ch. 11=.)
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XXIII MERVEILLE.
Entre le P. Jules Mancinelli, de la Compagnie de Jsus, et les mes du purgatoire, il existait une si troite union, qu'on ne saurait dcider si les visites que faisaient les mes ce religieux, surpassaient en nombre les suffrages qu'il offrait pour leur dlivrance. Rien d p l u s touchant que son aventure avec l'archevque de Capoue, Csar Costa, son oncle maternel. Ce prlat, ayant aperu son neveu excercer une fonction ecclsiastique avec un habit tout us, et peu propre le dfendre du froid, lui donna de l'argent pour en acheter un autre plus convenable et plus chaud. Le Pre acheta un bon manteau et s'en servit pour faire ses visites accoutumes aux pauvres malades de la ville. Aprs la mort de l'archevque, un jour, comme le P. Jules, envelopp de son manteau neuf, tait dj prs de la porte pour sortir, il vit s'avancer le dfunt tout environn de flammes, et qui lui dit d'une voix suppliante : Prtez-moi votre manteau pour quelques
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instants! Le voil, lui dit aussitt Mancinelli. l e prlat s'en enveloppa entirement, et parut prouver u n rafrachissement dlicieux. Aussi ne se pressait-il pas de remettre le manteau. Le Pre aprs avoir attendu patiemment, fut oblig de lui dire: Des affaires qui concernent la gloire de Dieu m'appellent en toute hte; je vous prie donc de m e rendre ce vtement; en change, je ferai tout ce qui dpendra de moi pour vous dlivrer. Cet exemple nous prouve combien la charit est prcieuse devant Dieu, puisqu'un manteau donn pour sou amour, suflit pour dtruire l'activit du feu vengeur. Une autrefois, c'est le baron de Montfort qui lui apparat quelque temps aprs sa mort. Celte me se recommanda au Pre a\ec une confiance tout intime, comme un rmi son ami; elle lui adressa les paroles les plus aimables, les plus affectueuses, et lui fit mme des caresses pour obtenir une seule messe qui, disait-elle, suffisait pour lui ouvrir les cieux. Le lendemain m a t n , le religieux s'empressa d'offrir le saint Sacrifice, et l'me ne revint plus: elle tait dans l'ternel repos.
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Le P. Jules avait eu pour matre Antoine Ugolino qui fut depuis un prlat distingu de la cour de Grgoire XIII. Aprs sa mort, il apparut son ancien disciple, au milieu d'un globe de feu, avec un visage triste et ple, le corps entour d'une chane de fer. Il le supplia au nom des leons qu'il lui avait donnes dans son enfance, d'avoir piti de son tat et d'offrir
S4 pour lui le saint sacrifice. Le bon religieux se mit aussitt en prires, et le jour suivant, de grand matin, il offrit pour cette me l'Hostie propitiatoire. Aprs la messe, il vit comme les cieux entrouverts, et l'me de son matre resplendissante de lumire et couronne de gloire. Elle venait lui tmoigner sa vive reconnaissance pour le zle qu'il av;>it apport la secourir. Les sacrifices offerts par le sain' religieux avaient une puissante efficacit auprs de Dieu pour la dlivrance des mes: aussi les dfunts lui apparaissaient souvent pour obtenir des suffrages; il les vit mme plusieurs fois assister la messe dans la posture la plus fervente. Un autre de ses oncles, Camille Costa, homme d'un grand mrite, apparut deux ans aprs sa mort. On le vit sortir de son spulcre et s'avancer vers l'autel o le Pre clbrait, et l, humblement prostern, il s'unit au prtre et demanda une participation aux mrites du sacrifice. On a voulu perptuer le souvenir des admirables effets de la charit de Mancinelli dans un tableau que l'on conserve au collge de Jfacrata, sa patrie. On voit ce Pre l'autel, revti* des ornements sacerdotaux. Il est un peu lev au-dessus des marches pour signifier les ravissements que Dieu lui accordait. De sa bouche sortent des tincelles, image de ses ardentes prires et de sa ferveur pendant le saint sacrifice; au-dessous de l'autel, on aperoit le purgatoire et les Ames suppliantes qui y reoivent les suffrages. Au-dessus, deux anges tiennent penchs des
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vases prcieux d'o s'chappe une pluie d'or, symbole des grces et des dlivrances accordes aux mes souffrantes, en vertu des sacrifices offerts par le saint clbrant. Puis, sur le manteau dont on a lu l'histoire, on a compos des vers dont voici la traduction: 0 miraculeux manteau donn pour garantir des rigueurs de l'hiver, et ensuite rendu un moment pour temprer l'ardeur des flammes ! Ainsi la charit devient feu ou glace suivant les maux qu'elle doit gurir.
( Y. Vie du P. Xancinelli, en latin, par Jacq. Celsius, I. m, ch. 2.)
11 est douloureux, sans doute, de souffrir pour ses propres fautes, mais il est autrement pnible d'tre puni pour les fautes d'autrui. Et cependant, combien y a-t-il d'mes dans le purgatoire qui expient des iniquits qu'elles n'ont pas commises, mais dont elles ont t l'occasion coupable! Elles peuvent donc dire avec le prophte: J'acquitte des dettes que je n'ai point contractes.
-sella peintre aussi distingu par la puret de sa vie que par son rare talent, avait fait diffrentes images de saints. La rputation dont il jouissait, engagea u n prieur des Carmes Dchausss le prier de peindre un tableau pour son couvent. L'artiste s'acquitta de ba tche avec une perfection qui lui valut une forte rcompense. Peu de temps aprs, il fut surpris par une maladie qui le rduisit toute extrmit. 11 fit appeler le prieur, lui demanda la grce d'tre enterr dans son glise, et lui remit tout le prix de son travail afin qu'il fit clbrer un grand nombre de messes pour le repos de son me. Ses dernires volonts furent fidlement accomplies. Quelques jours aprs sa mort, un religieux tait rest au choeur aprs matines pour continuer son oraison, lorsqu'il vit apparatre l'me du peintre toute consterne et enveloppe de flammes: elle le conjura d'avoir piti de ses insupportables tourments qui lui faisaient endurer une mort continuelle. Le religieux lui demanda pourquoi elle tait ainsi punie, aprs une vie coule tout entire dans une sj grande rputation de vertu; elle rpondit: Aprs ma mort, je fus prsente au tribunal du Juge suprme o accoururent plusieurs mes qui dposrent contre moi; elles disaient qu'une peinture obscne les avait fait tomber dans des penses coupables qu'elles expiaient en purgatoire; ce qui est encore pis, d'autres, l'ocjation de ces peintures, taient tombes dans de plus jraves fautes qu'elles expiaient dans les flammes teraelles. Elles dclaraient que je devais partager leur
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priai, leurs tourments, et entendre leurs mafetticHTS. Alors sont venues aussi du Ciel, les mes de plusieurs saints qui ont pris ma dfense en expliquant 4jOB cette peinture inconvenante tait une uvre de jeunesse, expie p a r le repentir et la pnitence; de plus, qu'en rparation de ce pch, j'avais fait une mille de tableaux qui avaient contribu la gloire et la vnration des saints comme au salut des mes. LaSibienheureux qui plaidaient ma cause, taient ceux que j'avais honors. Ils ajoutaient que j'avais distribu en aumnes le prix de mes travaux, et notamment aus! religieux d'un pieux monastre, pour obtenir p a r le saint sacrifice, grce et misricorde. Enfin ils suppliaient le Seigneur d'agrer le mrite de leurs bonnes uvres pour m'arracher la fureur de mes ennemis. Aprs l'accusation et la dfense, le souverain Juge, touch de la prire des saints, m'a exempte de la peine ternelle, mais il a dcrt que je resterai dans les flammes expiatoires jusqu' ce que cette peinture scandaleuse soit brle et rduite en cendres. J e vous conjure donc, mon Pre, d'aller chez un tel (il le nomme) qui a obtenu de moi ce tableau, et de le prier qu'il me fasse la grce que cet instrument d pch disparaisse j a m a i s . La Justice divine le vem} et l'ordonne; s'il refuse, malheur l u i ! Pour prouver la vrit de mes paroles, annoncez-lui qu'avant peu, il perdra deux de ses fils, et que s'il n'excute l'ordre de Dieu, il n e tardera pas lui-mme k payer cette faute p a r une mort prmature. ta possesseur de la peinture, frmissant . ce rcit
SB se hta de la jeter lui-mme au feu. Avant u n mois rvolu, il vit prir, selon la prdiction, deux de ses fils. Pour lui, bien que son obissance le prservt du second chtiment, il fit une juste pnitence des fautes qu'il avait commises et de celles qu'il avait fait commettre l'occasion de cette funeste peinture. De plus, comme rparation, il fit excuter de magnifiques tableaux de saints. Il esprait aussi par ce moyen, obtenir des dfenseurs clestes pour plaider sa cause devant le tribunal de Dieu, et l'introduire u n jour, dans les tabernacles ternels. La Justice divine satisfaite, l'me du peintre s'envola au sjour de la flicit.
(Y. De la chastet, par le P. Joseph de Jsus-Marie, liv. iv, ch. 9 . )
XXV MERVEILLE. Pour entrer au ciel, il faut tre exempt de toute faute, mme la plus lgre.
Quis requiescet in monite sancto tuo? qui ingreditm line macula: Qui se reposera sur votre sainte mon tagne ? ce sera celui qui s'y prsente sans tche (Ps. xiv, 1.)
Sainte Gertrude, de glorieuse mmoire, voulant faire comprendre ses religieuses, la grande puret que recherche le divin Epoux dans les mes, avant de les
admettre aux noces ternelles, leur rapportait deux admirables visions. 11 tait mort dans son monastre une jeune religieuse que la sainte abbesse aimait singulirement cause de sa rare perfection. Cette perte l'affligea profondment, et elle recommanda cette me Dieu dans ses oraisons. Un jour, ravie en extase, elle la vit devant le trne du Sauveur, environne d'une clatante lumire et vtue d'un manteau parsem de pierres prcieuses. Cependant elle paraissait pensive, son front tait plutt triste que joyeux; ses yeux taient baisss comme si une certaine houle l'eut empche de contempler face face la gloire de l'adorable Majest; elle semblait mme chercher se cacher, comme si He et craint de rencontrer les regards de son Rdempteur. Gertrude, mue de voir sa fille spirituelle trembler devant le cleste Epoux, se tourna vers lui et lui dit d'une voix suppliante: 0 trs-doux Jsus, pourquoi donc votre infinie bont n'invite-t-elle pas celle qui Vous a consacr sa virginit s'approcher de vous et entrer dans l'ternelle joie? pourquoi ne l'attirezvouspas prs de vous?... Comme si elle tait trangre, vous la laissez seule, triste et craintive.' Le Seigneur aussitt, d'un air affectueux, tendit sa main droite la vierge dfunte; mai> elle, plus trouble encore, tint ses yeux baisss et se retira aprs avoir fait une profonde inclination. Gertrude tonne, dit celte me: Comment, ma fille, vous fuy ez la prsence de l'adorable Epoux que vous avez tant aim pendant
votre vie! Ne voyez-vous pas avec quelle douceur il vous appelle lui? Oh! ma Mre, rpondit l'humble vierge, je ne suis pas digne de paratre devant l'Agneau immacul; il me reste encore quelques taches: il faut tre aussi pur que les anges pour se prsenter devant le Soleil de justice, et je suis loin d'avoir cette puret sur laquelle ses regards divins puissent se reposer. En vrit, je vous le dis, si le ciel m'tait ouvert, que je puisse m'y envoler, je n'oserais pas y entrer, ne me sentant pas digne de me mler au chur des vierges. Mais pourquoi cela, reprit l'abbesse, puisque je vous vois environne de lumire et revtue de gloire? Aht rpondit-elle, cette lumire et cette gloire ne sont que les franges de la batitude; le vtement, c'est la vision et la possession de Dieu; mais pour en jouir il faut tre sans tache. L'autre apparition est <i peu prs semblable. La religieuse dont nous venons de parler avait eu une sur un peu plus jeune qu'elle, mais non moins vertueuse. Elle tait morte la fleur de l'ge, emportant avec elle un trsor de mrites. Elle s'tait fait remarquer surtout par une dvotion particulire envers le Saint-Sacrement. Le monastre s'appliqua secourir cette me par de pieux suffrages. Bientt Gertrude la vit toute brillante, agenouille devant le Roi de gloire qui lais sait chapper de ses plaies sacres, cinq rayons dont les cinq sens de la dfunte taient frapps. Nanmoins elle portait sur son front comme un nuage de tristesse qui indiquait le chagrin de son cur. Gertrude s'adressant au Sauveur lui demanda pourquoi cette Ame
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inotide de ses clarts divines, conservait nanmoins une ombre de tristesse. Jsus lui rpondit que son pouse tait digne seulement de contempler son humanit sainte et de jouir de la M i e de ses plaies sacres; mais qu'elle ne mritait pas encore la vision batifique de la divinit, parce qu'il restait en elle des taches contractes dans l'observance de la rgle. La sainte supplia le Seigneur d'user d'indulgence envers elle et de l'admettre dans la parfaite batitude. Le Christ rpondit que si les vivants n'offraient point de suffrages, la Justice divine exigeait l'entier accomplissement de cette peine que l'me savait apprcier et pour laquelle elle ne voudrait pas d'exemption. La dfunte fit un signe <!V.s-mf iment, et le Sauveur, comme marque de bienveillance, tendit sa main droite sur la tte de son pouse. Ds ce moment, la compatissante Gertrude s'i m posa, toutes sortes de bonnes uvres pour dlivrer I me de sa sur, surtout elle assistait chaque jour au saint Sacrifice en offrant pour elle avec le prtre. l'Hostie propitiatoire. Il lui semblait voir cette me s'lever peu peu vers le ciel. Un jour elle lui apparut et lui dit: Toutes les fois qu'on offre pour moi l'adorable Hostie, j'prouve un doux rafrachissement en rcompense de la tendre dvotion que j'ai toujours eue pendant ma vie pour le Dieu de nos autels. C'est par sa vertu que je monte au paradis; dj l'Epoux cleste s'avance pour dposer sur mon front la couronne des noces ternelles. Ces paroles enflammrent toute la communaut d'un
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ardent amour pour la sainte Eucharistie, et firent comprendre que, pour possder et contempler Dieu, il faut tre exempt de la moindre tAche.
(V. Louis de Blois, Honile spirituale, ch. 13.,)
XXVI MERVEILLE. Admirable change de charit entre les vivants et les morts.
Vigililale in oralionibus, mutuam in vobismetipsis charitalem Imbentei: Veillez dans la prire, exerant la charit les uns envers les autres. (IPetr, v. 7.)
Dans cet admirable change de la charit qui rgne entre les vivants et les morts, il n'est pas facile de dcider de quel ct est le plus grand avantage, parce que si d'une part les suffrages que les morts reoivent des vivants, les soulagent et les dlivrent, de l'autre, les grces que les vivants reoivent des morts, leur sont d'un grand secours pour le temps et pour l'ternit. La vnrable Mre Franoise du Trs-Saint-Sacrement, qui mrita d'tre appele la grande dvote des mes, peut fournir d'utiles claircissements sur ce sujet. Elle avait suc avec le lait maternel une tendre pit pour les Ames souffrantes, et s'tait consacre tout entire leur dlivrance. Elle rcitait chaque jour cette intention le rosaire, qu'elle avait coutume
93de nommer l'aumdnier des mes, et terminait chaque dizaine par le Requiescant in pace. Les jours de fte o elle tait plus libre do son temps, elle rcitait de plus l'office des morts. Pendant la plus grande partie de l'anne elle jenait au pain et l'eau, accablait son corps de cruelles disciplines, ne quittait jamais son rude cilice, et savait encore troubler son repos par d'autres instruments de pnitence. Toutes les fonctions dont elle s'acquittait, tous les travaux qu'elle faisait, les penses de son esprit, ses peines intrieures, les fatigues du corps, tout tait consacr au soulagement des mes. Son zle ne se bornait pas l: elle formait avec les religieuses, ses confidentes, une sainte ligue de prires extraordinaires et de bonnes uvres en faveur des Ames du purgatoire. Aux prtres qui clbraient dans son glise, elle demandait avec instance des messes de Requiem; aux laques qui venaient EU monastre, elle conseillait de distribuer beaucoup d'aumnes en faveur des dfunts. Enfin pour les -secourir, elle leur avait appliqu la satisfaction de es bonnes uvres, et prsentait chaque jour la Justice divine pour leur soulagement ses oraisons, ses pnitences, son observance rigoureuse de la sainte rgle, et les indulgences qu'elle gagnait. Le malin esprit s'effora de lui suggrer une pense de regret; il lui reprsenta qu'en se dpouillant ainsi du fruit de ses bonnes uvres pour l'appliquer aux autres, elle aurait souffrir pour ses propres fautes, de longues et atroces peines dans le purgatoire. Mais ce motif d'intrt pci^niiie! ne lit aucune brche ce
cur d e diamant; d'ailleurs les mes qui lui apparaissaient, l'assuraient qu' leur entre au ciel, leur intercession puissante lui obtiendrait sa dlivrance du purgatoire, et que Dieu rservait une belle couronne son hroque charit. Parlons maintenant un peu de la reconnaissance de ces bonnes mes envers leur gnreuse bienfaitrice. Elles la visitaient frquemment, non dans le seul but de solliciter ses suffrages, mais pour la remercier. Parfois elles l'attendaient visiblement la porte de sa cellule quand elle se rendait l'office, et se recommandaient elle. D'autres fois elles entraient dans sa chambre, et si la sainte dormait, elles attendaient patiemment, ranges autour de son pauvre lit. A son rveil, la servante de Dieu reprochait ces chres Ames de ne l'avoir pas appele. Vous n'avons pas voulu, rpondaient-elles, interrompre le repos qui vous est ncessaire; nos peines sont adoucies par votre prsence. Si la sainte tait veille, elles lui disaient en entrant, afin qu'elle ne se crt p i s le jouet d'une illusion de Satan: Que Dieu vous ait en sa sainte paix, servante du Seigneur, pouse du Christ, que Jsus soit avec xous toujours. Puis elles tmoignaient leur vnration pour une croix enrichie de reliques, que leur bienfaitrice conservait dans sa cellule. Si celte bonne religieuse rcitait son rosaire, elles le lui prenaient des mains et le baisaient avec respect comme le prpieux instrument de leur salut et de leur dlivrance. Quand la sainte tait malade, ou que son coeur tait
Un les voyait accourir pour la soulager et la consoler; elles la prvenaient aussi, par une permiss i o n de Dieu, que le dmon, frmissant de la voir lui arracher des mes, lui dressait des embches, et elles ls faisaient connatre la sainte, afin qu'elle pt les djouer par les sacrements et la prire. Souvent les Ames lui apparaissaient sous des formes propres a exciter sa compassion; elles taient ordinairement accompagnes des instruments de leurs pchs devenus dsormais des instruments de supplices. Tantt c'taient des vques, la mitre sur la tte, la crosse t la main et en mme temps, environns de flammes. Nous souffrons ces peines, disaient-ils, pour avoir cherch ambitieusement les dignits et n'avoir pas Correspondu aux obligations qu'elles nous imposaient.* D'autres fois, c'taient des prtres avec leurs ornements en feu. l'tole change en chanes, les maincouvertes d'ulcres. Ils s'accusaient d'avoir trait avec irrvrence le divin eorp.- de Jsus-Christ et d'avoir administr sans respect !es sacrements.
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Un religieux se fit voir entour d'objets prcieux, oVcrins, de fauteuils, de tableaux tout enflamms, parce qu'il avait manqu son vu de pauvret en ornant sa cellule de riches meubles. Enfin, elle vit apparatre avec tous les insignes de sa profession un notaire de Soria, qui lui donna l'explication de ses tourments. Je porte, dit-il. cet encrier, cette plume, ce papier tout enflamms parce qu'ils me servaient des actes illgitimes et contraires l'quit; ces cartes tout en feu que je suis oblig
d e tenir dans les mains montrent ma passion pour le j e u ; cette bourse brlante contient mes gains illicites. Au moment de mourir, j'aurais t infailliblement d a m n si une sincre contrition ne m'avait prserv de ce malheur. Cependant la divine Justice me condamne un long et rigoureux purgatoire, moins que vous ne l'abrgiez p a r vos bonnes uvres. Ces apparitions causaient la servante de Dieu un incroyable chagrin; mais d'un autre ct elle prouvait une grande consolation, lorsque les mes dlivres venaient la remercier avant de monter au ciel. Nous ne pouvons passer sous silence ce qui lui arriva avec Christophe de Ribra, voque de Pampelune. Ce prlat ayant appris que la Mre Franoise avait u n e grande dvolion pour les mes souffrantes, et qu'elle avait m i dans le purgatoire trois de ses prdcesseurs, s'empressa de prier et de faire clbrer pour eux un grand nombre de messes. Comme c'tait le moment o l'on publiait les bulles et les indulgences dites de la croisade, il en envoya quatorze la servante de Dieu, en lui faisant dire d'en appliquer trois pour les trois vques,. et les onze autres comme elle l'entendrait. La nuit suivante, les trois prlats vinrent remercier Franoise, et la prier de rendre grces pour eux Christophe de Ribra. D'autres mes lui demandaient de leur appliquer le fruit des onze bulles; nanmoins elles taient rsignes et se montraient mme contentes qu'on accordt aux autres cette faveur. Le prlat instruit de tout, envoya la Mre Franoise un grand nombre de bulle. L e s
mes accoururent aussitt en foule sa celluleLa distribution tait faite quand deux mes vinrent demander des bulles; Franoise leur dit avec peine qu'il ne lui en restait plus: 11 y en a encore deux Appliquer, reprirent-elles, et elles se mirent en recherche et si bien, qu'elles en dcouvrirent deux auxquelles on ne songeait point, et qui leur servirent comme de passe-port pour l'ternit bienheureuse.
(V. rie il? Franois? ilu Saint-Sacrement, par le frre Joacliim de Sainte-Marie, 1. H.)
XXVII MERVEILLE. Peu de chose suffit quelquefois pour dlivrer une me du purgatoire.
Eht qui mnlw rvdnmu i i W ' m i iiretio: On peut rai'hpfr beaucoup a v e c peu de chose. (Eccli. X\, 12. >
Les mes souffrantes ne demandent pas toujours de nous des aumnes considrables, des jenes rigoureux, de dures pnitences; souvent elles se contenteraient de quelques uvres faciles, de quelques courtes prires. Et cependant, combien e.sl-il d- chrtiens qui les leur refusent / Ce manque do charit les alllige, et dans leurs tristes plaintes, elles peuvent s'crier avec le pote: Ma douleur e s t d'autant plus grande que ce n'est point la mer qui nous spare, mais un peu d'eau...
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98 En effet, il est des mes, qu'un lger suffrage d'aumne ou de prires dlivrerait, et cause de notre coupable oubli, elles languissent exiles loin de la gloire bienheureuse. Les traits suivants nous dmontreront combien il est facile quelquefois de soulager ou de dlivrer u n e me du purgatoire. Un saint vque vit en songe un enfant, lequel, avec un hameon d'or et un fil d'argent, tirait d'un puits profond une femme qui s'y noyait. A son rveil, il aperut de sa fentre, ce mme enfant, agenouill sur une tombe du cimetire. Il l'appelle et lui demande ce qu'il fait: Je rcite, dit-il. un Pater et un Miserere pour l'me de ma mre dont le corps repose en ce lieu. Cette rponse fit comprendre clairement l'vque que l'tne de cette femme venait d'tre dlivre par la petite prire de son fils; que l'hameon d'or tait le Pater, et le fil d'argent, le Miserere. Nous lisons dans las chroniques des Frres-Mineurs, deux exemples encore plus frappants de l'efficacit des petites prires. Le Pre Conrad d'Offida, religieux de l'Ordre sraphique, grand serviteur de Dieu, tait rest une nuit faire oraison, devant un autel privilgi. Un frre du couvent, mort depuis peu, lui apparut. Le dfunt supplia ce Pre, autrefois son guide et son conseil pendant la vie, de ne pas l'oublier, et de le dlivrer des supplices qu'il endurait: Vous savez bien, ajoutait-il, que le Seigneur a pour agrable vos prires et qu'il les exauce. Aussitt Conrad se
mit rciter le Pater et le Requiem xternam. Le frre
99 lui dit: 0 mon Pre, si vous saviez quel soulagement me procure cette courte prire, vous la rpteriez encore. Le religieux s'empressa d'exaucer son dsir. Ah! continuez, mon pre, au nom des entrailles de Jsus-Christ, continuez, de rciter cette douce prire qui change mes douleurs en consolations '. Alors sans attendre de nouvelles instances, le hon religieux se mit rciter cent fois le Pater et le Requiem. En mme temps il voyait le visage du dfunt passer de la tristesse la joie, de la pleur la lumire, et son manteau de bure se changer en un vtement d'une clatante blancheur. Comme il finissait le centime Pater, cette me devint blouissante de splendeur et de gloire. Elle rendit mille actions de grces son bienfaiteur qui, eu un si court espace de temps, l'avait dlivre de toutes ses peines. Puis elle s'leva radieuse vers l'ternel sjour. Les prires du bienheureux Etienne, religieux du mme Ordre, obtenaient les mmes faveurs pour les mes du purgatoire. Le saint avait l'habitude de passer la nuit auprs du Saint-Sacrement; et de se mler au cortge des adorateurs du Roi de gloire, cach sous les voiles eucharistiques. Une fois, il aperut u n de Ses frres assis dans une des stalles du chur, le capu chon baiss jusque M i r les j e u x . Etonn de le voir dans cette posture, et au milieu de la nuit, il lui demanda ce qu'il faisait l, cette heure. Le moine rpondit d'une voix lugubre; < Je suis un religieux dfunt, condamn par la Justice divine endurer ici un rigoureux purgatoire, cause des lautes nombreu-
-100ses que j'y ai commises p a r mes distractions volontaires pendant le chant de l'office. Le Seigneur m'a permis de me manifester vous, afin de vous conjurer de m'aider par vos prires, sortir de ces affreux tourments et entrer d a n s la libert des enfants de Dieu. Sans dlai, le bienheureux Etienne rcite l'intention de cette me le De profundis et l'oraison Fidelium. Le dfunt en fut singulirement soulag, et pendant plusieurs nuits, il revint exciter sa charit, le remerciant chaque fois avec effusion. Une nuit aprs la rcitation du Requiem aternam, il sortit de sa stalle comme d'une prison, et le visage dcouvert, il s'lana vers l'immensit du cleste royaume. Le bienheureux Etienne racontait cette apparition pour exhorter ses religieux une grande modestie et une attention soutenue dans les prires et dans le chant des louanges divines, afin de ne pas mriter ce reproche du Seigneur: Vous m'honorez des lvres et votre cur est loin de moi. ( Isae XXIX, 13. )
(V. Barthlmy de Pise, liv. r, ch. 3; Chronique* df Frrcs-Mineur?. liy. iv, ch. 30.)
XXVfll MRVEItUB.
Deux prodiges du ciel, propres nous inspirer la crainte de la mort et du purgatoire.
Fiebat o m n animas timor; mvUa qmquc prodiyia et signa fiebant: Tous les esprits taientfrappsdeerainte;U se faisait aussi beaucoup de prodipres et de merveilles, f.icf. h , 13.)
Le Pore Ferdinand de Castille rapporte deux grands prodiges oprs par le Seigneur dans le couvent d e Saint-Dominique, Zamora, ville du rojauiue de Lon en Espagne; l'un, pour nous rappeler que l'heure de notre mort nous est inconnue, l'autre, pour nous faire comprendre la rigueur des peines du purgatoire. On fut tmoin dans eo monastre d'une chose inoue jusqu'alors: la cloche du couvent sonnait souvent d'elle-mme sans que personne la toucht. C'tait u n Signe certain que sous peu de jours un religieux devait mourir. Aussi lorsqu'on entendait ce son lugubre, bien que personne ne ft malade dans le couvent, chacun craignant pour lui-mme, se prparait p a r la prire, la pnitence et les sacrements, au passage d e ^ternit. Quand l'un d'entre eux avait pay sa dette la nature, alors le calme renaissait; nanmoins tous prtaient u n e oreilje attentive cette cloche qui tait
pour eux la voix dont il est parl dans Jsae, XXXVflI, i : Mils ordre ta maison car tu vai mourir, et ta vie
touche son terme.
Le second prodige s'applique mieux notre sujet. 11 y avait dans ce mme couvent de Saint-Dominique, uu religieux d'une rare vertu, uni de sainte amiti avec un frre de Saint-Franois, fervent serviteur de Dieu. Pour se porter mutuellement la perfection, i .-, s'entretenaient souvent ensemble des choses spirituelles. Un jour, qu'ils parlaient de la mort l'occasion de la cloche miraculeuse, ils se promirent l'un l'autre que le premier qui mourrait apparatrait au survivant, s'il plaisait Dieu, pour lui faire connatre son sort dans l'autre vie, afin que s'il tait retenu dans le lieu de l'expiation, il pt recevoir de son ami des suffrages pour sa dlivrance. . Ce fut le frre Mineur qui mourut le premier, et, selon sa promesse, il apparut au frre Dominicain, l'heure o l'obissance lui ordonnait de prparer le r fectoire pour le repas de la communaut. A; .es l'avoir salu affectueusement, il lui apprit qu'il tait sauv; mais qu'il lui restait beaucoup souffrir pour l'expiation de fautes lgres dans l'observance de la sainte rgle. Pour exciter sa compassion et l'engager lui porter un prompt secours, il fit appel leur ancienne amiti, la promesse qu'ils s'taient faite. Pour mieux lui faire comprendre que le tourment qu'il endurait dan? ces flammes ardentes, ne pouvait tre compar
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103 aucune souffrance humaine, il tendit sa main droite, la posa lgrement sur une table, et y laissa une empreinte noire et brle comme si un fer rouge y avait t appliqu. Puis le dfunt disparut, avec l'assurance que son ami emploierait tout son zle pour le dlivrer. Aujourd'hui encore, on montre Zamora, cette table avec sa marque de feu. Pour perptuer le souvenir de cet vnement, on a pos sur cette empreinte une grille de cuivre. Ces deux merveilles excitrent dans le cur des religieux une nouvelle ardeur pour leur perfection: le son de la cloche les avertissait de se prparer la mort, et la trace de feu laisse par cette main, prchait tous la ncessit de faire pnitence en cette vie, si l'on veut viter les chtiments du purgatoire. Pour terminer ce rcit, nous traduirons ces beaux vers d'un pote Ces horribles marques accusent une main de feu, et la flamme qui circule dans ses veines la dvore. Bien n'en peut rendre l'ardeur vengeresse; mais la main parle mieux qu'aucune langue humaine.
Hurrida f u m a n t P i a m o i i s t r u n t vestigiadoxtram, Inque suis veni-. Ilainma reci-pta cremat. Vindicte ardurftu flauuua;, queiu uulla referre Lingua potest, puterit .-at manus ita loqui.
(1)
Pbilr dmontrer la valeur des indulgences en faveur des mes du purgatoire, nous allons raconter le trait admirable du bienheureux Berthold, prdicateur de l'ordre de Saint-Franois. ( veuait de faire une tou1 chante allocution sur l'aumne, et il avait accord ses auditeurs dix jours d'indulgences, selon le pouvoir qu'il eu avait reu du S o u v e r a i n Pontife, lorsqu'une dame de qualit, laquelle il ne restait de sa noblesse que la honte d'avouer s o n extrme misre, vint secrtement implorer sa charit. Le religieux lui rpondit comme saint Pierre au boiteux qui mendiait dans Jrusalem: Je n'ai ni or ni argent; mais ce que j ' a i je vous le donne. Je vous accorde dix jours d'indulgences parce que vous avez assist ma prdication ce matin. Allez donc chez tel banquier qui n'a gure souci des trsors spirituels, et dites-lui que s'il veut accepter cette indulgence, en change d'une aumne, elle servira diminuer les peines qui l'attendent dans le purgatoire. J'ai la confiance qu'il vous donnera quelque secours.
- 10R Cette infortune, anime de la plus grande foi, se rendit chez le banquier qui l'accueillit avec bont, et lui demanda en souriant combien elle prtendait recevoir en change de ses dix jours d'indulgence : Autant qu'ils psent, rpondit-elle. Pesons-les donc, repartit le banquier, voici les balances, crivez vos dix jours sur un 2>apier et mettez-le sur l'un des plateaux; je pose un ral sur l'autre. 0 prodigel le plateau des indulgences entrane celui de l'argent. L'homme tonn ajoute un ral et le poids reste le mme. Il en met cinq, dix trente, eniiu autant qu'il en faut, pour que les plateaux s'quilibrent. C'tait prcisment la somme qu'il fallait la suppliante. Alors le banquier put apprcier la valeur des indulgences, mais non au mme point que les mes l'apprcient; elles qui, pour en obtenir une seule, donneraient tout l'or du monde. C'est pourquoi elles les appellent de tous leurs soupirs et les demandent aux vivants qui peuvent en tout lieu et toute heure, leur en appliquer. Le Seigneur daigna le faire connatre Marie de Quito. Cette sainte fut ravie en extase, et elle vit au milieu d'une place, une table charge de monceaux d'argent, d'or, de rubis, de perles et de diamants. En mme temps une voix disait: Ce trsor est public, chacun est libre de prendre tout ce qui lui convient. Devant une pareille abondance nous sommes donc bien coupables si nous restons pauvres, et si nous ne pensons pas enrichir les mes ncessiteuses du purgatoire. Pour puiser sans mesure dans ce trsor, Dieu exige-t-il des jenes rigoureux, de longs plerinages,
106de grandes aumnes, des disciplines et autres svres pnitences? et quand mme cela serait, il faudrait nous y rsoudre, comme le disait un grand prdicateur, citant l'exemple d'un homme qui, dans l'incendie d'une glise eut le courage de passer au milieu des flammes pour sauver quelques peintures de prix. Et nous, ne devrions-nous pas passer pour ainsi dire au milieu des flammes pour dlivrer les images vivantes du Seigneur? Mais la bont infinie de Dieu n'en demande pas tant, elle se contente d'uvres simples, courtes, faciles: d'un chapelet, d'une communion, d'une visite un autel, d'une prire, d'une petite aumne, etc, pour dlivrer des supplices du purgatoire ces mes bnies qui tendent vers nous leurs mains suppliantes. Citonsencore un exemple. Sainte Madeleine de Pazzi avait dans son monastre de Florence, une religieuse d'minente vertu. Elle l'assista avec la plus tendre charit pendant le cours d'une maladie mortelle, et lui ferma elle-mme les yeux. Quand le corps fut port l'glise pour les funrailles, Madeleine se retira derrire !.i grille du chapitre, d'o elle pouvait apercevoir le cercueil, et se mit prier avec ferveur pour sa chre dfunte. Elle fut ce moment favorise d'une vision, elle vit l'me de la religieuse, plus belle que le soleil, s'lever au ciel comble de dlices: Adieu, s'cria Madeleine aussitt, adieu ma sur, me bienheureuse vous vous en allez au paradis, vous nous abandonnez dans cette valle de larmes 1 Oh! que votre gloire est grandeI qui pourrait jamais exprimer votre beaut!
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Qu'il a t court, votre passage en purgatoire; votre corps n'est pas encore dans sa dernire demeure e t dj votre me entre dans la cleste patrie! Vous voyez la vrit de ce que j e vous disais: que les souffrances de cette vie et les peines du purgatoire ne sont rien, compares la gloire que votre Epoux vous rservait au paradis. En ce moment le Seigneur lui rvla que cette me n'tait reste que quinze heures dans le purgatoire, en vertu des indulgences dont on lui avait appliqu les mrites. Aprs la crmonie des funrailles, Madeleine sortie de son extase, rptait ces paroles: Qu'elle est heureuse, l'me qui a mrite d'tre au ciel lorsque son jorps n'est point encore dans la tombe!*
(V. Chroniques les Frres Mineurs, 2" part. , liv.. II, ch, 30; Vie de sainte Madeleine dePa;zi, Impart, ch. 39.)
XXX
MERVEILLE.
Qu'elle est efficace, la protection des saints, pour lsmes souffrantes qui les ont servis avec dvotion pendant la vie! La bienheureuse Jeanne de la Croix,
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religieuse de l'ordre sraphique, et fidle pouse d e Jsus-Christ, nous en donne une preuve. Un minent prlat aprs avoir pendant quelque temps aim et vnr cette sainte religieuse, n'eut plus pour elle que de la rpugnance et du mpris, depuis un jour, o par une inspiration divine, elle lui avait fait une admonition charitable. Cet ecclsiastique, oubliant les devoirs de sa profession, disait souvent des paroles rprhensibles, affectait une certaine fiert, et ngligeait les mes confies ses soins. Il mourut bientt. A peine la pieuse vierge l'eut-elle appris, que, voulant rendre le bien pour le mal, elle s'appliqua supplier la divine Misricorde d'avoir piti de cette me si elle tait en purgatoire. Une nuit qu'elle priait avec plus de ferveur cette intention, le prlat lui apparut tout en haillons, avec un visage difforme et repoussant. Sa bouche tait billonn , il ne pouvait articuler aucune parole, et rugissait comme le taureau bless. Ou voyait sur son front et sur sa fte certaines tches, indices des pchs qu'il avait commis; il tait entour des mes que ses mauvais exemples avaient entranes. Par surcrot, une foule de dmons lui faisaient endurer les supplices les plus humiliants. La bienheureuse Jeanne, un tel spctacle, fut toute consterne, avec d'autant plus de raisons qu'elle ignorait si c'taient les peines de l'enfer ou celles du purgatoire. Elle s'adressa son ange gardien qui tait prsent, mais il lui rpondit: Dieu vous le rvlera en temps utile. Elle persvra donc a prier et conjurer la divine
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Misricorde d'avoir piti de cet infortun pour lequel elle esprait encore. Elle rappelait les bonnes uvres qu'il avait faites pendant sa vie, et surtout sa dvotion envers un saint dont l'histoire ne nous a pas conserv le nom: Seigneur, disait Jeanne, vous savez combien il aimait et vnrait son saint patron, quels hommages il lui rendait, avec quelle ardeur il recourait sa protection; il avait fait peindre son image alin de l'avoir toujours sous les j e u x . O mon Dieu, permettez que le saint lui obtienne sa dlivrance! Ainsi Jeanne priait avec toute sa ferveur depuis quelques jours, lorsqu'elle vit fout-a-coup apparatre devant la porte de sa cellule, l'image du saint dont Bous avons parl. Puis suivait l'me du prlat, mais non plus dans Je mme tal d'abjection et de souffrance. Aprs avoir salin'' la servante de Dieu, il lui dit: Je suis celui pour lequel vous avez tant prie, o s p r i r e s , et l'intercession du saint dont vous xovcz ici l'image, ont obtenu que Dieu me traitt avec une grande misricorde. Grce la bont divine, cette image m'a protg contre, les assauts du dmon, elle A adouci et abrg mes tourments. J'espre que vous travaillerez encore ma complte dlivrance, sort a n t e du Seigneur, vous que j'ai afflige par mes imprudences et ma tmrit.Qu'il en soit ainsi, s'cria Jeanne, et que Dieu soit boni pour ht consolation que me fait pouver l'assurance de votre salut, moi qui fus si incertaine de votre sort lorsque je vous vis la.premire fois au milieu de (aut de supplices. Ah! rpliqua le dfunt, tout ce que vous avez vu ne peut
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pas \ ou s donner une ide des tourments invisibles que j'endurais. Puis il demanda pardon la sainte des injures qu'il lui avait faites, se recommanda ses prires et disparut. Jeanne continua intercder en sa faveur, elle le visita, le consola au purgatoire par l'intermdiaire de son ange, jusqu'au moment o elle sut par rvlation, sa dlivrance et son entre au ciel. La sainte abbessc raconta cette vision ses religieuses, afin d'augmenter en elles la crainte du purgatoire, la dvotion aux saints, et le zle pour les mes souffrantes.
(V. Chroniques des Frres Mineurs par Cimarello. I p. liv. n, chap. 18; Triomphes des mes, par Sgala, 2 p., oh. vu, n. 4 . )
E e
Quand on ne rencontrerait plus dans les curs le sentiment de la gratitude, on serait sr de le trouvei dans les mes du purgatoire. En voici une preuve touchante. 11 y avait en Bretagne un homme occup des affaires du sicle, mais dont la vie tait trs-religieuse. Parmi toutes ses vertus, on remarquait une grande charit
envers les mes souffrantes, pour lesquelles H priait, faisait des aumnes et autres bonnes uvres; surtout il ne passait jamais dans un cimetire sans s'y arrter pour prier quelques instants. Dieu fit connatre combien cette dvotion lui tait agrable, et combien elle tait utile et profitable aux ames du purgatoire. Ce bon chrtien fut surpris p a r une maladie qui mit bientt ses jours en pril; il fit prier le cur de la paroisse de lui apporter le saint viatique qu'il avait le plus grand dsir de recevoir dans ses souffrances, afin que cette cleste nourriture le fortifit dans sa faiblesse, et le soutint contre les terreurs de la mort. C'tait au milieu de la nuit, et la distance tait considrable. Le cur ne pouvant remplir lui-mme cette obligation, en chargea son vicaire qui se rendit en toute hte auprs du pauvre malade. Inspir par la plus ardente charit, ce jeune prtre console le moribond, lui administre le Pain du voyageur, et le recommande I Dieu pour le passage terrible de l'ternit. Sa mission tant accomplie, le vicaire se remit en route. Mais voici qu'en arrivant au cimetire qui entoure l'glise, il se sent arrt par une force invisible, et il ne peut plus faire un pas. Etonn, il regarde autour de lui et aperoit la porte de l'glise grande ouverte, or il tait certain qu'elle avait t ferme. Pendant qu'il cherche se rendre compte de ce fait si trange, il entend sortir du sanctuaire une voix qui disait distinctement: Ossements arides, coutez la parole du SeifMmr;6 mort Itvee-mut! [Ezchiel, XXXV71 ), venez tous
priar ensemble pour notre bienfaiteur qttt t a * 4 * rendre son me Dieu; la reconnaissance le demande: souvenez-vous de tout le bien qu'il vous a fait p a r ses bgues uvres; souvenez-vous aussi qu'il ne passa jamais dans ce cimetire sans prier pour nous. Aprs ces paroles, le prtre entendit u n bruit trange, semblable u n oliquetis d'os. Tout--coup, comme dans la vision d'Ezchiel, tous les ossements renferms dans ce champ de la mort, se mettent en mouvement et se rapprochent les uns des autres, chacun leur jointure. En u n instant, voil qu'une multitude de spectres se lvent de leurs spulcres et se mettent en marche vers l'glise qui parait tout illumine. Le pauvre vicaire immobile de terreur, les vit entrer et se ranger en cercle dans le sanctuaire. L, tous, d'une voix harmonieuse et lugubre, ils chantrent solennellement l'office de Requiem. Lorsque la crmonie fut termine, la voix mystrieuse qui avait convoqu les morts, leur commanda de retourner dans leurs spulcres. Pendant le dfil du funbre cortge, les lumires s'teignirent peu peu, et l'on entendit comme un bruit de squelettes qui s'entrechoquent; puis tout rentra dans le silen. ce et l'obscurit. Le prtre alors, put librement entrer dans l'glise et y dposer le saint ciboire. Il courut raconter sa vision au cur qui en aurait peut-tre dout, si en ce mo. ment mme, un messager n'tait venu annoncer que le malade aprs avoir donn des signes de prdestination, s'tait endormi dans le Seigneur, l'heure mme o se passait cette scne si extraordinaire. Cet vne*
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Ment impressionna tellement le vicaire qu'il dit adieu M monde, et alla s'enfermer dans le monastre de Saint-Martin-de-Tours. Son minente vertu lui mrita dans la suite d'tre lu prieur. Il s'employa toute sa vie avec un zle infatigable soulager les mes du purgatoire, zle qu'il communiqua ses religieux en leur parlant souvent de la reconnaissance de ces mes bnies qui rendent leurs bienfaiteurs grces pour grces, et misricorde pour misricorde.
( Y . Alexis Segala, Trimnph. animarum, 2 p , Ch. XXII, n. 1; P. Martin de Roa, De statu animarum, ch. x a i . )
XXXII MERVEILLE. Celui qui souffre avec rsignation dans ce monde ira droit au ciel.
Vsque in tempui suMinehit patient, et po\tm redditin iiinnidiialh: L ' h r i m m r patient attentai la tin le *-e- maux jusqu'au temps destin rie Dieu pour les faire cesser, et aprs rcla la joie lui sera rendue. (Eccli. i, a u . )
L'empereur Maurice fit preuve d'une rare prudence, lorsque interrog miraculeusement par le Sauveur, S'il prfrait expier ses crime* dans celte vie ou dans l'autre, il rpondit sans hsiter: Ici-bas, d doux Jsus! j'aime mieux souffrir ioi-bas! Un religieux de SaintFranois n'eut pas la mme sagesse. Afflig depuis
-114longtemps d'une cruelle maladie, il tait en proie une sombre tristesse et se croyait charge a u x frres d u couvent: aussi la mort lui paraissait prfrable la vie, et il demandait Dieu de dlivrer son me de sa douloureuse prison. 0 mon Dieu, disait-il, ayez piti de votre malheureux serviteur: je ne trouve de repos ni jour ni nuit, tant sont affreuses mes souffrances, elles augmentent sans cesse et je n'ai plus la force de les supporter. Si mes fautes me rendent indigne d'tre dlivr. Jetez, Seigneur, un regard sur les peines et les mrites de mes frres, qui se sacrifient autour de mon lit de douleur. Ayez piti d'eux et de moi! Si la mort seule doit mettre un terme mes maux, je la recevrai comme une grce de votre clmence infinie. Ainsi parlait ce religieux, lorsqu'un ange descend!!, du ciel pour le fortifier et lui faire cette proposition: Puisque vous vous fatiguez de souffrir. Dieu vous laisse la libert de rester encore dans cette vie ou de la quitter immdiatement; si vous choisissez le premier p a r t i , vous aurez une cruelle maladie d'un an, aprs laquelle vous monterez tout droit au paradis; mais si vous prfrez mourir maintenant, vous aurez subir trois jours de purgatoire, pour achever de vous purifier de vos fautes. Choisissez ce qui vous plat le plus, votre sort est entre vos mains. Le malade, ne pensant qu' ses souffrances prsentes, et non celles qui l'attendaient dans l'autre vie, rpondit aussitt: J'niiue mieux mourir, et souffrir au purgatoire nonseulement trois jours, mais autant qu'il plaira Dieu
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car je ne pense pas \ (rouver des souffrances plus i n t o l r a b l e s Eh bien, rpondit l'ange, il sera fait comme vous le dsirez ; vous mourrez aujourd'hui ; munissez-vous donc des sacrements de l'Eglise. Le religieux se prpare sa dernire heure, expire, et son me est porte au purgatoire, Un jour n'tait pas entirement coul, que le mme ange vint le visiter, le consoler dans sa nouvelle preuve; il lui demanda si ses peines lui paraissaient moins pnibles que celles de la terre: Hlas! rpondit l'me, combien j ' a i t aveugle t Mais vous ange de vrit, qui m'aviez parl de trois jours! pourquoi me laisser en ce lieu si longtemps? que d'annes se sont coules! et je n'aperois rien qui annonce ma dlivrance. Est-ce ainsi qu'on trompe une pauvre ame? Vous vous trompez vous-mme, repartit l'ange, il y a vingt-quatre heures, peine que vous tes au purgatoire, et dj vous dplorez votre triste s o r t ? Vous m'accusez de manquer ma parole? Ce n'est pas b longueur du temps, mais la rigueur des peines qui TOUS fait raisonner ainsi; une heure vous parait un sicle. Soyez donc certain qu'il n'y a pas encore un jour que vous souffrez; votre corps n'a pas mme recula spulture. Cependant, si vous vous repentez de votre choix, Dieu vous accorde la grce de retourner sur la terre pour y subir l'anne de maladie qui vous tait rserve. Oui, s'cria l'me avec joie, oui, j'accepte ce parti ! Que Dieu m'envoie une maladie plus douloureuse encore de deux, trois, quatre annes, autant qu'il plaira sa justice; tout ce que je d6ire
116 c'est qu'il me tire de ce lieu d'inconcevables douleurs. L'ange alors, sans dlai, reporta l'me dans le corps qui se leva aussitt de son cercueil, en prsence de la communaut saisie d'tonnement et d'admiration. Le ressuscit raconta tout ce qui lui tait arriv; l'exprience qu'il venait de faire, donna aux religieux une juste ide des supplices du purgatoire, et les convainquit de la ncessit d'une rigoureuse pnitence en ce monde, si l'on veut viter les tourments rservs dans l'autre vie par la Justice divine, aux fautes mme les plus lgres. Pour lui, il supporta avec une admirable patience, les infirmits de sa maladie, et au bout de l'anne, il rendit son me Dieu. L'ange, selon sa promesse, descendit de nouveau du ciel, et l'emporta en un instant dans les rgions de l'ternelle flicit. Cette histoire qu'on ne peut rvoquer en doute, justifie les paroles de saint Augustin au sujet du purgatoire: Un seul jour dans ce lieu d'expiation peut tre compar mlbe ans de supplices terrestres. Le mme saint ajoute encore. Le feu y est plus insupportable que Tout ce qu'on peut endurer ici-bas.
(V. Luc tic Wadding, Ami. Itinor., anno 1183, n. 9 . )
XXXIl MERVEILLE. Sainte usure de ceux qui appliquent leurs bonnes uvres au soulagement des dfunts.
Benefae justo, et invente! retribulionem magnam: Faites du bien au juste, et vous aurez une grande rcompense. (Eccli. xu, t.)
Je Veux seulement rappeler ici combien de mrites, tle prires, et de grces peut acqurir celui qui offre ses bonnes uvres pour racheter les mes du purgatoire} et les en\oyer au ciel. On peut dire qu'il travaille peupler le paradis; qu'il s'y prpare des aVticats, de puissants intercesseurs qui, en reconnaissante du bien qu'ils ont r e u , lui obtiendront du bohheur ici-bas, et les flicits de l'ternelle vie X!$ anges gardiens de ces mes se trouvent obligs e'le favoriser, parce qu'il ouv re vite les portes du ciel l'leurs protges; les bienheureux le regardent avec f'yeux pleins d'affection, parce qu'il a augment Dtit nombre. 'Et la Mre de Dieu, avec quelle tendresse elle l'abftte stms son manteau pour avoir travaill la glorification de ces mes qui ont cot tout le sang de son tNhi Fils. Jsus-Christ lui-mme, quelles bndictWWs, quelles rcompenses ne versera-t-il pas sur celui qui*' aura coopr son uvre de Rdempteur 1 Si Vfrus Voulez le comprendre, lisez.
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-118Denis-le-Chartreux raconte dans un de ses ouvrages qu'une trs-pieuse vierge nomme Gertrude, faisait donation chaque matin aux mes du purgatoire, du bnfice spirituel qu'elle devait retirer de toutes ses bonnes uvres de la journe. Bien plus, afin d'en mieux faire l'application selon le bon plaisir de Dieu, elle suppliait le Seigneur de lui faire connatre les mes les plus souffrantes, les plus dlaisses, et le Sauveur les lui rvlait ordinairement. Alors elle redoublait pour elles, d'oraisons, de jenes, de veilles, de mortifications, et ne cessait point qu'elle ne crt les avoir toutes dlivres. Souvent, ces mes glorieuses lui apparaissaient pour la remercier et lui promettre leur reconnaissante protection. Gertrude, arrive la vieillesse, encore plus charge de mrites que d'annes, et couche sur son lit de mort, fut assaillie de tentations. Le dmon voyait avec rage qu'une pauvre fille avait dlivr une multitude d'mes dont les souffrances le rjouissaient: aussi, cet esprit de mensonge lui reprsentait les horribles et longs suppUces que la Justice divine lui rservait dans l'autre monde, en expiation mme de ses moindres fautes, attendu qu'elle avait prodigu inconsidrment aux mes du purgatoire, la satisfaction de toutes les bonnes uvres de sa vie. Sainte Gertrude commena donc gmir: Ohl que j e suis malheureuse! disait-elle, dans peu d'instants je dois mourir et rendre un compte exact de toute ma vie. Comment pourrai-je chapper aux graves supplices, dus mes fautes, alors que j ' a i appliqu
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aux dfunts toutes mes bonnes uvres? Oh! quels tourments longs et affreux m a t t e n d e n t l et je n'ai plus rien offrir Dieu pour apaiser sa justicel Pendant qu'elle tait en proie cette angoisse, elle vit paratre devant elle, Jsus son poux cleste, qui lui dit: Quel est donc, Gertrude, le sujet de ta profonde tristesse? Elle rpondit: Seigneur, je m'afflige parce que j e vais mourir, sans aucun capital de bonnes uvres pour acquitter ma dette, car je me suis dpouille en faveur des mes souffrantes. Alors le Sauveur lui souriant avec amour, la consola: Ma fille Gertrude, lui dit-il, afin que tu saches combien m'a t agrable ta grande charit envers ces mes, j e te remets en ce moment mme, sans exception, toutes les peines que tu aurais pu avoir souffrir; de plus, moi qui ai promis cent pour un ceux qui auront accompli la loi de la charit, je veux te rcompenser en augmentant ta gloire dans l'ternelle batitude; je veux encore que toutes les mes dlivres par tes prires, viennent ta rencontre et t'accompagnent avec de joyeuses actions de grces, jusqu'au pied de mon trne. Qui pourrait dpeindre la joie de la sainte, en entendant de la bouche mme du souverain Juge, de si magnifiques promesses! Je vous laisse penser avec quelle ferveur cette charitable vierge offrit Dieu jusqu' son dernier soupir, tous les actes de sa vie mourante, en faveur des pauvres mes.
(V. Denis-le-Chartieux, cit par P. Martin de Hua
XXXIV MERVEILLE.
Nous avons dmontr que parmi tous les suffrages qu'on peut offrir Dieu en faveur des mes du purgatoire, il n'en est point d'aussi prcieux que l'immolation du Rdempteur dans le saint sacrifice de la messe. Outre que c'est la doctrine de l'Eglise, manifeste dans ses conciles, des faits miraculeux et authentiques prouvent cette vrit d'une manire admirable. Il y avait dans l'universit de Cologne, parmi les tudiants des hautes sciences, deux religieux Dominicains d'un talent distingu, dont l'un tait le bienheureux Henri Suzon. La ressemblance des tudes, et plus encore, le mme attrait pour la pit, les avait si troitement unis, qu'ils se faisaient confidentiellement part des faveurs spirituelles qu'ils recevaient du ciel. C'est ainsi que le bienheureux dvoila son ami un secret qu'il avait tenu cach jusqu'alors. Un jour, qu'ils s'entretenaient ensemble des mystres de la vie du Sauveur, il lui fit voir le nom de Jsus qu'avec un sty. let de fer, il s'tait grav au vif sur la poitrine, afin que ce nom sacr ft plus profondment imprim dans son cur. Son ami en fut si tonn, si mu, qu'il
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toucha de ses mains ces glorieux caractres de chair, y appliqua ses lvres, et les mouilla de ses larmes. Quand ils eurent termin leurs tudes, se voyant la veille de se sparer pour retourner chacun leur couvent, ils se promirent mutuellement, qu' la mort de l'un deux, le survivant serait oblig de clbrer pour le dfunt, pendant un an, deux messes chaque Semaine: le lundi, une messe de Requiem, selon l'usage, et le vendredi, celle de la passion, autant que le permettraient les rubriques. Aprs cette promesse, ils se donnrent le doux baiser de paix et se sparrent. Pendant plusieurs annes, les deux religieux continurent servir le Seigneur avec la plus difiante pit. Ce fut le bon Pre qui mourut le premier. Henri fut fort afflig de cette nouvelle. Quand l'engagement qu'ils avaient pris ensemble, le temps le lui a v f ' t fait oublier; nanmoins, il priait beaucoup, s'imposait des pnitences et d'autres lionnes uvres pour cet ami dont le souvenir lui tait toujours bien cher. Un matin, qu'il mditait dans une chapelle, il vit tout--eoup paratre devant lui son cher dfunt qui, le regardant d'un air triste, lui reproche d'avoir t infidle sa parole, la promessp sacre d'un amil I bienheureux cherche s'excuser de son oubli involontaire, allguant les prires, les pnitences qu'il offrait continuellement Dieu en sa faveur: Ohl non mon frre ! oh ! non, reprit l'me souffrante, tout cela ae me suiQt pas, c'est le sang de Jsus-Christ, offert ians le saint sacrifice la Justice divine, qu'il faut pour teindre les flammes dont je suis consum. Jo
Vous demande tes messes, toutes les messes promises; me refuseriez-vous cette justice? Henri se hta d e rpondre qu'il dirait les messes, qu'il en dirait encore plus qu'il n'en avait promis. Sans dlai, et pendant plusieurs jours, tous les religieux s'unirent a lui et offrirent le prcieux sang du Sauveur pour la dlivrance de cette chre me. Le dfunt revint bientt aprs, mais cette fois, le front brillant de joie et environn d'une vive et p u r e lumire. Il rendit d'affectueuses actions de grces son bienfaiteur, baisa une dernire fois cette poitrine marque du nom de Jsus, et s'leva triomphalement dans le ciel pour y contempler jamais celui qu'il avait ador sous les voiles eucharistiques, et dont le sang venait de lui ouvrir les portes ternelles.
(V. Ferdinand de Castille, Uiuor. S. Domiuici. pp., 1. 2, C l . )
XXXV MERVILLE.
II vaut mieux mourir avec la certitude d'aller en purgatoire que de vivre en danger de pcher.
Elegerunl inagis mri quum infringere legem Dei: Ils ont mieux aini mourir que de violer la loi de Dieu. (iAfor/i. I, 63.)
Le fait que nous allons rapporter dmontrera combien il est prfrable de souffrir dans le purgatoire, plutt que de vivre ici-bas en danger d'offenser Dieu.
cause. Le troisime jour il c lbra M l e a t ^ f i t o e n t l e saint saorifice cette intention; nsuite vavW d e s habits pontificaux, accompagn de son clerg et d'une foule de peuple, il se rendit prooessionAeltafrBnt a u cimetire. Arriv prs de la tombe o Pierre tait enseveli depuis si longtemps, le saint ordonna d'ter la pierre Bpulcrale, et d e creuser jusqu'au cadavre; ce n'tait plus q u e des ossements arides. Alors l'voque s'agenouille, lve au ciel des yeux remplis de larmes, prie pour l'me d u dfunt et supplie le Seigneur de confondre l'imposture e t l'iniquit; puis, touchant de son bton pastoral ces restes inanims, il leur d i t comme autrefois le pPo* phte Esohiel: Ossements desschs, coutez i* y * roh du Seigneur. Et il commanda ce mort, au U O t t t d u Pore, du Fils et du Saint-Esprit, de se lever et cts Venir avec lui rendre tmoignage la vrit. O mfrfr* clet aussitt les os s'agitent, la poussire se changett chair, le mort se dresse sur ses pieds, sort Au spulcre, s'avance au-devant du saint voque qui hj cou* duit d'abord l'glise pour remercier Dre, ensuite au tribunal pour rendre tmoignage la vrit. Le roi s'y trouve,prcisment, environn des grands et d e tous les magistrats. On lui annonce que Stanislas vient processionnellenient avec son clerg et Pierre ressircit. Le prince n'en veut rien croire. Mais voici q u e le prlat entre dans la salle, s'avance en face du trne et parle au roi en ces termes: Sire, voil l'homme qui m'a vendu cette proprit, le voil plein de vie interrogez-le, il vous dira lui-mme si j ' a i rellement
Hti* triomphedes*
-136pay le bien qu'il m' vendu pour mon glise; l'hom me est ctMttou, son spulcre est ouvert, Dieu l'a ressus* cit pour confirmer la vrit; sa dposition vaudra donc plus que la ngation des autres tmoins, et q u e toutes les critures possibles. Pierre alors, d'une voix forte et distincte, atteste qu'il a reu le prix entier de la terre vendue, et que ses trois neveux, Pierre, Jacques et Stanislas, n'ont aucun droit de la rclamer; puis se tournant vers ceux-ci, il les menace d'une mort malheureuse, et leur annonce qu'ils comparatront bientt devant le tribunal de l'ternel Juge, s'ils ne se dsistent de leur inique prtention. Toute l'assistance, les hritiers, les juges et le roi restrent atterrs et confondus ces paroles; ils n'osrent rpliquer un seul mot, et le monarque fut forc de rendre une nouvelle sentonce en faveur de Hvque. Aprs ce glorieux triomphe de la justice, Stanislas dit au ressuscit que, s'il dsirait vivre encore quelques annes, il lui obtiendrait cette grce; mais celuici rpondit qu'il prfrait rentrer dans sou spulcre, et mourir une seconde fois plutt que de rester dans Une vie si misrable et si prilleuse; il assura nanmoins qu'il tait encore dans le purgatoire, et qu'il lui restait quelque temps souffrir pour se purifier de ses fautes; mais que dans l'assurance o il tait 4 e son salut, il aimait mieux endurer les cruels supplices auquels il allait tre rendu, que de s'exposer ici-bas offenser Dieu et a perdre son me. Il ajouta que l'unique grce qu'il dsirait de lui, c'tait qu'il
12t$ supplit la divine Misricorde d'abrger le temps de son triste exil, et de le recevoir bientt au nombre des lus. L'vque le lui promit, puis l'accompagna BU cimetire avec son clerg et une foule innombrable. Arriv prs de la tombe, il rcite pour lui les prires de la recommandation de l'me et des funrailles. Ensuite Pierre se recommande aux prires de tous les assistants, descend dans son spulcre, et s'y couche pour ne se relever qu'au grand jour de la rsurrection. A l'instant, ses os se sparent, sa chair redevient poussire; il tait mort pour vivre ternellement avec Dieu. C'est une pieuse croyance dans le pays, que saint Stanislas obtint promptement la dlivrance de cette me. Puissent ces dernires paroles du ressuscit, nous inspirer une sainte dfiance de nous-mmes. Ah ! si une me qui a dj comparu devant le Tribunal suprme, qui Dieu a donn une connaissance parfaite d e l'horreur de l'enfer, de la flicit des cieux, et que le purgatoire a purifi durant trois annes, redoute encore les sductions de la vie, que ne devons-nous pascraindre, nous, pauvres passagers, sans exprience, au milieu de tous les dangers qui nous environnent. Armons-nous donc du bouclier de la prire et de la vigilance, et ne disons pas: Le ciel esta nous, avant de l'avoir conquis.
( Laurent Surius, ViV des saints et de plus les Acta Sanct.wum de* Bollandistes, T mai, Vie da saint Stanislas. )
XXXVI MERVEILLE. Les justes eux-mmes ne sont pas irrprhensibles devant la justice de Dieu.
Non ju&lificabinir in conspectu luo omnis vivens: Aucun homme n'est juste devant vous (Ps. CXLII, s.)
Le livre de l'Ecclsiastique compare le juste au soleil : 11 brille comme le soleil, dit-il. Mais dans cet astre si radieux on dcouvre des taches, et dans les plus grands saints, Dieu dcouvre des imperfections. Quel est l'homme si parfait, qui, ayant toujours les yeux levs vers le ciel, ne touche en mme temps la terre de ses pieds? Et de mme que l'or est jet dans le creuset pour tre purih, de niiiie, le juste sera jet dans ics flammes du purgatoire afin de devenir parfaitement pur. Danslecouvent des Frres-Mineurs de Paris, mourut un religieux que son minente pit avait fait surnommer l'Anglique', et c'tait vraiment un ange de perfection dans une chair mortelle. 11 y avait parmi ses confrres, un professeur de Thologie, lequel n'avait pas rempli son gard, la rgle commune de dire trois messes pour chaque religieux qui mourait dans le couvent. Ce n'tait pas qu'il ignort cette obligation, mais il lui semblait inutile d'intercder pour une me dont la vie avait t si difiante, et qu'il croyait dj leve au plus haut degr de la
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gloire. Mais un matin, qu'il se promenait dans les alles du jardin, tout absorb dans ses mditations thologiques, il vit apparatre le dfunt qui lui dit d'un ton attendrissant: Bon matre, de grce, ayez piti de moi. Surpris de cette apparition et d e cette demande, il rpondit: Ame sainte, quel besoin avezvous de mon secours? Je suis retenu dans les flammes du purgatoire, reprit le dfunt, parce que vous avez nglig de clbrer les trois messes de rgle: si vous remplissez votre obligation, immdiatement, je serai dlivr et introduit dans la Jrusalem cleste. Ah! rpondit le religieux, je l'aurais fait avec bonheur, si j'avais pu penser que ces messes vous fussent ncessaires mais en songeant la vie si sainte que vous avez mene au milieu de nous, je croyais que vous tiez depuis votre mort en possession de la gloire ternelle. N'avez-vous pas observ toutes les rijuieurs de la rgle? les jenes frquents, la pauvret parfaite, l'exactitude assister au chur le jour et la nuit? y avait-il un seul point auquel vous ne fussiez scrupuleusement lidle? tout cela, n'avez vous pas ajout de nouveaux jenes, de nouvelles veilles, et plusieurs autres mortifications? Comment aurais-je pu me persuader que toutes ces saintes uvres n'taient pas plus que suffisantes pour effacer les tches de votre me, si toutefois il lui en restait encore! Hlas! dit le dfunt, personne ne croit, personne ne comprend avec quelle svrit Dieu juge et punit sa crature. Les deux mimes ne sont
pus exempts d'imperferthms dernitt lui. (Job XV, 15.)
expie dans le purgatoire; elle veut qu'on luirtnde compte jmquau dernitr denier. (Math. V.) Si avec toute votre aoienoe vous aviez compris la saintet de Dieu et sa justice vous n'auriez jamais pens que je n'avais pas besoin de secours. Ds que l'me et disparu, le thologien courut la sacristie pour revtir les ornemente sacerdotaux, et esbra pendant trois jours le saint sacrifice avec une ferveur extraordinaire pour la dlivrance du dfunt. LB troisime jour, il lui fut rvl que cette me sais te S'envolait au ciel. Cette vision fit sur le religieux une impression profimde: ds lors il mit plus de soin perfectionner chacune de ses actions, et demeura convaincu que la pra* tique de la perfection est plus ncessaire au salut que les hautes spculations de la science.
(Y. Fr. Marc, Chroniques dit trrm-Mnmitt, V part. liv. iv,ch. 7.)
XXXVII MERVEILLE.
U ne faut pas croire qu'il n'y ait que les grandes fait 1*8 dj remises par la pnitence qui mritent les peine?
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du purgatoire, car les moindres imperfections seront purifies par le feu, selon la parole de Malachie: Le Seigneur purifiera les enfants de Lvi, c'est--dire les justes, et il les passera au creuset comme l'or. Nous en lisons un exemple dans la vie de saint Sverin, archevque d e Cologne. Ce prlat tait parvenu une saintet minente, et le don des miracles dont il fut investi, l'avait rendu l'objet de l'admiration des peuples. Peu de temps aprs sa mort, il apparut un chanoine de sa cathdrale, un jour que ce prtre traversait un petit bras du Rhin. Etonn de voir le saint archevque sous l'aspect de la souffrance, il lui demanda ce qu'il faisait dans ce lieu, et pourquoi la couronne de gloire ne ceignait pas encore son front: Si vous dsirez le savoir, rpondit le dfunt, donnez-moi votre main. Et, lui prenant la main droite, il la plongea lgrement dans l'lment mystrieux qui le consumait, O prodige! cette main quoique retire aussitt, fut brle si profondment, que les chairs s'en allaient en lambeaux et les articulations taient presque disjointes. Le chanoine, dont l'tonnement galait la souffrance, s'cria: O Pre saint, vous dont les vertus furent si parfaites, vous dont le nom glorieux est l'objet de notre vnration, comment tes-vous condamn une aussi horrible peine? Je souffre, rpondit l'vque, pour avoir rcit trop la hte, et d'une manire distraite, les heures canoniales. Les affaires dont je m'tais laiss surcharger la cour de l'empereur ont t la cause de ces manquements. Oui, c'est pour ces fautes que j ' e n d u r e
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cette ardeur dvorante dont je vous ai donn une faible ide. Mais je compatis votre souffrance; prions humblement tous les deux la divine Clmence de rtablir votre main dans son premier tat. La prire tait peine acheve, que le chanoine fut parfaitement guri. Maintenant que vous tes libre, ajouta l'vque, songez ma dlivrance; allez trouver les prtres de mon Eglise de Cologne et les autres personnes connues par leur pit sincre; suppliez-les de prsenter Dieu pour moi de ferventes supplications, de distribuer des aumnes, ah! surtout qu'on clbre le saint sacrifice! Si l'on exerce envers moi ces uvres de charit, je serai dli de mes chanes, et j'irai rejoindre les bienheureux du ciel. Une peine non moins rigoureuse fut inflige Durand, abb d'un monastre, puis vque de Voulouse. Alors qu'il n'tait que simple moine, il lui arrivait souvent, bien qu'il fut sincrement vertueux, de dire des paroles trop factieuses et trop mondaines, qui rpandaient l'esprit de dissipation dans le monastre. Hugues, son abb, lui fit ce sujet de justes admonitions, lui rappelant que les lvres d'un prtre doivent tre prudentes selon ces paroles de l'Ecriture: Les
lvres du prtre seront les di'jiositaires de la science; et c'est de sa bouche que l'on recherchera la connaissance de la loi.
Il l'avertit mme que Dieu le chtierait svrement dans le purgatoire, s'il ne se corrigeait pas. Mais Durand ne sut pas triompher de ce dfaut, et lorsqu'il fut ('"lev l'piscopat, bien des d i s encore, on lui entendit faire des plaisanteries burlesques, et d'autant plus
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dplaces qu'elles sortaient de la bouche d'un vque. Ce prlat tant venu mourir, se lit voir au Pre Sguin, son intime ami. Il avait la bouche tout ulcre et la langue tout en feu. D'une voix gmissante, il le conjura d'aller supplier l'abb dont il avait nglig les sages avis, de vouloir bien le secourir par ses suffrages. Au rcit de cette apparition, Hugues, mu d'une piti toute paternelle, convoque ses religieux, raconte la vision et leur enjoint de garder pendant toute une semaine un silence perptuel, afin d'apporter un remde aux cuisantes douleurs que le dfunt endurait pour son excs de loquacit, gurissant ainsi les contraires par les contraires. Mais il arriva qu'un des moines parla un peu, et le prlat apparut de nouveau, se plaignant avec amertume de cette infraction. 11 fallut donc recommencer une autre semaine de silence et de prires. Au bout de ce temps, le dfunt apparut encore l'abb; mais cette fois revtu des vtements pontificaux et tout rayonnant de joie et de splendeur. Il rendit d'affectueuses actions de grces au monastre qui l'avait si charitablement secouru, puis il s'leva vers les cieux pour glorifier jamais la divine Misricorde.
(V. Vincent de Beauvais, Specul, hist., liv. XXVI. ch. S; Alexandre Sgala, Triumph. animarum, 2 part. ch. 17. )
e
Ce que Pline dit rie la rose, qu'elle a reu de la nature non-seulement le privilge de nous charmer par sa beaut et ses parfums, mais encore de nous gurir, peut s'appliquer la dvotion du rosaire, car en mme temps qu'elle rjouit les mes voues au culte de Marie lie leur procure des grces abondantes. En voici une preuve admirable: Dans le royaume d'Aragon, une jeune fille de haute naissance, vivement impressionne par les prdications de saint Dominique, s'tait fait recevoir de la confrrie du Rosaire. Mais, tout adonne aux vanits du monde, elle oubliait souvent la rcitation de son chapelet, prfrant passer des heures entires devant son miroir, plutt que de prier. Son extraordinaire beaut lui attira une foule de prtendants de la prBire noblesse. Le dsir de l'obtenir pour pouse, suscita parmi ces |eunes gens de grandes rivalits. Deux surtout, de familles illustres, se signalrent par leur jalousie et leurs Contestations. Us en vinrent mme se dfier en duel.
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Au jour marqu, les deux champions bards de fer et arms, chacun d'une longue lance, entrrent en lice, en prsence de la jeune fille qui devait elle-mme, comme dans un tournoi, proclamer le vainqueur. Au signal donn, ils fondirent l'un sur l'autre avec tant de fureur qu'ils tombrent tous deux blesss mortellement. Quelques minutes aprs ils taient entrs dans leur ternit... Lorsque les parents des jeunes seigneurs apprirent cette triste nouvelle, leur douleur et leur indignation furent si grandes, que, oubliant les lois divines et humaines, ils se saisirent de la malheureuse Alexandra et la frapprent jusqu' la laisser expirante. Baigne dans son sang, l'infortune demanda grce, et supplia de la laisser au moins se confesser avant de mourir Cette demande qui aurait d exciter leur piti, enflamma encore leur courroux; ces forcens se prcipitrent sur elle et lui tranchrent la tte d'un coup de sabre. Puis, pour cacher leur crime aux yeux de la justice, ils jetrent le cadavre de leur victime dans un puits profond. Mais la Mre de misricorde qui n'avait pas oublie les quelques hommages que lui avait rendus la malheureuse Alexandra, rvla l'horrible vnement ,i saint Dominique qui demeurait dans une autre ville. Le saint, malgr son zle et sa compassion, ne put se rendre o la sainte Vierge l'appelait qu'au bout de quelques jours. Arriv au bord du puits, le serviteur de Dieu dit d'une voix forte; Alexandra! Alexandra!O prodige! A cet appel, la tete dcapite, et encore
toute sanglante, s'Jve du puits avec le buste auquel elle s'uait. Alexandra ressuscite, se jette aux pieds du saint et lui demande la confession. SaintDominique reoit l'aveu de ses fautes; l'absout et lui donne la sainte communion. Elle lui rendit d'affectueuses actions de grces de ce qu'il l'avait reue du Rosaire qui lui avait obtenu de la Reine des cieux de si grands bienfaits. L'heureuse ressuscite vcut encore deux jours qu'elle consacra, soit dire les chapelets qui lui avaient t donns pour pnitence, soit recommander la dvotion du Rosaire la foule immense accourue pour la voir. Interroge par le saint patriarche sur ce qui lui tait arriv aprs sa mort, elle raconta trois choses mmorable. La premire, que par les mrites de la confrrie du Rosaire, elle avait eu au moment d'expirer, la grce do la contrition, sans laquelle elle et t damne; la seconde, qu'au moment o on lui tranchait la tte, elle s'tait trouve assaillie par une troupe de dmons qui voulaient l'entraner dans l'abme, mais que la sainte Vierge tait accourue pour la dfendre, et la dlivrer; la troisime, qu'elle tait condamne deux cents ans de purgatoire pour avoir caus Ja mort des deux jeunes gens; en outre, qu'en expiation de sa Vanit et de ses parures immodestes, qui avaient t pour beaucoup une occasion de pch, elle avait endurer cinq cents autres annes de purgatoire; mais qu'elle esprait que par les mrites et l'intercession des membres de la confrrie, elle serait promptement dlivre. Lorsque Alexandra eut achev son rcit, elle
*'endormit paisiblement dans le Seigneur, et on lui fit des funrailles solennelles. Saint Dominique et tous les confrres, offrirent Dieu tant d'oraisons, de pnitences et d'aumnes pour dlivrer cette me, que bientt, on obtint la grce espre. Quinze jours s'taient couls, lorsque tout-a-coup le saint patriarche vit apparatre la dfunte plus resplendissante que l'toile matinire. Elle supplia saint Dominique de rendre de cordials remerclments ses bienfaiteurs; puis elle ajouta qu'elle venait, embassadrice des mes du purgatoire, le prier qu'il prcht et tendit la dvotion du Rosaire; que, spcialement, il exhortt les confrres appliquer ces mes leurs bonnes uvres et les riches indulgences qu'ils possdaient, promettant qu'elles aussi dans le ciel, leur obtiendraient mille bndictions. Les anges, ajouta-t-elle se rjouissent de la dvotion du Rosaire, et leur glorieuse Reine se dclare la bienfaisante mre de tous ceux qui l'honorent par la rcitation de cette prire. Puis, cette me bienheureuse s'envola au sjour des ternelles flicits.
(V. Alain Durocher (De Rupe), Ptalterium, 5 p., ch. ?2; usbe Nuremberg, Trophat. Uarian., liv. iv. ch. 29. )
Autrefois, le Seigneur pour rcompenser la fidlit des trois enfants de Babyloue, changea en une douce rose les flammes de la fournaise. Et de nos jours, par un prodige tout oppos, il convertit une fontaine frache et limpide en une vritable fournaise, pour punir une infidlit qui avait bless son divin coeur. On lit dans la vie des hommes illustres de l'ordre des Cisterciens, qu'un abb d'une minente pit portait nanmoins une affection trop partiale un neveu qu'il avait lev lui-mme dans le monastre, et form de bonne heure l'observance de la rgle. Aprs un long gouvernement, comme il touchait au terme de sa vie, les moines qui l'aimaient cause de ses bonnes qualits, lui laissrent le choix d'un successeur. L'abb, qui tant de fois avait donn des preuves de sa prudence et de son dsintressement, couta dans cette circonstance la voix de la nature, et nomma son neveu qui tait tout jeune encore, mais cependant, mr en vertus- Puis le bon vieillard passa
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l'autre vie, et Dieu l'envoya en purgatoire expier son amiti trop humaine Pendant sa vie, il avait l'habitude de prendre sa rcration dans u n jardin fleuri, plein d'ombre et de fracheur, o coulait une source limpide. C'tait l surtout qu'il aimait se reposer de ses longues fatigues, et des soucis qu'entrane aprs soi le gouvernement d'une abbaye Le neveu, l'imitation de son oncle, visitait souvent cette douce retraite. Un jour, qu'il tait assis auprs de la fontaine, il en entendit sortir une voix plaintive qui disait: Hlas! hlas! Le jeune abb troubl dprime abord, reprit courage, et conjura cet tre mystrieux qui gmissait, de se manifester. Un profond soupir se fit entendre, et la mme voix dit encore Hlas ! je suis l'me de l'ancien abb, votre oncle; un eu dvorant me consume dans le sein de l'onde mme. Le juste Juge en a ordonn ainsi, pour me punir de n'avoir cout que mon cur, dans l'lection de mon successeur. Cette vision remplit de tristesse l'me du jeune atib, et immdiatement, il renona la supriorit pour mener une vie cache en Dieu. Il passait ses jours, dans l'exercice d e la pnitence et d e l'oraison, afin de dlivrer son oncle chti cause rie lui. Il ne cessa d'offrir des suffrages, que lorsqu'il e u t acquis la certitude que l'me du dfunt tait entre dans l'ternel repos.
( V. le fr. Alexis Sgala, Trimnph. animarum, i part., ch. 16, ex. 3; le P. Martin de Roa, De Statu animarum, ch. i. )
Ses ennemis ont t repousss par la crainte qu'il leur inspirait. ( IHach. lu, tf.) Dans l'ancienne Loi, le va i liant Judas Machabe mrita par sa confiance en Dieu d'avoir l'anne du ciel pour le dfendre contre ses ennemis. Pareillement dans la loi nouvelle, bien des fois, des dfenseurs invisibles ont protg les faibles contre les attaques de l'ennemi. JBn voici un exemple. Il y avait un soldat plein de Vaillance et de vertus, qui se fiait plus dans la force de Dieu que dans celle de ses armes. Sa confiance lui valut d'avoir les mes du purgatoire pour protectrices. Parmi ses uvres de pit, iJ s'tait fait une loi de ne jamais passer par un cimetire ou devant une glise sans s'arrter quelques instants prier pour les morts qui y reposaient. Or, un jour qu'il se promenait seul et sans armes, il fut observ par des ennemis qui l'piaient pour lui oter la vie. Le bon soldat, dans le pril qui le menace, s'enfuit toute vitesse, et rencontrant un cimetire sur sa route, il le traverse sans savoir seulement dans quel lieu if se trouve; mais s'.ipercevant tout--coup qu'il est dans la demeure des morts, le voil dans une grande perplexit: fuirat-il? ou s'arrtera-t-il pour prier? Sa pit l'emporte
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sur la crainte, et il dit dans son cur: Que j e perde la vie plutt que de manquer ma rsolution de soulager les mes. Le Dieu Tout-Puissant pourra bien me faire un bouclier contre les armes de mes enrags ennemis. E t il se mit genoux pour rciter un De profundis. Ceux qui le poursuivaient, entrrent dans le cimetire; dj leurs pes taient leves, pour le frapper mais le voyant clou comme une statue, ils s ' i m a g i n r e n t q u e l a c r a i n t e d e l a m o r t l u i a v a i t comme enlev l'usage des sens, et ils se regardaient l'un l'autre. Enfin ils allaient le tuer. Maisquei ne fut pas leur effroi, de le voir entour toul--coup d'un essaim d'hommes arms! Contraints d'abandonner leur projet homicide, les assassins, tremblant pour leur propre vie, s'enfuireut toutes jambes. Par une permission du Ciel, le pieux soldat ne s'tait aperu ni du seeoursnidu pril. Lorsqu'il eut achev sa prire, il leva les yeux, et ne voyant personne, il se remit en route en bnissant Dieu. Quelque temps aprs, des amis communs mnagrent une rconciliation. Lorsque la paix fut faite, les deux anciens ennemis demandrent au pieux soldat quelle cau.-e l'avait rendu immobile dans le cimetire lorsque les pes se levaient contre lui, et quelle tait cette troupe d'hommes arms q u i , soudain l'avait environn. Les questions et les rponses mutuelles fi l'eut connatre que les mes du purgatoire taient intervenues. Le bruit de cet admirable, vnement se rpandit dans tout le pays; il excita dans bien des curs, dit
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l'historien, un zle ardent en faveur des Ames souffrantes, toujours si promptes secourir ceux qui les soulagent par leurs bonnes uvres.
fV. Alex. Sgala, Triumph. animarum, f P., Hittoria viorum illuster. Cisterciens, ex. i. )
La vritable charit est tout esprit, tout industrie, pour trouver les moyens de subvenir l'indigence du prochain, spcialement celle des mes souffrantes Nous en voyons un bel exemple dans la grande servante de Dieu, sur Marie Villani, de l'ordre do SaintDominique. Elle s'tudiait nuit et jour inventer des uvres satisfacloires pour le soulagement des dfunts. Dans cette intention, une veille d'Epiphanie, elle s'tait adonne de plus grandes oraisons, et avait offert Dieu les cruels tourments de la passion du Sauveur, mditant sur chaque dtail, chaque douleur, chaque instrument. La nuit suivante. Jsus lui lit connatre combiencetle mditation lui avait l agrable. Pendant son oraison, elle tomba en extase et vit
une longue procession de personnes vtues de manteaux splendides, d'une clatante blancheur, chacune portait un insigne de la passion: celle-ci, les cordes; celle-l, les fouets; une troisime, la colonne: d'autres enfin les pines, la croix, les clous, la lance. Une vierge portant une palme, prcdait le cortge. On s'arrta devant un autel magnifique. L, toutes dposrent leurs emblmes de douleur, et reurent en change, des mains d'un roi, une riche couronne d'or, et chaque personne venait, rayonnante de joie, remercier la vierge qui les avait accompagnes. Cette vision lui fut explique. Ces personnages mystrieux taient les mes du purgatoire; les signes sacrs qu'elles portaient, signifiaient qu'elles avaient t dlivres de leurs peines par les mrites de la divine Passion; cette vierge qui les prcdait, tenant une palme la main, c'tait Marie Villani elle-mme dont les suffrages avaient procur aux mes souffrantes leur dlivrance et la couronne de gloire. Le jour de la fte des morts, on lui ordonna de continuer la composition d'un ouvrage qu'elle avait entrepris sous le titre De tribus divbiis flammis; elle s'en excusa parce qu'elle dsirait passer tout ce jour enoraisons, pnitences et autres bonnes uvres pour le soulagement des mes du purgatoire. Mais le Sauveur lui apparut et lui ordonna d'crire, et pour l'encourager, il lui promit de dlivrer autant d'mes qu'elle crirait de lignes dans le courant du jour. La charitable religieuse, enchante de cette librale promesse, se mit au travail, avec une admirable ardeur.
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Le dmon, jaloux du bonheur qu'elle procurait aux mes, mit tout en uvre pour interrompre son travail; il alla mme jusqu' se transformer en oiseau noir et difforme, essayant de la fatiguer par un vol continuel: tantt il s'efforait de la frapper avec ses ailes, tantt il se lanait sur son visage. Mais la sainte religieuse connaissant que c'tait l'esprit malin, s'en moqua, et crivit encore avec plus de vitesse, tellement, qu' la fin de la journe, son ouvrage tait termin. Mais pendant quatre jours elle fut prise de douleurs violentes, et ne put pas mme remuer un seul doigt de la main: on aurait dit qu'une partie des tourments dont elle avait dlivr les mes, lui avait t rserve pour satisfaire la divine Justice. Sa grande charit ne connaissait pas de bornes, aussi passa-t-elle outre, au point de vouloir assumer sur elle-mme les tourments des mes dont elle demandait la dlivrance. En voici un exemple. Un jour qu'elle priait dans la mme intention, elle fut ravie en esprit et conduite au purgatoire. Parmi la triste multitude qui peuplait ce lieu, elle aperut une me plus tourmente que les autres; des flammes horribles l'enveloppaient des pieds la tte. La servante de Dieu lui demanda pourquoi elle tait ainsi punie, et si jamais elle n'prouvait de soulagement: Je suis ici depuis longtemps, rpondit cette infortune, j'endure des peines atroces pour mes vanits et mes parures immodestes! et jusqu' cette heure, je n'ai pas obtenu le moindre rafrachissement; le juste Juge a permis que je fusse oublie de mes parents, de mes
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enfants et de mes amis, iis ne font jamais pour moi la moindre prire. Quand j'tais sur la terre j'tais tout adonne aux pompes et aux vanits du sicle, et dans l'entranement des plaisirs et des ftes, j'oubliais pour insi dire Dieu et mon me; peine trouvais-joie temps de faire de loin en loin quelque acte de dvotion; mais en revanche je songeais accrotre mes richesses, hlas! pour des ingrats! A ce rcit, le cur de la sainte fut vivement mu; elle pria cette me de lui faire connatre quelque chose de ce qu'elle endurait. Alors, l'me s'approche, et. de l'extrmit du doigt, lui touche lgrement lu front. Ce contact fit prouver Marie Villani une douleur de brlure si violente, qu' l'instant mme, elle sortit de son extase. Pendant deux mois elle conserva au front une plaie extrmement douloureuse; et avec cela, notre sainte offrait encore d'autres pnitences pour dlivrercette me malheureuse. Enfin, elle lui apparut en songe pour lui annoncer qu'elle s'envolait aux joies du paradis. Ds ce moment cette charitable vierge ne ressentit plus aucune souffrance, et la trace de feu avait disparu de son visage, au grand tonnement des religieuses qui n'avaient nulle connaissance du dernier trait que nous venons de rapporter.
( V. Yila Maria: Villani, par le P. Domin. Marclu, L II, S. )
propitiatio:
(Eccli.
Parmi les nombreux prodiges arrivs pendant le chant de l'office de Requiem autour des cercueils des m o r t s , on en cite un trs-frappant arriv Mantoue dans un monastre de Saint-Vincent, en prsence des religieuses rassembles. Une sur nomme Paule, de l'ordre de Saint-Dominique, aprs une vie sanctifie par la pratique des plus grandes v ertus, revint de l'autre monde, nous prouver que l a m e la plus parfaite n'est pas sans tache devant les yeux trs-purs de l'ternel Juge. Le corps de la dfunte avait t transport au milieu du choeur selon l'usage; toutes les religieuses, formant une couronne autour du cercueil, chantaient pieusement les psaumes consacrs aux morts. La bienheureuse Etiennette Quinzana, remarquable par sa belle intelligence et par les faveurs clestes dont Dieu la comblait, fut exhorte spcialement offrir de ferventes prires pour la dlivrance de cette me, d'autant plus que ces deux saintes religieuses avaient eu
146 ensemble d'intimes communications spirituelles. Etiennette donc, mue par un sentiment de profonde affection, s'approche de la bire, les mains jointes, et prie avec une grande ferveur. Tout--coup la morte laisse tomber de ses doigts glacs le petit crucifix qu'elle tenait, tend sa main gauche, saisit la main droite de son amie, et la serre si troitement qu'aucun effort ne la lui peut arracher. A un tel prodige, les religieuses demeurent atterres. Les deux mains restrent entrelaces une heure entire; on essaya vainement de les dlier. Alors intervint le suprieur. Il commanda la dfunte, au nom de la sainte obissance, de laisser promplenient la main de la sur Quinzana. A l'instant mme, Paule retira sa main.Exemple admirable d'obissance qui enseigne loquemment aux vierges consacres, de quelle manire elle,s doivent recevoir et eveeuter les commandements des suprieurs. Etiennette comprit parfaitement ce que signifiait ce serrement de main; mais comment le comprit-elle? La dfunte lui avait-elle parl en ralit, ou bien par une. voix intrieure? L'historien ne le spcifie pas, seulement il affirme qu'Etiennette a reu de la dfunte cette supplication. Secourez-moi, o Etiennettel secoures-moi dans les supplices o je me trouve. Si vous saviez, combien sont terribles, au moment de la mort, les a--* mis des ennemis invisibles! Oh ! vous ne pouvez comprendre combien le Sauveur compatissant devient un jii'je s ej e iursqu'une me comparait son tribunal suprme! Quel examen terrible! et pour les fautes meute les plus lgres, quels supplices inexplicables
dans aucune langue humaine. Si vous saviez combien je souffre ,pour ces fautes dont on ne tient aucun compte dans la vie! 0 Etiennette, des oraisons, des jenes, des pnitences pour votre bien-aime sur Paula. La servante de Dieu, mue par ces touchantes plaintes, s'adonna toutes sortes d'oeuvres satisfactoires, et ne cessa point qu'elle n'et acquis la certitude, qu'en vertu de ses suffrages, l'me de son amie, affranchie de ses liens, s'tait envole dans le sein de l'ternelle batitude.
(V. Franc. Sephizzus, Vila B. Stephanc, p. UO; J.-B Manni, Trig, dise, vi, n. 27.)
XLIII MERVEILLE.
Plusieurs historiens ont rapport l'assistance merveilleuse dont les saintes mes du purgatoire favorirent Christophe Sandoval, archevque de Sville. Quand il n'tait encore qu'un enfant, il distribuait aux pauvres une partie de l'argent destin ses menus plairs; parvenu l'adolescence, il s'appliqua aussi au soulagement des dfunts, et donnait pour eux
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ce dont il pouvait disposer, mme jusqu' se rduire la ncessit. Lorsqu'il tait tudiant l'universit de Louvain, jl arriva un jour que les lettres de change qu'il a tien* dait d'Espagne, ayant tard, il se trouva rduit une telle extrmit, qu'il ne lui restait pas mme de quoi prendre un repas. L'heure du dner tait passe depuis longtemps, et Sandoval tait jeun. Par surcrot, un pauvre vint lui demander l'aumne pour l'amour des mes du purgatoire; refuser la charit, surtout lorsqu'il s'agissait des dfunts, c'tait pour lui une peine bien amre. Aussi pour consoler sa tristesse, il entra dans une glise, et tout extnu qu'il tait, il se mit prier pour les mes, ne pouvant pas autrement les secourir. Il n'avait pas fini sa prire, qu'il vit venir lui un beau jeune homme, en habit de vovage, qui lui fit un salut gracieux et plein de respect. Christophe, cette v u e , resta tout interdit, un frisson indfinissable parcourut tous ses membres; cependant il se rassura, quand l'tranger, d'une voix pleine de douceur, lui donna des nouvelles du marquis de Dania son pre, ainsi que de ses parents et de ses amis, absolument, comme s'il arrivait l'heure mme de l'Espagne. Notre tudiant tait enchant de cette rencontre; mais il le fut bien davantage lorsqu'il entendit l'tranger, le prier trs-gracieusement de venir dner avec lui son htel : pour un estomac vide l'occasion tait belle, aussi Christophe ne se fit pas renouveler l'invitation, et voil nos deux jeunes gens table avec le meilleur
apptit du monde, causant a\ec une familiarit charmante, comme s'ils s'taient toujours connus. A la fin du souper, le jeune tranger mit dans la main de l'tudiant une grosse pile d'cus avec la libert d'en disposer son gr, ajoutant qu'il se fera rembourser cette somme quand il voudra, par le marquis de Dania. Puis prtextant quelques affaires, il prit cong du jeune homme. Quelques recherches que fit Sandoval, soit Louvain, soit dans sa patrie, il n'et jamais aucune-indice de cet inconnu; jamais l'argent ne fut rclam la feinille. et chose singulire, cette somme suffit ses dpenses jusqu'au jour o lui arriva d'Espagne, l'argent qu'il attendait. Aussi demeura-t-il persuad que c'tait une me du purgatoire qui. sous l'apparence d'un tranger, tait venue le secourir en reconnaissance de ses suffrages. Lorsque Sandoval se rendit Rome, lors de sa promotion l'piscopat, il raconta en secret Clment VIII. ce miraculeux et providentiel vnement: le Souverain Pontife lui ordonna de le publier afin d'exciter es fidles secourir les dfunts. Christophe, quoique trs-humble, y consentit dans l'intrt des mes d purgatoire. 11 s'effora de rpandre cette dvotion non seulement jusqu'aux confins de son diocse, mais encore dans toute l'Espagne. Pour ces pauvres exiles Tjue leurs dettes retiennent captives loin de la sainte patrie, Christophe Sandoval fut anim jusqu' sa dernire heure de la plus tendre coniDassion et du zle le plus infatigable.
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De l, on peut conclure avec certitude que, dans le cours de sa longue existence, ce saint archevque a envoy au ciel un grand nombre d'mes, et qu'il s'est acquis lui-mme une belle couronne.
(V. P, Martin de Roa, De Statu animar., c. xzi.)
Nous n'entrerons point dans des discussions thologiques pour dmontrer comment les vivants peuvent secourir les morts par le moyen de la sainte communion; on peut consulter les docteurs qui ont trajt ce sujet. Il nous suffit de rappeler que la sainte communion est l'acte le plus saint de la vie, que dans ce moment suprme o notre cur possde la source de la grce, le foyer des ardeurs divines, nous pouvons obtenir des faveurs sans nombre pour les vivants, comme pour les morts; en outre, les dispositions qui prcdent la rception de ce divin sacrement ainsi que celles qui suivent, peuvent s'appliquer aux mes du purgatoire et leur tre d'un grand secours; et puis de grandes indulgences sont souvent attaches la communion dans une circonstance dtermine, et
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chacun sait combien les indulgences sont profitable a u x dfunts. C'est d'aprs ces diverses considrations, que plusieurs interprtes appliquent la communion pour les dfunts, le conseil de Tobie: Mettez votre pain sur le tombeau du juste. Le vnrable Louis de Blois, dont la science galait la sagesse, rapporte qu'un de ses amis, dvot serviteur de Dieu, fut visit par une m> du purgatoire. Elle tait prive de la vision d e Dieu et gisait dans des flammes dvorantes pour tre A euue s'asseoir la table eucharistique avec un cur li> de el p e u prpar: Je vous supplie, dit-elle, ami bieu-aim, au n o m de la sainte affection qui lia nos deux curs, qu'il vous complaise de communier une fois pour moi avec une grande prparation et One grande ferveur; de cette action j'attends la dlivrance d e s ardeurs que j ' e n d u r e en punition de ma tideur et de mon indvotion envers la sainte Eucharistie. Ce fervent chrtien se rendit promptement au dsir de cette me; il se prpara la sainte communion avec la ferveur d'un ange, et pendant qu'il possdait dans son cur ce Dieu de misricorde infinie, il Je supplia d'ouvrir ' cette me amie les portes du cleste royaume. Aprs Faction de grecs, l'me du dfunt lui apparut de nouveau, mais pour le remercier. Revtue de la lu" mire immortelle, elle s'envola joyeuse aux rgions d u ciel, pour y contempler jamais l'inetfable Trinit. A l'enseignement que nous offre cet exemple, ajoutons l'exhortation de saint Bonaventure : Que la charit Vous porte communier, car il n'y a rien de plus
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152efficace pour le repos ternel des dfunts. Il arriva quelque chose de plus admirable encore la bienheureuse Jeanne de la <roix, religieuse de l'ordre de -Sain't^Pranois. Un jour, que la sainte tait ravie en Dieu, une religieuse entra dans sa cellule pour y prendre je ne sais quel objet; et pendant qu'elle remuait un meuble. Jeanne sortit de son extase: Retirez-vous, dit-elle, en se prcipitant vers sa compagne, faites bien attention de ne pas toucher l'objet qui est l sur ce linge blanc, car c'est la divine Hostie apporte ici par les anges. Comment cela peut il tre? demanda la religieuse tonne. Alors Jeanne lui raconta sous le sceau du secret, qu'un impie qui avait toujours vcu dans la disgrce de Dieu, tait mort ayant encore dans la bouche le saint viatique qu'il avait reu indignement. Les anges, ajouta-t-elle, pleins, de respect pour le Roi de gloire, ne purent souffrir qu'une si grande majest restt dans ce cadavre, dont l'me tait dj ensevelie au fond des enfers, Us tirrent donc le pain de vie de cette bouche impure et me l'apportrent; de plus, ils m'ont ordonn de communier a matine suivante, en faveur d'une Ame du purgatoire qui fut pendant sa vie une fervente adoratrice du divin Sacrement. Ce sont ces mmes anges qui m'ont tire de mon extase, pour que je vous avertisse de ne pas t o u c h e r a mi objet aussi saint. Ayant ainsi parl, pour obir aux esprits clestes, aprs s'tre bien dispose par des actes d'amour, elle se mit genoux, e l reut avec la plus grande pit, de la main mme d e l'ange, le pain
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de la vie ternelle. Puis il lui fut rvl que l'me pour laquelle elle venait de communier, montait au ciel recevoir la rcompense de son amour envers le divin Sacrement.
(V. Louis de Blois, Monile spirituate, ch. vi; Alex. Segala, Triumph. animai-., 2 part., ch. G, ex. 6; Vie de la bienh. Jeanne de la Croix, ch. vu.)
( Ps. xxu, S. )
Ayant dj parl de la sainte communion applique au soulagement des dfunts, nous ajoutons pour faire Suite au mme sujet, que, dans toutes les glises de a Compagnie de Jsus, on a la charitable coutume d consacrer chaque mois une communion la dlivrance des mes du purgatoire. Les saints docteurs voient un adriiira'ble symbole du divin Sacrement dans ce pasSage de l'Apocalypse reprsentant l'arbre de vie plant Su milieu du paradis terrestre, et qui donnait chaque! anne douze fruits, un par mois; ces feuilles mme taient htileS au Salut des nations: c'est l'interprtation de saint Thomas d'Aquin: De mme, dit-il, que
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la corruption et la mort nous sont venues d'une pourriture dfendue, c'est--dire du fruit de l'arbre de la science du bien et du mal, de mme aussi, la justification et la vie doivent commencer en nous par la nourriture de l'arbre de vie qui est le corps du Seigneur. Si donc l'Eucharistie est si bien reprsente par l'arbre de vie qui produisait un fruit chaque mois, on voit combien est convenable cette communion mensuelle en faveur des dfunts et laquelle est attache une indulgence plnire. Les mes dlivres par cet admirable suffrage, obtiennent de Dieu, des grces signales pour leurs bienfaiteurs; c'est ce que nous assure Adrien VI dans cette mmorable sentence: Quiconque prie pour les mes du purgatoire ( plus forte raison communie pour elles ) les oblige la reconnaissance et des services gaux. C'est pourquoi cette institution de communion gnrale est trs-agrable Dieu, et d'un prix immense pour les mes. Les saints docteurs nous l'affirment; et plusieurs apparitions miraculeuses nous le prouvent. J'en citerai une seule. L'archange saint Michel, principal protecteur de la sainte Eglise, et lieutenant du Seigneur, assista plusieurs fois visiblement la communion gnrale applique aux morts. L'an 1615, comme les Pres de la Compagnie clbraient solennellement cette communion du mois dans l'glise de Sainte-Marie, au-del du Tibre, Rome, il se trouva au milieu de la foule nombreuse accourue cette solennit, un tranger d'une autre province d'Italie; c'tait un touriste venu dans la seule intention
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de visiter les monuments et les splendeurs de la ville ternelle. Tandis qu'il se promenait sur la place, il vit sortir de l'glise et s'avancer vers lui un mendiant de bonne apparence, qui lui demanda l'aumne pour l'amour de Dieu. Trois fois le pauvre le supplia avec une vive instance, et trois fois, il se vit rebut. Or, comme il s'loignait, voici que l'tranger, touch par un mouvement intrieur, le rappela, ouvrit sa bourse et lui offrit une pice de i n .maie: Gardez votre argent, lui dit alors le mendiant, je n'ai nul besoin de votre aumne; c'est vous qui tes ncessiteux; vous avez grand besoin J e la divine Misricorde pour vous convertir. Sachez que je suis venu du mont Gargan la belle crmonie qui s'accomplit dans cette glise, pour vous presser de changer d e vie, voil vingt ans que vous offensez la divine Justice, sans qu'une bonne confession vous ait lav d e toutes vos souillures. Htez-vous de faire pnitence: l'pe du souverain Juge est dj suspendue sur votre tte pour tirer vengeance de tant d'iniquits. A ces paroles, l'tranger demeura comme atterr; ses cheveux se dressrent sur sa tte en s'entendant reprocher une vie qu'il ne croyait connue que de Dieu seul. Mais cette motion fut bien plus grande encore, quand il vit ce pauvre disparatre ses yeux comme tin clair. Touch par la grce divine, le pcheur entre dans l'glise; l, dans l'amertume de son cur, il repasse devant Dieu sa vie criminelle, puis il va sjeteraux pieds d'un prtre et lui fait l'aveu de toutes ses iniquits, en versant un torrent de larmes. Lorsque,
la sentence du pardon eut purifi son me, il supplia son confesseur de publier en chaire pour le bien des fidles, le misricordieux vnement qui l'avait converti. On sut par rvlation, q u ' u n e m e d u purgatoire, rcemment dlivre par le suffrage de la communion mensuelle, avait obtenu de l'infinie Misricorde, la grce du repentir ce pauvre pcheur. En terminant, nous dirons avec l'historien, que ce mendiant mystrieux, venu du mont Gargan, n'est autre que saint Michel, le protecteur de l'Eglise; nous ajouterons encore avec lui, que la prsence de ce glorieux archange la solennit de Sainte-Marie, prouve clairement combien la communion pour les morts est agrable Dieu et profitable l'Eglise.
( v. Jacques Hautin, Patroc. animar., I. m , titr.
1, art. 3. )
XLVI MERVEILLE L gnreux pardon d'une offense obtient immdiatement la dlivrance d'un cruel purgatoire.
Dimitte, et dimittemini: Remettez, et l'on VOW remettra vous-mmes. {Luc. vi, 37.)
Deux grands docteurs, saint Augustin et saint Grgoire, rduisent quatre espces, les suffrages que l'on offre pour les dfunts: le saint sacrifice, la prire, le iene et I'aumne. Des thologiens ulus rcents, en
ajoutent une cinquime qu'ils regardent comme trseiicace; c'est le pardon des offenses. Cet acte a quelrue chose d'hroque et de surnaturel. Le fait que nous allons raconter, prouvera combien cette gnreuse action est profitable aux ames du purgatoire. A Bologne en Italie, une veuve noble et riche avait un fils unique qu'elle chrissait tendrement et qui tait tout son bonheur sur la terre. Or un jour que ce jeune enfant, jouait sur la place publique avec ceux de son ge, il survint un tranger qui se mit entraver la partie par esprit de contrarit. L'enfant dans sa vivacit, adresse cet importun les paroles un peu insultantes! Celui-ci dont la main tait aussi dispose aux armes que le cur, la colre, s'lance sur l'enfant avec fureur, lui enfonce son pe au milieu de la poitrine, et l'tend mort ses pieds. Reconnaissais * aussitt l'nonnit de son crime, il s'chappe, l'pe anglante la m a i n , et se met courir sans savoir o il va. Une porte ouverte s'offre sa v u e , il s'y prcipite, monte un escalier, pntre dans un appartement, et se trouve en face d'une dame de grande distinction. Le visage ple de cet homme, ses yeux tegards, cette arme ensanglante, lui arrachent un ori d'effroi. Mais l'horreur dont elle tait saisie, fit place la compassion, ds qu'elle entendit cet incon u , la supplier, au nom du Ciel, d'avoir piti de lui et de le cacher, car dj on devait tre sa recherche pour un homicide involontaire qu'il venait de comm e t t r e . Heureusement, cette dame avait dans sa demeure un endroit trs- retir, formant une cachetU
158 Introuvable; elle se hta de l'y enfermer., en lui recommandant de ne rien craindre. Cependant, la cour de justice, informe du lieu o s'tait rfugi le meurtrier, fait des percpiisitions dans toute la maison; mais les recherches furent vaines. Comme on s'en retournait, un des officiers s'avisa de dire haute voix: Cette dame ignore que l'enfant assassin est son propre fils, autrement, elle se hterait de nous livrer le meurtrier, au lieu de le cacher. La foudre serait tombe aux pieds de cette pauvre mre qu'elle et t moin* saisie; le glaive de douleur qui transpera son me, faillit la faire tomber morte. Mais l'instant, fortifie par une grce extraordinaire du Ciel, elle dit un f a t du plus profond de son cur, et, pour l'amour du Christ, elle pardonna sincrement au meurtrier de sou enfant. La correspondance la grce accrut tellement en elle, la lumire et l'ardeur du Saint-Esprit, qu'elle rsolut mme de faire ce misrable tout le bien qu'elle aurait xoulu faire son propre fils, et de lui donner une partie de ses richesses. L'action secondant aussitt ses hroques sentiments, elle va le trouver, lui remet une bourse pleine d'or, le fait monter sur le cheval qui avait appartenu son enfant, et lui ordonne de partir en toute hte afin d'chapper au pril imminent qui le menace. Voyous maintenant, quelle fut la rcompense d'un trait si hroque de magnanimit chrtienne. Cette admirable femme s'tait retire dans sa chambre, l, prosterne devant une image du Sauveur, elle
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priait de toute son me pour son cher dfunt! Tout-coup, l'enfant lui apparat raj onnant de joie, vtu d'une tunique blanche, et le cou orn d'un collier de pierreries tincelantes: Bonne nouvelle! mre bien-aime,' bonne nouvelle 1 lui dit-il, schez vos larmes; mettez un terme votre douleur: mon sort est digne d'envie. L'acte gnreux que vous avez fait, m'a subitement dlivr du purgatoire o je devais rester bien longtemps. Ohl que je vous dois bien plus de m'avoir ainsi enfant la vie ternelle, que de m'avoir donn la vie du corps. Je monte au cleste royaume dont Y.OUJ m'avez ht la possession par votre incomparaif: charit,
(v. Nicius Erytlvrus, exemple vin; le P. Sgoeri, Christ, imtr., part, i, dise. 20. )
Bien que nous ayons dj parl plusieurs fois de l'incomparable vertu du divin sacrifice, nous y revt o n s encore: on n'en pourra jamais trop dire sur un WyeVaussi saint, aussi inpuisable. Dans le monastre de Clairvaux, gouvern par saint
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BeYnnrd, Vivait un moine peu observateur d e la rgle t peu amateur d l solitude. 11 n'est pas tonnant qtrc parmi beaucoup d e pices d'or, il s'eta trouve une de moindre valeur. Ce religieux mourut* bn lui fit de dignes funrailles selon la coutume. Pendant qu'on chantait l'office de Requiem, iih des anciens du monastre, que tons regardaient c b h m e un modle de saintet, eut une vision sur le sort du dfunt. Il vit une troupe de dmons tourner avec un grand vacarme autour du cPcil. Au milieu de leurs clameurs confuses il distingua ces paroles : Courage ! la bonne heure, il nous est cependant permis une fois de tourmenter une me de cette maudite valle ! La nuit suivante, pendant que le vnrable rnobite, retir au fond de sa cellule, se livrait au sommeil, un spectre, tout couvert de haillons, apparat ses yeux et lui dit d'un ton lugubre: Puisque hier vods ftes tmoih ds cris de joie des esprits de tnbre.!, et de leurs rondes infernales autour de mtm cercueil, venez voir quel horrible tourment m'a condamn la divine Justice pour mes pchs trop faiblement expis. Aussitt il le conduisit au bord d'un puits trs-large et d'une profondeur pouvantable . Le fantme ajouta : il est permis ces monstres de l'enfer de me prcipiter continuellement dans c puits; aussi h peine m'y ht-ilfc Jet, qu'aussitt ils m'en retirent, et avec une telle furie, que je choisirais plutt d'y tre abm cent fois par ls plus cruels bourreaux de la terre, qu'une seule fois par ces dmons enrags.
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Lesafnt vieillard se rveilla glac d'effroi. A l'aube du jour, il alla raconter saint Bernard cette triste vision. Le saint abb avait eu les mmes communications, et il gmissait et pleurait, concluant que les fautes de ce moine n'avaient pas t lgres, p u i s qu'elles taient punies par des supplices si rigoureux. Saint Bernard convoqua le chapitre, et pour inspirer ses religieux une crainte salutaire et une grande fidlit dans l'observance de la rgle, il leur raconta l'effrayante apparition; ensuite il demanda tout le monastre des jenes, dos pnitences, des oraisons, et surtout des messes, afin d'apaiser la Justice divine ot de dlivrer au plus tt cette me infortune. Les religieux se portrent avec une grande charit aux uvres salisfactoires demandes, et dans cette (tarne matine, tous les prtres dirent une messe de Requiem. Peu de jours aprs, le dfunt apparut de nouveau au vnrabie vieillard; mais quelle diffrence! il tait uesplendissant; la joie et la srnit taient empreintes u r s o n visage. Interroge sur sa situation, l'me rpondit: Bienheureuse ! grce Dieu et mes pieux confrres. Le Btiwt religieux lui demanda encore quel avait t le Jrias excellent des suffrages offert pour sa dlivrance. 9oar toute rponse, le dfunt conduisit le vieillard tfffis l'glise o plusieurs messes se clbraient en thme temps: Voici, dit-d, mon secours, voil ma ftlivrance, c'est la souveraine Misricorde, c'est l'Hostie salutaire qui efface les pchs du monde; cette
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puissance, cette mis''>corde, cette hostie de propiliation, il n'y a pris de force qui puisse rsister, sinon l'obstination d'un cur mchant et endurci. A son rveil. le serviteur de Dieu eut une grande oie du salut de celte me. et il alla aussitt raconter aux religieux l'heureuse nouvelle. Ce rcit inspira tout le monastre un redoublement de respect, d'estime et d'amour envers le divin sacrifice.
(V. Henri Grandgermais, Uagn. spec. txemp., Ai-l. in. exemp. 16. )
XLV1I1 MERVEILLE. Les morts enseignent aux vivants l'obissance la voix divine.
Qtn m mnnumentis sunt audient vocem Filii Dei, et procdent: Ceux qui sont courues dans les tombeaux entendront la voix du Fils de Dieu, et ils marcheront... Joan. i, 2S.)
Dans plusieurs endroits des saintes Ecritures, on lit que la divine Providence s'est servie des morts pour instruire les ignorants, secourir les ncessiteux, ramener l'observance des divins commandements ceux qui s'en taient carts. En voici un exemple dans le prodige opr par saint Gothard, voque d'Hildesheim, en Hanovre. Ce prlat avait dans sa ville piscopale
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quelques hommes obstins dans le crime, et violateurs des immunits ecclsiastiques. L'vque mit tout en uvre pour les ramener dans la bonne voie; mais ils persistrent dans leurs iniquits, en sorte que le saint se vit oblig de lancer contre eux une sentence d'excommunication. Ces misrables n'en tinrent pas compte, et, plus hardis que jamais, un jour de fte, pendant que l'vque revtait les ornements sacrs pour montera l'autel, ils entrrent dans le saint lieu et s'y tinrent dans une attitude pleine d'arrogance. Saint Gothard, tmoin de cette tmrit sacrilge, se tourne vers ces excommunis et leur dit d'une voix forte: J'ordonne au nom du Saint-Esprit, et je commande au nom de l'obissance tous ceux qui sont excommunis, de sortir de l'glise. Les impies ne bougrent point, au grand scandale des fidles assembls. Mais voici que tout--coup, plusieurs tombeaux s'ouvrirent et l'on en vit sortir des dfunts qui se dirigrent vers la porte. Parmi les morts ensevelis dans cette glise, il en tait qui, pendant leur vie avaient encouru une secrte excommunication, et n'avaient point t absous. Bien qu'avant d'expirer, une sincre contrition les et prservs de la damnation ternelle, ils attendaient nanmoins, pour sortir du purgatoire et monter au ciel, d'tre dlivrs de la censure ecclsiastique qui pesait sur leur me. Cet exemple d'obissance, donn par les morts, dtermina les rebelles sortir de l'glise. Lorsque le divin sacrifice fut termin, le saint pontife s'avana hors du portique, admonesta svrement les obstins
104 qui venaient de donner un si .grand suje^t de scandale, et il les exhorta apprendre des morts mmes l'obissance qu'on doit aux ministres du Trs-Haut; puis se tournant vers les dfunts il loua et bnit leur soumission, ensuite il dit: Par l'autorit dont m'a revtu le Christ, Seigneur des vivants et des morts, je vous relve de l'excommunication que vous aviez encourue, et, au nom du Pre, du Fils et du saint Esprit, je vous dlivre, afin quecette censure ne soit plus un obstacle votre entre au ciel. Que vos corps retournent reposer en paix dans leurs spulcres jusqu'au jour de la Rsurrection. Les morts genoux, et prosterns, reurent l'absoution, puis ils se relevrent en silence et rentrrent dans leurs tombeaux.
(V. les Alla Siinctoium, au i niai n 70.)
Les Juifs
Jrusalem. l'Egypte,
aux Juifs
leurs
dans
salut et heureuse
paix. ( Machah. 2,1. ) Celle salutation que les Maehabes de Jrusalem adressent leurs frres d'Egypte, est applique par le cardinal Hugues aux Ames du purgatoire, et aux saints du ciel. Les Ames exiles envoient ce salut aux ames bienheureuses afin d'obtenir leur protection, et celles-ci rpondent leurs sueurs souffrantes par un salut de consolation ou de dlivrance. Le trait suivant confirme admirablement cette pense. ARcanati, petite ville des Etats-Romains, une pieuse dame a\ ail deux fils qu'elle recommandait incessamment la protection du bienheureux Luchesio, religieux de Saint-Franois; de plus, elle leur avait inspir ds l'enfance, une grande dvotion pour lui, aussi la vertu croissait en eux avec les annes. Mais par malheur, il s'leva un jour entre e u x une difficult relative une affaire d'intrt; une querelle s'en suivit, e t l a discorde s'alluma au p o i n t , que l'un donna un
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soufflet l'autre qui, aussitt saisit son pe, l'enfona dans la poitrine de son frre et l'tendit mort ses pieds. Le misrable prit la fuite, mais pas assez vite pour chapper aux poursuites de la justice, et il fut.condamn un supplice aussi barbare qu'trange. Il se commettait dans cette province de frquents assassinats, et pour mettre un frein aux meurtriers, certains juges, par trop cruels, l'imitation du froce Mzence, avaient dcrt que l'homicide serait li sa victime et enterr vivant avec elle. En vertu de cette loi, le coupable fut li troitement au cadavre de son frre, puis enterr ainsi dans le cimetire de l'glise des Frres-Mineurs. Le lendemain matin, quelques enfants jouant prs de cette tombe, sentirent la terre remuer sous leurs D i e d s ; tantt elle s'levait et tantt elle s'abaissait. Ils s'enfuirent en poussant des cris de frayeur et appelrent les religieux qui psalmodiaient l'glise. Le mme prodige se renouvelle en prsence des moines; aussitt ils creusent le terrain ; mais peine ont-ils enlev quelques pelletes de terre, qu'ils entendent comme des soupirs touffs. On creuse encore: tout--coup une voix supplie distinctement d'enlever lgrement la terre. Oh! merveille! on retrouve les deux frres vivants et on les dlie aussitt. Le bruit de cet vnement remplit bientt toute la ville: peuple, noblesse, gouverneur, clerg, vque, tous accoururent. Le prlat interrogea les deux jeunes gens. Celui qui avait t tu rpondit le premier;
-167# Lorsque je me suis senti mortellement bless, j'ai pardonn de bon cur mon frre, et je me suis recommand avec ferveur Dieu et au bienheureux Luchesio, auquel j'ai t vou depuis mon plus jeune ge: et lui, m'a non-seulement assist au moment de la mort, mais il a obtenu mon me d'tre dlivre du purgatoire et d'tre renvoye dans mon corps afin de faire pnitence en cette vie. Le second prit la parole: E t moi, quand je me suis vu li au cadavre de mon frre pour tre enterr vivant avec lui, je me suis recommand de toutes mes forces mon avocat, le bienheureux Luchesio, et, formant dans mon cur des actes de sincre contrition, je promis au mme saint que s'il me prservait de la mort, j'embrasserais la rgle de saint-Franois. J'accomplirai ma promesse, si la Justice humaine me fait grce. Leur mre qui tait l, prsente, faillit mourir de joie comme elle avait failli mourir de douleur. Lorsque son motion fut un peu apaise, elle raconta la foule qui l'entourait que lorsqu'elle s'tait vue prive de ses deux fils par une mort aussi dplorable, elle avait suppli, au milieu de ses sanglots et de ses gmissements, le bienheureux Luchesio d'avoir piti de ses malheureux enfants qu'elle avait placs sous sa protection ds leur berceau, et de les sauver de la mort ternelle. A la vue d'un tel prodige, la foule qui, d'abord, s'tait signe d'effroi, ne forma plus ensuite qu'un .concert de louanges et d'actions de grces envers le bienheureux Luchesio.
Le. ressuscit retourna la maison, bnissant mille fpis son saint protecteur; l'autre entra, aussitt dans l'Ordre Graphique, et sa vie fut dsormais un. modle .la vertu et de pnitence.
(V. Bonif. Bagaltn, De admir. Orb. Christian!, t. Il, I. 8. c.4; annales Minor., an. 1243, n. 15.)
L MERVEILLE.
C'est une opinion assez commune parmi les saints docteurs, que Dieu envoie de temps en temps ses anges aux mes du purgatoire afin de les consoler. S il appartient au souverain Juge d'affliger ces mes par le moyen des dmoi$ qui sont les excuteurs de sa justice, il appartient aussi son infinie Misricorde de les soulager par la prsence des esprits clestes. Les rvlations de sainte Rrigitte sont remplies de. traits de ce genre; les annales sacres en renferment aussi un grand nombre. Je n'en citerai qu'un seul. La vnrable sur Paule de Sainte-Thrse de l'ordre des Dominicaines du monastre de Sainte-Catherine
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Naples, tait anime d'une tendre charit envers les mes souffrantes. Elle en fut rcompense ds ici-bas par d'admirables visions. Un jour qu'elle tait en prires pour les dfunts, elle fut conduite en esprit dans le purgatoire. L, elle vit une foule d'mes dans un tang de feu; au bord de ce brlant rivage, elle aperut le Sauveur escort de ses anges. Ce divin Roi touchait avec une verge d'or les mes qu'il dsignait pour le ciel. A cette vue, la servante de Dieu demanda son cleste poux pourquoi, parmi cette multitude, il avait spcialement choisi celles-l; le Seigneur lui rpondit: J'ai dlivrcellesqui, pendant leur vie, ont accompli de grands actes de charit et de misricorde; elles ont mrit que j e fusse misricordieux envers elles, selon ma promesse: Les misricordieux obtiendront misricorde. Sainte Paule avait coutume le samedi de s'adresser plus spcialement la sainte Vierge, en-faveur des mes souffrantes. Un des jours ddis Marie, elle fut ravie en esprit, et il lui fut donn de contempler encore le lieu de l'expiation; mais quel contraste! En un instant, elle vit se changer ces prisons souterraines en une sorte de paradis: les tnbres avaient fait place aUx splendeurs clestes, et la joie avait remplac la tristesse et les pleurs. Elle se demandait la cause de ce changement, lorsqu'elle aperut Marie environne d'une multitude d'anges. Cette aimable Reine avait daign descendre en ce lieu pour dlivrer plusieurs mes qui avaient eu pour elle une dvotion particulire. Les anges, tidles excuteurs d e ses volonts,
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amenrent ces bienheureuses dans la cleste Jrusalem. Paule prouva une ineffable consolation en voyant ces mes sortir de leur exil, et monter radieuses vers le ciel; mais ensuite, elle prouva une grande tristesse, en entendant les gmissements des mes qui restaient dans le purgatoire, la sainte distinguait parfaitement celles qui souffraient plus que les autres; elle en cherchait la cause, et son ange gardien lui dit que le chtiment tait proportionn aux fautes. L'me qui a pch par orgueil, par ambition, est condamne l'opprobre; celle qui a satisfait ses sens par des plaisirs criminels, est consume par les flammes, conformment cet arrt du Juge ternel dont il est parl dans l'Apocalypse:
Multipliez ses tourments et ses douleurs, proportion de s'est ce qu'elle s'est leve dans son orgueil, et de ce qu'elle
Paule vit les anges descendre au purgatoire et consoler les mes, mais elle les entendait encore lever en leur faveur, une voix suppliante. Dans ce fervent monastre de sainte Catherine, on avait la pieuse coutume de rciter chaque soir avant le coucher, les vpres des morts; il semblait aux bonnes sueurs, plus convenable de prier pour le repos des mes a l'heure ou elles allaient se livrer au sommeil. Un soir, cependant, je ne sais par quel surcroit d'occupations, on omit cette pieuse pratique. Mais le Dieu de misricorde, compatissant a la fatigue de ses pouses etau besoin d<-s aines, env oy a dans le dortoir un ehu'ur d'anges pour psalmodiera la place des religieuses, dj plonges dans le sommeil.
j
Sainte Paule qui tait cette nuit mme, en oraison dans sa cellule, entendit la suave et plaintive psalmodie. Ces chants si harmonieux, une heure o le silence rgne dans tout le monastre, tonne de plus en plus la sainte Dominicaine; elle ouvre la porte du dortoir et aperoit autant d'anges qu'il y avait de religieuses. La sainte bnit Dieu avec une indicible joie de ce qu'il avait daign agrer leur pieuse pratique, au point d'envoyer ses anges* pour la remplir, le jour mme qu'on l'avait omise sans le vouloir. On a fait sur ee miracle, des vers latins dont voici le sens: Pendant que les vierges fatigues s'abandonnpnt a u repos, les anges runis leur place, chantent les prires des morts. Ce sommeil est peut-tre 1P fruit de la supplication des mes elles-mmes, heureuses d'avoir un chur d'esprits clestes pour intercesseurs-
Virgineus dm membra chorus dat languida somno, Funbres cantat clica turma preces. Virginibug mnes credo hune orsse soporem, Et precibus superm substituisse chorum.
Introduction. La charit bien comprise demande qu'on porte un prompt secours aux Ames du purgatoire I. Excellence des suffrages en faveur des dfunts. . . , . . II. Ne pas soulager les dfunts par les aumnes, c'est se pri ver soi-mme des suffrages III. Dieu exauce les prires des communauts ferventes en faveur des dfunts IV. Ne se convertir qu'au soir de la vie, c'est se prparer un rigoureux purgatoire V. La misricorde envers les dfunts procure le salut de l'me et souvent celui du corps VI. Le purgatoire des paroles inutiles et inconvenantes. . . VII. Une me du purgatoire rappele sur la terre pour faire pnitence VIII. Combien les mes du purgatoire sont soulages par l'oraison et le jeune tt. Une pouse vertueuse est un trsor pour son poux pendant la vie et aprs la mort X. Les mes du purgatoire viennent au secours de leur librateur XI. Martyre de charit de sainte Christine l'Admirable pour la dlivrance des mes du purgatoire
I 7 11 16 19 tt 25 28 3! 35 38 42
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SU. La Mre de Dieu, mre des mes du purgatoire. . . . 1 0 1 . Dieu accorde a ses saints de grandes grces en faveur des mes du purgatoire XIV. Les prires d'un saint dlivrent beaucoup d'mes du purgatoire XV. La peine transfre d'un dfunt un vivant XVI. Secourir les mes du purgatoire, c'est se dlivrer soimme de beaucoup de maux XVII. Les souffrances du purgatoire si courtes qu'elles soient, paraissent trs-longues XVIII. Les peines du purgatoire conformes aux fautes commises XIX. Le Ciel bnit ceux qui prient pour les mes du purgatoire XX. Ingratitude des hritiers envers leurs bienfaiteurs. . . XXI. Actions de grces des mes du purgatoire envers leurs librateurs XXII. Travaillons nous-mmes viter le purgatoire XXIII. Divers traits de charit XXIV. Souffrance des mes qui ont donn du scandale. . . XXV. Pour entrer au ciel, il faut tre exempt de toute faute, mme la plus lgre XXVI. Admirable ebange de charit entre les vivants et les morts XXVII.Peu de chose sufft quelquefois pour dlivrer une me du purgatoire XXtUI- Deux prodiges du ciel, propres nous inspirer la crainte de la mort et du purgatoire XMX. Du prix des indulgences , . HLX. Les saints invoqus pendant la vie, protgent aprs la mort XXXI. Reconnaissance des mes envers leurs bienfaiteurs. . XX&1I. Celui qui souffre avec rsignation dans ce monde ira droit au ciel 46 49 5 55 58 62 65 69 72 75 78 82 85 88 9-2 97 101 104 107 UO 113
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kXXIIl. Sainte usure de ceux qui appliquent leurs bonnes uvres au soulagement des dfunts 117 XXXIV. Le sang de Jsus-Christ dans le saint sacrifice purifie et dlivre les mes 1 XXXV. Il vaut mieux mourir avec la certitude d'aller en purgatoire, que de vivre en danger de pcher.. . . 122 XXXVI. Les justes eux-mmes ne sont pas irrprhensibles devant la justice de Dieu 12ti XXXVII. On ne surt du purgatoire qu'aprs une expiation complte 12: XXXVIII. La dvotion du Saint Uosaire renferma de prcieux avantages 133 IXX1X. Une fontaine change eu feu 137 XL. Les mes du purgatoire protgent leurs bienfaiteurs. . 13'J XL!. uvres d'insigne charit envers les me du purgatoire 1-U ELU. Supplications d'une Vierge dfunte 1 l-'l KL11I. Admirable rcconnaissaiiee d'une m'e du purgatnirr. ti" BXIV. La sainte communion applique aux mes souffrantes. 110 XLV. De la communion mensuelle applique aux mes du purgatoire 1'* ILVI. Le gnreux pardon d'une offense obtient immdiatement la dlivrance d'un cruel purgatoire I"' XXVII. Valeur du saint sacrifice eu faveur les me" du purgatoire XLV11I. Les morts enseignent aux vivants l'obixance la voix divine SLIX. Effet admirable de la confiance envers les saints. . . t. Charit des anges envers les mes du purgatoire '
1 i 6
FIN.
L S M R E L S DVN S E E VI E I I E L
DANS LES
AMES DU PURGATOIRE.
SECONDE PARTIE.
INTRODUCTION. Le bien que nous faisons aux mes du purgatoire, devient pour nous une source de grces.
Si benefeceris, et crit gratta in bonis luis mulla. Benefac justo, cl invenies retributionem magnam et si non ad ipso certe a Domino. Si vous faites du bien, ce bien plaira beaucoup. Faites donc du bien au juste et vous en recevrez une grande rcompense; sinon de lui, au moins du Seigneur (Eccli. XII, . )
Dans la crainte que les motifs suprieurs que nous Vehons d'exprimer, tels que le zle de la gloire de Dieu, ta charit envers les mes souffrantes, n'aient pas assez de force pour certaines personnes trop occupes de leur intrt personnel, il me semble ncessaire d'exooser les grands avantages que nous pouvons recueillir
pour nous-mmes en travaillant soulager, a dlivrer les mes du purgatoire. Procurer des suffrages nos scaurs exiles, c'est prter une sainte usure. Parmi toutes les uvres de la charit chrtienne, il n'en est point de plus profitante que celles qui s'appliquent la dlivrance des mes du purgatoire. Un savant doct e u r , Martin de Roe, dit que les satisfactions appliques aux vivants sont semblables des richesses confies un vaisseau voguant sur la mer. Nous ne perdons jamais, il est vrai, le mrite de nos bonnes uvres lorsqu'elles ont Dieu pour principe; nanmoins elles courent le risque, lorsqu'elles sont appliques aux vivants, d'tre sans rsultat pour eux; car pauvres navigateurs sur la mer orageuse de ce monde, ils sont chaque instant assaillis par les flots de la tentation, en danger de faire naufrage et d'tre engloutis dans les abmes ternels. Il n'en est pas de mme du trsor des bonnes uvres amass en faveur des dfunts; il est en sret pour eux comme pour nous: pour eux. puisque nos suffrages paient leurs dettes la divine Justice et leur ouvrent le ciel; pour nous, puisque toutes les mes que nous dlivrons, deviennent nos avocates et nos protectrices au ciel. Elles exercent mme cette protection du sein de leur exil. Ces mes qui ne peuvent rien pour elles-mmes, ne cessent d'intercder pour ceux qui travaillent leur dliv rance; et Dieu se plait exaucer leurs charitables prires, (l'est du reste ce que nous enseignent deux illustres docteurs, le cardinal fiellarmin et Sutes. Voici les propres paroles de ce dernier: Ces mes
6ont saintes, chres Dieu; de plus, elles ont pour nous, toute la tendresse qu'inspire la charit la plus parfaite; elles savent au inoins d'une manire gnrale les prils qui nous environnent et le besoin que nous avons du secours divin. Pourquoi donc ne prieraientelles pas pour nous, alors mme qu'elles paient avec leurs souffrances, les dettes qu'elles ont contractes envers la divine Justice? N'en est-il pas ainsi de nous sur la terre'? Tout dbiteurs que nous sommes envers le Ciel, laissons-nous pour cela d'intercder les uns pour les autres? Les saints patriarches qui taient dans le sein d'Abraham, priaient pour les vivants ainsi que les saintes-Ecritures nous l'apprennent de Jrmie et du grand-prtre Onias. Si donc ces mes prient pour leurs bienfaiteurs, soyons certains qu'elles sont coutes favorablemen'; car elles sont les tilles bien-aimes du divin Matre. Sainte Catherine de Bologne assure que lorsqu'elle dsirait quelque grce, elle avait recours aux mes du purgatoire et en tait fjujours exauce. Elle ajoute mme une chose tonnante; elle dclare que plusieurs faveurs qu'elle n'avait pu obtenir des saints du ciel, lui ont t accordes par l'intercession des mes Si du sein de leur exil, ces mes protgent ceux qui leur viennent en aide, quelles faveurs ne leur obtiendront-elles pas, quand elles jouiront de la gloire du paradis? On a toute raison de croire que les premires faveurs qu'elles demandent alors la divine Misricorde, sont pour ceux qui leur ont ouvert les portes du ciel. Or, elles ne cesseront point de prier toutes les
fois qu'elles les vcrronl dans quelque pril ou quelque ncessit. Dans les dsastres, les maladies, la pauvret extrme, les perscutions, les accidents de toutes sortes, elles seront leurs aides vigilantes. Leur protection deviendra plus puissante encore, quand il s'agira de l'ihe: victoire sur les tentations, acquisition des vertus, assistance l'heure de la mort et dlivrance des peines de l'autre vie. Le cardinal Baronius, dont le tmoignage est d'une si grande autorit, raconte qu'une personne trs-pieuse avait soutenir au moment de la mort une lutte pouvantable contre les dmons: tout--coup, elle vit s'ouvrir les d e u x et en descendre des milliers de combattants aux blanches armures; tous l'entourrent et lui promirent leur assistance dans ce terrible et dernier combat. Emue jusqu'aux larmes d'une si admirable protection, elle demanda ses dfenseurs (jui ils taient: Nous sommes, rpondirentils, les mes que vos suffrages ont tires du purgatoire; nous venons notre tour vous conduire en paradis. A ces paroles, la malade expira, la srnit sur le visage et la joie dans le cur. Et quand mme, par une impossible supposition, ces mes tomberaient dans un ingrat oubli de leurs bienfaiteurs, le Dieu de bont infinie saurait bien s'en souvenir pour elles. Oui, tous ceux qui secourront les mes, verront s'accomplir en eux le souhait de Ruth:
(ch. I, 8. ) Que le Seigneur agisse titrer* vous comme rovs avez a fi envers les morts.
Jsus a engag sa parole, il sera misricordieux envers les misricordieux. Ohl avec quelle plnitude, il
n l'exercera cette misricorde, l'gard de ceux qui auront t misricordieux envers les mes du purgatoire, Bes filles chries et prdestines ! Le sraphique saint Bernardin assure qu'il y a plus de mrite faire quelque bien l'une de ces mes, qu' en faire dix fois autant en faveur d'un vivant, lors mme qu'il serait prisonnier, infirme, malade, tourment de la faim; et cela, parce que le bienfait est en proportion du besoin que l'on soulage. Esl-il en effet, une plus grande ncessit, une misre plus extrme que celle qui afflige ces pauvres Ames? L'anglique saint Thomas assure (pie l'application de nos bonnes uvres aux Ames souffrantes est d'un grand prix aux yeux de Dieu; que cette charit nous acquiert des mrites dont un seul degr surpasse tous les trsors de la nature, attendu qu' chaque degr de mrite correspond, par une juste rcompense, un degr de gloire ternelle. Saint Ambroise dit aussi, dans son livre des offices, que tout ce qu'on offre par charit pour les dfunts, se change en mrites pour nous et que nous le retrouvons au centuple aprs la mort.
I MERVEILLE. Les enfants mme ne sont pas exempts des peines du purgatoire.
ergo et salubris eut cogitutio pro defHneti> C'est une sainte et salutaire pense de prier pour le- morts. (Muiiutb. L. i, ch. l. V. 4t> '
Sancla
exorare:
Il ne faudrait pas croire que tous les enfants qui meurent, vont immdiatement au ciel. 11 en est dont la raison est dveloppe de trs-lionne heure, qui, l'ge de quatre ou cinq ans, discernent dj le bien d'avec le m a l ; ceux-ci lorsqu'ils sont frapps par la mort, entrent ncessairement en compte avec le Souverain Juge; et si depuis leur baptme, ils se sou! rendus coupables de quelques puhs, il faut qu'ils les expient, et leur peine est proportionne au degr de malice qui les a fait agir. Prier pour les enfants dfunts est doue une sainte et 6alulaire pense. Un grand nombre d'exemples prouvent cette vrit; en voici un fourni par l'illustre martyre sainte Perptue, dont saint Augustin lui-mme rend un si magnifique tmoignage. Cette femme magnanime venait d'tre reconduite en prison, et condamne avec plusieurs autres chrtiens, mourir dans l'amphithtre sous la dent d e s btes froces. Tandis qu'elle se prparait ce suprme et dernier combat, elle se sentit inspire de prierpnnr
- il
in frre Dnocrate, mort sept ans d'un cancer au visage. La nuit suivante, elle fut ravie en esprit, et il lui fut montr une rgion dsole o rgnaient de profondes tnbres. L, gmissaient un grand nombre d'exils. Tout--coup, un jeune enfant parut se dtacher du triste groupe. Perptue reconnut Dnocrate. Il tait triste, a b a t t u , et l'horrible ulcre couvrait encore son visage. Elle et voulu le rejoindre; mais une distance qu'elle ne pouvait franchir, les sparait. Nanmoins il tait sorti de ce lieu de tnbres, et elle la.vits'arrterprs d'une fontaine dont les bords taient Irs-levs. Cet enfant, que dvorait une soif ardente, Jaisait des efforts inous pour atteindre cette fontaine remplie d'une eau frache et limpide. Mais ses tentatives taient inutiles, et le petit malheureux retombait puis de lassitude et rie souffrance; puis il se relevait pour endurer encore le mme supplice. Cette vision mut profondment la sainte martyre; sans cesse, elle priait pour son frre et ne pouvait S'empcher de verser des larmes en songeant sa triste Situation. Quelques jours aprs, elle le revit, mais revtu d'une riche tunique, et la plaie de son visage entirement cicatrise. Il se trouvait encore auprs de la mme source. Sur le rebord de la fontaine, abaisse cette fois la porte de l'enfant, on voyait une petite urne d'or dont il se servait pour puiser de J?eau et tancher sa soif. Lorsqu'il se fut dsaltr. Une srnit cleste brilla sur son visage; puis, la Sainte Martyre le vit s'loigner de ce lieu d'preuve et se livrer tous les transports d'une joie enfantine.
12 Cette dernire vision indiquait que la jeune me venait de quitter le purgatoire, pour entrer dans les contemplations et les ravissements du ciel.
( Ajoute par le traducteur, d'aprs saint Augustin.)
n MERVEILLE. Des mes rpondant aux prires qu'on fait pour elles.
Per illam, defunctis adhc loquitur: Grce sa foi, tout mort qu'il est, il parle encore. (Hebr. xi, i.)
S'il est dtestable et impie de se servir d'enchantements magiques pour voquer les trpasss, comme le firent Simon-le-magicien et la pythouisse d'Endor dont il est parl dans l'Ecriture; il est au contraire trslouable de rciter pour eux des prires; et plusieurs fois on a entendu des voix pleines de douceur, rpondre nos psalmodies. Les chroniques religieuses sont remplies de traits de ce genre. On raconte du saint vque Bristano, qu'il avait pour les mes du purgatoire une extrme compassion; chaque jour il les recommandait Dieu dans le saint sacrifice; sa tendre dvotion le faisait prier bien longtemps au mmento des morts, et, toutes les fois que le rit le permettait, il disait une messe de Requiem. Souvent au milieu de la nuit, il se rendait au cimetire;
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la, seul, au pied de la grande croix, il rcitait les psaumes d e l pnitence et d'autres ferventes prires. r , u n e nuit, comme il achevait le Requiescant in pace, il entendit distinctement une multitude de voix rpondre du sein des tombes: Amen! umcn! . Le bienheureux Franois Fabriano, de l'ordre des FrresMineurs, fut tmoin d'un .semblable prodige. Chaque jour il appliquait au soulagement des dfunts toutes ses bonnes (euvres unie-* a u \ mrites infinis de JsusChrist. 11 avait uue si grande compassion pour les ames, qu'il no pouvait songer a leurs tourments s n as Bn prouver lui-mme une grande douleur. C'tait surtout pendant I'OII'IMU 1 du saint sacrifice que son tleetsa ferveur s'e'tfla iiiai"iit. Une fois il terminait une messe de mort par la post--<immuiiion Animnhux iusumu<, e( comme il achevait Je c'innt du Rcqirie*tflnt, toute l'glise retentit d'un clueur de voix qui rpondait avec une juveu.se harmonie : Amen ! amen.'
,
On demeura certain que ces ,i es dlivres ]>ar les 'm . mrites du saint sacrifice, avaient pouss ce cri joyeux avant de monter au ciel. Saint Grgoire-de-Tours rapporte un fait plus remarquable encore. Dans u n bourg du Diocse de Bordeaux, deux vnrables prtres, d'une vie tout exemplaire, vinrent mourir presque au mme moment. Tous deux furent inhums dans la mme glise; mais l'un dans la partie BOrd et l'autre dans la partie sud. Or. pendant que le clerg, partag en deux rlururs. chantait l'office (L'historien ne nous dit pas si c'tait l'office des morts), on entendit retentir deux voix mlodieuses; l'une
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s'unissait au premier chur et l'autre au second. C'tait mie harmonie si cleste que ceux qui l'coutaient, en taient ravis de joie et comme hors d'eux-mmes. Et lorsqu'elles chantrent ces paroles du Psalmiste:
Je ni,' du 1,'joui la. pense que nous irions dans la maison
O lut pour tous un signe manifeste que ces deux mes s'envolaient vers les splendeurs ternelles.
.'v^Hfiir.
(V. I. Biaatta, De admir. orbis clifistiani. I. n, chap. i; saint Grgoire, Deglor. confesaor., e . 4 7 . )
III MERVEILLE. Marie a le pouvoir de dlivrer les mes captives et de les emmener au Ciel,
In me tjratia omnis vice,.,, in mespes vitm En moi e t toute la grce de la voie, toute l'esprance do la vie. (Eccli, xxiv, 4 5 . )
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Dans les dvotions Marie, parmi celles qui nous font esprer d'chapper un long purgatoire, il en est une. spciale; c'est celle du Scapulaire du mont Carinel. La Mre de Dieu, elle-mme, a daign promettre .iu bienheureux Simon Stock que quiconque porterait ce saint habit et pratiquerait les petites observances de cette confrrie, en gardant un cur chaule, ferait son salut, et n'aurait qu'une courte expiation laire en purgatoire.
15 Cette prcieuse promesse est rappele dans le brviaire romain, la sixime leon de la fte. La bulle pontificale, dite Sabbatine, rapporte galement ce fait, et nous enseigne que la divine Viergo accorde souvent ceux qui pratiquent fidlement cette dvotion, ou la dlivrance entire du purgatoire ou un grand soulagement, le premier samedi aprs leur mort, parce que ce jour est spcialement consacr Marie. La Mre de misricorde, dans ce jour d e grce et de dlivrance peut bien dire h ses fidles serviteurs ce que le Seigneur dit son peuple dans le
t v i t i q u e : Ce jour-l tion et voua serez purifis ions aurez aeeompli votre expiade tous vos pchs, car c'est le
eamedi du repos. ( Ch. 1(>, 2 1 . ) Les annales du Carmel contiennent plusieurs faits miraculeux de ce genre. A Otrante, ville du royaume de Naples, une dame de grande distinction, assistant un jour la prdication d'un Pre Carme, grand promoteur de la dvotion envers Marie, prouva une joie extrme lorsqu'elle entendit le prdicateur assurer que tout chrtien qui porterait le saint-scapulaire en observant les faciles pratiques de l'association, pouvait esprer que la sainte Vierge viendrait le dlivrer des flammes du purgatoire le premier samedi aprs sa mort. Immdiatement aprs le sermon, cette dame demanda l: admise dans la confrrie. Elle prit la rsolution d'observer fidlement lesconditions demandes, et n'y manqua pas un seul jour. Dans toutes ses prires, elle demandait la sainte Vierge la grce de Mourir un samedi, afin d'tre promptement dlivre
i r j d e s t o u r m e n t s d u p u r g a t o i r e . La Mre de m i s r i c o r d e e x a u a ses s u p p l i c a t i o n s . Il v a v a i t dj quelques a n n e s q u e c e t t e p i e u s e d a m e faisait p a r t i e d e l'assoc i a t i o n , l o r s q u ' e l l e fut a t t e i n t e d ' u n e m a l a d i e m o r t e l l e . Les m d e c i n s esp'"raient la s a u v e r , m a i s la m a l a d e .-avait p u r u n e r v l a t i o n i n l ' ' r i e u r c , q u ' e l l e n e g u r i rait p a s ; elle le p r d i t c l a i r e m e n t . En effet, sa vie s'teignait de j o u r en j o u r . C o m m e (die a p p r o c h a i t d e l ' a g o n i e , les m d e c i n s d c l a r r e n t q u ' e l l e ne p a s s e r a i t pas le m e r c r e d i s u i v a n t ; m a i s e l l e l e u r d i t : Vous vous t r o m p e z e n c o r e : j e v i v r a i trois j o u r s d e p l u s , e t ne m o u r r a i q u e .samedi. > L ' v n e m e n t justifia sa p r d i c t i o n , et j u s q u ' a u t e r m e a n n o n c e , c e t t e vertueuse d a m e n e cessa d'offrir ses souffrances e n e x p i a t i o n d e ses f a u t e s , p u i s elle r e n d i t son m e a son C r a t e u r . Elle laissait s u r la t e r r e u n e lille dont la p i l o g a l a i t celle d ' u n a u g e . Cette p a u v r e '"niant a p r s a v o i r r e u le d e r n i e r s o u p i r de sa n u ' r e , alla s ' e n f e r m e r d a n s u n oratoire pour y r e p a m l i e devant Dieu ses p r i r e s e t divine ses l a r m e s . P e n d a n t q u ' e l l e i m p l o r a i t ainsi la
Misricorde p o u r c e t t e m e si c h o r e , u n g r a n d servit e u r de Dieu, favoris de grce.-' e x t r a o r d i n a i r e s , v i n t de la p a r t d u Ciel consoler la t r i s t e o r p h e l i n e . Cessez, o p i e u s e lille. lui dit-il, cessez de p l e u r e r , et q u e v o t r e tristesse &e c h a n g e en joie: vous avez p e r d u u n e t e n d r e m r e d a n s ce m o n d e : m a i s \ou.- avez a c q u i s u n e p r o t e c t r i c e au ciel; c a r je v o u s a s s u r e , q u ' a u j o u r d ' h u i m m e , votre m r e , grce l'intercession de NotreD a m e , est sortie d u lieu de l ' e x p i a t i o n ; dj elle j o u i t d a n s la cleste p a t r i e des r c o m p e n s e s q u e la Vierge
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divine rserve ceux qui l'ont servie avec fidlit sur la terre.
(V. Philocalus Caputus, Histor. miraul. Imag. De Yh-g. Carmeli, ch. xi; Carmelus thaumaturgus, an. 1613.)
On ne peut dire avec quelle rimieur Satan accuse les mos, lorsi|u'itu sortir de la vie elles comparaissent devant le .luge suprme: el s'il ne peut pas les entraner dans les abmes cleroejs. du moins, met-il tout en uvre pour qu'elle-, aillent eu purgatoire. Ou peut se faire une ide de l'acharnement de cet ennemi Commun, par le rcit que nous fait saint Anselme au iujet d'un de ses moine -, nomm Osbern. Le saint abb avait eu le bonheur le le ramener une parfaite Observance de la rgle, aprs plusieurs annes passes dans l'oubli de ses devoirs. Le converti mena d> lors Une vie tout anglique. a la grande joie le saint Anselme qui l'aimait beaucoup: mai-, au bout de quelque temps, il tomba dans une maladie mortelle. Le saint, tout afflig, demanda au jeune religieux de lui
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1S faire connatre sa situation clans l'autre vie; celui-ci le promit et expira. Or, pendant que les moines chantaient l'office des morts autour du cercueil, l'aim s'tait retir l'cart afin de pouvoir prier avec plus de ferveur pour ce fils spirituel dont le sort inquitait sa tendresse. Aprs avoir rpandu devant Dieu ses pleurs et ses supplications, il fut surpris par un sommeil extatique pendant lequel, il voyait entrer dans la cellule du dfunt plusieurs personnages vnrables, vtus de blanc, qui s'asseyaient pour prononcer une sentence; cependant Anselme n'entendait pas ce qu'ils disaient, et l'anxit agitait son cur. Tout-a-coup, il vit paratre Osbern, le visage ple et les traits bouleverss, comme quelqu'un qui vient d'chapper un grand pril. Qu'y a-l-il mon fils, lui dit l'abb, quel est votre sort? Celui-ci rpondit: L'antique serpent s'est lev trois fois contre moi, et trois fois il s'est repli sur lui-mme; il a t vaincu par Fourrier du Seigneur, accouru pour me dlivrer. Aprs ces paroles, Osbern disparut. Saint Anselme interprta ainsi celte vision: le dmon s'tait lev trois fois contre Osbern: la premire fois, pour l'accuser des pchs commis depuis son baptme jusqu' son entre dans le monastre ; la deuxime, des pchs commis pendant son noviciat; enfin la troisime, de toutes les fautes dont il s'tait rendu coupable depuis ses vux jusqu' sa mort. Mais trois fois Satan avait t vaincu; car les premires fautes avaient t effaces par la foi et la charit qui l'avaient port quitter le monde pour servir Dieu;
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i i crati. n . ( m K i v e ; mw
'Celles d u noviciat a v a i e n t t rem.'M's p a r ja f e r v e u r avec l a q u e l l e il avait t'ait s i enfin, celles d e la t r o i s i m e ! d e r n i r e p r i o d e d e sa v i e , a v a i e n t t effaces p a r u n e vie p n i f e n l e ef la rception des sacrements dans de saintes dispositions. Ainsi toutes les a t t a q u e s d u s e r p e n t i n f e r n a l a v a i e n t tourn c o n t r e l u i - m m e . Q u a n d loursier du S e i g n e u r l u t t a n t c o n t r e le s e r all.iqui lui ieiises d e pent, on doit e n t e n d r e l ' a n g " g a r d i e n dont !a mission, est d e n o u s d f e n d r e c o n t r e la b l e i n l e r n a l e . S a i n t A n s e l m e , ee p r e s p i r i t u e l , au . e u r p l e i n d e tendresse, mit autant d'ardeur dlivrer Osbern du p u r g a t o i r e , qu'il e n avait mis na.^u' re le c o n v e r t i r . C h a q u e joui', il offrait p o u r lui le d i v i n sacrifice, et il c r i v i t d i v e r s m o n a s t r e s , afin d ' o b t e n i r d e s suffrag e s p o u r le d f u n t . G r c e la c h a r i t d u s a i n t , l'me, d ' O s b e r n n e d u t p a s t a r d e r s'envoler a u ciel, p o u r y s a v o u r e r j a m a i s les fruits d l i c i e u x de sa conversion au S e i g n e u r . (V. Acta Sanctorum, 21 avril n, 70.)
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MERVEILLE Dieu fait expier par un long purgatoire un manque de charit envers les dfunts
Qui nondiligit,manet in morte: Celui qui n'ainif
point demeure dans la mort (I Ioan. m, 11.) Dans l'admirable vie de saint Malaebie archevque d'Armagh, saint Bernard loue hautement la charit d " ce prlat envers les dfunts; mais il blme la sur l e M^alachie avec une juste ssrit parce que loin d'imiter son frre, elle montrait, au contraire, peu de compassion pour les morts. N'tant encore que diacre, saint Malaehie se plaisait assister a u x funrailles des pauvres; il les ensevelissait Iui-niine et les accompagnait au cimetire, en rcitant pour eux. des prires ferventes. Cet ollce d'humilit et d'humanit tout ensemble, le rendait trs-agrable au Seigneur. Mais comme le saint homme Tobie, il devait trouver !< blme et la emtradietion d ' i n * sa maison mme. Sa sur tout infatue d e sa noble v - \ regardait comice un dshonneur, qu'il s'appliqut d e s uvres si basses, et elle lui disait: Que fais-tu l, sot et grossier personnage! Est-ce l'occupation d'un homme de loi rang? Eh! laisse donc les morts ensevelir les morts, comme le dit l'Evangile. Dtournant ainsi le sens
21de ces paroles divines, elle s'en servait comme d'une arme pour molester son frre. A ces insultes sans cesse renaissantes le saint rpondait: Misrable fille, que dis-tu? tu sais les mots du texte sacr, mais tu n'en pntres pas le sens. Dans l'intrt de la pai.t, il loigna sa sur, et poursuivit avec joie ses uvres de charit. Mais Dieu ne laissa pas impunie la tmrit de cette femme; quoique jeune encore, elle fut atteinte d'une grave infirmit qui la conduisit rapidement au tombeau, et la Justice divine l'envoya se purifier dans les flammes dp purgatoire. Malachie avait tout pardonn, et sans casse, ii priait pour cette sur qu'autrefois il s'tait VU oblig de congdier. Depuis longtemps dj elle avait quitt la terre, lors ju'une nuit elle se fit voir ttt-songe au saint prlat, elle tait dans la cour de Pglise, triste, en habits de deuil, et implorant sa piti parce que depuis trente jours elle n'avait reu aucun soulagement. Les tristes plaintes de la dfunte rveillent Malachie; il se rappelle en effet que depuis un mois, il n'a point dit de messe pour sa sur. On peut croire avec raison que Dieu avait permis cet oubli involontaire pour punir cette me de l'insensibiliti qu'elle avait montre pour les mes souffrantes, pendant qu'elle tait sur la terre. Le saint, ds le lendemain, monte l'autel et oflre h saint sacrifice pour la dfunte. Au bout de quelquejours, elle se lit voir lui dans une autre vision: mais, debout sur le seuil de l'glise, comme s'il ne lui tait pas encore nermis d'entrer. Elfe tait l. triste
- 2 2 suppliante, cependant son vtement n'tait plus noir, mais couleur de cendre. Saint Malachie alors ne passa pas un seul jour sans offrir pour elle le divin sacrifice. Bientt il la revit. Elle tait vtue de blanc et dans l'glise, mais loin de l'autel dont elle ne pouvait approcher malgr ses efforts pour y arriver. Le saint persvra dans ses suffrages, et Dieu couronna sa charit par une quatrime vision. Sa sur lui fut montre prs de l'autel, toute brillante de gloire et entoure d'une foule d'mes radieuses comme elle. Toutes avaient quitt l'exil pour monter la patrie. Ce qui dmontre parmi tant d'autres preuves, que la vertu du divin sacrifice, comme le dit saint Bernard, efface les pchs, dlivre du purgatoire et ouvre les cieux. Mais nous ne passerons point sous silence la grce que valut saint Malachie, sa grande charit envers les dfunts. Il avait un jour convoqu une confrence spirituelle, les fidles dont il dirigeait la conscience. Discourant sur le passage de ce monde l'ternit, il demanda chacun de ses disciples o, et quand il lui serait plus agrable de mourir, et chacun rpondait suivant sa pense. Quant ce fut au tour du saint il dit, que pour lui, s'il devait quitter l'Irlande, nul lieu ne lui plairait pour y mourir, comme le monastre de Clairvaux (dirig par saint Bernard ), parce que l il esprait jouir tout de suite des saints sacrifices de ces fervents religieux, et il ajouta qu'il voudrait y mourir le jour de la fte des morts, afin de participer aux innombrables suffrages offerts en cette solennit. Ses dsirs
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furent accomplis. Comme il se rendait auprs du Souverain Pontife, Eugne III, il fut surpris par une grave maladie Clairvaux mme, o il s'tait arrt. II connut qu'il allait mourir et s'cria avec le prophte:
Voici mon repos pour toujours, je l'ai choisi et j'y de-
meurerai. En effet, quand parut la premire aube du jour des morts, son me sainte s'envola vers le ciel, o l'attendaient les mes bienheureuses que sa charit avait retires du sjour de l'expiation.
(y. saint Bernai'J. Yita S. Mulachi,)
VI MERVEILLE. Celui qui a les mes du purgatoire pour le dfendre, ne doit pas craindre les armes ennemies.
Si consistant adversum me castra, non timebii
cor meum:
les forces ennemies, mon ceeur ne tremblera point. (Ps. xxvi, 5.)
Je me souviens d'avoir racont le merveilleux secours que reut un vertueux soldat de la part des mes. De mme que la sainte Ecriture nous montre plusieurs fois des lgions clestes volant la dfense des Isralites contre les armes de Sennachrib et du roi de. Syrie; de mme dans les annales ecclsiastiques, on voit plusieurs fois les mes dlivres, se ranger en bataille, etvoler au secours des princes qui les avaient
24 aides de leurs suffrages. Eusbe, duc de Sardaigne, nous en fournit un exemple. Ce prince avait une si grande dvotion pour les mes du purgatoire, qu'il consacrait chaque anne leur dlivrance la dixime partie de ses biens ainsi que les revenus d'une ville tout entire. Dans cette cit qui fut appele, juste titre, la ville de Dieu, le pieux duc entretenait un grand nombre de prtres et de chapelains dont la mission spciale tait de rciter des prires, et d'offrir journellement le saint sacrifice en faveur des dfunts. Mais l'ennemi de tout bien suscita contre le duc, le roi Ostorge qui rgnait en Sicile; les immenses richesses et les troupes nombreuses que possdait ce monarque, l'avaient rendu redoutable ses voisins. Sous de vains prtextes, il vint avec une puissante arme mettre le sige devant la ville de Dieu, et il s'en empara malgr la rsistance des habitants. La nouvelle de cette prise aflligea Eusbe plus que s'il avait perdu la moiti de son royaume, et il prit la rsolution de recouvrer cette cit au pril de sa vie. Sans perdre un seul instant, il rassemble ses chefs militaires et organise une arme, toutefois bien infrieure a celle de son ennemi; aussi s'avanait-elle timidement et toute dconcerte. Mai-, voici que les sentinelles signalent lout--coup des lgions de cavalerie et d'infanterie, vtues de blanc, chevaux blancs 11 bannires blanches. A cette nouvelle. Je duc resta interdit: d'une part il apprhenlait que ce ne fussent des allis siciliens, de l'autre, I lui semblait (pie Dieu avait eu piti de sa situation:
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la couleur blanche qu'affectait cette arme, lui paraissait d'un bon augure. Dans cette perplexit, il envoie quatre hrauts d'armes pour les reconnatre. Dsqu'ils furent en prsence, quatre dlgus de l'arme trangre s'avancrent vers eux, et les saluant, leur dirent: Ne craignez point, nous sommes de la milice du souverain Roi, et nous accourons au secours de votre prince; qu'il vienne s'entendre avec notre chef. Les deux armes se runirent. Dsqu'Ostorge aperut ces lgions blanches, il fut saisi de terreur, et aussitt, il dtacha des hrauts d'armes pour les reconnatre. Quel ne fut pas son effroi, en apprenant que c'tait un dtachement des clestes armes, venu pour passer ses troupes au fil de l'pe, s'il ne rendait pas la Tille il Dieu. Immdiatement il se soumit, laissa des sommes immenses pour rparer les dommages de la guerre, et se retira en toute hte, pntr de crainte et de confusion. Eusbe rendit d'extraordinaires actions de grces au Seigneur, puis la blanche arme venue du ciel pour le secourir. Le gnral de cette sainte milice rpondit aux reinerciments du prince en ces termes: Sachez, Eusbe. que presque tous ces soldats que vous voyez, sont des mes dlivres par vos suffrages; le Seigneur leur a confi le soin de vous protger. Continuez dune vos charits envers les dfunts; autant vous en dlivrerez autant vous vous assurerez de protecteurs auprs de Dieu. Aprs ces paroles, les clestes auxiliaires disparurent. Le duc, saisi d'admiration et pntr de reconnaissance, redoubla de charit envers
les Ames souffrantes, et jti.'qu' son dernier soupir, il bnit le Dieu de misricorde qui s'tait plu a le secourir d'une manire si miraculeuse.
(V. Henri Grandgermain, Itagn. Specul. exem., dist. 9, ex. 181.)
VII MERVEILLE. Les mes des morts viennent rvler aux vivants les mystres de l'autre vie.
Kos sciants quoniam tiansluti sumus de morte ad vitam: Nous savons que nnus avons t transfrs le la murt la vie.(I Joun.m, il.)
Quoique nous ayons cit dj plusieurs fois des rvlations concernant l'autre vie; quoique une infinit d'mes aient donn un dmenti direct aux incrdules qui nient l'existence du purgatoire et qui disent en riant: Personne n'est revenu nous raconter ce qui s'y passe, je ne regarderai pas comme inutile de rapporter deux rvlations dont l'authenticit est appuye sur l'autorit irrcusable de saint Thomas d'Aquin, tmoin oculaire. Cet illustre docteur avait une tendre compassion pour les mes du purgatoire; il leur conservait un pieux souvenir dans l'offrande du saint sacrifice, ainsi que dans ses prires et ses pnitences.
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Lorsqu'il tait matre de thologie de l'Universit de Paris, il vit apparatre l'me de sa sur, morte abbesse rie Sainte Marie de Capoue. Elle le conjura d'avoir piti d'elle, car des flammes ardentes la consumaient. Le saint s'empressa de la secourir par ses prires, ses jenes, ses macrations, et surtout par l'oblalion divine, et il supplia plusieurs de ses amis d'unir leurs suffrages aux siens. Peu de temps aprs, pendant un sjour qu'il fit Rome, sa sur lui apparut de nouveau. Une joie cleste brillait sur son visage; son vtement, plus blanc que la neige, tait splendide voir. Dj cette me bienheureuse tait entre en possession de l'ternelle batitude. Saint Thomas lui demanda des nouvelles de ses deux frres, morts depuis quelque temps. Elle rpondit que celui qui se nommait Arnaud, jouissait dans le ciel d'un haut degr de gloire pour avoir courageusement dfendu le Souverain Pontife contre l'empereur Frdric d'Allemagne, et avoir souffert perscution ce sujet; mais que Landolpbe larfguissait encore dans le purgatoire et rclamait ses suffrages. Puis elle ajouta: Pour vous, mon frre, htez-vous d'achever les uvres que vous avez entreprises pour la gloire de Dieu, car bientt, vous serez runi nous dans le paradis, o une magnifique place vous attend en rcompense de tout ce que vous faites pour l'glise. Une autre fois, comme le saint faisait oraison dans l'glise de Saint-Dominique Naples, il vit venir lui Son frre Romain, qui lui avait succd Paris dans fa chaire de thologie. Thomas, crovant qu'il arrivait
-^28 de voyage-,-se leva pour aller l'embrasser. Le bon religieux, lui,,djt qu'il n'tait plus de ce monde, et que Dieu, l'env;oyait du ciel pour l'encourager dans ses travaux. L'anglique docteur, vivement mu d'abord, reprit bientt son calme habituel, et demanda son bienheureux frre: Suis-je en tat de grAce? Romain lqi rpondit en souriant : Oui, puis il lui recommanda de persvrer dans le prcieux travail qu'il avait entrepris, et qui tait trs-agrable Dieu. Saint Thomas dsirait savoir quelques dtails concernant ce frre chri, lors de son entre dans l'ternit. Romain lui apprit qu'avant de jouir de la gloire ternelle, il tait demeur quinze jovirs en purgatoire pour n'avoir pas excut promptemant les dernires volonts de son vque. Saint Thomas demanda encore si dans le ciel on voit Dieu par le moyen de la lumire de la gloire, levant l'intelligence, ou bien par tout autre action divine. 11 lui fut rpondu seulement ce verset du
Psaume XLVII Nous avons puissant, vu dans la cit du Dieu selon ce que nous avons appris.
Aprs ces paroles, la vision s'vanouit, et l'ange de l'Ecole demeura dans une sainte impatience d'aller rejoindre son frre, pour contempler sans fin l'ternelle Beaut. On voit par ce rcit, que Dieu se sert quelquefois des mes aussi bien que des anges, pour rvler aux vivants les merveilles de l'autre monde.
(V. Vie de saint Thomas d'Aquin, par Pierre Maffi; Diario Dominicano, 7 mars.)
Parmi les grands avantages de l'obissance si fortement recommande par la sainte Ecriture et par les saints Pres, l'un des principaux est de dlivrer des peines du purgatoire, ou du moii.s de les diminuer. Cela se comprend aisment: l'homme d'obissance excutant les ordres qui lui sont intims par son suprieur, est en conformit parfaite avec la volont divine. C'est pourquoi, il ne peut tre condamn aux peines expiatoires pour des actions accomplies selon les lois de l'infaillible sagesse. Saint Jean Climaque, dit de la sincre obissance, qu'elle sera notre dfense et notre sauvegarde au jour terrible du Jugement. En voici un exemple: La bienheureuse Emilie, dominicaine, prieure du monastre de Sainte-Marguerite Verceil. encourageait et animait ses religieuses la pratique de la Sainte obissance, en les assurant que cette vertu les prserverait du purgatoire ou en adoucirait sensiblement les peines. Dans la communaut, il tait de rgle de ne jamais boire hors des repas sans une permission spciale de la suprieure; c e l l e - c i , par une prvoyance toute
- 3 0 charitable, avait l'habitude de la refuser; cependant elle s'efforait d'adoucir ce refus en exhortant les soeurs unir leur soif celle de Jsus en croix; elle leur conseillait de rserver cette eau pour l'autre vie, et d'en rendre l'ange gardien dpositaire jusqu' ce que vint le moment de l'expiation. Un jour, une des surs, Ccile Avogadra, presse par une soif ardente, vint demander la bienheureuse la permission de boire; celle-ci inspire de Dieu, s'y refusa, et encouragea sa fille spirituelle offrir ces quelques gouttes d'eau Jsus altr. Malgr toute la peine que sur Ccile prouva de ce refus, elle se soumit sans murmure et fit ce petit sacrifice son divin Epoux qui ne tarda pas J'en rcompenser. La bonne sur mourut peu de temps aprs, et le troisime jour, .elle apparut toute joyeuse et toute resplendissante la Mre prieure, et lui raconta qu'ayant mrit de rester quelque temps en purgatoire pour avoir port ses parents une affection trop humaine, elle avait cependant t dlivre cause de ces quelques gouttes d'eau laisses par obissance; qu'au bout de trois jours de purgatoire, son ange gardien tait descendu dans sa triste prison; en avait teint les flammes au moyen de cette eau, par lui recueillie, et qu' l'instant, elle s'tait envole, libre et joyeuse, vers les demeures ternelles. Il y avait dans le mme monastre une autre religieuse appele Marie Isabelle, qui prfrait les amusements et les conversations, aux nombreuses prires que l'on rcitait au chur. Un psaume lui paraissait.
31 long comme le psautier; aussi, peine le dernier verset de l'office tait-il termin, qu'elle s'en allait. La prieure s'en tant aperue, l'arrta un jour sur la porte et lui demanda quelle affaire importante la pressait ainsi de sortir toujours avant les autres, mme avant les plus anciennes. La bonne sur rpondit franchement qu'aprs Poffice dj si long, elle trouvait fort e n nuyeux d'tre oblige d'attendre encore le lent dfil de toutes les surs. C'est trs-bien, reprit la Mre, mais dites-moi, s'il vous en cote, quoique commodment assise, de demeurer un peu au chur pour chanter les louanges divines, comment ferez-vous quand il vous faudra rester en purgatoire, peut-tre bien longtemps? Je juge ncessaire pour le bien de votre me, que, dornavant, vous sortiez toujours la dernire de l'glise; j'espre p a r c e moyen, abrger la dure de votre expiation dans l'autre vie. Sur Isabelle se rsigna avec cette obissance parfaite que Dieu ne manque jamais de bnir; non-seulement elle ne s'ennuya plus, mais elle prouva des consolations extrmes prier bien longtemps; elle et mme pass sa vie aux pieds des autels. Ce ne fut pas la seule grce: Dieu voulut bien, cause de son humble soumission, et en considration des suffrages de la bienheureuse Emilie, la dlivrer promptement du purgatoire, et il fut rvl que toutes les heures qu'elle avait employes la prire par obissance, avaient abrg d'un temps gal, son sjour dans le lieu de l'expiation.
(Diario Dominicano, 3 mai.)
IX MERVEILLE. La charit s'offre satisfaire par ses, propres souffrances toutes les peines d'autrui.
Debemus pro fratribus nostris animas ponere: Nous devons pour nus frres donner notre vie. (Uoan. m, 16.)
Le nom du Pre Niremberg est clbre non-seulement pour ses ouvrages considrables en faveur de la religion et de la pit, niais encore pour sa tendre dvotion envers les mes souffrante^ auxquelles il consacrait ses prires et ses rigoureuses austrits. 1J y avait la cour de Madrid, une grande dame que la sage et sainte direction du Pre avait leve une rare perfection en sorte qu'elle tait dans la maison royale un miroir vivant de toutes les vertus. Cette personne,d'unecomplexiondlicate,fut atteinte d'une fivre maligne, contre laquelle les mdecins virent tous leurs efforts chouer. Avertie du danger o elle se trouvait, elle tomba dans une profonde tristesse non-seulement cause des grandes choses qu'elle avait entrepriseset qu'il fallait abandonner, mais aussi dans la crainte des peines du purgatoire qu'elle prvoyait bien ne pouvoir viter. Le Pre Niremberg qui l'assistait, usait de toutes les industries de sa charit, de tous les raisonnements les plus nersuasifs pour l'encourager
- 3 8 se soumettre au bon plaisir de Dieu, et il l'exhorta a recevoir les sacrements afin de se rendre forte dans les derniers combats. Mais la malade diffrait toujours; puis elle tomba dans une espce de lthargie qui la tint durant plusieurs jours entre la vie et la mort. Le Pre tout alarm d'une telle situation, alla se renferjner dans une chapelle contigu la chambre de la mourante, et y clbra le saint sacrifice avec une grande ferveur, suppliant la divine Misricorde de donner la pauvre mourante autant de vie et de sentiment qu'il lui en falait pour recevoir les derniers sacrements; de plus, il s'offrit Dieu pour souffrir luimme en ce monde les peines qu'elle devait endurer au purgatoire afin que, dlivre des apprhensions de l'autre vie, elle acceptt la mort de bon cur. Dieu agra ce gnreux sacrifice. La messe tait peine acheve, que la dame reprit connaissance, et demanda aussitt les sacrements qu'elle reut avec une dvotion extraordinaire. Le saint religieux lui dit ensuite de n e plus apprhender le purgatoire, qu"il avait pris sur lui toutes les peines qu'elle aurait pu y souffrir. Cette rvlation rendit !.i uvnrante la tranquillit la plus parfaite; elle fit Dit. le sacrifice de sa vie, et mourut comme une prdestine. On acquit hientt la certitude que le bon Pre avait t exauc; car partir du jour o sa pnitente avait expir, il fut pendant l'espace de seize annes, qu'il vcut encore, tellement afflig pour le corps et pour l'me, que son existence tait un vritable martyre; aucun remde naturel ne pouvait .v iger ses douleurs;
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- 3 4 sa seule consolation tait dans la pense qu'il mourrait victime de sa charit. Cet admirable religieux s'tait l'ait une loi de rciter chaque jour le chapelet pour la dlivrance des mes, et de leur appliquer les nombreuses indulgences dont le chapelet qu'il possdait tait enrichi. Mais un jour, il lui arriva de perdre ce prcieux objet, et il fut oblig d'en emprunter un semblable ( c'tait permis alors). Une fois, qu'il tait trs-occup pour des choses concernant la gloire de Dieu, il oublia de faire le pieux emprunt; ce ne fut que bien tard dans la soire, qu'il se souvint de s o n omission; afflig de n e pouvoir payer son tribut habituel, il se mil genoux pour demander pardon aux mes, leur oi'rant s o n dsir de gagner les indulgences qui leur taient si prcieuses. Comme il priait ainsi, un bruit trange se fit entendre au plafond; il leva les yeux, prodige ! il vit tomber S'in chapelet avec toutes les mdailles qui y taient attaches. 11 demeura persuad que les mes le lui avaient apport afin de ne pas tre prives du soulagement qu'elles en retiraient. Combl de joie d'une grce si merveilleuse, il se mit rciter les cinq dizaines avec une dvotion extraordinaire, et n'abandonna pas un seul jour, une pratique si profitable aux mes et si agrable la Misricorde divine; il recommanda mme aux fidles cette dvotion dans u n ouvrage spcial. Voici un autre trait qui dmontre combien ses suffrages taient efficaces pour les dfunts. Une nuit, qu'il priait dans le chur de l'glise du collge imprial d Madrid, il vit tout--coup devant
35 lui, un professeur de thologie, mort depuis quelques jours. Le dfunt implora humblement .ses suffrages, et lui rvla qu'il souffrait des p e i i i ' i t r s - g r a n d e s dans le purgatoire, en punition d'un rapport p e u charitable qu'il avait fait aux suprieurs; il ajouta que pour cette faute, sa langue tait tourmente par un feu trsviolent, mais que Dieu dans sa bont infinie, l u i avait accord par l'entremise de la trs-sainte Vierge la permission de venir implorer sa piti, et dans le but aussi d'approndre aux autres par son exemple ne jamais blesser la charit. Le dfunt dit encore au bon religieux qu'il se confiait en lui, au nom de l'amiti qui les avait unis, et surtout au nom de cette compatissante tendrosse qui l'animait pour la dlivrance des ames. Le P. Niremberg, profondment mu, lui promit de le secourir. Le lendemain matin, il s'empressa de monter pour lui l'autel et offrit ses prires et ses austrits dans la mme intention. Peu de jours aprs, la mme heure, cette me lui apparut encore, c'tait pour lui donner mille bndictions et lui apprendre que Dieu venait de la recevoir dans le sjour des ternelles flicits.
( V. A)|ih. de Andrada. l'i'ta P. Jos. S. J., c. IX.) Nierembcrgii,
X MERVEILLE. Les mes recueillent des suffrages conformes aux bonnes uvres qu'elles ont accomplies pendant leur vie terrestre.
Tlcferet xtmisqvitqne prnpritt corpnrh, prnvi ijrwii,
Oh "nui recevra ce i|iu e-t il aux bonne-, nu aux m a u v a i s aciion- iju'il aura f a i tes pendant (ju il tait reM'-tu le MUI i-urjit-. ( II. Cm. v. 1U. )
maltim.
La Justice divine proportionne les chtiments auv fautes commises. Celui qui aura t dur envers les pauvres, ne trouvera ni compassion ni misricorde aprs la mort. Celui qui aura t idoltre de son corps e i l'esclave des sens, b e r a condamn des tourments pouvantables. La divine Misricorde proportionne de mme les rcompenses aux vertus pratiques. Celui qui aura t' charitable envers les pauvres, sera secouru dans Je purgatoire par le suffrage de l'aumne; celui qui aura pratiqu la mortification, sera soulag par des suffrages de pnitence, et ainsi du reste. L'empereur d'Allemagne, Othon IV, avait t le gnreux bienfaiteur des monastres, et s'tait impos pour Dieu de grandes austrits. Aussi aprs sa mort, il reut beaucoup de soulagement dans ses peines par les uvres de misricorde et les pnitences des maisons religieuses.
37 Ce prince tait mort Ions une grande rputation de vertu et de pit; cependant il revint de l'autre vie pour rclamer des suffrages une de ses tantes, abbesse d'un fervent monastre. Or. il s'adressait bien, car cette religieuse tait dumV de v r l u s miiioiites. et le ciel l'avait favorise du don des miracles. Cette sainte abliesse, se trouvait une fois 'l'aube du jour, vers une fentre du parloir, lorsqu'elle entendit frapper lgrement a la porte. Touf-a-eoup, cette porte s'ouvrit d'elle-mme ef la religieuse vit S'avancer l'empereur, sou neveu, dans l'ai lit iule d'un Suppliant: .le suis, lui dit-il, d'une voix plaintive, pass l'autre vie, et je languis dans les tourments du purgatoire. Ali! si vous avez pour moi quelque compassion , envoyez, je vous >u supplie, des messagers dans plusieurs monastres afin qu'on rcite e.u souvenir de mon me. d i x mille fois le psautier, et que la fin de chaque psaume soit accompagne de dix coups de discipline, pendant lesquels on rcitera un P a t e r et un A<i. Cet acte de misricordieuse charit, exerc en ma faveur, par les monastres auxquels j'ai fait tant de bien pendant ma vie, me dlivrera du purgatoire, j'en ai l'assurance. Ce prince pouvait bien parler ainsi. lui qui, l'anne mme de sa mort, avait dpens des sommes immenses pour la subsistance des monastre :, parce qu'une grande disette dsolait alors la contre.
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Les couvents a - rtis par l'abbesse, se btrent d'offrir flicu les suffrages demands. Peu de jours aprs, l'empereur apparut sa pieusu
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tante clans le mme lieu; mais quelle diffrence! il tait resplendissant de gloire et environn d'une lumire si clatante, que les yeux de la religieuse en taient tout blouis. 11 lui adressa les plus tendres remerclments, et l'invita bnir avec lui la divine Misricorde. Les souffrances de cette me taient finies pour jamais, elle allait jouir de la flicit des cieux.
(V. Thom. de Catimpre*, pum, liv. II, e. 53, n 10; Thoph. Raynaud, Heter, Sjtirit., p. II, lect. 3, 6 point, qu. C.)
XI MERVEILLE. Une faible tincelle du feu du purgatoire est propre nous inspirer une grande compassion envers les mes souffrantes.
Mitit ignem in ossibus meit, et eruiivit me: Il a mis le feu mes os, et il m'a instruit... (Threni i, 13.)
La vie de la Bienheureuse Catherine de Raconigi est pleine de visions admirables de la gloire du paradis, des supplices de l'enler et des peines du purgatoire. Dieu se complut donner sa servante nonseulement des visions du purgatoire, mais encore une preuve sensible de la violence du feu qui y rgne. Ce Dieu d e misricorde voulait exciter dans le cur d e son pouse une ardente charit pour les mes dtenues dans ce lieu d'expiation.
39 r une fois, dans une apparition, il sembla la bienheureuse que le doux Sauveur lui tirait le cur de la poitrine, et que le perant d'un glaive, il le pressait de ses mains divines pour en extraire le sang dont une partie tombait sur la tte des pcheurs, et l'autre, sur les mes du purgatoire. Cela signifiait que par ses prires, ses exhortations et ses pnitences, elle devait convertir un grand nombre de pcheurs et dlivrer une multitude d'mes. Catherine se dvoua avec zle cette mission sainte, mais surtout partir de l'vnement que nous allons raconter. Un jour qu'elle tait dans son lit, en proie toutes les ardeurs d'une forte fivre, elle se m i t a rflchir sur l'intensit des flammes du purgatoire. Bientt elle fut ravie en extase, et le Seigneur, afin qu'elle comp t i t m i e u x a u x souffrances des mes, la conduisitdans le lieu de l'expiation. L, pendant qu'elle contemplait Ce feu terrible, elle entendit une voix qui lui disait: Afin que tu comprennes la violence do ces tourments, tu vas en ressentir un lger effet. A l'instant mme, une tincelle se dtache et tombe sur la joue gauche de Catherine, la vue de plusieurs de ses compagnes. La douleur qu'elle en ressentit fut si grande que son visage en demeura tout enfl durant plusieurs jours. Elle disait que, en comparaison du tourment occasionn par cette tincelle, toutes les peines de cette vie n'taient absolument rien. Ds lors, elle conut un grand dsir de secourir les mes du purgatoire, et pour cela, elle s'offrit Notre Seigneur, se soumettant endurer pour elles foutes les souffrances de l'me et
- 4 0 du corps. Dieu accepta son sacrifice, et aux austrits de sa vie, vinrent s'ajouter encore des afflictions d e toutes sortes. Mais aussi, en rcompense de sa c h a r i t il lui fut donn de voir plusieurs fois une multitude d'mes monter du purgatoire au ciel. La premire qu'elle vit ainsi, d'abord dans un noir cachot, ensuite dans les splendeurs clestes, fut celle d ' u n prieur de la Chartreuse. Ce religieux tait tombe dans le schisme du conciliabule de Pise, et quoiqu d eut t rele\ des censures ecclsiastiques, nanmoins les religieux taient inquiets de son sort ternel. La bienheureuse Catherine les rassura en leur rvlant, qu'il tait en lieu de s.ilut, mais qu'il avait besoin d e secours. En mme temps elle offrit d'unir ses suffrag e s aux leurs, ce qu'elle fit jusqu' co qu'elle eut acquis ]a certitude de sa dlivrance. Voici un fait plus merveilleux encore. Une mort inattendue venait d'enlever la bienheureuse, une religieuse de son Tiers-Ordre. Inquite sur son tat, elle dsirait vivement en avoir quelque connaissance. Or. pendant la crmonie des funrailles, Catherine agenouille prs du cercueil, priait humblemem le Seigneur do lui rvler jiar quelque sig n e , la situation d e la dfunte, elle fut exauce. La morte q li tait expose il d '- 'ouvert, avait, sel m l'usage, l e s main-croise, sur la poitrine. Tout--coup, d sa main droit '. elle saisit celle de Catherine et la serra ir iit >:i!-*nt. comme pour la conjurer au nom d e la tendre amilie qui les avait unie, de la secourir par ses suffrages. La servante de Dieu se mit tout de suite
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en devoir de dlivrer son amie, offrant pour elle ses ferventes prires et ses uvres satisiactoires. Bientt la dfunte lui apparut pour la remercier et lui annoncer qu'elle montait la cleste patrie. Les mes reconnaissantes obtenaient leur bienfaitrice des grces sans nombre, spcialement des rvlations de choses lointaines. Jo n'en citerai qu'une. Lorsque l'arme franaise descendit en Lombardie, en 1525, sous la conduite de Franois i . et mit le Sige devant Pavie, la reine Claude, pivmiie femme de ce prince, apparut Catherine; elle lui annona la captivit du monarque, la dfaite dsastreuse de nos armes; elle la conjura de prier Dieu pour le roi et pour la France, et de secourir aussi.par ses suffrages, les mes des soldats morts sur Je champ de bataille.
(}. Dturio Uomimcaiio, Vie de la bienh..)
XTI VERVFJILF, Marie, au jour de son Assomption, introduit au Ciel une multitude d'mes.
Attendent in altum, captivant duxit captivitatem En montant au ciel, elle emmen la captivit captive. (Eph. IV, 8.)
L'aptre exalte la gloire du Rdempteur, lorsqu'au jour de son ascension, il conduit aioi.iphalcinent au iel les mes des justes retenues depuis si longtemps
dans les limbes, et le clbre Gerson exalte pareillement aussi la gloire ds la Mre de Dieu au jour de s-.\ assomption: Elle se prsenta au ciel, dit-il, suivi < d'une innombrable multitude d'Ames du purgaloir . et (diaque anne, pareil jour, elle en dlivre une fouinombreuse. Saint Pierre Damien confirme cette pieuse croyance par le rcit do la vision suivante. A la fte de l'Assomption de la div ine Vierge, c'tait la coutume du peuple romain, la nuit qui prcde !.. solennit, du visiter proce*sionnellenienl. un cierge la main, toutes les glises de la ville. Or, une anne, comme les nocturnes visiteurs se pressaient en foule dans la basilique de l'Ara-Cu-di. au Capitule, une dame d'une grande pit y aperut une personne morte depuis prs d'une anne, sa surprise tait extrme. Il lui vint un grand dsir d'interroger la dfunte sur sa situation dans ('autre vie; mais il n'tait pas facile de la rejoindre, tant la foule tait compacte; ello rsolut de l'attendre vers la porte. Ds qu'elle se fut a p p r o c h a , elle lui prit la main, et lui dit: N'tes-vous pas ma marraine Marozie, ne m'ave?vous pas tenue sur les fonts fin baptme? Oui. flit l'apparition, c'est moi-metue. Comment donc vous renrontr-je aujourd'hui parmi les vivants, lorsque je ais que vous ch's du nombre des morts depuis prs d'un an? Racontez-moi comment vous v uns trouvez dans l'antre monde. La d"funte bu rpondit .Fu-qu' ce jour, je suis resi plonge dans un l'en pouvantable, en punition do- f i n ' " - de ni i i i ' i i n i ' " ! ' . alors que je m adonnais a u \ discours licencieux, aux
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parures immodestes et de coupables affections. Je m'tais, h l.i vrit, confesse de toutes ces iniquits, mais en recevant la rmission de la coulpe, je ne reus pas en mme temps celle des peines temporelles que j'avais mrites; aussi mes tourments dans le purgatoire ont t terribles et prolongs. Maisen cette grande solennit, la Reine du ciel, mue de compassion envers les mes souffrantes, s'est faite leur mdiatrice auprs du Juge ternel, et a obtenu, pour moi et pour un grand nombre, la grce de sortir de notre affreuse prison et de monter, en ce beau jour de l'Assomption, aux rgions de l'ternelle vie. Et le nombre des me ; que sa toute-puissante intercession a dlivres aujourd'hui, surpasse celui de la population de Rome. A cause de cela, nous toutes ( lors mme que vous ne vovez que moi), nous allons ensemble dans J >i glises ddies notre Reine, lui tmoigner notre reconnaissance pour le bienfait que nous avons reu de ta misricorde. A ce rcit, la dame toute stupfaite, ne savait si elle devait ajouter foi ce quelle entendait. Ce que Voyant Marozie, elle ajouta: Afin que vous ne doutiez point de la vrit de ce qui vous est rvl, sachez que vous-mme, dans un an pareille fte, vous mourrez. Si vous tes de ce inonde aprs le terme indiqu, tenez tout ceci pour une rverie. Puis elle disparut. Cette dame pntre de crainte rsolut de mener une vio entirement spare du monde. Ds lors, quittant toutes les vanits du sicle, elle se revtit modestement, prit le cilice, et changea les rjouis
saures-, les festins et les saines conversations, en abstinence, oraisons et solitude, esprant satisfaire ainsi h la Justice divine et abrger son purgatoire. L'avantveille de l'Assomption elle tomba gravement malade, et annona qu'elle allait mourir. En effet, le jour mme dp la solennit, elle rendit son Ame son Crateur et alla exprimenter les prcieux effets de la bont de Marie.
( \ . poti-i Diimiani Opw~c. 34, -2 part. ch. 3. )
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XIII MERVEILLE. Le l.i^ii que l'on accomplit pendant la vie. est rcompens aprs la mort.
Aille 7hO} irm bent'fne amiro tilo: (la et aceipe n juni/ic i ai'ir.iam tuuiii: Avant la irioi't faites du bien
vol".' ann: donnez pour r e c e v o i r , et t a b l i s s e z la justice dau Votre ,iwe.
(T.ri-ti.
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Le Souverain Pontife bVnoit VIII tait rempli d'afection et de bienveillance pour le monastre de Clunv ; il aimait et vnrait d'une manire toute particulire saint Odilon, suprieur de cette abbaye, tant c a i c - e de ses eniir.entes vertus que de son ardente charit envers les mes du purgatoire. Pour elles, continuelli ment, le saint abb offrait et faisait offrir de nombreux suffrages. Mme, d'aprs certains auteurs, ce serai' lui qui aurait introduit l'usage de prier spcialement
- t:> pour les fidles dfunts le lendemain de la Toussaint. L'amiti' de Hennit \'\{{ pour Odil.ui n'tait pas strile, c-u'o Kre les J>ien<ait- dont i! .-.aiiblait le monast r e , il picnait liL-in'-ni'' un s in tout p i t - r n e l d u saint alil'-. Chaque foi- qu'Odiloii se n-nd.iil ,'t Rome, le pape se chargeait de tous le-, irais de route et d'entretien, tant i / i i f durait le sjoui et !e vnvage. Benoit recueillit aprs sa mort !.-.-, fruits de sa tendre charit. Quelques jours apr la < r m mi" les obsques, ii apparut ii Jean. \.'-qu" ' P v.o. > lui rvla qu'il tait en proie ii d'iiorrihi.' lo'iriii''nts dans le purgatoire pour n'avoir pas parf-iilent "il correspondu aux olilig.itions de sa dignit suprme; nanmoins, il avait l'esprance d'tre dcli\ iv par les prires de saint Odilou. si on lui appron.i'! I r i s quelle triste ncessit il se trouvait rduit. , ,:e v a i s conjure donc, dit-il, au prlat, si vous avez encore quelque affection pour moi, 'informer proinpfement o d i l ' i i de ma mort et des Souffrances que j ' e n d u r e . Peur plus de rapidit, priez mon successeur Jean d'expdier d e s messagers Cluny afin que ce fervent monastre intercde pour moi. A peine la nom elle est-elle apporte au saint abb, que non conteni de propres suffrages, iJ convoque Ses religieux au chapitre, et leur impose des prires quotidienne;, dosausterits rigoureuses, d'abondantes aumnes; mais surtout il leur m oinniaudv d'offrir chaque jour dans la mme intention le divin sacrifice afin de dlivrer prompfement l a m e de Benoit VIII, leur insigne bienfaiteur. Saint Odilon demanda de pareils suffrages tous
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les monastres de son Ordre, et tous se portrent avec une admirable charit soulager et dlivrer cette me si chre leur mmoire. Il y avait quelques jours que ces saints exercices se poursuivaient, lorsque Edelhert, procureur et aumnier du monastre, eut une vision. Cette faveur lui lut, sans doute accorde cause des abondantes aumnes qu'il se plaisait distribuer. II lui sembla donc voir entrer d'abord dans le monastre ensuite au chapitre, un homme d'un aspect vnrable et plein de majest; il tait revtu d'un manteau magnifique et son front tait ceint d'un diadme tincelant. Des personnages vtus de blanc l'accompagnaient. Il se dirigea directement vers le sige abbatial, ei inclina la tte jusqu'aux genoux de saint Odilon, eomu" pnuv lui rendre ; r'r" ainsi qu' toute lacommu m i l de quelque hieuthit .signal. Edellvi'i, tonn et ravi d'un tel spectacle, dsirait, vivement savoir quel tait cet auguste vieillard et pourquoi il se tenait ainsi prostern devant Odilon. Tandis qu'il rflchissait, il entendit distinctement ces paroles: 'delu:- i t st le Souverain Pontife Benoit, dlivr du purgatoire par les suffrages de votre saint abb et de tous les religieux, Avant d'entrer dans la gloire, il e-.i venu en ce lieu paver un tribut de reconnaissance a librateurs, et les assurer q u e . du cleste sjour, il veillera sur eux et leur obtiendra des faveurs incomparablement plus prcieuses que celles d-jot il se plaisait les combler quand il tait sur ie trne pontifical.
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47 C'est ainsi que les plus hautes majests du monde, ceux crut ont t eonlies les elofs du royaume des d'eux, et qui distribuaient les indulgences tous les fidles, deviennent quelquefois aprs leur mort ncessiteux .et suppliants, obliges d'avoir recours aux pauvres serviteurs de Dieu pour obtenir l'entre du ciel.
i,\. Vinrent de Beauvaus, Sj cel. Hist. liv. ii, ch. 10.').)
Snque disait : Les hommes devraient mpriser jes peines de cette vie; car si elles sont lgres, elles e mritent pas notre attention, et, si elles sont graves, elles sont ordinairement de courte dure. 11 n'en est pas ainsi du purgatoire dont les peines funitsent souvent la dure a l'intensit. L, les heures paraissent des jours, le.- jours des mois, les mois, des annes et les annes, dos sicles. Oui, dit Thoinn Rompis, une seule heure passe en ce lieu, sera plu.-, insupportable qu'ici-bas, cent annes de la plus au tre pnitence. Voici ce sujet une histoire terrible tire des ann iles des Pres Capucins.
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Le pre Hyppolyte de Scalvo, grand serviteur do Dieu, tait anim d'un zle ardent pour le salut du prochain, et son cur brlait du dsir de secourir levmes du purgatoire. Par ses oraisons et ses pnitence-,, il leur procurait de continuels suffrages; et dans s e s mouvantes prdications, il exaltait cette uvre de suprme charit, si agrable Dieu et si profitable aux vivants. Il voulait que les prmices de ses actions fussent pour elles; aussi, prvenant l'heure de matines, il se levait pour rciter l'office de Iietpiiem; c'tait comme le prlude de ses uvres quotidiennes, toutes consacres aux morts. Cependant il n'avait encore qu'une ide confuse des tourments du purgatoire; il ne pouvait concevoir ni se persuader que des supplices atroces fussent infligs par la Justice divine des mes chries de Dieu et destines la glorieuse batitude. Mais il ne tarda pas tre clair. II avait t envoy en Flandre pour fonder quelques maisons de Capucins dont la mission tait de dfendre la foi contre les invasions de l'hrsie. Lorsque sa fche fut accomplie, on ie fixa dans l'un de ces monastres, sous le titre de Pre gardien et de Maitre des novices. Il s'appliquait avec soin enseigner ses lves la perfection religieuse. Or, il arriva qu'un d'entre eux, trs-avanc dans la vie spirituelle, fut frapp par une mort imprvue. Malheureusement, le bon Pre tait absent dans ce moment l; aussi prouva-t-il une douleur a mre de n'avoir pu le bnir ni lui confrer la dernire absolution. La nuit suivante, comme il tait rest au chur aprs matines pour y faire oraison-
selon sa coutume, il vit apparatre une ombre affreuse qu'enveloppaient des flammes li\ ides. I_e Pre rro\ ait reconnatre son dfunt novice; lu'ontot il n'ont plus do doute; car le spectre vint s'humilier devant lui et s'accuser en gmissant d'une faute qu'il avait commise, fort lgre sans doute, ce jeune homme avant toujours t grand observateur de la r^ide: Donnez-moi, Peie charitable, s'cria-t-il, donnez-moi votre bndiction afin d'effacer cette .souillure pour laquelle je satisfais la Justice divine; vous-mme, imposez-moi la pnitence convenable, je m'empresserai de l'accomplir. Le Juge misricordieux m'a permis de m adresser vous, secourez-moi ! Le gardien, cette terrible apparition, demeure pemme atterri' ; un frisson d'horreur parcourt se* \eiaes, ef pour se dlivrer promptemenl de la vue de c e spectre, il dit avec prcipitation: * Autant qu'il est en {non pouvoir, mon fils, je vous absous, je \ nus bnis; < i > our pnitence de votre faute, je \mis impose seulement de rester en purgatoire jusqu' l'heure de prime. Le saint homme croyait qu'il v euait de se comporter en pre compatissant et non en juge svre; mais le pauvre dfunt pensait bien autrement; c e s paroles furent pour lui comme un coup de foudre; il courait par Pglise en se dbattant et en criant d'une voix lamentable: Hlas! hlasI c e u r sans piti! Pre sans compassion pour un fils afflig! Quoi punir aprs m h mort, avec tant de rigueur, une faute que. pendant ma vie. von- eussiez juge d u n e a peine d une lgre discipline! Si vous saviez, combien sont affreuses les
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50 peines que j endure en purgatoire, certainement vous V.C me condamneriez pas \ rester si longtemps. Oh! pnitence rigoureuse! s'cria-t-il encore, puis la vision s'vanouit. Le bon religieux, pntr de crainte, de confusion et de regret, ne savait comment rparer l'acte de rigueur qu'il venait de commettre, quoique bien involontairement; mais la charit, toujours ingnieuse, lui suggra de courir ii la cloche du couvent et d'appeler tous les religieux au chur pour chanter l'otiice de prime, aimant mieux priver la communaut de quelques heures de sommeil que de laisser plus longtemps son pauvre novice en purgatoire. Lorsque les prires furent finies, le Pre Gardien raconta en versant des larmes, la terrible vision dont le souvenir ne s'effaa jamais de sa mmoire. Pendant les vingt annes qu'il vcut encore, il ne cessa de compatir aux souffrances des Ames et d'offrir pour elles do nombreux suffrages. Souvent, dans ses sermons, il rptait ces paroles de saint Anselme: Aprs la mort, la moindre peine qui nous attend au purgatoire, est beaucoup plus grande que tous les tourments que l'esprit humain peut concevoir ici-bas.
(V. Mairellm de Mcon. Annal. Cajjuc, t. III.
XV MERVEILLE.
La crainte du purgatoire est un frein puissant conJre la passion du plaisir. Tout esprit judicieux devrait au moment de la tentation, rpter cette parole d'un Saint religieux: Un plaisir bien court, ensuite une douleur ternelle!... Quelle folie que de cder l'attrait du plaisir, puisque la peine qui le suit est si terrible ! tandis que par un combat de quelques instants, On chappe des tourments inconcevables. Tel fut l'enseignement donn par un dfunt au vnrable Stanislas Ghoscoca, l'une des plus grandes lumires de l'Ordre de Saint-Dominique en Pologne. Un soir que ce religieux rcitait son rosaire en se promenant au jardin, il entendit des gmissements et des sanglots qui semblaient sortir du fond d'un puits, prs duquel il passait dans ce moment. Le bon Pre craignant qu'un malheur ne fut arriv quelqu'un, se penche aussitt sur la margelle et crie: Qui estce qui se lamente ici, a-t-on besoin de secours? De nouveaux soupirs et de nouvelles plaintes furent la
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seule rponse. Stanislas suspecta quelque ruse du il mon pour le troubler dans sa prire. S'armant donc du signe de la croix, il dit: Je t'ordonne au nom do Jsus-Christ de me dire qui tu es et ce que tu demandes. Il lui fut rpondu: Je suis une me du purgatoire, condamne par la Justice divine faire pnitence en ce lieu. Ahl si je pouvais vous faire comprendre les peines que j ' e n d u r e ! mais elles sont inexplicables; tout re que je puis vous dire, c'est que s'il tait donn l'homme d'en avoir quelque connaissance, jamais les vaines jouissances ne sduiraient son cur. Pour le bien de tous, rvlez de la part de Dieu, que je souffre ici un intolrable martyre pour avoir prfr mes aises l'observance rgulire. L'historien rapporte que Stanislas vit une atth-e fois une me ( il ne dit pas si c'est la mme); elle tait environne de flammes ardentes au milieu desquelles, elle se tordait dans d'pouvantables douleurs. Dsirant connatre la nature de ce feu, il demanda celte me s'il tait plus actif et plus pntrant que le feu ferres tre. Elle lui rpondit que le feu terrestre n'tait en comparaison de celui du purgatoire, qu'un vent lger et rafrachissant. Stanislas se demandait en lui-mme, si cela tait possible, et il dit l'apparition : Volontiers, j'en ferais l'exprience, si cela pouvait compter un peu dans l'expiation que mritent mes fautes. Ah! rpliqua le dfunt, nul mortel ne pourrait supporter ces tourments; cependant, si vous tes rsolu d'en faire quelque exprience, tendez la main vers moi; cette preuve lgre et transitoire vous excitera ttiv
-53 pnitence ici-bas rie vos pchs, et vous portera ex borter vos frres se prserver do la terrible expiation de l'autre vie. Stanislas, loin de s'effrayer, tendit courageusement la main droite sur laquelle le dfunt laissa tomber une trs-petite goutte de sa brlante sueur. A l'instant mme le patient jeta un grand cri et tomba sans connaissance. A ce cri tous les religieux accoururent, et trouvrent Stanislas dans un tat voisin de la mort. Les soins les plus empresss lui furent prodigus; mais l'on eut bien de la peine le ranimer. Tous les religieux voulurent connatre la cause de ce mal subit. Le rcit que leur fit le bienheureux, les pntra d'une crainte Salutaire. Il leur recommanda de publier ce fait, afin qu'un grand nombre de personnes pussent se prmunir contre la terrible expiation du purgatoire. Notre saint religieux vcut encore un an dans l'exerfcice continuel des plus grandes vertus, et jusqu' la *3n, il fut en proie sa terrible douleur. Au moment de mourir, voulant renouveler dans le cur de ses frres, les bons sentiments qu'il leur avait inspirs, il leur raconta de nouveau le miraculeux vnement; puis il partit pour le ciel, laissant tous les monastres de son Ordre, saisis de crainte la pense des chtiments de l'autre vie et pleins de sollicitude pour conserver devant le Seigneur une vie pure et innocente. De ce qui prcde, on peut conclure que la crainte du purgatoire est en quelque sorte plus profitable que celle de l'enfer, parce que la crainte des chtiments terribles rservs aux fautes lgres, renferme
- 5 4 ncessairement l'apprhension des chtiments ternels rservs au pch mortel. Si l'on craint de commettra des pchs vniels, plus forte raison craindra-t-on de commettre des fautes graves; tandis que la crainte des peines de l'enfer ne fait pas toujours viter les fautes vnielles: combien n'en est-il pas qui, mettant tous leurs soins h viter les fautes mortelles, ne font, pour ainsi d i r e , nulle attention aux fautes vnielles et en commettent tous les jours une infinit, sans songer que la justice et la saintet de Dieu punissent dans le feu terrible du purgatoire les moindres souillures contractes pendant la vie, comme le dmontre du reste l'histoire que nous venons de rapporter, et au sujet de laquelle un pote a crit de beaux vers latins dont voici le sens. A peine une petite goutte est-elle tombe sur cette main, qu'elle parait un foyer consumant. Ah 1 quelle sera donc l'ardeur qui brlera les victimes jetes dans l'Ocan de feu, si une seule goutte produit de telles douleurs.
Vix in subjertam sudoris guttula dextram Decidit, immensu* puttula visa rogus. OEnarum, proh ! quantu* erit dolur aequore mereis, Si tant.'Hii pienain stilla vel nna ddit! (V. J. Hautin, pulroc. animar., 1. I , ch. 6; BzoviuS, anne ii9o.)
L'ingnieuse cruaut de Denis-le-Tyran avait fait reuser une prison souterraine que le peuple appelait l'oreille de Denis, parce qu'en un certain endroit de la vote, tait pratique une ouverture en forme d'oreille. Au moyen de ce stratagme, les pauvres prisonniers ne pouvaient profrer un mot, pousser un gmissement, un soupir sans tre entendus de ce prince .barbare. Ah! si les prisons du purgatoire taient faites ainsi par rapport aux vivants, quels douloureux gmissements, quelles plaintes amres, les morts ne feraientIls pas entendre aux ingrats qui les oublient? Ce serait un pre accusant ses enfants ; un frre, son frre; une pouse, son poux. Combien d'infortuns testateurs plongs dans les flammes expiatoires, poussent de lamentables soupirs contre de coupables hritiers, qui, paisibles possesseurs de grandes richesses, Oublient ceux qui les leur ont pniblement acquises, et ne feraient pas en leur faveur la moindre prire, ia nlus lgre aumne. Combien de pres, au fond de
leur cachot obscur, accusent d'ingrats enfants; cependant, ceux-ci avaient promis leurs parents moribonds de nombreux suffrages, et voil qu'aprs la mort, sont ensevelis dans le mme tombeau la dpouille et le souvenir des auteurs de leurs jours et de leur bien f r e ; le silence et l'oubli psent sur leurs cercueils. L'illustre chancelier de l'Universit de Paris, Jean Gerson, fait mention d'une supplique qu'une mre oublie adresse son fils par une permission divine: Mon fds, lui dit-elle, mon fils bien-aim, ah! pensez un peu votre pauvre mre, coutez mes gmissements et mes prires; considrez les tourments auxquels je suis en proie dans ce lieu d'expiation. Au nom de cet amour que vous me portiez, secourez-moi dans ces supplices que l'esprit ne peut concevoir ni qu'aucune langue ne peut exprimer. Venez mon aide, par de saintes penses, par des aumnes aux pauvres et des mortifications personnelles. Une seule larme d'un cur contrit, verse mon souvenir, suffirait peut-tre pour teindre les ardeurs qui me consument, ou du moins les mitigerait beaucoup. Comment jamais un fils pourrait-il refuser ou diffrer le soulag 7 , ' n i celle qui l'a conu dans son sein, enfant duis M douleur, allait, nourri et lev avec tant de dvoment. Lorsque je vivais sur la terre, je vous trouvais toujours affectionne envers moi, obissant au moindre de mes ordres, plein de gratitude pour mes tendres soins; comment se faitil qu'aprs mon trpas, je vous trouve oublieux, indiffrent? vous, qui mon lit de mort, me promites en pleurant un constant souvenir et de nombreux "uiflra-
ges. Vous qui me donniez tant de marques d'affection lorsque j'tais vivante, vous ne m'aimez donc p!us, maintenant que je suis morte? Ai-je cess d'tre votre mre? et vous, n'tes-vous plus mon fils? Ah! s'il vous reste une seule tincelle de l'amour que vous me portiez, entendez mes gmissements, compatissez aux peines que j'endure dans ma triste piison. Si un fils ne songe point secourir sa mre, qui pourra-t-elle recourir? Aux plaintes d'une mre, ajoutons celles d'un fils envers sa mre. Thomas de Catimpr raconte de son aeule, qu'ayant perdu par une mort prmature, un fils de grande esprance, elle tait reste inconsolable; jour et nuit, elle versait tant de larmes, qu'elle faillit en perdre la VUP. Mais cette affliction tait en pure perte, car cette mre inconsquente dans sa tendresse, n'avait jamais offert pour son fils un suffrage de messe, d'aumne ou de prire. Aussi le dfunt gmissait amrement dans lo purgatoire sur cette affection toute humaine et si strile, et il suppliait le Seigneur d'clairer cette mre aveugle. Dieu exaua sa prire, en envoyant cette femme plore une miraculeuse vision. Un jour, qu'elle tait tout absorbe dans sa douleur, elle eut comme un ravissement; il lui sembla voir au milieu d'une route, Une procession de jeunes gens qui s'avanaient pleins de joie vers une magnifique cit. Comme elle cherchai avec anxit si par hasard, elle n'y dcouvrirait poin' Son fils, elle l'aperut en effet, mais bien en arrin de la troupe joyeuse; son pas tait lent et appesanti;
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il portail avec peine le poids d'un long vtement de deuil tout tremp d'eau. Emue cet aspect, elle s'crie: Pourquoi, o mon cher dis. marchez-vous si tristement et si loin de vus compagnons? L'enfant rpondit en soupirant: Yovez, ma mre, je porte le poids de vos larmes striles, elles me retardent dans ma route, et me forcent ainsi rt-sUr en arrire. Ah! cessez donc de \ous livrer a une aveugle et infructueuse douleur. Si vraiment, vous m'aimez, si vous voulez me secourir, appliquezmoi le mrite de quelques prires, de quelques aumnes; faites clbrer pour moi le saint sacrifice; c'est ainsi que vous me prouverez votre amour maternel, et que, me dlivrant de ce lieu de supplices, vous lii'lverPz la vie ternelle incomparablement plus heureuse que cette vie terrestre que vous m'aviez donne. Aprs ces parolos la vision s'effaa; mais elle avait produit un heureux changement. Cette pauvre mre comprenait enfin son devoir, et elle se consola en s'appliquant avec une ardeur evitrme a la dlivrance de son fils par toutes sortes de bonnes oeuvres.
V. J. Gerson. Quertla defunrim um; Th., C.itiiu|iiv. Aj/um II, c. B3, n. 1". )
XVII MERVEILLE. Le dsir de voir Dieu est la plus grande peine du purgatoire.
Sitivit anima mea ad Deum vivum: quand veniam et apparebo ante faciem Deit Mo me a soif du Dieu vivant: quand pourrai-j venir et me prsenter devant le visage de mon Dieu? (i>. iv, 1 , S . )
De clbres docteurs pensent qu'il y a des mes qui B'ont souffrir dans le purgatoire que la seule peine du dam; c'est--dire, la privation de la vue batifique de Dieu. Ils apportent pour preuve une rvlation de la Vierge Marie sainte Brigitte. Il lui fut montr un purgatoire spirituel, appel le purgatoire du dsir, et dans lequel Dieu tient exiles loin de lui, les mes qui Qe l'ont pas dsir avec ardeur sur la terre. Cette expiation n'est pas lgre pour ces mes, cause de l'imptuosit de leur amour pour Dieu: leur dsir semblable un feu ardent et concentr, les porte avec violence vers ce bien suprme; mais en mme temps, une force invincible les retient enchanes, et ce supplice n'a rien de pareil. Plusieurs mes ont rvl quelque chose de ce cruel tourment. Voici un fait arriv dans le grand-duch de Luxembourg, et dclar authentique par le vicaire gnra' de l'lecteur-archevque le Trves,
- 0 0 Le jour de l.i Toussai,il, mu fille d'une pit et d'une modestie exemplaires vit paratre devant elle, l'me d'une dame morte depuis peu, qui lui avoua que son plus grand purgatoire tait d'tre prive de la vision batifique de Dieu. La dfunte tait vtue de blanc, u n voile galement blanc recouvrait sa tte; elle tenait un rosaire la main, en signe de la dvotion qu'elle avait toujours professe envers la 'Reine du ciel. Elle lui apparut plusieurs fois, particulirement l'glise; sans doute, cette me sainte choisissait de prfrence le lieu saint parce que ne pouvant encore possder Dieu dans le ciel, elle voulait au moins jouir de sa prsence mystrieuse dans le tabernacle; de plus, elle tait assure par ce moyen des suffrages immdiats de la jeune fille; aussi avait-elle soin de se mettre genoux ses cts; elle l'accompagnait mme jusqu' la table sainte. Oh ! alors, le visage de la dfunte resplendissait d'une ardeur si cleste que la jeune fille en tait dans le ravissement. Ds que la pieuse chrtienne apercevait cette me amie, elle se mettait en prire pour sa dlivrance. Souvent aussi, elle faisait clbrer et entendait pour elle une messe de Requiem un autel privilgi de la sainte Vierge. Un jour qu'elle s'occupait avec plusieurs de ses compagnes parer une chapelle de Notre-Dame, il vint ces jeunes filles la pieuse pense de baiser les pieds de la statue ; quelques unes d'entre elles engagrent leur amie donner elle-mme quelques baisers de plus pour le soulagement de l'me qui lui apparaissait, ce qu'elle fit uussittet avec une grande dvotion. Comme
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B i elle revenait sa demeure, la dfunte vint SA rencontre avec un visage joyeux, la salua profondment comme pour lui rendre grce, et lui dit qu'elle avait fait le vu pendant sa vie, de faire clbrer trois messes un autel de la sainte Vierge, mais qu'elle n'avait pu l'accomplir, et elle la supplia de la librer de cette dette qui la retenait captive loin de Dieu. La jeune fille s'empressa de la satisfaire, et le jour que la troisime messe venait de se clbrer, comme elle sortait de l'glise, elle vit accourir la dfunte toute rayonnanlo de joie. Son exil touchait son terme, et, dans ^'effusion de sa reconnaissance, elle lui tendit les bras comme pour l'embrasser. A cette vue, la fervente chrtienne s'agenouilla et se mit rciter, les bras en croix, cinq Pater et cinq Ave en l'honneur des cinq plaies.de Notre Seigneur. Tout le temps que dura la prire, la dfunte soutint les bras de sa libratrice. Cette me reconnaissante cherchait dj la rcompenser par des avis et des conseils tels que ceux-ci. 1 De ne jamais faire des vux qu'elle ne puisse.facilement accomplir, parce que les promesses faites Dieu sont rigoureusement exiges. 2 De ne jamais mentir, parce que le mensonge mme le plus lger est svrement puni en purgatoire. 3" Do professer une tendre dvotion envers la sainte Vierge, spcialement de se souvenir de ses douleurs, alors qu'au pied de la croix, elle contemplait les plaies sacres de son adorable Fils. Ayez soin, lui dit-elle, toutes les fois que vous rencontrerez son image, de rpter ces trois invocations de ses litanies: Mater admirabilis, Consolatrix ajjlictorwn
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Regina sanctorum omnium! Plus vous aimerez et ser\ irez fidlement pendant la vie cette Mre de misricorde, plus elle vous sera propice l'heure de ht mort, ce moment terrible qui doit dcider de votre sort ternel 1 Elle lui conseillait aussi d'appliquer ses oraisons, ses pnitences, toutes ses uvres pieuse-, aux mes du purgatoire, qui reoivent de tels suffrages un grand soulagement. Comme elle finissait de lui donner ces salutaires conseils, la cloche de l'lvation se ht entendre, aussitt l'me accourut vers l'autel et s'agenouilla dans la plus profonde adoration. Chaque fois que la jeune fille prononait les saints noms de Jsus et de Marie, la dfunte s'inclinait avec respect. Notre jeune privilgie .sachant a quel point sa dfunte amie jouissait quand il lui tait donn de s'approcher du divin Sacrement pour l'adorer, l'invita a venir l'glise des Pres Jsuites, le X dcembre, fte de saint Franois-Xavier en l'honneur duquel elle devait communier. L'me fut fidle au rendez-vous; elle se tint tout le temps aux cts de son amie, et ne la quitta qu'aprs l'action de grces, en lui annonant qu'elle reviendrait le 8 d c e m b r e , jour del'Immacule Conception. Au terme fix, elle apparut, mais si radieuse que la jeune fille ne pouvait la contempler. Aprs avoir assist a la sainte messe, elle lui recommanda de nouveau la dvotion envers la trs-sainte Vierge, et lui promit d'tre son avocate au ciel. Enfin, le 1 0 , pendant la messe de l'octave, apparut pour la >! -rnire fois cette nic bienheureuse que Dieu venait
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de revtir d'une lumire plus resplendissante que le soleil. Elle s'inclina profondment devant l'autel; rendit une dernire action de grces sa pieuse bienfaitrice; puis elle s'leva vers le ciel, dans les bras de son ange tutlaire. Pendant ce rapide et divin voyage, ce gardien cleste prodiguait cette me toutes les tendresses d'une mre qui revoit son fils bien-aim aprs une longue absence, et il l'emporta lui-mme jusqu'au pied du tronc de l'auguste Trinit. Ce rcit justifie bien cette parole de saint Chrysostme: Supportez tous les tourments, vous n'en imaginerez point qui galent la privation de la vue batique de Dieu: Un pote a dit :
0 quantum maurs a-.]i<vtum Nuiuinis ardent! 0 quanta e M tiViitn c j i v w i m * u . i b m i u ! Inferni turmenta minus quant IMIUIIU oili Excruciant; ani s u - M i m urit ann>r:
Oh! avec qu'elle impatience les mps soupirent aprs la vue de Dieu; oh ! quelle est dure pour le juste, cette captivit! Les tourments de l'enfer sont moins douloureux que l'loignement des joies du paradis; l'amour y consume plus que le feu I
(V. Eusbe Nieiemberg, De PtflWlwiine Dei, livre II, e. 11. )
XVIII MERVEILLE. On souffre dans le purgatoire des peines en rapport avec les fautes commues.
Filius Hominis tjus: reddd, unicuique secundumapaa
La seule lumire de la raison avait persuad aux anciens que la Justice divine inflige dans l'autre vie des supplices correspondants au genre des fautes commises; c'est celte croyance qui a inspir leurs potes des Hlions telles que celle de Tantale dans les profondeurs lu Tartare. Et nous, enfants de la vraie foi, nous savons d'une manire certaine que Dieu, dans sa souveraine quit, fait souffrir dans le lieu de l'expiation des peines conformes aux pchs commis. C'est le Heu de mentionner ici une rvlation faite saint Corpre, vque en Irlande. C'tait aprs le chant des vpres, le prlat tait rest dans l'glise pour faire oraison, lorsque soudain il vit devant lui un spectre ple, tnbreux, pouvantable. Il portait au cou un collier de flammes et il tait revtu d'un haillon de tunique qui n'avait mme qu'une manche. Ce spectacle n'effraya point Corpre, tant tait grande sa confiance en Dieu. Qui tes-vous? dit-* il, au fantme. Je suis, rpondit-il, une me de l'autre
vie. Et qui vous a rendu si affreux? Les pchs que j'ai commis m'ont rduit cette extrmit; quoique vous me \ojiez dons un si mi a r a b l e t a t . sachez que je suis Malachie, roi d'Irlande. Hlas, je n'ai pas fait le bien que ma position nie permettait de faire et que le Seigneur demandait de moi. Le prlat tonn rpliqua: Je croyais que vous aviez fait en cette vie une vraie pnitence de vos fautes. Hlas! avoua le spectre, je n'ai pas voulu obir mon confeseur, et pour le faire plier sous ma volont, je lui ai offert uu anneau d'or, et maintenant, cause de cela, je porte au cou un cercle de feu qui nie tourmente horriblement et qui me retient captif. Le confesseur pour sa Coupable complaisance, porte un collier semblable, mais son supplier- est encore plus nl'reuv que le mien. Le saint voque admirait cette gale rpartition de J a divine Justice; il dsirait savoirde plus ce que signifiait ce vtement sale et incomplet. L'me lui apprit que c'tait un chntimont spcial. Ce vtement souill *t dlabr est une punition d'un manque de charit. iUn jour un mendiant demi-nu m'avant demand l'auiBine, je le renvoyai h la reine qui ; peu compatissante) ne lui donna que ce haillou dont vous me voyez recouvert pour ma confusion. Le saint lui demanda alors pourquoi il lui apparaissait, et ce qu'il dsirait de lui. Il n'j a qu'un instant, rcpondil-il, les dmons me faisaient tournoyer dans les airs en me battant avec cruaut, lorsque soudain ils entendirent votre psalmodie; ne pouvant supporter le chant des divines
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.ouanges, ils ont pris la fuite et m'ont laiss momentanment dans ce lieu. Je profite de cet instant pour implorer vos suffrages. Le dfunt avait peine achev, qu'il s'cria : Hlas! hlas! les voil qui reviennent me prendre! Mais avant de vous quitter, mon Pre, je veux, afin que vous vous souveniez de moi, vous indiquer le lieu o j'ai cach cent onces d'or et mille d'argent, pendant le sige de Dublin Vous disposerez de cette somme suivant votre volont. Non, non, dit Corpre, je ne veux point devenir riche sur la terre; c'est dans le ciel que j'ai plac mon trsor. Mais pour cela je ne laisserai point d e prier pour vous. Aprs ces paroles, l'me disparut en faisant entendre cette triste plainte: Malheur! malheur celui qui ne fait pas le bien lorsque le temps lui en est donn!" Le saint vque rassembla ses chanoines, leur raconta sa vision et leur demanda ce qu'il fallait faire pour soulager ces deux mes. Il fut dcid que le prlat intercderait pour le dfunt roi, et que le chapitre s'emploierait la dlivrance du confesseur. Ils s'imposrent dans cette intention des jenes et diverses prires. Il y avait dj six mois qu'ils persvraient dans leurs uvres de charit, lorsque Malachie apparut de nouveau au saint vque. Son aspect annonait une sensible amlioration: il y avait en lui un mlange de joie et de tristesse, de lumire et d'obscurit. Interrog par le suint, il rpondit qu'il tait mieux; mais que nanmoins, il tait encore en proie de si cruelles
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souffrances, qu'il prfrerait tre condamn rester sur la cime d'un arbre agit des vents; tre expos l'intemprie des saisons, la rigueur des froids les plus rigides, ou aux ardeurs d'un soleil dvorant, sans un seul moment de repos. Pour acclrer sa dlivrance, on persvra dans de pieux suffrages pendant l'espace d'un an. Enfin, un jour que saint Corpre tait rest seul dans l'glise pour y faire oraison, Malaehie apparut ses yeux, dans tout l'clat du triomphe cleste, fl lui rendit de touchantes actions de grces pour ses charitables secours; puis il ajouta que son 'confesseur le rejoindrait au ciel le jour suivant, grce aux ferventes prires du clerg. Saint Corpre lui demanda pour quelle raison ils ne montaient pas ensemble la cleste patrie; le dfunt roi lui rpondit que son intercession avait t plus agrable la divine Misricorde, et plus efficace que les prires de tout le chapitre. Touchante preuve de l'amour de prdilection que le Seigneur a pour les mes saintes.
(Acta Sanitorum
Le glorieux saint Philippe de Nri tait ;>l"in de charit envers les dfunts; il offrait pour eux de continuels suffrages, spcialement pour les mes qu'il avait diriges pendant la vie, se croyant plus oblig de secourir celles-l que les autres. Aussi plusieurs d'entre elles, lui apparurent en maintes circonstances, soit pour le remercier, soit pour le solliciter. Saint Philippe offrait surtout pour les mes suppliantes l'Hostie de propitiation, et son historien assure que c'tait toujours avec une souveraine efficacit. Le saint le faisait d'autant plus volontiers, qu'il recevait lui-mme par l'entremise de ces mes reconnaissantes les grces les plus signales. Entre plusieurs traits merveilleux, citons celui-ci: saint Philippe venait de mourir; un Pre Franciscain d'une minente pit, faisait oraison dans la chapelle oit tait dpos le corps vnr, lorsque le saint lui apparut dans tout l'clat du triomphe. II tait par de gloire et de beaut au milieu d'un cortge cleste. Frapp de l'air de bont et d dvicpur qu'il dcouvrait sur ce majestueux visage, le religieux s'enhardit lui
69 demander quelle tait cette troupe brillante dont i| tait accompagn.-Le bienheureux rpondit que toutes ces mes avaient appartenu son Ordre, ou avaient t diriges par lui pendant leur vie, et que dlivres ensuite par ses supplications, elles taient venues sa rencontre pour le conduirez la gloire du paradis. Ce zle de saint Philippe pour les mes, passa en hritage l'Ordre des Oratoriens; l'un d'entre eux, le Pre Maman ti, si digne de mmoire, ne cessait d'offrir pour les dfunts de ferventes prires. Le divin Sauveur se plaisait les exaucer et plusieurs fois la glorieuse dlivrance des mes lui fut manifeste. Il y avait dans la ville d'Aquila une demoiselle noble nomme Elisabeth, plus riche des grces clestes que des biens de la terre, et qui gmissait de ne pouvoir se consacrera l'Epoux divin parmi les vierges d'un monastre, faute d'une dot suffisante. Le serviteur de Dien la consolait en lui disant que Jsus lui prparait des troc^S ternelles, et qu'elle eut s'y prparer sans retard. En effet, elle tomba bientt malade, et au bout de quHqties jours, elle mourut de la plus sainte des morts. A peine venait-elle de rendre le dernier soupir, que le Pre Magnanti eut l'assurance que cette me serait bientt couronne dans le ciel. Au lieu donc de s'affliger avec la famille, il la consolait, eu la flicitant d'avoir une avocate auprs de Dieu. La prdiction fut justi!i<e. car la dfunte apparut rayonnante de joie et de splendeur l'un de ses frres et lui d i t : Avertissez mon pre que, grce a l'intercession du Pre Magnanti. je monte la glorieuse Batitude.
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Le saint religieux recueillait pour les mes d'abondantes aumnes, et quoiqu'il ft grand amateur de la pauvret, il avait dans sa chambre une bourse qu'il appelait le trsor des mes, imitant en cela le divin Sauveur, dont le vnrable Bde dit qu'il couservail une bourse des dons des fidles afin de les distribuer aux indigents. Ce bon Pre y ajoutait encore l'aumne spirituelle de ses prires et de ses pnitences. Son admirable charit pour les mes le porta mme demander Dieu d'exercer contre lui-mme une partie des rigueurs qu'elles avaient mrites. Sa prire fut exauce; il fut atteint de douleurs telles, qu'il ne pouvait changer de place sans prouver des souffrances inconcevables; ce qui ne l'empcha pas toutefois d'entreprendre de longs voyages dans l'intrt du prochain. De sorte qu'on p uvait lui appliquer ce mot de l'historien romain au sujet d'un guerrier qui tait demeur boiteux d'un coup reu dans une victorieuse bataille : Chacun de ses pas gravait les traces de son triomphe. Le Pre Magnanti attribua toujours ces mes bnies les grces extraordinaires dont il fut favoris. Il savait lire dans l'intrieur des mes, djouer les ruses du dmon; mme il fut anim plusieurs fois de l'esprit prophtique. Mais comme le monde est plus soucieux des biens temporels que des dons purement clestes, je parlerai seulement d'un danger dont fut dlivr le serviteur de Dieu par l'intermdiaire des mes. Magnanti revenait d'un plerinage la Santa-Casa,
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et il tait arriv prs de Norcia une clbre glise de la sainte Vierge. Il voulut, malgr les avis de ses compagnons de voyage, s'y arrter pour clbrer le divin sacrifice en faveur des mes souffrantes. Aprs son action de grces, on se remit en route. Ils avaient traverser un lieu fort dangereux, o plusieurs assassinats s'taient commis. Or, peine y furent-ils arrivs, qu'une troupe de bandits fondirent sur eux, les lirent des arbres, afin de les dpouiller et de leur faire endurer ensuite toutes sortes de tourments. Car ces hommes barbares ne se contentaient pas de vivre du fruit de leurs rapines, ils assouvissaient encore leur frocit sur leurs malheureux prisonniers. Au mme instant, parurent sur la montagne deux enfants qui se mirent crier avec force: Aux voleurs! aux assassins! Les bandits qui taient au nombre de douze, coururent au devant des enfants, dchargrent sur eux leurs arquebuses, afin de les tuer "ou de les contraindre fuir; mais les petits agresseurs, loin de se laisser intimider, avanaient toujours en criant plus fort: Aux voleurs! aux assassins! Cette audace inspira de la crainte aux bandits; ils prirent la fuite en toute hte; les enfants dlirent les pauvres captifs et disparurent sans qu'on pt jamais savoir qui ils taient ni d'o ils venaient. Magnanti et ses compagnons rendirent grces au Ciel et demeurrent persuads que ces petits librateurs taient deux mes du purgatoire qui Dieu avait fait prendre cette forme enfantine pour signifier sans doute que les mes avant de monter la sainte patrie, devaient avoir recouvr
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leur premire innocence selon cette parole du Christ:
Vous n'entrerez point dans le royaume du ciel, si rou< ne devenez semblables de petits enfant*. ( J. Marcion, Comjr. Oralorii, Til. I, I. 2. h. 2'i. >
Il n'y a point de parole plus douce l'oreille de Dieu fjue celle qui implore sa misricorde: II crient rrrs moi et je l'exaucerai, a dit le Seigneur. Aussi dans sa bont, il a permis plusieurs fois aux mes du pur; atoire de nous faire entendre leur* plaintives supplications. Voici quelques exemples empruntes l'hihloire de la Compagnie de Jsus. 11 y avait au collge d'Ingolstadt, un religieux d'une grande vertu, nomm Jacques Rem; sa compassion pour les mes tait admirable; jour et nuit il s'appliquait les soulager par de ferventes prires et une foule d'autres bonnes uvres. Dieu rendait ses suffrages si efficaces, que les dfunts lui faisaient de frquentes visites; ils s'approchaient do son lit pendant la nuit, murmuraient son oreille ou rappelaient a
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haute voix, le suppliant de se mettre en oraison, et le bon Pre se rendait aussitt leur dsir. Un grand nombre de personnes de (oue condition ont dpos avec serment qu'elles avaient entendu plusieurs fois dans le cimetire voisin du collge des cris sortant du fond des lombes et des plaintes semblables celles-ci : O Pre Jacques, av ez compassion de nous! nos soufl'r.ui i . sont pouvantables; a h ! par charit, veuillez uou.-, secourir ! On peut conclure de l, quel prix les morts attachaient aux suffrages de ce grand serviteur de Dieu et de Marie. Il recevait de cette di\ ine Mre des faveurs merveilleuses pour les mes et pour lui-mme. Parmi les apparitions dont il fui favoris, nous citerons celle du P. Franois d'Asti. Cette me interroge par son bienfaiteur eu quel tat elle se trouvait, rpondit: Dans une joie ineffable. > Cette rponse combla le > bon Pre d'une telle consolation qu'il ne pou\ait parler de ce fait sans se sentir le cur rempli d'une joie toute cleste. Le P. Joseph Anohieta, surnomm l'Aptre du Brsil, avait pour les dfunts un zle non moins admirable e t pon moins efUeaue. Pendant qu'il tait au collge de Bahid, il fut appel en toute hte pour administrer un toalade qui habitait un v ill.ige assec distant do la v ille; au retour, la nuit le surprit au milieu d'une fort, Aprs avoir chemin longtemps, il arriva prs d ' u n la", m i il fut d'abord assourdi par le coassement d e s i-..nouilles innombrables qui peuplaient ces bords; cependant, au milieu d e c e s confuses clameurs, il distingua por
intervalles, des gmissements de voix humaines qui semblaient rvler d'horribles souffrances. Le compagnon d'Anchieta, saisi de frayeur, sentait un froid glacial parcourir tous ses membres; mais lui, habitu ces manifestations surnaturelles, le rassura, et le prenant par la main, il s'avana avec lui prs du rivage; l, se mettant genoux et levant les yeu\ et les mains vers le ciel, il adora le souverain Matre de toutes choses, puis il dit son compaguon: Rcitons cinq Pater et cinq Ave pour le soulagement des mes qui font leur purgatoire en ce lieu et qui implorent notre secours. Cette prire acheve, les gmissements cessrent. Le compagnon du Pre passa plusieurs fois dans cet endroit en prtant une oreille attentive, mais nulle plainte ne se fit plus entendre. On demeura certain que, grce aux ferventes prires du religieux, la divine Misricorde avait dlivr ces mus souffrantes. Si une simple prire d'Anchieta tait si puissante auprs deDieu,on doit juger de quelle elficaeit taient les messes qu'il offrait pour les dfunts. Pendant l'octave de Nol, le jour de la fte de saint Jean l'vangliste, le saint religieux revtit les ornements noirs et dit une messe de Requiem au grand ctonnement des fidles, attendu que la couleur noire ne doit pas paratre a 'l'autel en ces solennits. Le Pre Nobrga. suprieur de la maison, bien que p n s u a d qu'un ivligiettv d tant de science ei de saintet avait quelque ;:ra' e motif d'agir ainsi, ne laissa pas de le reprendre d e . ',.1 tous les religieux cause do cette irrgularit cxl<rieure qui avait pu mal difier: Pre Joseph, lui dit-il,
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t o n n e n t se peut-il faire qu'en une pareille fle, vous ayez refus au disciple hicn-aim les honneurs que lui rend aujourd'hui toute l'Eglise; avez-vous donc oubli les prescriptions des rubriques ce sujet? Le bon religieux, contraint par l'obissance, rpondit avec simplicit que Dieu lui avait fait connatre pendant la nuit qu'un de ses condisciples l'universit de Comre, tait pass de vie trpas, et que press par u n (dOuvonient intrieur, il tait mont tout de suite l'autel pour la dlivrance de cette m e : Eh bien! fpliquu le suprieur, savez-vous si ce sacrifice lui a (ft utile? ' O u i , mon Pre, rpondit modestement Anchiela. immdiatement aprs lu commmoration 'des morts, cette me a t dlivre de toutes ses peine'-, t s'est etnole joyeuse vers la sainte patrie.
( Jacques Hautin, Patmr, animai., ch. II, art. .^
XXI MERVEILLE. Tout ce que vous ferez pour la dlivrance des mes, vous sera rendu par le Seigneur.
Edem meMur que mensi futritis remettettu vobh: On vous remettra ?elon la me>urc quevous aurez nnpWrV pour le? autres, (lue., vi, 38.)
Cher, les Hbreux, d'aprs une loi du Lvtique, les riminels taient condamns la peine du talion. Cette peine consistait leur faire souffrir tout le mal
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semblable sera inflig a tous ceux qui auront eu poulies dfunts une coupable indiffrence; ils seront leur tour ensevelis dans l'oubli. Nous, citerons ce sujet un fait intressant tir des chroniques des Carmes dchausss. Au bourg de Los-Angelos, dans la Nouvelle-Espagne, un vertueux religieux du monastre de Notre-Damedu-Remde, passa l'autre vie, et personne ne songea prier pour lui. A cause de cela, il demeura au purgatoire plusieurs annes; tant il est vrai que la vie la plus vertueuse n'est pas sans reproche devant Dieu. Cependant la divine Misricorde lui permit d'apparatre un pieux convers du mme Ordre, nomm Pierre de Sainte-Marie. Aprs lui avoir reprsent l'horreur des tourments qu'il endurait, il le conjura d'aller en son nom supplier le Pre prieur de faire clbrer pour lui plusieurs messes, ajoutant que sa dlivrance en dpendait. Le frre s'acquitta promptement du message; mais le prieur, frre Dominique de la Mre de Dieu, n'eut gure foi en sou rcit; souponnant l un effet de l'imagination plutt qu'une vision, il ne fit point dire les messes, bien que malgr son doute, la charit eut exig de lui ces suffrages. Aprs quelques jours, l'me apparut de nouveau frre Pierre, et lui dpeignit d'une manire encore plus frappante toute l'horreur de sa situation, le pressant de retourner encore vers le prieur afin d'obtenir les messes demandes. Cette fois le Pre Dominique accueillit favorablement
77 la requte, et immdiatement, il donna Tordre plusieurs religieux d'offrir le divin sacrifice pour la dlivrance du dfunt. Bientt on connut l'effet de cette charit. Une nuit, pendant l'office de matines, on vit briller un globe de lumire, et au milieu tait cette me bienheureuse qui s'levait doucement vers le cie. Avant de disparatre, elle s'inclina joyeuse, d'abord Vers le bon frre, ensuite vers le prieur, leur faisant tous deux de touchantes dmonstrations de reconnaissance pour la faveur insigue qu'elle venait de recevoir par leur mdiation. Toutefois le Pre Dominique qui n'avait pas voulu Consentir de prime abord procurer les suffrages demands, fut condamn son tour descendre dans le lieu de l'expiation. Sa vie avait t fort exemplaire, mais la faiblesse humaine lui avait fait contracter quelques souillures; car, dit saint Grgoire, la poussire de ce monde s'attache aux curs les plus purs. Aprs avoir gmi un certain temps dans son triste exil, il lui fut permis de venir implorer des suffrages. H se montra au frre Joseph de Saint-Antoine, religieux convers d'une admirable simplicit; il le pria d'avertir tout de suite le prieur que l'me du Pre Dominique se trouvait depuis longtemps dans des flammes ardentes, et qu'elle avait besoin pour tre dlivre, qu'on clbrt pour elle un certain nombre de messes (il en marqua le chiffre). Ce sont, poursuivit il des messes que j'ai diffr d'acquitter, et la mort m'a surpris dans cotte ngligence. Frre Joseph, qui tait dans ce moment occup h
78 couper du bois dans la fort, quitta l'instant son travail pour courir avertir le prieur de ce qui venait de se passer. Celui-ci ne savait trop s'il devait considrer cet vnement comme une vision ou comme un vain songe. Enfin par une permission spciale de la Justice divine il ngligea l'avertissement, et le Pre Dominique fut trait comme il avait trait autrefois le pauvre religieux qui rclamait ses suffrages. Cependant il ne perdit point l'espoir d'obtenir l'effet <le sa demande. 11 apparut de nouveau au frre Antoine et lui dit d'aller se jeter pour lui aux pieds du prieur, de lui reprsenter les horrible* tortures qu'il endurait et de le supplier de faire dire les messes dsignes. Le prieur se rendit cette fois, et ordonna plusieurs Pres d'acquitter les intentions du dfunt. A partir de ce moment toutes les apparitions cessrent, et l'on demeura certain que cette me tait entre dans son divin repos. En terminant ce rcit, nous dirons d'aprs l'enseignement de l'Ecriture sainte, que s'il est dangereux d'ajouter foi toutes sortes de paroles, il est dangereux aussi de tomber dans l'excs contraire: la premire disposition est un signe de lgret, et la seconde est la marque certaine d'un secret orgueil qui conduit l'infi'iilit
(J. Marcicn, Corujr. Oratvrii, Tit. 1, I. 2, ch. 2'J.)
XXII MERVEILLE. Touchante compassion d'un grand serviteur de Dieu envers les dfunts.
Flexus deft(mi): ad miiericordiam, lamjmas fudit, recordatui
'I oubli
lar-
Voici encore un mmorable exemple de la charit envers les morts. Gratien Ponzoni, membre de la Congrgation des Oblats, et archiprtre d'Arona, se signala par un zle constant et infatigable pour la dlivrance des mes. il Serait trop long de redire en dtail ses ferventes prires accompagnes de larmes, ses veilles, ses jenes, fies austrits de toutes sortes; nous citerons seulement Un fait particulier. Semblable au saint homme Tohie dont il est dit qu'il s'empressait de donner la spulture ceux qui venaient de mourir ou d'tre tus, il ensevelissait 1 ; morts rie ses propres mains; les pauvres, les inconnus les plus dlaisss, taient l'objet de sa p r d i l c t i o n . Or, il arriva une anne, qu'Arona fut frapp d'un mal contagieux dont furent victimes un grand nombre de Soldats napolitains, en garnison dans cette ville. Antonio Conturbio, le fossoyeur, dont le devoir tait d'ensevelir ces infortuns, n'avait pas le courage d
80 mettre la main l'uvre, tant il redoutait la contagion. Le bon archiprtre avait l'me brise de douleur la vue de tant de cadavres privs de spulture, et pour mettre fin cet tat de choses, il fait appeler Antonio, lui reproche sa faiblesse, et l'exhorte par les paroles les plus persuasives accomplir sa mission; puis, joignant! exemple au conseil, il se rend avec lui au milieu de la nuit, dans le lieu o gisaient les corps, et l'aide les enterrer. Tant que dura l'pidmie, il continua cet exercice d'hroque dvoment. C'est ainsi qu'il justifiait cette parole de J'Aptre: La charit dtruit toute crainte. Il mritait bien que ses oraisons fussent agrables Dieu comme celles de Tobie, et qu'elles fussent portes par un ange du ciel au pied du trne divin. Ces pestifrs auxquels le saint prtre donnait la spulture, avaient reu au moment de la mort tous les soins que la charit la plus ardente peut inspirer. Aprs leur avoir aid franchir le seuil redoutable de l'ternit, il avait voulu que leurs corps fussent inhums dans le cimetire situ prs de son glise de Sainte-Marie. Un jour, aprs le chant des vpres, comme il se promenait auprs de ce cimetire, en compagnie de don Alphonse Sanchez, gouverneur d'Arona, seigneur d'une admirable pit, il s'arrta tout--coup, les yeux fixs vers les tombes, et comme frapp par quelque spectacle trange. Le gouverneur regardait aussi du mme ct, et l'effroi tait peint sur son visage. L'archiprtre, se tournant vers lui, lui demanda: Voyez-vous
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cette procession de morts? quelle marche lugubre 1 Ahl ils pntrent dans l'glise, bien qu'elle soit fermel Je vois la mme chose que vous, dit Sanchez. Le bon prtre tait fort content d'avoir u n tmoin qui pt attester la vrit de ce merveilleux vnement. Dans la persuasion que ces mes n'apparaissaient que pour demander des suffrages, il fit sonner les cloches ce soir mme afin de runir les fidles. Il leur annona pour le lendemain un service solennel en faveur des morts qui taient apparus. Ce vnrable archiprtre demeura convaincu que c'taient les mes des soldats qu'il avait assists, et qui, n'ayant dans l'autre vie de secours qu'en lui seul, taient venus implorer ses suffrages. Ce fidle serviteur de Dieu s'efforait par tous les moyens possibles d'inspirer ses prtres et aux fidles le zle ardent qui l'animait pour les mes souffrantes. C'est dans celte intention qu'il fit construire une petite chapelle dans la partie du cimetire qui touchait son glise; et afin que ceux qui passaient dans ce lieu, songeassent prier pour les morts, il y exposa de manire frapper les regards, u n grand nombre de ttes et d'ossements. Enfin, sa charit pour les mes souffrantes animait toutes ses actions: les jeux mmes qu'il offrait comme dlassement aux familiers de sa maison, avaient encore pour but la dlivrance des dfunts. Il avait rgl que tout le gain serait employ faire dire des messes de Requiem. A cet effet, une boite tait dpose sur la table. Par ce moyen, quelle que ft la chance du ie,u. il
tournait toujours au bnfice des dfunts et l'avantage des joueurs. Ingnieuse charit qui plaisait Dieu, bel exemple suivre dans les familles I
( V. P. Marc-Antoine S.J. Rossa. Vite venerabilis Graziani Punzoni, c. 8. )
XXni MERVEILLE.
Une petite aumne faite de bon cur apporte un grand soulagement aux mes du purgatoire.
Si exiguum tibi fuerit, exigwm libenter impertiri stude: prcemium enim bonum tibi thesaurizas: Si tu as peu de chose, donne peu, mais volontiers: tu amasses ainsi une rcompense qui sera grande. (Tobie, v, 9.)
L'ange Raphal recommanda spcialement au jeune Tobie la vertu de l'aumne et le soin des morts, deux actes de compassion qui se donnent la main et se serv e n t avec une admirable harmonie. Voici ce sujet, u n e histoire consigne dans les annales des Pres Augustins-Dchausss. Lors de la fondation du couvent de Sainte-Marie Aversa, le directeur des travaux, le P . Hilarion de Saint-Antoine, religieux de grande vertu, avait choisi pour demeure un hospice peu loign de l'glise de Saint-Franois o il clbrait la sainte messe tous les fours. Or une fois, un bon lac nomm Jean-Baptiste, emplov dans la construction titre d'conome, vou-
salut le servir l'autel et communier pour les mes du purgatoire l'intention desquelles le religieux clbrait ce matin. Aprs l'action de grces, le Pre Hilarion se sentit inspir d'inviter le pieux conome partager avec lui son modeste repas. Celui-ci accepta de bon cur, et aprs avoir termin plusieurs affaires, il se rendit l'hospice l'heure indique. Comme il entrait dans la cour intrieure, il rencontra un beau jeune homme, richement vtu, qui lui dit qu'il souhaitait entretenir le Pre Hilarion sur un sujet important. Celui-ci, qui trouvait le moment peu opportun, allgua quelque excuse afin d'viter cette entrevue. Mais le jeune tranger fit des instances si pressantes, qu'Hilarion fut oblig de se rendre. Comme il demandait cet inconnu le motif de sa visite, celui-ci, pour toute rponse, le supplia de vouloir bien lui donner dner ce jour-l mme. Une telle demande tonna le religieux, d'autant plus que celui qui la faisait ne paraissait pas avoir besoin d'un dner; toutefois il se rendit son dsir et le pria d'attendre un instant afin qu'il pt se pourvoir du peu qui se trouvait dans son pauvre logis. Il courut au panier du pain, en tira un tout frais et fort blanc, sans l'avoir choisi. Il eut aussitt la pense de le changer contre un autre de qualit infrieure; mais au fond du cur, une secrte voix lui disait: Pourquoi ne pas prendre le meilleur? qui sait si ce n'est point un ange du paradis? car srement, il est entr dans la cour, les portes closes. Il prend donc ce pain, y ajoute la meilleure partie des mets servis sur sa table et lui
- 8 4 envoie le tout, en le priant de vouloir bien l'agrer, que c'tait tout ce qu'il pouvait lui offrir, tant pris l'improviste. Ensuite Hilarion et Jean-Baptiste se mirent table, mais ils ne pouvaient manger, tant ils taient saisis de crainte; ils se demandaient comment ce noble tranger avait pu s'introduire dans une enceinte soigneusement ferme. Ce pourrait bien tre un ange du ciel, dit le Pre. Et pourquoi, ajouta l'conome, ne serait-ce pas aussi bien une des mes du purgatoire en faveur desquelles nous avons pri ensemble ce matin? Quand on jugea que le jeune homme devait avoir fini, Jean-Baptiste descendit pour lui faire politesse. L'tranger se leva son approche et lui dit: Mon frre, rendons grces Dieu et rcitons un Pater et un Ave en faveur des mes soutirantes. Aussitt, se mettant genoux, il joignit les mains, leva les yeux au ciel, et profra dvotement l'Oraison Dominicale et la Salutation Anglique; puis il se dirigea vers la porte. Prenant alors la main de Jean-Baptiste, il ajouta: Alleu dire au Pre Hilarion de cesser dsormais de prier pour l'me de son pre; elle n'en a plus besoin, car elle monte au ciel cette heure mme. Aprs ces paroles, il disparut soudain h ses regards. Le brave homme saisi de terreur, se mil crier: Pre Hilarion, Pre Hilarion; Puis il ne put plus par> ler,''et tomba la face contre le sol. comme il est dit de la famille de Tobie lorsque l'ange Raphal se fut manifest: A ces parole*, ils furent trouble- et tombrent la
85 Le Pre s'tait mis une fentre d'o il essayait vainementde voir quelque chose. S'entendant appeler, il descendit rapidement l'escalier. Quelle ne fut pas sa Surprise de trouver Jean-Baptiste s a n s connaissance, il eut mille peines le faire revenir. Lorsqu'il fut instruit de tout ce qui venait de se passer; il demeura convaincu qu'une me du purgatoire tait apparue sous la forme de ce jeune (''(ranger. Etait-ce s o n pre. lui-mme? il l'ignorait; toutefois son me tait inonde d'une joie inexprimable par l'assurance que ce pre bien-aim jouissait de l'ternelle batitude. Hilarion et Jean-Baptiste bnirent ensemble le Dieu de misricorde qui avait daign faire en leur prsence cette touchante merveille. Cette rvlation fut confirme par un nouveau prodige. Tous les plats qui avaient servi l'hte mystrieux, taient devenus diaphanes et d'une admirable blancheur; aussi furent-ils conservs prcieusement Surtout aprs le miracle que nous allons rapporter. La fondatrice du couvent avait un fils qui se mourait; Cette mre afflige avait perdu tout espoir de le sauver, dj elle offrait a Dieu sou douloureux .sacrifice, lorsque les personnes qui soignaient le moribond, eurent l'heureuse pense de lui faire prendre un lger aliment dans l'un de ces plats. A peine le malade en ut-il got qu'il fut guri instantanment, la grande admiration des assistants. Ces derniers traits nous prouvent combien la charit envers nos frres est agrable, Dieu, puisqu'il daigna attacher u n i ' vertu miraculeuse des plats
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dans lesquels s'tait faite pour son amour une lgre aumne.
(V. P. Epiphanius Chronic, EF. August. Discute, cap. 38.)
XXIV MERVEILLE. La vertu la plus pure n'est pas sans tach devant Dieu.
Quis potest dicere: Hundum <( en,mewn; punis sum pecato? Qui peut dire: Mon coeur est pur; je suis exempt de pe"ch ? ( Prov., XX, D).
Mallieur la vie la plus digne de louange, si Dieu la juge sans misricorde, s'crie saint Augustin. En effet, est-il un homme sur la terre qui ne dt trembler si le juge ternel venait h scruter sa vie avec toute la rigueur de sa justice. L'il perant de Dieu dcouvre des taches dans les mes ls plus favorises de ses grces. Le fait suivant paratrait incroyable s'il n'tait rapport et certifi par le cardinal de Vitry lui-mme. Dans un village de la province de Lige, vivait en 1208, une veuv,e de murs difiantes; sa grande vertu lui avait concili l'estime et l'affection de la bienheureuse Marie d'Oignies, clbre aussi par sa saintet. Celle-ci avait lev deux filles de la pieuse veuve, dans l'innocence et dans la perfection. Dj ces jeunes
- 8 7 vierges s'taient consacres l'Epoux cleste; et les jeunes personnes trouvaient dans ces deux pouses du Christ le miroir vivant de toutes les vertus. Il plut la divine Providence de frapper leur bonne mre d'une maladie mortelle; bientt elle fut toute extrm i t . Ds que la bienheureuse en fut instruite, elle accourut au chevet de la malade pour lui prodiguer tous les soins que rclamait sa- position et que lui inspirait la plus sainte et la plus ardente amiti. 0 prodige ! en entrant dans la chambre, elle voit la Reine du ciel, la Mre de Dieu, assise auprs de sa servante, et occupe avec un soin tout maternel rafrachir avec un ventail le v isage de la moribonde, tout brlant de fivre. Qu'e.le tait heureuse cette m e , d'aroir mrit dans cette lutte suprme d'tre console et soulage par celle que la douleur humaine invoque sous le nom de Consolatrice des affligs ! Et cependant une troupede dmons s'efforaient d'entrer pour livrer la mourante un dernier et terrible assaut Mais Pinstant mme parut l'aptre saint Pierre, l'tendard de la croix la main. A cette vue, les dmons s'enfuirent prcipitamment et comme frapps de la foudre. Mais l ne se terminrent point toutes les grces du eiel. Lorsque la vertueuse dame fut morte, Marie d'Oignies vit pendant la clbration des funrailles, la Reine du ciel accompagne d'une troupe de vierges divises en deux churs, qui assistaient la crmonie, ranges autour de la dfunte, et chantant d'une voix harmonieuse les psaumes des morts. Il lui sembla mme que Je divin Sauveur prsidait cette sainte as-
88 semble et faisait lui-mme la crmonie des obsques. C'est ainsi, dit l'historien, que l'Eglise triomphante du ciel s'unissait l'Eglise militante pour honorer une lidle servante du Seigneur et de la Vierge divine. Sans doute, lecteur, vous croyez qu'une me tant favorise du ciel pendant la vie, et aprs la mort, favorise ce point qu'il n'existe peut-tre pas un exemple semblable dans les annales religieuses, fut emporte immdiatement au ciel par les anges? Hlas! que les jugements de Dieu sont redoutables dans l'examen des mes ! et quelle puret parfaite il faut avoir acquise pour entrer immdiatement dans le royaume des cieux! La bienheureuse Marie d'Oignies aprs avoir assist aux funrailles et la dposition du corps dans le spulcre, se retira pour faire oraison, et elle fut ravie en extase. Elle vit i'me de son amie porte en purgatoire, et plonge dans un abme de douleurs afin d'y tre purifie de quelques lgres imperfections contractes pendant la vie. La sainte pouvante d'une telle vision courut la raconter aux deux filles de la dfunte, et toutes trois s'unirent pour satisfaire la divine Justice par des prires, des aumnes et diverses austrits. Elles ne cessrent ces exercices de charit que lorsque cette me, clatante de gloire et de splendeurs clestes apparut Marie d'Oignies. Elle tenait un livre, celui ds vangiles, sans doute, pour montrer qu'elle avait t une fidle disciple de la Sagesse incarne et qu'elle avait exactement observ ses prceptes et ses conseils. Puisse le rcit de cette histoire nous inspirer une
89 crainte salutaire des jugements de Dieu, de ce Dieu si bon, si misricordieux pour les mes pendant la vie, et si svre aprs la mort. Puisse-t-elle nous inspirer aussi plus de tendresse et plus de dvotion encore envers l'auguste Mre du Rdempteur, toujours si prompte secourir ceux qui la servent avec fidlit.
(V. L. Surius, 23 juin, Maria Ognacieneit, 1. 2, ch. 3 . )
XXV MERVEILLE.
Cet enseignement du Sauveur de convertir la fange des biens mal acquis en or de mrite et de satisfaction, fut pleinement observ par Zaehe; car il rendit ceux que sa cupidit avait dpouills, une somme quatre fois plus forte, et les pauvres reurent la moiti des biens qui lui restaient. Son admirable exemple fut Suivi par une infinit d'usuriers qui. touchs par la grce, se sont volontairement appauvris de ces richesses dangereuses pour s'enrichir de tous les trsors du
eiel.
Voici un trait du mme genre qui a procur une me du purgatoire son entire dlivrance. Dans une ville de Hongrie, dont l'historien ne dit pas le nom, un soldat de murs sauvages et cruelles,' dcor par un singulier contraste, du nom de Clment,* avait commis un homicide, simplement pour servir la haine d'un mchant concitoyen. Il reput pour le salaire de son forfait, la somme de deux cents florins. Des remords dchirants, consquences ordinaires desgrands crimes, s'emparrent de son cur. Bientt il fut frapp d'une maladie mortelle. Touch p a r la grce, il fait appeler un prtre et lui confesse avec le plus profond repentir sa vie tout entire, et spcialement son lche homicide. Ensuite, il fit vu de consacrer les deux cents florins 5 faire sculpter une Piti, c'est--dire, une Vierge tenant dans ses bras le corps de son divin fils dtach de la croix; de plus, de faire clbrer trois messes comme expiation, et d'offrir douze cierges au Saint-Sacrement. Il eut le malheur de diffrer l'excution de ses promesses, et la mort le surprit. Dieu le condamna un terrible purgatoire; mais en mme temps, dans son infinie misricorde, il lui permit d'apparaitre une sainte fille nomme Reine: Servante de Jsus-Christ, lui dit le dfunt, j e vous supplie pour l'amour de Dieu, d'aller trouver mon pouse qui vous remettra deux cents florins; c'est le prix du sang que j'ai rpandu; vous les emploierez accomplir en mon nom un vu que j'ai fait Dieu et qui consiste faire sculpter une statue de Notre-Dame des douleurs, faire clbrer trois messes et offrir douze cierges au
91Trs-Saint-Sacrement; ce qui restera de la somme sera distribu aux pauvres. Si vous accomplissez tout cela, vous me dlivrerez de mes peines cruelles. La pieuse fille n'osa point s'acquitter d'une telle mission. L'me souffrante revint une deuxime et une troisime fois, ritra ses instances, la conjurant de ne point lui refuser cette grce suprme, si elle avait quelque amour pour Dieu. Cependant Reine ne voulut point encore se charger de cette mission, et supplia cette me de la,laisser en repos et de ne plus la chagriner pour cette affaire d'argent dont elle ne pouvait se charger, n'ayant pour cela aucun titre produire. Mais l'apparition rpondit: Je ne cesserai de vous poursuivre tant que vous n'aurez pas exauc ma demande; fuyez o vous voudrez, je saurai bien vous trouver, car c'est vous seule que j'ai la permission de m'adresser. Ces manifestations ne purent demeurer si secrtes qu'elles ne vinssent a la connaissance d'un des plus notables de la ville. Cet homme touch de compassion pour cette pauvre me, se chargea de faire sculpter ses frais la statue promise. Il fait donc veuir un sculpteur, lui expose son plan et lui enjoint de mettre immdiatement la main l'uvre et d'en hter l'excution. Celui-ci n ' a j a u t point dans son atelier de bois convenable pour une belle statue, s'en alla dans une fort pour en chercher. Pendant qu'il examinait les arbres, il vit venir au-devant de lui un vieillard ple, aux cheveux blancs; il appuyait sur un bton son corps dbile; quelque chose dans sa physionomie et dansson attitude rappelait le soldat dfunt. O allez-
92 vous ainsi et que cherchez-vous? dit-il au statuaire. J e cherche, rpond celui-ci, un tilTeul beau et d u r pour en faire une statue de la Vierge des douleurs; mais jusqu' prsent je n'ai rien trouv. Cessez vos recherches, ajouta l'tranger; pntrez plus avant par ce sentier droite, et vous trouverez un tilleul coup depuis quatre ans, bien sec, bien dur, tel que vous le souhaitez. L'artiste se rendit l'endroit indiqu, trouva sa grande joie l'arbre qu'il dsirait. Il s'empressa de le faire transporter dans sa demeure, et mit tant d'activit son travail qu'en trs-peu de temps il fut achev. Celui qui l'avait command vint le voir, le trouva parfaitement excut et dit au sculpteur de passer chez lui quand il lui plairait afin de recevoir le prix de son uvre. Cependant l'me de Clment apparut de nouveau il Reine, et lui dit qu'il tait ncessaire que la dpense ft faite avec les deux cents florins qu'il avait reus pour le meurtre; afin que le salaire de l'iniquit fut converti en uvres de pit, et que si une partie de cet argent tait dj dpense, il fallait que sa famille vendit divers objets pour la recouvrer, sans quoi il serait retenu bien longtemps dans le terrible feu de l'expiation. Enfin ses dsirs furent accomplis, la statue fut apporte chez Reine et place sur un petit autel, au bas duquel on dposa les deux cents florins. Alors l'me apparut de nouveau, mais rayonnante de joie; elle se rpandit en actions de grces, et commanda de prendre les deux cents florins, d'en donner une partie au
sculpteur et d'en employer le reste selon les intentions nonces. Ces ordres donns, l'me disparut. A quelq u e temps de l, les prtres prposs la ddicace de la statue, racontrent qu'ils avaient entendu distinctement pendant la crmonie, une voix cleste qui hantait : O mon Dieu et mon Seigneur, vous tes ma consolation et mon refuge, vous tes ma force et mon esprance, et maintenant, j ' e n t r e dans l'ternelle flicit que vous avez rserve ceux qui vous aiment.
(V. Ch. Casalicchio, Stim. div. timori, ch. 58.)
Ce n'est point tre anim d'un vritable zle pour le prochain, que de se borner lui tre utile pendant les jours de sa vie mortelle. Nous devons le secourir, noneulement pendant sa vie, mais aussi aprs sa mort. C'est ce que ne cessait de rpter aux enfants de Saint Ignace, le Pre Diego Lainez, second gnral de la Compagnie de Jsus. Il leur faisait entendre que ce ne serait pas correspondre l'excellence de leur Institut. essentiellement organis cour le bien du pro-
chain, si l'on ne travaillait avec autant d'ardeur la dlivrance des dfunts qu'au salut et au soulagement des vivants. Et, joignant l'exemple au prcepte, il appliquait aux mes du purgatoire une bonne partie de ses oraisons, de ses pnitences, de ses tudes et d e ses travaux pour la sainte Eglise. Les Pres de la Compagnie, anims par de si saints enseignements, se signalrent par une charit admirable envers les mes du purgatoire, comme on peut le voir dans le livre intitul. Herw* et victnue chantatis Socittatis /su, duquel je ne citerai que deux traits seulement. A Munster, en Westphalie, vers le milieu du XVII sicle, clata une maladie contagieuse qui causa dans l'espace de quelques jours, une effroyable mortalit. La crainte de la contagion affaissait les courages, et il ne se trouvait presque personne qui voulut se dvouer au soin des malades et la spulture des morts. Alors le Pre Fabricius, de la Compagnie de Jsus, s'offrit avec cette magnanime charit qui exclut toute crainte. Sans cesse au chevet des moribonds, il leur prodiguait tous les secours de l'me et du corps. Aprs leur mort il les ensevelissait de ses propres mains, puis offrait pour eux le saint sacrifice avec une compassion et une ferveur admirables. Ce zle infatigable ne se bornait pas seulement ceux qu'il avait administrs; ses suffrages taient pour tous, et chaque jour, quand le rit le lui permettait, il clbrait une messe de Requiem. II fit tant par ses exemples et ses conseils que tous les Pres Jsuites de Munster consacrrent a u x morts un jour chaque
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SBmois. Alors l'glise tait toute tendue de noir; on clbrait pendant toute la matine des messes de Requiem, et jusqu'au soir, les votes saintes retentissaient des chants funbres. Dieu permit plusieurs manifestations mystrieuses pour tmoigner combien la charit de son serviteur, Fabricius, lui tait agrable et combien aussi elle tait avantageuse aux dfunts. Quelquefois ce saint prtre entendait la porte de sa cellule des voix confuses. Il n'y avait pas un religieux dans la maison, qui ne ft persuad que c'taient les mes du purgatoire qui venaient en foule implorer ses suffrages. Le plus grand prodige de charit fut celui qu'il accomplit la fin de sa vie. Avant d'expirer, il fit le sacrifice de tous les suffrages que la Compagnie a coutume d'appliquer la dlivrance de ses dfunts; il se dpouilla de ce riche trsor pour le rpandre sur les mes du purgatoire. Testament admirable qui lui a valu sans doute une grande gloire dans le ciel, et toutes les tendresses du divin Matre. Une charit toute semblable fut admire dans la personne d'Andr Simoni, de la mme compagnie. 11 n'tait pas prtre, mais son ingnieuse compassion pour les mes souffrantes lui fit trouver un moyen de leur appliquer les mrites du divin sacrifice. Il entretenait ses frais plusieurs prtres pour offrir en son nom des messes de Requiem. Comme il tait trs-pauvre, il n'avait d'autre ressource que de mendier dans cette intention, et la divine Providence, secondant sa sublime charit, portait bea-coup de riches verser
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dans ses mains d'abondantes aumnes. Afin de s'assur e r l'assistance des prlats, des cardinaux, des trangers ot des grands seigneurs qui frquentaient le noviciat de Saint-Andr Rome dont il tait portier, il cultivait un petit jardin rempli de jacinthes, de roses, de girofles, de jasmins, d'anmones et d'une foule d'autres fleurs; il en composait des bouquets dlicats qu'il offrait aux visiteurs avec une charmante simplicit, et les suppliait en mme t e m p s , de se souvenir des mes du purgatoire. 11 convertissait ainsi des fleurs phmres en fruits d'ternelle vie. Aussi les mes dlivres par ses suffrages vinrent en foule son lit de mort pour l'assister pendant la dernire lutte et l'emmener en triomphe la gloire ternelle. A ce jardin si fructueux pour les mes, on pouvait bien appliquer celte parole du prophte Isae: C'est
pi m r procurer leur yloire qu'il a aiitsi culiir la terre.
On lit ce sujet une siauce italienne dont voici le sens: .Jardin charmant dont les bouquets offrent aux m e s , juie, repos et cleste lumire; puisque lu procures un si grand bien, chacune de les fleurs vaut un trsor.
( V. P, Pliil. Aloi.ai.aip : Hi xn s ?t n i limai
ch.'ritulis Sut. J,,,/, IIHJJI-I'> lira,, i
XXVII MERVEILLE.
Dieu rvle quelquefois ses serviteurs l'tat des mes ensevelies dans les tnbreux abmes de la mort.
Rerelut prnfimda de tenebris, et producit in liicem itmbrum mortis: Le Seigneur dcouvre ce i[ui tait cach dans de profondes tnljres, et il produit au jour l'ombre mme de la mort. ( Job xn, 22. )
L'Ordre vnrable des Thatins s'est toujours signal par un zle admirable envers les mes du purgatoire; leur tendre compassion pour les morts leur a fait crer en leur faveur une foule d'ucuvres de charit, et composer aussi un grand nombre d'ouvrages de mrite. C'est un Thatin, le Pre Jrme Maza, qui a compos et publi l'excellent ouvrage intitul: Exhortations quotidiennes prier pour les morts.
Parmi le nombre de ces ferv ents religieux, je choisis le plus remarquable, saint Andr Avellin que Dieu favorisa par une grce particulire. Pendant les lo' gues et ferventes oraisons qu'il offrait au bnfice des ames, il lui arrivait parfois d'prouver un sentiment de rpulsion, il sentait comme un frisson d'horreur parcourir ses veines; d'autres fois, c'tait tout l'oppos, jl prouvait, une consolation, une suavit intrieure qui le portait prier avec une ferveur nouvelle. 11 reconnaissait ces signes l'tat de l'me pour laquelle
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il s'tait mis en prire; le sentiment de rpulsion lui indiquait une me rprouve, et le sentiment d'attrait intrieur lui rvlait au contraire une me du purgatoire. Il en tait de mme dans l'oblation du saint sacrifice, qu'il offrait presque toujours pour les morts: si en montant l'autel, il se sentait attrist, et comme repouss par une main invisible, c'tait un indice que l'me pour laquelle il avait eu l'intention de dire la messe, tait perdue; mais quand il se sentait anim d'une dvotion extraordinaire, c'tait une marque certaine qu'il n'intercdait pas en vain. Voici encore un trait qui montre combien Dieu se plaisait rvler l'tat des mes son fidle serviteur. Un religieux du mme Ordre, le Pre Solaro, tant l'agonie, on entendit dans sa cellule de grandes rum e u r s , comme si plusieurs personnes combattaient l'une contre l'autre. Les Pres qui assistaient le moribond, jugrent qu'il avait soutenir une lutte des plus terribles; aussi redoublrent-ils leurs prires, et une partie d'entre eux montrent l'autel pour offrir la prcieuse Victime. Ds qu'il fut mort, le bruit cessa, mais non les craintes des religieux, car ils tremblaient sur le salut de cette me. Saint Andr s'empressa de les rassurer. Il venait de faire oraison, et pendant ce .temps, l'me de Solaro lui tait apparue; elle lui avait rvl qu'en effet, au moment de la mort, elle avait t assaillie par une troupe d'esprits infernaux. Mais vainement ils s'taient efforcs de l'entraner dans les abmes ternels: ne trouvant point en elle les pchs qu'ils v cherchaient, ils avaient t contraints une
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fuite honteuse. Le Pre Andr ajouta que cette me n'tait reste que quelques heures en purgatoire pour l'expiation de fautes lgres, que les suffrages de ses confrres, joints la misricorde du Seigneur, l'avaient dlivre, et qu'elle s'tait envole vers les demeures ternelles. Ce rcit du bon Pre combla de joie tous les religieux, et redoubla leur dvotion pour les mes souffrantes. Le zle de saint Andr Avellin pour les dfunts ne s'teignit point avec sa vie. Lorsqu'il eut rendu sa belle me son Crateur, une sainte religieuse, nomme Madeleine Baroua, du couvent de sainte-Mariede-Ia-Sapienre,Naples,se rendit au milieu d e l nuit dans le chur de l'glise pour faire oraison devant le Trs-Saint-Sacrement, et rciter ensuite l'office des morts en faveur du bon Pre, dans le cas o son me aurait besoin de quelques suffrages. A peine avaitrelle commenc les psaumes, qu'elle vit venir elle une abeille qui se mit voltiger autour de son visage avec des mouvements si lgers, si vifs et si gracieux, que c'tait un charme de la voir, elle faisait entendre en mme temps, un murmure doux et suave, comme si elle et voulu rpondre la psalmodie, puis elle se posa sur le brviaire d'o elle ne s'envola qu' la fin del'oifice. Madeleine, pendant ce temps, avait ressenti dans son me une joie et une ferveur extraordinaires. Aprs avoir bien pes dans sou esprit toutes les circonstances de ce fait singulier, et pris conseil de personnes claires, cette sainte religieuse demeura persuade gu_e Dieu avait permis ce prodige pour lui faire
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comprendre combien il r rail sa pit envers le; dfunts, et pour lui annoncer en mme temps que l'me d'Avellin tait au ciel.
( V. p. D. Chrysanlhus Solarius cier. Rcgul. Pentateuchus mortuorum. liv. IV, eh. 29, n. C. j
On ne peut se dfendre d'une sorte d'effroi en lisant dans les annales de l'Eglise les cruelles austrits que se sont imposes certains pnitents afin de satisfaire la Justice divine pour des fautes mme lgres. Je ne rappellerai pas ici les admirables exemples des anciens et clbres anachortes mentionns par saint Jean Climaque, mais un trait plus rcent tir des annales des P. P. capucins. Le frre Antoine Corso est clbre parmi eux, pour ses effrayantes austrit's. Il ne se contenta point de la vie rigide que prescrit son Ordre; mais il y ajouta des pnitences sans nombre, et si cruelles, qu'il n'aurait pu les supporter s'il n'et t assist d'une grce surnaturelle.
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Pendant de longues annes, il porta jour et nuit un cilie de poils do cheval; l'intrieur tait hriss de pointes de fer qui le mettaient tout en sang. Au milieu des rigueurs de l'hiver, il n'tait revtu que d'un mauvais manteau qui ne pouvait le dfendre du froid. Il ne dormait que trois heures sur des planches nues, et donnait tout le reste de la nuit la contemplation, l i s e contentait chaque jour d'un peu de pain et d'eau, et mme pendant longtemps, cinq onces de figues sches furent sa seule nourriture. Quand il fut dans un ge plus avanc, il se rduisit ne manger que trois fois la semaine, un peu de pain seulement, auquel il joutait quelques goutte.-; d'eau. Chaque nuit il se flagellait durement, en mmoire de la passion du Sauveur. Une fois l ' a r n i v , dans la semaine sainte, il passait cinq heures entires prendre la discipline, pour se donner autant de coups qu'en reut Notre Seigneur lors de sa flagellation, et que quelques saints Ont cru tre au nombre de (i.UUfi. Le dmon s'effora d'entraver Corso dans les exercices de ces terribles austrits; mais le fervent religieux persvra toujours, et l'on pouvait dire de lui comme de saint Pierre d'Aleanlara: Par de perptuels jenes, veilles, flagellations, dninent extrme, et austrits de toutes sortes, il rduisit son corps en servitude: il avait pass avec lui cet arrangement, qu ici-bas, il ne lui donnerait aucun repos. Aprs une vie si pnitente, vous croyez lecteurs, que l'me de Corso fut porte aussitt par les anges dans le royaume ternel? Hlas! elle descendit dans
102 Je lieu do l'expiation. Mais, allguerez-vous, ce pauvre religieux a eu le malheur, sans doute, de tomber dans quelque faute norme. Non certainement, car il a offert Dieu dans sa conscration le pass d'une vie innocente et pure, et ses annes de religion s'taient coules tout entires dans la pratique d'une rare perfection. Dieu mme s'tait plu l'lever aux plus sublimes contemplations et mme jusqu' l'extase. Hlas, dites-vous encore, comment se peut-il faire qu'une si belle vie qu'a termine la plus sainte mort, ait t juge d'une manire si rigoureuse? L'histoire va nous l'apprendre. Antoine apparut aprs son trpas a l'infirmier du couvent qui lui demanda s'il ne jouissait pas dj, du bonheur ternel: Grce la misricorde divine et la passion du Sauveur, mon salut'est assur, rpondit le dfunt, quoique pour une faute de ma vie, mon nie ait t en grand pril. Je suis condamn n i e purifier en purgatoire. Hlas! dans le purgatoire! reprit l'infirmier, vous, mon frre! vous, qui avez men une vie si parfaite et si mortifie? Ma faute, r e prit Antoine, a t un manquement la sainte pauvret si fortement recommande par notre sraphique Pre, saint Franois. Lors de la fondation du couvent, de Saint-Joseph, je m'occupai pourvoir le monastre de certaines provisions, avec un soin vraiment oppos l'esprit de notre Institut. Je n'avais point la certitude de commettre une faute en faisant cette action; cependant je ressentais au fond de l'me un trouble, une certaine inquitude. J'aurais d m e r l a n *
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cir ce sujet auprs de mes suprieurs, et j e ne l'as point fait; cette ngligence a t justement et svrement punie par le souverain Juge, lui, dont 1* regard scrutateur dcouvre les fautes mme les plus lgres. L'infirmier voulut savoir quelle tait l'intensit el la dure de la peine laquelle il tait condamn. Le dfunt rpondit que la peine du sens tait lgre, mais que celle du dam lui paraissait insupportable, parce que apr'-s la mort, la privation de la vue de Dieu est le plus affreux de tous les supplices. Puis il ajouta que ses souffrances seraient de peu de dure, et que bientt il serait en possession de l'ternel el souverain bien.
( V. Annales Pair. <.'u; ne,; J.-B. Manni, Suer. Tria dise. U, 11. i'.). anne l'iis. )
XXIX MERVEILLE. La prire des justes est puissante sur le cur de Dieu.
Orulianr\ jititoritm examliet Dominus.
Le Seigneur exaucera les (irn'ies le*
Lorsque la Justice divine voulut punir le peuple d'Isral, coupable d'idoltrie. Mose s'y opposa par la force de sa prire; et Dieu lui dit: L'ii<se-moi exercer contre eux mu colre: connue si Mose m - a i i
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la pouvoir d'arrter la divine vengeance. Et de fait, le Seigneur dposa les armes de sa justice devant les humbles et ardentes supplications de son serviteur. Que de fois dans la loi nouvelle, les prires des justes ont obtenu aux morts comme aux vivants une abondante misricorde, la place des chtiments qui leur taient rservs. Voici ce sujet un trait rapport par Thomas de Gatimpr. Simon Germain, d'abord grand seigneur, aussi illustre par sa science que par son origine, ensuite abb dans l'Ordre des Cisterciens, fut un religieux de grande vertu, mais trop rigide pour ses infrieurs qu'il voulait toute force rendre fervents comme lui. Il imita le zle d'Elie et non l'admirable mansutude du Sauveur. Il se fut bien trouv de suivre en cela les conseils d'une sain te religieuse nomme Lu tgarde, avec laquelle il tait en relations spirituelles et qui lui rendit de grands services pour ce monde et pour l'autre. Germain mourut jeune encore, et fut condamn par la divine Justice expier dans le purgatoire l'excessive rigidit de son gouvernement. Lulgarde en apprenant celte mort, ressentit une profonde douleur; elle redoutait les jugements de Dieu l'gard de Germain, et aussitt elle s'imposa des jenes rigoureux, des a.:s(rits de toutes s >rles et une oraison presque continuelle, suppliant s m cleste Epoux de dlivrer cette ame et de lui ouvrir le ciel. Jsus touch rie la charit de son Epouse, lui apparut et lui dit: Aie courage, ma fille, car pour ton amour, j'userai d'une grande misricorde envers cette me. La pieuse vierge conti-
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nua implorer avec plus d'ardeur encore la clmence du divin Rdempteur et bientt une voix intrieure lui dit: Demeure eu paix, avant peu, Simon sera dlivr. Alors Lutgarde ajouta: O trs-clment Sauveur, je vous supplie que tuutes les faveurs que, dans l'excs de votre bont, vous destinez votre servante, soient dparties celle me souffrante, je ne cesserai de gmir et de pleurer jusqu' ce que j'aie acquis la certitude de sa dlivrance. Le cur de l'aimable Jsus ne put souffrir de voir sa servante si afflige, et retourna presque aussitt vers Lutgarde. menant avec lui l'me de l'abb, et lui dit: Soyez en paix, ma bien aime, voici l'me pour laquelle vous priez tant. A c e s paroles, Lutgarde se jette aux pieds du Christ, le front contre terre, l'adorant et le bnissant d'un si grand bienfait. De son ct, l'me dlivre rendait d aflectueuses actions de grces sa libratrice, ajoutant que sans elle, il lui aurait fallu rester encore onze ans dans le purgatoire, tandis qu'au contraire, dlivre par sa sublime charit, elle s'levait radieuse vers l'ternelle patrie. Peu de temps aprs cette apparition, Lutgarde en eut une autre plus tonnante encore.LeIVconcile de Latran venait d'tre clbr par Innocent III, pape de Vnrable mmoire. Ce devait tre le dernier grand acte de son pontificat et comme la couronne de ses derniers jours, car il ne tarda pas mourir. 11 apparut la sainte environn de flammes ardentes. Lutgarde lui demanda qui il tait. Lorsqu'elle s'entendit rpondre crue c'tait l'me d'Innocent III. elle s'cria:
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Hlas! comment se peut-il faire qu'un Souverain Pontife si vnr, si illustre par sa sagesse, soit en proie a de si horribles tortures! Trois fautes, rpondit-il, ont caus mon supplice, elles m'auraient mme priv de la vie ternelle si la Mre des misricordes ne m'avait obtenu de son divin Fils un repentir profond qui a effac mes offenses, mais qui n'a pu me prserver du purgatoire, et je suis condamn y endurer des supplices atroces jusqu'au jugement dernier, si vous ne venez pas mon secours par vos suffrages. C'est encore cette divine consolatrice des affligs que je dois la grce de venir implorer votre piti. Ah! par vos ferventes prires, suppliez la Misricorde divine de me dlivrer de si longs et de si terribles tourments. Une rvlation si terrible et aussi inattendue plongea l'me de Lutgarde dans une douleur profonde. Elle rassembla aussitt toutes ses religieuses, leur fit le rcit de ce qui venait de se passer afin que par leurs pnitences et leurs oraisons, elles obtinssent la dlivrance de ce Pre de tous les fidles. De son ct cette sainte suprieure se livra pour lui avec une ardeur extrme des jenes rigoureux, de longues oraisons et toutes sortes d'austrits. On croit qu'elles obtinrent de la Misricorde infinie la dlivrance des peines que le pape avaient mrites pour ces trois fautes que l'historien ne nomme pas. Le clbre Cardinal Bellarmin, dont le tmoignage est irrcusable, raconte, lui-mme, ce terrible vnement et ajoute: Cet exemple me remplit de ter-
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reur et de crainte, car si un pontife si digne d'loge, et que tous regardent comme un saint, fut prs de tomber dans l'ternel abime, et s'est vu condamn souffrir dans le purgatoire jusqu'au jugement dernier, quel sera le prlat qui ne sera pas saisi de crainte! quel sera celui qui ne sondera pas en tremblant les derniers replis de sa conscience?
( V Laur. Suriu.-, l'-> juin. rie de sainte Lutgarde liv. II, ch. IV, 7 et 'i; Bellarinin, De Gem. col. II, ch. 9. )
XXX MERVEILLE. Dans les tnbres, resplendit quelquefois un rayon de la cleste lumire.
Lux in tenebris lucet: La lumire luit dans les tnbres. (Joan, I, a.)
L divine Providence s'est complu parfois nous montrer comment, dans le purgatoire, elle commence dj rcompenser les bonnes actions, tout en punissant les mauvaises. Sainte Madeleine de Pazzi vit un jour apparatre, toute resplendissante de lumire, une religieuse qui venait de passer l'autre vie. Les mains seules n'taient point lumineuses et paraissaient dans un tat de souffrance. C'tait en punition de quelques manquements a la sainte vertu de pauvret dont elle avait fait vceu au Seigneur.
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Une autre vierge lui apparut aussi. Elle tait enveloppe d'un manteau de flammes ardentes; mais sous ce vtement douloureux, elle en portait un autre tout compos de lis. Le premier tait une juste punition de sa trop grande recherche dans la parure; le deuxime tait une rcompense de la puret sans tache qu'elle avait toujours soigneusement conserve. Dans la ville de Cologne, un prdicateur dfunt, de l'Ordre de Saint-Dominique, apparut l'un de ses confrres. 11 tait revtu d'un manteau splendide, tout brillant de pierreries, el sa tte tait ceinte d'une couronne d'or. Interrog sur la signification de ces magnifiques ornements, il rpondit que les prcieux joyaux reprsentaient les mes qu'il avait sauves par ses prdications, et que la couronne d'or tait la rcompense de sa fidlit ses saints engagements ainsi que de la puret d'intention qui l'avait sans cesse anim. Mais en mme temps, il lui annona qu'il souffrait beaucoup, et que sa langue tait le sige de sa douleur, en punition des railleries et des plaisanteries burlesques o il s'tait laiss aller quelquefois par excs de gait. Voici un autre fait rapport par le P. Franois de Gonzague, vque de Mantoue, dans son livre de l'origine de l'Ordre sraphique. Dans les lies Canaries, au couvent de la Conception, plac sous le vocable de Notre-Dame-de-la-Palme, il y avait un vnrable serviteur de Dieu, connu sous le nom de frre Jean de Via. Aprs une vie toute de saintet, il tait tomb dangereusement malade. Pour
le servir, on lui donna un frre nomm scensio, novice dans l'Ordre, mais avanc en v e r t u ; aussi soigna-t-il son malade avec un admirahlp dvoment. Mais sa sollicitude ne put empcher le progrs de la maladie. Jean de Via succomba, et sa mort, selon l'expression du prophte royal, fut prcieuse devant Dieu. Ds que le bon infirmier eut rendu au dfunt les derniers devoirs, il se retira dans le silence et la retraite, et pendant plusieurs jours, il s'adonna de ferventes prires pour la dlivrance de cette me. Un soir, pendant une oraison fervente, il vit apparatre un frre de son Ordre. Il ra* . r.i.nt d'une lumire si tincelante que les yeux d'Ascensio en taient blouis, et la cellule tout illumine. Deux fois l'apparition eut lieu sans qu'un seul mot fut chang, car le bon novice ne s'tait pas senti le courage de faire une seule demande, tant il avait t saisi de crainte et d'admiration. La mme me revint une troisime fois. Alors le bon Irre lui dit : Qui tes-vous? Pourquoi venez-vous si souvent en ce lieu? Je vous conjure au nom du Seigneur, de me rpondre. Cette me lui dit: Je suis Jean de Via, qui vous ai tant d'obligation pour la tendre charit dont vous avez us envers moi. Je viens vous apprendre que, grce la Misricorde divine, je suis dans le lieu du salut parmi les mes destines . l'ternelle gloire, dont les splendeurs m'environnent dj. Cependant je ne suis point digne de contempler Dieu face face; et cela, pour avoir nglig de rciter quelques oltices de Requiem recom
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-110mands par la rgle. Je vous supplie donc, au nom de votre charitable amiti, et plus encore au nom de votre amour pour Jsus-Christ, que sans dlai, on rcite ces oiecs mon intention, afin que libr de ma d.ette, je puisse entrer au ciel. Aprs ces paroles, cette me bienheureuse tincela d'une lumire plus radieuse que les rayons du jour et disparut. Frre Ascensio courut aussitt raconter ses trois visions au Pre gardien qui eut foi en sa parole. Sans dlai il convoqua tous ses religieux' et leur ordonna de rciter immdiatement les prires rclames par le dfunt. A peine avait-on termin, que Jean de Via se montra de nouveau au pieux novice. La lumire dont resplendissait cette Ame bienheureuse n'avait rien de comparable, c'tait celles des rgions ternelles. Elle fil la promesse frre Ascensio, qu'en souvenir de ses bienfaits, elle serait son avocate et sa protectrice ; puis lui montrant deux saints dont elle tait accompagne, elle lui dit: L'un est notre sraphique fondateur saint Franois, et l'autre, saint Iiernardin de Sienne. Tous deux, en rcompense de ma fidlit leur Institut, sont venus ma rencontre pour m'introduire eux-mmes dans le royaume des clestes flicits.
(V. Fr. Gcinzasur, De orig. nraph. relia. 4. p. Prov. Canari, n 7..)
XXXI MERVEILLE. Combien il est important de ne pas ngliger la rception des sacrements.
Neicierunt \acraim nu Dii, neque mcrcednn spewrervM ju*ut <i.-il* nm ignore le my-tVeS divine, et ji'iiiii l'-iiri ' la rcompense de la justice ( Siip. n, -il. i
! -
(le n'est pas le lieu d'exposer ici comment les sacrements sont les sources perptuelles de la grce, de la vertu, de la justice et des mrites, non plu-, que de dmontrer combien sont coupable.- d'ingratitude et de ngligence, ceux qui se contentent de dsirer les vrais biens, sans se mettre en peine de p u i s e r a leur source; ce n'est pas le lieu non [dus. de discourir -ur l'opinitret de ces malades on danger fie morl. qui repoussent les remdes salutaires qu'un leur prsente. Nous nous contenterons seulement d'exposer des laits; ils nous dmontreront combien cette ingratitude, cette ngligence et cette opinitret sont punies aprs la mort. L'an au monastre do Saint'-Marie-des-Anges Florence, mourut une religieuse en odeur de w r t u . Bientt elle apparut sainte Madeleine de Pa/zi, pour implorer ses suffrages. La sainte tait en oraison devant le Trs-Saint-Sacrement, lorsqu'elle aperut la dfunte agenouille, au milieu de l'glise, duus une adoration profonde, mais sous un aspect effrayant* Un
- 112 manteau de flammes ardentes l'enveloppait entirement l'exception de la poitrine que prservait une sorte d'charpe blanche, passe autour du cou. Sainte Madeleine tonne, de voir une de ses surs dans un tat si douloureux, dsira en connatre la cause; il lui fut rpondu, que cette me souffrait dans le purgatoire, en punition de son peu d'amour envers la sainte Eucharistie, ayant plusieurs fois, par ngligence, laiss la sainte communion, contrairement aux prescriptions de son Institut. Aussi pour cette faute, la divine Justice, l'avait-elle condamne venir tous les jours, dans l'glise du monastre pour y adorer le Saint des saints; ces flammes brlantes taient une expiation de la froideur et de la ngligence, qu'elle avait apportes la sainte Table. Madeleine connut aussi, que celle me rendait de grandes actions de grces au Seigneur, de lui avoir donn cette charpe prservatrice, c'tait une rcompense de la puret virginale, qu'elle avait toujours soigneusement garde. Cette rvlation porta la sainte offrir pour cette me, de nombreux suffrages. Quelque temps aprs, elle la revit, mais glorieuse, ses flammes ardentes s'taient changes en ineffables splendeurs. Elle s'levait vers les cieux, pour se runir jamais, aux vierges du Christ. Sainte Madeleine de Pazzi rappelait souvent cette intressante histoire ses filles spirituelles, afin de les exciter une grande ardeur pour la sainte Communion
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ILS chrtien, dont on ne dit pas le nom. Appel remplir, dans le monde, une mission trs-importante, il s'en tait acquitt avec conscience. Une maladie mortelle vint arrter cet homme au milieu de sa course. Son confesseur et ses amis l'avertirent du danger o il se trouvait, et l'exhortrent recevoir l'Extrme-Onction, afin que muni de la force divine, il fut en tat de rsister aux assauts du dmon. Mais pouvant l'ide d'une mort prochaine, ie malade fil des rsistances: * De grce, disait-il, ne me parlez pas de recevoir dj l'Extrme-Onction; car je sais Lien, que tous ceux qu'on administre, ne tardent pas mourir, i Ce moribond ue parlait pas ainsi par mpris des secours religieux, car il tait bon catholique, et vnrait tous les rifs de la sainte Eslise; mais cdant un ab. surde prjug, il s'imaginait que tous ceux qui reoivent l'Extrme-Onction, sont marqus par la mort. Superstition trange et fort dplorable dans un chrtien, qui devrait tre bien persuad que ce sacrement fion-seulement ne fait pas mourir, mais rend mme quelquefois la sant quand, il y a utilit pour le salut, comme l'enseigne le saint concile de Trente. La mort surprit le malade au milieu de ses dlais. Pendant la crmonie de ses funrailles. Dieu permit, qu'en prsence des prtres et des fidles assembls, le Biort ouvrit les yeux et fil entendre ces parole-,. Parce que j ' a i diffr de recevoir l'Extrme-Onction. malgr les exhortations d'amis sincres, et pour m'tre volontairement priv de cette grce do purification, la divine Justice m'a condamn cent ans de purgatoire.
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moins que les prires et les suffrages des fidles ne me viennent en aide. Si je m'tais dispos, comme je le devais, recevoir les sacrements des mourants, je serais aujourd'hui plein de vie et de sant, selon la vertu que communique souvent cette suprme onction. Aprs ces paroles, ses yeux se refermrent, sa tte s'affaissa; dj il tait rentr dans le silence et l'immobilit de la mort.
(Vincent Puccini, Vita S. Varice Magdal. de Pazzis, i" p. ch. 29; Michel. Alix, Hortus Pastorum, tract. VJ, lect. 2. )
XXXII MERVEILLE. Les prires que les vierges consacres adressent Dieu pour la dlivrance des mes, sont trs-efficaces.
Consolabor te virgo filia Sion: Je te consolerai, vierge fille de Sion. (Tliren. Il, 13)
Dieu s'est plu exaucer par des grces signales les prires que la sainte veuve Brigitte lui adressait en faveur des mes du purgatoire, ainsi que nous le lisons dans ses rvlations, ouvrage recommand par l'Eglise. Mais il parait que des grces plus signales encore, ont t accordes sa fille sainte Catherine qui, aprs avoir t unie un prince de la terre, eut le bonheur inestimable de consacrer au Roi du ciel h lis de sa puret virginale.
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115Cette princesse priait un jour Rome dans la basilique de saint-Pierre, devant l'autel de saint Jean l'Evangliste; elle vit venir elle une dame trangre vtue d'une tunique blanche dont les plis taient retenus par une ceinture d'une autre couleur; un voile d'une blancheur clatante recouvrait sa tte; mais un long manteau noir jet sur cette candide parure formait un singulier contraste. Cette trangre s'approcha de la sainte, la salua par son nom, et l'exhorta prier Dieu pour l'Ame d'une de ses compatriote.-. Catherine ayant demand l'trangre qui elle tait, et comment se nommait cette dfunte. Elle lui rpondit: Je viens de la Sude, ma patrie; j ' a i pour mission de vous apprendre la mort de la princesse Gida votre belle sur, et de vous conjurer en mme temps de travailler la dlivrance de son me. Catherine afor supplia l'trangre de venir avec elle chez sa mre sainte Brigitte afin de l'instruire de ce funeste vnement; mais l'inconnue s'y refusa, disant qu'il ne lui tait pas permis de faire cette visite, qu'elle devait repartir sans dlai; puis elle ajouta que la vrit de cette nouvelle serait confirme par un messager de Sude qui lui apporterait une couronne d'or, legs d'amiti et de souvenir que lui avait laiss la dfunte, afib qu'elle songet prier pour elle. Catherine et dsir la questionner encore; mais celte femme s'loignaet disparut sesyeux comme par enchantement. Notre sainte sortit aussitt de l'glise pour demander aux demoiselles de sa suite qui l'attendaient tout prs de l, si elles n'avaient pas aperu une dame tran-
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gre de tel et tel aspect. Mais on n'avait vu personne. De plus en plus tonne, Catherine courut chez sa mre pour lui apprendre ce qui venait de lui arriver. Sainte Brigitte couta ce rcit en souriant, puis elle dit sa fille que c'tait l'exacte vrit; que le divin Sauveur pendant qu'elle tait en oraison, lui avait rvl que Gida, pouse du prince Charles son fils, avait fait une sainte mort, et que c'tait elle-mme qui venait d'apparatre sous la forme d'une trangre afin d'implorer des suffrages pour sa dlivrance; ensuite elle ajouta qu'en considration des liens d'affection et de parent qui les unissaient Gida, et surtout en reconnaissance du legs de sa couronne d'or, elles devaient s'appliquer la secourir par leurs prires et leurs bonnes uvres. Bientt on vit arriver Rome le messager de Sude. C'tait ngevald, officier du prince Charles. Il remit aux deux nobles dames une couronne d'or d'un trsgrand prix; c'tait celle dont Gida avait par sa tte dans les grandes solennits, selon la coutume des princesses sudoises de cette poque. Ce magnifique don tait vraiment providentiel car les deux saintes se trouvaient en ce moment dnues de ressources. Aussi la reconnaissance les porta secourir promptemenl la dfunte par de nombreux suffrages d'oraisons, de pnitences et de prires; Catherine surtout s'j appliqua d'une manire toute spciale; car c'tait elle que la dfunte s'tait adresse, et l'on lient pour certain que l'me vit bientt s'ouvrir les portes du ciel, grce celt pouse du Sauveur, si puissante dans
-117ses intercessions, et dont la vie entire, assurent les historiens, ne fut qu'un enchanement de dons clestes et miraculeux,
( V. Laurent Surius; les Acla Sanctorum, 24 mars, vie de Sainte Catherine, ch. 4.}
XXXIII MERVEILLE. Dieu se plat parfois rvler l'tat des dfunts pour l'instruction des vivants.
Dominas rvlt profunda et abscondita, et novit in tenebris constilula: Le Seigneur d couvre ce qui est profond et cach, et son il voit dans les tnbres. (Daniel, II, 8 8 . )
Parmi les rvlations que la divine Providence nous a faites de l'autre vie, l'une des plus instructives est celle qui se lit dans le procs de la canonisation d e saint Bernardin de Sienne. Au diocse de Nocra, en Italie, on clbrait les funrailles d'un enfant de onze ans, nomm Biagio. Tout-coup, le dfunt, en prsence de tout le peuple, agite ses bras et ses mains, tremble de tout son corps, pousse u n gmissement fort et douloureux, puis retombe dans l'immobilit de la mort. Grande fut la stupeur des assistants qui, tous se mirent en prires. Il vint la pense de plusieurs que Biagio n'tait que dans une sorte de lthargie, et aussitt on lui appliqua des remdes rsolutifs pour le rappeler la vie. Et voici que
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'enanl-s'agite de nouveau. Alors on fait appeler des mdecins; en mme temps on le recommande la Mre de misricorde; mais tout fut inutile. Cinq jours ^'taient couls depuis cet vnement, et l'enfant n'avait pas donn dans cet intervalle le moindre signe de vie; ses parents dsols recoururent alors l'intercession de saint Bernardin de Sienne qui leur obtint la grce dsire: Biagio sortant comme d'un profond sommeil, ouvrit les yeux et se mit raconter aux assistants les secrets de l'autre vie. Il demeura quatorze jours conscutifs, immobile comme la mort, n'ayant de libre que la parole dont il se servit pour rvler des choses merveilleuses. Il raconta qu'au moment mme o il mourait, saint Bernardin de Sienne, auquel il avait eu une grande dvotion, lui tait apparu et que l'ayant pris avec lui, il lui avait recommand de ne rien craindre, d'observer attentivement toutes les choses qu'il verrait et de les graver fidlement dans sa mmoire. Alors plus rapide que l'clair, le saint l'avait transport dans le sjour des tourments ternels. L, il lui avait montr une foule innombrable de damns parmi lesquels il s'en trouvait plusieurs qu'il avait connus sur la terre. Le saint lui en dsigna un certain nombre et lui donna en mme temps l'explication des divers supplices auxquels ils taient condamns: les uns pour leur orgueil, leur avarice; d'autres pour leur gourmandise, leurs mauvaises murs, leur dloyaut, etc. Pendant qu'il contemplait ce spectacle pouvantable, il aperut une troupe de dmons qui enVranarent avec violence un
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homme de son pays, usurier inique, qui venait d mourir l'instant mme. Le malheureux fut prcipit dans une fournaise ardente o rgnaient d'affreuses tnbres. Le fils de cet homme tait un de ceux qui entouraient et coutaient le petit Biagio. Ce rcit lui fit une telle impression qu'il distribua sur-le-champ toutes ses richesses aux pauvres et alla s'enfermer dans un couvent trs-austre. La vue de ce sjour de maldiction pntra l'me de l'enfant d'une telle horreur que saint Bernardin pour le consoler, le transporta en paradis. L, lui furent montres les glorieuses armes des martyrs avec leurs palmes de victoire, le chur des vierges couronnes de l i s , les innombrables phalanges des esprits clestes divises en neuf hirarchies; au dessus de cette immense et magnifique assemble, il vit la Reine du ciel; sa tte tait couronne de douze toiles et l'astre du jour formait son manteau. La splendeur de cette Vierge divine surpassait celle de tous les bienheureux; mais la gloire dont resplendissait son divin Fils tait bien plus grande, lui seul semblait former tout un paradis. Saint Bernardin fit remarquer son jeune protg le sraphique saint Franois dont les stigmates taient comme autant de foyers lumineux; il avait autour de lui une couronne de ses religieux dont un grand nombre avaient t dlivrs du purgatoire par ce glorieux patriarche, car il avait reut de la Bont divine, le privilge de descendre au jour de sa fte dans les prisons souterraines du purgatoire, et d'en retirer quelques
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mes.de celles qui avaient embrass sa rgle ou qui avaient protg son Ordre. Ensuite, Bernardin conduisit Biagio dans le purgatoire. L, il reconnut plusieurs parents et amis; celuici tait plong clans un tang de glace; celui-l tendu sur des brasiers ardents, et tous subissaient le supplice spcial qu'avaient mrit leurs fautes comme le dcrit saint Augustin dans sa Cit </< Dieu (livre 2 1 , ch.13.)
Ergo exeretu pnenis, voterumquo naliinim Supplicia expendunt; alite tolluntur inancs Suspens^ ad vendis; alii> sut) cuisit. vasto Infection eluitur seelus. aut exuritui' ijini- ( -En VI, 7iii. ")
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Ls que ces mes aperurent Biagio, elles le supplirent de daigner, s'il retournait la vie, reprsenter leurs parents, leurs amis et leurs serviteurs, les supplices affreux qu'elles enduraient, et de les conjurer au nom de Dieu, de leur appliquer les suffrages de messes, d'aumnes, de prires et de pnitences pour apaiser la Justice divine et leur ouvrir les portes du ciel. Le jeune enfant, aprs avoir assist ces trois grandes scnes de l'autre monde, fut rendu la vie, le cinquime jour, l'heure mme o ses parents invoqurent saint Bernardin ainsi que nous l'avons dj rapport. 11 raconta son voyage d'outre-tombe dans des termes si appropris et si conformes aux saintesEcritures qu'on aurait cru entendre, non un enfant mais un thologien consomm. Aussi tous avaient foi en ses paroles. 11 disait l'un: < Ton pre, mort telle < .
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poque, souffre dans le purgatoire et se lamente de ce que tu n'as point excut son testament qui l'obligeait faire telle aumne, faire clbrer tant le messes. Il disait ;'i un autre: Ton frre, mort il y a deux mois, est tourment par le feu expiatoire; il se plaint de ton infidlit, parce que toi, hritier de ses biens, tu lui promis au moment de sa mort de faire clbrer pour sa dlivrance, un grand nombre de messes, et cependant il ne s'en est pas enore dit Ja moiti. La connaissance parfaite que cet enfant avait de l'tat des dfunts, lui faisait indiquer d'une manire prcise pour quelle cause telle ou telle me tait en enfer, en purgatoire ou en paradis. Ce prodige opra des conversions sincres et renouvela dans bien des curs l'esprit de charit, et la crainte salutaire des jugements de Dieu.
( Aclu Sanctarum des Bollandistes, Append. ai 20 mai, p. 823, n. 36. )
XXXrV MERVEILLE.
Une courte et fervente prire est plus utile aux mes que tons les apareils d'une pompe funbre.
Melior est enitn fruclus meus auro, et lapide pretioso; et genimina mea, argento electo: Les fruits que je porte, sont plus estimables que l'or et les pierres prcieuses; et ce qui vient de moi, vaut mieux que l'argent le plus pur. (Prov. VIII, 19.)
L'illustre docteur saint Jrme, aprs avoir dcrit la spulture que saint Antoine donna saint Paul, premier ermite (spulture qui consistait en une fosso recouverte de sable ), blme bien juste titre l'orgueil qui porte un grand nombre de riches faire leurs dfunts de superbes funrailles. Souvent ils ne songent point l'me, mais ils mettent tous leurs soins recouvrir le catafalque de prcieux brocarts; ils prodiguent les tentures, les ornements funbres, de magnifiques mausoles, un misrable cadavre, et font dbiter de pompeux pangyriques la mmoire de ceux qui n'ont peut-tre jamais fait une action louable. Pourquoi dit-il, tant de riches draperies? pourquoi cette ambition, vivant encore au milieu du deuil et des larmes? Est-ce que les cadavres des riches le peuvent se d'composer que dans la soie et l'or? Et cependant, voil ou en sont la plupart des grands
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d n monde, ils n'offrent leurs morts que la fume de l'orgueil et de la vanit sans se mettre en peine de les soulager et de les dlivrer par le saint sacrifice, l'aumne et autres uvres satisfactoires. Ils no songent point qu'une simple prire serait pour leurs dfunts une plus grande marque d'affection que les plus pompeuses funrailles et les plus beaux mausoles. L'histoire suivante vient l'appui de cette vrit. Un des plus nobles seigneurs de Venise envoya une forte somme d'or au Pre Paul Montorfano, une des gloires de l'Ordre des Thatins, afin qu'il fit clbrer dans son glise un service funbre pour les anctres de sa famille. Ce vnrable religieux ne voulant point s'carter de l'esprit de son Institut, fit clbrer ce service avec plus de-dvotion que de somptuosit, sans toutefois, ngliger les convenances. Ce seigneur qui recherchait le luxe et le faste, mme parmi les insignes de la mort, ne fut point satisfait; il envoya au Pre un messager pour lui faire des plaintes de ce que le service n'avait pas t en rapport avec la somme qu'il lui avait envoye. Le Pre vit avec peine que ce grand du monde avait bien plus cherch se faire admirer des vivants qu' dlivrer les morts; aussi ne fit-il pas un mot d'excuse; il songeait en lui-mme comment il pourrait le retirer de son aveu dment et le corriger de son fol orgueil. Tout--coup, m par une inspiration de Dieu, il prend le messager par la main et le conduit dans une salle voisine o il tire d'un coffre la somme intacte qu'il avait reue pour la crmonie, puis il crit sur une feuille de papier le
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psaume De profundis et ordonne l'un de ses religieux d'aller lui chercher des balances; ds qu'elles sont apportes, il place l'argent dans l'un des plateaux, et dans l'autre, le psaume qu'il vient d'crire: merveille! le De profundis devient plus pesant que l'or. Deux fois on renouvelle l'preuve et deux fois le plateau contenant la somme est soulev, tandis que le plateau contenant la prire crite, reste abaiss et immobile. Le messager frapp d'un tel prodige fait le signe de la croix et s'loigne en toute hte pour aller raconter son matre ce miraculeux vnement. Celui-ci bnit la divine Misricorde de lui avoir dessill les yeux; il comprit alors combien une courte prire surpasse en valeur l'or employ aux vanits de la terre. Ds ce moment il et eii grande vnration le Pre Montorfano; il lui fit demander pardon de ses injustes plaintes et promit qu' l'avenir, il attacherait plus de prix aux saintes prires faites en faveur des mes qu' toute la pompe et le faste qu'on pourrait dployer un service funbre. Pour perptuer le souvenir de cet vnement, on l'a reprsent sur un tableau dans tous ses dtails. Un pote latin nous a laiss aussi sur ce sujet une stance latine dont voici le sens: L'un des plateaux reoit l'or, l'autre le lger papier: le premier tout pesant qu'il est, s'lve, le papier sans poids l'emporte. C'est que la douce pit donne au billet la pesanteur qu'il a t l'orgueil humain.
Aurum pars trutine, schedulam pars caetera penst: Tollitur illa gravis, dum levis ista cadit.
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Nimirum scheduls pietas dat candida pondus Quod fallax auro detrahit ambitio:
D'aprs ce rcit il ne faudrait cependant pas conclure que de courtes prires soient suffisantes pour dlivrer les mes du purgatoire. Les exemples que nous avons lus nous montrent assez que les personnes charitables qui s'appliquent la dlivrance des mes ne se bornent pas une simple prire, mais qu'elles offrent de nombreux suffrages de messes, d'aumnes, d j e u n e s et de pnitences. L'pouse bien-aime du Sauveur, Ursule Bnincasa du mme Ordre des Thatins, va nous en fournir une nouvelle preuve. Christine, une de ses surs tait dans une douloureuse et dernire agonie; la sainte tait mue d'une compassion profonde la vue de tant de souffrance, et surtout par la considration des tourments bien autrement cruels qui attendaient la moribonde dans le purgatoire. Dans ce moment mme il lui vint l'esprit que sainte Catherine et plusieurs autres personnes avaient dlivr des mes en s'offrant Dieu pour souffrir leur place, aussitt elle rsolut d'imiter un si hroque exemple, et conjura son divin Epoux de lui faire endurer ici-bas toutes les souffrances rserves sa pauvre sur dans l'autre vie. Au moment o Catherine expirait, Ursule fut ravie en extase, et quand elle revint elle, la joie surabondait dans son me et elle s'cria: Je vous rends grces, mon Dieu, pour cette grande misricorde que vous avez faite ma sur Christine de la dlivrer en acceptant mon offrande. Puis avec le mme sentiment de joie, elle
invita toutes ses compagnes chanter avec elle le Te Deutn. A peine fut-il termin qu'elle se sentit assaillie par d'affreuses souffrances dont elle ne fut dlivre qu' la mort, Voil jusqu'o peut aller la charit chrtienne. Aprs de tels exemples, nous esprons qu'on ne voudra point se contenter de dire seulement quelques mots de prire pour les dfunts. N'oublions point que toutes ces pauvres mes sont nos surs; appliquonsnous les secourir avec une charit toute fraternelle.
(D. Jos. Silos, Histor. ord. Theatin., livre XV, anne 1580; P. Bagata, Vita B. Ursula Benincatu, 2< partie, ch. 6. )
Le texte ci-dessus est tir d'un passage de la sainteEcriture; il est la louange du prophte Elie, alors q u e par la puissance de sa prire, appele si justement par saint Augustin la clef du ciel, il ressuscita le fils d e la veuve de Sarepta. Les saints interprtes appliquent avec raison ces paroles aux chrtiens pleins d e charit qui par leurs
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pieux suffrages retirent les mes des flammes du purgatoire pour les introduire au ciel. De ce nombre, nous (levons inscrire au premier rang, la sraphique Thrse. Ses suffrages taient si efficaces pour les mes du purgatoire que l'ange des tnbres tentait toutes les Voies pour la troubler dans ses charitables exercices. Ecoutons-la raconter elle-mme un artifice d e l'esprit malin. Une fois sur le soir de la fte des morts, je me retirai dans mon oratoire pour rciter l'office de Requiem. Au mme instant, le dmon sous une forme pouvantable, vint se poser sur mon livre, en sorte qu'il n e me fut plus possible de lire mes prires. Je me dfendis par des signes de croix, et l'esprit du mal se retira p a r trois fois. Mais peine avais-je commenc la rcitation d'un psaume qu'il revenait m'apporter le mme trouble et le mme obstacle; il ne me fut possible de l'loigner compltement qu'en aspergeant le livre d'eau bnite, et en jetant quelques gouttes sur lui. Oh! alors il prit prcipitamment la fuite, et j e pus tranquillement poursuivre mon office. Lorsqu'il fut termin, je vis sortir du purgatoire un certain nombre d'mes auxquelles il n'avait manqu pour tre dlivres que ce petit suffrage, et c'est pour cela que le dmon jaloux avait voulu l'empcher. Parmi le grand nombre d'mes qui apparurent no* tre sraphique sainte, trois seulement montrent de la terre au paradis sans passer par les flammes du purgatoire. Une de ses religieuses venait de mourir, or pendant
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qu'on rcitait la premire leon de l'office des morts, elle vit l'me de la dfunte sortir de l'glise et s'envoler directement au ciel. Une autre fois, comme elle assistait au saint sacrifice, offrant avec le prtre l'Hostie de propitiation en faveur d'un religieux qui venait de mourir, elle vit apparatre le divin Sauveur. Il venait cet aimable Matre, si bon, si misricordieux, chercher lui-mme l'me dlivre par Thrse et l'emmener la cleste patrie. Voyant l'efficacit de ses prires, sainte Thrse s'enflammait d'une ardeur nouvelle pour la dlivrance des mes; et s'efforait de communiquer son zle tous les monastres de son Ordre. Bientt il s'y tablit par ses soins une prcieuse coutume. Chaque anne, au 2 Novembre, jour de la Commmoraison des Morts, aprs avoir chant l'office de Requiem, toute la communaut rassemble assistait une exhortation sur les mes du purgatoire et sur les moyens de les soulager ou dlivrer; ensuite chaque personne donnait par crit la liste des bonnes uvres qu'elle avait rsolu de faire pour les dfunts dans le cours de l'anne nouvelle: les unes offraient des mortifications, les autres des oraisons nombreuses, celles-ci diverses uvres de charit. Enfin, grce au zle ardent de sainte Thrse, les mes du purgatoire trouvaient h recueillir dans chaque monastre une riche moisson de suffrages. Don Bernardin de Mendoza avait donn Thrse, Par acte authentique, une maison avec un vaste et beau jardin qu'il possdait h Yalladolid, afin qu'elle
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avec instance d'en prendre possession et de mettre la main l'uvre immdiatement, comme s'il avait eu quelque secret pressentiment de sa mort prochaine, et du bnfice que son me retirerait de cette charit faite aux pouses du Christ. Mais Thrse, retenue ailleurs par d'autres fondations de monastres, ne put se rendre Valladolid que quelques mois aprs. Dans cet intervalle, Bernardin de Mendoza fut surpris par une fivre pernicieuse qui lui ta l'usage de la parole et la possibilit de se confesser. Heureusement, le malade avant que d'expirer, donna des signes vidents de contrition. Sainte Thrse se trouvait Alcala lorsqu'elle apprit la mort de son bienfaiteur. Cette triste nouvelle pntra son cur d'une douleur profonde; la pense qu'il tait mort sans sacrement, la porta supplier ardemment son divin Epoux en sa faveur. Notre Seigneur lui fit connatre que ce bienfaiteur tait mort dans de bons sentiments, et que la gnreuse donation qu'il avait faite sa divine Mre, avait t pour lui une source de grces, et qu'il sortirait du purgatoire le jour mme, o pour la premire fois, on clbrerait la messe dans le nouveau monastre. Cette rvlation ne laissa plus de reposa la sainte, tant il lui tardait d'tre Valladolid pour y fonder l'glise et dlivrer ce bienfaiteur. Cependant, malgr sa pieuse impatience, il fallut, pour des affaires concernant la gloire de Dieu, qu'elle se rendit auparavant au monastre d'Avila. Elle y demeura quelques jours. Un malin qu'elle tait en oraison, le Sauveur daigna venir lui-mme, l presser de terminer l'affaire de Valladolid, afin de
dlivrer la pauvre ame captive. On peut penser avec quelle ardeur et quelle activit sainte Thrse correspondit au dsir de son divin Matre. Elle expdia tout de suite Valladolid le Pre Julien d'Avila, afin d'obtenir promptement de l'autorit ecclsiastique la permission de commencer la fondation. La sainte arriva peu de jours aprs et fit appeler des maons pour construire l'glise et les murailles de clture. Mais voyant que cet ouvrage ne serait fini que dans un terme assez loign, elle demanda l'autorisation de former une chapelle provisoire en faveur de quelques religieuses qui l'avaient accompagne. Lorsque la petite chapelle fut prte, le Pre Julien monta au saint autel. Au moment de donner la sainte communion Thrse, il la trouva en extase, comme cela arrivait presque toujours quand elle s'approchait de son Dieu. Or voici ce qui lui tait arriv. Au moment o elle se dirigeait vers la sainte table, l'me du donateur lui tait apparue, rayonnante de joie et couronne d'une gloire divine. Aprs avoir rendu la sainte d'affectueuses actions de grces, cette me bienheureuse prit son essor vers les c i e u x . Celte apparition causa sainte Thrse une joie indicible, car elle n'avait pas os esprer que cette messe dite dans une chapelle provisoire, pt remplir la condition mise par NotreSeigneur; elle n'avait compt obtenir cette grce que lorsque la premire messe aurait t clbre dans l'glise neuve. Celte tendre sollicitude de Jsus pour les mes souffrantes ravit le cur de Thrse, et excita dans tous
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les monastres du Garmel un zl a r d e n t pour la dlivrance des dfunts.
(V. Vie de unie Thrse par elle-mme; s. 31 et 38; P. Fr. Ribeire, Vita S. Hier, liv. II, ch. 10 et 12. )
XXXVI MERVEILLE. La Reine du Ciel protge ceux qui l'invoquent et faveur des mes.
Posui verba mea in ore tuo, in umbr mamit me protexi te: J'ai mis sur vos lvres mes paroles, je vous ai couvert de l'ombre de ma main. (Isae, LI, 16.)
Vers le commencement du sicle dernier, un fervent serviteur de Marie obtint une grce non moins signale que celle qui fut accorde saint Grgoire-Thaumaturge. Il faut se rappeler que ce grand vque, fuyant la perscution de l'empereur Dcius, s'tait retir sur le sommet d'une montagne. Mais sa retraite fut dcouverte par un espion qui y conduisit des hommes arms pour se saisir de lui. Le saint tait en oraison lorsque les ennemis arrivrent; mais par une permission du ciel, il fut invisible leurs yeux. Aprs de vaines et minutieuses recherches, les satellites se retirrent dconcerts. L'espion qui avait eu connaissance de ce prodige, se convertit la foi catholique, tirant ainsi d'une miraculeuse ccit, la vraie lumire spirituelle. Mais revenons au serviteur de Marie.
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H joignait une pit ardente envers la divine Marie, une tendre compassion pour les mes du purgatoire. Ses bonnes qualits ne l'avaient cependant point mis l'abri des inimitis: des ennemis acharns avaient jur sa perte et ne cessaient de lui dresser des emb ches pour le faire mourir. Or une nuit pendant que ce pieux chrtien repose paisiblement, des assassins pntrent dans sa demeure; dj ils ont ouvert la porte de sa chambre; les voil qui s'avancent ttons jusque vers son lit; une chaise o se trouvent dposs des vtements, devient une preuve certaine que l'homme qu'ils cherchent est sous leurs mains; ils lvent leurs poignards 0 bont de" Dieu! ils trouvent le lit vide. La divine Providence venait de drober son fidle serviteur aux coups des meurtriers. Ceux-ci taient loin de penser que celui qu'ils avaient voulu frapper, dormait tranquillement dans son lit; s'imaginant au contraire qu'il s'est cach dans quelque endroit de la maison, ils se mettent en perquisitions dans tous les coins et recoins. Enfin dus dans leur projet, les ennemis se retirent fort mcontents d'avoir manqu leur coup. Mais voici un autre prodige plus tonnant encore. Un soir souper, notre bonhomme se laissa entraner boire un peu plus que ne le comportait son temprament. 11 n'avait cependant pas dpass les bornes; nanmoins, il prouva un malaise qui le contraignit prendre son repos plus tt que de coutume. Avant de s'endormir, il voulut rciter les litanies de la sainte Vierge, pieux tribut qu'il offrait chaque soir
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la Mre des misricordes, en faveur des mes du purgatoire. Jl n'tait pas au milieu de ses litanies que le sommeil le surprit, et il s'endormit profondment. Les mmes ennemis avertis par un espion de l'tat o il se trouvait, pntrent dans sa chambre; mais que voient-ils en s'avanant vers le lit? une moiti de corps, un cadavre partag dans toute sa longueur, comme ces martyrs du temps de Diocltien, dont les coi'ps taient scis en deux. Stupfaits cet horrible spectacle, les meurtriers s'enfuirent prcipitamment, dans la persuasion que d'autres ennemis plus acharns encore avaient exerc sur la victime cet acte d'atroce frocit. Le divin rnumrateur de nos actions avait permis que la moiti seulement du corps de son serviteur fut invisible aux ennemis pour lui apprendre ne pas s'acquittera moiti de ses dvotions. Nanmoins, dans sa bont infinie, il voulut le prserver de tout mal, vrifiant en lui cette divine promesse: Le mal ne
s'approchera pas de toi, et la verge ne te frappera pas.
Le lendemain, ces cruels ennemis rencontrrent celui qu'ils avaient vu si horriblement mutil la veille . Ils le prirent pour un fantme et demeurrent attrs; mais s'tant rendu compte de la ralit, leur haine se changea en admiration; ils ne pensrent plus qu' une sincre rconciliation. Un sage pacificateur mnagea une entrevue dans laquelle ils avourent leurs odieuses tentatives et les deux prodiges qui en avaient empch l'excution. L'heureux serviteur do Marie, de tels aveux, ne savait que penser. Je ne
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#ais quoi attribuer de pareils miracles, dit-il, c'est p e u t tre en rcompense de ce que je rcite chaque soir les litanies de la sainte Vierge, en faveur des mes souffrantes. Ce qui me le ferait prsumer, c'est q u e le soir o vous ne vtes que la moiti de mon corps, j e n'avais prcisment rcit que la moiti des litanios. A l'issue d'un tel entretien, les assassins ne pouvaient assez admirer la bont infinie de Dieu, et en mme temps, assez dtester leur conduite passe. Dj sincrement convertis, ils s'unirent pour glorifier Dieu, celui qui venait de leur accorder le plus sincre et le plus magnanime des pardons. Tous ensemble, ils rendirent mille actions de grces au Seigneur e t la Vierge Marie, et tout le reste de leur vie, ils s'appliqurent avec un zle admirable au soulagement des mes du purgatoire. Ce rcit nous dmontre combien la Misricorde infinie a pour agrable les prires en faveur des morts, et quelle admirable protection la divine Vierge accorde ceux qui la servent avec fidlit.
(V. Gr. Carfora, fortuna nom., livre V, chap. 10. )
XXXVII MERVEILLE. L'or et l'argent des vertus doivent souvent tre purifis par le feu.
Awrwm etargtntum igne purgabitur: L'or et l'ar gent seront purifis par le feu. (JVom. XXXI, 88. )
Dieu ordonna Mose que l'or et l'argent qui devaient servir aux ornements du tabernacle fussent parfaitement purifis de toute scorie. C'est au sentiment commun des interprtes, la figure de la puret parfaite que Dieu exige des Ames qui doivent habiter les tabernacles ternels. Et selon cette parole du prophte: elles doivent tre purifies par le feu, les mes des justes, bien qu'elles possdent l'or et l'argent des plus belles vertus, ont besoin d'tre purifies dans le purgatoire avant que d'tre admises contempler jamais l'ternelle Perfection. Un grand nombre d'exemples nous ont prouv nette vrit; mais coutons encore ce rcit. Cornlie Lampognana, dame de Milan, imitatrice parfaite de sainte Franoise Romaine dans les trois tats d e vierge, d'pouse et de veuve, s'tait lie d'une troite amiti avec une religieuse du Tiers-Ordre de s a i n t Dominique. Etant un jour ensemble dans une d e s chapelles latrales de l'glise de la Rose, elles se mirent discourir pieusement sur la brivet de la
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vie et sur la ncessit de se bien disposer la mort; puis elles se promirent que, si Dieu le voulait, la premire qui mourrait apparatrait l'autre. Cinq ans aprs, Cornlie avait quitt la terre; son amie ne se souvenait dj plus de la promesse faite dans l'glise. Mais voici qu'au troisime jour aprs le dcs, comme elle tait en oraison devant son crucifix, elle s'entendit appeler par son n o m . Reconnaissant aussitt la voix de sa chre Cornlie, elle sent dans son cur une joie indicible et s'crie: 0 madame Cornlie, dites-moi, comment vous tes; vous jouissez sans doute de la gloire ternelle? Pas encore, rpondit la dfunte, je suis dans le lieu de l'exil, et j'y dois rester quelque temps en expiation de mes offenses contre la divine Majest. Cependant grces en soient rendues mon doux Sauveur, mon purgatoire sera bientt fini. Aprs qu'elle eut ainsi parl, elle ajouta: Venez avec moi et vous verrez des choses merveilleuses. A peine eurent-elles fait quelques pas, qu'elles se trouvrent dans un jardin couvert de vignes verdoyantes, et sur les feuilles taient des caractres gravs. Lisez ces feuilles, dit l'apparition. La religieuse regarde attentivement. Quelle ne fut point sa surprise 1 tous ses dfauts se trouvaient crits sur ces feuilles: Ne soyez point tonne, dit la dfunte, ne savez-vous pas que le Sauveur a dit: Je
suis la vigne et vous tes les branches ? Les feuilles sont
nos actions dans lesquelles restent comme imprimes les bonnes ou mauvaises intentions qui les ont diriges. Or, tout le mal que Dieu dcouvre en nous, doit tre
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expi avant cpie d'aller au ciel. Mais rjouissez-vous, ma sur, car il vous reste peu de chose effacer; vous avez persvr dans le service de notre divin Matre et vous avez conserv pour son amour la puret des anges. Vous vous tes rendue coupable de quelques manquements, il est vrai, mais pas en si grand nombre que moi. Hlas! j'ai suivi une carrire bien diffrente de la vtre: de l, bien des sortes de fautes; au reste vous allez en juger. En un instant, elles furent transportes dans un autre jardin galement couvert de vignes dont les feuilles portaient des deux cts des caractres imprims. La religieuse s'approche avec empressement pour lire ce qui y tait crit: Arrtez, lui dit l'me, Notre Seigneur ne veut pas que vous dcouvriez toutes mes fautes; il m'pargne cette confusion; lisez seulement les feuilles les plus rapproches de vous. Elle les lut et y trouva crites des fautes concernant le saintlieu: des irrvrences, des paroles inutiles et d'autres imperfections de ce genre dont elle avait quelquefois repris Cornlie. O bon Jsus, s'cria-t-elle, comment faire, Cornlie, pour effacer toutes ces fautes, pourquoi vous en reste-t-il tant expier, vous qui avez reu si souvent les sacrements de pnitence et d'eucharistie, vous qui avez gagn tant d'indulgences et pratiqu tant d'austrits? Hlas reprit la dfunte, je n'ai gagn qu'un trs-petit nombre d'indulgences cause de mes distractions et de mon peu de ferveur; aussi, il faut que je demeure encore dans e triste exil pour me purifier entirement.
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Cependant, bientt je serai dlivre par mon divin Sauveur; dj il me console par la vue de cette splend e u r cleste que vous apercevez dans ce moment; c'est une manifestation de mon ange gardien. Dieu dans sa bont, m'envoie ce fidle ami pour me fortifier dans mes peines et ranimer mon esprance. Je veux prier ce gardien tutlaire d'aller chez le prvt du Saint-Spulcre demander pour moi des offices de Requiem qui effaceront u n grand nombre de ces feuilles crites. Adieu, priez pour moi et que la paix soit avec vous. Aprs ces paroles, la vision disparut, et la religieuse doutait dans son cur de la ralit de ce qu'elle venait de voir et d'entendre; elle craignait d'avoir t le jouet d'une illusion. Mais voici que le jour suivant l'me apparut de nouveau, l'appela par son nom et lui dit: N'ayez nul doute sur ce que vous avez vu et entendu hier, j e suis Cornlie, j e reviens par la permission de Dieu, accomplir la promesse que j e vous ai faite dans l'glise de la Rose. Je viens aussi vous prier vous et toutes les surs de votre maison, d'e dire trois fois le Salve Regina: l'un, en l'honneur de la puret de Marie; l'antre, en l'honneur de son obissance; le troisime, pour exalter l'humilit de cette Reine des Vierges qui me visite chaque jour et me console en me montrant le terme prochain d e mon exil. Le jour de l'Assomption, elle apparut encore; ses vtements nagure si sombres et si lugubres, taient remplacs par u n vtement blanc comme la neige, et
tout brillant. Sur son visage rempli d e majest, rayonliait la joie du ciel; dj elle avait vu s'ouvrir devant elle les tabernacles ternels. O h l combien les chrtiens ordinaires doivent redouter le purgatoire, si des personnes si parfaites n'en sont pas exemptes! C'est avec raison que saint Grgoire de Nazianze appelle ce feu purifiant, un second baptme, car de mme que la porte de l'Eglise militante est le baptme d'eau, de mme aussi la porte de l'Eglise triomphante est le baptme de feu, et nul ne s'en peut prserver, si la mort il lui reste encore quelques imperfections expier.
( V. Hippol. Porrus, Yita Cornel. Lumpngnance cbap. 18. )
XXXVIII MERVEILLE. Dieu rend au centuple l'aumne faite en faveur des morts.
leemosyna faril invenire misericordiam : L'aumne fait trouver misricorde. ( Tobie XII, 9. )
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Il n'est pas donn tous d'imiter la magnifique gnrosit de Judas Machabe qui envoj a Jrusalem douze mille drachmes d'argent pour tre offertes en faveur des morts. Mais quel est celui, si pauvre qu'il soit, qui ne peut pas donner les deux oboles de la veuve de l'vausile. laquelle mrita d'tre loue par
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Je Sauveur du monde. Cette aumne d'une si petite valeur matrielle fut incomparablement plus agrable Dieu que les sommes d'or ou d'argent que venaient d'offrir les riches: car ceux-ci avaient donn de leur superflu, tandis que cette pauvre et gnreuse femme avait offert tout ce qu'elle possdait. Cet admirable exemple fut suivi par une femme napolitaine qui pouvait peine subvenir aux ncessits de sa misrable famille. Son unique ressource consistait dans le modique salaire que lui apportait son mari, pauvre journalier. Mais cet tat de misre devint plus grand encore; ^tel point, que le malheureux pre de famille fut mis en prison pour dettes. Toute la charge restait donc cette mre dsole qui n'avait hlas! d'autres ressources que le travail de ses mains et sa confiance en Dieu; elle conjurait la divine Providence de ne pas l'abandonner dans sa dtresse: Seigneur, disait-elle, dlivrez mon pauvre mari, car moi-mme jamais je ne pourrai venir bout de payer les dettes qui le retiennent prisonnier. Un jour, on lui apprit qu'il y avait dans la ville un seigneur trs-charitable qui employait sa fortune secourir les pauvres. Aussitt cette digne femme ranimant son courage, lui adresse une humble supplique o ST misre tait peinti dans les termes les plus attendrissants. Elle esprait que ce seigneur lui enverrait la somme ncessaire pour dlivrer son mari. Mais hlas! elle ne reut de ce riche si vant pour sa charit, qu'un carlin ( monnaie italienne de la valeur de quarante centimes )
Due dans son esprance, l'infortune accable de tristesse, entra dans une glise pour supplier le Dieu qui se glorifie d'tre le Pre des pauvres, de vouloir bien la secourir. Pendant qu'elle rpandait devant le Beigneur ses prires et ses larmes, il lui vint l'heureuse inspiration ( celle de son bon ange sans doute ) d'intresser son sort les mes du purgatoire; se sou venant combien ces pauvres captives sont reconnaissantes envers ceux qui les soulagent ou les dlivrent. Encourage par cette pense, elle va offrir un prtre sa petite pice de monnaie en le suppliant d' soir la charit de dire une messe des morts. Le prtre accueillit sa demande, et cette pauvre femme assista au saint sacrifice avec une grande dvotion, puis sortit de l'glise le cur bien afflig, cependant avec une secrte esprance d'tre secourue. Comme elle regagnait sa demeure, elle vit venir elle un vnrable vieillard; il lui demanda la cause de la profonde tristesse qui paraissait empreinte sur son visage. Alors elle lui raconta d'une manire touchante sa pnible situation. Le bon vieillard aprs l'avoir coute avec attendrissement, lui remit un billet avec ordre de le porter de sa part une personne qu'il lui dsigna; puis il prit cong d'elle sans ajouter une seule parole. La digne femme se rend en toute hte chez le personnage dsign et lui fait la commission elle-mme. Celui-ci ouvre le billet et parait frapp de stupeur: il avait reconnu l'criture de son pre, mort depuis quelque temps Qui \ous a remis cette lettre?
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l'cria-t-il Un vnrable vieillard plein de bont st de compassion. Et elle se mit lui dpeindre ses traits. Lorsque par hasard, levant les yeux sur un tableau qui tait en face d'elle: A h ! s'cria-telle, le voil ! C'tait le portrait du pre du chevalier. Celui-ci, hors de lui-mme, reprend le billet et le lit tout haut: Mon fils, votre pre a quitt le purgatoire, dj il jouit de la gloire du ciel, grce une messe que cette pieuse femme qui vous a remis cette criture, a fait clbrer ce matin. Aussi je la recommande instamment votre gratitude, car elle se trouve dans une grande ncessit. Le chevalier lut et relut plusieurs fois ces caractres tracs par une main chrie, 3t il versait de douces larmes en songeant que son pre tait sauv. Enfin, se tournant vers la timide messagre qui gardait le silence, tout interdite: Pauvre femme, lui dit-il, votre petite aumne a assur pour jamais le bonheur de mon pre, et moi, mon lour, je veux assurer le vtre. A partir de ce moment, le me charge de vous et de votre famille, et jamais plus rien ne vous manquera. Inutile de vous dire de quelle reconnaissance et de quelle joie cette pieuse mre et sa famille furent pntres. Cette histoire nous montre combien les mes du purgatoire sont reconnaissantes. Cette pauvre femme, ouvre le ciel une me en ippliquant au purgatoire le denier qu'elle possdait, ;t cette me, en change, dlivre son mari et met .oute la famille pour jamais l'abri de la misre. Puisse cette louchante histoire ranimer notre dvo-
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tfon envers les Ames souffrantes; offrons pour elles beaucoup de bonnes uvres avec la ferme confiance d'tre libralement rcompenss. C'est ce que nous enseigne le vnrable cardinal Hugues: Si vous portez secours ces mes du purgatoire qui n'ont point de rafrachissement, de paix, ni de lumire, Dieu vous comblera dans le prsent et dans l'avenir de ses plus abondantes bndictions.
( V. Carfora, Fortuna hommis, livre I, ch. 9. )
XXXIX MERVEILLE.
Les dfunts demandent aux vivants des suffrages pour apaiser la justice de Dieu.
Orale pro nobis ad Dominum, quia peccavimus Domino, et non est atersus furor ejus nobis: Priez pour nous le Seigneur, parce que nous avons pch contre lui et que sa colre dure encore sur nous. (Barvch, l, 13. )
Un saint interprte assure que les mes du purgatoire subissent dans leur expiation, un traitement semblable celui qu'endura le saint homme Job; des plaies affreuses recouvraient tout son corps, de telle sorte, qu'il n'avait plus l'usage de ses membres; ses lvres seules lui furent laisses pour pouvoir implorer la misricorde d'autrui: Ayez piti de moi cous du moins qui ftes mes amis!
Telle est peu prs la situation de ces mes bnies: en proie aux plus amres souffrances, elles se voient dans l'imposibilit de se procurer par elles-mmes le moindre soulagement; tout ce qu'elles peuvent faire, c'est d'implorer la piti des vivants, au moyen d'apparitions, surtout aux personnes consacres Dieu, ainsi que nous l'avons lu dans les histoires prcdentes. Sur les confins du pays de Worms, pendant plusieurs nuits, on vit des lgions de cavaliers et de fantassins sortir d'un antre profond et se rpandre dan la campagne comme pour une bataille. C'tait ordinairement aprs l'heure de minuit quo commenaient ces apparitions; mais lorsque le jour approchait toute cette multitude se retirait dans la cavit de la montagne pour en sortir de nouveau la nuit suivante. Non loin de l, tait le monastre de Limbourg dont le repos tait troubl par ces bruits mystrieux. C'est pourquoi un saint religieux rsolut avec plusieurs de ses confrres d'aller, au milieu de la nuit, la rencontre de ces soldats tranges. Aprs avoir implor la protection du ciel, ils se rendirent au pied du mont, l'entre de la caverne. C elait l'heure o les nocturnes combattants sortaient en foule de la montagne. Ds qu'ils apparurent, le religieux le plus rsolu s'arma du signe de la croix, s'avana vers eux et leur dit: Je vous adjure, au nom de la Trs-Sainte Trinit, de nous dire qui vous tes, et dans quel but vous vous livrez des excursions guerrires qui viennent troubler le silence de la nuit. L'un de ces guerriers rpondit: Nous sommes les
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Ames d'une quantit de soldats morts en ce lieu en combattant sous les enseignes de nos souverains. Nos corps sont enterrs ici et nos mes y font leur purgatoire. Ces habits, ces armes et ces chevaux qui furent pour nous des occasions de fautes, sont maintenant les signes de nos peines. Tout ce que vous voyez autour de nous, n'est que du feu, mais ce feu est invisible vos regards. Le religieux s'armant d'un nouveau courage, ajouta encore: Ne pourriez-vous pas, dfunts, tre secourus par nos suffrages? Oui, rpondit le spectre, et c'est pour implorer votre secours que nous apparaissons. Ah! ayez piti de nous! procurez-nous rafrachissement, lumire et dlivrance par vos oraisons, vos pnitences et surtout par l'oblation du sang du Rdempteur. Religieux compatissants, htez-vous de nous secourir; hlas! nous ne pouvons rien pour nousmmes 1 Puis, toute cette multitude s'cria par trois fois d'une voix lamentable: Priez pour nous. Aprs ces paroles, les religieux ne virent plus qu'un immense globe de feu qui disparut dans la caverne, et toute la montagne brilla d'une vive clart. Les religieux, saisis de crainte, se retirrent dans leur cloitre, et s'appliqurent aussitt la dlivrance de ces mes. Ds lors ces bruits de guerre ne se firent plus entendre, et tout devint comme auparavant silence et repos. A ce prodigieux vnement, nous en ajouterons un autre non moins admirable, dont fut tmoin un religieux qui avait pour habitude de ne jamais passer
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devant u n cimetire sans faire u n e courte prire pour ceux qui y reposaient. Un j o u r , cependant, qu'il tait absorb par quelque autre pense, il passa devant ce champ du repos sans s'acquitter de sa charitable pratique, lout--coup, il vit plusieurs mut Is sortir de leurs tombes et s'avancer vers lui en pronon a n t distinctement ces paroles du psaume 128: Et ceux qui passaient n'ont point dit: Que la bndiction de Dieu soit sur vous. Profondment mu p a r cette scne lugubre qui lui reprochait son oubli, il rpondit aussitt: Nous vous bnissons au nom du Seigneur. A ces paroles, les mes soulages et rafrachies comme si elles avaient reu la bndiction de Dieu, se retirrent l'une aprs l'autre dans leurs spulcres, et le bon religieux n'oublia jamais plus sa pieuse pratique si utile a u soulagement des dfunts.
( Trithemius, Chronic. ann. 1058; DaurouH Catech. hiator. part. 111, ch. 8, tit. 20; Philppa Doutreman, jsuite, Pedugogus elristianu, t. Ii part. ch. 19, S > . )
XL MERVEILLE. La prire offerte pour les parents dfunts est trsagrable Dieu.
Mutuam vicem reddere parentibnt acception estcorm Deo: Rendre ses parents ce qu'on a reu d'eux, est une chose agrable a Dieu. (ITimoth. v, 4 . J
Pour nous exciter la compassion envers les mes souffrantes et nous porter offrir en leur faveur de nombreux suffrages, il suffirait de savoir qu'elles sont de la mme nature que nous; qu'elles ont vcu sousla mme loi; que Dieu les a cres son image et qu' cette considration, si nous aimons Dieu, nous devons les aimer aussi; enfin qu'elles furent comme nous rgnres au baptme et rachetes par les souffrances et la mort de Jsus-Christ; ce qui les rend vritablement nos surs, et doit nous les faire chrir comme telles. Or, si le titre seul de chrtien doit rveiller en nous les sentiments de l'affection et de la charit, que ne devra-t-il pas rsulter de cette union sainte qui existe entre les membres d'une mme famille? Ici, la loi de la charit devient plus rigoureuse, et lorsque nous avons quelques raisons de penser que quelques nus des ntres souffrent dans le purgatoire, nous devons mettre tout en uvre pour les secourir.
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.Le Pre Jean Baptiste Manni, dans son Trigesimo sa~ tt, rapporte plusieurs exemples de gratitude et de charit envers les parents; nous en citerons deux seulement. Sainte Elisabeth, fille d'Andr, roi de Hongrie et de la reine Gertrude son pouse, tait anime d'une tendre compassion ponr les dfunts. Lorsque parmi ses nombreux vassaux, il en mourait dans l'indigence, elle prparait de ses mains les suaires pour les ensevelir, pourvoyait leurs funrailles, et les accompagnait leur dernire demeure, offrant en mme temps de ferventes prires pour leurs mes. Si pour do simples sujets elle dployait tant de charit, on peut prsumer facilement de quelle ardeur elle tait anime lorsqu'il s'agissait de ses proches. Lorsque Gertrude, ita mre, vint mourir, Elisabeth s'empressa de seOaurir son me par de nombreux suffrages d'austrits, d'aumnes et de prires. Une nuit, aprs de longues oraisons, la sainte princesse s'tait retire pour prendre un peu de repos; comme elle allait se livrer au 60mraeil, la reine dfunte lui apparut vtue de deuil, e l s e s traits portaient l'empreinte d'une profonde tristesse; s'tant mise genoux elle lui dit: Ma fille, vous avez vos pieds votre mre afflige qui vous supplie de multiplier vos suffrages. Oh! dlivrez-moi des tourm e n t s pouvantables que j'endure en expiation de mes ngligences dans le service de Dieu et dans le gouvernement de mes sujets. De, grce, par les douleurs que | e souffris en vous donnant le jour, et par les fatigues que je supftoftai pour vous lever, ma fille, redoublez
vos prires la divine Misricorde, afin que je voie bientt finir mes intolrables tortures. A ces paroles si attendrissantes, sainte Elisabeth, mue au plus profond du cur, se jette genoux et conjure le divin Sauveur, en versant un torrent de larmes, de faire grce sa pauvre mre. Enfin, accable par sa longue veille, ses macrations et sa tristesse, elle se jeta une seconde fois sur son lit; et voici que sa mre lui appar u t encore, mais revtue de blanc et rayonnante d'une joie immortelle. Elle rendit sa chre fille mille actions de grces, car ces derniers suffrages l'avaient dlivre, et elle montait au sjour des ternelles flicits. Sainte Elisabeth de Portugal nous offre u n exemple non moins difiant de charit envers la reine Constance sa fille. Cette jeune reine de Castille venait d'tre enleve de ce monde p a r une mort imprvue. Dans ce moment mme, la reine Elisabeth se rendait avec le roi son poux dans la ville de Santarem. Soudain, on vit un ermite courir aprs le cortge royal, en criant qu'il avait u n mot dire la Heine. Les gardes le repoussrent, mais la sainte voyant son insistance, ordonna qu'on le laisst s'approcher. L'ermite lui raconta que la reine Constance lui tait apparue en songe plusieurs fois, et l'avait conjur d'apprendre sa mre qu'elle tait dans le purgatoire et de la prier de sa part de faire clbrer pour elle le saint sacrifice pendant un an. Cette mission remplie, l'ermite se retira et ne p a r u t plus. Les courtisans rirent beaucoup de ce message .traitant l'ermite de visionnaire: mais E l i s a b e t h
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qui ne partageait point leur opinion, demanda au roi ce qu'il pensait de cette a v e n t u r e . Le monarque r* pondit: qu'on devait agir selon la rvlation de l'ermite; et sans dlai, la clbration des messes fut confie u n saint prtre nomm Ferdinand Mendez. Au bout d'un an, Constance apparut sa sainte mre; elle tait vtue de blanc et environne d'une cleste lumire: Maintenant, ma mre, lui dit-elle, je suis dlivre par la divine Clmence des tourments du purgatoire, et j e m'envole vers les demeures ternelles. Cette gracieuse apparition remplit le cur d'Elisabeth de la plus douce joie. Dans ce moment, elle n e se souvenait plus des trois cent soixante-cinq messes qu'elle avait fait dire, et elle se rendit aussitt l'glise pour offrir par les mains du prtre la sainte Victime en action de grces. Elle y trouva le prtre Mendez qui lui apprit que toutes ses intentions taient remplies, et il lui demanda s'il fallait clbrer d'autres messes pour la reine dfunte. Sainte Elisabeth se sou* vint alors des paroles de l'ermite, ce qui lui donna une nouvelle assurance de la vrit de sa vision, et pntre de la plus vive reconnaissance envers la Bont infinie, elle fit clbrer une messe trs-solennelle en actions de grces et distribua un grand nombre de pauvres une somme considrable. Nous laissons au lecteur le soin de dcider quelle fut la plus grande charit des deux reines; nous ajouterons seulement une pense d'un pote d'Italie dont voici le sens: O prodige de pit 1 Une auguste fille devient
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mre de sa mre, lui donnant dans le ciel une fie immortelle. Et merveille non moins admirable, il y eut une fille royale qui il fut donn d'avoir eu deux vies d'une mme mre.
( V. Laur. Surius, ries des saints, 19 novembre; Jacques Fuligati, soc. Js. YitaS. Elisabeth p. 35).
XL1 MERVEILLE. Les peines du purgatoire prolonges jusqu' l'acquittement des dettes.
Tradidit eum tortoribus, quoadusque redderet debitum: Il le livra aux excuteurs jusqu' ce qu'il et pay tout ce qu'il devait. ( Math. XVIII, 34. )
Ordinairement, Dieu retient dans le purgatoire les mes de ceux que sa misricorde a retirs de la mauvaise voie, mais qu'une mort imprvue a frapps avant qu'ils eussent acquitt leurs dettes, et rpar tout le tort qu'ils ont fait au prochain. Sans doute, ce Dieu de toute justice ne veut point que des dbiteurs entrent dans le sjour des llicits tandis que leurs cranciers sont en souffrance. Et l'on peut prsumer qu'il n'accepte pas volontiers des suffrages offerts en faveur de ceux qui n'ont caus aux autres que du dommage. Nous citerons l'appui de cela, plusieurs apparitions
152 d e dbiteurs, suppliant avec instance qu'on acquitte leurs dettes. Le R. P . Augustin d'Espinosa, de la Compagnie de Jsus, professait u n zle extraordinaire pour la dli vrance des mes. 11 ne se contentait pas d'offrir pour elles la victime de propitiation, de leur consacrer ses oraisons, de prcher en leur faveur; il s'imposait encore de trs-rigoureuses austrits. Aussi Dieu permettait souvent aux mes d'apparatre son pieux serviteur, soit pour lui rendre grce, soit pour se recommander ses prires. Un jour, il vit apparatre devant lui un homme qui avait t possesseur d'une grande fortune: Me re_ connaissez-vous? lui dit le dfunt. Oui, rpondit le Pre, j e me souviens parfaitement de vous avoir administr le sacrement de pnitence, peu de jours avant que vous fussiez appel l'autre vie. C'est bien cela, reprit l'apparition, et je viens par ia> permission du Ciel, vous conjurer d'offrir pour moi vos prires la divine Misricorde, et de mettre en excution, certaines uvres ncessaires ma dlivrance. Pour mieux vous renseigner, veuillez, j e vous en supplie, m'accompagner quelque distance. Je ne peux pas vous suivre, rpondit le religieux, sans la permission de mon suprieur; mais j e vais la chercher, attendez-moi dans ma cellule. Le religieux se rendit en toute hte chez le Pre recteur, lui raconta l'apparition, et lui demanda la permission de suivre le dfunt. Le suprieur hsita beaucoup en prsence d'une pareille demande; cependant il se rendit aux
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instances du bon Pre, mais dans la crainte qu'il n e lui arrivt quelque chose de fcheux, il fit appeler plusieurs Pres du collge et leur ordonna de se rendre l'glise et d'y faire oraison afin que Dieu accord t aide et protection son fidle serviteur. Augustin retourne vite sa cellule, il y trouve le dfunt qui le prend par la main, et le conduit sans profrer une parole sur un pont peu distant de la ville. L, le fantme lui dit: Attendez-moi u n instant. En effet il disparut, mais revint presque aussitt, portant u n e grande bourse pleine d'argent, il l'ouvrit, y puisa une grosse somme et dit au religieux: Pre, mettez, j e vous prie, dans un pli de votre manteau, cette somme d'argent, j e porterai le reste jusqu' votre cellule. Ds qu'ils furent entrs, le mort remit au Pre le reste de l'argent avec un billet, et lui dit: Au moyen de cet crit, vous connatrez, mon Pre, qui j e dois et ce que je dois, soit comme payement, soit comme restitution; e n outre, vous trouverez ci-inclus, le dtail des bonnes uvres que j e voudrais voir accomplies en faveur de mon me; quant ce qui restera de la somme, vous en disposerez, mon Pre, comme il vous plaira, j'abandonne ce soin votre prudence et votre charit. Aprs ces paroles, le dfunt disparut, et le bon Pre s'empressa d'aller trouver son suprieur qui tait encore en oraison. Le Pre recteur aprs avoir cout attentivement le rcit de cette aventure, ordonna d e convoquer les cranciers. Ils n e se firent p a s attendre.
Tous reurent intgralement ce qui leur tait d . Ces pauvres gens qui ne comptaient pas recevoir un seul denier, demeurrent tout bahis: chacun disait en recevant son argent: C'est le Ciel qui me l'envoie. Ce qui restait de la somme fut employe en uvres de pit et de charit, au bnfice de cette me. Huit jours s'taient peine coules, que le dfunt se montra de nouveau au Pre Augustin pendant une fervente oraison. Il lui rendit mille actions de grces pour le soin et la promptitude qu'il avait apports cette affaire, il le remercia surtout des messes qu'il avait fait dire en sa faveur et qui avait ht sa dlivrance; puis il lui promit d'tre son- intercesseur auprs de Dieu, et de demander pour lui la plnitude des dons clestes. Cette magnifique promesse reut son accomplissement, car le P. Augustin d'Espinosa fut un vivant exemplaire de toutes les vertus. Il ne sera pas inutile de rapporter ici le sage avertissement, ajout la fin de cette histoire, pour l'instruction de ceux qui diffrent jusqu' l'extrmit de la vie, les payements, les restitutions, les aumnes, et abandonnent leurs excuteurs testamentaires l'accomplissement d'un devoir aussi rigoureux. On peut dire de ceux-ci qu'ils sont semblables la vipre qui n'est de quelque utilit qu'aprs sa mort. Ces mes connatront un jour toute l'indignit de leur conduite, alors que plonges dans un ocan de feu, elles s'y verront enchanes par leurs propres injustices. Nous ajouterons aussi que les uvres de charit faites aprs la mort, sont de peu de valeur pour le ciel, comme.
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l'enseigne u n pieux vque par ces paroles: Ce que TOUS donnez vivant et en pleine sant, c'est de l'or; ce que vous donnez en mourant, c'est de l'argent; mais ce que vous laissez distribuer aprs votre mort, ce n'est plus que du plomb.
( V Jos. Nadasi, Ann. dier. memorab., i feV. ; Jacq. Hautin, Patroc. Defunct., liv. III, chap. t, art. 3 . )
XLII MERVEILLE. Les mes dlivres viennent au devant de leurs bienfaiteurs pour les remercier.
Venienles in occursum ejus, adoraverunt: Et venant au-devant de lui, ils se prosternrent, (iv Reg. n, 15. )
Lorsque l'empereur Charles-Quint s'empara de la ville de Tunis, il accorda la libert vingt mille esclaves chrtiens qui taient rduits avant son arrive la plus affreuse servitude. Dans l'effusion de leur joie et de leur reconnaissance, ils accoururent vers leur auguste librateur et ils se pressaient autour de lui, en lui donnant mille bndictions et mille louanges. Il en est de mme des mes du purgatoire envers leurs bienfaiteurs, elles qui ont gmi dans le plus triste et le plus cruel des esclavages, et qui il fut donn ensuite de jouir de la libert la plus heureuse, la plus illimite qui fut jamais! Ces mes reconnaissantes ne
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sattraient, oublier un seul instant leurs librateurs; ellesviennent leur reneontre au sortir de la vie, elles IQS accompagnent et les introduisent dans la cleste p a t r i e . Une clbre pnitente, sainte Marguerite de Cortone, en a fait l'exprience. Parmi les vertus admirables qu'elle pratiqua aprs sa conversion, on signale sa tendre compassion envers les mes du purgatoire dont un grand nombre furent dlivres par ses ferventes oraisons, ses austrits e t ses larmes qui devenaient mme quelquefois sanglantes, tant la douleur dchirait son me. Aussi elle mrita que dans son heureux passage de ce monde l'autre, une troupe nombreuse des mes qu'elle avait dlivres, vinssent sa rencontre pour l'emmener au ciel. Il fut donn une grande servante de Dieu, ravie en extase dans ce moment mme, de contempler ce glorieux cortge. Ce qui mrita surtout sainte Marguerite une telle faveur, ce fut sa charit envers les siens. Aprs la mort de ses parents, elle offrit en leur faveur ses oraisons, ses austrits, les mrites du divin sacrifice, ses ferventes communions, et ne cessa que le jour o la Sauveur lui-mme vint lui rvler leur sortie du purgatoire et leur entre au ciel, bien que leurs fautes eussent mrit de longs tourments; mais Marguerite avait expi pour eux. Une de ses servantes, nomme tiillia, vint mourir; aussitt sainte Marguerite se m i t prier de tout son cur pour la dlivrer. Bientt u n ange du Seigneur se montra ses yeux et lui an-
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nona que Gillia devait rester un mois au purgatoire., mais dans des peines lgres, attendu que ses vertus l'avaient emport de beaucoup sur ses dfauts; que de plus, en considration des prires de Marguerite, quatre anges, le jour de la Chandeleur, viendraient chercher la dfunte pour l'emmener triomphalement au ciel. La charit de Marguerite ne se bornait point secourir les siens; les mes inconnues avaient galement part ses suffrages; aussi un grand nombre de.d^unts,, connaissant l'efficacit de sa charit, sont venus plusieurs fois lui faire de suppliantes instances. En voici un exemple. Deux marchands, traversant un pays infest de voleurs, tombrent entre les mains des assassins qui les turent. Bientt ils apparurent la sainte et lui dirent: Priez pour nous, servante de Dieu, nous venons de succomber sous les coups des assassins; nous n'avons pu confesser nos pchs avant de mourir, mais grce la divine Misricorde, et la Vierge sainte, anims d'un sincre repentir, nous avons accept la mort avec une entire rsignation, ce qui nous a valu d'chapper aux supplices ternels; nanmoins, nous sommes condamns de longs et atroces supplices dans le purgatoire, cause de nos injustices dans nos relations commerciales. Ainsi, servante de Dieu, nous vous supplions, vous qui tes si compatissante, d'informer nos parents de notre mort, de leur dire de restituer ce que nous avons mal acquis, et de distribuer des aumnes pour notre dlivrance. Amie du Seigneur,
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au non de votre amour pour lui, et par ce zle ardent qui vous anime pour les mes, venez notre aide, priez pour nous! Sainte Marguerite ne se contentait pas de secourir les mes par ses oraisons et ses austrits, elle mettait tout en uvre pour leur procurer les suffrages des plus fervents monastres. Et le Sauveur, pour seconder sa charit, l'employait quelquefois comme son embassadrice auprs des religieux de l'Ordre sraphique, afin qu'ils conservassent un vif souvenir des mes du purgatoire, et parmi elles, il en tait une quantit innombrable auxquelles nul ne songeait. En outre le Sauveur enjoignit la sainte d'avertir les FrresMineurs de prendre bien garde de s'ingrer dans les affaires du monde, sans quoi ils auraient subir un rigoureux purgatoire o les peines seraient proportionnes la part qu'ils auraient prise ces choses si vaines et si peu en harmonie avec la sublimit de leur Institut. De mme, ajouta-t-il, que les cellules et les emplois des frres sont distincts, de mme il y aura divers lieux et divers supplices dans le purgatoire. Sainte Marguerite s'acquitta fidlement de sa divine mission, et son zle pour les mes ne se ralentit jamais. Cette esquisse de sa charit suffit pour nous dmontrer combien elle a mrit qu'une innombrable lgion d'mes glorieuses vinssent sa rencontre pour l'emmener au ciel.
(V. Acta Sanctorum des Bollandistes, 22 fv. lie de S. Mary, de Cortone. )
XLIII MERVEILLE. Proteotion signale des mes du purgatoire et conversion de deux pcheurs.
Qui prdari et ipte prcedaberit: vous qui drobez, vous serez drob vousmme, (hae, XXXIII, l.)
II n'est pas facile de dcider dans l'vnement suivant, si les mes du purgatoire sont plus admirables dans le soin qu'elles prennent de leurs bienfaiteurs, que dans le zle qu'elles dploient pour la conversion de deux larrons. Ici, elles protgent une vie temporelle; l, elles procurent la vie ternelle deux misrables pcheurs. Il paratrait toutefois que cette dernire action procura Dieu une grande gloire, puisqu'il s'est plu la bnir par des grces extraordinaires. Le Pre Louis Monaci, religieux des Clercs-Mineurs, trs-dvot aux mes du purgatoire, voyageait un jour sans autre compagnie que son ange gardien. E t a n t arriv dans un lieu trs-solitaire, l'heure o le soleil est sur son dclin, il prouva quelque inquitude et pressa le pas afin d'arriver avant la nuit dans une htellerie. Au milieu de sa course prcipite, le bon Pre n e voulut point omettre une pieuse pratique, celle de mettre profit le temps du voyage en le consacrant la prire, et il se m i t a rciter le chapelet en
faveur des dfunts, afin qu'en retour, ils le gardassent de tout pril. Il ne tarda pas prouver les heureux effets de sa dvotion envers les morts. Monaci n'avait que peu d e chemin mire pour tre arriv aux premires m a i ' sons, lorsqu'il fut aperu par deux hommes de ceux qui se sparent de la vie sociale pour vivre au sein des bois, du fruit de leurs rapines et de leurs homicides. Fondre sur le p a u v r e voyageur, le lier, le dpouiller et mme le tuer, s'il faisait la moindre rsistance, fut la rsolution instantane de ces sclrats. Ils taient dj en embuscade, encore quelques secondes et le Pre tait p e r d u . Mais voici q u e soudain une trompette retentit, et les malfaiteurs aperoivent un officier en compagnie d u religieux av,ec une escorte de soldats arms. A cette vue, les brigands prirent la fuite au plus vite, dans la crainte qu'au lieu de faire une proie, ils ne fussent pris,eux-mmes. Le Pre arrive sans obstacle l'htellerie et se dispose y passer la nuit, n e se doutant pas le moins du monde de la scne trange qui venait de se passer. Au bout de quelques instants, les voleurs y entrrent aussi, non toutefois, sans s'tre bien informs et bien assurs qu'il n'y avait point d'officiers de j u s t i c e . Trouvant le Pre tout seul, ils s'avisrent de lui demander qui il tait, et s'il savait la direction qu'avait prise l'officier et les soldats qui l'avaient escort. Le Pre, tonn d'une telle demande, rpondit qu'il tait Venu tout seul. Les brigands, leur tour, bien plus tonns encore, lui posent questions sur questions, et
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lorsque le Pre leur eut parl de sa dvotion envers les mes du purgatoire, ainsi que de sa confiance en elles dans les prils, ils reconnurent que l'vnement qui venait de se passer tait un miracle du ciel, et se confiant dans la misricordieuse charit du Pre, ils lui firent l'aveu de tout ce qui tait arriv. Le Dieu de bont infinie voulut qu'un second miracle vint couronner le premier. Les larrons touchs tout--coup d'un profond repentir, rsolurent de changer de vie l'instant, et prirent le religieux d'entendre leur confession dans l'htellerie mme. L, retirs dans la chambre du bon Pre, genoux ses pieds, ils lui confessent toute leur vie criminelle avec une vive contrition. Ds ce jour, ils devinrent des hommes nouveaux tout appliqus la pnitence et pleins de zle pour la dlivrance des mes toujours si promptes secourir dans les prils, et si pleines de charit envers les pauvres pcheurs. L'historien tire de cet vnement de sages rflexions. Sur cette route de la vie que l'homme voyageur traverse pour arriver la cleste patrie; les esprits infernaux, comme dit saint Grgoire, s'y tiennent en embuscade comme des brigands afin de nous dpouiller et de nous faire prir. Nous devons donc nous assurer la protection des mes contre les prils qui nous attendent.
( V. Greg. Carfora, Forluna Hominis, livre I, chap. 10. )
XLTV MERVEILLE. Dien condamne nne dure expiation ceux qui rsistent sa parole, et il fait grce ceux qui l'coutent avec docilit.
Dominus mortifient et vivifiait, humilit et tublevat: Le Seigneur otc la vie et la donne, c'est lui qui humilie et qui exalte. (IReg. II, 6 J
La divine Bont qui ne voudrait pas la mort des pcheurs mais leur conversion, leur envoie frquemm e n t de paternels avertissements pour les retirer de la voie de perdition. S'ils rsistent avec opinitret ses amoureuses remontrances, elle emploie de svres chtiments pour les contraindre rentrer en eux-mmes, et s'ils se soumettent avec un sincre repentir, oh! alors, ce Pre misricordieux leur pardonne toutes leurs iniquits et leur rend toute sa tendresse. Pour accomplir sur les pcheurs les desseins de sa misricorde, Dieu choisit en gnral des hommes pleins de bont et de commisration; ainsi pour reprendre l'obstin Sal, il se servit du prophte Samuel; pour appeler David au repentir et la pnitence, il lui envoya le prophte Nathan. Voici deux exemples qui dmontrent avec quel respect et quelle docilit, on doitrecevoirles exhortations
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que Dieu nous adresse par l'intermdiaire des personnes saintes. Le Pre Nicolas Zucchi de la Compagnie de Jsus, religieux d'une grande perfection, avait gagn Dieu trois jeunes filles romaines d'une trs-noble famille, surs toutes trois, et les avait dtermines embrasser la vie religieuse. Quoique novices encore, elles taient dj l'exemple du monastre. La plus jeune avant de quitter le monde, avait t recherche par un riche seigneur; mais elle ne daigna jamais lui accorder u n regard, ayant dj donn son cur et son amour Jsus. Lorsque cette jeune vierge se fut retire dans le clotre, le chevalier qu'animait encore un fol espoir, fit toutes sortes de tentatives pour l'en faire sortir; ne pouvant lui parler, il ne cessait de lui adresser des lettres o il s'efforait de lui peindre sous les couleurs de la ralit, les plus flatteuses illusions de la vie, et il la conjurait de ne pas s'ensevelir dans la tristesse du clotre. Mais la jeune fille qui avait dj got dans sa sainte retraite, la paix et la joie du ciel, mprisa toutes les tentatives. Cependant, le Pre Zucchi, instruit par la novice elle-mme de toutes les menes du jeune homme, en fut trs-afflig, et dans la crainte que tant de sollicitations ne finissent par branler cette pieuse vierge, il la recommanda Dieu de toute son me. Un jour comme il se rendait Rome, o l'appelait son ministre, la Providence permit qu'il rencontrt justement celui qui lui causait tant d'apprhensions. Aussitt le Pre s'avance vers le jeune homme et le saluant avec courtoisie, il lui dit avec une noble
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franchise: Seigneur, cessez d'affliger par vos sollicitations, une me qui est toute Dieu, et ne vous faites pas le rival du Roi du ciel. Que votre soin dsormais ne soit plus la perte d'autrui, mais le salut de votre me,. car dans peu de jours vous comparatrez devant le Juge ternel. Le jeune seigneur qui tait rempli d'estime pour le Pre, n'allgua aucune raison pour se jjastifier; il lui fit mme des excuses et l'ayant salu respectueusement, il s'loigna. Quinze jours aprscette entrevue, ce jeune homme qui commenait seulement a revenir Dieu, fut surpris par la mort. Or, un soir que les trois novices taient en oraison, la plus jeune sentit par trois fois qu'un tre mystrieux la tiraitpar son vtement et elle entendit distinctement ces paroles: Venez au parloir. La jeune vierge rassure contre toute crainte par une grce du ciel, prend un flambeau et se rend au parloir. L, elle vit un homme qui se promenait grands pas: Qui tes-vous? lui dit-elle, que faites-vous ici cette heure? que demandez-vous? L'tranger s'arrte alors devant elle, sans profrer un seul mot; la religieuse tremblante reconnat le chevalier... lui, toujours dans le plus profond silence, carte son manteau. 0 justice de Dieu! d'horribles chanes de feu entouraient sou cou, lui liaient les poignets, les genoux et les pieds, supplice bien mrit par celui qui avait voulu enchaner une pouse du Christ. Enfin rompant le silence, il lui dit d'une voix lugubre: Priez pour moi, puis il disparut. Cette courte et plaintive prire fit comprendre la jeune fille que cette me avait eu quelques bons sen-
litnents au moment de la mort; mais qu'elle tait condamne d'atroces supplices dans le purgatoire, pour n'avoir pas exactement obi Dieu qui lui avait exprim sa volont par l'entremise du bon religieux. Le mme Pre dans son oraison funbre du P. Carafta, gnral de la compagnie de Jsus, nous dmont r e combien l'obissance prompte la voix de Dieu est efficace pour nous affranchir du purgatoire. Cet minent religieux, dit-il, fut appel un jour auprs d'un personnage de grande distinction, condamn la fleur de ses ans tre dcapit. L'infortun n'avait point mrit la mort. Le Pre plein de zle et de charit lui parla des jugements de Dieu d'une manire si touchante; il lui dit avec des termes si pleins de force et de conviction que ce supplice passager qu'il allait subir expierait toutes les fautes de sa vie et lui ouvrirait les cieux, que le jeune homme entirement fortifi fit Dieu le sacrifice de sa vie avec une admirable rsignation. Son abandon la volont de Dieu fut si parfait qu'il n e ressentit plus aucune tristesse; il dit mme n'avoir jamais prouv tant de joie au milieu des brillantes illusions de la vie, qu'il en prouvait cette heure mme o il allait mourir. Le Pre Vincent qui ne quitta ce jeune homme qu' la mort, affirme qu'au moment o il eut la tte tranche, son me s'envola au ciel couronne de gloire. Le bon religieux tout enflamm de charit, se rendit en toute hte chez la mre du supplici et lui raconta sa consolante vision. Ce saint religieux en tait tellement impressionn, qu' chaque
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instant on l'entendait s'crier: Heureux! mille fois heureux! Un prtre lui ayant demand s'il fallait offrir pour le dfunt quelques suffrages de messes ou de prires, il lui dit: Non, et je vous dclare que cette me n'a pas mme pass par les flammes du purgatoire. Un autre jour qu'il tait tout occup une uvre de charit, on le vit subitement changer d'aspect; son visage devint tout enflamm, et les yeux fixs vers le ciel il s'cria: Oh 1 quel heureux sort ! et comme on lui demandait ce qu'il voulait dire: C'est l'me du dcapit qui vient de m'apparaltre rayonnante de gloire. On voit par cet exemple, combien il est profitable d'couter avec soumission les avertissements de Dieu, et de se soumettre sans rserve sa sainte volont; ce que nous enseigne le Sauveur lui-mme: Celui qui entend ma parole, a la vie ternelle, et il ne tombe point dans la condamnation; mais il est dj pass de la mort la vie,
( V. Daniel Bartholus, Vita P. Nicola ZucchU 1.1, Cb. 9; Yita P. rincent Caraffa, l. II, n, 7.
L'Eglise loue avec raison le zle dont fut embras saint Louis Bertrand pour la conversion des pcheurs, zle qui lui inspira mille ingnieuses industries et qui lui fit plusieurs fois mpriser la mort; sa tendre charit envers les mes du purgatoire ne mrite pas moins notre admiration. Etant matre des novices, il exigeait d'eux la plus parfaite observance des rgles et en punissait svrement la moindre transgression. Le vendredi, aprs matines, il tenait le chapitre appel de la coulpe, si redoutable au dmon parce que les religieux y obtiennent le pardon de leurs fautes. L, le saint punissait avec rigueur tout manquement, disant que la vraie charit l'engageait prserver ses disciples des cruels supplices de l'autre vie, en leur imposant les pnitences si lgres de ce monde. Cependant, quelque svre qu'il ft vis--vis de ses frres, il rservait pour luimme les plus grandes austrits, et le chapitre fini il se retirait dans sa cellule o par de sanglantes disciplines, il achevait d'expier les fautes de ses novices.
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Les suffrages que Bertrand offrait pour les mes du purgatoire taient nombreux et efficaces; aussi plusieurs fois, des mes lui apparurent, soit pour lui demander des prires, soit pour le remercier de leur dlivrance, et de mme que le saint' prouvait une grande consolation en voyant ces mes sortir de leur prison, de mme sa douleur tait extrme lorsqu'elles continuaient souffrir. Il tait prieur du couvent de Valence en Espagne quand la mort vint frapper inopinment un religieux de celte maison, le Pre Pierre Glioret. Louis en fut d'autant plus afflig qu'il craignait que Ce religieux, n'tant pas muni des derniers sacrements et n'ayant pas reu les indulgences qu'on applique aux moribonds, n'et subir un long et cruel purgatoire. Pendant un mois entier, il livra son corps des macrations extraordinaires, et sur son visage extnu p a r la pnitence, tait peinte la plus profonde tristesse; mais un matin il parut au chur le front serein et l joie resplendissait sur toute sa personne. Ses frres tonns lui en demandrent la raison. Ma douleur, rpondit-il, occasionne par la mort prompte d pre Glioret, s'est change en consolation cause dit bonheur dont il jouit. Il n'en dit pas davantage, mais un de ses confidents l'ayant pri de lui parler plus ouvertement, le saint lui avoua que Dieu l'avait d'abord rendu tmoin des peines que cette me souffrait dans le purgatoire, et qu'ensuite il lui avait rvl la gloire dont elle jouissait dans le iel. Bertrand accompagna son rcit d bndictiohs et d i c t i o n s de grces envers la Bont divine qui aVait accept le
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suffrages que pendant un mois entier, il avait offert pour la dlivrance de ce religieux. Si les prires de Louis taient assez efficaces pour obtenir de telles grces , quelle puissance ne devait pas avoir la Victime sainte offerte par lui en faveur des mes du purgatoire? C'tait principalement au jour de la commmoraison des fidles dfunts, que ces mes bnies en prouvaient les heureux fruits, car ce jour-l, en Espagne, il tait permis tout prtre de monter trois fois au saint autel. Aussi accouraientelles vers lui, pour le supplier de dire la messe pour leur dlivrance. Une nuit, aprs Matines, tant rest au chur pour faire monter vers Dieu de ferventes prires, l'me d'un de ses religieux lui 'apparut tout environne de flammes. Elle se prosterna ses pieds et lui demanda humblement pardon d'une parole injurieuse qu'elle lui avait dite depuis longtemps, assurant le saint que c'tait la cause principale de son exil. Fuis elle le pria de clbrer pour elle une messe de Requiem qui devait suffire pour sa dlivrance. Bertrand lui pardonna de grand cur cette injure dont il n'avait pas mme gard le souvenir; et le matin, vers l'aube du jour, il offrit avec beaucoup de ferveur l'Hostie propitiatoire pour le soulagement de cette chre me. La n u i t suivante, elle lui apparut de nouveau mais resplendissante de gloire, et aprs lui avoir rendu grces, elle s'envola vers les demeures ternelles.
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XLYI MERVEILLE.
Les dfunts secourent les vivants pour en tre secourus leur tour.
Per charitatem tpirits unit invicem:
Soyez par la charit, les serviteurs les
ans des autres. ( Galat. V, 13. ) Les Ames du purgatoire sont sorties plusieurs fois de leurs douloureuses prisons pour protger leurs bienfaiteurs; tantt, pour les sauver d'un pril imminent ou pour les ramener dans la bonne voie, lorsqu'ils s'en loignent; tantt pour les dfendre contre les mchants, les consoler dans leurs afflictions ou les gurir de quelque maladie mortelle. Le Pre Thophile Raynand rapporte l'histoire suivante arrive de son temps. A Dle en Franche-Comt, l'an 1629, Huguette Boy, femme de simple condition, tait atteinte d'une fluxion de poitrine qui faisait craindre pour ses jours. Le mdecin ayant ordonn une saigne, on fit appeler le chirurgien qui eut la maladresse de lui couper l'artre du bras gauche, et la malade fut instantanment deux doigts de la mort. Le lendemain, l'aube du j o u r , la moribonde voit entrer dans sa chambre, une jeune fille vtue de blanc, au maintien plein de modestie. Cette inconnue lui demande si elle
-171veut agrer ses services. Huguette accepte avec joie cette offre gracieuse; aussitt la jeune fille allume u n bon feu, revt la malade d'un manteau, l'approche du foyer, fait son lit, puis l'y replace avec prcaution. Chose admirable! lorsque la jeune inconnue eut pris la main d'Huguette, celle-ci se sentit gurie, son bras n'avait plus aucun mal. Etonne, ravie d'un tel prodige, Huguette regarde fixement l'trangre, mais celle-ci s'chappe en assurant qu'elle reviendra la visiter et la servir. La convalescente et tous les gens de sa maison taient dans l'tonnement le plus complet, on se demandait quelle tait cette merveilleuse garde malade dont le seul contact gurissait? Le bruit de cet vnement fut bientt rpandu dans toute la ville, et chacun faisait ses commentaires. Au dclin du jour, la jeune inconnue reparut, toujours modeste, souriante et vtue de blanc. Aprs u n salut charmant, elle dit Huguette: Je suis votre tante Lonarde Collin, morte depuis dix-sept ans, qui vous ai laiss le peu que je possdais. Je suis en tat de salut, grce la divine Misricorde et l'intercession de la Vierge Marie pour laquelle j ' a i eu pendant la vie une tendre dvotion. J'tais en tat de pch lorsque la mort vint me surprendre; aussi, j'eusse t condamne la peine ternelle sans cette divine Mre; elle m'a obtenu de son divin fils la grce insigne d'une sincre contrition. Mais je n'ai point t exempte d n purgatoire; voil dix-sept ans que j ' y souffre les tourments les plus cruels. Maintenant, il a plu au Seigneur, qu'escorte de mon ange gardien, j e vinsse
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vous servir pendant quarante jours. En rcompense de mes soins, je vous prie de faire pour ma dlivrance trois plerinages trois sanctuaires de Notre-Dame (elle les lui dsigna). Lorsque vous les aurez accomplis, je verrai s'ouvrir devant moi les portes ternelles et j'entrerai dans mon divin repos. Huguette, craignant d'tre le jouet de quelque illusion, consulta son confesseur, le Pre Antoine Rolland, Jsuite, qui l'engagea menacer l'apparition des exorcismes de l'Eglise, l'assurant que ce serait le moyen de reconnatre s'il y avait l une opration du malin esprit. Huguette, fidle l'instruction qui lui a t donne, menace sa garde mystrieuse, des conjurations de la sainte Eglise. Je ne crains nullement les exorcisme:!, rpondit l'apparition, ils ne sont redoutables qu'aux dmons et aux damns. Huguette, non encore convaincue, repartit: Comment se peut-il faire que vous soyez ma tante Lonarde qui tait une vieille toute ride et fort laide, tandis que vous tes, vous une trs-belle jeune fille, aux yeux charmants et pleins de douceur; de plus, elle tait bizarre, colre, prenant feu la moindre contrarit; et vous, vous me paraissez polie, gracieuse, pleine de douceur et de charit. Vous devez savoir, ma chre a m i e , reprit l'me, que le corps que j'avais pendant la vie, g l t d a n s l e spulcre en attendant la rsurrection; celui que vous voyez maintenant, est u n corps form d'air; Dieu m'en a revtu pour que je vinsse vous servir et rclamer vos suffrages. Quant ma nature bilieuse, impatiente, colre, j e puis vous dire que dix-sept
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annes de purgatoire sont bien propres enseigner la patience et la douceur. Outre cela, ne savez-TOtrs- pas que toutes les mes dtenues dans le purgatoire, sont impeccables et confirmes en grce. Huguette, alors n'eut plus de doute, et reut avec une joie extrme les services de cette me prdestine. Dans l'espace des quarante jours, Lonarde rvla h sa protge plusieurs choses concernant l'autre vie; mais Huguette fut la seule confidente de ses secrets, et le seul tmoin de sa miraculeuse prsence. D6 que la convalescente eut recouvr ses forces,elle entreprit les plerinages demands par Lonarde, et s'en acquitta avec une grande dvotion. Lorsqu'ils furent accomplis, la dfunte fut dlivre du purgatoire, et pour la dernire fois, elle apparut sa protge. La joie du ciel brillait dans son regard; elle tait si belle et si radieuse que les toiles du firmament eussent pli ct d'elle. Cette glorieuse prdestine rendit d'affectueuses actions de grces Huguette, ainsi qu' toutes les personnes qui avaient pri pour elle, et promit d'intercder en leur faveur auprs de Dieu. Aprs cette promesse, l'me prit son essor vers les collines ternelles.
(V. Thph. Raynaud, Heterocl, Spir., 2 p. sect. III, 5 point. )
XLVI1 MERVEILLE.
Notre charit envers ceux que noua aimons ne doit pas finir avec leur vie.
Chantas nunqum exeidit: La charit Da
meurt point, ( i Cor. u n , 8.)
Le vritable amour est u n e flamme qui loin de s'teindre par la mort de la personne aime, lui survit et l'accompagne jusque dans le tombeau. La vnrable Catherine Paluzzi dominicaine nous en donne un exemple louchant. Cette sainte religieuse tait lie d'une troite amiti avec une autre pouse du Christ non moins vertueuse qu'elle, nomme Bernardine Leurs curs taient semblables deux lyres qui clbraient l'unisson les misricordes divines ou plutt c'taient deux tisons embrass qui se communiquaient rciproquement leur chaleur. Une union si troite ne devait pas se terminer la mort; aussi se promirent-elles, que si Dieu le permettait la premire qui mourrait, viendrait visiter son amie. Peu de temps aprs cette convention, Bernardine fut frappe d'une maladie mortelle; sa compagne dsole lui rappela la promesse mutuelle, et l'assura qu'elle s'adonnerait avec ardeur toutes les uvres de la pnUene pour dlivrer son me, si elle tait
176dtenue dans le lieu de l'expiation: Je vous demande encore une chose, ajouta-t-elle, c'est de me dire si le genre de vie que je mne, est agrable au Seigneur. Je vous le promets, rpondit la moribonde, si tel est le bon plaisir de Dieu, et en prononant ces paroles, elle expira dans les sentiments de la plus tendre dvotion. Catherine esprait recevoir bientt une consolante visite de cette me bien-aime pour laquelle elle offrait de nombreux suffrages, et elle priait l'Epoux cleste de permettre Bernardine de lui apparatre. Mais de longs mois s'coulrent et Catherine avait dj perdu sa douce esprance; lorsqu'un jour, prcisment celui de l'anniversaire de leur douloureuse sparation, comme elle tait dans une fervente oraison, elle fut conduite en esprit dans une rue qui menait l'glise des Pres rforms de saint Franois. A l'un des angles, elle aperut un puits profond d'o sortirent d'abord des globes de fume et ensuite une personne enveloppe de tnbres, mais qui peu peu se dbarrassa du nuage pais qui l'entourait, et devint resplendissante et d'une beaut extraordinaire; en mme temps un chur d'anges descendait du ciel pour la recevoir. Catherine la regardant plus attentivement, reconnut bientt sa compagne et se sentit ravie de joie: D'o venez-vous? lui dit-elle. Je sors du purgatoire, rpondit Bernardine, d'un ton joyeux, et je vais au ciel. Dieu soit bni I pour la grce qu'il vous accorde; mais, ajouta-t-elle, tenez votre seconde promesse en me faisant connatre si j e suis agrable mon
v i n povx e t si-je cfois esprer Palier bientt jtftfir de votre compagnie daftS le eiel. Rjouissez-vous, ma sur, reprit la dfunte, parce que vous tes la bienaime du Seigneur; il fera par vous de grandes choses, et votre vie sera longue. Puis l'me s'envola vers les rgions ternelles laissant Catherine le cur inond de consolation. Cette mme servante de Dieu nous donne encore l'exemple du zle que nous devons avoir pour secourir nos parents dfunts. Son pre tant mort, elle ne cessa pendant huit jours de livrer son corps toutes sortes d'austrits, suppliant le Dieu de clmence d'user de misricorde envers lui; sans cesse elle offrait la Trs-Sainte Trinit les mrites du sang et de la Passion du Rdempteur pour acquitter les dettes de cette me si chre; elle priait Marie, au nom de la douleur qui transpera son me au pied de la croix de vouloir prendre sa cause en main et d'obtenir de son divin Fils, la dlivrance du dfunt. Le huitime jour, elle fit chanter l'office des morts et clbrer plusieurs messes de Requiem auxquelles elle assista avec une ferveur extraordinaire. Pendant qu'elle tait en prire, le -Sauveur lui apparut; il tait accompagn de sainte Catherine de Sienne, sa patronne. Tous deux la conduisirent en esprit dans le purgatoire; l, elle entendit les gmissements de son pre qui la conjurait de continuer ses suffrages afin d'tre bientt dlivr de ses tourments intolrables. A ce spectacle, Catherine sentit son cur se briser et ses yeux se remplir de larmes; se tournant vers son
irr Kmn Epoux qui s'tait un \>evi rfoign d'elle, lie 4e supplia autant par ses 6>nglo*s que par es paroles, d'user de clmence envers cette me souffrante; puis "drossant 3a sainte protectrice, elle la pria d'intercder-en sa faveur et d e lui obtenir la grce t a n t d sir*. Mais sautant bien <qe ia diviiie Justice exige -r'owliix; aitisfaolion -de nos idettes, cMe s'offrit <en mme lcinj)s Dieu pour expier dans son corps 'la-peine due au* "fautes de son pre. Le Sauveur, mu de compassion, ne-put rsister sa servante, et jetant sur l'me prisonnire un de ces regards puissants auxquels tout obit, il l'attira soi et la conduisit lui-mme au sjour de la gloire. A ce moment, Catherine revint elle, cl ses larmes de tristesse se changrent en larmes d e consolation.
( V. Diario Dominicano, 16 octobre. )
XLVUI MERVEILLE. C'est manquer de sagesse que de compter sur les uffrages d'autrui, sans satisfaire la Justice de Dieu.
Super quem habesfiduciam?ecce confidh super baculum arnndineum: En qui mettezvous voire confiance? Voil que vous vous appuyez sur un roseau.' (Isae, xxzvi, 6.)
Sainte Catherine de Gnes rptait souvent cette mmorable parole: Celui qui se purifie de ses fautes
dans la vie prsente, satisfait avec u n sou k une dette d e mille ducats, et celui qui a t t e n d d'tre a u purgatoire pour s'acquitter, peut s'attendre donner mille ducats pour un sou. Cela veut dire qu'ici-bas, avec une lgre pnitence, nous pouvons satisfaire Dieu pour de nombreuses fautes, tandis que dans l'autre monde, pour une faute lgre il faut endurer de nombreux et cruels supplices. Les suffrages d'autrui seront pour nous une bien faible ressource si nous n'accomplissons pas nous-mmes des uvres satisfactoires. Souvenons-nous qu'il vaut mieux dire une seule fois pendant la vie: Seigneur ayez -piti de moi, que de rpter cent fois aprs
la mort: Ayez piti de moi! vous du moins quites mes
amis. Le roi David disait souvent pendant fa vie le Miserere et il en recueillit les fruits. Le mauvais riche de l'Evangile rpta bien des fois aprs sa mort le cri du Roi pnitent, mais il lui fut inutile. Le vnrable Denis-le-Chartreux, illustre par sa science et sa saintet, assistait u n e fois dans la Chartreuse de Ruremonde un jeune novice qui se mourait. Ce jeune homme, averti de sa fin prochaine, prouva une grande terreur du purgatoire parce qu'il n'avait pas accompli l'obligation contracte par lui volontairement, de rciter deux fois le psautier. Denis, pour le rassurer, lui promit de s'acquitter de ce vu sa place. Le bon novice passa paisiblement de ce monde l'autre. Denis accabl par une multitude d'affaires que lui suscitait son zle ardent pour le salut des Ames, oublia sa promesse. L'me du dfunt vint alors
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lui triste et dsole: Ayez piti d e moi ! s'cria-fc* elle, puis elle se rpandit en gmissements sur son manque de paro'.\ Le pauvre suprieur chercha s'excuser allguant de graves obstacles. Mais l'me rpliqua en gmissant: Ah ! si vous souffriez la plus petite des peines que j ' e n d u r e vous ne trouveriez point d'excuses. Voici un fait plus remarquable encore. Cet minent religieux ayant appris la mort de son pre, en ressentit une affliction profonde cause du grand amour qu'il lui portait, et de la reconnaissance qu'il lui avait voue pour l'excellente ducation qu'il en avait reue, comme murs et comme science. Inquiet sur son sort ternel, il rsolut de supplier le ciel de le lui faire connatre. Un soir aprs l'office des vpres, il alla s'enfermer dans son oratoire pour y prier dans cette intention, -omme il tait dans toute la ferveur de son oraison, soudain il entendit distinctement ces paroles: Que te sert-il de tant t'affliger ? Et pourquoi cette vaine curiosit? Tu ferais mieux d'employer tes oraisons, non plus pour dcouvrir en quel tat se trouve ton pre; mais le dlivrer, s'il est en purgatoire; tes prires alors lui seraient utiles ainsi qu' toi. Docile cet avertissement du ciel, il s'appliqua de toute son Ame dlivrer son pre, et ne tarda pas exprimenter combien ce dernier parti tait prfrable, car la nuit suivante il vit en songe cette me bien-aime plonge dans une fournaise ardente. Ce pre infortun se retourna vers son fils et lui cria d'une voix gmissante: Piti, piti, mon
cher fils, ayez compassion d e mm tat et par vos suffrages, retiret-moi d e ces supplices pouvantables, Denis, mu a u plus profond de Pme, se porta tout <4? suite le secourir p a r une foule de bonnes uvres, ,ei ne cessa que lorsqu'il eut acquis la .certitude que s,o# pre tait au ciel. Ces apparitions enflammrent le zle de Denis pour la dlivrance des mes, et le portrent communiquer aux religieux de son Ordre cette charitable et prcjeur se dvotion. Lorsque le clbre Jean de Louvain vint mourir, les Chartreux s'empressrent de prier pour lui; cependant, ils savaient tous que la vie de ce prlat avait t exemplaire, qu'il s'tait toujours fait le dfenseur de la justice, le propagateur zl de l'Evangile, l'annonr ant autant par ses uvres que par ses paroles. Nul n'ignorait qu'il avait fait des dons considrables aux monastres, qu'il en avait fond et dot plusieurs, en particulier celui de Ruremonde o il avait voulu tre enterr afin de jouir encore en quelque sorte de la compagnie des Chartreux aprs sa mort. Ces saints religieux firent preuve d'une grande sar gesse en ne laissant pas de prier pour ,1e dfunt, malgr tous les glorieux tmoignages qu'il avait dooa de son mrite et de ses vertus. Jean de Louvain, n effet,, n e fut pas exempt du purgatoire. P e u t - t r e , fant-il chercher la cause de cette expiation dans' les immenses bnfices ecclsiastiques qu'il avait possr ds ,et aux obligations desquelles il n'avait pas sans doulctoujoursparfai temont safcisfaii. Ce qui est certain.
c'est qu'il manifesta par deux fois bien distinctes qu'il avait besoin d e suffrages. La premire fois ce fut pendant l'office des funrailles; on vit une nue paisse, enflamme, d'une odeur sulfureuse, environner tout--coup le catafalque. Denis, cette vue, resta altr, il ne savait si c'tait le feu de l'enfer ou celui du purgatoire. Le dmon augmentait encore son anxit, car il et voulu lui persuader que cette Ame tait damne afin qu'on ne prit point pour elle. Mais Denis persvra toute l'anne dans sa prire. Au jour de l'anniversaire, voil qu'au mme point de l'office de Requiem, l a , n u e de feu apparut, mais petite, plus claire et d'une odeur moins ftide; le religieux en conclut que l'me du dfunt tait dans un tat meilleur, et il continua ses suffrages. Au deuxime anniversaire, une lumire radieuse parut sur la pierre de son tombeau et toute l'glise en resplendit. Le ciel annonait par ce signe que l'me du prlat tait entre dans la suprme batitude.
(V Acta mnetorum des Bollandistes, S mars, fie de Denys-le-Chartreux. )
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XLJ.X MEHYEILLE. Orgueil et mondanit expis dans le purgatoire par d'horribles tortures. (1 )
Erit pro suavi odore ftor, et pro tona funiculus et pro crispante crine calvitium et pro faseia pcctorali cilicium: Leur parfum sera change en puanteur, leur ceinture d'or en une corde, leurs cheveux friss en une tte chauve et leur riche corsage en un cilie. (Isae, m, 84. )
Parmi les nombreuses rvlations dont le Sauveur et la Vierge Marie favorisrent sainte Brigitte, il en est d e terribles concernant l'enfer et le purgatoire. En voici une propre nous inspirer le dgot des vanits et des plaisirs du monde. Une jeune femme prise de toutes les illusions de la vie et adonne aux folles joies du sicle, fut surprise par la mort peu de temps aprs son mariage. Sainte Brigitte la vit comparatre devant le Souverain Juge dont le trne tait environn d'une multitude d'esprits clestes. Un chevalier arm et bard de fer, dont l'extrieur annonait la douceur, la modestie et la sagesse, se tenait la droite de la dfunte; mais on voyait la gauche, un personnage noir comme u n
( 1 ) Cette merveille et la suivante en remplacent deux autres do Rossignoli qui nous ont paru moins intressmes.
183 Ethiopien, d'une figure effrayante. Cet Ethiopien tait le dmon lui-mme, et ce noble chevalier tait l'ange gardien de la dfunte. Ecoutons la sainte, elle-mme, faire le rcit de ce jugement. Cette Ame tait dans une grande affliction; cependant elle semblait ignorer le sort qui lui tait rserv. Le livre de la Justice divine tait ouvert devant elle, et il en sortait comme une voix qui rpondait tout ce qu'elle disait. L'ange commena parler ainsi devant le juge: Il n'est pas juste de reprocher une me et de lui imputer comme un opprobre les pchs qu'elle a confesss. Je compris qu'il parlait ainsi pour me faire comprendre l'tat de cette Ame. Une voix se fit entendre du livre de justice, et rpondit l'ange en ces termes: Cette Ame a confess ses pchs, mais elle n'a pas eu, en les confessant, une contrition proportionne aux grands pchs qu'elle a commis, et elle n'a pas non plus satisfait dignement h la Justice divine pour tant d'offenses. C'est pourquoi elle doit en gmir maintenant, puisqu'elle ne l'a pas fait quand elle le pouvait. L'Ame commena alors se lamenter avec une telle violence qu'il semblait qu'on l'et entirement brise. Je n'entendis pas de cris, mais je vis ses larmes couler abondamment. Le Juge lui dit : Votre conscience doit dclarer maintenant les pchs pour lesquels vous n'avex pas satisfait dignement la Justice divine.
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L'Ame s'oria aussitt d'une voix si leve qu'il me semblait qu'on aurait pu l'entendre par toute la terre: Malheur moi 1 parce que je n'ai pas observ les commandements du Seigneur dont on m'a instruite, et que j ' a i bien connus 1 Je n'ai pas craint les jugements de Dieu. La Justice divine lui rpondit: C'est pourquoi vous devez maintenant craindre le dmon. Alors j e la vis trembler et frissonner comme si toutes les parties de son corps allaient se dissoudre, et elle dit: Je n'ai presque pas eu d'amour pour Dieu, aussi n'ai-je fait que peu de bonnes uvres. La Justice divine: C'est pourquoi il est juste que vous soyez maintenant loigne de Dieu et proche de Satan, puisqu'il vous a attire et entrane vers lui. L'me: A prsent, je comprends que j ' a i en effet toujours agi d'aprs les suggestions du dmon. La Justice divine: Il est donc juste que le dmon use maintenant du droit qu'il s'est acquis de vous chtier et de vous tourmenter selon vos mrites. L'me: Il n'y a aucune partie de mon corps, depuis la tte jusqu'aux pieds, que j e n'aie orne et embellie par orgueil. Je me suis fait toujours une loi de suivre exactement les modes, et j ' e n ai mme invent de nouvelles, en mettant en vogue de certains ajustements propres contenter la vanit et la superbe. Je me lavais la figure et les mains, non seulement pour les nettoyer, mais encore afin que les hommes en admirassent la beaut. 14 Justice divine: Puisque, en ornant ainsi votre
186corps, vous ares suivi les suggestions du dmon, 0 est juste qu'il vous rcompense sa manire de votre fidlit lui obir. L'me: Pour me rendre agrable en socit, j'tais dans l'habitude de plaisanter les autres. Je dsirais au fond de mon cur, des plaisirs que la pudeur et le respect humain ne me permettaient pas d'avouer. La Justice divine: C'est pourquoi votre langue et vos dents doivent tre cruellement tourmentes. Vous serez contrainte d'endurer des choses dont vous auras horreur, et rien de ce que vous pourrai dsirer ne vous sera donn. L'me: J'prouvais une grande joie voir un grand nombre de personnes suivre mon exemple et imiter ma conduite. La Justice divine: Il est dono juste que celui qui commet les pchs dont vous lui avez donn l'exemple, soit puni comme vous ailes l'tre; et quiconque aura partag vos dsordres, vous sera prsent aprs sa mort pour augmenter votre supplice. Alors je vis comme une sorte de lien qui couronnait la tte de cette personne, et la serra aveo tant de violence que le front et le derrire de la tte semblaient tre runis ensemble. Ses yeux sortaient de leurs orbites et pendaient le long des joues. Ses cheveux paraissaient avoir t consums par le feu. Sa cervelle, fortement comprime, coulait par les narines et par les oreilles; sa langue sortait presque entire de sa bouche; ses bras, dont les os taient briss, taient comme tordus en forme de cordes. Je vis ses mains
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corches attaches son cou; la poitrine et le ventre tellement presss contre le dos que toutes les ctes se brisrent, que le cur et toutes les entrailles crevrent; tous les os des parties infrieures taient comme briss en mille morceaux. Ensuite le dmon dit au Juge: Maintenant que cette me est chtie comme elle l'a mrit, pour les pchs qu'elle a commis, ordonnez que nous soyons dsormais troitement unis ensemble, et que nous ne puissions jamais tre spars. Mais l'ange s'y opposa, et parla ainsi au Juge: 0 vous, qui rien n'est cach, et qui savez tout ce qui s'est pass dans cette me, daignez m'couter. Voici ce qu'elle se disait au dernier instant de sa vie: Oh ! s'il plaisait Dieu de me laisser vivre encore quelque temps, je ferais bien volontiers pnitence de mes pchs; je voudrais le servir fidlement tout le reste de ma vie, et ne plus l'offenser davantage, car j ' a i un grand regret d'avoir t si ingrate envers lui. Telle fut, vous le savez, Seigneur, sa dernire volont. Considrez aussi, souverain Juge, que cette personne n'a pas vcu assez longtemps pour avoir une parfaite connaissance de toute l'tendue de ses devoirs; car elle tait bien jeune lorsqu'elle quitta le monde; et faites-lui misricorde. Il fut rpondu du livre de la Justice : Quiconque a une telle volont au dernier moment de sa vie, ne p e u t tre condamn subir les peines d e l'enfer. Alors le Juge pronona cette dernire sentence: Cette me obtiendra le ciel, en vertu des mrites
- 1 8 7 d e ma passion, aprs qu'elle aura expi ses pchs autant de temps-que ma justice l'exige, moins qujjl n e soit abrg par les bonnes uvres de ses amis. Qui ne sera saisi de crainte la lecture de ce jugem e n t ? Ah ! si la folle jeunesse rflchissait ses fins dernires, elle ne sacrifierait pas la vanit et aux plaisirs dangereux les quelques instants d'une vie dont il lui faudra rendre un compte si terrible.
( Tirs des rvlations de Sainte Brigitte. )
Nous avons vu par de nombreux exemples que Dieu dans sa misricorde infinie, choisit des mes gnreuses pour tre les libratrices des dfunts qui gmissent dans le purgatoire Parmi ces mes lues, le 1 7 sicle nous offre deux admirables hrones: l'une fut une religieuse de la Visitation, nomme Marie-Denise de Martignat, et l'autre fut connue dans le monde sous le. nom de mre Ante. Mademoiselle de Martignat, d'une antique et noble famille de la Bresse, runissait aux qualits du cur.
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fous les charmes de l'esprit et de la beaut. Aussi avait-elle t recherche en mariage ds sa plus tendre jeunesse, et avant l'ge de 16 ans, elle avait t fiance un jeune gentilhomme digne de sa main. Le jour des noces de Marie-Denise tait fix, lorsqu'une lettre de son frre, qui tait religieux, lui rvla la sublimit de l'tat des vierges. Ds lors, elle rsolut de rompre avec le monde et fit vu de chastet; son fianc, touch de ses discours et plus encore de son exemple, prit l'habit de Rcollet et devint u n fervent religieux. Mademoiselle de Martignat et bien voulu, elle aussi, dire adieu au sicle, et s'enfermer dans le clotre, mais l'heure n'tait pas venue; les circonstances allaient l'engager de plus en plus dans le monde. Devenue fille d'honneur de la reine Marie de Mdicis, elle parut la cour avec clat, mais sans rien sacrifier la vanit et sans rien retrancher la ferveur. Du haut des sommits sociales, mademoiselle de Martignat vit se drouler devant elle le tableau de la vicissitude des grandeurs humaines; elle vit les fins tragiques du marchal et de la marchale d'Ancre, et faisait partie de la suite d'Henri IV dans le moment mme o il fut assassin. Plus que jamais dgote du monde, elle songeait t o u t quitter, lorsqu'un nouveau flot de la fortune la jeta la cour de Savoie dans de nouvelles ftes et de nouvelles faveurs. Elle y parut telle qu'on l'avait vue la cour de France, brillante, pleine d'esprit, toujours sainte et pratiquant d'tonnantes austrits.
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Enfin arriva le moment, o Marie-Denise fut. libre de suivre l'attrait qui l'appelait au clotre. Le cur plein de joie, elle vint Annecy demander l'habit religieux sainte Chantai. Lorsqu'elle tait encore dans le monde, mademoiselle de Martignat avait connu Turin une mendiante, nomme la mre Ante, nom suppos sous lequel se cachait un des plus beaux noms de la noblesse; car cette femme admirable appartenant une antique famille de Turin, avait distribu tous ses biens aux pauvres, et s'tait faite mendiante pour Jsus-Christ. Or, cette mre Ante avait une dvotion extraordinaire aux mes du purgatoire. Elle ne pensait qu' elles; elle mendiait pour leur faire dire des messes. Avec les aumnes qu'on lui donnait, elle btissait et dotait des chapelles, afin qu'on prit jour et nuit pour ces pauvres mes souffrantes. En qutant la cour, elle vit mademoiselle de Martignat. La jeune fille et la vieille mendiante se comprirent et nourent ensemble une sainte et profonde amiti qui ne cessa plus. La mre Ante demanda Dieu que Marie-Denise lui succdt dans ses saintes fonctions; grce ses prires, mademoiselle de Martignat avait reu tandis qu'elle tait en oraison devant le Saint Suaire Turin, une puissante et mystrieuse grce, en vertu de laquelle elle fut doue d'un pouvoir presque illimit sur les mes du purgatoire. La premire de ces Ames qu'elle vit monter au ciel, fut celle de sa pieuse amie. La dfunte lui appanjt
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t r c o n visage joyeux: Marie, lui dit-elle, il y a oinq heures que j e suis sortie de cette vie; j ' a i d souffrir en purgatoire durant ces cinq heures pour avoir omis quelques bonnes uvres inspires de Dieu, et pour n'avoir pas rprim assez tt quelques mouvements d'impatience. Sachez, ajouta l'me, que je devais y rester cinq jours entiers; mais ces cinq jours ont t changs en cinq heures, en considration des cinq plaies de Jsus crucifi que vous avez salues pour moi en rcitant cinq Pater et cinq Ave les bras en croix. Grces infinies soient rendues votre charit! Maintenant j e suis dlivre de toute peine; je m'envole au ciel o la Misricorde divine m'a dj assign une demeure splendide prs de sainte Monique, qui je fus particulirement dvote pendant ma vie, et ('intercession de laquelle je dois la grce de ma conversion. Merveilleusement encourage par cette apparition, Marie-Denise se dvoua avec une ferveur nouvelle au soulagement et la dlivrance des pauvres mes. ,Au clotre, cette dvotion augmenta encore. Ce n'tait pas assez de prier pour les morts; elle commena s'offrir Dieu pour tre immole lenr place, afin d e diminuer leurs peines par voie de solidarit. Une fois, en particulier, presse des vives douleurs de sa scia tique, elle se traita si durement, que la grandeur du mal fit sortir l'os de la hanche droite avec un craquement si fort que les surs qui priaient ct d'elle l'entendirent. Quand elle voulut marcher, elle trouva sa jambe raccourcie d'un grand demi-pied, et ce fut
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pour la vie. Mes pauvres Ames d u purgatoire, ditelle alors, ont besoin d'uvres pnales; je n'avais rien souffrir, le bon Dieu m'a envoy ceci. Souvent elle passait des mois entiers dans d'horribles douleurs. Aprs quoi elle se sentait tout--coup inonde de joie. Elle voyait des Ames lui apparatre, brillantes de gloire, et la remercier de les avoir dlivres p a r ses souffrances. Nous avons dj racont comment le gentilhomme qui l'avait demande en mariage, avait renonc au monde et embrass la rgle des Rcollets. Aprs plusieurs annes d'une vie toute de vertus et de grces clestes, il s'endormit dans le Seigneur. Mais on peut citer ce sujet, cette parole du livre de Job: Dieu dcouvre des taches dans ses anges. ( XV, 15. ) Un matin, pendant que la sur de Martignat accomplissait ses louables pratiques de pit, une ombre en forme de croix, s'offrit ses regards et lui dit d'une voix distincte qu'elle reconnut subitement: Ma sur fidle, assistez-moi, je suis en purgatoire. Cela d i t , l'ombre disparut. La bonne sur demanda aussitt la permission de prier et d'offrir Dieu des mortifications en faveur du dfunt. Trois mois aprs, en plein jour, pendant qu'elle tait en oraison dans sa cellule, elle entendit de nouveau la mme voix qui lui adressa ces seules paroles: 0 Dieu ! ma sur, combien j e vous rends grces! Au mme instant, un parfum suave et cleste se rpandit dans la cellule, mar Marie-Denise ne vit rien. Les Ames l'accompagnaient en tout lieu; elle avoua
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la suprieure que loin d'en tre effraye, elle se trouvait aussi l'aise au milieu d'elles qu'au milieu de ses surs, et qu'elle retirait plus de fruit de ses conversations avec les morts que de celles qu'elle entretenait avec les vivants. Sa suprieure lui tmoigna, un jour, le dsir de recevoir, elle-mme, la visite d'une me du purgatoire, si une telle apparition pouvait contribuer, la rendre plus humble et plus agrable Dieu. MarieDenise rpliqua: En vrit, ma bonne mre, si tels sont votre courage et votre dsir, prions Dieu, Notre Seigneur, afin qu'il vous e x a u c e . La suprieure y ayant consenti, fut tonne de recevoir le soir mme un signe mystrieux de la part d'une me souffrante, qui, ds ce moment, commena lui faire de frquentes visites. Plusieurs religieuses qui couchaient dans la chambre de la suprieure, furent tmoins de ces apparitions, qui continurent se produire pendant sept mois entiers. La suprieure tait tonne qu'une me pour laquelle on avait offert Dieu beaucoup de suffrages, ft dtenue si longtemps en purgatoire. Marie-Denise lui dit que la plupart des mes sont retenues en purgatoire pour quatre raisons: la premire est l'inconcevable puret d o n t . u n e me doit tre orne avant de paratre devant Celui qui est la saintet et la puret p a r essence, et qui ne reoit per sonne dans sa glorieuse Jrusalem, si l'on n'est p u r comme la cit elle-mme. En deuxime lieu, cause de la multitude des fautes vnielles que nous commettons en cette vie, et du peu de pnitence que nous
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faisons pour les pchs mortels dont nous nous sommes accuss en confession. En troisime lieu, a cause de l'impuissance o se trouvent ces mes de S'aider elles-mmes, et enfin cause du peu de soin que la plupart des chrtiens mettent prier et mriter pour elles; car les morts semblent s'vanouir dans ta mmoire des vivants aussi vite qu'ils dispareasattH leurs yeux, tandis que la vritable charit accompagne ceux qu'elle aime, travers les flammes du pnsN gatoire jusqu'au oiel. Hais la cause des prires les plus ardentes, des larmes continuelles, des plus sanglantes expiations de la Mre de Martignat, ce fut la mort du doc de Nemours, Charles-Arade, qu'elle avait beaucoup connn la cour de Savoie. Il s'tait battu en duel aveo son beaufrre, le duc de Beaufort, et il avait t tu roide. Mais au moment o l'pe le toucha, dans oet clair, il eut l temps d'lever son me Dieu et d'obtenir son pardon. La Mre de Martignat en eut la rvlation, et courut le dire la suprieure en lui demandant la permission de s'offrir en sacrifice pour cette pauvre me. Oui, ma mre, j'ai vu cette me en purgatoire, mais Si bas, si profond et pour si longtemps que je suis reste perdue. Hlas I qui l'en tirera? Peut-tre pas avant te grand jour du jugement. Et oomme la Suprieure hsitait croire au saint de cette a n * : Ah! disaft la soeur de Martignat,'(un million d'Amas se seraient perdues dans une telle occasion.'31 n'aey qti'hn moment pour cooprer la lumire de Dieu, et
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unci mche prte prendre feu. L'eunce..j divine l'a touch. Jamais peut-tre depuis que le dmon est dmon, il n'a t plus tromp dans son attente, quand il a v u cette proie lui chapper. Avec la permission de la suprieure, cette vnrable sur s'offrit donc Dieu pour souffrir et diminuer par l les douleurs du prince, et il fut bientt vident tous que Dieu avait accept cette offrande. Des douleurs plus grandes que toutes celles qu'elle avait connues, jusque l, tombrent sur elle; sa galt ordinaire disparut; on ne lui vit plus qu'un visage dfait, des yeux toujours inonds de larmes, une me agite de perptuelles frayeurs. Quelquefois elle s'chappait de sa cellule, tout perdue, se recommandant aux prires des surs. Le plus souvent on la voyait immobile, les deux mains jointes, appuye sur le bton que les douleurs de sa sciatique l'avaient contrainte de prenpre: Chres surs, disait-elle, priez le bon Dieu pour mon pauvre prince. Sa sant acheva de se perdre. 11 lui prit des oppressions de poitrine si violentes, qu'elle tait chaque instant sur le point d'touffer. Ses poumons taient en feu, et pendant ce temps ses jambes enfles et froides ne la pouvaient plus porter. La suprieure pleurant un jour en la voyant dans cet tat: Ne vous tourmentez pas, ma chre mre, lui dit-elle, il me fallait ces jambes de marbre pour courir aprs mon pauvre prince dans les flammes du purgatoire. Aprs un long martyre de cette sorte, il plut Dieu de lui faire voir dans une vision l'me du prince l-
- l grement leve au-dessus du fond de cet abme de feu; elle reut en mme temps l'assurance qu'il serait dlivr an peu avant le jour du jugement. Elle continua sa vie de pnitence et de prires; quelque moment qu'on descendit la chapelle, on y trouvait la sur de Martignat, genoux ou debout, appuye sur son bton, priant, non seulement, pour son pauvre prince, mais pour toutes les mes du purgatoire, ainsi que pour ceux, or le nombre en tait grand, qui se recommandaient elle. Elle y puisa son cur, elle y osa sa vie. Son dernier soupir fut encore une prire.
(Tire de la traductionfranaised Tout Pour Jtut du Pre Faner et de la rie de sainte Chantai par l'Abb Boagami. )
CONCLUSION.
PlSise Dieu que les exemples que nous venons je rapporter, excitent dans tous les curs une tendre compassion envers les mes du purgatoire. Nous esprons que des motifs si puissants porteront tout cur chrtien e a b r a s s e r avec a r d e u r cette dvotion. Si le plus haut degr de la perfection chrtienne consiste dans l'amour de Dieu et du prochain, et si ces deux amours sont comme les ples sur lesquels tourne le ciel de la vertu parfaite, on comprend facilement de quelle valeur sont les suffrages que nous offrons en faveur des dfunts. En premier lieu, c'est le plus grand acte d'amour envers Dieu: en soulageant ces mes souffrantes, nous imitons la divinit dans son attribut le plus admirable: la misricorde. Le Sauveur a dit:
Soyez misricordieux comme votre Pre cleste est misri-
cordieux. (Luc, VI, 36. ) Saint Grgoire, au sujet de ce texte, a crit: Soyez la Providence de celui qui souffre, imitez Dieu dans sa misricorde. E t envers qui pourrons-nous mieux exercer cette misricorde qu'envers des mes qui ne peuvent rien pour ellesmmes et qui sont cependant les filles bien-aimes do
Dieu, les f aas de Jsus-Christ et les cobritiares de ses royaume? L'angiique saint Thomas prouve par des raisons claires et videntes que les uvres de misricorde spirituelles sont de beaucoup plus excellentes que les uvres de misricorde corporelles. Donc, si donner manger ceux qui ont faim, vtir ceux qui sont nus, visiter les prisonniers, sont des actes si agrables Dieu, combien plus estimera-t-il la harit qui soulage les mes dans leurs souffrances, qui teint la soif ardente qu'elles ont de voir Dieu, et qui, leur ouvrant la porte de leur prison tnbreuse, les conduit au sjour de l'ternelle libert. En second lieu, c'est un grand acte de charit envers le prochain. Le beau titre d'ami de ses frres, donn d'abord Jrmie et ensuite saint Pierre Nolasque qui consacra ses richesses la dlivrance des chrtiens captifs, peut tre appliqu tout fidle qui p a r ses prires, ses aumnes et autres bonnes uvres, dlivrera ces mes saintes d'un esclavage bien plus douloureux. Sans doute, c'est une grande charit que de soulager dans leurs peines les personnes qui nous entourent, mais, secourir les dfunts me parait un acte plus grand et mieux ordonn. L'Epouse des sacrs cantiques dit que son cleste Epoux demandait que SA charit ft ordonne: II a ordonn en moi la charit. (caot.24.)Et comme l'explique le Matre de la Thologie, notre charit doit procder avec ordre, c'est--dire que nous devons examiner o se trouve la plus grande obligation, la plus pressante ncessit et le plus gfand mrite des personnes qui rclamcntnos secours.
196 Or, quelle plus grande obligation que de pourvoir aux ncessits de ces Ames enchanes dans une prison de feu? Qui les surpasse en mrite, elles que le TrsHaut a confirmes en grces, et qui bientt jouiront dans le ciel de la gloire des bienheureux? Quel acte plus gnreux que d'employer nos oraisons, nos prires et toutes nos bonnes uvres, leur obtenir le seul bien vritable, la possession de Dieu? Enfin, en ne considrant que notre propre intrt, nous verrons qu'il n'y a peut-tre pas d'oeuvre plus efficace pour attirer sur nous les grces du ciel. Dieu, toujours libral dans ses rcompenses, n'accordera pas seulement aux misricordieux envers les morts, des grces spirituelles, mais encore il les soulagera dans leurs peines, les gurira de leurs maladies et les protgera dans les dangers, ainsi que nous le montrent clairement les exemples renferms dans ce volume. Qu'on se souvienne du vaillant et pieux Judas Machabe que Dieu combla des grces les plus signales, en rcompense des 12,000 drachmes d'argent qu'il avait envoyes Jrusalem afin qu'on offrit des sacrifices pour les Ames des soldats rests sur le champ de bataille. Peu aprs cet acte de misricorde, le Seigneur lui envoya une pe, l'assurant que cette arme le rendrait victorieux des ennemis du peuple de Dieu. Et pour qu'il ne doutt point que ce fut le prix de sa charit envers les dfunts, Dieu la lui fit prsenter par deux morts: le grand prtre Onias et le prophte Jrmie. Ce dernier lui dit: Acceptez cette pe sainte, comme un prisent que Dieu vous fait, et avec lequel wutrtmer*
serez les ennemis de mon peuple d'Isral. (Il Mach. XV, 16. ) Judas prouva bientt la vrit de ces paroles, car l'ennemi l'ayant attaqu, il tua 35,000 des leurs avec une poigne de fidles soldats. En imitant ce religieux capitaine, nous serons, comme lui, favoriss de grces spciales qui nous donneront une pleine victoire sur nos ennemis intrieurs et extrieurs. Pour terminer, citons les pieuses paroles de saint Bernard: Levez-vous donc au secours des mes, appelez par vos gmissements, implorez par vos soupirs, intercdez par vos oraisons,, satisfaites par le redoutable sacrifice des autels. Consacrez donc vos prires, vos jenes, vos aumnes, la sainte Messe entendue avec dvotion, soulager ces mes bnies; vous vous ferez ainsi des amis et leur tour elles vous assisteront dans vos travaux, vous encourageront au moment de la mort, seront vos cts pour le redoutable passage de l'ternit, et vous conduiront en triomphe au sjour de la gloire. Douteriez-vous de leur reconnaissance, de leur fidlit, de leur pouvoir? Secourez-les, et vous verrez que l'Ecclsiastique a raison de vous assurer: Faitee donc du bien au juste, et voue en recevrez une grande rcontpente, (Eccli. 12, 2.)
m i l a LA SECONDE PARTIS.
ACTE DE CHARIT
EW FAVEUR DES AMES DU PURGATOIRE.
On recommanda U pit des fidles VAatt 4* charit par leqae) on fait Pie l'offrande volontaire de ses uvres satisfactoires, et de tous les suffrages dont on pourrait recevoir l'application aprs la mort; uvres et suffrages qu'on remet entre les mains de la sainte vierge, en faveur des ames du purgatoire qu'elle tient assister de prfrence. Cet acte de donation, autoris et enrichi d'indulgences par plusieurs Souverains Pontifes, a t confirma par un dcret de N. S. P. le Pape Pie IX, man le 3 septembre 1832, dans lequel il renouvelle les indulgences accordes par ses prdcesseurs, en dclarant ce qui suit: 1 Les prtres qui auront fait cette offrande ou donation, pourront jouir de l'autel privilgi tous les jours de l'anne, pourvu qu'on dise la messe en noir, et que les jours o il y aura obligation de la dire d'une fte, elle soit applique une me du purgatoire. 8 Les simples fidles pourront gagner l'indulgence plnire, applicable seulement aux ames du purgatoire, toutes les fois qu'ils feront la sainte communion, et tous les lundis de l'anne, en entendant la messe pour le soulagement de ces mmes mes, pourvu que dans l'un et l'autre cas, ils visitent une glise ou un oratoire publie, et qu'ils y prient selon l'intention de Sa Saintet. 3 Il leur est permis d'appliquer aux dfunts toutes les indulgences accordes ou devant l'tre, qu'ils pourront gagner. De plus, Sa Saintet Pic IX a daigne dclarer, dans un dcret de la Sacre-Congrgation des indulgences du 20 novembre 1854: lque les infirmes, les vieillards, gens de campagne, voyageurs, prisonniers et autres personnes qui ne peuvent pas entendre la sainte messe le lundi, jouiront de l'indulgence qui y est attache, en offrant cette fin celle du dimanche; 8 que le* tVquts peuvent autoriser les confesseurs commuer la communion en quelque autre oeuvre de pit, en faveur des enfants qui n'ont pas encore t admis la table sainte, et des autres fidles qui seraient empchs de communier.
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mcttmm i'acm n caurrt n rratm m tm n maatm,
)v m noua nxusiiT s i ut unut au mm ta. (ruines personnes pieuses hsiteront peut-tre a fsfaroeetAeiade eftsriW, craignant de se porter prjudice ellee-m taies, comme si elles se dpouillaient de leurs propres mrite; on marna de ne pouvoir rien fcire spcialement pour telles et telles anus tpri leur sont plus chres. Qu'elles se rassurent. On distingue, dans les actes sancttMs par la grce, quatre sortes de fruits : le mritoire, le propitiatoire, rhnptratoire et le satisfactoire. Les trois premiers nous demeurent; Car nos mrites doivent tre pour nous le prix du ciel autant qu'il dpend de nous de l'acqurir, et personne ne saurait les aliner. Il en est de mme du propitiatoire et de l'imptratoire, c'est--dire, que nous pouvons les faire servir nos propres besoins, comme ceux des mes pour qui nous nous intressons plus particulirement. Reste le fruit satisfactoire par lequel l'on satisfait la justice divine pour les dettes qu'on a pu contracter envers elle. Or, ce fruit satisfactoire est le seul dont il s'agit de se dpouiller par l'Acte de charit en faveur des mes du purgatoire. Soyons, on ne dira pas assez gnreux, mais assez intresss pour le faire au plus tt, considrant qu'on n'aura rien perdre, mais beaucoup gagner, tout en soulageant tous les instants de la vie les pauvres mes retenues dans les flammes expiatoires. Et ne craignons pas qu'il en soit autrement, car nous avons affaire un Dieu non-seulement bon et misricordieux, mais encore, infiniment juste; et, ces' titres, il ne peut permettre que nous soyons un jour victimes de notre charit. Oui, nous devons avoir cette confiance, qu'en faisant celte donation, nous abrgerons pour nous le temps que nous pourrions avoir passer en purgatoire, et cette confiance est fonde: 1 sur la promesse de Jsus-Christ lui-mme qui nous assure que nous serons trait9 comme nous aurons trait le prochain, de sorte que nous pouvons et devons mme croire, qu'aprs notre mort, bien des suffrages que nous devons estimer plus que ce que nous pourrions avuir de satisfactoire de nous-mmes, si nous l'avions gard pour nous, nous seront appliqus notre tour; 2 sur le secours de Marie qui ne saurait tre insensible nos besoins, alors que nous lui aurons abandonn par charit le* moyens d'y pourvoir; 3 sur
l'intercession des Ames du purgatoire, soulages ou dlivres par notre secours. Lorsque par nos suffrages, dit sainte Brigitte, nous dlivrons une Ame du purgatoire, nous faisons une chose aussi agrable Jsus-hrist son Epoux, que s'il tait rachet lui-mme; et quand le temps sera venu, il nous rendra entirement le bien que nous lui aurons fait, et le fera tourner notre profit. Benoit XIII, mort en odeur de saintet, se rendant ces paroles, fut port, comme il l'avoue lui-mme, faire en public, du haut de la chaire, dans un des sermons qu'il prcha sur ce sujet, l'offrande de ses uvres satisfactoires en faveur des mes du purgatoire. En mme temps, sur la demande du Pre Oltden, religieux thatin, qui fut, sinon l'auteur, du moins le zl propagateur de cet Acte de charit, il accorda des grces spirituelles a ceux qui feraient la mme donation. Cet Acte de charit a t pratiqu par des communauts tout entires et par un trs-grand numbre de personnes dont plusieurs furent illustres en dignit, en doctrine et en saintet. Des crivains et des thologiens insignes l'ont dfendu contre toute attaque, parmi lesquels on compte les doux clbres jsuites, les PP. Moncada et Ribadcneira, ainsi que le docteur Jacques Darun dans le tome H de L'INCENDIE U N I V E R S E L , o il prouve au long, par les exemples de sainte Gertrude, de sainte Lidivine, de sainte Catherine de Sienne, de sainte Thrse et du vnrable Ximus, qui fit cette donation d'aprs le conseil de la sainte Vierge, que par cet Acte, non-seulement on ne perd rien, mais qu'un a, au contraire, beaucoup gagner. Sainte Brigitte, cite par Benoit XIII dans son sermon, tmoigne qu'elle entendit cette exclamation sortir des cavernes embrases du purgatoire: Qu'il soit rcompens et pay, quiconque nous ra frachit dans nos peines ! Une autre fois elle out une voix qui criait: O Dieu Seigneur ! usez de votre incomprhensible pouvoir, pour rcompenser an centuple ceux qui nous secourent parleurs suffrages, et nous lvent a la claire lumire de votre Divinit. La mme sainte rapporte qu'elle entendit un ange qui disait* Bni soit dans le monde quiconque vient au secours des pauvres Ames pnitentes, par ses prires, ses bonnes uvres et ses peine corporelles. Saint Ambroise dit que tout ce que nous donnons par charit aux
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ames des trpasss, se change en grces pour nous, et qu'aprs notre mort, nous en recueillerons le fruit au centuple. Le P. Baron, cit plus haut, rapporte que sainte Gertrude ayant fait la donation de ses uvres satisfactoires ces saintes mes, le dmon lui apparut & ses derniers moments, et lui dit en se moquant d'elle: Que ta as t orgueilleuse et cruelle envers toi-mme! Quel plus grand orgueil, en effet, que celui de vouloir payer les dettes des autres, au lieu d'teindre les siennes propres ! Maintenant, nous allons voir le jour de ta mort...; tu paieras ta superbe en brlant dans le feu du purgatoire, et je rirai de ta sottise, pendant que tu la pleureras toi-mme. Alors Jsus son divin Epoux, se rendant visible ses yeux, la consola ainsi: Pour te faire comprendre combien m'a t agrable la charit dont tu as us envers les ames du purgatoire, ds ce moment je te fais grce de tout ce que tu aurais h endurer dans ce lieu d'expiation, et de plus j'augmenterai li bralement ta gloire pour reconnatre ton dvouement en leur faveur. C'est ainsi que Dieu rcompense les fidles qui consacrent leurs uvres la dlivrance de ces mes souffrantes. Aussi le dmon, leur implacable ennemi et le ntre, fait-il tous ses efforts pour nous dtourner de cet Acte de charit. FORMULE DE L'ACTE D'OFFRANDE. Vierge-sainte, notre bonne et tendre mre, et qui l'tes aussi des pauvres mes du purgatoire, me proposant de cooprer, autant qu'il peut dpendre de moi, leur soulagement et leur dlivrance, je vous fais l'offrande de toutes les uvres satisfactoires de ma vie, pour en disposer vous-mme en faveur de celles auxquelles il TOUS plaira de les appliquer. J'ai la confiance, Marie, que vous daignerez les agrer dans votre bont, et que cette donation serapour moi un nouveau moyen de salut et de sanctification. Ainsi soiVif. Vu et approuv: Bordeaux, le M Avril 1869. f FERDINAND CARDMU. DONNET, Archevque de Bordeaux,
Jntrodue,tjon, - n - Le bien que nous faisons aux ames du purgatoire, devient pour nous une source de grce f. Les enfants mme ne sont pas exempts des peines du purgatoire p. Des mes rpondant aux prires qu'on fait pour elles . III. Marie aie pouvoir de dlivrer les mes captives et de les - emmener au Ciel IV. Les dmons accusent les mes au tribunal de Dieu . . . y. Dieu fait expier par un long purgatoire un manque de " charit envers les dfunts yi. Celui qui a les mes du purgatoire pour le dfepdre, ne doit pai! craindre les armes ennemies TH. Les mes des morts viennent rvler aux vivants les mystres dp l'autre vie. . , VIII. L'obissance abrge la dure de l'expiation (S. La charit s'offre satisfaire par ses propres souffrances toutes les peines d'autrui X. Les mes recueillent des suffrages conformes aux bpnnea uvres qu'elles ont accomplies pendant leur via terrestre
5 10 13 14 17 90 33 36 39 33
......
sa
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l . One faible tincelle du feu du purgatoire est propre nous inspirer une grande compassion envers les ames souffrantes XII. Marie, au jour de son Assomption, introduit au Ciel une multitude d'ames XIII. Le bien que l'on accomplit pendant la vie, est rcompens aprs la mort XIV. Les peines du purgatoire sont terribles XV. La crainte du purgatoire dtache le cur des vains plaisirs du inonde XVI. Douloureuses plaintes des ames du purgatoire XVII. Le dsir de voir Dieu est la plus grande peine do purgatoire XVIII. On souffre dans le purgatoire des peines en rapport avec les fautes commises XIX. Les ames du purgatoire sont trs-reconnaissantes.. . . XX. Supplications des mes pour obtenir leur dlivrance. . XXI. Tout ce que vous ferez pour la dlivrance des mes, *'Ous sera rendu par le Seigneur XXII. Touchante compassion d'un grand serviteur .de Dieu envers les dfunts '. XXIII. Une petite aumne faite de bon cur apporte un grand soulagement aux ames du purgatoire. . . . XXIV. La vertu la plus pure n'est pas sans tache devant Dieu XXV. Richesses de ce monde transformes en uvres mritoires pour la vie ternelle. XXVI. L'amour du prochain ne doit point se borner cette
tie
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XXVII. Dieu rvle quelquefois b ses serviteurs l'tat des mes ensevelies dans les tnbreux abmes de la mort Vf XXVIII. Combien les jugements de Dieu sont redoutables. . 100 XXIX. La prire des justes est puissante sur le coeur de Dieu. 103 XXX. Dans les tnbres, resplendit quelquefois un rayon de la cleste lumire. . . . , . . , . . , . . . , , . 107
XXXI. Combien 0 e>t important de ne pas ngliger ! rception des sacrements 111 XXXII. Les prires que les vierges consacres adressent a Dieu pour la dlivrance des ames sont trs-efficaces. 114 XXXIII,Dieu seplalt parfois rvler l'tat des dfunts pour l'instruction des vivants 117 XXXIV. Une courte et fervente prire est plus utile aux ames que tous les appareils d'une pompe funbre . . . . 132 XXXV. La prire des justes dlivre les mes du purgatoire . 126 XXXVI. La Reine du Ciel protge ceux qui l'invoquent en faveur des mes 131 XXXVII. L'or et l'argent des vertus doivent souvent tre* purifis par le feu 13S XXXVIII. Dieu rend au centuple l'aumne faite en faveur des morts 13 XXXIX. Les dfunts demandent aux vivants des suffrages pour apaiser la justice de Dieu 143 XL La prire offerte pour les parents dfunts est trs-agrable Dieu 147 XU. Les peines du purgatoire prolonges jusqu' l'acquittement des dettes litt XLII. Les mes dlivres viennent au devant de leurs bienfaiteurs pour les remercier ISS XL1I1. Protection signale des mes du purgatoire et conversion de deux pcheurs 159 XLIV. Dieu condamne une dure expiation ceux qui rsistent sa parole, et il fait grce ceux qui l'coutent avec docilit 163 XLV. zle ardent ponr la dlivrance des Ames du purgatoire. 167 XXVI. Les dfunts secourent les vivants pour en tre secourus & leur tour 170 XLVII. Notre charit envers ceux que nous aimons, ne doit pas finir avec leur vie 174 XXVIII. C'est manquer de sagesse que de compter sur les suffrages (fautrui, sans satisfaire A la Justice de Pieu.. . 171
XLIX. ~- Orgueil et mondanit expie dans U purgatoire par d'horribles tortures 18S l, Dvouaient admirable envers les ames du purgatoire. . 187 Conclusion mti Acte de charit en faveur des ames du purgatoire soo
FIN