Mécanique Des Roches Et Travaux Sou Terrains
Mécanique Des Roches Et Travaux Sou Terrains
Mécanique Des Roches Et Travaux Sou Terrains
Septembre 2006
Cours de travaux souterrains et de mécanique des roches
François MARTIN,
Centre d’Études des Tunnels
Adrien SAÏTTA,
Laboratoire Régional des Ponts-et-Chaussées d’Aix-en-Provence
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Introduction
Ce polycopié reprend les grandes lignes du cours de mécanique des roches et de travaux souterrains
proposé à l’ENS Cachan, dans le cadre de la préparation à l’agrégation de Génie Civil, et à l’ENPC, dans le
cadre du Master-II Recherche MSROE. Son contenu dépasse largement le programme officiel du concours
de l’agrégation.
Le premier chapitre est consacré à la conception des travaux souterrains (orientation des choix, cri-
tères...) et à la technologie classiquement utilisée. La deuxième partie aborde la mécanique des roches au
travers de la description des massifs rencontrés (importance et description des discontinuités, comporte-
ment global, couplages...) et des spécificités qui la différencient de la mécanique des sols avec notamment
l’apport fondamental de la géologie. Enfin le troisième et dernier chapitre est consacré à la présentation
des différentes méthodes de vérification des ouvrages creusés au rocher (roches tendres ou roches dures).
L’instrumentation du terrain, ainsi que l’hygiène et la sécurité d’un chantier de tunnel ne font pas
l’objet de paragraphes en soit, car ils sont abordés à divers endroits du cours.
Ces notes de cours, encore incomplètes, sont vouées à évoluer au fil de vos remarques et suggestions.
Une bibliographie sommaire est proposée à la fin de ce poly pour compléter et approfondir la formation.
Un grand merci aux différents relecteurs du Cetu qui nous ont complétés et corrigés : E. Bieth, P.
Bouguet, L. Chantron, C. Choquet, G. Hamaide, G. Mazzoléni, F. Pillant, J.-C. Rabbe et T. Panigoni.
Cette version électronique du document est allégée de quelques photos pour être disponible
sur Internet. Elle est téléchargeable sur le site du Cetu : http ://www.cetu.equipement.gouv.fr/
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En aucun cas les informations contenues dans ce document ne sauraient engager la responsabilité du
Cetu et des auteurs.
Table des matières
Bibliographie 83
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Chapitre 1
Conception et réalisation des travaux en
souterrain
Bien avant l’homme, la nature a su creuser des souterrains et parfois avec des dimensions surpre-
nantes (la salle du Sarawak sur l’île de Bornéo mesure 600 m sur 415 m et 80 m de haut... sans aucun
soutènement !). Les grottes, gouffres et autres cavités karstiques1 — issus d’une dissolution chimique et
d’une érosion par le passage de l’eau — ont hébergé les premiers hominidés. En France on connaît surtout
la grotte de Lascaux ou la grotte Chauvet — récemment découverte — avec leurs peintures rupestres
préhistoriques. Aujourd’hui elles font le bonheur des spéléologues, et le malheur des ingénieurs civils qui
essaient par tous les moyens de les éviter. Ces vides se rencontrent uniquement dans les régions calcaires
et gypseuses, exceptionnellement dans les régions volcaniques (conduits de lave).
En France, pays où est née la spéléologie il y a plus d’un siècle, on connaît assez bien ces zones à
risques et la topographie des cavités est déjà bien entamée. Malgré cela, on n’est jamais à l’abri d’une
rencontre fortuite lors du creusement d’un tunnel (Fig. 1.1).
F IG . 1.1 – Méandre d’origine karstique photographié à travers la roue de coupe du tunnelier de l’A86 (Région
parisienne, Socatop 2002)
Les premiers tunnels français dignes de ce nom remontent au XIXe siècle. Les premiers ouvrages
souterrains "manufacturés" remontent certes à l’Antiquité, mais ils se sont toujours cantonnés à de faibles
1
Du nom allemand de la région des plateaux calcaires de Slovénie, dont le terme slave original est Kras.
Centre d’Etudes des Tunnels
longueurs et à de petites sections. L’art des mines s’est aussi beaucoup développé au XVIIIe siècle, mais il
s’agissait d’ouvrages très provisoires et le plus souvent de petite section.
Le premier véritable chantier de travaux souterrains pour l’usage public est le tunnel routier du Lioran
(Cantal), long de 1414 m, dont les travaux s’étalèrent de 1839 à 1846. Vinrent ensuite les grands tun-
nels ferroviaires alpins : Mont-Cenis (12.7km / 1857-1871), St-Gothard (14.98km / 1872-1881), Arlberg
(10.25km, 1880-1884), etc... Il est curieux de noter que de 1921 (Tunnel de Simplon II long d’environ
20km) à 1959 (Tunnel du Mont-Blanc, 11.6km), l’activité souterraine française en montagne s’est com-
plètement arrêtée. Le dernier en date, dans les Alpes, est le tunnel routier du Fréjus (12.87km), terminé en
1979. Depuis, peu de projets ont abouti, hormis en 1996 le Somport (8.6km) qui relie la France à l’Espagne
et en 2000 le tunnel d’Orelle sur l’autoroute A43 (3692m). La future liaison ferroviaire à grande vitesse
entre Lyon et Turin2 va relancer les grands chantiers d’altitude, avec notamment un tunnel trans-frontalier
de 52km.
Mais les travaux souterrains ne se résument pas à la percée des grands ouvrages de montagne. La
France compte entre autre [11] :
– plus de 500 ouvrages routiers de moyenne à forte importance ;
– 1530 tunnels ferroviaires SNCF (TGV Méditerranée dernièrement) ;
– des galeries hydrauliques (1500 km de conduites forcées EDF, 28 tunnels canaux,...) ;
– des réseaux souterrains de transports en commun (le métro-RER de Paris est le plus grand réseau
du monde avec 279 km cumulés) ;
– des futurs sites d’enfouissage de déchets radioactifs (Bure) ;
– des laboratoires (CERN) ;
– des bases militaires (Cinq-Mars-la-Pile) ou entrepôts (Arsenal Saint-Nicolas à Brest).
Aujourd’hui encore, bien qu’on en parle peu, la France continue de projeter et de creuser des tunnels. En
2005, plusieurs gros chantiers sont en cours (tunnel du Bois de Peu dans le Doubs, tunnel de l’A86 à l’Ouest
de Paris, tunnels d’assainissement du SIAAP à Paris, métro de Toulouse, descenderies de St-Martin-la-Porte
et de Modane sur le Lyon-Turin, tunnel du Franchet dans les Alpes, liaison Perpignan-Figueras...). Avec
l’encombrement croissant des axes routiers, les solutions souterraines vont être de plus en plus privilégiées
malgré leur coût souvent supérieur.
Les travaux souterrains — souffrant certainement de méconnaissance — et la science qui lui est
raccrochée, la mécanique des roches, n’ont pas la cote auprès des décideurs et des jeunes ingénieurs
français en travaux publics. C’est pourtant un domaine de l’ingénierie qui reste assez empirique et dont
les fondements mécaniques sont encore obscurs. En la matière, notre pays n’a pourtant pas à rougir.
L’Association Française des Travaux en Souterrain est l’organe qui regroupe tous les professionnels du
secteur. Ses recommandations font office de règlement sur la plupart des chantiers et les publications de
l’AFTES sont la référence dans de très nombreux pays.
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Cours de travaux souterrains et de mécanique des roches
Petit lexique
Le lecteur trouvera ci-dessous une liste succincte de quelques termes utilisés en travaux souterrains.
Concernant le domaine particulier des tunneliers, l’AFTES a publié un glossaire en trois langues particuliè-
rement détaillé [6].
– Auscultation : instrumentation et mesure de grandeurs physiques permettant de comprendre et de
maîtriser d’une part le comportement de l’ouvrage, d’autre part son incidence sur l’environnement
(terrain, tunnel, ouvrages voisins).
– Blindage : enfilage de plaques métalliques ou de planches en bois entre les cintres de soutènement.
Le blindage sert souvent de coffrage perdu lorsqu’il est accompagné d’un remplissage béton, il a
également un rôle structurel de maintien.
– Bouclier : système de protection et de soutènement d’un tunnelier constitué le plus souvent d’un
tube métallique épais à peu près du diamètre de la section excavée.
– Cintre : profilé métallique normalisé (IPE, HEA, HEB...) cintré selon la géométrie du tunnel et qui
sert à soutenir le terrain.
– Confinement : application d’une pression sur les parois d’un tunnel, par le biais d’un soutènement
principalement, dans le but de limiter les convergences et le déconfinement du terrain.
– Convergence : rétrécissement diamétral d’une section de tunnel.
– Débourrage : venue d’eau et/ou de matériaux meubles violente et inattendue suite à l’excavation
du front de taille.
– Déconfinement : réorganisation des contraintes autour du tunnel, de part et d’autre du front de
taille. On dit que le terrain est entièrement déconfiné lorsqu’il a atteint son équilibre final.
– Exhaure : évacuation des eaux qui s’infiltrent naturellement dans le tunnel ou qui sont utilisées pour
les besoins du chantier.
– Injection : terme générique désignant les techniques de substitution et de comblement des vides
dans les terrains par un coulis durcissant. Les injections ont deux utilités : augmenter la résistance
et/ou étancher.
– Marinage : évacuation des marins issus de l’excavation.
– Marins : déblais formés par l’excavation d’un pas d’avancement.
– Pas d’avancement : longueur de terrain excavée en une seule phase.
– Plan de tir : plan du front de taille où figurent les trous de forage, les différents retards et micro-
retards de détonateurs, les lignes de tir pour les tirs séquentiels ainsi que les quantités d’explosifs
utilisées.
– Rameau : galerie reliant deux ouvrages souterrains.
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Centre d’Etudes des Tunnels
– Sainte-Barbe : Sainte patronne des mineurs et ouvriers des souterrains. Le 4 décembre, jour de sa
fête, est l’occasion de nombreuses manifestations sur les chantiers de tunnels.
– Stross : partie inférieure d’un tunnel dans une excavation par demi-sections (section inférieure).
– Tunnelier : machine pleine section destinée à réaliser des tunnels, pouvant aller du creusement à la
pose du revêtement final. On parle aussi de TBM (Tunnel Boring Machine).
– Volée : pas d’avancement d’un tunnel creusé à l’explosif. la volée correspond à la longueur de forage
des trous pour les explosifs.
– Voussoir : écaille de béton armé préfabriquée. Plusieurs voussoirs forment un anneau, et plusieurs
anneaux forment le revêtement de certains tunnels.
Il existe plusieurs méthodes pour creuser un tunnel. On distingue deux grandes tendances :
– Le creusement conventionnel (ou traditionnel) ;
– Le creusement au tunnelier.
Cette partie traite du creusement traditionnel. Le creusement au tunnelier fera l’objet du paragraphe 1.6.
Attaque à l’explosif
La technique de l’excavation à l’explosif est très ancienne mais reste encore, dans de nombreuses
situations, la plus économique. La poudre noire (salpêtre + charbon + soufre) fut longtemps utilisée,
avant que n’apparaissent des produits plus performants — tels la dynamite ou les émulsions — mais plus
dangereux3 . En souterrain on utilise des explosifs brisants (vitesse de détonation > 4000 m/s) dont l’effet
sur la roche est double :
– L’énergie de choc véhiculée par une onde fissure le terrain ;
– L’énergie de gaz, engendrée par le dégagement d’un important volume de gaz à haute température
et pression, ouvre ces fissures et disloque le matériau. Le "surplus" de cette énergie expulse les blocs
disloqués.
Les explosifs actuels sont dits de sûreté car ils ne peuvent détoner sous l’action d’un choc ou d’une
élévation de température. Ils détonnent sous l’action d’une onde de choc générée par l’un des quatre types
de détonateurs :
1. à mèche (non-utilisés en tunnels) ;
2. électriques instantanés ou à retard (très utilisés en tunnel) ;
3. non-électriques ;
4. électroniques.
Les modèles à retard comportent une poudre intermédiaire de longueur variable, dite retardatrice. Ceci
permet à plusieurs détonateurs mis à feu simultanément de faire détonner les charges auxquelles ils sont
reliés avec un décalage dans le temps. On distingue les détonateurs "courts-retard" (25 ms et parfois 30
ms) de ceux classés "retards" (∼500 ms). Chaque retard porte un numéro réglementaire.
Les détonateurs électriques, surtout à faible intensité, sont sensibles aux courants vagabonds ; il est donc
interdit de les utiliser par temps d’orage, dans les terrains chargés en électricité statique et les téléphones
portables doivent être éteints dans la galerie en cours de chargement. C’est la raison pour laquelle on
utilise essentiellement les "HI" (Haute-Intensité). Le non-électrique supprime cet inconvénient mais étant
peu utilisé, il est méconnu et peu proposé. Enfin, le détonateur électronique dispose d’une mise à feu
3
Le tunnel de Hoosac aux USA, creusé de 1851 à 1874, fut le premier à utiliser la nitroglycérine. On enregistra 196 morts
sur le chantier.
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Cours de travaux souterrains et de mécanique des roches
F IG . 1.3 – Jumbo au travail sur le tunnel des Pennes-Mirabeau (TGV Méditerranée). Doc Eiffage.
programmable. Il devrait remplacer tous les autres détonateurs, garantissant par la même une meilleure
sécurité et une mise en oeuvre plus aisée. Leur utilisation reste encore marginale.
L’abattage se fait par passes ou volées dont la longueur varie suivant le type de roches (1 à 5m). Il peut
être pleine section (on excave toute la section du tunnel) ou par sections divisées. En général on réalise au
maximum deux sections dites demi-sup et demi-inf avec un décalage suffisant pour attendre la stabilisation
des convergences. Le plan de tir (Fig. 1.4) est le plan d’implantation des forages où sont introduits les
explosifs. Y figurent également les différents retards des détonateurs. Il faut répartir les charges explosives
et leurs retards de façon optimale pour obtenir le résultat escompté : le moins possible de hors-profils
(sur-excavation) ou de en-profils (sous-excavation) et le minimum de vibrations. Dès qu’une charge est
mise à feu, elle va entraîner la roche brisée vers la surface libre la plus proche. Classiquement on retrouve :
– au centre, le bouchon. C’est lui qui sera abattu en premier. On l’obtient en réalisant des forages sur
un maillage plus rapproché, et en laissant certains trous vierges d’explosif pour le dégagement des
roches ;
– tout autour du bouchon, une seule ligne de tirs en spirale ou plusieurs concentriques si le tir est
séquentiel. Dans ce cas, chaque ligne est alimentée avec un décalage temporel. Ce retard est à
combiner avec celui de chaque détonateur. Les roches sont successivement expulsées vers la cavité
centrale qui s’élargit. Il s’agit de l’abattage ;
– près des bords de la section et du profil théorique, des trous plus rapprochés et moins chargés pour
réaliser un post-découpage ou découpage soigné.
Un tir complet peut donc durer plusieurs secondes en additionnant les retards.
Le repérage et le forage des trous sur le front de taille est maintenant réalisé par des "Jumbos"4 , dont
le pilotage est assisté par ordinateur sur les gros chantiers (Fig. 1.3). Pour les galeries plus étroites ou
ne justifiant pas l’usage de tels perfectionnements, on peut procéder par simple rétro-projection ou par
données topos (traçage à la peinture avec mètres et cordons). L’alignement est toujours réalisé sur un
point laser de référence. Les trous sont forés par des taillants à carbure (Ø 45mm) fixés sur des tiges
d’entraînement. On injecte, par l’intérieur des tiges, de l’eau qui a un double effet : refroidissement par
brumisation et évacuation des résidus de forage (les cuttings).
Seule une personne compétente et diplômée est autorisée à placer les charges explosives dans les forages.
C’est le travail du préposé aux tirs, aussi appelé "boute-feu". Il place d’abord le détonateur en fond de
trou, puis la charge5 et enfin la bourre qui confine et bouche le forage.
4
Jumbo : engin automatisé permettant de forer plusieurs trou en même temps.
5
Les explosifs sont assemblés dans une canne, à l’extérieur du tunnel pour simplifier la mise en place au front.
10
Centre d’Etudes des Tunnels
F IG . 1.4 – Plan de tir séquentiel optimisé pour le tunnel de Chamoise (1993). Doc Cetu.
Après le tir, il faut ventiler et disperser les gaz toxiques (CO, CO2 , NOx ,...) pour les diluer. Une
réglementation existe à ce sujet.
Nuisances dues aux explosifs
Suivant l’environnement, la géologie, la topographie et la densité d’habitations autour du tunnel, les
nuisances causées par les tirs sont plus ou moins importantes : projections de blocs, bruits, vibrations,
etc. Les vibrations transmises au terrain peuvent engendrer des désordres sur les habitations voisines, à
plusieurs centaines de mètres du front de taille. Leur mesure, définie dans le marché, est réalisée par des
capteurs — appelés géophones — scellés sur les murs porteurs de bâtiments et les reliefs naturels. On
en déduit la vitesse particulaire et la fréquence des vibrations, dont les seuils sont fixés par le CCTP6 de
l’ouvrage à construire (vitesses de 3 à 8 mm/s pour les monuments, 10 à 20 mm/s pour les habitations,
avec des fenêtres fréquentielles prédéfinies, etc...). Dans un terrain vierge et hétérogène, il est illusoire
de vouloir prédire le niveau de vibration sans tirs d’essais. Dans certains cas, plus d’explosifs ne veut pas
forcément dire plus de vibrations. On peut tout de même estimer celles-ci après calages grâce à la formule
d’amortissement dite "Loi Chapot" : !−α
D
V =K
Qni
V est la vitesse maximale estimée (mm/s), D la distance au front (m), n souvent pris à 0.5, Qi la charge
unitaire d’explosif (kg), K et α sont deux paramètres fonction du terrain et du type de tir.
Lorsque le projet est éloigné de toute habitation ou de tout autre ouvrage souterrain (tunnels, grottes...),
et lorsque le rocher peut accepter des ébranlements sans incidence pour le futur ouvrage, l’optimisation du
plan de tir est rarement faite et les essais de tir ne sont réalisés au début du chantier que pour valider le
plan de tir retenu (efficacité, bon découpage...).
6
Cahier des Clauses Techniques Particulières.
11
Cours de travaux souterrains et de mécanique des roches
L’opération de purge est assez délicate, puisqu’elle consiste à faire tomber de la voûte et du front les
blocs et les écailles non stables. Elle se fait à l’aide d’un pic spécialement conçu pour cet usage. L’autre
opération simultanée ou venant juste après, qui consiste à charger et évacuer les déblais, s’appelle le
marinage. Il est réalisé à l’aide d’une pelle classique et d’un camion benne (dumper). Lorsque la distance
l’impose, on peut être amené à utiliser une locomotive tractant des berlines ou encore un convoyeur à
bande. Dans ce dernier cas, il convient de prévoir un concasseur pour réduire la taille des blocs.
Le plus proche possible du front, mais pas trop près non plus (cf. partie 3.2.6), on vient placer un
soutènement. Autrefois provisoire, en attendant le revêtement, il est de plus en plus prévu pour participer
à la reprise des efforts du terrain à long terme. Parfois il peut même rester le seul chemisage du tunnel
après son achèvement lorsque la configuration hydro-géologique le permet. Il a un rôle de protection et de
sécurité pour le personnel travaillant sous terre (chutes de petits blocs), de supportage7 pour assurer la
7
Supportage : néologisme souterrain désignant le support et/ou le portage.
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Centre d’Etudes des Tunnels
stabilité des gros blocs et de confinement pour limiter la convergence du terrain. Il sert aussi de carapace
protectrice vis-à-vis de l’altération des terrains en paroi. L’espace non-soutenu durant le travail au front
s’appelle le décousu.
Après stabilisation des convergences, loin du front pour ne pas perturber le chantier et parfois même
à la fin du creusement, on vient poser — plutôt couler — le revêtement définitif du tunnel. Il a une
fonction de résistance, car il doit reprendre les efforts à long terme (fluage, gonflement,...) et ceux dus à
la perte éventuelle de résistance du soutènement (rouille, vieillissement,...). Il a également une fonction de
protection de l’étanchéité, de support des structures internes (panneaux, ventilateurs...) et enfin esthétique
puisque c’est lui que les futurs usagers verront lors de leur passage.
La présentation des différents revêtements fait l’objet de la partie 1.5.
Apparue dans les années 608 , la technique de soutènement combinant boulons et béton projeté s’est
imposée sur presque tous les chantiers de tunnels, tant son efficacité est grande. Il s’agit avant tout d’une
méthode, celle du soutènement léger accompagnant les déformations du terrain. Mais détaillons d’abord
chacun de ses deux constituants principaux.
F IG . 1.6 – (a) Application de la New Austrian Tunnelling Method (b) Boulonnage du front.
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Cours de travaux souterrains et de mécanique des roches
chercher le rocher intact, à quelques mètres de la galerie ? L’idée n’est pas récente, puisqu’au XIXe siècle les
Ardoisières d’Angers utilisaient des tiges de chataîgner glissées dans des forages pour retenir les voûtes de
leurs salles souterraines : l’eau qui s’infiltrait faisait gonfler le bois et le plaquait contre les parois du forage.
Rapidement les tiges en acier (tiges de béton armé) se sont avérées les plus efficaces, et la technologie
s’est peu à peu adaptée au génie civil9 . On distingue deux grands types de boulons :
1. Les boulons passifs ne sont sollicités que par le déplacement du terrain autour de la paroi. Il en
existe deux familles qui ne fonctionnent pas de la même façon :
(a) les boulons à ancrage ponctuel : ce sont les plus anciens ; ils sont fixés au rocher à leur extrémité
par une coquille qui s’écarte lorsqu’on visse la tige. Sur la paroi, on visse l’écrou du boulon sur
une plaquette. On privilégiera ces boulons pour les roches dures ;
(b) les boulons à ancrage réparti : comme leur nom l’indique, il sont scellés au terrain sur toute
leur longueur. On distingue deux sous-familles technologiques :
– Les boulons scellés : le scellement peut-être du mortier ou de la résine synthétique.
– Les boulons à friction : ils n’ont pas besoin de scellement et sont directement au contact des
parois du forage par un emmanchement à force (tube fendu) ou par hydro-gonflage (dépliage
d’un tube). Ces boulons, particulièrement adaptés aux roches tendres, ont maintenant prati-
quement remplacé leurs aînés à ancrage ponctuel car ils sont très rapides à mettre en place
et agissent immédiatement.
2. Les boulons actifs sont précontraints. La tige pleine (barre Dywidag ou Arteon) ou le câble de
torons sont scellés loin de la paroi par injection d’un coulis de ciment. Ces inclusions sont utilisées
pour le soutènement des grandes cavités.
La simplicité de pose d’un boulon — surtout les boulons à friction qui agissent tout de suite — en ont fait
aujourd’hui l’élément essentiel des soutènements souterrains. On peut facilement en poser deux ou trois à
un endroit, en prévention là où la roche risque de se rompre, ou les préconiser de façon systématique sur
tout ou partie de la paroi du tunnel. On définit alors une densité de boulonnage (1,5 par m2 par ex.), une
longueur (environ un rayon de tunnel) et un diamètre (Ø 18 par ex.).
Le béton projeté
Plutôt que de couler un béton, pourquoi ne pas le projeter ? C’est l’idée qu’ont eu plusieurs ingénieurs
de mines vers 1910. D’une composition spécifiquement adaptée à l’usage qui lui en est fait, ce béton fut
autrefois baptisé gunite pour le différencier de ses collègues. Il ressemble d’ailleurs de très près à un mortier
à prise rapide. Le gunitage consiste à projeter le béton sur les parois d’un tunnel à l’aide d’une lance. Le
béton projeté a deux principaux usages, qui peuvent s’additionner :
– Il a un rôle protecteur, et forme une coque mince épousant la géométrie du terrain. En cela il empêche
les blocs de roche ou le sol de se détacher de la paroi ;
– Il a un véritable rôle structurant, et reprend les charges issues du terrain. Son épaisseur est variable
en fonction du terrain, de l’ordre d’une vingtaine de centimètres.
Seul, le béton projeté est de moins en moins utilisé. Il est souvent associé à des panneaux de treillis
soudés ou, de plus en plus, à des fibres métalliques qui lui confèrent une certaine résistance en traction et
en cisaillement. Son usage en tunnels a fait l’objet de recommandations très détaillés de l’AFTES et de
l’ASQUAPRO [8, 10].
La combinaison magique
En couplant l’usage du béton projeté avec un boulonnage radial systématique (Fig. 1.6.a), on s’est
aperçu que dans la majorité des terrains rencontrés en tunnel, on obtenait des résultats intéressants. Pour
l’ancien mineur, habitué à poser des soutènements très résistants — et donc rassurants — la NATM semble
bien légère. Mais au lieu de "supporter" simplement le terrain perturbé par le creusement, elle permet à
celui-ci de se soutenir lui-même. En d’autres termes, c’est la roche elle-même qui participe au soutènement.
9
Les galeries EDF des années 50 furent les premières à expérimenter les boulons.
14
Centre d’Etudes des Tunnels
En autorisant une convergence contrôlée, le système boulons-gunite (et éventuellement treillis soudé ou
fibres métalliques) crée une redistribution des contraintes dans le massif et un état d’équilibre stable.
Cette technique, relativement peu onéreuse, est donc celle qui sera systématiquement proposée en
profil-type de base pour le soutènement.
De part sa conception optimisée et facilement ajustable, ce type de soutènement, plus que tout autre,
doit être associé à une auscultation précise du tunnel [4].
Dans certaines circonstances, notamment pour les mauvais terrains, les grandes sections et les sections
divisées, il peut s’avérer nécessaire de renforcer le béton projeté-boulonné par des armatures beaucoup plus
résistantes qu’un simple treillis soudé. On a ainsi inventé des cintres constitués de 3 aciers HA reliés entre
eux par des aciers de plus faible section et facilement cintrables à la forme de l’excavation. Un fois placés
contre le terrain, ces cintres réticulés sont recouverts de béton projeté pour former une coque solidaire.
L’espacement entre cintres est généralement inférieur au mètre, pour qu’il se crée une voûte de béton entre
deux éléments (voûtains de béton).
Pour les terrains fortement poussants, de mauvaise qualité, ou lorsqu’on traverse une zone plus dif-
ficile que prévue, les soutènements "classiques" présentés ci-avant, utilisant pleinement les propriétés de
déformabilité du rocher trouvent leurs limites. On choisit alors des techniques de soutènements lourds plus
rigides, qui se déforment moins et qui doivent par conséquent reprendre plus de charges. Ces soutènements
sont toujours constitués de profils normalisés10 cintrés suivant le rayon de courbure du tunnel. Ces cintres
sont assemblés près du front puis placés contre la paroi au moyen d’un érecteur (pelle équipée spécialement
pour cet usage).
Entre chaque élément métallique, il se crée une voûte de terrain qui suffit dans de nombreux cas à
reporter les charges sur ceux-ci (Fig. 1.7.a). On réalise parfois un blindage entre les cintres pour trois
raisons principales :
– pour éviter que le terrain ne s’éboule sous le voutain naturel (rôle protecteur) ;
– pour répartir les charges sur les éléments porteurs lorsque le terrain ne permet pas d’avoir un effet
de voûte suffisant (blindage lourd) ;
– pour éviter un effet "domino" en cas d’effondrement au front de taille (rôle d’écartement et de
maintien).
Le blindage est réalisé le plus souvent par un remplissage de béton (projeté ou coffré). Dans les puits ou
les galeries de petites sections, on adopte souvent les tôles métalliques mais le bois est encore utilisé car
il se prête bien à la technique minière de l’enfilage. Cette dernière consiste à enfiler les planches entre les
cintres unes à unes, avec un blocage par un système de coins (Fig. 1.7.b).
La maîtrise des convergences peut suffire à assurer la stabilité du front de taille et la sécurité des
ouvriers mineurs y travaillant. Une simple couche de béton projeté suffit habituellement à maintenir les
blocs qui pourraient se décrocher accidentellement du front.
Dans les mauvais terrains cependant, une extrusion trop importante peut entraîner un effondrement
localisé ou, plus grave, un fontis 11 . Il convient dans ce cas de prévoir, selon l’état du terrain :
– un soutènement du front de taille (Fig. 1.6.b), le plus souvent assuré par un boulonnage longitu-
dinal. Ces boulons sont en fibre de verre car ils résistent très bien en traction et peu en cisaillement
(excavation possible) ;
10
HEA ou HEB 100 à 300.
11
Effondrement en forme de cloche pouvant remonter de proche en proche à la surface et provoquer de graves dégats.
15
Cours de travaux souterrains et de mécanique des roches
F IG . 1.7 – (a) Voûtain de terrain entre deux cintres (b) Technique de l’enfilage.
Dans tous les tunnels creusés de façon traditionnelle, un deuxième chantier suit généralement celui
de l’excavation et de la pose du soutènement : c’est le coffrage du revêtement. Il s’agit d’un coffrage
"grimpant" à l’horizontale, sur roues et pliable pour le faire avancer, qui est élaboré spécialement pour
le tunnel en construction. On réalise le bétonnage par plots successifs, chaque "levée" de bétonnage
pouvant atteindre une dizaine de mètres. Cette longueur est pilotée par des choix économiques et par la
fissuration due au retrait. Le revêtement ne travaille pratiquement pas en tension, essentiellement en flexion
composée. On tolère une petite partie fissurée sur l’épaisseur totale : il ne nécessite donc pas d’armatures,
en général [5]. Certains endroit doivent tout de même résister en traction (aux angles saillants ou en clef
de voûte pour les sections en éllipse par ex.) ; il est alors tout à fait possible d’y loger une plaque de treillis
soudé. L’épaisseur d’un revêtement de tunnel est de l’ordre d’une trentaine de centimètres minimum. Il est
largement surdimensionné au vu des faibles sollicitations qu’il devra subir à terme, mais pas au moment
du décoffrage. La tenue au feu est également un critère très important pour sa conception.
A titre d’information, la maçonnerie naguère très utilisée comme revêtement, ne l’est plus du tout pour
des raisons évidentes de coût.
Le revêtement précédent est celui que l’on rencontrera dans la majeure partie des cas : la partie inférieure
— le radier — n’est pas coffrée et la structure de chaussée est réalisée à même le terrain. Les sollicitations
du revêtement sont alors relativement faibles.
12
Voir le sens de ce terme dans la partie 3.2.6.
16
Centre d’Etudes des Tunnels
Dans certaines circonstances cependant, les effets à long terme sont tellement importants (gonflement
ou fluage) qu’il faut fermer le revêtement en réalisant un radier contre-voûté. Ce radier, souvent très
ferraillé, agit véritablement comme une voûte de tunnel : il clave le profil et permet de "circulariser" la
section pour bénéficier au maximum de l’effet de voûte (cf. 3.2.1).
Il existe une technique permettant de réaliser des tunnels au tunnelier avec un procédé de revêtement
similaire au béton coffré. Il s’agit de l’extrusion. La difficile expérience de la traversée sous-fluviale de la
ligne D du métro lyonnais13 a permis de révéler les difficultés d’un tel procédé. Il faut bien avouer que
la technique du voussoir est indissociable de l’excavation au tunnelier, tant elle a d’avantages : section
parfaitement circulaire, efficacité immédiate, appui possible du tunnelier pour sa propulsion, pose simple
et rapide facilement automatisable.
Un voussoir est une écaille de béton armé (anciennement de fonte) qui arrive sur le chantier déjà
fabriquée et prête à poser. Par un assemblage précis, plusieurs voussoirs forment un anneau. Ce sont ces
anneaux qui, mis bout à bout, constituent le revêtement du tunnel. Sous le bouclier du tunnelier, on vient
assembler les voussoirs selon un plan de calepinage conçu à l’avance. Le dernier voussoir, qui permet de
claveter définitivement l’anneau, est appelé voussoir de clef. Pour pouvoir suivre le tracé théorique du
tunnel, en long et en plan, on a mis au point le principe des anneaux universels (Fig. 1.8). La largeur
longitudinale de l’anneau n’est pas constante, ce qui permet de tourner à gauche, à droite, monter ou
descendre selon l’agencement avec l’anneau précédent.
L’étanchéité est assurée par des joints posés sur chaque élément et mis en compression par le chargement
dû au massif environnant. Entre le terrain et l’anneau de voussoir, un vide annulaire est laissé par le bouclier
lors de son avancement. Pour le combler on vient injecter du mortier ou des graviers. Cette opération porte
le nom d’injection de bourrage.
Dans certains cas, le soutènement peut faire office de revêtement. C’est le cas des tunnels au rocher.
Les venues d’eau éventuelles sont collectées par une simple membrane posée à même le soutènement. Très
13
En 1985-86, ce tunnel fut ennoyé par le Rhône à la suite d’une rupture du soutènement dans une zone de faiblesse. En
plus des divers problèmes techniques posés par l’extrusion du béton à la sortie du tunnelier (bouchage des conduits par ex.),
cela en dit long sur la qualité de réalisation du chemisage.
17
Cours de travaux souterrains et de mécanique des roches
courant dans les pays nordiques, où le béton projeté apparent donne un aspect "caverne", ce choix l’est
bien moins en France où pour des raisons de sécurité incendie, de pérénité et d’esthétique on préfère un
revêtement coffré.
Apparus à la fin du XIXe siècle, les tunneliers ou TBM (Tunnel Boring Machines) regroupent sous
le même terme l’ensemble des machines permettant une excavation mécanique à pleine section14 . La
puissance, l’avancement journalier, l’aisance et la précision du pilotage, ainsi que l’adaptation à tous les
types de terrains rencontrés sont autant d’atouts qui font l’objet d’améliorations continuelles depuis les
premiers modèles archaïques. Chaque machine est un prototype, conçu pour un tunnel précis, mais qui
peut être réutilisé sur un autre chantier. Le tunnelier du métro de Lille a par exemple été réutilisé à Rennes.
Son coût de fabrication et de fonctionnement élevé le rend compétitif pour les gros projets ou les longues
galeries dans des horizons géologiques assez homogènes.
Aujourd’hui on peut utiliser les tunneliers dans tous les types de terrain [7]. Mais la façon d’attaquer
la roches n’est pas la même suivant que l’on soit dans un granite sain ou un sable de Fontainebleau. Sans
vouloir fixer des règles absolues, on peut répertorier la technologie de creusement avec le type de roche et
les conditions hydrogéologiques :
– Roches dures : on utilisera un tunnelier équipé de molettes, qui écrasent et fissurent la roche. Le
front sera ouvert et l’évacuation des déblais sera réalisée, après concassage, par un convoyeur à
bande (tapis roulant) ;
– Roches tendres : on utilisera un tunnelier équipé de molettes et de dents, ces dernières faisant office
de couteaux cisaillant la roche. Le front sera ouvert ou légèrement pressurisé à l’air comprimé si des
venues d’eau apparaissent. Le marinage sera réalisé, après concassage, soit par une vis d’Archimède
puis par berlines ou convoyeur à bande, soit directement par un convoyeur à bande ;
– Sols pulvérulents ou fins : on utilisera un tunnelier équipé de dents, ces dernières faisant office de
couteaux entraînant le sol. Le front sera fermé et dit à pression de terre si l’unique confinement est
issue de la compression des déblais sur le front de taille par la machine. Si cette pression ne suffit pas
à assurer la stabilité du terrain — dans le cas de sables aquifères par exemple — on devra utiliser
des tunneliers à pression de boue qui creusent dans une chambre d’abattage remplie de bentonite.
14
Cette définition est légèrement plus restrictive que celle donnée dans le glossaire du GT4 de l’AFTES [6].
18
Centre d’Etudes des Tunnels
Cette dernière assure un confinement uniforme et génère un cake sur quelques centimètres en avant
du front, assurant l’intégrité et la tenue du terrain. En cas d’intervention sur la roue ou les outils
de coupe, il faudra vider la boue et travailler en hyperbare. L’évacuation des déblais dans le cas des
tunneliers à bentonite sera réalisée, après concassage éventuel, par pompage de la boue chargée.
Celle-ci sera ensuite filtrée et traitée pour être réacheminée au front.
Un tunnelier avance dans le terrain telle une chenille : le creusement est coordonné à la poussée sur les
vérins. Ceux-ci s’appuyant sur le dernier anneau posé, il faut avancer suffisamment pour pouvoir rentrer leurs
tiges et dégager l’espace nécessaire à l’assemblage des nouveaux voussoirs. Durant la pose des voussoirs, le
creusement est bien entendu arrêté. Avec ce système, on peut atteindre des cadences journalières records :
jusqu’à 40 mètres en 3 postes !
L’usage des TBM, en particulier ceux à pression de boue, est très intéressant pour les faibles hauteurs
de couverture, car on maîtrise bien mieux les tassements (cf. parties 1.7.3 et 3.2.8). Ils sont par exemple
indispensables et irremplaçables pour les traversées sous fluviales (sous le lit des fleuves et rivières). Le
récent chantier du tunnel du Lötschberg a montré qu’il était également possible de les utiliser sous très
forte couverture, moyennant quelques adaptations spécifiques.
Un puits — qui n’est rien d’autre qu’un tunnel vertical — se réalise de la même façon, les machines et
les ouvriers travaillant simplement sur un front de taille situé à leurs pieds. Le marinage et le pompage des
eaux posent tout de même plus de soucis, puisqu’il faut évacuer les déblais à la verticale par des bennes
suspendues à une grue. La sécurité dans un puits doit être irréprochable car les risques sont élevés : chute
de déblais sur les mineurs lors du marinage, chute du personnel lors des mouvements entre jour et fond,
effondrements ou débourrages aggravés par une évacuation d’urgence plus difficile, etc.
Les descenderies (ou plans inclinés) sont des ouvrages intermédiaires entre le tunnel et le puits. Ils sont
le plus souvent creusés pour donner accès à un ouvrage principal, type tunnel ou parking souterrain.
19
Cours de travaux souterrains et de mécanique des roches
F IG . 1.10 – Sections divisées (excavées par ordre de 1 à 4) pour la construction d’une base militaire souter-
raine française.
Par grandes cavités on entend les ouvrages dont les dimensions dépassent la vingtaine de mètres. Il
s’agit des centrales hydrauliques souterraines, des laboratoires de recherche nucléaire, des bases militaires
anti-atomiques, des réservoirs de stockage d’hydrocarbures et des ouvrages civils souterrains (gymnases,
églises...). La construction de ces cavernes passe obligatoirement par une réflexion judicieuse du phasage
d’excavation. On réalise de petites cavités, en s’assurant qu’elles sont correctement soutenues, et on les fait
se rejoindre progressivement pour former la caverne (Fig. 1.10). C’est ce que l’on appelle le creusement en
sections divisées. Cette progression peut se faire de haut en bas, de bas en haut ou de façon symétrique. Le
soutènement et le revêtement sont adaptés aux dimensions de l’ouvrage. On utilisera plus facilement par
exemple des câbles précontraints en lieu et place des boulons traditionnels. La surveillance des convergences
est d’une importance capitale pour le suivi d’exécution car à ces échelles, il est très difficile de prédire les
déplacements et les mécanismes de ruine envisageables.
Un ouvrage souterrain à faible profondeur (moins de deux diamètres du niveau du sol15 ) peut-être
réalisé de deux façons :
– En tunnel, soit au tunnelier ou par attaque ponctuelle. On évitera l’explosif, surtout en zone urbaine,
car trop risqué à cette faible profondeur.
– En tranchée couverte. On réalise une tranchée à ciel ouvert dans laquelle on construit l’ouvrage.
Celle-ci est ensuite remblayée.
On différencie facilement ces deux types d’ouvrage par leur forme. La tranchée couverte ressemble à une
boîte rectangulaire, alors que le tunnel creusé en souterrain est arrondi. Les ouvrages construits en tranchée
sont privilégiés dès lors qu’ils sont réalisables (en zone découverte, sous une rue, etc...). Ils sont en effet plus
économiques et moins aléatoires. Les tunnels peu profonds, souvent creusés dans des formations meubles
et/ou aquifères, sont la "chasse-gardée" des tunneliers qui ont le gros avantage de pouvoir mieux maîtriser
les tassements. C’est en effet primordial lors de la traversée des zones urbaines où le moindre tassement
différentiel peut entraîner des désordres dans les bâtiments sus-jacents. On notera cependant que la majeure
partie du réseau RATP a été creusée en méthode traditionnelle, bien avant la généralisation des tunneliers ;
15
C’est le cas par exemple des galeries de métro et des collecteurs d’égouts.
20
Centre d’Etudes des Tunnels
F IG . 1.11 – Ecaillage des parois du tunnel du Mont-Blanc lors de sa construction. Remarquer la forte densité
de boulonnage.
dans ce cas, la stabilité du front de taille est prépondérante. Nous verrons dans la partie 3.2.5 que le
soutènement des tunnels à faible profondeur n’est pas forcément plus léger qu’à grande profondeur16 .
Les tunnels alpins ont apporté de nombreuses informations sur la construction à très grande profondeur
(hauteur de couverture supérieure à 1000 m). Les roches qui, à la surface, semblent très résistantes
(Rc > 150MPa) peuvent avoir un comportement complètement différent lors de leur traversée (roches
poussantes ou squeezing rocks chez nos amis d’outre-manche). Un autre phénomène, autrement plus
violent, est le rockburst. Il s’agit d’une explosion soudaine de la roche en paroi, comprimée bien au delà de
sa résistance par le poids des terrains sus-jacents. Ces projections sont extrêmement dangereuses pour les
ouvriers. Si le rocher ne cède pas brutalement, il s’écaille par plaques (Fig. 1.11). La schistosité et autres
discontinuités de la roche sont des zones de rupture privilégiées à isoler et à renforcer le plus rapidement
possible.
Les convergences enregistrées sont centimétriques, voire décimétriques (alors qu’elles sont usuellement
de quelques millimètres) et les soutènements doivent donc être "souples". A cette profondeur, il est illusoire
de vouloir retenir ces poussées par des cintres métalliques. Pour accompagner les déformations, la pose
de boulons à ancrage ponctuel très rapprochés et à forte ductilité s’est avérée efficace dans certaines
situations17 . Il n’existe malheureusement pas de "recette miracle" pour y creuser en toute sécurité. Il faut
simplement surveiller très régulièrement les convergences, et prévoir que la roche continuera à bouger bien
après le passage du front de taille (effets différés).
La traversée des zones aquifères — autrement dit des zones situées dans une nappe phréatique ou
qui font l’objet d’une circulation d’eau (lits d’une rivière, failles, etc...) — a toujours posé d’énormes
problèmes. On ne peut pas dire que ce problème soit entièrement résolu à l’heure actuelle. La difficulté est
d’autant plus grande que les terrains sont presque toujours de nature boulante, avec très peu de cohésion.
Le pire accident que l’on puisse redouter est le débourrage, lorsque les terrains liquéfiés sous de forts
gradients hydrauliques, et libérés par le creusement du tunnel, envahissent la galerie18 . Dans n’importe
quelle situation, quoi qu’il arrive, il faut éviter ou tout au moins maîtriser les infiltrations d’eau.
16
Le dernier tunnel de Toulon, mis en service en 2002, a été réalisé en méthode conventionnelle, à faible profondeur dans
un matériau hétérogène. Il a nécessité l’emploi de soutènements très lourds et très coûteux.
17
Dans le cas du tunnel du Fréjus par exemple (1975-1978), où on a pu observer des convergences dépassant 45 cm, la
qualité d’acier des boulons n’a cessé d’évoluer avec l’avancement du chantier.
18
Un des débourrages les plus violents de l’histoire des tunnels est celui qui survint lors du creusement du premier tunnel
du Lötschberg (Suisse, 1913). Une vallée glaciaire s’est vidée en quelques instants dans la galerie depuis le front de taille et
sur plus de 1,5 km. 25 mineurs y ont trouvé la mort.
21
Cours de travaux souterrains et de mécanique des roches
F IG . 1.12 – Creusement de parois moulées avant l’excavation du puits de la Place Berthet sur le chantier de
l’A86 (Doc. Socatop 2001)
Lorsqu’une zone aquifère est localisée, plusieurs solutions s’offrent alors à l’ingénieur en charge du
chantier. Si le creusement se fait au tunnelier, l’excavation a lieu sous air comprimé ou dans la bentonite.
Une bonne étanchéité est à prévoir entre les voussoirs. Dans les méthodes conventionnelles, selon le débit
et le gradient hydraulique ainsi que la qualité du terrain traversé, on peut :
– Injecter le terrain pour en modifier les caractéristiques mécaniques, mais surtout pour le rendre
étanche lors du passage du front de taille. On injecte habituellement du coulis de ciment tout autour
du tunnel. Pour les techniques d’injection, on se reportera à [1]. Les colonnes de jet-grouting jointives,
formées d’un mélange terrain-coulis par injection à très haute pression (400 bars), sont de plus en
plus utilisées.
– Congeler le terrain en parois pour les mêmes raisons. Le glaçon de roche est étanche et résiste mieux.
Deux techniques sont envisageables selon la configuration géotechnique et la durée du chantier : la
congélation à l’azote liquide ou à la saumure. Dans tous les cas, la méthode consiste à faire circuler
le fluide frigorifique dans un circuit de forages fermé. Le front de glace se propage jusqu’à former un
ensemble homogène.
– Réaliser une barrière étanche depuis la surface et à l’intérieure de laquelle on viendra excaver. Cette
protection est généralement assurée par des parois moulées. Cette technique est particulièrement
adaptée à la construction des puits (Fig. 1.12) et des parkings.
– Utiliser les techniques hyperbares. En réalisant un caisson étanche dans l’ouvrage, on peut confiner
le front de taille avec de l’air comprimé. L’équilibrage de la pression d’air et de la pression d’eau
permet aux mineurs — que l’on appelle alors tubistes — de travailler au sec. Les contraintes sont
les mêmes qu’en plongée : paliers de décompression, surveillance médicale, etc...
Lorsque les venues d’eau sont faibles ou limitées dans le temps, on se contentera bien souvent d’assurer
un drainage correct et une exhaure efficace.
Cas des tunnels immergés
Il existe un cas bien particulier d’ouvrages aquifères, que l’on peut plutôt désigner d’aquatiques. Ce
sont les traversées de rivière ou de fleuve par tunnels immergés (Fig. 1.13). La procédure schématique de
réalisation de ces ouvrages est la suivante :
1. Réalisation de caissons en béton précontraint, d’une longueur moyenne de 150 m dans une darse 19 .
19
Darse : excavation réalisée près d’un cours d’eau pour construire à sec un bateau ou un ouvrage de génie civil. La darse
peut être inondée pour le lancement de l’ouvrage.
22
Centre d’Etudes des Tunnels
F IG . 1.13 – Schéma en coupe d’un tunnel immergé une fois terminé. La pose des caissons nécessite l’exca-
vation d’une souille de largeur importante.
2. Réalisation d’une souille 20 par dragage mécanique du fond de la rivière. Cette opération est longue
et nécessite un entretien régulier car le courant a tendance à reboucher l’excavation.
3. Transport des caissons, un par un, par flottaison à la verticale de leur emplacement définitif.
4. Echouage des caissons par remplissage interne, un par un, pour les asseoir dans la souille.
5. Ancrage et clavage du dernier caisson au précédent, puis pompage pour évacuer l’eau.
6. Une fois les caissons entièrement clavés et l’étanchéité vérifiée, on rebouche la souille.
Les tunnels immergés sont délicats à mettre en oeuvre mais représentent souvent la seule solution souter-
raine envisageable pour franchir les faible longueurs (de l’ordre d’1 km). La technique est très répandue
aux Pays-Bas, où elle est encore régulièrement utilisée.
Cette partie a été rédigée par Sébastien Frachon, contrôleur au Centre d’Études des Tunnels.
Tous les Ouvrages d’Art français font l’objet d’une surveillance et d’un entretien réguliers. Pour le
réseau routier national, cela est réglementé par l’instruction technique pour la surveillance et l’entretien
des ouvrages d’art (ITSEOA) du 19 octobre 1979, qui fait l’objet d’une révision à compter du 1er janvier
1996. La réglementation pour les tunnels est précisée dans le fascicule 40, cette instruction est en cours de
révision. En 2005, le patrimoine des tunnels routiers creusés du réseau national est de 107 tubes, totalisant
une longueur de 47 km.
En France, tous les ouvrages d’art sont soumis à des actions de surveillance. Pour les tunnels, les
principales dispositions concernant la surveillance du génie civil sont les suivantes :
– La surveillance continue prend une importance particulière : elle est formalisée par un relevé
permanent d’événements, tenu en subdivision21 (exemple Fig. 1.14).
– Le contrôle annuel est constitué d’un bilan annuel des événements, complété par un examen
sommaire des têtes et des parties non circulées, réalisé par des agents de la subdivision.
– L’inspection détaillée périodique (IDP) porte uniquement sur le génie civil des ouvrages et
consiste à observer la nature des revêtements et les défauts qui les affectent (fissures, écaillages,
déformations, zones sonnant le creux, venues d’eau).
20
Souille : tranchée creusée à même le lit de la rivière pour accueillir le futur ouvrage.
21
Subdivision de la DDE.
23
Cours de travaux souterrains et de mécanique des roches
Le tout est dessiné sur des plans représentant la développée de la voûte. Ces relevés d’intrados sont
exploités informatiquement afin de réaliser des analyses sur la répartition et l’évolution des dégrada-
tions d’une visite à l’autre. Le CETU utilise pour cela une version routière du logiciel RADIS (Relevé
d’Avaries Détaillé Informatisé des Souterrains) de la SNCF. Les inspections détaillées périodiques
des tunnels du réseau routier national sont assurées jusqu’à présent par la centrale d’inspection du
CETU.
Les observations visuelles sont complétées au besoin par des auscultations métrologiques (nivellement,
convergences, fissuromètrie) ou l’endoscopie des forages.
L’IDP reste la base de la surveillance. C’est un constat exhaustif sur un tunnel à un moment donné,
une sorte de bilan de santé. Dans le rapport et sur les relevés d’intrados sont précisés s’il y a lieu les
points à observer lors des examens annuels. La périodicité normale est de 6 ans.
– L’évaluation IQOA est une cotation détaillée de l’ouvrage qui permet de définir rapidement l’état
du tunnel selon des classes. C’est un outil essentiel pour répartir les budgets de réparation selon les
priorités. Pour les tunnels, cette évaluation est effectuée uniquement lors des IDP. On distingue 5
classes :
– Classe 1 : Bon état ;
– Classe 2 : Nécessite un entretien spécialisé ;
– Classe 2 E : Evolution à surveiller ;
– Classe 3 : Structure affectée de désordres importants ;
– Classe 3 U : Intervention urgente (insécurité, ou évolution rapide).
Une notation S peut s’ajouter à toutes les classes, si la sécurité est menacée.
Ces modalités particulières comparées aux autres ouvrages d’art résultent de la spécificité des tunnels, à
plusieurs titres :
– difficultés d’intervention (nécessité de moyens d’accès en tout point de la voûte, éclairage puissant,
interruption du trafic, etc.) ;
– implication du terrain encaissant : même s’il n’est pas visible, il exerce une influence liée à sa nature
et à son évolution, qu’il faut avoir à l’esprit à travers les manifestations visibles à l’intrados (face
intérieure du revêtement).
Dans la plupart des cas, les travaux de réparations sur un ouvrage, doivent être précédés d’une inspection
détaillée, qui permet de déceler une ou plusieurs pathologies affectant la structure du tunnel. Le projet de
réparation prendra en compte les évolutions de l’ouvrage au fil des années grâce aux rapports d’inspection
périodiques.
Entretien courant
L’entretien courant est une action demandant peu de moyens et peu de technicité. Il doit être réalisé
de façon régulière en liaison étroite avec la surveillance du réseau routier. Il est à la charge de la subdivision
responsable de la gestion de l’ouvrage.
Les principaux travaux d’entretien courant sont :
– le nettoyage des dispositifs d’écoulement des eaux (barbacanes, fossés, caniveaux, drains, etc...) ;
– le nettoyage de la chaussée, l’enlèvement des dépôts qui se créent sur les rives de la chaussée ;
– le nettoyage des trottoirs et dallettes ;
– le lavage des piédroits dans le cas où le revêtement a été prévu à cet effet ainsi que le cas échéant
le remplacement des parties détériorées de celui-ci ;
– l’entretien des têtes (élimination de toutes végétations, blocs éboulés...) ;
– le maintien en état des accès de visite.
24
Centre d’Etudes des Tunnels
Il est à noter qu’à l’occasion de l’étude de réparation, l’opportunité de réaliser une amélioration est
pratiquement toujours envisagée. Dans tous les cas, l’étude et les travaux de réparation d’un tunnel s’ef-
fectuent en différentes étapes successives dont l’ordre chronologique est important. La démarche qui suit
est valable quel que soit le maître d’ouvrage. Elle comprend :
1. le diagnostic ;
2. la définition du programme des exigences et les études préliminaires ;
3. le projet de réparation ;
4. les travaux ;
5. la remise en service de l’ouvrage.
Voici quelques exemples de réparations selon la nature du revêtement :
– Tunnels non revêtus : purges, boulonnage, béton projeté ;
– Revêtements en maçonnerie : rejointoiement, remplacement localisé de matériaux, chemisage, injec-
tions d’intrados ;
– Revêtements en béton : injections internes, injections d’extrados.
En conclusion, la surveillance systématique des ouvrages apparaît comme une démarche sécuritaire et
rentable dans la mesure où elle permet d’effectuer en temps voulu les opérations d’entretien et de remise
en état nécessaires.
Des améliorations ont été apportées au cours des dernières années dans les méthodes de surveillance,
d’auscultation et de réparation, en tirant profit des évolutions dans les domaines de l’informatique, du trai-
tement des signaux ou des nouvelles technologies. Dans le domaine des réparations, de nouvelles techniques,
telles que les coques en béton projeté armé indépendantes, sont utilisées. Ces avancées technologiques pour
les tunnels en service sont nécessaires dans la mesure où le patrimoine de ces ouvrages est en constante
progression et qu’il importe de le maintenir en état.
25
Cours de travaux souterrains et de mécanique des roches
F IG . 1.14 – Stalactites de glace dans le tunnel des Monts, dues à des écoulements d’eau à travers les fissures
et joints du revêtement (Doc. Cetu).
26
Chapitre 2
Notions de mécanique des roches
toujours été parti prenante des recherches et discussions, en témoigne l’actuel Comité Français de Méca-
nique des Roches fondé en 1967. La discipline est donc récente et laisse encore présager des découvertes
majeures ces prochaines années.
Applications
La mécanique des roches trouve ses applications dans divers domaines de l’ingénierie et de la recherche :
– Géologie : déformations tectoniques entraînant plissements, diaclases et failles ;
– Physique du globe : comportement sous haute pression et température, séismes ;
– Mine : stabilité des excavations, des tailles, galeries et puits ;
– Pétrole : extraction des fluides en milieu poreux, stabilité des forages profonds ;
– Stockages souterrains : stabilité, transport des polluants, perméabilité, couplages thermo-mécaniques ;
– Géothermie : échange de chaleur entre fluides et massif rocheux fracturé, durée de vie d’un pom-
page ;
– Génie Civil : fondations des grands ouvrages (barrages, centrales électriques, viaducs), terrasse-
ments routiers, stabilité des talus et versants, travaux souterrains, concassage et travaux de carrière,
utilisation comme matériau (enrochements, pierre de construction, granulats).
F IG . 2.1 – Quelques domaines d’application de la mécanique des roches, sur un diagramme bilogarithmique
longueur-temps. Tab. issu de [15].
Pour la mécanique des sols, connaître l’histoire de la formation du terrain que l’on étudie n’est pas
toujours indispensable. Les formations de surface considérées comme "sols" sont presque exclusivement
du quaternaire5 et sont issues de l’altération des roches. A contrario, le mécanicien des roches doit être
également géologue, ou tout au moins avoir des bonnes bases en géologie. L’étude des discontinuités
(localisation, propriétés mécaniques des joints, hydrologie) et la détermination des contraintes in situ sont
5
Les temps géologiques sont divisés en 4 grandes ères allant du Primaire (Paléozoïque, de -540 Ma à -250 Ma) au
Quaternaire, la nôtre (depuis 1,75 Ma).
28
Centre d’Etudes des Tunnels
deux exemples parmi tant d’autres illustrant la complémentarité des deux disciplines. Ce cours n’étant
pas seulement destiné à des géologues, des notes de bas de page expliqueront, lorsque nécessaire, les
termes issus de la littérature géologique. Les exercices à la fin de ce chapitre proposent également quelques
applications concrètes de la géologie.
2.2.1 Typologie
Tout massif rocheux, quel que soit son histoire et sa localisation, possède des discontinuités. Celles-
ci peuvent être prononcées, invisibles, cimentées ou bien ouvertes, mais elles existent. Elles possèdent en
commun les caractéristiques suivantes : faible résistance au cisaillement, résistance à la traction négligeable
et grande conductivité hydraulique, tout ceci en comparaison de la matrice rocheuse environnante. En
géologie on les regroupe par catégories :
– Les diaclases : ce sont des fractures de la roche, issues d’une rupture par compression, traction ou
cisaillement liée aux mouvements tectoniques6 . Les deux parties de la roche qui se sont constituées
n’ont cependant pas bougé ;
– Les failles : ce sont des fractures identiques aux diaclases mais qui ont entraîné un mouvement
relatif des deux parties de la roche encaissante. Un glissement a donc eu lieu le long de cette faille.
Leur longueur varie d’une dizaine de centimètres à plusieurs centaines de kilomètres ;
– Les joints sédimentaires : dans les roches sédimentaires7 , ce sont les joints séparant deux couches
d’époques et de conditions de dépôt différentes. Chaque couche – ou strate – constitue une "dalle"
susceptible de se séparer de ses voisines ;
– La schistosité : dans les roches métamorphiques8 , la forte compression a perturbé et transformé
l’organisation des minéraux internes. Ceux-ci se sont alignés selon une direction orthogonale à la
compression et ont entraîné la formation de plans de rupture préférentiels. L’ardoise, qui est fendue
selon cette schistosité, en est une bonne illustration.
Les discontinuités sont généralement des lieux de grande déformabilité, où la rupture est plus facile et où
l’eau circule plus facilement. Elles transforment l’état de contrainte du massif à leur proximité.
Description géométrique
Une discontinuité est, au moins localement, plane. On définit complètement ce plan par deux angles :
la direction (azimut α de l’horizontale du plan) et le pendage (angle β entre l’horizontale et la droite de
plus grande pente, en précisant le sens par rapport à la direction de l’horizontale). La figure 2.2.a illustre
la notation.
En mécanique des roches, on préfère utiliser la notation de l’AFTES et de l’ISRM basée sur les coor-
données du vecteur-pendage p~ tel qu’il est représenté sur la figure 2.2.a :
– Azimut : angle de la projection horizontale du vecteur p~ avec le Nord en tournant vers l’Est. Il vaut
α + 90◦ ;
– Pendage : angle β que fait p~ avec le plan horizontal.
6
Tectonique : discipline qui traite de la structure de l’écorce terrestre, de ses dislocations et plissements.
7
Roches qui sont l’aboutissement de phénomènes physiques (transport et accumulation), chimiques (précipitation) ou
biologiques (construction). Ce sont les calcaires, les gypses, les grès, les conglomérats, le charbon...
8
Roches issues de la transformation d’autres roches sous forte compression et/ou forte température. Ce sont les schistes,
les gneiss, les marbres...
29
Cours de travaux souterrains et de mécanique des roches
F IG . 2.3 – Stéréogramme d’un massif de brèches volcaniques (Nouveau tunnel du Lioran). On y observe
deux familles de discontinuités presque verticales : l’une représentée par les deux zones diamétralement
opposées, l’autre par la troisième zone isolée.
Un plan répertorié 210/60 selon l’AFTES signifie donc : sa direction est de 120˚par rapport au Nord en
tournant vers l’Est (210-90) et le pendage est de 60˚vers l’ouest. Le même plan sera répertorié N120E -
60W pour la notation géologique traditionnelle.
Bien qu’apparemment désordonnées dans le détail, les discontinuités d’un massif constituent le plus
souvent un ensemble structuré, et leurs orientations observées en un site donné se répartissent en un petit
nombre de familles (2 à 5 en général). Pour isoler ces familles, il faut pouvoir représenter chaque disconti-
nuité sur un même graphique. L’outil le plus utilisé est la projection stéréographique. Sur la figure 2.2.b,
le plan considéré passe par le centre 0 de la sphère. Soit M un point de l’intersection entre ce plan et
l’hémisphère supérieur et π le pôle de notre système. Pour M variant de A à B, la trace que laisse la droite
(πM) dans le plan H équatorial est la projection. En pratique, on oriente le plan H suivant l’horizontale
du lieu et on y place le Nord. Chaque plan de discontinuité est virtuellement déplacé pour qu’il passe par
O puis on trace la projection. Le dessin réalisé avec tous ces arcs de cercle deviendrait vite illisible. Plutôt
que de représenter la trace du plan, on préfère utiliser la trace du vecteur normal au plan, passant par O,
que l’on nomme pôle du plan. La projection stéréographique de ce vecteur donne un seul point. Celle de
tous les plans de discontinuité d’un massif engendre un nuage de points. Il est ensuite possible de localiser
des zones plus concentrées et donc des familles.
Cette projection possède toutefois des défauts, elle dilate ou comprime les angles selon l’orientation.
Par exemple, il sera très difficile de séparer deux familles proches de la verticale (Fig 2.3), alors que pour
des discontinuités presque horizontales, la chose sera plus aisée.
30
Centre d’Etudes des Tunnels
Le relevé des discontinuités commence toujours par des observations sur le terrain, avec topographie
des affleurements. Lorsqu’il existe déjà des ouvrages souterrains à proximité (galerie de reconnaissance) ou
des talus affleurant, c’est idéal. Une étude de mécanique des roches est donc indissociable d’une campagne
de reconnaissances basée sur des sondages carottés ou des photos internes au forage. Par extrapolation
aux dimensions du futur ouvrage, il est commode de représenter la trace que feront les discontinuités sur
les parois du tunnel. Cette projection développée sur un linéaire de 25m et vue de dessus porte le nom de
DS 25.
L’observation des carottes permet de déterminer un paramètre empirique proposé par D. Deere en 1964,
le Rock Quality Designation, rapport en pourcentage entre la longueur cumulée des carottes supérieures à
10 cm et la longueur totale de carotte considérée (1m pour l’AFTES) :
Σ(L > 10cm)
RQD = × 100
Ltotale
Un RQD de 80 à 100% signifie donc que l’on a affaire à une roche peu ou pas fracturée.
Attention, cet indicateur peut être trompeur : pour un même massif stratifié, on pourra conclure à un
RQD de 0% ou de 100% au même endroit selon l’inclinaison du forage (Fig. 2.4) ! Il est donc important
de repérer la direction et l’inclinaison des forages, puis de corréler les résultats entre eux.
D’autres indices existent, certes moins utilisés dans la pratique, mais donnant une meilleure indication
du degré de fracturation. Nous citerons l’indice ID (Intervalle entre Discontinuités), qui "est défini comme
la moyenne des intervalles découpés par les discontinuités successives le long d’une ligne de mesure dont
il convient de préciser la longueur et l’orientation" [9]. Il est donc nécessaire de réaliser des mesures dans
plusieurs directions à choisir judicieusement en fonction des discontinuités et de l’orientation de l’ouvrage.
F IG . 2.4 – Configuration géologique illustrant les limites du RQD. Le terrain est stratifié et les bancs font 9 cm
d’épaisseur.
Une fois la répartition et la géométrie des discontinuités identifiées, il faut s’intéresser à leurs caracté-
ristiques mécaniques. On conçoit aisément qu’une faille lustrée dont les épontes 9 sont parfaitement lisses
sera plus dangereuse du point de vue de la stabilité qu’une diaclase calcifiée et recimentée. Pour être le
plus complet possible, on étudiera :
– l’ouverture : largeur de la discontinuité (de quelques mm à plusieurs mètres) ;
– la rugosité : épontes irrégulières et accrochantes, ou imbrication d’une éponte dans l’autre ;
– le remplissage : dans l’ouverture, c’est le matériau comblant le vide. Il peut être solide et résistant
(filon10 de quartz) ou bien être un vrai lubrifiant (argile humide).
9
Épontes : les deux parties du rocher qui entourent la faille.
10
Filon : inclusion centimétrique à décimétrique d’une roche dans une autre, par remplissage d’une fracture.
31
Cours de travaux souterrains et de mécanique des roches
F IG . 2.5 – Essai de cisaillement sur discontinuité. Plan de Mohr et modèle géométrique associé.
Mais pour caractériser complètement le comportement d’une fracture de la roche, il faut réaliser des essais
en labo. Le plus courant et se rapprochant le plus des sollicitations in situ est l’essai de cisaillement. On
applique sur un échantillon représentatif — métrique ou décimétrique — un effort de cisaillement sous
charge normale. En cela il se rapproche de la boite de Casagrande, avec une discontinuité présente dès le
début de l’essai. La figure 2.5 donne les résultats généraux d’un essai de cisaillement ainsi que le modèle
couramment associé. Sans rentrer dans le détail, on peut remarquer que l’on retrouve la forme classique
de critère de rupture11 en "parabole" dans le plan de Mohr. Deux phases peuvent être isolées :
– Cas des contraintes normales faibles : il faut vaincre le frottement sur la surface de discontinuité.
On remarque que le déplacement n’est pas uniquement transversal, il existe aussi une composante
normale. Il s’agit de la dilatance. On approche le critère par la droite :
τ = σtan(ϕ + i)
i est appelé l’angle de dilatance et ϕ l’angle de frottement intrinsèque pouvant varier de 20˚à
40˚selon le degré d’humidité et d’argilosité des épontes.
– Cas des contraintes normales fortes : la dilatance est empêchée et il faut cisailler les aspérités
avant de pouvoir enregistrer un déplacement significatif. Le critère prend alors la forme d’une droite
de Mohr-Coulomb :
τ = c + σtanϕ
En définitive, les discontinuités naturelles peuvent présenter deux types de cohésion c :
– Cohésion réelle : due au remplissage argileux ou à des cimentations entre épontes ;
– Cohésion apparente : sous fortes contraintes, il faut rompre les aspérités avant de mesurer un
déplacement (cf. ci-dessus). Cela se traduit par une cohésion qui n’est qu’apparente.
11
Le critère est tracé au "pic" des contraintes. Le critère résiduel est quant à lui tracé en pointillés.
32
Centre d’Etudes des Tunnels
Un massif rocheux, au même titre qu’un sol, peut contenir une grande quantité d’eau sous forme de
nappe phréatique, captive ou libre. Cependant, la perméabilité des roches fréquemment rencontrées est
très faible, de l’ordre de 10−10 à 10−12 m/s, exceptionnellement jusqu’à 10−5 m/s pour les roches très
poreuses. Autant dire que bien souvent, l’étude hydrogéologique se ramènera à l’étude de la perméabilité
des fractures.
Si les discontinuités sont ouvertes et vides, et que le régime d’écoulement est laminaire, la mécanique
des fluides permet d’estimer le coefficient de perméabilité :
γe2
kf =
12µ
Avec γ et µ les poids volumique et coefficient de viscosité du liquide, e l’épaisseur de la fracture.
Dans un premier temps, pour estimer la perméabilité globale d’un massif rocheux, on se base sur
le modèle géométrique proposé par l’étude des familles de discontinuités. On raisonne par perméabilités
équivalentes ki éq dans chaque direction d’écoulement ~ui 12 et pour un volume représentatif donné. La
−−→
famille considérée est soumise à un gradient de charge hydraulique grad h.~ui . La loi de Darcy permet
d’écrire :
~i = ki éq × −
V
−→
grad h.~ui × ~ui
On en déduit le dédit dans la famille de section Si :
~i
~qi = Si V
La matrice de perméabilité tridimensionnelle K obtenue en faisant la somme des débits ~qi de chaque famille,
et telle que :
~ = K.−
V
−→
grad h
donne une prévision par excès des écoulements à prévoir autour des excavations. C’est une première ap-
proche souvent satisfaisante.
Pour le reste, l’étude hydraulique se ramène à celle d’un milieu perméable anisotrope qui est étudié en
détail dans les ouvrages spécialisés. Les essais en place utilisés pour les sols peuvent s’adapter aisément
aux roches, et donner de bons résultats.
Les roches sont fondamentalement hétérogènes, nous l’avons vu. Mais à l’échelle d’un échantillon de
laboratoire, on essaie dans la mesure du possible de se ramener à un volume qui possède des propriétés
homogènes sans discontinuités discrètes et isolées. La roche est alors considérée comme un matériau plus
ou moins poreux, constitué d’un assemblage de cristaux que l’on appelle minéraux.
Depuis sa formation, la roche a non seulement évolué dans sa structure globale à l’échelle du mas-
sif, mais aussi dans sa composition minéralogique. Le métamorphisme caractérise cette transformation
interne, possible sous forte compression et/ou forte température. Le tableau 2.1 propose quelques ordres
de grandeurs de masses volumiques de roches et minéraux courants. En l’absence d’indications, on prend
souvent ρ = 2500 kg/m3 pour estimer les contraintes in situ. De nombreux essais permettent de caracté-
riser la matrice rocheuse. Du point de vu mécanique, nous allons étudier dans un premier temps la courbe
contraintes-déformations d’un essai de compression uniaxiale (Fig. 2.6). Les éprouvettes font classiquement
50 mm de diamètre et 100 à 120 mm de hauteur. Les contraintes selon l’axe de compression sont notée
σ1 .
33
Cours de travaux souterrains et de mécanique des roches
F IG . 2.6 – Essai de compression simple d’une matrice rocheuse. Courbes classiques de réponse.
34
Centre d’Etudes des Tunnels
Juste après une première phase dite de serrage, où les fissures et micro-fissures internes orientées
orthogonalement à la direction du chargement se referment, on observe une phase quasi-linéaire (de σ1S
à σ1F ). On définit alors un module d’Young E et un coefficient de Poisson ν. La plage de variation de E
est très grande, allant de quelques milliers de MPa pour des marnes à plus de 100 GPa pour certains grès
siliceux. Le coefficient de Poisson est quant à lui le plus souvent pris égal à 0,2 ou 0,3.
Sur la courbe contraintes-déformations, la phase linéaire se poursuit jusqu’à σ1L mais la courbe de
déformations volumiques (εv = ε1 +2ε3 ) ne l’est plus. Cette phase correspond à la création et à l’ouverture
de micro-fissures, par flambement parallèle à l’axe de l’éprouvette. La stabilité globale est toujours assurée.
Au-delà de σ1L , la roche a un comportement instable, avec un volume qui augmente (foisonnement ou
dilatance) et des fissures qui se propagent rapidement. Dans le cas d’un essai uniaxial, la rupture est fragile
et la courbe post-pic n’est obtenue qu’avec une presse pilotée en déformations. La contrainte σ1M est la
résistance à la compression simple, aussi notée Rc.
Rc peut prendre des valeurs très différentes : de quelques MPa pour une roche très altérée à plus de
300 MPa pour certains basaltes ou quartzites.
Il est bon de rappeler ici que Rc n’est pas véritablement une propriété intrinsèque de la roche. L’effet
d’échelle est très sensible. De même la résistance à la compression simple varie selon la taille de l’éprouvette
et l’orientation de celle-ci par rapport à la direction de la compression (roche anisotrope).
L’essai de compression simple semble suggérer un comportement fragile et des caractéristiques "post-
pic" presque nulles. Les résultats issus des essais triaxiaux ont largement contredit cette observation pour
les états de contrainte tridimensionnels. Sous étreinte triaxiale (confinement), on a ainsi pu observer :
– que la charge de rupture croit ;
– que le mode de rupture change. La rupture est ductile, plastique avec palier de résistance, et parfois
même non identifiable : la résistance croit progressivement sans pic.
Selon le type de roche auquel on a affaire, on observera un comportement à la rupture différent. Dans tous
les cas, on pourra approcher la rhéologie du matériau par la théorie de la plasticité 13 . Sans rentrer dans
les détails, il est bon de présenter sommairement les deux critères de rupture les plus utilisés en mécanique
des roches pour des matériaux homogènes.
Critère de Mohr-Coulomb
C’est le même qu’en méca sols. Il se représente dans le plan de Mohr par une droite d’équation :
τ = c + σtanϕ
σ1 = Kp σ3 + Rc
Avec
π ϕ
Kp = tan2 +
4 2
cosϕ
Rc = 2c
1 − sinϕ
Dans le plan des contraintes principales, ce critère ne prend pas en compte la forme arrondie de la courbe
de rupture observée expérimentalement aux faibles contraintes et pour les sollicitations en traction.
12
Direction d’écoulement associée à la famille de discontinuités d’indice i.
13
Ce qui est légitime, vu que des déformations permanentes sont enregistrées.
35
Cours de travaux souterrains et de mécanique des roches
Ce critère de rupture a été conçu pour pouvoir s’appliquer à l’échelle du massif (rôle du paramètre s
qui prend en compte la fracturation micro et macroscopique). On notera que la résistance en compression
√
simple prise ici — calculable en prenant σ3 = 0 — est Rc s. Elle est donc affaiblie par rapport à Rc,
valeur mesurée en labo pour la roche supposée saine.
Le critère de Hoek et Brown modélise donc le massif rocheux dans sa globalité, nous en reparlerons à
la partie 2.4.
A l’instar du célèbre essai pressiométrique pour les sols, l’essai dilatométrique permet d’accéder direc-
tement à la courbe de chargement de la paroi d’un forage dans un milieu rocheux.
Le principe est le suivant : on descend dans un forage, au bout d’un train de tige, la sonde dilatométrique
qui permet d’appliquer au terrain une pression orthotrope sur une longueur d’environ 1m. Au milieu de
la sonde sont disposés 3 capteurs de déplacement diamétral — en général — régulièrement espacés sur
le pourtour de la manchette gonflante. En mesurant la pression de gonflement et le déplacement radial
indépendamment, on obtient une courbe de charge-décharge comme sur la Fig. 2.7.
F IG . 2.7 – Essai dilatométrique sur le projet d’Autoroute A45 entre Lyon et St-Etienne.
Les meilleurs dilatomètres peuvent aller jusqu’à 30 MPa de pression et descendre à plus de 1000m
sous terre. Ils sont très utiles pour étudier le comportement du massif rocheux à l’échelle de la sonde
36
Centre d’Etudes des Tunnels
(métrique) et dans des conditions in-situ. La formule d’élasticité isotrope d’un trou pressurisé permet
d’approcher la valeur du module d’Young du massif :
∆P
E = (1 + ν) D
∆u
ν est pris égal à 0,25 ou 0,3 et D est le diamètre du forage. Les ∆P et ∆u sont estimés pour chaque cycle
mais c’est souvent uniquement la deuxième charge-décharge qui est utilisée.
Avec de nombreuses roches tendres14 , on peut observer, sous charge maintenue constante, des ruptures
à long terme. Ce sont les effet différés dûs au phénomène de fluage.
Trois principaux mécanismes sont à l’oeuvre :
1. Mouvements de dislocations dans les cristaux — favorisés par les températures élevées — assez
courant dans le sel, le gypse et la calcite ;
2. Développement d’une micro-fissuration, notamment aux joints de grains, et pour des contraintes
supérieures au seuil σ1L ;
3. Altération chimique du ciment minéral entre les grains de roche. Cette dégradation peut agir sur des
milliers, voire des millions d’années.
Le fluage des roches est encore mal connu, et fait l’objet de nombreux travaux de recherche. L’enjeu est
de taille pour les ouvrages souterrains — les cavités de stockage de déchets radioactifs en particulier —
où les calculs à long terme sont parfois dimensionnants.
Dans les zones d’infiltrations et où l’eau peut s’accumuler — en radier par exemple — on peut observer
un tout autre phénomène aboutissant au même résultat : une augmentation de la pression de confinement.
Il s’agit du gonflement, qui survient en présence de certaines argiles, comme les smectites par exemple.
Les dégats occasionnés par cette augmentation de volume du terrain peuvent être spectaculaires si le
dimensionnement n’a pas été suffisant (ruptures du radier).
Après avoir présenté les deux composantes du massif rocheux — roche et discontinuités — il convient
de s’intéresser maintenant à leur assemblage pour appréhender le comportement global autour de l’ouvrage
à construire.
37
Cours de travaux souterrains et de mécanique des roches
taille des échantillons, pour se stabiliser à une valeur moyenne, au-delà d’un volume dit Volume Elémentaire
Représentatif (VER) qui contient statistiquement un nombre à peu près constant de discontinuités.
Le VER peut être assez difficile à estimer lorsque plusieurs familles de discontinuités existent.
Valeur moyenne
Pour l’échantillon de labo, c’est typiquement le cas de Rc qui diminue avec la taille de l’éprouvette.
De façon analogue, du fait de la présence des discontinuités dans le massif, on peut aussi dire — très
schématiquement — que les ouvrages (galeries, talus,...) de grandes dimensions sont moins stables que
ceux de petites dimensions. Ils ont en effet plus de chance de rencontrer des discontinuités défavorables
pour leur stabilité. La résistance du massif n’est pas la moyenne des résistances de la matrice et des
discontinuités, mais plutôt le minimum des deux ! C’est la notion de maillon faible.
Faire attention aussi aux différentes échelles des discontinuités, des aspérités, des porosités... qui n’in-
terviendront pas de la même façon selon la grosseur de l’ouvrage.
Une notion très importante qui sera reprise de nombreuses fois dans le chapitre 3 est la distinction
entre milieu continu et discontinu. A chacun de ces milieux correspondra une branche de la mécanique
adaptée à l’étude. La frontière est assez floue, et dans bien des cas — les plus difficiles d’ailleurs — les
deux approches devront être comparées.
Pour faire le distinguo, le VER est un outil très utile mais il n’est pas suffisant.
Considérations géométriques
On pourra considérer le milieu rocheux comme continu lorsque l’ouvrage aura des dimensions supérieures
à celles du VER. Ce volume — qui n’est pas toujours évident à évaluer compte-tenu des différentes familles
de discontinuités et de leur caractère parfois très local — est le seuil à partir duquel on peut espérer
homogénéiser le matériau. Le milieu continu est alors une aubaine pour l’ingénieur en charge des études,
car il dispose d’un large panel de méthodes de dimensionnement.
Pour le cas des tunnels, on considérera grossièrement que le milieu est continu à l’échelle de l’ouvrage
lorsque le volume d’excavation est supérieur à 10 fois le VER.
Considérations mécaniques
A grande profondeur, compte-tenu des contraintes qui y règnent, les discontinuité restent fermées et
le massif garde ainsi toute sa continuité. De même l’absence de surface libre à proximité empêche tout
déplacement "en grand" et la modélisation continue sera tout à fait adaptée, ce malgré la présence de
discontinuités localisées. Le critère du VER est donc ici bien inefficace. Vouloir généraliser est difficile : on
14
Craie, calcaire, marne, sel gemme, gypse, etc...
38
Centre d’Etudes des Tunnels
Le critère de Hoek et Brown exposé au 2.3.2 permet non seulement de prendre en compte les pertes
de résistance par micro-fracturation, mais également d’intégrer les fractures macroscopiques dans le calcul
en milieu continu15 . Le paramètre s en est le principal moyen.
Mieux qu’un long discours, un tableau synthétique présente les différents modes de rupture en stabilité
de pentes (Fig. 2.9).
En travaux souterrains, les ruptures envisagées dans le cas d’un milieu continu sont identiques à celles
rencontrées en mécanique des sols, à la distinction près que le matériau est parfois fragile et que la rupture
intervient brutalement. Ces modes de ruine dépendent fortement de l’état de contrainte initial, de son
degré d’anisotropie, de sa dilatance, de son degré d’endommagement, de sa teneur en eau...
Pour les milieux discontinus, la rupture ne sera pas la même selon la densité de fracturation et
l’orientation de la galerie par rapport à ces discontinuités. On distingue les grandes familles suivantes :
– La galerie traverse une famille de discontinuités perpendiculairement à leur plan. On dit que l’on est
en travers-banc. C’est une situation idéale que l’on recherche en priorité lorsque la configuration le
permet ;
– La galerie traverse une famille de discontinuités en étant parallèle à leur plan. On dit qu’elle est en
direction. Si les strates formées par ces discontinuités ne sont pas assez résistantes, alors il y aura
risque d’effondrement en voûte (par flexion du banc supérieur) ou encore risque de ruine en piédroit16
(par flambement du banc).
– La galerie traverse un réseau de discontinuités (minimum trois familles) dont l’espacement est de
l’ordre de grandeur du rayon d’excavation. Dans ce cas il peut y avoir chute de blocs, par simple
gravité ou par glissements plans (cf. partie 48).
Dans les projets il est possible de prévoir ces modes de rupture, et de dimensionner les ouvrages en
conséquence. C’est vrai pour l’étude des fondations au rocher et pour la stabilité des talus, mais un peu
moins pour les travaux souterrains qui nécessitent une campagne de reconnaissances préalable beaucoup
plus détaillée. Dans ce dernier cas, c’est sur le chantier qu’il faut réagir face à un risque de rupture avéré.
Les inclusions utilisées en travaux souterrains ont été présentées, au moins partiellement, dans la
partie 1.4. Les ancrages sont énormément présents en mécanique des roches pour différentes raisons, liées
entre autre au mode de rupture envisagé : rôles porteur, restructurant et confinant. Notons que les trois
aspects envisagés (soutenir, renforcer et confiner) se combinent en pratique et peuvent aussi se succéder
dans le temps.
Rôle porteur
Dans un massif fracturé discontinu à l’échelle de l’ouvrage, des blocs rocheux peuvent se détacher
de la paroi et tomber sous l’effet de la gravité. Pour empêcher ces chutes, on utilise un boulonnage de
"suspension" qui assure un rôle porteur à condition d’être ancré assez profondément dans la partie saine
ou non fracturée du massif. Ces boulons doivent être à effet immédiat (boulons à ancrage ponctuel, à
expansion, à friction).
La tige est sollicitée à l’arrachement mais aussi en cisaillement selon la disposition des blocs et l’orien-
tation des tiges.
15
En réalité pseudo-continu comme vous l’aurez compris.
16
Piédroits : parties latérales des tunnels (entre la voûte et le radier).
39
Cours de travaux souterrains et de mécanique des roches
F IG . 2.9 – Différents modes de rupture pour un talus rocheux (d’après Rainer Poisel et Alexander Preh).
40
Centre d’Etudes des Tunnels
Rôle restructurant
Dans les massifs fracturés où les boulons sont sollicités en cisaillement au droit des fissures, les boulons à
ancrage réparti s’avèrent les plus appropriés. Leur rigidité limite tout mouvement susceptible de désolidariser
les blocs et empêche la formation d’un ensemble disjoint autour du tunnel. En particulier, les tiges sont
solidaires de chaque bloc, les rendant moins libres de s’écarter et surtout de glisser. Ils sont plus à même
d’assurer un "collage" des bancs entre eux que les ancrages ponctuels : ils arment le terrain, et lui permettent
de mieux résister aux sollicitations de compression, de traction, et surtout de cisaillement sur les plans de
discontinuités.
Dans un massif stratifié, les boulons sont mis en place de façon à limiter les décollements et les
glissements entre les bancs empilés. En épinglant les discontinuités naturelles, le but recherché est de
solidariser les couches entre elles, afin de s’opposer aux déplacements différentiels et éviter une rupture par
flambement ou fléchissement.
Dans le cas d’un massif soumis à une fracturation dense et aléatoire, l’équilibre dépend de l’adhérence
et du frottement qui se développe entre les blocs, conférant à l’ensemble une résistance à la traction. De
manière analogue aux armatures de béton armé qui s’opposent à la fissuration, les boulons créent des
forces de liaison entre les discontinuités, et augmentent ainsi la cohésion des joints rocheux. Les boulons
empêchent aussi la dilatance des joints et contribuent à renforcer le massif.
Rôle confinant
Dans un massif homogène, les boulons à ancrage réparti sont les mieux adaptés. Parallèlement à la
convergence de la galerie, un anneau de terrain décomprimé apparaît autour de la cavité, où les caracté-
ristiques mécaniques chutent rapidement et de façon irréversible. En ce sens, le boulonnage associé à une
couche de béton projeté confine ces terrains sujets à décompression et dégradation : l’orientation radiale
est la meilleure façon de limiter l’extension de la zone décomprimée et l’amplitude des déformations. La
contrainte normale à la paroi qui en résulte confine la zone boulonnée, et confère à la roche un sup-
plément de résistance au cisaillement, d’où la formation d’un anneau résistant qui constitue un véritable
soutènement s’opposant aux poussées du terrain. C’est le principe déjà exposé de la NATM.
41
Cours de travaux souterrains et de mécanique des roches
2.5 Exercices
Une des nombreuses difficultés rencontrées par les mécaniciens des roches est l’estimation de la
contrainte in situ au niveau du futur ouvrage projeté.
Dans les premiers kilomètres de la croûte continentale, à la profondeur h, on peut approcher l’état de
contrainte de la façon suivante :
– Contrainte compressive verticale : σz = ρgh ;
ν
– Contraintes horizontales : σx = σy = 1−ν ρgh.
ν = 0, 25 est le coefficient de Poisson de la roche à la profondeur h.
À 10 km de profondeur et 200˚C, 1 km3 de schiste (densité 2,5) contient 5% de son poids en eau.
Au cours d’un phénomène tectonique, il est enfoui à 30 km de profondeur et porté à la température de
600˚C. Il ne contient plus alors que 2% de son poids en eau.
Les résultats du tableau 2.2 ont été obtenus par une série d’essais de cisaillement directs sur des
discontinuités (éprouvettes de granite carrées de 100 mm de côté). Chaque éprouvette a été prélevée de
telle sorte que l’essai se déroule autour de discontinuités propres, rugueuses et parfaitement sèches.
42
Centre d’Etudes des Tunnels
F IG . 2.10 – Diagramme d’équilibre de Hjulström. Equilibre des particules minérales en fonction de leur taille et
de la vitesse du courant qui les balaie. Le fuseau où est situé le point A correspond à une zone intermédiaire
entre transport et érosion-transport. D’après [18].
43
Cours de travaux souterrains et de mécanique des roches
Soit un fleuve drainant des eaux de ruissellement d’un bassin hydrographique de 50000 km2 . La moyenne
des précipitations annuelles est de 100 cm. 40% des ces eaux ruissellent, le reste s’infiltrant et/ou s’éva-
porant.
1. Commentez l’abaque de Hjulström en prenant une ligne avec une taille de particule constante et une
ligne avec une vitesse constante. Essayez d’expliquer le comportement des particules très fines que
l’on ne peut pas "arracher" au lit de la rivière.
2. La partie basse du fleuve a une largeur l de 1000 m et une profondeur moyenne p de 5 m. Quelle est
alors sa vitesse v ? Estimez le débit Q, supposé constant.
3. On évalue à 10−2 cm/an l’épaisseur moyenne de sols et de roches érodés dans le bassin hydrogra-
phique considéré. Quelle est la quantité théorique globale de matériaux érodés ?
4. Quelle est la taille maximum des éléments parvenant à l’embouchure ?
5. En supposant que la profondeur moyenne de 5 m reste constante, quelle est la largeur du fleuve à
partir de laquelle ses alluvions peuvent fournir un matériau dont la granulométrie est essentiellement
supérieure à 0,5 mm ? Y’a-t-il des particules fines dans ce matériau ?
6. Le climat de cette région est celui de la haute montagne à l’amont et tempéré à l’aval. Les parties
élevées sont granitiques, les parties basses calcaires et argileuses. Quelle est la nature minéralogique
vraisemblable des alluvions en différents points du fleuve ?
7. Une retenue crée un lac artificiel de 2500 m de large en moyenne et de 10 km de long. Quel est
l’envasement annuel moyen de ce lac ?
44
Chapitre 3
Méthodes de calcul des ouvrages au rocher
Dans un premier temps, face à un talus rocheux ou un toit de galerie, il convient d’identifier les mé-
canismes de rupture dits "cinématiquement admissibles". L’analyse mécanique, comparant efforts moteurs
et efforts résistants est effectuée ensuite.
En supposant les blocs très résistants par rapport aux discontinuités — c’est très souvent le cas — et
en éludant la possibilité de basculement, on peut résumer la situation en disant qu’un bloc amovible est
susceptible :
– de se détacher de toutes ses faces (chute directe en voûte de galerie par exemple) ;
– de glisser sur une de ses faces ;
– de glisser sur deux faces à la fois.
Le glissement sur plus de deux faces à la fois est très peu probable.
L’analyse stéréoscopique (cf. 2.2.2) ou numérique des intersections de discontinuités permet de localiser
rapidement les blocs susceptibles de bouger. On désigne par dièdre un bloc formé par la rencontre d’au
moins deux discontinuités et d’une surface libre1 .
Etude cinématique pour deux familles de discontinuités
On considère un dièdre limité par deux plans de discontinuités P1 et P2 sur un versant dont le relief
peut-être relativement compliqué. Le mécanisme de rupture est identique à un cas simple, de volume
tétraédrique (Fig. 3.1.a).
La figure 3.1.b présente, dans un plan perpendiculaire à la droite OI12 intersection de P1 et P2 , les
types d’instabilités d’un dièdre soumis à une force résultante F~ appliquée en G, en fonction de l’orientation
de la projection f~ de F~ dans le plan de la figure :
– Secteur 1 : glissement sur les deux faces à la fois, parallèlement à la droite OI12 (vecteur directeur
~i12 ) ;
– Secteur 2 : glissement sur la face P2 seule ;
– Secteur 3 : décollement des deux faces ;
– Secteur 4 : glissement sur la face P1 seule.
Concrètement pour un talus, il s’agit donc de savoir a priori si le glissement possible aura lieu sur une ou
sur les deux faces. La projection stéréographique permet dans des cas plus complexes de réaliser le même
travail, en étudiant la position de la projection du vecteur F~ par rapport à la projection des plans. F~ est
le plus souvent égale au poids du bloc.
1
Avec une discontinuité, il est impossible d’obtenir des blocs.
Cours de travaux souterrains et de mécanique des roches
F IG . 3.1 – Dièdre formé par l’intersection de deux discontinuités : vue en perspective (a) et graphe d’instabi-
lités (b).
Etude mécanique
Supposons que l’étude cinématique a abouti à la conclusion d’un glissement potentiel sur les deux faces
du dièdre, parallèlement à leur intersection.
Chaque discontinuité est caractérisée par un critère de rupture de Mohr-Coulomb (c1 , ϕ1 , c2 , ϕ2 ). La
stabilité potentielle du bloc est définie de la manière suivante :
R R
Posons Ni = σi dsi et Ti = τi dsi pour i = 1, 2. Si on suppose que l’équilibre des moments est
toujours vérifié, on peut réécrire la condition de stabilité potentielle ainsi :
Considérons le trièdre de référence formé du vecteur ~i12 et des normales ~n1 et ~n2 aux plans P1 et P2 .
En projetant on obtient (i = 1, 2) :
−F~ = F12~i12 + F1~n1 + F2~n2
~ i = Ti~i12 + Ni~ni
R
Ce qui implique alors :
F12 = T1 + T2
F1 = N 1
F2 = N 2
Ti ≤ ci Si + Ni tan ϕi
46
Centre d’Etudes des Tunnels
Coefficient de sécurité
On définit en pratique un coefficient de sécurité R, établi de manière classique par le rapport "forces
résistantes" sur "forces motrices" :
c1 S1 + c2 S2 + F1 tan ϕ1 + F2 tan ϕ2
R=
F12
On vérifiera ensuite que le critère arbitraire R > 1.3 est vérifié.
Flambement
Pour des strates de terrains subverticales2 très élancées en bord de falaise, il faut vérifier — comme en
béton armé ou en construction métallique — que la condition de stabilité de forme est assurée. Pour ce
faire, on se placera en 2D dans un plan orthogonal aux strates et on étudiera le flambement d’une colonne
de roche d’un mètre d’épaisseur soumise :
– à son poids propre ;
– au frottement latéral avec les strates adjacentes.
On pourra incorporer également la perte de rigidité éventuelle due à la présence d’autres fractures. Les
calculs sont ensuite similaires à ceux effectués classiquement en RDM.
Basculement
Considérons la colonne représentée sur la figure 3.2. Cette situation est fréquente le long d’une corniche
rocheuse présentant des diaclases verticales et un niveau inférieur plus altérable ou plus gélif (calcaire sur
marne par ex.).
La rupture par basculement est liée à la résistance de la section AB, la plus fragile de la colonne.
Celle-ci est soumise à un effort normal F et un moment fléchissant M = F e.
Dans l’hypothèse où l’excentrement est suffisant pour faire apparaître de la traction (résultante F en
dehors du noyau central), les contraintes en A et B sont :
F 6e
σA = 1+
l l
F 6e
σB = 1−
l l
47
Cours de travaux souterrains et de mécanique des roches
F IG . 3.3 – Effet de l’eau sur la stabilité d’un talus. Cas d’un seul plan de discontinuité.
préférentiellement au travers des discontinuités, de perméabilités beaucoup plus grandes que la matrice qui
les entoure. Pour notre talus, l’eau de ruissellement s’infiltre par la partie supérieure de la discontinuité et
alimente une nappe phréatique qui trouve un exutoire naturel en partie inférieure. En ne considérant que
la nappe (période sèche), comment va se répartir la pression hydraulique sur la discontinuité ?
Une estimation rapide et courante consiste à considérée une pression hydrostatique dans la partie su-
périeure, puis une décroissance linéaire jusqu’au pied du talus (u = 0). Les calculs de stabilité sont ensuite
similaires à ceux déjà effectués précédemment. La différence réside dans le calcul de la résultante F~ (la
force motrice) qui devra tenir compte de la pression hydraulique u.
La présence d’eau dans la discontinuité est défavorable, puisqu’elle a tendance à faire décoller les
épontes. Un cas encore plus défavorable serait celui où la fracture aurait son exutoire bouché (gel brutal
par exemple). La pression d’eau deviendrait alors entièrement hydrostatique.
Effets de la glace
La forme de presque tous les versants français est l’aboutissement d’un long processus de dégradation
des massifs rocheux durant les différentes époques glaciaires de l’ère quaternaire. La gélifraction désigne
le débit de la roche par le gel-dégel en fragments anguleux qui se rassemblent aux pieds des pentes.
Outre ce phénomène global et climatique, le gel-dégel est la cause de nombreux phénomènes de rupture
par fatigue et par dégradation des propriétés de la roche — c’est une des causes du vieillissement. La glace
48
Centre d’Etudes des Tunnels
étant plus volumineuse que l’eau liquide qui l’a engendrée, elle écarte les épontes des discontinuités et crée
des contraintes supplémentaires. Celles-ci suffisent parfois à générer une instabilité.
Cette partie présente les différentes méthodes — numériques ou non — existantes pour déterminer
et dimensionner le soutènement des ouvrages souterrains. Le parti a été pris de détailler progressivement
chaque méthode et d’en définir clairement les domaines d’application. Ceux-ci sont très liés à la notion
mécanique de milieu continu ou discontinu. Avant d’aborder le texte qui suit, nous recommandons donc
vivement au lecteur de s’imprégner de la partie 2.4.2 de ce présent cours.
F IG . 3.4 – Explication mécanique de l’effet de voûte : évolution des contraintes et déformation d’un élément
de volume autour d’une excavation.
La stabilité d’une excavation souterraine, quelle qu’elle soit, est liée à un phénomène naturel de ré-
arrangement des contraintes nommé effet de voûte. Les Romains le connaissaient bien, puisque c’est le
même principe mécanique qui permet aux aqueducs — et aux ponts maçonnés en général — de tenir.
Pour bien comprendre l’effet de voûte, il convient de se replacer en situation et d’examiner l’état de
contrainte en des points situés à des distances différentes de la galerie (Fig. 3.4) :
– Point A : Situé "à l’infini" par rapport au tunnel, l’état de contrainte — ici supposé isotrope —
n’est pas modifié. Les deux axes représentent les contraintes principales majeure et mineure (ici
identiques) dans le plan ;
– Point B : A environ 4 diamètres de la paroi du tunnel, on considère que les effets de l’excavation
se font ressentir de façon notable. Le repère des contraintes principales s’oriente selon les axes du
repère en coordonnées cylindriques. On a deux contraintes principales : radiale et orthoradiale ;
– Point C : Près de la paroi, l’évolution est la suivante : la contrainte radiale de compression diminue,
tandis que la composante orthoradiale augmente ;
– Point D : A la paroi, la contrainte radiale est nulle (condition aux limites dans le cas où il n’y a pas
de soutènement). En contrepartie, la contrainte orthoradiale est maximum. C’est l’effet de voûte. Le
terrain se "bloque" naturellement comme une arche de pont autostable.
De A à D, le déviateur des contraintes ne fait qu’augmenter — il est nul dans la configuration initiale. Ce
déviateur est borné, il ne peut pas être aussi grand qu’on le souhaite : c’est la notion de critère de plasticité
(cf. 2.3). S’il dépasse une valeur seuil, il y aura instabilité puis effondrement. S’il reste dans une certaine
plage de valeurs, le terrain se tiendra tout seul et ne nécessitera pas, a priori, de soutènement.
49
Cours de travaux souterrains et de mécanique des roches
On comprend ainsi que pour bénéficier au maximum de ce mécanisme, il faille se rapprocher le plus
possible d’une section circulaire — la section "idéale".
Enfin, le déplacement vers l’intérieur du tunnel des éléments de volume — initialement carrés — a
tendance à leur donner la forme rectangulaire de la Figure 3.4. Ceci est vrai si l’on considère que la
sollicitation modifie le terrain à volume constant.
Le calcul – ou plutôt la justification – des ouvrages souterrains est une science relativement récente.
Dans tous les pays encore, c’est le savoir-faire de l’ingénieur3 qui prévaut. Les calculs sont là pour justifier
le choix "empirique" du concepteur, basé sur son expérience passée acquise sur d’autres tunnels similaires.
L’ingénieur civil procède beaucoup par comparaison, et c’est encore plus vrai en tunnels. Le calcul est ainsi
un indicateur plus ou moins fiable qui confirme ou infirme un choix. Dans les cas non-courants où peu de
retours d’expérience existent — grandes sections, mauvais terrains, forte anisotropie, etc... — le recours aux
méthodes numériques permet de localiser et comprendre les mécanismes de ruine qui ne sont pas a priori
intuitifs. Le concepteur doit équilibrer la complexification de son modèle avec l’incertitude sur les valeurs de
paramètres choisis. Cela implique nécessairement la réalisation de programmes de reconnaissances adaptés.
Sinon, le raffinement de la modélisation restera très limité.
Le choix initial du profil-type de soutènement est donc encore l’affaire d’ingénieurs très expérimentés.
On peut espérer que ce savoir-faire se transmettra petit à petit avec le perfectionnement des méthodes,
ainsi que la précision du modèle de comportement de terrain choisi.
Deux méthodes se sont développées en parallèle pour utiliser les connaissances acquises par des retours
d’expérience et formaliser un peu l’empirisme qui régnait universellement dans les travaux souterrains au
début des années 70. Chacune à sa manière combine la valeur du RQD (cf. partie 2.2.2) à d’autres para-
mètres tels que la densité, la nature et le remplissage des discontinuités, les conditions hydrogéologiques,
etc... pour aboutir à une note globale du massif : l’indice RMR (Rock Mass Rating) pour Bieniawski et
l’indice de qualité Q pour Barton. Cette description conduit ensuite à déterminer le type de soutènement,
et même parfois la quantité, nécessaire à la stabilité de l’ouvrage.
Une bonne description de ces méthodes existe dans [12].
Classification de Bieniawski
Z. T. Bieniawski a présenté sa classification en 1973 en vue du dimensionnement des ouvrages souter-
rains et l’a modifiée à plusieurs reprises. La version actuellement utilisée est celle de 1989.
L’indice RMR est la somme de cinq notes représentant la quantification de cinq paramètres caractérisant
le rocher et d’une note d’ajustement dépendant de l’orientation des discontinuités vis-à-vis de l’ouvrage
(Fig. 3.5). Le RMR a été calculé pour varier dans la gamme 0 à 100. Il utilise à plus de 70% la fracturation
et n’accorde que 15% d’influence aux propriétés de la matrice et 15% aux conditions hydrogéologiques.
Par contre cette notation ne tient pas compte des situations de fortes contraintes dans le massif au droit
de l’ouvrage.
A partir de cette classification, Bieniawski donne des informations :
– sur les propriétés globales attribuées au massif rocheux (le module, la cohésion et l’angle de frottement
interne utiles lors de modélisations) ;
– sur la méthode d’excavation envisageable ;
– sur le type de soutènement le mieux adapté.
3
Et aussi, entre nous, du mineur dans de nombreuses situations.
50
Centre d’Etudes des Tunnels
Le mérite de cette classification est, lorsqu’elle est applicable, de faire intervenir des paramètres essentiels
et qui restent facilement mesurables sur le terrain. C’est pourquoi dans la pratique elle est très utilisée sur
le chantier par l’établissement, au stade du projet, d’un tableau de correspondance entre profils types de
soutènements, et nature et classes RMR de terrain, qui seront évaluées à partir du front. Cette évaluation
"à l’avancement" permet d’adapter le soutènement aux situations effectivement rencontrées tout au long
du chantier.
Classification de Barton
L’indice de qualité Q est le paramètre central d’une méthode, appelée Q-System, développée à partir
de 1974 par le NGI (Norwegian Geotechnical Institute) pour caractériser la qualité d’un massif rocheux en
vue du percement d’un tunnel et l’évaluation de sa stabilité.
La méthode repose sur le même principe que le RMR de Bieniawski, c’est-à-dire qu’il s’agit de donner
une note globale à la qualité d’un massif par l’intermédiaires de paramètres. Au lieu d’être une somme de
notes, il est le produit de six paramètres. A titre d’information :
RQD Jr Jw
Q= × ×
Jn Ja SRF
La valeur de Q varie logarithmiquement de 0.001 à 1000 et définit 9 classes de rocher correspondant à la
qualité du massif, depuis exceptionnellement mauvaise jusqu’à exceptionnellement bonne.
Recommandations de l’AFTES
Dans sa recommandation du GT1 parue en 2003 [9], l’Association Française des Travaux en Souterrains
propose une description plus générale du massif rocheux sous forme de notes alphanumériques caractérisant
chaque paramètre (indice de discontinuité, nombre et orientation des familles, type de roches, abrasivité,
altération, état de contrainte, etc...). A partir de cette combinaison qu’elle se garde bien d’unifier, l’AFTES
propose dans une autre recommandation (GT7 : voir [2]) un type de soutènement adapté, grâce à l’utili-
sation de plusieurs tableaux.
En résumé, pour citer l’AFTES : "Cette méthode définit des critères généraux pour le choix de certains
types de soutènements.[...]Un seul critère suffit souvent à éliminer certains modes de soutènement.". Elle
laisse donc plus de place à l’expérience du concepteur.
Domaines d’application
Le coefficient unique obtenu par Barton ou Bieniawski est à utiliser avec la plus grande prudence.
Certes très séduisantes pour le néophyte, il n’en reste pas moins que ces méthodes nécessitent une très
bonne connaissance du milieu rocheux et un jugement critique sur les résultats.
De part leur conception originelle (à partir de cas de tunnels creusés au rocher), les classifications ne
peuvent être utilisées efficacement pour les sols et les roches tendres. En d’autres termes, on ne peut utiliser
les classifications que dans les terrains où les discontinuités sont à l’origine des instabilités. Elles risquent de
plus de masquer certains défauts prépondérants, qui s’équilibrent avec la qualité d’autres paramètres. Dans
les projets, on raisonnera par faciès de terrains ayant les mêmes classes. A chaque faciès — correspondant
à une certaine longueur en galerie — sera associé un type de soutènement.
51
Cours de travaux souterrains et de mécanique des roches
F IG . 3.5 – Paramètres de classification des roches, corrections finales et notes de pondération pour Bie-
niawski (d’après [12]).
52
Centre d’Etudes des Tunnels
F IG . 3.6 – Renforcement d’un dièdre rocheux susceptible de tomber sous son poids-propre (d’après [29])
Bloc en voûte (Fig. 3.6) Dans ce cas il n’est pas nécessaire de considérer les propriétés mécaniques des
discontinuités pour calculer le soutènement. Les boulons doivent dépasser largement dans le rocher sain
pour assurer un ancrage suffisant (un mètre minimum). Le nombre total de boulons N peut être approché
par la formule suivante :
W ×f
N=
B
où
W est le poids du bloc ;
f , le coefficient de sécurité, souvent pris entre 2 et 5 ;
B, la charge maximale admise pour un boulon.
Il est important de noter que sur certains chantiers, le boulonage n’a pas suffit à empêcher la chute
du bloc, avec pourtant un coefficient de sécurité de 2 ou plus. Le chargement des tiges n’est en effet pas
simultané et certains ancrages sont plus sollicités que d’autres. Il convient donc de bien repérer le mode
de rupture et de bien répartir le positionnement des boulons.
Bloc en piedroits (Fig. 3.7) Dans ce cas il est nécessaire de connaître les propriétés mécaniques des
discontinuités, en particulier leur angle de frottement et leur cohésion. Lorsque la fracture sur laquelle peut
glisser le dièdre n’est pas assez cimentée ou rigueuse, un mouvement s’amorce lors du passage du tunnel. La
53
Cours de travaux souterrains et de mécanique des roches
F IG . 3.7 – Renforcement d’un dièdre rocheux susceptible de glisser sous son poids-propre (d’après [29])
résistance au cisaillement maximale n’est pas atteinte immédiatement, et le bloc peut sembler "tenir" alors
qu’il est à deux doigts de glisser. Quoiqu’il arrive, on vient systématiquement boulonner le dièdre dangereux.
La pression de serrage appliquée par le système de boulonnage — dès la mise en place ou naturellement
après un léger mouvement du boc — crée un effort normal supplémentaire sur la discontinuité, donc un
accroissement de la résistance au cisaillement du joint et par conséquent une augmentation de la sécurité
vis-à-vis du glissement.
On peut obtenir une estimation du nombre de boulons N nécessaire :
Avec :
W est le poids du dièdre incluant éventuellement celui de tous les autres blocs qu’il supporte ;
f , le coefficient de sécurité compris entre 1,5 et 3 ;
β, le pendage de la discontinuité de glissement ;
c, la cohésion de la discontinuité ;
A, l’aire de glissement ;
B, la charge maximale admise pour un boulon ;
α, l’angle que forment les boulons avec la normale à la discontinuité.
Notons que ces valeurs sont bien souvent difficiles à déterminer et le concepteur devra alors se référer
à la littérature pour obtenir des ordres de grandeur (φ, c, etc...).
Stabilité de bancs
Il s’agit du cas particulier d’ouvrages creusés en direction dans des massifs rocheux nettement stratifiés
horizontalement. Leur géométrie doit être élancée — forme quadrangulaire, voûtes surbaissées, etc... —
de telle sorte qu’un schéma de fonctionnement "poutre sur deux appuis" soit pertinent.
54
Centre d’Etudes des Tunnels
F IG . 3.8 – Représentation d’une galerie en direction dans un massif stratifié à pendage presque nul.
Dans la cas représenté Figure 3.8 le toit de la galerie est constitué d’un empilement de poutres au sens
de la RDM. On estime simplement la flèche de ces poutres et on compare les contraintes de traction, de
compression et de cisaillement aux résistances correspondantes.
Le dimensionnement du boulonnage nécessaire repose sur l’évaluation de la contrainte normale (traction
du boulon divisée par sa surface tributaire) nécessaire pour "serrer" les bancs, empêcher les glissements
relatifs et limiter la contrainte de traction dans la roche, compte tenu du coefficient de frottement entre
bancs.
Soient q la charge par unité de surface au dessus du toit, a la portée de la poutre, h sa hauteur effective
(compte tenu de l’action des boulons) et t la résistance en traction de la roche. Compte tenu d’une rotation
possible aux deux extrémités, on admet en première approximation que le moment maximal est :
qa2
M=
8
La contrainte de traction maximale associée qui s’écrit
6M
h2
doit être inférieure à la contrainte admiscible de la roche, d’où l’on déduit la longueur minimale des boulons :
s
a 3q
h≥
2 2σt
Soit par ailleurs φ l’angle de frottement entre deux bancs, T l’effort tranchant de la section considérée et
σb la pression de serrage qui doit s’opposer au glissement (précontrainte rapportée à la surface tributaire).
La contrainte maximale de cisaillement est atteinte à mi-hauteur au niveau des appuis :
3T
τ max =
2h
qa
T =
2
et on doit assurer σb tan φ ≥ τ max . Finalement on obtient :
3T
σb ≥
2h tan φ
55
Cours de travaux souterrains et de mécanique des roches
Cette méthode de calcul est relativement ancienne comparée aux calculs éléments-finis et aux concepts
plus réalistes de convergence-confinement. Elle est cependant simple à comprendre et à utiliser, ce qui
lui permet de rester une estimation courante (et économique) dans son domaine d’application (cf. dernier
paragraphe).
Déconnection terrain / soutènement
Le principe est d’étudier le comportement du soutènement (ou du revêtement) sous l’action de charges
extérieures. On réalise donc un calcul de structure classique que n’importe quel logiciel de RDM élaboré peut
mener. La géométrie du soutènement est rentrée précisément pour un mètre linéaire de galerie sous forme de
poutres 2D, puis on vient lui appliquer un chargement. On distingue alors des charges dites actives, qui sont
indépendantes de l’état de déformation, et des charges dites passives qui sont les réactions hyperstatiques
issues de la déformation du soutènement. La première catégorie regroupe la pression appliquée par le
poids des terrains (verticale et horizontale), la pression hydrostatique si le tunnel traverse une nappe, le
gonflement éventuel, le détachement d’un bloc, le poids propre du revêtement, la circulation routière à
faible profondeur, etc. Les secondes charges sont les réactions de butée du terrain (Fig. 3.9). Ces dernières
sont considérées comme linéairement liées aux déplacements, ce qui permet de les modéliser par une série
de ressorts, dont la rigidité K4 est issue des propriétés mécaniques de la roche ou du sol environnant.
F IG . 3.9 – Schéma classique d’un modèle aux réactions hyperstatiques, avec les forces actives et passives
(ressorts).
L’équilibre de la structure établi, il est alors possible d’accéder aux efforts dans le soutènement (M, N
et T) ainsi qu’aux convergences maximales.
Détermination des charges "actives"
Dans le modèle proposé, ces charges constituent le "chargement extérieur" qui ne sera pas modifié
par le déplacement de la structure. Elles dépendent de nombreux paramètres, tels que la profondeur, les
dimensions du tunnel, la qualité de la roche, le décousu laissé entre le front de taille et le soutènement,
etc...
Il existe de nombreuses théories permettant d’évaluer les pressions appliquées sur une structure de
soutènement.
Milieux continus La méthode des réactions hyperstatiques étant plutôt adaptée aux tunnels peu profonds
dans des sols, on utilise principalement les formules de Terzaghi ou de Caquot qui sont basées sur une
4
K est aussi appelé module de réaction.
56
Centre d’Etudes des Tunnels
F IG . 3.10 – Représentation géométrique des variables utilisées dans les formules de Terzaghi (d’après [12]).
rupture en coin du terrain en piédroits et l’effet du poids d’une voûte de décharge. La formule de Terzaghi
s’exprime ainsi (Fig. 3.10) :
b γ − 2C b
−2Htanφ
Pv = 1−e b
2tanφ
H et b sont la profondeur du tunnel et la largeur du cône d’effondrement estimé en clef de voûte. C, φ et
γ sont les paramètres de Coulomb et le poids volumique du terrain. La pression Ph sur les parois latérales
— qui peut être triangulaire — est estimée avec Pv et par l’intermédiaire du coefficient Ka (coefficient
de poussée) ou K0 (coefficient des terres au repos). D’autres formules, basées sur les classifications du
massif rocheux, fournissent des valeur approchées des pressions. Toutes sont à utiliser avec la plus grande
prudence.
Milieux discontinus Dans certains cas, il peut être intéressant de modéliser la chute d’un bloc rocheux
sur un soutènement/revêtement. Il faut alors vérifier la stabilité de la structure sous deux types de charge
active :
– Chute d’un bloc en voûte. On ne considère que le poids propre du bloc, situé en clef de voûte ;
– Chute d’un bloc en piédroit. Ce cas de charge disymétrique est particulièrement défavorable. Il
faut considérer le glissement du bloc sur une ou deux discontinuités.
Détermination des charges "passives"
Outre la difficulté de savoir jusqu’où placer les ressorts5 , il est souvent difficile, sans essais sur le
matériau, de déterminer la valeur du module K.
L’expression analytique du déplacement ~u en paroi d’un tunnel circulaire pour un massif de roche
élastique, isotrope et linéaire permet d’accéder à une expression approximative de ce module :
E
K =
(1 + ν)R
~q = K~u
5
Difficile d’évaluer le passage de l’état de butée à l’état de poussée : c’est la raison pour laquelle on procède toujours par
itérations successives.
57
Cours de travaux souterrains et de mécanique des roches
~q est la pression appliquée en paroi. Dans le logiciel, il suffira de considérer la butée comme une série
d’appuis élastiques normaux.
Le contact soutènement-terrain n’est jamais parfaitement glissant, et des frottements tangentiels
existent. On pourra également les modéliser par des ressorts, tangents au soutènement.
Champ d’application
En général, la méthode est adaptée aux ouvrages construits en terrain meuble ou en rocher fracturé,
sous faible couverture et avec des techniques de soutènements lourds (têtes de tunnel remblayées par
ex.). Dès que l’on s’enfonce un peu, il faut faire intervenir des concepts issus de la méthode convergence-
confinement. Il est impossible de modéliser un couplage terrain/soutènement au niveau des charges actives,
ce qui est un gros handicap si l’on utilise la NATM. Dans des cas particuliers cependant, la méthode aux
réactions hyperstatiques peut être utile à l’étude d’impacts sur les structures d’un tunnel : chute de blocs
en milieux rocheux discontinus ou impact d’un véhicule sur les structures internes (cloisons, dalles de
roulement, etc...).
Il est bon de rappeler que la pression des terrains ne s’applique pas sur toute la longueur du soutènement,
et que les contacts sont souvent localisés à certains endroits des cintres. Difficile dans ce cas de prédire
avec précision les sollicitations de la structure...
Enfin, notons que cette méthode s’avère très utile pour la tenue au feu des structures, la modélisation
étant bien plus simple qu’en éléments finis par exemple (cf. 3.2.7).
Plutôt que de méthode, il conviendrait de parler de concept. Les idées et théories qui sont liées à ces deux
termes : convergence et confinement, sont reprises dans toutes les autres approches du dimensionnement.
La convergence a été définie dans la partie 1.3.1, elle est liée à un déplacement6 . Le confinement est la
pression radiale qui s’applique sur le pourtour de l’excavation, en présence d’un soutènement. Il constitue
en quelque sorte le chargement du soutènement. On parle aussi de déconfinement, mais pour le terrain. Il
s’agit de la décompression causée par la présence du tunnel. Ce déconfinement s’amorce bien en avant du
front (un diamètre environ).
Pour situer le contexte, cette méthode est née suite au succès de la NATM dans les années 70. Sa
conceptualisation complète remonte au tout début des années 80.
La méthode convergence-confinement est une méthode analytique : toutes les formules sont explicites
et peuvent être entrées sur une simple calculette. Le lecteur désirant rentrer dans l’intimité de la méthode
pourra se référer à l’ouvrage de Marc Panet [28].
Hypothèses
L’hypothèse forte est la considération unidimensionnelle du problème :
– Hypothèse des déformations planes ;
– Hypothèse d’isotropie des contraintes initiales (K0 = 1) et d’isotropie du massif ;
– La cavité étudiée a une forme cylindrique.
L’état initial est défini par l’état de contrainte isotrope. H est la hauteur de couverture et γ le poids
volumique des terrains sus-jacents. La contrainte initiale dans le massif est donc :
σ0 = γH
Courbe de convergence
Pour passer d’un état tridimensionnel, avec un terrain que se déconfine progressivement autour du front
de taille, à un état de déformation plane (que l’on rencontre traditionnellement dans une section éloignée
6
C’est exactement la somme des déplacements en paroi de deux points diamétralement opposés.
58
Centre d’Etudes des Tunnels
du front), on introduit une pression fictive en paroi. Cette pression, uniformément répartie sur le pourtour
de l’excavation, a une valeur qui décroît avec l’éloignement au front. Pi varie ainsi de σ0 à 0, de l’état de
contrainte initial à l’état entièrement déconfiné. L’évolution de Pi est donc gouvernée par la distance x,
qui permet de se situer par rapport au front de taille (où x = 0). On écrit :
Pi = (1 − λ(x)) σ0
λ(x) est appelé taux de déconfinement car il caractérise l’état du massif à l’endroit x considéré. Il varie de
0 (état initial, en avant du front de taille) à 1 (état complètement déconfiné, loin en arrière du front).
Cette notion de pression fictive — illustrée sur la figure 3.12 — permet de ne considérer qu’une tranche
de terrain pour l’étude de l’effet de l’excavation, dans un état mécanique de quasi-déformations planes.
La théorie des milieux continus nous donne ensuite les champs de déplacement et de contrainte autour
du tunnel. Là où réside encore une forte incertitude, c’est dans l’équation permettant de définir λ(x).
Plusieurs auteurs ont proposé des formules, nous en retiendrons une, la plus simple, lorsque le terrain reste
en élasticité : !
m0 R 2
λ(x) = α + (1 − α) 1 −
m0 R + x
59
Cours de travaux souterrains et de mécanique des roches
α et m0 sont deux constantes (on prendra respectivement 0.25 et 0.75) et R le rayon d’excavation.
La courbe de convergence (Fig. 3.11) est la courbe donnant la valeur du déplacement en paroi u en
fonction de la pression fictive Pi , et en l’absence de soutènement. Il s’agit d’une courbe paramétrique —
de paramètre x — qui se représente sur un graphe (Pi , u).
La théorie de l’élasto-plasticité permet d’obtenir l’équation de cette courbe pour des critères simples
(Mohr-Coulomb par exemple). Le détail des calculs sort du cadre de ce cours, nous nous contenterons
simplement de distinguer deux phases et de donner les principaux résultats 7 :
– Une phase élastique, de u = 0 à u = uic . Le terrain se déconfine progressivement de manière
linéaire. Par prolongement de la droite sur l’axe des abscisses, on obtient le pseudo-déplacement
élastique ue . L’expression simple de ue donne une première approximation des déplacements en
tunnels :
(1 + ν)
ue = Rσ0
E
– Une phase plastique, de u = uic à u = uinf . Le terrain en paroi passe dans un état de déformations
irréversible. Il y a rupture par excès de compression, par écrasement. Parfois la courbe ne recoupe pas
l’axe des abscisses, et la paroi se referme sur elle-même (très grandes déformations). L’état plastique
est à éviter, c’est un des rôles du soutènement. Pour le critère de Mohr-Coulomb, l’équation de la
courbe plastique est :
!Kp −1
β+1
(1 + ν) R Rp
u=R C1 + C2 + C3
E Rp R
Avec :
C1 = −(1 − 2ν)(σ0 + H)
!
(1 − ν)(1 + βKp ) 2(σ0 + H)
C2 = −ν
Kp + β Kp + 1
7
Le lecteur désireux de connaître le détail des équations élasto-plastiques se réfèrera à [25].
60
Centre d’Etudes des Tunnels
(Kp − 1)(σ0 + H)
C3 = 2(1 − ν)
Kp + β
" # 1
2(σ0 + H) RKp −1 Kp−1
Rp =
K p + 1 Pi + H
Enfin, pour tracer la courbe il faut calculer la pression Pic d’apparition de la plasticité :
2σ0 − H(Kp − 1)
Pic =
Kp + 1
Pour calculer le déplacement maximal du terrain uinf , on utilise les formules ci-dessus en prenant simple-
ment Pi = 0.
Lorsque le terrain est de bonne qualité, dans les roches dures par exemple, il se peut que la paroi reste
en élasticité durant tout le déconfinement. Un critère très utilisé en travaux souterrains pour déterminer si
le massif encaissant risque de rentrer en plasticité est le facteur de stabilité :
2σ0
F =
Rc
Avec Rc la résistance en compression simple de la roche ; si F > 1 alors il y a risque d’instabilité.
Les figures du tableau 3.1 permettent de visualiser l’influence des différents paramètres du modèle
élastoplastique de Mohr-Coulomb sur la courbe de convergence. Le tunnel de référence qui a servi à l’étude
paramétrique est le suivant : R = 6m, σ0 = 1.25MPa, ν = 0.3, E = 500MPa, ϕ = 20˚, C = 200kPa et
ψ = 0˚.
Courbe de confinement
Une deuxième courbe est requise pour la méthode. Il s’agit de la courbe de confinement (Fig. 3.11),
qui va permettre de caractériser le comportement du soutènement sous son chargement.
Le chargement considéré est purement radial, il s’agit d’une pression appliquée sur tout le pourtour
extérieur de la structure8 . Le calcul du déplacement radial us en fonction de la pression appliquée Ps
permet de tracer la courbe de confinement sur un graphe identique à celui de la courbe de convergence.
On distingue également deux phases dans les modèles classiques :
– Une phase élastique, de us = 0 à us = umax . Le soutènement se comporte linéairement.
– Une phase plastique, après umax . Cette zone correspond à la rupture du soutènement, elle est
donc interdite.
Optimisation du soutènement
Une fois paré de nos deux courbes — l’une caractérisant le comportement du terrain et l’autre celui
du soutènement — on va pouvoir les coupler pour étudier l’interaction roche-structure. Comment ?
8
On considère souvent une structure circulaire en forme de coque, typiquement du béton projeté, pour simplifier les calculs.
Mais la courbe de confinement se détermine aussi pour les autres soutènements.
61
Cours de travaux souterrains et de mécanique des roches
62
Centre d’Etudes des Tunnels
On va simplement superposer les deux courbes. La pression fictive de l’un correspond parfaitement
au chargement du second. Mais le couplage va nécessiter l’introduction d’un nouveau paramètre : le
déplacement à la pose du soutènement. En effet, le soutènement n’est pas posé immédiatement au front
de taille, et encore moins dès les prémices de déconfinement en avant du front. Il est posé à quelques
décimètres en arrière9 , alors que le terrain s’est déjà partiellement déconfiné. On ajoute ainsi un paramètre
ud , qui est stricto-sensu le déplacement en paroi à la pose du soutènement. ud est bien entendu étroitement
lié à λd , taux de déconfinement à la pose.
Le point d’intersection des deux courbes correspond ainsi au point d’équilibre entre terrain et soutè-
nement. C’est ce point (Péq , uéq ) qui donne l’état mécanique de la structure "à l’infini", loin du front
de taille. Toute la puissance de la méthode convergence-confinement réside donc dans cette simplicité de
représentation. En jouant sur chacun des paramètres du problème, on optimise le soutènement : pas ou
peu de plasticité pour le terrain, et chargement à 70 ou 80 % de la rupture pour le soutènement.
A titre d’exemple, en jouant sur le paramètre ud : un soutènement placé trop près du front de taille sera
chargé prématurément et arrivera donc plus rapidement à la rupture. A l’opposé, un soutènement placé
trop loin du front n’aura aucun effet, car le terrain se sera déjà presque entièrement déconfiné, voire ef-
fondré, et le chargement sera pratiquement nul. Rappelons que le soutènement est aussi là pour limiter la
convergence.
Domaines d’application
La méthode est essentiellement utilisée dans le cadre d’un prédimensionnement des soutènements.
Les hypothèses de base sont en effet rarement toutes vérifiées dans la réalité ; le cas idéal étant celui du
tunnel circulaire profond en milieu isotrope. Néanmoins l’approche est valable pour obtenir des "ordres de
grandeurs" d’épaisseur de soutènement dans les cas suivants :
– Le massif de terrain doit pouvoir être représenté comme un milieu homogène, isotrope et continu à
l’échelle de l’ouvrage. Cela conditionne les calculs dans le cadre de la mécanique des milieux continus.
La partie 2.4 présente brièvement les roches qui peuvent être considérées comme continues.
– Le dimensionnement concerne une section courante du tunnel. Afin de pouvoir simplifier le problème
tridimensionnel en un problème unidimensionnel, il faut que de part et d’autre de la section étudiée,
le terrain soit identique sur un tronçon de quelques dizaines de mètres. Cette condition exclut donc
également les têtes du tunnel. La distance entre la clé de voûte du tunnel et la surface topographique
doit être au minimum égale à 4 fois le diamètre du tunnel. Les conditions de creusement doivent
être identiques sur un linéaire d’au moins 1 diamètre en avant et 2 diamètres en arrière de la section
étudiée.
– La géométrie du tunnel est supposée circulaire dans la méthode. Dans le cas d’une section quasi-
circulaire, on utilisera un rayon équivalent, calculé par exemple sur la base d’une section circulaire
identique. La condition de circularité parfaite exclut de pouvoir calculer les moments de flexion dans
le soutènement. Ces derniers sont pourtant souvent dimensionnants.
– L’état de contraintes initial est isotrope (K0 = 1). Cela se vérifie souvent à moyenne et grande
profondeur.
La notion d’équilibre par déconfinement progressif — à la base du concept — est quant à elle reprise dans
les calculs par éléments finis phasés. Cette méthode, nous le verrons dans la partie suivante, nécessite la
donnée du taux de déconfinement à la pose du soutènement.
Apparues dans les années 70, d’abord pour les matériaux métalliques et progressivement adaptées pour
les géomatériaux, les méthodes numériques10 permettent d’obtenir des champs de déplacements et de
contraintes avec un niveau de précision sans équivalent. On est vite tenté de les utiliser systématiquement
9
De 0,5 à 4m pour un tunnel routier classique (D ≈ 12m).
10
Aussi appelées méthodes du solide composite dans les travaux souterrains.
63
Cours de travaux souterrains et de mécanique des roches
tant leur rapidité et leur simplicité d’utilisation sont grandes. Il convient cependant de borner précisemment
leurs domaines d’utilisation ainsi que l’utilité d’une modélisation complexe.
Milieu continu : éléments finis, différences finies...
Présentation générale Pour les milieux continus11 , il existe deux méthodes de calculs similaires basées
sur une discrétisation spaciale du massif rocheux. Nous ne rentrerons pas dans le détail de la description de
ces méthodes, car elles sont identiques à celles utilisées en Génie Civil ou en Mécanique. On se contentera
de donner quelques recommandations et quelques limitations sur leur application aux travaux souterrains :
– Ne pas perdre l’idée qu’un tunnel, surtout près du front de taille, constitue un problème complètement
tridimensionnel. Seuls les calculs 3D — plus longs et coûteux que les calculs 2D — permettent
donc d’appréhender efficacement l’état de déformation du massif. On peut toutefois s’affranchir de
la troisième dimension en utilisant les concepts de convergence-confinement (pression fictive, voir
partie 3.2.6).
– On ne peut, à priori, modéliser qu’un massif continu. Les discontinuités uniques localisées peuvent
tout de même être représentées mais nécessitent un raffinement du maillage et une bonne connais-
sance de leur comportement au cisaillement.
– Les conditions initiales et aux limites du modèle sont primordiales pour la qualité du résultat.
– Conditions initiales : Déplacements nuls et contraintes initiales σ = σ0 .
– Conditions aux limites : Déplacements nuls aux frontières du modèle, situées à 4 ou 5 diamètres
du tunnel. Le déplacement est laissé libre à la surface topographique.
– Les lois de comportement utilisées peuvent être très complexes et nécessiter la mesure d’un grand
nombre de paramètres que très peu de projets vont justifier. On utilise donc dans 90% des cas les
lois élasto-plastiques de Mohr-Coulomb (5 paramètres avec la dilatance) ou de Hoek et Brown (6
paramètres avec la dilatance).
– Le maillage nécessite d’être plus raffiné dans les zones de forte variation des contraintes — dans les
angles d’une excavation par exemple.
En France, trois logiciels sont principalement employés en travaux souterrains : CESAR (Éléments finis,
logiciel élaboré par le LCPC), PLAXIS (Éléments finis, par la société DELFT) et FLAC (Différences finies,
par la société ITASCA).
Modèle 2D en déformations planes Les calculs en déformations planes, dans le profil en travers d’une
section de tunnel, représentent 98% des calculs numériques réellement effectués en bureau d’étude. Ils
utilisent les concepts de pressions fictives et de déconfinements élaborés pour la méthode convergence-
confinement. Ils apportent d’ailleurs de nombreux avantages par rapport à cette dernière : section quel-
conque, état de contrainte anisotrope, calculs en sections divisées (Fig. 3.13.a). Le calcul se réalise par
phases successives, à des états de déconfinement progressifs :
1. Massif de roche ou de sol continu sans tunnel. On applique la gravité, et on définit ainsi notre "état
initial" ;
2. Creusement simulé par l’annulation de la rigidité des éléments dans le tunnel, et par l’application d’une
pression de déconfinement — appelée force d’excavation — sur la paroi, directement opposée aux
contraintes initiales qui agissaient sur ces éléments. Déconfinement jusqu’à la pose du soutènement
(λ = λp ).
3. Mise en place du soutènement à λp . Application de la force de déconfinement restante et équilibre
du massif avec le soutènement.
4. Effets différés sur le revêtement (viscosité ou rétablissement d’une charge hydrostatique par exemple).
Dans le cas d’un creusement par demi-sections, il faut répéter le processus pour chaque phase de creuse-
ment. La difficulté supplémentaire est alors de déterminer λ pour chaque phase.
11
Pour la distinction milieu continu/discontinu, on se réfèrera à la partie 2.4.
64
Centre d’Etudes des Tunnels
Modèle 2D axisymétrique Les modèles axisymétriques représentent le tunnel selon son axe longitudi-
nal. Les hypothèses d’axisymétrie sont celles de la méthode convergence-confinement : section circulaire,
matériau isotrope, état de contrainte isotrope. Mais ils ont le gros avantage de pouvoir étudier l’état mé-
canique du terrain autour du front de taille. C’est par cette modélisation que l’on approche la fameuse loi
d’évolution du coefficient λ (Fig. 3.13.b).
La méthode des éléments distincts s’attache a représenter le comportement de milieux discrets, allant
des milieux faiblement fracturés (méthode des dièdres) à fortement fracturés, presque continus. Les assem-
blages de blocs — qui peuvent être modélisés sous forme rigide ou déformable — interagissent au travers
de joints, représentés par des contacts.
La méthode permet de prendre en compte les grands déplacements, les rotations et les instabilités à un
stade avancé. Des contacts peuvent donc s’ouvrir puis disparaître, et d’autres apparaître. Un algorithme
de reconnaissance automatique des contacts doit être intégré et relancé à chaque incrément cinématique
(Fig. 3.14).
L’unique logiciel permettant de mener à bout ces calculs est UDEC - 3DEC (société ITASCA). Il est à
noter que cette méthode nécessite une très bonne reconnaissance de l’état de fracturation du massif, et un
temps de calcul encore très élevé. La représentation 2D, certes plus rapide, reflète mal le comportement
véritablement tridimensionnel de ce type de problème. C’est pourquoi les éléments distincts sont encore
65
Cours de travaux souterrains et de mécanique des roches
F IG . 3.14 – Etude du renforcement par boulonnage d’une mine de charbon sous UDEC (d’après Lendel et
al. 2004). Les contraintes normales sont représentées par des histogrammes.
très peu utilisés pour dimensionner les talus dans les bureaux d’étude géotechniques, et encore moins pour
vérifier un soutènement de tunnels.
L’estimation des tassements engendrés en surface par le creusement d’une cavité n’est pas chose aisée.
Le déplacement vertical de la cote T.N. au droit du tunnel est la répercussion en surface des déplacements
en paroi (convergence et extrusion), du drainage éventuel voire des vibrations émises par les engins. Ces
déplacements sont non seulement liés à la configuration géométrique et mécanique, mais aussi au procédé de
creusement choisi : tunnelier avec front ouvert, fermé, pression de confinement ; soutènement du front avec
boulons, prévoûtes ; pose du revêtement très près du front, etc... De façon générale, on ne s’intéressera
aux tassements que pour les ouvrages souterrains urbains de faible profondeur, et pour ceux passant à
proximité d’autres ouvrages "à risques" : voie de chemin de fer, pile de viaduc, etc...
Transversalement au tunnel, la cuvette de tassement est assez bien approximée par une courbe de
Gauss. Des formules plus ou moins empiriques ont été proposées pour estimer le volume de terrain tassé,
ainsi que l’amplitude de ce tassement.
L’AFTES a édité en 1995 une recommandation pour estimer ces mouvements de terrains [3].
66
Centre d’Etudes des Tunnels
3.3 Exercices
Avec λ et µ des coefficients sans dimension ne dépendant que des orientations relatives du talus et des
discontinuités.
Les logiciels aux éléments-finis du commerce (Plaxis, Cesar-LCPC, C-Tunnel, Flac...) permettent de
modéliser assez simplement le creusement d’un tunnel. L’exercice qui vous est proposé vous permettra
d’étudier l’influence des divers paramètres géotechniques et géométriques sur la stabilité d’une excavation
67
Cours de travaux souterrains et de mécanique des roches
souterraine classique — tunnel routier à deux voies de circulation — ainsi que de localiser les zones sensibles
autour de l’excavation. L’exemple choisi est le tunnel du Bois de Peu, près de Besançon et le logiciel Plaxis.
Présentation de l’étude
Tunnel étudié La section de tunnel que nous allons modéliser appartient au projet du tunnel routier de
Bois de Peu, long de 511 m, sur le contournement sud de Besançon (Voie des Mercureaux). Le chantier
de creusement par méthode traditionnelle devrait débuter pendant l’été 2005. La maîtrise d’oeuvre et la
maîtrise d’ouvrage sont assurés par la DDE du Doubs, assistée tout au long du projet par le Centre d’Études
des Tunnels (Cetu). Le groupement Spie - Campenon - Chantiers Modernes a remporté le marché.
Géométrie Il convient tout d’abord de rentrer la géométrie transversale du tunnel dans le logiciel (sou-
tènement uniquement). Toutes les données sont fournies sur la Fig. 3.16. Il s’agit du profil de soutènement
P2-P3, prévu pour être placé sur une centaine de mètres. Ces données sont typiquement celles que l’on
peut trouver dans le Dossier de Consultation des Entreprises.
La hauteur de couverture est de 100 m.
Paramètres du terrain Il s’agit de calcaires marneux dont les caractéristiques ont été obtenues à la
suite d’une campagne d’essais — in situ et en labo — sur des sondages carottés. On peut en première
approximation considérer le milieu comme continu, avec un modèle de comportement de Mohr-Coulomb :
Paramètre Désignation Valeur et unité
Module d’Young E 800 MPa
Coefficient de Poisson ν 0.3
Masse volumique ρ 2.40 t/m3
Cohésion C 700 kPa
Angle de frottement ϕ 30˚
Angle de dilatance ψ 0˚
Les contraintes initiales sont anisotropes : K0 = 0.7
Paramètres du soutènement Le soutènement est constitué par des cintres métalliques HEB 200 (S355)
tous les mètres, avec un blindage de béton projeté. Il s’agit donc d’une structure mixte acier-béton. Pour
les calculs, on prendra des caractéristiques homogénéisées suivantes :
– Module d’Young équivalent : Eéqui = 11613 MPa
– Epaisseur de soutènement équivalente : eéqui = 0.255 m
– Masse volumique équivalente : ρéqui = 2.5 t/m3
– Coefficient de Poisson équivalent : νéqui = νbéton = 0.2
Le soutènement est posé à 1 m du front de taille, ce qui correspond à un taux de déconfinement à la pose
λp = 0.542 (calcul issu d’une approximation avec la méthode convergence-confinement).
Calcul Après avoir raffiné le maillage plusieurs fois autour du tunnel, le calcul se déroulera en deux
étapes :
– Dans une première étape, on excave la section entière du tunnel sans poser le soutènement. Dans
Plaxis il suffit de désactiver la zone de terrain correspondante (Stage construction). Pour
modéliser le déconfinement partiel et inéluctable du terrain à ce stade, on va introduire la valeur du
coefficient de déconfinement λp en cliquant sur Advanced... dans Parameters. Saisissez sa
valeur dans la case Σ-Mstage ;
– La deuxième étape correspond au déconfinement final du terrain, après la mise en place du soutène-
ment (chargement de celui-ci jusqu’à l’équilibre). Vous activerez donc la structure de soutènement
et vous vous assurerez que le déconfinement est total (Σ-Mstage = 1).
68
Centre d’Etudes des Tunnels
F IG . 3.16 – Section courante du tunnel de Bois de Peu, profil P2-P3 (doc. Cetu).
69
Cours de travaux souterrains et de mécanique des roches
Vous placerez une série de points de mesure, répartis sur le pourtour de l’excavation.
Interprétation des résultats
Afin de constituer la note de calcul, localisez pour chaque phase :
– Les déplacements radiaux maximaux en parois, leur valeur et leur emplacement ;
– Les contraintes normales et tangentielles maximales subies par le béton du soutènement, valeur et
emplacement ;
– L’extension de la zone plastique autour du tunnel.
Dans la note d’hypothèses générale, l’entreprise – en accord avec le maître d’oeuvre – a fixé des seuils à
ne pas dépasser en phase de dimensionnement :
70
Centre d’Etudes des Tunnels
Une étude des discontinuités d’une paroi de galerie en cours de creusement doit être effectuée. Pour
cela on trace une ligne horizontale sur un des piédroits verticaux. Le massif rocheux recèle deux familles de
discontinuités qui sont inclinées entre elles de 75˚(cf. Fig. 3.17). La trace du jeu A fait un angle de 55˚avec
la ligne horizontale. Un grand nombre de mesures donnent un espacement moyen entre discontinuités (valeur
de l’indice ID) de 0,450 m pour la famille A et 0,800 m pour la famille B.
1. Estimation du RQD.
(a) Calculez la valeur de l’indice ID normal de chaque famille. Déterminez ensuite la classe ID de
ces familles.
(b) Quelle est la valeur de l’indice ID global de toutes les discontinuités confondues dans la direction
de la ligne de mesure ?
(c) En supposant que l’ID des deux familles confondues suit une loi de distribution en exponentielle
négative, estimez le RQD du massif rocheux dans la direction de la ligne de mesure.
2. Estimation du RMR (Fig. 3.5)
(a) Considérons que chaque famille de discontinuité coupe la galerie perpendiculairement à son
axe d’avancement avec une orientation des joints très favorable. La matrice rocheuse intacte
possède une résistance à la compression simple de 120 MPa, la surface des joints est légèrement
rugueuse avec une séparation moyenne de 0,2 mm et, bien qu’il y ait de l’eau à l’intérieur des
joints, l’écoulement dans la galerie est assez faible. Déterminez l’indice RMR de base pour ce
massif rocheux.
(b) La valeur trouvée conduit-elle à une bonne stabilité des terrains sans soutènement ?
La figure 3.18 représente une vue en plan d’un puits vertical, creusé à proximité d’une faille remplie
d’argile. L’état de contrainte environant est considéré isotrope, de valeur σ0 = 8 MPa. Le comportement
de la faille est purement cohésif, avec une cohésion C = 1,8 MPa.
En considérant le milieu élastique, déterminez la contrainte de cisaillement maximale dans la faille,
générée par le creusement du puits. Peut-on alors conserver l’hypothèse d’un état de déformation élastique ?
Rappel
En coordonnées cylindriques, le champ de contrainte autour de la cavité est le suivant :
R2
σ
rr
= σ 0 1− r2
R2
σθθ = σ0 1 + r2
σrθ = 0
71
Cours de travaux souterrains et de mécanique des roches
On se place dans le cas d’une portion de tunnel routier à projeter de longueur 300m pour laquelle la
hauteur de couverture h varie selon le schéma indiqué Fig. 3.19. On désire dimensionner le soutènement lors
du creusement du tunnel. L’excavation est supposée circulaire de rayon R égal à 5 mètres et creusé dans le
sens d’une augmentation de la hauteur de couverture. Le terrain est homogène dans la portion considérée
et possède un comportement élastoplastique parfait dont les paramètres sont donnés en Figure 3.19. On
supposera que la méthode convergence-confinement est valable et la pression initiale P est calculée de la
façon suivante pour chaque section :
P = γ.h
avec :
γ : poids volumique du terrain pris égal à 0,025 MN/m3 ;
h : hauteur de couverture de la section considérée ; la valeur de h sera prise égale à la distance entre
la côte du terrain naturel au droit de la section et le centre de l’excavation.
Dimensionnement de la section de hauteur de couverture minimale (Si)
On s’intéresse dans cette partie à la section (Si) (voir Figure 3.19) de la portion dont la hauteur de
couverture est minimale. On cherche à dimensionner l’épaisseur de soutènement à mettre en oeuvre.
1. Montrer que la pression initiale P du terrain avant creusement pour la section (Si) est égale à
1.25MPa. Y a-t-il apparition de la plasticité dans le terrain pour la section (Si) ?
2. Quelle est la valeur finale du déplacement de la paroi au cas où aucun soutènement n’est mis en
place ?
3. Tracer la courbe de convergence du massif pour la section (Si).
4. On décide de mettre en oeuvre en (Si) un soutènement à base de béton projeté dont les caractéris-
tiques sont les suivantes :
– Module d’Young Eb = 10 000 MPa
– Coefficient de Poisson νb = 0,2
– Contrainte maximale de compression admissible σmax = 20 MPa
L’épaisseur choisie (e) est de 20 centimètres et la distance de pose (d) du soutènement par rapport
au front de taille est de 1,5m.
72
Centre d’Etudes des Tunnels
(a) Calculer le taux de déconfinement λp à la pose du soutènement. Calculer la pression fictive Pid
à la pose du soutènement.
(b) Quel est le déplacement ud du terrain à la pose du soutènement ?
(c) Tracer la courbe de confinement.
5. On recherche les valeurs atteintes à l’équilibre :
(a) Quelle est la valeur du déplacement de la paroi à l’équilibre ?
(b) Quelle est la valeur du taux de déconfinement à l’équilibre ?
(c) Quel pourcentage de la contrainte maximale admissible σs a-t-on mobilisé à l’équilibre ?
(d) Conclusions sur l’épaisseur de soutènement choisie pour la section (Si).
73
Cours de travaux souterrains et de mécanique des roches
(d) On propose de mettre en oeuvre un béton projeté don les caractéristiques sont identiques à la
question 2 de la partie précédente. On garde la même épaisseur e de soutènement égale à 20cm.
Tracer la courbe de confinement correspondante. Conclusion sur l’épaisseur de soutènement
choisie pour la section (Sf).
3. On suppose que sur toute la longueur de la portion projetée (300m), à cause de contraintes de
chantier, on prévoit de mettre en oeuvre deux types de soutènements différents à base de béton
projeté dont les caractéristiques sont identiques à la question 2 de la première partie mais d’épaisseurs
e différentes.
D’après les résultats obtenus, indiquer qualitativement la manière dont on doit procéder pour choisir
les épaisseurs à mettre en oeuvre dans la portion considérée.
On se place dans le cas d’une portion de tunnel routier à projeter pour laquelle, d’une part, la hauteur
de couverture h est constante et égale à 100m et, d’autre part, la géologie est parfaitement homogène.
Afin de mieux connaître le comportement mécanique des terrains à traverser, une galerie de reconnaissance
de diamètre plus petit que le futur tunnel a été creusée (galerie pilote). Des mesures de convergences
ont été réalisées afin de mieux apprécier la stabilité de l’excavation. A partir des résultats de la galerie de
reconnaissance, on désire dimensionner le soutènement lors du creusement du futur tunnel.
On supposera que la méthode convergence-confinement est valable pour les calculs dans la galerie et
le dimensionnement du futur tunnel routier. La pression initiale P est calculée de la façon suivante pour
chaque section :
P = γ.h
avec :
γ : poids volumique du terrain pris égal à 20 kN/m3
h : profondeur moyenne à l’axe du tunnel ;
Calcul du module du terrain à partir des résultats issus de la galerie de reconnaissance
La galerie excavée a une section rectangulaire. Pour se placer dans les hypothèses de la méthode
convergence-confinement, on a calculé un rayon équivalent R1 = 1,5m. Le terrain est homogène dans la
portion considérée et possède un comportement élastoplastique parfait. Le critère de plasticité est celui de
Mohr-Coulomb. La profondeur h est constante et prise égale à 100m. Dans la portion étudiée, la galerie a
été creusée alors qu’aucun soutènement n’a été mis en place.
Des mesures de convergences ont été réalisées dans cette galerie pour une section donnée. Elles
consistent à mesurer quotidiennement le déplacement radial de la paroi au cours de l’excavation. On
suppose que la première mesure a été réalisée au front de taille et que la dernière mesure a eu lieu alors
74
Centre d’Etudes des Tunnels
que le front de taille est très éloigné par rapport à la section de mesure. Les dernières mesures n’évoluent
pas et montrent que le déplacement radial de la paroi est stabilisé depuis un certain temps. La convergence
(c’est-à-dire le double du déplacement radial de la paroi) obtenue entre la première mesure et la dernière
mesure est égale à 8,15mm.
On cherche à retrouver le module d’Young E du terrain à partir des mesures de convergences réalisées
dans la galerie de reconnaissance.
Des reconnaissances antérieures par sondages carottés ont montré que les paramètres élastoplastiques
du terrain sont les suivants :
– Paramètres terrain : Coefficient de Poisson νt : 0,3
– Cohésion C : 1,2 MPa
– Angle de frottement interne ϕ : 30˚
– Angle de dilatance ψ : 0˚(β=1)
1. Montrer que le terrain reste élastique lorsque le front est très éloigné de la section considérée,
c’est-à-dire lorsque la dernière mesure de convergence est effectuée.
2. Calculer le taux de déconfinement du terrain au moment où la première mesure de convergence est
effectuée. On utilisera pour cela la formule élastique donnée en cours reliant la distance de pose du
soutènement au taux de déconfinement à la pose.
3. Calculer le module d’Young E du terrain à partir des résultats des mesures de convergences.
75
Corrigés des Exercices
Chapitre 1
Pas d’exercices.
Chapitre 2
Exercice 2.5.1 : Contraintes naturelles
1. Ecrire la relation de comportement en élasticité linéaire isotrope :
(1 + ν) ν
= σ − trace(σ)I
E E
et utiliser les hypothèses d’état de déformation oedométrique.
2. σz = 26, 46MPa, σx = σy = 8, 82MPa
3. Pas d’état de contrainte isotrope.
4. La poussée décale la droite σy de 10MPa. Elle coupe la droite σz en un point où σy = σz . Ce point
est situé à 567m de profondeur.
5. A 3000m, les roches deviennent plus ductiles et le phénomène de fluage accomode les inégalités de
pression.
V 1 2.1010 1
v= × = × = 0, 126 m/s
t l.p 365 × 24 × 3600 1000 × 5
Q
l>
p.v
Soit l > 3170m.
Dans ces conditions – v voisine de 4 cm/s et l voisine de 3170 m – il y a peu de particules fines dans
les alluvions.
6. La partie amont est caractérisée par des sables grossiers et des graviers provenant du tri des débris
de roches granitiques, la partie aval sera, elle, caractérisée par des particules fines en provenance de
l’amont et donc par une charge argileuse.
Le climat tempéré de la partie aval fait que l’on ne décélera que peu de particules calcaires, les
phénomènes de dégradation mécanique étant restreints sous un tel climat.
7. Dans la mesure où l’on retrouve dans la retenue la totalité des matériaux érodés et où il y a répartition
homogène, on aura un envasement annuel de :
5.106
= 0, 2m
2500.104
Soit une vase de 20cm d’épaisseur.
77
Cours de travaux souterrains et de mécanique des roches
Chapitre 3
Exercice 3.3.1 : Dièdre sur versant rocheux
c
F IG . 3.21 – Graphique ( γh , tan ϕ)
Le graphe 3.21 permet de situer les limites au-delà desquelles il y a toujours stabilité :
λ12
ϕ0 = arctan
λ1 + λ2
γhλ12
c0 =
µ1 + µ2
Application numérique :
√
3
µ1 = µ2 = 2
1
λ1 = λ2 = 3√1+cos α
2
λ12 = 3
α est l’angle entre les deux plans : α = arccos − 13 = 109.47˚. Le calcul aboutit à la stabilité du dièdre
avec un coefficient de sécurité d’1.5 environ.
Exercice 3.3.2 : Etude du tunnel du Bois de Peu avec un logiciel aux éléments-finis
Pas de correction disponible pour le moment.
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Centre d’Etudes des Tunnels
(c) RQD=95,2.
2. Estimation du RMR.
(a) RMR=69.
(b) Nous sommes dans un bon rocher, avec un temps de tenue moyen de 6 mois pour 4m de portée
non-soutenue.
Pour calculer la valeur du cisaillement sur la faille, il faut exprimer la valeur du couple (τ , σn ) en
fonction de σrr et σθθ avec l’aide du cercle de Mohr (Fig. 3.22). Après calcul, on trouve :
!
R2
σn = σ0 1 − 2 cos 2α
r
R2
τ = σ0 sin 2α
r2
1. Non.
2. 8, 1.10−3 m
3. Cf. Fig. 3.23
4. (a) λp = 0, 6 et Pid = 0.5MPa
(b) ud = 4, 9mm
79
Cours de travaux souterrains et de mécanique des roches
1. x = 24m
2. (a) Pic = 2, 88MPa et uic = 3cm. Avec les constantes de plasticité suivantes : C1 = −3, 69MPa,
C2 = 1, 85MPa, C3 = 6, 46MPa, β = 1, Kp = 3, RP 0 = 8, 16m et u0 = 9, 24cm.
(b) Cf. Fig. 3.23
(c) ud = 2, 9cm et Pid = 3MPa. Non.
(d) Rupture du soutènement.
3. Il faut limiter au maximum les changements de section — donc de soutènement — sur un profil
en long de tunnel. On choisira donc deux soutènements, calculés selon leur configuration la plus
défavorable (pour x maximum). On conserve le soutènement en Si jusqu’à une certaine valeur de x
(qu’il faudrait déterminer), puis on aggrandit l’épaisseur de béton sur le reste de la portion de tunnel
pour qu’il résiste aux pressions calculées en Sf.
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Centre d’Etudes des Tunnels
3. Le déplacement mesuré loin du front n’est pas uinf mais uinf − uf ront . On trouve E = 700MPa.
81
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Plusieurs sites Internet abordent les travaux souterrains et la mécanique des roches. Voici une courte liste
de sites intéressants :
– http ://www.aftes.asso.fr/, le site de l’AFTES (incontournable) ;
– http ://www.asquapro.asso.fr/, le site de l’ASQUAPRO (béton projeté) ;
– http ://www.ita-aites.org/, le site de l’AITES (l’AFTES mondiale) ;
– http ://www.planete-tp.tm.fr/, le musée virtuel des travaux publics ;
– http ://www.cetu.equipement.gouv.fr, le Centre d’Études des Tunnels et les dossiers pilotes ;
– http ://www.solem.ch/Tunnel/ (en construction), didacticiel sur les tunnels ;
– http ://www.geotechnique.org/, la page d’accueil des trois associations françaises en lien avec la
géotechnique : Comité Français de Mécanique des Sols, Comité Français de Mécanique des Roches
et Comité Français de Géologie de l’Ingénieur ;
– http ://www.rocscience.com/, site de Hoek en anglais.
Le site de l’AFTES possède une page de liens vers les entreprises spécialisées en travaux souterrains.
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