Des Hommes Autour Au Prophète-Khalid Mohammad Khalid
Des Hommes Autour Au Prophète-Khalid Mohammad Khalid
Des Hommes Autour Au Prophète-Khalid Mohammad Khalid
DES HOMMES
AUTOUR DU PROPHTE
"
QU'ALLAHLE BENISSE ETLE SALUE
Traduction
Abdou harkat
DAR AI-KOrOB AL-ILMIYAH
Beyrouth - Liban
Les abrviations
() Prire et salut sur lui ( ~ )
(s) Salut sur lui (i".>LJ1 ~ )
(r) Dieu l'agre ( ~ . & I
(b.) : ben (fils de) (<<0'!1 0'!)
3
1
Au nomd'Allah, leTout Misricordieux, leTrs Misricordieux
Introduction
Voici des hommes qui ont connu de prs le
Messager (). Certains l'ont accompagn ds le dbut
de sa mission, d'autres en cours de chemin. Mais tous
sont venus, au moment qui leur fut prdestin, une
poque o de grands bouleversements allaient tre
oprs.
Ces hommes sont arrivs au bon moment, pour
assister et participer la diffusion de la mission dont le
Messager () a eu la charge.
Evidemment, ce livre ne peut parler de tous ces
hommes, qui sont des milliers. Toutefois, ceux choisis et
qui sont une soixantaine sont reprsentatifs, estimons-
nous. Dans leurs portraits, on verra les portraits de
tous ceux qui ont accompagn le Messager ().
On verra leur foi inbranlable, leur dtermination,
leur hrosme, ainsi que leur allgeance Dieu et son
Messager (). On verra aussi leurs sacrifices, les
difficults qu'ils ont supportes, ainsi que le triomphe
5
6 Deshommesautour du Prophte
qu'ils ont mrit. On verra enfin le grand rle qu'ils ont
assum pour librer l'humanit des affres du
polythisme.
Le lecteur ne trouvera pas, parmi ces 60
compagnons, les khalifes du Messager (): Abou Bakr,
Omar, Othman et Ali. Car, un livre est consacr pour
eux, et traduit en langue franaise.
Mub b. Omayr
1
Voil un compagnon du Prophte () parmi tant
d'autres compagnons. Il tait le plus beau des jeunes de
la Mecque, le plus splendide. Les historiens le
dcrivaient ainsi: <<11 tait le plus parfum des
Mecquois.
Il naquit dans une famille riche. Ses parents
l'levrent dans le bien-tre. Il ne manquait de rien.
Par rapport aux adolescents de sa gnration, Mub
b. Omayr tait peut-tre le plus choy de la Mecque.
Cet adolescent cajol, au visage poupin, qui tait
toujours au centre des conversations des belles de la
cit, celui-l pouvait-il devenir une figure lgendaire de
la foi et du sacrifice?
Mon Dieu! Quelle magnifique nouvelle! celle de
Mub b. Omayr ou Mub al-Khayr. Ainsi tait son
surnom parmi les musulmans. Il tait l'un de ceux que
l'Islam a faonns, que Muhammad () a duqu.
Mais, quel tait ce jeune? L'histoire de sa vie
honore certainement tout le genre humain. Tout
commena, quand, comme tous les Mecquois, il
entendit un jour les propos de Muhammad (). Ce
Muhammad qui disait qu'il tait envoy par Dieu en
7
8 DeshommesautourduProphte
tant qu'annonciateur de bonne nouvelle et donneur
d'alarme. L'Envoy () appelait en effet l'adoration
de Dieu l'Unique, sans aucun associ.
La Mecque n'avait alors comme dbat et centre
d'intrt que l'Envoy () et sa religion, et Mub tait
celui qui coutait le plus ce que les Quraychites disaient
dans leurs runions. C'est que ces derniers tenaient ce
qu'il participt leurs runions. L'lgance et la
modration de l'esprit qui le caractrisaient lui
ouvraient les portes et les curs.
Evidemment, une fois, il entendit entre autres que
l'Envoy () et d'autres se rencontraient l-bas, a'afa,
dans la maison d'al-Arqam b. Abou al-Arqam, pour
viter la curiosit, ainsi que les malfaisances, des
Quraychites. Il n'hsita pas et il n'attendit pas
longtemps pour aller un certain soir la maison d'al-
Arqam. Il brlait d'envie de voir et d'entendre.
L, l'Envoy () rcitait les versets du Coran ses
compagnons, faisait avec eux des prires adresses
Dieu. Mub prit alors place, et ds que l'Envoy ()
fit entendre les versets pour les prsents, le cur du
nouvel arrivant sentit que cela lui tait destin. Il tait
tellement heureux qu'il eut l'impression d'avoir des ailes
prtes tre dployes.
Mais l'Envoy () dposa sa main droite sur la
poitrine agite, sur le cur palpitant, et voil que se
rpandit en elle une profonde quitude. En un instant,
l'adolescent frachement converti paraissait avoir une
Mupbb. Omayr 9
sagesse qui dpassait son ge, une dtermination
transformer le monde.
* * *
La mre de Mub, Khunas bent Mlik, avait une
personnalit trs forte et son entourage la craignait
bien, y compris son fils, qui tait dsormais
musulman. Si ce n'tait la crainte de sa mre, Mub
ne prendrait aucune prcaution, ne se tiendrait pas sur
ses gardes. Si tous les notables de la Mecque dclaraient
leur dtermination de le combattre, il n'attacherait
aucune importance leur menace. Mais, l'inimit de
sa mre, il ne pouvait la supporter. Quelle terreur il
prouvait l'ide de voir la colre de sa mre.
Alors, il rflchit vite et dcida de taire sa
conversion, jusqu' ce que Dieu dcrtt un ordre. Il
continua donc frquenter la maison d'al-Arqam, o il
coutait l'Envoy (). Ainsi, il tait rjoui de sa foi, du
moment qu'il vitait la colre de sa mre.
Mais, en ces jours prcisment, rien ne pouvait
rester cach dans la cit. Les yeux de Quraych taient
partout, sur tous les chemins, derrire toute trace de
pas sur les sables doux ou brlants...
Une fois donc, Othman b. Talha le vit entrer
secrtement dans la maison d'al-Arqam, et une autre
fois il le vit faire la prire de l'Envoy (). Le
Quraychite ne se fit pas prier: il partit plus vite que le
vent du dsert informer la mre de Mub.
Celui-ci se mit alors debout devant sa mre, son
10 DeshommesautourduProphte
clan, les notables de la Mecque... Aprs quoi, il leur
rcita avec certitude et rsolution des versets du Coran.
Sa mre leva la main pour le gifler durement mais elle
se retint vite.
Cependant, elle eut recours un autre moyen,
pour venger l'affront fait aux idoles de Quraych. Elle
l'emprisonna dans un coin retir de la maison et le
soumit une surveillance rapproche. Mub tait
rest ainsi, jusqu'au jour o il entendit que des
croyants allaient s'exiler en Abyssinie: par une ruse, il
russit s'chapper ses gardiens et sa mre, pour
rejoindre l'Abyssinie en tant que Muhajir.
Il s'y tablit un temps avec ses compagnons, puis
il revint avec eux la Mecque. Puis, il refit le voyage
avec les compagnons, qui l'Envoy () avait donn
l'ordre de s'exiler.
Que Mub ft en Abyssinie ou la Mecque,
l'exprience de la foi qu'il s'tait acquise vrifia sa
supriorit en tout endroit. Il avait faonn sa vie
selon le modle apport par l'Envoy ().
Un jour, son arrive une assemble de
musulmans avec l'Envoy (), ces derniers baissrent
la tte, dtournrent leurs regards ; certains d'entre
eux pleurrent. Parce qu'ils le virent vtu d'un vieux
jalbab rapic, lui qui n'avait que les beaux vtements
avant de devenir musulman.
Alors, l'Envoy () eut cette bonne parole pour
Mub: Mub que voici, je l'ai vu alors qu'il n'y avait
pas la Mecque de garon plus favoris que lui chez ses
Mupb b. Omayr 11
pre et mre. Puis, il a laiss tout cela, par amour pour
Dieu et son Envoy.
Sa mre lui avait interdit toute subvention, aprs
avoir perdu espoir en son abjuration. Elle lui avait
refus toute nourriture, parce qu'il ne voulait plus
adorer les idoles quraychites.
La dernire fois que Mub avait vu sa mre,
c'tait lors de son retour d'Abyssinie, quand elle avait
essay de l'emprisonner de nouveau. Il avait alors jur
de tuer celui qui aiderait sa mre l'emprisonner. Elle
connaissait bien son fils, quand il prenait une dcision.
Sur ce, tous se sparrent, les larmes aux yeux.
Le moment des adieux avait dcouvert une ralit
singulire. D'une part, une dtermination de la mre
rester dans la dngation, et d'autre part une
dtermination du fils rester croyant. Quand, en le
chassant de la maison, elle avait dit: Va tes
affaires! Je ne suis plus une mre pour toi!, lui s'tait
approch d'elle et lui avait dit: 0 mre, je te suis un
conseiller! J'ai de la tendresse pour toi ; atteste donc
qu'il n'y a de dieu que Dieu et que Muhammad est son
serviteur, son envoy. Elle lui avait rpondu, furieuse:
Je jure par les toiles tincelantes! Je n'adopterai
jamais ta religion. Mon opinion serait discrdite et
ma raison traite de faible, (si je le faisais).
Ainsi Mub avait-il quitt librement le bien-tre
dans lequel il vivait, pour se retrouver dans le
dnuement. On le vit dsormais portant un habit rude.
Il mangeait un jour mais ne mangeait pas des jours.
12 Des hommes autour du Prophte
Son me rendue gracieuse par une foi sublime,
resplendissante par la lumire de Dieu, avait fait de
lui un autre homme qui inspirait charme et
considration.
* * *
En ce temps-l, l'Envoy () le choisit pour une
mission trs importante; celle d'tre son ambassadeur
Mdine. Mub y enseignerait l'Islam aux Anar qui
avaient prt allgeance al-Aqaba, convaincrait
d'autres Mdinois de se convertir, prparerait Mdine
pour la venue du Prophte (),
A cette poque-l, il y avait des compagnons plus
gs, plus honorables et plus proches de l'Envoy (),
mais celui-ci prfra Mub, tout en sachant qu'il lui
donnait la plus dangereuse mission du moment: car il
lui mit entre les mains le sort de l'Islam Mdine.
Mub assuma alors la mission, grce ce que
Dieu lui avait octroy; esprit quilibr, bon caractre.
Par son asctisme, son lvation, sa sincrit, il gagna le
cur des Mdinois, qui se convertirent par groupes.
Le jour o il tait entr Mdine, il n'y avait que les
douze musulmans d'al-Aqaba. Quelques mois plus tard,
leur nombre grossit. Et, lors du plerinage de l'anne
suivante, c.--d. celui qui venait aprs l'allgeance d'al-
Aqaba, les Mdinois envoyrent une dlgation les
reprsentant devant l'Envoy (), Cette dlgation,
emmene par leur matre Mub, tait constitue de
soixante-dix croyants et croyantes.
MUfbb.Omayr 13
Ainsi Mub confirma-t-il le choix de l'Envoy
(), Il avait bien compris sa mission, il avait su qu'il
tait un musulman qui ne faisait que la communication,
qui appelait les hommes la guidance, au chemin de
rectitude, Dieu.
A Mdine donc, o il tait l'hte de Asad b.
Zarara, Mub allait avec celui-ci dans les runions,
les maisons, les tribus, pour rciter aux gens ce qu'il
avait appris du Livre de Dieu, pour prcher la Parole
de Dieu.
Sa tche n'tait videmment pas sans danger. Un
jour, alors qu'il tait en train de prcher des gens, il
fut surpris par Usayd b. Hudhayr, le seigneur des
Banou Abdalachhal. Ce dernier tenait fermement une
lance, son visage ne cachait pas du tout sa colre contre
celui-l qui venait semer le trouble parmi les siens, les
appelait se dtourner de leurs dieux, leur parlait d'un
dieu seul, inconnu d'eux.
Ds qu'ils l'eurent vu arriver, les musulmans qui
taient assis avec Mub se retirrent vite, sauf As'ad b.
Zarara. Usayd se planta debout, furieux, et dit:
Qu'est-ce qui vous fait venir notre quartier? vous
deux, vous (voulez) rendre nos faibles des stupides?
retirez-vous, si vous ne voulez pas sortir de la viel
Avec un calme majestueux, Mub lui dit
doucement: Pourquoi ne prendrais-tu pas place, pour
couter? Si tu es satisfait de notre cause, tu l'accepteras;
si tu la rpugnes, nous cesserons ce que tu rpugnes.
Usayd, qui tait un homme raisonnable,
14 Deshommesautourdu Prophte
remarqua que Mub faisait appel au bon sens. Il le
conviait couter seulement: dans le cas o il serait
convaincu, lui de juger selon sa conviction; et dans le
cas o il ne le serait pas, Mub se retirait du quartier,
pour aller prcher ailleurs.
Les choses tant ainsi, Usayd dit: Tu traites avec
quit. Puis, il jeta la lance par terre et s'assit pour
entendre. Mub rcita des versets du Coran, exposa la
mission de l'Envoy (), si bien que Usayd fit vite de
dire: Que ce propos est beau, qu'il est vridique!
Comment fait-il, celui qui veut embrasser cette religion?
Mub dit d'abord avec joie: Dieu est Grandl
Puis, il s'adressa Usayd: Il purifie son vtement et
son corps puis atteste que, hormis Dieu, il n'y a pas de
dieu. Usayd se retira un moment puis revint, la tte
toute mouille, pour dclarer la formule: Il n'y a de
dieu que Dieu; Muhammad est l'envoy de Dieu.
La nouvelle se rpandit vite. Sad b. Mudh alla
trouver Mub, il l'couta, se convainquit, et se
convertit. Sad b. Obada fit de mme. Les habitants
de Mdine se dirent les uns aux autres: Si Usayd b.
Hudhayr, Sad b. Mudh et Sad b. Obada sont
devenus musulmans, pourquoi alors sommes-nous en
retard? Allons trouver Mub et croyons avec lui. Ils
disent que le Vrai sort de sa bouche.
* * *
Les jours passrent et l'Envoy () migra
Mdine, avec ses compagnons. Les Quraychites se
rjouissaient de leur haine, continuaient leur chasse
MUfhb. Omayr 15
inique des adorateurs de Dieu.
Puis, il y eut la bataille de Badr, o ils reurent
une dfaite qui leur fit perdre leur bon sens. Ils
projetrent de prendre leur revanche. A cet effet, ils
prirent plus tard le chemin de Uhud. Les musulmans
se prparrent de leur ct. L'Envoy () se mit devant
les rangs, la recherche du combattant qui prendrait
l'tendard. Il appela Mub, Celui-ci s'avana et prit
l'tendard.
La bataille se dclencha vite, si bien que les
combats atteignirent leur paroxysme. Les archers
dsobirent l'ordre de l'Envoy (), en quittant leur
position sur le mont, aprs avoir vu la droute des
associants quraychites. Leur dsertion de la position
fit vite de transformer la victoire musulmane en
dfaite. Les musulmans, qui taient sur le champ de
bataille, furent pris de court par les cavaliers
quraychites.
Quand les Quraychites virent la dbcle et la
panique des musulmans, ils cherchrent alors l'Envoy
(). Mub se rendit vite compte du danger. Et, pour
dtourner leur attention, il leva haut l'tendard et lana
un retentissant tekbr, avant d'avancer et d'aller
sillonner sur le champ de bataille.
Oui, Mub s'en alla tout seul au combat. D'une
main, il tenait l'tendard, et de l'autre main, il faisait
parler son sabre. Mais l'ennemi tait nombreux... Voici
la dclaration d'un tmoin qui avait assist la bataille:
16 Des hommesautourduProphte
Le jour (de la bataille) de Uhud, Mub a pris
l'tendard. Quand les musulmans ont fui, lui a rsist
avec l'tendard. Alors, le cavalier Ibn Qam'a est venu
et lui a coup la main droite, tandis que Mub disait:
"Muhammad n'est qu'un envoy. D'autres envoys ont
pass avant lui." Il a pris de nouveau l'tendard avec la
main gauche, mais l'autre s'est pench et la lui a
coupe. Mub s'est pench encore pour prendre
l'tendard avec ses bras, en disant: "Muhammad n'est
qu'un envoy. D'autres envoys ont pass avant lui."
Alors, la troisime fois, l'autre l'a transperc avec une
flche. Mub tomba, et l'tendard aussi.
Il tait tomb, aprs avoir combattu
courageusement. Il pensait que s'il tombait, la voie
serait libre pour les assassins. C'est pourquoi il se
consolait, en disant chaque fois qu'il recevait un
coup de sabre: Muhammad n'est qu'un envoy.
D'autres envoys ont pass avant lui. Cette parole de
Mub sera un verset rvl, que les musulmans
rciteront, jamais.
* * *
A la fin de la bataille, on retrouva le corps du
chahid endormi, face contre terre. Son vertueux sang
enduisait la terre. Il tait ainsi, peut-tre parce qu'il
redoutait de voir l'Envoy () atteint par quelque mal,
ou peut-tre qu'il tait confus, au moment de mourir,
de n'avoir pas pu dfendre et protger l'Envoy ().
o Mub, tu es auprs de Dieu, jamais! Le fait
MUj:b b. Omayr 17
qu'on se rappelle de toi procure la vie un parfum
particulier.
* * *
Puis, l'Envoy () et ses compagnons allrent sur
le champ de bataille, pour faire leurs adieux aux
chahids. Devant le corps de Mub, des larmes
abondantes avaient coul.
Khabbab b. al-Art disait: Nous sommes sortis en
exil avec l'Envoy de Dieu (), sur le chemin de Dieu,
en vue de la Face de Dieu. Ainsi notre salaire incombe-
t-il Dieu. Parmi nous, il y en a eu qui sont passs,
sans avoir mang de leur salaire dans leur ici-bas.
D'entre eux, il y a Mub b. Omayr. Il a t tu, lors
de la bataille de Uhud. Pour l'ensevelir, on n'avait
trouv qu'une namira. Quand nous la mettions sur sa
tte, ses pieds se dcouvraient ; et quand nous la
mettions sur ses pieds, sa tte se montrait. L'Envoy
de Dieu () nous a alors dit: "Mettez-la partir de sa
tte, et mettez sur ses pieds (des branches) de la plante
d'idhkhir.''
En dpit de la douleur profonde due la perte
atroce de son oncle Hamza, en dpit des autres
compagnons tombs sur le champ de bataille, dont
chacun reprsentait pour lui un monde de sincrit, de
puret et de lumire, l'Envoy () s'arrta devant la
dpouille de son premier ambassadeur, pour lui faire
ses adieux.
Certes, l'Envoy s'tait arrt devant le corps de
Mub. Puis, les yeux tout de tendresse et de sensibilit
18 DeshommesautourduProphte
pour son compagnon, il avait dit: Il est parmi les
croyants de vrais hommes qui avrrent les termes de
leur pacte avec Dieu. Puis, il avait jet un regard pein
sur le linceul, avant de dire: Je t'ai vu la Mecque (en
un temps o) tu avais sur le corps la robe la plus
raffine, la boucle de cheveux la plus belle. Et te voil
maintenant avec des cheveux bouriffs, dans une
burda!
Puis, l'Envoy () avait dit haute voix,
l'adresse de tous les chahids: L'Envoy de Dieu
atteste que vous tes les tmoins auprs de Dieu, au
Jour de la rsurrection. Puis, il s'tait tourn ses
compagnons vivants, pour leur dire: 0 gens! rendez-
leur visite ; venez eux et saluez-les. Par Celui qui
dtient mon me dans sa main! si tout musulman les
salue jusqu'au Jour de la rsurrection, ils lui rendent le
salut.
* * *
Salut toi, Mubl
Salut vous, vous les chahids!
Salut vous, ainsi que misricorde et bndiction
sur vous!
Salman al-Farisy
1
Cette fois, le hros vient de Perse.
Plus tard, dans ce pays, l'Islam sera embrass par
de nombreux hommes. Il en fit des croyants la foi
incomparable, au savoir immense tant en religion qu'en
les choses de l'ici-bas.
C'est l une des merveilles de l'Islam. Ds qu'il
investit un pays, il y dclenche dans un grand
mouvement les nergies et la crativit des habitants,
si bien qu'apparaissent des philosophes, des mdecins,
des savants en religion, des astronomes, des
inventeurs...
En ces temps-l, ces rudits de savoir surgissaient
de partout, de chaque pays, si bien que les premires
poques du rgne de l'Islam assistaient une profusion
de gnies extraordinaires dans tous les domaines. Leurs
pays taient multiples mais leur religion tait une.
L'Envoy () avait dj annonc cette extension
bnie de sa religion. Bienplutt, il en reut promesse de
vracit de la part de Dieu le Connaissant. Un jour,
Dieu lui fit voir l'avenir de l'Islam. L'Envoy () vit
alors de ses yeux l'tendard de l'Islam flotter sur les
19
20 Deshommes autourdu Prophte
cits et les palais des monarques de la terre.
Salman al-Farisy tait prsent. Il avait un lien trs
certain avec ce qui se passa. Cela eu lieu durant le sige
des Coaliss.
En l'an 5 ap. I'Hg., les notables des juifs se
dirigrent vers la Mecque, pour convaincre les
associants d'radiquer cette nouvelle religion. Leur
mission fut un succs, puisqu'ils russirent mettre
sur pied une coalition impressionnante. Le plan
propos par les juifs fut vite adopt. Les Quraych et
les Ghatafan attaqueraient Mdine de l'extrieur, tandis
que les juifs des Banou Quraydha la prendraient de
l'intrieur, par derrire les rangs des musulmans. Ainsi
l'Envoy () et ses compagnons seraient broys comme
par une meule.
Quand cette arme d'associants se prsentera
devant Mdine, les musulmans seront surpris, malgr
les prparatifs faits. Dieu dcrit bien la situation
d'alors: lors elles surgirent pour vous de dessus et de
dessous, et que flchirent les regards, et que les curs
montrent dans les gorges et que vous conjecturiez force
conjectures sur Dieu...
Les troupes ennemies seront composes de 24.000
guerriers, sous le commandement d'Abou Sufyan et
Oyayna b. Hin. Cette arme ne reprsentait pas les
tribus de Quraych ou Ghatafan mais toutes les tribus
associantes et leurs intrts. Ce sera l la dernire
tentative entreprise par tous les ennemis de l'Envoy
(),
Salmanal-Farisy 21
Quand Mdine fut informe des intentions
belliqueuses des Coaliss, les musulmans jugrent la
situation trs critique. L'Envoy () runit ses
compagnons pour des consultations. Tous convinrent
videmment, de combattre, de dfendre la cit. Mais,
comment organiser la dfense devant une arme si
nombreuse?
L, s'avana l'homme aux grandes jambes et aux
cheveux fournis, l'homme qui l'Envoy () portait un
grand sentiment de respect. Salman s'avana vers une
hauteur, d'o il jeta sur la cit un regard examinateur.
Il remarqua qu'elle tait, d'un ct, bien protge par
une montagne rocailleuse mais vulnrable par cette
grande brche-l. Une issue bien faite qui n'attendait
que les troupes ennemies.
Salman, qui connaissait les tactiques et les ruses
de guerre de son pays, suggra l'Envoy () une
proposition inconnue jusque-l des Arabes. C'tait le
creusage d'un foss le long de la zone dcouverte.
Dieu seul sait quelle serait le sort de l'Islam, si les
musulmans n'avaient pas creus ce foss. Quand les
associants virent cette grande tranche, ils en eurent le
vertige. Ils restrent impuissants dans leurs tentes,
durant un mois, jusqu' cette nuit-l o Dieu envoya
sur eux une tornade furieuse et mugissante qui les
obligea lever leur camp.
* * *
Durant le creusement du foss, Salman tenait sa
place avec son quipe, car chaque quipe avait une
22 Deshommes autour duProphte
surface dtermine creuser. L'Envoy () creusait
aussi avec son pic. Dans la surface o Salman et ses
compagnons travaillaient, un norme rocher ne voulait
pas cder le passage devant les coups rpts de leurs
pICS.
Salman, dont la constitution tait solide, ne put
pourtant pas avoir raison de ce rocher-l. Lui et ses
compagnons aussi ne purent le faire remuer. Ils
restrent impuissants. Alors, Salman s'en alla
demander l'Envoy () la permission de changer le
trac du foss, pour viter le rocher qui leur tenait tte.
L'Envoy () vint examiner l'endroit et le rocher.
Quand il le vit, il demanda un pic puis il les invita
se retirer un peu plus loin. Aprs quoi, il cita le nom
de Dieu, et de toutes ses mains il frappa le rocher avec
force et dtermination. Celui-ci dgagea une brillance
pleine d'tincelles. Salman dira: Je l'ai vu illuminer les
alentours. C.--d. les alentours de Mdine.
Au premier coup, l'Envoy () dit haute voix:
Dieu est Grand! On m'a donn les clefs de la Perse. Il
m'a illumin d'elle les palais rouges d'al-Hira et les cits
de Cosros. Ma communaut l'emportera sur elle. Il
leva haut le pic et frappa une seconde fois. Le roc
tincela vivement et se fissura. L'Envoy () dit
haute voix: Dieu est Grand! On m'a donn les clefs
de Byzance. Il m'a illumin d'elle ses palais rouge. Ma
communaut l'emportera sur elle. Au troisime coup,
le rocher cda compltement, aprs avoir brill
intensment. L'Envoy () lana le tekbr, ainsi que les
musulmans. Il les informa qu'il voyait ce moment-l
Salman al-Farisy 23
l'tendard de l'Islam flotter sur les palais de Syrie, de
an et d'autres cits du monde. Alors, les musulmans
dirent haute voix: Voil ce que Dieu, ainsi que son
Envoy, nous a promis! Dieu dit vrai, ainsi que son
Envoy!
Salman avait eu donc l'ide du foss, et c'est lui
qui buta sur le rocher et assista la prdiction envoye
par Dieu. Il tait tout prs de l'Envoy () voir la
lumire qui se dgageait du rocher et entendre la
bonne nouvelle. Il vivra et verra cette bonne nouvelle
se raliser dans les cits de Perse et de Byzance ; il verra
les palais de an, de Syrie, d'Irak ; il verra tant de
pays entendre l'appel du muezzin fuser du haut des
mosques.
* * *
Bien plus tard, le voil assis l'ombre de l'arbre
qui se trouvait prs de sa maison, al-Madan. Il
racontait aux prsents ses prgrinations pour
atteindre la vrit. Comment avait-il abandonn la
religion de son peuple persan pour embrasser d'abord
le Christianisme et ensuite l'Islam?
Comment avait-il laiss la richesse de son pre,
pour se jeter dans la misre seule fin de librer son
me? Comment avait-il t vendu comme esclave, lors
de son voyage pour la vrit? Comment avait-il
rencontr l'Envoy () et comment avait-il cru en lui?
Venez, allons ensemble couter son rcit, dans
cette runion-l.
* * *
24 DeshommesautourduProphte
Je suis originaire d'Ispahan, d'un village appel
Jay, et mon pre tait une personnalit importante
ayant des terres.
J'tais, pour lui, le plus aim des hommes. Je
m'tais attach au Mazdisme de sorte que je
demeurais prs du feu que nous allumions, et nous ne
le laissions jamais s'teindre.
Mon pre, qui avait une ferme, m'envoya un jour
pour elle. Je sortis donc. (Sur le chemin), je passai prs
d'une glise appartenant des Chrtiens. Je les entendis
prier. J'entrai pour voir ce qu'ils faisaient. Ce que je vis
de leur prire me plut et je me dis alors: "Cela est mieux
que notre religion que nous suivons." Je ne les quittai
qu'au coucher du soleil. Alors, je ne regagnai pas la
ferme de mon pre et je ne retournai pas auprs de lui
qu'aprs qu'il eut envoy (des gens) me chercher.
Leur affaire m'ayant plu, ainsi que leur prire,
j'avais interrog les Chrtiens sur l'origine de leur
religion. Ils m'avaient dit: "C'est en Syrie..."
Puis, mon retour, je dis mon pre: "Je suis
pass prs de gens qui prient dans une glise eux.
Leur prire m'a plu et j'ai vu que leur religion est mieux
que la ntre." Il discuta avec moi et je discutai avec
lui.; Puis, il me mit aux fers et me fit prisonnier.
Aprs quoi, j'envoyai quelqu'un aux Chrtiens
pour leur dire que j'avais embrass leur religion. Je
leur demandai aussi, si un cortge venait de Syrie, de
m'en informer avant son retour. Je comptai partir avec
eux en Syrie. Les gens de l'glise firent cela. Je brisai
Salmanal-Farisy 25
mes fers et je sortis. Puis, je partis avec eux en Syrie.
L-bas, je demandai aprs leur savant. On me dit:
"C'est l'vque, la patron de l'glise." Je le contactai et
je lui racontai mon histoire. Puis, je m'installai avec lui
servir, prier et apprendre.
Cet vque tait un homme de mal en sa religion,
puisqu'il collectait les aumnes des gens, en vue de les
distribuer, puis les accumulait pour lui. A sa mort, ils le
remplacrent par un autre. Je n'avais pas vu d'homme
(plus impliqu) que lui dans leur religion: plus que tout
autre, il dsirait la vie dernire, tait continent de l'ici-
bas, assidu dans les adorations.
J'eus pour lui un amour, lequel je n'avais pas eu
de pareil pour un autre avant lui. Quand la fatalit (de
la mort) se prsenta lui, je lui dis: "Voil que se
prsente toi ce que tu vois du dcret de Dieu.
Qu'est-ce que tu m'ordonnes? Pour qui me
recommandes-tu?" Il me dit: "C'est vrai, mon fils. Je
ne connais personne qui suit ce que je suis, sauf un
homme se trouvant al-Mawil..."
Quand il mourut, j'allai trouver celui d'al-Mawil.
Je le mis au courant. Aprs quoi, je m'installai avec lui
le temps que Dieu voulut. Donc, quand la mort se
prsenta lui, je l'interrogeai et il me montra un
adorateur install Naibin...
J'allai le trouver et je lui racontai mon histoire.
Aprs quoi, je m'installai avec lui le temps que Dieu
voulut. Quand la mort se prsenta lui, je l'interrogeai.
Il m'ordonna alors de rejoindre un homme install
26 Deshommes autour duProphte
muriya, dans le pays de Byzance. Je fis donc le
dplacement et je m'installai avec lui. Et pour vivre, je
pris des vaches et des moutons...
Par la suite, la mort se prsentant lui, je lui dis:
"Pour qui me recommandes-tu?" Il me dit: "0 mon fils,
je ne connais aucun qui suit ce que nous suivions, pour
t'ordonner de le rejoindre. Mais, tu es dans l'poque
d'un prophte qui sera envoy avec la religion
d'Abraham, le croyant originel. Il migrera en une
terre contenant des palmiers situs entre deux zones
pierreuses. Si tu peux l'atteindre, agis en consquence.
Il a des signes qui ne se cachent pas: il ne mange pas
l'aumne, il accepte le prsent, et il a entre les paules le
sceau de la prophtie. Si tu le vois, tu le reconnais.
Puis, un certain jour, une caravane vint passer
prs de moi. Les ayant interrogs sur leur pays, je sus
qu'ils taient de la presqu'le arabique. Je leur dis alors:
"Je vous donne mes vaches et mes moutons et vous me
prenez avec vous pour votre pays?" Ils dirent: "Oui."
Ils m'emmenrent donc avec eux jusqu' Wad-al-
Qoura. L, ils me nuisirent: ils me vendirent un juif.
Aprs quoi, je vis beaucoup de palmiers. J'eus la
convoitise que l'endroit ft le pays qui m'avait t
dcrit et qui serait l'asile du prophte attendu. Mais,
le pays ne l'tait pas.
Je restai chez l'homme qui m'avait achet jusqu'au
jour o un juif des Banou Quraydha vint lui. Il
m'acheta et m'emmena avec lui Mdine. Par Dieu!
ds que je la vis, j'eus la certitude que c'tait bien le
Salman al-Farisy 27
pays qu'on m'avait dcrit.
Puis, je m'installai travailler pour lui, dans sa
palmeraie situe dans le territoire des Banou Quraydha,
jusqu'au jour o Dieu envoya son Envoy, et que ce
dernier vint Mdine, s'installa Qub', chez les
Banou Amr b. Aouf.
Un jour, alors que j'tais sur le haut d'un palmier
et que mon propritaire tait assis son pied, un cousin
lui vint et lui dit: "Dieu combatte les Banou Qila! ils
sont Quba en train de se bousculer autour d'un
homme arriv de la Mecque; ils prtendent que c'est
un prophte."
Par Dieu! je fus pris de frissons ds qu'il eut dit
cela, si bien que le palmier frmit et que je faillis tomber
sur mon propritaire. Je descendis rapidement, en
disant: "Qu'est-ce que tu dis? Quelle est la nouvelle?"
Mon matre leva alors la main et me donna un coup
fort, puis dit: "Qu'est-ce que tu as avec celui-l? Va
ton travail!"
Je m'en allai alors mon travail. Puis, le soir
venu, je rassemblai ce que j'avais et je sortis jusqu'
arriver auprs de l'Envoy (), Quba. J'entrai et je le
trouvai avec un groupe de compagnons. Je lui dis:
"Vous tes des gens se trouvant dans le besoin et en
exil, et j'ai une nourriture que j'avais consacre
l'aumne. Quand on m'a montr votre endroit, j'ai vu
que vous y avez plus de droit que d'autres gens. C'est
pourquoi je suis venu vous."
Sur ce, je dposais la nourriture. L'Envoy () dit
28 DeshommesautourduProphte
ses compagnons: "Mangez au nom de Dieu." Quant
lui, il s'abstint de tendre mme la main. Je me dis alors:
"Par Dieu! voil la premire chose. Il ne mange pas
l'aumne." Aprs quoi, je retournai. Le lendemain, je
revins l'Envoy (), avec une nourriture. Je lui dis: "Je
t'ai vu que tu ne mangeais pas l'aumne. J'ai quelque
chose, un prsent, et je veux t'honorer." Puis, je le
dposai devant lui. Il dit ses compagnons: "Mangez
au nom de Dieu." (Cette fois.) il mangea avec eux.
Je me dis alors: "Par Dieu! voil la deuxime
chose. Il mange le prsent."
Sur ce, je me retirai. Je restai le temps que Dieu
voulut puis je revins pour le voir. Je le trouvai al-
Baq. Il tait un enterrement. Il tait entour de ses
compagnons. Il portait deux capes, dont l'une tait sur
son dos. Je le salua puis je m'cartai pour voir le haut
de son dos. Il sut que je voulais cela. Il dgagea le
vtement, pour laisser voir sa nuque, et voil le signe
entre ses paules! le sceau de la prophtie comme il
avait t dcrit par mon compagnon.
Je me penchai sur lui, pour l'embrasser et pleurer.
Puis, l'Envoy () m'invita. Je m'assis devant lui et je lui
racontai mon histoire comme je la raconte maintenant.
Aprs quoi, je me soumis Dieu. L'asservissement
m'empcha de prendre part la bataille de Badr et celle
de Uhud.
Puis, un certain jour, l'Envoy () me dit: "Fais un
crit avec ton matre, en vue de ta libration." Je fis
avec lui cet crit. Puis, l'Envoy () ordonna aux
Salmanal-Farisy 29
compagnons de m'aider. Alors, Dieu libra ma nuque,
si bien que je vis maintenant libre et musulman. En
outre, j'ai pris part avec l'Envoy () au sige du Foss,
et aussi toutes les batailles.
* * *
Avec de telles paroles limpides, Salman al-Farisy a
parl de ses prgrinations la recherche de la vrit
qui le mettra en rapport avec Dieu et lui dfinira son
rle dans cette vie.
Quel grand homme tait cet homme! Quelle
supriorit avait acquise son me, pour imposer sa
volont toutes les difficults! Quelle ferveur
permanente pour la vrit! si bien qu'il a quitt
librement le luxe et l'opulence de son pre, pour se
jeter dans l'inconnu et ses imprvus, pour aller d'un
pays un autre, en qute de la vrit. Sa pugnacit, ses
sacrifices en vue de la guidance ont dsarm tous les
obstacles, mme celui de l'asservissement. C'est
pourquoi Dieu l'a rtribu d'une large rtribution: il a
rencontr le Vrai, son chemin a crois celui de l'Envoy
(), il a vcu longtemps pour voir l'tendard de Dieu
flotter sur nombre de pays.
* * *
Cet homme de cette trempe, possdant une telle
sincrit, quoi s'attend-on de lui? Son islam tait
l'islam des dvous qui se prmunissent. Dans sa
continence, sa perspicacit, sa temprance, il
ressemblait Omar b. al-Khattab.
30 Deshommesautourdu Prophte
Une fois, il est rest des jours avec Abou ad-
Darda dans une seule demeure. Remarquant qu'Abou
ad-Darda faisait des prires de nuit et un jene
surrogatoire le jour sans discontinuer, Salman a jug
que c'tait l des actions d'adoration exagres. Il a
essay de le convaincre. Abou ad-Darda a dit:
M'empcherais-tu de jener pour mon Matre, de
prier pour lui? Salman lui a alors rtorqu: Tes
yeux ont un droit sur toi, et ta famille a aussi un droit
; jene et djeune, prie et dors.
L'Envoy (), quand cela est parvenu lui, a dit:
Salman a t combl de science.
En outre, lors du sige du Foss, quand les Anar
et les Muhajir se sont dit les uns aux autres: Salman
fait partie de nous!, l'Envoy () leur a dit: Salman
fait partie de nous, nous la Maisonne. Salman est
effectivement mritant de cet honneur.
Quant Ali b. Abou Talib, il le surnommait
Luqmn le sage. A la mort de Salman, Ali b. Abou
Talib a dit:
Celui-l est un homme
Qui fait partie de nous
Et il est pour nous
Nous la Maisonne
Qui avez-vous
Qui soit comme
Luqmn le sage?
Il a t dot de la science premire et de la science
Sa/man al-Farisy 35
affaire. Alors, nous avons dtest de lui runir deux
travaux la fois.
... ... ...
Le jour de sa mort, au matin, Sa1man appela sa
femme, et lui dit: Apporte-moi la chose que je t'avais
donne cacher,
Elle alla vite l'apporter. C'tait une bourse
contenant du musc qu'il avait eu le jour de la
conqute de Jalwala. Il l'avait garde pour s'en
parfumer sa mort.
Il demanda encore sa femme de lui apporter un
rcipient d'eau, o il parpilla le musc. Il le fit fondre
avec sa main puis dit son pouse: Arrose avec cela
mon pourtour. Des crs de Dieu sont maintenant
prsents. Ils ne mangent pas la nourriture, ils aiment
plutt le bon parfum.
Quand elle termina d'arroser, Sa1man lui demanda
une dernire fois de le laisser seul aprs avoir ferm la
porte. Elle fit cela. Et quand elle revint aprs un
moment, elle le trouva sans me. Son me avait quitt
son corps et cet ici-bas, pour aller rejoindre le sublime
synode. Salman al-Frisy tait all l-bas rejoindre
l'Envoy () et ses compagnons.
Abou Dhar al-Gifary
1
Il arriva la Mecque comme n'importe quel autre
voyageur qui venait pour faire des tournes autour des
dits encore vnres ou qui ne faisait qu'une halte
pour se reposer, avant de reprendre la route.
Pourtant, il tait la recherche du Messager (). Il
venait de faire tout ce chemin depuis le terroir des
Ghifar, pour le connatre et l'entendre parler de cette
nouvelle religion.
Ds son arrive, il se mit glaner et l les
informations. Chaque fois qu'il entendait des gens
parler de Mohammad, il tendait l'oreille prudemment,
si bien qu'il avait recueilli l'information sur le lieu o il
pouvait le trouver.
Puis, au matin de ce jour-l, il s'en alla cet
endroit-l. Il trouva le Messager () assis seuL Il se
rapprocha de lui et dit: Bonjour! frre arabe.
- Salut toi! frre, rpondit le Messager (),
- Chante-moi de ce que tu dis, dit Abou Dhar.
- Ceci n'est pas de la posie pour que je te
chante, dit le Messager (), ceci est une noble lecture.
- Fais-moi donc une rcitation, dit Abou Dhar.
Alors, le Messager () lui rcita des versets pendant
36
Salmanal-Farisy 31
dernire. Il a rcit le Livre premier et le Livre dernier.
Il tait un ocan (de savoir) qui ne tarissait pas.
Salman avait une place trs particulire dans le
cur des compagnons de l'Envoy (). Sous le khalifat
de Omar, il est venu Mdine en visite. Omar l'a
accueilli avec tous les gards. Il avait runi ses
compagnons et leur avait dit: Sortons accueillir
Salman! Et tous allrent l'accueillir l'entre de
Mdine.
Depuis qu'il a rencontr l'Envoy () Salman
mena une vie de musulman libre, de combattant. Il
traversa le khalifat d'Abou Bakr, de Omar. Mais dans
celui de Othman, il fut rappel Dieu.
Durant toutes ces annes, l'Islam se rpandait, ses
tendards flottaient dans les divers horizons, et les biens
affluaient Mdine, o on les distribuait rgulirement
aux gens. Les postes de responsabilit se
dmultipliaient. Et Salman, o tait-il dans tout cela?
De quoi s'occupait-il en cette poque de richesses?
* * *
Regardez l! regardez bien! Voyez-vous l-bas,
l'ombre, ce noble vieillard en train de tresser les feuilles
de palmier, pour en faire des ustensiles? C'est Salman.
Regardez-le bien. Vous le voyez habill d'un
vtement court, si court qu'il lui arrivait aux genoux.
Pourtant, le don qu'il touchait tait considrable.
Entre 4000 et 6000 dirhams par an. Il distribuait tout,
sans garder le moindre sou, en disant: J'achte avec un
32 Deshommes autourduProphte
dirham des feuilles de palmier et je les travaille, puis je
les vends 3 dirhams. Je garde un dirham pour d'autres
feuilles, je dpense un autre pour ma famille, et je
donne le troisime en aumne.
* * *
Certains d'entre nous, quand ils entendent parler
de la continence des compagnons, disent que cela tait
en rapport avec les conditions naturelles de la presqu'le
arabique, o l'Arabe trouve son plaisir dans la
simplicit.
Mais, l, nous sommes' devant un homme
originaire de Perse, qui tait un pays de richesses et de
faste, un homme qui n'tait pas un pauvre. Pourquoi
Salman refusait-il alors la fortune et la vie raffine?
Pourquoi insistait-il se suffire d'un seul dirham
quotidien qu'il gagnait la sueur de son front?
Pourquoi refusait-il le poste d'mir? Il disait: Si
tu peux manger de la poussire, pour ne pas tre un
mir de deux personnes, fais-lel
Pourquoi rejetait-il les postes de responsabilit,
sauf celui d'tre chef d'une colonne partant au combat
sur le chemin de Dieu? Et pourquoi n'acceptait-il pas sa
part de don qui lui tait pourtant licite?
Hichm b. Hassan rapporte d'al-Hassan: Le don
Salman tait de 5000. Et puis, il tait la tte de
30000 hommes, il faisait son discours couvert d'une
(simple) cape, dont la moiti lui servait de couche et
l'autre. de vtement. Quand sa part de don lui
Sa/mana/-Fariay 33
parvenait, il la donnait. Il mangeait du travail de ses
mains.
Pourquoi Salman agissait-il ainsi? Qu'on coute sa
rponse qu'il avait donne avant de mourir. Sur son lit
de mort, il avait pleur devant Sad b. Waqa qui lui
rendait visite.
Qu'est-ce qui te fait pleurer, Abou Abdallah?
Pourtant, l'Envoy mourut en tant satisfait de toi, lui
dit Sad. - Par Dieu! dit Salman, je ne suis pas afflig
par la mort et je ne suis pas attach l'ici-bas. Mais
l'Envoy nous a confi une charge, quand il a dit: "Que
l'un de vous ait dans l'ici-bas une part semblable aux
victuailles du voyageur." Alors que moi je suis entour
de tant de choses. - 0 Abou Abdallah! dit Sad, en ne
remarquant autour de lui qu'une cuelle et un petit
rcipient, recommande-nous quelque chose que nous
garderons de toi. - 0 Sad, rappelle Dieu quand,
dans ton souci, tu t'apprtes ( agir), quand tu
t'apprtes prendre une dcision et quand tu
t'apprtes distribuer avec ta main."
Voil l'homme. Il a respect scrupuleusement la
recommandation de l'Envoy (), en ayant une simple
cuelle dans laquelle il mangeait, ainsi qu'un rcipient
avec lequel il buvait et faisait ses ablutions. Et
pourtant, il avait eu les larmes aux yeux.
* * *
A l'poque o il tait mir d'al-Madan, rien
n'avait chang dans sa personnalit. Il avait continu
34 Deshommes autourdu Prophte
vivre de la confection des feuilles de palmier.
Un jour, alors qu'il tait dans la rue, il vit un
homme arriver de Damas avec une charge de figues et
de dattes. Ce dernier, tant fatigu par le poids,
cherchait des yeux un pauvre porteur. Ds que ses
yeux tombrent sur Sa1man, il l'appela. Salman prit la
charge et s'en alla avec l'tranger.
Sur le chemin, quand tous deux passrent prs
d'un groupe d'hommes, Salman leur lana le salut et
eux lui rpondirent debout: Salut sur l'mir.
L'homme se dit aussitt: Quel mir dsignent-
ils? Son tonnement s'accrut encore quand il vit
quelques-uns accourir et dire Salman: 0 Emir,
laisse! on va porter cela.
L'homme sut alors qu'il avait eu affaire l'mir de
la ville. Il essaya de ne pas laisser la charge sur les
paules de Salman. Mais Salman refusa de la tte, en
disant: Non, jusqu' te faire parvenir ta
destination.
* * *
Un jour, on lui posa la question: Qu'est-ce qui te
fait rpugner le poste d'mir. Il rpondit: C'est la
saveur de son sein quand on le prend et l'aigreur de
son sevrage.
Un autre jour, son compagnon entra et le trouva
en train de ptrir la pte. Il lui dit: O est la servante?
Salman lui rpondit: Nous l'avons envoye pour une
AbouDharal-Gifary 37
qu'Abou Dhar coutait attentivement.
Puis, Abou Dhar n'attendit pas beaucoup de
temps, pour proclamer: J'atteste qu'il n'est de dieu
que Dieu et j'atteste aussi que Mohammad est son
serviteur, son envoy.
- D'o es-tu, frre arabe? dit le Messager ().
- De Ghifar, rpondit Abou Dhar.
A cette rponse, le Messager () esquissa un large
sourire significatif. Abou Dhar sourit aussi et sut au
fond de lui le sens du sourire de son interlocuteur.
Oui, la tribu des Ghifar tait rpute pour le
brigandage de ses hommes. Ces derniers taient des
pillards redouts dans toute l'Arabie.
Comment se fit-il que l'un d'eux vint embrasser
l'Islam, alors que l'Islam tait encore une religion
mconnue?
En racontant lui-mme cette rencontre, Abou
Dhar dira, entre autres: Le Prophte () s'est mis
alors regarder de haut en bas, par tonnement de ce
qui est arriv des Ghifar, puis il a dit: "Dieu guide qui il
veut."
C'est vrai, Abou Dhar est l'un de ces guids, qui
Dieu veut du bien. Dj avant d'embrasser l'Islam, il
tait un rvolt contre l'adoration des idoles, qui
tendait croire en un crateur sublime. C'est
pourquoi il se dirigea vers la Mecque, ds qu'il
entendit parler d'un prophte qui dnonait
l'adoration des idoles.
Ife Ife Ife
38 Deshommesautourdu Prophte
Abou Dhar, de son vrai nom Jundub b. Jinada, se
convertit donc l'Islam, ds qu'il entendit les premiers
versets de la bouche du Messager (). Dans le
classement des musulmans, il est le cinquime ou le
sixime.
Par ailleurs, il tait d'une nature bouillante. Il
tait fait pour tre toujours rvolt contre le faux. Et
maintenant le voil en train de voir des pierres tailles,
auxquelles on courbait l'chine. Alors, il devait dire
quelque chose, lancer un cri avant de partir.
Il dit au Messager (): 0 Messager de Dieu, que
me recommandes-tu?
Le Prophte () lui rpondit: Tu reviens dans ton
peuple, jusqu' ce que mon affaire te parvienne.
Abou Dhar ne se retint pas de dire sur le champ:
Par celui qui dtient ma vie dans sa main, je n'y
retournerai qu'aprs avoir cri l'Islam dans la
Mosque!
Ainsi tait sa nature rebelle. Etait-il possible
qu'Abou Dhar retourne silencieux chez lui, l'instant
o il dcouvrait un monde nouveau? Non, cela tait
insupportable pour lui.
Aprs quoi, il entra la Mosque sacre et dit de
sa plus haute voix: J'atteste qu'il n'est de dieu que
Dieu et j'atteste aussi que Mohammad est l'envoy de
Dieul
A notre connaissance, c'tait l le premier clat de
voix musulman qui dfia l'orgueil des Quraych, un clat
de voix lanc par un tranger qui n'avait ni lien de
Abou Dhtu a / ~ G i f a r y 39
parent ni protection la Mecque.
Ce cri ameuta les Quraychites, qui se mirent
aussitt maltraiter Abou Dhar, de telle sorte qu'il se
retrouva terre. Il ne fut sauv in extremis que par
l'intervention intelligence d'al-Abbs, l'oncle du
Prophte (): 0 Quraychites! avait-il dit, vous tes
des commerants et votre commerce passe par le pays
des Ghifar, dont cet homme fait partie. S'il excite son
peuple conte vous, ils couperont le chemin vos
caravanes.
Le jour suivant, ou peut-tre le mme jour, le
nouveau musulman rcidiva son dfi, sans avoir la
moindre peur. En effet, ds qu'il vit deux femmes en
train de faire des tournes autour de deux idoles, il se
mit jeter le discrdit sur ces deux idoles, si bien que les
femmes crirent au secours.
Les Quraychites accoururent vite et se mirent le
frapper si violemment qu'il perdit connaissance...
Et quand il reprit connaissance, il dit encore
haute voix: J'atteste qu'il n'est de dieu que Dieu et
j'atteste aussi que Mohammad est l'envoy de Dieul
La nature de ce nouveau disciple n'tant plus un
secret pour personne, le Messager () lui ritra son
ordre de retourner chez lui et d'attendre la suite des
vnements.
* * *
Abou Dhar rentra donc chez lui et s'attela aussitt
appeler les membres de sa tribu l'Islam. Il ne se
40 Deshommesautourdu Prophte
limita pas dans cette noble mission sa seule tribu,
puisqu'il appela aussi les Aslam, qui taient les voisins
des Ghifar.
Puis, aprs l'expatriation du Messager ()
Mdine, voil Abou Dhar qui arrivait avec un grand
convoi de musulmans venant du terroir des Ghifar et
des Aslam!
Le Messager () les accueillit avec joie puis
invoqua pour eux la misricorde divine. Quant
Abou Dhar, il dit de lui: Les terres dsertiques et les
terres verdoyantes n'ont connu de langue plus vridique
que (celle) d'Abou Dhar.
* * *
Le Messager () rsuma en quelques mots la vie
venir de son compagnon. Et effectivement, la sincrit
sera l'essentiel dans la vie d'Abou Dhar,
Il mnera une vie de sincre qui ne trompa ni lui-
mme ni autrui et qui ne permit pas qu'on le trompt.
Sa sincrit ne fut aucun moment une qualit
sourde. Il disait la vrit, s'opposait au faux, sans
prendre de gants.
Comme le Messager () voyait avec clairvoyance
les difficults qu'Abou Dhar allait rencontrer, il lui
recommandait toujours la patience.
Un jour, il lui posa cette question: 0 Abou Dhar,
comme agiras-tu quand tu seras rejoint par les mirs
qui s'accaparent du butin.
- Par celui qui t'a envoy avec le vrai, Je
Abou Difar al-Gi/ar,. 41
frapperai alors avec mon pe, dit Abou Dhar..
- Ne te montrerai-je pas ce qui est beaucoup
mieux que cela? Tu t'armes de patience jusqu' ce que
tu me rejoignes, dit le Messager ().
Au fait, pourquoi le Messager () lui avait-il pos
prcisment cette question?
Les mirs et la fortune, voil la question laquelle
Abou Dhar consacratote sa vie, tout en ayant
toujours l'esprit le conseil du Messager.
* * *
L'poque du Messager () passa, puis celle d'Abou
Bakr, puis celle de Omar, avec la domination de la
sobrit. Durant cette priode, il n'y eut pas de
dviations pour qu'Abou Dhar levt la voix et s'y
oppost vigoureusement.
Mais, aprs la mort de Omar, les choses
changrent. Il constata alors les effets nfastes du
pouvoir et de la fortune sur ses anciens compagnons,
qui avaient pourtant ctoy le Messager ().
A chaque fois qu'il dcidait de prendre son sabre
et sortir combattre le mal, il se rappelait le conseil du
Messager (), Il laissait alors son arme dans son
fourreau, sachant bien qu'il est interdit d'utiliser les
armes contre le musulman: Il n'appfUtient pas li un
croyant de tuer un croyant, sauf si c'est
involontairement (s. 3, v. 92).
Sa tche n'tait donc pas de prendre les armes
mais d'exprimer son oppositi(}'D. au:x"pratiques
42 Deshommes autour duProphte
condamnables, par le propos vridique et juste. Il fit
alors face avec sa sincritaux mirs, aux riches, c.--d.
tous ceux qui, par leur penchant pour la vie d'ici-bas,
devinrent un danger pour la religion.
L'opposition d'Abou Dhar aux centres du
pouvoir et de la fortune devint si importante que son
nom fut connu de tout le monde, Dans chaque ville o
il allait, avec chaque mir qu'il rencontrait, il avait sur
ses lvres cette devise: Annonce ceux qui ammassent
l'or et l'argent qu'ils auront des cautres de feu, avec
lesquels leurs fronts seront cautriss, le Jour de la
rsurrection.
Cette devise, sa devise, devint tellement clbre
que les gens la reprenait toutes les fois qu'ils le
rencontraient dans la rue.
A Damas, o Mouwiya b. Abou Soufyantait le
gouverneur qui grait sa guise les biens de la
communaut musulmane, Abou Dhar mit nu la
gestion scandaleuse qui ne profitait qu'aux riches.
Dans ses runions avec les petites gens, il dit entre
autres: Cela m'tonne! Celui qui ne trouve pas quoi
manger chez lui, pourquoi ne sort-il pas avec l'pe
brandie? Puis, se rappelant le conseil du Messager
(), .il abandonna lediscouts guerrier pout revenir au
discours raisonnable bas sur les arguments. Il parla de
la justice sociale, de l'galit entre les hommes et des
devoirs de l'mir.
AbouDharal-Glfary 43
Son activit devint dangereuse pour les mirs,
lorsqu'il fit un dbat public avec Mouwiya. Ce jour-
l, Abou Dhar dit Mouwiya ses quatre vrits. Il lui
rappela sans crainte sa fortune d'alors et celle qu'il
avait avant de devenir gouverneur, sa maison qu'il
avait la Mecque et les palais qu'il possdait alors en
Syrie. Ensuite, il s'adressa aux compagnons devenus
riches qui taient assis: Etes-vous ceux qui ont
accompagn le Messager, pendant que le Coran
descendait sur lui? Oui, c'est vous qui tiez prsents
alors que le Coran descendait.,
Puis, il revint la charge, pour poser la question:
Ne trouvez pas dans le Livre de Dieu: "Ceux qui
thsaurisent l'or et l'argent, sans en faire dpense sur le
chemin de Dieu, annonce-leur un chtiment douloureux
*pour le jour o l'or et l'argent ports au rouge dans le
feu de Ghenne leur brleront le front, les jIIlncs, le dos:
Voil ce que vous avez thsauris pour vous-mmes.
Savourez donc ce que vous thsaurisiez! (s. 9, v. 34-35).
Mouwiya intervint, pour dire: Ces versets ont
t rvls propos des Gens du Livre. Mais, Abou
Dhar rpliqua: Non! ils ont t rvls pour nous et
pour eux. Puis, il continua conseiller Mouwiya et
ses semblables de remettre les fermes, les palais et tous
les autres au Trsor public...
Aprs le dbat, Mouwiya envoya au khalife
Othman une lettre, dans laquelle il se plaignit en ces
termes: Abou Dhar a corrompu les gens en Syrie.
Alors, Othman convoqua Abou Dhar Mdine.
44 Deshommes autour du Prophte
Celui-ci rentra effectivement et eut avec le khalife un
long entretien, la fin duquel il dit: Je n'ai pas besoin
de votre monde.
Puis, quand Othman l'invita rester prs de lui,
Mdine, Abou Dhar demanda la permission de se
retirer ar-Rabdha. Il eut cette permission.
... ... ...
A ar-Rabdha, il reut la visite d'une dlgation
venue d'al-Koufa, On lui demanda de diriger la rvolte
contre le khalife. Mais lui les mit en garde contre une
telle action, avec des mots trs clairs: Par Dieu! si.
Othman me crucifie sur la plus longue planche ou sur
une montagne, j'couterai et j'obirai et je patienterai...
S'il me renvoie chez moi, j'couterai et j'obirai et je
patienterai...
A mditer cette rplique, on comprend qu'Abou
Dhar tait rest respectueux du conseil du Messager ().
... ... ...
Par ailleurs, il resta durant toute sa vie le regard
braqu sur les fautes commises par les fortuns et les
dtenteurs du pouvoir. Il dtesta tellement le poste de
responsabilit et la fortune qu'il prfra viter ses
compagnons devenus responsables.
Une fois, Abou Mousa al-Achry se prcipitant
le rencontrer, en lui disant: Bienvenue mon frrel,
Abou Dhar lui rpliqua schement: Je ne suis plus ton
frre! je l'tais avant que tu ne deviennes un mir.
AbouDharal-Gifary 45
A une autre occasion, il se comporta de la mme
faon avec Abou Hurayra. A ce dernier, il avait dit:
Laisse-moi tranquille! n'es-tu pas celui-l qui on a
donn le poste d'mir, si bien que tu es devenu
propritaire de constructions, de btail et de terres
cultives.
En outre, quand on lui proposa l'mirat (flrak,. il
rpondit: Par Dieu! non. Vous ne m'attirez jamais par
votre ici-bas.
* * *
Un jour, un compagnon lui le vit avec un
vtement trs ancien. Il lui dit: N'as-tu pas un autre
vtement? Il y a quelques jours, j'ai vu dans tes mains
deux vtements nouveaux?
- 0 fils de mon frre, rpondit Abou Dhar, je les
ai donns quelqu'un qui en a plus besoin que moi.
- Par Dieu, tu en as trs besoin, fit remarquer le
compagnon.
- Mon Dieu! pardonne-lui. Toi, tu magnifies
l'ici-bas! Ne vois-tu pas cette burda que je porte? Et
puis, j'ai une autre pour la Prire du vendredi. Et puis,
j'ai une chvre dont je trais le lait et une nesse qui me
sert au transport. Y a-t-il un bienfait meilleur que celui
que nous avons?
* *
En rapportant des hadiths du Messager (), il
46 DeshommesautourduProphte
avait dit une fois: Mon ami m'a recommand sept
choses...
* Il m'a ordonn d'aimer les pauvres et d'tre
proches d'eux.
* Il m'a ordonn de voir celui qui est en-dessous
de moi et de ne pas voir celui qui est au-dessus de moi.
* Il m'a ordonn de ne rien demander personne.
* Il m'a ordonn de prserver les liens de parent.
* Il m'a ordonn de dire la vrit mme si elle est
amre.
* Il m'a ordonn de ne craindre le reproche de
personne, en vue de Dieu.
* Il m'a ordonn de dire beaucoup: "Il n'est de
force et de puissance que par Dieu."
Abou Dhar avait bien faonn sa vie suivant ce
testament si bien qu'il devint la conscience de sa
communaut. Voici justement le tmoignage de l'imam
Ali son sujet: A part Abou Dhar, il ne reste
aujourd'hui aucun qui, en vue de Dieu, ne craint pas
le reproche de personne.
Durant toute sa vie, il fut un opposant opinitre
de l'exploitation du pouvoir et de la monopolisation
des richesses. Il vcut toujours en tant que btisseur du
droit chemin. Une fois, il avait dit: Par celui qui
dtient mon me dans sa main! si vous dposez le
sabre sur mon cou, et que je pense avoir le temps de
dire un mot que j'ai entendu du Messager, avant de me
AbouDharal-Gifary 47
le couper, je dirai ce mot sans hsiter (un seul instant),
* *
Le jour de sa mort, il tait seul avec sa femme
ar-Rabdha, le lieu qu'il avait choisi pour y rsider, la
suite de son conflit avec le khalife Othman.
Sa femme tait assise prs de lui, les larmes aux
yeux. Pour la consoler, il lui dit: Pourquoi pleurer,
alors que la mort est un droit?
- Je pleure, parce que tu vas mourir, alors que je
n'ai pas de linceul pour t'y ensevelir, dit-elle.
- Calme-toi, reprit-il, ne pleure pas. J'ai entendu
le Messager () dire alors que j'tais chez lui avec un
groupe de compagnons: "Un d'entre vous mourra dans
une terre dserte, mais un groupe de croyants
assisteront sa mort."
Tous ceux qui taient prsents cette runion-l
sont morts au milieu d'une communaut. Il ne reste que
moi et me voil en train de mourir dans un dsert.
Surveille la route. Un groupe de croyants va arriver ...
Puis, il rendit l'me. Par Dieu! il avait dit vrai.
Voil au loin une caravane qui se profilait. Abdallah b.
Masaoud tait parmi les caravaniers.
A la vue l-bas d'une dame et d'un enfant prs
d'un corps tendu, il rorienta sa monture. Les autres
firent comme lui. Ds qu'il arriva, il reconnut vite le
corps inerte de son compagnon. Il fondit alors en
larmes, avant de se rapprocher de la dpouille. Puis, il
dit: Le Messager de Dieu a dit vrai. Tu marcheras
48 Deshommes autour duProphte
seul, tu mourras seul, et tu seras ressuscit seul.a..
* * *
Le Messager () avait dit cela lors de l'expdition
de Tabouk, en l'an 09 de l'Hg., c--d. vingt ans avant
ce jour-l. Lors de ce dplacement, Abou Dhar tait
rest loin derrire l'arme musulmane, cause de son
faible chameau, si bien que son absence avait t
remarque. Puis, aprs s'tre convaincu de l'incapacit
de sa monture continuer le voyage, il avait repris le
chemin, pied. Il avait alors rattrap ses compagnons
le lendemain, quand ces derniers s'taient arrts pour
une pause.
Lorsque le Messager () l'avait vu s'avancer seul,
il avait dit: Dieu accorde sa misricorde Abou Dhar!
il marchera seul, il mourra seul et il sera ressuscit
seul.
BilaI b. Rabah
1
Quand on citait le nom d'Abu Bakr devant Omar
b. al-Khattab, celui-ci disait: Abou Bakr est notre
matre, qui a libr notre matre. Il visait BilaI.
Mais BilaI ne prtait pas beaucoup d'attention
aux loges qu'on lui adressait. Il baissait les yeux, en
disant humblement: Je suis plutt un Abyssinien...
J'tais un esclave...,
Cet ancien esclave noir, svelte mais grand, aux
cheveux crpus et aux petites paules, qui est-il?
C'est BilaI b. Rabah, le premier muezzin de
l'Islam et le contradicteur des adorateurs des idoles.
Et puis, qui ne connat pas BilaI, alors que son nom
traverse le temps depuis le dbut de l'Islam?
Des centaines de millions de tous les ges le
connaissent. Si on interroge un enfant musulman de
n'importe quelle partie du monde: Petit enfant, qui
est Bilal? il rpondra: C'est le muezzin de l'Envoy.
C'est cet esclave qui est devenu musulman et que son
matre polythiste torturait, pour le faire dvier de
l'Islam.
En effet, Bilal tait un esclave qui s'occupait du
btail de son seigneur, pour quelques poignes de
49
50 Des hommes autour duProphte
dattes. Di ce n'tait sa foi en l'Islam, il aurait travers le
temps en inconnu. La couleur de sa peau, sa condition
sociale ne l'ont pas empch d'occuper un rang trs
lev parmi les musulmans.
Lui le dpossd de tout, le fils d'une esclave, on le
croyait incapable de la toute petite chose. Mais voil
qu'il osa et embrassa l'Islam. Il eut une foi
inbranlable, devant laquelle se brisrent toutes les
tentatives de dissuasion.
Il subissait la vie d'esclave. Des jours se
ressemblaient. Il n'avait aucun droit et il n'avait
aUCUn espoir en un possible lendemain diffrent. Puis,
voil qu'on parla de Mohammad devant lui. Les
Mecquois, y compris Omaya ben Khalaf, ne cachaient
pas leur sentiment envers Mohammad, et ils
l'exprimaient clairement, tandis que BilaI coutait.
Ils reconnaissaient bien.l'intgrit de Mohammad,
discutaient de la nouvelle religion mais la rejetaient
ensuite. Ils disaient que Mohammad n'tait ni
menteur, ni sorcier, ni fou. Cependant, ils avaient
peur .pour la religion de leurs anctres et craignaient
que la Mecque perdrait son rle religieux. prpondrant
en Arabie.
Dans ces conditions-l, Bilal eut le cur ouvert
la lumire divine et il alla au Messager de Dieu ()
annoncer sa conversion l'Islam. Mais la nouvelle ne
tarda pas faire le tour de la cit. Son matre Omaya
vit en cela un affront qu'il fallait effacer tout prix, et
vite.
Bilalb. Rabah 51
Mais Bilal tait convaincu et rsolu. Il ne cda
pas, il rsista toutes les tortures.
Dieu l'avait choisi comme exemple pour peut-tre
dire aux humains que la couleur de la peau et la
condition d'esclave n'entament nullement la grandeur
de l'me croyante. La libert de conscience ne peut
s'acheter. Bilal l'avait dmontr par sa rsistance
tous les supplices.
On le faisait sortir chaque jour, au soleil de midi,
pour le jeter sur le sable brlant et le laisser souffrir
sous le poids insupportable d'un rocher trs chaud. Ses
tortionnaires voulaientle dtourner de sa foi tandis que
lui voulait tre musulmans. Comme sa situation de
supplici durait, on lui proposa de dire un mot de
bien, un tout petit mot en faveur de leurs dieux, pour
faire cesser son supplice.
Mme ce petit mot, Bilal ne la pronona pas, lui
qui pouvait le dire de faon superficielle, sans perdre sa
foi, afin d'tre soulag. Oui, il refusa de le dire et se mit
rpter son chant ternel: Ahadoun, Ahadoun (II est
l'unique, il estrunique).
Ses tortionnaires lui disaient: Dis ce que nous
disons. Mais lui leur disait: Ma langue ne sait pas
bien dire cela,
Les svices reprenaient alors de plus belle jusqu'
l'aprs-midi. A ce moment-l, on enlevait le rocher de
sa poitrine, on lui mettait une corde au cou et on le
laissait la merci de leurs garons, qui le faisaient
courir dans les rues de la Mecque et sur les montagnes.
52 Deshommes autour duProphte
J'imagine qu' la nuit tombe, ses bourreaux lui
disaient: Demain, dis du bien de nos dieux; dis que tes
seigneurs sont al-Lat et al-Ouzza et nous laissons...
Mais BilaI rejetait sereinement ce marchandage par la
reprise de son chant. Sur ce, Omaya ben Khalaf
explosait de colre et de haine: Par al-Lat et al-
'Ouzzal tu vas voir. Tu seras un exemple pour. les
esclaves et pour les matresl,
Et le lendemain, midi, les bourreaux
conduisaient Bilal la place de la veille, sans savoir
qu'il tait arm de patience et de rsolution. Puis, un
jour, Abu Bakr as-Seddiq alla cet endroit, pour leur
dire: Allez vous tuer un homme parce qu'il dit que son
seigneur est Dieu? Par la suite, il dit 'Oumaya: Je
l'achte avec un prix dpassant sa valeur. Qu'en dis-
tu?
Oumaya ne se fit pas attendre de prendre au voIla
boue de sauvetage qui venait de lui tre lance. Ayant
perdu espoir de briser la volont de Bilal, il accepta
l'offre d'Abou Bakr. Il s'tait rendu compte que le prix
de BilaI tait plus profitable que sa mort.
Comme Abou Bakr aidait BilaI se relever,
Oumaya dit: Prends-le! si tu m'avais propos un
ouqiya, je te l'aurais vendu.
Abou Bakr, se rendant compte que ces mots
taient destins humilier Bilal, rpondit: Par Dieu! si
vous aviez exig cent ouqiyas, je les aurais avancesl
Puis il se retira avec Bilal.
Puis, plus tard, il y eut l'exode Mdine et le
Bilai b. Rabah 53
Messager () dcrtal'appel la prire. Qui allait tre le
premier muezzin des musulmans? Qui allait lancer cet
appel cinq fois par jour? Eh bien! Le Messager () allait
choisir BilaI qui, treize ans auparavant, avait dit aux
polythistes: Dieu est l'Unique... il est l'Unique.
Puis, il y eut la bataille de Badr entre les
musulmans-et les qui taient sortis au
secours de leur caravane. Omaya ben Khalaf y tait et
BilaI aussi. Mais chacun se trouvait dans le camp
oppos.
Ce jour-l, le chant que BilaI rptait sous la
torture devint .le slogan menant les musulmans au
combat et la victoire. Omaya vit alors sur le champ
de bataille Abdurrahman ben Aouf et il demanda sa
protection. Abdarrahman accepta et le conduisit vers
l'endroit o on rassemblait les captifs. Bilai le vit sur le
chemin et dit voix haute: Le chef de file de la
mcrance! Omaya ben Khalafl Puis, il s'lana,
l'pe menaante. Abdarrahman intervint: Bilall c'est
mon captifl
Comment Omaya tait-il un captif, alors que tout
l'heure il maniait son sabre contre les musulmans?
Sur ce, BilaI appela ses compagnons: soutiens de
Dieu! voil le chef de file de la mcrance! Omaya ben
Khalafl Un groupe de musulmans accoururent et
encerclrent le polythiste et son fils. Abdarrahman
ben Aouf ne put rien faire...
Puis, les annes passrent et les musulmans
entrrent la Mecque en librateurs. Le Messager ()
54 Deshommesautourdu Prophte
se dirigea droit vers la Kafba encore encombre
d'idles. A partir de ce jour, plus de Houbal, plus de
'Ouzza, plus de Lat en ce lieu sacr. Le Messager ()
entra avec Bilal l'intrieur de la Ka'ba, puis il lui
demanda de montrer sur le toit et de lancer l'appel la
prire.
Bilal monta et lana l'appel devant les milliers de
musulmans. Ces derniers reprenaient aprs lui chaque
squence de l'adhan, tandis que la majorit des
polythistes taient dans leurs maisons. Cependant,
trois notables qoraychites se touvaient devant la
Kafba: Abou Soufyan ben Harb qui venait de se
convertir l'Islam, Attab ben Ousayd et al-Harith
ben Hicham qui taient encore polythistes.
Dieu a bien fait d'pargner mon pre d'couter
celui-l. Sinon il aurait entendu ce qui l'exasprait, dit
Attab.
- Par Dieu! si je sais que Mohammad a raison, je
le suivrai, dit al-Harith
Quant au rus Abou Soufyan, il dit: Moi je ne
dis rien. Si je dis quelque chose, ces cailloux
rapporteront cela.
Quand le Prophte () sortit de la Ka'ba, il leur
dit: J'ai su ce que vous avez dit; Puis il leur raconta
leur conversation. Al-Harith et Attab dirent voix
haute: Nous attestons que tu es vraiement le
messager de Dieu. Par Dieu! personne ne nous a
entendus pour que nous disions qu'il t'a informl
... ... ...
Bilalb. Rabah 55
BilaI tait le compagnon de toujours du Prophte
(). Il prenait part aux expditions et aux batailles,
lanait l'appel la prire, accomplissait les rites de
cette religion nouvelle. Si bien que le Prophte () dit
de lui: C'est un homme qui fait partie des compagnons
du Jardin.
Mais Bilal tait rest toujours modeste. Une fois,
avec un compagnon qui voulait sa marier lui aussi, il
alla demander la main de deux femmes. Devant -le pre,
il dit: Je suis Bilal et voil mon frre. Deux esclaves
d'Abyssinie. Nous tions des gars mais Dieu nous a
guids. Nous tions des esclaves mais Dieu nous a
librs. Si vous nous donnez la main de vos filles,
alors louange Dieu, Si vous refusez, alors Dieu est
grand.
* * *
Aprs la mort du Messager (), Bilal dit au khalife
Abou Bakr: 0 khalife du Messager, j'ai entendu le
Messager de Dieu dire: La meilleure action du croyant
c'est de combattre sur le chemin de Dieu - 0 Bilal,
que veux-tu? dit Abou Bakr.
- Je veux sortir pour stationner sur les frontires
et me consacrer ainsi au combat sur le chemin de Dieu
jusqu' la fin de mes jours. - Et qui va s'occuper de
l'adhan? - Je ne ferai plus d'adhan pour personne
aprs la disparition du Messager de Dieu. - Reste et
occupe-toi de l'adhan pour nous, Bilal - Je ferai ce
que tu veux, dans le cas o tu m'avais libr pour que je
sois toi. Sinon, laisse-moi avec la cause pour laquelle
56 Deshommes autourduProphte
tu m'avais libr, dansle cas o tum'avaislibren-vue
de Dieu..._.. Au contraire, je t'avais libr en vae de
Dieu, BilaI....
L, les historiens divergent. Selon certains, Bilal
partit aux frontires de Syrie, en tant que combattant
pour la cause de l'Islam. Selon d'autres, il resta
Mdine aprs avoir accept la demande d'Abou Bakr.
Mais aprs la disparition de ce dernier, il demanda au
nouveau khalife Omar ben al-Khattab la permission
d'aller stationner sur les frontires, pour la cause de
Dieu. Aprs quoi, comme il voulait, il s'en alla en Syrie.
Sa tombe se trouve Damas.
Abdallah b. Omar
1
Ce valeureux compagnon avait dit la fin de sa
longue vie: J'ai prt allgeance au Messager () et
depuis je n'ai pas trahi, je n'ai pas prt allgance
un partisan de sdition et je n'ai pas rveill un croyant
de son sommeil.
Ce tmoignage rsume la vie de cet homme de
bien qui avait vcu 85 ans. La relation avec l'Islam et
le Prophte () commena le jour o les musulmans
allaient sortir pour Badr. Il accompagna son pre
Omar ben al-Khattab au regroupement, avec
l'intention de prendre part l'expdition. Mais le
Prophte () ne l'accepta pas, en raison de son trs
jeune ge. Abdallah n'avait que 13 ans. Depuis ce
jour-l, ou plutt depuis le jour o il fit l'exode
Mdine avec son pre, ses liens se tissrent avec l'Islam.
Il apprit de son pre une partie du bien; avec son
pre il apprit du Prophte () tout le bien. Comme son
pre, il sut tre un bon croyant. Il voyait comment le
Prophte () procdait puis il l'imitait. Il suivait le
Prophte () en tout, si bien que cela tonnait.
L, le Prophte () avait fait une prire. Eh bien!
Ibn Omar y faisait une prire. L-bas, le Prophte ()
faisait des invocations debout. Eh bien! Ibn Omar y
57
58 DeshomtnJ!S autour duProphte
invoquait debout. En cet endroit-l, lors d'un voyage, le
Prophte () descendit de sa chamelle et fit deux raka.
Eh bien! Ibn Omar appliquait le mme chose quand il
passait par le mme endroit.
Bien plus, quand il allait la Mecque, il faisait
tourner sa chamelle deux fois telle place, puis
descendait et priait deux rak'a, parce qu'il avait vu le
Prophte () agir ainsi.
Son imitation presque parfaite du Prophte ()
dans les actes de dvotion avait fait dire Aicha ():
Il n'y avait personne qui suivait les actions du
Prophte () comme Ibn Omar.
Durant sa longue vie, il tait si dvou et attach
aux traditions du Prophte () que le musulman disait:
0 Dieu! garde Abdallah en vie tant que je vis pour que
je fasse comme lui. C'est que je ne connais pas
quelqu'un d'autre comme lui qui suit le rite de la
premire poque.
En plus de ce respect scrupuleux des faits et gestes
du Prophte (), Ibn Omar tait trs attentif quant
rapporter les hadiths. Ses contemporains avaient laiss
ce tmoignage: Parmi les compagnons du Messager de
Dieu, personne n'tait plus prudent qu'Ibn Omar
rapporter fidlement les hadiths du Messager.
Il l'tait aussi dans le domains des fatwa. Une fois,
un musulman lui ayant demand un avis religieux sur
une question, Ibn Omar avait dit: Je n'ai pas de
connaissance sur ce que tu m'interroges. Puis, tout
content, il avait dit: J'ai t interrog sur ce que je ne
Abdallahb. Omar 59
sais pas et j'ai dit que je ne savais pasl Ainsi, il
craignait beaucoup de prendre l'initiative d'une fatwa,
bien qu'il ment une vie conforme aux prceptes de la
religion musulmane.
Sa crainte de Dieu lui dictait aussi de ne pas
accepter la fonction de cadi. Il refusa cette fonction en
dpit des demandes rptes du khalife Othman (r).
Quand ce dernier lui dit: Est-ce que tu me dsobis?
Ibn Omar dit: Pas du tout. Mais je sais qu'il y a trois
types de cadis. Il yale cadi qui juge par ignorance:
celui-l ira au Feu. Il y a aussi le cadi qui juge par
passion: celui-l ira au Feu. Et il yale cadi qui fait
effort et qui atteint le but: Celui-l a ce qui suffit pour
survivre, sans faix et sans salaire... Au nom de Dieu, je
te demande de m'en dispenser.
Sur ce, Othman le dispensa de cette tche si
ingrate. C'est que Abdallah ben Omar prefrait
s'occuper de lui-mme. Il recherchait toujours la
chastet, la purification permanente de son me. Il
tait le compagnon de la nuit: il la passait en prires
et en invocations pieuses.
Etant jeune, il avait vu un rve, que le Prophte
() le lui avait interprt de la faon suivante: La prire
de nuit serait la joie d'Ibn Omar. Celui-ci avait racont
son rve ainsi: Du vivant du Messager (), je me suis
vu en rve tenant un morceau de brocard. Chaque fois
que je voulais un endroit du Jardin, il m'y emmenait
aprs m'avoir pris en vol. J'ai vu aussi deux (anges)
venir moi. Ils voulaient m'emmener au Feu. mais un
autre ange s'est interpos et a dit: N'aie pas peur,
60 Deshommes autourdu Prophte
Puis, tous deux m'ont laiss.
Hafsa (ma sur) a racont le rve au Prophte ()
qui a dit: Quel excellent homme est Abdallah! s'il
faisait des prires la nuit et en multipliait.
Depuis ce jour-l, Ibn Omar ne rta aucune prire
nocturne, qu'il ft chez lui ou en voyage. Il priait,
rcitait le Coran, invoquant beaucoup. Obayda ben
Omayr avait dit: Un jour, j'ai rcit devant Abdallah
ben Omar. "Comment en serait-il autrement quand Nous
ferons surgir de toute nation son tmoin, et te produisons
toi-mme en tmoin de tous ceux-l? * Ils voudront bien
ce jour-l, les dngateurs, les rebelles l'Envoy, que la
terre sur eux se nivelle: mais ils ne pourront Dieu celer
nul propos (s. 4, v. 41-42). Alors, il s'est mis pleurer si
bien que ses larmes ont mouill sa barbe. Une autre
fois, alors qu'il tait assis avec des musulmans, il rcita
*Malheur aux escamoteurs *qui lorsqu'ils achtent aux
gens leur prennent large mesure * et lorsqu'ils leur
vendent, la mesure ou au poids, leur font perdre *
n'apprhendent-ils pas, ceux-l, d'tre ressuscits * en
un Jour solennel *un Jour o les hommes comparatront
devant le Matre des univers (s. 83, v. 1-2-3-4-5-6). Puis,
il se mit rpter un Jour o les hommes comparatront
devant le Matre des univers (s. 83, v. 6). pendant qu'il
pleurait chaudes larmes.
* * *
Sa gnrosit son asctisme, sa pit agissaient en
lui en une grande harmonie pour former les qualits de
l'homme vertueux. En effet, Ibn Omar donnait sans
compter parce qu'il tait un gnreux; il donnait la
Abdallahb. Omar 61
chose bonne, licite parce qu'il tait un pieux, et il ne se
souciait pas que sa gnrosit le laisserait pauvre, parce
qu'il tait un ascte.
Certes, Ibn Omar avait des revenus apprciables
- il tait un commerant - et aussi une pension que
lui versait le Trsor public (Bayt al-Mal). Mais il ne
rservait pas tout cela lui seul. Au contraire, il en
donnait aux pauvres, aux dmunis, etc...
Ayoub ben Wail racontait qu'Ibn Omar avait un
jour reu 4000 dirhams et une pice de velours. Le jour
suivant, il le vit au souk en train d'acheter crdit une
quantit de fourrage pour sa monture. Alors, Ayoub
alla interroger la femme d'Ibn Omar: N'a-t-il pas reu
4000 dirhams ainsi qu'une pice de velours? - Oui,
rpondit-elle. - Je l'ai vu aujourd'hui au souk en train
d'acheter du fourrage pour sa monture, sans en avoir le
prix... - Il n'est rentr hier soir qu'aprs avoir
distribu la somme. Puis il a pris la pice de velours
sur son paule et il est sorti. A son retour, elle n'tait
plus avec lui. Nous lui avons pos la question et il a
rpondu qu'il en avait fait don un pauvre.
C'est vrai, Ibn Omar n'tait pas un avare. Les
biens matriels ne faisaient que passer par ses mains.
Il en donnait toujours aux ncessiteux et aux pauvres.
Et puis, il ne mangeait jamais seul. Il invitait
rgulirement des .orphelins ou des misrables. C'est
pourquoi les pauvres se mettaient sur son chemin,
pour tre invits.
* * *
62 Deshommes autourduProphte
Le bien matriel tait au service d'Ibn Omar, non
un matre; un moyen de vie, non de faste. Sa fortune
n'tait pas lui seul mais aussi aux pauvres. C'tait sa
pit qui l'avait aid tre gnreux. Il ne se
passionnait pas pour les biens de ce monde comme il
ne les recherchait pas. Il se suffisait du simple vtement
pour s'habiller et de la nourriture pour dominer sa
faim.
Une fois, un ami venant de Khorasan lui offrit un
vtement doux. Ibn Omar dit, en le touchant: Est-ce
de la soie? - Non, dit l'autre, c'est du coton. - Non,
dit Ibn Omar en repoussant l'habit de sa main, je crains
qu'il ne me transforme en un JL:.:;...... vaniteux. Alors que
Dieu n'aime pas le vaniteux.
Une autre fois, un ami lui apporta un bol rempli
et le lui offrit: Qu'est-ce que c'est? demanda Ibn Omar.
- C'est un mdicament trs efficace, dit son ami. je te
l'apporte d'Irak. - Et que gurit ce mdicament? - Il
aide digrer les aliments. - Digrer les aliments? dit
Ibn Omar en souriant, mais je ne me suis jamais
rassassi depuis 40 ans.
Ainsi, depuis une quarantaine d'annes, il ne
mangeait que pour tromper la faim. Il menait sa vie
ainsi par pit et asctisme. Il avait pour parangon le
Messager () et il craignait qu'on lui dt au Jour de la
rsurrection: Vous avez puis vos bonnes actions durant
votre vie d'ici-bas, loisir vous en avezjoui (s. 46, v.20).
Il savait bien qu'il n'tait que de passage dans cet ici-
bas.
Abdallahb. Omar 63
Maymoun ben Mahran: Je suis entr chez Ibn
Omar et j'ai valu ce qu'il y avait comme couche,
couverture, tapis, etc. Tout cela n'quivalait pas les
cent dirhams. Cela n'tait pas d la pauvret,
puisqu'Ibn Omar tait riche, et cela n'tait pas d
l'avarice puisqu'Ibn Omar tait gnreux. Au contraire,
cela tait le rsultat de l'asctisme. Quand on lui parlait
des plaisirs de ce monde, il disait: Mes compagnons et
moi, nous nous sommes unis pour une cause, et je
crains, si je les contredis, de ne pas les rejoindre.