Théologie Trinitaire Et Christologique de Nicée À Chalcédoine Et Jean Calvin
Théologie Trinitaire Et Christologique de Nicée À Chalcédoine Et Jean Calvin
Théologie Trinitaire Et Christologique de Nicée À Chalcédoine Et Jean Calvin
Christologie systematique
G e n v e , s e p t e m b r e 2 0 1 1
Introduction
Ce travail fut crit dans le cadre du cours de Thologie systmatique Christologie, cours imparti la Facult Autonome de Thologie de lUniversit de Genve. Il essaie de mettre en rapport les positions thologiques traditionnelles de lge patristique, si importantes dans la thologie dogmatique orthodoxe, et des positions thologiques rformes et plus concrtement calviniennes, comme elles sont expliques lUniversit de Genve. Nous avons trouv des difficults, premirement cause de la connaissance partielle de la thologie calvinienne. Deuximement, on a constat que les enjeux thologiques du rformateur ne se trouvaient pas dans les formulations dogmatiques des conciles cumniques, mais plutt dans dautres aspects thologiques qui sont apparues dans lpoque post-patristique, suite aux positions de la thologie scholastique. Nanmoins, nous avons essay de discerner et exposer la liaison entre la thologie calvinienne et lenseignement patristique de lglise primitive, en utilisant parfois des concepts et notions nomms dans le cadre de notre cours.
THOLOGIE TRINITAIRE ET CHRISTOLOGIQUE DE NICE CHALCDOINE ET JEAN CALVIN Dieu le Pre, la premire personne de la Trinit. Jsus Christ, le Fils unique de Dieu, deuxime personne de la Trinit, le (Verbe) divin, le Fils de lhomme. Saint Esprit, le paraclet (le consolateur), la troisime personne de la Trinit. , Seigneur, terme appliqu tant au Pre quau Fils.
Termes non bibliques La thologie chrtienne, dans son dveloppement tout au long de lhistoire, a du utiliser des termes, non prsents dans la Sainte criture, pour prciser les termes ou concepts bibliques, dfinir avec prcision les vrits de la foi et en mme temps rejeter les affirmations hrtiques. Pensons, par exemple, au terme (consubstantiel), laide duquel lhrsie dun Arius a pu tre dmasque. Pour cette raison, lutilisation de ces termes par les Pres de lglise et les thologiens, a toujours t justifie. Or, ces termes conduisent dnaturer le Christianisme : Ils introduisent une thologie technique ou scholastique, et nont pas la porte affectif des mots bibliques, utiliss dans la liturgie. Cette absence reprsente et constitue une perte (Sprachverlust) de spiritualit. Pour illustrer cette affirmation, on compare la formule liturgique Dieu est amour (1 Jn 4, 16) avec le concept thologique deux natures : la nature humaine et la nature divine, sont hypostasies dans la seule personne (ou hypostase) du Verbe de Dieu . Cette dernire expression na pas de pouvoir symbolique et est incapable de nourrir le spiritualit. Souvent ces termes thologiques non bibliques furent emprunts la philosophie grecque, en y changeant le sens. Pour cette raison lOccident chrtien sest toujours mfi des thologiens orientaux, en les accusant dhellnisation du Christianisme. Les quatre termes philosophico-thologiques les plus utiliss, autant en thologie trinitaire quen christologie, que nous analyserons par la suite, sont : /persona (personne), /substantia (essence), /natura (nature) et /hypostasis (hypostase). On remarque nanmoins que pendant les trois premiers sicles du christianisme la terminologie thologique tait assez confuse, et la signification de ces termes ntait pas toujours parfaitement dfinie. Il fallut donc prciser les termes et clarifier les concepts. Pendant le IVe sicle la signification des quatre termes rfrs ci-dessus sera dfinitivement
THOLOGIE TRINITAIRE ET CHRISTOLOGIQUE DE NICE CHALCDOINE ET JEAN CALVIN fixe, en raison des querelles christologiques ariennes qui eurent comme consquence des discussions thologiques des deux premiers conciles cumniques. Le terme (essence) provient tymologiquement du verbe (tre) et il est pourtant mis en relation avec lexistence. De plus la version latine substantia, essence, provient du verbe esse, tre. En franais, le terme a t traduit substance (du latin substantia) ou, plus correctement, essence. Pour Aristote, essence est toute chose qui a une existence. Dans le sens chrtien, lessence est ce quont en commun toutes les personnes trinitaires ; Pre, Fils et Saint Esprit partagent la mme essence divine. Le terme nicen (consubstantiel), mot clef pendant tout le IVe sicle dans les luttes entre orthodoxes et ariens, exprime parfaitement la relation intrinsque entre Jsus Christ et le Pre. Tous les deux comme dailleurs aussi le Saint Esprit partagent la mme essence divine. Le terme (hypostase) est un substantif verbal qui provient du verbe (signifiant -entre autres- je pose comme fondement ou je me charge). Il est donc mis en relation plutt avec le mode dexistence de quelque chose. Tout comme la version latine substance , provenant de la prposition sub et le verbe sto. La signification du terme hypostase a volue tout au long de lhistoire, mme dans le christianisme, comme nous allons le dvelopper ci-dessous. Dans lantiquit, le terme hypostase fut trs tt utilis comme terme scientifique spcialis, par Platon, Aristote, Plotin et dautres. Chez Aristote, lhypostase signifie quelque chose qui a une existence propre et distingue des autres. Lutilisation chrtienne du terme hypostase est assez proche de la dfinition aristotlicienne. Nanmoins, sa signification a volue tout au long des annes. Dans les textes patristiques primitifs, avant les Pres Cappadociens, le terme hypostase fut utilis pour se rfrer la nature ou aux proprits divines, et il tait presque synonyme dessence et de nature.
THOLOGIE TRINITAIRE ET CHRISTOLOGIQUE DE NICE CHALCDOINE ET JEAN CALVIN Selon la thologie des Pres Cappadociens, les termes essence et hypostase ne sont pas des synonymes. Essence est ce quil y a en commun dans les trois personnes trinitaires, et hypostase est ce quil y a de particulier dans chaque personne et qui les distingue. Notons que pour les Cappadociens encore essence et nature sont des synonymes. Basile de Csare de Cappadoce (330-379) fut le premier pre de lglise qui affirmait que le terme hypostase, appliqu Dieu, signifiait ce qui distingue, par les proprits hypostatiques, chacune des personnes de la Trinit. Il affirme que dans la Trinit il y a une essence divine, une nature divine, et trois hypostases distingues qui se manifestent dans trois personnes. Ainsi, il loigne la signification du terme hypostase de celle dessence pour la rapprocher celle de personne. Dans son uvre Contre Eunome , Basile justifie ce changement en introduisant le terme (nergie), la grce divine. En effet, se sont les nergies divines, non-cres, celles qui expriment la relation essentielle des trois personnes de la Trinit. Depuis le IVe sicle, on fait la distinction et lon utilise le terme hypostase diffremment en parlant de Dieu, en gnral (sens trinitaire), ou en parlant de Jsus Christ (sens christologique). Ainsi, dans le sens trinitaire, chaque hypostase de la Trinit est reconnue par ses proprits hypostatiques : Le Pre pour son innascibilit, c.--d., pour tre inengendr ; le Fils, pour tre n; et le Saint Esprit pour tre procd du Pre. Dans le sens christologique, on parle de lhypostase simple du Verbe de Dieu, dans laquelle sont hypostasis ses deux natures. En effet, le terme (dans lune hypostase), utilis dj par Athanase dAlexandrie mais dvelopp postrieurement par Lonce de Byzance (VIe s.), Jean le Grammarien (VIe s.) et, surtout, Jean Damascne (680-755), exprime la subsistance relle de plusieurs natures dans une seule hypostase. Le terme (personne) tait dabord un terme thtrale qui signifiait masque. Il a t utilis dans un sens thologique du dbut de la Chrtient, en diffrenciant chaque personne (ou hypostase) trinitaire. Mais son usage par Sabellius (IIe s.) et ses
THOLOGIE TRINITAIRE ET CHRISTOLOGIQUE DE NICE CHALCDOINE ET JEAN CALVIN adeptes modalistes, avec le sens primitif de masque ou mode de rvlation de Dieu, causait la mfiance des Pres orthodoxes, et bientt on a prfr utiliser hypostase au lieu de personne. Le terme (nature), dans le sens chrtien, est synonyme dessence, du dbut du christianisme. Cependant le terme acquire une signification spciale des le IVe Concile cumnique, o lon parlera de lunion hypostatique des deux natures de Christ, lhumaine et la divine, comme nous allons le voir dans le paragraphe correspondant.
La
dfinition
de
Chalcdoine
Chalcdoine de Bithynie fut clbr en lan 451 le IVe Concile cumnique. La dfinition de foi de Chalcdoine constitue une tape dcisive dans llaboration du dogme chrtien. Le noyau du concile fut la christologie, et plus concrtement, lhumanit de Jsus Christ et comment expliquer lunion, dans la personne et lhypostase de Jsus Christ, de sa nature humaine avec sa nature divine. Dans la dfinition de Chalcdoine on affirme que le Christ, Fils unique-engendr et Seigneur, est une seule personne (ou une seule hypostase), unique sujet dans lequel shypostasient deux natures, la divine et lhumaine, et ce, sans confusion, sans changement, sans division et sans sparation : [Nous enseignons que nous confessons] un seul et mme Christ, Fils, Seigneur, lUnique-Engendr, reconnu en deux natures, sans confusion, sans changement, sans division et sans sparation, la diffrence des natures ntant nullement supprime cause de l'union, la
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proprit de lune et lautre nature tant bien plutt sauvegarde et concourant une seule personne et une seule hypostase, un Christ ne se fractionnant ni se divisant en deux personnes, mais un seul et mme Fils, Unique-Engendr, Dieu Verbe, Seigneur Jsus-Christ 1. Certains chrtiens, pour des raisons pas toujours exclusivement thologiques, nont pas accept les dcisions de Chalcdoine. Suite au concile, ces glises, dites antichalcdoniennes, se sont spares de lglise orthodoxe. Ce sont les glises copte (en gypte), abyssinienne (en thiopie), syro-jacobite (au Prochain Orient), malabar (en Inde) et armnienne, lesquelles aujourdhui analysent ses positions en vue dune possible rconciliation et retour au sein de lglise. Lunion hypostatique, c.--d. lunion des deux natures dans une seule personne (ou une seule hypostase), a comme consquence la communication des idiomes (ou des proprits), une doctrine fondamentale de la christologie. Les idiomes (grec ) sont, respectivement, les proprits que le Christ possde en vertu de sa nature divine ou les proprits quil possde en vertu de sa nature humaine. La communication des proprits, cest lattribution au Christ, dsign par un nom qui le signifie comme personne de nature divine, dune proprit qui lui appartient en vertu de son humanit (par exemple : le Verbe a souffert ) ; et, corrlativement, cest lattribution au Christ, dsign par un nom qui le signifie comme personne dans sa nature humaine, dune proprit qui lui revient en vertu de sa divinit ( celui qui est n de Marie est le Fils de Dieu). Un exemple trs typique : Marie est la Thotokos , la mre de Dieu ; ici une proprit humaine, natre dune femme, est attribue au Christ dsign par un nom qui le signifie comme personne de nature divine, Fils de Dieu. Le fondement de la communication des proprits, cest lunion selon lhypostase, et pas selon la nature. Cette communication des proprits exprime ltre mme du Christ, sa personne (ou hypostase) divine incarne qui subsiste dans la nature divine et dans la nature humaine. Finalement, cette communication des proprits a lieu l o seffectue lunion ellemme, c.--d. dans la personne (ou hypostase) en laquelle les natures se sont unies. La communication des proprits nest pas un artifice de langage, mais une caractristique relle de ltre de Jsus Christ. Nous allons voir, dans le chapitre ddi la christologie
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THOLOGIE TRINITAIRE ET CHRISTOLOGIQUE DE NICE CHALCDOINE ET JEAN CALVIN calvinienne, comment le rformateur ne considre pas la dimension relle de la communication des proprits, mais quil la qualifie simplement comme une faon de parler.
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tradition orthodoxe, que le Pre, le Fils et le Saint Esprit sont trois personnes rellement distinctes mais partageant une mme essence. La dmonstration calvinienne de la divinit du Fils et de lEsprit Saint est de nature exgtique, sur la base de la foi et de la rvlation scripturaire, et non dune enqute de la raison laisse elle seule, car lme reconnat indubitablement, et pour ainsi dire, touche la main la prsence de Dieu, l o elle se sent vivifie, illumine, sauve, justifie et sanctifie 4. La question de la divinit dune personne trinitaire nest pas de pure thorie, mais une affaire qui engage lexistence mme du fidle. Par consquent, on attribuera Dieu toute action dont lcriture dit quelle le vivifie, lillumine, le sauve, le justifie et le sanctifie. Pour cela, les preuves calviniennes de la divinit des personnes trinitaires doivent tre relues. Ainsi, propos du Fils, constatant que les bndictions qui figurent en tte des ptres apostoliques font appel aux bnfices du Christ, et remarquant par ailleurs que ces bnfices ne sont autres que ceux dont Dieu est lauteur, il en rfre la divinit du Fils. Il en va de mme de lEsprit : tout fidle exprimente le fait dtre constamment vivifi et rgnr, action dont Dieu seul peut tre la source ; or lcriture affirme que cette uvre est le fait de lEsprit ; ainsi tablit-on la divinit de lEsprit. Concernant la distinction des trois personnes en partageant la mme essence : Calvin claircit cette tat des choses, apparemment contradictoire, en utilisant le concept de rsidence : Jappelle Personne une rsidence en lessence de Dieu, laquelle tant rapporte aux autres est distincte delles dune proprit incommunicable. Or ce mot de rsidence doit tre pris en un autre sens que celui d essence . Car si la Parole tait simplement Dieu et navait rien en propre, Saint Jean et mal dit quelle a toujours t en Dieu (Jn 1, 1). Quand il ajoute ensuite quelle est Dieu lui-mme, il entend cela de lessence unique 5. On voit ici comment le concept de rsidence agit. Dune part, toute rsidence est une rsidence auprs de, selon lexpression johannique, ou en quelque chose. Ici, ce quelque chose est lessence. Parler dune personne comme dune rsidence en une essence revient ainsi parler du mode de subsistance de cette essence, c.--d. de lhypostase. Lemploi de ce terme permet ainsi daffirmer la consubstantialit des personnes. Mais par ailleurs, parler de rsidence en une essence suppose une distinction entre lessence et son mode de subsistance. Les trois personnes partagent certes la mme essence, elles nen gardent pas moins des proprits que
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Calvin qualifie de ladjectif traditionnel d incommunicables . En effet, si le Pre et le Fils sont Dieu, seul le Fils est mort et ressuscit, nullement le Pre. Et dans la mesura o le Fils a parl de lEsprit en disant quil serait un autre consolateur (Jn 14, 16 ; 15, 26), la distinction entre le Fils et le Saint Esprit est bien une distinction relle, et non une distinction purement nominale. La distinction relle des personnes impose lesprit humain de concevoir lexistence dun ordre au sein de la Trinit. La position du Pre est dtre la cause efficiente de tout agir. Cette notion est parfaitement orthodoxe, tant donn que le rle hypostatique de Dieu le Pre est dtre l (cause). La position du Fils, Sagesse de Dieu, est dtre la raison (ou ). Quant lEsprit Saint, cest celui dtre lexcutant. Ainsi peut-on rendre compte, premirement, de la conception du Fils par le Pre et du fait que lEsprit procde du Pre6 et, deuximement, du fait que cest bien le mme Dieu qui agit, en prgnant linitiative (comme Pre), pour une raison prcise (en tant que Fils) et sur un mode dtermin (par lopration du Saint Esprit). La
christologie
de
Calvin
La pense christologique de Calvin se centre beaucoup plus sur luvre rdemptrice du Christ que sur sa personne. En effet, certains chercheurs affirment que les dveloppements proprement christologiques de Calvin relatifs la personne du Christ, frappent par leur sobrit7. La base de la doctrine christologique calvinienne suit les noncs principaux des grands conciles christologiques des IVe et Ve sicles, notamment celui de Chalcdoine. Comme on la vu ci-dessus, dans la personne du Christ les deux natures, lhumaine et la divine, sont hypostasies dans lunique sujet qui est le Verbe de Dieu. Nous ne reviendrons pas sur la divinit du Christ. Quand son humanit, Calvin partage laffirmation fondamentale que lon trouve dans He 4, 15 : lui qui a t prouv en tout, dune manire semblable, lexception du pch . En soulignant la pleine humanit du Christ, Calvin combat toute forme de doctisme. Il explique lexemption de tout pch, non pas par le caractre extraordinaire de sa naissance virginale, mais par luvre de Dieu et la sanctification du Saint Esprit. Sur ces points la christologie calvinienne reste parfaitement orthodoxe.
Selon Vial et la position traditionnelle catholique romaine, lEsprit procde du Pre et du Fils (filioque). Or, comme thologien orthodoxe, nous ne pouvons pas accepter cette position. 7 Ainsi p.ex. Marc Vial, Jean Calvin , p. 100. 10
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En accord avec la formulation chalcdonienne sans division et sans sparation , en rfrence lunion hypostatique, Calvin soppose lhrsie de Nestorius de Constantinople (428-431), car une telle position revient davantage sparer les deux natures qu les distinguer et aboutir imaginer un Christ double 8. Nanmoins la spcificit de la christologie de Calvin se manifeste surtout dans laccentuation des lments sans confusion et sans changement de la formulation chalcdonienne. Calvin rejette la position emblmatiquement reprsente par Eutychs (Ve s.), condamn Chalcdoine. Le refus de toute indistinction des natures sexprime dans ce que la tradition calviniste a appel l extra calvinisticum , dont le passage suivant constitue la base fondamentale : Car bien quil [le Christ] ait uni son essence infinie [i.e. divine] notre nature, ctait toutefois sans clture ni prison. Car il est descendu miraculeusement du ciel, de telle sorte quil y est demeur ; et pareillement il a t miraculeusement port dans le ventre de la vierge, a sjourn dans le monde, a t crucifi, cependant que selon sa divinit il a toujours rempli le monde comme auparavant 9. En dautres termes : Tout en tant unie la nature humaine dans la personne du Christ, la nature divine nen gardait pas moins ses proprits, son infinit (dans lespace comme dans le temps) : Unie la nature humaine dans une seule hypostase, elle ny tait pas pour autant localise au sens strict ; dans le temps mme de lIncarnation, le Verbe divin garde sa nature infinie : Il est, jusques et y compris en dehors (extra) de la chair du Christ 10. Une telle option explique la comprhension non raliste de la doctrine traditionnelle dite de la communication des proprits, dont on a parl plus haut. Selon Calvin, le transfert des proprits, loin dtre un tat de choses rel, nest quune forme de parler 11. De ce que les crivains bibliques disent, comme en Jn 3, 13 par exemple, que nul nest mont au ciel hormis celui qui est descendu du ciel, le Fils de lhomme , il ne faut pas en conclure que cest l une prrogative relle du Christ en sa nature humaine ; mais dautant que lui-mme tait Dieu et homme, au regard de lunion des deux natures, il attribuait lune ce qui tait lautre 12. En un mot, se justifiant par la considration de la personne, et non dune nature, lnonc sur la prsence, hors du monde, de la nature humaine du Christ est lexpression
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Calvin, Institution II, XIV, 4. Ibid. II, XIII, 4. 10 Marc Vial, Jean Calvin , p. 102. 11 Calvin, Institution II, XIV, 1. 12 Ibid. II, XIV, 2. 11
THOLOGIE TRINITAIRE ET CHRISTOLOGIQUE DE NICE CHALCDOINE ET JEAN CALVIN dune attribution logique, non dune proprit de la substance : Dun effet de langage, non dune caractristique relle.
Conclusion
La thologie trinitaire et christologique de Calvin suit, en grandes lignes, celle des conciles cumniques. Elle est pourtant orthodoxe, mme sil y a certaines particularits, comme l extra calvinisticum que lon vient de voir. Or, on pense que lenjeu thologique du rformateur ntait pas de mettre en doute les vrits de la foi trinitaires et christologiques, acceptes dailleurs unanimement depuis lantiquit tardive par le quasi totalit de lglise ; mais plutt il soccupait dautres aspects thologiques, en dehors de lobjectif de ce travail. Nanmoins, Calvin a contribu lacceptation de la doctrine traditionnelle l o le doute existait (Jean Servet et les autres antitrinitaires de lpoque). Sa contribution reste pourtant positive.
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Bibliographie
I. Sources II. Bible de Jrusalem, Les ditions du Cerf, Paris 2009. Nestle, E. Aland, K., Novum Testamentum Grce, Deutsche Bibelstiftung, Stuttgart, 261979. Les conciles cumniques, Les Dcrets, t. II-1 : Nice Latran V, d. G. Alberingo et alii, Paris 1994. Jean Calvin, Institution de la religion chrestienne, d J. Pannier, 4 vols. Paris 1936-1939. Monographies Marc Vial, Jean Calvin Introduction sa pense thologique , Labor et Fides, Genve 2008.
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