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L'Errance Infinie de Beckett

Ce document contient trois citations de Maurice Blanchot analysant trois œuvres de Samuel Beckett : Malone meurt, Mahood et L'Innommable. Blanchot souligne comment ces œuvres poussent à l'extrême la déconstruction des récits et personnages pour approcher une parole impersonnelle et infinie.

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Beckett par Blanchot

Maurice Blanchot

C'est encore un livre o ce qui s"exprime essaie de prendre la forme rassurante dune histoire, et certes ce nest pas une histoire heureuse, non seulement par ce quelle dit, qui est infiniment misrable, mais parce quelle ne russit pas le dire. Cet errant qui manquent dj les moyens d'errer, qui tourne ternellement autour d'un but obscur, dissimul, avou, dissimul nouveau, un but qui a quelque chose voir avec sa mre morte, mais toujours en train de mourir, quelque chose qui, prcisment parce qu'il l'atteint ds que le livre commence, le voue errer autour de lui sans cesse, dans l'tranget de ce qui se dissimule et ne veut pas se rvler. Maurice Blanchot (Le Livre venir, ditions Gallimard)

Malone meurt apparemment va plus loin. (...) Il n'y a que la chambre, le lit, il y a le bton avec lequel celui qui meurt attire et repousse les choses, augmentant par l le cercle de son immobilit. (...) Malone, comme Molloy, c'est un nom et une figure, et c'est aussi une suite de rcits, mais ces rcits ne reposent plus sur eux-mmes ; loin d'tre raconts pour que le lecteur y croie, ils sont dnoncs aussitt dans leur artifice d'histoires inventes.
Maurice Blanchot (Le Livre venir, ditions Gallimard)

Les histoires, il est vrai, essaient de se maintenir. Le moribond avait un lit, une chambre ; Mahood est un dchet enferm dans la jarre qui sert dcorer l'entre d'un restaurant. Il y a aussi Worm, celui qui n'est pas n et n'a pour existence que l'oppression de son impuissance tre. (...) L'Innommable est prcisment exprience vcue sous la menace de l'impersonnel, approche d'une parole neutre qui se parle seule, qui traverse celui qui l'coute, est sans intimit, exclut toute intimit, et qu'on ne peut faire taire, car c'est l'incessant, l'interminable... Peut-tre ne sommes-nous pas en prsence d'un livre, mais peut-tre s'agit-il de bien plus que d'un livre de l'approche pure du mouvement d'o viennent tous les livres ; de ce point originel o sans doute l'uvre se perd, qui toujours ruine l'uvre, qui en elle restaure le dsuvrement sans fin, mais avec lequel il lui faut aussi entretenir un rapport toujours plus initia!. sous peine de n'tre rien. C'est puiser l'infini qu'est condamn l'Innommable.
Maurice Blanchot (Le Livre venir, ditions Gallimard)

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