L'emploi Et Les Salaires Des Enfants D'immigrés
L'emploi Et Les Salaires Des Enfants D'immigrés
L'emploi Et Les Salaires Des Enfants D'immigrés
Les Français ayant au moins un parent immigré originaire du Maghreb ont des taux
d’emploi inférieurs de 18 points et des salaires 13 % inférieurs à ceux des Français dont
les deux parents sont français de naissance.
Notre étude cherche à déterminer quelle part de ces écarts peut être attribuée aux niveaux
de diplômes obtenus, à l’âge, au lieu de résidence, à la situation familiale des personnes,
etc.
Pour cela, nous commençons par estimer des équations d’emploi et de salaire sur la
population des Français n’ayant pas de parents immigrés. Puis, nous utilisons ces esti-
mations pour attribuer aux Français d’origine maghrébine un niveau d’emploi et un
salaire « potentiels » qui tiennent compte de leurs caractéristiques individuelles obser-
vées. Un soin particulier est apporté au traitement de la sélection pouvant affecter le
processus d’accès à l’emploi.
Les résultats montrent que le fait que cette population soit, entre autres, plus jeune et
moins diplômée en moyenne, ne rend compte que de 4 des 18 points d’écart de taux
d’emploi. En revanche, les différences de caractéristiques individuelles observées expli-
quent totalement les écarts de salaires entre les deux groupes. Ces résultats demeurent
identiques si l’on considère séparément les hommes et les femmes.
Les Français ayant au moins un parent immigré originaire d’Europe du Sud ont des taux
d’emploi égaux à ceux des Français dont les deux parents ne sont pas immigrés et des
salaires inférieurs de 2 %. Là encore, cet écart s’explique entièrement par les différen-
ces de caractéristiques observables entre ces populations, en particulier par des niveaux
d’éducation différents.
L’enquête Emploi en continu, une source 4. Les personnes arrivées en France après leur naissance, mais
avant l’âge de cinq ans, sont peu nombreuses. Dans notre échan-
statistique permettant d’étudier avec tillon, elles sont au nombre de 76 dans le cas où un seul parent est
suffisamment de précision l’emploi et les d’origine maghrébine (contre 1 117 nées en France dans ce même
cas), et 333 dans le cas où les deux parents sont de cette origine
salaires des enfants d’immigrés (contre 2 045 nées en France dans ce même cas) ; elles sont au
nombre de 94 dans le cas où un seul des parents est originaire
d’un pays d’Europe du Sud (contre 2 782 nées en France dans ce
Depuis 2003, l’Insee a remplacé son enquête même cas), et 372 lorsque les deux parents sont de cette même
annuelle sur l’emploi par une enquête trimes- origine (contre 2 132 nées en France dans ce même cas).
Encadré 1
On caractérise généralement la discrimination comme mation et d’expérience professionnelle et une part non
une situation dans laquelle des personnes, par ailleurs expliquée par ces variables, part qu’il serait toutefois
semblables, sont traitées de manière différente par les abusif d’interpréter comme une stricte résultante des dis-
employeurs, les loueurs de logement, les agents de criminations. La méthode de décomposition la plus utili-
l’État, etc., en raison de leur appartenance à des grou- sée a été introduite par Oaxaca (1973) et Blinder (1973). À
pes démographiques ou sociaux distincts. Depuis une l’aide de cette méthode, la plupart des études nord-amé-
trentaine d’années, les économistes et les économètres ricaines concluent que, malgré d’importantes différences
ont construit un ensemble d’outils adaptés à l’étude tant de caractéristiques observables entre Noirs et Blancs,
théorique qu’empirique des phénomènes de discrimi- la discrimination sur le marché du travail expliquerait
nation. Ces outils ont largement contribué à l’analyse au moins un tiers de l’écart de salaire observé entre ces
des inégalités sur le marché du travail. Les travaux des deux groupes.
économistes ont principalement porté sur les différences
d’accès à l’emploi ainsi que sur les différences de salaire Cependant, les composantes dues aux différences de
entre groupes ethniques, ou bien entre hommes et fem- caractéristiques observables d’une part, et au rendement
mes. salarial différencié de ces caractéristiques d’autre part,
peuvent poser des problèmes d’interprétation. En parti-
D’un point de vue théorique, les économistes ont intro- culier, la part non expliquée, parfois considérée comme
duit le concept de discrimination statistique. Cette un résultat de la discrimination, peut être surestimée à
forme de discrimination peut apparaître dès lors que les cause de la présence d’hétérogénéité inobservée. Un
employeurs ne peuvent a priori évaluer avec précision les autre problème méthodologique provient de la présence
qualités des candidats aux offres d’emplois vacants. Pour potentielle d’un biais de sélection. Pour cette raison,
prendre leur décision, les employeurs ont parfois recours des approches plus générales ont été proposées, par
à des informations supplémentaires (fournies, par exem- exemple par Oaxaca et Ransom (1994) et Neuman et
ple, par des tests d’embauche), ou, à défaut, s’appuient Oaxaca (2004, 2005). D’autres études ont tenté de pren-
sur des préjugés relatifs aux caractéristiques moyennes dre en compte le fait que les caractéristiques observables
de tel ou tel groupe démographique ou social. Dès lors, habituellement utilisées fournissent des mesures assez
des individus dont le capital humain est identique mais imprécises de la productivité des salariés : pour remé-
qui n’appartiennent pas aux mêmes groupes démogra- dier à ce défaut, Neal et Johnson (1996) utilisent les tests
phiques ou sociaux, peuvent suivre des parcours pro- militaires de qualification comme mesure de la producti-
fessionnels très différents, en raison des préjugés des vité. Ces tests sont passés avant l’entrée sur le marché
employeurs au moment de l’embauche (Phelps, 1972 ; du travail et leurs résultats sont donc moins susceptibles
Arrow, 1973). d’être affectés par les choix d’activité des individus et par
l’existence de discriminations sur le marché du travail.
Plus encore, la discrimination statistique est susceptible
d’engendrer des inégalités persistantes entre les grou- Une autre méthode de mise en évidence des discrimina-
pes : Coate et Loury (1993) montrent ainsi que les pré- tions est le « testing ». Cette procédure, qui est de plus en
jugés des employeurs peuvent désinciter les travailleurs plus utilisée, tente de placer dans des situations compa-
à investir en formation. Autrement dit, ces préjugés rables des individus appartenant à un groupe de référence
peuvent devenir auto-réalisateurs : les employeurs pen- et d’autres appartenant à un groupe potentiellement dis-
sent que certains groupes démographiques seraient en criminé. Par exemple, Bertrand et Mullainathan (2003) ont
moyenne moins productifs que d’autres ; ce faisant, ils effectué une expérience de ce type pour mesurer la dis-
découragent les efforts d’éducation de ces groupes qui, crimination à l’embauche. Ils ont répondu à des annon-
par la suite, se révèlent en moyenne effectivement moins ces en envoyant des curriculum vitae fictifs dans lesquels
productifs. le prénom était à « consonance noire » ou bien à « conso-
nance blanche ». Les prénoms à consonance blanche ont
La revue de littérature d’Altonji et Blank (1999) présente reçu 50 % de convocations en plus pour des entretiens.
les principales études économétriques consacrées à la Duguet et Petit (2005), puis Duguet et al. (2007), ont appli-
mesure des discriminations. De nombreux travaux ont qué cette méthode au cas français. Heckman (1998), et
cherché à décomposer les écarts de taux d’emploi et de plus récemment Aeberhardt et al. (2009), ont insisté sur
salaires en une part expliquée par les différences de for- certaines des limites de cette méthode.
Tableau 1
Répartition de l’échantillon en fonction de l’origine nationale des parents
Deux Un parent
Un parent Deux Deux Deux
parents Un parent Un parent Un parent originaire Deux
originaire parents parents parents
originaires originaire originaire originaire d’Europe parents
d’Afrique originaires originaires originaires
d’Afrique du d’Europe du Moyen- du Sud, nés
subsaha- du d’Europe du Moyen-
subsaha- Maghreb du Sud Orient l’autre du français
rienne Maghreb du Sud Orient
rienne Maghreb
Effectif 98 199 1 193 2 378 2 876 2 504 198 213 37 98 369
Proportion en
emploi (%) 67 52 60 59 75 79 66 66 59 78
Salaire mensuel
moyen (euros) 1 696 1 370 1 431 1 384 1 618 1 565 1 303 1 379 1 945 1 648
Lecture : Il y a, dans notre échantillon, 98 individus ayant un parent originaire d’Afrique subsaharienne (l’autre n’en étant pas originaire).
Parmi ceux-ci, 67 % sont en emploi.
Champ : individus de nationalité française, ayant entre 18 et 65 ans, vivant en logement ordinaire et qui ne sont ni étudiant, ni retraité,
ni travailleur indépendant.
Source : enquête Emploi en continu (2005-2008), Insee.
Tableau 2
Taux d’emploi et salaire mensuel moyen en fonction du type d’ascendance
Mère originaire Père originaire
Mère maghrébine, Père maghrébin, Deux parents
Deux parents d’Europe du Sud, d’Europe du Sud,
père d’une autre mère d’une autre originaires
maghrébins père d’une autre mère d’une autre
origine origine d’Europe du Sud
origine origine
Effectif 416 777 2 378 1 042 1 834 2 504
Proportion en
emploi ( %) 56 62 59 74 75 79
Salaire mensuel
moyen des
actifs (euros) 1 416 1 438 1 384 1 601 1 628 1 565
Lecture : Il y a, dans notre échantillon, 416 individus ayant une mère originaire d’Afrique subsaharienne (le père n’en étant pas originaire).
Parmi ceux-ci, 56 % sont en emploi.
Champ : individus de nationalité française, ayant entre 18 et 65 ans, vivant en logement ordinaire et qui ne sont ni étudiant, ni retraité,
ni travailleur indépendant.
Source : enquête Emploi en continu (2005-2008), Insee.
Tableau 3
Statistiques descriptives des échantillons
En %
France Maghreb Europe du Sud
Sexe
Femme 54 56 54
Homme 46 44 46
Expérience potentielle
moins de 5 ans 21 34 18
De 6 à 10 ans 13 21 13
De 11 à 15 ans 10 14 12
De 16 à 20 ans 11 12 12
De 21 à 25 ans 11 9 12
De 26 à 30 ans 12 6 12
31 ans et plus 22 5 21
Diplôme
Bac + 5 et plus 4 3 3
École (Bac + 3 et plus) 3 1 2
Université : Bac + 4 4 3 3
Université : Bac + 3 3 3 3
Université : Bac + 2 2 1 2
BTS-DUT 9 9 8
Formations de santé (Bac + 2) 3 1 2
Baccalauréat général 8 7 8
Baccalauréat technologique 5 5 4
Baccalauréat professionnel 5 6 5
CAP-BEP 26 24 30
BEPC ou Brevet des collèges 9 10 8
Pas de diplôme 19 28 21
Type de ménage
Homme seul sans enfants 9 11 9
Homme seul avec enfants 1 1 1
Femme seule sans enfants 10 10 9
Femme seule avec enfants 4 9 5
Homme dont le conjoint travaille, avec enfants 12 7 12
Homme dont le conjoint travaille, sans enfants 10 4 10
Homme dont le conjoint ne travaille pas, avec enfants 7 13 7
Homme dont le conjoint ne travaille pas, sans enfants 8 8 7
Femme dont le conjoint travaille, avec enfants 15 15 16
Femme dont le conjoint travaille, sans enfants 11 6 11
Femme dont le conjoint ne travaille pas, avec enfants 5 9 5
Femme dont le conjoint ne travaille pas, sans enfants 9 6 8
Lieu de résidence
Habite en province, hors d’une ZUS 82 56 77
Habite en Île-de-France, hors d’une ZUS 13 20 17
Habite en province, dans une ZUS 5 17 5
Habite en Île-de-France, dans une ZUS 1 6 1
Situation sur le marché du travail
actif occupé 78 59 77
chômeur (à la recherche d’un emploi) 13 6 11
autre chômeur au sens du BIT 22 16 22
autre personne sans emploi 28 29 30
Nombre d’observations 98 369 3 571 5 380
Lecture : parmi les Français dont les parents sont nés Français, 4 % sont titulaires d’un diplôme de niveau Bac + 5 et plus. La somme
des pourcentages en colonne est égale à 100.
Champ : individus de nationalité française, ayant entre 18 et 65 ans, vivant en logement ordinaire et qui ne sont ni étudiant, ni retraité,
ni travailleur indépendant.
Source : enquête Emploi en continu (2005-2008), Insee.
Si l’on fait l’hypothèse que toutes les personnes Des coefficients qui diffèrent fortement
en emploi dans le groupe B seraient également dans les équations d’emploi, mais qui sont
en emploi en l’absence de sélection différen- semblables dans les équations de salaire
Encadré 2
Pour mettre en œuvre la méthode de décomposition groupe B si elles étaient sélectionnées de la même
des écarts moyens de salaire dans le cas d’une sélec- manière que celles du groupe A lors de la procédure
tion différenciée à l’entrée sur le marché du travail, d’embauche. L’écart entre ce salaire moyen et celui
nous utilisons deux estimateurs. Le premier est le sui- des personnes du groupe A représente un écart de
vant : salaire structurel dû aux caractéristiques observables.
Cet écart moyen n’est pas directement comparable à
l’écart brut observé, mais c’est un bon indicateur des
effets des différences de caractéristiques observables
entre les populations A et B.
chaque individu i appartenant à l’un des deux groupes Le second estimateur, qui correspond au salaire poten-
A ou B, le groupe B étant potentiellement discriminé. tiel des salariés actifs du groupe B, a pour formule :
Rappelons que dans cette formule et les suivantes,
les termes wB*et wB** représentent les logarithmes des
salaires contrefactuels des individus du groupe B, XiB
est le vecteur des caractéristiques observables de l’in-
dividu i du groupe B qui affectent son salaire, ZiB est le
vecteur des caractéristiques observables de l’individu Dans cette formule, EiB est une variable indicatrice
i du groupe B qui affectent sa probabilité d’emploi, qui vaut 1 si l’individu i du groupe B est en emploi, 0
est le vecteur de paramètres estimés associé au vec- sinon. Afin d’obtenir des intervalles de confiance satis-
teur de variables observables ZiA qui affectent la pro- faisants, nous n’utilisons que les paramètres estimés
babilité d’emploi des individus du groupe A, est le du modèle relatif au groupe A, dont la précision sta-
vecteur de paramètres estimés associé au vecteur de tistique est relativement bonne (en raison de la taille,
variables observables XiA qui affectent le salaire des généralement plus importante, de ce groupe).
individus du groupe A, est le coefficient estimé de
Si de plus on fait l’hypothèse que la population notée
corrélation entre les résidus des équations d’emploi et
« B en emploi » est incluse dans la population « B* en
de salaire des individus du groupe A, et est l’écart-
emploi », on peut écrire la décomposition suivante :
type estimé des résidus de l’équation de salaire des
individus du groupe A.
Tableau 4
Estimation des déterminants de la probabilité d’emploi (modèles Probit)
Europe
France Maghreb
du Sud
Ensemble Hommes Femmes Ensemble Ensemble
Constante 0,65*** 0,59*** 0,71*** 0,31** 0,66***
Expérience potentielle 0,05*** 0,05*** 0,05*** 0,04** 0,05**
Expérience potentielle au carré (/100) - 0,13*** - 0,12*** - 0,14*** - 0,08*** - 0,13***
Diplôme
Bac + 5 et plus 0,28*** 0,3*** 0,29*** 0,49*** 0,4**
École (Bac + 3 et plus) 0,21*** 0,28*** 0,22*** 0,63** 0,24
Université : Bac + 4 0,33*** 0,21*** 0,37*** 0,31* 0,32**
Université : Bac + 3 0,32*** 0,4*** 0,28*** 0,41** 0,59***
Université : Bac + 2 0,06 0,07 0,06 - 0,29 0,18
BTS-DUT 0,22*** 0,29*** 0,2*** 0,22*** 0,32***
Formations de santé (Bac + 2) 0,55*** 0,38*** 0,53*** 0,81*** 0,8***
Baccalauréat général Ref. Ref. Ref. Ref. Ref.
Baccalauréat technologique 0,08*** 0,14*** 0,06* 0,08 0,17
Baccalauréat professionnel 0,11*** 0,29*** 0 0,28** 0,16
CAP-BEP - 0,1*** 0,04 - 0,18*** - 0,25*** - 0,03
BEPC ou Brevet des collèges - 0,23*** - 0,11*** - 0,28*** - 0,26** - 0,22**
Pas de diplôme - 0,52*** - 0,39*** - 0,59*** - 0,75*** - 0,41***
Lieu de résidence
Habite en province, hors d’une ZUS Ref. Ref. Ref. Ref. Ref.
Habite en Île-de-France, hors d’une ZUS 0,11*** 0,03 0,16*** 0,18*** 0,14**
Habite en province, dans une ZUS - 0,26*** - 0,29*** - 0,24*** - 0,31*** - 0,31***
Habite en Île-de-France, dans une ZUS 0 - 0,09 0,07 0,12 0,2
Type de ménage
Homme seul sans enfants Ref. Ref. Ref. Ref.
Homme seul avec enfants 0,15** 0,16** - 0,37* 0,24
Femme seule sans enfants 0,04* Ref. - 0,03 0,02
Femme seule avec enfants - 0,45*** - 0,48*** - 0,26*** - 0,35***
Homme dont le conjoint travaille, avec enfants 0,65*** 0,65*** 0,78*** 0,76***
Homme dont le conjoint travaille, sans enfants 0,58*** 0,57*** 0,82*** 0,61***
Homme dont le conjoint ne travaille pas, avec enfants 0,2*** 0,18*** 0,18** 0,23**
Homme dont le conjoint ne travaille pas, sans enfants - 0,05** - 0,07*** - 0,17 0,04
Femme dont le conjoint travaille, avec enfants - 0,38*** - 0,42*** - 0,45*** - 0,31***
Femme dont le conjoint travaille, sans enfants 0,06*** 0,02 0,13 0,24***
Femme dont le conjoint ne travaille pas, avec enfants - 0,63*** - 0,66*** - 0,43*** - 0,52***
Femme dont le conjoint ne travaille pas, sans enfants - 0,4*** - 0,42*** - 0,41*** - 0,29***
Nombre d’observations 98 369 45 549 52 820 3 571 5 380
Lecture : ce tableau présente les résultats de l’estimation d’un modèle Probit. Les symboles *, ** et *** représentent les seuils de signifi-
cativité statistique de 10, 5 et 1 %, respectivement. Par rapport à un baccalauréat général, détenir un diplôme d’une formation de santé
de niveau bac + 2 augmente la probabilité d’emploi. Le gain dépend de l’ensemble des caractéristiques de l’individu et vaut environ
15 % pour les hommes quand leur probabilité d’emploi est proche de 50 % (0,4*0,38 = 0,15). Les calculs sont faits sans utiliser de
pondération.
Champ : individus de nationalité française, ayant entre 18 et 65 ans, vivant en logement ordinaire et qui ne sont ni étudiant, ni retraité,
ni travailleur indépendant.
Source : enquête Emploi en continu (2005-2008), Insee.
Tableau 5
Estimation des déterminants du salaire, procédure d’Heckman en deux étapes
Europe
France Maghreb
du Sud
Ensemble Hommes Femmes Ensemble Ensemble
Constante 7,18*** 7,18*** 7,03*** 7,21*** 7,27***
Femme - 0,16*** - 0,12*** - 0,2***
Quotité de temps de travail
Moins de 50 % - 1,23*** - 1,22*** - 1,21*** - 1,15*** - 1,27***
50 % - 0,68*** - 0,76*** - 0,66*** - 0,66*** - 0,67***
Entre 50 et 80 % - 0,49*** - 0,61*** - 0,46*** - 0,44*** - 0,49***
80 % - 0,23*** - 0,35*** - 0,21*** - 0,21*** - 0,24***
Entre 80 et 100 % - 0,19*** - 0,31*** - 0,17*** - 0,24*** - 0,18***
Temps complet Ref. Ref. Ref. Ref. Ref.
Expérience potentielle 0,02*** 0,03*** 0,01*** 0,01*** 0,02***
Expérience potentielle au carré (/100) - 0,03*** - 0,03*** - 0,02*** - 0,04*** - 0,02***
Ancienneté
moins d’un an Ref. Ref. Ref. Ref. Ref.
de 1 an à moins de 5 ans 0,08*** 0,09*** 0,08*** 0,09*** 0,07***
de 5 ans à moins de 10 ans 0,15*** 0,13*** 0,16*** 0,14*** 0,11***
10 ans et plus 0,24*** 0,19*** 0,29*** 0,23*** 0,25***
Inconnue - 0,07*** - 0,04*** - 0,11*** - 0,04 - 0,14***
Diplôme
Bac + 5 et plus 0,45*** 0,45*** 0,43*** 0,49*** 0,38***
École (Bac + 3 et plus) 0,52*** 0,51*** 0,49*** 0,51*** 0,48***
Université : Bac + 4 0,12*** 0,08*** 0,14*** 0,11** 0,06*
Université : Bac + 3 0,24*** 0,23*** 0,24*** 0,19*** 0,14***
Université : Bac + 2 0,06*** 0,02 0,09*** 0,12 0,07*
BTS-DUT 0,1*** 0,1*** 0,09*** 0,07* 0,1***
Formations de santé (Bac + 2) 0,19*** 0,09*** 0,22*** 0,3*** 0,24***
Baccalauréat général Ref. Ref. Ref. Ref. Ref.
Baccalauréat technologique - 0,06*** - 0,06*** - 0,06*** - 0,05 - 0,11***
Baccalauréat professionnel - 0,06*** - 0,07*** - 0,06*** - 0,01 - 0,06*
CAP-BEP - 0,19*** - 0,23*** - 0,17*** - 0,1*** - 0,18***
BEPC ou Brevet des collèges - 0,15*** - 0,17*** - 0,15*** - 0,06 - 0,19***
Pas de diplôme - 0,3*** - 0,33*** - 0,29*** - 0,15*** - 0,26***
Lieu de résidence
Habite en province, hors d’une ZUS Ref. Ref. Ref. Ref. Ref.
Habite en Île-de-France, hors d’une ZUS 0,15*** 0,16*** 0,15*** 0,11*** 0,1***
Habite en province, dans une ZUS - 0,04*** - 0,05*** - 0,02** - 0,02 - 0,07**
Habite en Île-de-France, dans une ZUS 0,07*** 0,05*** 0,09*** 0,03 0,12**
Inverse du ratio de Mills - 0.16*** - 0.21*** - 0.11*** - 0.15** - 0.11***
Nombre d’observations 98 369 45 549 52 820 3 571 5 380
Nombre d’observations avec un salaire 76 421 38 744 37 677 2 121 4 143
Lecture : ce tableau présente les résultats de la deuxième étape de l’estimation d’un modèle Tobit généralisé par la méthode d’Heckman.
Les symboles *, ** et *** représentent les seuils de significativité statistique à 10, 5 et 1 %, respectivement. Par rapport à un baccalauréat
général, détenir un diplôme d’une formation de santé de niveau Bac + 2 apporte un gain d’environ 9 % pour les hommes en termes de
salaire potentiel (i.e. sans conditionner par le fait d’être effectivement en emploi). Les calculs sont faits sans utiliser de pondération.
Champ : individus de nationalité française, ayant entre 18 et 65 ans, vivant en logement ordinaire et qui ne sont ni étudiant, ni retraité,
ni travailleur indépendant.
Source : enquête Emploi en continu (2005-2008), Insee.
Tableau 6
Écarts de probabilité d’emploi
Lecture : l’écart brut de probabilité d’emploi entre les Français dont les parents sont tous deux nés français et ceux dont au moins l’un
des parents avait la nationalité d’un pays du Maghreb à la naissance est de 18,3 points de pourcentage ; 4,3 points sont expliqués par
les différences de caractéristiques individuelles. I.C. signifie « intervalle de confiance ».
Champ : individus de nationalité française, nés en France ou arrivés avant l’âge de 5 ans, ayant entre 18 et 65 ans, vivant en logement
ordinaire et qui ne sont ni étudiant, ni retraité, ni travailleur indépendant.
Source : enquête Emploi en continu (2005-2008), Insee.
Tableau 7
Décomposition des écarts de salaires
Écart brut Écart I.C. écart Écart dû à I.C. écart Écart I.C. écart
structurel structurel la sélection sélection inexpliqué inexpliqué
France-Maghreb
Ensemble 0,134 0,155 [0,151 ; 0,160] - 0,023 [- 0,025 ; - 0,021] 0,001 [- 0,003 ; 0,004]
Hommes 0,155 0,179 [0,173 ; 0,184] - 0,032 [- 0,034 ; - 0,030] 0,006 [0,001 ; 0,011]
Femmes 0,108 0,125 [0,119 ; 0,131] - 0,016 [- 0,019 ; - 0,014] - 0,002 [- 0,008 ; 0,003]
France-Europe du sud
Ensemble 0,020 0,025 [0,023 ; 0,028] 0,002 [0,001 ; 0,003] - 0,008 [- 0,011 ; - 0,006]
Hommes 0,000 0,021 [0,017 ; 0,025] 0,004 [0,002 ; 0,005] - 0,027 [- 0,030 ; - 0,023]
Femmes 0,038 0,026 [0,022 ; 0,030] 0,003 [0,002 ; 0,005] 0,011 [0,007 ; 0,014]
Lecture : l’écart brut de salaire entre les Français dont les parents sont tous deux nés français et ceux dont au moins l’un des parents
avait la nationalité d’un pays du Maghreb à la naissance est de 13,4 % ; les salariés occupés ont un écart de salaire inexpliqué de 0,1 %
tandis que l’écart structurel, dû aux caractéristiques observables est de 15,5 % ; l’écart dû à la sélection est de - 2,3 %. I.C. signifie
« intervalle de confiance ».
Champ : individus de nationalité française, nés en France ou arrivés avant l’âge de 5 ans, ayant entre 18 et 65 ans, vivant en logement
ordinaire et qui ne sont ni étudiant, ni retraité, ni travailleur indépendant.
Source : enquête Emploi en continu (2005-2008), Insee.
Lecture : l’écart brut de salaire entre les Français dont les parents sont tous deux nés français et ceux dont au moins l’un des parents
avait la nationalité d’un pays du Maghreb à la naissance est de 11,9 %. L’écart expliqué par les différences de caractéristiques observa-
bles est de 16 %. I.C. signifie « intervalle de confiance ».
Champ : individus de nationalité française, ayant entre 18 et 65 ans, vivant en logement ordinaire et qui ne sont ni étudiant, ni retraité,
ni travailleur indépendant.
Source : enquête Emploi en continu (2005-2008), Insee.
Les résultats obtenus pour la décomposition Français ayant au moins un parent immigré ori-
marginale des écarts moyens de salaire habi- ginaire d’Europe du Sud ont des taux d’emploi
tuellement estimés sont beaucoup moins précis égaux à ceux des Français dont les deux parents
que ceux que nous obtenons à l’aide de notre ne sont pas immigrés et des salaires inférieurs
méthode de décomposition des écarts moyens de 2 %. Là encore, cet écart s’explique entiè-
observés (cf. tableau 8) (8). rement par les différences de caractéristiques
observables entre ces populations, en particulier
Au total, nos résultats montrent que le fait que les par des niveaux d’éducation différents (9). 8 9 n
Français d’origine maghrébine sont, entre autres
caractéristiques, plus jeunes et moins diplômés
que ceux dont les deux parents sont nés français,
ne rend compte que de 4 des 18 points d’écart 8. Remarquons toutefois que le résultat principal reste ici le
même, à savoir que la part inexpliquée de l’écart moyen de
de taux d’emploi entre ces deux populations. salaire obtenu dans le cadre de la décomposition marginale est
En revanche, les différences de caractéristiques très faible (cf. tableau 8).
9. Ces résultats confirment ceux précédemment obtenus à
individuelles observées expliquent totalement partir des données de l’enquête Formation et Qualification
les écarts de salaires entre ces personnes. Ces Professionnelle (FQP) conduite par l’Insee en 2003, bien que les
variables d’emploi et de salaire n’y soient pas observées de la
résultats demeurent identiques si l’on consi- même manière que dans l’Enquête sur l’Emploi (cf. Aeberhardt
dère séparément les hommes et les femmes. Les et al., 2010).
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