Cours - Responsabilite Administrative
Cours - Responsabilite Administrative
Cours - Responsabilite Administrative
Bibliographie :
I.
Pour s’en tenir aux sujétions, elles peuvent être rassemblées sous deux
grandes rubriques :
1
II.
Mais il est évident que l’inspiration générale des régimes qu’ils mettent en
place n’est pas sans effet sur l’évolution du régime de la responsabilité
administrative en général dans le sens de la socialisation du risque.
On sera amené à voir que lorsque le Tribunal des Conflits a reconnu le principe
de la responsabilité des personnes publiques dans le célèbre arrêt BLANCO du
8 février 1873, il l’a fait en des termes qui devaient conférer au régime de
cette responsabilité une véritable autonomie :
2
que, dès lors, ... l'autorité administrative est seule compétente
pour en connaître".
Cela n’exclue évidemment pas une certaine convergence de fond des deux
systèmes. Mais il ne faudrait pas que l’arbre cache la forêt et que l’attention
prêtée dans les deux cas à la victime fasse perdre de vue que la mise en jeu de
la responsabilité de l’administration demeure relativement restrictive.
1ère proposition : On doit constater une convergence des règles de fond des
deux systèmes
3
- Ensuite, et surtout peut être, la convergence est induite par le fait que les
deux systèmes de responsabilité s’inscrivent dans un cheminement des idées
et un contexte sociologique qui leur sont communs.
En tout cas, les victimes y poussent : par ex. CAA DOUAI, 18 janvier 2008,
Mme H. et Autres, n° 06DA011012 : la CAA était saisie d’un litige à l’initiative
de trois mères de famille ayant donné naissance à des enfants atteints du syndrome
d’alcoolisation fœtale. Elle s’est prononcée en faveur d’un rejet de la responsabilité de
l’Etat en vue de la réparation d’un préjudice moral. L’Etat n’est pas responsable d’un
manquement d’informations concernant les risques liés au syndrome d’alcoolisation
fœtale.
Dans la même affaire, le TA de Lille avait été saisi d’une action contre l’Etat par des mères qui
entendait le voir déclaré responsable de syndromes d’alcoolisation fœtale dont leurs fils étaient
atteints.
4
La faute aurait consisté pour l’Etat dans le fait de ne pas les avoir suffisamment informées du
danger de la consommation d’alcool sur la grossesse et de n’avoir pas dispensé aux médecins
la formation nécessaire pour leur permettre d’informer les femmes enceintes du danger d’une
consommation d’alcool, ni imposé aux producteurs l’apposition d’une mention sur chaque
bouteille mentionnant le danger de la consommation d’alcool pour le fœtus.
Le TA a néanmoins rejeté ces actions en se fondant sur le fait que les requérantes
n’établissaient pas un lien de causalité directe entre la faute imputée à l’Etat, à la supposer
établie, et le préjudice dont elles se prévalaient (TA Lille, 23 mai 2006, Mme Sandrine M…,
AJDA 4 sept. 2006, p. 1569, note F. Lemaire).
5
services publics par la crainte constante de la mise en jeu de la responsabilité ;
la nécessité de prendre en compte leurs difficultés particulières de
fonctionnement (au moins en ce qui concerne certains services) ; le fait que
l’administration, personne morale, agit par l’intermédiaire de personnes
physiques que sont les agents publics et que, dans la majorité des cas, c’est la
responsabilité de la personne morale qui va être appelée ; le fait que le juge
administratif condamne en réalité le contribuable (pour le dévoilement de ce
genre de préoccupation, voir concl. G. Gondouin sur TA Lyon, 14 décembre
2006, Soc. STEF-TFE, AJDA 2 juillet 2007, p. 1312).
Cette responsabilité repose en effet sur l'idée selon laquelle un préjudice subi
par la victime dans l'intérêt général doit être supporté par la collectivité. Une
telle idée est foncièrement étrangère à l'esprit du droit privé. Mais il s'agit sans
doute du seul "véritable domaine irréductible de la responsabilité de
l'administration" (R. Drago).
En conclusion,
6
pour finir la réalité de l’indemnisation, pourra nous permettre de porter un
jugement éclairé.
Plan :
7
CHAPITRE 1er
LE PRINCIPE DE LA RESPONSABILITE DE L’ADMINISTRATION
Dans les deux cas, elle peut donc être définie comme l’obligation faite à
l’auteur d’un dommage de couvrir la victime de son préjudice. Dans les deux
cas sont en cause les droits subjectifs des victimes.
SECTION 1
8
LA NOTION DE RESPONSABILITE ADMINISTRATIVE
C’est ensuite une responsabilité engagée et régie par les règles du droit
administratif, ceci pour relever qu’il existe aussi une responsabilité de
l’administration régie par le droit privé (§2).
La distinction mérite d’être faite depuis que le nouveau Code pénal (loi du 22
juillet 1992) a instauré une responsabilité pénale à la charge personnes
morales en général et des collectivités locales et des établissements publics en
particulier.
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§2 : Une responsabilité régie par le droit administratif : Responsabilité
administrative et responsabilité de droit privé de l’administration
- Les unes relèvent du droit privé et sont appliquées par le juge judiciaire
(à relever au titre de la convergence des systèmes de responsabilité) ;
Elles concernent
- Les dommages causés par les activités administratives qui n'ont pas le
caractère de services publics : gestion du domaine privé, notamment ;
- Les dommages causés par les activités des services publics lorsqu’ils
présentent un caractère industriel et commercial (SPIC) à leurs usagers ainsi
qu'aux tiers, à l'exception toutefois, en ce qui concerne ces derniers, des
dommages de travaux publics (TC, 22 janvier 1921, Soc. commerciale de
l’Ouest Africain).
10
société d’économie mixte, personne privée, exploitant un service industriel et
commercial (et dans la même affaire, TA Toulouse, 6 juin 2006, Consorts
Lipietz, RDP 2006, p. 1715, note J.-Ch. Jobart).
TC, 23 juin 2003, Sté GAN Eurocourtage, Droit adm. 2004, n° 13,
obs. R.S : la responsabilité de l’exploitant et du chauffeur de car exploité dans
le cadre d’une délégation par le département du service de ramassage scolaire
ne se rattache pas à l’exercice d’une prérogative de puissance publique par la
personne morale de droit privé ; la juridiction judiciaire est seule compétente
pour connaître des conclusions dirigées contre la société de transport.
V. aussi, TC, 2 mars 1987, Gourmot, Rec., p. 446 ;; TC, 2 mai 1988, Sté
Georges Maurer, Rec., p. 488.
11
- enfin tous ceux occasionnés par des voies de fait ou des emprises
irrégulières.
- La première est que pour tous les dommages que nous venons
d'énumérer, la responsabilité de l'administration ne peut, par définition, être
mise en jeu que devant les juridictions de l'ordre judiciaire ;
On notera cependant que, par exception à cette règle, le juge judiciaire a parfois recours aux principes
de la responsabilité administrative. Mais ces emprunts au droit public sont rares. Ils concernent, pour
l'essentiel, les dommages causés par les services de police judiciaire à des collaborateurs bénévoles de
l'administration. Les règles applicables sont alors celles (plus ou moins bien interprétées) de la
responsabilité administrative pour dommages causés à ses collaborateurs bénévoles et non pas celles de
l'article 1384, alinéa premier du Code civil (Cass. Civ., 23 novembre 1956, Trésor Public c/ Giry ,
GAJA ; Bull. II. 407 ; AJDA 1956 II, p. 91, Chron. Fournier et Braibant ; D. 1957, concl. Lemoine ; JCP
1956 II 9681, note Esmein ; RD publ. 1958.298, note M. Waline).
A partir du moment où le juge judiciaire est seul compétent pour les interpréter
et les appliquer, les régimes de responsabilité dont elles relèvent ne font pas
partie de la responsabilité administrative. Ils ressortissent de la responsabilité
de droit privé de l'administration.
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Cela concerne des régimes de responsabilité aussi importants que ceux
applicables :
Le TC considère que les agents communaux des cantines scolaires n’étant pas membres de
l’enseignement public, la responsabilité de l’Etat du fait d’accidents scolaires est écartée.
Il convient donc de dire un mot sur les deux autres formes de responsabilité.
A - La responsabilité contractuelle
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Si, à l’inverse, seule des négociations précontractuelles étaient engagées, la
responsabilité extracontractuelle peut seule être engagée (ex. : responsabilité
du fait de la renonciation à une procédure de passation d’un marché public
avant la conclusion de celui-ci).
1) C’est, tout d’abord, une responsabilité pour faute et, en général, pour faute
simple. Ce n’est que lorsque le contrat stipule autrement que l’exigence d’une
faute lourde s’impose.
2) Cette responsabilité contractuelle qui peut peser sur l’un des cocontractants,
peut être atténuée par la faute de l’autre cocontractant. Le fait du
cocontractant constitue donc une cause exonératoire.
En revanche, le fait d’un tiers ne revêt pas de caractère exonératoire (ex. : une
entreprise qui a contracté avec l’administration ne pourra invoquer, pour
échapper à sa responsabilité, le fait d’un tiers au contrat, comme par exemple
l’architecte ou même son sous traitant).
Il en va ainsi sous réserve cependant des dispositions textuelles expresses. Ainsi, l’article L.
2131-10 du CGCT déclare nulles les décisions et clauses contractuelles par lesquelles les
collectivités locales renoncent à agir en responsabilité contre les personnes qu’elles
rémunèrent.
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Entre ce qui est contrat et ce qui ne l’est pas, il y a des situations que le Code
civil a entendu appréhender dans un chapitre du Titre traitant des
« engagements qui se forment sans convention » (art. 1371 à 1381).
Cette définition est particulièrement vague. Pour autant, les cas d’application
de la notion de quasi-contrat sont bien connus : il s’agit de la gestion d’affaires
(obligations qui incombent à ceux qui ont géré l’affaire d’autruit), de la
répétition de l’indu et de l’enrichissement sans cause.
Ces trois régimes ont, comme on l’a dit, été accueillis par le droit administratif
mais y ont connu des fortunes diverses.
C’est en 1892 que sans texte et au nom du principe d’équité qui défend de
s’enrichir au détriment d’autrui que la Cour de Cassation a consacré le principe
de l’enrichissement sans cause.
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l’administration a bénéficié de travaux ou fournitures en dehors ou en marge
d’un contrat : il y aurait donc pour elle enrichissement « sans cause » si le
prestataire n’était pas indemnisé.
- sans qu’aucun contrat n’ait été préparé (CE, Sect., 2 décembre 1966,
Soc. France-Reconstruction-Plan, Rec. p. 635) ;
- sur la base d’un contrat qui n’a pas été finalement conclu (CE, 24 juin
1938, Commune d’Huos, Rec. p. 577) ;
- ou qui était arrivé à son terme (CE, 8 avril 1987, Deloisy, Droit adm.
1987, n° 282 : agent public ayant poursuivi son activité après l’expiration de
son contrat d’engagement) ;
- Il faut que les dépenses effectuées par le demandeur aient été utiles à
la personne publique ;
NB : Lorsqu’un accord contractuel a réglé les rapports entre deux personnes, il n’est pas
possible à l’une d’entre elles de s’appuyer sur l’enrichissement sans cause pour revendiquer le
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paiement de sommes omises dans cet accord : CE, 5 octobre 2005, Commune de
Maurepas, Droit adm. décembre 2005, n° 178.
2) La répétition de l’indu
C’est le droit d’une personne à obtenir le remboursement d’une somme qu’elle a payé par
erreur.
Cette situation est régie par les articles 1376 et suiv. du Code civil, lesquels sont applicables en
droit administratif (CE Ass., 1er décembre 1961, Société Jean Roques, Rec. p. 675 :
illégalité d’un décret excluant le remboursement de l’indu en matière de cotisations sociales).
Cette théorie permet aussi bien à l’administration qu’à un particulier d’obtenir la répétition
d’une somme qu’elle a indûment versée :
- Concernant l’administration : elle peut réclamer à ses agents le remboursement des sommes
qu’elle leur a versé indûment (par exemple en l’absence de service fait) et cela pendant 30
ans. Mais si ces sommes ont été perçues de bonne foi, l’agent a droit à des dommages et
intérêts.
3) La gestion d’affaires
Elle entraîne l’obligation de rembourser les dépenses utiles ou nécessaires faites par celui qui
est intervenu dans les affaires d’autrui et pour ce qui nous concerne de l’administration.
La jurisprudence administrative n’y est guère favorable, sans doute parce qu’elle souhaite
protéger l’administration contre les immixtions intempestives des parties.
- d’une part de la validation des actes des administrateurs qui se sont substitués aux
autorités administratives défaillantes en cas de circonstances exceptionnelles (validité des
actes du gérant d’affaires ; v. théorie des circonstances exceptionnelles)
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- et, d’autre part, de la responsabilité de l’administration du fait des dommages subis
par les collaborateurs bénévoles : cas de réparation du dommage subi par le gérant d’affaire à
l’occasion de son immixtion bénévole et utile dans le fonctionnement de l’administration.
Dans ces cas, la gestion d’affaires joue comme source d’inspiration, mais le juge administratif
ne recourt pas aux mécanismes stricts des quasi-contrats auxquels sa jurisprudence ne se
réfère pas expressément. Il s’agit simplement pour le juge de régir les conséquences de
l’intervention de tiers dans l’exécution des services publics.
SECTION 2
18
La plus notable concernait les dommages de travaux publics qu'en vertu
d'une interprétation assez audacieuse de la loi du 28 pluviôse an VIII (article
4), le juge administratif acceptait de réparer. Mais en dehors de ce cas, les
hypothèses de responsabilité étaient rares.
On peut en citer quelques unes consacrées par le législateur (exemple : responsabilité des
communes en cas de dommages causés par les attroupements : loi du 10 Vendémiaire
an IV) et quelques autres admises par la jurisprudence (en matière de fautes commises par le
service des Postes ou par celui de la navigation).
A ces textes s’ajoute une certaine responsabilité contractuelle fondée sur les contrats passés
entre l’Etat et les particuliers, même sous l’Ancien Régime.
Il faut également signaler le fait que les tribunaux judiciaires acceptaient de retenir la
responsabilité pour faute des communes à une époque où celles-ci étaient assimilées à de
simples personnes privées, ceci avant les arrêts C.E. 6 février 1903, Terrier : responsabilité
contractuelle, et C.E. 29 février 1908, Feutry : responsabilité extracontractuelle.
Mais, au total, fort peu de chose. Rien, en tout cas, qui vînt remettre en cause
le principe d'irresponsabilité de l'administration.
Les raisons de cet état de fait s’expliquent principalement par des raisons
idéologiques, accessoirement par des raisons techniques.
Certes la Nation avait succédé au Roi. Mais elle avait hérité de ses principaux attributs. Comme
lui, elle était souveraine. Comme lui, elle était censée oeuvrer dans l'intérêt général. Il
paraissait normal qu'elle bénéficiât de la même impunité que le monarque naguère.
Rappelons que l’adage s’est maintenu en Grande Bretagne jusqu’au lendemain de la dernière
guerre : The King can do no wrong.
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Le nombre des dommages causés par l’action, réduite à cette époque, de
l'administration était somme toute peu élevé.
Les faits tiennent en peu de mots : la jeune Agnès Blanco avait été renversée
et blessée par un wagonnet d’une manufacture de tabacs, exploitée en régie
par l’Etat. Son père avait alors saisi les tribunaux judiciaires d’une action en
dommages-intérêts contre l’Etat civilement responsable des fautes commises
par les ouvriers de la manufacture. Et de fait, il faut relever que le dommage
avait certes été causé par l’Etat mais à l’occasion de l’exploitation d’une
manufacture de tabacs qui a une grande ressemblance avec une industrie
20
privée et que les faits d’imprudence étaient reprochés à de simples ouvriers en
dehors de la hiérarchie administrative.
Le Conflit ayant été élevé, le Tribunal des Conflits devait trancher la question
que le commissaire du gouvernement David lui soumettait en ces termes :
« Quelle est, des deux autorités administrative et judiciaire, celle qui a
compétence générale pour connaître des actions en dommages-intérêts contre
l’Etat ? ».
"Cons. que la responsabilité, qui peut incomber à l'État pour les dommages causés aux
particuliers par le fait des personnes qu'il emploie dans le service public, ne peut être
régie par les principes qui sont établis dans le Code Civil, pour les rapports de
particulier à particulier ;
que, dès lors, ... l'autorité administrative est seule compétente pour en
connaître".
L’arrêt "Blanco" pose ainsi trois principes qui vont dominer pendant longtemps
et marquent aujourd'hui encore, dans une large mesure, le droit de la
responsabilité administrative :
21
caractère fondamental de son apport est apparu ultérieurement à la faveur de
sa redécouverte par le Commissaire du gouvernement Teissier dans les années
1906-1908. Cela est normal car, en réalité, l’arrêt ne faisait que systématiser
des solutions antérieures. Ce qui reste, c’est qu’il a marqué un tournant tant du
point de vue du droit de la responsabilité administrative que du droit
administratif en général.
Quant à nous, il nous faudra, bien sûr, revenir sur le sens et la portée du
principe d’autonomie de la responsabilité administrative.
Il est vrai que plusieurs lois ont progressivement retiré à la justice ce privilège
d’irresponsabilité totale qui était le sien et ce, depuis 1895. On y reviendra en
rappelant que récemment une loi du 15 juin 2000 renforçant la présomption
d’innocence prévoit une indemnisation de la personne placée en détention
provisoire lorsque la procédure se termine par un non-lieu, une relaxe ou un
acquittement.
22
Mais depuis 1895, la loi permettait d’accorder des indemnités en cas d’erreur judiciaire. Plus
récemment, la loi du 17 juillet 1970 permettait d’accorder des indemnités à titre exceptionnel
dans des cas de détention provisoire abusive et la loi du 5 juillet 1972 disposait que l’Etat était
tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux de la justice.
Consacrée pour la première fois dans l'arrêt "Cames" (CE, 21 juin 1895, Rec.
Lebon, p. 509, Concl. Romieu, S.1897.3.33, concl. et note M. Hauriou) en
matière d'accidents du travail subis par des agents de l'administration, elle a
par la suite été appliquée à de très nombreuses reprises, aussi bien
23
L'étude de l'évolution historique a montré que la responsabilité administrative
était devenue générale, qu'elle s'étendait désormais à tous les secteurs de
l'activité administrative. Cette affirmation ne souffre guère de discussion. Il n'y
a pas à revenir dessus.
Rappel : Les actes de gouvernement sont les actes pris par l’autorité exécutive et :
- relatifs aux rapports entre les pouvoirs publics, tels les décret de convocation des
assemblées, le dépôt d'un projet de loi, la décision de recourir au référendum … (CE 3
décembre 1993, Meyet et Bidalou, DA 1994 n° 48 : décret du président de la république
instituant un Comité consultatif pour la révision de la Constitution) ;
- ou, plus largement, relatifs à la conduite des affaires internationales, tel l’intervention
auprès d'un État étranger pour la protection des biens des ressortissants français (CE, Ass.,
29 décembre 1995, Association Greenpeace France, Rec. Lebon, p. 347, RD publ. 1996 p.
256 concl. M. Sanson : à propos de la décision de reprise des essais nucléaires français dans le
pacifique).
Ces actes bénéficient d’une immunité juridictionnelle résultant de l’incompétence tant des
juridictions administratives que judiciaires pour en connaître. Cela n’est pas, également, sans
conséquence sur le contentieux de la responsabilité susceptible de découler de ces actes
lorsqu’ils causent un préjudice.
Il en résulte, en principe, l’irresponsabilité de l’autorité publique pour les dommages causés par
ces actes :
CE, 20 novembre 1968, Tallagrand, Rec. Lebon, p. 607 : absence de dépôt d’un
projet de loi
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2) Limites de l’immunité juridictionnelle des actes de gouvernement
Le principe connaît cependant des limites développées par le juge administratif et cela au
travers de la mise en oeuvre de plusieurs techniques.
En premier lieu, il faut indiquer que depuis les années 1950, le CE juge qu’il n’y a acte de
gouvernement que dans le cas où une décision a été prise et où cette décision est en relation
avec des opérations ayant officiellement le caractère d’une guerre ou d’une intervention
militaire.
En deuxième lieu, le juge administratif admet la responsabilité sans faute du fait des traités
internationaux :
CE, Sect., 29 avril 1987, Consorts Yener et Consorts Erez, AJDA 1987 p. 450 : à
propos de l’assassinat de l’ambassadeur de Turquie et de son chauffeur par deux membres
présumés de l’armée secrète arménienne, les veuves et les enfants des deux victimes
demandaient réparation de leur préjudice, en invoquant principalement la faute lourde des
services de police français chargés de la protection de l’ambassadeur.
En se fondant sur la solution de l’arrêt Prince Sliman Bey, le Conseil d’Etat aurait pu se déclarer
incompétent car l’obligation de protection des diplomates résulte de la convention de Vienne du
18 avril 1961 (à laquelle la Turquie n’était pas partie) mais plus généralement du droit
international général. On aurait donc pu soutenir que l’appréciation de la manière dont les
services de police s’étaient acquittés de leur tâche avait trait aux relations bilatérales entre la
France et la Turquie.
L’arrêt ne retient pourtant pas cette solution en faisant application de la théorie de l’acte
détachable :
« Cons. que M. Erez, ambassadeur de Turquie en France et M. Yener, son chauffeur, ont
été victimes d’un attentat, commis à Paris le 24 octobre 1975 vers 13h30, alors qu’ils
circulaient en automobile sur le pont de Bir Hakeim et se dirigeaient vers les locaux de
l’ambassade distants de quelques centaines de mètres ; que dans les circonstances
de l’affaire, la mise en jeu de la responsabilité de l’Etat à raison d’une éventuelle
insuffisance des mesures de police pour assurer la protection due aux victimes compte
tenu de leur appartenance à une mission diplomatique ne met pas en cause la conduite
des relations internationales de la France, mais dépend seulement de l’appréciation
portée sur la façon dont les services de police se sont acquittés de leur mission de
sécurité qui était en l’espèce détachable desdites relations ».
25
Il faut s’arrêter sur le critère de l’acte détachable : on se rappelle à cet égard que M. Genevois
opposait les mesures d’exécution des traités « tournées vers l’ordre international », qui
échappent de ce fait à la compétence de la juridiction française et les mesures « tournées vers
l’ordre interne », qui, au contraire, relèvent de sa compétence (concl. sur CE, Sect., 22
décembre 1978, Vo Thang Nghia, Rec., p. 523 ; AJDA avril 1979, p. 36 : à propos du
contentieux de la légalité du permis de construire une ambassade).
En l’espèce, l’idée qui a prévalu est que la mission de sécurité qui incombe aux services de
police est avant tout tournée vers l’ordre interne, même lorsqu’elle a pour objet des diplomates
étrangers. Et de fait l’on peut estimer que la mission de veiller à la sécurité des personnes sur
le territoire français est une mission qui concerne avant tout l’ordre public français, même
lorsqu’elle s’exerce au profit de ressortissants étrangers.
Cela dit, le Conseil d’Etat ne retient pas, dans cette affaire, la faute lourde des services de
police.
V. aussi, CE 19 février 1988, Soc. Robatel, AJDA 1988 p. 354, concl. Massot : à propos de
l’interdiction d'exportation de matériels destinés à une usine de retraitement des combustibles
au Pakistan afin d'obtenir de ce pays des garanties de non prolifération nucléaire qui est
considérée comme détachable des relations diplomatiques°
NB : Cette question sera reprise à propos de la responsabilité du fait des lois (v.
infra).
Il a longtemps été considéré – tant par le juge administratif que par le juge judiciaire (1) - que
les propriétaires de terrains grevés de servitudes administratives légalement instituées ne
pouvaient bénéficier d’aucune indemnité.
Sur la question, v. concl. F. Séners sur CE, Sect., 29 décembre 2004, Société
d’aménagement des coteaux de Saint-Blaine, BJDU 3/2005, p. 182
Cette position a prévalu jusqu’à la première guerre mondiale qui a marqué, là comme ailleurs,
une nette césure. Le Gouvernement a préparé en 1919 un projet de loi sur les servitudes
d’utilité publique et leur indemnisation avant de renoncer à le soumettre au Parlement par
crainte des conséquences financières, notamment en matière de planification urbaine.
Par un arrêt du 30 novembre 1923, Couitéas (sur lequel nous reviendrons), le CE avait
consacré une responsabilité sans faute pour rupture de l’égalité devant les charges publiques
et affirmé un principe général selon lequel tout acte de la puissance publique ouvre droit à
réparation lorsqu’il en résulte un dommage direct, matériel et spécial.
26
Cette jurisprudence et cet avis ont amené le législateur à multiplier les régimes spéciaux
d’indemnisation des servitudes d’utilité publique et des servitudes d’urbanisme.
Lorsqu'une loi consacre ainsi l'irresponsabilité de l'administration, le juge ne peut que s'y
conformer et rejeter les demandes en réparation formées par les victimes.
Il n’en reste pas moins que le droit applicable à ces servitudes et à leur indemnisation est
extrêmement hétérogène.
Bibliographie : F. Bouyssou, L’indemnisation des servitudes d’intérêt public, Droit et Ville 1990, n° 30,
p. 112).
CONCLUSION
Ainsi que l'écrit J. Moreau, l'arrêt Blanco a donc été démenti pour partie : La
responsabilité administrative est devenue générale. Et cela se comprend.
A une époque marquée par le triomphe de l'État Providence, l'irresponsabilité
de l'administration ferait figure d’anachronisme. Sa responsabilité généralisée
apparaît au contraire comme une solution normale, contrepartie nécessaire des
pouvoirs exorbitants de la puissance publique. L'évolution était donc inévitable.
Elle n'est pas achevée pour autant. Nous verrons qu'en dépit de son degré
actuel de perfectionnement, le droit de la responsabilité administrative peut
encore progresser.
27
ANNEXE I
La responsabilité pénale des autres personnes morales n’exclut pas celles des
personnes physiques, auteurs ou complices des mêmes faits sous réserve des
dispositions du quatrième alinéa de l’article 121-3 du Code pénal ».
Elle ne pèse que sur les collectivités locales et les établissements publics, à l’exclusion
de l’Etat, parce qu’il incarne la souveraineté et se trouve être le seul dépositaire du
droit de punir. A cela il faut ajouter qu’il serait en même temps procureur et accusé
dans le procès pénal, outre qu’il serait également juge.
S’agissant des collectivités locales, elles ne sont pénalement responsables que dans le
cadre des activités susceptibles d’être déléguées par convention.
Il faut préciser cette notion avant d’examiner les infractions susceptibles d’être
sanctionnées.
28
L’emploi de la notion « convention de délégation de service public », pour ambiguë
qu’elle soit, s’explique par le fondement de ce texte qui est d’assurer une égalité entre
les gestionnaires de service public au regard de la responsabilité pénale quel que soit
le mode de gestion du service : régie ou dévolution contractuelle.
La seule limite concerne donc les activités relevant de la puissance publique, c’est-à-
dire de l’édiction des mesures réglementaires et de la police administrative et les
fonctions confiées en propre à la collectivité publique, comme la surveillance des
enfants dans les écoles.
A l’origine, la responsabilité pénale des personnes morales (et donc des personnes
morales de droit public) obéissait à un principe de spécialité, en ce sens que cette
responsabilité ne pouvait être retenue que si le texte établissant l’infraction le
prévoyait expressément.
Aussi bien la modification apportée sur ce point par la loi du 9 mars 2004 portant
adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (dit loi Perben II) qui a
supprimé le principe de spécialité de la responsabilité pénale des personnes morales
peut apparaître d’une portée pratique limitée. Cette disposition devra entrer en
vigueur le 31 décembre 2005. Cela signifie que cette responsabilité générale pourra
être engagée sans avoir à être prévu par le texte d’incrimination.
La liste en a été dressée par une circulaire du 14 mai 1993 commentant les
dispositions législatives du Code pénal.
29
221-7 : le fait d’avoir causé la mort ou l’incapacité totale ou partielle de travail
d’autrui par imprudence, négligence ou manquement à l’obligation de sécurité ou de
prudence.
Atteinte au droit d’auteur, tel le délit de contrefaçon d’une œuvre de l’esprit (ex. :
logiciel informatique dupliqué au sein de la collectivité) ;
Atteinte à l’environnement :: par exemple, diverses infractions ont été instaurées en
matière de pollution atmosphérique ou marine, d’élimination des déchets, ou encore
d’installations classées (gestion d’une décharge ou d’une usine d’incinération par une
collectivité …).
En conclusion,
Il reste que la mise en jeu de la responsabilité pénale des personnes publiques est une
question sensible.
Il faut rappeler l’affaire du Drac dans laquelle les faits étaient relatifs à une sortie
éducative de découverte d’une classe scolaire dans le lit de la rivière Drac pour
observer l’habitat des castors. A la suite de lâchers d’eau à l’initiative d’EDF, la
brusque montée du cours de la rivière avait entraîné la noyade de six enfants et de
leur accompagnatrice, employée de la ville de Grenoble. En plus de la responsabilité de
30
l’institutrice, puis celle de la directrice retenue en appel, celle de la ville de Grenoble
avait été reconnue sur les fondements d’homicide et de blessures par imprudence
successivement par le tribunal correctionnel et la cour d’appel.
Mais att. qu’en statuant ainsi, alors que l’exécution même du service public
communal d’animation des classes de découverte suivies par les enfants des
écoles publiques et privée pendant le temps scolaire, qui participe du service de
l’enseignement public, n’est pas, par nature, susceptible de faire l’objet de
conventions de délégation de service public, la cour d’appel a méconnu le texte
susvisé ».
La chambre criminelle considère ainsi que l’enseignement public n’est pas délégable
tout comme toutes les activités scolaires, et notamment les sorties scolaires ( Cass.
crim., 12 décembre 2000, Bull. crim. 2000,n° 371 ; Petites Affiches, 5 janv. 2001, n°
4, p. 13 : B. Poujade et F. Meyer, l’affaire du Drac : la responsabilité pénale de la ville
de Grenoble, Gaz. Pal., déc. 1998, p. 54 ; M-F. Steinlé, « la portée de la loi n° 2000-
467 du 10 juillet 2000 : à propos de la catastrophe du Drac).
La Cour de cassation a réitéré sa position dans une affaire qui mettait en cause la
responsabilité pénale de la région Franche-Comté à la suite d’un accident survenu à un
élève d’un établissement professionnel d’enseignement sur une machine-outil (Cass.
crim., 11 décembre 2001, Bull. crim. 2001, n° 265 ; Droit pén. 2002, n° 40 ; Gaz. Pal.,
3-4 juillet 2002, note S. Petit).
31
Par exemple, la question de savoir si le juge pénal est compétent pour condamner la
personne morale de droit public à des dommages intérêts dans le cadre de l’action
civile alors que la faute est une faute de service est une question qui n’est pas
tranchée, les juridictions ayant jugé dans des sens extrêmement différents.
32
CHAPITRE 2
LES FONDEMENTS DE LA RESPONSABILITE ADMINISTRATIVE
D’abord, elle peut avoir un effet inhibant sur les agents publics, les
dissuadant de toute initiative.
Surtout, ce système est très peu favorable aux victimes qui risquent de se
heurter à l’insolvabilité de l’agent responsable.
33
Cette solution consiste à faire supporter la charge de la réparation par
l’administration, c’est-à-dire aux personnes morales à l’activité de laquelle
le dommage est imputable : ainsi, pour prendre un exemple, le préjudice
causé par l’agent d’une commune sera-t-il réparé par cette commune et
non par son agent personnellement.
Reste alors une troisième solution qui se situe à mi-chemin des deux
premières et qui, les combinant tente d’en conserver les avantages et d’en
éliminer les inconvénients.
De cette manière, les victimes sont assurées d’obtenir réparation sans que
les agents de l’administration échappent pour autant à toute
responsabilité.
34
C’est cette distinction qui le structure puisqu’en principe l’identification
d’une faute de service comme fait générateur du dommage permet à la
victime d’engager la responsabilité de l’administration devant le juge
administratif qui appliquera les principes et règles du droit administratif ;
A – La faute de service
Comme l’écrit Monsieur Moreau, il s’agit d’une notion multiforme qui tend
à englober toutes les hypothèses de fonctionnement ou d’organisation
défectueuse du service.
35
Cette considération explique que, du point de vue du juge de cassation,
l’appréciation du caractère fautif d’un comportement de l’administration
est considérée comme une question de qualification juridique sur laquelle
il exerce son contrôle (CE, 28 juillet 1993, Sarl Bau Rouge, Rec. Lebon,
p. 249 ; AJDA 1993, p. 685, chron. Ch. Maugüé et L. Touvet ; D 1994, SC,
p. 365, obs. P. Bon et Ph. Terneyre ; RFD adm. 1994, p. 323, note R.
Hostiou ; CE, 16 juin 1997, Soc. arboricole et fruitière de l’Agenais,
Rec. Lebon, p. 238 ; CE, 16 novembre 1998, Melle Reynier, Rec.
Lebon, p. 420).
- La difficulté tient à ce que d’une part, les textes ne disent pas toujours
comment l’administration doit agir, notamment au regard de toutes les
occurrences auxquelles elle est appelée à être confrontée.
Exemple :
Mais souvent aucun délai n’est déterminé par les textes. Il est donc
difficile de savoir à partir de quel moment un retard devient abusif (CE, 7
octobre 1983, Vve Gugenheim, Rec. Lebon, p. 903).
36
- mais un délai d’un an et demi entre la comparution devant une
commission de réforme et l’attribution d’une carte de gratuité de
transports ne l’est pas (CE, 21 mai 1953, Gauthier, Rec. Lebon, p. 240).
: CAA PARIS, 19 mars 2008, Mme LEDOUX, n°06PA0285, AJDA 30 juin 2008, p. 1186 : l’accident
de Tchernobyl et la responsabilité de l’état français sur les cancers de la thyroïde.
CAA PARIS, 24 septembre 2007, Consorts EBOLI, n°04PA03858 : la responsabilité de l’Etat ne peut
être engagée du fait de la contamination par la maladie de la vache folle : carence de l’Etat a adopté
des mesures de police sanitaires suffisantes et proportionnées au risque tel qu’il résultait des
connaissances scientifiques de l’époque entre le mois de mai 1988 et le printemps 1996 (la date de
contamination a pu être antérieure au mois de mai 1988 : ainsi la circonstance alléguée que l’Etat
n’aurait pas adopté après cette date des mesures de protection suffisantes et proportionnées au risque
en vue de prévenir sur le territoire français la contamination bovine et la contamination humaine ne
peut être regardée comme étant directement à l’origine de la contamination.
2) Illégalité et faute
Cette solution a été abandonnée par la jurisprudence pour les actes individuels, puis pour
les actes réglementaires (CE, 29 mai 1903, Le Berre). L’illégalité pouvait donc être
fautive.
Mais, traditionnellement, il n’en allait pas ainsi de toute illégalité. En effet, pendant
longtemps, la jurisprudence a refusé de considérer comme des fautes des illégalités dues
à une simple erreur d’appréciation :
CE, 7 juin 1940, Vuldy, Rec. Lebon, p. 187 : à propos du refus illégal d’un
permis de construire fondé sur le fait que la construction porterait atteinte au site ;
l’erreur d’appréciation ainsi commise par l’administration entraîne l’illégalité de l’acte
mais ne permet pas d’engager sa responsabilité.
37
CE, Sect., 26 janvier 1973, Driancourt, Rec. Lebon, p.
77 ; AJDA 1973.245
CE, 28 mars 1980, Yverneau, RD publ. 1980, p. 1744 ; CE, Sect., 9 juin
1995, Lesprit, Droit adm. 1995, n° 725 ; AJDA 1995, p. 745, concl. J. Arrighi
de Casanova ; RFD adm. 1995, p. 859 : à propos de l’interdiction illégale
d’exploiter des flippers dans un snack-bar-restaurant : « que cette illégalité, à
supposer même qu’elle soit imputable à une simple erreur d’appréciation a
constitué une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance
publique ».
38
l’application d’un décret fixant le prix des tabacs incompatible avec les
objectifs d’une directive).
Remarque :
Pour qu’il en soit ainsi, il faudra que le préjudice subi par la victime
découle directement de l’illégalité de l’acte. Il faut donc que l’illégalité
fautive cause par elle même un préjudice au requérant.
39
- Cela n’est pas non plus le cas si bien qu’illégale en la forme, la décision
est justifiée au fond
CE, Sect., 19 juin 1981, Carliez, Rec. Lebon, p. 274 ; AJDA 1982,
p. 103, concl. B. Genevois : la participation d’une enfant de dix ans à des
spectacles télévisés nécessite une autorisation préfectorale. Cette
autorisation avait été refusée par le préfet à la suite de l’avis d’une
commission irrégulièrement composée. Sa décision était donc entachée
d’illégalité externe. Recours de la mère de l’enfant. Le Conseil d’Etat
estime que la décision est justifiée au fond car aucune mesure n’avait été
prise pour concilier la poursuite par l’enfant de sa scolarité avec sa
participation à des spectacles. L’illégalité ne causait donc aucun préjudice
à la requérante dans la mesure où saisi d’une nouvelle demande
l’administration ne pourra que confirmer son précédent refus.
CE, 20 mars 1985, Epoux Ruby, Rev. adm. 1986, p. 43, note B.
Pacteau : Le préjudice causé à des tiers par la délivrance d’un permis de
construire entaché d’illégalité externe n’est pas de nature à ouvrir droit à
réparation dès lors qu’un permis de construire aurait pu être
régulièrement délivré.
- La solution est la même si une sanction, illégale parce qu’elle a été prise
par un organisme incompétent, était néanmoins justifiée au fond
40
- à propos de maladresses, négligences, erreurs, comme par
exemple, mauvais diagnostic, erreur dans l’administration de soins, pertes
d’objets par le service des postes, mauvais fonctionnement ou retard d’un
service de sauvetage ;
41
27 juin 1954, Otto, Rec. Lebon, p. 380 ; CE, 11 mai 1956, Soc.
Lesieur d’Afrique, Rec. Lebon, p. 194 ; AJDA 1956, II, 291).
* en une abstention : l
* en une carence
42
CE, 14 décembre 1962, Doublet, AJDA 1962, p. 101 : carence
systématique d’un maire dans l’application d’un règlement de
campisme ;
43
CAA Marseille, 13 juin 2002, Commune de Maugio c/ Fournol,
Collect. Territ.-Intercommunalité 2002, n° 270, obs. J. Moreau : une
menace d’expropriation constitue une pression abusive ayant pour objet
de faire obstacle à la signature de l’acte de cession d’une propriété.
CAA Lyon, 26 avril 2005, Cordon, AJDA 2005, p. 1591 : faute des
services du Trésor qui ont tenté de récupérer plusieurs amendes qui
pourtant avaient été annulées par le juge judiciaire.
Commentaire
I.
Par cette décision, le CE a décidé de lever ou tout du moins en partie un véritable tabou
qui est celui du harcèlement moral dans l'administration, exercé par le pouvoir
hiérarchique sur ses subordonnés.
II.
En l'espèce, Mme B. a été recrutée en qualité d'agent contractuel, par une décision en
date du 14 février 1980, pour assurer les fonctions de secrétaire de direction auprès du
directeur de l'Office national de la chasse.
Par une décision en date du 10 octobre 1983, Mme B. a ensuite été affectée au
secrétariat particulier du directeur adjoint de l'Office.
Par décision en date du 4 novembre 1991, cette dernière a été affectée à « la mission de
conseil juridique » de cet établissement.
44
A compter de son entrée dans ses nouvelles fonctions et ce pendant une période d'au
moins six ans, Mme B. a fait l'objet de mesures d'isolement, vexatoires, qui l'ont conduit
à son placement en 1995 en congé maladie pour état dépressif pendant plusieurs mois,
et cela sans que le directeur de l'établissement, pourtant averti de cette situation, ne
prenne les mesures nécessaires pour faire cesser cette situation.
Mme B. a t saisi le Conseil d'Etat dans le cadre d'un pourvoi en cassation contre l'arrêt du
28 janvier 2003 par lequel la CAA de Paris a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à
l'annulation de la décision du 4 novembre 1991 et à ce qu'il soit enjoint à l'Office de la
réintégrer dans son emploi d'origine, d'autre part, à ce que cet établissement soit
condamné à lui verser diverses sommes au titre d'indemnités dont elle affirme avoir été
illégalement privé ainsi qu'en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi du
fait de sa mutation et de ses conditions de travail dans son nouvel emploi.
III.
-De première part, des agissements répétés. Le CE affirme en ce sens que c'est « par
leur répétition » que les comportements hiérarchiques évoqués sont fautifs. Il note avec
soin leur fréquence ainsi que la période pendant laquelle ont eu lieu ses agissements;
45
Enfin, il convient de noter que le CE a recherché si Mme B. avait participé également à la
dégradation des relations avec ses supérieurs hiérarchiques.
QUID de la portée?
B – La faute personnelle
46
camion qui le précédait, donne un coup de volant et renverse le cycliste
qui est blessé.
A hauteur d’appel, l’Etat qui n’avait pas été mis en cause, intervient pour
substituer sa responsabilité à celle de son agent et évidemment décliner la
compétence judiciaire.
47
conséquences dommageables de l’acte délictueux qu’il a commis qui si
celui-ci constitue une faute détachable de ses fonctions.
« Peu importe que le maire n’ait pas opposé devant les juges du
fond l’exception dont il pouvait se prévaloir, l’incompétence des
juridictions étant en pareil cas d’ordre public ».
Cette solution n’est absolument pas remise en cause par les textes répressifs récents qui
instituent des incriminations consistant dans des maladresses, imprudences, inattention,
négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la
loi ou les règlements (Loi n° 96-393 du 13 mai 1996 relative à la responsabilité pénale
pour des faits d’imprudence ou de négligence – Loi n° 2000-467 du 10 juillet 2000
tendant à préciser la définition des délits non intentionnels - art. 121-3 et art. 221-6 à
221-19 du Code pénal).
Ainsi, dans une affaire où un maire était poursuivi à la suite du décès d’un adolescent
écrasé par la chute d’une cage amovible de football qui était stockée sur un terrain
communal, le tribunal correctionnel avait relaxé le maire sur le plan pénal dans la mesure
où il n’avait pas relevé la faute caractérisée requise par le texte fondant les poursuites
(art. 121-3), mais avait néanmoins relevé un comportement constitutif d’une faute et
condamné le maire au paiement de dommages intérêts sur le fondement de l’action
civile.
La solution est d’importance à une époque où se multiplient les poursuites contre les
agents du chef de ces incriminations. Ainsi, le plus souvent, ces comportements
répréhensibles pénalement, ne sont pas détachables du service et ne constituent pas une
faute personnelle sur le terrain civil.
48
peut être automatiquement déduite de la commission d’une voie de fait
(TC, 2 décembre 1991, Mme Paolucci, Rec. Lebon, p. 482).
Son appréciation reste parfois plus délicate : CE, 23 juin 1954, Veuve
Litzler, Rec. Lebon, p. 376 : meurtre commis par un douanier en dehors
du service pour assouvir une vengeance personnelle, mais pour lequel le
douanier a utilisé son arme de service et a usé de sa qualité pour arrêter
le véhicule automobile de la personne à qui il comptait causer des ennuis.
Un certain lien avec le service existe donc, mais le Conseil d’Etat va
estimer celui-ci insuffisant et considérer la faute comme purement
personnelle.
La faute est commise dans le cadre du service, mais elle s’en distingue
intellectuellement par la gravité des faits en cause. Il en existe plusieurs
variétés.
* La première est constituée par les fautes qui sont commises dans le
service, mais qui caractérisent un comportement très excessif de l’agent :
Cela concerne, tout d’abord, les violences physiques commises par des
agents publics :
49
CE, 9 juillet 1953, Delaître, Rec. Lebon, p. 592 : Des coups d’une
particulière brutalité assenés, lors d’une manifestation, par un
agent de police à un facteur au domicile duquel un jeune étudiant
(manifestant) était venu se réfugier : Il s’agit là d’un
comportement ayant excédé « l’emploi légitime de la force
nécessaire à l’exercice des activités de police »
50
Enfin, l’excès peut consister dans la carence et dans l’inaction gravement
fautive de l’agent public :
Cass. Crim 2 octobre 1958, JCP 1958, II, 10834 : médecin qui s’est
enfuit d’une salle d’opération lorsqu’une infirmière a
maladroitement provoqué un incendie et laisse ainsi le patient
attaché sur la table d’opération ;
En revanche, ne constitue pas une faute personnelle, le fait pour un agent de la DDE mis
à la disposition d’une commune pour l’aider à la révision de son POS, d’accepter, à la
demande du maire, de modifier le plan de zone de POS révisé, de manière à réduire
l’emprise d’un espace boisé classé et cela après que le conseil municipal a délibéré et
voté la révision du POS. En effet, la faute ainsi commise par l’agent « qui n’était animé
d’aucun intérêt personnel, l’a été dans l’exercice de ses fonctions et avec les moyens du
service ; que quelle que soit sa gravité, elle ne saurait être regardée comme une faute
personnelle détachable du service » (TC, 19 octobre 1998, Préfet du Tarn c/ CA de
Toulouse, D. 1999 p. 127 note O. Gohin).
Cela peut consister en une volonté délibérée de nuire. Ici, c’est l’aspect
subjectif, l’intention de nuire qui l’emportent :
•
TC, 14 décembre 1925, Navarro, Rec. Lebon, p. 1007 : comme c’est le
cas d’un maire qui fait systématiquement déposer des ordures sur le
terrain d’un de ses administrés en feignant de croire que ce terrain est
inclus dans les limites d’une décharge publique
51
• CE, 21 avril 1937, Dlle Quesnel, Rec. Lebon, p. 423 :
Détournement de fonds par une receveuse ;
•
• CE, 11 novembre 1953, Oumar Samba, Rec. Lebon, p. 218 :
vols commis par un gardien avec l’aide des détenus qu’il était chargé de
surveiller, lors de corvées extérieures.
• « Cons. qu’il ressort des faits constatés par le juge pénal (….) que
M. Papon, alors qu’il était secrétaire général de la préfecture de la
Gironde entre 1942 et 1944, a prêté son concours actif à
l’arrestation et à l’internement de 76 personnes d’origine juive qui
ont ensuite été déportées à Auschwitz où elles ont trouvé la mort ;
que si l’intéressé soutient qu’il a obéi à des ordres reçus des ses
supérieurs hiérarchiques ou agi sous la contrainte des forces
d’occupation allemandes, il résulte de l’instruction que M. Papon a
accepté, en premier lieu, que soit placé sous son autorité directe le
service des questions juives de la préfecture de la Gironde alors que
ce rattachement ne découlait pas la nature des fonctions occupées
par le secrétaire général ; qu’il a veillé, en deuxième lieu, de sa
propre initiative et en devançant les instructions venues de ses
supérieurs, à mettre en œuvre avec le maximum d’efficacité et de
rapidité les opérations nécessaires à la recherche, à l’arrestation et
à l’internement des personnes en cause ; qu’il s’est enfin attaché
personnellement à donne l’ampleur la plus grande possible aux
quatre convois qui ont été retenus à sa charge par la Cour d’Assises
de la Gironde, sur les 11 qui sont partis de ce département entre
juillet 1942 et juin 1944, en faisant notamment en sorte que les
enfants placés dans les familles d’accueil à la suite de la déportation
de leurs parents ne puissent en être exclus ; qu’un tel
comportement, qui ne peut s’expliquer par la seule pression exercée
sur l’intéressé par l’occupant allemand, revêt , eu égard à la gravité
exceptionnelle des faits et de leurs conséquences, un caractère
inexcusable et constitue par là même une faute personnelle
détachable de l’exercice des fonctions ».
52
« Att. qu’en donnant l’ordre illégal de détruire par incendie des
paillotes construites sans autorisation sur le domaine public, celles-
ci seraient-elles devenues la propriété de l’Etat, B. Bonnet ne saurait
être considéré comme ayant satisfait, en sa qualité de préfet, à une
obligation attachée à l’exercice de ses fonctions et exécutée pour le
compte de l’Etat ; qu’en outre, la reconnaissance, au plan civil,
d’une faute de service imputable aux auteurs principaux de
destructions ne fait pas obstacle à l’engagement de la responsabilité
pénale de ces derniers ainsi que de celle du préfet pour complicité. »
Cela explique qu’elle n’ait été adoptée qu’à la suite d’une longue évolution
jurisprudentielle au terme de laquelle s’est établi le champ d’application
du mécanisme de substitution (A).
Par ailleurs, la démarche qui est sans doute la meilleure en fait comme en
droit, pose de délicats problèmes d’aménagement. Nous analyserons donc
les rapports entre l’administration et ses agents consécutivement à la
condamnation de l’une ou des autres (B).
53
L’article 75 de la Constitution de l’an VIII, demeuré en vigueur jusqu’en
1870 (avec valeur législative), disposait :
Le seul moyen pour les victimes d’obtenir réparation était donc d’agir
contre le fonctionnaire auteur du dommage, devant les tribunaux
judiciaires.
54
L’objet de ce texte était clair. Il s’agissait de permettre l’engagement de la
responsabilité personnelle des fonctionnaires devant les tribunaux
judiciaires pour tous les préjudices causés par eux, qu’ils résultent de leur
faute personnelle ou d’une faute de service. Autrement dit, il autorisait
leur poursuite même à raison des dommages occasionnés par leurs actes
administratifs.
Mais tel ne fut pas l’avis du Tribunal des Conflits appelé à se prononcer
sur la portée de cette abrogation.
55
itératives sont faites aux tribunaux de connaître des actes
d’administration de quelque espèce qu’ils soient »).
56
Le Tribunal des Conflits considère donc que le décret de 1870 autorise la
poursuite des fonctionnaires devant les tribunaux judiciaires uniquement
en cas de faute personnelle détachable du service. En revanche, dans
l’hypothèse d’une faute de service, seule la responsabilité de
l’administration peut être recherchée et elle ne peut l’être que devant les
juridictions administratives. Si elle l’est devant les juridictions judiciaires,
le préfet peut à bon droit élever le conflit.
57
Mais cela faisait incontestablement problème lorsque le dommage était dû
à une faute personnelle de l’agent. Dans ce cas, en effet, la victime ne
pouvait se retourner contre l’administration. Elle était obligée d’agir contre
le fonctionnaire personnellement et se heurtait bien souvent à son
insolvabilité.
Par conséquent, plus la faute était grave, plus la victime avait de chance
de ne pas être, en réalité, indemnisée.
58
« Cons. qu’il résulte de l’instruction que la porte affectée au passage
du public dans le bureau de poste établi au numéro 1 de la rue des
Filles-du-Calvaire a été fermée, le 11 janvier 1908, avant l’heure
réglementaire et avant que le sieur Anguet qui se trouvait à
l’intérieur de ce bureau eût terminé ses opérations aux guichets ;
que ce n’est que sur l’invitation d’un employé et à défaut d’autre
issue que le sieur Anguet a effectué sa sortie par la partie du bureau
réservée aux agents du service ; que, dans ces conditions,
l’accident dont le requérant a été victime, par suite de sa
brutale expulsion de cette partie du bureau, doit être
attribué, quelle que soit la responsabilité personnelle
encourue par les agents, auteurs de l’expulsion, au mauvais
fonctionnement du service public ; que dès lors le sieur
Anguet est fondé à demander à l’Etat réparation du préjudice
qui lui a été a causé par ledit accident ».
Le Conseil d’Etat estime donc que si le dommage était bien dû à une faute
personnelle, qui a été la cause directe et matérielle de l’accident, celle-ci
n’avait été rendue possible que par la mauvaise organisation du service
(fermeture prématurée du bureau de poste), c’est-à-dire par une faute de
service. En conséquence, il autorisa la victime à mettre en jeu la
responsabilité de l’État devant la juridiction administrative :
Ce système que l’on qualifie de « cumul de fautes » allait très vite être
utilisé dans un sens extrêmement favorable aux victimes.
59
Ainsi, l’importance de la faute de service distincte ne cesse de diminuer ;
souvent la faute personnelle se cumule avec un simple défaut de
surveillance qui suffit à constituer la faute de service.
Cet exemple montre d’ailleurs que le Conseil d’Etat ne tient pas compte de
la gravité de la faute personnelle et n’est pas très rigoureux dans
l’exigence d’un lien de cause à effet entre la faute de service et le
dommage.
Or, il arrive que cette présomption soit impossible, qu’il n’y ait pas l’ombre
d’une faute de service distincte de la faute de l’agent, que le dommage
résulte exclusivement de cette dernière. Comment, dans ces conditions,
autoriser la mise en jeu de la responsabilité de l’administration ?
60
C’est à ce problème que répond l’arrêt Lemonnier.
Le Conseil d’État fut saisi d’une action dirigée contre la commune alors
même que la juridiction judiciaire avait reconnu la responsabilité
personnelle du maire pour laquelle il avait été condamné à des dommages
intérêts.
61
Pourtant, là encore, L. Blum fit valoir qu’il peut y avoir « coexistence …
d’une faute que l’autorité judiciaire pourra considérer comme personnelle
à l’agent et engageant sa responsabilité propre, avec une faute
administrative que l’autorité administrative devra considérer comme faute
du service engageant la responsabilité de l’administration ».
62
Après le cumul de fautes entraînant cumul de responsabilités, il y
a cumul de responsabilités pour une seule faute.
Dans les trois cas, les victimes demandaient à l’Etat réparation d’accidents
causés par des conducteurs de véhicules administratifs ayant commis une
faute personnelle - fausse manœuvre, vitesse excessive et refus de
priorité – par surcroît en dehors du service puisque les agents s’étaient
63
détournés de leur itinéraire normal pour faire qui une course personnelle,
qui une promenade d’agrément, qui pour visiter sa famille.
Le Conseil d’Etat estime donc que, bien que personnelles, les fautes
dommageables n’étaient pas dépourvues de tout lien avec le service. Et il
en déduit que les victimes devaient bénéficier de l’option ouverte par
l’arrêt Lemonnier. Les arrêts Mimeur, Defaux et Besthelsemer marquent
donc un progrès très sensible du cumul des responsabilités.
Cas d’un agent de police qui avait tué son compagnon de chambrée en
nettoyant son arme de service.
Cette solution se fonde probablement sur le fait que l’agent en cause avait
l’obligation de conserver son arme en dehors du service, que l’accident est
64
survenu dans un foyer de l’administration et, surtout, sans que l’auteur du
dommage n’ait commis une imprudence grave. A cela s’ajoute également
des considérations d’équité dès lors que la victime subvenait seule aux
besoins de sa famille et notamment à ses nombreux frères et sœurs
comme le relève le juge.
Enfin, le juge administratif l’a étendu au cas d’un gendarme qui a commis
de nombreux crimes en dehors de ses fonctions et avec son arme
personnelle, mais surtout dont la participation à l’enquête a permis
d’échapper très longtemps à son arrestation (CE, 18 novembre 1988,
Epoux Raszewski, Rec. Lebon, p. 416 ; JCP 1989 II 21211, note B.
Pacteau).
Le mécanisme de substitution peut être mis en jeu dès lors que la faute
n’est pas dépourvue de tout lien avec le service. C’est le seul critère.
Le CE juge que
65
intégralement ce préjudice, quand bien même aucune faute ne
pourrait-elle être imputée au service et le préjudice serait-il
entièrement imputable à la faute personnelle commise par l’agent
laquelle, par sa gravité, devrait être regardée comme détachable du
service ».
La situation très favorable faite aux victimes laisse intacte la question des
relations entre l’administration et ses agents.
66
La situation était choquante. Elle l’était d’autant plus que, profitant de
l’option qui leur était offerte, les victimes recherchaient systématiquement
la responsabilité de l’administration de préférence à celle de ses agents.
Ceux-ci bénéficiaient de la sorte d’une irresponsabilité quasi totale.
67
L’arrêt Laruelle admet que l’administration qui a indemnisé la victime de
l’intégralité du préjudice doit pouvoir se retourner contre son agent,
opérant ainsi un revirement de jurisprudence au regard de l’arrêt
Poursines :
Etant admis que sur le principe, elle peut se retourner contre lui pour lui
demander réparation :
a) Sur la compétence
68
n’appartenait pas à la juridiction administrative de statuer sur la
responsabilité d’une personne privée à l’égard d’une personne publique.
Deux d’entre eux formèrent des pourvois contre ces décisions, l’un devant
les tribunaux judiciaires, l’autre devant le Conseil d’Etat. Le conflit fut
alors élevé devant les tribunaux judiciaires et le Tribunal des Conflits eut à
trancher la question de compétence, le Conseil d’Etat tranchant
ultérieurement les problèmes de fond.
Cette solution tient toute entière dans la considération du droit applicable à l’action
récursoire. C’est l’application du droit administratif qui détermine la compétence
administrative. On a là une illustration du principe de la liaison de la compétence et du
fond exprimé dans l’arrêt Blanco.
La solution est d’ailleurs tout à fait générale puisqu’elle concerne aussi le cas où
l’administration recherche directement la responsabilité de son agent, sans avoir été elle-
même condamnée auparavant à indemniser le tiers.
69
- d’une part, elle réalise une unité de la compétence contentieuse,
que l’action récursoire soit le fait de l’agent contre l’administration ou de
l’administration contre l’agent ;
b) Sur le fondement
70
Il en résulte une autonomie des fautes que peuvent se reprocher
mutuellement l’administration et ses agents par rapport à celles qu’on pu
leur reprocher les administrés dans leurs actions dirigés contre eux.
- Pour les mêmes raisons, tous les coauteurs d’une faute personnelle ne
sont pas responsables solidairement envers l’Etat, comme des codébiteurs
en droit civil.
71
une action disciplinaire est éventuellement possible à leur
encontre.
* CAA Paris, 26 juin 2006, Min. de la Défense c/. M. Thierry M.., AJDA 2 oct.
2006, p. 1794, concl. L. Helmlinger.
Ajouter : CE, 6 août 2008 : le Conseil d’Etat accepte que l’Etat règle par la voie de la
transaction un litige portant sur l’indemnisation d’une victime d’une faute commise par
l’un de ses agents à titre personnel et à en demander ensuite le remboursement à
l’auteur de ladite faute. Demander à ce que l’on cherche l’arrêt.
Conclusion :
72
1ère observation : Il faut d’abord relever que ce n’est que très peu
fréquemment que l’administration se retourne contre ses agents.
« Le danger qui, par contre, est bien réel, c’est l’injustice. C’est
l’institution de ce qui ne pourrait manquer d’être compris comme
une jurisprudence de classe. D’abord, l’initiative des poursuites n’est
confiée à aucun censeur, ni à aucun procureur et, sans qu’il soit
besoin ici de suspecter l’impartialité des chefs de service, ce sont
eux qui détiennent la pouvoir de constituer un agent débiteur … Il
est à craindre que la responsabilité pécuniaire des agents ne soit
d’autant plus aisément recherchée que l’agent est plus éloigné du
sommet de la hiérarchie, pour ne rien dire de l’éventualité dans
laquelle l’état exécutoire deviendrait, tantôt une sanction déguisée,
73
prononcée sans aucune garantie, tantôt un moyen de pression
particulièrement odieux.
* Une telle action est, tout, d’abord, envisageable dans le cas où un agent
a été condamné par erreur par le juge judiciaire pour une faute qualifiée
de personnelle alors qu’il s’agit, en réalité d’une faute de service.
74
Si la faute de service a été la cause exclusive du dommage : il aura droit
au remboursement de l’intégralité de la réparation qu’il a dû verser.
75
ou appliquant cette discrimination, nécessairement admis que les
agissements auxquels ces actes ont donné lieu pouvaient revêtir un
caractère fautif ».
76
SECTION 2
LA RESPONSABILITE ADMINISTRATIVE SANS FAUTE
77
La jurisprudence a consacré la responsabilité pour risque dans deux séries
d’hypothèses (Conc. H. Legal sur CE, Ass., 9 avril 1993, M. D., Rec.
Lebon, p. 119).
Voir en ce sens concl. S. Daël sur CE, Ass., 9 avril 1993, Bianchi, Rec.
Lebon, p. 127 : « Il vous reste alors à examiner la question renvoyée
devant votre Assemblée, que d’une certaine manière votre jurisprudence
quelque peu déroutante sur les présomptions avait cherché à contourner,
et donc à rechercher si les techniques de la responsabilité sans faute
permettent de répondre à des situations extrêmes dont le sentiment
commun admet de plus en plus difficilement qu’elles échappent à toute
responsabilité ».
78
Cela résulte de l’arrêt : CE, 28 mars 1919, Regnault-Desroziers,
GAJA ; Rec. Lebon, p. 329 ; RD publ. 1919, p. 239, concl. Corneille, S.
1919.3.25, note M. Hauriou :
Cette solution a été reprise par trois arrêts d’Assemblée du 24 juin 1949,
Consorts Lecomte, Franquette et Daramy, GAJA ; Rec. p. 307 : à
propos de l’utilisation d’armes à feu (mitraillettes) par les forces de
l’ordre :
- Daramy : idem pour une passante tuée par agent qui cherchait à arrêter
l’auteur d’une agression.
79
les personnes y sont impliquées, la responsabilité est fondée sur la faute,
mais la faute simple, pour tenir compte néanmoins du danger que
présentent les armes à feu.
a) La jurisprudence Thouzellier
Elle a fait l’objet de plusieurs extensions. Elle n’est cependant pas sans
limites.
80
établissements spécialisés, soit à un personne digne de confiance
d’engager, même sans faute, la responsabilité de la puissance
publique à leur égard »
81
C’est la CAA Lyon (Form. plèn.), 21 décembre 1990, Consorts
Gomez, Rec. Lebon, p. 498 ; RFD adm. 1991 p. 466 qui a ouvert la voie
en la matière par un arrêt remarqué, en jugeant que la mise en œuvre
d’une méthode chirurgicale nouvelle justifie la responsabilité sans faute de
l’hôpital.
82
Dans cet arrêt, les conditions étaient satisfaites, relativement aux
conséquences, gravement invalidantes, d’une artériographie cérébrale.
Il reste que l’indemnisation de ce genre de préjudice ne peut pas être réglée de manière
satisfaisante dans le cadre de la responsabilité sans faute. Comme le dit Jean Waline,
« elle suppose, en réalité, que l’on mette en œuvre la solidarité nationale, ce qui ne peut
être le fait que de la représentation nationale ».
Ces travaux ont abouti à la loi n° 2002-203 du 4 mars 2002 relative aux droits des
malades et à la qualité du système de santé qui dispose qu’en l’absence de toute faute
reprochable, « un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale
ouvre droit à la réparation des préjudices du patient au titre de la solidarité nationale,
lorsqu’ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de
soins et qu’ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état
de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci et présentant un caractère de gravité
fixé par décret » (art. 98 de la loi modifiant l’art. L. 1142-1-II du CSP ; décret n° 2003-
314 du 4 avril 2003).
Définitions :
Iatrogène : se dit d’un trouble, d’une maladie provoquée par un acte médical ou par les
médicaments, même en l’absence d’erreur du médecin.
83
anesthésie générale pratiquée en vue d’une opération de circoncision,
c’est-à-dire alors même que « l’acte médical a été pratiqué lors d’une
intervention dépourvue de fin thérapeutique » puisqu’il s’agissait d’une
circoncision rituelle.
CE, 5 juin 2002, Mme Rodrigues, AJDA 2002, p. 936 : refus de retenir la
responsabilité.
CE, Ass. 26 mai 1995, Consorts N’Guyen, Rec. Lebon, p. 221 ; RFD
adm. 1995, p. 748, concl. S. Daël ; AJDA 1995 p. 577 et chr. p. 508 : cas
de Sida post-transfusionnel.
Dans cette affaire était en cause une personne atteinte du SIDA contracté
à la suite d’une opération chirurgicale effectuée à l’hôpital public. La
contamination résultait de l’utilisation, durant l’opération, de sang
contaminé, fait non discuté par les défendeurs.
Il juge, en effet, que « eu égard tant à la mission qui leur est ainsi confiée
par la loi qu’aux risques que présente la fourniture de produits sanguins,
84
les CRTS sont responsables, même en l’absence de faute, des
conséquences dommageables de la mauvaise qualité des produits
fournis ».
V. aussi, CE, Ass., 26 mai 1995, Pavan, req. n° 151798, Rec. Lebon, p.
222 : ici, la CAA de Marseille s’était fondée sur la responsabilité pour
risque (aléa thérapeutique) pour rejeter le recours. Le CE annule sur le
même fondement, mais le recours avait été dirigé contre l’AP de Marseille
dont le CRTS ne relevait pas. Le dommage ne lui était donc pas imputable.
85
TA Grenoble, 4 novembre 1991, Dame Colombier, D 1993, p.
161, note J.F. Couzinet : L’Etat est jugé responsable sans faute du risque
auquel les tiers sont exposés par les méthodes de la protection policière
rapprochée assurée à diverses personnalités. En l’espèce, responsabilité à
l’égard d’une skieuse violemment heurtée par un inspecteur de police
dévalant une piste, tenu qu’il était de « suivre de très près » les membres
d’une « famille royale » (Danemark) dont la protection lui était confiée.
- Voir aussi :
TA Paris 20 décembre 1990, Epoux B…, RFD adm. 1992 p. 545 : cas du mari
d’une infirmière auquel elle a transmis le virus du SIDA par lequel elle a été
contaminée dans l’exercice de ses fonctions.
86
Mais, par un arrêt du 5 mai 1998, Ministre de l’emploi et de la solidarité c/
Consorts Cohen, (Petites Affiches, 2 octobre 1998, n° 118 p. 11 concl. M. Heers) la CAA
de Paris a annulé ce jugement.
La Cour a considéré que le risque pour un médecin d’être effectivement victime dans
l’exercice de son art d’une contamination par un virus est commun à l’ensemble de la
communauté médicale. Il ne s’agit donc pas d’une situation de risque exceptionnel. Dès
lors, la réparation du préjudice subi devait être assurée conformément aux règles du
droit de la sécurité sociale et des accidents du travail.
* Limites.
87
Que les conclusions présentées à titre subsidiaire tendant à ce que soit
engagée la responsabilité pour faute de l’Etat au motif que même en
tenant compte des réductions de peine dont il avait bénéficié, le
meurtrier aurait été libéré prématurément à la suite d’une erreur dans
la computation des différentes peines dont il avait fait l’objet ; Que
toutefois il n’appartient pas à la juridiction administrative de connaître
des litiges relatifs à la nature et aux limites d’une peine infligée par une
juridiction judiciaire et donc l’exécution est poursuivie à la diligence du
Ministère public ».
En effet, leur prise en charge par les services sociaux ne traduit aucune
méthode dangereuse dès lors qu’il ne s’agit pas de jeunes délinquants.
Dans tous ces cas, la responsabilité sans faute de la personne publique est
engagée du fait de ses agents (la famille d’accueil) sauf à établir la force
majeure, le fait d’un tiers ou le fait de la victime.
Mais, cette responsabilité sans faute n’est pas fondée sur le risque. Elle ne
relève pas plus d’ailleurs de la seconde hypothèse de responsabilité sans
faute. Elle est un pur décalque des règles de droit privé…
88
* Prolongement de la jurisprudence Thouzellier : la garde, comme
fondement de la responsabilité
89
d'examiner l'autre moyen du pourvoi, le GROUPEMENT D'INTERET
ECONOMIQUE AXA COURTAGE est fondé à demander l'annulation de
l'arrêt attaqué (…) »
90
pas commis d'erreur de droit en reconnaissant la responsabilité sans faute
du DEPARTEMENT DES COTES D'ARMOR (…).
91
Dès lors, lorsque le gardien du mineur délinquant à l’origine du dommage
est une personne publique, il est possible à la victime du dommage de
mettre en jeu la responsabilité sans faute de cette dernière devant le juge
administratif tout comme elle peut le faire devant le juge judiciaire,
lorsque le gardien du mineur est une personne de droit privé (Cass.Ass.
plén. 29 mai 1991, Association des Centres Educatifs du Limousin
et Autres c/Bilek, RFD adm. 1991, p. 991, note P. Bon ; Cass. 2ème civ.
9 décembre 1999, Association Montjoie et MAIF c/GAN, Bull. civ.,
II, n°189).
La proposition n’a pas été suivie par le Conseil d’Etat qui au système de
substitution de responsabilité a préféré un système de cumul de
responsabilité : la victime du dommage peut mettre en jeu la
responsabilité sans faute du gardien devant le juge judiciaire ou le juge
administratif en fonction de la nature privée ou publique du gardien mais
elle peut également mettre en jeu la responsabilité sans faute de l’Etat
pour risques exceptionnels devant le seul juge administratif.
92
S. TRIGON : la responsabilité du gardien, troisième voie de la responsabilité
administrative sans faute ? JCP A, 2007, 2330 : depuis la décision JE AXA
COURTAGE, le juge admettrait la responsabilité sans faute de la puissance
publique à raison de sa qualité de gardien. Une nouvelle responsabilité objective
serait apparue à la fois propre au gardien et déclenchée de plein droit. Elle
reposerait sur un fondement spécifique et à part entière qui n’est ni le risque ni
la rupture d’égalité dans les charges publiques. Toutefois c’est bien la faute qui
serait au fondement de cette responsabilité mais une faute présumée irréfragable
car seule cette faute du gardien peut expliquer la survenance du dommage. Il
s’agirait donc d’un régime autonome de responsabilité qui emprunterait tantôt la
responsabilité sans faute tantôt la responsabilité pour faute. En tout cas, tout
ceci rapprocherait les juridictions judiciaires et administratives.
Elle trouve son origine dans l’arrêt du CE 21 juin 1895, Cames (GAJA ;
Rec. Lebon p. 509 concl. Romieu, S. 1897 III 33, note Hauriou) relatif au
dommage subi par un ouvrier de l’Etat blessé au cours de son activité et
dont le préjudice résultait d’un cas fortuit. La responsabilité sans faute de
l’Etat a été engagée en raison du risque qu’il faisait subir à cet agent.
Cette jurisprudence n’était donc plus applicable qu’aux dommages subis par les appelés
du contingents, puisque, depuis la loi du 8 juillet 1983, le forfait de pension ne leur est
plus opposable : CE, Sect. 27 juillet 1990, consorts Bridet et autres, AJDA 1990 p.
897 note G. Darcy.
93
a) Le juge a une conception assez large de notion de collaborateur
bénévole
Par exemple, est justifiée par une telle « urgente nécessité » l’intervention
d’un agriculteur venue secourir sa voisine tombée dans une cavité et qui
est tombé lui-même, alors même que la voisine ne s’était occasionnée
aucune blessure dans sa chute (CE, Sect. 9 octobre 1970, Gaillard,
Rec. Lebon, p. 565).
94
et à le faire monter dans un véhicule (CE, 4 décembre 1981, Guinard,
RD publ. 1982 p. 1447).
Mais, à l’évidence, cette condition n’est pas très restrictive : d’abord parce
que la notion de service public est des plus large ; ensuite par ce qu’il
suffit que le service public « aidé » existe virtuellement ; juridiquement, il
n’est pas requis qu’il soit effectivement mis en œuvre par la collectivité
publique (ex. : Assistance portée à un baigneur en difficulté, même
lorsque la commune n’a pris aucune mesure de surveillance de la plage,
dès lors que le secours aux personnes en danger entre dans les
attributions de police du maire).
Tel n’est pas le cas de celui qui n’a fait qu’assister à l’arrestation d’un
suspect, sans prêter mains forte à la police.
95
Enfin, la question s’est posée de savoir si la personne qui secourt un de
ses proches parents peut être considérée, à ce titre, comme un
collaborateur du service public ?
96
- Elle n’impose que la réparation de certains types de préjudices :
ceux qui ont un caractère spécial (c’est-à-dire strictement limité à
un groupe déterminé de personnes) et un caractère anormal (ce
qui signifie que le préjudice doit excéder un certain seuil de
gravité)
Il s’agit de rendre compte des trois grands arrêts qui ont servi de
« matrice » au régime de la responsabilité pour rupture de l’égalité devant
les charges publiques.
97
Cette affaire a donné l’occasion de fixer la jurisprudence dans la matière
du concours de la force publique à l’exécution des décisions de justice.
(Voir DALLOZ Actualités, 2 juillet 2008 : Le Conseil d’Etat apporte plusieurs précisions sur
le régime du concours de la force publique et les conditions de mise en jeu de la
responsabilité de l’Etat en ce domaine).
98
D’abord, l’idée de souveraineté du Parlement et celle selon laquelle la loi
est l’expression de la volonté générale s’opposaient à l’admission d’une
responsabilité.
Sur le plan technique ensuite, on faisait valoir que les actes législatifs ont
une portée générale et que par conséquent ils ne peuvent causer que des
dommages communs à tous les individus qu’ils concernent. Ces
dommages constituent ainsi des charges publiques. Il leur manque, pour
être réparables, la condition de spécialité.
Mais on s’est avisé que dans certains cas, la loi cause un préjudice spécial.
Et on pensé qu’alors non seulement les vieilles idées de souveraineté de la
loi et du Parlement ne s’opposaient pas au principe d’une indemnisation
mais encore que le principe d’égalité devant les charges publiques
obligeait à compenser le préjudice né du texte législatif.
La responsabilité du fait des lois est donc une responsabilité sans faute
fondée sur la rupture d’égalité devant les charges publiques que peut
éventuellement causer l’adoption d’une disposition législative.
99
son utilisation dans la fabrication de la bière, au détriment d’autres
ingrédients.
- de refus d’expulser des grévistes occupant une usine (CE, Ass. 2 juin
1938, Société Cartonnerie Saint-Charles, Rec. Lebon, p. 521, concl.
Dayras ; RD publ. 1938 p. 375, note Jèze) ;
100
- Elle est également très employée s’agissant du refus d’expulser des
personnes occupant sans titre un logement (CE, Ass., 22 janvier 1943,
Braut, Rec. Lebon, p. 19 ; CE, 19 juin 1992, Compagnie immobilière
de la région parisienne, RD publ. 1993 p. 257).
Voir aussi :
- CAA Versailles, Consorts P., 21 septembre 2006, AJDA 23 oct.
2006, p. 1950, chron. G. Pellissier : à propos de l’engagement de la
responsabilité de l’Etat du fait du concours de la force publique pour
l’exécution d’une décision de justice : « En accordant le concours de la
force publique pour procéder à l’expulsion de la famille P, l’Etat n’a
commis aucune faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat ».
- Note J. Moreau sous CE, 27 septembre 2006, H. Causse, JCP A 2006,
1303 : Dans quel cas refuser ou octroyer le concours de la force publique
pour exécuter les décisions de justice ? et du même auteur, note sous
CAA Paris, 20 septembre 2006, Soc. Le Nickel, JCP A 2006, 1304.
101
Rapprocher :
102
Considérant que par cette disposition, le législateur a entendu
donner au représentant de l’Etat, en cas de carence d’une
collectivité territoriale à assurer l’exécution d’une décision
juridictionnelle passée en force de chose jugée, et après mise en
demeure à cet effet, le pouvoir de se substituer aux organes de
cette collectivité afin de dégager ou de créer des ressources
permettant la pleine exécution de cette décision de justice ; Qu’à
cette fin, il lui appartient, sous le contrôle du juge, de prendre,
compte tenu de la situation de la collectivité et des impératifs
d’intérêt général, les mesures nécessaires ; Qu’au nombre de ces
mesures figure la possibilité de procéder à la vente de biens
appartenant à la collectivité dès lors que ceux-ci ne sont pas
indispensables au fonctionnement du service public dont elle a la
charge ; Que si le Préfet s’abstient ou néglige de faire usage des
prérogatives qui lui sont ainsi conférées par la loi, le créancier de la
collectivité territoriale est en droit de se retourner contre l’Etat en
cas de faute lourde commise dans l’exercice du pouvoir de tutelle ;
Qu’en outre, dans l’hypothèse où, eu égard à la situation de la
collectivité, notamment à l’insuffisance de ses ressources ou en
raison d’impératifs d’intérêt général, le Préfet a pu légalement
refuser de prendre certaines mesures en vue d’assurer la pleine
exécution de la décision de justice, le préjudice qui en résulte pour
le créancier de la collectivité territoriale est susceptible d’engager la
responsabilité de la puissance publique s’il revêt un caractère
anormal et spécial ».
103
2) L’extension de la jurisprudence COUITEAS à l’abstention des
autorités de police en cas de perturbation de l’ordre public
- Il s’agit d’une part du régime prévu par la loi du 7 janvier 1983 (art. 92°
devenu art. L. 2216-3 du CGCT) qui rend l’Etat civilement responsable des
dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par
violence, par des attroupements ou des rassemblements. Mais les victimes
doivent établir que leur préjudice résulte directement de crimes et délits
commis par des rassemblements précisément identifiés.
On peut, en effet, considérer que dans certains cas – par exemple, des
mouvements de grève mettant en œuvre des procédés entravant la libre
circulation - l’intervention des forces de police comporte un risque de
contribuer à aggraver la tension sociale et donc le désordre. Mais, même
justifiée, leur abstention peut priver les particuliers d’une protection à
laquelle ils ont droit.
104
** Sur les caractères du dommage. La rupture de l’égalité n’est
cependant caractérisée que si le dommage revêt un caractère anormal,
compte tenu à la fois de sa gravité et du fait qu’il pèse sur un nombre
limité de personnes (v. infra, sur le préjudice).(spécial)
Cela étant, si les Etats ont l’obligation de prendre des mesures pour
mettre fin à des comportements constitutifs d’entraves aux échanges, ils
peuvent mettre en avant des motifs d’ordre public qui justifieraient
l’abstention en vertu de l’article 30 du Traité CE.
105
C’est ce qui permet par exemple à la CAA de Nancy de rejeter la demande
de réparation de la Compagnie française de navigation rhénane dont
plusieurs pousseurs et barges avaient été immobilisé à la suite des grèves
du personnel des écluses survenues sur la section internationale de la
Moselle au motif « qu’il ne résulte pas de l’instruction que l’attitude de
l’administration, qui trouve sa justification dans les nécessités d’assurer
l’ordre public, présente un caractère fautif au regard des exigences
formulées par l’article 30 du Traité de Rome en ce qui concerne la libre
circulation des marchandises » (CAA Nancy, 18 mars 2004,
Compagnie française de navigation rhénane, req. n° 98NC01020,
RTDE juill.-sept. 2005, p. 688, chron. D. Ritleng).
Rapp. CE, Ass., 20 mars 1974, Min. de l’Aménagement du territoire, Rec. Lebon,
p. 200, concl. M. Rougevin-Baville ; RD publ. 1974, p. 924, note J. De Soto ; AJDA 1974,
p. 303, chron. M. Franc et J. Boyon ; D 1974, p. 480, note Gilli : le refus de
l’administration de faire cesser l’infraction aux règles d’urbanisme ne constitue pas une
faute ; néanmoins ce défaut d’application d’une législation et d’une réglementation a
causé au propriétaire voisin un préjudice qui, en raison de son caractère spécial et
anormal, ne saurait être regardé comme une charge incombant à l’intéressé et qui, par
suite, est de nature à lui ouvrir droit à réparation.
106
* On peut rapprocher de ces solutions, les cas de responsabilité sans
faute résultant de l’abandon d’un projet :
Avant d’en rendre compte, il faut insister sur le fait que l’admission de la
responsabilité sans faute en ces domaines, s’agissant particulièrement des
actes réglementaires légaux, pose d’autant moins de difficulté que la
jurisprudence retient également une responsabilité sans faute du fait des
lois. Au demeurant, le régime du premier est largement calqué sur le
second.
107
Gentot ; RD publ. 1963 p. 1019 note M. Waline), même si en l’espèce on peut
se demander si la solution ne s’explique pas par un détournement de pouvoir qui n’a pu
être établi par le juge.
108
C’est historiquement une responsabilité sans faute (1)
Ces conditions ont longtemps été au nombre de deux, l’une tenant à la loi
(a) et, l’autre, plus classiquement, au préjudice subi (b).
109
Car dans ce cas, il considérait qu’il ressortait de l’objet même de la loi que
le législateur avait entendu exclure que la responsabilité de l’Etat puisse
être engagée en raison de dommage anormal que l’application de ses
dispositions pourrait causer.
Il a été jugé à son propos qu’à l’égard de l’objet en vue duquel ces
dispositions législatives ont été édictées dans l’intérêt général, le
législateur a entendu exclure la responsabilité de l’Etat à raison des
conséquences que lesdites dispositions ont pu comporter pour l’activité
professionnelle de taxidermiste (CE, 14 décembre 1984, Rouillon, Rec.
Lebon, p. 423).
110
va rejeter l’engagement de la responsabilité sans faute de l’Etat au motif
que :
Cette position a ensuite été infléchie s’agissant des préjudices causés aux
tiers, en l’espèce des pisciculteurs victimes des mesures de protection des
grands cormorans (CE, Sect., 20 juillet 2003, Assoc. pour le
développement de l’aquaculture en région Centre, Rec. Lebon, p.
367 ; AJDA 2003, p. 1815, chron. F. Donnat et D. Casas ; RFD adm. 2004,
p. 144, concl. Lamy, note P. Bon. ; v. aussi sur la même question, CAA
Bordeaux, 26 février 2004, Min. de l’Aménagement du Territoire
c/ M. Pommereau, SCEP du Grand Cerneant, M. Delagrange, AJDA
2004, p. 1941 : à propos des dégâts causés aux piscicultures par les
grands cormorans.
Mais cette solution ne remettait pas en cause le fait que le législateur ait
présumé avoir exclu l’indemnisation des préjudices résultant de l’atteinte
des activités que la loi a pour objet de gêner, de restreindre ou de limiter,
ce en vue de poursuivre la réalisation de ses objectifs.
Voir aussi
- A propos des lois prises dans un intérêt général économique et social d’ordre
général (CE, 15 juillet 1949, Ville d’Elboeuf, Rec. Lebon, p. 359 ; CE,
Sect. 14 mars 1975, SCI de la Vallée de la Chevreuse, Rec. Lebon, p.
197 ; CE, 8 avril 1994, SA Ets Charbonneaux-Brabant, Rec. Lebon, p.
187) ;
111
Ainsi, dans la jurisprudence La Fleurette, la loi visait à protéger les
intérêts des producteurs de lait (V. aussi : CE, 21 janvier 1944,
Caucheteux et Desmonts, S.1945, III.13 : à propos d’une loi visant à
protéger le marché du houblon par l’interdiction du glucose de brasserie).
112
« qu’en l’absence de dispositions législatives le prévoyant
expressément, une telle mesure ne peut avoir pour effet d’ouvrir
droit à réparation au bénéfice de l’exploitant de l’activité visée par le
législateur ».
On peut relever que tel est également le cas sur le fondement du principe
constitutionnel issu de l’article 1382 du Code civil (n°99-419 DC du 9
novembre 1999, Rec. p. 116).
113
Rec. Lebon, p. 478 ; RD imm. 2005, p. 141, note P. Soler-Couteaux ; CE, 11
février 2004, Schioccet, Rec. Lebon, p. 65 ; AJDA 2005, p. 423, chron. Cl.
Landais et F. Lenica ; RD imm. 2004, p. 209, note P. Soler-Couteaux).
114
santé un nombre croissant d’interventions législatives qui visent non plus
seulement à faire disparaître un risque existant mais aussi en prévenir
l’éventuelle réalisation. Et qu’il s’ensuit des contraintes de plus en plus
rigoureuses pour les acteurs économiques et sociaux, la recherche du
risque zéro étant de nature à bousculer les situations acquises.
CE, Sect. 25 juillet 2007, M. Leberger, M. et Mme Cortie, req. n°278190, AJDA 3
sept. 2007, p. 1559 : Responsabilité sans faute de la commune admise en matière de
police des inondations.
Dans cet arrêt, le CE considère que l’exploitant d’un camping dont la fermeture est
ordonnée par le maire ou, pour le cas échéant, par le préfet au titre d’une mesure de
prévention contre les risques d’inondations, peut demander à être indemnisé s’il subit un
préjudice grave et spécial excluant les aléas liés à l’exploitation de son activité.
115
Il a longtemps été considéré – tant par le juge administratif que par le juge judiciaire que les
propriétaires de terrains grevés de servitudes administratives légalement instituées ne
pouvaient bénéficier d’aucune indemnité.
Cette position a prévalu jusqu’à la première guerre mondiale qui a marqué, là comme ailleurs,
une nette césure. Le Gouvernement a préparé en 1919 un projet de loi sur les servitudes
d’utilité publique et leur indemnisation avant de renoncer à le soumettre au Parlement par
crainte des conséquences financières, notamment en matière de planification urbaine.
Par l’arrêt du 30 novembre 1923, Couitéas ,le CE avait consacré une responsabilité sans faute
pour rupture de l’égalité devant les charges publiques et affirmé un principe général selon
lequel tout acte de la puissance publique ouvre droit à réparation lorsqu’il en résulte un
dommage direct, matériel et spécial.
Cette jurisprudence et cet avis ont amené le législateur à multiplier les régimes spéciaux
d’indemnisation des servitudes d’utilité publique et des servitudes d’urbanisme.
116
** Ensuite, le préjudice doit être spécial et anormal.
CE, 25 janvier 1963, Bovero, JCP 1963, II, 13326, note Vedel ;
AJDA 1963, p. 124, chron. Gentot et Fourré : droit à indemnité des
propriétaires de locaux occupés par des militaires ou des membres de la
famille de militaires servant en Algérie, du fait des dommages résultant
pour eux d’une ordonnance interdisant toute expulsion de ces occupants.
Le propriétaire qui avait obtenu un jugement d’expulsion contre un
locataire dont le fils servait en Algérie n’avait pu en obtenir l’exécution.
Charge spéciale, grave et exceptionnelle).
117
Elle résulte également de l’article 55 de la Constitution qui affirme la
supériorité des traités sur la loi.
Elle est mise en œuvre par les deux grandes institutions chargées du
respect des « traités-lois ».
Il reste que lorsque la loi intervient dans un contexte de droit privé et que
par l’effet de la loi, une personne trouve empêchée de poursuivre le
118
recouvrement d’une créance contre une autre personne privée devant les
juridictions civiles, la question de l’engagement de la responsabilité de
l’Etat se pose.
Mais cette solution est écartée car le droit international oblige l’Etat à
réparer l’intégralité du préjudice causé par la méconnaissance de la
convention si bien qu’il aurait fallu expurger la solution La Fleurette de
toutes les conditions qu’elle pose à l’indemnisation du préjudice et
notamment celle tenant à son caractère anormal et spécial.
119
Un tel abandon aurait par ailleurs remis en cause l’économie même de ce
régime de responsabilité : c’est un régime fondé sur la rupture de l’égalité
devant les charges publiques. Il postule donc la spécialité du préjudice
comme condition de la mise en jeu de la responsabilité.
Bibliographie :
120
2006, p. 2155 ; B. Pacteau, La responsabilité juridique du fait des lois. La
sortie du tunnel, Mélanges J. Morand-Deviller, Montchrestien 2007, p.
487 ; C. Broyelle, La responsabilité du fait des lois, LGDJ 2003 ; P.
Senkovic, L’évolution de la responsabilité de l’Etat législateur sous
l’influence du droit communautaire, Bruylant 2000.
121
CHAPITRE 3
Mais il ne suffit pas qu’elle ait commis une faute ou accompli un acte de
nature à engager sa responsabilité sans faute, il faut, en outre, que
certaines conditions relatives au préjudice (Section 3) et au lien de
causalité (Section 4) soient remplies.
SECTION 1ere
L’ACTION EN INDEMNITE
- par l’assureur.
Sur l’action subrogatoire des Caisses de sécurité sociale : CE, 5 mars 2008, CPAM de
Seine-Saint-Denis, n° 272447, Dr. adm. 2008, n° 87 et CE 5 mars 2008, Mme
BENCHEIKH, n°290962 ; AJDA, 5 mai 2008, p. 941, concl. J.P. THIELLAY : le Conseil d’Etat pour
déterminer les droits de caisse de sécurité sociale fait une première application des règles posées dans
l’avis de Section, LAGIER du 4 juin 2007, notamment dans le cas d’un accident du travail. Il
distingue ainsi les préjudices de nature patrimoniale déterminés poste par poste et les préjudices
personnels sur lesquels l’organisme de sécurité sociale ne peut exercer son recours subrogatoire. Il
juge, comme la Cour de cassation, que la rente versée pour compenser la perte de revenus de la
victime s’élève plutôt en principe sur l’apport patrimonial du préjudice et non sur la part des
préjudices personnels.
122
* La présentation du recours indemnitaire obéit aux mêmes règles que
celles qui régissent la présentation du recours pour excès de pouvoir sous
réserve des règles contentieuses particulières.
A - La règle
Cela signifie que pour être recevable, l’action en responsabilité doit être
dirigée contre une décision de l’administration rejetant la demande en
réparation présentée à l’autorité administrative par la victime.
123
personnes publiques dès lors que ces actions relèvent du juge
administratif.
CE, 31 mai 2007, HERBETH, n°278905, AJDA 28 juillet 2008, p. 158, concl.
Deschauvaux : Le Conseil d’Etat indique dans quelle mesure une personne qui
sollicite l’indemnisation d’un préjudice peut modifier cette demande en appel et
invoquer les chefs de préjudice dont elle n’avait pas fait état devant les premiers
juges.
B - Les exceptions
CAA Bordeaux, 1er avril 2008, n°05BX01994, Dr. adm. 2008, n° 88,
note N. Exposta : Le site mis en place pour permettre l’observation d’une
éruption n’est pas, compte tenu du caractère limité des aménagements qu’il
comporte, un ouvrage public. La mise en cause de l’administration pour
l’insuffisance des mesures de sécurité prises ne peut donc se situer que dans le
cadre de la responsabilité pour les activités de police.
« Considérant que, le 27 août 2003, vers 20 heures 30, Alexandre X, âgé de 21 ans, qui s'était
rendu sur la « plate-forme d'observation » de l'éruption alors en cours du Piton Kapor, dans le
massif du Piton de la Fournaise, a chuté dans un trou, d'une profondeur d'environ quatre
mètres, résultant de la fracture des flancs d'un hornito situé au delà du périmètre de la zone
ainsi délimitée et qu'il avait entrepris de gravir afin de jouir d'une meilleure vue sur l'éruption ;
qu'en dépit des efforts des personnes présentes sur les lieux pour tenter de le sauver, il a péri
quelques minutes plus tard, succombant à la chaleur, supérieure à 200 degrés, qui régnait dans
cette cavité ; que les consorts X, Y et Z relèvent appel du jugement n° 0401046, en date du 22
juillet 2005, par lequel le Tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté leurs demandes
tendant à la condamnation solidaire de l'Etat et de l'Office national des forêts, ainsi que, le cas
échéant, au titre de l'exercice des pouvoirs de police, des communes de Saint-Philippe, du
Tampon et de Sainte-Rose, à leur verser des indemnités en réparation du préjudice moral
résultant pour eux du décès de leur parent ; Sur la recevabilité des demandes de première
instance, en tant qu'elle étaient fondées sur la faute dans l'exercice des pouvoirs de police
124
administrative : Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice
administrative : « Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par
voie de recours formé contre une décision (...) » ; qu'il est constant que les demandes
présentées au Tribunal administratif de Saint-Denis par les consorts X, Y et Z n'ont fait l'objet
d'aucune réclamation préalable auprès du préfet de la Réunion et des communes de Saint-
Philippe, du Tampon et de Sainte-Rose ; que, le préfet de la Réunion et l'Office national des
forêts ayant opposé aux intéressés, à titre principal, une fin de non-recevoir et les trois
communes susmentionnées s'étant pour leur part abstenues de produire un mémoire en
défense, c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Saint-Denis a jugé que lesdites
demandes, assujetties aux dispositions précitées du code de justice administrative en tant
qu'elles visaient des carences dans l'exercice des pouvoirs de police administrative, étaient
irrecevables pour défaut de liaison du contentieux ;
Sur la responsabilité de l'Etat et de l'Office national des forêts au titre du défaut d'entretien normal d'un
ouvrage public :
Considérant que, par arrêté du 25 août 2003, prenant effet le 26 août à 6 heures du matin, le
préfet de la Réunion, qui avait quelques jours plus tôt interdit l'accès du public dans l'enclos du Piton
de la Fournaise, en raison de l'activité éruptive du Piton Kapor, qui venait de se déclencher, a levé
cette interdiction, l'éruption paraissant stabilisée ; qu'il a dans le même temps chargé l'Office national
des forêts de définir, en concertation avec les spécialistes de l'observatoire volcanologique du Piton de
la Fournaise, dépendant de l'Institut de physique du globe de Paris, l'emplacement d'une « plate-forme
d'observation » pouvant accueillir les spectateurs dans de bonnes conditions de sécurité ; que la
délimitation de cette aire d'observation et de son itinéraire d'accès depuis le Pas de Bellecombe, situés
sur le domaine privé « placé sous la main de l'administration des eaux et forêts » en vertu de l'arrêté
interministériel du 30 juin 1948 pris pour l'application du décret n° 47-2222 du 6 novembre 1947
relatif à l'attribution de l'ancien domaine colonial, s'est ainsi inscrite dans une opération de police
administrative, justifiant en tout état de cause la compétence de la juridiction administrative, sans que
les aménagements réalisés, consistant seulement en la mise en place d'un balisage rudimentaire au
moyen de peinture et de rubans de chantier, ainsi que de panneaux rappelant aux visiteurs les
consignes de sécurité, qui n'ont pas modifié l'état naturel du site, aient pu lui conférer, dans les
circonstances de l'espèce, le caractère d'un ouvrage public ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède
que les consorts X, Y et Z ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le
Tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté leurs demandes (…) »
TA Nice, 6 avril 2007, société AXA France IARD c/ Préfet des Alpes
Maritimes, req. n° 0403694, AJDA 30 juillet 2007, p. 1535, concl. F. Dieu : La
délivrance par le maire d’un certificat de vie à une personne dont il n’a pas au
préalable vérifié l’identité et qui a profité de cette carence pour usurper l’identité
d’un parent engage la responsabilité de l’Etat.
125
de la date de réception de la demande par l’autorité initialement saisie… » : il
résulte de ces dispositions que la demande adressée à une autorité
administrative incompétente est susceptible de faire naître une décision implicite
de rejet de la part de l’autorité compétente à laquelle la demande est réputée
avoir été transmise.
§2 : Le ministère d’avocat
§3 : La prescription quadriennale
Pour éviter qu’un tel arriéré ne se reconstitue, une loi de 1831 a institué
une durée courte de réclamation : elle est de quatre années franches,
d’où le nom de déchéance quadriennale. Son point de départ est le 1er
janvier de l’année suivant celle où la créance est née. Si depuis cette date,
quatre ans se sont écoulés sans que le délai soit interrompu soit par un
fait de l’administration, soit une demande de la victime, la dette est
éteinte.
Cette institution est propre au droit administratif au sein duquel elle n’est
pas spécifique à la responsabilité, même si elle est amenée à jouer
souvent dans ce domaine.
126
NB : Elle ne peut être soulevée par l’avocat ; elle doit être opposée par
l’administration dans un acte public, ensuite invoqué par l’avocat de la
collectivité publique, à peine d’irrecevabilité.
SECTION 2
L’ETABLISSEMENT DE LA FAUTE
127
1) La responsabilité du fait des dommages de travaux et ouvrages
publics
Lorsqu’un usager d’un ouvrage public est victime d’un dommage, le juge
présume qu’il y a eu « défaut d’entretien normal », c’est-à-dire faute dans
l’entretien de l’ouvrage et l’administration ne parviendra à s’exonérer que
si elle prouve qu’elle a correctement entretenu l’ouvrage.
Le juge présume, dans ce cas, l’existence d’une faute. Il dit que ces
conséquences dommageables ne peuvent s’expliquer que par « une faute
commise dans l’organisation ou le fonctionnement du service » ou encore
que de telles conséquences « révèlent » qu’une faute a été commise.
128
Puis cela a été étendu aux actes de soins en matière médicale et même
aux actes autres que de soins courants qui ont entraîné des
conséquences anormales. :
Autres illustrations : CE, 1er mars 1989, Bailly, Rec. Lebon, tables,, p.
908 ; CAA Paris, 21 octobre 1997, Cambronne, Rec. Lebon, p. 1065 ;
CE, 14 juin 1991, Maalem, Rec. Lebon, tables, p. 1184 ; CE, 19
novembre 2003, Mme G…, Rec. Lebon, tables, p. 987.
Entre les deux situations nettement distinctes que l’on vient de décrire, il y a
place pour une hypothèse intermédiaire : celle où l’infection provient d’un germe
présent dans le corps du malade antérieurement à l’opération qu’il a subie,
tandis que, d’une part, cette présence n’a rien de pathologique et que, d’autre
129
part, la complication infectieuse se trouve déclenchée par les conditions
d’exécution de l’opération :
130
de preuve lui paraissent excessives et l’existence d’une faute très
vraisemblable.
- Conc. H. Legal sur CE, Ass., 9 avril 1993, M. D., Rec. Lebon,
p. 119 : il n’y a lieu de faire application d’un mécanisme de
présomption que s’il y a impossibilité matérielle à rapporter la
preuve d’une faute dont on est pourtant certain, ou presque
certain, qu’elle existe. Mais dès que les faits susceptibles de
constituer une faute sont connus et débattus au grand jour, ce
mode de raisonnement subsidiaire ne peut que s’effacer ;
Autres illustrations :
131
Mais, là encore, il n’y a recours à la présomption que si, selon l’expression
de l’arrêt « Addichane », « les circonstances précises de la survenance du
dommage n’ont pu être élucidées ».
§3 : La qualification de la faute
132
Jusque dans les années soixante, la jurisprudence exigeait même s’agissant de
certains services publics « une faute manifeste et d’une particulière gravité »
(services d’hospitalisation des malades mentaux ; service pénitentiaire) ou « une
faute d’une exceptionnelle gravité » (service de l’administration fiscale).
Ce sont donc toujours les principes issus de l’arrêt BLANCO qui régissent
la responsabilité administrative, « ni générale, ni absolue » … Mais les
termes de cette conciliation ont changé : la responsabilité administrative
intègre de plus en plus une fonction de solidarité qui conduit à renforcer
133
les droits des victimes au détriment des considérations relatives aux
nécessités du service.
Pour cette raison, l’exigence d’une faute qualifiée est aujourd’hui en recul,
à tel point que l’on peut s’interroger sur le point de savoir si le conseil
d’Etat n’est pas en train d’abandonner purement et simplement cette
exigence (J. Waline, L’évolution de la responsabilité extra contractuelle
des personnes publiques, EDCE 1994 p. 459).
Dans son état actuel, la jurisprudence peut être présentée comme suit : à
l’exception du service public de la justice, qui répond à des principes
spécifiques, la jurisprudence limite la responsabilité des services publics à
la commission d’une faute lourde pour trois séries de considérations :
134
- et encore plus récemment, dans le domaine des activités des services
pénitentiaires (3).
135
CAA Bordeaux, 8 juillet 2008, Mme B., n° 07BX00222 : L’agression sexuelle
d’une patiente dans un centre hospitalier constitue un défaut d’organisation et de
surveillance.
Par cet arrêt, Le CE revient sur une jurisprudence ancienne (CE, 3 novembre
1982, Hôpital Hospice des Sainte-Foix-lès-Lyon, Rec. Lebon, tables, p.
741 ; D 1984, IR, p. 149, note F. Moderne) et met un terme à une jurisprudence
disparate sur la question.
La question était alors de savoir ce qu’il fallait entendre exactement par cette
notion d’acte médical qui déterminait le champ de l’exigence de la faute lourde :
Pour autant, le Conseil d’état n’hésitait pas à faire intervenir des considérations
d’équité dans le choix de la qualification d’acte médical ou d’acte de soin en
considération du souci d’indemniser les victimes.
136
CE, Ass., 10 avril 1992, époux V., Rec. Lebon, p. 171 ; AJDA
1992 p. 355 concl. H. Legal ; RFD adm. 1992, p. 571, concl. : à propos
d’un série d’erreurs dommageables commises au cours d’une césarienne
pratiquée sous anesthésie péridurale ; le tribunal administratif avait rejeté
le recours pour absence de faute lourde. Le Conseil d’Etat l’accueille, au
contraire, en jugeant que « les erreurs ainsi commises, qui ont été selon
les rapports d’expertise la cause de l’accident survenu à Mme V.,
constituent une faute médicale de nature à engager la responsabilité de
l’hôpital ».
Pour autant, il n’est pas sûr que ce passage de la faute lourde à la faute
simple soit générateur d’un véritable bouleversement.
D’autre part, la faute, même simple, ne sera admise que si elle est
nettement établie, donc caractérisée car, comme l’indiquait le
Commissaire du gouvernement : « dans tout régime de
responsabilité pour faute, le seuil de la faute se place (…) à un
niveau déterminé par la nature et la difficulté de l’action
entreprise ».
137
* Illustrations de la faute simple
Ces obligations ont d’abord été dégagées par la jurisprudence, puis ont
été codifiées dans le code de déontologie des médecins (issu du décret du
6 sept. 1995, art. 35) : « Le médecin doit à la personne qu’il examine,
qu’il soigne ou qu’il conseille, une information loyale, claire et appropriée
sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose ».
Elles ont enfin été reprises par la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 codifiée
à l’article L. 1111-2 du CSP.
138
Mais comme le relève D. Chauvaux dans ses conclusions sur l’arrêt cité
infra, « la quantification du risque est une opération très délicate … La
notion de risque exceptionnel demeure dont énigmatique ».
(v. aussi, CAA Bordeaux, 17 novembre 1998, Sandrine Durand, LPA 29 juillet
1999, n° 150, p. 30 : à propos du traitement au laser d’un angiome ayant provoqué,
sur la zone traitée, des cicatrices chéloïdes).
139
L’article L. 1111-2 du CSP dispose désormais :
Mais il aménage cette règle notamment lorsque le fait allégué est un fait
négatif dont la preuve est impossible en pratique.
Dans le cas présent, quand le demandeur affirme n’avoir pas été informé,
le juge se retourne vers l’administration et examine les éléments qu’elle
140
invoque en défense. Si ces éléments sont insuffisants, il tient pour établie
l’absence d’information.
141
Sur l’obligation d’obtenir le consentement du patient au
traitement
La pratique d’une telle transfusion ne saurait donc être fautive dès lors
qu’elle était absolument nécessaire au traitement du patient
En effet, l’article 1er de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des
malades et à la qualité du système de santé qui subordonne l’engagement de la
responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santé vis-à-vis des
142
parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à
l’établissement d’une faute caractérisée.
CAA Paris, Plén., 9 juin 1998, Mme Berkoun, RFDA 1999 p. 237 :
Constitue une faute médicale l’ajournement de l’admission d’une ressortissante
étrangère, le temps pour elle de fournir une attestation de prise en charge de ses
frais d’hospitalisation par la sécurité sociale de son pays d’origine, alors même
que l’examen subi par la patiente préalablement à l’ajournement de son
admission avait révélé qu’elle était atteinte d’un méningiome qui rendait
l’opération d’exérèse de la tumeur urgente en raison du risque imminent de
cécité qui s’est finalement réalisé.
143
Cette exigence était justifiée par l’urgence – et donc la difficulté – de
l’intervention du service, laquelle justifiait que toute faute ne puisse
engager la responsabilité de la collectivité publique ; seule une faute
suffisamment grave ouvrait droit à réparation.
CE, Sect., 20 juin 1997, Theux, Rec. Lebon, p. 253, concl. J-H
Stahl ; Droit adm. 1997, n° 358, obs. C. Esper ; RFD adm. 1998 p. 82
concl. ; D 1999, SC, p. 465, obs. P. Bon et D. de Béchillon : Monsieur
Theux avait été victime d’un grave traumatisme au cours d’une séance
d’entraînement de rugby ; les pompiers ont fait appel au SAMU du Centre
hospitalier de Toulouse pour assurer le transport par hélicoptère du
blessé ; mais en raison des conditions climatiques il a été décidé de
renoncé à ce transport par hélicoptère au profit d’un transport routier du
blessé qui n’a donc pu être opéré que 5 heures plus tard.
144
La portée de cet arrêt restait délicate dès lors que, même s’il concernait
une activité de secours d’urgence (le SAMU), était en cause la
responsabilité du service hospitalier.
CAA Nancy, 4 août 2005, Mme F, AJDA 2005, p. 1862 : A propos d’un individu qui
était monté sur son toit de nuit alors qu’il était ivre, sa femme ayant alerté le SDIS qui avait
refusé d’intervenir à plusieurs reprises : « Si le comportement imprudent de M. F a
inévitablement concouru à la réalisation du dommage (chute du toit), il résulte cependant de la
chronologie des faits que l’attitude des opérateurs du centre de transmission de l’alerte du
SDIS a eu pour effet de retarder le sauvetage de l’intéressé, alors même que cette intervention
ne revêtait pas de difficultés insurmontables pour des sauveteurs professionnels ».
Mais pour rejeter ce recours, le Conseil d‘Etat relève que les autorités
françaises n’ont « en tout état de cause, (commis) aucune faute de nature
à engager la responsabilité de l’Etat ».
145
Genovèse ; RD publ. 1998, p. 1001, note X. Prétot ; Petites Affiches, mars
1998, n° 49, note M. Pieraccini : à propos d’une défaillance du matériel de
secours ayant entraîné des retards dans l’arrivée sur les lieux du sinistre.
CE, 26 mai 1978, Wachter, Rec. Lebon, p. 222 : faute lourde constituée
par de graves négligences dans la surveillance d’un prisonnier dangereux qui, en
allumant un incendie, a provoqué le décès d’un codétenu.
CE, 23 mai 2003, Mme Chabba, Rec. Lebon, p. 240 ; Droit adm.
2003, n° 207, obs. M. Lombard ; AJDA 2003, p. 157, note N. Albert : M.
Chabba avait été placé en détention provisoire pour une durée de quatre
mois. A l’issue de ce délai, il se manifeste auprès de l’administration
pénitentiaire en protestant contre le caractère arbitraire de son maintien
en détention. Il ignore, en effet, que celle-ci a été prolongée par une
ordonnance du juge d’instruction qui ne lui avait pas été notifiée. En
réponse à ses protestations, les agents du service lui demandent de se
calmer et d’attendre le lendemain matin. Quelques minutes plus tard, M.
Chabba se pendait.
146
Le Conseil d’Etat retient la responsabilité de l’Etat en considérant que le
suicide de M. Chabba est la conséquence directe d’une succession de faute
imputables au service : omission de lui notifier l’ordonnance du juge
d’instruction alors que l’article 183 du CPP exige qu’elle le soit « dans les
délais les plus bref » ; abstention de vérification des affirmations de M.
Chabba qui, à défaut de cette notification, pouvait légitimement se croire
détenu sans titre ; comportement consistant à informer le détenu que la
vérification serait faite plus tard sans prendre les mesures de surveillance
qu’appelaient ses véhémentes protestations.
C’est donc plutôt la nature même de certaines missions, plus que leurs
conditions d’exercice, qui est encore susceptible de la justifier.
147
On est ainsi passé d’un régime de présomption générale et absolue de
difficulté à un régime de présomption souple.
148
comporte, un ouvrage public. La mise en cause de l’administration pour
l’insuffisance des mesures de sécurité prises ne peut donc se situer que dans le
cadre de la responsabilité pour les activités de police.
CE, Sect. 25 mars 1966, Société Les films Marceau, Rec. Lebon, p.
240 ; AJDA 1966, p. 245, concl. J. Rigaud : responsabilité pour faute
simple en cas d’interdiction municipale de projection d’un film.
149
Application à la police spéciale du bruit :
CE, 28 novembre 2003, Commune de Moissy-Cramayel, Rec. Lebon, p.
464 ; Droit adm. 2004, n° 36 ; AJDA 2004, p. 988, note C. Deffigier ; BJCL
1/2004, concl. G. Le Chatellier : à propos de la responsabilité d’une commune ;
Informé de ces atteintes dès l’année 1993, le préfet n’avait pris aucun disposition
réglementaire de nature à imposer, dans une telle situation, la fermeture des
débits à une heure permettant d’assurer le repos des habitants ; en n’ayant ainsi
pas fait usage de ses pouvoirs de police, le préfet a commis une faute de nature
à engager la responsabilité de l’Etat.
150
fins de pouvoir procéder aux frais des propriétaires défaillants aux travaux
nécessaires à la cessation du péril, le maire a commis une faute de nature à
engager la responsabilité de la commune à raison des dommages causés à la
propriété de M. Thierry T. ».
CE, 3 avril 1981, Ville de Bayonne, Rec. Lebon, tables, p. 905 : à propos de
l’organisation par les agents de police de la circulation sur les voies publiques ;
CE, 10 décembre 1986, Robert, Rec. Lebon, p. 701 ; Droit adm. 1987, n°
131 ; D 1987, SC, p. 340, obs. F. Moderne et P. Bon : identification d’une faute
lourde dans le comportement d’agents de police qui ont expulsé brutalement du
commissariat un jeune homme qui y avait été amené à raison de son ébriété,
alors que son état aurait appelé au contraire certaines précautions ;
CE, 8 avril 1987, Mme Virmaux, Rec. Lebon, p. 140 ; D 1988, SC, p. 61, obs.
F. Moderne et P. Bon ; Petites Affiches, 14 octobre 1987, p. 4, concl. M.
Fornacciari : pas de faute lourde dans le fait pour le service de police de n’être
pas parvenu à éradiquer l’activité de prostitution dans une rue de Paris, malgré
la surveillance et les interpellations ;
CE, Sect., 29 avril 1987, Cons. Yener et cons. Erez, Rec. Lebon, p. 151,
précit. : pas de faute lourde dans le fait de n’avoir pu empêcher un attentat
contre un diplomate étranger.
- Le régime de responsabilité applicable aux deux types d’activités dans la même affaire :
CE, 4 décembre 1995, Delavallade, Rec. Lebon, p. 1028 ; Droit adm. 1996 n° 49 ; D
1996, IR, p. 31 ; Petites Affiches, 15 mai 1996, p. 21, note M. Paillet :
151
La distinction entre activités juridiques relevant d’un régime de faute
simple et activité matérielle relevant de la faute lourde n’exprime qu’une
présomption simple.
Voir aussi, un arrêt qui pourrait ouvrir la voie à un abandon de la faute lourde
dans l’hypothèse de responsabilité de l’Etat dans l’exercice de son concours à
l’exécution de la chose jugée
152
CE, Ass., 20 décembre 1972, Marabout, Rec. Lebon, p. 664 ; AJDA
1972 p. 625 concl. G. Guillaume et p. 581, chron. P. Cabanes et D.
Léger ; RD publ. 1973, p. 832, note M. Waline ; JCP 1973, n° 17373, note
B. Odent ; Gaz. Pal. 1973, I, p. 265, note J-P. Rongeaux : La
réglementation de la circulation et du stationnement à Paris pose des
difficultés telles qu’elle n’engage la responsabilité administrative que pour
faute lourde (v ; aussi, CE, 13 juillet 1968, Hugonneau, Rec. Lebon, p.
447 : réglementation de la circulation et du stationnement).
CE, 14 avril 1999, société AGF, Droit adm. 1999 n° 180 : absence
d’une telle faute dans le cas d’une personne ayant mis le feu à sa maison,
mais qui avait été examiné la veille par son médecin traitant, lequel
n’avait pas estimé nécessaire de proposer son hospitalisation d’office (v.
ant., CE, 7 novembre 1984, Me Horel, Droit adm. 1984 n° 541 : à propos du
placement d’office d’un malade mental).
NB : Depuis 1997, seul le juge judiciaire est compétent pour condamner l’Etat à raison
des préjudices causés dans le cadre d’un internement d’office : TC, 17 février 1997,
Préfet de Paris c/ Menvielle, Rec. Lebon, p. 524 ; Droit adm. 1997, n° 138, obs. M.
Paillet ; JCP 1997, n° 22885, concl. J. Sainte-Rose : cas de l’irrégularité de l’arrêté
d’internement).
153
odeurs et autres ingérences. Si les atteintes sont graves, elles peuvent priver
une personne de son droit au respect du domicile parce qu’elles l’empêchent de
jouir de son domicile (….) Compte tenu de l’intensité des nuisances sonores, hors
des niveaux autorisés et pendant les heures nocturnes, et du fait que ces
nuisances se sont répétées durant plusieurs années, la Cour conclut à l’atteinte
aux droits protégés par l’article 8
Conclusion :
La question est de savoir si cette jurisprudence est destinée à évoluer.
154
Pour autant, depuis 1962, cette faute lourde n’a presque jamais été
retenue ; elle ne l’était que lorsqu’elle atteignait un seuil exceptionnel de
gravité…
CE, Sect. 27 juillet 1990, Bourgeois, Rec. Lebon, p. 242 ; RFD adm.
1990. p. 899, concl. Chaïd-Nouraï, D. 1991 SC, p. 287, obs. P. Bon et P.
Terneyre ; AJDA 1991, p. 53, note L. Richer et p. 346, note Ch. Debbasch:
L’arrêt relève des fautes « qui, si elles se rattachent aux procédures
d’établissement et de recouvrement de l’impôt, ne comportent pas de
difficultés particulières tenant à l’appréciation de la situation des
contribuables et sont constitutives d’une faute de nature à engager la
responsabilité de l’Etat »
155
mise en œuvre de ces procédures d’engager la responsabilité de
l’Etat que si elles constituent une faute lourde ; que toutefois, il en
va différemment lorsque l’appréciation de la situation du
contribuable ne comporte pas de difficultés particulières »
156
liberté des télécommunications sans une régulation de ce marché ; pas de
libertés individuelles sans un contrôle des fichiers informatisés ; et,
pourrait-on dire, pas de libertés des collectivités locales sans un contrôle
de légalité de leurs actes. Le contrôle administratif s’étend à mesure que
l’administration recule ».
157
- Cette exigence était alors traditionnellement reprise à propos de
l’exercice du pouvoir de tutelle sur les collectivités locales et les
établissements publics :
CE, 2 juillet 1979, Mme Triolle, Rec. Lebon, p. 873 : retard à approuver
une délibération d’un établissement public.
* 1ère espèce
Le pourvoi était formé contre un arrêt de la CAA Versailles du 19 mai 2005
qui avait posé le principe mais n’avait pas retenu la faute lourde,
s’agissant de dégradations subies par un central de France Telecom depuis
l’installation de gens du voyage sur un terrain voisin.
Mais le Préfet n’était pas pour autant resté inactif, dans la première
affaire. Il s’était déplacé sur les lieux et avait organisé une réunion et
décidé des rondes quotidiennes de gendarmerie. Le Conseil d’Etat
considère que la CAA :
158
« a pu déduire de ces faits, qu’elle a souverainement constaté sans
leur donner une qualification juridique erronée et sans entacher son
arrêt d’une contradiction de motif, que l’absence de mise en œuvre
par le Préfet des pouvoirs de substitution qu’il tient de l’article 22-15
du CGCT ne révélait pas, dans les circonstances de l’espèce,
l’existence d’une faute lourde de l’Etat ».
Dans cette affaire, voir CAA Versailles, 19 mai 2005, Min. de l’Intérieur c/
France Télécom, Droit adm. juillet 2005, n° 107 ; AJDA 2005, p. 1565, note G.
Pellissier :
La police municipale est, en principe, de la compétence du maire ; mais par exception, le
préfet peut être compétent à l’égard d’une commune, notamment pour prendre « toutes
mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité
publiques », lorsqu’il n’y a pas été pourvu par les autorités municipales et après mise en
demeure au maire restée sans réponse (art. L 2215-1-1° du CGCT).
L’exercice du pouvoir de police par substitution engage, en principe, la responsabilité de
la commune et non de l’Etat parce que la commune doit rester responsable des
dommages causés par des mesures qu’elles auraient du prendre, qu’elles n’a pas prises
et qui l’ont été en son nom. Il en va de même de l’inaction fautive de l’Etat à prendre les
mesures appropriées, après qu’il a décidé de se substituer à la commune, car c’est elle
qui aurait dû agir.
Mais en l’espèce, se posait la question de savoir s’il pouvait y avoir une responsabilité de
l’Etat du fait de la décision du préfet de ne pas se substituer au maire.
On aurait pu imaginer que la décision du préfet de se substituer ou de ne pas se
substituer au maire, qui n’est d’ailleurs pas susceptible de recours (CE, 30 janvier
1987, Département de la Moselle, Rec. Lebon, p. 23), ne soit pas non plus susceptible
d’engager la responsabilité de l’Etat, mais seulement celle de la commune.
Mais une telle solution aurait présenté l’inconvénient de soustraire à toute responsabilité
l’exercice d’une compétence correspondant à une mission de l’Etat, qui plus est, dans le
domaine de l’ordre public.
C’est pourquoi la Cour a distingué :
- le sort de la décision du préfet d’agir ou de ne pas agir par substitution
- de celui de l’action dans le cadre de la compétence acquise par substitution.
La première relève de la responsabilité de l’Etat tandis que la commune est responsable
des actions ou inactions postérieures à la mise en demeure restée infructueuse.
Ainsi, en l’absence de mise en demeure, la commune reste responsable de l’inaction de
son maire, mais l’Etat est responsable de l’inertie du préfet. Chaque compétence donne
ainsi lieu à un régime de responsabilité qui lui est propre.
Cela étant, la Cour juge que la responsabilité de l Etat n’est engagée qu’en cas de faute
lourde.
On retrouve ici une considération qui fonde le régime de la responsabilité des organismes
de contrôle, à savoir la nécessité de ne pas transférer à l’Etat (au contrôleur) la charge
d’une obligation qui pèse en premier lieu sur la commune. Autrement dit, en exigeant la
faute lourde, la jurisprudence cherche à éviter un glissement inopportun et injustifié de la
responsabilité de la commune vers une autorité qui n’agit que par défaut, lorsque l’ordre
public apparaît réellement et très clairement menacé par l’inaction de la commune.
Mais, en l’espèce, la Cour ne retient aucune faute lourde à la charge de l’Etat. Celle-ci
était recherchée du fait de dégradations d’un central téléphonique appartenant à France
159
Télécom. Le préfet avait été destinataire de plaintes de cette dernière relatives aux
déprédations dont son bien étaient affectées. Il s’était déplacé sur les lieux ; avait
provoqué une réunion afin d’examiner les modalités de protection de l’ouvrage ; avait
organisé une surveillance accrue. Dans ces conditions, si les atteintes qui s’étaient
renouvelées constituaient un trouble à l’ordre public, elles ne présentaient pas de
caractère d’urgence ou de nécessité telle que le préfet aurait commis une faute lourde en
ne se substituant pas au maire normalement compétent.
- Rapprocher l’arrêt cité supra : CE, Sect. 18 novembre 2005, Société Fermière
de Campoloro, RFD adm. mars-avril 2006, p. 341, note P. Bon.
La commune n’avait pas exécuté ces jugements de décision d’augmentation du taux des
impositions locales prise par le Préfet de la Haute Corse en application de la loi du 16
juillet 1980 relative aux astreintes prononcées en matière administrative et à l’exécution
des jugements par les personnes morales de droit public qui se sont révélées
insuffisantes pour assurer la Société Fermière du paiement des intérêts dus.
Le Préfet a rejeté sa demande et la CAA de Marseille a rejeté l’appel formé par la Société
contre le jugement du TA de Bastia rejetant ses conclusions à fins d’annulation de la
décision préfectorale.
160
ou un établissement public au paiement d’une somme d’argent dont le montant
est fixé par la décision elle-même, cette somme doit être mandatée ou
ordonnancée dans un délai de quatre mois à compter de la notification de la
décision de justice. A défaut de mandatement ou d’ordonnancement dans ce
délai, le représentant de l’Etat dans le département ou l’autorité de tutelle
procède au mandatement d’office. En cas d’insuffisance de crédit, le représentant
de l’Etat dans le département ou l’autorité de tutelle adresse à la collectivité ou à
l’établissement une mise en demeure de créer les ressources nécessaires ; Si
l’organe délibérant de la collectivité ou de l’établissement n’a pas dégagé ou créé
ses ressources, le représentant de l’Etat dans le département ou l’autorité de
tutelle y pourvoit et procède, s’il y a lieu, au mandatement d’office ;
Rappel : CAA Paris, 6 juin 2006, Sté Epson France SA, Droit adm. 2006, n° 141 : La
carence de l’Etat à faire exécuter une décision de justice face à un établissement public
(UGAP) engage sa responsabilité en cas de faute lourde.
161
- Responsabilité de l’ONF à l’occasion des dommages causé l’activité de
surveillance et de conservation d’une forêt municipale par l’ONF : CE, 25
mars 1994, Commune de Kintzheim, Rec. Lebon, p. 162 ;
En effet, dans cet arrêt, les requérants invoquaient également les fautes
commises dans le contrôle technique du navire. Le Conseil d’Etat va
rejeter ce moyen en indiquant « qu’il ne résulte pas de l’instruction (que)
… la commission centrale de sécurité ait commis une faute de nature à
engager la responsabilité de l’Etat ».
CE, Ass., 9 avril 1993, D..., G…, B…, Rec. Lebon, p. 110,
concl. H. Legal; AJDA 1993 p. 344, chron Ch. Maugüé et L.
Touvet ; RFD adm. 1993, p. 583, concl. ; D 1993, p. 312,
concl. ; JCP 1993, I, n° 3700, chron. E. Picard et n° 22110,
note Ch. Debouy :
162
A propos de l’engagement de la responsabilité de l’Etat par les hémophiles
contaminés par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) ou virus du
SIDA.
Après avoir détaillé le rôle et les pouvoirs de l’Etat en la matière tels qu’ils
résultaient des articles L. 666 du CSP et du décret du 16 janvier 1954
modifié pris pour leur application, le CE juge :
Sans être erronée, une telle affirmation doit être nuancée. Car il y a
précisément une différence essentielle entre la solution retenue par la CAA
de Paris (CAA Paris, 16 juin 1992, M…, Y… et autres, Droit adm. 1992, n° 392 ;
AJDA 1992, p. 678, note L. Richer ; Petites Affiches, 24 juillet 1992, p. 8, concl. G.
Dacre-Wright) que l’arrêt infirme et celle retenue par le Conseil d’Etat.
163
transfusion sanguine afin de déterminer en principe le régime de
responsabilité auquel est soumis l’exercice de ces pouvoirs.
Sur cette question : voir CE, Sect., 28 juin 1963, Narcy, Rec. p. 401 ; et
surtout, CE, Sect., 22 février 2007, Association du personnel
relevant des établissements pour inadaptés, AJDA 2007, p. 793,
chron. F. Lenica et J. Boucher ; JCP A 2007, n° 2066, concl. C. Vérot et
obs. M.-Ch. Rouault ; CE, 5 octobre 2007, Soc. UGC-Cine-Cité, AJDA
2007, p. 1903 ; Contrats Marchés publ. comm. 308, note G. Eckert :
« Indépendamment des cas dans lesquels le législateur a lui-même
entendu reconnaître ou, à l’inverse, exclure l’existence d’un service public,
une personne privée qui assure une mission d’intérêt général sous le
contrôle de l’administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de
puissance publique est chargée de l’exécution d’un service public ; que,
même en l’absence de telles prérogatives, une personne privée doit
également être regardée, dans le silence de la loi, comme assurant une
mission de service public lorsque, eu égard à l’intérêt général de son
activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son
fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu’aux
mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont
atteints, il apparaît que l’administration a entendu lui confier une telle
mission ».
164
A partir de là, la question était de savoir si la responsabilité de l’Etat du
fait d’une carence dans l’organisation et le fonctionnement du service
public devait être engagée sur la base de la seule faute lourde ou pouvait
l’être sur celui de la faute simple.
165
Sur la faute
Concernant l’identification de la faute, il se posait la question préalable de
savoir si l’Etat avait manqué à ses obligations et lesquelles.
A cet égard, c’est bien sur le terrain des activités de contrôle et de tutelle
que l’arrêt se situe.
166
hémophiles et leurs médecins des risques encourus, ou en mettant
en place des tests de dépistage du virus sur les dons de sang et une
sélection des dons.
Qu’une telle mesure n’a été prise que par une circulaire dont il n’est
pas établi qu’elle ait été diffusée avant le 20 octobre 1985 ;
« Nous n’avons bien entendu pas ici à entrer dans l’analyse des
raisons pour lesquelles l’administration n’a pas ou très tardivement,
usé des pouvoirs dont elle disposait. Elles tiennent certainement à
une pluralité de facteurs, parmi lesquels entre sans doute le manque
de moyens allié à une conception non directive de l’action
administrative reposant en théorie sur une principe de partenariat
(« L’Etat propose, l’individu dispose ») comme l’analyse M. Lucas
dans son rapport, et aboutissant en fait, en l’espèce, au contraire
des objectifs de démocratie et de transparence affichés à la
mainmise de groupes restreints de spécialistes sur la décision
publique. Le ministre n’écrit-il pas que la seule action qui lui
revenait était, au début 1985, de mettre en place un mécanisme de
consultations ? De ce jeu dans lequel certains souhaitaient ne pas
laisser prendre par les autorités de tutelle des décisions
prétendument d’ordre éthique et revenant aux médecins alors que
lesdites autorités, pesant de peu de poids, ne semblaient même pas
avoir un conscience très nette de la nature des compétences qu’il
leur revenait d’exercer, la santé publique et les usagers du service
167
ne sont pas sortis gagnants. Le peu d’effet des deux circulaires
adressées par la direction générale de la santé aux centres, en juin
1983 et janvier 1985, et son peu de réactions à leur inapplication,
en portent témoignage ».
168
Mais l’obligation de connaissance de l’Etat se double d’une obligation
d’action à laquelle l’Etat a, en l’espèce, failli.
Et de fait il reste une place importante pour la faute lourde, parce que
comme le dit R. Chapus, il faut laisser à l’administration une marge
d’action libre, « en franchise de responsabilité ».
169
Cette question mérite que l’on s’y arrête dans la mesure où le Conseil
d’Etat a été amené à censurer la solution retenue par la CAA de Marseille
abandonnant l’exigence de la faute lourde en la matière.
La Cour juge :
« si le préfet n’est pas tenu de déférer au juge administratif toutes
les décisions illégales des collectivités territoriales et de leurs
établissements publics et si, par conséquent, son abstention ne
saurait par elle-même engager la responsabilité de l’Etat,
l’abstention prolongée du préfet de la Haute-Corse de ne pas déférer
au tribunal administratif les délibérations importantes et aux
illégalités facilement décelables de SIVOM du Nebbio constitue, en
l’espèce, une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat
envers les communes de Saint-Florent et autres »
170
habitants prises par le bureau du syndicat qui n’avait pourtant pas
délégation sur une telle question.
Cet arrêt reprend une solution consacrée antérieurement par CE, Sect.,
21 juin 2000, Min. de l’Equipement c/ Commune de Roquebrune-
Cap-Martin, Rec. Lebon, p. 236 ; Droit adm. 2000, n° 195 et 242, note
L. Touvet ; Construction-Urbanisme 2000, n° 257, obs. D. Larralde ; RD
publ. 4-2000, p. 1257, concl. ; RD imm. 2000, p. 553, obs. J. M.-D. ; RFD
adm. 2000, p. 1096, note P. Bon ; BJDU 2000, p. 191, concl. ; JCP N, juin
2002, n° 1204, p. 469 ; Etudes foncières, n° 89, janv.-févr. 2001, p. 3 ;
Revue du Trésor, n° 6, juin 2001, p. 392.
171
sont dévolus à la Commission bancaire, la responsabilité que peut
encourir l’Etat pour les dommages causés par les insuffisances ou
carences de celle-ci dans l’exercice de sa mission ne peut être
engagée qu’en cas de faute lourde … »
Conclusion
172
Ainsi dans l’optique du Conseil d’Etat, le maintien de la faute lourde avait
pour objectif d’éviter que l’Etat ne serve en fait de garant – par absorption
de la responsabilité – aux entreprises bancaires en difficulté.
Surtout, la question est ainsi mal posée car il n’est pas question que l’Etat
se substitue à l’établissement de crédit dans son obligation, qui est une
obligation de restitution (v. F. Moderne, « Responsabilité de la puissance
publique et contrôle prudentiel des entreprises du secteur financier »,
Mélanges P. Amselek, Bruylant 2005, p. 593).
173
hiérarchique, que le contrôleur est directement comptable de la
pertinence et de la régularité de l’action administrative en cause, le juge
en tire la conséquence, sur le terrain de la responsabilité, qu’une faute
simple suffit.
174
Conclusion générale sur la faute lourde
Il en résulte une auto limitation de son contrôle par le juge car le degré du
contrôle juridictionnel est proportionnel au degré de l’obligation qui pèse
sur l’administration : V. concl. H. Legal sur CE, Ass., 9 avril 1993, M. D.,
Rec. Lebon, p. 120 : « par le rappel de l’exigence d’une faute lourde, vous
manifestez la distance qu’il convient de conserver vis-à-vis d’une décision
intervenue dans des conditions difficiles ».
Et ce d’autant plus que, sur le plan pratique, les justifications – tirées des
difficultés de fonctionnement de certaines activités - apparaissent de plus
en plus discutables.
175
R. Chapus relève en ce sens : « Comment peut-on raisonnablement
continuer à justifier l’exigence d’une faute lourde par la difficulté des
activités en cause, puisque, s’agissant d’autres activités, cette difficulté
(qui n’est pas plus niable que niée) est désormais jugée comme ne la
justifiant plus ? (DAG 1, n° 1470).
V. concl. H. Legal sur CE, Ass., 9 avril 1993, M. D., Rec. Lebon, p.
118 : La confirmation du choix de la faute lourde opérée par la CAA
risquerait dans cette perspective de raréfaction des hypothèses de faute
qualifiée d’être interprétée comme un coup d’arrêt à la simplification que
vous êtes en train de mener à bien et « qui tend, en règle générale et
sauf erreur de notre part, à faire dépendre l’engagement de la
responsabilité publique de l’existence d’une faute, non qualifiée mais
appréciée au regard des caractères spécifiques de l’activité sur laquelle
elle se greffe, faute qui peut être constatée ou révélée, en réservant les
autres hypothèses (de faute lourde ou de risque) aux cas où un obstacle
déterminant vous empêche ou vous interdit de retenir ce mode normal de
détermination du seuil au-delà duquel l’indemnisation est due aux
victimes de préjudices ».
176
V. la problématique dégagée par concl. G. Pellissier sur CAA Versailles,
17 mars 2005, Commune de Taverny, AJDA 2005, p. 1636.
SECTION 3
LE PREJUDICE
Pour qu’il y ait responsabilité, il faut qu’il y ait préjudice (§1er). Il faut en
outre que ce préjudice remplisse certaines conditions (§2). Mais sous
cette réserve, tous les préjudices sont également réparables (§3) et
réparables intégralement (§4).
- Et, dans ce dernier cas notamment, doit-il être distingué selon que
la demande émane des parents ou de l’enfant lui-même ?
177
Les solutions en cause illustrent parfaitement le fait que le droit de la
responsabilité est souvent lié à certains principes ou choix qui relèvent de
l’éthique sociale.
178
l’enfant (TA Strasbourg, 21 avril 1994, Mme M.... c/ Hospices civils de
Colmar, RFD adm. 1995, p. 1222, concl. Martinez).
Dans cette affaire, il y avait bien une double faute du service hospitalier en ce
que le médecin s’était abstenu de vérifier a posteriori la réussite de l’intervention
et qu’il avait manqué à son devoir de conseil en ne prévenant pas la patiente
d’un risque d’échec de la stérilisation et de la persistance d’un risque de
grossesse.
Pour en revenir à l’arrêt Delle R…, la note JC précitée est critique à l’égard
de la solution en considérant qu’elle ne tire pas la conséquence que l’IVG
est un droit de la femme, légalement protégé, joint au fait qu’il est pris en
charge financièrement par l’Etat. Elle reflèterait une conception de
l’avortement qui ne serait pas celle que le législateur a choisie.
179
« La naissance d’une enfant … n’est pas génératrice d’un préjudice
de nature à ouvrir à la mère un droit à réparation par
l’établissement hospitalier où cette intervention a eu lieu, à moins
qu’existent, en cas d’échec de celle-ci, des circonstances ou une
situation particulières susceptibles d’être invoquées par
l’intéressée »
Le Conseil d’Etat admet le principe de l’indemnisation dès lors que l’enfant est
atteint d’une grave infirmité due au traumatisme causé au fœtus dans le cadre
de la tentative ratée d’IVG. En l’espèce, selon l’expertise, le lien de causalité
ne faisait pas de doute. En revanche, il sera plus délicat à établir en cas de
troubles mentaux ou de lésions internes, surtout lorsqu’elles apparaîtront
après la naissance.
NB : dans l’affaire Delle R, le commissaire du gouvernement estimait que telle était le cas de la
demanderesse, mère célibataire, assumant seule la charge de son enfant et ne disposant que
de très faibles ressources procurées un emploi de femme de ménage qu’elle avait trouvé après
une période de chômage consécutive à sa grossesse. Et pourtant le Conseil d’Etat n’avait pas
suivi son commissaire du gouvernement sur ce point.
180
Par la suite, le Conseil d’Etat a été amenée à préciser encore sa jurisprudence
dans le contexte d’une amniocentèse qui n’avait pas révélé une
anomalie du fœtus, l’enfant étant né trisomique 21.
Le Conseil d’Etat casse néanmoins l’arrêt pour une raison technique tenant au
lien de causalité : car le handicap de l’enfant ne résulte pas de la faute
commise à l’occasion de l’amniocentèse, mais est inhérent à son patrimoine
génétique. Dès lors son préjudice ne pouvait pas être indemnisé.
NB : Dans l’affaire Karl, la demande d’indemnité formée par la mère au nom de son enfant est
admise. Car si le préjudice était certain de même que le lien de causalité avec la faute, il faut
bien relever que l’absence de faute aurait dû se traduire normalement par une interruption de
grossesse, soit la disparition de l’enfant et avec lui, du préjudice. Il était, en effet, possible de
se demander si l’enfant pouvait se présenter comme une « victime » et se plaindre d’être né,
handicapé, certes, mais vivant, alors que si aucune faute n’avait été commise, il n’aurait pas
dû vivre. Le raisonnement du Conseil d’Etat est évidemment plus réaliste : c’est bien la faute
du médecin qui est directement à l’origine du préjudice.
En effet, il y a bien eu une faute médicale tenant à ce que le service n’avait pas
informé les époux Quarez du fait que les résultats de l’examen pratiqué
pouvaient être affectés d’une marge d’erreur inhabituelle, compte tenu des
181
conditions dans lesquelles il avait été conduit. Et la faute est d’autant plus
constituée que Mme Quarez avait clairement manifesté sa volonté d’éviter le
risque d’un accident génétique chez l’enfant conçu, accident dont la probabilité
était, compte tenu de son âge, relativement élevée : elle avait donc cherché
auprès d’un service spécialisé un diagnostic déterminant quant à l’absence de
risque. Dès lors en livrant un diagnostic sans attirer l’attention de la victime sur
la marge d’erreur qu’il comportait, le service l’a faussement conduite à la
certitude que l’enfant conçu n’était pas porteur d’une trisomie et que la
grossesse pouvait être normalement menée à son terme ; alors que si son
attention avait été attirée sur la marge d’erreur, Mme Quarez aurait pu
procéder à une nouvelle amniocentèse dans la perspective d’une IVG pour
motif thérapeutique. La carence dans l’information a donc été la cause directe
du préjudice.
182
En affirmant de manière générale l’existence d’un lien de causalité entre la
faute médicale et le handicap, la Cour de Cassation se démarquait de la
jurisprudence du Conseil d’Etat.
Celui-ci n’indemnisait que les parents pour le préjudice causé à eux par la
naissance, estimant qu’en revanche, il n’existe pas de lien de causalité entre la
faute médicale et le handicap de l’enfant résultant d’une cause génétique ou
acquise in utero antérieurement à l’intervention du médecin.
Cela dit, il faut relever que la solution adoptée par la Cour de Cassation n’avait
pas abouti à ce que la responsabilité des médecins soit retenue. En effet,
relevant que les fautes médicales avaient été commises au-delà du délai légal
de dix semaines de l’IVG pour cause de détresse, elle avait relevé que l’IVG
n’aurait pu intervenir que s’il était établi que les conditions médicales d’une
telle intervention étaient réunies, ce qui n’était pas le cas.
183
Par ailleurs, la loi affirme que la réparation relève de la solidarité
nationale. C’est le fait de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour
l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des
personnes handicapées.
Jean Waline relève à propos de ce dispositif que la loi est en retrait sur la
jurisprudence Quarez sur le fondement de laquelle les parents pouvaient
demander réparation du préjudice correspondant aux charges découlant,
tout au long de la vie de l’enfant, du handicap de ce dernier.
Ce jugement est étayé par l’affaire Maurice : dans cette affaire, la mère avait
accouché d’un premier enfant atteint d’amyotrophie spinale infantile, maladie qui
provoque l’atrophie des muscles, avait interrompu une deuxième grossesse, le
diagnostic prénatal révélant un risque que l’enfant à naître soit affecté de la
même maladie et avait demandé, lors d’une troisième grossesse, un même
diagnostic qui n’avait rien révélé mais qui s’est avéré erroné en raison d’une
interversion des résultats d’analyse avec ceux d’une autre famille, ce qui était
révélateur d’une faute dans l’organisation et le fonctionnement du service.
L’article L.114-5 du code de l’action sociale et des familles qui prohibe l’action de
l’enfant né handicapé et exclue du préjudice des parents en les charges
184
particulières qui en découlent tout au long de sa vie, ne respecte pas l’article
premier du premier protocole additionnel à la convention européenne des Droits
de l’Homme.
Plus précisément, la recevabilité est admise au regard des articles 6§1, 8, 13, 1er
du Protocole n° 1 combiné avec l’article 14 de la Convention.
Lorsque la Cour statuera sur le fond, il lui sera sans doute très difficile de ne pas
constater une violation de cette stipulation.
Par ailleurs, elle n’a pas estimé nécessaire d’examiner séparément le grief tiré de
l’article 14, ni celui tiré de la violation de l’article 6§1.
185
L’article 1er du Protocole n° 1 stipule :
Sur l’existence d’un bien : sur ce point, la Cour rappelle la notion de « biens »
peut recouvrir tant des biens actuels que des valeurs patrimoniales, y compris,
dans certaines circonstances bien définies, des créances lorsque celles-ci ont une
base suffisante en droit interne.
Et c’est le cas lorsque la créance est confirmée par une jurisprudence bien établie
des tribunaux.
Tel était bien le cas : pour juger en l’espèce de l’existence d’un « bien », la Cour
relève qu’en droit interne la créance devait être constatée dans le cadre d’un
régime de responsabilité pour faute exigeant l’existence d’un préjudice, une faute
et un lien de causalité. Au regard de ces éléments, la Cour constate que
personne ne conteste que l’inversion des résultats des analyses soit constitutive
d’une faute. Les conditions d’engagement de la responsabilité sur le fondement
de la jurisprudence Quarez étaient donc bien réunies, si bien que les requérants
disposaient d’une créance s’analysant en une « valeur patrimoniale ».
Elle admet ensuite que cette ingérence poursuivait bien un but d’utilité publique
relevant de trois domaines : l’éthique et notamment la nécessité de se prononcer
sur un choix fondamental de société ; l’équité et la bonne organisation du
système de santé.
Mais elle rappelle enfin qu’une ingérence, même légitime, doit ménager un
équilibre entre les exigences de l’intérêt général de la communauté et les
impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu ; en
particulier, sans le versement d’une somme raisonnablement en rapport avec la
valeur du bien, une privation de propriété constitue normalement une atteinte
excessive.
186
En regard de cela, le caractère très limité de la compensation actuelle au titre de
la solidarité nationale et l’incertitude régnant sur celle qui pourra résulter de
l’application de la loi de 2005 ne peuvent faire regarder cet important chef de
préjudice comme indemnisé de façon raisonnablement proportionnée depuis
l’intervention de la loi du 4 mars 2002.
CE, 30 juin 1999, Sarfati, Rec. Lebon, p. 222 : cas d’un candidat
évincé irrégulièrement du concours pour la construction du Stade de
France, mais qui n’avait aucune chance de l’obtenir.
187
Le préjudice doit consister dans l’atteinte à une situation juridiquement
protégée.
Elle vise uniquement à exclure du droit à réparation les personnes qui ont subi
un dommage alors ou du fait qu’ils se trouvaient placés dans une situation
illicite :
CE, Sect, 7 mars 1980, SàRL Cinq Sept, Rec. Lebon, p. 129, concl.
Massot : Non respect des règles de sécurité qui s’imposent aux établissements
recevant du public. Impossibilité de réclamer réparation aux autorités de police
pour les négligences qu’elles auraient commises dans leur activité de contrôle.
Encore faut-il pour que l’illégalité de la situation soit prise en compte qu’elle
soit en relation avec la cause du préjudice.
Par le passé, cette condition avait conduit à écarter la réparation des préjudices
causés au concubin ou à la concubine de la victime directe du dommage. Mais
cette jurisprudence a été abandonnée par l’arrêt CE, Ass., 3 mars 1978,
Dame Muësser (AJDA 1978 p. 210, chron.).
CE, 22 février 2002, Michel, Droit adm. 2002, n° 97 et 131 : Un chasseur se plaignait
de l’impossibilité de commercialiser le gibier qu’il avait abattu à la suite d’une
interdiction préfectorale destinée à lutter contre une épizootie, en l’espèce de peste
porcine, maladie contagieuse véhiculée par les sangliers.
Le TA de Strasbourg l’avait indemnisé sur le fondement de la jurisprudence Commune
de Gavarnie.
188
Mais la CAA de Nancy avait infirmé le jugement en considérant que les décisions
préfectorales en cause n’étaient pas susceptibles d’engager la responsabilité sans faute
de l’Etat.
Le CE casse l’arrêt ; juge implicitement au moins que les mesures sanitaires entrent
dans le champ d’application de la responsabilité sans faute mais dénie néanmoins au
chasseur tout droit à indemnité en raison du défaut d’anormalité de son préjudice : en
effet, les mesures administratives que peuvent nécessiter les maladies infectieuses des
animaux constituent un aléa que les titulaires du droit de chasse doivent supporter en
principe.
189
ensuite se demander si elles sont assez restreintes pour que la condition
de spécialité soit regardée comme remplie. En pratique, lorsqu’un
requérant établit avoir subi un préjudice significatif, nous croyons qu’il
faut vérifier si ce préjudice a constitué le lot commun d’une catégorie
importante d’usagers des voies ou s’il n’a pesé que sur un petit nombre
de personnes ».
Voir aussi :
190
Le principe en matière de responsabilité administrative, comme en
matière de responsabilité civile, est celui de la réparation intégrale du
préjudice. Cela implique que toutes les formes de préjudice sont
également réparables (A).
1. Principe
Tous les préjudices causés par l’autorité administrative sont réparables. Tel est
le sens de la règle d’égale réparabilité de tous les préjudices.
- que des préjudices moraux, même s’ils sont plus difficilement évaluables
en argent : souffrances physiques, ce que le droit nomme le pretium
doloris ; préjudice esthétique ; troubles de toute nature dans les
conditions d’existence, et enfin douleur morale.
Sur le préjudice moral et les troubles de toute nature dans les conditions
d’existence : Voir CE, 18 juillet 2008, M. Stilinovic, req. n° 304962,
AJDA 13 oct. 2008.1906, concl. Y. Aguila : à propos de la décision
d’éviction d’un magistrat du service, décision manifestement excessive au
regard de la gravité des fautes reprochées (affaire des « disparues de
l’Yonne »).
191
La jurisprudence a par ailleurs une conception élargie du cercle des
victimes. Elle accepte de réparer aussi bien les dommages causés aux
victimes immédiates du dommage que ceux causés par « ricochets » à
d’autres personnes liées à la victime : Exemple : la perte d’un enfant
cause une douleur morale ; dans cette hypothèse, la jurisprudence n’exige
même pas qu’il y ait un lien de droit (parenté, alliance) entre la victime
directe et la victime par ricochet ; il suffit que le préjudice subi par cette
dernière soit certain.
Il s’agit là pour le juge d’un aléa économique normal, d’un risque accepté
qui ne peut donc être indemnisé (CE, 28 mai 1965, Epoux Tebaldini,
304, concl. G. Braibant ; CE, 16 juin 2008, Soc. Le Gourmandin, Soc.
La Taverne de la Marine, req. n° 297476, RD imm oct. 2008, p. 445,
obs. O. Févrot).
192
mars 1995, Lavaud, AJDA 1995 p. 422 et p. 384 chron. L. Touvet et
J.-H. Stahl) ;
193
AJDA 1986 p. 694 : cas lorsqu’un acte administratif ou un fait de
l’administration a empêché une personne de réussir un examen ou un
concours de la fonction publique).
Dès lors la réparation du dommage résultant de cet acte devait être fixée
à une fraction des différents chefs de préjudice, en fonction notamment du
rapprochement entre, d’une part, les risques inhérents à l’acte médical et,
d’autre part, les risques encourus en cas de renoncement à cet acte.
194
La question de l’extension de cette solution à tous les cas de
responsabilité hospitalière a ensuite été posée une première fois dans une
affaire ayant donné lieu à une décision en date du 19 mars 2003, Centre
hospitalier régional et universitaire de Caen (Rec. Lebon 138).
Ressentant des douleurs violentes à son œil opéré, il s’était rendu à deux
reprises au service des urgences du centre hospitalier de VIENNE, sans
qu’un traitement efficace lui soit prescrit ou administré.
195
Saisie par les deux parties au litige, la CAA de LYON avait censuré ce
raisonnement en mettant à la charge du centre hospitalier de VIENNE,
conformément à la jurisprudence, la réparation de l’entier préjudice subi
par M. Joncart du fait de la perte de la vue de son œil droit.
196
La technique consistant à indemniser les seules chances perdues est bien
adaptée à un domaine – la médecine – où, compte tenu de l’irréductible
incertitude qui affecte les actes accomplis, prédomine l’obligation de
moyens.
A l’inverse, il n’est pas non plus souhaitable que des fautes incontestables
ne donnent lieu à aucune responsabilité.
Cela étant dit, il convient également de retenir de cet arrêt les modalités
et le raisonnement sur lesquels se base le Conseil d’Etat pour évaluer le
préjudice subi.
* Il faut aussi s’interroger sur la portée de cette décision notamment sur les
conséquences pratiques de l’extension prévisible du raisonnement probabiliste
dans le domaine de la responsabilité médicale.
A cet égard, il convient de relever que le raisonnement adopté par le Conseil d’Etat ne
devra pas être suivi dans au moins deux hypothèses qui sont loin d’être théoriques :
- celle d’une part où les chances perdues étaient tellement élevées qu’il est possible
de regarder la perte de l’avantage que la réalisation aurait procuré comme
certaine ; dans cette hypothèse, le juge accepte d’indemniser la perte de chance
en considérant qu’il s’agit d’un gain manqué ;
- celle, d’autre part, où les chances étaient trop faibles pour être raisonnablement
quantifiables, auquel cas ces chances devront être regardées comme non
sérieuses et le préjudice résultant de leur part seulement éventuel.
197
SECTION 4
LA CAUSALITE
Dans la plupart des cas, l’existence d’un lien de causalité directe ne pose
aucun problème. Elle est évidente.
198
Le juge prend donc en compte uniquement la ou les causes
déterminantes du dommage, celles qui avaient vocation à générer
ce type de conséquences.
CE, Sect, 21 mars 1969, Dame Montreer, Rec. Lebon, p. 186 ; AJDA
1969 p. 288, chron. Dewost et Denoix de Saint Marc : la causalité
adéquate n’est pas établie entre la délivrance d’une autorisation
de détention d’armes et un meurtre commis trois ans plus tard au
moyen de cette arme.
199
Mais la longueur du délai écoulé entre la faute de l’administration et la
réalisation du préjudice ne remet pas toujours en cause la chaîne de la
causalité adéquate s’il existe une chaîne ininterrompue
§2 : L’établissement de la causalité
200
A priori, la présomption - qui joue pour l’identification de la faute - n’a pas
vocation à jouer en matière de causalité.
Il faut, par ailleurs, revenir sur la perte de chance, au regard cette fois du
lien de causalité.
Peu après chacune des injections (une première injection en mai 1991
puis un rappel en mars 1996), elle a manifesté des symptômes de la
sclérose en plaques, ce qui ne lui était jamais arrivé auparavant. Sa
demande d’indemnisation ayant été rejetée par l’hôpital, elle saisit le juge
administratif.
Plus généralement, les juridictions ont jugé un peu dans tous les sens sur
cette question (v. B. Defoort, art. préc.).
Mais le CE juge que quand bien même aucun lien de causalité ne peut être
scientifiquement prouvé, celui-ci doit être considéré comme juridiquement
201
établi, en l’absence de preuve contraire, dès lors qu’il existe des indices
concordants dans les circonstances de l’espèce.
Mais la causalité n’est pas établie si un délai long s’est écoulé entre
l’administration du vaccin et l’apparition des premiers symptômes de la
maladie.
202
On rappellera ici que l’indemnisation de la perte de chance revient, d’une
certaine manière, à présumer le lien de causalité.
Les parents d’un enfant ayant subi des lésions irréversibles lors d’un
accouchement dystocique sont fondés à demander l’indemnisation du préjudice
en résultant lorsqu’en l’absence de circonstances d’extrême urgence, la sage
femme qui est intervenue s’est abstenue de faire appel à un médecin pour
procéder à l’accouchement contrairement à l’obligation qu’impose l’article
L.4151-3 du CSP.
A - La force majeure
203
Le juge administratif se montre très rigoureux dans l’appréciation de ces
conditions (CE, 4 avril 1962, Min. des Transports, AJDA 1962, p. 592,
concl. G. Braibant).
B - Le cas fortuit
204
Le cas fortuit se rapproche de la force majeure en ce qu’il est, comme
elle, imprévisible et irrésistible.
Cela explique que le cas fortuit soit exonératoire dans les systèmes de
responsabilité pour faute prouvée, car la cause étant inconnue, la faute de
l’administration ne peut, par définition, être établie.
C - Le fait de la victime
Le fait de la victime est une cause d’exonération dans tous les systèmes
de responsabilité.
205
Le fait de la victime est totalement ou partiellement exonératoire selon
l’importance causale de celui-ci face aux agissements de l’administration
dont la responsabilité est recherchée.
- CE 17 juin 1998, Epoux Pham, Rec. p. 237 (v. aussi, CE, 30 mars
1979, Moisan, AJDA 1979, n° 12, p. 30) : Le Conseil d’Etat a retenu la
seule faute de la commune, à l’exclusion de toute faute de la victime qui
était un enfant dans le cas d’un accident survenu dans un parc public.
L’enfant avait heurté une margelle de granit, construite à proximité d’un
toboggan et sans aucune utilité pour le fonctionnement de celui-ci. Le juge
rejette toute faute de la victime dans les termes suivants :
206
volonté éclairée librement exprimée de celui-ci, il n’appartient en
revanche qu’au médecin lui-même de déterminer les mesures
qu’appelle l’état du malade, sans qu’en aucune façon il ne puisse
accepter de se voir imposer la mise en œuvre d’une thérapeutique
par la personne malade, quelle que soit la qualité de celle-ci ; que,
par suite, la responsabilité du service hospitalier ne saurait être
atténuée au motif qu’un acte médical dommageable à été sollicité
par le malade lui-même ».
Voir aussi :
1) La notion de tiers
207
Dans cette hypothèse, la victime est donc obligée d’agir à la fois contre
l’administration devant la juridiction administrative et contre le tiers
devant les tribunaux judiciaires. La solution est critiquable car elle
comporte le risque d’une divergence d’appréciation entre les deux
juridictions saisies (elle est opposée à celle proposée en droit privé).
SECTION 4
LE DROIT A REPARATION
Ainsi qu’on l’a dit, la règle en droit administratif est celle de la réparation
intégrale du préjudice. Elle est la même qu’en droit civil.
Le problème est ici de savoir à quelle date le juge doit se placer pour
évaluer le préjudice : celle de sa survenance ou celle du jugement (qui
peut intervenir plusieurs années après).
208
Traditionnellement, le juge administratif n’admettait de ne prendre en
compte que la valeur du préjudice à la date de sa survenance. Il faisait
ainsi peser les risques de dépréciation monétaire et d’augmentation des
coûts sur la victime et non sur la puissance publique.
Mais ce principe est assorti d’un correctif selon lequel si, pour une cause
indépendante de sa volonté, la victime n’a pas été en mesure de faire
procéder immédiatement à la réparation du préjudice, l’évaluation de
celui-ci est reportée à la date où l’exécution de ces travaux est devenue
possible.
209
Cette jurisprudence est très critiquée par la doctrine et notamment par le
Professeur Chapus qui lui reproche d’avoir pour conséquence de faire
naître de la survenance du dommage une obligation, pour la victime, celle
de réparer matériellement son préjudice. Or, il est anormal qu’un
dommage soit, pour celui qui le subi, source d’obligation.
La solution posée par les arrêts Veuves Aubry et Lefevre consiste dans un
revirement de jurisprudence et dans la reconnaissance de la nécessité
d’évaluer le préjudice à la date de la décision du juge car celui-ci doit tenir
compte de « l’ensemble des éléments connus à la date du règlement ».
Cela signifie que doivent être retenues comme base d’évaluation non pas
les ressources dont disposait la victime à la date de l’accident, mais celles
dont elle aurait disposé à la date du jugement (en tenant compte par
exemple de l’augmentation des salaires et des traitements intervenue
entre-temps).
210
3ème précision : Cette évaluation du préjudice pourra, s’il y a lieu, être
minorée par la prise en compte des déclarations fiscales de la victime
contribuable (notamment pour déterminée son revenu normal…).
B - Les déductions
Une fois le préjudice évalué, le juge peut être amené à déduire de son
montant certaines sommes.
Il déduit ainsi les sommes versées par les caisses de sécurité sociale,
employeurs, ou les compagnies d’assurance.
A- L’indemnité principale
211
- soit par l’octroi d’une rente payable mensuellement ou
annuellement. Ce dernier système est surtout pratique en cas
de dommages corporels.
La pratique des rentes est devenue plus acceptable depuis que le Conseil
d’État a admis le principe d’indexation des rentes dans un arrêt (CE,
Sect. 12 juin 1981, C.H de Lisieux, Rec. Lebon, p. 262 ; concl. Mme
Moreau ; AJDA 1981 p. 470, chron.).
S’ils ne sont pas demandés, leur taux correspond au taux légal majoré de
5 points à compter de l’expiration d’un délai de deux mois à partir de la
date à laquelle le jugement de condamnation a été notifié aux parties.
212
Enfin, le juge peut prononcer le remboursement de certains frais engagés
par la victime tels les frais d’expertise.
§3 : La charge de la réparation
Le dommage n’est réparable que pour autant qu’on peut l’imputer au fait
d’une personne publique déterminée.
- Exemples,
213
Il est tranché de la manière suivante par la CJCE et le Conseil d’Etat.
CE, Sect., 12 mai 2004, Soc. Gillot, Droit adm. 2004, n° 133 et
n° 153, note Ch. Guillard : Les autorités nationales avaient
scrupuleusement respecté une décision de la Commission interdisant la
sortie de certains produits laitiers des départements de l’Orne et de la
Mayenne à la suite de la découverte de cas fièvre aphteuse. Le Conseil
d’Etat considère donc que seule la responsabilité de la Communauté peut
être engagée.
Voir aussi infra, CE, 2 octobre 1981, GIE Vipal, Lebon, p. 347
214
Il arrive que la loi le détermine : par exemple, en application de la loi du
1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire créant
l’établissement français du sang (art. 18), cet établissement a repris
l’ensemble des obligations des hôpitaux résultant de contaminations
transfusionnelles, notamment dans toutes les instances à la date de sa
création ou introduites ultérieurement (CE, 30 novembre 2007, Centre
Hospitalier de Clermont-Ferrand, AJDA 2008.311, et dans la même
affaire, CE, 8 août 2008,req. n° 282986, AJDA 6 oct. 2008. 1841,
concl. J-Ph. Thiellay).
1) Cas du mandat
L’exercice du service de l’état civil assuré par le maire sur le fondement des
dispositions de l’article 2122-32 du CGCT est placé sous le contrôle du seul juge
judiciaire : TC, 17 juin 1991, Mme Maadjel, Rec. Lebon, p. 465.
Mais le juge administratif est compétent pour statuer sur une demande tendant à
engager la responsabilité de l’administration à raison de la délivrance de
certificats de vie.
Imputabilité : Lorsqu’il délivre un certificat de vie, le maire agit-il en tant
qu’autorité de l’Etat ou en tant qu’exécutif de la commune ?
215
C’est en tant qu’autorité de l’Etat que le maire délivre des actes de l’état civil. Il
peut donc, le cas échéant, engager la responsabilité de l’Etat (CA Dijon, 4
février 2003, Trong-Hong C/ Pras) et dans ce domaine le juge judiciaire est
seul compétent pour juger de l’action du maire en tant qu’officier d’état civil.
En l’espèce, s’agissant d’un certificat de vie, il ne peut être regardé comme une
décision prise en matière d’état civil, le juge administratif est par conséquent
compétent pour connaître des fautes commises par le maire à raison de la
délivrance ou de l’absence ou de l’absence de délivrance de ce document. Mais
dans la mesure où le certificat de vie s’apparente à un document d’état civil, le
maire agit bien en le délivrant en tant qu’autorité de l’Etat et ne peut donc
engager que la responsabilité de l’Etat.
216
Lebon, p. 283 ; CE, 13 mars 1963, Service départemental de recours
et d’incendie de l’Aisne, Rec. Lebon, p. 159).
Se pose donc la question de savoir quelle est la personne publique qui doit
supporter la charge définitive de l’indemnisation lorsque la décision de
l’administration – par exemple, la délivrance ou le refus de délivrance d’un
permis de construire - a causé un dommage.
Cette solution vaut alors même que la mise à disposition donne lieu à
l’établissement d’une convention qui ne peut être assimilée à un contrat
de louage d’ouvrage (v. infra)
217
Considérant qu'aux termes de l'article L. 421-2-6 du code de l'urbanisme,
dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : « Le maire ou le
président de l'établissement public compétent peut disposer gratuitement,
et en tant que de besoin, des services déconcentrés de l'Etat pour effectuer
l'étude technique de celles des demandes de permis de construire sur
lesquelles il a compétence pour l'instruction et la décision et qui lui
paraissent justifier l'assistance technique de ces services. Pendant la durée
de cette mise à disposition, les services et les personnels agissent en
concertation permanente avec le maire ou le président de l'établissement
public qui leur adresse toutes instructions nécessaires pour l'exécution des
tâches qu'il leur confie » ; qu'aux termes de l'article R. 490-2 du même
code, alors en vigueur : « Le conseil municipal (...) peut décider de confier
par voie de convention l'instruction des autorisations et actes relatifs à
l'occupation du sol à une collectivité territoriale, à un groupement de
collectivités territoriales ou au service de l'Etat dans le département,
chargé de l'urbanisme (...) » ;
218
COMMUNE DE POILLY-LEZ-GIEN les services déconcentrés de la
direction départementale de l'équipement du Loiret pour l'étude technique
des demandes de certificat d'urbanisme, conclue en application des
dispositions des articles L. 421-2-6 et R. 490-2 du code de l'urbanisme, ne
constituait pas un contrat de louage d'ouvrage et que la responsabilité de
l'Etat ne pouvait être engagée envers la commune que dans le cas où un
agent de l'Etat aurait commis une faute en refusant ou négligeant
d'exécuter un ordre ou de se conformer à une instruction du maire, la cour
administrative d'appel de Nantes, qui a suffisamment motivé son arrêt, n'a
pas commis d'erreur de droit (…) ».
219
On est ici confronté à la question de ce que l’on appelle « l’ingénierie
publique », c’est-à-dire l’intervention des services techniques de l’Etat
pour la mise en œuvre de projets communaux, les communes ne
disposant pas de services techniques et ne désirant pas recourir à des
entreprises privées dans le cadre d’une mise en concurrence.
Lorsqu’un dommage survient du fait d’un ouvrage public réalisé dans ces
conditions, la question se pose de savoir dans quelles conditions la
collectivité locale, maître d’ouvrage dont la responsabilité est engagée par
la victime peut appeler le service de l’Etat en garantie.
1er temps :
220
2ème temps :
Cette solution est remise en cause par CE, Sect., 12 mai 2004,
Commune de la Ferté-Milon, RFD adm. 2004, p. 1183, concl. E.
Glaser ; AJDA 2004, p. 1378, note J-D. Dreyfus : Le CE casse pour erreur
de droit l’arrêt de la CAA de Nancy qui avait fait application de la
jurisprudence précitée et juge que l’inexécution ou la mauvaise exécution
du contrat de louage d’ouvrage engage la responsabilité de l’Etat dans les
conditions du droit commun.
Cette solution s’explique par le fait que les Etats membres sont
responsables de la mise en œuvre, sur leur territoire de la politique
agricole commune et qu’ils disposent pour ce faire d’une marge
d’appréciation dans laquelle les instances communautaires ne sauraient
nullement s’immiscer.
221
C- Lorsque le dommage a été causé à l’administré par un acte de
tutelle, la responsabilité incombe-t-elle à la collectivité sous
tutelle ou à l’Etat qui exerce cette tutelle ?
222
encourus par les usagers dans la zone d’amarrage des bateaux. Mort de Mme
Faas par rupture d’une amarre.
223