JB Weckerlin

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LA

CHANSON POPULAIRE.
TYI'OGRAHIIK FIRMIN-DIDOT. - MESXIL (EURE).
LA

CHANSON POPULAIRE,
rAii

J. B. WECKERLIN
BIBLIOTHECAIRE ]>r CONSERVATOIRE ni: MUSIQUE.

PARIS,
LIBRAIRIE DE FIRMIN-DIDOT ET C IB ,

IMPRIMEURS DE l/lNSTITUT, RUE JACOB, 56.

1886.
A MONSIEUR

ALBERT KAEMPFEN,
DIRECTEUR DES BEAUX-ARTS.
PRÉFACE.

Arrivés à l'âge mûr où nos illusions commencent à


s'évanouir, nous passons volontiers en revue nos sou-
venirs d'enfance. Eli bien, que retrouvons-nous d'abord
dans notre mémoire , si ce n'est quelques bribes de
vieilles chansons, avec lesquelles nous ont bercé nos
mères, nos grand'mères, ou quelque vieille tante ou quel-
que nourrice? C'est à ces chants lointains que s'est

éveillée notre jeune intelligence, et l'impression a été si

forte, qu'après quarante ou cinquante ans ces refrains


nous reviennent encore dans toute leur fraîcheur, dans
toute leur naïveté.
En France ce n'est guère que depuis 1835 qu'on s'est
occupé sérieusement de recueillir nos chansons populaires.
M. de la Villemarqué publia ses Chants 'populaires bre-
tons en 1839 le succès fut constaté par une suite d'édi-
;

tions. Les Chants et Chansons populaires de la France,


recueillis par Du Mersan, parurent en 1843, ils furent

également accueillis avec une grande faveur.


Ces sortes de publications, qui se multiplièrent depuis,
reçurent un appel direct du ministère de l'Instruction pu-
blique en 1852, et c'est plus particulièrement depuis cette
date qu'un grand nombre de recueils, de monographies de
la chanson populaire dans telle ou telle province de la
France ont été mis- au jour.
PREFACE.

Le docteur O.-L.-B. \Yolff, dans sa préface des An-


ciennes chansons populaires françaises (1), émet cette

singulière opinion : « Nul peuple n'est aussi riche en


chansons que les Français, nul n'est aussi pauvre en chan-
sons populaires. Cela tient à leur caractère : pourvu qu'ils

chantent, ils sont satisfaits, ce qu'ils chantent leur est


pourvu que cela les intéresse (ô naïveté alle-
indifférent,

mande!), et cet intérêt est purement éphémère. » Voilà


comment ce savant nous jugeait en 1830; s'il vivait
encore, il rabattrait sans doute considérablement sur ce
qu'il avait avancé. Convenons d'ailleurs, qu'à cette époque
M. AYolff n'avait à sa disposition que la réédition des

vaudevires de Basselin, par L. Dubois, 1821, dont il a


fait un ample usage, quelques chansons de la Suisse
française, comme les Armaillis, et puis les chansons de la

Tulipe et de la Famée!

Ce n'est pas avec un bagage pareil qu'on porte un


jugement sur un pays.
Forkel, qui savait tant de choses touchant la musique,
n'a guère apprécié l'importance de la chanson populaire
dans l'histoire de la musique. Il n'en est pas de même
des historiens allemands plus récents, ou nos contempo-
rains, comme Kiesewetter, "Winterfeld, Marx, etc. Am-
bros (2) désigne la chanson populaire comme l'une des
puissances musicales, marchant de pair avec le chant
grégorien, comme importance; on en jugera, à ce point
de vue, dans le chapitre de la chanson musicale.
Les historiens, depuis Tacite jusqu'à nos jours, con-

(1) Altfi '


Volkslieder, Leipzig, 1831, in-12.
(•_') Ambras, GeschichU der Musik, Breslau, 186'2-1882, 5 volumes
PRÉFACE. m
viennent que tous les peuples, y compris ceux de l'anti-

quité, avaient leurs chansons populaires, dont le degré


de perfection suivait nécessairement celui de leur civili-

sation; pourquoi donc alors Fétis se donne-t-il tant de


mal pour nous apprendre dans son Résumé philosophi-
page 175. que les anciens manuscrits fournissent
que, (1),

des preuves irrécusables de l'existence aux neuvième et


dixième siècles d'un chant mesuré, rythmé et vraisem-
blablement populaire puis page 178 , : « dès 850 et pro-
bablement auparavant une musique mesurée
il existait

et rythmée à l'usage du peuple. » Personne n'a jamais


douté de cela.

Ce qui trompe bien plutôt les lecteurs qui s'enquièrent


de la chanson, c'est sa synonymie avec le mot poème à
une certaine époque Chanson des Saxons ,1a Chanson
:1a

d? Alexandrie, la Chanson de Roland, etc., qui sont des


non des chansons dans l'acception que
récits épiques, et
nous donnons aujourd'hui â ce mot. Les troubadours
n'ont jamais eu l'idée de chanter ces longs poèmes, qui
dépassent quelquefois dix mille vers.
Les troubadours se trouvant sous notre plume, nous
en profitons pour dire que leur répertoire aristocratique
n'ayant rien de commun avec la chanson du peuple,
nous n'avons pas à en parler. On n'a qu'à examiner les
œuvres de Thibaut de Champagne ou de Charles d'Or-
léans, l'un des derniers représentants de cette pléiade
poétique, dont les œuvres, plus rapprochées de nous, sont
plus compréhensibles, et l'on verra bien qu'aucune de

r
(1) Résumé philosophique de l'histoire de la musi iue t
formant le premier volume
de la Biographie des musiciens, édition de 1835.
PREFACE.

leurs chansons n'a passé clans le répertoire populaire,


que ces deux littératures étaient scindées, aussi diffé-
rentes l'une de l'autre que l'étaient les deux grandes
classes de la population française, l'aristocratie et le

peuple.
Les anciennes chansons, manuscrites ou imprimées,
ont généralement l'indication du timbre (air) sur lequel
elles ont été composées, parfois il y a même plusieurs
timbres au choix, ce qui déroute le chercheur, car ces
thèmes indiqués n'ont pas toujours la même mesure
rythmique ou la même coupe de vers.
y a encore une autre difficulté pour retrouver un
Il

ancien air, c'est que cet air ou mélodie originale, après


avoir vécu pendant des années avec un texte primitif,

de nouvelles paroles écrites sur ce même air, et ayant


eu le bonheur de plaire, viennent rompre cette ancienne
liaison : les nouvelles paroles remplacent les anciennes
qui disparaissent complètement. L'air ayant survécu est
désigné par le premier vers du texte nouveau, qui devient
son timbre.
En admettant le cas de la complète disparition des
paroles originales (et ce cas n'est pas rare), il nous reste
naturellement un certain nombre d'anciens airs dont nous
ne savons plus l'origine, et nous la savons d'autant moins
que cet air, voyageant à travers les siècles sur des poésies

différentes, a subi lui-même des altérations, des rajeunis-


sements.
La plupart des airs populaires du quinzième siècle et
même d'une partie du seizième sont perdus pour nous,
parce que les musiciens qui pouvaient les noter, ne s'en
donnaient pas la peine les dédaignaient
, même, et ne re-
PREFACE.

gardaient comme de la musique que leurs élucubrations


sur le contrepoint et sur le plain-chant. Dufay, qui vivait
au quinzième siècle, est l'un des plus anciens musiciens
qui aient utilisé les chansons du peuple, dans des har-
monisations à quatre voix ; on prit goût à ce genre de
musique, et les compositeurs s'y livrèrent avec ar-
deur.
Cette grande mode du seizième siècle d'harmoniser à
quatre voix les chansons populaires, nous a conservé un
certain nombre d'anciennes chansons, quoique rarement
complètes : Yharmoniseur n'en prenait que ce qui lui

convenait pour ses contre-points ou ses imitations. Au


dix-septième siècle les musiciens laissent dormir la chan-
son populaire, qui d'ailleurs n'a pas besoin d'eux pour
courir les rues durant la Fronde et autres événements
marquants.
On a donné bien des définitions de la chanson popu-
laire, voici celle de M. Franz Bohme (1) : « C'est une
chanson née dans le peuple, chantée par lui, souvent et
volontiers, qui s'est répandue et conservée par son organe,
grâce à la simplicité de la forme, et dont le sujet souve-
rainement humain, emprunté au domaine religieux ou
profane, est facile à comprendre. ))

Mais une question bien plus grave, c'est celle de la


naissance de ces sortes de chansons. Voici la façon de
voir du même auteur : a La création d'un sujet quel-
conque, fût-ce une simple chanson, provient toujours
d'une individualité, d'un seul, nature douée et supérieure

(1) Altdeutsches Liederbuch, etc. (Les anciennes chansons populaires allemandes,


par Franz M. Biihme; Leipzig, 1877, gros in-8° avec les airs notés)
PREFACE.

à la masse. En ce qui touche le vrai poète populaire, il

tient au peuple par ses mœurs, par son éducation il :

ne chante et ne dit que ce qui plaît à la foule, et ce


qu'elle saisit facilement. Ce qui ne lui plaît pas, un chan-
teur ne le redira pas, le sujet péchant par sa base. Mais

s'il trouve heureusement le ton, la forme et les senti-


ments dans lesquels la masse reconnaît sa propre exis-
tence, alors mille cœurs battront à l'unisson et rediront
ses chansons. Si dans l'une ou l'autre de ces chansons
ily a une expression, une tournure de phrase, une image,
qui ne soit pas heureusement choisie ou qui ne se com-
prenne point par tous, alors le peuple la change lui-
même et se l'approprie.

« C'est de cette façon que le peuple collabore à ses


chansons, en les mettant au point, ce qui contribue né-
cessairement à leur donner ce caractère particulier que
l'individualité atteint rarement à elle seule. Pour les airs

populaires il en est de même que pour les textes : ce


sont des produits d'un seul, d'une nature assez douée,
suffisamment éduquée pour donner à la matière première
une forme convenue et convenable, plus ou moins artis-

tique.
a. Le poète populaire ne compose jamais ses paroles
sans l'air, soit qu'il invente un air nouveau, soit qu'il se
serve d'une mélodie déjà existante, ou de fragments de
mélodies connues. »
On voit que M. Bohme se rallie à l'opinion émise par
M. Tappert en 18G8, que le peuple ne compose, ne crée
rien, mais qu'il attrape par-ci par-là des bribes de phrases
d'un vrai compositeur. Toute la différence entre ces deux
auteurs, c'est que M. Bohme croit au compositeur doué
PREFACE.

par la nature, qui, sans avoir reçu une éducation musi-


cale, compose ses paroles et ses airs au milieu du peuple
dont il est sorti lui-même, tandis que M. Tappert attri-

bue cela à un vrai compositeur, à un musicien.


M. Bolime pourrait bien avoir raison.
Afin de présenter au lecteur une bibliographie chan-
sonnière un peu complète, nous donnerons d'abord la
table entière du rarissime volume de Petrucci, Har-
monice musices Odhecaion, Venise, 1501 à 1503.
Ce sont des chansons populaires françaises (presque
toutes), harmonisées à trois et à quatre voix par les phé-
nix de la musique qui ont vécu au quinzième siècle (1).

Le livre de Petrucci, malgré sa rareté et la beauté de son


impression, a cependant deux graves défauts : 1° il ne
donne comme texte des chansons que le premier vers et
encore... ;
2° l'air populaire se trouve rarement transcrit
et utilisé en entier, conformément à la détestable habi-

tude des compositeurs de ce temps-là.


Le thème original est généralement à la partie de ténor,
mais il y a beaucoup d'exceptions, et le plus souvent les

voix entrent chacune avec ce thème principal. Des si-

lences, parfois très prolongés, viennent rompre la suite

d'une phrase mélodique, et quand la voix rentre, on ne


sait pas toujours si c'est la continuation du thème in-

terrompu, ou un fragment mélodique de l'invention du


compositeur. A quoi il faut ajouter cette habitude fré-
quente d'interrompre un chant dans une partie, et d'en
continuer la suite dans une autre partie, des valeurs

(1 ) Cette table a déjà été publiée dans notre Catalogue du Cotiser eut vire (Réserve)
Firinin-Didot, 1885.
PREFACE.

prolongées, diminuées, syncopées, à ne plus reconnaître


le thème, enfin des chansons d'un rythme binaire, mises
en rythme ternaire et vice versa.

TABLE
DES CHANSONS ET MOTETS QUI SE TROUVENT DAXS L'HARMONICB MU8ICEB
ODHJECATON, PUBLIÉ PAR PETRUCCI.

MORCEAUX A QUATRE VOIX.

A
Acordes inoy ce que je pense Anonyme.
Adieu mes amours Josquin.
A la audienche Hayne.
Alba columba Infantis.

A l'heure que je vous p. x. (canon : ad nonam ca-

nitur bassus hic tempore lapso) Josquin.


Alons ferons barbe Compère.
Amor fait moult tant que nostre argent dure (le té-
nor chante : Il est de bonne heure) Anonyme.
Amours, amours Hayne.
Amours, amours, amours Japart.
Amours me trotent sur la pance Lourdoys (1).

Amours n'est pas Anonyme.


A qui dir' elle sa pensée Ci) Anonyme.
Avant à moy. (Fuga in diatessaron superius) Anonyme.
Avant, avant (In subdiatessaron) Anonyme.
Ave Maria De Orto (Des Jardins).
Ave regina cœlorum Obrecht.
A vous je vieng Anonyme.
Aymy, Aymy Anonyme.

B
Basies moy (H) Josquin.

(1) Non cité par Pétis.

(2) Recueil de chansons J h <tui h :>iiw' xtrcle; G. Paris.


(3) .Mali, 'le Bayeux.
.

PREFACE.

Beati pacifici (à l'exception du supertus, les trois an-

tres vois chantent : l>e tous biens playne) C. de Stappen.


Bergerette savoyene (1) Josquin.
Berzeretta savoiena Anonyme.
Bon temps Anonyme.
Brunette J. Sthokem.

Cela sans plus ne suti pas Anonyme.


Cela sans plus (in missa) Obrecht.
Cela sans plus J. de Lannou.
Ce n'est pas J. de la Rue.
Cent mille escus Anonyme.
Cest mal charché Agricola.
Cest ung mauves mal Anonyme.
Ceuls qui font la gore (Le ténor et la basse chan-
tent : Ils sont bien pelles) Anonyme.
Chascun me crie Anonyme.
Comme femme des confortée Anonyme.
Comment peult haver joye Josquin.
Comment peult Anonyme.
Corps digne (à l'exception du sujteiitts, les trois au-

tres voix chantent Lien quel mariage) : Busnoys (2\

D'amer je me veul intremetre J. Fortuila.

De tous biens playne Anonyme.


De tous biens playne Anonyme.
De tous biens playne (au-dessus du contralto on
lit : Canon ; hic dantur antipodes) Japart.
De tous biens playne Agricola.
De tous biens playne (Le superius chante : Beati
pacifici) C de Stappen.
.

De tous biens playne (voir la chanson : Jay jiris

amours) Anonyme.
De tous biens playne Anonyme.
De tous biens playne (canon: Petrus e Joannes cur-
runt in puncto) Josquin.

( 1) Cltansons du quinzième .siicle; G. Paris, p. 14.

(2) Cette chanson est mise en partition par Kiesewetter dans Schicksale d< s Weltlichen 6e-
. I 841
PKEFACE.

De vostre deul Anonyme.


Dieu quel mariage (voir Corps digne') Busnoys.
Dit le Bourguignon Anonyme.
Dnng aultre amer (La partie de ténor porte : Quar-
tus confortât ims) De Orto.
Au-dessus du contra et du bassus il y a :

Obeïus quinis sedibus ijisc volât.

E
E la la la (Le ténor et le bassus chantent : Faites
lui bone chière") Anonyme.
Elevé vous Anonyme.
Elogeron nous Anonyme.
En chambre polie Anonyme.
En despit de la besogne Anonyme.
En lombre dung bussinet (1) Anonyme.
En lombre dung buissonnet Josquin.
En vroelic Lnonyme.
E qui le dira (2) Anon;
Entre vous galans {L'alto chante: Je my lecai hier

an matin) Anonyme.
Et dunt revenes vous Compère.
Et Marion la brune Anonyme.
Et raira plus la lune Grégoire.
E vray Dieu que payne Compère.

F
Faictes luy bonne chière (voyez E la la la) Anonyme.
Faisans regres Anonyme.
Fault il que heur soy Jo. Martini.
Fors seulement P. de La Rue.
Fors seulement Obrecht.
Fors seulement Agricola.
Fors seulement G. Reingot.
Fors seulement Ghiselin.
Fors seulement Alesander.
Fors seulement Anonvme.

il) Chansons du quinzième siècle;Gc. Paris, p. 20. — L'air pas le même; celui du ma-
n" est
nuscrit de Bayeux est encore une troisième version différente. La seconde messe de Carpentras
i la chanson A lombn •hum buissonet.

(2) Mail, de Bayeux, cli. 85 e ; le commencement des deux versions est bien le même, mais
elles ne tardent pas à dévier l'une de l'autre.
. . ..

TIIEFACE.

Fortuna desperata J. Pinarol.


Fortuna desperata Anonyme.
Fortuna duii gran tempo (sous le superius Franck
cor quastu) De Vigne.
Fortuna dim gran tempo Japart
Franch cor quastu (à part le superius, les autres
vois chantent : Fortuna d'un gran tempo, à cinq
voix) De Vigne.

G
Gentils galans aventuriers Anonyme.
Gentil galant de gorre (guerre) Anonyme.
Gentil galans de gerre C. de Stappen.
Gratieuse (Le superius et le bossus chantent : Mon
m'tgnault) Anonyme.

H
Helas ce n'est pas sans rayson se j'ai mélancolie. . . Sthokem.
Helas helas Ninot.
Helas helas fault il Anonyme.
Helas hic moet my liden Ghiselin.
Helas le povre Jean Anonyme
Helas que poura devenir Caron.
Helas qu'il est a mon gré Japart.
He logeron nous Anonyme.
Hor (or) oirez une chanson Anonyme.

Ich bin so elende Anonyme.


Il est de bone heure (le bossus chante l'homme
armé Jo. Japart
Il est de bone heure (voy. Amor fait moult) Anonyme.
Ils sont bien pelles (1) (voir: C'eulx qui font la
gorre) Anonyme.

J
James, james (jamais) Anonyme.
Jay bien nouri (2) Anonyme.

(1) Chansons du quinzième siècle, G. Paris ; l'air n'est pas le même.


(2) Chansons du quinzième siècle, G-. Paris, p. 29. Le superius est à peu près semblable à L'air
noté par M. Gevaert, mais dans VOdhecaton cet air a quatre mesures de plus.
..

PREFACE.

Jay pris amour de seize ans Anonyme.


Jay pris amours Anouyiu •
Jay pris amours Lnonyme.
Jay pris amours Obrecht.
Jay pris amours (l'altus et le bossus chantent : />.

tous biens Anonyme.


Jay pris amours (en sol mineur) Japart.
Jay pris amours (en la mineur) Japart.
(Au titre de cette chanson Fit : aries piscis in U-.
canosypathori)
Jay pris amours tout au rebours (1 ) Busnoys.
Jay pris amours (Yaltus et le bassus chantent : De
tous biens playne) Anonyme.
Jay pris mon bourdon Sthokem.
Jay pris amours Anonyme.
Je cuide se ce temps me dure Anonyme.
Je cuide (le ténor et le bassus chantent : De tous biens
playne) Japart.
Je my levai hier au matin (voy. Entre vous ga-
lans ) Anonyme.
Je nay dueul Okeghem.
Je nay dueul Agricola.
Je ne demande aultre degré Busnoys.
Je ne fay plus Anonyme.
Je ne me peus tenir d'amer (2) Anonyme.
Je ne suis mort ne vif Anonyme.
Je ne suis pas a ma playsance Anonyme.
Je sais bien dire l'ave Josquin.
Je suis amye du forier Anonyme.
Je sui Dalemagne J. Sthokem.
Je suy Dalemagne (à cinq parties; le ténor et la
basse chantent : Joliette men vay) Anonyme.
Joliette men vay (précédente)
Je suis trop jounette Anonyme.

La fluer de biaulté Jo. Martini.


Lamor de moy (3) Anonyme

(1) Dette chanson tient huit pages, c'est la plus longue de tout le recueil.
(2) On trouve cette chanson, avec les paroles, dans les madrtgoli italiani et canzoni frc •

J. Gero (1543) ; la musique n'est pas la même.


(3) Voy. Chantons du quinzième siècle, G. Paris, p. 30, et man. Bayeux (semblable).
PREFACE.

Latura tu Anonyme.
La tourturella J. Obrecht.
Lautre jour ruen chevauckoye Anonyme.
Lautrier je men aloj-e jouer Anonyme.
Lautrier que passa Busnoys.
Le bon temps que javoy Anonyme.
Le despourveu infortuné Anonyme.
Lenzotta mia Anonyme.
Le second jour d'avril J. Japart.
Le serviteur (1) Anonyme.
Les trois filles de Paris De Orto.
Linken van beveren Anonyme.
Loier my fault un carpentier J. Japart.
Lomme armé (au titre Canon. Et
: sic de singu-
!is) Josquin.
Lomme feme desconfortee (2) Anonyme.
Loseray dire (3) Anonyme.
Loseray je dire se jame per amours Anonyme.
Lourdault lourdault (4) Compère.

M
Mayntes femes (avec le canon : « Odam si protham
teneas in remisso diapason cuni paribus ter au-
geas. » Au ténor : « Voces a mese non nullas us-
qtie Jicanosypato recine singulas. » Busnoys.
Meskin es hu (5) Anonyme.
Mon amy mavoyt promis une belle chainture Anonyme.
Mon enfant,mon enfant Anonyme.
Mon mari ma defamee (ii) De Orto.
Mon mari ma deffamee Anonyme.
Mon mignault (l'altus et le ténor chantent : Gra-
tieuse) Anonyme.
Mon père ma doné mari Anonyme.
Mon père ma doné mari Compère.
Mon père ma mariée Anonyme.

(1) M. Catelani indique cette chanson avec le nom de Busnoys ; notre exemplaire ne donne
pas de nom d'auteur.
(2) Cette chanson a été omise dans la table de Petrucci, elle est à la p. 108.

(3) Manuscrit de Baveux (semblable).


(4) Chansons du quinzième siècle, G. Paris, p. 69, l'air n'est pas le même.
(5) Cette chanson, quoique à 4 parties, se trouve placée après les trios, c'est la dernière de la
première partie.
(6) Chansons du quinzième siècle, G. Paris, p. 109, le commencement seul est semblable.
PREFACE.

Mynherr Anonyme.
Myn rnorgen ghaf Anonyme.

N
Nas tu pas veu la mistondina Anonyme.
Xenccioza Jo. Martini.
Xenciozza mia (1) Japart.
Xoé, Xoé, Xoé Brumt-1.
Xostre cambriere si malade estois Anonyme.
Xous sommes de lordre de saynt Babuyn Compère.
Xunqua fue pena niaior Anonyme.
Xunqua fue pena niaior Anonyme.

O
Venus bant Anonyme.

P
Par ung jour de matinée Yzac.
Petite camusete (2) Okenghem
Plus ne chasseray sans gans (voy. Pour passt r

temps)
Pour passer temps (Le contraténor et le ténor chan-
tent : Plus ne chasseray sans gans) J. Japart.
Porquoy je ne puis dire (le ténor chante : Vray
Dku damours) J. Sthokem.
Porquoy non P. de la Rue.
Pour quoy tant Anonyme.
Prennez sur moy (Fuga) Okenghem.
Prestes le moy J. Japart.

Q
Quant a moy (Fuga in diatessaron superius) Anonyme.
Quant vostre ymage Anonyme.
Questa se chiama J. Japart.
Que vous Madame (à la basse : In pace in i<lij>-

I Agricola.

1 ; ( lette ''brin- m a été omise dans la table de Petrucci, elle se trouve à la page 10.

(2) Dans la table, il y a Petita camusefa, mais en tête de la chanson le titre est rectifié et mis
i n irai
.

PREFACE.

Qui* det ut m niât Agricola.


Qui veult jouer de la queue Anonyme.

R
Recordts moy ce que je pense Anonyme.
Revellies vous ( 1 ) Anonyme.
Ronipelthier (2) Anonyme.
Rose plaisant Philipon.
Roj-ne du ciel (au contra : Ad placitus) Compère.

Se congié pris Anonyme.


Se congié pris J. Japart.
Serviteur soye J. Stliokem.
Se suis trop jonnette Anonyme.
Sil vous playsist J. Régis.
Sur le pont d'Avignon Anonyme.
Sil y a compagnon en la compagnie (voy. Une file-
/••>)

T
Tan bien mit son pensament J. Japart.
Tant que nostre argent dura J. Obrecht.
Tart ara mon cœur îlolinet
Tmeiskin vas junck Anonyme.
Tout a par moy Agricola.
Tous les régies P. de la Rue.
Très doulce fillete Anonyme.
Très doulx regart Anonyme.
Tsat'een meskin (3) J. Obrecht.

U
Una moza falle yo Anonyme.

(1) Recueil de chansons du quinzième siècle, G. Paris, p. 140; quelques mots du commence-
ment sont semblables, le reste est différent.
(2) M. Catelani met cette chanson sous le nom de J. Obreelit ; dans notre exemplaire elle ne
porte pas de nom.
(3) Cette chanson (ainsi que celles A l'audU nch et /."'uni lu) a été imprimée après les Trios,
sans doute comme supplément.
PREFACE.

Una musqué deBuscgaya (1) (avec le canon : « Quies-


cit qui suprême volât. Venit post me, qui in puncto
clamât » Josquin.
Une fileresse (Le contra chante : S'il y a compagnon
en la compagnie ; le ténor chante : Vostre amour). Anonyme.
Une petite aquinee Anonyme.
Une playsante fillete Compère.
Ung franc archier Compère.
Un franc archer Anonyme.

V
Va vilment Obrecht.
Yeci la danse barbari Vaqueras.
Verai Dieu damours (voir la chanson : Pour quoi/ je

ne puis dire) J. Sthokem.


Venecioza J. Martini.
Vilana che sa tu far ? Anonyme.
Virgo celesti (à 5 voix, dont 2 ténors; les paroles
tout au long) Compère.
Virtutum e.rpulsus terris chorus omnis abibit C. de Stappen.
Vive le roy (avec le canon :

Fingîto vocales modulis apleque subinde,


Voeïbus his vulgi nascitur unde ténor.
Non vario pergil cursu totumque secundum
Subvehit ad primum; per tetracorda modum Josquin.
Vivre ou mourir Anonyme.
Vostre amour (voy. Unejileresse)
Vostre bargeronette Compère.
Vray dieu damours (2) (à 5, les contraltos chantent
les litanies des saints) Jo. Japart.
Vray Dieu qui me confortera Anonyme.

MORCEAUX A TROIS VOIX.

Adieu fillette de regnon (renom) Anonyme.


Aies mon cor Alexander ( Agricola ?)

(1) Chansons iln qniir.il me siècle, G. Paris, p. 7 (assez semblable).


(2) Dans les Chansons du quinzième siècle, G. Paris donne trois versions de celle-ci, aucune
n'est semblable à la nôtre. — On trouve aussi cette chanson dans J. Gero (déjà cité), l'air est

antre.
PREFACE.

Aies regrez Hayne.


Aies regrez Agricola.
Aima redemptoris Anonyme.
A qui diraige mes pensées Anonyme.
Avant, avant (In subdiatessaron) Anonyme.
Ave anciîla Trinitatis Brumel.

Basies moy (1) (Fuga in diatessaron) Asel (2).


Belle sur toutes (la partie de contra chante : Tota
pulchra es) Agricola.
Benedictus Yzac.

Cela sans plus Josquin.


Chanter ne puis Compère.
Circumdederunt (voy. L'heure est venue) Agricola.
Comme feme Agricola.
Corpusque meus Agricola.
Crions novel Compère.

D
De tous biens playne Bourdon.
De tous biens playne Ghiselin.
De tous biens playne Anonyme.
De tous biens playne Anonyme.
Disant adieu, Madame Anonyme.

E
En amours que cognoist Brumel.
Est-il possible que lhome peult Anonyme.

F
Favus distillons Ghiselin.

Cl) Voyez manuscrit Je Bayeux. 101 e chanson.


(2) Inconnu.
.

xvm PREFACE.

Fortuna dun gran tempo (1 ) Anonyme.


Fortuna per ta crudelte Vincinet (2).

G
Garissez moy Compère.
Gentil prince Anonyme.

H
Ha traitre amours J. Sthokem
Helas Yzac.
Helas Tinctoris.
Helas hic moet my liden Ghiselin.

J
Jay bien haver (:>) Agricola.
Je despite tous Brumel.
Je nay dueul (voy. Vostre ajamays) Ghiselin.
Je vous emprie Agricola.
Joli amours Ghiselin.
Joli amours C. de "Wilder.

L
La Alfonsina Ghiselin.
La Bernardina Josquin.
La hault Daleniagne Mathurin.
La Morra Tzac.
La plus des plus Josquin.
La regrettée Hayne.
La Spagna Anonyme.
La Stangetta (4) Anonyme.
Le corps (le contra chante : Corpwque meus) Compère.
Le grant désir (ô) Compère.
Le renvoy Compère.
Le serviteur Hancart.

(1) Fortuna d'un gran tempo se trouve avec le nom de Josquin dans la brochure de IL C.ue-
lani, ainsi que dans il. Vernarecci.
(2) Xon cité.
(3) En comparant avec Catelani, il y a ici un interrertissernent entre Jay bien haver et la

chanson Puisque de vous, l'un se trouve à la place de l'autre.


( t) M. Catelani donne cette pièce avec le nom de Uuerbecn, sans doute Overbeck ; point de
renseignements sur ce compositeur.
(5) Chansons du, quinzième siècle, G-. Paris, p. 138; Man. de Baveux bien plus semblable,
-
.

PREFACE.

Le serviteur Anonyme.
Le serviteur J. Tadinghen.
Les grans regres Anonyme.
Leure est venue (le contra chante: Circumdederunt
me ) Agricola.
Lomme bani Agricola.
Lomme f eme Agricola.

M
Ma bouche rit Okenghem.
Madame helas Anonyme (1).
Mais que ce f ust (_') Compère.
Maie bouche (le contra chante Circumdederunt me) : Compère.
Malor me bat Okenghem.
Margueritte Anonyme.
Ma seule dame Anonyme.
Mater patrîs Brumel.
Me doibt Compère.
Mes pensées Compère.
Mon souvenir Anonyme.

Or sus, or sus bovier (In subdiatessaron) Bulkyn.


O Venus Bant Josquin.

Pensif mari J. Tadinghem.


Puisque de vous (3) Anonyme.
Pourquoy tu fist ceste emprise Anonyme.

R
Royne de fleurs (4) Alesander.
ïtoyne du ciel (le contra chante : Regina célï) Compère.

( 1 ) Cette chanson est indiquée par M. C'atelani avec le nom de Josquin ; notre exemplaire ne
porte pas de nom.
(•_») Man. île Bayeux, 74 e chanson.
(3) Chansons du quinzième siècle, G. Paris, p. 97.
(•1) Ibidem p. 56, et dans le man. Bayeux; l'air n'est pas le même.
.

PREFACE.

S
Se jay requis Ghiselin.
Se mieulx ne vient damour Compère.
Se mieulx ne vient damour Agricola.
Si ascendere in celum Nie. Craen.
Si a tort on ma blamee Anonyme.
Si sumpsero Obrecht.
Si vedero Alexander. (Agricola).

T
Tander naken ( I
) Obrecht.
Tender naken Agricola.
Tander naken Lacipide.
Tant ha bon oeul Compère.
Tartara Yzac.
Tous les regrets Anonyme.

U
Une maistresse Brumel.

V
Venes regres Compère.
Venus tu ma pris De Orto.
Yostre a jamays (le contra chante : Je nay dueuï). Ghiselin.
Vous dont f ourtune Anonym e.

W
Weit ghy Anonyme.

Les titres d'ouvrages et renseignements qui suivent


sont tirés de notre bibliothèque personnelle ; nous en
avons omis quelques-uns, très peu, qui ne semblaient
pas présenter un intérêt suffisant; il peut y avoir égale-

(1) Cette chanson paraît avoir inspiré bien des compositeurs du quinzième siècle. Luscinius
dans sa Musur-gia, page 38, parle d'un Tander naken de Hofhaimer.
PREFACE. xxi

ment des livres sur la chanson populaire, dont la pu-

blication ne soit pas venue à notre connaissance : nous


le regrettons, ce n'est pas faute d'avoir ouvert les yeux
et la bourse, mais on n'a jamais tout !

Le Recueil des plus belles et excellentes chansons en


forme de voix de ville, par Jehan Chardavoine, 1576,
doit être inscrit après Petrucci, quoique 75 ans les sé-
parent ; ce qui n'empêche pas ce petit livre, publié avec
des airs notés, d'être fort précieux pour l'histoire de la
chanson. Il renferme, il est vrai, principalement des poé-
sies de Philippe Desportes, quelques-unes de Ronsard et
de Remy Belleau, mises en musique, mais il s'y trouve

aussi quelques chansons populaires, comme Un jour ma-


dame Perrette, Mon mari est riche, Une jeune fillette de
noble cœur, C'est dedans Paris qu'il y a un homme,
Quand le gril' chante, La piaffe des filles, etc.

U Orchésographie de Thoinot Arbeau (Jehan Tabou-


rot), 1589, a de même le précieux avantage de renfermer
d'anciens airs de danse populaires notés, comme : Baisons-
nous belle. Si j'aymeou non, J'agmerois mieidx dormir,
le Trihorg de Bretagne, Cassandre (Vive Henri IV) et
bien d'autres.
Au dix-septième siècle, il faut chercher les chansons
dans les recueils manuscrits des Noëls de cour et des
Vaudevilles satiriques. Ce ne sont pas là de vraies chan-
sons populaires, mais des chansons de ville. A part leur
intérêt historique, fort exagéré, ces recueils nous ont
conservé d'anciens airs populaires, qui sans cela seraient
disparus pour la plupart ; la plus célèbre collection de
ce genre est celle de la bibliothèque nationale, le Recueil
Maurepas. Nous possédons une vingtaine de ces sortes de
xxii PREFACE.

volumes in-4° ou petit in-fol. dans lesquels on s'aperçoit


sans peine qu'ils sont pour la plupart copiés les uns sur
les autres.

On deux publications d'après Maurepas, l'une


a fait
d'elles a même des images; elles sont aussi incomplètes

l'une que l'autre, puisque les airs manquent à toutes


deux.

Recueil dit Maurepas, pièces libres, chansons, etc. sur des personnages des
siècles de Louis XIV et Louis XV ; Leyde, 1865. Six volumes in-12. Pas
d'airs.

Recueil Clairambault- Maurepas, chansons historiques du dix-huitième siècle;


Paris, 1884. Dix vol. in-18. Pas d'airs.

Mentionnons encore :

Recueil général de toutes les chansons Mazarinistes et avec plusieurs qui


n'ont point estées chantées ; Paris, 1649. In-4°. Pas d'airs notés.

Recueil complet de vaudevilles qui ont été chantés à la Comédie française de-
puis Vannée 1659 jusqu'à Vannée présente 1753; Paris, in-8°. 179 pages
d'airs gravés.

Ce n'est qu'avec le commencement du dix-huitième


siècle, en 1703, que les Ballard publièrent une série de
petits volumes, renfermant des chansons populaires :

les Brunettes, dont chacun des trois volumes est suivi


de douze chansons à danser, ces dernières à peu près ex-
clusivement empruntées au répertoire du peuple; la

Clef des chansonniers, deux volumes, avec 300 airs po-


pulaires et vaudevilles, dont le texte a été malheureu-
sement raffraîchi selon le goût du jour ; Bondes et airs
à danser, deux volumes où le texte a été également so-
phistiqué par-ci par-là.
Nous ne parlons pas des airs de cour publiés par Pierre
PREFACE. xxin

Ballard au commencement du dix-septième siècle, leur


titre indique suffisamment qu'ils n'ont rien à faire avec
la chanson populaire.
Pour les anciens vaudevilles on pourra consulter :

Théâtre italien de Gherardi ; Paris, 1700, ou l'édition de 1741. Six vol.


avec airs.

Nouveau théâtre italien. Paris, éditions de 1733 et de 1753. Dix vol. avec
les airs.

Théâtre de la Foire ; Paris, 1737. Dix vol. avec airs notés.


Les Œuvres de Dvfresny ; Paris, 1747. Trois vol. avec airs notés.
Les Œuvres de Vadé; La Haye, P. Gosse, 1760. Quatre vol. avec airs.

Théâtre de 31. Favart; Paris, 1763. Dix vol. avec airs.

Théâtre dePanrtard ; Paris, 1763. Quatre vol. avec airs.

Supplément aux parodies du Théâtre italien, 1765. Trois vol. avec airs.
Le Théâtre de Boissy ; Paris, 1766. Neuf vol. avec airs.
Le Théâtre de société (Collé), Paris, 1777. Trois vol. avec airs.

Nous avons tâché de classer par dates de publication


les ouvrages suivants, sans avoir pu y réussir complète-
ment.

B. de Roquefort. — De l'état de la poésie françoise dans les douzième e

treizième siècles (Suivi d'un petit Essai sur la chanson) ; Paris, 1821. In-8°.
De la poésie en France, par M. Vaultier. Deux fascicules in-8° ; 1834 et
1840.
Six anciennes chansons françaises, recueillies par M. H. ; sans lieu, 1835
In-8°.
Essai sur la vie et les ouvrages du R. Daire, par M. Cayrol ; avec les èpi-

tres farcies telles qu'on les chantait dans les églises d'Amiens cm treizième
siècle; Amiens, 1838. In-8°. Notations.

Barzaz-Breiz. Chants populaires de la Bretagne, par Th. Hersart de la


Villemarqué; Paris, 1839. Deux vol. in-16. Airs.
Adrien de la Fage. —
De la chanson considérée sous le rapport musical.
Paris, 1840. Br. in-8°.
Recueil de chants historiques français depuis le douzième jusqu'au dix-huitième
siècle, avec des notices, par Leroux de Lincy; Paris, 1841 et 1842. Deux
vol. in-18°. Pas d'airs.
xx IV PREFACE.

Volksbilder aus der Bretagne (Images populaires de la Bretagne), par A.


Keller etE. de Seckendorff; Tubingue, 1841. Pet. in-8°. Quelques airs

notés.
Chanson historique de Janne d'Arc. —
Chanson nouvelle de Montgommery
(1574). —
Chansons historiques deMM.de Cinq Mars et De Thou (1642),
etc. Réimpressions faites à Chartres en 1842. Br. petit in -8°.
Geschichteder altfranz'ôsischen national-Literatur, etc. {Histoire de V ancienne
littérature nationale des Français, depuis l'origine de la langue jusqu'à
François ier), par Jules-Louis Ideler ; Berlin, 1842. In-8".

Edélestand du Méril. — Poètes populaires latines antérieures au dou-


zième siècle; Paris, 1843. In-8°.
Id. Poésies populaires latines du moyen âge ; Paris, 1847. In-8°.

Chants et chansons populaires de la France; Paris, 1843. 3 vol. in-8°, pu-


bliés par Du Mersan. Illustrations et airs notés.

Chansons nouvelles en provençal (composées vers 1550) ; Paris, 1844. Br.


in-8°.

Chansons et airs populaires duBéarn, recueillis par Frédéric Rivarès; Pau,


1844. —2 e
éd., 1868. In-8°. Airs avec accompagnement.
Choix de chansons et poésies wallonnes (pays de Liège), recueillis par
MM. S. et D.; Liège, 1844. In-8°. Airs notés.
Notice sur la chanson en France, par M. F. Pixox ; Reims, 1845. In-8°.
Adam "Walther Strobel. — Franzôsische-Volksdichter (Les poètes popu-
laires français) ; Bade, 1846. In-8°.
Chansons et rondes enfantines, recueillies par Du Marsan; Paris, 1846. Airs.

In-18. Une autre édition parue en 1858 avec des illustrations, mais sans
airs. In-8°.

Du Vaudeville; discours prononcé à l'Académie de Lyon par M. Claude


Brossette (en 1727), édité par A. Kuhnholtz; Paris, 1846. In-18.
Cris de Douai, feux de la Saint- Jean, etc., par M. Duthilloeul ;
Douai,
1850. Br.in-8°.
Voceri, chants populaires de la Corse, etc., par A. L. A. Fée ;
Paris, 1850.
In-8°, avec quatre airs notés.

Poésies béarnaises, avec la traduction française, lithographies et musique,


E. Vignancour, 2e édit. ; Pau, 1852. In-8°. (Bécherelle.)
Les Jeux chez tous les peuples du monde (avec des chansons), l re série,

seule publiée ; Paris, 1852. In-8°.


Histoire des livres populaires, depuis le quinzième siècle jusqu'en 1852, par
M. Charles Nisard; Paris, 1854. 2 vol in-8°. Fig.
Poésies populaires de la Lorraine. Publication de la Société d'archéologie
Ion-aine; Xancy, 1854. In-8°. Airs.
PREFACE. xxv

Chants historiques de la Flandre (400-1650) recueillis par Louis de B;eker;


Lille, 1855. In-8°. Pas d'airs.

Bibliothèque oibliophilo-facétieuse, éditée par les frères Gébéodé, chansons


historiques et satiriques sur la cour de France; sans lieu, 1856.
In-12.
Chants populaires des Flamands de France, avec les mélodies originales, par
E. deCodssemaker; Gand, 1856. Gros in-8°.

Esquisses historiques sur les feux et les chants de Noël et de la Saint- Jean,
etc., par M. Renault; Coutances, 1856. In-8°. Sans airs.

Étude sur la poésie populaire en Normandie, et spécialement dans VA-


rranchin, par Eugène de Beaurepaire; Avranches, 1856. In-8°.
Jeux et exercices des jeunes filles, par M me de Chabreul, Paris, 1856. In-18.
Airs notés.
Recueil des noëls composés en langue provençale, par Nicolas Saboly, édition
avec les airs, publiée par F. Seguin. Avignon, 1856. In-4°.
Six chansons popul" i rr s de VAngoumois, recueillies par Eusèbe Castaigne ;

Angoulême, 1856. Br. in-8°. Airs.

La Bible des noëls, étude bibliographique et littéraire par Charles Ribault


de Laugardière Paris, 1857.
; In-8°.

Chants historiques et populaires du temps de Charles VII et de Louis XI,


publiés par Le Roux de Lincy, 1857. In-18. Pas d'airs.
Légendes, contes et chansons populaires du Morbihan, recueillis par le doc-
teur Alfred Fouquet Vannes, ; 1857. In-18. Airs.
De la tonalité du plain-chant comparée à la tonalité des chants populaires de

certaines contrées, etc., par M. Auguste Le Jolis ; Paris, 1859. Br. in-8°.
Airs.
Etude sur les chants populaires, en français et en patois, de la Bretagne et du
Poitou, par Armand-Guéraud Nantes, ; 1859. Br. in-8°.
Fragments d? histoire littéraire à propos d'un nouveau manuscrit de chansons
françaises, par M. Louis Passy; Paris, 1859. In-8°.
Chansons populaires des provinces de la France, notices par Champfleukv,
airs notés avec accompagnement de piano par J. B. Weckerlin ;
Paris,

1860. In-8° illustré.


Notes pour l'histoire de la chanson, par V. Lespi; Paris, 1861. In-8°.
Chants populaires de la Provence, recueillis et annotés par Damase Arbaud;
Aix, 1862-1864. Deux vol. in-12. Airs notés.

Chants populaires du pays Castrais, par Anacharsis Combes; Castres,


1862. Pet. in-8°. Pas d'airs.
La Muse pariétaire et la muse forcdne, ou les chansons des rues depuis quinze
ans, par Charles N isard; Paris, 1863. In-8°. Pas d'airs.
XXVI PREFACE.

Chants et chansons populaires du Carabrêsis, avec les airs notés recueillis par

A. Durieux et A. Bruyelle, 1864. In-8°. Un second volume a été publié


par M. Durietjx quelques années plus tard.
Chansons populaires du Canada, recueillies et publiées, avec annotations
par Ernest Gagxox Québec, 1865; 2 e édition 1880. In-8°. Airs
;

notés.
Chants populaires recueillis dans te pays messin, par le comte de Puymai-
gre; Paris, 1881. Deux vol. in-18. Airs notés. La l rc éd. est de 1865.
Noëls et cantiques imprimés à Troyes depuis h dix-septième siècle jusqu'à nos

jours, etc., par Alexis Socard; Troyes, 1865. In-8°. Pas d'airs.

Chants et chansons 'populaires des provinces de V Ouest, Poitou , Saintonge


Aunis et Angoumois, avec les airs originaux, recueillis et annotés par
Jérôme Bujeaud; Niort, Clouzot, 1866. Deux vol. in-8°.

Chansons populaires de France. Edition du Petit- Journal, 1866. Deux vol.

in-12, l'un contenant les airs notés.


J.-B. Weckerlix. — Histoire de la chanson. Dans les Bulletins de la So-
er
ciété des compositeurs de musique. 1 vol., Paris, 1866. In-8°. Notations.
Des chansons popidaires chez les ancienset chez les Français, etc., par Char-
les Nisard; Paris, 1867. Deux vol. in-18. Pas d'airs.

Poésies populaires de la Kabylie du Jurjura, texte kabyle et traduction par


le colonel A. Hanoteau. Notice et airs notés par F. Salvador Daxiel ;

Paris, imprimerie impériale, 1867. Gr. in-8°.


Chants popidaires de la Basse-Bretagne, recueillis et traduits par F. M.
Luzel; Lorient, 1868. Deux vol. in-8°. Pas d'airs.

Littérature populaire de la Gascogne, etc., par Céxac Moncaut; Paris, 1868.

In-18. Airs notés.


Chansons héhrciico-proveixcales des juifs comtadins, réunies par E. Sabatier
Nîmes, 1874. In-12.
Chants popidaires du pays basque, paroles et musique originales, recueillies
par J. D. J. Sallaberry; Bayonne, 1870. In-8° ;
accompagnements par A.
Dotterei:.
Fêtes et chansons popidaires du printemps et de l'été, par J. B. Weckerlix ;

Paris, 1874. ln-8°. Airs notés.

Les Noëls de Jean Daniel, dit maître Mitou (1520-1530), précédés d'une
étude sur sa vie et ses poésies, par Henri Chardon; le Mans, 1874.

In-8°.

Cantiques bretons, hymnes et légendes pieuses, transcrits pour V orgue, par


Charles Collin ; St-Brieuc, 1876. Deux vol. in-8° (pas de texte).
( hansons en patois roxgien, recueillies et annotées^ax Louis Jouve, avec tin

glossaire et la 'musique des airs; Epinal, 1876. In-8°.


PREFACE. xxv u

Rondes ei chansonspopulaires illustrées., avec musique et accompagnement, par


Vebrimst; Paris, 1876. In 8°.

Chants populaires messins, recueillis dans le rai de Metz en 1877, par Nérée
Quépat ; Paris, 1878. Pet. in-8*. Pas d'airs.

( 'olleeUon de vieilles chansons (spécialement de Puy-1'Bvêque), recueillies


par M. Daymard; Cahors, 1878. In-8", sans airs. (Ces derniers m'ont été
envoyés manuscrits.)
Noeh de Jehan Chaperon, dii le lassé de repos, publié par Emile Picot ;

Paris, 1878. In-12. Pas d'airs.

Rolea,divisi in beacot dépecés ov l'universeou Poetevinea, etc. (chansons poi-


tevines rééditées à Niort, 1878. Pet. in-8°. Pas d'airs).
Les mélodies populaires de la France, paroles, musique et histoire, publiées

par Anatole Loquin ;


Bordeaux, 1879. In-8°.
Poésies populaires en lamine française, recueillis dans l'Armagnac etl'Age-
nais, par M. Jean François Bladé. Paris, 1879. In-8°. Airs.

Les réjouissances du main de mai en Bourgogne, par Clément JaniN; Dijon,


1879. Br. in-18.
Chants populaire* du Languedoc, publiés sous la direction de MM. Achille
M> ixtel et Louis Lambert; Paris, 1880. In-8°. Airs notés.
Chants et chansons de jeunes filles, recueillis et revus par Etienne Docret ;

Paris, 1880. Trois séries in-12. Airs notés.

Chansons et lettres patoises Bressanes, Bugeysiennes et Dombistes, arec une


étude sur le patois du pays de Gex et la musique des chansons, par Phili-
bert le Duc; Bourg en Bresse, 1881. Pet. in-8°.
Poésies populaires de la Gascogne par M. Jean-François Bladé ;
Paris.

1881, 3 vol. Pet, in-8°. Airs notés.


Chants populaires du Lyonnais. Rapport de M. Emile Guinet; Lyon, 1882.
Br. in-8°.
Chansons populaires de V Alsace, par J.-B. Weckerlin; Paris, 1883. Deux
vol. petit in-8°. Airs notés.
Charles Guillon. — Chansons populaires de l'Ain; Paris, 1883. Grand
in-8°, avec illustrations et airs notés.

Rimes et jeux de l'enfance, par E. Rolland; Paris, 1883. Petit in-8°. Airs

notés.

Lucien Decombe. — Chansons populaires recueillies dans le département

d'Ille-et-Vilaine ; Rennes, 1884. In-12. Airs notés.


Vieilles chansons et rondes pour les petits enfants, par Cn. WlDOR; Paris,
1884. In-4°obl. Illustrations et airs notés.
Chansons de France pour les petits Français, par J.-B. Weckerlin; Paris,

1885. In-4° obi. Illustrations et airs notés.


xxviii PREFACE.

Chansons et ballades populaires du Valois, recueillies par Gérard de


Nerval, tiré de ses œuvres par A. Loquin; Paris, 1885. Brochure
in-8°.

Chansons et rondes enfantines, par J.-B. Weckerlin ; Paris, 1885. In- 8°


Illustrations et airs notés.
Nouvelles chansons et rondes enfantines, par J.-B. Wkckerlix ; Paris, 1886.

In-8°. Illustrations et airs notés.

PUBLI CATIONS SANS DATES.

Album auvergnat, par J.-B. Bouillet ; Moulins. In-8°, avec illustrations et


chansons notées.
Bourrées et montagnardes (de l'Auvergne) transcrites pour le piano par
Edmond Lemaigre Clermont-Ferrand.
; In-8°.

Braga Sammltjng. — Airs populaires des pays de V Europe, notés avec


accompagnement et publiés par 0. L. B. Wolff. Bonn. In -8° (Douze
airs français).

Chansons de la révolution. 3 vol. in-8°. Kecueil factice des feuilles volantes


du temps, avec les airs.

Chansons de nos grand'' mères, par A. Godet; Genève. In-4°. Airs notés.
Chansons nationales et populaires de France, accompagnées de notes histori-
ques et littéraires par Dumersax et Noël Ségur ; Paris. 2 vol. in-8°. Pas
d'airs, mais des illustrations.
Classique populaire. Recueil de 100 airs populaires, etc.; Eouxel ; Paris ,

Br. in-8°.
La Fleur des chansons populaires ; Paris. In-8°. Illustrations, sans airs notés.
Recueil de chants royalistes (avec les airs); Angers.
Recueil de rondes avec jeux et de petites chansons, par Ch. Lebouc. Br.
in-8°. Airs.

Soixante-cinq chansons des rues, en dialecte breton. Recueil factice. In-12.


Six airs béarnais les plus populaires, avec le texte primitif, par Paravel ;

Pau. In-8°.

On voit que la liste, même incomplète, des ouvrages


publiés en France sur la chanson populaire est déjà pas-
sablement respectable. Il est cependant un côté (le plus
PREFACE.

intéressant selon nous) resté constamment dans l'ombre,


c'est le côté musical : aussi est-ce lui qui fera l'objet
principal de cette étude. Nous ne parlerons qu'incidem-
ment des usages du peuple, notre projet étant d'é-
crire un volume spécial sur l'histoire des mœurs et
usages populaires d'après les chansons, ce sujet pré-
sente suffisamment d'intérêt pour être traité à part.
En France la chanson affecte trois caractères diffé-
rents, bien distincts :
1° La chanson populaire. 2° La
chanson de ville (noëls de cour, vaudevilles). — 3° La
chanson artistique.

Les Allemands ont, comme nous, la l


re
et la 3° ca-
e
tégorie, mais leur 2 diffère essentiellement de la nô-
tre, car ils ont en place une chanson forme populaire
{volksihiïmlich) ,
c'est-à-dire calquée par un poète sur
la forme populaire, et que le peuple adopte généra-
lement sans connaître le nom de l'auteur. Il ne faut
pas confondre cette espèce de chansons avec nos tur-
lutaines de cafés-concerts ,
que le peuple braille sur les

boulevards; ce sont au contraire de vraies chansons


populaires comme fond, mais d'une forme plus correcte
que celle des anciennes chansons, et souvent aussi plus
musicales. Ces chansons (forme populaire) sortent évi-
demment d'un milieu où. l'éducation a été plus avancée
que dans la grande classe du peuple, or dans le nombre
il y en a de charmantes.
Il serait sans doute inutile d'engager nos jeunes com-
positeurs à tenter cette voie, en créant en France un
genre de composition qu'elle ne possède pas ; le tourbillon
musical actuel ne semble nullement pousser de ce côté-
là notre jeune école de l'avenir.
PREFACE.

Jusque dans ces derniers temps, on attribuait aux


compositeurs du quinzième et du seizième siècle, la
part entière de leurs compositions à plusieurs voix, c'était
aussi le cas pour les psaumes de Marot ; on sait main-
tenant qu'il n'en était pas ainsi, et que ce qu'on appelait
componere signifiait harmoniser un thème existant déjà.
Il ne faut cependant pas prendre cela pour une vérité ou
une règle sans exception, et dénier aux anciens compo-
siteurs l'invention de toute mélodie autre que les chants
populaires : des maîtres comme Josquin des Prés ou
Orlando de Lassus et bien d'autres n'avaient pas besoin
de chercher leurs chants autre part que dans leur ima-
gination; cela est si vrai que bien des fois, quand 'ils in-

diquent un de leurs morceaux sur un dicton populaire,


ilsy mettent une mélodie à eux et ne s'occupent pas de
l'ancien air populaire. En un mot, tous n'avaient pas
l'habitude de se servir des chants populaires comme d'un
espalier, pour y accrocher et faire filer leur musique,
comme l'a dit un écrivain allemand.
La récolte des chants populaires a été de tout temps
un travail long et fatigant, heureusement qu'il existe

encore de braves chercheurs qui, le sac au dos, vont à la


découverte de ces chansons, et s'égarent dans les villages
les plus isolés de la plaine immense ou sur les hauteurs
les moins visitées par les voyageurs, mais où quelques ca-
banes, quelques métairies sont plantées au coin d'un
bouquet d'arbres. C'est dans ces cachettes-là qu'il faut

souvent aller chercher la chanson populaire, car elle se

garde bien de venir à vous, mais se dérobe le plus qu'elle


peut à vos recherches. Et puis, quand on est parvenu à
découvrir un de ces nids où l'on chante encore, que de
PREFACE.

précautions à prendre pour ne pas effaroucher les chan-


teuses, qui d'abord déclarent toujours qu'elles ne se rap-
pellent plus rien, qu'elles ont oublié tout, ou à peu près ;

par exemple on ne prétexte jamais un rhume , cette ex-


cuse est inconnue. Ce n'est qu'après connaissance faite,
et même souvent après qu'on a chanté soi-même d'abord
auelque production du pays ou des environs que les chan-
teuses prennent courage et finissent par se désintimider.
Une fois en train, par exemple, elles vous en chantent,
elles vous en dégoisent au point qu'on ne sait plus com-
ment les arrêter et qu'on est obligé de préparer, ruminer

quelque bonne raison honnête pour les faire taire. Il en


était ainsi dans notre jeune temps, devenu maintenant le

temps passé.
Aujourd'hui, quel changement!
Grâce à la facilité des communications, où sont-ils ces
pays sauvages et primitifs, qui ont gardé leur ancien
langage et la tradition des mœurs de leurs pères? —
L'autre semaine il y avait encore un de ces villages ou-
bliés et difficiles d'accès, mais le samedi soir il y est
arrivé deux ou trois gas des faubourgs de la ville, avec
leur répertoire guilleret et osé, dans la gaie tonalité mo-
derne, et déjà les vieux chants n'osent plus se faire en-
tendre, les chanteurs ou les chanteuses sont devenus
timides devant ces chansons vivantes, pimpantes, même
étourdissantes, et si les chanteurs de la ville persistent à
habiter là pendant quelque temps, les anciens airs auront
complètement disparu avant la fin de l'année.
LA

CHANSON POPULAIRE

CHAPITRE PREMIER.

coup d'œil général sur la chanson.

« La poésie primitive vivait dans l'oreille du peuple, sur


les lèvres des chanteurs ; elle transmettait l'histoire, les mys-
tères, les merveilles ; c'était en quelque sorte la fleur carac-
téristique des peuples, conservant leur langue, leurs mœurs
et initiant les peuples futurs aux mœurs, aux passions, aux
sciences, aux arts, ou plutôt aux occupations de leurs

aïeux (1). )>

De même que nous devons aux rhapsodes ce qui nous reste


des poésies de la Grèce antique, de même la plupart des an-

ciennes chansons populaires françaises que nous possédons, ont


été transmises oralement par les chanteurs populaires.

Il faut bien convenir que les langues mortes ont un immense


avantage sur ce que nous appelons les langues vivantes, les

premières n'ayant pas été sensiblement altérées ; nos chansons


anciennes au contraire, transmises oralement d'âge en âge, ont
subi non seulement les transformations de la langue, mais se
sont encore revêtues presque toujours du costume et des formes

(1) Herder, Stimmen der Vôlker in Liaient. (Les vois des peuples en chan-
sons), p. 7.
I
2 LA CHANSON POPULAIRK.

plus modernes, des mœurs du jour... les chanteurs ne connais-


sant plus la signification des anciens termes, ou corrompus ou
disparus.
On ne peut affirmer comme authentique que ce qui est

écrit ou imprimé, encore sommes-nous astreint, la plupart du


temps, à prendre comme point de départ la date du manuscrit

ou de l'impression. Clément Marot a beau nous donner une


édition des œuvres de Villon, la langue est déjà rajeunie et ce
n'est plus le texte primitif.

Dans la transmission orale, les moyens de vérification sont

difficiles : on pourra recueillir de nombreuses versions, diffé-


rentes les unes des autres, sans toujours savoir exactement
quelle est la plus authentique.
La forme du chant populaire ne suit pas des règles fixes.
Ces pièces sont composées quelquefois par plusieurs chanteurs,
qui travaillent en commun, et ne connaissent aucune loi de pro-
sodie ni de versification.
La rime est rarement absente totalement, quoiqu'elle ne soit

pas bien riche et qu'elle se présente le plus souvent à l'état de


simple assonance, mais le peuple s'en contente. Chaque ligne
ou chaque vers forme habituellement un sens et se termine
par un repos : cette particularité est d'ailleurs commandée par
la mélodie, qui n'a que des phrases courtes, comme le sont gé--
néralement celles qui ont été faites en dehors de tout accom-
pagnement ou de toute harmonie soutenant l'haleine du com-
positeur. Herder nous dit que le noble art du poète, malgré
les imperfections citées, c< va se régénérer dans les chants du
peuple, où. d'ailleurs il a pris naissance. Le peuple n'est pas
celui des rues, qui chante et ne crée jamais, mais qui crie et
estropie. »

Les sujets dont s'occupe la chanson populaire sont puisés


dans la vie et le centre d'activité du peuple même. Son caractère,
ses superstitions, ses légendes, ses aspirations, tout cela s'y fait
LA CHANSON POPULAIRE. ;{

sentir : l'amour remplit une bonne partie des chants popu-


laires (1).

Les chansons descriptives ont un intérêt véritable pour l'his-

toire, car ce sont des détails pris sur le fait, et non le produit de
l'imagination, comme c'est le cas pour les poètes et souvent
même pour les historiens.

Les chansons satiriques sont généralement très crues dans


l'expression et dans la pensée. Les chansons gaillardes, surtout
celles du seizième et du dix-septième siècle, ne manquent ni de

verve ni d'esprit... gaulois.


Les chansons populaires d'un pays expriment mieux son type,
sa physionomie spéciale, ses rythmes particuliers, caractéristi-

ques, que la musique des compositeurs de ce même pays, parce


que l'art étant universel, ne peut avoir comme type tel ou tel

pays, tandis que la chanson du peuple reste circonscrite dans


un rayon, déterminé généralement par la même langue ou le

même dialecte.

La France est le royaume de la chanson, car le Français naît

chansonnier. Adrien de La Fage développe ainsi cette vérité :

« Le peuple saisit merveilleusement le caractère spécial des chan-

sons, et c'est lui qui eu fait vraiment le succès ; il n'intervient pas

habituellement dans le jugement du public sur les opéras et les

autres compositions analogues, mais la chanson, elle, est essen-

tiellement de son domaine; il s'en empare, c'est sa consolation,

c'est son bien, c'est son droit; il jouit de la chanson comme de


l'air qu'il respire, comme du soleil qui l'éclairé et le réchauffe. »

Notre définition, un peu moins enthousiaste, est celle-ci : la

chanson est la forme littéraire et musicale la plus ancienne, elle

est née avec l'homme. Ce fut d'abord uue mère qui trouva quel-

(1) D'après Plutarque, les Grecs avaient une sorte de chanson qui nous est restée
inconnue; ce sont les lois chantées, les nomes. Nous avons fort envie de croire que
ces lois étaient tout simplement rythmées, et pouvaient être déclamées comi
vers, mais non chantées.
4 LA CHANSON POP CLAIRE.

ques notes du cœur pour endormir son enfant (1), puis la tris-

tesse aussi s'exhala dans un chant, car on a dû chanter dans la

douleur avant de chanter dans la joie : c'est l'humaine destinée.


Les temps bibliques comme ceux de l'autiquité païenne ont

eu leurs chants, qui ne nous sont point parvenus, mais Job


se plaint déjà des chansons qu'on faisait sur lui (2). Ce que la

tradition orale nous a conservé de plus ancien, ce sont les


psaumes de David; on trouve aussi quelques chansons des an-
ciens Hébreux dans les Nombres; ainsi au chapitre 21, verset 17,

il ya la chanson du Puit* qui monte :

Le puits monte,
Chantez tous ainsi,

Le puits qu'ont creusé les chefs,


Qu'ont préparé les princes du peuple
Pour les législateurs,

Pour les guides :

Le puits monte,
Chantez tous ainsi.

Il existe également trois ou quatre mélodies grecques, on les

trouve dans tous les dictionnaires de musique ; elles ne sont pas


de nature à avoir eu la moindre influence sur la musique an-
cienne, encore moins sur la moderne.
Le peuple romain ne fut guère chanteur, il avait cependant

(l) On auteur allemand, J. H. Buttstedt, dans un livre avec ce titre bizarre : ut

re mi fa sol la, tota musica et harmonia alterna, 1714. a été jusqu'à publier la ber-

ceuse qu'Eve a dû chanter à son premier né, Caïn :

M
Su. se,
msu . se, su.
&se, su.se, su.se,
f^W^F^
mm su.se lie.bes Kin.de.lein,
m^m^
su.se, su.se
ne in eorum canticum versus sum, et/actussum
( 2) \ >i
eis in proverbium. Chap. XXX.
verset Û.
I.A CHANSON POPULAIRE. 5

ses exclamations satiriques aux triomphes, ses chansons de


table et ses nenies aux funérailles; il ne nous reste de ces sortes
d'improvisations que quelques bribes d'exclamations poussées
par les soldats au triomphe de Jules César, comme :

Urbani servate uxores : raœchum calvum adduccimus,

on bien :

Calvus, adulteriis plaudite, Cœsar adest.

En entrant dans le domaine de l'histoire, nous voyons, d'après


Tacite (premier siècle de l'ère chrétienne), que les anciens peu-
ples du Nord, longtemps avant leur première invasion dans les

Gaules, avaient des chants en l'honneur des dieux et des héros,


sans doute des hymnes et des chants de combat.
Jornandès, l'historien des Goths (sixième siècle), nous ap-
prend qu'ils avaient des chants populaires, et cite un chant fu-
nèbre sur la mort d'Attila. Paul Diacre, de son côté (huitième
siècle), parle dans le même sens des Lombards, qui possédaient
plusieurs chansons sur le roi Alboin.
Il est hors de doute que tant que le peuple a compris le latin,

les hymnes et les proses de l'Église faisaient partie de son ré-


pertoire habituel ,
qu'il les chantait fréquemment hors de
l'église : beaucoup d'anciennes séquences ont des sortes de voca-
lises {alléluias) qui peuvent fort bien être des variantes prove-
nant de source populaire, et passées dans la liturgie ancienne.

Edelestand Du Méril cite entre autres pièces un charmant noël :

Dormi, fili, dormi! mater


Cantat xmigenito :

Dormi puer, dormi pater !

Nato clamât parvulo :

Millies tibi, laudes canimus,


Mille, mille, millies, etc. (1).

(1) E. Du Méril, Poésies populaires latines, antérieures au douzième siècle, p. 110.


6 LA CHANSON POPULAIRE.

Mais à côté de ces chants pieux, le peuple avait aussi ses


chansons profanes, grivoises même, qu'il produisait jusque dans
le sanctuaire, à l'occasion des agapes, premières occasions de
réunion, lors des fêtes de l'année, des pèlerinages, etc.
Nous voyons déjà par un blâme émané d'un concile du sep-
tième siècle, tenu à Châlons, qu'aux dédicaces des églises et
aux fêtes des martyrs il se formait de très nombreuses réu-
nions de femmes, pour chanter des vers impies et obscènes;
« les prêtres doivent les empêcher de se placer dans le centre des

églises, ou auprès des portiques, ou sous les porches (1) ».

Au huitième siècle, on interdit aux religieuses de copier ou


de répandre des chansons d'amour ; à cette même époque le

clergé défend aux Saxons leurs chants ou invocations du diable,

restes de coutumes païennes.


On sait par Eginhard que les poèmes antiques et barbares

(germains), dans lesquels les actions et les guerres des anciens


rois étaient célébrées, furent écrits par ordre de Charlemagne,
pour être transmis à la postérité : Item barbara (germanicd) et

antiquissima earmina, quibus veterum regum actus et bella cane-

banturj scripsit memoriœque mandavit (2).


On ne peut donner la date exacte de l'apparition des mys-
tères, dont l'existence est déjà constatée au douzième siècle.

L'usage déjouer des miracles est antérieur à celui déjouer des


mystères; les premiers miracles joués remontent à la fin du

(1) Dictionnaire des mystères, par le comte de Douhet, p. 18.

(2) Ces poèmes populaires, vulgares cantilenae } gentilitia earmina, sont même anté-
rieurs au règne de Charlemagne ; ils se chantaient ordinairement durant les repas.

( Œuvres d'Ef/inhard, publiées par Teulet, 1. 1, p. 88).


A la fin du onzième siècle on réunit et l'on nota aussi, par ordre de la princesse
Constance, toutes les traditions qui se rapportaient au roi d'Angleterre Henri I er :

Ele en fist fere un livre grand


Le premier vers noter par chant.

(Poésies Intine:- du moyen âge, par Edelestand du Méril. p. 191.)


LA CHANSON POPULAIRE. 7

onzième siècle, d'après ce que Dons dit l'abbé De la Rue, dans


ses Essais historiques sur les bardes, tome I, p. 162. Le sujet

de ces drames religieux était généralement puisé dans la

Bible ou daus la Légende dorée ; on y joignait des proses ou


des hymnes de la liturgie de Noël, de l'Epiphanie, de Pâques
et de l'Ascension, époques où l'on exhibait ces singulières piè-
ces, qui furent l'origine du théâtre en France.
Les mystères dn douzième siècle étaient déjà un progrès, un
perfectionnement, une espèce d'organisation des rites figurés,

qu'on représentait dans les églises bien avant cette époque,


sous les formes les pins bizarres (1). Le peuple y tenait sa par-
tie ; ainsi, à la fin de l'office de Pâques dramatisé, dont M. Lu-
zarche a donné la musique en fac simule sur quatre portées,
d'après le manuscrit de Tours (douzième siècle), on chante
le Victimee paschali; pour terminer il y a Et chorus incipit altâ
l'oee : Te Deum laudamus. L'auteur de cette réédition de l'of-

fice de Pâques dit que ces représentations sont <(. l'expression


la plus populaire de la rivalité qui a toujours existé entre le

culte dominant et les plaisirs mondains, ils sont les derniers


anneaux de la chaîne qui rattache le théâtre, sous sa forme hié-
ratique, aux mystères du paganisme et aux cérémonies reli-

gieuses du monde ancien ».

La partie chantée dans les plus anciens mystères français est

toujours en latin, soit une prose ou un fragment de prose. Il

existait cependant dès lors des chansons en langage vulgaire, ainsi


que nous l'avons déjà remarqué; Mabillon cite plusieurs poètes

dn onzième siècle qui avaient composé des chansons erotiques


en langue vulgaire on appelait cela des chansons badines, leur
;

(1) Parmi ces fêtes on peut désigner : les Agapes, l'Alleluia, lafête de l'tiut'. du bœuf
Us câlines, le Défruit,l'Eptuspuor, les Innocents, /< Jeudi saint, le jour des merveilles,
lu procession 'In loup vert, l'obit de In bouteille, la procession de In Fête-Dieu d'Aix, la
procession tin hareng, la procession noire oVEvreux} laproce. lint-Pauïà Vienne,
les Sclaffards, In vache grise, etc.
8 LA CHANSON POPULAIRE.

titre indique le genre de sujets qu'elles traitaient, ou qu'elles


maltraitaient. Saint Bernard et Abeilard ont fait des chansons

badines dans leur jeunesse, d'après Bérenger de Poitiers, disci-


ple d' Abeilard.
Pour en revenir aux mystères, on lit dans celui de Saincte
Barbe : la femme de joie chante aucune chanson, et le diable est

avec elle, elle chante et puis boit.

Ce que chantait cette femme était évidemment quelque chan-


son jDopulaire, graveleuse comme on est en droit de le supposer,

mais les scribes (généralement des moines) ne daignaient pas


inscrire des pièces semblables, quoique ce fassent des chantres
d'église qui, concurremment avec les clercs et les moines, étaient-

chargés de la partie vocale et instrumentale de ces représenta-


tions. On trouve encore les indications suivantes : adoneques se
doit resonner une melodye en Paradis,

Tune simul cantant angeli :

lux beata Trinitas, etc.

Ou bien : adoneques doibt descendre Dieu de Paradis avec-


ques ses anges, en chantant le plus mélodieusement qu'il soit pos-
sible.

Ou encore : adoneques doivent monter Dieu et ses anges en


Paradis, chantant mélodieusement,

Tune cantant angeli simul :

Summe Deus clementiœ


Mundique factor machini, etc. (1).

On peut voir la musique de tout un mystère (texte latin),


celui de Daniel, dans le quatrième volume de la Reçue de
musique religieuse, publiée par M. Danjou. Il n"y a jamais de

(1) Le Mistere >/»/ vieil Testament, publié par le baron James de Rothschild, vol. I,

p. 9 i : suivantes.
LA CHANSON POPULAIRE.

morceau à plus d'une voix, mais quelques-uns sont assez pro-


longés. D'autres fois ce sont de petites répliques comme :

:*:

K( 1er. nu m vi vc

L'apparition des Flagellants, au treizième et au quatorzième


siècle, est encore une manifestation populaire, à l'occasion des
grandes pestes ; des cantiques ou des psalmodies accompa-
gnaient ces funèbres processions. Quelques auteurs allemands
croient que c'est là qu'il faut chercher l'origine des danses

des morts.
La chevalerie et surtout les croisades donnèrent à leur tour

une impulsion au chant populaire. La délivrance du saint sé-


pulcre enthousiasmait aussi bien le peuple que les chevaliers ;

cette idée donnait satisfaction en même temps à l'esprit guer-


rier et à l'exaltation religieuse de l'époque.
M. l'abbé Raillard a traduit, d'après les neumes (1), un chant
de la première croisade, que nous reproduisons. Il faut bien se

rendre compte qu'au onzième siècle l'enthousiasme musical,


quel qu'il fût, ne pouvait aller au delà du plain-chant.

£ £
I ru . sa . lem mi bi

£
Urbs be . a ti . or a Ii . is Quam

per . ma - tiens
r^rr op . (;

(1) Neumes, signes de notation musicale qui ont précédé la notation en notes
carrées du plain-chant.
10 LA CHANSON POPULAIRE.

gau . den . fi - bus te an . ge .


m
lis. (1.)

La célèbre chanson de Roland est un poème, une chanson


de geste qui n'a pas moins de dix-huit cents vers, même on
en a découvert une version de dix mille vers.
Nous n'avons jamais prêté grande confiance à cette fiction

poétique de Robert Wace, qui fait chanter Taillefer au moment


de la bataille de Hastings (106G).

Taillefer qui moult bien cantoit,


Sur un cheval qui tost alloit,
Devant le Duc alloit cantant
De Karlemaine et de Rolland
Et d'Olivier et des vassaux
Qui moururent en lionchevaux.

La plus formidable voix humaine n'aurait pu se faire en-


tendre au milieu des hurlements que poussaient les Normands
et les Saxons au moment d'en venir aux mains avec leurs en-
nemis. Bottée de Toulmon, dans sa petite brochure sur la
Chanson française, prétend même que Taillefer déclama des
fragments de la chanson de geste de Roland, ce qui est encore
beaucoup moins admissible.
A la bonne heure qu'on nous parle des soixante mille haut-
bois de Charlemagne : sonnez hautbois, sonnez tout ce que l'ost

en a. Sitôt soixante mille hautbois se mettent à sonner d'uneforce


que de toutes "parts les talions et les monts y répondent. (Chanson
de Roland.)
L'apparition des trouvères et des troubadours nous a toujours

(1) »( Jérusalem admirable,


Ville heureuse entre toutes,
Que tu es durable et souhaitable,
Tu fais la joie des anges. »
LA CHANSON POPULAIRE. 11

semblé un complément indispensable, inévitable de la chevalerie.

Le bagage poétique qu'ils colportaient dans les châteaux, déjà


au treizème siècle, se composait de pièces de vers faites pour un
auditoire spécial : ces pièces n'ont jamais passé dans les tra-

ditions populaires. C'étaient des sirventes (1), des ballades, des

rotruenges (2). des pastourelles, des rondeaux, des saints, des


complaintes, des fabliaux, des servantois (3), des dits, des
jeux-partis, etc. : enfin ces lais interminables, vrais contes chan-

tés, qui duraient plusieurs heures.


Dans la plupart de ces poésies, nos poètes chanteurs célé-
braient, glorifiaient l'amour et la chevalerie. L'éloge de la femme
retentit chez les troubadours français comme chez les Minne-
singer allemands (4) ; la beauté et les vertus sans pareilles des

châtelaines se mêlent, se confondent avec les invocations à la

Vierge, aussi exagérées dans leur expression que peu religieuses


au fond. Tous ces éloges de dames adorées et désadorées, ces

intendios, ces forfanteries de l'amour, toujours les mêmes, n'ont


pas laissé de traces dans le peuple qui n'en a rien connu, par
suite rien retenu, tout cela a passé par-dessus sa tête, et il ne
s'en est même pas douté (5).
Au point de vue musical les chants des troubadours n'ont rien
créé : nous dirions volontiers, pour nous résumer, que c'était du
plain-chant avec des paroles profanes. Certains rythmes exigés

(1) Les Sirventes n'étaient pas précisément des satires, niais plutôt des railleries,
allant jusqu'à des invectives lancées contre un baron qu'on voulait provoquer ou
exciter contre un autre.
(2) Les Rotruenges, chansons accompagnées avec la rote, instrument à archet
que l'abbé De la Eue irtdique comme étant d'origine celtique.
(3) Les Serventois avaient assez de rapport avec les Rotruenges.
(4) C'est là une preuve saillante que ce ne sont pas les croisades qui ont donné lieu
à cette phase de notre poésie, puisque en Orient la femme était, comme elle l'est

encore, dans un état voisin de l'esclavage.

(5) Dans les Instructions relatives aux poésies populaires de la France (1853),
M. Ampère dit : <( Les poésies lyriques des troubadours et des trouvères doivent
en général, être exclues, parce qu'elles sont un produit de l'art. )>
12 LA CHANSON POPULAIRE.

par le texte ne se trouvent certainement pas dans le plaiu-chant,

mais en accordant cela aux chansons des troubadours, il faut

bien convenir qu'on n'y trouve que les modalités de l'Eglise.


Ces longues et langoureuses cantilènes, ces lais interminables

et monotones n'ont pas survécu aux troubadours eux-mêmes, le

peuple dans ses chansons n'en a gardé aucun timbre, quoi-


qu'alors le chant populaire ne pût se mouvoir que dans les
mêmes tonalités ; mais les airs du peuple étaient plus courts

et mieux rythmés.
Disons aussi qu'en dehors de ce répertoire aristocratique, les
jongleurs qui accompagnaient généralement les trouvères, à dé-

faut de princes et de barons comme auditoire, ne se refusaient

pas de divertir le peuple; non seulement ils lui servaient un ré-

pertoire de satires, de contes et de légendes, mais aussi des


chansons fortement épicées, qu'ils n'auraient pas toujours osé
produire devant les barons et les châtelaines, malgré une cer-
taine liberté dont ils jouissaient. Ces jongleurs s'accompagnaient
ordinairement avec la vielle, un pauvre accompagnement, à
coup sûr (1).
Les Minnesinger (chanteurs d'amour) de l'Allemagne ont été
devancés par les troubadours provençaux. En Allemagne on
tenait à la lutte des chanteurs, tandis qu'en France cette lutte

(1) Le rôle des instruments était fort borné à l'époque des troubadours, on peut
s'en faire une idée d'après la note suivante, reproduite par Aimé Champollion Figeac
dans ses Documents paléographiques relatifs à l'histoire des beaux-arts, 1868, page 4<J4.

Charles d'Orléans (1450) avait entendu : ce à Amiens, deux ménestriers aveugles


qui jouaient du luz (luth) et de la guiterne (guitare). — Puis ceux de Monseigneur
le duc de Bourgoigne qui jouaient au dit lieu, ainsi que ceux de Monseigneur
de Nevers. —
Le tabourin d'Adolphe Monseigneur de Clèves. Robin Courant et —
Anthoine Le Bidon, ménestriers de Monseigneur d'Argueil. Deux hommes, joueurs, —
«le guiternes, du pays d'Ecosse, qui vont par païs, portans nouvelles de la destruction
des Turcs. — Jehan Rognelet. joueur d'instrumens de musique, qui jouoit et chau-
toit avec sa femme et ses deux enfants plusieurs chansons. —
Pierre ou Dieu d"amour,
bastellcux, demourant à Champ, qui vint jouer de son mestier devant Monseigneur. Et
enfin un joueur d'espartire, un guiterneulx, trois hautz menestriez anglais, et quatre
aultres Lombards. »
LA CHANso.X POPULAIKE. 13

n'a jamais existé, car nos jeux-partis, où l'on défendait et où l'on


argumentait sur des questions d'amour devant une cour d'a-
mour, n'avaient rien de musical ni de chantant.
En Allemagne le cycle des Minnesinger a été suivi par celui
des Meistersànger (maîtres chanteurs) : c'était la bourgeoisie et

le compagnonage aux prises avec la poésie. La première école des

maîtres chauteurs a dû être celle que Frauenlob rassembla au-


tour de lui à Mayence. Ces écoles ne se répandirent que vers le
milieu du quatorzième siècle, bien plus dans le sud que dans
le nord de l'Allemagne. Les Meistersànger traitaient générale-
ment un sujet de la Bible, on au moins un thème pieux, comme
l'éloge de la Vierge. C'est ce qui se pratiquait encore du temps
de Luther, où l'on paraphrasait un sujet tiré de l'Écriture
sainte, de la vie de Jésus, de Marie, ou bien concernant l'ange
Gabriel, etc. Les Meistersànger ont maintenu ce genre de para-

phrases dans leurs élucubrations chantées, tout en le gâtant,


comme l'observe Herder (1).
Quand un maître chanteur avait inventé un air, sa grande

préoccupation était de lui donner un titre : or, ces titres étaient

des plus bizarres : l'air des demoiselles (Iungfrauweiss) ; l'air

des baies (Beerweis) ; l'air de l'encre noire (Schwarz Tinten-


weiss); l'air des escargots (Schieckenneiss) ; l'air du papier à
écrire (Schreïbpapierweiss) \ l'air abrégé des singes {Kurzaffen-
weiss); l'air des gloutons (Vielfrassweiss) ; l'air rayé de la
fleur de safran {Gestraifte Safran Blùmleinweiss) ; l'air de l'arc
de Cupidon ( ( 'upidinïs Handbogenweiss) ; Fair du trombone de
Clius (CliO?) (Clius Posaunenioeiss) ; l'air fidèle du pélican

( Triuc Pelicanweiss) ; l'air des veaux (Kàlberweiss) ; l'air triste

du pain mollet (Traurige Semmehveiss) ; l'air de la plainte


passionnée d'Orphée {Orphei sehnliche Klageweiss) : l'air joyeux
des étudiants {Frôhliche Studentenweiss) ; l'air matois du renard

(1) Herder. Voix des peuples cit chansons, préi i


14 LA CHANSON POPULAIRE.

( Versckalkte Fuchsweiss) ; l'air du gras blaireau (Fett Dacfe


iveiss); le ton délirant (Vermrrte Ton); le tou bref {Kurze

Ton) ; le ton allongé {Lange Ton); le ton extra-tendre (Uber-

zarte Ton), etc.

La plupart de ces productions des maîtres chanteurs sont


anti-poétiques et anti-musicales. Telle est l'opinion de Goethe
quand il recommande aux éditeurs du WunderJwm (l)de laisser

de côté dans leurs futures publications le sing-sang (les flon-


flons) des minnesànger et les platitudes des maîtres chanteurs.
Les corporations allemandes exerçaient le Meistergesang de la
même façon qu'on exerce un métier quelconque : tout était fixé,

réglé, prévu d'avance, la longueur, la largeur et la hauteur des


mélodies, comme pour un bâtiment : il en était absolument de
même pour leurs vers. Si l'on dépassait d'un centième de pouce
les mesures fixées, les marqueurs étaient là qui inscrivaient la

faute. A mesure que la musique progressait, au dix-septième


et au dix-huitième siècle, à mesure les maîtres chanteurs dé-
clinaient, ils ont fini par être aussi éloignés de ce qu'on appelle
un musicien que Nourrit ou Duprez l'étaient d'un chantre de
village : bref, les maîtres chanteurs, tout en ayant eu la vie

dure, se sont éteints dans leur ignorance.

Ce même esprit de corporation et de réglementation a con-


sidérablement retardé en France le développement de la mu-
sique instrumentale, depuis la fondation de la confrérie de
Saint- Julien des Ménestriers en 1331 jusqu'à la suppression du
Roi des violons en 1773.
Si les productions des troubadours et des Minnesinger ne peu-

vent revendiquer aucune influence musicale, le chant populaire


de son côté ne leur a nulle obligation, c'est même surtout
lorsque ces manifestations musico-littéraires, mais peu artisti-

(1) Des Knaben Wunderhornt le cor magique de l'adolescent, recueil d'anciennes


chansons populaires allemandes.
LA CHANSON POPULAIRE. 15

qnes, eurent fini leur temps que la chanson populaire prit de


nouveau son essor, à partir du quinzième siècle, et plus parti-
culièrement au seizième. C'est alors que la chanson est sur son
vrai terrain, qu'elle se répand universellement depuis le peu-
ple jusqu'aux princes, du chanteur ambulant au noble chevalier,
du moine au guerrier, qu'elle brille surtout en France. Ces
chansons de toute sorte, religieuses, satiriques, descriptives,
erotiques, historiques, sorties du peuple, ont évidemment con-
tribué à faire oublier les anciens chants légendaires non écrits,

qui pouvaient encore exister daus la tradition, mais qu'on ne


comprenait plus.
Il faut reconnaître qu'il eût été difficile de nous conserver les
anciennes chansons par l'écriture, la notation musicale avec des
portées ne datant guère que du onzième siècle ; d'ailleurs les

neumeSj qui ont précédé cette notation, se prêtaient peu à la


transcription de rythmes multiples comme ceux de la chanson
populaire, et puis les moines, qui pratiquaient à peu près seuls
l'écriture, n'avaient sans doute qu'une médiocre envie de re-
produire des chansons profanes, souvent fort légères, contre
lesquelles ils se déchaînaient dans leurs sermons.
Dans le courant des quatorzième et quinzième siècles les
cantiques et les noëls ont dû se faire jour, par l'action du clergé,
pour contre-balancer les chansons grivoises, scandaleuses et

obscènes dont le peuple ne s'est jamais fait faute. On mit


des textes pieux sur les anciens airs, et le peuple qui aime
la nouveauté, adopta ces transformations sans trop de répu-
gnance.
Plus tard Luther procéda d'une façon analogue, en se ser-
vant d'anciennes hymnes qu'il transformait eu cantiques : pour
n'en citer qu'un exemple, Christus ist erstanden, le Christ est

ressuscité, l'un des plus célèbres chants de la Réforme, est ap-

pliqué sur un plain-chant du douzième siècle, remanié par Lu-


ther. En cela il a été imité par la plupart des poètes de la Hé-
10 LA CHANSON POPULAIRE.

forme. Au reste, cette manière de faire du sacré avec du profane


s'est conservée jusqu'à nos jours.
La Eéforme fit éclore une quantité prodigieuse de cantiques,

surtout en Allemagne, car en Frauce nous n'avions alors que


les psaumes de Clément Marot et Théodore de Bèze, alternati-
vement adoptés par les catholiques et par les protestants.
La chanson populaire profane subit ici un temps d'arrêt ; tout

l'intérêt était absorbé par la guerre religieuse : chansons pour


3a Réforme, satires contre la Réforme. Le peuple d'ailleurs com-
mence à humer un avant-goût de liberté, la classe des seigneurs

perd de sa prédominance, et le peuple cherche à monter, pour


se rapprocher davantage de la couche supérieure.
Les puys de musique^ les puys de palinods ou concours de
chant pieux ont fait leur temps : des poètes de talent comme
Villon, Ronsard, Marot, Baïf, Du Bellay apparaissent, mais
leurs œuvres ne s'adressent qu'à des lecteurs d'une certaine ins-
truction, et s'éloignent complètement de la chanson populaire
qui, à cette nouvelle phase poétique, resta isolée dans le peuple.
De leur côté ces nouvelles poésies exigeaient de la musique nou-
velle, et comme la science harmonique avait fait quelques pro-

grès, on vit paraître en France les madrigaux, les villanelles.

surtout les chansons à quatre parties, pouvant être chantées ou


jouées sur divers instruments, conceptions artistiques, auxquelles
le peuple ne fut nullement mêlé, pas plus qu'il ne l'avait été
aux réunions de Baïf, sous Charles IX, réunions où l'on avait la
prétention de ne faire que de la musique savante.
Les vaudevilles satiriques de la Fronde, les mazarinades et

les chansons de la Régence n'étaient faits que pour les gens des
villes, surtout pour ceux de Paris; le reste du peuple français,
principalement celui de la campagne, en attrapait par-ci par-là
quelques bribes qu'il ne comprenait pas trop bien, et que, par
suite, il arrangeait à sa façon.
La célèbre chanson de Malbrough, dont on n'a jamais pu
LA CHANSON POPULAIRE. 17

expliquer la naissance, puisqu'elle ne se rapporte en rien au


7
dur de Marlborongh , est aussi un de ces enfantements singu-

liers : nous en parlerons plus loin.

La Kévolution ayant balayé les vaudevilles satiriques, les

noëls de cour et les bergeries, leur substitua les chants patrio-

tiques ; niais ce genre spécial, qui n'est vrai qu'autant que les

événements surexcitent l'imagination populaire, devient faci-

lement plat, poncif, en temps de calme, quelquefois ridicule,

au moins fanfaron en temps de paix.


On s'est étonné souvent de voir la chanson populaire (celle
créée dans le peuple) avoir la vie aussi dure et traverser des siè-

cles, sauf quelques modifications. La tradition orale est donc-


bien puissante, bien résistante? Elle devait l'être forcément
daus une classe de la société qui sentait bien que c'était là sa

seule littérature! Cela est si vrai que depuis la diffusion de l'ins-

truction dans le peuple, surtout depuis qu'on écrit et qu'on pu-


blie ces chansons, la tradition orale diminue, et tend à dispa-
raître de jour en jour.
On ne saurait trop insister sur la différence caractéristique
qui existe entre les chansons des villes et celles de la campagne.
Il faut bien admettre qu'en dehors de l'éducation scolaire du
peuple de la campagne, il y a chez lui une poétique spéciale,
des aspirations et des expressions qui lui sont propres. Cette
vie continuelle en face de la nature, ces occupations manuelles

qui exigent bien la force du corps, mais qui ne demandent pas


une grande tension d'esprit, laissent l'imagination libre d'en-
fanter durant le travail des légendes bizarres, d'évoquer des
personnages fantastiques, habitant les sites pittoresques ou
sauvages qui entourent l'homme des champs.
A une telle mise en scène il faut d'autres personnages qu'aux
gens de la ville, qui ne voient que des maisons, des rues pavées
où roulent des voitures, où piétine la foule, et où passe par-
fois un régiment... tout cela avec un bout de ciel si étriqué,
,

13 LA CHANSON POPULAIRE.

qu'où ue saurait prévoir s'il fera beau temps ou s'il pleuvra.

Daus le grand décor de la nature : plaines , forêts , rochers

vallons et lacs, il est assez naturel qu'on entende :

PP Bais.se - toi
Û
mon .
f p
ta.gne.lè
r
-
r
ve - toi —
p
v;il

i
v
*
m
Ion,
.
È
Bais, se
'
- toi
^rrr^
mon . ta.gne,lè . ve - toi val

^^
% £^ Ion, Pour m'y
£
lais
1
ser voir ma bel - le Jean - ne

rfr^rTyrT^^T^^
-

^ J
ton,
r
Pour m'y lais . ser voir ma bel . le Jean . ne . ton.

ou bien

?=* P
i
Ah! mon beau la.bou
ff^ . reur,
i

Ah!
\

mon beau
m

la.bou
£

^ •! Beau
É=ï
la - bou . reur de vigne: ô li . re,

£
PP^ li , re, Beau la .
j.
bou.reur de
f=f=f
vigne, ô li - re
^
la.

La Je m/ne dit roulier est un sujet poignant, et si nous donnons


cette pièce, c'est pour affirmer que lorsque le sujet d'une chan-
son touche une corde dramatique, il est rare que la musique ou
l'air soit à la hauteur, non pas des paroles, mais de la pensée. Cette
pauvre femme du roulier finit par trouver son ivrogne de mari

LA CHANSON POPULAIJ1E. 19

dans nue auberge, où il est à godailler avec une servante. La


femme retourne chez elle et dit à ses enfants qu'ils n'ont plus de
père. C'est làqu'nne morale cruelle, même brutale, vient combler
la misère de cette pauvre femme, car les enfants répondent :

Eh bien ! ma mère,
Not'père est un libertin,
Il se nomme sans gêne ;

Nous sommes ses enfants,


Tireli,

Nous ferons tous de môme.

d^ F N -h
3
j^ee*h N
fr

- p' m m
*
r p '

La pau-vre fem . me C'est la fem.me du rou

^ : ^ j -) — d S m ' -*-^
*F=

.lier, — S'en va dans tout le pa . ys, Et

f J 1 ¥==*
1

d'au, berge en
1.

au .
1

ber
n . ge,
^^
jl
Pour
m m
cher.cher son
è
î£^5
*
ma

HTP^
ten
tt
\
P P P P =*rV^— I

.ri, ti re li, A vec u . ne lan . ter

Le coupeur de blé qui suit, recueilli en Bretagne, n'atteint


pas la corde dramatique, aussi l'air est-il en harmonie avec ce
sujet qui ne dépasse point la mélancolie.

ty\ Ja
J
.
J J
mais je
1

C^gp^PPjg
n'ou.blie . rai La fille au cou

pPi peur de pail


%
. le,
ç= fe^
>la - mais je
\-

n'ou.blie .rai
r-r
20 LA CHANSON POPULAIRE.

homme est ri .che, I' n' veut pas me hi bail - 1er:

Ja.mais je n'oublierai La fille au cou _ peur de pail _le,

è=é^=
=# ^£ *
V=t r^rj-r
Ja.mais je n'oublierai La fille au cou. peur de blé!

Une autre différence entre l'air populaire et la chanson

musicale, c'est que cette dernière continue sa marche ascen-


sionnelle vers la perfection, tout en ayant des intermittences,

tandis que la chanson populaire reste stationnaire, et ne donne


généralement à la suite des siècles qu'un habit nouveau à ses
anciens refrains. La production nouvelle est toujours entée,
modelée sur la forme ancienne : ce sont plutôt des transforma-

tions que des créations.

Dans les villes, où la chanson musicale règne en souve-


raine, la chanson populaire ne paraît qu'à titre de curiosité,
plus spécialement dans les ateliers de peinture.
Heureusement qu'il a existé de tout temps de braves cher-
cheurs qui, le sac au dos, vont à la découverte de la chanson,
qui s'égarent dans les villages clairsemés de la plaine im-
mense, ou sur les hauteurs les moins visitées par les voyageurs,

mais où quelques cabanes, quelques métairies sont plantées au


coin d'un bouquet d'arbres. C'est dans ces coins isolés qu'il faut
aller chercher la chanson populaire, qui se garde bien de venir à
vous, mais qui se cache le plus qu'elle peut. Et puis, quand on
est parvenu à découvrir un de ces nids, où l'on chante encore,
LA CHANSON POPULAIRE. 2]

que de précautions à prendre pour ne pas effaroucher les chan-


teuses, qui d'abord déclarent invariablement qu'elles ne se rap-

pellent plus rien, qu'elles ont oublié tout ou à peu près; par
exemple on ne prétexte jamais un rhume, cette excuse est incon-

nue. Ce n'est qu'après connaissance faite, et même souvent après


qu'on a chanté soi-même d'abord quelque production du pays ou
des environs, que les chanteuses prennent courage et finissent par
se désintimider. Une fois en train, par exemple, elles vous en
chantent, elles vous en dégoisent, au point qu'on ne sait plus
comment les arrêter, et qu'on est obligé de préparer, de ruminer
quelque bonne raison honnête pour les faire taire. Il en était
ainsi au temps passé, mais aujourd'hui les choses sont bien

changées.
Le positivisme, le scepticisme ont envahi toutes les classes de
la société, y compris la classe populaire, où il ne faut plus cher-
cher la naïveté, l'un des caractères les plus saillants de la véri-
table chanson populaire. Le niveau s'étend tous les jours de plus
en plus, et le peuple de la campagne, comme celui des villes,

rougit des bonnes vieilles chansons de nos aïeux, qui ne sont

plus de mode, et qui ont été remplacées par les ineptes rhapso-
dies, les immorales bêtises des cafés-concerts.
La croyance étant morte, les légendes les plus touchantes,
les plus dramatiques, ne donnent plus le frisson, elles font sou-
rire de pitié... Et quant à cet esprit du peuple, au point de vue
de la chanson populaire, l'Allemagne en est où nous en som-
mes : tous ses écrivains actuels en conviennent ; c'est le cas de
dire avec l'historien Josèphe : les dieux s'en vont/
22 LA CHANSON POPULAIRE.

CHAPITRE IL
LA CHANSON DANS L'HISTOIRE.

Il est rare, en France, que la chanson historique n'ait une


pointe de satire ; ce double caractère, si fréquent, nons oblige
en quelque sorte de joindre en un même chapitre la chanson
historique à la chanson satirique.
Au douzième siècle, Richard Cœur de Lion chante sa captivité ;

au treizième le châtelain de Coucy versifie ses amours pour la


dame de Fayel. Thibault, comte de Champagne et roi de Na-
varre, se révèle comme un de nos meilleurs troubadours.
A cette même époque se rapportent les chansons sur la révolte
des barons et les pièces rimées de Colin Muset.
Au quatorzième siècle, apparaissent les Flagellants, ces bi-

zarres pénitents, dont la secte était née en Italie, mais dont la

repoussante forme pénitentielle se propagea en Allemagne comme


en France. Voici la seconde partie d'nn de leurs cantiques :

1349.

Ave, Eegina pure et gente,

Très haulte, ave, maris Stella !

Ave, précieuse jovante (1),


Lune où Dieux s'esconsa (2).

Ave, saincte glorieuse ente (3)


Ave, tu plena gracia ;

Faictes fiuer, rose excellente,


Le mortuaire (4) qui ores va.

créeresse de créature,
Qui oncques ne f listes crée,

0) .Teune femme. — (2) Se cacha. — (:!) Greffe. — (4) Mortalité.


LA CHANSON POPULAIRE.

Défendez-nous de grief morsure,


Sire Dieux, et vous asrenez (1).

Hée doulce royaulx


! vierge et pure
Priez que pour nous soit pitez (2),
Au peuple laissiez l'euvre obscure
De péchié si vous amendez.

Nous te prions, Vierge louée,


En ceste penance (3) faisant
Pour toute créature née
Et requiers ton père et enfant.

Que cest mortaire soit destournée,


Et saint Esperit voist régnant,
Et nos cuers par humble pensée,
Car d'ayde avons mestier grand (4).

Se ne fust la vierge Marie


Le siècle fust pièça perdus,

Bâtons noz chars (5) plaines d'envie,


Bâtons d'orgueil plus et plus.

Pour paresse et pour gloutonnie


Et pour ire qui het vertus,
Pour avarice et lecherie (6)
Et pour tous péchiez déceus.

En démonstrant signifiance
Que tous nous con\ endra morir,
Et en terre en très grant witance (7)
No pécheresse char pourrir.

Enfin de nostre pénitance


Nous fault à genoulx revenir;
Tous mourrons c'est la remembrance
Qui nous fait tierce fois chéir.

Jhésu, ainsi comme devant


Relevons-nous la tierce fois,

Et louons Dieux à nulx genoulx


Jointes mains tenons l'escourgie (8).

(1) Rassérénez. — (-2) Miséricordieux. — Pénitence. — (4) Grand besoin. —


(3)
(5) Chair. — (li) Gourmandise. — (7) Vivement. — (8) Le fouet.
±

24 LA CHANSON POPULAIRE.

Crémons Dieu, aions les cuers doulx,

Et chantons à la départie,

Grâce Dieu, car elle est en nous ;

Prions pour l'umaine lignie,


Baisons la terre, levons-nous (1).

Le grand poète Eustache Deschamps vécut au quatorzième


siècle.

Au quinzième paraît Christine de Pisan, la célèbre poétesse.

La pauvre France, envahie et dévastée par l'étranger, essaie


de se consoler avec des chansons, en attendant sa délivrance
bien éloignée encore.
En 1415, Henry V, roi d'Angleterre et de France, débarqua
sar nos côtes et alla mettre le siège devant Harfleur. Cette ville

se défendit vaillamment, mais le roi la prit et en déporta les


habitants. Le manuscrit de Bayeux (2) nous fournit là-dessus
la chanson suivante :

Le
l
roy an . gloys se
g^f^
t'ai, soit ap.pël . 1er

.
'

+—é—
Le roy de Fran . ce pour s'ap.pel . la . ti on,

?=i=
a voul —
3
lu hors du pa
m^
. ïs me -
l
»#
V3
Les bons fran - coys hors de leur na - ti on.

(1) Leroux de Lincy, Recueil des chants historiques français ; vol. I, p. 233 et buîv.
(•2) Manuscrit de Bayeux, Bibliothèque nationale n° 5594, supplément français
Dans notre transcription la valeur des notes est dédoublée.
LA CHANSON POPULAIRE. 25

est mort Sninct

fcab^ ~CT
Bry . e; (l ) Du païs de Fran - ce

*=p £ 1
ils sont tous dé. bou-tez, Il n'est pli

m
V
^^ an.gloyscou
33:
Maul

^
îot de ces . ez! (2) die - te

m soit très ton . fe. sa



li ,
I à
eny
* è '&
e.

Ils ont chargé l'artellerie sur mer,


Force biscuit et chascun ung bidon,
Et par la mer jusqu'en Bisquaye aller
Pour couronner leur petit royGodon(3).
Maiz leur effort n'est rien que moquerie.
Cappitaine Prégent (4) lez a si bien f rotez
Qu' ilz ont estez en ter's et en mer enfondrez
Que mauldicte en soit trestoute la lignye !

(1) La chanson, ainsi qu'il lui arrive parfois, commet ici un anachronisme :

Henry V mort à Vincennes en 1422.


est

(2) Couez, de coue, queue les Anglais en portaient.


;

(3) Godon, goddam.


(4) L'amiral Prégent de Coétiviest encore nommé dans la chanson suivante, publiée
par M. Pericaud :

Nous estions troys galans


De Lyon la bonne ville,
Nous en allons sur mer,
N'avons ne croix ne pile.

La bise nous faict mal,


Le vent nous est contraire,
Nous a chassa si loing
Dedans la mer salée.

Voicy venir Preian


A toutes ses galères:
26 LA CHANSON POPULAIRE.

Nous citerons encore parmi les sirventes contre les Anglais

la pièce suivante, faite à l'occasion du siège de Pontoise :

Entre vous, Anglais et Normans,


Estans léans dedans Pontoise,
Fuyez-vous-en, prenez les champs,
Oubliez la rivière d'Oise,
Et retournez à la cervoise (1)

De quoy vous estes tous nourris,


Sanglans, meseaux (2), puants, pourris (3).

Un couplet, souvent cité par les historiens et surtout pro-


pagé par maint recueil manuscrit, parle dit Dauphin, depuis
Charles VII, trop épris des charmes d'Agnès Sorel, et ne son-
geant pas assez à délivrer son royaume, inondé d'Anglais. D'au-
tres écrivains soutiennent, au contraire, qu'Agnès Sorel était

patriote, et que ce fut elle qui engagea Charles VII à secouer


sa torpeur et à défendre la France. Quoi qu'il en soit, voici ce

« Or, vous rendez, enfans


De Lvon la bonne ville ! »

Ne ferons pas pour toy


N'y pour toutes tes galères,
Nous nous rendons à Dieu,
A la Vierge Marie,

Monsieur sainct Nicolas.


Madame saincte Barbe.
Rossignolet du boys,
Va t'en dire à ma raye :

L'or et l'argent que j'ay


En sera trssorière,
De troys châteaux que j'ay
Aura la seigneurie ;

L'ung est dedans Milan,


L'aultre en Picardie,
L"aultre dedans mon cœur,
Mais je n'ose le dire.

(1) Cervoise, mélange de bière et d'eau.


(2) Meseaux, lépreux.
(3) Pontoise a été assiégée parles Anglais en 1441.
LA CHANSON POPULAIRE.

qu'où était censé chanter sur un ancien carillon, car ni l'air ni

les paroles ne sont du temps de Charles VII :

StE ^rl-XUJ
Mes ;i . mis, que res.te-t-il
^^^ A ce dau.phiu

$ -?=*-

geo.til?
±^-J
Or.
J
lé. ans,
,j i J m
Beaugen.cy,
à
Nu. lie Da.me
* +

* J I J J J
de Clé . ry, Yen dô . me, Yen . dû . me. eu

Charles d'Orléans, le dernier des troubadours français, il-

lustra le quinzième siècle ; ses chansons furent composées eu


grande partie durant sa captivité en Angleterre. Ajoutons en-
core le nom des poètes Molinet et Guillaume Coquillart.
On ne chansonna pas beaucoup Louis XI, on le craignait

trop pour cela, mais on se rejetait volontiers sur ses victimes.


La strophe sur le cardinal de la Balue, enfermé dans une cage
de fer, semble être du temps, mais l'air nous manque :

(1) Ce carillon a été utilisé fort souvent par les chansonniers. En 109.3 Villeroise
laissa tromper par Guillaume III. qui vint assiéger Namur c'est à cette occasion ;

quon fit le couplet suivant, cité par La Harpe :

Villeroi
Villeroi
A fort bien servi le roi

Guillaume,
Guillaume.

C'est toujours sur le même air qu'on trouve au commencement du dix-septième


siècle le couplet :

Savoyards, Allemands,
Qui vous rend si mécontent? ?

Vendôme,
Vendôme.
•28 LA CHANSON POPULAIRE.
Maistre Jean Ballue
A perdu la vue
De ses eveschez :

Monsieur de Verdun
N'en a plus pas un,
Tous sont depeschez (14(JK).

La bataille de Marignan, gagnée par François Ier (1515) a


été chantée par maint poète du temps on trouve dans ; les œuvres
d' Ali one d'Asti une chanson des suyces sur la bataille de Mari-

gnan et sur le teneur (le timbre) de : Venez au -pont des pierres

Brughelins et Gantois; malheureusement nous ne possédons


pas cet air. Par contre on connaît fort bien la curieuse composi-
tion à quatre voix de Clément Jannequin intitulée la Guerre,
également sur la bataille de Marignan, remarquable pièce de
musique imitative, à laquelle Verdelot ajouta une cinquième
partie (1). La chanson suivante est une production de quelque
soldat aventurier qui se trouvait parmi les combattants :

Le roy s'en va delà les nions, (bis)

Il menra force piétons,

Ils iront à grant peine,


L'alaine, l'alaine, me fault l'alaine.

Les Espagnols, nous vous lairrons, (bis)


Le roy de France servirons,
Nous en avons la peine,
L'alaine, etc.

A noz maizons a ung mouton, (bis)

Tondre le fault en la saison


Pour en avoir la laine,

L'alaine, etc.

M'amie avoit nom Jhaneton, (bis)

Elle avoit un si joly c...


Point n'y avoit de laine ;

L'alaine, etc.

(1) Le dixième livre contenant la bataille à quatre de Clément Jannequin, avec la cin-
quième partie de PMI. Verdelot (si placct) etc. Anvers, Tilmann Susato 1545. (Biblio-
thèque nationale.)
.

LA CHANSON POPULAIRE. 29

Celuy qui fist ceste chanson (bis)


Ce fust un gentil compagnon
Vestu de laine,

L'alaîne, l'alaine, m'y fault l'alaine.

Le siège de Mézières par l'armée de Charles-Quint, en 1521,

a en l'honneur de plusieurs chansons ; la ville était défendue


par Bayard, et ne fut point prise (1).
On chansonna aussi Hesdin, emportée d'assaut par MM. de
Bourbon et de Vendôme.
er
La bataille de Pavie (1525) perdue par François I que les

Espagnols firent prisonnier, s'est conservée dans les archives

légendaires de la France par cinq ou six chansons, dont la plus


connue est :

Hélas ! la Palice est mort,


mort devant Pavie
Il est :

Hélas s'il n'estoit pas mort


!

Il seroit encore en vie (2).

Quant le roy partit de France,


A la malheur il partit.
Il en partit le dimanche,
Et le lundy il fut pris.

Il en partit, etc.
— Rens, rens roy, roy de France,
Rens toy donc, car tu es pris. —
Rens, etc.

« Je ne suis point roy de France,


Vous ne savez qui je suis. »

(1) Leroux de Lincy donne cinq chansons sur le siège de Mézières, dans ses

Chansons historiques, vol. II, p. 68 et suiv.


(2) La naïveté de ce premier couplet semble avoir inspiré la chanson de Monsieur </<
/'/ Palisse, faite vers la fin du dix-huitième siècle, par Bernard de la Monnoye. Selon
nous, ce premier couplet ne fait point partie de cettechanson sur la bataille de Pavie ;

ni sa tournure d"esprit ni la coupe rythmique de ses vers ne ressemblent en rien ;'i ce

qui suit, en un mot le même air ne pourrait s'appliquer à ce couplet el i ce

suivent
30 LA CHANSON POPULAIRE.

« Je ne suis, etc.
Je suis pauvre gentilhomme,
Qui s'en va par le pay-^. »

Je suis, etc.

Regardèrent à sa casaque,
Avisèrent trois fleurs de lys.

Regardèrent, etc.

Regardèrent à son espée,


Françoys ils virent escry.

Regardèrent, etc.
Ils le prirent et le menèrent
Droit au château de Madrid.

Ils le prirent, etc.

Et le mirent dans une chambre


Qu'on ne voiroit jour ne nuit.

Et le mirent, etc.
Que par une petite fenestre

Qu'estoit au chevet du lict.

Que par, etc.


Regardant par la fenestre,

Un courrier par là passit.

Regardant, etc.

K Courrier qui porte lettre,

Que dit-on du roy à Paris? »

Courrier, etc.
— Par ma foy, mon gentilhomme,
On ne sait s'il est mort ou vif. —
Par ma foy, etc.
» Courrier qui porte lettre,
Retourne t'en à Paris.

« Courrier, etc.
Et va-t'en dire à ma mère,
Va dire à Montmorency.

« Et va-t'en, etc.
Qu'on fasse battre monnoie
Aux quatre coins de Paris.
,

LA CHANSON POPULAIRE. 31

.. Qu'on fasse, etc.

S'il n'y a de l'or en France


Qu'on en prenne à Saint-Denis,

« S'il n'y a, etc.

Que le dauphin en amène,


Et mon petit fils Henry.

<< Que le dauphin, etc.


Et à mon cousin de Guise
Qu'il vienne icy me requery,

« Et à mon cousin, etc. »

Pas plus tôt dit la parolle

Que Monsieur de Guise arrivy (1).

On fit plusieurs chansons sur la mort du connétable de Bour-


bon (1527), quelques-unes aussi sur le siège de Péronne (1536).
Les adieux de Marie-Stuart à la France ont été conservés

par Brantôme, sous ce titre : Chanson nouvelle faicte sur le

département de la royne cFEscosse, disant adieu à son ji ère et à


tous ses amys; Et se chante sur le chant de : Vienne qui pourra
renii-, il ne m'en chault quoy ne comment (timbre perdu).

1537

Adieu mon père, mon amy,


Adieu le noble roy François,
Donné vous m'avés un mary,
Le prince et roy des Escossois,

Aller m'en fault a ceste fois


Hors du pais,

Puisque m'avés donné mary.

La chanson finit ainsi :

Les regrets que j'ay au pais


D'aller parmy les Escossois,

(1) Leroux de Lincy, Chansons historiques, vol. II, p. 92.


32 LA CHANSON POPULAIRE.
Je n'y entents mot ne demy,
Sinon de parler bon françois.
Quant je y pense maintes t'ois,

Je ditzt ainsi :

Adieu mon père et mon amy.

Je prie à Dieu de paradis


Qu'il vueille apaiser la fureur,
Que tous royaumes soient uni>.
Qu'il vueille amodérer le cueur
Du roy de France et l'empereur,
Soient bons amys :

Dieu nous doint à tous paradis (1).

Cette chanson, presque politique vers la fin, est loin d'avoir la

grâce d'une autre pièce, également attribuée àMarie-Stuart, sur


la mort de François II :

Las! en mon doux printemps


Et fleur de ma jeunesse
Toutes les peines sens
D'une extrême tristesse,

Et en rien n'ay plaisir


Qu'en regret et désir.

La seconde moitié du seizième siècle est envahie par les chan-


sons huguenotes, comme par exemple celle des Gras tondus,
sur l'air Lœtabundus, une séquence qu'on trouve dans tous les

missels romains-français ; elle a été pendant longtemps attri-

(1) Il y a un pastiche, beaucoup plus connu que la vraie chanson que nous venons
de citer :

Adieu, plaisant pays île France.

La nef qui disjoint nos amours


N'a ci de moi que la moitié,

Une part te reste, elle est tienne,


Je la fie à ton amitié,
Tour que de l'antre il te souvienne.

Meiisiiieide Querlonfit ce pastiche pour?'Anthologiefrançaise, 3 volumes publiés par


Monet, en 17(i.">. le public lettré (qui les a acceptés) nom-
Cet ouvrage a répandu dans
bre de pastiches de ce genre. Les paroliers de Niedermeyer, dans l'opéra de Marie
Hluart, ont eu soin de se servir du texte de Mensnier de Querlon.
LA CHANSON POPULAIRE. 3:;

buée à saint Bernard ; Dom Guéranger Fa rencontrée dans un


manuscrit du onzième siècle (1).

gras tondus,
Mal avez été secourus :

Longtemps y a.
Vos grans abus
On le verra.

Vostre autel est ruiné,


Vostre règne est bien miné,
Il tombera.
Papistes, pharisiens,
Vostre antechrist et les siens
Trébuchera.

Tout sorbonique pion,


Son beau liripipion
Desposera.
Rien n'y vaudront les ergotz

Rien n'y feront leurs fagotz,


Christ régnera.

Vostre orgueil sera puny,


Et la beste de son nid
Desjonchera.
L'évangile que haïssez,
Quand aurez fait plus qu'assez

Demourera.

Vous l'avez long-temps banny,


Mais puisqu'il est reveny,
Vostre joly pain benict
Se moysira.
Messieurs les Coquibus,

(1) Chants liturgiques d'Adam de la Bassée- par l'abbé Carnel, 1858, page 27
3
M LA CHANSON POPULAIRE.
Que dira-on des abus
Dont amassez du quibus?
On en rira.

Savez -vous qu'on vous fera?


On vous deschassera,
Et Dieu à la fin vous punira ;

En Jésus on croira,
Son règne florira,

Et vostre Antéchrist confus sera.

Le siège de Metz en ] 552 a fait naître une suite de chansons,

et la Ligue en a fourniune avalanche, dont rien n'est resté dans


les traditions populaires ; c'étaient, à vrai dire, plutôt des pam-
phlets qu'autre chose.
C'est surtout à partir des guerres civiles et des guerres reli-

gieuses du seizième siècle que la chanson licencieuse envahit la


cour et la ville : les recueils manuscrits en fourmillent, et quoique
dans ces derniers temps on en ait fait paraître un certain nombre,
la plupart sont d'une telle obscénité, d'un tel cynisme, qu'aucun
gouvernement n'en pourra jamais autoriser la publication. Ces
recueils portent le titre de chansons anecdotes ou noèls de cour.
La Satyre Mênippée, à laquelle collaborèrent cependant deux
poètes, Passerat et Rapin, n'a rien donné à garder à l'immense
chausonnier populaire français. Une pièce sur la mort du duc de
Guise, tué en 1563 par Poltrot de Méré, est reproduite avec l'air

dans les Pièces intéressantes et peu connues, t. III p. 247 (1).


Cette chanson est curieuse, en ce qu'elle renferme le patron de
la chanson de Malbrougli, devenue populaire à partir de 1781.
Si le parolier de la chanson de Malbrough a utilisé l'idée et

le texte de celle du duc de Guise, il n'en a pas été de même


pour l'air, comme on va voir : la coupe des vers ne se ressemble

(1) Les Puces intéressantes et peu connues, pour servira V histoire et à la littérature,

ont été publiées en 1785 par de la Place. 8 vol. in-12.


LA CHANSON POPULAIRE. :]

nullement, et le même air n'aurait pu servir aux deux textes

Qui veut ou . ir chan Quj veut ou . ir chan.

son?
F^rrM"
C'est le grand duc de (iui . se,
mm
Et bon bon bon bon
s

Miy
di dau di
J .

dan bon, ouest mort


pi? S
et en . ter

Qu'est mort et enterré, (bis)


Aux quatre coins du poêle,
Et bon bonbon bon,
Di dan di dan bon
Quat' gentilshom's y'avait.

Quat' gentilshom's y'avait, (bis)


Dont l'un portait son casque,
Et bon, etc.
Et Faut' ses pistolets.

Et Faut' ses pistolets, (bis)


Et l'autre son épée,
Et bon, etc.
Qu'a tant d'Hug'nots tué.

Qu'a tant d'Hug'nots tué, (bis)

Venoit le quatrième,
Et bon, etc.
Qu'étoit le plus dolent.

Qu'étoit le plus dolent, (bis)


Après venoient ses pages,
Et bon, etc.
Et les valets de pied.

Et les valets de pied, (bis)


Avecque de grands crêpes,
Et bon, etc.
Et des souliers cirés.

Et des souliers cirés, (bis)


Et des beaux bas d'estame,
•sr, LA CHANSON POPULAIRE.

Et bon, etc.
Et des culott's de piau.

Et des culott's de pian, (bis)


La cérémonie faite,

Et bon, etc.

Chacun s'alla coucher.

Chacun s'alla coucher, (bis)


Les uns avec leurs femmes,
Et bon, etc.

Et les autres tout seuls.

L'air de Vive Henry IV est cité par Damersan, Castil Blaze


et d'antres écrivains, comme étant le même qne les Tricotets, sur
lesquels on aurait appliqué les paroles : c'est une erreur bien
facile à rectifier, preuves en main. Voici l'air des Tricotets (1).

m
77 P P—w
» f-f^ff i

mÈ=m

La véritable origine de Vive Henry IV est l'air de la Cassan-


dre (2), imprimé en toutes notes dans /' OrckésograpMe de Tkoinot
Arbeau, 1588.
Afin de rendre la comparaison plus saillante, nous donnons

(1) L'air des Tricotets se trouve noté dans le second volume des Rondes et Chansons
h danser, publiées par Ballard en 1724, page 191. Cet air est également dans les Pa-
rodies nouvelles et Vaudevilles inconnus, p. 32. Ballard, 1730 ; in-4° obi. Il y a peu de
recueils de chansons anecdotes manuscrites où les Tricotets ne soient notés, et toujours

de même, ainsi que nous les donnons.


(2) Ronsard, dans plusieurs de ses pièces de poésie, chante une maîtresse sous le

nom de Cassandre, mais nous ne pensons pas que ce soit là qu'il faille chercher l'origine
de la chanson de Cassandre ; ces chansons de Ronsard ne peuvent s'adapter à cet air
^
LA CHANSON POPULAIRE. 37

les deux airs en regard, en observant toutefois que l'air de


Cas-sandre dans l' Orckésographie commence ainsi :

3=Ê
mais les trois premiers ut doivent être des ré; c'est évidemment
une faute d'impression, car l'air est bien en ré mineur, ton dans
lequel il finit.

Vive Hen.ri qua


t
. tre, Vi
f

.
I

ve
*
m
ce roi vail . lant!

^Tf (Air 'le Cassandre).


^m
$ Ce diable «à qua
r
.
rnr
tre A le tri.ple
r
f

r piJ
fa - lent
^
De boire
r
el
r
se

f^T1M"-4W M" My « <X

-©-

l bat - tre, Et d'être un vert ga


~o
lant.(l)

i U-4— -o o-
On lit dans les Curiosités historiques de la musique par Fé-

tis : « Tout le monde connaît la romance Char niante Gabrielle;

(1) Le premier couplet a été fait probablement tout au commencement du


17'- siècle ; le second couplet fut ajouté au commencement du règne de Louis XVI ;

les autres couplets sont de Collé.


38 LA CHANSON POPULAIRE.

l'air n'est point de Henri, comme on l'a cru; Du Canrroy en


est l'auteur (1). »

C'est court, clair et net, mais on aimerait en avoir quelque


petite preuve, si mince qu'elle fût.

Les œuvres qui nous restent de Du Caurroy sont, comme


celles de ses contemporains , des chansons à quatre ou à cinq
parties en style de contre-point.

Ajoutons que Fétis, dans sa nouvelle édition de la Bio<jr<(-

phie des musiciens avoue qu'il n'est pas certain que Du Caurroy
soit l'auteur de Charmante Gabrielle. Ce sont de ces fantaisies
de l'imagination que l'historien devrait s'interdire, dont l'abus
a été poussé à l'extrême dans les écrits de Castil Blaze, où il

est bon de vérifier tout à nouveau.


Parmi les chansons sur Henry IV, données par Leroux de
Lincy, se trouve la suivante, bien connue d'ailleurs par sa grâce
charmante ; elle est anonyme, mais c'est évidemment l'œuvre
d'un vrai poète :

Chanson nouvelle sur la réjouyssance des bons François, à

Vlionneur du roy de France et de Navarre.


Et se chante sur le chant : Montmorency , te souvienm' de
Pienne.

Voicy la saison plaisante,


Florissante,
Que le beau printemps conduict ;

Voicy le soleil qui chasse


Froide glace,
Voicy l'esté qui le suit.

Voicy l'amoureux Zéphire


Qui souspire
Parmi les sentes des rieurs ;

(1) Un renseignement aussi précis nous avait séduit, en publiant notre 1 er vol. des
Echos du temps [tassé, où cette erreur est reproduite. Dans ce même volume on trou-
vera, p. 44, l'origine du refrain Cruelle départie.
LA CHANSON POPULAIRE. 3!»

Voicy Flora sa mignonne,


Qui luy donne
Un baiser tout plein d'odeurs.

Voicy Pomona la belle,

Qui près d'elle


Voit son amy Vertumnus :

Voicy Vertumnus qui, d'aise,

La rebaise
Mille fois le jour et plus.

Voicy Vénus Cythérée,


Bien parée,
Qui tient Mars énamouré,
Ses grâces et mignardises
Bien apprises
Des combats l'ont retiré.

Voicy du Sainct Mont Parnasse ;

L'humble race
De Jupiter, qui descend ;

Voicy toute ceste plaine


Desja pleine
De son doux fruict plus récent.

Voicy des nymphes cent mille


A la file,
Qui sortent des eaux et bois,
Chantant toutes ensemble,
Ce me semble,
Le noble sang Bourbonnois.

Dieu vous gard', troupes gentilles,

Dieu gard' filles,


Dieu vous gard' toutes et tous.

De grâce où allez-vous, belles


Immortelles ?

S'il vous plaist, dictes-le nous.

Nous allons chassant discorde,


En concorde
Maintenant icy vivons :

Nous t'offrons, à ta vaillance,


Boy de France,
Et Mars vaincu te livrons.
40 LA CHANSON POPULAIRE.
Roy généreux, franc et sage,

Ton partage
T'est si justement acquis,
Que par l'Union perverse
Qui renverse
Jamais ne sera conquis.

Jouis donc des verds boccages


Et rivages,
Jouis des fruicts de nos champs.
Nous sommes de ton lignage
L'héritage.
Malgré l'Espagnol meschant.

Cette pièce, donnée par Leroux de Lincy, avec la date de 1595


est bien antérieure (1) : on la trouve avec l'air noté dans la
première édition des Voix de ville, publiés par Chardavoine en
1576. C'est donc sous Henri III qu'elle a été composée, et on
l'a ressuscitée pour Henry IV. Il y a en effet quelques vers qui

ont subi des changements. Dans la version de 1576 on lit :

Voicy des nymphes cent mille


A la file
Qui sortent des eaux et des bois,

Et chantent toutes ensemble


Le noble sang des Valoys.

Tandis que la version de 1595 dit :

Chantant toutes ensemble,


Ce me semble,
Le noble sang Bourbonnois.

Dans es Voix de ville la pièce finit ainsi :

Nous sommes de ton lignage


L'héritage,
Malgré les hommes meschans.

(1) Nous remarquerons une autre erreur de date dans les Chants historiques fran-
.n \s de Leroux de Lincy au vol. II, p. 272, la chanson du Franc archer a la date de 1 562,
;

tandis qu'elle est imprimée déjà dans YOdhecaton de Petrucci, 1502.


LA CHANSON POPULAIRE. il

En 1595 on, lit

Nous sommes de ton lignage


L'héritage,
Malgré l'Espagnol meschant.

C'était un passe-partont, comme on en a vu bien d'autres de-


puis.

Les compositeurs de musique, ainsi que nous le dirons plus


amplement dans le chapitre des madrigaux, se gardaient bien
denégliger les chants populaires. Dans le Ballet de la reine,1582,
les airs de danse sont d'un lourd extrême pour des oreilles d'au-
jourd'hui, mais dès qu'on entend l'air de la Clochette à la fin de
la première entrée, l'attention se réveille : c'est que cet air de
la clochette est un ancien carillon :

• jt
£èeeê ffrufr
ES

^=V
H^U ^
Ê3
(1)

Si le peuple avait ses Voix de ville, airs des rues, les grands
seigneurs et les grandes dames avaient leurs airs de cour, beau-
coup plus guindés et beaucoup moins amusants.
L'air de Cette Anne si belle se trouve dans un recueil d'airs
de cour, publié en 1615, par Pierre Ballard; on le cite parfois

comme timbre de chanson. Son origine première est un ballet


fait à l'occasion du mariage de Louis XIII avec Anne d'Autriche
(1615). Guédron en fit la musique; quant aux paroles personne
ne reconnaîtrait Malherbe dans ces vers de mirliton :

(1) L'air de la clochette a été utilisé dans ces derniers temps par des pianis
en ignoraient évidemment l'origine.
•Il' LA CHANSON POPULAIRE.

*=ê *z± m
^
Cotte An - ne si bel - le, Qu'on van . te si fort,

m Pour.quoy
Ë
ne
^m
vient- el. le?

Son Louys soupire


W=z-W—P-

Vray.ment elle a tort.

Après ses appas,


Que veut-elle dire
De ne venir pas?

S'il ne la possède

Il s'en va mourir,
Donnons y remède,
Allons la quérir.

Assemblons Marie,
Ses yeux à vos yeux,
Nostre bergerie
N'en vaudra que mieux.

Hastons le voyage :

Le siècle doré
En ce mariage
Nous est asseuré.

A partir de Louis XIII, les noëls de cour ou vaudevilles sa-


tiriques abondent dans les recueils manuscrits. C'est en réalité

la chronique scandaleuse rimée, couplets infâmes sur les rois,

les reines, les princes, les princesses, sur Richelieu, Mazarin,

Colbert, etc. Tous les grands noms de France y sont chansonnés.


Ces pièces s'étendent parfois jusqu'à cent ou cent cinquante vers,
dont le style est à la hauteur de la pensée, quoique certains
poètes s'en soient mêlés, comme Blot par exemple. Cette litté-

rature d'égout continue jusqu'à la révolution, la régence de


Philippe d'Orléans lui ayant encore fourni un contingent vo-
lumineux.
On songeait d'autant moins à faire la recherche de ces col-
LA CHANSON POPULAIRE 43

lections manuscrites pour les détruire, que tout grand seigneur


un peu huppé possédait un recueil de ce genre, et que le comte
de Maurepas, ministre sous Louis XV et sous Louis XVI, avait
fait faire à son usage un exemplaire des plus complets, qu'on
peut voir à la Bibliothèque nationale.
A la date de 1617, on trouve le couplet suivant sur Concini,
marquis d'Ancre , depuis maréchal de France ; la chronique
scandaleuse prétendait que la reine lui avait accordé ses fa-

veurs. Le roi Louis XIII le fit assassiner par Vitry, capitaine


de ses gardes.

P;,, ,
|
1 I
-i
J J | J J> | |
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14 LA CHANSON POPULAIRE.

0-

l t.
Fran-ce, On le (rai - te d'E. mi . nen _ ce: Lam .

zr
_ pons, lam. - pons, desj lam pons..

A la moitié du chemin
Caron lui donna la main,
Passant le plus grand monarque
Qui fut jamais dans sa barque.
Lampons, etc.

D'Ancre, ce grand maréchal,


Dès qu'il vit le cardinal
Tout aussitôt il s'écrie :

Chauffez-nous, je vous en prie.


Lampons, etc.

« Mais je ne vois point de Thou,


Ah! saint Mars où estes-vous?
Vous estes en purgatoire,
Et moy dans la fosse noire. »

Lampons, etc.

Les versiculets suivants furent faits sur Richelieu qui avait

régné plus effectivement que le roi Louis XIII, de même que


Mazarin durant la régence d'Anne d'Autriche.

te
VeUx - tu
ëËÉH
s; la dil . fé .
^
ren . ce,

^ *==^
Qu'il \ h de son E - ini . nen .ce A . vec le

m
^ S ¥
deffuncl (lar di . nalV La ré.ponse en est
LA CHANSON POPULAIRE. 4.3

35fc 3=3=É
lou . te près . te L'un ron.dui - soit son

#p f5^-

Et lau.tre montoit sur sa bes te.

En 1643 , le prince de Condé, descendant le Ehône par une


pluie battante, improvisa le couplet qu'on va lire; son com-
pagnon de voyage, M. de la Moussaye, homme d'esprit, riposta

immédiatement par une seconde strophe :

$ Ê^m
m P¥$m ï
Ca.rus a eus Mu.sae . us ah bo. ne

£
us, quod tem . pus! Lan - de. ret te,

Imbr
m
mus
w=w
pe - ri .
?
tu - ri, Lan.de.ri .
m
ri.

Securse sunt nostrœ vitae


Sumus enim Sodomitœ
Landerirette,
Igné tantum perituri,
Landeriri.

En 1648 mais surtout en l'année 1649 ce fat une véritable


inondation de Mazarinades, on en a compté plusieurs milliers ;

voici deux ou trois des plus douces, la plupart d'entre elles sont
trop salées et trop poivrées pour que nous puissions les citer :

AIR DES ENFARINES

s Grand car.
^
fi=ÉT
di . nal, que la for
l=Ft=H=t
. tu .ne Qui te .lève
*

n; LA CHANSON POPULAIRE.

m
¥ en
f-ttrj=&^-^-i
un si haut rang, Ne te fasse
J
ou.bli
J

.
J
er
J
ton

F 3 '
s^
'V' !

V J J ~J^
sang Et que tu es de la Com.mu.ne; Car on sait

!?-

fort bien dans


^ ces lieux
f^FP
Quel . le peut ê .
£
tre
F=^
ta fa

Ê ;
t^=F
_ mil . le, Car on sait fort bien dans ces

:^
lieux Quel
^
est ton
E
père
7
et tes aï
!E

- -eux.

Fais en sorte qu'il te souvienne


Qu'un Italien comme toi (1)
Dans la minorité d'un roi,
Après avoir bien fait des siennes,
Fut enfin, par revers du sort,

Quoique favori de la Eeine,


Fut enfin, par revers du sort,

Justement puni de la mort.

Sur l'AIR des TRIOLETS

# ^F=§
— m ï=fr i — i m—
Il faut chas - ser le Ma. za . rin Qui vo - le

tout l'or
J~^-fr
de la Fr ce, Fût
TR^^ -
*~
il plus

(1 ) Concini, maréchal d'Ancre.


»

LA CHANSON POPULAIRE 47

j> r p f f
J J' J |, El
fort, fût -il plus fin, Il faut chas . ser le Ma.za

rin
j *

Qu'il
nï re -
i
J
tour- ne de
J' i

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î


i

Tu-
1 1

rin,
j
Pour è
j
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[

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plus en as-su.ran _ ce: Il faut chas - ser le Ma-za.

J J
f -rin, Qui vo.
J. J-
le tout l'or de la

^
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»
.
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lieu
Sur l'AIR

Ma .
«le

J'J
JOCONDE

za.rin, Fleu
J
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ry,
J- U
Mé-de.cins
^

i » > #B — i N^é
em.pi. ri . ques, De plu- sieurs maux nous ont gué

ff j.jo J|
fr ,1+^ r ir f r

^
F
ri Par di.ver _ sespra.ti ques: RLcheJieu saignait Man.ci-

^
.

H -ni,
£
Purgeait par ex. cei.len - ce, Mais à la

P * •• è B^
diè.'te ce . lui - ci Bornait son or_ don.nan . ce.

Parmi ces grivoiseries plus ou moins spirituelles, on trouve


quelques chansons sur Lully, entre autres celle-ci, datée de
1662:
48 LA CHANSON POPULAIRE.

En grand fu - reur la Chan.ce. lie - re Dit à Lui.

PB ly un
É
jour;
*
Ne fait, tes plus
£
l'a - mour

ÉÊÊÉ %t-*t*rrrt *
Comme la Les.di . guiè, res, Et craignez les gar

B=B
ÉËÏ
I cons Com_me les au . très, com.me les au - très,

##? Et craignez
m
les gar. cons
é
Comme
S—H*

les pru . des


-©-^

font.

Vous êtes vieille et je suis jeune,


Répondit Lully,
Votre avis est joly :

Allez, il m'importune,
Dites vos oraisons
Comme les prudes (bis),

Dites vos oraisons


Comme les prudes font.

Les braillards du Pont-Neuf chantent ainsi la mort du maré-


chal de Turenne, en 167-3 :

Pleurons, fidèles François,


Pleurons le grand Turenne,
Pleurons tous à cette fois,

Pleurons ce grand capitaine, etc.

La flu c'est

Prions Jésus tout-puissant,


Le maître de la victoire,
Qu'il place au firmament
Turenne dedans la gloire.

On dirait un noël !
LA CHANSON POPULAIRE. 49

Il est une série de chansons que nous ne pouvons passer sous


silence, quoique leur intérêt musical soit médiocre, ce sont les

chansons et les chanteurs du Pont-Neuf.


L'un des premiers de cette race fut Mailliet, dans son jeune
temps attaché à la maison de la reine Marguerite, et dans sa
vieillesse et sa misère poète improvisé au Pont-Neuf.
Maître Guillaume, pensionné par Henry IV et par Louis XIII,
déguisait au Pont-Neuf les bouffonneries imprimées sous son
nom (1). C'est là également, au pied de la Samaritaine et de
son carillon, que les libelles de la Fronde, et plus tard ceux
contre Mazarin prenaient leur vol.
Le Savoyard, dont on a un Recueil de chansons, 1665, débi-
tait sa marchandise aux pieds du cheval de bronze, et la col-

portait ensuite en province. Le cocher de Verthamont soupirait,

ou plutôt hurlait ses complaintes sur le Pont-Neuf. C'est encore


là que se fit connaître Tabarin au commencement du dix-sep-
tième siècle. On a publié ses œuvres à plusieurs reprises : Ta-
barin (2), le farceur du beau Mondor, le charlatan célèbre!
Cette pléiade, dont nous ne nommons que quelques étoiles,

se termine par Ladre, qui chante la Carmagnole, et Ange Pitou,

qui a encore le courage de dire la jolie romance de Pauvre


Jacques, faite sous Louis XVI.
Ce que chantaient ces orphées du Pont-Neuf n'était certes

pas très poétique, leurs airs étaient des timbres qui couraient
alors, et qu'on estropiait même un peu.

Lors du mariage de Louis XV, en 1725, on entendit sur l'air

Rossignolet des bois :

(1) Edouard Fournier, Histoire du Pont-Neuf, vol. I, p. 149.

(2) Tabarin a-t-il pris son nom du tabarro à l'italienne, dont il se drapait? D'après

Littré, le tabareu tabard, dans l'ancienne langue, était une espèce de manteau eu serge
verte. Selon les curieuses recherches de M. Jal, le Tabarin français, le célèbre, s'ap-
pelait Jean Salomon; Tabarin était le nom du caractère introduit en France par un
Tabarini sous Charles IX.
I
50 LA CHANSON POPULAIRE.
Préparons-nous, François,
A recevoir la reine.
Les échos dans la plaine
Vantent son digne choix :

Crions vive la reine,


Crions vive le roy !

Ou bien, sur l'air : Ah! Philis,je cous vois, je vous aime :

Venez, princesse Stanislas,


Pleine d'esprit, pleine d'appas,
Le grand Bourbon vous tend les bras,

Il vous veut, il vous aime, il vous chérira ;

Stanislas, il vous veut, il vous aime,


Stanislas, il vous chérira.

Dans le nombre de ces chansons du Pont-Neuf on trouve la

suivante sur le rétablissement de la santé du roi, 1726; une

partie est intitulée Contre la, fièvre, et une antre Pour la reine.

Bannissez le chagrin, tin tin tin,

Belle et charmante reine,


Divine Leszezezinsky (sic) ti ti ti,

Dieu finit votre peine.

On rencontre quatre ou cinq pièces sur la mort de Madame la


duchesse d'Orléans, puis une chanson nouvelle au sujet de la
yrossesse de la reine, sur l'air : Prends, ma Philis, prends ton

cerre, suivie d'une autre sur le même sujet :

Amis, la reine est grosse,

Ah ! quel contentement !

Fut-il jamais chose


Qui nous réjouit tant ?

Fié jouissons-nous, frères,

Car voici le bon tems.

C'est cette belle littérature qu'on servait au peuple, qu'on


imprimait... même qu'on achetait.
Parmi le grand nombre de chansons satiriques sur les maî-
tresses de Louis XV, dont quelques-unes fort ordurières , nous
rappellerons la Belle Bourbonnaise, qui n'était d'ailleurs qu'une
LA CHANSON POPULAIRE. :,i

résurrection d'un ancien patron qui s'appelait également la


Bourbonnaise, et qu'on appliqua à M me Du Barry. Cet air, dont
on ignore Fauteur, a trop de vivacité pour être né avant 1750.
Auber s'est servi de l'air de la Belle Bourbonnaise dans son
opéra-comique de Manon Lescaut.

Dans Pa.ris la grand' vil. le, Gar. çons et jeu-nes

4^

fil - les, gar . çons et jeu - nés «, fil . les Ont

o^r tous
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le
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cœur de - bi .
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êf rrr PiJ'J-.i' PUV>>f


Est
52 LA CHANSON POPULAIRE.

bien mal à son ai - se, Elle est sur le gra . bat

L'air de la Belle Bourbonnaise est décidément trop musical

pour une création populaire, il est surtout trop développé et


trop complet pour sortir de cette officine ; selon toute proba-

bilité c'est une ancienne contredanse.


Tous ces recueils de chansons des rues, imprimés sur du pa-
pier à fromage, renferment quelques Bergeries, genre spécial,

dont la grande vogue se dessina surtout à partir de Louis XV ,

et que Boucher illustra de son pinceau. Les Bergeries du peuple

se chantaient sur des airs vulgaires, à la hauteur des paroles,


tandis que l'aristocratie avait des Bergeries écrites par des poètes
et par des musiciens, comme la jolie chanson :

-_: L „A J~ T?l •
1».
Aime - moi ber _ gè _ re, Et je t'ai . me _ rai , Ne sois
t7\

ff-pri f r ^£Fr j \<[ i^'^i


point lé_gè_re,Je ne le se . rai: Ah! que l'a

P=p LeF É î I È > J I


ï#=^
.inour est gai jo _ lt mois de Mai: Ah! que l'a .

£
|H f f F
m-r
F
Le
gi jo.limois de
J
1

* ixj
Mai.
mour est gai, Ah'.qu'il est gai

Vers la fin du règne de Louis XV, la famille royale adopta,

comme chant favori, ce chœur, plein de tendresse, que Grétry


avait mis dans son opéra-comique de Lucile (1769), et qui,

jusqu'à nos jours, caractérisa les Bourbons.


.

LA CHANSON POPULAIRE. 53

se
r •£/ CJ i
r
* e p=£
Ou peut - on è - tre mieux, Où peut -on

f*=?
e ËÉI s
f ê . tre mieux Qu'au sein de sa fa . mil - le? Tout

I^ est con. tent, tout est eon.tent, Le


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Comme nos

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yyj^M comme nos bons aï
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- pus.

Les chansons de la Révolution font partie d'un chapitre à


part : les Chants patriotiques.
er
Napoléon I n'avait pas de chant particulier, mais on dit qu'il
aimait la Monaco , et qu'il a fredonné bien souvent la chanson
de Malbi'ough au moment de mettre le pied dans l'étrier (1).
Sous Louis-Philippe on chanta beaucoup la Parisienne. L'air

sur lequel Casimir Delavigne ajusta ses paroles, vient de la


Westphalie, où il est encore populaire.

Le poète devait donc être bien pressé, puisqu'il n'a pu trouver


un compositeur français pour lui musiquer sa Parisienne. Voici,
au reste, la chanson avec les paroles originales :

(1) Nous projetons un travail spécial, concernant les chansons sur Napoléon I '

travail qui renfermera, outre les chansons françaises, un certain nombre d'autres en
allemand, en alsacien, en italien etc., sur le même sujet.
— #

M LA CHANSON POPULAIRE.

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da-ten.Kame.ra
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Je vis flotter un bateau,


Capitaine et lieutenant,
Là dedans étaient chargées
Trois braves compagnies de soldats :

Capitaine, lieutenant,
Porte-drapeau, sergent,
Prends la fillette par la main,
Soldats, camarades (bis).

En 1852 il faut mentionner la remise au jour de Partant pour


la Syrie, le jeune et beau Dunois, romance de la reine Hortense.
On n'a jamais su bien au juste si Napoléon III était très flatté

de cette démonstration soi-disant patriotique.


,

LA CHANSON POPULAIRE.

CHAPITRE III.

LA CHANSON MUSICALE. MADRIGAUX OU CHANSONS A PLUSIEURS


VOIX. CHANSONS A BOIRE. CHANSONS A DANSER.

Avant l'introduction du christianisme dans les Gaules, le


peuple ne chantait certainement pas dans les tonalités ambro-
siennes ou grégoriennes. Mais que chantait-il? C'est là ce
qu'il eût été intéressant de connaître, surtout quand il est hors

de doute que les bardes gaulois, successeurs immédiats des


Druides, chantaient en s'accompagnant d'instruments.
Or, il arriva ceci : les premiers apôtres et leurs successeurs
voyant le peuple si attaché à ses anciens chants, usèrent d'un
détour, en lui composant des textes pieux en latin sur quelques-

unes de ces mélodies, et l'on croit généralement que beaucoup


de nos hymnes ont eu cette origine ; on sait que ce sont les seules

pièces rythmées dans le plain-chant.


Malgré cette origine admissible, il sera à jamais impossible
de reconstituer un ancien chant gaulois avec une hymne, d'abord
parce que le texte original nous manque, en second lieu parce
que les mélodies ont dû subir des altérations nombreuses lors
de ces adaptations, et que les rythmes un peu vifs ont dû être

transformés en mouvements lents, sans parler des changements


subis par l'envahissement successif des tonalités du plain-chant.
Le plain-chant, à son tour, lui qu'on fait remonter aux Grecs,
ne nous donne certainement pas non plus des mélodies grecques
non altérées. Ce peuple grec, si fort en rythmes savants et
multiples, était probablement d'une médiocrité absolue en fait
de musique pratique ; tous leurs écrits théoriques nous le font
pressentir. Pour eux, la musique c'était la flûte ou la lyre,

instruments qui servaient plus particulièrement à soutenir le


56 LA CHANSON POPULAIRE.

rhéteur ou le déclamateur ;
quant aux chœurs qui paraissaient
dans les entr'actes des tragédies, on ne peut affirmer qu'ils
aient fait autre chose que de réciter, d'une façon très rythmée,
leurs strophes; il y a des écrivains qui vont jusqu'à accorder
au chœur scénique des Grecs d'avoir chanté à l'unisson ou à
l'octave (1).

Dans la pratique du culte catholique, dès son origine, on a


eu soin d'éloigner, d'anéantir tout ce qui était chant rythmé,
parce que le rythme accuse une expression passionnée, tandis
que le culte sévère du Christ voulait un chant calme et sans
passion, une musique plane, plain-chant, sans longue ni brève,
toutes ses notes devaient être d'égale valeur.
Vers la fin du cinquième siècle, le roi Théodoric demande
conseil à Boèce pour envoyer à Clovis, qui le lui réclamait, un
musicien qui pût enseigner le plain-chant aux Francs; l'artiste
désigné par Boèce fut Acorède, c'est tout ce que nous en savons.
Charlemagne, étant à Rome, obtint du pape les deux chan-
tres Benoît et Théodore, pour établir dans son empire des écoles
de plain-chant grégorien purifié, car les traces laissées par
Acorède ne paraissent pas avoir été bien durables. On comprend
d'ailleurs que ces écoles, au point de vue de l'ancien chant
populaire, ne pouvaient être que nuisibles, qu'elles furent, en
un mot, les grandes causes qui ont empêché qu'aucun chant
gaulois ne parvînt jusqu'à nous.
Le plain-chant était alors ce qu'il y avait de plus beau, de
plus raffiné, c'était le nec plus ultra de l'art musical, et le peu-
ple n'aspirait qu'à saisir quelques bribes de ces chants venus
de Eome, qui ne pouvaient ressembler en aucune façon aux
anciens chants gaulois.

(1) Jusqu'ici les nombreux et savants écrits sur la musique des Grecs aboutissent à
nous convaincre que les Grecs ne savaient pas écrire le chant à plusieurs voix, mais
qu'ils employaient probablement les sons simultanés dans les accompagnements d'ins-
truments. — De quelle façon? Personne ne le sait.
LA CHANSON POPULAIRE. 57

Voilà pourquoi ce qui nous a été trau suris de ces époques


éloignées procède, sans exception, des modes du plain-chant,
et porte des paroles latines.

Quant aux chants historiques latins des neuvième et dixième


siècles (1), nous avons de la peine à croire que le peuple les ait

jamais chantés. Ces grandes tirades de la bataille de Fontanet,


les stances sur la mort d'Eric, les complaintes sur Ckarlemagne,
suri' abbc liug, le chant de Godeschalc , etc., toutes ces pièces
ont pu être chantées au peuple par des chanteurs, dont la pré-
sence se décèle surtout dans le chant sur Éric, duc de Frioid, et
dans celui composé sur la mort de Ckarlemagne, mais le peuple
n'était pas assez instruit en musique pour graver ces airs dans
8a mémoire, et encore moins pour en exécuter les fioritures.

CHANT surERIC.Bucde FR10UL


.

58 LA CHANSON POPULAIRE.

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sa ca,
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m V B :

Gur - gi . tes I . - son - . ci - i

Quant aux odes de Boèce, ce ne sont pas des pièces popu-


laires, le sujet en est infiniment trop recherché pour le peuple
du moyen âge.
Le premier vestige d'harmonie dans le monde chrétien semble
dater du temps d'Hucbald, 875, à qui on en attribue l'invention,
sans certitude d'ailleurs ; c'est Yorganum oudiapkonie,Jiote contre
note, suite de quartes, de quintes ou d'octaves, quelquefois d'au-
tres intervalles, sans règles bien déterminées. Ces informes essais
d'harmonie avaient pour base d'anciennes mélodies de l'Église.
Voici un organum par quartes, tiré de l'œuvre d'Hucbald (1) :

6
Tu pa - tris sem.pi .ter .nus es fi . li .us.

Malgré les essais du célèbre moine de Saint- Amand, ce n'est

guère qu'au commencement du douzième siècle qu'apparaît


réellement le dédiant (discant), double chant , ayant été origi-
nairement à deux parties. Le chant donné (plain-chant) était

toujours à la partie grave (ténor), tandis que la partie supé-


rieure brode un contre-point, souvent fort échevelé.
Une remarque curieuse, c'est que jusqu'au commencement du
quatorzième siècle tous les déchants sont à trois temps, le

rythme binaire y semble inconnu. La subdivision de ces temps


ternaires ne se fait également qu'en rythmes ternaires (2).

(1) E. Coussemaker, J/t/«oire sur Hucbald, p. 71.


(2) Le trois temps était la mesure parfaite : comme exception il faut cependant citer
Francon de Cologne (onzième siècle) indiquant déjà le rhytknie binaire.
LA CHANSON POPULAIRE. 59

Tandis que la science musicale essa) ait de donner signe de


r

vie au douzième siècle et antérieurement, par la production de


ces horribles combinaisons appelées dêchant, le peuple avait
continué son répertoire de chansons, l'agrandissant avec toutes
les fantaisies que lui fournissaient de temps à autre les soubre-
sauts de l'ancienne verve gauloise. Ces chansons servaient prin-
cipalement à la danse :

Adieu dances, adieu qui les chantez !

(Adieux à Paris, par Eustache Deschamps.)

Par cela même qu'on les dansait, ces chansons étaient forcé-
ment bien plus rythmées que les inventions des musiciens.
Parmi un assez grand nombre de déchants, cités par E. de
Coussemaker dans son Harmonie au moyen âge, il y en a trois
où la chanson populaire est associée, tant bien que mal, à des
fragments d'antiennes (1) c'était l'aurore, c'étaient les premiers
;

essais des musiciens théoriciens, préludant à leurs messes sur

des chants populaires.

fp
60 LA CHANSON POPULAIRE.

Dans les œuvres d'Adam delà Halle, né vers 1220, mort


entre 1285 et 1288, on trouve des mélodies tellement gracieuses,
tellement au-dessus de ce que les musiciens avaient produit
jusque-là, qu'on se demande si ce trouvère artésien et musicien
ne faisait pas des emprunts à la muse populaire. Cette observa-

tion se reproduira forcément à propos du Jeu de Robin etMarion,

également du Bossu d'Arras, dans le chapitre de la Chanson au


théâtre. Adam de la Halle avait le sentiment de la tonalité
moderne : on n'a qu'à examiner la chanson suivante, qui est de
ce trouvère, et dont la tonalité sol est hors de doute (1).

le douch

LES MADRIGAUX, CHANSONS A PLUSIEURS VOIX.

Il existe des rondeaux et d'autres pièces à trois voix en assez


grand nombre, datant du treizième siècle, avec des duretés qui
font dresser les cheveux, tandis qu'au milieu de cette forêt
échevelée, hérissée de tentatives d'harmonie, on rencontre un
canon anglais à six voix, vraiment étonnant pour l'époque où il
a été écrit, car M. William Chappell a démontré, pièces en main,
que cette composition est du moine de Reading, John Fornsete,
qui vivait en 1236 (2).

(1)E. de Coussemaker, Adam delà Halle, pages LXI, 31 et 3"2.

(2) Id., l'Art harmonique, aux douzième et treizième siècles, p. 72 du texte.


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LA CHANSON POPULAIRE. 61

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62 LA CHANSON POPULAIRE.

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Nous avons déjà fait pressentir que le peuple avait le senti-


ment de la tonique et de la dominante, bien avant que les
savants ou les musiciens fussent fixés là-dessus.
Au reste, les compositeurs, dès le quatorzième siècle, s'a-

perçurent bien qu'à côté de leur travail peu fructueux sur les
vagissements du contre-point et de l'harmonie il y avait ce chant
populaire, qui existait, qui marchait, qui grandissait et se ré-
pandait, qui donnait surtout signe de vie après les grandes

(2) A gênerai History ofmusic, by sir John Hawkins. London 1776. Vol. II, p. 06.
Hawkins avait découvert ce canon dans un manuscrit du British Muséum, sous le
n° 978. Ce morceau, étant entouré d'autres pièces du XV e siècle, Hawkins en avait
conclu que le canon était de la même époque. M. William Chappell dans son ou-
vrage Popuîar music of the olJen lime, etc., vol. I, p. 21, a repris la question, et a

fini par découvrir l'auteur de cette curieuse pièce.


LA CHANSON POPULAIRE. 63

émotions populaires : batailles, naissance d'un prince, mort d'un


grand capitaine, etc. Ils se l'approprièrent en transcrivant ces
thèmes à trois ou à quatre voix, et en mettant généralement
l'air populaire au ténor ou teneur (1).
Une preuve irrécusable du succès des airs populaires, contre-

pointes à trois on à quatre voix, se trouve dans les belles publi-


cations de Petrucci, principalement dans son Harmonice musices
Odhecaton, 1501 à 1503, dont le Conservatoire de Paris possède
le seul exemplaire complet connu jusqu'ici (2). Ce volume
reaferme près de trois cents chansons françaises à trois et à
quatre voix, sur des thèmes populaires, comme : J'ai pris
amours, Ungfranc arckier, l'Homme armé, Monpèrem'a mariée,
Je suis jeunette, Adieu, jeune fillette, Gentils galants aventuriers,

Sur le pont d'Avignon, Vice le roy, etc. Ces chansons ont été
harmonisées et contrepointées par Josquin des Prés, Rodolphe
Agricola, Ghiselin, Obrecht, Okeghem, Brumel, Japart, Tinc-
tor, etc., bref, par toutes les célébrités musicales connues au
quinzième siècle. Il fallait, en effet, que ces chansons fussent
bien répandues depuis longtemps, pour être éditées à Venise
dès 1501.
On s'aperçoit sans peine que les compositeurs qui travail-
laient ainsi sur des airs populaires, ne se gênaient guère pour

tronquer, raccourcir, altérer le thème original, quand la marche


de leur contre-point l'exigeait. Ils visaient avant tout à faire

entrer les parties en imitation, comme dans ce commencement :

Sur le pont d' Avignon :

(1) Cette disposition n'était pas exclusive; on peut voir, dans Kiesewetter, Schik-
saJedes weltlîchen Gesanges (Destins du chant profane aux quinzième et seizième siècles),
deux fragments à trois voix, dont les auteurs, Dufay et Binchois, vivaient encore en
1436 ou 1437, et où le chant est placé au Superius : Je prens congiê et Ce moys de mai/.

(2) Une autre collection, fort précieuse également, est celle publiée par Pierre At-
fcaignant, à partir de 1528, quatre volumes petit in-4° oblong, que possède la Biblio-
thèque nationale. (Exemplaire unique.)

LA CHANSON POPULAIRE.

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pont d'A.vi _

Voici un exemple plus complet, où le thème populaire est


entonné d'abord par la basse. A part les quatre premières notes,
il serait bien présomptueux de garantir que le reste a fait par-
tie de la chanson populaire ; cependant le superius, après avoir
répété ces quatre notes, nous en donne six autres dans sa se-
conde entrée, qu'on pourrait encore attribuer à l'ancienne chan-
son originale. Ce sans-façon avec le thème primitif donne une
idée assez exacte de la manière dont les compositeurs de ce
temps-là en usaient avec la chanson populaire, dans leurs messes
comme dans les pièces profanes.
o —

LA CHANSON POPULAIRE. 6:»

LE FRANC ARCHER (1).

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Superius.

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(1) Tiré de l' Odhecaton de Petrucci. Lettre C. p. 42 (anonyme), mis eu partition


par J. B. YVeckerlin.
— ,

6 fi LA CHANSON POrULAIIlE.
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LA CHANSON POPULAIRE.

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LA CHANSON POPULAIRE. 6?

2
Le franc archer une arquebuse avoit,

Laquelle estait de sablon blanc chargée.


Et si avoit un foureau sans espée,
Encore pJus les mules, aux talons:
Viragon, vignette sur vignon.

Le franc archer à son hoste disoit:


Sangoyl morgoy! Je renigoy! je te tue!

Tout beau, monsieur, nos oies sont en mue,


Et l'appaisa dune soupe à Pognon:
Viragon, vignette sur vignon. Q)

Il est une chanson populaire du seizième siècle, Fors seule-


ment, que tout compositeur en renom à cette époque semble
avoir tenu à honneur de contre-pointer à quatre ou à cinq voix ;

de ce nombre sont : Okeghem, De la Rue, Hobrecht, Agiïcola,


Reingot, Ghiselin, Brnmel, Pipelare, C. Festa, etc.
Fors seulement a eu comme chanson à plusieurs voix le même
succès que l'Homme armé dans les messes.

Dans ces harmonisations à quatre voix, non seulement le

compositeur ne cherche pas à mettre en relief le thème original,


mais on dirait qu'il est constamment préoccupé à le noyer dans
les parties contre-pointées ; c'est une lutte continuelle entre le

chant populaire et la science du musicien qui tient à remporter


la victoire.

Quel dommage que ces maîtres du temps passé n'aient pas


mis la mélodie Intacte à l'une des quatre parties, en l'harmoni-
sant avec les trois autres voix, ainsi que cela se pratique de nos

(1) Les parole? que nous donnons se trouvent dans les Chansons Jrançoyses par
Severin Cornet, 1581, cinq cahiers in-4° dans un carton, Bibliothèque nationale. Le
Roux de Lincy donne le Franc archer en quinze couplets, dans son Recueil de chants
historiques français; Paris, 1842, deuxième série^ p. 272. Notre deuxième couplet
diffère complètement du sien.
,

70 LA CHANSON POPULAIRE.

jours, nous aurions une grande partiedes anciennes chansons po-


pulaires, telles qu'on les chantait alors ;mais, comme nous l'avons
déjà remarqué, les maîtres du seizième siècle altéraient l'air et

les paroles. Cet aveu est fait naïvement par Georges Forster dans
la première édition de ses chansons. (Frische Liedlein, fraîches
chansonnettes, Nuremberg, chez Petreio, 1539.)
Nous placerons ici un second exemple tiré de Petrucci, c'est

la chanson à quatre voix de Y Homme armé par Josquin des Prés,


ou Deprès qu'on pourra comparer avec la chanson populaire
,

transcrite dans le chapitre des Messes sur des thèmes populaires.

CHANSON DE L'HOMME ARMÉ (1).

CANON. (Et sic de singulis.)

Par JOSQUIN DES PRES.

upenus.
Supe 4M MZ

Allas. £ 33:
L'hom _ me
jN^ l'homme ar_ mé: Eh! Ro-bi

Ténor.
1 33:
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L'hom _
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l'hom
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me,

(1) D'après F( dhecatcn de Petrucci: lettre B, p. 2. Et sic de singulis, canon ouvert


, ,

LA CHANSON POPULAIRE.

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LA CHANSON POPULAIRE

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mort don _ né Quand tu t'en vas, quand tu t'en vas

A l'époque où l'on publiait les premières éditions de chan-


sons à plusieurs voix, c'est-à-dire an commencement du sei-

zième siècle, la science instrumentale étant peu avancée, ces


sortes de publications servaient aussi bien aux voix qu'aux ins-
truments : Chançons à 4 parties, auxquelles sont contenues
31 nouvelles chançons, convenables tard à la voix comme aux
instrumentz, Anvers 1543. — Livres de chansons à quatre par-
ties, nouvellement composez et mises en musique, convenables tant
aux instrumentz comme à la voix; Louvain 1554. Les Italiens
mettaient per cantar e sonar ; on trouve également : tur/i omrds
generis instrumentorum, tum ad vocis modulationem, ou bien :
LA CHANSON POPULAIRE. 73

pi r vocum et instrumentorum melodiam, ta/m conjuncte quam di-


visim. Chez les Allemands : Anf allerley Instrumente zu brauchen,
à servir pour toutes sortes d'instruments. Parfois les instru-
ments jouaient en même temps que les voix, mais ils n'avaient
pas une partie concertante, et ne faisaient que doubler ces der-
nières.

Prretorius nous donne quelques renseignements là-dessus à

la page 156 Syntagma musicum; ainsi on choisissait les instru-

ments selon les clés des parties vocales : en présence de la clé


du violon (sol) pour la partie haute et de la clé dut seconde
pour la partie grave, on employait les cornets à bouquin (Zinckeri)

ou les petits violons. Pour les chœurs à quatre voix on se

servait des flûtes traversières ; pour des parties graves les ins-

truments ordinaires étaient les trombones (sacqueboutes) et les

bassons. Comme on avait alors la famille entière de chacun


des instruments à vent, on employait pour doubler les quatre
parties vocales, soit un chœur de flûtes, soit un chœur de
violes ou de cornets, etc., selon le goût des chanteurs, et plus
probablement encore selon les musiciens qu'on avait sous la
main.
Ces exécutions étaient si peu artistiques, que lorsqu'il man-
quait, par exemple, un contralto dans un quatuor de voix, on le

remplaçait par une viole ou par un cornet.


Au seizième siècle la musique instrumentale était plus pra-
tiquée en Allemagne qu'en France. Sébastien Virdung (1511)
parle d'environ cinquante instruments ; Prœtorius (1018) en
décrit une centaine, qui tous, paraît-il, étaient un usage.
Les recueils de madrigaux ou chansons à plusieurs voix, si

recherchés aujourd'hui, sont presque tous très rares : leur dis-


parition n'a rien qui étonne, parce que ces collections étaient non
seulement entre les mains de l'aristocratie, mais aussi entre
celles de la bourgeoisie et des corporations. On ne publiait pas
en partition les chansons à plusieurs voix, du moins c'était
74 LA CHANSON POPULAIRE.

l'exception, mais eu parties séparées. Or, une de ces parties

égarée ou perdue, dépareillait les autres ; en ce cas, au lien de


voir à se compléter, on cherchait de préférence du nouveau.
Les rares collections complètes qu'on rencontre proviennent gé-
néralement d'anciens couvents, où l'on avait des bibliothèques.
Il faut ajouter encore que les musiciens de ces temps-là étaient
aussi négligents que la plupart de ceux d'aujourd'hui, et pas

collectionneurs du tout.
Les guerres de religion du seizième siècle, et plus tard tous

les mouvements populaires n'ont pas peu contribué à disperser


ces recueils précieux. Beaucoup d'entre eux n'ont d'ailleurs

jamais été complets comme paroles : on n'imprimait générale-


ment que le premier couplet avec la musique, le reste se disait

par cœur, les chanteurs ayant les paroles présentes à leur mé-
moire. Cela est si vrai que dans VOdkecaton de Petrucci on
ne trouve que les premières paroles de la chanson, même pas
toujours le premier vers en entier, et c'était pourtant une édi-
tion pratique, devant servir à l'exécution (1).
Il ressort de là qu'on ne devait être que médiocrement diffi-

cile au point de vue du rythme exact des paroles ou de la proso-

die, et que les chanteurs intelligents (l'exception) devaient être


les seuls qui, en chantant, plaçaient les paroles d'une façon à
peu près convenable. Il est à peine nécessaire d'observer que
les nuances étaient inconnues, ces anciens recueils n'en por-
tent pas de traces, et les exécutants n'étaient pas de force à
les improviser.

Après Clément Jannequin, ce fut Orlando de Lassus qui


remplit une grande partie du seizième siècle de son talent et de
sa célébrité. Dans ses chansons à plusieurs voix, à l'instar de
son devancier, il a secoué cet éternel style de contrepoint, en le
remplaçant par la fantaisie et l'inspiration, en un mot par sa

(1) Les quatre parties sont imprimées séparément en regard.


. — , —

LA CHANSON POPULAIRE. >


75

personnalité, par son talent. Tout en conservant les entrées en


imitation, le contour mélodique est plus franc, plus alerte que
ce qui avait précédé. Lassus ayant été en Italie, a dû connaître
les œuvres de son contemporain Carissimi, mais le style d'Or-
lando de Lassus est bien plus français qu'italien (1), et son

grand succès résida en effet dans ses chansons françaises, puis


dans ses messes et autres compositions religieuses. La chanson
suivante , de ce compositeur, est tirée des collections de la Bi-
bliothèque Sainte-Geneviève.

VIGNE VIGNOLET
CHANSON d'ORLANDO de LASSUS
(1576)
Allegretto.
tf- i £— ~ i * 9 g f-f-p
Sopronc

Mar.got, la.bou.rez les m . gnes, vi_gne,vi.gne,

Conlrallos.
mm Mar.goi,
9

la.bou.rez les
^vi _

£
gnes
p ® g
-

vi.gne, vi.gne,
&-

Ténors. ?n
Mar.got, la.bou_rez les vi. gnes, vi.gne, vi.gne,

f
Basses
T Mar.got, la.bou.rez les vi _ gnes, vi_gne,vi_gne,

(1) Orlando de Lassus ou Roland Delâtre a composé un assez grand nombre de


madrigaux italiens, même quelques-uns en allemand.
La plupart des madrigaux imprimés au seizième siècle le sont sur du bon gros
papier, format petit in-4° oblong, chaque voix dans un cahier séparé, rarement en
partition. Les caractères sont bien plus beaux qu'au dix-septième siècle où, sur-
tout en Italie, le pays où Petrucci avait produit ses superbes caractères, l'on trouve
d'horribles impressions sur du mauvais papier gris, qu'on appelle vulgairement du
papier à fromage.
76 LA CHANSON POrULAIRE.

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vi.gno.let,
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vi _gnes bien

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F=^
la_bou.rez
B ^^ les vi.gnes bien .

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vi.gnes bien

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|M .tut. En
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(2 Str.) Ils .

.tôt?

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ir^jB.
P m P -&
.tût. En . re.ve.nant de Lor.rai ne, Mar
e
(2 Str.) Ils .m'ont ap.pe. lé vi _ lai ne, Mar

m CC

W
.tôt. En re . va_nant de Lor. raine, Mur .
e
(2 Str.) Ils m'ont ap.pe.lé vi . lai_ne,Mar _
^

LA CHANSON POPULAIRE.

J- ... #_
E
..

:o

re - venant de Lorrai _ _ ne, Mar


m'ont ap _ pe . lé vi _ lai . -ne, Mar

w
»i/i

En re . ve.nant de Lor
ÉHËÉ
rai_ne,Mar
àm
Us m'ont ap.pe.lé vi lai. ne, Mar

.got,.
.got,.

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^
T -got,- Ren con
-grtt,- Or, mon

JL
9.-9. f=m
.got, Ren eon.trai trois ca.pi.tai nés, Vi.gne, vi.gne, vi.gno.
.got, Je m'ap.pel .le Ma.de. lai ne, Vi.gne, vi.gne, vi.gno.

É=Ë td
.got, Ren .con -trai trois ca.pi.tai nés, Vi.gne,
ppf
vi.gne, vi.gno.
got, Je m'ap.pel _ le Ma.de.lai ne, Vi.gne, vi.gne, vi.gno--.

P
m ry a » ¥=+

Ren.con . trai trois ca.pi -tai nos, Vi.gne, vi.gne, vi.gno.

Je m'ap . pel . le Ma.de.lei ne, Vi.gne, vi.gne, vi.gno.

P
m X3I

.trai i
±±:
trois ca.pi.tai
'^F
nés, Vi.gne,
¥=ë
m
vi.gne, vi.gno.
nom est Ma.de.lei ne, Vi -gne, vi.gne, vi.gno.
LA CHANSON POPULAIRE.

o-

R.ict, ar
Ê
got, la.bourez les
mu
vi.gnes bien
o
tôt

_let, Mar . got lajjourez les vi.gnes bien tôt

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Jet, Mai*. got, la.bourez les vi.gnes bien tôt Ils

Jet, Mar. got, la.bourez les vi.gnes bien tôt Mon père

-çr
SeËËÊ
Jet, Mai- got, •
la.bourez les vi.gnes bien -tôt.,

Jet, Mar got, la.bourez les vi.gnes bien -tôt.

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Ils

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Ils m'ont sa . lu é viJai


Mon père é _ tait ca.pi Jai

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_ tait ca _ pi tai _ ne. Mar _ rat, II

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mé vi _ lai

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ne,
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Mar.
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got,
got,
LA CHANSON rOPULAIRE. 79

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R g°t; Je SUIS
M^£
leurs fiè.vres quar _tai nés,

Mar got, II vous fe _ ra de la pei ne,

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In n
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Ma
Mar got; Je suis leurs fiè.vres quar Ltai nés,

ne, Mar got, Il vous fe _ ra de la pei ne,

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£=iâ ^£
leurs fiè_vres quar

vous fe _ ra fe _ ra de la

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S f f f-f
Je
.

8< LA CHANSON POPULAIRE.

frit-

75".
vi.gnes bien, tôt, Margot la.bourez les \i-gnes bien

vi-gnes bien tôt, Margot la.bourez les vi-gnes bien tôt.

frit.

w vi.gnes bien
vi.gnes bien
tôt,

tôt,
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Margot
Margot
la.bourez
la.bourez
les

les

vi.gnes bien
vi-gnes bien
jŒL

tôt.

tôt.

3m
i

vi.gnes bien tôt,


m
Margot la.bourez les
frit.

?
vi.gnes bien . tôt.

vi.gnes bien tôt, Margot la.bourez les vi.gnes bien - tôt.

Parmi les musiciens de la fin du quinzième siècle, du sei-

zième et le commencement du dix-septième qui composèrent

des chansons françaises à plusieurs voix, nous mentionnerons :

Abran, Arcadelt, Bèchefort ou Bouchefort, Beaumont, Bercoy,


Bertrand, Besancourt, Briault, de Bussy, Du Buisson, Cadeac,
Castro, Certon, Chevalier, Ciereau, Corson, Costeley, Courtois,
Créquillon, Delafont, Deshordes, Deslouges, Dorle, Ducroc,
Dalot, Du Tertre, Entraigues, Const. Festa, Fourmentin, Fran-

çoys (sans doute le même que Françoys Dubois), Gascogne,


Godard, Gohier, Gombert, Gosse, Goudimel, Nicolas de la

Grotte, Grouzy, Guyon, Hesdin, Heurteur (ou Le Heurteur),


Jacotin, Cl. Jannequin, Jaquet, Leennard, Leschenet, Adrian
Le Roy, Lochet, Maillard, Malette, Manchicourt, Marchandi,
de Marie, Meldaert, Millot, Mithou, Mittantier, Philippe de
Monte, Mornable, Mouton, Passereau, Hilaire Penet, Cl. Petit

Jehan, Renés, Richafort, Roger, Cyprian di Rore, Roquelay,


LA CHANSON TOPULAIRE.

Rouince, Roussel, Salmon, Sandrin, Santerre, Touteau, Vassal,


Verius, Villiers, Vulfrau, AVassereau, Werinont, Woullu ou
Moullu, Ysore (1).
Ces noms sont d'autant plus utiles à citer, que les trois quarts

d'entre eux sont français et omis par Fétis, quoique nous pos-
sédions plusieurs de leurs œuvres ; ils témoignent surabondam-
ment de l'existence d'une école française à côté de l'école belge,
que généralement on mentionne seule pour le seizième siècle.

De même qu'Orlando de Lassus dans Vigne Vignolet, plu-


sieurs de ces compositeurs se servent de paroles populaires : ce

ne sont plus des harmonisations d'anciens airs, mais de vé-


ritables compositions nouvelles. Les poésies de Marot, Ronsard,
Baïf et d'autres moins célèbres sont fréquemment mises en mu-
sique , surtout pour les chansons d'amour, série la plus abon-
dante.
Les Voix de ville, publiées en 1575, par Jean Chardavoine
donnent une idée de ce qu'on chantait à la fin du seizième
siècle : Mignonne, de Ronsard; bel œil, ô blanc tetin, de Jodelle ;

nuit , jalouse nuit, de Desportes; Avril l'honneur et des bois et

des mou, de Remy Belleau, etc.


En voici un exemple :

H -o- à J J ô &â -o- z*=3=

O ja_lou.se con tremqy con.ju.

^
nuit, nuit, _


j p O O O rr-f- -ô- a
I O
1

XE
Qui renflam.me le ciel de nouvel _ le clarJé,

Tay-je donc
?
au -jourd'hiiy tant de
£
fois dé _ si. ré

(1) A part trois ou quatre noms belges et autant d'italiens, tous les autres ap-
partiennent à des compositeurs français.
LA CHANSON POPULAIRE.

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^
Pour es .
rcc
tre si con
-©-

_ traire à ma
é
fe _
rJ

li
«
_ ci -
^h
té!
I

Toutes ces belles poésies sont notées avec des airs longs, lan-
goureux. Quelques-unes de ces chansons, le petit nombre , ont
cependant du rythme et du mouvement, mais aucune d'entre
elles n'approche de cette jolie chanson populaire, dont le refrain

reproduit la première partie de Au clair de la lune, qu'on a


souvent attribué à Lully, venu un siècle plus tard :

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Mon
Et
E^ père
y
et

m'ont
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fait

fai
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. di net . te, je vous ay _ me tant!

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Jes. (ois trop pe . ti - te, Il es . toit trop grand:
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-o-

net - te, je vous ay . tant.

•_>

J'en ay faict rogne ure


Trois pieds par devant
Gaudinette, etc.

Autant par derrière,


Encore est trop grand
Gaudinette, etc.

Et de la rogneure
J'en ay faict des gands
Gaudinette, etc.
LA CHANSON POPULAIRE. s:;

Pourmon amy Pierre


Luyque j'ayme tant :

Gaudinette, etc.

M'empoigne et m'embrasse,
M'a faict un enfant!
Gaudinette, etc.

Aussi m'a guérie


Du grand mal des dents
Gaudinette, etc.

Quand le sceut mon père,


Qui me battit tant :

Gaudinette, etc.

Tout beau, tout beau, père,


Frappez doucement :

Gaudinette, etc.

10

Sy la mèr' feist faute,


Qu'en peut mes l'enfant ?
Gaudinette, etc.

11

Ce n'est rien du vostre


Ny de vostre argent :

Gaudinette, etc.

12

C'est d'mon amy Pierre


Qu'au vert bois m'attend :

Gaudinette, etc.
84 LA CHANSON POPULAIRE.

13

Et pour moy endure


La pluye et le vent :

Gaudinette, etc.

14

Et la grand' froidure

Qui du ciel descend :

Gaudinette, etc.

15

Et pour luy j'endure


La honte des gens :

Gaudinette, etc.

Vers la fin dn seizième siècle, mais surtout au dix-septième,


ou publia à Paris, chez les Ballard, des recueils de chan-

sons ou airs mis en tablature de luth (1); les principaux auteurs


sont : Guédron, Bousset, Bataille Vincent, Grandrue, Auget,
,

Signac, Corfin, Savorny, Boyer, etc.


En même temps parurent des airs avec basse chiffrée ou non
chiffrée, comme, par exemple, ceux de M. de La Barre, dont
nous donnons un spécimen, avec sa diminution (2), c'est-à-dire
des variantes à la seconde strophe, ce qui était alors très à la
mode.

(1) Airs de Jan Boyer, mis en tablature de luth par luy-mesme. Paris, 1621. Pet. in-4°.

Airs arec la tablature de luth de Estienne Mouliniê; 1624-1635.


(•2) Le mot diminution provient de ce que la note originale est diminuée de va-
leur dans ces strophes avec variations, car à la rigueur il faudrait plutôt appeler
cela des augmentations, aujourd'hui c'est le mot variantes qu'on emploie. Bacilly, dans
son Art de bien chanter, 1G79, observe que le mot diminutions ou passages s'emploie
par les gens de qualité, tandis que le vulgaire appelle cela fredons. Cette grande af-
faire des variantes est traitée par cet auteur comme une chose des plus importantes
de l'art du chant, il disserte là-dessus pendant quarante pages, en citant et en ana-
lysant des exemples.
g—

LA CHANSON POPULAIRE. 85

SARABANDE île M OE LA BARRE


.(avec (liminulion)

Al _ lez ber - sers des _ sus l'her _

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8G LA CHANSON POPULAIRE.

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Avec diminution {ou variantes).

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LA CHANSON POPULAIRE 89

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00 LA CHANSON POPULAIRE.

Cambert, qui précéda Lully pour la création de l'opéra fran-


çais, avait publié d'abord uu certain nombre de chansons à
quatre voix, dont malheureusement il ne reste qu'une partie de
Taille, conservée à la Bibliothèque nationale.

Au dix-septième siècle, il y eut l'envahissement de l'école

italienne, qui nous expédiait ses airs sous forme de Canzonnetta,


Tricinia, Napolitana , Vilanelle, Madrigalie, etc. On y mettait
des paroles françaises quelquefois ; mais les paroliers s'aper-

çurent de bonne heure qu'il n'était pas plus difficile de mettre


des vers sous nos airs de danse français, et à partir de Lully
commence une avalanche de parodies (1).
Depuis le milieu du dix-septième siècle jusqu'à la révolution,
il faut compter par milliers les courantes, les gagliardes, les
branles, les bourrées, les menuets, les allemandes etc. Tout cela ,

se chantait, et quand l'air et les paroles étaient réussis, la

chanson ne tardait pas à se répandre, à se faufiler partout, du


boudoir à l'antichambre et à la cuisine (2), de là dans la rue.
La clé du, caveau renferme encore quelques airs qui se sont
maintenus dans la faveur populaire jusqu'à nos jours.

Vers la fin du dix-septième siècle les maîtres du beau chant,


comme on les appelait, étaient Bacilly et Lambert, ce dernier de-
vint le beau-père de Lully. Ce Lambert, à ce qu'il paraît, était

très recherché comme chanteur de salon et comme professeur ;

il publia en 1689, chez Christophe Ballard, une suite d'airs à


deux, trois et quatre parties. Quant à Y art de bien chanter par
Bénigne de Bacilly (1679), c'est un petit volume qu'on trouve

(1) On appelait parodier ou parolier, mettre des paroles sur des airs d'instruments.
(2) Dans la comparaison de la musique italienne et de la musique française par Lecerf
île la Vieville. 1705, seconde partie, p. 328, on lit : « lorsque j'entendois par exem-
ple l'air d'Amadis (de Lully) chanté par toutes les cuisinières de France, j'avois droit
de penser que cet air étoit déjà sûr d'avoir eu l'approbation de tous les gens de
France d'un rang entre la princesse et la cuisiuiere. )>
Cet air commence ainsi : Amour que veux-tu de moi? Il a été publié chez Durand
Hcnewerk.
,

LA CHANSON POPULAIRE. 91

facilement, tandis qn.e les exemples gravés qui le complètent,


sont d'une rareté insigne.
Les ^imprimeurs Ballard, armés de leur privilège exclusif,
firent paraître, dès la fin du dix-septième siècle, mais surtout
à partir de 1700 cette suite de petits volumes avec airs notés,
qui nous transmettent le goût musical de ce temps-là, en de-
hors de l'opéra.
Ce sont :

Les Brunetes ou Petits Airs tendres arec la basse continue,3 vol.


La Clef des chansonniers ou Recueil des vaudevilles depuis
cent ans et p>lus, 2 vol.
Les Menuets chantants, 3 vol. renfermant plus de trois cents

menuets parodiés.
Les Parodies bachiques, 1 vol.

Les Tendresses bachiques, 2 vol.

Les Pondes et chansons à danser, 2 vol. Ce sont des chan-


sons populaires.
Les Nouvelles Parodies bachiques, 3 vol.

Lully n'a pas dû contribuer pour peu à l'engouement des


bergeries, car il introduisait volontiers les bergers et les ber-
gères dans ses ballets et dans ses opéras. Avant lui Cambert
avait fait de même ; c'était au reste, un genre exclusivement
aristocratique, car le peuple ne pouvait se faire de bien grandes

illusions sur les bergers et les bergères, il les voyait tous les

jours et savait qu'en penser.


Dans la seconde moitié du dix-huitième siècle on avait la

rage des Cantates à une ou à deux voix : la Cantate des prix


de Rome leur a dû sans doute sa naissance, car nous voyons
que ces Cantates, à l'origine, n'étaient qu'à une voix, ce qui
s'est continué fort longtemps.
A partir de 1800 les compositeurs harmonisent peu les chants
populaires , aussi trouve-t-oh beaucoup moins de ces chansons
écrites ou imprimées depuis cette date qu'à des dates anté-
LA CHANSON POPULAIRE.

rieures. Nous faisons une exception pour les trente ou qua-

rante dernières années de l'époque actuelle ; il sera question de

cette série intéressante dans notre épilogue.

LES CHANSONS A BOIRE.

Nous avons déjà observé que la chanson populaire diffère


essentiellement de ce qu'on appelle simplement la chanson, dont
l'acception est plus musicale, quoiqu'embrassant à peu de chose
près les mêmes sujets, mais sous un aspect différent.

Ainsi qu'on peut le voir aux chansons historiques, le peuple


de la campagne ne s'est guère préoccupé des chansons de la
Ligue, de la Fronde, et ce n'est certes pas de lui que Mazarin
aurait pu dire : « Laissez-les chanter, ils paieront les violons, »

ou quelque chose de semblable.


Une remarque qui paraît hasardée, mais qui n'en est pas
moins vraie, c'est que la chanson à boire est une chanson de ville,

même il est assez rare d'en rencontrer parmi les chansons po-
pulaires de la campagne.
Olivier Basselin et son transcripteur ou son imitateur Jean
le Houx (1) ont chanté le vin et surtout le cidre de Norman-
die ; à Vire même, où habitaient Basselin et Jean le Houx,
on n'a pas retenu une seule de ces chansons (vaudevires) (2) ;

rien n'est resté dans la tradition populaire, et cet oubli a sou-


vent excité notre étonnement, durant de fréquents et de longs

(1) Un Virois, M. Armand Gasté, professeur au lycée de Caen, mû par un sentiment


peu flatteur pour sa ville natale, a prouvé à peu près que nous ne possédons rjen de
l'œuvre de Basselin, et que tout ce qu'on lui a attribué jusqu'ici revient à Jean le

Houx. Basselin est passé à l'état de mythe, et Boileau a eu tort d'en parler, puisqu'il
ne connaissait pas plus que nous ses œuvres.
(2) Les vaux de Vire sont une suite de coteaux pittorescpaes, au bas desquels coule
la Vire ; comme on suppose que Basselin a demeuré par là, on a mis à l'une des mai-
sons un écriteau rappelant ce souvenir.
'

LA CHANSON POPULAIRE. 03

séjours clans la ville et les environs de Vire. La seule explica-

tion qu'on pourrait donner à cela, c'est que la forme des vau-
devires est trop littéraire pour que le peuple les ait jamais

admis dans son répertoire.


Nous allons donner un des vaudevires attribués à Basselin,
jusqu'au moment où il a fallu les reconnaître comme l'œuvre

postérieure de Jean le Houx, dont nous avons examiné le ma-


nuscrit autographe à la bibliothèque de Caen (1).

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UJ*
le bon vjnî
E i
Et beut pre.

i
9 <H*
mier
s
le jus de '
éêéêé
son rai- sin;
^^
le bon vin'.
-f—?-

Cette chanson se trouve notée dans le Recueil des plus beaux


airs accompagnes de chansons à damer, ballets, chansons folâ-

tres et bachanales, autrement dites vaudevire, von encores impri-

més. Ausquelles chansons l'on a mis la musique de leur chant,


afin que chacun les puisse chanter et dancer, le tout à une
seule

voix. A Caen, chez Jacques Mangeant, 1615.


Jean le Houx est mort en 1616, il était Virois comme Bas-
selin.

(1) Parmi ces vaudevires autographes de Jean le Houx nous en avons remarqué
un entr'autres, avec le timbre : Belle qui m'avez blessé d'un traict si doux, chanson de

Pierre Guédron qui vivait encore en 1620. Il est clair que si Basselin a été tué à la

bataille de Formigny (1450) comme on croit, il n'a pu mettre aucune de ses chansons

sur des thèmes de Guédron.


*

94 LA CHANSON POPULAIRE.

On voit une fois de pins que vaudecire ou bachanale signi-


fiait air à boire, et n'a jamais eu aucun rapport avec le théâtre,

aucun rapprochement possible avec vaudeville, dont la signi-


fication est tout antre : vieille erreur accréditée par Boileau(l).
Les chantres... et les musiciens avaient anciennement une
certaine réputation, touchant leur faible pour la dive bouteille.
Dans une de ses chansons à plusieurs voix, Orlando de Lassus
se sert du texte suivant :

En m'oyant chanter quelquefoys


Tu te plains qu'estre je ne daigne
Musicien, et que ma voix
Mérite bien que l'on m'enseigne,
Voir que la peine je preigne
D'apprendre ut re mi fa sol la :

Quel diable veux-tu que j'appreigne?


Je ne boy que trop sans cela.

Nous ne pouvons passer sous silence la célèbre chanson à


boire du Médecin maigre lui, de Molière, 1666, musiquée d'abord
par Lully. Quand, plus tard, l'astucieux Italien se brouilla avec
Molière, à propos du privilège de l'opéra, Molière fit écrire un
nouvel air des glougloux par Charpentier, et c'est celui qui est
resté dans la tradition du théâtre français, sauf de légères altéra-
tions. Lully s'en était d'ailleurs consolé d'avance, en se servant de
son air à boire comme menuet dans le ballet de Flore, 1669.

AIR de LULLY

1 £ -* É=ë
Ah! qu'ils sont doux, Bou \ teil .le jo . li . e,

Ah!
rwrTii &f±¥?m —
qu'ils sont doux Vos petits glou . gloux! Mais monsort

(1) Voir la Chanson au théâtr-e, chapitre VI.


*

LA CHANSON POPULAIRE.

fcj pr u J];iu. ifr


bien des ja loux, Si vous é
J
.
i

tiez
J
^
fou
fe . rail .

J 1 Ml hl.l. l>J-i'J U
jours rem pli Ah! ah! bou _ teil . le ma

:£7

mi .
f
e, Pour .
j.
quoi
j'j
vous
u
vi .
num
dez vous?

AIR de CHARPENTIER

ÉËÉ
i Qu'ils sont doux, Bou - teil _ le jo - li _ e,

^s Qu'ils sont doux Vos


^f£
pe_ tits glou- gloux.
a
Mais mon

SE £ m~
i sort ferait bien des ja - loux, Si vous
'

é-tiez

$ — e
toujours rem _ pli .
me: Ah! ah! ah! bouteil -

£
_ le, ma
1
mi
7J

_
*
e,
^
Pour. quoi vous vi.dez - vous?

Les éditeurs Ballard ne faisaient que suivre le mouvement


et le goût prononcé pour ce genre de musique, en publiant les
Parodies bachiques, les Tendresses bachiques, les Nouvelles Paro-
dies bachiques, car il faut bien le dire : la grande époque de la
chanson à boire, en France, a été le règne de Louis XV. Il
existe encore des milliers de recueils manuscrits, à part les im-

primés, ne renfermant absolument que des chansons à boire


96 LA CHANSON POPULAIRE.

pour uue, deux ou trois voix. La plupart de ces produits de la

verve bachique sont des parodies sur des airs de danse ; comme
spécimen voici une chanson à boire rimée sur un menuet du
Roland, de Lui! y :

^
g *£=* £ frf r M J. ^
C'est le plai . sir . le .plus a_gré_a-ble Que celui

^m qui du re
£=H^#=g
plus: A - mis, sov - ons tou -


^ P
.jours à ta_ble,Quit- tons Vé - nus, Le plai _ sir qu'elle

m Iï %
donne est peu du- ra-ble, sui-vonsBac - chus.

Il est une chanson à boire dont le timbre reparaît à chaque ins-


tant à partir de 1750 environ. Elle ne peut guère être plus an-
cienne ni d'après les paroles ni d'après l'air : d'ailleurs, les Bal-

lard ne l'auraient pas laissée échapper dans leurs nombreux


recueils, si elle avait été connue alors :

Quand la nier rouge ap - pa - rut Aux yeux

Aus.si - tôt ce buveur crut Qu'il n'a -


de Grégoi - re,

_ vait qu'à boi - re, Mais mon voi-sin Fut plus fin, Vo.yant

<
fc-f-f f f 1
^^ pass,pass, pass, il la sa, sa,
que ce n'é.tait vin, Il la
\,.\ CHANSON POPULAIRE. 9T

^F
sa, il la pass, il la il la pas - s*c

Sans en boi - re goût te. (i)


tou - te

Une autre chanson à Loire, restée célèbre, est celle d'Adam


Billant, ou maître Adam, le menuisier-poète de Nevers, 1650 :

S
Aus
^5
. si tôt
r
que
M'"
la lu . miè
* ^
A re

* m • Eè g •
f=1 =F
do. ré nos co - teaux, Je com.men _ee ma car_riè . re Par vi .

si . ter
J
mes
J- ;i
ton .
j
neaux
ç=#
Ra.vi re . voir
m
r==»

I au

e? ff
I J J J
*B

', Le verre en main je lui dis: Vois -tu

É
Z7~
tqLl ^ '
i' i' 1.1 J J- J>

sur la ri _ve Mau . re Plus qu'à mon nez de ru . bis?

Une des conditions de l'air à boire, c'est qu'il soit fait sans
autre accompagnement que les couteaux ou les verres, parce que
généralement ces chansons se produisaient à table ou dans un
cabaret : en ce temps-là les grands seigneurs allaient au ca-

( l ) ( >n voit que le bu qui s'avance, <1 m> la Belle Hélène d'Offenbacïi, n'était pas une
facétie chansonnière nouvelle ; on la trouve même employée daus la Rencontre impré-
isique de Gluck. La chanson que nous venons de citer a été imprimée dès la
fin du dix-septième siècle; elle se trouve également dans le Trésor des plus belles
chansons, cité plus loin.

7
!)8 LA CHANSON POPULAIRE.

baret. Lecerf de la Vie ville, qui écrivait eu 1702, dit : « A la


fin du repas, daus l'émotion où le vin et la joie ont mis les con-

viés, on demande un air à boire; l'accompagnement aurait là

quelque chose de gêné, qui serait hors de saison, et sentirait


trop le concert préparé. »
Cette ivrognerie musicale avait si bien passé dans les mœurs,

que les dames elles-mêmes ne dédaignaient pas de s'en mêler par-


fois. Nous avons vu deux gros volumes de chansons à boire ma-
nuscrites, contenant des pièces plus que grivoises, l'ouvrage

avait cette inscription : appartenant à M Ue


de Messine. La
poétesse M me
de Saintonge a mis une quinzaine de chansons à
boire dans ses poésies galantes, 1696.
Il a existé de tout temps et il existe encore de nombreuses
sociétés de buverie. L'abbé Grandidier a écrit un mémoire sur
une de ces sociétés, fondée en 1586 à Haut-Barr (Alsace), ou
l'appelait Confrérie de la Corne. L'épreuve du récipiendaire con-
sistait à vider la corne d'un trait; or celle-ci contenait deux pots
de vin, plus de trois litres.

Quant à l'usage de boire à la santé, il se pratiquait dans l'an-

tiquité païenne; les Romains ont continué la tradition des Grecs.

Les chrétiens buvaient aussi en l'honneur des saints, surtout


de saint Nicolas; Charlemagne, dans ses Capitulaires, défendit
cet excès de dévotion (1).

Pour en revenir au dix-septième et au dix-huitième siècle,

nous ne ferons que citer les chansons à boire à deux ou à trois

voix, nécessairement composées par des musiciens, elles n'en

étaient pas plus remarquables pour cela; au commencement


du dix-huitième siècle les Ballard en ont imprimé des quan-
tités.

La chanson à boire n'est plus guère de mode aujourd'hui;


on ne l'a conservée qu'au théâtre.

(1) Aménités littéraires, 1773. t. I, p. 148.


LA CHANSON POPULAIRE. 99

LES CHANSONS A DANSER.

Ce qu'on appelait autrefois danser aux chansons ne s'appli-

quait à aucune danse particulière : au lieu de chanter au repos,


on se tenait par la main, et l'on chantait en tournant, comme
font encore les enfants pour leurs rondes. Daus ces temps éloi-

gnés, où l'art instrumental était dans son enfance, on ne ren-


contrait pas un ménétrier dans chaque village.

La ( 'onfrérie de Saint-Julien, fondée en 1330, dont les méné-


triers firent partie dès l'origine, et qui s'y trouvaient encore au
dix-septième siècle, cette confrérie, disons-nous , ne prodiguait
pas ses artistes à la campagne , où on n'aurait pu les payer
suffisamment, d'après les règlements de la société. Même en
1741 on trouve ce curieux article 26 : « On exclut de la com-
munauté les gens sans capacité, dont les talents, bornés à l'amu-
sement du peuple, doivent être relégués dans les guinguettes. On
leur permet seulement d'une espèce de violon à trois cordes,

nommé rébec, sans qu'ils puissent se servir d'un violon à quatre


cordes, sous quelque prétexte que ce soit, à peine de confiscation ait

profit despauvres; à la charge par eux de se faire inscrire comme


joueurs de rébec , au cas qu'ils fassent à Paris une résidence
de quatre jours. » Même ces pauvres diables, sans capacité, de-
vaient payer un tribut au roi des violons/
Comme il n'y avait alors des guinguettes que dans les villes,
le peuple de la campagne était bien forcé de danser aux chan-
sons, et sans doute qu'il ne s'en trouvait pas plus mal.

Dès le seizième siècle ou a publié des chansons à danser; le

siècle suivant nous en fournit une assez grande quantité, comme


le Recueil des plus beaux airs accompagnés de chansons à dancer,
etc. ('<icd, Jacques Mangeant, 1615. — Le Parnasse des nuises

ou Recueil des plus belles chansons à danser auquel , est ajousté le


100 LA CHANSON POPULAIRE.

concert des enfants de Bacchus. Paris, 1627. — Le Trésor des

plus belles chansons et airs de cour, tant pastorales que musi-


cales propres à danser et jouer sur toutes sortes d'instruments
par le sieur de Saint Amant et mitres beaux esprits de ce temps,

etc. Troyes, Jacques Oudot, 1699.


Grâce aux imprimeurs Bal lard, il nous est resté de nombreu-
ses chansons à danser. Dans le premier volume des Brunettes,
1719 (1), on lit : « A l'égard des douze chansons à danser en

rond qui finissent ce volume, on les a choisies entre les meil-


leures de cette espèce, et on les a fait suivre par les couplets
qui peuvent se souffrir... ! »

Il paraît qu'on y chantait des choses fort légères, car l'édi-


teur continue à affirmer qu'il ne donnera rien qui puisse choquer
la pudeur.

Ces chansons à danser avaient nécessairement un rythme bien


accusé ; c'est parmi elles qu'on trouve :

$*
s É É v-
cl?.

ÎVIon p'e .. re veut me ma . ri - er, mon

h k ° ~g —f—p-0—F-?-f ~*
f f—§ F

LA CHANSON POPULAIRE. 101

& Co.lin
=t
£
prend sa
i
hot_te Et son
^
ho- que
— etc.

_ ton,

Mar_go.ton va à riau,Mar.go_ton va

Eu 1724, l'officine des Ballard mit au jour : Les rondes, chan-


sons (' danser, etc. 2 vol. in-12.
Chacun de ces volumes renferme cent cinquante airs notés;
c'est là qu'il faut chercher l'ancienne tradition de beaucoup de
rondes, que les enfants chantent encore, mais dont l'air et les
paroles ont considérablement dévié. Nous citons :

m t-

. ti .
Quand

te Ca .
e . tois

^ chez mon pe re,

la
Pe

fon

jl' J 1 J J J- J'jJ i
J

tai . ne: Ver . du . ron r oh! ver . du . ret . te, Pour

(E
£ £du J-J'IJ -Il

y cueil.lir du jonc: Ver . - rette, oh! ver . du . rcn.

J'allois à la fontaine,
Pour y cueillir du jonc,
Mais j'étois trop jeunette :

Verduron, oh! verdurette!


Je suis tombée au fond ;

Verdurette, oh ! verduron !

Mais j'étois trop jeunette,

Je suis tombée au fond ;

Et par icy passèrent :

Verduron, oh verdurette ! !
1 02 LA CHANSON POPULAIRE.

Trois beaux jeunes garçons :

Verdurette, oh verduron ! !

Et par icy passèrent


Trois beaux jeunes garçons
<c Que donnerez-vous, belle :

Verduron, oh! verdurette!


Nous vous retirerons :

Verdurette, oh ! verduron !

Que donnerez-vous, belle,


Nous vous retirerons ?
— Quand serai retirée,
Verduron, oh! verdurette!
Nous y aviserons :

Verdurette, oh ! verduron !

Quand seray retirée,


Nous y aviserons.
Quand je fus retirée :

Verduron, oh! verdurette!


Leur dis une chanson,
Verdurette, oh! verduron!

Quand je fus retirée,


Leur dis une chanson,
Voilà comme les filles :

Verduron, oh ! verdurette !

Attrapent les garçons,


Verdurette, oh! verduron! »

Autre chanson à danser

S * m£
F^ £
Je me ma . ri . av lun _ dy

$£==P ~\ .
*

ây
m

lun . dj
h
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A
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1

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ê^ê
-Tj, jo - ly pe _ tit ma _ ry. Qui n'est pas
LA CHANSON' POPULAIRE. 103

fc g ^fe£ d • • :s ^
plus gros qu'un'sou- ris, Et Via pourquoy je l'ay pris, A - fin

qu'il
EJ Jtë
m'en cou -tât
^
moins En chaos .sure
JL. f*~»
£
et
^^1
en pourpoint.

Et du dedans d'une noix (bis)

Je l'ay bien nourri trois mois (bis)


Mon joli petit mary :

Et via pourquoy je l'ai pris.


Afin, etc.

De la p'iure d'un oignon (bis)


Je luy ay fait un cal'çon (bis).

Avec un bonnet de nuit :

Et v'ià pourquoy etc.

D'une feuille d'artichaud (bis)


Je luy ay fait un manteau (bis),

Et une culotte aussi :

Et v'ià pourquoy etc.

De la coquille d'un œuf (bis)


Je le couvre quand il pleut (bis),
Et quand il neige aussi :

Et v'ià pourquoy etc.

D'un' vieille aiguille épointé' (bis)


Je luy ay fait une épé' (bis),
Et un p'tit poignard aussi :

Et v'ià pourquoy etc (1).

A partir du règne de Louis XIV et surtout sous Louis XV on


mettait des paroles sur les airs de danse composés pour les ins-
truments, mais le but de ces parodies était d'en faire des airs

de chant et non des chansons à danser; d'ailleurs le peuple de


la campagne n'a guère eu connaissance de ces arrangements ou
travestissements.

(1) En 1724 il n'est pas question de la mort trafique de ce petit mari, enlevé et
dévoré par le chat, qui le prend pour une souris.
,

104 LA CHANSON POPULAIRE.

Le sujet des chansons à danser était le plus souvent assez,

grivois, c'est même dans ces sortes de chansons que la gauloi-


serie se laissait aller à tons ses excès ; ce sont elles aussi que

visent les défenses des conciles, qui ont sévi avec vigueur plus
d'une fois contre cet amusement populaire déraillé. L'Alle-
magne, sons ce rapport, ne pouvait rien nous envier, car au
seizième siècle, et sans doute aussi un peu au dix-septième, ce
pays avait ses rondes du soir, où le prix était la couronne de

fleurs d'une fillette, mais c'était le cas de dire que quand elle

avait perdu sa couronne, elle avait tout perdu ; on trouve à ce


sujet dans les anciennes polices de quelques villes d'Allemagne
des défenses sévères aux jeunes filles de donner leur couronne
de fleurs comme enjeu ou comme prix dans une réunion de
chant et de danse.
En France, comme ailleurs, les danses aux chansons étaient
menées par des chanteurs spéciaux, par des solistes ferrés sur

le répertoire, et sachant sans faute les innombrables couplets.


Non seulement ces chanteurs (c'étaient quelquefois des chan-

teuses) entonnaient la chanson, mais la continuaient jusqu'il


la fin de la strophe, où généralement toute l'assemblée repre-
nait le refrain en chœur, car presque toutes les chansons à
danser avaient des refrains.
Dans les villes il y a fort longtemps qu'on ne danse plus aux
chansons, même à la campagne cela se voit assez rarement, sauf

dans quelques provinces qui conservent encore d'anciennes tra-


ditions, comme la Bretagne. En Normandie, à Étretat en-
tr'autres , nous avons vu danser aux chansons. De nos jours
il n'y a plus que les enfants qui, dans leurs rondes, continuent
cette coutume de nos aïeux.
LA CHANSON POPULAIRE. 105

CHAPITRE IV.

LES MESSES SUE DES THÈMES POPULAIRES.

Comme les messes, écrites sur des timbres populaires appa-


raissent à peu près en même temps que les chansons profanes
à plusieurs voix, il serait difficile de dire laquelle de ces deux
formes a précédé l'autre. On a mis en avant différentes raisons
en faveur des messes, cependant ces raisous ne nous paraissent
pas tout cà fait concluantes.
Au quatorzième et au quinzième siècle, où les épîtres farcies,

les fêtes des fous, de l'àne, etc., avaient envahi les églises, il

n'est pas bien étonnant que la messe à thème populaire soit

éclose à son tour. On peut supposer encore que devant l'uni-


formité, la monotonie du plain-chant (1), tel qu'on le chantait
alors, les compositeurs aient songé à rompre cette quiétude mu-
sicale par des chants plus rythmés, tout en ayant aussi l'arrière-
pensée de gagner de cette façon la sympathie de leur auditoire
par des airs connus de tous; d'autres fois enfin on adoptait un
thème préféré par tel prince ou tel grand seigneur, afin de
flatter sa vanité et de s'attirer ses bonnes grâces. Enfin nous si-

gnalerons finalement comme origine probable de ces singulières


compositions, à coup sûr nées en France, l'ancienne manière
d'écrire le déchant, où la voix supérieure avait presque toujours
pour Basse quelque chant emprunté au Rituel, soit hymne, an-
tienne ou prose, au moins par fragment. Plus tard, quand, on a
écrit à plusieurs voix, cette combinaison continua de subsister :

on donnait généralement au ténor (teneur*) le thème principal,


contrepointé par les autres voix.

(1) Au moyeu-âge on JiorituraU le plain-chant, il est vrai; mais c'étaient les


phénix du chant qui exécutaient ces sauts périlleux.
10G LA CHANSON POPULAIRE.

La plupart des chansons à quatre voix du quinzième et du


seizième siècle sont écrites sur ce patron, sur ce moule. On n'a-

vait donc qu'à assimiler cette manière de traiter la musique


profane à la musique d'église, et nous croyons en dernier lieu
que c'est ainsi que sont nées les messes sur des thèmes populaires.
Dans ces sortes de messes la chanson populaire est évidem-
ment la clef fondamentale de l'œuvre, qui se développe sur ce
thème; on la rencontre à chaque instant, fournissant une
phrase, un lambeau de phrase, et disparaissant au milieu des
syncopes, des imitations, des retards et autres artifices du contre-
point.

Qnant à la chanson entière, nous n'avons jamais pu en ren-


contrer une seule dans les nombreuses messes de ce genre qui
ont servi de base aux études de ce chapitre : on emploie géné-
ralement la première phrase de la chanson, quatre ou six me-
sures, rarement davantage, et si la suite de l'air populaire
renferme quelque chose de saillant, ces motifs, fragmentés,
découpés de mille manières, ne rappellent plus guère le thème
primitif, perceptible à grand'peine.

Contrairement à ce que dit Fétis (1), on ne rencontre jamais


le texte de la chanson 'profane. Cette dernière sert à désigner la
messe; on trouve généralement le premier vers (jamais davan-
tage), écrit ou imprimé sous la voix, ou plutôt au-dessus de
la voix qui entonne d'abord l'air populaire.
Ce texte n'aurait d'ailleurs aucune raison d'être plus com-
plet, puisque le thème s'interrompt dès les premières mesures.
Le Ténor ne chante pas exclusivement le fragment du thème

(1) Fétis, Biographie des musiciens, à Palestrina, p. 430 : C( Tandis que trois ou qua-
tre voix chantaient le texte latin, la partie qui chantait la mélodie, disait ou les pa-
roles de l'Antienne ou même celles de la chanson italienne, française, quelquefois las-
cives et grossières. )>

Ceci n'est appuyé par aucun document; bien mieux, les documents prouvent le
contraire. Ad. delà Fage exprime la même opinion que nous dans ses Extraits d'une
petite Bibliothèque musicale, page 113.
LA CHANSON POPULAIRE. 107

profane, ou rencontre celui-ci dans toutes les autres parties,


mais très souvent il n'y a que quatre ou cinq notes de ce thème.
Parfois aussi le compositeur ajoute un second motif de son in-

vention, ayant une apparence de chant populaire.

Ce n'est pas toujours un air profane qui sert de timbre à ces


messes, on le remplace aussi par quelque ancienne hymne ou
prose, mais beaucoup moins fréquemment. M. Ambros, dans son
Histoire de la musique (vol. III, p. 46), observe que ces titres

bizarres avaient quelque chose de plus individuel, et caracté-


risaient bien mieux l'œuvre du musicien que l'appellatiou de

messe en ut, deuxième messe en si b, etc. pratiqué de nos jours.


Quoi qu'il en soit, cette coutume était si générale, que lors-
que par exception, un maître écrivait une messe entièrement
de sa composition, il l'intitulait sine no?nirir.

Dans une proportion très inférieure à celle des messes, on


trouve des motets à thème populaire, comme le Stabat mater
de Josquiu des Prés sur Comme femme, ou la séquence Victimes

paschali laudes du même Josquin sur : d'ung aultre amer, et

De tous biens pleine : citons encore le Totapulchra es d'Agri-


cola, avec le timbre Belle sur toutes.

Il est une chanson populaire qu'on date du quatorzième,


même du treizième siècle : V Homme armé ; G. Dufay s'en est

servi à la fin du quatorzième siècle pour l'une de ses messes,


et depuis lui, à peu près tous les compositeurs, grands et petits,

ont pris pour timbre de l'une de leurs messes la même chanson,


et cela pendant deux siècles environ (1).

Aaron (2) croit que V Homme armé est de Busnois : « Siexis-

(1) Suif'Homme arménous connaissons des messes de Dufay, Busnois, Régis, Caron,
Brumel, de la Rue, Pipelare, de Orto, Compère, Fauques,Tinctoi-,Pkilippon, Vacqucra-.
Forestyn, Josquin des Prés, Morales, Orlando de Lassus, Palestrina, Carissimi et plu-
sieurs anonymes. Quelques-uns de ces compositeurs ont écrit plus d'une messe sur
VHomme armé, comme Josquin qui en a écrit trois ; celle de Carissimi est a douze
voix.

(2) Aaron, ThoscaneUo 1523, 1. I, ch. xnn s mi


]08 LA CHANSON POPULAIRE,

tima cîie da Busnois fusse trovato quel ca nto chiamato


lome arm y. .

malheureusement les dates ue s'arrangent pas pour cela (1).

Jusqu'à nouvelles preuves nous continuerons à prendre l'Homme


armé pour une chanson populaire. Voici d'abord la notation de
Tinctor, qui écrivait en 1470 son Proportionale musices
:

* *
ÉËiiÊf ^= O •

me lomme ar mè, Et

m
Loin me, lom

M
- . .

h i i ,i i a m ^=^ t> o
Ro_bi.net tu m'as la mortdon.'né quand tu t'en vas.

Rythmé jS
Lhom.me rhom_me,
<>
i l
U l'homme ar
; I
.T

. mé, Et

uiin iH A 1 l o . | . À „ m
Ro.bi.net tu m'as lamortdon .né quand tu t'en vas.

Si V Somme armé, était un simple titre et que le texte com-


mençât par Eh, Robinet, tu m'as la mort donne, Quand tu t'en

/•«.s-, cela pourrait être quelque complainte ou regrets d'une belle,


dont l'ami de cœur s'est engagé dans une troupe de soudards.
Mais il n'en est pas ainsi, les paroles V Homme armé font partie de

la chanson même, et alors la suite n'en est plus une ; aussi nous

ne croyous pas que ce soit là le texte original, mais que, du


temps de Tinctor, cette chanson avait déjà subi une transfor-
mation : l'ancien texte n'étant plus compréhensible en 1470.

(1) D'après Fétis, Dufay a dû naître entre 1350 et 1355 en 1380, il était attaché
;

à la chapelle pontificale mort en 1432. Il a dû faire sa messe de VOme armé en


;

l'année 1400, ou bien près, mais plutôt avant. Or, Busnois est mort en 1480 ;
en le

faisant naître en ] 100, il ne pouvait fournir un thème à Duiay. Busnois d'ailleurs


n'est réellement connu qu'en 1467, où il est chantre de Charles le Téméraire, et alors
Dnfay était mort depuis trente-cinq ans.
LA CHANSON POP L'L AIRE. 1 II'.!

M. Bottée de Toulmon, tout eu citant Tinctor, reproduit la

chanson ainsi (1) :

a— 12
o V
jO . me Lo . me lome ar

f9 P- ? ? r
^
ÉÉH $-^-

yr^nrr
A
\r
part les quatre premières mesures, cela n'a plus aucun
m +=à

rapport avec la notation de Tinctor, qui ne donne pas non plus


cet air en sol mineur.

D'après la première messe de Josquiu Després (1480) ce


thème serait (2) :

m a a
§ O G
-o-
' o à o o
.

I
S o p =g *J
J J * J J \\ \

Ce n'est toujours que le premier membre de la phrase musi-


cale qui est conforme, le reste dévie, et toutes ces déviations ne

semblent plus faire partie de la chanson. Josquiu lui-même


dans sa chanson de Y Homme armé à quatre voix (voyez le cha-
pitre des madrigaux) donne le thème en rythme binaire :

(1) De lachanson musicale en France, par Bottée de Toulmon. Paris, L836.


(•>) Collection Bottée de Toulmon. au Conservatoire.
*

111) LA CHANSON POITLAIIÎi:.

=e=o=
^^ o fg-TT- -©- a: s
f £homme l'homme ar. me, Eh Ro.bi.net, Ko _bi . net

En dernier lieu, nous copions la notation donnée par Fétis


dans son Histoire générale de la musique, volume V, page 56 ;

Fétis n'indique pas sa source, mais on s'aperçoit sans peine que


c'est la version de Bottée de Toulmon, transposée d'une quarte
dans le grave, mise en majeur, avec de légers changements :

fc=
i î a é =zr=g

(9—
e-^ô

^ 19-1 =#
r^T^rmn-Q-i
Pour donner une idée de la façon dont on se servait de ce
thème, nous le citerons d'après les messes de De la Rue, Jos-
quin Després, Jacques Obrecht et Palestrina. On verra chez
tous ces maîtres., qu'après la première phrase, le thème dévie
de celui donné par Tinctor, et qu'au lieu de

J J etc
1 I I I

Et Ro . bi - net tu

on 1
ou bien
1

LA CHANSON POPULAIRE. 1 1

et encore le rythme de cette première phrase est-il altéré de


toutes sortes de façons par chacun des quatre compositeurs
cités :

DE LA RUE
(Messe sur l'HOMME ARMÉ)
liibliothéque de Vienne.
Vol:!.

Ténor =©= e" a o «: -e-


-e —©- -©-
3
Ky . ri - e le . i - son etc

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Ténor ËË3
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Et in ter. ra pax ho _ mi . ni _bus, in ter . ra

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-e —©- -©-

Pa . trem Pa - trem om. ni _ po _ ten . tein tac . to _ rem

K —©—e-
o o O H o
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° " H ^
Et in car. na . tus est de spi _ ri .tu

H o a o
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^=W -e- «' •

ff -O M-
Sanc.tus Sanctus Sanc.tus, Sanc.tus

« o
id ^e=F » -©-
H
. gnus

JÛSQUIN DES PRÉS


(Messe sur l'HOMME ARMÉ)
V.enne Vol : fi

O ' H o ti
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-e-
K) . ri . e . le . i . son

L, -o © ©-
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-H— e-
Et u . nam sanc . tam ca . tho . li _ eam
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il-.' LA CHANSON POPULAIRE.

Et vi - tam ven . tu

Id i ^^ -© : =
Ê
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A - gnus a . gnus De

JACQUES OBRECHT
(Messe sur l'HOMME ARMÉ)

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Vienne

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Vol: V.-

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Sanc_tus,Sanctus Sanc_tus Sanc . tus

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o *» ô
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PALESTRINA
(Messe sur l'HOMME ARME)
Vienne Vol: XII.

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Ky . ri . e e . lei _ son Ky . ri . e
LA CHANSON POPULAIRE. 113

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Et in ter.ra pax homi.ni .bus lau.da.mus.te

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Sa ne - tus Sa) tus Sanctus


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A . gnus
a
De .
S =&-
qui
xr
toi . lis
o

Dans la messe de De la Rue, le ténor entonne le premier


fragment de la chanson, non seulement à toutes ses entrées des

différentes parties de la messe, mais il le reprend encore souvent


dans le courant de ces morceaux.
Les antres voix de même commencent fréquemment avec ce
thème transposé, au point d'amener la monotonie, pour ne
pas dire l'ennui.
Au Kyrie de Josquiu, toutes les voix entrent successivement
sur le même fragment; dans les autres parties de la messe,
les voix le reprennent de temps en temps, et souvent ne le font

entendre que divisé, raccourci : des fragments de fragment.


Chez Obrecht, les autres voix que le ténor entrent également
avec ce thème dans plusieurs endroits de la messe. Enfin Pa-
lestrina, lui, donne toujours le thème au soprano ; le travail pa-
raît plus moderne, et pais ce thème revient bien moins souvent :

c'est du tact.

Palestrina a écrit sur V Homme armé plusieurs messes (1),


l'une à trois temps, l'antre ou les autres en rythme binaire:
voici le début de celle à quatre voix :

(1) Notre version est donnée d'après l'exemplaire de la bibliothèque Palatine de


Vienne (bibliothèque impériale). Les éditeurs Hïirtel et Breitkopf de Leipzig ont pu-
blié dans leur édition des œuvres de Palestrina. vol. XII, la messe h cinq voix sur

l'Homme armé; on verra là également combien peu la chanson populaire est recon-
naissable, au milieu de ces merveilleuses combinaisons de contrepoint. Zacconi et
Cerone ont chanté les louanges de cette mes - •.

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114 LA CHANSON POPULAIRE.

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3 -©- fj zetr.

*V

C'est là une preuve de plus que les compositeurs n'avaient


aucun souci de laisser le thème de la chanson dans sa forme
primitive c'était un mannequin qu'on retournait, qu'on habil-
:

lait de mille manières, sans ménagement, sans scrupule et sans

souci, taillant, rognant, augmentant, diminuant , selon les be-

soins de l'imitation ou la marche du contrepoint. Dans toutes


ces messes , le compositeur est beaucoup moins préoccupé de
l'aire entendre la chanson que son travail personnel.
LA CHANSON POPULAIRE. 115

Durant sa direction honorifique de la bibliothèque du Con-


servatoire, M. Bottée de Toulmon a fait copier dans les bi-

bliothèques de Munich et de Vienne des pièces nombreuses,


surtout des messes du quinzième et du seizième siècle. C'est
dans ces documents précieux que nous avons relevé plus spé-
cialement les titres de messes qui suivent, sauf quelques excep-
tions ; ils prouveront surabondamment la vogue attachée à ces
compositions, en même temps sérieuses et grimaçantes.

Auteurs.
ni; LA CHANSON POPULAIRE.

Dictes maîtresse.
LA CHANSON POPULAIRE. 117

miel avec les chantres et sous-chantres non compositeurs,


Tamour-propre ne leur a-t-il pas suscité parfois ces horribles
complications pour donner quelque croc-en-janibe à ces confrè-
res, qui se permettaient sans doute quelquefois de les critiquer
de les railler (1)?
Qu'on lise la brochure de M. Bottée de Toulmon sur l'Agnus
Dei de la messe super l'Homme armé de Pierre de la Rue, et

l'on sera peut-être de notre avis.

Quelle cacophonie devait produire la première lecture d'en-


semble d'une messe de ce genre, avec les prolations, les hémio-
lies, les proportions, les augmentations, les divisions, les altéra-
tion», les perfections, les imperfections, les énigmes, les nœuds,
les canons, et même la savait-on sans faute, cette messe à
l'exécution? Cela nous paraît improbable, surtout lorsqu'en
examinant ces messes, manuscrites ou imprimées, on fixera son
attention sur la négligence avec laquelle les paroles se trouvent
placées sous les notes, c'est à n'y pas croire : ce côté de l'exé-

cution paraît avoir été complètement abandonné à l'intelligence


des exécutants (2). Or, le degré d'intelligence variant d'individu
à individu, ce devait être une véritable chasse à courre après les
notes et les paroles. Cela est si vrai, que le concile de Trente (1 563),
en bannissant de l'église les messes sur des chansons profanes ou
sur des paroles latines étrangères à celles de la messe, insiste
spécialement là- dessus par la voix de ses délégués : « Les messes
doivent être composées de façon à ce qu'on entende les paro-
les. » On devine bien ce que devait être cette chasse contre-
pointée, où les paroles liturgiques devenaient un accessoire en
quelque sorte, où l'on teignait les notes en noir, quand il s'a-

(1) Zacconi, dans sa Prattica musica, 1696 (p. 110 verso), eu parlant delà messe
de Josqnin (l'Homme arme) dit : «Se bene quelle résolution/, haveriano anco bisogno di
qualche particular ragionamento, per essere a cantori alquanto dubbiose et oscure, etc.
("2)Baini , dans ses Mémoires sur la vie et les ouvrages de Palestrina, observe qu'il

a trouvé souvent des endroits de messes où les notes étaient insuffisantes pour les
syllabes placées au-dessous.
118 LA CHANSON POPULAIRE.

gissait de ténèbres, d'obscurité ; en rouge, quand on parlait du


soleil ou de la lumière; en vert, quand il était question des

champs, des vignes, des prairies. Ce fut à cette occasion et sous

le pontificat de Pie IY que Palestrina écrivit la célèbre messe


du Pape Marcel, ainsi que deux autres comme modèles d'un style

et d'une facture épurée de musique d'église. Il paraît qu'Ani-

mnecia avait fait en même temps un travail identique.

Adrien de La Fage (1) complète le tableau que nous avons


effleuré, quant aux excès des compositeurs du seizième siècle dans
leur musique religieuse : «Tantôt l'on écrivait la musique des-
tinée à l'église indépendamment des paroles, que les chanteurs
adaptaient tant bien que mal au-dessous ; tantôt l'on faisait
des contrepoints sur des pièces ou fragments tirés du chant
grégorien qui se chantait en même temps que les paroles de
l'ordinaire de la messe : telle est la première messe publiée par
Palestrina. L'une des pièces les plus singulières en ce genre
est une composition qui fut alors regardée comme un prodige ;

elle est entièrement traitée sur les mélodies grégoriennes : une


des parties chante Y Ave Regina cœlorum, l'autre le Reqin« eœli,

la troisième YAima Redemptoris mater, et la dernière Ylnvio-

lata. Cette idée bizarre, du célèbre Josquin Desprez, fit fortune,


et nombre de compositeurs du temps l'imitèrent. »

Nous ne suivrons pas plus loin de La Fage, car il prétend


avec Fétis qu'on chantait les chansons populaires durant les
messes ; nous avons prouvé au commencement de ce chapitre
que cela n'était absolument pas possible.
Nous nous sommes étendu un peu longuement sur cette
question des messes avec des thèmes profanes, afin qu'on ne les
confonde pas avec les abus et les scandales produits à l'église
par les proses farcies et tout leur attirail indécent, dont il est
question dans le chapitre suivant.

( I
) Miscellanées musicales, page 487.
,

LA CHANSON POPULAIRE. 119

CHAPITRE V.

LA CHANSON A L'ÉGLISE. EPITRES FARCIES. NOELS.


CANTIQUES. — LA RÉFORME ET LES PSAUMES.

La religion du Christ eut fort à faire pour détruire ces fêtes


païennes des Saturnales, des Lupercales, des Calendes, etc.,

fêtes des plus populaires à cause de leurs excès mêmes.


Les conciles d'Orléans (533), d'Auxerre (585), de Tolède
(633), de Constantinople (092), etc., furent impuissants pour les
anéantir.
Les fêtes des Fous, des Innocents, de l'Ane, de la Mère sotte
à Dijon, ont donné signe de vie jusqu'à la fin du seizième siècle

et même plus tard, quoiqu'alors en moins grand nombre.


Erasme (1521), en parlant du chant à l'église, relativement à
toutes ces sortes de fêtes, dit : « Alors résonnent les trombones, les
trompettes, les cornets, les fifres, les orgues, et l'on chante avec.
On entend de honteuses chansons d'amour, d'après lesquelles
dansent les mauvais garçons et les filles publiques. Ainsi on
court en foule aux églises , comme à un lieu de divertissement
pour entendre quelque chose de gai et de réjouissant. »
Pour l'honneur du genre humain, ce que chantaient ces
filles et ces mauvais garçons n'a pas été conservé ; par contre
la Prose de l'âne se trouve notée dans divers manuscrits, avec
de grandes variantes il est vrai. La version attribuée, à tort ou
à raison, à Pierre de Corbeil, est celle-ci :

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O .
O
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ti .
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bus ad - ven - ta . vit
120 LA CHANSON POPULAIRE.

b <> *» 3X <> r> ° *» -©-

nus, pul .cher et for . lis . si .mus,

£=0= o # "
u Q <> I <> ° M
Sar . ci - nis ap - tis . si r mus, Hez sire as . ne hez. '

Les êpîtresfarcies se chantaient particulièrement pendant les

fêtes de Noël; la plus ancienne et la plus généralement ré-

pandue était celle du jour de Saint-Étienne. C'est une complainte


sur le martyre de ce saint, dont le savant abbé Lebœuf fait

remonter l'origine aux temps de Pépin et de Charlemagne.


Avant que ces rois introduisissent en France la liturgie romaine,
on avait l'habitude de lire à la messe, l'histoire ou la vie du
martyre, du saint honoré ce jour-là. Ces actes étaient d'abord
en latin, et on y joignait une explication en langue vulgaire ;

puis on les chanta en couplets, alternativement en latin et


en langue vulgaire. Ce mélange de deux langages fit donner
à cette épître le nom de farcie ou mélangée, sans qu'on atta-
chât à cette expression, au moins dans les premiers temps, rien
qui ressemblât à l'idée que réveille le mot farce (1).

Les chansons légendaires sur la vie des saints ou des héros


chrétiens avaient déjà une grande vogue parmi le peuple fran-
çais au douzième et au treizième siècle ; il en était de même
dans les antres pays de l'Europe. Gauthier de Coinsi, mort en
1236, a écrit plusieurs de ces légendes françaises.
Si nous devions simplement mentionner toutes les fêtes du
peuple de France, se rattachant à l'église, rappeler toutes ces in-
tempéries de mœurs, ces excès, ces folies tolérées et appuyées
même par des prêtres ignorants, il y aurait de quoi écrire un

( 1 ) Essai sur la vie et les ouvrages du P. Daire, etc. , arec les Ep'ttres farcies, etc., par
M. Eigollot, Amiens, 1838, p. 88.
LA CHANSON POPULAIRE. 121

volume spécial ; ce sujet a d'ailleurs été traité isolément par

bien des écrivains. Citous cependant les Jeux de la Fête-Dieu à


Ai.i-, sorte de procession théâtrale instituée par le roi René en
1462. On y chantait, et même on y dansait. Les airs qu'on a
reproduits, en décrivant ces bizarres et ridicules inventions du
bon roi, comte de Provence, ne sont pas du temps, ils datent du
dix-huitième siècle (1).

XOELS.

Le noël semble être la forme la plus ancienne sous laquelle

la chanson pieuse en langue vulgaire se soit introduite à l'église,

non pas comme chant liturgique, mais comme chant toléré.

D'après l'abbé Lebœuf (2), « l'usage des cantiques vulgaires


qui se chantent en bien des provinces la nuit de Noël dans les
églises, et qui pour cette raison en ont eu le nom de noël (3),
prit son origine environ dans le temps où le peuple cessa d'en-
tendre le latin (neuvième siècle). Lambert, prieur de Saiut-
Wast d'Arras, dont j'ai trouvé les poésies latines écrites l'an
1194, assure que cet usage était particulier aux Français. »
Lambert écrit :

Lumine multiplici noctis solatia praestant,


Moreque Gallorum carmina nocte tonant ;

c'est-à-dire que les fidèles dans les divertissements de cette


nuit triomphaient de l'obscurité en s'éclairant avec beaucoup
de lumières et passaient la nuit à chanter des cantiques. »

(1) Explication des cérémonies de la Fête-Dieu d'Aix en Provence , par Grégoire.


1707.

(2) L'abbé Lebœuf, Traité historique et pratique sur le chant ecclésiastique, 1741.
(3) A côté de l'origine chrétienne il y l'origine païenne ;là on prétend que Noël
«'tait le cri de joie poussé par les druides et le peuple, quand le soleil revenait après
l'hiver. Du temps de Charles VII et probablement avant, Noël était l'équivalent de
vivat.
122 LA CHANSON POPULAIRE.

C'est par suite de cette tolérance dans les églises qu'on vit
naître en même temps le cantique farci et Y épître farcie, c'est-
à-dire moitié en latin, moitié eu français, pour la compréhension

du peuple. On rencontre aussi quelques noëls moitié latins,

moitié français, mais leur origine est beaucoup moins ancienne


que celle des épîtres farcies. Au quinzième siècle le noël exis-

tait de fait, dans les mystères de l'Incarnation et de la Nativité ;

il s'est résumé depuis en un cantique descriptif, traitant inva-

riablement le même sujet, la naissance de l'enfant Jésus (1).


Estienne Pasquier, qui écrivait au seizième siècle, dit, dans
ses Recherches de la France : « En ma jeunesse c'estoitune cous-
tnme que l'on avoit tournée en cérémonie, de chanter presque

tous les soirs, presque en chasque famille des nouëls, qui es-
taient chansons spirituelles, faites en l'honneur de Notre-Sei-

gneur. Lesquelles on chante encore en plusieurs églises, pendant


que l'on célèbre la graud'messe, le jour de Nouël, lorsque le

prestre reçoit les offrandes. »


Fétis, dans ses Curiosités de la musique, p. 376, attribue, gra-
tuitement selon nous, la composition des anciens airs de noëls
à Pierre Certon, Maillard, Arcadelt, Clément Jannequin, Mor-
nable, les deux Vermont, Févin, du Buisson, du Caurroy et à
quelques autres. C'étaient là des musiciens qui ont écrit des
chansons à quatre voix, dans le style contrepointé du temps ;

on peut les lire dans le précieux recueil de Pierre Attaignant


(1530), à la Bibliothèque nationale, mais rien ne prouve que
ces musiciens aient eu à leur disposition deux styles complète-

ment différents, et qu'ils aient fait la musique d'aucun de nos


anciens noëls, dont la plupart se sont chanté et se chantent
encore sur d'anciens airs de danse, ou bieu sur des vaudevilles
nés sous la Fronde, et même sur des airs beaucoup moins anciens.

(1) Il est essentiel de ne pas confondre ce mot avec Noël de cour; ce dernier signi-
une parodie, ou bien une satire fort
fie grivoise, généralement dirigée contre des per-
sonnages de la cour.
LA CHANSON POPULAIRE lj:;

Le caractère vif et sémillant de quelques uns de ces uoëls n'a


rien de commun avec la musique en roudes et en blanches des
Arcadelt, des du Caurroy, des Mornable, etc.
Au seizième siècle, ce n'était pas chez les compositeurs que
le peuple allait chercher sa musique, il n'y aurait rien compris ;

c'est même le contraire qui eut lieu, comme on a pu le voir


dans notre chapitre sur la Chanson musicale à plusieurs voix.
Anciennement, jusqu'au commencement de ce siècle, les

noëls étaient très aimés et très recherchés par le peuple et par


la bourgeoisie. Cette aspiration multiple créa des poètes qui
fournissaient chaque année des pièces nouvelles, dont on ne
gardait guère plus la mémoire que de la neige d'autan : le nou-
veau faisait disparaître l'ancien. C'est même pour cela que les

recueils de noëls du seizième et du dix-septième siècle sont si

rares, les tirages disparaissaient à peu près complètement,


chassés par les poètes qui arrivaient avec du nouveau. Il y a
toutefois quelques exceptions , où une seconde édition, soit un
second tirage, venait renouveler la provision ; mais le vrai succès
a toujours été pour la Bible des noëls, composée en grande par-
tie par des auteurs inconnus, mais parlant le langage du peuple.
Au seizième siècle, on a chanté les noëls de Lucas Lemoi-
gne (1), Jehan Chapperon (2), Jean Daniel (maître Mitou).

(1) Dans ces derniers temps, M. le baron Pichon a réédité les noëls de Lucas Le-
moigne. tirés à 25 ou 30 exemplaires, juste le nombre nécessaire pour qu'on ne puisse
ni les voir ni les avoir ; au point de vue des études, comme utilité surtout, ces sortes

d'éditions nous ont toujours paru d'une très haute portée, personne ne pouvant les
atteindre. Les Grans Noëls nouceaux réduits sur le chant de plusie urs chansons nouvelles?
in-12 goth. Y 6088, Bibliothèque nationale, ont été édités chez Jean Bonfons. sans
date, les noëls de Lemoigne n'en ont pas davantage ; le noël Or nous dites Marie sur
l'air: Hélas! je Vax perdue celle quej'aymois tant, diffère considérablement de la ver-
sion de M. le baron Pichon, et nous regarderions volontiers comme la meilleure celle
de Jean Bonfons ; elle est en tout cas la plus complète : rien ne prouve d'ailleurs
que ce noël soit de Lemoigne; dans Bonfons. il y a les trois lettres L. G. N. qui ne
s'accordent pas tout à fait avec cette supposition.
(2) Une réédition en a été faite par M. Picot en 1878.
124 LA CHANSON POPULAIRE.

Samson Bedouiu, Crestot, Nicolas Denisot (désigné sous l'ana-


gramme de comte d'Alsinois), Jehan de Vilgontier, Nicolas
Martin, Jehan Porée, maître Briand (du Mans), Laurent ltoux,
Michel Tornatoris (1), et d'autres moins connus.
Un noël, dont l'air est empreint d'une grâce charmante entre
tous, c'est ce Or, nous dites, Marie, ou. Chantonsje vous emprie:
la
grosse question serait de savoir si l'air que nous connaissons exis-
tait au seizième siècle. On a vu dans la
note précédente que ( 'han-
tons, je vousemprie a pour timbre dans Lucas Lemoigne Hellas!
je lay perdue celle que j'ay mois tant : or ces deux airs n'ont pas
lemoindre rapport entre eux. Hellas! je Vay 'perdue se trouve à
la Bibliothèque nationale parmi les chansons du manuscrit
français 12744 (fin du quinzième siècle), où nous l'avions
copié, il y a bien des années ; cette date est justifiée par la
tournure de l'air lui-même nous ne pouvons donner une origine
;

aussi lointaine à l'air :

T J
F
p ir P £=f=£
Chan - tons je vous en prie Par ex _ ul.ta.fi .

.on, En
j ir- F
l'hon.neurde
P prr^
Ma . ri . e, Plei - ne
F=g=2
degrandre.

* J-^J'J' J'|p
p ï.f
1|»-
f jj
j^
nom; _ Pour tout l'humain li . gna.ge Je .ter hors de pé.

nù+ f^P ~ fc*


» s .ril
:s j.

Fût trans.misun mes.sa.ge A la Vierge de


eu
prix

(1) Les Noëls de Michel Tornatoris, organiste en Avignon à la fin du seizième siè-
fc
Pa encore eu les honneurs de l'impression. Voy. l'étude de M. Gust, Bayle,
Avignon, 1884.
LA CHANSON POPULAIRE. 125

Une notation plus ancienne et surtout plus bizarre est la


suivante, mais elle ne peut nous mener au quinzième siècle, ni

même au seizième.

e-1- h
s=Ê E [• f \
ï-\
j
[
VU^ ••"

gry !••
7T
g-ry/iH" (

ZT77

^F **=o-

A l'époque où parut le premier volume des Échos du temps


passe (1853) nous avions été séduit surtout par la naïveté et la
grâce de ce noël qu'on chantait avec beaucoup de perfection dans
les belles séances de musique classique du prince de la Moskowa.
Le timbre Or, nous dites, Marie, ou Chantons, je vous en prie se

trouvant déjà indiqué sur des noëîs du commencement du sei-

zième siècle, nous avions quelque raison de reporter l'air à la


même époque, mais nous ignorions alors que cet air n'était pas,
au seizième siècle, celui qu'on vient de voir.
Lorsque Lucas Lemoigne, ou tout autre poète quel qu'il fût,

composa entre 1500 et 1520 les paroles Chantons, je vous en•prie


sur l'air Hellas! je lay perdue, ces paroles de noël eurent un tel

succès, qu'il arriva ce qui est arrivé maintes fois : le timbre


changea de nom et s'appela dès lors Chantons, je vous en prie,
ou plus souvent d'après la troisième strophe Or, nous (Ht es, Marie.
Quand cet air Hellas!je lay perdue (sous le nom Or, nous dites,

Marie) eut la chevelure grise, on aura greffé sur ces paroles qui
se maintenaient dans la faveur populaire un nouvel air, celui

qu'on chante aujourd'hui. Quel âge lui donner?


C'est sans doute au dix-septième siècle qu'il aura vu le jour,
mais nous n'en avons pas vu de notation imprimée avant celle

126 LA CHANSON POPULAIRE.

de la Clef des chansonniers, 1717, et si l'on pouvait croire sur

parole Jean Christophe Ballard, l'éditeur, cet air aurait eu << ut

ans et plus en 1717. On trouvera sur ce même air une notice


très substantielle dans les Mélodies de la France, par Anatole
Loquin, 1879.
Ce que nous avons dit plus haut, à propos de l'opinion de

Fétis sur les musiciens des noëls, vient se confirmer tout d'a-
bord par les noëls de Jean Daniel dit Maître Mithou (1520-
1530). Ce Jean Daniel était organiste à Angers, donc un
musicien ; eh bien! ses noëls ne sont pas sur des airs de sa com-
position, mais bien sur des timbres populaires, sans exception,
comme : Maistre Jehan du pont Allais, la chanson de la grue,

llau Margot lie ce la cuysse, Une bergerotte, Baysez moy tant

tard, le Trihory de la Basse-Bretagne (air de danse noté dans


V Orchésographié), la Belle tyrelire. Dieu te gard' bergère, D'où
venez-vous ma dame Lucette, etc. Les noëls de Jehan Chaperon,
qui s'intitulait le lassé de repos, ont paru en 1538 ; ils sont tous
composés sur des timbres populaires, comme Vous perdez temps,
Frère Thibault, les Bourguignons mirent le ca??ip, Adieu iriamye,
. [dieu ma rose, etc.

Les noëls de Christophle de Bordeaux, Parisien, publiés en


1581, par Nicolas Bonfons, débutent par le suivant, sur l'air de
ha Cassandre :

s
j Doul
Tu
. ce pu
es
m
Uni
-
n
eel
bel
-

-
o
le,
le,
*

Trop aLmer ne
C'est puurqiioy
o

le pour
te
_
m
puis,
suys.

O ~
P o w.
1 1

ier _ ge Ma ri - e, Fais - moy donc la fa

b,

r. r.

%
'3 :o o Ï3-
veur Que de bon cueur Je te soys ser -vi leur.
LA CHANSON POPULAIRE. 127

Le timbre A la venue de no'èl est déjà indiqué dès la même


époque.
Les noëls nouveaux et cantiques de François Colletet (1),
1675, ont un avant-propos aux âmes pieuses, dans lequel l'au-

teur dit : « Je me suis advisé, pour vous faire passer dévote-


ment les Avents qui approchent, de convertir ces chansons de
dissolution et de débauche, que l'on oît tous les jours dans la ville

de Paris , en cantiques de piété, afin que ceux qui ont offencé


Dieu par le chant mélodieux de ces airs, souvent impudiques,
se servent des mêmes airs pour le louer, et pour reconnoistre en
mesme temps leur crime. »

Et maître Colletet tient parole. Ainsi, à la page 50, on trouve


un noël nouveau sur le chant divertissant : Quand la mer Rouge
apparut à la troupe noire.

m Quand Dieu
w
na.quil à
m
rn-rrn
No Dealans Ju-dé

m
-
. ël la

r m m ï V
w e, On vit ce jour so.Ien _ nel IV joye i_non_dé

e; Il
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n'es _ (oit pe_tit
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grand Qui n'ap. por_tast sonpré
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sen(;Et no no
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no no. Et ne
^-fU-T-f^^p
frit frit frit, et no no et ne

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. é • X*3>=A
r-r
frit, et n offrit sans ces. se Tou-te sa ri - clics.se.

(1) Le privilège étant de 1GG0, il y eut sans doute une édition antérieure à celle
dont nous parlons.
128 LA CHANSON POPULAIRE.

Le refrain du 5 e couplet, qui u'est pas le dernier, devait pro-

duire un grand effet... d'hilarité : il s'agit de l'encens des rois


mages :

Quoy qu'il n'en eust pas besoin.


Jésus nostre maistre,
Il en prit avecque soin,

Pour faire connaître


Qu'il avoit les qualité/
Par ce> dons représentez,
-
D'un vray, vray, vray, via} .

D'un roy, roy, roy, roy,


D'un vray vray, d'un roy roy,
D'un vray roy de gloire.

En qui l'on doit croire.

Qu'on s'imagine ce refrain chanté par une personne qui gras-


seyé !

Ces insanités se chantaient d'ailleurs avec conviction, à la


plus grande satisfaction des curés ou des abbés, dont le goût
musical u'était pas plus raffiné que celui du gros des fidèles,

ce qui se voit parfois encore aujourd'hui. Le livre de Colletet est

dédié à Madame la Première Présidente.


L'abbé Pellegrin, dont les noëls et cantiques parurent vers
la fin du dix-septième siècle, mit ses vers (moins ridicules que
ceux de Colletet) sur des airs d'opéra de Lully : tous y ont à peu
près passé. On rencontre quelques exceptions en faveur de
Campra, Destouches, Lambert, de Bacilly, du Bousset et Gillier.

Pellegrin paraphrasa aussi quelques anciens noëls, en gardant les


timbres populaires ; Colletet ne s'était servi que de ces derniers.
Le succès des noëls de Pellegrin fut très grand : il est constaté

par de nombreuses éditions. On adopta ces cantiques et noëls à


Saint-Cyr, vu le choix des airs ; cela s'adressait à un public
aristocratique et à la bourgeoisie aisée, qui pouvait aller à l'O-

péra, et qui s'y croyait encore en chantant les airs de Lully sur

des paroles pieuses.


,

LA CHANSON POPULAIRE. 129

Biiiard, Parisien, composa des noëls sur les timbres connus du


peuple, comme: Une Jille du village m a pris en affection; Au
jardin de mon père; Si c'est pour mon pucelage ; J'ai été épou-

vante du canon qui a petê; (hua C/doris,je me meurs; Jeanneton


je t'aime mieux qu'une demoiselle ; Magdelon tu n'as pas les
appas, et autres timbres saugrenus.
Cette ramification des noëls s'étendit fort loin ; chaque pro-
vince voulait avoir les siens : Michel Porée et Jean le Houx,
à la fin du seizième siècle, en firent pour les Normands ; La
Monnoye composa ses noëls croustillants de la Bourgogne au
commencement du dix-huitième Aimé Piron, son contemporain,
;

a écrit ses noëls maçonnais dans un esprit moins goguenard,


avec un peu de piété à la clé. Un troisième Bourguignon, Borjon
de Scellery, est venu après eux. Il y eut les noëls bisontins, de
Christin Prot et ceux de François Gauthier ; les noëls du Velay,
par Cordât; les noëls jjrovençaux , par Saboly, Peyrol, Crousillat
et d'autres ; les noëls toulousains, par Plomet ; Y Élite des bons
noëls nouveaux sur les airs les plus connus en Bcarn, comme :

Quant à Margot j'offre mongodebec, Joconde, Les sauts basques,


Jean de Bigorro moun amie, Toujours maman me gronde, etc. ;

les noëls nouveaux enfrançais et en auvergnat; les noëls angevins,


et nous n'avons pas nommé Brossard de Montaney, Henry
d'Andichon, l'abbé Lhuillier, et quelques autres.
D'après le Manuel Brunet, le titre de Bible de noëls ne
commence à paraître que vers 1682. C'est dans ces livrets à bon
marché qu'on a condensé les noëls que le peuple affectionnait
le plus ; ce ne sont pas toujours des pièces d'un grand lyrisme

non, mais plusieurs d'entre elles, naïves à l'excès, portent bien


l'empreinte du langage et de la pensée populaires. Le premier
noël de chaque recueil est à peu près invariablement Conditor
aime sgderum. Les imprimeurs Garnier et Oudot, à Troyes,
étaient les grands propagateurs de ces Bibles de noëls, ils ont
fourni à la librairie populaire {la Bibliothèque bleue) des
130 LA CHANSON POPULAIRE.

milliers de milliers d'exemplaires pendant une longue suite


d'années.
On a relevé plus d'une fois les naïvetés qui se trouvent im-

primées en toutes lettres dans Y Oratorio de Xoïi de Lesueur,


où les airs populaires du dix-septième et du dix-huitième siècle

sont donnés comme des airs de l'église primitive d'Orient ; parmi


ces airs soi-disant primitifs il y a entre autres, page G 7, une lure
populaire qui est de ce siècle, qu'on danse encore en Alsace, où
l'on ne danse plus guère!
Beaucoup de recueils de noëls, composés en province, n'ont
jamais été imprimés ; depuis quelque temps on leur fait cet

honneur, ce qui n'ajoute pas le moindre rameau de gloire au


Parnasse français. Ces élucubrations des curés, des chanoines,
des organistes, des maîtres des enfants de chœur, se copiaient
par les paroissiens; leur célébrité n'allait pas plus loin; nous
possédons plusieurs de ces copies. Quant à écrire la bibliogra-
phie des noëls, cela exigerait bien du temps et bien des recher-
ches (1); notre bibliothèque personnelle renferme une centaine
de ces recueils, et nous ne sommes pas convaincu qu'un tra-
vail de ce genre aurait un immense intérêt.
L'un des volumes les plus curieux de cette série spéciale a
pour titre : Noëls poetdevins et gotiques, manuscrit provenant de
M. Yiollet Le Duc (2) et ayant appartenu à Charles Gaspard
Dodnn, contrôleur général des finances, mort en 1734. C'est
la collection à peu près complète des airs de la Bible des noëls,
dont nous préparons la publication, afin de combler cette divi-
sion de la chanson populaire appelée noëlj et représentant la
chanson moitié pieuse, moitié goguenarde, dont l'usage a
presque complètement disparu de nos jours.

(1) Voir Pdbault de Laugardière, La Bible de noëls, 1857.


(2) Voirie Catalogne de sa Bibliothèque poétique, supplément, où ce manuscrit est
indiqué au bas de la page 53.
,

LA CHANSON POPULAIRE. 131

PSAUMES ET CANTIQUES.

M. Douen, pasteur protestant, a fait paraître eu 1878 et 1879


un ouvrage important, en deux volumes : Clément Marot et le

Psautier huguenot. (Imprimerie nationale.) L'auteur fait de


Clément Marot un martyr de la cause protestante, tandis qu'on

sait fort bien que ce poète était l'homme le moins mystique du


monde ; sa vie passablement légère le prouve suffisamment.
Il nous paraît difficile d'admettre avec M. Douen que Marot
ait voulu faire une œuvre de protestantisme, en traduisant les
er
trente premiers psaumes, dédiés au roi François I , dont il était

le valet de chambre (1.341), car on sait que ce roi n'était pas


précisément le protecteur du luthéranisme et du calvinisme
naissants. Ces poésies de Marot, écrites à la requête de sou

ami Vatable, qui lui fournissait les traductions d'après l'hébreu

n'avaient d'ailleurs rien de dogmatique ; elles étaient rythmées


sur des airs qui couraient alors ; on les reçut à la cour et à la
ville comme des chansons nouvelles.
Ce n'est que quand la Sorbonne sévit contre les psaumes
qu'on les attribua plus spécialement aux protestants. Les ca-
tholiques chantaient des cantiques et des psaumes en langue
vulgaire bien avant la réforme, tous deux avaient été admis
dès l'origine du christianisme et pratiqués dans les réunions
des fidèles (1). Luther ayant à créer toute une liturgie nouvelle,
pouvant coïncider avec ses principes religieux, était d'abord as-
sez indécis ; il dit lui-même que la réforme est allée plus loin
qu'il ne voulait ; Luther commença donc par traduire la messe
en allemand, et, sauf des changements dans le Credo, cette messe
n'est qu'une paraphrase de la messe latine (2).

(1) M. Nisard en mentionne au XI e siècle. {Des chansons populaires, vol. I, p. 11.)


(2) Geistliche Gesengund Psalmen (Chants religieux et Psaumes) Nuremberg, 1545,
;

p. 45 et suiv.
132 LA CHANSON POPULAIRE.

Kyrie eleison de la messe de Luther :

»
+

Herr erbarm dich unser, Chrisleerbarm


* 4 *—f-
— dich unser,
(Traduction) Seigneur .aie |)i - tic de nous, Christ nie juin! de nous,

Herr er.barm dich un ser.

Sei _ g aie pi - tié de

Luther écrit encore : «,Je voudrais que nous eussions un grand


nombre de cantiques en langue vulgaire, pour que le peuple les

chantât après la messe, ou bien au Graduel, au Sanctus et à


YAgnus Dei. »

Le réformateur composa une vingtaine de cantiques, et s'as-


socia des poètes et des musiciens, comme collaborateurs de son
œuvre. Tout le monde connaît le cantique, dont Meyerbeer a tiré
un si

Ein
^
grand parti dans

f'es

fort
. te
so
les

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Burg
Huguenots

lide
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un
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,

ser
lie
-&

Gott,
r\

Dieu,
r>
t
w Ein gu - te Wehr und Waf
ïfen.
Une Lon - ne défense et \
bonne arme-

Ce cantique de Luther parut en 1 524 sans mélodie propre ;

on en fit plusieurs sur ces paroles, celle que nous donnons et

qui s'est maintenue, ne vit le jour qu'en 1532; elle était appli-
quée sur un cantique de Kohlros :

'- 3=É £ S
Wo Gott zum Haus nicht gibt sein Gunst,
La maison à laquelle Lieu h'accorde pas sa faveur, etc
LA CHANSON POPULAIRE. 133

Si bien que cette paternité de Luther n'est pas d'une clarté


éblouissante (1).
Le réformateur, tout en se servant de préférence d'anciennes
hymnes et d'anciens chorals, ne dédaigne pas la chanson po-
pulaire, il l'admet volontiers pour les cantiques. Au reste, la ré-

forme ne s'appuya pas seulement sur des psaumes et des canti-


ques, elle mit tout en œuvre. Nous voyons Théodore de Bèze
donner en 1550 une pièce qu'il appelle Tragédie d'Abraham sa-
crifiant, calquée sur l'ancien mystère qui traite le même sujet.
De nombreux cantiques y sont chantés par le chœur, divisé
en deux troupes de bergers qui, au moment où Isaac vent
aller aux champs, lui disent :

Isaac, demeurez icy,


Autrement Monsieur vostre père
Ou bien Madame vostre mère
En pourroyent estre mal contens.

Satan paraît en habit de moine. Comme on devait s'y at-

tendre, la pièce eut un immense succès parmi les protestants et

les calvinistes. M. James de Rothschild (2) observe que le sujet

du Sacrifice d'Abraham ne fut plus traité pendant un certain


temps par les auteurs catholiques, sans doute à cause de la pièce
de Théodore de Bèze (3).
Luther emprunta le titre de choral au cantus choralis; il n'a
point inventé le choral dans le sens allemand, comme le pré-

tend Kiesewetter, mais il l'a certainement vulgarisé le plus

(1) Ph. Wackernagel, Mai -tin Luthers geistliche Lieder (les cantiques de Martin
Luther). Stuttgart, 1848, pages 55 et 149.
(2) Le Mystère du vieil Testament, vol. II, p. XII.
(3) Divers auteurs catholiques ont repris de nouveau le sujet du Sacrifice d'A-
braham dans le courant du dix-septième siècle. En 1734, on donna au collège Louis-
le-Grand, à Paris, un Isaac avec de la musique de R. de La Chapelle, auteur des Vra if
principes de la musique exposés par gradations de leçons, 173G. F. Nogent a publié
également un Sacrifice d' Abraham, 1787, musique par Mathieu de l'Epidor, inconnu.
134 LA CHANSON POPULAIRE.

qu'il a pu, dans l'Église réformée le chaut incombant à la com-


munauté, tandis que dans l'Église catholique cette partie du
culte est jointe aux fonctions du prêtre ; le peuple n'intervient
qu'accidentellement ou musicalement.
L'habitude d'accompagner les chorals à l'orgue date de la
Réformation, ainsi que le dit Kiesewetter (1). Non seulement
Luther ne bannit point la musique du temple, mais il se servit

largement de son concours, et se donna tout le mal possible


pour l'étendre et la répandre. Il n'en fut pas de même dans tous

les pays où pénétra la réforme. En Suisse, on bannit le chant,


les orgues furent condamnées et même brûlées, comme à Berne
et à Zurich (1527).
Ce n'est qu'en 1574 qu'on chanta les psaumes au temple
de Berne; en 1588, on leur adjoignit des cornets et des trom-
bones (2).
Il paraît que ce fut un musicien nommé Frank qui fournit

quelques-unes des mélodies ou chorals pour les psaumes de


Marot, que Bourgeois en fournit de son côté, et que ce même
Bourgeois et Goudimel les harmonisèrent en même temps.
Fétis et ses copistes attribuent à Goudimel la composition

d'une grande partie des airs sur lesquels nous possédons les
psaumes de Marot, mais Goudimel nous renseigne lui-même
là-dessus, car il dit dans son mot aux lecteurs : « Nous avons
adjousté au chant des psaumes en ce petit volume, trois par-
ties, non pas pour induire à les chanter en l'église, mais pour
s'esjouir eu Dieu particulièrement es maisons. Ce qui ne doit

estre trouvé mauvais, d'autant que le chant duquel on use en

Véglise, demeure en son entier, comme s'il estoit seul (3).

(1) Geschichte der Europàisck Abendlàndischen oder unsrer htutigen Musik (His-
toire de la musique de l'Europe occidentale) 1834, page 89.
;

(2) Georges Becker. la Musique en Suisse, 1874. p. G5.

(3) Les Psaumes mis en rime française par Cl. Marot et Th. de Bèze. mis en musique à
quatre parties par Claude Goudimel, 1565.
LA CHANSON POPULAIRE. 135

Il est possible que Marot ait rimé quelques-uns de ses psau-


mes sur des chansons populaires, quoique au premier aspect cela
paraisse improbable ; les airs des psaumes français ressemblent
plutôt à des chorals qu'à des chansons populaires; ces der-
nières sont en général beaucoup plus courtes que les psaumes.
Toutefois, en examinant de nouveau le recueil de Petrucci, déjà
cité, ou se prend à hésiter, et même à trouver une certaine res-
semblance de forme. Il est incontestable que les valeurs des
notes ont dû subir maint changement : on ne pourrait en tout
cas faire que bien peu de rapprochements comme ceux-ci :

Odhecaton

PETRUCCI
de
:t£

ti _ te ca
m se te

Psaume
65.

Dieu, la gloi _ ro qui t'es deu e,

ou bien

Chanson :^n

XV e
du
siècle.

*J
nv <-.
J
cel
J
_
J.
luy qui
'W
riait
m
sa bel . U

Psaume
3X
134. 3X
Or, sus, ser_vi_teurs du
i 3X -O-

Sei _ gneur,

Nous avons déjà dit que les premiers psaumes de Marot s'im-
posèrent à la cour comme une vraie mode ; on raconte que
er
François I chautait son psaume favori sur l'air : Que ne vous
requinquez-vous, vieille? — Henri II préférait : Ainsi qu'onoyt le

cerf braire. — Diane de Poitiers soupirait son psaume sur :

Du fond de ma pensée, et le roi de Navarre avait choisi l'air :

Revenge-moi.
Tout cela est trop bien arrangé pour n'être pas une fantaisie
d'écrivain.
136 LA CHANSON POPULAIRE.

Avant et après Goudimel, les Psaumes de Marot ont été


maintes fois mis en musique à quatre voix, au moins une partie
d'entre eux ; les principaux de ces musiciens furent : Manchi-
court, 1545; Pierre Certon, 1546; Clément Jannequin, 1559;
Philibert Jambe de fer, 1559; Claudin le Jeune, 1564(1);
Orlando de Lassus, 1577; etc.

En tête d'une réédition des psaumes à quatre parties de Claude


le Jeune, phénix desmusiciens (1636), Justus Livius de Leyde écrit
ceci : « ayant en à imprimer les psaumes à quatre et cinq parties

en un volume, j'ay plustost choisy la musique de Claude Le


Jeune que celle de Claude Goudimel, à cause que le contre-point
de Cl. le Jeune est simple, et fait note contre note, de sorte
que les plus ignorants en musique, ayant seulement la voix
bonne, et sçachant l'air du psaume, peut estre de la partie,
chose qui ne se peut pratiquer avec la musique de Goudimel,
car un bon nombre de ses psaumes étant composé avec des
ftiges (fugues) se ne peut être chanté que de ceux qui observent
justement la mesure. »
On voit que ceux qui savaient chanter en mesure étaient
des oiseaux rares.
Nous allons faire suivre le même psaume et de Goudimel
et de le Jeune, l'un est aussi peu fugué que l'autre ; même à la
place de l'imprimeur, qui veut s'en faire accroire, nous aurions
préféré l'harmonisation plus simple et plus naturelle de Gou-
dimel. On voit que la même mélodie a servi aux deux compo-
siteurs, il en est de même du reste de leurs recueils; dans ce
psaume le chant est au Ténor dans l'harmonisation de Goudimel,
et an Dessus ou Superius dans celle de Cl. le Jeune.

(1) Les psaumes de Claude Lejeune eurent de nombreuses éditions, tant en France
qu'en Hollande ; Fétis en cite un certain nombre, mais non la suivante que possède
le Conservatoire de Paris : De C L. Psahnen Davids in musyk gebracht op vier en vij'f
xtemmen door Claudyn Le Jeune, nu eerst met den Hollandsen Text nevens aile de Lof-
sniKjcn uytgegeven, Tôt Schiedam gedrukt ly Laurens vander WieV, 1665. Cinq vo-
lumes petit in-8° carré.
T

LA CHANSON POPULAIRE. 137

CLAUDE GOUDIMEL.

Supci iu> o é -o* o j=rc>=^r=


R Soi gneur je nay point fïor.

Contra.
MyrO- :o tô-
Sei . gneur je nay point le cœur lier.

U| Chant
^=^
|

Ténor. o -o- O
Sei . gneur je n ay point le cœur fier,

m
T a
o
g -©-
Q
Sei _ gneur je n'ay point le cœur fier,

o. -O- P Q- 31
Je nay point gard trop haut, Et rien pins

I -o-
é -n — o- rz -©-
o o- <>

Je n'ay point le re _ gard trop haut. Et rien plus

-e-
-o- -o
33:
Je n'ay point le re gard trop haut, Et rien plu k

-m — O
S CE
-Q— X _o -O

Je n'ay point le re - gard trop haut, Et rien plus

grand
^ qu'il
P=p
ne
nmefaut
o
N.
<9-0-
voulus on. quesmani - or.

I PP?
o o o -©- O O ^ n
grand qu il ne me faut voulus 011 - er.

% f O (i O o -^-TJ
**
grand qu'il ne faut N. voulus on. quesmani er.

33C :XX
O zhe
-o- zrn itfrjl
\ grand qu'il ne me faut Ne Voulus on. quesmani _ er.

138 LA CHANSON POPULAIRE.


CLAUOE LE JEUNE.
Chant.
Dessus.
-o- p o Q
±-
ÎF ;neur je nay point le cœur fier,

-O Q O—
Haute
Conln m -o-

Sci gneur je na\ point le cœur


-©-

fier,

Taille.
fe o t P^ a
Sei gneur je n ay point le cœur fier,

Basse a:
Contre.

Sei - gneur je n'ay point le cœur fier,

I .le n'av point


^ a q

gard trop haut,


. a= cr

Et rien plus
o

cr a
-€>-
o -X> n-
f-
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Je n'ay point gard trop haut, Et rien plus

-n—Q- aé-
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i -o & -O-
g
m
Je n'ay point »ard trop haut, Et rien plus grand
-o-
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Je -n'a)' point le re - gard trop haut, Et rien plus

1 xr
*
o o -£-0 1 "=i 53E
«~ grand
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qu'il ne te faut N< voulus on er.

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grand qu'il ne me faut Ne voulus on. quesmani et*.

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te faut Ne
m dus on_ quesi
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er.

1 o o
-o-
- o~ é ir ai **
grand qu'il ne me faut Ne voulus on.ques mani _ er.
LA CHANSON POPULAIRE. 139

Les Psaumes de Marot, complétés par Th. de Bèze, eurent


un nombre prodigieux d'éditions ; rien qu'en France, on en compte
environ quinze cents. De nos jours on ne chante plus rien de
Marot dans les temples ; cette langue serait d'ailleurs incom-
prise : elle n'avait pas des politesses comme le français de
Voltaire et de Racine. Qui de nos jours chanterait ces vers :

Mes cicatrices puantes


Sont Allantes
Du sang de corruption.
Las ! par ma foie sotie
M'est sortie
Toute ceste infection.

Tandis que le parti protestant chantait des psaumes et des


psaumes ,
qu'il s'en produisait des quantités en Allemagne , on
n'avait en France que la version de Marot et Th. de Bèze,
qu'on r'habillait à neuf à mesure que la vieille langue s'ou-
bliait, ou plutôt s'en allait.

Philippe Desportes, à la fin du seizième siècle, avait publié

quelques psaumes de David nouvellement traduits en vers ;

Denis Caignet les mit en musique à quatre voix.


En 1648 Godeau, évêque de Vence, publia une nouvelle tra-

duction des psaumes. Cette version a été mise en musique à


quatre voix par Jacques de Gouy (1650), par Lardenois (1655),
par Artus Aucousteaux (1656), par Thomas Gobert (1659). Le
célèbre latiniste écossais Buchanan fit une version latine des
psaumes en 1566; il en existe des éditions avec de la musique à
quatre parties, entre autres celle d'Herborn 1592; on ne dé-
signe pas le musicien.
Il ne semble pas que les psaumes de Godeau, quoique mis en
musique par tant de compositeurs, aient eu un immense succès
chez les catholiques ; on y allait timidement, craignant de se
confondre avec les protestants. Par contre le cantique prit un

nouvel élan parmi les catholiques, et on ne publiait guère d'é-


,

140 LA CHANSON POPULAIRE.

dition de noëls, sans y joindre un certain nombre de cantiques


anciens et nouveaux.
Michel Coyssard, de la compagnie de Jésus, mit au jour en
1600 des Hymnes sacrez et odes spirituelles avec de la musique
à quatre voix ; ce petit livre était une riposte contre les psaumes
luthériens ; dans sa dédicace Coyssard dit, en parlant du luthé-
ranisme : « Son chant n'est qu'un chant funeste, un chant de
corbeaux et de chats-huants, et la musique le son des armes
et le bruit des artilleries. »

Les religieux qui poétisaient ou qui écrivaient des cantiques,


ont toujours eu le don des titres bizarres, même souvent pré-
tentieux. Dès le seizième siècle parut La jiieuse alouette avec

son Tirelire : le petit cors et plwnes de notre alouette sont chan-

sons spirituelles qui toutes lun font prendre le vol, etc.; 1576.
L'auteur prévient dans son advertissement qu'il a toujours mis
le premier vers de la chanson mondaine, hormis toutefois celles

qui portent leur venin au front et en leurs premiers vers. Celles-là


devaient être bien fortes, car parmi ces commencements de vers

qui n'ont pas trop de venin nous trouvons : Beau berger quefa-

dore; Faites l'amour aux chambrières ; J'aimerai toujours le bon

vin ; L 'amour des courtisanes ; Margoton mon petit cœur; Orj'ay


choisi ]JOur maîtresse; Où estes-vous bons biberons; Réveillez-vous

belle catin; Voguons sur V amoureuse mer; etc.

Les cantiques du sieur de Valagre et du sieur de Maizon-


fleur sont plutôt des poésies spirituelles que des cantiques,
ces pièces n'ont pas été écrites sur des airs ou sur des
timbres.
Les rossignols spirituels liguez en duo, dont les meilleure
accords, nommément le bas (la basse) relèvent du seigneur Pierre
Philippes, organiste de leurs altezzes sérénissimes. Eegaillardis
au prime-vere de l'an 1621, à Valenciennes.
Comme le titre l'indique, ce sont des cantiques à deux voix.
La philomèle séraphique, sur les airs les plus nouveaux
LA CHANSON POPULAIRE. Hl

choisis des principaux auteurs de ce temps, avec le dessus et

le bas; Tournay, 1632.


Dans l'avertissement on lit : « Ces airs sont tirez des œuvres

de Gnedron, Signac, Monlinié, Boyer, Boesset, Richart, Vavas-


seur et de Metru. » Ce renseignement serait intéressant, mais
il n'y a malheureusement pas un seul nom sur les airs même.
Rimes chrt 'tiennes sur la créance catholique, avec une game
nouvelle où sont compris les huit tons de l'Église, 1657.
Recueil de plusieurs cantiques spirituels par J. le Jau, cha-
noine d'Evreux, et par Daniel Adenet, Parisien, 1627 (sur des
airs profanes).

Livre d'airs de dévotion à deux parties ou conversion de quel-


ques-uns des plus beaux de ce temps en airs spirituels par Fran-
çois Berthod, cordelier, 1658.
Les Kyriolés sont aussi des espèces de cantiques, ou plutôt
des litanies ; le peuple ne répondait aux strophes du prêtre
que par mot Kyrie. On peut en voir des exemples dans
le

les Kyriolés publiés à Remiremont par Em. Laurent, en 1773.


C'est évidemment de là qu'est venu le mot kyrielle.
En résumant ce chapitre, on trouve que les noëls se sont

chantés sur des airs populaires ou sur des vaudevilles, les psau-
mes sur quelques anciens airs dérangés ou quelques chorals
nouvellement composés à l'imitation des anciens ; les cantiques

se chantaient et même se chantent souvent encore sur des airs

profanes peu édifiants.


Il nous est impossible d'attribuer à ce bagage musical une
bien grande influence sur la musique d'église. Les psaumes et
les cantiques, comme les noëls, ont répandu le chant davantage,
mais ne nous ont perfectionné eu rien l'art musical.
D'après Talvi (1) au temps de la réforme il n'y avait qu'un

(1) Talvi, Yersuche einer geschichtlichen Charalcteristik, etc. (Essai d'une histoire
caractéristique delà chanson populaire chez les nations germaines.)
142 LA CHANSON POPULAIRE.

objectif : les disputes religieuses. C'était uu mauvais moment


pour la production de la chanson populaire, restée stationnaire
en quelque sorte. M. Schuré (1) s'exprime à peu près de même :

« A la fin du seizième siècle et au dix-septième on tombe dans


la poésie scholas tique. Plus de chansons sous le grand ciel,

au fond des bois et au souffle des montagnes, mais des vers de


lettrés, rimes sur des in-folios. Les classes inférieures du peuple
allemand avaient atteint un degré de culture très remarqua-
ble (2) au commencement du seizième siècle. Témoin le savant
et joyeux poète Hans Sachs. Quel type aimable et vigoureux
que ce pauvre maître cordonnier de Nuremberg, qui fit des vers
toute sa vie sans cesser de faire des souliers, qui fut l'ami
d'Albert Durer et le chantre enthousiaste de Luther! »
Herder observe que dans les chansons imprimées en feuilles
volantes au seizième siècle, on trouve souvent une chanson re-
ligieuse suivie d'une profane, faite sur le même air; cela doit

surprendre d'autant moins, que la seconde pièce était une pa-


rodie de la première, cette forme, très à la mode alors, se re-

trouve encore longtemps après.


Comme conclusion nous ajouterons que la grande musique
d'église, encore à l'état d'enfance sous Lully, Campra, de La
Lande, ne prit son véritable élan qu'à la venue des Bach des ,

Haendel, des Haydn, des Pergolèse, des Mozart, des Beet-


hoven, des Chérubini, des Lesueur.

(1) Schuré, Histoire du Lied ou la chanson populaire en Allemagne, Paris , 1876.


(•2)Nous croyons que, sous ce rapport, M. Schuré prend l'exception pour la règle,

car en citant Hans Sachs il cite l'exception.


LA CHANSON POPULAIRE. 143

CHAPITRE VI.

LA CHANSON AU THEATRE.

Mystères. — Farces. — Vaudeville*.

Notre théâtre n'a pas été une imitation de l'ancien théâtre


gréco-romain, dont les traditions étaient perdues au moyen-
âge : ce fut une inspiration, une création des prêtres du chris-
tianisme, cherchant à opposer une digue aux saturnales, aux
excès, restes des fêtes païennes, que les conciles n'avaient pu
extirper.

Les eonfrères de la Passion, jouant des mystères, parurent


vers la fin du quatorzième siècle, le roi Charles VI autorisa leurs
représentations.
Le peuple se passionna vivement pour cet embryon de
théâtre, n'en ayant pas connu d'autre. Le succès fut complet
quand les farces s'en mêlèrent : c'était au reste l'entière dé-

chéance des anciens personnages païens et populaires : le fou,

la mère sotte n'étaient plus que de simples rôles, la reine était

devenue une servante de bas étage, une vieille radoteuse en-


guenillée.

Les confréries joyeuses des Clercs de la Basoche et des En-


J'ants sans souci naquirent à la suite des farces jouées sur des
tréteaux par des bateleurs, et vinrent faire une rude concurrence
aux mystères , en produisant leurs soties et leurs farces. Les
deux troupes se réunirent parfois, et dans ce cas leur réper-
toire mélangé reçut le nom de pois piles.
La troupe italienne des gelosi parut en 1577; c'est alors

qu'on vit les femmes paraître sur la scène dans des rôles ré-
guliers.

Les mystères avaient fini leur temps vers 1548, mais les
144 LA CHANSON POPULAIRE.

farces continuèrent jusqu'à Louis XIV. Le spectacle ordinaire

de l'hôtel de Bourgogne se composait au commencement du


dix-septième siècle d'une tragédie, d'une farce et enfin d'une ou
de plusieurs chansons que venait débiter Gaultier Garguille.
Ce farceur était l'auteur d'une partie de ses chansons , tout
en empruntant largement au répertoire populaire. Or, ce n'é-
tait pas précisément une école de morale que ces chansons,
publiées à diverses reprises; malgré cela des dames, et des dames
de la cour allaient les entendre.
Gaultier Garguille (1) chantait sans accompagnement ins-

trumental ; cela se comprend de reste, car le farceur ne savait


très probablement pas la musique. Voici de son répertoire un
coq-à-1'âne, de source populaire, connu bien avant Gaultier
Garguille :

Je m'en allay à Bagnolet


Où je trouvay un grand mulet
Qui plantait des carottes :

Ma Madelon, je t'aime tant


Que quasi je radotte.

Je m'en allay un peu plus loing,


Trouvay une botte de foing
Qui dansoit la gavotte :

Ma Madelon, je t'aime tant


Que quasi je radotte.

Je m'en allay en nostre jardin,


Trouvay un chat incarnadin
Qui décrottoit ses bottes :

Ma Madelon je t'aime tant


Que quasi je radotte.

Je m'en reviens en nostre maison


Où je rencontray un oyson
Qui port oit la callotte :

Ma Madelon, je t'aime tant


Que quasi je radotte.

(1) Le vrai nom de Gaultier Garguille était Hugues Guéru, il était né à Caen.
Dans certains rôles il portait aussi le nom de Flechelle.
LA CHANSON POPULAIRE. 146

Comme les chansons de Gaultier Garguille sont passable-


ment graveleuses et même ordurières, force nous est de choisir

parmi celles qui peuvent se souffrir, comme dit Ballard dans


l'Introduction de ses Brunettes ou airs tendres :

Au logis de Cupidon
J'estois le premier garçon,
Quand il mit du feu grégeois
Dedans ma soupe et mes pois.

Je bruslecomme un tison
Pour l'amour de Marion ;

Quand j'ay mangé mes navets


Je luy compose des sonnets.

Elle a gravé ses amours


Sur ma toque de velours,
Et moy sur son corset gris
J'ai peinturé tous mes ennuis.

Elle compte tous les mois


Mes perfections par ses doigts,
Et moy avec des jetons
Je I113* calcule ses dindons.

Nous observerons qu'aucune des chansons de Gaultier Gar-


guille ne porte de timbre, ou indication d'air.

L'application du mot vaudeville à une pièce de théâtre où


l'on chante, est relativement moderne, mais le mot est ancien.

On liù dans Y Orchêsographie de Thoinot Arbeau, 1588, à la page


18 : « Dionisius appiïnt ses soldats environnez des femmes de
son camp à dancer et faire marches guerrières au son du tam-
bour et de la tibie phrigienne (espèce de flûte), et par ce
moyen subjuga les Indois, car les Indois marchoient en foule
et confusion avec cryz et hurlements, et partant furent perturbez
et facilement mis en vaude-routte et vaincuz. »

Vaude-routte est là pour déroute, hors la route, comme c'est

le cas des gens qui fuient. Vaude-ville signifiait donc alors


hors la ville, autrement dit les voix ou les chants de la cam-
10
14C LA CHANSON POPULAIRE.

pagne : c'est-à-dire la chanson 'populaire. C'est en effet cette

même armée 1588 que paraissent les voix de ville de Charda-


voine, et ce mot existait depuis longtemps, ne citerions-nous
que le premier livre de chansons en forme de vau de ville, com-
posé à quatre parties par Adr tan Le Iioy, 1573.

Encore une fois va-de-ville, vau de ville, voix de ville signi-


fiait un chant villageois, ou plutôt un chant populaire, et c'est
bien cela qu'on chantait d'abord dans les anciennes farces :

Gaultier Garguille ne fit que continuer la tradition.


Malgré l'opinion de Boileau , le mot vaudeville n'a jamais

pu dériver de vaudevire. Le nom d'Olivier Basselin était connu


de quelques contemporains , comme Eustache Deschamps par
exemple, mais, à part quelques amis, bons biberons de Vire,
la ville natale de Basselin, qui s'intitulaient compagnons dit

vaudevire, ces poésies renfermant l'éloge du cidre et du vin,

n'ont jamais pénétré dans le peuple, y compris le peuple


virois, comme nous l'avons déjà remarqué aux chansons à
boire.

De quelle façon alors ce nom de vaudevire serait-il venu à


Paris s'appliquer à un genre de pièce éminemment nationale
et caractéristique , le vaudeville , avec lequel il n'avait aucun

point de contact, l'ancien théâtre ne renfermant pas ou fort


peu de chansons à boire?
Au seizième siècle on avait les deux mots : vaudevire signi-
fiant chansons à boire et vaudeville désignant une chanson
des rues sur un sujet quelconque, principalement satirique, ce
qui est tout autre chose.
La chanson a toujours eu une part très large dans toutes les
réjouissances de nos aïeux ; tous les événements, tristes ou gais,
se traduisaient en chansons , soit à table , soit au théâtre, soit

dans les rues. Même en 1640 on joua une Comédie des cliansons,
généralement attribuée à Chillac. Cette pièce, entièrement fa-
briquée avec des chansons cousues au bout les unes des autres,
LA CHANSON POPULAIRE. 147

n'est pas tout à fait insensée, on y trouve une certaine suite, en y


mettant de la bonne volonté.
Sylvie chante au premier acte :

Si je ne suis damoiselle,
Si je n'ay tant de beauté
Que les dames de cité,
Pour le moins suis-je pucelle.

Et Jodelet fredonne à son tour :

Si c'est un crime que d'aynier,

qu'on trouve parmi les chansons mises en musique par


Boesset.
Cette pièce paraît avoir eu du succès, car on en trouve une autre
en 1662 : Nouvelle comédie des chansons de ce temps, pastorale.
L'idée première de ces pièces bizarres est sans doute em-
pruntée à une pièce antérieure : La Comédie de proverbes , par
Adrien de Montluc, comte de Cramail, 1616. Dans cet accou-
plement continu de proverbes, et il y en a d'amusants, la
chanson s'est glissée aussi, mais rien qu'au troisième acte, où
Alaigre dit : a Ils s'amusent à chanter? Ils n'y entendent
rien, car les femmes n'ayment pas tant les voix que les instru-
ments :

LA MUSIQUE

Beauté plus divine qu'humaine,


Recevez ce grand capitaine
Après tant de hasards,
Soyez sa Vénus, je vous prie,

Il sera votre Mars.

La chanson populaire ne paraît point dans les essais lyriques


et dramatiques faits en 1600 par les Italiens Péri, Caccini,
Corsi, Galileo, Monteverde, etc. A part leurs récitatifs , ces
compositeurs n'utilisent que la forme du madrigal à plusieurs
voix, genre de composition qui existait alors déjà depuis fort
14 8 LA CHANSON POPULAIRE.

longtemps. Il y avait un siècle que Clément Jannequin avait


composé son chœur de la Bataille de Marignan, bien plus
coloré et plus mouvementé que la musique des Péri et des

Caccini.
Malgré cela, les Français continuent à faire chorus avec les
écrivains étrangers qui chantent la gloire des Italiens pour la

création de l'opéra, tandis que nous, Français, nous avions en


1581 le Ballet de la Reine, un opéra bien autrement complet
que l'informe machine de Péri : Euridice, en 1600, on n'a
qu'à comparer. Que Fétis célèbre de préférence la gloire de
Péri, cela se comprend, Fétis était belge, et d'après les écrivains

belges c'est chez eux qu'on a inventé la musique et les musi-


ciens, tout au plus un peu chez les Italiens, mais que des Fran-
çais suivent encore cette vieille routine, cela est beaucoup plus
étonnant !

Les ballets qui nous restent, du temps de François Ier et de

Louis XIII, se composent de grosses notes blanches et rondes ;

leur mouvement était trop lent pour avoir quelque ressemblance


avec la chanson populaire, sauf de très rares exceptions, comme
Dupont mon ami, qu'on trouve noté en 1607 par Philidor.

L'emploi le plus ancien que nous connaissions d'un air popu-


laire dans un opéra est Y Air de la clochette, déjà cité, dans le
Ballet de la Reine, sous Henry III (1).

Lully s'est servi d'airs populaires dans divers endroits de ses


ballets, c'est du moins notre conviction.

En ce qui touche les spectacles de la Foire St-Germain et

St-Laurent, on trouve des traces de ces foires, où des bateleurs


pratiquaient leur métier, dès la fin du seizième siècle et même an-
térieurement, mais ce n'est qu'en 1678 que nous avons des nou-
velles d'un spectacle à la foire Saint-Germain (2).

(1) Aux Chansons historiques.


(2) Campardon, les Spectacles de la foire, préface, XV.
LA CHANSON POPULAIRE. 140

A l'expulsion des Italieus (1G97) ou s'empara d'une grande

partie de leur répertoire, et on francisa les types italiens, Arle-


quin, Scaramoucke, Polichinelle, Pierrot, Mezzetin, Colombine,
Isabelle, etc. Le succès fut très grand et iuquiéta même la Co-
médie française et l'Opéra.

On défendit aux acteurs de la foire de chanter, et c'est alors


qu'ils usèrent de ce moyen ingénieux : quand il y avait des
couplets, un écriteau descendait du cintre, indiquant la chanson
et l'air, que raclaient d'ailleurs les violons, et le public chan-
tait en place de l'acteur (1). On comprend que ces couplets
étaient pour la plupart des vaudevilles (voix de ville) connus
de tout le monde. Les airs qui reparaissent le plus souvent
parmi ces couplets à écriteaux sont : Quand le péril est agréa-
ble, reguingé, Ion lan la, Menuet de Grandval, Airs du
cap de Bonne-Espérance, Lanturlu, Mon père je viens devant
vous, la Faridondaine, les Folies d' Espagne, la Bonne aventure,
Tu croyais en aimant Colette, Quand je tiens ce jus d'octobre,

Réveillez-cous belle endormie, les Trembleurs, Monsieur de La-


palisse,Comme un coucou que l'amour p>resse, Lampons, la Tam-
ponne, Joconde, Dupont mon ami, Menuet d'Hésione, Branle
de Metz, Grimaudin, etc. (2).

« Les forains voyant que le public goûtait ce spectacle en


chansons , s'imaginèrent avec raison que si les acteurs chan-
taient eux-mêmes les vaudevilles, ils plairaient encore davan-
tage. Ils traitèrent avec l'Opéra (1708) qui, en vertu de ses pa-
tentes, leur accorda la permission de chanter (pour une somme
assez ronde). On composa aussitôt des pièces purement en vau-
devilles, et le spectacle alors prit le nom à' opéra comique (3).
La Comédie française obtint la suppression du théâtre de la

(1) Le Théâtre de la Foire, vol. I, p. 11».


T
(2) Beaucoup de ces airs avaient déjà paru sous la Fronde. L n des grands four-
nisseurs du théâtre de la Foire était Gillier, violon de la Comédie française.
(3) Préface du Théâtre de la Foire, par Lesage et d'Omeval.
150 LA CHANSON POPULAIEE.

Foire eu 1719, il reparut de nouveau en 1724, toujours avec le


nonid' Opéra- Comique, et malgré quelques interruptions momen-
tanées, car les autres théâtres le jalousaient, il s'établit défi-

nitivement en 1762, en appelant à lui quelques-uns des meilleurs


sujets de la Comédie italienne.

Ce n'étaient pas toujours des étoiles qui chantaient les nom-


breux couplets du théâtre de la Foire, même quand il s'appela
Opéra-Comique; les éditeurs de ce répertoire, d'Orneval et
Lesage, font cet aveu dans leur préface : c< nous nous sommes
aperçus que les scènes chargées de couplets, quelque riche
que fût leur fond devenaient ennuyeuses à cause du chant, qui
,

fait ordinairement longueur. »


C'est qu'on ne possédait pas encore Mme Favart!
La Comédie italienne ne se servait que de musique française,
c'étaient des ariettes et des parodies, c'est-à-dire des paroles

appliquées à des menuets d'opéras ou d'autres airs de danse,


dont voici quelques spécimens :

La Fille persuadée, menuet de Martini.

fcc m -f-w
F ^EÉEE2
$
Viens prendre le _ çon, Belle AJLzon,
^=F
M;iis c'est sans dé
m _ ALIZON.

t m^ç
tour Leçon d'amour:

%
*es _ se,
fes
_ Nen

C'est mon
?
.

ap-pui,
ni. Je dois sui.vre

Car Dieu
m mer.
la

i
sa

ci,
-

i/ r P P F p «p l
'fcf •

1
r
J f
ma.man la prê.che tou - jours,
iours, Et ses dis -cours
dis

i
Ne
jJ'J
sont pas courts
IJ^EP
sur le su -jet des a _ mours.
etc.
r

LA CHANSON POPULAIEE. loi

Favart composait souveut lui-même les airs de ses pièces,


plusieurs out passé dans la Clé dit caveau, comme la Savoyarde
qui eut un très grand succès, et qui se trouve dans les Sa-
voyards :

LA SAVOYARDE

~v — Dans un bois so
'

_
¥m

li .
i O

tai _
:

ÈÉ
re, Où
m
Vé.nus in_v en _

F=F
Êm f^w^
ta, di-ri-da, Les plai _ sirs de Cy _ thè _ re, A

s s f—*- â
Pier.rot qu'il trou _ va, Eh COU - SI cou .

y

l .
r r i
J il

.sa, stourou - la, L'a.mour dit: que fais -tu là?

Dans la Folie de Coraline, dont nous n'avons pu découvrir les


auteurs, il y a un air qui pourrait bien être l'origine de Ah!
vous dirai-je, maman :

0 — —£»^if r
* *

Ah! que j'ai _ me mon ar_ le _quin, Ah! qu'il est drô _ le!

C'est en 1801 que le théâtre Feydeau, après s'être appelé

théâtre Favart, prit définitivement le titre de théâtre de l'Opéra-

Comique, nom qu'il avait déjà porté anciennement comme on a vu.


La forme ou le genre de l'Opéra- Comique existait réellement
à partir des Troqueurs de Vadé, musique de Dauvergne, pièce
donnée en 1753 au théâtre de la Foire Saint-Laurent.
Chercher la paternité d'un air ou d'un timbre populaire est
152 LA CHANSON POPULAIRE.

une chose des moins aisées, un exemple suffira pour le prouver :

dans la < 'lédu caveau on indique comme air du Roi cl' Yvetot de
Béranger le timbre : Quand un tendron rient dans ces lieux, c'est
bien l'air connu; mais là on nous dit : voyez Bastien et Bas-
tienne : ceci est le titre d'une parodie du Devin du village par

Mme Favart et Harny 1753. A la 2


me
scène on trouve en effet
l'air en question, il est indiqué par le timbre Faut pas être
grand sorcier pour ça... mais d'où est tiré Faut pas être grand
sorcier? Nous n'avons pas été assez sorcier pour le découvrir.

Les théâtres de la Foire étaient la véritable foire aux vau-


devilles et la mine où la Clé du carcan a puisé ses airs en grande
partie. Ces pièces moitié écrites, moitié improvisées, à part les

nombreux couplets qui les diapraient, avaient à peu près toujours


un air final appelé vaudeville, pièce généralement satirique,
ou formant un résumé de'la pièce jouée, espèce d'à- propos pour
réveiller les applaudissements.

De cette façon il y avait un vaudeville à la fin des vaude-


villes et des parodies : il est facile de reconnaître là un souvenir
des farces anciennes qui finissaient aussi par une ou plusieurs
chansons, comme on l'a vu.
Si l'Opéra et la Comédie française avaient l'œil ouvert sur les

théâtres de la Foire, il paraît qu'il n'en était pas de même de


la police littéraire ou de la censure, car on trouve des choses
assez... avancées, comme par exemple la parodie de la tragédie
àHInès de La Motte en 1723. A cette époque une nouvelle coif-

fure appelée Mirliton, donna lieu à une chanson du Pont-Neuf,


et les parodistes d'Inès se servirent de cet air pour la Comédie
italienne :

AIR DES MIRLITONS

fu ,Tt-f4Wu Rei _ ne, je tiens ma pro _ mes


j
. se,
i
rr
Et mon
r-r.i
fils doit
LA CHANSON POPULAIRE. 153

i=k t^rt
g Eu
*±± rji y
jour, _ e'_pou_sant l;i prin _ ces _ se,

ff- *
FF
I* * s-
r r.-f'r-pf
Lui donner tout son a - mour, Et sonmir.li .ton, mir.li

É ife^ 3
on, inir. h _ tai _ ne, Lt son miir- li _ ton, don don.

Don Pèdre, le fils du roi, aime Inès, que ses parents ne


veulent pas lui accorder. Après une suite de pourparlers et
comme scène finale, le roi chante :

Non, non, rien de ma colère


Ne peut retarder l'effet :

(Arrive une grosse nourrice avec une bande de petits enfants.)

IX ÈS.

Joignez ces enfants au père,


En leur faisant couper net
Tous leurs mirlitons, etc.

LE ROI.

Juste ciel, quelle couvée !

D'où sortent ces mirmidons?


Où se cachait la nichée
De ces nombreux rejetons
De vos mirlitons, etc.

Eu examinant avec attention les dix volumes du Théâtre de


la Foire, 1723 à 1724, qui renferme plus de quinze cents airs,

on voit qu'à part les chansons qui couraient les rues, et qui re-

présentent les trois quarts de cet ouvrage, les autres airs sont
de Lully (1), Campra, Destouches, Gillier, M 1Ie
Laguerre, Colin

(1) Sedaine, dans son pot-pourri de la Tentation de saint . I ntoine, a ajusté son der-

nier couplet Le démon, quoiqu'il passe pour fin, sur le 2 e air pour les musc*, dans le

Prologue à'Isis, musique de Lully.


2

154 LA CHANSON POPULAIRE.

de Blaruont, Montéclair, Grandval, Auberfc, Raineau qui est


l'un des derniers compositeurs dont les œuvres aient servi à ce
recueil.

Comme la propriété artistique et littéraire au théâtre n'a été


réellement établie que depuis Scribe, les chansonniers se ser-
vaient jusque-là des airs d'opéra comique qui avaient du succès,
et ne se gênaient nullement de publier ces airs avec d'autres
paroles : on ne faisait que cela à la Comédie italienne dans
toutes les parodies. L'opéra comique de la Foire suivait à peu
de chose près les mêmes traditions on y trouve à profusion des
;

pièces sur Arlequin, comme Arlequin au sabbat, Arlequin Atj/s,


:

Arlequin musicien. Arlequin peintre. Arlequin grand msir, Arle-


quin Endymion, Arlequin Orphée, et tant et tant.
Favart donne sa Chercheuse d esprit en 1741, et après les Tro-
queursàe Dauvergne, 1753, nous voyons apparaître LaRuette,
Monsigny, Philidor, etc., c'est-à-dire que la transformation se
fait et qu'on abandonne les timbres de vaudevilles, pour se
servir de musique nouvelle, composée exprès par des auteurs
vivants. Dalayrac, qui a fourni plus d'un air à la Clé du caveau,
fait voir sa sympathie pour l'air populaire en se servant dans
son opéra comique Renaud d'Ast (1787) de l'air II pleut, bergère,

mais avec d'autres paroles que celles de Fabre d'Eglantine


e er e
(5 scène du 1 acte); à la 7 e scène du acte, une ritournelle
joue l'air Va-t'en voir s'ils viennent Jean; ce même e
2 acte com-
mence par l'air Vous qui d'amoureuse aventure, sur lequel on a
appliqué : Veillons au salut de l'empire (1) ; Renaud d'Ast con-
tient encore l'air de Malbrough.

Dans un autre opéra comique de Dalayrac, la Soirée orageuse,

représenté en 1790, l'auteur a mis de nouveau une chanson


populaire, la Gasconne, très répandue alors et commençant par

(1) Voir le chapitre des Chansons patriotiques.


LA CHANSON POPULAIRE. 155

Auprès de Barcelonne etc.

Un jour me promenant etc.

( 'ette même chanson est employée par Devienne dans les Visi-

'tandines, données en 1792; mais Picard, l'auteur du poème, y a


adapté d'autres paroles. Dans le livret du temps, an VIII, Picard
met cette note : « Martin, par sa manière délicieuse de chanter
a donné un air de nouveauté à cette vieille chanson. » Picard
donne même une double version pour les Troupes de province.
Cette Gasconne n'a pas été insérée dans la partition à orchestre
des Visitandines ; c'est évidemment Martin qui avait introduit
ce hors-d'œuvre qui le faisait applaudir. L'éditeur Schlesinger,

en publiant la partition au piano des Visitandines, a eu soin d'y


mettre la Gasconne.
A partir du commencement de notre siècle, la chanson popu-
laire est peu employée dans les opéras comiques, et n'y paraît
que comme un objet de curiosité.
En 1820, dans les Voitures versées, Boieldieu construit un duo
ravissant sur l'air du Clair de la lune. En 1825, le même com-
positeur se sert dans la Dame blanche d'un gracieux chant écos-
sais, dont il tira un parti charmant.
Adolphe Adam plaça au commencement de son acte le To-
réador (1849) divers thèmes populaires dans une conversation
entre un flageolet et Coraline, puis encore le joli quatuor Ah!
vo us dirai-je maman.
En 1856, Auber inscritdans sa partition de Manon Lescaut
la chanson de la Bourbonnaise, qu'on bissait régulièrement à

Mme Cabel.
Félicien David dans le Saphir (1865) s'est servi de plusieurs
thèmes populaires; il y a d'abord le Cantique de Jeanne cl' Al-
bret (1), puis la danse basque :

(1) Ce cantique a été publié dans les Chants et chansons populaires desprovinces de
la France , Champfleuiy et Weckerlin.
15G LA CHANSON POPULAIRE.

En dehors du théâtre, ce même compositeur a employé en


1845 un air arabe (1) dans l'ode-symphonie le Désert :

AIR A1UBK.

/!i .fff » m -•-•--9 m . # g-y^-- Ë-f—B-^-


.

LA CHANSON POPULAIRE. 157

IIAIÎAXKRA.

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• ^ •
ÎE V » »
F=PÊ etc.

Dans V Arlêsienne, Bizet a employé également une marche


publiée en 1855 ou 1856 par Castil Blaze sous le titre de Marche
de Turenne, quoiqu'elle n'ait jamais servi du temps de Turenne :

^^^p^^^^M^ *-

M. Ainbroise Thomas, dans l'opéra ÏÏHamlet, a reproduit un


gracieux thème suédois, harmonisé d'une façon remarquable.
Dans la Surprise de l'amour, M. Poise a donné une chanson
italienne :

#E W£ m m e
?==¥
zm.
1 J^ J'lJ- eic.

Chacun con_nait de Co _lom . bi .ne Le pied fri . pon

Finissant
J?fyfft K -|_

tH^. FPf'pU-prpj
Co_ lombine est genJiî _ le, Chacun i _ ci vous le di.ra.
£ nato in mczzoal ma.rc, nu-chelcm_mà, mi-chclem-mà.

Puis encore une chanson populaire française :

m m t-

J'ai. lais cueillir


7=¥
de
rriPtt'îir ff i
l'herbe, de lherbeau cresjson,glin glon.

Nous revenons encore sur la nécessité de distinguer l'air créé

par le peuple, et resté dans ce milieu spécial, s'y perpétuant

en quelque sorte de génération en génération, d'avec l'air d'un


158 LA CHANSON POPULAIRE.

opéra ou d'une opérette, que le succès particulier au théâtre a


fait passer à l'état populaire.
Ces sortes de popularités, quelque grandes et quelque méri-
tées qu'elles soient, restent presque toujours dans les villes où
se trouvent des théâtres, et ne pénètrent guère chez le peuple

de la campagne, qui leur préfère ses vieilles chansons.


Dans nos pérégrinations à travers les provinces de la France,

pour recueillir les chants populaires, nous n'avons jamais ren-


contré chez le peuple de la campagne ni des airs de Lully, ni de

Rameau, ni de Gluck on n'y connaît pas Où peut-on


; être mieux
qu'ait sein de sa famille de Grétry, ni A peine au sortir de l'en-
fance (Joseph de Méhul), ni les airs de Robert le diable, ni
ceux des opéras d'Auber, d'Adam, ni ceux de Faust ou de
Mignon, dont la popularité dans les villes est universelle, non
seulement en France, mais à l'étranger : les orphéons n'ont pu
changer cet état de choses.
Il n'en est pas ainsi en Allemagne, où le peuple a parfaite-
ment adopté un certain nombre d'airs de Haydn et de Mozart,
qu'on entend chanter clans les campagnes les plus éloignées
des villes.
En France il faut encore remarquer que les airs du théâtre
moderne, devenus populaires, survivent rarement à la pièce d'où
ils sont tirés. Un certain nombre d'entre eux, composés il y
a quelques quarante ou cinquante ans, ont passé dans la Clé
du caveau moderne, les vaudevillistes s'en sont servi et ont
puissamment contribué à les populariser davantage ; mais de-
puis que le genre vaudeville est à peu près disparu de la scène
française, qu'on l'a remplacé par les opérettes jouées soit dans
des salles de spectacle, soit dans les cafés-concert, il est à
prévoir que dans vingt ou trente ans seulement, ces airs ne se-
ront plus que des curiosités archéologiques, connues seulement
des lettrés de la musique.
LA CHANSON POPULAIRE. 159

CHAPITRE VIL

CHANTS GUERRIERS, NATIONAUX ET PATRIOTIQUES.


LA RÉVOLUTION.

La plus ancienne forme de la chanson guerrière a été le bar-


dit, déjà cité par Tacite, mais dont il ne nous reste rien d'au-
thentique.
Si les historiens ne nous le confirmaient, il serait moralement
certain que dans les temps les plus reculés, l'engagement des
combattants avait lieu au milieu des cris, des hurlements, des
vociférations, et non par un chant rythmé régulier, entonné par
la troupe des guerriers.

Le soi-disant hymne patriotique légendaire de la France, la


Chanson de Roland, n'a probablement jamais existé, du moins on
ne possède sous ce titre qu'une chanson de geste de plusieurs
milliersde vers(l). Lerecueil formé par les ordres de Oharlemagne
renfermait-il une chanson de Roland? On l'ignore. Nous ne
savons même pas si ce recueil se composait de chansons de geste

ou de chansons en langue vulgaire. Les paroles d'Eginhard


semblent plutôt désigner des poèmes : Barbara et antiquissima
carmina, quibus veterum regnm actuset bella cancbantur, scrïp-
sit memoriœque commandatit (2).
On a le droit de supposer que nombre de chansons guerrières

(1) Burney, dans son histoire de la musique, émet l'opinion que la chanson de
V Homme armé aurait pu être le thème original de la chanson de Roland.
(2) Nous ne parlons pas de la chanson apocryphe de Roland, faite par le marquis
de Pauliny vers la fin du siècle dernier, donnée de confiance par de La Borde, et re-
produite naïvement depuis par plusieurs écrivains, peu familiers avec la musique
ancienne. Une chanson de Roland curieuse est celle donnée par Chappell dans le

premier volume de sa Popular Jfusic, page 7, d'après Croth, quoiqu'elle ne soit


certainement pas de 106G, ce qui est bien aussi l'avis de Chappell. On peut voir
aussi la-dessus les notes du même auteur, vol. II, page 764.
1G0 LA CHANSON POPULAIRE.

ont dû être produites par les soldats Gaulois et les Francs, célé-
brant la gloire et la vaillauce de leurs capitaines, ou rappelant
les victoires remportées par leurs ancêtres (1).
Le vin des Gaulois et la danse de l'épêe, en dialecte de Cor-
nouailles, cité par M. de la Villernarqué, malheureusement sans
la musique, a une couleur assez sauvage pour être du sixième
siècle ; ce qui suit n'est qu'une traduction, bien entendu :

Mieux vaut vin blanc de raisin que de mûre!

Vin blanc et sang rouge et sang gras,


Vin blanc et sang rouge !

C'est le sang des Gaulois qui coule,


Le sang des Gaulois !

J'ai bu sang et vin dans la mêlée terrible,


J'ai bu sang et vin !

Sang et vin et danse, à toi, soleil !

Sang et vin et danse !

Nous sommes trop éloigné de ces époques, pour nous rendre


compte bien exactement de ce qui pouvait enthousiasmer les

masses au sixième et au septième siècle.

Le chant de la première croisade, cité dans l'Introductiou, n'est

certainement pas un chant guerrier, mais plutôt une Invocation


composée par quelque moine. Quant au fragment reproduit par
E. de Coussemaker, dans son Histoire de l'harmonie au moyen
âge, et que Hildegaire (neuvième siècle) cite comme ayant été

chanté et dansé par les femmes qui battaient des mains :

De Chlotaiïo est canere rege Francorum,


Qui ivit pugnare in gentem Saxonum
Quam graviter provenisset missis Saxonum,
Si non fuisset inclytus Faro de gente Burgundiorum, etc.

(1) Les historiens allemands attribuent à Henri le Lion, mort en 1195 ce mot « : le

chant est l'aiguillon des combats. »


LA CHANSON POPULAIRE. 161

c'est bien plutôt un récit historique qu'une chanson, et nous


sommes d'avis avec E. de Coussernaker, que ce n'est point là la

forme de la chanson originale. Toutes ces improvisations de


soldats aventuriers, de reistres, de soudarts, etc., dont nous
possédons uu nombre assez considérable de pièces, sont des
chansons historiques, dont aucune n'a jamais été adoptée et

popularisée comme chaut patriotique français. Ces pièces de


circonstance surgissaient à chaque combat, comme à chaque
bataille gagnée : par exemple, aucune d'entre elles n'a la briè-
veté de la Casquette du père Bugeaùd, improvisée par nos sol-
dats sur la sonnerie des clairons, lors de la prise de la Smala
d'Abd-el-Kader.
Si nous ne pouvons citer aucun chant patriotique français
ancien, il en est ainsi pour les autres nations de l'Europe ; il

est même à remarquer que les chants nationaux des peuples


civilisés sont tous relativement modernes.
Le God sai'e tke king anglais, après bien des contestations,
est finalement attribué à Henri (Jarrey, qui s'est suicidé en 1743.

Le Rakotzy a été fait en l'honneur du patriote hongrois qui


mourut en 1725. D'après une note allemande, le thème de cette

marche n'aurait vu le jour que vers la fin du dix-huitième siè-

cle, en souvenir du prince Ragoczy (1).

(l)Les Hongrois avaient (ou ont peut-être encore) un petit hautbois d'un son
Ragoczy (Ragoczy Pfeife), instrument avec lequel on ap-
très perçant, appelé fifre de
pelait le peuple aux armes. On peut voir quelques anecdotes sur Ragoczy dans les
Puces intéressantes et peu connues (par de la Place), t. V, p. 351.

1 I
162 LA CHANSON POPULAIRE.

Ici se place la Marseillaise, en tête de laquelle l'auteur ins-


crivit la note suivante, quand il publia ses Chant* français : (1)
« Je fis les paroles et l'air de ce chant à Strasbourg, dans la
nuit qui suivit la proclamation de la guerre, fin d'avril 1792;
intitulé d'abord Chant de l'armée du Rkinjil parvint à Marseille
par la voie d'un journal constitutionnel, rédigé sous les auspi-
ces de l'illustre et malheureux Dietrich. Lorsqu'il fit son explo-
sion quelques mois après, j'étais errant en Alsace, sous le poids
d'une destitution encourue à Huningue, pour avoir refusé d'ad-
hérer à la catastrophe du 10 août, et poursuivi par la proscrip-
tion immédiate qui, l'année suivante, dès le commencement de
la Terreur, me jeta dans les prisons de Robespierre, d'où je ne
sortis qu'après le 9 thermidor (2). »
On connaît les paroles de Klopstock, s'adressant à Rouget
de l'Isle : « Vous êtes un homme redoutable, vous avez ren-
versé plus de cinquante mille Allemands. »
Le grand Joseph Haydn dota son pays, l'Autriche, d'un
hymne national en 1797 (3).

(1) 50 chants français mis en musique par Rouget de Lisle. Paris, chez V auteur, 21, pas-
sage Saunier. Une seconde édition publiée par Maurice Scklesinger ne renferme que
48 chants français.
Rouget de Lisle a composé la Marseillaise sur son violon ; il en jouait bien ou mal,
nous l'ignorons ; voici à ce sujet une lettre inédite, adressée à Pleyel : ce Depuis que
tu m'as promis un autre violon, mon cher ami, je ne rêve plus que duos : on devient
bête à la campagne, et j'y aurai moins de peine qu'un autre. Si tu ne m'as pas oublié
fais-moi le plaisir de remettre au porteur l'instrument que tu me destines. S'il n'est
pas prêt, dis à mon homme quand il pourra l'aller prendre. Sois sûr que j'en aurai le
plus grand soin. »
K Adieu, j'ai quelque espérance de te placer un piano à tambourin, J. R. de Lisle,
aux Thermes, vendredi 6 mai. »

(2) Nous ne perdrons pas notre temps à citer les nombreuses protestations et
prétentions relatives à la paternité musicale de la 2Iarseillaise. Il vient d'en
éclore une nouvelle : Le chant de la Marseillaise, son véritable auteur, par Arthur
Loth, 188G. Cette fois, c'est au moins un Français, M. Grisou de St-Omer, qui aurait
faitune Esther renfermant la Marseillaise.
(3 Ce thème, comme on sait, a été utilisé par l'auteur dans l'un de ses quatuors, à
)

moins cependant qu'il n'ait vu le jour dans le quatuor avant de recevoir des paroles.
LA CHANSON POPULAIRE. 16:!

—— I ,
f^-
i Gotl er _ hal - te Franz den Kai _ ser, Un j sera
Lan ge le - be Franz der Kai - scr In des

&
.

i2
gu .
-f—m-
ten Kai- ser Franz; Ihm ei blù -
^m
heu l.or.beer
Glu. kes hells-tem Glanz;

Ê
? ^E£
Rei - ser, \So er geht zum Eli - ren Kranz! Gott er.

haLte,Goff er- hal_te un- sern gu - fen Kai- ser Franz!

Traduction. — Dieu conserve l'empereur, notre bon empereur


François, et lui donne longue vie ; les lauriers fleurissent pour lui
partout où il marche, Dieu conserve notre bon empereur François.
M. Tappert a découvert dans un Processional de Prague, qua-
torzième siècle, la phrase suivante :

(M; gdalena) ;É= J J J =ËJ =


U bi est spes me a (i)

Campenhout, un Belge, composa en 1830 la Brabançonne,


devenue le chant national de la Belgique :


SipfeÉpÉpsii^
.W-fhJL

4h-^r^t^rrîr\r crto l
(1) Les quatre premières notes sont les mêmes que dans Gavdinette, voy. p. 82.
164 LA CHANSON POPULAIRE.

*=£ ^jt^ffnr-rtm m
Ce
EÉ3E

n'est
^^^^^m
également que depuis 1830 que
A j~4

la Russie a sou
hymne national, composé par Alexis Lvoff.

HYMNE RUSSE

>C=22 m

* J gZJ [
' ^\~ r] • lË Ë|

« m =* M f^=m

Nous revenons aux chauts


*
français, principal objet de cette
^
étude.
L'intérêt musical de la Révolution, c'est l'apparition de la
Marseillaise, dont la popularité a fini par éclipser, effacer de la
mémoire du peuple les diverses œuvres produites à cette époque
par des compositeurs de renom. Nous excepterons le Chant dû
départ, de Méhul, 1794; mais qui se souvient des pièces sui-

vantes?

Gossec. Chœur patriotique, exécuté à la translation des restes de


Voltaire au Panthéon, 1791.
Devienne. Romance sur la mort de Barra.
Gossec. Chanson patriotique sur le succès de nos armes.
Id. Le Triomphe de la loi, chœur patriotique.
LA CHANSON POPULAIRE. M5
Catel. Stances chantées pour la fabrication des canons, poudre et
salpêtre.
Sol ne. Courageuses mères, chanson patriotique.
LANGLÉ. Romance sur la liberté des hommes de couleur.
GOSSE* . Chant patriotique pour l'inauguration des bustes de Marat
et Lepelletier.
Méhul. Déesse et compagne du sage, hymne patriotique.
Delayrac. Les Canons, chanson patriotique.
Jâdin. Chant d'une esclave affranchie.
Gossec. Hymne à l'Être suprême.
Devienne. Chanson sur la mort de Viala.
1
ri iSSEC. Hymne à la Nature.
Catel. Hymne à la Victoire.
Id. La Bataille de Fleurus, chœur.
Jadin. Ode à J.-J. -Rousseau (1).
Rigel (père). Hymne sur l'Enfance.
GOSSEC. Serment républicain.
Catel. Hymne à l'Égalité.
Chékubixi. L'hymne du Panthéon.
Gossec. Hymne à Voltaire.
Id. glorieuse destinée, 1800, chant national à 3 chœurs et à
3 orchestres.

Dans cette énumératiou, nous n'avons pas mentionné les piè-

ces purement instrumentales de ces mêmes compositeurs.


Il y a lieu de croire que tontes ces hymnes et stances patrio-

tiques ne furent pas toujours composées, par les musiciens du


moins, avec un élan, un enthousiasme, à la hauteur des cir-

constances ; mais comment refuser à un gouvernement qui aimait


à être obéi, quand il expédiait des poésies avec ce petit mot :

Envoie par le comité de Salut public à l'Institut national de mu-


sique, pour être chante à la fête de, etc.?

On a consommé énormément de musique sous la Révolution ;

les poètes qui n'avaient pas de musicien sous la main, rimaient


sur un vaudeville ou un air d'opéra-comique ; c'est ainsi qu'a

(1) Gossec a aussi écrit une cantate à Kousseau, mais elle n'est point mentionnée
dans la collection imprimée des chanta de la Révolution. 2 vol. in fol.
.

160 LA CHANSON POPULAIRE.

été fabriquéen 1791 par Boy : Veillons au subit de V Empire{l)


i

en accolant ces paroles à un air de Renaud d'Ast, opéra-comique


de Dalayrac, représenté en 1787 ; ce thème léger et même sau-

tillant n'était pas précisément ce qu'il fallait au texte républi-

cain : nous donnons les deux versions :

Vous qui
y
^m
d'a_mou_reuse a _ ven - (u re Cou_
Vcil . Ions au sa _ lui de l'em - pi re, Veil

m
V
-rY
+=*!
rcz et plaLsirs
E
*=m
=^=

c( dan _ ger, — Si
ta=^
^
de chaleur ou de froi-
lons au maintien de nos lois Si le des_po--.tis.me cons_

* lëtë
î > v P E=g=E
du re Par _ fois vous sen.tez af- fli - ges,

re, Cons _ pi.rons la per_ te des rois,

Les Girondins furent condamnés à mort en 1793; l'un d'eux,


Girey Dnpré, fit cette strophe au moment suprême :

Pour nous quel triomphe éclatant !

Martyrs de la liberté sainte,


L'immortalité nous attend.
Dignes d'un destin si brillant,
A l'écliafaud marchons sans crainte,
L'immortalité nous attend.
Mourir pour la patrie,

C'est le sort le plus beau, le plus digne d'envie (2) !

Après les ouvrages des musiciens, pièces officielles en quelque

(1) Le premier vers paraît singulier pour la date de 1791, à laquelle nous avons
rencontré cette chanson imprimée, la suite des vers la justifie bien.
(2) Rouget de Lisle s'est servi de ce refrain (qui méritait en effet d'être
conservé)

dans sa scène héroïque le Vengeur. Depuis, le compositeur Varney a aussi fait cet
emprunt, dans son chant des Girondins d'Alexandre Dumas; il y a même un double
emprunt. M. Varney devait connaître le refrain musical de Rouget de Lisle.
LA CHANSON POPULAIRE. 167

sorte, nous mentionnerons un certain nombre de chansons du


peuple, dont plusieurs acquirent une triste célébrité. La plupart
d'entre elles furent faites sur des airs de vaudeville alors en vogue,
ou plutôt dans la mémoire des paroliers, et ceux-ci n'y regar-

daient pas de très près pour faire leur choix. L'énumération qui
qui va suivre à la page 188, très abrégée, est faite d'après les
feuilles volantes du temps, une mine d'environ 200 pièces que
nous possédons. Quelques-unes de ces chansons portent le nom
des musiciens, qui sont : le cousin Jacques (BefFroy de Reigny),
Martainville, Giroust (le plus fécond entre tous), Rignault, Al-
bert, Foignet, Séjan, Duchamp, Bertin, Duboulay, Savard,
Jouve, Gatayes, Gaveaux, Bruni, etc. (1).

Une des premières chansons de cette série, et l'une des plus


célèbres est le Ça ira, qu'on date de 1789, quoiqu'elle ne fût
réellement très répandue que dans le courant de l'année sui-
vante. La légende raconte que le général Lafayette engagea le

chanteur ambulant Ladre à travailler à ce chef-d'œuvre. Ladre


adopta comme air une contredanse connue alors sous le titre

de Carillon national, et y plaqua tant bien que mal ses misé-


rables bouts rimes. L'étendue de cet air, non écrit pour la voix,
se terminait sans doute à l'exécution par une criaillerie

épouvantable du chanteur, qui n'était pas un Nourrit, tant s'en


fallait. Voici le Ça ira d'après une feuille volante du temps :

tnW ) i' LUJEÊfjR


Ah! ça i - ra, ça i - ra, ça i - ra! Les a. ris Jo.

crat's à la lan . ler_ ne! Ali! ça i - ra, ça i-ra, qa i

(1) Le plus grand nombre de ces feuilles volantes, avec le timbre de la première
république, l'air et les paroles, sont éditées par Frère, passage du Saumon.
168 LA CHANSON POPULAIRE.
FIN

#
i,
# gptËQ ^
Les a.ris-to-crat's on les
fc

pen _ dra.
I £^
Si 'on nies pend

if m mm pas, On les roin . pra,


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Si'on nies
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romp pas, On les
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brûl'.

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ça ça i_ ra, ça
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Les a.ris.to.

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ra: Ali! i . ra, i . ra,

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ra, ça i . ra, ça i_

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-
* *
,

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£=£ ? b
ra, Les a - ris _ to . crat's on les pen _ dra!

1790
Le tombeau des aristocrates (sur l'air Vive Henry IV).
Ronde de la Fédération.

1791.

Regrets des Fédérés en quittant leur roi.

1792.

Le siège de Tldon cille.

V aristocratie en déroute.
J'ons un curé patriote.
Expédition du. général Lameth.
Le siège de Lille (plusieurs pièces).

La montagne.
Orgie des gardes du corps.
Couplets à M. de Lafayette.
Couplets sur lefanatisme.
*

LA CHANSON POPULAIRE. 169

C'est dans cette année qu'on commença à chanter la Car-


magnole, qui venait on ne sait d'où, mais qui laissa dans l'his-
toire un triste souvenir.

LA CARMAGNOLE.

-fi—
H=#-w ±

m
Ma _ dam' Ve _ to a _ vait pro.mis De

^=#=
-m -*4 j=tofa
tout Pa

^
faire é_gor _ ger _ ris, Mais son coup a man.

ju
P _ que Grâce
j

à
j-j
nos ca_ non- nié: Dan _ sons la Car-ina.
v-

&E*
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r
gno -
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le, Yi
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_
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le son, vi _ ve le son! Dan

^^
§

^ - sons la
P

Car-ma
0-

_ gno-le,Vi_ve
Pif
le son
J
du
J-M É
ca _ non.

Castil-Blaze, dans son Molière musicien, vol. II, p. 457, dit


que la Carmagnole est un air provençal, infiniment vieux ; c'est
une supposition des plus gratuites : d'après son aspect, c'est un
air de chasse du siècle dernier.

1793.

Agricole Viola, chanté par la citoyenne Saint-Aubin.


La prise et la reprise de Toulon (plusieurs pièces).
L'autel de la patrie.
La carmagnole.
La carmagnole des royalistes.
chanson des sans-culottes.
L'Heureuse Décade.
170 LA CHANSON POPULAIRE.

Le Globe (ballon) des Tuileries.


(Il y en a une quinzaine, dont l'une sur l'air de Malbraugh).
La liberté ou la mort.
Les saints convertis en monnaie.
Veillons au salut de l'empire.
La victoire en permane?ice.
Hymne pour les martyrs de la liberté: Barras et Via h.
Hymne sans-culotide.
Lje club des bonnes gens.

Hymne à l'arbre de la liberté.

1794.

Hymne à J.-J.-Rousseau.
Hymne à la Raison.
Hymne au genre humain.
Hymne sur la bataille de Fleurus.
Reddition de Lyon.
Religion républicaine.
L,e réveil du peuple (avec la signature de Gaveaux).

Le salpêtre républicain.

Hymne à la Raison.

Hymne à l'Éternel.

Les maîtres de danse, ayant à cœur de prouver leur patrio-


tisme, inventèrent et firent imprimer des contredanses avec les

titres gracieux et alléchants que voici :

Le droit de l'homme. — La première réquisition. — Le ser-

ment civique. — Lac guillotine. — Le Veto. — Le tombeau des


aristocrates. — Les culs fouettés. — Les nonnes fouettées. —
La joie du père Duchêne. — La fureur du père Duchêne. —
Les petits assignats. — La de
résurrection Voltaire, etc.

A cette époque, où le besoin de rimer allait jusqu'à la folie,

on semble avoir voulu ressusciter aussi les chansons législatives


LA CHANSON POPULAIRE. 171

des Grecs, car nous trouvons la Constitution en Vaudevilles, par


Marchant, 1792. — La Constitution de la République en Vau-
devilles, par Ramel Pichenot, an III. — La Révolution française
en Pot 1791. — La
pourri, République en Vaudevilles, par

Marchant, 1795. — Le Code civil en vers, par J. H. F. R. Paris


1805 (lisez J. H. Flacon Rochelle) (1).

En 1788, avait para la ( 'antatrice grammairienne, par l'abbé


Barthélémy, ouvrage où l'on apprend F orthographe par le moyen.

des chanson* erotiques, dédié aux dames. — Il y eut aussi le


Vélocifère grammatical ou la langue française et V orthographe
apprises en chantant,ipsx M lle
St. de Warchouf, 1806 ; troisième

édition. — Arlequin au Muséum, ou Critique des tableaux en


Va a de villes. Paris, 1802. Deux suites, dans lesquelles on parle
de Van Loo et de Fragonard. —
Puis encore les Tableaux du

Muséum en Vaudevilles, par le citoyen Guipava, Paris au 9.—

L'observateur au Muséum ou la Critique des tableaux en Vau-


devilles. Sans date.
Le règne de Napoléon Ier a produit peu de chansons patrio-
tiques ; on dirait que le grand guerrier avait mis les chanteurs

hors d'haleine, ou serait-ce peut-être parce que les innombra-

bles chansons de la République avaient assourdi suffisamment


les oreilles, et ébréché, éraillé outre mesure le gosier des chan-

teurs?
victoires de Napoléon furent cependant chantées, et don-
Les
par-
nèrent lieu à de nombreuses pièces de vers, des odes plus
ticulièrement. Malgré ce bagage poétique, c'est encore
Béranger

mieux conservé dans la mémoire populaire le souvenir


qui a le
er
ces chansons-là se trouvent parmi
de l'empereur Napoléon I ;

les plus réussies du célèbre chansonnier.

La révolution de 1830 fit bien éclore quelques chants patrio-

jour la Coutume de Paris, on vers, et en 184<î on


(1) Déjà en 1768 on avait mis au
publia la Charte constitutionnelle de 1830, mise en vers par Louis Roger. Valenciennes.
172 LA CHANSON POPULAIRE.

tiques, mais aussitôt parus, aussitôt oubliés. Halévy composa le

Tricolore sur des paroles de Barthélémy et de Méry, ce mor-


ceau eut le sort commun, et la Parisienne seule se soutint pen-
dant les premières années du règne de Louis-Philippe (1).
A propos des événements de 1848 nous trouvons quelques
pièces sur la mort du général Négrier et sur celle de l'arche-
vêque de Paris.
Les nombreuses chansons parues sous le règne de Napoléon III
sont de notre temps, il semble hors de propos de les mentionner.
Quant à celles relatives à la guerre avec la Prusse en 1870 et
les chansons patriotiques de la République actuelle, il y eu a
une montagne : la Bibliothèque du Conservatoire en possède
10 ou 12 volumes in-folio ; le Rhin allemand de Musset, à lui

seul, a paru avec trente ou quarante diverses versions musi-


cales.

Que la France chante ses succès, ses victoires : ce n'est que


juste et raisonnable, mais on ne se doute pas assez dans notre
beau pays que, de l'autre côté du Rhin, on a soin de mettre en
relief toutes nos défaillances et tous nos revers, surtout dans
les chansons.
Nous possédons une dizaine de pièces rien que sur la retraite

de Moscou, que les Allemands appellent la Fuite de Russie de


l'empereur Napoléon; puis on nous chansonna par là, dedans
le pays de Prusse, sur les événements de 1813, Lùtzen, Vittoria,
Leipzig et enfin à propos de l'invasion des alliés. Nous ne men-
tionnons pas les petits combats, mais les Allemands ont soin de
les mentionner dans leurs chansons, où rien n'est oublié : l'en-

trée des alliés à Paris et la chute de Napoléon, tout cela est rap-
pelé dans mainte pièce.
La guerre de 1870-1871 a été pour les chansonniers prussiens
une occasion superbe de nous déchirer à belles dents ; on a déjà

(1) La Parisienne, voyez le chapitre des Chansons historiques, p. 03 et 54.


LA CHANSON POPULAIRE. 173

publié cent cinquante ou deux cents chansons là-dessus ; nous ne


parlons que de celles que nous possédons, et nous ne possédons
pas tout.
Ces produits de la verve prussienne ne sont pas toujours des
chefs-d'œuvre d'esprit ; on en pourra juger par la suivante, où
tous les mots soulignés sontenfranç-ais dans le texte allemand :

Ainsi, nous allons marcher


Sur la belle ville de Paris ;

Là nous apprendrons le beau langage,


Cela est sûr et certain :

Vullé vou des coups, Mosié,


Pour la gloire et la liberté?
Toujour gais, toujour joyeux,
Comme le roquet dans son paletot,
Vullé vou des coups, vullé vou?
Filou! filou!filou! et hourrah!

On voit que ces poètes populaires de la Germanie prussienne,


dès qu'ils touchent à une langue qui n'est pas la leur, devien-
nent absolument idiots. Nous donnons eu entier la chanson in-

titulée :

LA FUITE DE BOURBAKI EN SUISSE.


V février 1871.

Dieu les a frappés, l'homme, le cheval et l'équipage. L'armée française

erre dans la neige et la glace. Bourbaki en fuite, ses soldats sans disci-
pline : Dieu les a frappés, etc.

Des tambours saus baguettes, des cuirassiers en robes de femmes, des


chevaliers sans épée, des cavaliers sans cheval : Dieu les a frappés, etc.

Des porte-drapeaux sans drapeau, des fusils sans chien, des comman-
dants sans talent, des canoniers sans canons : Dieu les a frappés, etc.

Des sacs sans pain, partout la faim et la misère, des chariots sans roues,

tous faibles et fatigués Dieu les a frappés, etc.


:

C'est ainsi que l'armée française fuit vers la Suisse , où avec peine elle

se sauve de la mort : Dieu les a frappés, etc.

Au lieu de mettre le pays allemand à feu et à sang, ils sont terrassés


comme Pharaon : Dieu les a frappés, l'homme, le cheval et l'équipage.
174 LA CHANSON POPULAIRE.

La Commune de Paris a de même inspiré la muse d'outre-


Rhin, qui, dans sa raillerie, fait parler ainsi les communards :

Gai, gai, frères et amis,


Nargue des soucis :

Buvez un bon verre de vin.

A la santé des frères et amis


Qui démolissent tout,
Ce sera notre joie !

Allons, vivons gaiment,


Festoyons et chantons,
C'est si ennuyeux de travailler.

L'argent ne manquera pas d'ailleurs,


Nous prenons partout,
Qui peut nous en empêcher ?

A bas les patrons et les curés,


Les rois, les empereurs,
A bas tout ce qui veut commander !

Nous sommes des citoyens libres,

L'univers entier sera notre proie :

Voilà comment il faut agir.


,

LA CHANSON POPULAIRE. 175

CHAPITRE VIII.

TRANSFORMATIONS DE LA CHANSON POPULAIRE. — RYTHME. —


TONALITÉ. ÉPILOGUE.

Beaucoup de publications sur la chanson populaire en France


ont été faites depuis quelques années ; plusieurs d'entre elles
renferment d'excellentes préfaces, pièces littéraires aussi ins-
tructives qu'intéressantes , mais on n'y a guère touché le côté

musical, la transformation des airs entre autre, étude qui exige


des recherches patientes et persévérantes.
Les airs anciens, les chansons des villes surtout, subissent des

transformations qui semblent suivre le cours ou la marche de


la civilisation, quelquefois même celle de la mode. Rien de plus
naturel d'ailleurs que ce rajeunissement des chansons transmises
oralement et dont la vogue se continue à travers les temps. Ob-
servons toutefois qu'une chanson du seizième ou du dix-sep-
tième siècle ne pouvait avoir à son origine la vivacité de rythme
qu'elle a de nos jours, paroles et musique.

Pour les airs des compositeurs, transmis par l'impression, il

n'en a pas été ainsi, c'est pourquoi nous trouvons par exemple
la plupart des airs de Lully beaucoup plus lourds, plus arriérés,
plus vieillis dans leurs allures mélodiques et rythmiques que
des airs populaires de la même époque : l'air de Lully est resté
tel que, tandis que le chant populaire s'est rajeuni en arrivant
jusqu'à nous.
Au lieu de multiplier les citations, ce qui nous serait facile
nous n'examinerons qu'un seul air populaire, celui de VÉchelle
du Temj)le} dans ses diverses phases de transformations.

A l'origine, cette échelle du Temple était une échelle patibu-


176 LA CHANSON POPULAIRE.

laire que les Templiers avaient fait placer au coin de la rue des
Yieilles-Haudriettes, comme marque de leur justice. Pendant
les troubles de la Fronde (1649) elle fut détruite; le poète Blot
en fit même la complainte :

Ce sont messieurs du Marais


Qui m'ont causé tant de regrets :

C'est le brave monsieur Rouville


Caudale, Brissac et de Gerzé,
Coulon et le marquis de Ville,
Camus, qui m'ont ainsi traité.

Cette échelle ne fut point rétablie (1).


L'air sur lequel se chantait V Echelle du Temple était celui de

Monsieur le Prévost des Marchands. D'après M. Magnin cet air


de l'Echelle aurait eu pour patron celui des Rochellois; mais en
comparant ces deux thèmes, on se demande ce que l'un aurait
pu emprunter à l'autre, ils diffèrent totalement. Les mêmes
paroles, il est vrai, peuvent s'ajuster aux deux airs, mais cela
n'appuie en rien ce que dit M. Magnin. Voici d'abord l'air des
Rodicllois d'après le recueil de Maurepas

$m "T

suis
*=#*:
^=r
le fa_meuxMi gno let, Gé.

fcïc : • *
=1
des Es_pa_gno . lels; Quand je mar.ehe la (er.re

-a-j-JL
-tw-p-
Hl
frem . ble,Cestmoi qui conduis le so - leil, Et je ne

t^ 3 tr* •
* 1=£ 1
cr & pas qu'en ce mon.de On puisse (rou-yermonpa _ reil!

(1) Édition de La Fontaine, par Marty-Laveaux. 1859, t. III. p. 250.


LA CHANSON POPULAIRE. 177

Mignolet était une des personnifications de Polichinelle, et


M. Magnin fait remonter cette chanson à Henry IV (1).
L'air du Prévost des marchands est noté ainsi dans la Clef
des chansonniers, 1717 :

W —w £==£
i Je
-*
suis le fa - meux Mi - gno - let,

m P f—m
$ ~Gé_
PEÈEÊ?
né_ral des Es _ pa
r
_ gno
r
-
'
r
lets;

i-r
Quand je mar _

«y J J J J J
—W
f
I

¥^£
. che la ter - re trem ble, C'est moi qui con_di

P é m m
U4JJ pas
le so - leil, Et je ne crois qu'en ce

* É ^ ?
mon _ de On puis -se trouver mon pa . reil.

On peut voir la même notation dans les Noei Bourguignon de


mo une autre chanson que
la Monnoye, 4 édition, 1720 ; celle du
Prévost des marchands était connue alors avec ce même air, car
dans cette édition de 1720 on met : sur l'air Votre jeu fait ici

grand bruit, le même que le Prévost des marchands. Ces nou-


velles chansons qui se substituent aux anciennes en gardant le

même air, rendent les recherches d'autant plus compliquées.


Nous mettons en regard le Prévost des marchands d'après le

Chansonnier français 1760 et la version de la Clé dît Caveau:

(1) Ch. Magnin, Histoire des marionnettes en Europe, 1862, p. 124 etsuiv.
12
178 LA CHANSON POPULAIRE.

35
i-}
Je suis le
;
m
J
fameux Mi.gno
J
k -

r f
- let, gé .
y
né. rai

Clé do
Caveau.
> )
«

)

^ Je suis le fa - meux Mi.gno


V-
-
F^FÊ
let, gé.né.ral

Prm
S
^È ÈÊÉ
des Es.pa. gno.lets; Quand
Ep^^f
je marche la ter.re

zBl

des
m
mm riï—Tfï^^m
Es_pagno_lets-,
v
Quandjemar. che la
V
ter.re
V

Ê #—y K N

trem . Lie, C'est moi qui


£^£ eon.duis le so

"o J

trem -
J'

ble, C'est
J' g

moi qui
f i

r
con

e
duis
^S
le so

'

lO- g "«h > J> J' J'

;ÏI, Et je ne crois pas quen ce

^ e J . J- + J- 1
^ -^-^^^
8
- lefl, Et je ne crois _ pas qu'en ce

mon-
3
de
JLZZ*
On puis_se
E* PU 3^3
trou _ ver mon pa
*
-
~o~
reil.

£
mon - de
ï> j>

On
J'

puis_ se
1

J' i j. J'
trouver mon
j

ar^ pa - reil.
LA CHANSON POPULAIRE. 179

Cette version de 1700, eu rythme binaire, paraît avoir été


•calquée en rythme ternaire parla Clé du caveau, qui s'est per-

mis eu outre des rajeunissements faciles à distinguer.

On voit par cet air de Y Echelle du Temple, noté à différentes

époques, une preuve palpable de l'indécision des rythmes dans


la transmission des chansons, puisque la même est tantôt en

rythme binaire, tantôt en rythme ternaire; quant à la dernière


version, celle de la Clé du caveau, elle est plus pimpante, plus
vive, en uu mot elle est rajeunie.

Il y a des légendes dont l'origine se perd dans les temps les

plus lointains, mais que le peuple a constamment maintenues


dans son répertoire. La transformation de la langue a fait aban-
donner les paroles originales ,
qu'on ne comprenait plus, l'air

ancien a sombré dans le même naufrage : le sujet seul a sur-

vécu. Un des plus curieux exemples est la chanson gracieuse :

Las! il n'a nul mal qui n'a le mal d'amour qu'on trouve déjà
au quinzième siècle (1). E. de Coussemaker Ta publiée d'après
un manuscrit belge ou flamand, de la façon suivante :

m m
S
i La bel. le se siel — au pied de la tour,
Pè.re H de _ man.de: Fill' que yo .. leis - vous?

Qui pleure et sou _ pire et mai.ne grant — do _ lour. Son



s
Vo,. leis-vous ma _ rit ou vojeis -vous Sei _ gnour?_ Je

p o

î ne yuel.he ma . rit Ne
1
je ne vuel.he Sei.gnour,

me a écrit une messe


(1) De Orto (Dujardin), compositeur qui vivait au lô siècle,

sur La belle se siet au pied de la tour.


180 LA CHANSON POPULAIRE.

p—r
* .dieu,nia beV-le
^m fil - le, à ce -là fau.reis
:cc

--vous,
a Pè_re, s'on le pent,se m'en sou . yeis des. .sous,

m
Ê
$ Car il se.rat pen.du de-main au point du jour.

En-si di.roDt les gen&Ce 6ont lov - als a. mours.»

Cette même version a passé en vente y a un peu plus d'un


il

an, dans un manuscrit de la fin du quinzième ou commencement


du seizième siècle (1).

La Bibliothèque nationale possède deux parties de chant d'un


recueil imprimé à 4 voix au seizième siècle, en voici le superius,

que le ténor suit pas à pas en imitation :

fr-*4- 1 I 1 I3=E5
Je veux le mien a _ my qui est dans la

ÉÊ=É
i
tour.- Las! il n'a - nul mal qui n'a

le
" ï&
mal d'à _
'

CT~
mour.

Beaucoup de compositeurs du seizième siècle ont mis cette

chanson à 4 voix, avec des textes qui varient, tout en gardant le

même sujet. Ainsi on la trouve avec de la musique de Bussy dans


les Chansons en forme de vaudeville, 1573, Le Roy et Ballard;

avec de la musique de Josquin des Prés dans la Couronne et Fleur


de chanson à trois, Venise, 1536, dont le seul exemplaire connu
est à la bibliothèque de Rouen, provenant de Leber. Il nous sou-
vient d'avoir vu cette même chanson à 4 voix avec de la mu-
m «
m m
f Je vuel-hè le mien a -mi Qui paurist en la tour: — Par -

(1) Catalogue delà librairie Tross, 1»84.


LA CHANSON POPULAIRE. 181

sique d'Orlando de Lassus à la bibliothèque Sainte-Geneviève.


mc
Laborde, dans son Essai sur la musique, 2 volume, donne
une version plus moderne, dont le thème est fort gracieux ; il

l'attribue à Jacques Lefebvre, que Fétis cite comme un compo-


siteur de la cour de Louis XIII (1).

*^
ffiE i J J U i J
Las! il n'a nul mal qui. n'a le mal d'à

fFF i J J N i
f
, 1
J

^
\

_ mour: Las! il n'a nul mal qui n'a le mal <ï'a-


FIN.

i
W ^^m
La fil - le du roi
?
est au pied de la

i
feÈ
four, Qui pleure
-j**-+
et sou_pi - re Et
m
mè_ne grand doulour!
D.c.

Ici, le père est moins féroce, par cela même la version est

moins ancienne, et nous ne sommes plus au barbare moyen-âge :

Las Il n'a nul mal qui n'a le mal d'amour


!
!

Le bon Koy lui dit ma fille qu'avez vous ?


:

Voulez-vous un mary ? Hélas oui mon seignour. !

Las! il n'a nul mal, etc.

Nous avons recueilli une autre version dans la Drôme ;


ici

les rôles sont changés , c'est la princesse qui est dans la tour,

et c'est son bien aimé qui la délivre.

La-bas, là - bas dans cet. (e tour Lya un'prin.

er vol. des Échos


est rééditée dans le
(1) Cette version, avec une autre harmonie,
1

du temps passé , J. B. W.
182 LA CHANSON POPULAIRE.

#— 4
- ces - se ; mes a- mours; Sonpè.re la tient ren_fer _'

#
me; Ses n.mours ne veut point quit _ ter.

N'a bien resté six ans passés


Que personn' ne l'a visité,

Mais au bout de six ans passés


Son père la vient visiter.

«: Bonjour, ma fuT, comment qu'ça va ? »

— Mon cher papa, ça va très mal,


J'ai mon côté rongé des vers,
Et mes deux pieds chargés de fers. —
— Mon cher papa si vous aviez
Cinq ou six sous à me donner,
Je les donn'rais au geôlier,
Qu'il me déchaînerait les pieds. —
« Vraiment, ma fill', nous en avons
Des mille, aussi des millions,
Des millions pour vous donner,
Si vos amours voulez quitter. »

— Avant d'quitter mes bell's amours


J'aim' mieux mourir dedans la tour. —
« Tu y mourras, tu'y pourriras,
Jamais personn' t'en sortira. —
Son cher amant passant par là,

Un mot de lettre il lui jeta :

oc Faites ce que la lettre dit.

Vous 'en serez bientôt sorti. »

« Faites la morte au vendredi,


Qu'on vous enterre au samedi. »
Le prêtre va devant chantant,
Son pèr' cruel après pleurant (1),

(1) Ce dénouement d'une jeune fille qui fait la morte se trouve aussi dans la Jolie

Fille de la Garde, Chansons des provinces ; il existe également dans une autre chanson
commençant par : Le roi/ séant en pleine cour.

LA CHANSON POPULAIRE. 183

Son cher amant, passant par là,

N'a demandé : qu'est tout cela?


« C'est votre amie Louison,
Qui en est mort' dans la prison. »

— Si c'est ma mie que vous portez,


Permettez-moi de l'embrasser. »
Sitôt l'a pris', la embrassée,
Dans son caross' l'a emportée.

Le père crie à haute voix :

ce Parents prenez exemple à moi,


Car toute fill' qui veut aimer
On ne peut pas lui empêcher. »

Enfin voici une dernière version recueillie en Normandie ;

elle se rapproche considérablement de la précédente comme


texte, si bien que de ces deux dernières chansons l'une a évi-

demment servi de patron à l'antre :

C'est la
f-f ir
bel - le
r
de nos
r r
a_ mours Qu'ares. té
^^
J J J- J> J' J' J- J'
3
!ËE J, J, | J ,
| J ,

sept ans dans la tour-, Au bout de ces sept ans pas.

f'J^'U. J'U* F#F5 é-

-ses, Son pè_ re vint la vi-si - ter, Au bout de

é m é-^—0— ;
— m~*~ i
> m—

ces sept ans pas _ ses, Sonpè_re vint la vï _ si - ter.

Les couplets de la fin sont

Le fils du roi vint à passer,


Un p'tit billet lui fut jeté :

« Faites la morte, enseveli',


bis
Que l'on vous porte à Saint-Denis. »
.

184 LA CHANSON POPULAIRE.


EU' fit la morte, enseveli',

On la porta-s-à Saint-Denis. ) ,

Plus d' cinq cents pretr s, autant d abbes )

Pour conduire la belle enterrer.

Le fils du roi vint à passer :

« Morte ou vivant',]' l'embrasserai! »


— S'elle est vivant', vous la-z-aurez,
S elle est morte, l'embrasserez. —
, Il prit ses petits ciseaux fins

Pour découdre le drap de lin ;

La beir se mit à remuer,


Et tous les prêtres à chanter :

« Que voilà-s-un tour bien joué » (bis) !

Le sujet de cette chanson reparaît sous une autre forme dans


la P émette (1). Ici la jeune fille n'est pas dans une tour (on
en est à une époque moins barbare) ; elle est à filer, et sa mère
lui offre un prince ou vn baron, mais Pernette préfère son ami
Pierre. La mère réplique Tu n'auras pas : ton Pierre, nous le

pendolerons. La jeune fille réplique :

Si vous pendolez Pierre,


Pendolez-moi-z-aussi,
Les pèlerins qui passent
Prieront Dieu pour nous deux.

Cette version modernisée se rencontre dans l'Auvergne, le


Daupliiné, le Lyonnais, la Charente, le Languedoc, la Bretagne ;

M. Damase Arbaud la donne également dans ses Chants popu-


laires de la Provence, sous le nom de Parneto, qui d'après lui
n'est qu'une altération de Pernette.

Qu'une chanson populaire, dans ses pérégrinations à travers

les siècles, s'acclimate dans les différentes provinces d'un pays,


et moyennant quelques transformations, y prenne droit de cité,
cela n'a rien de bien étonnant. Si certains dialectes de nos pro-

(l) Chansons populaires des provinces de la France.


LA CHANSON POPULAIRE. 185

vinces s'éloignent d'une manière sensible du français, il y a au


fond de ces dialectes un esprit de nationalité qui les rapproche
et les harmonise en quelque sorte, exceptons toutefois la langue
bretonne.
Une chose moins compréhensible, c'est de trouver des chan-
sons, les mêmes, reproduites par exemple en France et en Alle-
magne, pays dont les langues n'ont aucun rapport d'origine, et
dont le génie est diamétralement opposé. Cela existe cependant,
ne citerions-nous que Biquette tu sortiras de ces choux-là, qu'on
rencontre dans tous les dialectes allemands, également en
Hongrie, en Angleterre, et dont il faut chercher l'origine chez

les Hébreux et les Chaldéens. En Alsace Biquette s'appelle Joy-


yele (1), mais dans toutes les versions le sujet est absolument
le même, et les détails de la chanson se suivent identiquement.
Tant il est vrai que certaines légendes se trouvent tellement au
diapason des sensations populaires, qu'elles ressemblent aux
graines minuscules emportées par le vent, et se reproduisant
partout où elles rencontrent une terre qui leur est favorable.

RYTHME.

L'habitude des barres démesure dans les morceaux à plusieurs


parties n'a été pratiquée généralement qu'à partir de la seconde

moitié du dix-septième siècle ; nous disons généralement, car ou


trouve beaucoup d'exceptions, bien antérieures à cette date ;

les tablatures de luth, par exemple, out des barres de mesure


dès le seizième siècle. Nous n'oserions affirmer avec M. Bôhme (2)
que les chants populaires n''étaient jamais sans mesure : quant
aux chansons à dauser, oui certainement, mais pour les autres
il y a du pour et du contre.

(1) Chansons populaires de l'Alsace, par J. B. W.; Paris, 1883, t. II, p. 337.

(2) Altdeutsches Liederbuch , p. XIV.


186 LA CHANSON POPULAIRE.

Eu tout cas, la chausou populaire étant conçue et chantée en


dehors des connaissances musicales, il n'est pas étonnant d'y ren-

contrer de fréquents changements de mesure. Le sentiment ryth-


mique, plus ou moins prononcé chez tel ou tel individu, fait passer
la même chanson à travers d'innombrables versions ; dans ce tra-
vail de collaboration inconsciente, elle finit par acquérir une car-
rure qu'elle n'avait pas à son origine, et c'est alors, dans cet état
perfectionné, qu'elle se répand plus vite et gagne sa popularité
dans tout un pays. La plupart de nos chansons populaires les

plus connues ont dû éprouver les effets de ce critérium : Mal-


brough, Au clair de la lune (1), Aht tous dirai-} e maman, le roi

Dagobert, Girofle girofla, le roi d'Ycetot, Dans les gardes


françaises, etc.
Ces airs ont tous une coupe régulière de quatre mesures. Si
l'on n'admettait pas l'invention et le perfectionnement des airs

populaires par le peuple lui-même, il faudrait se ranger à l'o-


pinion de M. Tappert, qui prétend que le peuple n'a créé au-
cune de ses chansons, que toutes les pièces de son immense ré-
pertoire ont eu pour point de départ l'œuvre de quelque com-
positeur (2) ; dans la Préface on a vu cette même opinion, émise

depuis par M. Buhme.


Il n'y a pas que des coupes régulières dans la chanson du
peuple, on en trouve au contraire beaucoup qui font exception ;

ainsi : Combien j'ai douce soutenance, après deux fois quatre me-
sures nous présente cinq mesures qui se répètent également.
Vive Henri quatre après la coupe quaternaire, se termine par
trois mesures, etc.

Si le mélange des rythmes se présente souvent dans le chant

(1) A la page 82, on a vu la première partie du Clair de la lune, déjà noté dans les
Voix de ville de Jehan Chardavoine, 157G.
(2) Musihalische Studien (Études musicales), par W. Tappert, Berlin 1868; à la
page 36 l'auteur dit Le peuple ne compose pas, il ne fait qu'accommoder, et varie tout
:

au plus; il ne crée jamais, il choisit ses bribes de phrases dans ce qui existe déjà.
LA CHANSON POPULAIRE. 187

populaire, on le rencontre cependant assez rarement d'une façon


aussi régulière que dans la chanson suivante :

ffTTjrJTT^W^it ryrï
A ma main droite y a-t-un ro . sier, Â ma main

JjW'JlS J'f fHiU ÉÉ


droite y a-t-un ro . sier,Qui por.te ro.ses au mois, au

f& mois, Qui


f r
por_te
r
lit
J

ro _ ses
J
1

J'

au
J'

mois de
;,
ia j=i
mai.(l)

Nous retrouvons cette chanson au Canada M. Gragnon ; l'a pu-


bliée à |, mesure qui a le grand défaut de n'accuser aucun
iemps fort :

#r^^t-^ ^^£
w Dans ma main droi . te Je tiens ro _ sier,
i
Dans

J,J-|J |J>> j^prj-l, }<\ïl


ff |

ma main droi _ te Je tiens ro _ sier, Qui fleu.ri - ra,

3rrjqrr-Hr*TT¥Nf 4?

Ma _ non Ion- !a, Qui fleu.ri - ra Au mois de mai.

Les airs français transcrits dans la Clé du caveau sont presque


tous modernisés comme rythme : A la façon de Barbari mon
ami se chantait à quatre temps, comme ou peut le voir dans la

Clef des chansonniers, 1717, dans la clé du caveau elle est notée
à | ; l'allure en est complètement changée, cela devient un air de

(l)Bujeaud. — Chansons populaires des provinces de l'Ouest.


188 LA CHANSON POPULAIRE.

chasse. Cette insouciance ou négligence date de loin, comme


e
nous l'avons déjà remarqué : dans le Théâtre de la Foire, 3 vo-

lume, l'air de Turlurette est noté à quatre temps ; au 10 e volume


du même ouvrage cet air se trouve noté à f, et c'est cependant
la même mélodie : ne vient-on pas de voir le timbre de Y Echelle
du temple noté à trois et à quatre temps?

TONALITE.

Dans son Résumé philosophique de l'histoire de la musique (1),


Fétis avance avec raison « qu'à l'audition de la musique d'un
peuple, il est facile de juger de son état moral, de ses passions,

de ses dispositions à un état tranquille ou révolutionnaire, et


enfin de la pureté de ses mœurs ou de ses penchants à la mol-
lesse. Quoiqu'on fasse, on ne donnera jamais un caractère vé-
ritablement religieux à la musique sans la tonalité austère et
sans l'harmonie consonnan te du plain-chant ;il n'y aura d'expres-
sion passionnée et dramatique possible qu'avec une tonalité
susceptible de beaucoup de modulations. »
Quant au troisième point, qu'il n'y aura d'accents langou-
reux, tendres, mous, efféminés qu'avec une échelle divisée par
de petits intervalles comme les gammes des Arabes, ceci prê-
terait fort à la discussion.

D'Ortigue, lui, s'exprime ainsi :

« Pour les chansons, les airs populaires, il en existe autant


d'espèces, de variétés, de familles, qu'il y a de races d'hommes,
de tribus, de peuplades. C'est dans ces airs, véritables monu-
ments historiques et qui ont constitué seuls une tradition orale,
que se perpétuent au sein de la civilisation, les souvenirs et

les annales de races quelquefois perdues ou éteintes, et je ne

(1) Première édition de la Biographie universelle des musiciens, p. lui.


LA CHANSON POPULAIRE. 189

crains pas de dire qu'à mesure que ces airs recueillis avec

plus de soin, mieux connus ou rétablis dans leur forme pri-

mitive, dévoileront les lois de leur tonalité et les bases cons-


titutives des gammes sur lesquelles ils reposent, il en jaillira

des lumières propres à fixer et à classer certaines origines na-


tionales, dont il est fort difficile souvent de pénétrer l'obscu-

rité (1). »

Dans plus d'un endroit de cette étude nous avons observé

que le sentiment de la tonalité nouvelle, faisant scission avec


les modes du plain-chant, se laisse apercevoir dans certaines
chansons du peuple, bien avant qu'elle ne fût admise unani-
mement par les musiciens.

Il nous semble difficile d'ailleurs d'admettre que la tonalité


moderne se soit établie comme un coup de foudre, du jour au len-
demain. M. Fétis a beau nous préconiser Monteverde comme
l'inventeur de la septième dominante, les compositions an-

térieures et contemporaines à Monteverde, nous prouvent que


l'harmonie moderne s'est établie et perfectionnée comme la

civilisation, pas à pas, petit à petit (2).

Quant à la note sensible, Fétis a toujours soutenu qu'elle

existait dans l'ancien plain-chant, d'abord en 1845 dans la

Revue de la musique religieuse de Danjou, puis il y est revenu


en 1857 (3).
Le maître attribue l'absence de la note sensible dans les anciens

manuscrits de plain-chant aux notations imparfaites et incom-


plètes qui furent en usage dans le moyen âge ; cette explication

(1) La Musique à l'église, par d'Ortigue, p. 38.

(2) On peut voir à ce sujet une discussion à fond entre MM. Fétis et Gevaert: dans
le Ménestrel du 22 novemble 1868. — Dans la Gazette musicale du 28 novembre, du
et du 3 janvier 1869 ; également une
brochure de M. Gevaert,
20 décembre 1868
parue le 13 décembre 1868.
royale des sciences, lettres et beaux-arts de Belgique,
(:',) Bulletin de l'académie
2" série, t. I, p. 539: Bruxelles, 1857.
190 LA CHANSON POPULAIRE.

nous paraît insuffisante pour établir une conclusion aussi grave.


M. A. Le Jolis a déjà critiqué cette opiuiou dans une brochure (1)
où il dit avec raison : « Prétendre, à l'exemple de M. Fétis, que
cette véritable décadence du goût musical serait uniquement le

résultat des notations imparfaites usitées alors, me paraît une

opinion toute gratuite ; car au moyen âge la tradition et la mé-


moire jouaient un plus grand rôle que la science, alors que
tous savaient chanter et que bien peu savaient lire. »

L'altération ascendante de l'avant-dernière note dans les ca-


dences finales a préoccupé de bonne heure les didacticiens delà
musique : Vanneo en parle au feuillet 90 de son Recanetuw de

musica aurea, publié en 1533; au feuillet suivant il donne un


exemple à quatre parties : c'est donc dans ce livre qu'il faut

chercher les premières nouvelles de la note sensible.


Encore dans ces derniers temps des écrivains ont exprimé
naïvement leur étonnement, leur surprise, de trouver dans des
pays de montagnes, ou dans des coins de la Bretagne, éloignés
des villes et des chemins de fer, des villageois qui chantent
dans les modes du plain-chant, par exemple dans le premier
ton (2) ; ces savants prennent tous les airs que chantent ces braves

gens pour des monuments de la plus haute antiquité, et ne


font pas attention que ces paysans, bretons ou autres, n'ayant
jamais entendu que le plain-chant de leur village, ne peuvent
connaître d'autres tonalités ; notre étonnement, au contraire,

(1) De la Tonalité du plain-chant comparée à la tonalité des chants populaires ; Pa-


ris, 185D.
(•2) M. Beaulieu, après beaucoup d'autres qui l'ont précédé, avait aussi fait cette
découverte en 1828, au haut des Pyrénées. (Voyez son Mémoire sur quelques airs na-
tionaux qui sont dans la tonalité grégorienne ; page 6.) Or, comme les erreurs se pro-

pagent plus vite que les vérités (un signe de notre faiblesse humaine), tout derniè-
rement on a déjà posé en paroles d'évangile l'erreur des tons grecs chez le peuple
breton, dans un rapport au ministre de l'Instruction publique, qui l'aura sans doute
pris pour argent comptant, en supposant qu'il ait eu le temps de le lire.
Prochainement on nous dira que Merlin lui-même ne chantait que dans le mode
hyperastien, et que c'est là ce qui enchantait particulièrement les Bretons.
LA CHANSON POPULAIRE. 191

serait de les entendre chanter dans les tonalités modernes.


Ainsi la phrase :

#^N fc
et mille antres de ce genre, sans la note sensible, se rencontrent

à chaque instant. Xous avons fait quelquefois la contre-épreuve


de ces airs, avec la note sensible :

fFTO^
mais ces bonnes gens nous observaient invariablement que nous
faisions une faute à la fin.
S'il y a beaucoup de mélodies populaires ou la sensible ne
paraît point, y en a d'autres où
il l'oreille ne l'exige pas, comme
dans la chanson suivante :

É Pl-Li'J- |J. J
Des . sur le pont de Nan - tes, lan

fc*
m=*m eut
tra la la !a , Des . sur le pont de Nan tes

iP
Un
?

pri _ son -nier
**
il
J-J1J Jr
Va, Un pri.sonnier
fU-^
il y*a..

Nous sommes bien convaincu que le sentiment réel et im-


pératif de la note sensible n'a existé et ne s'est imposé qu'en
même temps que la septième dominante, mais on trouve cette
note sensible, non pas dans les anciens plain-chants comme le

voudrait faire accroire Fétis, mais dans certains chants du


peuple : c'était absolument le même tâtonnement que pour la
192 LA CHANSON POPULAIRE.

septième dominante : c'était une sorte de pressentiment chez


toutes les natures bien douées pour la musique.

Pour appuyer notre dire par un exemple, voici une chanson


copiée à la Bibliothèque nationale d'après un splendide manus-
crit du seizième siècle (vers 1510), il a été fait pour le con-
nétable de Bourbon (1). Nous sommes là en possession d'une
date ; la chanson que nous donnons est le n° 28 du manuscrit,
beaucoup d'autres pièces de ce volume précieux auraient pu
remplir le même objet. On remarquera dans cette chanson que
la tonalité de fa y est établie, et cela d'autant mieux que tous
les s? bémols donnent le sentiment de la septième de dominante,
même le second vers De bone amour certaine porte une phrase
qui module en ut d'une façon incontestable, pour rentrer en fa
avec les si bémols suivants qui ont de nouveau le sentiment de
7
e
dominante. Or, nous sommes un siècle avant Monteverde!
ces sortes d'exemples pourraient être multipliés à loisir :

tmïï jii'r ir n

m
fy
['•

aus - si
r
u
me

fais
_rav

ne,

g
-je '
Car je

1,1
luy,
mon

f
ç
Et
a -

aus
mv

scay bien qu'il

f pg _ si
De

fais
may
bone a

s
• ê • •
.

e
mour

me,

I 33
Iirv.
cer_

Et

2 e Strophe.

Et puis qu'il est ainsi

Que je scay bien quil maime,


Je seroye bien villaine
Daymer aultre que luy.

( 1 ) Le texte de ce manuscrit a été publié à Caen en 18C>6 par M. A. Gasté. Dès 1863

nous avions copié toutes ces chansons en notation moderne, notre travail n'a pas encore
été publié. M, Gaston Paris a également utilisé quelques pièces de ce manuscrit dans
ses Chansons du quinzième siècle; Paris. 1875, avec notations modernes de M. Gevaert.
LA CHANSON POPULAIRE. 193

On a observé bien des fois avant nons que les tonalités mineures
priment les majeures dans la chanson populaire, non seulement
en Bretagne, mais dans toutes les provinces en général, en excep-
tant toutefois celles du Midi. Il ne faudrait pas croire d'après cela
que le soleil tout seul produit cet effet : les tons majeurs sont beau-
coup plus fréquents dans les chansons des villes que dans celles

de la campagne, et cela s'explique en ce que le séjour des villes


porte moins à la mélancolie que celui de la campagne. On a re-
marqué d'ailleurs que pour les chansons populaires de tous les

peuples du monde, les tonalités mineures sont plus fréquentes que


les majeures, parce que la pluralité de ces chansons ont pris
naissance hors les villes. Nous ne connaissons que deux pays qui
font sciemment exception à cette règle générale, ce sont le Tyro
et la Suisse, où tous les Jodler sont en majeur.
Certaines chansons populaires présentent de vraies dif-
ficultés d'harmonisation, leur tonalité est flottante, indécise,
parce que ces mélodies du peuple sont conçues sans aucune ar-
rière-pensée d'harmonie, il en est même qui ne finissent pas
dans le ton, comme la Boulangère, qui commence en ut, passe
en la mineur, et finit en sol :

ë h h w — * f —
R
},
é é
La bou.lan
é
_
f^
gère a des
V
é _
,'

eus
1 V
Qui ne
if

lui

p
r,
^ttJ J'iJ p^=é
r f
cou.tentguè . re, Elle en a, je les ai

£
vus, J'ai
JU LI
vu la bou _
>
Ji

lan.gère aux é
Ji Ji

-
I
J
eus,
>
J'ai
i
vu
}
la

l' J Jm J j> i
m-fttt
bou.Ian.gè _ .. re, J'ai vu la bou . lan.gère aux é

13
194 LA CHANSON POPULAIRE.

m
—y j
_cus,
J
J'ai
1

j
\u la
; i j
bou _
T^rn
lan.gè «. _ re.
^=^

Il y a déjà un couplet de boulangère dans les chansons folas-


tres et prologues tant superlifiques que drolatiques des comédiens

françois, revus et augmentés de nouveau par le sieur de Bellone;

Rouen, 1612.

La belle boulangère
A preste son devant
Avec une lingère,
Pour avoir de l'argent :

Eh ! leurs maris cocus,


Cocus tout plains de cornes,
Vous amassez beaucoup d'escus !

C'était sur le chant de Ckalumes la Hulotte. Àh ! si quelque


citoyen bien intentionné pouvait nous apporter cet air ce serait ! un
vrai jour de fête ; mais il n'y faut pas songer, nous n'entendrons
jamais Ckalumes la Mulotte! De toute façon on reconnaît là le
premier patron de la belle boulangère. En 1724, on trouve dans
les Rondes et chansons à danser, publiées par Ballard, la Bou-
langère. Malheureusement les paroles sont renouvelées et n'ont
plus aucun rapport avec les anciennes.

Si vous avez un amant,


Voulez -vous qu'il soit fidèle,

Regardez-le tendrement;
Mais s'il voulait aller plus avant,
Paroissez-luy cruelle.

Quant à l'air, c'est bien l'origine de celui qu'on chante encore


aujourd'hui et que nous venons de donner, avec quelques petites
différences, la coupe des vers n'étant pas exactement celle

qui nous est restée : l'air d'aujourd'hui a moins de raideur que


celui de 1 724, qui, à cette époque, pouvait bien déjà être âgé d'un
petit siècle ou plus. Ce n'était cependant pas Ckalumes la
I , \ CHANSON POPULAIRE. 195

Mulotte, car les paroles de 1612 données plus liant ne pourraient


pas s'ajuster à l'air publié par Ballard dans les Rondes et chan-
sons à danser.
Dans les chansons populaires allemandes du dix-huitième et
du dix-neuvième siècles la tonalité est mieux caractérisée : le

peuple, dans ces pays d'outre-llhin chante presque toujours à


deux voix, en se servant des sons naturels du cor :

tmà £
É

Du,
Toi,

Le mot à mot
Pu,
Toi,

»
du-
(oi

serait
du
toi,

:
liegst
rem

toi,
liegst

toi,
mir
_ plis
mir
rcni _ plis

sr
~9
un
mon
im
mon

i
Sinn.
coîiir.

tu es couchée dans
lit

mon
zen,

etc.

cœur,
toi, toi, tu es couchée clans ma pensée. »
Malgré la diffusion des orphéons, en France les harmonies
du peuple ne sont pas encore très satisfaisantes, elles laissent

même beaucoup à désirer.

ÉPILOGUE.

Si dans la composition musicale, œuvre d'imagination, de


fantaisie, il est des formules mélodiques et harmoniques qui
appartiennent à tout le monde, parce qu'on n'en saurait dési-

gner l'inventeur, la chanson populaire a de même ses tournures

de phrases favorites, ses expressions préférées, pour les paroles

comme pour la musique.

La triade fatidique, formule de la plus haute antiquité (1),

(1) La triade se rencontre à chaque pas dans la théogonie païenne : le Trépied sacré :

Tricéphaîe, surnom de Mercure; les Triages, fêtes consacrées à Mars; Trimurti, Trit-
196 LA CHANSON POPULAIRE.

reparaît à chaque instant : ce sont trois princes, trois capitaines,

trois filles de roi, trois rosiers, et pour donner une citation plus
complète entre mille :

J'ai descendu dans mon jardin


Pour y cueillir du romarin,
Je n'en avais pas cueilli trois brins
Qu'un rossignol vint sur ma main ;

Il me dit trois mots en latin, etc.

Le christianisme lui-même n'a pu éviter la triade : ce sont trois

rois d'Orient qui viennent à la crèche, ils offrent à l'enfant

Jésus de l'or, de l'encens et de la myrrhe, toujours la triade ; le

peuple de son côté chante :

Noël, noël, noël!


Disons trois fois noël !

Des écrivains pieux ont donné comme origine la sainte Trinité,

mais la triade païenne a précédé la venue du Christ, elle se

perd dans la nuit des temps fabuleux.


La chanson populaire, au point de vue de l'unité des paroles
et de la musique a un avantage incontestable sur la chanson
du compositeur, qui met en musique les paroles d'un poète,
parce que la première enfante les deux parties constituantes en

même temps : paroles et musique sortent du même moule, sont


écloses ensemble comme deux frères jumeaux (1). Il est vrai que
chez le musicien de talent la dissemblance avec les paroles ne
se fait pas sentir, il y a unification, souvent même l'inspiration

du musicien a en quelque sorte poétisé la poésie. Mais quand, au

rain, trinité des Indiens; les trois Parques; Trismcgiste, trois fois grand ou Hermès,
le conseiller d'Osiris, etc.

(1) Ces mélodies sont évidemment nées avec les paroles, d'une seule et même ins-
piration. Elles se confondent si bien entre elles, les deux forment une si parfaite
unité, qu'on ne peut les séparer une fois qu'on les a entendues ensemble. (Schuré,
Histoire ilu Lied en Allemagne, 1868, p. 80.
LA CHANSON POPULAIRE. 197

contraire, le parolier ajuste ses hémistiches sur la musique, il en


résulte rarement un chef-d'œuvre.
Nous avons parlé des parodies en plusieurs endroits de notre
étude, sans pouvoir énumérer les faces multiples de ce genre,
ce qui d'ailleurs n'aurait pas eu un grand intérêt. Un des ou-
vrages les plus complets comme parodie est un traité qui porte
ce titre affriolant : Festin joyeux ou la cuisine en musique (par
J. Lebas) 1738 (1). Cet artiste en son métier avait eu l'honneur
de cuisiner pour le roi Louis XV lors de son couronnement,
aussi n'a-t-il pas manqué de dédier son livre aux Dames de la
cour; en voici un spécimen :

Godkeau de poisson (sur l'air de la Sissonne) (2).

j i « m =* r r m~^
Sur de la pâ _ te fi ne Vous met

5=T^hrn i-frUU= 3

m
_tez du go _ di _ veau, Fi _ lets de bon _ ne

r
mi -
r p
ne D'un pois
r
_ son frais et
**
bien
m
beau,

Truf.fes,

\ m m o T~P
œp^ f m H* m m

champignons, Lai.tance à foi. son, Dos fonds d'ar _ i\ .chaud,

(1) Ce livre est plein de fines attentions, de spirituelles insinuations de cuisinier


comme Le Coulis à
: la Reine, sur l'air : Si ton cœur, belle Iris, commence à s'enflammer. —
Pigeonneaux innocents aux écrevisses, sur l'air : Petits moutons qui dans la plaine. —

Noix de veau en fricandeau glacé, sur : Beautés plus friandes qu'un citât. — Perdreaux
sauce à l'espagnole, sur : Petits oiseaux, rassurez-vous. — Pieds de cochon à la sainte
Menehould, sur l'air des Pendus. — Hure de porc gras en balon, sur : Heureux amant.
Cochon de lait en galantine, sur : Marianne était coquette. — Crème veloutée,

Quand le péril est agréable, etc.


(2) L'auteur de cet air s'appelait Sisson, c'était un maître a danser.
198 LA CHANSON POPULAIRE

bJ
r^T^-rJ=aq^^i
Hcur.re tout nouveau, E _ pi _ ces comme il faut.

Qu'on le couvre et le mette


Bien cuire au four pour le mieux,
Etant cuit on y jette
Et verjus et jaunes d'oeufs ;

Même il est exquis


D'y joindre un coulis
D'écreviss' encor
Qui vous plaira fort,

Et servez tout d'abord.

Ce n'est que vers la fin du siècle dernier que Hercler fixa l'at-

tention des écrivains allemands sur la chanson populaire (1).


Eu France il y a tout au plus cinquante ans que M. de la Vil-

lemarqné, pni&Dnmersan publièrent leurs premiers recueils de


chansons du peuple.
Les Instructions relatives aux i^oésies populaires de la France,
rédigées par M. Ampère, imprimées en 1853, ont pu avoir leur

part d'influence sur l'apparition d'un certain nombre de recueils

parus depuis cette époque, quoique la commission nommée en


1852 par le ministre de l'instruction publique n'ait guère laissé
de traces : ces documents sur la chanson populaire ont revu le

jour à la Bibliothèque nationale, il y a trois ou quatre ans ; on


les a fait relier en six gros volumes.
Depuis 1830, et surtout de nos jours, la chanson des villes a
subi une transformation regrettable : ces anciens airs naïfs

traités de vieux flonflons (2), ont été remplacés par Drinn drinn,

(1) En parlant des chansons populaires françaises, Herder paraît n'avoir eu à


sa disposition que V Anthologie deMonet, qu'il appelle Monier cet ouvrage ne renferme
;

lieu d'authentique comme pièces, et même il ne contient aucune chanson populaire :

•si bien que Herder cite précisément une Chanson de Thibaut de Champagne , pièce
apocryphe de Moncrif. Il n'est pas nécessaire d'être un philologue français bien
raffiné pour donner une date à cette chanson. (Voir Herder : Stimmen der Yùlker in

Liedern, les Voix des peuples en chansons.)


(2) Ce qu'on a appelé communément des flonflons, les landerira, les turelure , fari-
LA CHANSON POPULAIRE. 199

la Vénus aux carottes, Cest dans l'nez qu'ra me chatouille, l'A-

mant d'Amanda,%t tant d'autres chefs-d'œuvre qui, malgré leur

graud succès, sont morts à tout jamais, tandis que nos anciens
refrains populaires ont traversé des siècles.

Dans le courant du dix-huitième siècle, et encore au commen-


cement de celui-ci, quand un air de danse, gavotte, menuet,
sarabande, etc. avait le don de plaire, on le parodiait, c'est-à-

dire qu'on y ajoutait des paroles, c'était un regain de popula-


rité. Aujourd'hui qu'un air est une propriété, ce genre a disparu,
et on ne parodie plus que des airs populaires étrangers, comme
on a pu le voir dans le chapitre de la Chanson au théâtre.

Nous ne cesserons de nous élever contre les recueils de chan-

sons populaires publiés sans les airs. Adrien de la Fage a dit :

« Sansla musique la chanson n'est plus. » Ces pauvres versiculets


n'ont jamais été destinés à être simplement lus, et encore moins
à être déclamés, mais bien à être chantés, puisque ce sont des
chansons. Il est vrai que beaucoup de collectionneurs ne sont
pas suffisamment musiciens pour noter les airs, dès lors ils sont

amenés forcément à n'envisager leurs recueils qu'au point de


vue de dont ces pauvres chansons n'ont que faire
la linguistique, ;

cela remet en mémoire le Chef-d'œuvre d'un inconnu de


Saint-

Hyacinthe, analysant d'une façon comique, au long et au large,

toutes les platitudes d'une chanson des plus communes ;


cela

rappelle mieux encore les paroles de Konsard qui comprenait

dondaine, etc., ont eu leur vogue sous le règne de Louis XV,


ce sont des ritournelles

instrumentales chantées, mais généralement sous forme


d'onomatopée, dont le sens

est pris dans chanson même.


la
airs de vaudeville qui ont eu de ces finales
ces airs-là étaient
Ce sont surtout nos ;

faits par des compositeurs le véritable air populaire a


;
beaucoup moins souvent de ces
qui dans la chanson du peuple
terminaisons en flonflons. A cela se j oint aussi le refrain,
s'emploie ou s'employait plus spécialement dans les
rondes. Le refrain résume par-
il renferme une idée nouvelle ou
fois la pensée dominante de la chanson d'autrefois,
sentence amenée d'une façon
indépendante du reste de la chanson, une espèce de
originale, et répétée par le chœur. Les chansons
avec refrain destiné au chœur, au
là qu'elles ont été faites pour le peuple.
grand nombre, prouvent par
200 LA CHANSON POPULAIRE.

bien l'intime alliance des paroles et de la musique, quand il

nous dit : « Tu feras des vers... tant qu'il te sera possible, pour
être plus propres à la musique et accord des instruments, en
faveur desquels il semble que la poésie soit née, car la poésie

sans les instruments, ou sans la grâce d'une seule ou plusieurs


voix n'est nullement agréable, non plus que les instruments sans
être animés de la mélodie d'une plaisante voix. »
Ronsard devait connaître les paroles de Platon : « Sans la

voix humaine l'emploi des instruments n'est qu'une barbarie. »


TABLE
DES NOMS ET DES CHOSES.

Berceuse d'Eve, 4.

Bergeries, 52, 91.


Aaron, 107.
Bible des Noëls, 123, 129, 130.
Acorède, 56.
Binard, Parisien, 129.
Adam (Adolphe), 155.
Biquette tu sortiras de ces choux, 185.
Adam Billaut (chanson à boire), 9". Blot, 42.
Adam de la Halle, 60. Boèce, 56, 58.
Ah mon beau laboureur, 18, 100.
!
Bohme, v, vi, 186, 205.
Ah! vous dirai-je maman, 151, 155. Boileau, 94.
Aime-moi, bergère, 52.
Boire à la santé, 98.
Air arabe (dans le Désert), 156.
Bottée de Toulmon, 109, 110, 115, 117.
Air indien (dans Christophe Colomb), 156.
Boulangère (la), 193.
Airs populaires en Allemagne, 158.
Bourbaki (le général), 173.
A la façon de Barbari, 187. Bourbonnaise (la Belle), 50, 51, 53.
Alléluias, 5.
Bourgeois, 134.
A ma main droite (chanson), 187.
Brabançonne (la), 163.
Ambros, n , 107.
Brunettes, ou petits airs tendres, 100.
Ampère, il, 198.
Busnois, 107.
Animuccia, 118.
Busttstedt, 4.
Anthologie de Jlonet, 198.
Arlequin au Muséum, 171.
Au clair de la lune, 82, 155, 206.
Aucousteaux, 139. Caignet (Denis), 139.
Au logis de Cupidon, (chanson), 145. Ça ira, chanté par Ladre, 167.

Cambert, 90.
Campenhout, 163.
Bacilly, l'Art de bien chanter, 84, 90. Cantates, 91.
Baini, 117. Cantatrice grammairienne, 171.
Baisse-loi montagne, 18. Cantique de Jeanne d'Albret , 155.
Ballard, imprimeurs de musique, xxu, Carillon d'Orléans, 27.
91, 95, 96. Carillon nationnal (le), 167.

Ballet de la Reine, 148. Carmagnole (la), 169.

Bardit, chanson guerrière, 159. Carpentras (Elzear Genêt), ri. l

Barres de mesure, 205. Carrure des chansons populaires, 206.


Basselin, 92, 146. Casquette du père Bugeaud (la), 161.
Bataille de Marignan,28. Cassandre (air de 1:0, 37.

Bataille de Pavie, 29. Castil-BIaze, 169.


Beaulieu, 190. Catel, 185.
Becker (Georges), 134. C'est la belle de nos amours (chanson),
Béranger, 191. 183.
Berceuse de la Vierge, 5. C'est la bergère Nanellc, 100.
202 LA CHANSON POPULAIRE.
C'est le iilaisir, chanson sur un menuet Comédie des proverbes, 147.
de Roland, 96. Comédie italienne, 150.
Cette Anne si belle, 41. Comment se font les chansons populai-
Chalumes la Mulotle (air perdu), 193. res, v.
Changements de mesure dans les chan- Commune (la), 174.

sons, 200. Compagnons du Vaudevire, 110.

Chanson d'Adam de la Halle, 60. Concile de Trente, 17. 1

Chanson dans les Messes, 107. Conciles (contre les mauvaises chan-
Chanson de Roland, 10, 159. sons), 0.
Chanson du temps de Clolaire II, 1G0. Conciles et les fêtes païennes, 119.
Chanson forme populaire, xxix. Concini, maréchal d'Ancre, 43, 16.

Chanson populaire s'en va (la), 19. Condé prince de), 45.


(le

Chansons à danser, 99-100-101-104. Condilor aime siderum, 129.


Chansons à danser en Allemagne, 10i. Confrères de la Passion, 143.
Chansons allemandes sur la guerre de Confrérie de la Corne, 98.
1870, 172. Confrérie de Saint-Julien, 99.
Chansons badines, 7. Constitution en Vaudevilles, 171.
Chansons de geste, m. Contredanses révolutionnaires, 170.
Chansons de la campagne, 18, 19. Coupes irrégulières dans la chanson, 206.

Chansons des Allemands sur les Fran- Coupeur de blé (le), 19.
çais, 192, 193, 194. Couronne et fleur de chansons, 180.
Chansons pour les voix et les instru- Coussemaker (E. de), 59, 160, 179.
ments, 16, 72. Coyssard (Michel), 140.
Chansons romaines, 5. Croisades, 9, 11.

Chanson sur Henry V, roi d'Angleterre, Cueillette des chansons populaires, xxx.
24.
Chanson sur la mort du duc de Guise,
36. Dalayrac, 154, 185.
Chanson sur le roi de France et de Na- Damase Arbaud, 184.

varre, 38. Dame blanche (la), 155.

Chant de la l re croisade, 9, 160. Daniel (Jean), 126.


Chant du départ, 184. Danse basque, 156.
Chantons, je vous en prie, 12 i. Danser aux chansons, 99.

Chant sur Eric, par Paulin, 57. Dans ma main droite je tiens rosier, 187.
Chaperon (Jehan), 126. David (Félicien), 155.
Chappell, popular Music, 159. Déchant, 58, 100.
Chardavoine (Jehan), xxi, 40,81, 146. Dedans une plaine, 100.
Charlemagne, 6, 10, 56. Définition de lachanson populaire v. ,

Charles VII, dauphin, 26. De La Rue (messe de l'Homme armé), 111,


Charles d'Orléans, in. 113,117.
Charmante Gabrielle, 37. Deschamps (Eustache), 59, 146.
Charpentier, 95. Desportes (Philippe), 139.
Chef-d'œuvre d'un inconnu, 199. Dessus le pont de Nantes (chanson), 191.
Chorals, 134. Diacre (Paul), 5.
Christophle de Bordeaux, 126. Diane de Poitiers, 135.
Clercs de la Basoche, 143. Difficultés dans les anciennes messes,
Clochette (air de la), 41, 148. 117, 118.
Code en vers, 171.
civil Diminutions, variantes, 84.
Colin prend sa hotte, 101. D'Ortigue, 188, 189.
Collé, 37. Douen, pasteur protestant, 131.
Colletet (François), 127. Doulce pueelle (Noël), 126.
Coloration des notes, 117. Du Caurroy, 38, 122, 123.
Comédie des chansons, 146. Du, du, liegst mir im Herzen du, 195.
TABLE DES NOMS ET DES CHOSES. 203

Dufay, v, hit, 108. Gevaert, xi, 189.

lui Méril (Edélestand), 5. Gillier, 149.


Du Mersan, i. Girey-Dupré, 166.
Dupont mon ami (chanson), 1 18. Girondins (les), 166.
Gluck {la Rencontre imprévue), 97.
Gobert (Thomas), 139.
Echelle ilu Temple (1'), I7.j, 176, L79. Godeau, ses psaumes, 139.
Eeriteau à chansons, 1 19. Godiveau de poisson, 197.
Eginhard, 159. God save the King, 161.
Ein feste Burg (un fort inexpugnable), Gœthe, 14.
132. Gossec, 185.
Ein Schifflein sah ich fahren, 54. Goudimel, 134, 136, 137.
Enfarinés (air des), 45. Gras tondus (les), 32.
Épîtres farcies, 105, 118, 1-20. Grison de Saint-Omcr, 162.
Érasme, 119. Guédron, 41,93.
Euridiee de Péri, 148. Guéridon, 43.
Exécution musicale au 16 e siècle, 74.

Habanera, dans Carmen. 156.


Familles des instruments, 7 ;.
Halévy, 172.
Farces (les), 144. Harmonice musices Odhccalon, de Pe-
Faut pas être grand sorcier (chanson), trucci, 63.
152. Haydn (Joseph), 162, 163.
Favart, 154. Hélas! je l'ai perdue, 128.
Favart (M me ), 150. Henri II, 135.
Femme duroulier {la). 18, Ht. Henri IV, 40.
Festin joyeux ou la Cuisine en m usiqite, Herder, l, 2, 142, 198.
197. Hildegaire, 160.
FéliS, m, 106, 110, 122, 188, 189, 191. Homme armé (V), chanson à 4 voix de
Fille persuadée (la), menue! de Martini, .losquin de Près, 70.
150. attribué à Busnois,
Flagellants, f», 22. 107.
Flonflons, 198. — diversesnotations, 108,
Foires Saint-Germain et Saint-Laurent, 109, 110.
148. Hôtel de Bourgogne (1'), 1 44.
Forkel, ii.
Hymne populaire autrichien, 163.
Fors seulement, chanson du 16 e siècle, Hymne russe, 164.
re révolution,
69. Hymnes et chants de la l

Forster (G.), 70. 164.


Fournier (Ed.), 49. Hymnes, leur origine, 55.
Franc-archer {le), chanson à ï vois, 65.

Frère, éditeur de musique, 187.


François I er 28, 29, 131, 135.
,
Il pleut, bergère, 154.
Frank, 134.
Inès de La Motte, 152.
Intend io, H.
J
Gagnon, 187.
Garnier et Oudot (imprimeurs), 129. .Tacques Lclebvrc, 201.
Gasconne (la), 154. J'ai descendu dans mon jardin, 196.

Gasté (A.), 92, 192. Jannequin (Clément), 28, 148.

Gaudinelle, chanson populaire. 82. J'aymeray mon amy (chanson), 192.


Gaultier Garguille, 144, 145. Je me mariay lundy (le petit homme).
Gauthier (François), 129. 102.
204 LA CHANSON POPULAIRE.
Je m'en allay à Bagnolet (chanson), 144. Luther, 15, 131, 132, 133.

Je suis le fameux Mignolet, ITT, lT.s. Lvoff (Alexis), 164.


Jeux de la Fête-Dieu d'Aix, 121.
Je veux le mien amy (chanson), 180.

Job, 4. Magnin, lT(i. ITT.


Joconde (air de), 4T. Mailliet,W.
Jolie fille de La Garde (la), 182. Maître de danse, 170.
Jongleurs, 12. Maître Guillaume, 49.
Jornandès, 5. Malbrough, 16, 34, 53, 154.
Josquin Després, xxx, 10", 109, 110, 113, Malherbe, il.
115, 116, 180. Marche de Turenne, 157.
Joueurs d'instruments, 12. Margoton va à l'iau, 101.
Marie Stuarl, 31.
S. Marseillaise (la), 162, 164.
Kiesewetter, 133, 134. Martin, le chanteur, 155.

Klopstock, 102. Maurepas, 43.

Kohlros, 132. Mazarin, 42, 49, 92.


Kyrie allemand de Luther, 132. Mazarinades, 15, i6, 1T.

Kyriolcs et kyrielle, 141. Médecin malgré lui, chansons à boire,


94, 95.
Méhul, 184, 185.
La Balue, 27. Meistersdnger, 13.
La Barre, sarabande avec clavecin, 85. .Mélange des rythmes, 206.
Là-bas dans cette tour (chanson), 181. Mère Sotte (lai, 143.
La belle se sied (chanson), 179. Messe allemande de Luther, 132.
Lsetabundus, 32. Messes sur des chansons populaires, 115.

LaFage 3, 106, 118. Meusnierde Queiion,32.


Lambert, 90. Mignolet, 1T6, ITT.
Lambert, prieur de Saint-Wast, 121. Minnesinger, 11, 12.

La Mon noyé, 120, ITT. Mirlitons (les), 152.

La Palisse, 29. Mithou (maître), 126.


Lardenois, 139. Modes grecs dans les airs bretons, 210.
Las! il n'a nul mal (chanson), 1T9, 181. Molière, 94.
Lebœuf (l'abbé), 121. Mondor, 49.
Lecerf de la Vieville, 98. Mon père veut me marier, 100.

Lecture à première vue des messes du Monsieur le Prévost des marchands, 1T0.

16 e siècle, ht. Monteverde, 189, 192.


Leczinska (la princesse), 50. Moskowa (le prince de la), 125.

Lefebvre (Jacques), 181. Motets, 59.


Légendes populaires, 199. Moussaye (M. de la), 45.

Le Houx (Jean), 92, 129. Muséum en vaudevilles, 191.


Lejeune (Claude), 136, 138. Musiciens du seizième siècle, 80.
Le Jolis, 190. Musique grecque, 4, 55, 50.
Lesueur, oratorio de Noël, 130. Mystère de Daniel, 9.
Loquin (Anatole), 120. Mystères, 6, 8, 143.
Louis XI, 27.

Louis XIII, 43, 41. N


Louis XV, 50, 197. er
Napoléon I , 53, 171, 1T2.
Louis-Philippe, 53. Napoléon III, 54, 172.

Lucile, de Grétry, 52. Neumes, 9, 15.

Lully (air sur), 48. Noël (son origine), 121.


Lully, Amour, que veux-tu de moi, 90. Noël de Christophle de Bordeaux, 126
Lully, 91,94, 90, 128,148, 153, 158, IT.i. Noëls, 15.
TABLE DES NOMS ET DES CHOSES. 205

Noëls de cour, xxi, 12. Quand la mer li^inj,' apparut, chanson,


Nomes, 3. 96, 127.
Note sensible, I Si», 191. Que Noé fut un patriarche digne! vau-
devire, on.

Obreclit (messe de l'Homme armé) 112.


Offenbach, 07. Raillard (l'abbé),9.
nuit, jalouse nuit, de Desportes, 81. Rakotzy ou Rakoezy, ICI.

Opéra-comique, m*, 150. Rameau, 154.

Opéras de Faust, de Mignon, 158. Rébcc, 99.

Orchésopraphie de Thoinot Ai beau, xxi, Recueil Maurepa>, xxi.


145. Réforme, 16.

Organum d'Hucbald, 58. Refrain (le), 108.


Orlando de Lassus, xxx, 74, 94, 110, 180. Renaud d'Ast, 154, 166.
Or nous dites, Marie, 125. Rhin allemand (le), 172.

Où ])eut-on être mieux, 53. Richelieu, 43, 44.


Rites figurés, 6.

Rochellois (air des), 176.


Palestrina, 112,113,117. Roi de Navarre (le), 135.

Paris (Gaston), 10-2. Roi des violons (le), 00.

Parisienne (la), 53, 54, 172. Roi d'Yvetot (le), 152.


Parodie, 150, un. Ronsard, 200.
Parodier ou parolier, 00, 199. Rossignols spirituels (les), 140.

Partant pour la Syrie, 54. Rothschild (James de), 133.


Pasquier (Et.), 122. Rouget de Lisle, 162, 166.
Pellegrin (l'abbé), 128.
Pernette (la), 184. S
Petite camuselte, 135. Saboly, 129.
Petrucci, Harmonice musices odhecalon, Sacrifice d'Abraham (tragédie), 133.
vu , 65, 135. Saint-Cyr, 128.
Philoméle séraphique (la), 140. Saint-Julien des Ménestriers, 14.

Pieuse Alouette (la), 140. SatireMénippée, 34.


Piron (Aimé), 129. Savoyard (le), 40.
Pichon (M. le baron), 123. Savoyarde (la), par Favart, 151.
Plain-cliant (le), 56. Schuré, 142, 106.
Plalon, 200. Scribe, 154.
Poise, 157. Seigneur, je n'ai point le cœur fier

Pois piles, 143. (Psaume), 137, 138.


Pont-Neuf (Chanteurs du), 48, 49. Siège de Pontoise, 26.
Popularités du théâtre, 157. Sissonne (la), 197.
Porée (Michel), 129. Soirée orageuse (la), 154.
Prœtorius, Syntagma niusicum, 73. Summer is icumen (à 6 parties), 61.

Prégent (l'amiral), 25. Sur le pont d'Avignon, 64.


Prévost des marchands (Air du), 197. Surprise de l'amour, de M. Poise, 157.
Prose de l'âne, 119.
Psaumes de Clément Marot, 131, 131, 135,
139. Tabarin, 49.
Puits qui monte (le), 4. Tablature de luth, si.

Tableaux du Muséum en vaudevilles, 171.


a Tacite, 5.
Quand Dieu naquit à Noël, 127. Taillefei, lu.

Quand j'étois chez mon père (Verduron), Talvi, 141.


101. Tappcrt (M.), vi, 163, 186.
206 LA CHANSON POPULAIRE.
Ténor, Teneur, 03, IO.j, 136. Varney, 166.

Tentation de saint Antoine, 153. Va-t'envoir s'ils viennent, Jean. 155.

Théâtre de la Foire, 133. Vauderoute, 1 '»:;.


Théâtre Feydeau, Théâtre Favarl, 131. Vaudeville, 16, !•'», 145, 1 16, I i<), 158.

Théodore de Bèze, 133. Vaudevires, !»-2, 93, 146.

Thibaut de Champagne , ni. Veillons au salut de l'empire, 154, 166.

Thomas (Ambroise), 157. Vélocifère grammatical, 171.


Timbre, iv. Verthamont (le cocher de), 49.

Tinctor, 108. Vigne Vignolet, chanson d'Orlando de


Tonalités grecques en Bretagne, 190, 1 .: i
— il s, 7,">.

Tonalités mineures (les) priment les ma- Villemarqué (De la); i, inx.
jeures, 193. Vin des Gaulois et ladansede l'épée 160

Toréador (le), d'Ad. Adam, IV,. Viollet-Le-Dur, 130.

Tornatoris (Michel), l-2i. Virdung (Seb.), 73.

Transmission des chansons, 1". Vive Henri quatre, 37, 196, 186.

Triade (la) dans l'antiquité, 19.*i. Voitures versées (les), 155.


Tricolore île), l'»2. Voix de ville de Chardavoine, M), 81.

Tricotets (l'air des;, 36. Votre jeu fait ici grand bruit, 177.

Triolets (airs des), 16. Vous qui d'amoureuse aventure. 154.

Troqueurs (les) de Dau vergue, 151.


Troubadours, 10. W
Turenne (maréchal de), 48.
Wackernagel (Ph.), 133.
Turlurette (chanson), 188.
Wolff (le docteur O. L. B.i, h.

Valagre (de) et de Maizonfleur, l V).

Vanneo (sur la note sensible), 190. Zacconi, ht.

FUS DE LA TABLE DES NOMS ET DES CHOSES.


.

TABLE

DES DIVISIONS DU VOLUME.

Pages.

Préface i

Bibliographie chansonnière xxm


Chapitre I. — Coup d'oeil général sur la chanson 1
Chapitre II. — La chanson dans l'histoire 22
Chapitre III. —
— La chanson musicale. Madrigaux ou chansons à plu-
sieurs voix 55
Les chansons à boire 92
Les chansons à danser 99
Chapitre IV. —
Les messes sur des thèmes populaires 105
Chapitre V. — La chanson à l'église, épîtres farcies 119
Noëls 121
Psaumes et cantiques 131
Chapitre VI. —
La chanson au théâtre. —
Mystères, farces, vaudevilles. . 143
Chapitre VIL —
Chants guerriers, nationaux et patriotiques 159
La Révolution 164
Chapitre VIII. —
Transformations de la chanson populaire 175
Rythme 185
Tonalité 188
Epilogue 195

Table des noms et des choses 201


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ML Weckerlin, Jean Baptiste


3620 Théodore
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