Sylvain Mémoire
Sylvain Mémoire
Sylvain Mémoire
Sylvain Hurni
Mémoire de Master en Philosophie
Septembre 2009
Université de Genève
Sous la direction du Professeur Fabrice Correia
Tél : +41764189719
Tél. privé : 0041223203093
Email : [email protected]
1
Abstract
Dans ce travail, nous cherchons à savoir si un nom
fictionnel comme « Emma Bovary » peut fonctionner
comme un nom propre ordinaire, à savoir s’il peut être
un nom propre de quelque chose. Nous examinons deux
thèses : la thèse référentialiste selon laquelle les noms
fictionnels font référence à des objets, la thèse non-
référentialiste qui le nie. A travers une exploration des
différents types de discours fictionnels et réels, nous
montrerons que ces deux thèses concurrentes peuvent
être complémentaires.
2
Table des Matières
Abstract ___________________________________________________________ 2
Table des Matières __________________________________________________ 3
1. Introduction______________________________________________________ 4
2. Exposé général et bref des théories : _________________________________ 7
2.1 Les théories non-référentialistes ___________________________________ 7
2.2 Les théories référentialistes ______________________________________ 13
3. Exposé général des types de discours _______________________________ 16
4. Contexte fictionnel : que disent les non-référentialistes et les référentialistes
du : ______________________________________________________________ 19
4.1 Discours de l’auteur _____________________________________________ 19
4.2 Discours intrafictionnel __________________________________________ 24
5. Contexte réel : que disent les non-référentialistes et les référentialistes du :
__________________________________________________________________ 31
5.1 Discours métafictionnel __________________________________________ 31
5.2 Discours existentiel négatif _______________________________________ 37
6. Récapitulation et Conclusion ______________________________________ 42
7. Bibliographie ____________________________________________________ 44
3
1. Introduction
4
objet particulier x parce qu’il associe au nom « N » un certain contenu
(l’unique F) et que l’objet x est en fait l’unique F.
La première est une objection sémantique : les amis de la théorie
descriptiviste soutiennent que la référence est synonyme (sémantiquement
équivalente) à une description qui s’interpose entre le nom et l’objet. Or,
en reprenant notre précédant exemple, Sam aurait très bien pu ne pas être
français ou ne pas être dans la salle B121. La référence n’est donc pas
synonyme à la description (ou à un faisceau de description).
La seconde est l’objection de l'ignorance et de l'erreur : « Shakespeare a
écrit Hamlet ». S’il y a un rapport de synonymie entre le nom «
Shakespeare » et la description définie (« a écrit Hamlet »), alors si on
découvre que c’est Bacon qui en fait a écrit Hamlet, cela impliquerait que
Bacon soit Shakespeare.
La troisième est l’objection des nécessités non voulues : si « Aristote » est
synonyme du « philosophe né à Stagire auteur de la métaphysique », il
s’ensuit que l’énoncé « Aristote est né à Stagire et écrivit la
métaphysique » est analytique et donc nécessaire. Or, c’est un fait
contingent qu’Aristote soit né à Stagire et ait écrit la métaphysique.
5
philosophes comme THOMASSON, qui acceptent un engagement
ontologique envers des entités existantes, et des philosophes comme
PARSONS qui acceptent un engagement ontologique envers des entités
non existantes.
6
2. Exposé général et bref des théories :
2.1 Les théories non-référentialistes
Il y a plusieurs options possibles pour défendre une thèse non-
référentialiste : on peut choisir la solution des paraphrases de RUSSELL, la
solution de la théorie de la pretense ou celle de la théorie du « make-
believe ». On peut également s’inspirer des théories linguistiques et de
celles du « make-believe » comme le fait Gregory CURRIE dans the nature
of fiction (1990).
4 Un opérateur en logique est un terme qui prend une ou plusieurs propositions pour faire une
proposition.
5
Merci à Amanda Garcia pour ce commentaire.
7
Ainsi, le discours fictionnel ne porte plus sur des objets fictionnels mais
sur des noms ou sur des sens. Certains considèrent que le discours
fictionnel porte en réalité sur l’auteur ou sur l’histoire elle-même . Une
phrase qui semble concerner un personnage de fiction telle que « Emma
est la femme de Charles » serait paraphrasée comme disant : « Quelqu’un
a écrit une histoire qui contient « Emma est la femme de Charles » ». Mais
cette stratégie ne permet pas de paraphraser des phrases comme « Emma
est un personnage de fiction », car il n’est pas le cas que l’histoire contient
une telle phrase. D’autres soutiennent que le discours fictionnel porte sur
des activités de personnes réelles ou sur des séquences de mots dans le
texte. Une stratégie que nous considérerons en particulier dans ce travail
est celle de CURRIE. Elle consiste à paraphraser une partie du discours
fictionnel avec la notion de rôle : une phrase comme « « Emma Bovary »
est le nom propre d’Emma Bovary » s’analyserait comme suit : « Parmi les
caractéristiques qui déterminent le rôle d’Emma, il y a celle de s’appeler
« Emma » ». En bref, pour chaque cas, une stratégie différente a été
développée pour défendre l’idée que le discours fictionnel n’a pas besoin
de référer à des objets fictionnels.
Une objection générale à cette solution des paraphrases est de dire que
même si une paraphrase était disponible pour chaque cas, il se pourrait
très bien que nous découvrions une phrase complexe impossible à
paraphraser, rendant ainsi ad hoc toute la stratégie. Cette solution ne peut
donc offrir une analyse systématique du discours fictionnel.
La théorie de la pretense :
La théorie de la pretense offre une analyse alternative du langage
fictionnel. Comme la stratégie précédente, elle cherche à éviter de postuler
des objets fictionnels. Les amis de cette théorie soutiennent qu’un auteur
de fiction prétend affirmer ce qu’il écrit, sans l’affirmer réellement. Selon
cette théorie, quand nous énonçons une phrase commme une partie d’un
discours non-fictionnel nous l’assertons et quand nous énonçons une
phrase comme une partie d’un discours fictionnel nous sommes en train
de faire semblant (pretending) de l’asserter.6
6 CURRIE, Gregory, The nature of fiction, Cambridge University Press, Cambridge, 1990, p 12.
7 Promesse, questions et affirmations ont des forces différentes.
8 ibid., p. 14.
8
En d’autres mots, une fois qu’on fixe la signification de la phrase, on fixe
l’acte illocutoire accompli: la signification d’une phrase détermine le type
d’acte illocutionnaire que la phrase accomplie.
SEARLE critique la théorie selon laquelle l’acte de raconter une histoire est
un acte illocutoire particulier: alors que l’écrivain de non-fiction accomplit
un acte illocutoire d’asserter, l’écrivain de fiction accomplirait un acte
fictionnel. Car, selon lui, cette conception est inconsistante avec (FP) : une
même phrase avec la même signification peut se trouver dans la fiction
comme dans la non-fiction. Selon le principe (FP), ces phrases doivent
avoir la même force illocutoire. Imaginons qu’une même phrase
apparaisse à la fois dans le discours fictionnel et dans le discours réel.
Dans les deux cas, la phrase a la même signification. Elle devrait donc
avoir la même force illocutoire. L’idée que raconter une fiction est un acte
illocutoire particulier est donc inconsistante avec le principe FP. Mais est-
ce que le principe (FP) est plausible ?
Cela ne semble pas être la cas selon CURRIE : la même phrase peut, selon
le contexte, être utilisée pour faire une assertion, poser une question ou
donner un ordre : «Tu partiras maintenant.» peut être prononcé pour
affirmer que tu partiras maintenant mais également pour donner l’ordre
de partir. Cet énoncé a donc la même signification mais permet de réaliser
deux actes illocutoires distincts.
9 ibid., p.17.
9
le statut fictionnel d’une œuvre est ouverte. On pourrait penser par
exemple collectivement que telle œuvre est une œuvre de fiction et
apprendre par la suite que ce n’est pas le cas. Et inversement on pourrait
penser que tel texte est une oeuvre non-fictive et découvrir qu’il s’agit en
réalité d’une pure fiction. Dans ces deux cas, le texte serait ou ne serait pas
fictionnel indépendammant de ce qu’en jugent les lecteurs. En ce sens les
croyances collectives de la communauté ne sont ni nécessaire ni suffisante
pour établir le statut fictionnel d’une œuvre.
La théorie du « make-believe » :
La théorie du « make-believe » (faire semblant de croire) est le paradigme
dominant pour expliquer l’usage des noms propres fictionnels dans le
type de discours fictionnel. Selon cette théorie, il y a un jeu de faire
semblant à la racine de toute fiction :
10 WALTON, Kendall, Mimesis as Make-Believe, On the Foundations of the Representational Arts, Cambridge,
Harvard University Press, 1990.
11 Nous offrons ici un aperçu groupé des notions importantes auxquelles recours WALTON (1990) et
10
ce que j’imagine. Par contre, imaginer qu’Emma est une femme insatisfaite
est conforme à ce que l’œuvre prescrit d’imaginer dans le cadre du jeu de
« make-believe ».
(iv) la notion d'intention : tout acte de fiction making est selon CURRIE le
produit d’une intention fictionnelle. Une intention est fictionnelle ssi elle
est une intention de l’auteur fictif que l’audience aborde le texte avec
l’attitude imaginative du « make-believe ».
(v) les notions d’ « être vrai dans une fiction » ou d’« être fictionnel(le) »,
qui sont pour Walton sémantiquement équivalentes. Une question
soulevée par Walton est de savoir comment déterminer ce qui est vrai
selon la fiction. Selon Walton, il y a certains principes de génération des
vérités fictionnelles. Le premier est le principe de réalité (PR), le second,
celui de la croyance mutuelle (PCM) :
CURRIE, Gregory, The nature of fiction, Cambridge University Press, Cambridge, 1990, p.11.
12
11
(PCM) : « If p1, …, pn are the propositions whose fictionality a
representation generates directly, another proposition, q, is fictional in
it if and only if it is mutually believed in the artist’s society that were it
the case that p1, …, pn, it would be the case that q. »14
THOMASSON, une adversaire de cette théorie, résume très bien les points
forts de la théorie du « make-believe » : selon elle, cette théorie est
séduisante pour au moins trois raisons : premièrement, en niant que les
noms fictionnels réfèrent à des objets particuliers, les théories du faire
semblant sont consistantes avec notre intuition que Mme Bovary n’existe
pas. Si on accepte que les noms fictionnels réfèrent, on doit expliquer
pourquoi les existentiels négatifs15 impliquant des noms fictionnels nous
semblent vrais. Deuxièmement, si on accepte que les noms fictionnels
réfèrent, on doit expliquer à quoi ils réfèrent, ce qui, au moins depuis les
débats entre MEINONG et RUSSELL, est considéré comme un chemin
marécageux. Grâce à la théorie du « make-believe », on peut l’éviter.
Troisièmement, le fait de postuler que le discours fictionnel implique
l’activité de feintise (« make-believe ») nous permet d’éviter certaines
contradictions apparentes, comme de dire par exemple que le monstre
Frankenstein est à la fois une création du Dr Frankenstein et une création
de Mary Shelley, ou de dire que Sherlock Holmes est à la fois un détective
et un personnage de fiction qui ne peut résoudre aucun crime. En
précisant qu’une partie du discours est dans la portée du « make-believe »,
on évite cette apparente contradiction. Néanmoins, THOMASSON
n’accepte pas l’idée waltonnienne selon laquelle l’ensemble du discours qui
implique des noms fictionnels contient un élément « de make-believe ».
14ibid., p.151.
15
Les existentiels négatifs sont, comme le nom l’indique, des énoncés du type : « Mme Bovary n’existe
pas ».
12
2.2 Les théories référentialistes
Toutes les théories référentialistes valident le principe suivant :
Ce principe dit que si Mme Bovary est F alors il y a un certain individu qui
est F. Mais, par opposition à la théorie des objets abstraits, la théorie des
objets non-existants 16 nie que : Fb → b existe (si Mme Bovary est F alors
Mme Bovary existe). Par contraposition, elle nie aussi que si l’individu en
question n’existe pas, le prédicat ne peut s’appliquer à lui. Pour cela, cette
théorie introduit une distinction entre ce qu’il y a au sens du
quantificateur existentiel (∃)17 et le prédicat d’existence (E). Le
quantificateur n’a pas de signification existentielle pour les amis de cette
théorie, et donc pour eux, ∃x(x=b) n’implique pas que b existe. Mais,
même si les objets de fiction n’existent pas, on peut quand même
quantifier sur des objets qu’il y a. Cette stratégie permet de distinguer les
types de discours intrafictionnels comme «Emma est la femme de Charles»
,qui quantifient sur des objets qu'il y a au sens de (∃), des types de
discours sérieux comme « Barack Obama est le président des USA » qui
quantifient sur des objets qui existent au sens de (E)18.
13
Grâce aux mondes possibles, cette théorie est en mesure d’assigner une
valeur de vérité relativement à un monde possible. Pour indexicaliser la
notion de monde actuel, cette théorie propose de préfixer le discours
fictionnel d'un opérateur fictionnel. Elle analyse ainsi la vérité fictionnelle:
14
fictionnel peut passer de locuteur à locuteur à travers une chaîne causale
de référence. Même si les personnages de fiction ne sont pas spatio-
temporellement localisables dans le texte, cela ne semble pas poser
problème pour lier causalement le référent à l’usage du nom. En effet, la
nature de l’objet de référence (concret ou abstrait) ne devrait pas avoir
d’impact sur la question de savoir s’il peut y avoir transmission de la
référence par chaîne causale. On peut penser par exemple au nom
« deux »24.
au personnage, en tant que fondé sur les phrases de ce texte, référence quasi-indexicale grâce à laquelle le
baptême est effectué. » Amanda Garcia (2008), p.42.
24 Je dois cet exemple et ce commentaire à Fabrice Correia.
15
3. Exposé général des types de discours
Pour le philosophe qui veut savoir si les noms propres fictionnels réfèrent,
une difficulté surgit bien vite, qui tient à l’usage qui est fait des noms
propres fictionnels dans différents type de discours. L’auteur de fiction ne
fait probablement pas le même usage d’ « Emma Bovary » quand il
invente une fiction que le théoricien de la littérature quand il évalue ou
décrit le contenu d’une œuvre. Il est alors naturel de commencer par
enquêter sur la sémantique des noms fictionnels en distinguant différents
types de discours.
Nous pouvons répartir ces types de discours dans au moins deux grands
contextes de discours :
Le contexte fictionnel :
Le discours de l’auteur :
Le discours intrafictionnel :
16
Il s’agit ici d’un discours que nous utilisons pour décrire le contenu d’une
œuvre fictionnelle. Ce discours n’est pas seulement un discours interne ou
dans le cadre de la fiction mais également un discours à propos de la
fiction, puisque nous décrivons le contenu de l’œuvre :
Le métadiscours du narrateur :
3. Et bien lecteurs, à quoi tient que je n’élève une violente querelle entre
ces trois personnages (…) 27
Le contexte réel :
Le discours métafictionnel :
Le discours interfictionnel :
Le discours mixte :
17
types de discours fictionnels pour expliquer l’usage des noms propres
fictionnels.
18
4. Contexte fictionnel : que disent les non-
référentialistes et les référentialistes du :
4.1 Discours de l’auteur
Stratégie non-référentialiste :
Stratégie russellienne :
RUSSELL rejette les conditions (a), (b) et (c). Sa thèse est que les noms
fictionnels ne sont pas des noms propres et donc ne font pas référence. Les
noms fictionnels sont en réalité des abréviations de descriptions définies.
Dans la phrase (1), « Emma » cache la véritable forme logique d’une
description définie (le F). Selon RUSSELL, une phrase comme « Emma est
G » se reformule par exemple de la façon suivante :
1’. Il y a un unique x qui est F, et tous les x qui sont F, sont G 30.
29 Un terme singulier (« Paris ») est une expression linguistique qui désigne un objet unique, Paris.
30 Je remercie Fabrice Correia pour son commentaire.
19
Selon cette approche, (1) est faux et possède un sens. Cette théorie
s’applique également au discours intrafictionnel. Toutefois, la stratégie de
RUSSELL prête le flanc à au moins trois objections générales :
(i) En supposant que le discours fictionnel est toujours faux, il semble que
nous ne pourrions plus discriminer les phrases suivantes :
Une alternative serait de considérer ces entités non comme des objets
concrets mais comme des substituts (surrogates31). Londres par exemple
n’apparaîtrait pas dans les romans de Sherlock Holmes en tant qu’objet
concret, mais en tant que substitut de Londres. Cette stratégie est celle en
particulier des amis de la théorie des objets non-existants. En refusant
l’usage de l’opérateur de fiction, ils ne peuvent pas fournir, grâce à ce
dernier, un sens dans lequel les énoncés fictionnels à propos d’individus
concrets seraient vrais sans que soient contredits les faits empiriques. Par
exemple, dans les récits de Sherlock Holmes, il est dit que Londres est la
ville dans laquelle habite SH. Mais dans un contexte réel, ce serait dire une
fausseté à propos de Londres, puisque c’est un fait que Londres n’a jamais
été la ville de SH. En préfixant l’énoncé « Londres est la ville dans laquelle
habite SH » de l’opérateur de fiction, Les amis de l’opérateur fictionnels
peuvent rendre compte de la vérité de cet énoncé sans contredire les faits
empiriques. C’est donc pour remédier d’une autre manière à ce problème
31 PARSONS, 1984.
20
de la référence que les tenants de la théorie des objets non-existants
distinguent Londres S (substitut) de Londres C (objet concret). Cette
stratégie a néanmoins un coût selon THOMASSON : en abandonnant
l’idée que des lieux et des figures historiques apparaissent dans des
œuvres de fiction, de nombreuses fictions historiques perdraient de leur
intensité ou de leur humour. Mais c’est une critique que nous ne
considérerons pas plus en détails.
Stratégie du « make-believe »
Selon cette stratégie, il ne faut pas comprendre les noms fictionnels comme
des noms propres. Cette stratégie rejette, comme la théorie de RUSSELL,
les conditions (a), (b), (c). Le nom fictionnel est considéré comme rien de
plus qu’un appui (prop) à un jeu de faire semblant. Il ne réfère donc pas.
L’énoncé (1) manque donc de valeur de vérité ; il n’est pas vrai ou faux
simpliciter, c’est-à-dire vrai dans le monde actuel. Toutefois, (1) ne manque
pas pour autant de signification, comme le montre CURRIE.
L’énonciation de (1) ne doit pas être comprise comme disant qu’il est vrai
dans l’histoire qu’Emma, rentrée chez elle se plut d'abord au
commandement des domestiques, prit ensuite la campagne en dégoût et
regretta son couvent, puisque le discours de l’auteur ne peut être préfixé
par un opérateur de fiction. Lorsque l’auteur écrit en effet p, il n'invite pas
le lecteur à croire que dans la fiction, il est vrai que p, mais il accomplit
bien l’action de rendre p fictionnel. En ce sens, il n’est pas tout à fait exact
de dire que le discours de l’auteur n’est que prétendu, que l’auteur ne
ferait qu’un usage prétendu des noms fictionnels.
21
12. ∃x1…∃xn[F(x1…xn)]32.
Ce qui est vrai dans une histoire a à voir avec ce qu’il est raisonnable
d’inférer que l’auteur fictionnel croit. Pour qu’ « Emma » désigne une
personne réelle, quelqu’un devrait être au courant de tous les faits que
cette personne a accompli. Mais cela est impossible. Par conséquent, même
s’il existait une personne réelle qui a fait tout ce qu’Emma a fait dans Mme
Bovary, le nom « Emma » ne dénoterait pas cette personne.
Stratégie référentialiste :
A priori, un avantage des théories qui acceptent que les noms fictionnels
réfèrent à des personnages de fiction est qu’elles fournissent une solution
facile au problème suivant : d’après la théorie millienne, si l’on nie que les
noms fictionnels réfèrent, alors les phrases dans l’œuvre ne pourront pas
exprimer de propositions, à savoir elles ne pourront être ni vraies ni
fausses. Et si des phrases telles « Sherlock Holmes est un détective » ne
sont ni vraies ni fausses, alors, selon certains amis de la théorie millienne
32 Il existe quelqu’un x qui s’appelle « Mme Bovary », qui habite à y, qui est la femme de z, qui a des
amants, qui se suicidera etc.
33 Un monde dans lequel si tout ce qui est littéralement vrai selon l’histoire est littéralement vrai dans ce
monde. Sans entrer dans les détails, il s’agit d’un sous-ensemble des mondes possibles.
34 LEWIS David, « Truth in Fiction », in Philosophical Papers, Oxford University Press, 1984.
22
comme SALMON, les phrases qu’un lecteur de fiction prononcerait en
décrivant le contenu d’une œuvre telles que « Dans l’histoire, Sherlock
Holmes est un détective », ne pourront pas avoir de valeur de vérité. En
attribuant une référence au nom fictionnel, la solution référentialiste
permet d’éviter cette conséquence.
13. She was a fat old woman, this Mrs. Gamp with a husky voice and a
moist eye, which she had a remarkable power of turning up, and only
showing the white of it. (Martin Chuzzlewit, XIX.)
Mrs Gamp n’existe pas telle qu’elle est décrite dans la fiction. Par
conséquent, dans un tel contexte, l’usage des noms fictionnels n’est que
prétendu.
35
Cité dans THOMASSON, Amie L., « Speaking of Fictional Characters », in Dialectica, Vol. 57,No. 2 : 207-
226, 2004, p. 6.
23
4.2 Discours intrafictionnel
Stratégie non-référentialiste :
Que signifie « Madame Bovary » dans cet énoncé ? Comme on l’a vu, cette
expression ne peut pas être un nom propre. Si c’était le cas, alors
comprendre cet énoncé impliquerait de savoir qui est Mme Bovary. Mais il
n’y a pas de tel objet à connaitre. L’expression « Mme Bovary » ne
fonctionne pas non plus comme variable liée comme dans le discours de
l’auteur. En effet, dire qu’il est vrai dans l’histoire que Mme Bovary est la
femme de Charles ne peut pas être équivalent à dire qu’il est vrai dans
l’histoire qu’il y a exactement une personne appelée « Mme Bovary » et
qui est la femme de Charles. L’histoire pourrait en effet contenir deux
personnes qui s’appellent « Mme Bovary » et qui sont la femme de
Charles.
Un nom doit plutôt être considéré dans ce type de discours comme une
abréviation de description définie. Une description définie est une
expression qui, contrairement au nom propre, ne fait pas référence au
36 CURRIE parle d’usage fictif (discours d’auteur), d’usage métafictif (discours intrafictionnel) et d’usage
transfictif (discours métafictionnel et interfictionnel). Je respecte ici la terminologie mise en place par
Amanda Garcia dans son mémoire de pré-doctorat.
24
même objet dans tous les mondes possibles. Pour éviter que nous
puissions associer des descriptions différentes au nom « Mme Bovary »,
CURRIE propose de considérer cette description comme faisant partie
d’un idéal sémantique : le sens de Mme Bovary serait donné par
l’ensemble de descriptions définies que le lecteur le plus rationnel aurait la
capacité de comprendre.
Stratégie référentialiste :
Par opposition au discours de l’auteur, le discours intrafictionnel peut se
reformuler à l’aide de l’opérateur de fiction. Les noms fictionnels peuvent-
ils référer à des objets abstraits dans ce type de discours ? Notons que la
théorie des objets abstraits a intérêt à postuler un certain type d’activité de
feintise pour éviter de dire par exemple que dans la fiction, un objet abstrait
s’appelle Emma et qu’il est la femme de Charles, ce qui serait faux.
Comme dans le cas du discours de l’auteur, il semble que nous avons ici
un usage prétendu des noms fictionnels. Néanmoins, la théorie des objets
abstraits tente d’aller à l’encontre de la thèse du « make-believe » en
essayant de montrer que la référence des noms fictionnels dans ce contexte
fictionnel n’intervient pas dans des jeux de « make-believe ».
There are (at least) two different forms pretense can take. 1) It can be de
re, as when children pretend, of a lump of mud, that it is a pie, or 2) It
can be de dicto, as when children pretend that there is a monster in the
closet (though there is no one, and no thing, of which they pretend that
it is the monster). So one question that arises naturally for anyone who
accepts that sentences within works of fiction (inscribed by the author)
involve a mere pretense of asserting various things, is whether the
pretense involved in fictionalizing contexts is de re or de dicto.38
La pretense est de re quand les enfants prétendent par exemple d’un certain
objet (tasse en plastique) qu’il a certaines propriétés (être en porcelaine) ;
la pretense est de dicto quand les enfants prétendent qu’il y a un monstre
dans le placard, bien qu’il n’y ait aucun objet dont on puisse prétendre
qu’il est un monstre. En d’autres termes, la pretense de re porte sur des
objets, par opposition à la pretense de dicto, qui porte sur des phrases. Les
théories du faire semblant que nous avons examinées ne prennent en
considération que la pretense de dicto. Or, THOMASSON prend en
considération les deux types d’activité de feintise et se demande laquelle
appliquer au type de discours fictionnel.
37 THOMASSON fait partie des philosophes qui ne distinguent pas la pretense du « make-believe ». Ces
deux notions sont ici synonymes.
38 Ibid., p. 5.
25
Selon THOMASSON, le philosophe qui accepte que ce type de discours
fictionnel peut être à propos d’objets réels (personnes, villes, événements)
doit opter pour une forme de pretense de re. La phrase « Emma est la
femme de Charles » pourrait être interprétée comme disant d’un certain
objet (Emma) qu’elle est telle que, dans le jeu de faire semblant de
l’histoire, elle est la femme de Charles :
Cette interprétation dit qu’il est prétendu qu’il y a un objet x tel que x est
la femme de Charles. Elle est à distinguer de l’interprétation qui suit :
26
(5’) (pretense de re) : Il y a un objet x et un nom y, tel que dans l’activité de
feintise y est le nom propre de x.
Bien qu’il soit vrai que dans l’activité de feintise y est le nom propre de x,
cela n’implique pas que y est le nom de l’objet abstrait x. Par conséquent,
cela n’implique pas que y réfère à l’objet x.
39
Suggérée par Amanda Garcia.
40 Cité dans Pelletier 2000, p.17.
27
Les propriétés extrafictionnelles sont celles qui ne sont pas attribuées en
accord avec ce que dit le discours fictionnel. Il peut s’agir de propriétés
métafictionnelles (avoir été crée), de propriétés formelles (être identique à
soi-même), de propriétés esthétiques (beau, laid, kitsch, sublime,
satirique). En clair, il distingue des propriétés telles que A :
A) Etre vieille ; être grosse ; s’appeler « Sarah Gamp », avoir une amie
appelée « Mrs. Prig ».
28
15. Napoléon est vaniteux.
15’. Dans War and Peace, la vanité est attribuée (ascribed) à Napoléon42.
de PARSONS.
29
propriétés intrafictionnelles des personnages tels qu’ils sont décrits dans la
fiction. Puisque la propriété de s’appeler Emma est une propriété
intrafictionnelle attribuée au personnage de fiction, nous pensons donc
plutôt avec les amis du « make-believe » que le nom « Emma », dans un
contexte intrafictionnel, n’a pas la fonction de référer hors de la portée de
la pretense.
Cela dit, cette conclusion n’implique pas que nous ne pouvons pas référer
aux personnages de fiction. Dans le contexte fictionnel, le problème de la
référence ne se pose tout simplement pas, car il s’agit de référence
prétendue. Le fait que la référence soit seulement prétendue dans ce
contexte n’implique pas qu’il y a un échec référentiel, (que le nom
fictionnel est vide), auquel cas, il ne serait pas vrai que les noms fictionnels
réfèrent.
30
5. Contexte réel : que disent les non-référentialistes et
les référentialistes du :
5.1 Discours métafictionnel
Stratégie non-référentialiste :
D’autre part, Walton voudrait pouvoir dire que Mme Bovary est à la fois
un personnage de fiction et la femme de Charles. Mais comme les deux
propositions s’excluent mutuellement, cela n’est pas possible. WALTON
tente de résoudre ce puzzle en distinguant des jeux standards (officiels) de
faire semblant et des jeux ad hoc (non officiels). Dans les deux cas, le jeu de
faire semblant est impliqué : la phrase « Mme Bovary est la femme de
Charles » implique un jeu de faire semblant standard ou officiel selon
lequel Mme Bovary réfère à qqn ; (6) « Emma est un personnage de
fiction » implique un jeu de faire semblant ad hoc selon lequel il y a deux
genres de personnes, les personnes réelles et les personnages de fiction.
Dans les deux cas, les noms fictionnels servent d’appui à des jeux de faire
semblant. Toutefois, cette stratégie semble aller contre l’intuition du sens
commun : la distinction entre des jeux officiels et non officiels ne permet
pas de distinguer des énoncés littéralement vrai ou faux. On ne pourrait
pas distinguer en effet (6) « Emma Bovary est un personnage de fiction »
de (16) « Sblithers Scolby est un personnage de fiction », puisque tous
deux feraient partie de jeux non officiels de faire semblant. Or, (6) est
littéralement vrai et (16) littéralement faux. En refusant de distinguer
l’usage des noms propres fictionnels dans les types de discours réels de
leur usage dans les types de discours fictionnels, WALTON ne parvient
pas à résoudre l’inconsistance.
31
Stratégie russellienne :
Une solution russellienne suggérée par Amanda Garcia (2008) est de dire
que l’expression « Emma » est en fait ambiguë : le discours qui contient ce
nom pourrait s’analyser différemment selon les contextes grâce aux
paraphrases russelliennes : dans les contextes fictionnels, une phrase
comme (2) « Emma Bovary est la femme de Charles » signifierait :
17. Il y a un unique objet x tel que Fx, et tous les objets x tels que Fx sont
la femme de Charles.44
Les types de phrases tels que (6) « Emma Bovary est un personnage de
fiction » auraient la forme logique suivante :
18. Il y a un unique objet x tel que Fx, et tous les objets x tels que Fx sont
un personnage de fiction.
Stratégie currienne :
Dans un type de discours réel, les noms propres fictionnels ne peuvent
plus être considérés comme des descriptions définies ou des faisceaux de
descriptions définies. Etre Emma ne revient plus à satisfaire une certaine
description définie, car, dans ce contexte, aucune description définie ne
peut remplacer ce nom. Il propose l’analyse suivante de l’usage des noms
fictionnels dans le discours métafictionnel. Considérons les deux phrases
suivantes :
20. Emma aurait pu ne jamais accomplir les actions décrites dans Madame
Bovary.
32
particulier : la personne qui aurait été identique à elle-même, même si elle
n’avait pas fait toutes les actions décrites dans l’histoire. En effet, l’identité
d’Emma n’est pas liée aux actions qu’elle accomplit dans Madame Bovary;
Dans cette même histoire, « Emma » est un désignateur rigide.
19’. « Emma » est le nom d’une description définie (par exemple celle qui a
fait ce que l’histoire dit d’elle qu’elle a fait.)
20’. Celle qui a fait ce que l’histoire dit d’elle qu’elle a fait, aurait pu ne
pas être celle qui a fait ce que l’histoire dit d’elle qu’elle a fait.
(19’) est vraie dans l’histoire de Madame Bovary, mais ne capture pas ce
que Emma exprime dans (19). (19’) est vrai dans un monde où la
description définie est appelée « Emma », mais (19) est supposé être vrai
dans un monde où un individu particulier Emma est appelé « Emma». (19)
et (19’) n’ont donc pas la même valeur de vérité dans tous les mondes.
(20’) est vrai dans un monde w quand la chose qui est le F (celle qui a fait
ce que l’histoire dit d’elle qu’elle a fait) dans w, échoue à être la chose qui a
fait ce que l’histoire dit d’elle qu’elle a fait. Mais (20) est supposé être vrai
dans un monde w quand l’individu Emma est celle qui a fait ce que
l’histoire dit d’elle qu’elle a fait dans w et échoue dans d’autres mondes à
être celle qui a fait ce que l’histoire dit d’elle qu’elle a fait.
46Selon le principe de l’incomplétude de la fiction, il n’est pas le cas que pour toute propriété F, soit x a F,
soit x a non-F
33
Par contre, les phrases suivantes :
expriment des propositions mais qui sont fausses. F(21) et F(22) expriment
des propositions vraies. Selon CURRIE, il est vrai dans Madame Bovary que
(21) et (22) expriment des propositions vraies. Cependant, nous ne
pouvons pas en déduire que (19) et (20) expriment quelque proposition
que ce soit.
Dans cette théorie, il est étonnant que CURRIE fasse appel à la notion de
rôle pour faire sens du discours interfictionnel et du discours mixte47 et
qu’il ne fasse pas appel à cette même notion pour faire sens du discours
métafictionnel. Cette notion de rôle semble pouvoir être appliquée
également à une partie du discours métafictionnel.
34
semblent pouvoir se paraphraser de la manière suivante :
se paraphraseraient :
35
Stratégie référentialiste :
Nous avons vu dans la section 2.2 que selon la stratégie référentialiste des
objets abstraits, (i) les noms font référence dans les contextes réels, (ii)
qu’ils font référence dans ces contextes à des objets fictionnels qui existent
et (iii) que ces objets sont des artefacts abstraits.
Dans une phrase comme (6) « Emma est un personnage de fiction »,
« Emma » désigne Emma, un artefact abstrait qui rend vraie la proposition
selon laquelle Emma est un personnage de fiction. Les amis de cette
théorie soutiennent que la technique de la paraphrase à l’aide de
l’opérateur de fiction n’est pas en mesure d’expliquer le discours
métafictionnel. En effet, dans ce contexte, le lecteur dirait une fausseté en
disant : « dans l’histoire, Emma est un personnage réaliste », puisque dans
l’histoire, Emma est une femme réelle ; il dirait également une fausseté en
disant « dans l’histoire, Emma a été créée par Flaubert », puisque dans Mme
Bovary, Emma a été crée par ses parents, M. et Mme Rouault.
36
Sherlock Holmes a la propriété d’avoir un grain de beauté sur le dos, soit
il n’a pas la propriété d’avoir un tel grain de beauté. Mais cela va à
l’encontre du principe du tiers exclu49.
Stratégie non-référentialiste
49
Cela signifie que pour toute proposition φ, on doit accepter soit φ, soit non φ.
37
pour préserver notre intuition que des énoncés tels que « Sherlock Holmes
n’existe pas », « Emma n’existe pas », sont des énoncés vrais.
Selon WALTON, dire que Emma existe, c’est dire que la tentative de
référer à réussi ; dire que Emma n’existe pas, c’est dire que cette tentative a
échoué. En attachant les prédicats existe, n’existe pas aux noms, le locuteur
est en train d’avouer ou désavouer la tentative de référer :
Attacher les prédicats n’existe pas, est un personnage de fiction, est fictionnel
aux noms propres fictionnels revient à dire que la tentative de référer a
échoué. Il s’agit d’un désaveu de la pretense. Par opposition, attacher les
prédicats existe, est réel, est actuel , veut dire que la tentative de référer à
réussi. Mais, dans les cas qui servent à dire que la référence a échoué,
l’activité de feintise est encore impliquée. Dans ces cas, on continue cette
activité, en prétendant attribuer une propriété à un objet qui est supposé
référer à quelque chose, même si on avoue en fait l’échec de la référence.
Une mère qui dirait à son fils de ne pas sauter la clôture à cheval alors
qu’il fait du vélo, participerait au jeu de faire semblant de l’enfant tout en
l’avertissant des dangers de la circulation hors du jeu de faire semblant.
Elle serait dans une situation où elle continuerait l’activité de feintise de
son fils tout en le faisant revenir à la réalité. Quand un locuteur prononce
une phrase comme « Emma n’existe pas », nous dit WALTON, on
continue l’activité de feintise en faisant comme si « Emma » référait à un
objet, mais, en même temps, on sort de cette activité en attribuant une
propriété qui désavoue cette activité. Cela implique que l’engagement
imaginatif est de deux types simultanés : à la fois interne (discours
prétendu) et externe (discours sérieux).
38
Stratégie référentialiste :
39
Le problème, selon THOMASSON, est que la théorie de PARSONS
attribue littéralement des propriétés comme être gros, habiter à Baker Street,
s’appeler Emma aux personnages de fiction. Or, si les propriétés attribuées
sont des propriétés contradictoires, comme dans le cas de la blessure de
guerre de Watson, qui est tantôt à la jambe tantôt au bras, le personnage
de fiction Watson serait non seulement un objet non-existant mais
également un objet contradictoire. Par opposition à cette théorie, VAN
INWAGEN fait usage de la relation d’ascription pour ne pas avoir à
attribuer littéralement de telles propriétés aux personnages de fiction dans
le type de discours intrafictionnel.
D’autre part, cette stratégie ne semble pas être la bonne pour la raison
suivante : en niant l’existence des objets fictionnels et en affirmant qu’il est
possible d’y faire référence, le concept de référence devient problématique:
si les objets fictionnels n’existent pas, la référence ne peut plus être une
relation.
Il semble qu’il soit face à un dilemme. Comment dire en effet à la fois que
les personnages de fictions existent et dire que « Mme Bovary n’existe
pas » est vrai ? Second problème : si « Mme Bovary n’existe pas » est vrai,
quelle est la stratégie adoptée pour rendre compte de notre conviction que
(4) est tout aussi vrai que certains énoncés du discours intrafictionnel ?
40
fiction : si le locuteur a l’intention de référer par son usage du nom « Mme
Bovary » à une personne réelle, alors le nom est vide, et son affirmation,
« Mme Bovary n’existe pas » est vraie. Mais si son intention est de référer
au personnage de fiction, alors son usage du nom réfère à Mme Bovary en
tant que personnage de fiction, et son affirmation « Mme Bovary n’existe
pas » est fausse. Mais cette solution, selon THOMASSON, n’est pas
vraiment appropriée : si quelqu’un a l’intention de référer à une personne
par son usage du nom « Mme Bovary », il ne réalise pas qu’il n’y a pas une
telle personne et donc n’aurait pas asserté (4). Il en va de même dans le
cas de celui qui veut référer à un personnage de fiction par (4) : s’il pense
qu’il y a un tel personnage, il n’affirmera pas (4). Néanmoins, en
restreignant le domaine de quantification aux objets concrets,
THOMASSON préserve l’intuition que « Emma n’existe pas » est vrai.
Dans ce cas (4) est parfaitement consistant avec la thèse : il y a un x tel que
x est un personnage de fiction et x est Emma. Pour la bonne raison que
dans (4) la quantification est limitée aux objets concrets. Il en va de même
lorsque nous disons qu’il n’y a plus de bonbons. Dans ce cas
naturellement nous limitons le domaine de quantification au paquet de
bonbons.
41
6. Récapitulation et Conclusion
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référentialiste et son interprétation du contexte réel (avec la notion de rôle)
également, à condition qu’il généralise l’application de cette notion au
discours métafictionnel. Pour CURRIE, travailler avec une théorie des
objets est nécessaire s’il entend définir plus spécifiquement la nature des
objets que sont « les rôles ».
Dans ce travail, nous avons tirer le meilleur parti de la théorie du « make-
believe » et celui de la théorie des objets abstraits. Mais, pour montrer que
ces deux théories sont vraiment complémentaires, il conviendrait de
savoir comment une théorie mixte peut rendre compte du type de
discours mixte comme « Emma Bovary est plus intelligente que Carla
Bruni. On devrait expliquer comment il est possible de dire qu’il y a à la
fois dans cette phrase un usage réel et un usage prétendu des noms
propres.
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7. Bibliographie
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