Haiku

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Le Haku et sa traduction franaise - Rception du Haku en France

KINOSHITA Tadataka

Nous allons prsenter quelques exemples de la version franaise du Haku et essayer


de comprendre son rception en France. Le texte que nous utilisons est

Haikus,

Anthologie, Texte franais de Roger Munier, Prface de Yves Bonnefoy (1990), Fayard,
1978. Si la traduction franaise ne nous semble pas suffisamment avoir rendu le
contenu du Haku original, nous donnons une autre version franaise en italique. Ainsi,
on pourrait comparer et comprendre la diffrence entre la traduction franaise et le
texte original japonais. J'ai choisi seulement la partie qui contient la traduction de
Hakus de Buson qui sont bien classiques et mme un peu vieux pour nous les Japonais.

*'

Printemps

*,ffiJ\='tO)7J~t~V)

t1J< iZ~~

Pluie de printemps un parapluie et un manteau de paille


vont ensemble devisant

Rien d'autre aujourd'hui


que d'aller dans le printemps
rien de plus

J! ~ 13 J\='m -T 0) T

V) if;)

-5 fifj 0) J:.

Lenteur du jour
un faisan
s'installe sur le pont

Le jour devient long


Un faisan est install
8ur le pont

23 -

La mer de printemps
se soulevant et retombant
tout le long du jour
~1El

n -'\=' ~ 0) iij JjJ 0) ~1i oyj$'

Au labour dans les champsvenant du temple sur la hauteur


le cri du coq
:J:!Iln-,\=,l5~~,!1tO)R~

Au labour dans les champsl'homme qui demandait son chemin


a disparu
Au labour dans les champs-

un homme, dur d'orele,


reste tout seul

:J:!Il 5 "":)~ 5 ~iJ'():;).'~ t

fi:

<fi: f) 'rb

Labour dans les champsle nuage qui jamais ne bougeait


s'en est all

tf ]jt ,= t.& :8:: b -t;h t::. /5 t!Jp 7-rdi:


Le saule
a oubli sa racine
dans les jeunes herbes

L Gm:O)fi5* ~= t ~. /5 Ji :&t!:li:
Au clair de lune
le prunier blanc redevient
un arbre d'hiver
Au clair de lune

les fJeUl'8 blanches de prunier


reviennent un arbre dgarni

24 -

Le halo de la lune
n'est-ce pas le parfum des fleurs de prunier
mont l-haut?
~0t~Vf;:~~<:j%O)**tpit

chaque ptale qui tombe


les branches du prunier
vieillissent

Les fleurs de prunier disparues


comme il est solitaire
le saule!

Sur le crottin de cheval


les fleurs tombes du prunier rouge
on les dirait embrases
Sur le crottin de cheval

les fleurs rouges tombes du pl"unier


on les dirait embrases
'!J>lJJ(.f'!

n. rn ~ 0)Js,0)'-!J!.0) ~ ~ (:" =- 0

1,

Un cerf-volant
la mme place
dans le ciel d'hier

Un cerf-volanto est le ciel d'hier,

la mme place?

Dans les fleurs tardives de cerisier


le printemps qui s'en va
hsite

! t

25 -

~H:

~ ~&i ~ t:ilt

'>.

7-pbo)"p~"

Le son de la cloche
quand il quitte la cloche fracheur!
l--}

l.: iJ '>fi 0) M J:: \) ttl--C:* GQ ji1J

Venu du fond
de la nuit brve
merge la rivire i

La brve nuitsur la chenille duveteuse


des perles de rose
l--} l.:iJ'>fi~!J\~ tlt~)'j t~ 6

raHi-0;h

La nuit brve aux abords d'un village


une choppe est ouverte
:mi~n::.=-tf'66*~ttO)JI: CVe

Automne)

Un clair au matin!
bruit de la rose
s'gouttant dans les bambous
(Le mot-saison est inazuma (:mi~=ffBO)~=ffBO)*=clair). Ce mot-saison est plein
de connotations. Dans le temps d'antiquit, on croyait au Japon que l'clair porte la
bonne rcolte du riz( ffB). En ancien japonais, Tuma ~

pouse

= Tuma

* poux , la prononciation des deux caractres chinois est la mme. De l vient


que l'clair(*) fait concevoir des fruits d'amour au riz(~) , donc la bonne
rcolte du riz . La moisson du riz est aussi faite en automne. Ainsi, le mot-saison
inazuma (clair)>> nous conduit penser subitement l'abondance . L'automne

est aussi la saison de renaissance des bambous. clair, verdure des bambous
renaissants, gouttes abondantes de rose scintillante qui tombent, voil trois
lments de la nature poss la fois cte cte.)

26 -

Averse d't les moineaux du village


s'accrochent aux herbes
Averse d't-

un groupe de moinea ux
s'accrochent aux herbes
(Mura-suzume G1Iii ne signifie pas les moineaux du village . Mura signifie
mure

Un

= un groupe de ~ .)

Pour l'oreille de mon grand ge


les pluies d't
s'coulant dans le chneau
Pour l'oreille de mon grand ge

les pluies de mai


s'coulant dans le chneau
( les pluies d't = ~ 0) Fm ne signifient pas les pluies de mm: les pluies du

cinquime mois du calendrier lunaire


S

= '6:J.;- t~n,

J-/-. t:. 7.1

liJ1 Fm . En fait, '6:J.;- t~n,

lf. t~ ;'1

]:J1 Fm signifie les pluies qui tombent au mois de mai, cinquime mois du

calendrier lunaire, et le cinquime mois du calendrier lunaire (utilis au Japon


jusqu' la fin de l're d'do), gale, dans le calendrier solaire, commenc tre
utilis au dbut de l're de Miji,
--)

presque la saison des pluies, la saison

y))

pluvieuse :f*Fm ( peu prs, de juin mi- juillet). Mais les connotations de ces deux
Ji- r::.

;/'L

.r)

VJl

mots ( ]:Jj Fm, :f*Fm ) sont bien diffrentes. En plus, -) /){lU est en ralit un
o .7j-

t::."

f.l

mot double sens: la partie du mot -) /) signifie que (]:J1 Fm 6';):tT 'J, c'est--dire,
les pluies de mai battent le chneau (-) /){lt-t) ).

Dlice
de traverser la rivire d't
sandales en mains !
.f.." .)

~)

~)

l,

( :!'jtJti zri est peut-tre j'j'LU waraji . Tous les deux sont des chaussures faites de
?)

.;E ,) ')

pailles. Il me semble que celui qui porte :!'jtJti zri la main, en traversant la

27 -

rivire, est en petite promenadeJ

Sous la brise du soir


l'eau clapote
contre les pattes du hron

Dans le vieux puits


un poisson gobe un moustique le bruit de l'eau est sombre

Un vieuxpuitssautant, un poisson gobe un moustique


sombre est le bruit de l'eau

Un escargot
une corne courte l'autre longue qu'est-ce qui le trouble?

Escargot

quoi penses-tu?
une corne courte l'autre longue
:ffi;fp~zp*(;:f? f)

J t'pti' ]f*:s'z:

tait-ce une fleur une baie


Ce qui tomba dans l'eau
Au cur du bois d't?

Au cur du bois dt est-ce une fleur une baie


ce qui tombe et flotte sur l'eau?
(<< ce qui tomba dans l'eau n'est pas suffisant exprimer *f;: f?
.;

f) -)

7Pti' . Il faut

ajouter flotter (-) Zi'ti' = ~7J>S) sur l'eau pour produire le sens du *(;:(..J -) 7J>

ti' .)

28 -

JJJ < b f~ <-C:t3.:t 0 LJ:*:s'z:


Pas une feuille ne bouge
comme il est effrayant
le bois d't !

Dans le silence
avant l'arrive des htes
les pivoines

-t!!*0) <!::

',;'

<!::

0' ',;'

<4'fttpf~

La lourde charrette
gronde en passant
la pivoine frmit
4'ft-JJ-C~O):t3<!::

ISO'

L:97J,f~

Ayant cueilli la pivoine


je me sentis dprim
ce soir-l

tk Automne
iJJ,~ O)ttR:)Ji'J;-7J'V<P /5 W*7J,f~

Le faisan dor sur la branche


se repose d'une patte sur l'autrelongue est la nuit
ltz~=i@!---=>7J'tutV) ~t

: O)fj(

Il est transi
de pauvret
ce matin d'automne

Je suis transi
de pauvret
ce matin d'automne

JLJe ,i>~: L '6 [IIJ 1r i!!j VJ ~ t

VJ

La lune au plus haut-

29 -

je traverse
un quartier pauvre

La lune au plus haut du delj'ai tra vers


un quartier pauvre
ImJiAr~JJ WrIJ"

',. Q ~

<!::" VJ ~

La lune dclinante
Sur quatre ou cinq personnes
qui dansent!

Trois fois il s'leva et puis se tut


le cri du cerf

Tl'Ois fois il s'leva etpuis se tut


le ai d'un cerf
~) .~

t,

-) ~ < L~!I!f00YI&O)t~ -) IJU:) L


(j)

il)

Aprs la tempte d'automne


comme il est beau
le poivre rouge!

Apl's la tempte d'automne


comme 11 est bea u
le piment l'Ouge!
~IJ"~' Lt~Ji

-) ---c t

<!::" VJ ~t V)

Le matre du champ
va prendre nouvelle de l'pouvantail
et s'en revient
VP<

1)'

lI;

;ffcJ!l,O) -) ::"IJ" L ---crf~~-1-~

Le vent d'automne
secoua l'pouvantail

30 -

et passa
~

Hiver

Pousses par le vent d'ouest


les feuilles mortes s'accumulent

l'est

Parmi les arbres d'hiver


quand la hache s'abattit
m'assaillit le parfum

Ma hache s'abattit
sur un arbre d'hiverm en assaillit le parfum
{J~":J

-c")

.~ ~

L l:t:~=- S O)6tt!l!rfJ,fcC

Le soleil scintille
sur les pierres
de la lande dessche

Le soleil triste scintJlle


sur les pierres
de la lande dessche
}~~O)fi['=-\t\''iGO)zP'"

6fr5!1!rfJ,fcC

La queue du cheval
s'est prise dans les ronces
sur la lande dessche

La bruine d'hiver
paisiblement imbibe
les racines du camphrier

31 -

Les soirs des hommes d'autrefois


furent semblables au mien
ce soir de froide pluie

Pluie froide de ce soirsemblables aux soirs


des hommes d'autrefOis

Le vieil tang une sandale de paille a coul au fond


chute de grsil

Une sandale de paJ1le


au fOnd d'un vieJ1 tangchute de grsil

La rivire hivernale y flottent en drive

des fleurs offertes au Bouddha

La rivire hive1"llale y flottent en drive

des fleurs offertes aux morts


~) 1;,

iJ:i

1Ji:1'0)-S ~ Ivf:::. ~ 'J:.:5 :nW7.Pt~

Mes os mmes
sentent les couvertures nuit glace

Bruit de la scie
en ce minuit d'hiver bruit de pauvret
JIIl~&~Jili'~O)ifO)~

i!

Le bruit d'un rat

32 -

griffant une assiette que c'est froid!

Le bruit d'un rat


trottant sur une assietteque c'est froid!
~,j-.:t.

.fi 1. '

7}-

1:: 1 t

fMr~ i:"l JL\r~Ji~ )(fifli6>/t

Je serrai la chaufferette
contre moi
mais mon cur tait loin de l

Prs de mes jambes


La chaufferetteloin de mon cur
:-:vJ'

--)1,'

7 -0 Ji.)( J\=' *~H:. ri:;w: 0 ~ (J) t

(J)

Un feu mourantmais soudain la casserole


se met bouillir

Sur le feu couvert de cendre un ragot, la fin,


a t bien fait

ffi7J> ~ ~)(~J\=''(J)* /) -;' ~


Gte refus les lumires d'une range de maisons
dans la neige
.:t-Jlt

M(J)~r~~0

-=. J.:J;.

M (J)*~JJ;7J>/t

Dans ce soir obscur


la couverture du calendrier
qui touche sa fin
j-~/..,.

f~

-' -'\) ")

*I f ~ {J2}, "l ~ 7J' L

.S, (.:> :: J.:Jf.

et r:JJ M

Le vieux calendrier
me remplit de gratitude

33 -

comme un sotra

Dans sa confrence intitule: Le haiku, la forme brve et les potes franais, donne
Matsuyama en 2000, Yves Bonnefoy dit ainsi:
Je me SOUVIens de mon motion quand je rencontrai dans un recueil de textes du

moyen ge ce qui n'tait plus qu'un fragment, seul prserv de tout un manuscrit
jamais perdu, mais ce fragment me fut toute la posie, d'un seul coup. C'taient ces
simples mots: Hlas, Olivier Bachelin. Trois mots seulement, et mme deux des
trois pour ne former ensemble qu'un seul nom propre, celui de cet Olivier Bachelin.
Mais quelle fulgurance, dans si peu de parole! D'une part, avec Olivier Bachelin, un
tre qui a vcu, qui a peut-tre aim, qui a connu joie et souffrance, mais dont on ne sait
absolument rien, ce qui fait qu'il peut signifier notre condition chacun, en ce que
celleci a de plus fondamental. Et d'autre part ce hlas qui indique qu'un malheur lui
fut associ, ce qui nous rappelle les vicissitudes de l'existence, le hasard qui lui est
inhrent, le nant qui rde sous toute vie. Les deux ples de notre souci sur terre, avec
entre eux ce brusque rapprochement o se marque l'identit de l'tre et du nant. Et on
lve alors sur le monde un regard dlivr des illusions, un regard sans recul, un regard
qui voit tout ce qui est - c'est--dire n'est pas - comme une immdiatet silencieuse. Ce
Hlas, Olivier Bachelin , dans son laconisme extrme, me fut bien plus directement et

plus fort que beaucoup de longs pomes, et je comparerais ces mots un haku si je
n'avais me souvenir qu'ils restent hants par ce rve occidental que la personne soit
comme telle une ralit absolue.
Un de ces moments [apparitions de la ralit silencieuse, la fois trs trangre

notre souci et mystrieusement accueillante] parat dans le livre que j'ai cit [Du

mouvement et de l'nmobilit de Douvel, au moins je le comprends de cette manire et il


est ainsi pour moi ce qui, pour la premire fois, eut dans ce que j'ai crit assez de
parent avec le haku pour que je puisse me permettre de vous le citer. Ce sont
simplement deux vers mais qui constitue donc mes yeux tout un pome, que j'ai
prsent spar des autres, seul sur sa page. Il dit:

Tu as pris une lampe et tu ouvres la porte,


Que faire d'une lampe, il pleut, le jour se lve
m~l~fHt--Cffi~i:0!jfJJ~-'f:'-:7 /7 (~

*Z TI~,tff~)

(Yves Bonnefoy: Du mouvement et de l'immobilit de Douve (Mercure de France,

34 -

Et vous voyez ce qui est en jeu: la dcouverte au matin de la pluie qui couvre la
campagne, le moi qui dans cette grande vidence silencieuse se dtache soudain de
soi, si bien que plus n'est besoin de la lampe qui aurait servi la poursuite d'une de ses
activits ordinaires, et une lumire nouvelle qui parat, ou plutt la lumire de chaque
jour qui parat de faon nouvelle. Dans cet instant sur le seuil de la maison, aprs une
nuit tourmente peut-tre, la brivet tait ncessaire pour rester fidle mon
exprience. Ajouter quoi que ce soit ces quelques mots n'aurait fait que me la faire
oublier.
Bonnefoy a trouv dans une expression trs courte Hlas, Olivier Bachelin la
posie presque identique celle du Haku. En effet, dans la courte phrase Hlas,
Olivier Bachelin , la lecture et la manire de comprendre ce que les mots puissent dire
sont presque identiques en Orient et en Occident. L'intention et la comprhension
potiques de deux vers de Bonnefoy:
Tu as pris une lampe et tu ouvres la porte,

Que faire d'une lampe, il pleut, le jour se lve


sont exactement dans la mme ligne du ceux de Haku. En effet, nous avons signal
quelques difficults que Roger Munier a rencontres dans sa traduction. Mais elles sont
bien surmontables, parce qu'il ne s'agit pas l de la conscience potique: celle-ci seule
nous permet de comprendre et d'apprcier la posie crite en langue trangre. Yves
Bonnefoy nous l'a dmontr dans sa confrence Matsuyama. Quand l'Occident et
l'Orient se rencontrent dans la posie, il arrivera une surprise heureuse. C'est ce que
nous ont rvl la traduction de Roger Munier et la confrence de Yves Bonnefoy.

35 -

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