Protection Des Consommateurs-F.elbacha
Protection Des Consommateurs-F.elbacha
Protection Des Consommateurs-F.elbacha
et
la thorie gnrale des obligations
Farid EL BACHA
Professeur lUniversit Mohammed V Agdal
Facult des sciences juridiques, conomiques et sociales de Rabat
Responsable du Laboratoire de droit priv
La loi 31/08 du 18 fvrier 20111 est une rponse aux limites de la thorie
gnrale des obligations quant la protection du consommateur face au
professionnel.
Elle prsente donc des rapports avec la thorie gnrale des obligations
face laquelle elle peut tre vue comme drogation ou comme
complment comme le veut le lgislateur lui-mme qui considre la loi
31/08 un cadre complmentaire du systme juridique en matire de
protection du consommateur ( Prambule), qui renforce les droits des
consommateurs.
Les rgles classiques sont donc compltes par de nouvelles disposistions
dont la loi 31/08 constitue aujourdhui un maillon essentiel au ct
dautres textes avec lesquels il restera prciser les corrlations: la loi
13/83 relative la rpression des fraudes sur les marchandises, la loi 6/99
sur la libert des prix et la concurrence, la loi 53/05 sur lchange
lectronique des donnes juridiques, la loi 77/03 relative la
communication audiovisuelle .Des corrlations rendues moins aises du
fait de la technique dapplication du texte le plus favorable retenue par la
loi 31/08 dans son article 1er.
Le droit vhicul par le nouveau dispositif est un droit pluridisciplinaire o
volue certes des rgles qui peuvent tre rattaches au droit des obligations
( clauses abusives, interprtation, nullits) mais on y trouve galement
des dispositions de droit pnal ( induire le consommateur en erreur, abuser
de sa faiblesse sont des infractions), de procdure civile et pnale ( action
des associations de consommateurs) de droit administratif ( enquteurs de
ladministration comptente).Il sagit dune pluridisciplinarit au service
dun but prcis: la protection du consommateur contre les abus dont ils
1 Dahir n1-11-03 du 18 Fvrier 2011 portant promulgation de la loi 31-08 dictant des mesures
de protection du consommateur, Bulletin Officiel n5932 du 7-4-2011.
de lautre .
Lobjectif est alors de permettre au consommateur dapprcier au mieux ses
engagements et leur porte en faisant peser sur le professionnel une obligation
gnrale dinformation , fournir au consommateur les renseignements
susceptibles de lui permettre , aux termes mmes de la loi, de faire un choix
rationnel compte tenu de ses besoins et de ses moyens7. La loi consacre ainsi
un titre linformation du consommateur et un chapitre lobligation gnrale
dinformation.A lobigation ngative des professionnels ( ne pas tromper)
sajoute dsormais une obligation positive ( informer)8. Comme il consacre
une srie dobligations informatives, avec grand luxe de dtail sur les
caractristiques des biens et services, sur les prix et les conditions de la vente,
et valorise les mentions obligatoires des contrats .Lobjectif tant, comme le
prcise la loi en matire dendettement par exemple, de permettre
lemprunteur dapprcier la nature et la porte de lengagement financier
auquel il peut souscrire et les conditions dexcution du contrat. Cette action
du lgislateur sur le contenu du contrat , paule par la menace de la sanction
pnale est plus utile, plus efficace , plus large et plus opportune que la
traditionnelle obligation dinformation qui avait t progressivement forge
par la jurisprudence.
La rflexion et encore plus la rtractation sont le complment de
linformation.Il ne sert pas grand chose dinformer si le consommateur na
pas la possibilit de rflchir sur les informations qui lui sont fournies et le cas
chant de se rtracter.La loi innove en ce domaine et autorise des
distinctions. Dans certains cas, le dlai de rflexion prcde lacceptation de
loffre. Ainsi en matire de crdit immobilier, lemprunteur ne peut acepter
loffre que dix jours aprs quil lait reu ( art 120) et un dlai de rflexion de
dix jours est accord lemprunteur pour les prts taux variables et ce
compter de la rception des informations mentionnes larticle 125.
En dautres, le lgislateur a consacr le droit de rtractatation, cest dire la
possibilit pour le consommateur de revenir sur sa dcision une fois le contrat
form et de manire unilatrale , aprs lacceptation de loffre sans avoir se
justifier ni payer de pnalits, (article 36 contrat conclu distance) ou dans
les crdits la consommation ou lemprunteur peut , dans un dlai de sept
jours compter de son acceptation de loffre revenir sur son engagement ( art
85) ou dans la pratique du dmarchage o dans le mme dlai, le
consommateur compter de la commande ou de lengagement dachat, peut
se rtracter. ( art 49).
7 Voir art.3 de la loi 31/08.
8 Calais-Auloy, J. Calais-Auloy, L'influence du droit de la consommation sur le droit civil des
contrats, op.cit.
4
Bien que limite et encadre par la loi, cette facult ,originale, ajoute au cas
classiques de rvocation unilatrale limitativement prvus par la thorie
gnrale des obligations.9
Le lgislateur et lquilibre contractuel
Qui dit contractuel ne dit plus aujourdhui forcment juste.On constate, avec
la loi 31/08, que le lgislateur ne se contente pas de protger le
consentement, il agit directement sur le contenu du contrat; il ragit contre
les risques dabus de nature perturber lquilibre du contrat au dtriment
des consommateurs en proposant , pour la premire fois, une rglementation
densemble des clauses abusives. Le contrat ne doit pas obliger uniquement
parce quil a t voulu et encore mois parce quune adhsion a permis sa
conclusion mais parce quil ralise un minimum de justice et dquilibre. Le
lgislateur agit sur le contenu du contrat de manire veiller ce que le
contrat noblige que sil est quilibr. Qui dit juste dit contractuel.
Le caractre abusif de la clause est rapprocher de la notion dabus de droit:
le professionnel abuse de la libert contractuelle en insrant unilatralement
dans le contrat des clauses dfavorables au consommateur, et que celui-ci ,
bien que nayant pas t victime dune altration de volont rpondant
strictement aux vices classiques du consentement, naurait normalement pas
accept ou aurait acept des conditions diffrentes, sil avait eu une relle
et entire capacit de discussion et de ngociation. La loi 31/08 est une
raction du lgislateur pour dpasser les limites de la thorie des vices du
consentement , les contraintes nes de la force obligatoire des conventions et
confrer aux juges la possibilit dagir sur les clauses abusives et rtablir
ainsi lquilibre rompu.Il ne la pas fait en consacrant le concept de contrat
dadhsion et en confrant au juge, linstar de nombreux droits, la
possibilit de rviser les clauses abusives ou den dispenser les parties
adhrentes sur la base de lquit10. Il la fait en dfinissant la clause abusive
et en en dressant une liste indicative, en amnageant sur le plan probatoire et
de linterprtation, des rgles en faveur du consommateur.Il la fait en
comptant essentiellement sur lintervention du juge.
La loi 31/08 a en effet dans son article 15 dfinit la clause abusive et en a
dress un liste indicative.
Dans les contrats conclus entre fournisseurs et consommateurs, est ainsi
considre comme abusive toute clause qui a pour objet ou pour effet de
9 Article 230 du DOC :
Les obligations contractuelles valablement formes tiennent lieu de la loi ceux qui les ont faites,
et ne peuvent tre rvoques que de leur consentement mutuel ou dans les cas prvus par la loi.
10 G. BERLIOZ, Le contrat dadhsion, Paris, L.G.D.J., 1973
5
10