Ce résumé décrit trois courts passages tirés d'un livre. Le premier passage parle d'une pastèque et de son apparence trompeuse. Le deuxième décrit un garçon lisant dans un bus. Le troisième raconte l'expérience de danser même si on ne sait pas danser.
Ce résumé décrit trois courts passages tirés d'un livre. Le premier passage parle d'une pastèque et de son apparence trompeuse. Le deuxième décrit un garçon lisant dans un bus. Le troisième raconte l'expérience de danser même si on ne sait pas danser.
Description originale:
extrait Les Eaux troubles du mojito de
Philippe Delerm
Ce résumé décrit trois courts passages tirés d'un livre. Le premier passage parle d'une pastèque et de son apparence trompeuse. Le deuxième décrit un garçon lisant dans un bus. Le troisième raconte l'expérience de danser même si on ne sait pas danser.
Ce résumé décrit trois courts passages tirés d'un livre. Le premier passage parle d'une pastèque et de son apparence trompeuse. Le deuxième décrit un garçon lisant dans un bus. Le troisième raconte l'expérience de danser même si on ne sait pas danser.
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Philippe Delerm
Les Eaux troubles
du mojito et autres belles raisons dhabiter sur terre
ditions du Seuil 25, bd Romain-Rolland, Paris XIVe
Le vrai bonheur serait de se souvenir du prsent.
Jules Renard, Journal, 9 octobre 1891
Le mensonge de la pastque
Elle est trop belle. trange. Est-ce quon la boit,
est-ce quon la mange ? Elle est comme une fausse piste du dsir. Le rouge-rose de cette chair meurtrie, vanescente et gorge deau, vient mourir en pleur maladive au bord de la solide corce vert profond. Au centre elle est si sombre, incruste de grains inquitants dun noir dbne, ppins ou fers de lance empoisonns. Comment peut-on tre si lourde de tant de rien impudent, magnifi ? Toujours ouverte sur les marchs de lt, la pastque sexhibe en recours absolu contre une soif qui jamais ne stanche. quoi bon lacheter ? On sent dj quelle se dissoudrait sur la langue, neige carlate bien trop tt fondue. La mangue et la goyave ont got de goyave et de mangue. La pastque na got de rien, et cest donc elle quon dsire en vain. Elle est la 9
perfection de son mensonge, et les marchands le
savent bien. Ils lexposent lcart, et connaissent son rle. Elle allume tous les regards, conjugue impudemment la moiteur, la fracheur, donne un peu de son insaisissable perfection aux fruits modestes qui lentourent. Elle se vend effrontment. On ne lachte pas, par peur du ridicule. On sait davance quon ne pourra la possder vraiment. Son got est transparent. Elle nest quun mirage de la chaleur et de lt.
Ses lvres bougent peine
On est avec lui dans le bus. Enfin, avec lui
Assis juste en face, il est ici, ailleurs, partout. Il a sept ans. Cours lmentaire premire anne. Cette anne, il sait vraiment lire. Tout lheure, peine sorti de la librairie, il sest empar de ce petit album dYvan Pommaux la couverture bleu lavande et il sy est aussitt embarqu, vaguement conscient de la ralit qui lentourait vitant les pitons un peu comme un skieur de slalom ferait pour les piquets. Souvent, en le croisant les gens souriaient, et on se sent plutt fier davoir pour petit-fils un dvoreur de livres. Maintenant, dans les soubresauts du trafic, on le regarde dans sa bulle, si loin, si prs. Ce qui est fascinant, cest limperceptible mouvement de ses lvres. Il ne fronce pas le front ni les sourcils. Mais il ne glisse pas encore sans effort sur la piste. 11
Il lui faut ce dchiffrage pas tout fait fluide,
sublim par lenvie, la passion, le dsir mouvant de possder ce monde o il veut svader. On est sr que si on lui lisait cette histoire il sourirait souvent. Mais il ne sourit pas. Son visage est pntr, si grave. Il cre ses propres terres daventure, le secret silencieux de son loignement. Ses lvres bougent. Il boit petits coups la magie difficile de lchappe. Cest un travail encore, et cest dj la libert. Il y a un code. On ne va pas le dranger avec un a te plat, cest bien ? . On sait quil ne faut pas brusquer lembarquement des somnambules. On ne veut pas non plus le ramener la ralit, la prsence dun grand-pre avec son petit-fils dans un autobus bond de fin daprs-midi. On vole de le regarder voler. On ne la jamais trouv si beau. Ses lvres bougent peine.
Danser sans savoir danser
Dans les ftes de province, pendant les vacances,
on faisait partie de ceux qui restaient rivs la table du caf de plein air, en bout de piste. On regardait les artistes du paso-doble et du rock and roll. On admirait leur aisance, leur pouvoir. On se sentait si amoureux, parce quon ne savait pas danser. Plus tard, on tait de ceux qui nallaient pas en bote. Et puis voil. La vie a pass. On se retrouve un mariage. En gnral, on trouve a ennuyeux, ces efforts de conversation avec les cousins de la marie quon ne reverra jamais. Alors quand la musique sinstalle, on choisit de danser. Danser, cest un grand mot. On bouge comme un ours. Mais ce nest pas grave. On a pass lge des susceptibilits. Chance, a commence par un twist. On peut jouer sur son insuffisance en deuxime degr, en pliant les genoux, avec un 13
mouvement des bras qui ne donne pas le change,
mais semble se moquer de toute une poque la ntre. Le problme, cest que juste ct des beaucoup plus jeunes matrisent idalement le twist, mais on nest pas dans la comptition. Une valse ! L aussi, on peut tournicoter avec un sourire ineffable. Alain Delon dans Le gupard. Mine de rien, on commence se sentir trangement bien, on entre dans la peau des personnages quon feint dimiter. Peu peu, on oublie le regard des autres. On ne parodie plus, le risque de ridicule semble seffacer. On se rconcilie avec son corps. On voit bien les gestes parfaits de ceux qui ont la vraie technique. Mais curieusement, on ne les envie pas. Ils ont toujours su danser, sans doute, et ne connaissent rien de la mlancolie de ne pas savoir. Cest tout fait bon de sentir que linfriorit devient supriorit. ne pas savoir danser, on sacralise la danse, on lui donne tout son pouvoir. Toutes les annes perdues en apparence font le bonheur prsent. Et lon se venge enfin du carcan de ladolescence.