Émile Nelligan Et Son Oeuvre PDF
Émile Nelligan Et Son Oeuvre PDF
Émile Nelligan Et Son Oeuvre PDF
Le salon
Le violon bris
Rondel ma pipe
Chopin
Hiver sentimental
Violon d'adieu
Mazurka
Frisson d'hiver
Soirs d'octobre
Virgiliennes
Automne
Nuit d't
Rve de Watteau
Tarentelle d'automne
Presque berger
Jardin sentimental
Les petits oiseaux
Violon de villannelle
Bergre
Eaux-Fortes Funraires
Les vieilles rues
Soirs d'automne
Les corbeaux
Le corbillard
Le perroquet
Banquet macabre
Confession nocturne
Le tombeau de la ngresse
Le cercueil
Petite Chapelle
Chapelle dans les Bois
Sainte Ccile
Billet Cleste
Rve d'une nuit d'hpital
Le clotre noir
Les communiantes
Les dicides
La mort du moine
Diptyque
Chapelle ruine
La rponse du crucifix
Les carmlites
Notre-Dame des Neiges
Prires du soir
Pastels et Porcelaines
Fantaisie crole
Les balsamines
Le roi du souper
Paysage fauve
ventail
l'antiquaire
Les camlias
Le saxe de famille
Le soulier de la morte
Vieille romanesque
Vieille armoire
Potiche
Vpres Tragiques
Musiques funbres
l'homme aux cercueils
Marches funbres
Le puits hant
l'idiote aux cloches
Le boeuf spectral
Tristia
Le lac
l'Ultimo angelo del Correggio
Nol de vieil artiste
La cloche dans la brume
Christ en croix
Srnade triste
Tristesse blanche
Roses d'octobre
Mon sabot de Nol
La passante
Sous les faunes
Tnbres
Le romance du vin
L'me du Pote
Mon me
Mon me a la candeur d'une chose toile,
D'une neige de fvrier...
Ah ! retournons au seuil de l'Enfance en-alle,
Viens-t-en prier...
Ma chre, joins tes doigts et pleure et rve et prie,
Comme tu faisais autrefois
Lorsqu'en ma chambre, aux soirs, vers la Vierge fleurie
Montait ta voix.
Ah ! la fatalit d'tre une me candide
En ce monde menteur, fltri, blas, pervers,
D'avoir une me ainsi qu'une neige aux hivers
Que jamais ne souilla la volupt sordide !
D'avoir l'me pareille de la mousseline
Que manie une soeur novice de couvent,
Ou comme un luth empli des musiques du vent
Qui chante et qui frmit le soir sur la colline !
D'avoir une me douce et mystiquement tendre,
Et cependant, toujours, de tous les maux souffrir,
Dans le regret de vivre et l'effroi de mourir,
Et d'esprer, de croire... et de toujours attendre !
Le vaisseau d'or
Ce fut un grand Vaisseau taill dans l'or massif:
Ses mts touchaient l'azur, sur des mers inconnues;
La Cyprine d'amour, cheveux pars, chairs nues,
S'talait sa proue, au soleil excessif.
Mais il vint une nuit frapper le grand cueil
Dans l'Ocan trompeur o chantait le Sirne,
Et le naufrage horrible inclina sa carne
Aux profondeurs du Gouffre, immuable cercueil.
Ce fut un Vaisseau d'or, dont les flancs diaphanes
Rvlaient des trsors que les marins profanes,
Dgot, Haine et Nvrose, entre eux ont disputs.
Que reste-t-il de lui dans la tempte brve ?
Qu'est devenu mon coeur, navire dsert ?
Hlas ! Il a sombr dans l'abme du Rve !...
Le Jardin de l'Enfance
Clavier d'antan
Clavier vibrant de remembrance,
J'voque un peu des jours anciens,
Et l'Eden d'or de mon enfance
Se dresse avec les printemps siens,
Souriant de vierge esprance
Et de rves musiciens...
Vous tes morte tristement,
Ma muse des choses dores,
Et c'est de vous qu'est mon tourment;
Et c'est pour vous que sont pleures
Au luth pre de votre amant
Tant de musiques plores.
Devant le feu
Par les hivers anciens, quand nous portions la robe,
Tout petits, frais, ross, tapageurs et joufflus,
Avec nos grands albums, hlas ! Que l'on n'a plus,
Comme on croyait dj possder tout le globe !
Assis en rond, le soir, au coin de feu, par groupes,
Image sur image, ainsi combien joyeux
Nous feuilletions, voyant, la gloire dans les yeux,
Passer de beaux dragons qui chevauchaient en troupes !
Je fus de ces heureux d'alors, mais aujourd'hui,
Les pieds sur les chenets, le front terne d'ennui,
Moi qui me sens toujours l'amertume dans l'me,
J'aperois dfiler, dans un album de flamme,
Ma jeunesse qui va, comme un soldat passant,
Au champ noir de la vie, arme au poing, toute en sang !
Premier remords
Au temps o je portais des habits de velours
Eparses sur mon col roulaient mes boucles brunes.
J'avais de grands yeux purs comme le clair des lunes;
Ds l'aube je partais, sac au dos, les pas lourds.
Mais en route aussitt je tramais des dtours,
Et, narguant les pions de mes jeunes rancunes,
Je montais l'assaut des pommes et des prunes
Dans les vergers bordant les murailles des cours.
Etant ainsi rest loin des autres lves,
Loin des bancs, tous un mois, vivre au gr des rves,
Un soir, la maison craintif comme j'entrais,
Devant le crucifix o sa lvre se colle
Ma mre tait en pleurs !... O mes ardents regrets !
Depuis, je fus toujours le premier l'cole.
Ma mre
Quelquefois sur ma tte elle met ses mains pures,
Blanches, ainsi que des frissons blancs de guipures.
Elle me baise au front, me parle tendrement,
D'une voix au son d'or mlancoliquement.
Elle a les yeux couleur de ma vague chimre,
O toute posie, toute extase, Mre !
A l'autel de ses pieds je l'honore en pleurant,
Je suis toujours petit pour elle, quoique grand.
Le talisman
Pour la lutte qui s'ouvre au seuil des mauvais jours
Ma mre m'a fait don d'un petit portrait d'elle,
Un gage auquel je suis rest depuis fidle
Et qu' mon cou suspend un cordon de velours.
"Sur l'autel de ton coeur(puisque la mort m'appelle)
Enfant je veillerai, m'a-t-elle dit, toujours.
Que ceci chasse au loin les funestes amours,
Comme un lampion d'or, gardien d'une chapelle"
Ah ! suis tranquille en les tnbres du cercueil !
Ce talisman sacr de ma jeunesse en deuil
Prservera ton fils des bras de la Luxure,
Tant j'aurais peur de voir un jour, sur ton portrait,
Couler de tes yeux doux les pleurs d'une blessure,
Mre ! dont je mourrais, plein d'ternel regret.
Le jardin d'antan
Rien n'est plus doux aussi que de s'en revenir
Comme aprs de longs ans d'absence,
Que de s'en revenir
Par le chemin du souvenir
Fleuri de lys d'innocence,
Au jardin de l,Enfance.
Au jardin clos, scell, dans le jardin muet
D'o s'enfuient les gaiets franches,
Notre jardin muet
Et la danse du menuet
Qu'autrefois menaient sous branches
Nos soeurs en robes blanches.
Aux soirs d'Avrils anciens, jetant des cris joyeux
Entremls de ritournelles,
Avec des lieds joyeux
Elles passaient, la gloire aux yeux,
Sous le frisson des tonnelles,
Comme en les villanelles.
Cependant que venaient, du fond de la villa,
Des accords de guitare ancienne,
De la vieille villa,
Et qui faisaient deviner l
Prs d'une obscure persienne,
Quelque musicienne.
Mais rien n'est plus amer que de penser aussi
A tant de choses ruines !
Ah ! de penser aussi,
Lorsque nous revenons ainsi
Par des sentes de fleurs fanes,
A nos jeunes annes.
Lorsque nous nous sentons nvross et vieillis,
Froisss, maltraits et sans armes,
Moroses et vieillis,
Et que, surnageant aux oublis,
S'eternise avec ses charmes
Notre jeunesses en larmes !
La fuite de l'enfance
Par les jardins anciens foulant la paix des cistes,
Nous revenons errer, comme deux spectres tristes,
Au seuil immacul de la Villa d'antan.
Gagnons les bords fans du Pass. Dans les rles
De sa joie il expire. Et vois comme pourtant
Il se dresse sublime en ses robes spectrales.
Ici sondons nos coeurs pavs de dsespoirs.
Sous les arbres cambrant leurs massifs torses noirs
Nous avons les Regrets pour mystrieux htes.
Et bien loin, par les soirs rvolus et latents,
Suivons l-bas, devers les idales ctes,
La fuite de l'Enfance au vaisseau des Vingt ans.
Ruines
Quelquefois je suis plein de grandes voix anciennes,
Et je revis un peu l'enfance en la villa;
Je me retrouve encore avec ce qui fut l
Quand le soir nous jetait de l'or par les persiennes.
Et dans mon me alors soudain je vous groupes
Mes soeurs cheveux blonds jouant prs des vieux
feux;
Autour d'elles le chat rde, le dos frileux,
Les regardant vtir, tonn, leurs poupes.
Ah ! la srnit des jours jamais beaux
Dont sont morts jamais les radieux flambeaux,
Qui ne brilleront plus qu'en flammes chimriques:
Puisque tout est dfunt, enclos dans le cercueil,
Puisque, sous les outils des noirs maons du Deuil,
S'croulent nos bonheurs comme des murs de briques !
Les angliques
Des soirs, j'errais en lande hors du hameau natal,
Perdu parmi l'orgueil serein des grands monts roses,
Et les Anges, flots de longs timbres moroses,
Ebranlaient les bourdons, au vent occidental,
Comme un berger-pote au coeur sentimental,
J'aspirais leur prire en l'arme des roses,
Pendant qu'aux ors mourants, mes troupeaux de
nvroses
Vagabondaient le long des forts de santal.
Ainsi, de par la vie o j'erre solitaire,
J'ai gard dans mon me un coin de vielle terre,
Paysage bloui des soirs que je revois;
Alors que dans ta lande intime, tu rappelles,
Mon coeur, ces angelus d'antan, fans, sans voix:
Tous ces oiseaux de bronze envols des chapelles !
Dans l'alle
Toi-mme, blouissant comme un soleil ancien
Les Regrets des solitudes roses,
Contemple le dgt du Parc magicien
O s'effeuillent, au pas du Soir musicien,
Des morts de camlias, de roses.
Revisitons le Faune la flte fragile
Prs des bassins au vaste soupir,
Et le banc o, le soir, comme un jeune Virgile,
Je venais clbrant sur mon thorbe agile
Ta prunelle au reflet de saphir.
La Nuit embrasse en paix morte les boulingrins,
Tissant nos douleurs aux ombres brunes,
Tissant tous nos ennuis, tissant tous nos chagrins,
Mon coeur, si peu quiet qu'on dirait que tu crains
Des fantmes d'anciennes lunes !
Foulons mystrieux la grande alle oblique;
L, peut-tre nos appels amis
Les Bonheurs dresseront leur front mlancolique,
Du tombeau de l'Enfance o pleure leur relique,
Au recul de nos ans endormis.
Le berceau de la muse
De mon berceau d'enfant j'ai fait l'autre berceau
O ma Muse s'endort dans des trilles d'oiseau,
Ma Muse en robe blanche, ma toute matresse !
Oyez nos baisers d,or aux grands soirs familiers...
Mais chut ! j'entends dj la mgre Dtresse
A notre seuil faisant craquer ses noirs souliers !
Amours d'lite
Rve d'artiste
Parfois j'ai le dsir d'une soeur bonne et tendre,
D'une soeur anglique au sourire discret:
Soeur qui m'enseignera doucement le secret
De prier comme il faut, d'esprer et d'attendre.
J'ai ce dsir trs pur d'une soeur ternelle,
D'une soeur d'amiti dans le rgne de l'Art,
Qui me saura veillant ma lampe trs tard
Et qui me couvrira des cieux de sa prunelle;
Qui me prendra les mains quelquefois dans les siennes
Et me chuchotera d'immaculs conseils,
Avec le charme ail des voix musiciennes.
Et pour qui je ferai, si j'aborde la gloire,
Fleurir tout un jardin de lys et de soleils
Dans l'azur d'un pome offert sa mmoire.
Caprice blanc
L'hiver, de son pinceau givr, barbouille aux vitres
Des pastels de jardins de roses en glaons.
Le froid pique de vif et relgue aux maisons
Milady, canaris et les jockos bltres.
Mais la petite Miss berline s'en va,
Dans son vitchoura blanc, une ombre de fourrures,
Bravant l'intemprie et les cres froidures,
Et plus d'un, la voir cheminer, la rva.
Ses deux chevaux sont blancs et sa voiture aussi,
Mens de front par un cockney, flegme sur sige.
Leurs sabots font des trous ronds et creux dans la neige;
Tout le ciel s'enfarine en un soir obscurci.
Elle a pass, Tournant sa prunelle cline
Vers moi. Pour complter alors l'immacul
De ce dcor en blanc, bouquet dissimul,
Je lui jetai mon coeur au fond de sa berline.
Placet
Reine, acquiescez-vous qu'une boucle dferle
Des lames des cheveux aux lames du ciseau,
Pour que j'y puisse humer un peu de chant d'oiseau,
Un peu de soir d'amour n de vos yeux de perle ?
Au bosquet de mon coeur, en des trilles de merle,
Votre me a fait chanter sa flte de roseau.
Reine, acquiescez-vous qu'une boucle dferle
Des lames des cheveux aux lames du ciseau ?
Fleur soyeuse aux parfums de rose, lis ou berle,
Je vous la remettrai, secrte comme un sceau,
Ft-ce en Eden, au jour que nous prendrons vaisseau
Sur la mer idale o l'ouragan se ferle.
Reine, acquiescez-vous qu'une boucle dferle ?
Le mai d'amour
Voici que verdit le printemps
O l'heure au coeur sonne vingt ans,
Larivarite et la la ri.
Voici que j'ai touch l'poque
O l'on est las d'habits en loque,
Au gentil sieur il faudra a
a
La la ri
Jeunes filles de bel humour,
Larivarite et la la ri.
Soyez blonde ou brune ou chtaine,
Ayez les yeux couleur lointaine
Larivarite et la la ri.
Des astres bleus, des perles roses,
Mais surtout, pas de voix moroses,
Belles de liesse, il faudra a
a
La la ri
Il faudra battre un coeur de joie
Tout plein de gat qui rougeoie,
Larivarite et la la ri.
Moi, j'ai rv de celle-l
Au coeur triste dans le gala,
Larivarite et la la ri.
Comme l'oiseau d'automne au bois
Ou le rythme du vieux hautbois,
Un coeur triste, il me faudra a
a
La la ri
Triste comme une main d'adieu
Et pur comme les yeux de Dieu,
Larivarite et la la ri.
Voici que vient l'amour de mai,
Vivez-le vite, le coeur gai,
Larivarite et la la ri.
Ils tombent tt les jours mchants,
Vous cesserez aussi vos chants;
Dans le cercueil il faudra a
a
La la ri
Belles de vingt ans au coeur d'or,
L'amour, sachez-le, tt s'endort,
Larivarite et la la ri.
La belle morte
Ah ! la belle morte, elle repose...
En Eden blanc son ange la pose.
Thme sentimental
Je t'ai vue un soir me sourire
Dans la plante des Bergers;
Tu descendais pas lgers
Du seuil d'un chteau de porphyre.
Et ton oeil de diamant rare
Eblouissait le rgne astral.
Femme, depuis, par mont ou val,
Femme, beau marbre de Carrare.
Ta voix me hante en sons chargs
De mystre et fait mon martyre,
Car toujours je te vois sourire
Dans la plante des Bergers.
Amour immacul
Je sais en une glise un vitrail merveilleux
O quelque artiste illustre, inspir des archanges,
A peint d'une faon mystique, en robe franges,
Le front nimb d'un astre, une Sainte aux yeux bleus.
Le soir, l'esprit hant de rves nbuleux
Et du cleste cho de rcitals tranges,
Je m'en viens l prier sous les lueurs oranges
De la lune qui luit entre ses blonds cheveux.
Telle sur le vitrail de mon coeur je t'ai peinte,
Ma romanesque aime, ple et blonde sainte,
Toi, la seule que j'aime et toujours aimerai;
Mais tu restes muette, impassible, et, trop fire,
Tu te plais me voir, sombre et dsespr,
Errer dans mon amour comme en un cimetire !
Le missel de la morte
Ce missel d'ivoire
Que tu m'as donn,
C'est au lys fan
Qu'est sa page noire.
O legs man
De pure mmoire
Quand tu m'as donn
Ce missel d'ivoire !
Ce missel d'ivoire !
Chteaux en Espagne
Je rve de marcher comme en conquistador,
Haussant mon labarum triomphal de victoire,
Plein de fiert farouche et de valeur notoire,
Vers des assauts de ville aux tours de bronze et d'or.
Comme un royal oiseau, vautour, aigle ou condor,
Je rve de planer au divin territoire,
De brler au soleil mes deux ailes de gloire
A vouloir drober le cleste Trsor.
Je ne suis hospodar, ni grand oiseau de proie;
A peine si je puis dans mon coeur qui guerroie
Soutenir le combat des vieux Anges impurs;
Et mes rves altiers fondent comme des cierges
Devant cette Ilion ternelle aux cent murs,
La ville de l'Amour imprenable des Vierges !
Chapelle de la morte
La chapelle ancienne est ferme,
Et je refoule pas discrets
Les dalles sonnant les regrets
De toute une re parfume.
Et je t'voque, bien-aime !
Epris de mystiques attraits:
La chapelle assume les traits
De ton me qu'elle a hume.
Ton corps fleurit dans l'autel seul,
Et la nef triste est le linceul
De gloire qui te vt entire;
Et dans le vitrail, tes grands yeux
M'illuminent ce cimetire
De doux cierges mystrieux.
Beaut cruelle
Certe, il ne faut avoir qu'un amour en ce monde,
Un amour, rien qu'un seul, tout fantasque soit-il;
Et moi qui le recherche ainsi, noble et subtil,
Voil qu'il m'est l'me une entaille profonde.
Elle est hautaine et belle, et moi timide et laid:
Je ne puis l'approcher qu'en des vapeurs de rve.
Malheureux ! Plus je vais, et plus elle s'lve
Et ddaigne mon coeur pour en oeil qui lui plat.
Voyez comme, pourtant, notre sort est trange !
Si nous eussions tous deux fait de figure change,
Comme elle m'et aim d'un amour sans pareil !
Et je l'eusse suivie, en vrai fou de Tolde,
Aux pays de la brume, aux landes du soleil,
Si le Ciel m'et fait beau, et qu'il l'et faite laide !
Rves enclos
Enfermons-nous mlancoliques
Dans le frisson tide des chambres,
O les pots de fleurs des septembres
Parfument comme des reliques.
Tes cheveux rappellent les ambres
Du chef des vierges catholiques
Aux vieux tableaux des basiliques,
Sur les ors charnels de tes membres.
Ton clair rire d'mail clate
Sur le vif crin carlate
O s'incrusta l'ennui de vivre.
Ah ! puisses-tu vers l'espoir calme
Faire surgir comme une palme
Mon coeur cristallis de givre !
Soir d'hiver
Ah ! comme la neige a neig !
Ma vitre est un jardin de givre.
Ah ! comme la neige a neig !
Qu'est-ce que le spasme de vivre
A la douleur que j'ai, que j'ai !
Tous les tangs gisent gels,
Mon me est noire: o vis-je ? O vais-je ?
Tous ses espoirs gisent gels:
Je suis la nouvelle Norwge
D'o les blonds ciels s'en sont alls.
Pleurez, oiseaux de fvrier,
Au sinistre frisson des choses,
Pleurez, oiseaux de fvrier,
Pleurez mes pleurs, pleurez mes roses,
Aux branches du genvrier.
Ah ! comme la neige a neig !
Ma vitre est un jardin de givre.
Ah ! comme la neige a neig !
Qu'est-ce que le spasme de vivre
A tout l'ennui que j'ai, que j'ai !...
Five O'clock
Comme Litz se dit triste au piano voisin !
.................................................
Le givre a cisel de fins vases fantasques,
Bijoux d'orfvrerie, orgueils de Cellini,
Aux vitres du boudoir dont l'embrouillamini
Dsespre nos yeux de ses folles bourrasques.
Gretchen la ple
Elle est de la beaut des profils de Rubens
Dont la majest calme la sienne s'incline.
Sa voix a le son d'or de mainte mandoline
Aux balcons de Venise avec des chants lambins.
Lied fantasque
Casqus de leurs shakos de riz,
Vieux de la vieille au mousquet noir,
Les hauts toits, dans l'hivernal soir,
Montent la consigne Paris.
Les spectres sur le promenoir
S'battent en dfils gris.
Restons en intime pourpris,
Comme cela, sans dire ou voir....
Pose immobile la guitare,
Gretchen, ne distrait le bizarre
Rveur sous l'ivresse qui plie.
Je voudrais cueillir une une
Dans tes prunelles clair-de-lune
Les roses de ta Westphalie.
Le salon
La poussire s'tend surtout le mobilier,
Les miroirs de Venise ont dfleuri leur charme;
Il y rde comme un trs vieux parfum de Parme,
La funbre douceur d'un sachet familier.
Le violon bris
Reine, acquiescez-vous qu'une boucle dferle
Des lames des cheveux aux lames du ciseau,
Pour que j'y puisse humer un peu de chant d'oiseau,
Un peu de soir d'amour n de vos yeux de perle ?
Au bosquet de mon coeur, en des trilles de merle,
Votre me a fait chanter sa flte de roseau.
Reine, acquiescez-vous qu'une boucle dferle
Des lames des cheveux aux lames du ciseau ?
Fleur soyeuse aux parfums de rose, lis ou berle,
Je vous la remettrai, secrte comme un sceau,
Ft-ce en Eden, au jour que nous prendrons vaisseau
Sur la mer idale o l'ouragan se ferle.
Reine, acquiescez-vous qu'une boucle dferle ?
Rondel ma pipe
Les pieds sur les chenets de fer
Devant un bock, ma bonne pipe,
Selon notre amical principe
Rvons deux, ce soir d'hiver.
Chopin
Fais, au blanc frisson de tes doigts,
Gmir encore, ma matresse !
Cette marche dont la caresse
Jadis extasia les rois.
Sous les lustres aux prismes froids,
Donne ce coeur sa morne ivresse,
Aux soirs de funbre paresse
Couls dans ton boudoir hongrois.
Que ton piano vibre et pleure,
Et que j'oublie avec toi l'heure
Dans un Eden, on ne sait o...
Oh ! Fais n peu que je comprenne
Cette me aux sons noirs qui m'entrane
Et m'a rendu malade et fou !
Hiver sentimental
Loin de vitres ! Clairs yeux dont je bois les liqueurs
Et ne vus souillez pas contempler les plbes.
Des gels norvgiens mtallisent les glbes,
Que le froid des hivers nous rchauffe les coeurs !
Tels des guerriers pleurant les ruines de Thbes,
Ma mie, ainsi toujours courtisons nos rancoeurs,
Et, ddaignant la vie aux chants sophistiqueurs,
Laissons le bon Trpas nous conduire aux Erbes.
Tu nous visiteras comme un spectre de givre;
Nous ne serons pas vieux, mais dj las de vivre
Mort ! Que ne nous prends-tu par telle aprs-midi.
Languides au divan, bercs par sa guitare,
Dont les motifs rveurs, en un rythme assourdi,
Scandent nos ennuis lourds sur la valse tartare !
Violon d'adieu
Vous jouiez Mendelssohn ce soir-l; les flammches
Valsaient dans l'tre clair, cependant qu'au salon
Un abat-jour mlait en ondulement long
Ses rves de lumire au chtain de nos mches.
Et tristes, comme un bruit frissonnant de fleurs sches
Eparses dans le vent vespral du vallon,
Les notes sanglotaient sur votre violon
Et chaque coup d'archet trouait mon coeur de brches.
Or, devant qu'il se ft fait tard, je vous quittai,
Mais jusqu' l'aube errant, seul, morose, attrist,
Contant ma jeune peine au lunaire mystre,
Je sentais remonter comme d'amers parfums
Ces musiques d'adieu qui scellaient sous la terre
Et mon rve d'amour et mes espoirs dfunts.
Mazurka
Rien ne captive autant que ce particulier
Charme de la musique o ma langueur s'adore,
Quand je poursuis, aux soirs, le reflet que mordore
Maint lustre au tapis vert du salon familier.
Que j'aime entendre alors, plein de deuil singulier,
Monter du piano, comme d'une mandore,
Le rythme somnolent o ma nvrose odore
Son spasme funraire et cherche s'oublier !
Gouffre intellectuel, ouvre-toi, large et sombre,
Malgr que toute joie en ta tristesse sombre,
J'y peux trouver encor comme un reste d'oubli.
Si mon me se perd dans les gammes tranges
De ce otif en deuil que Chopin a poli
Sur un rythme inquiet appris des noirs Archanges.
Frisson d'hiver
Les becs de gaz sont presque clos:
Chauffe mon coeur dont les sanglots
S'panchent dans ton coeur par flots,
Gretchen !
Soirs d'octobre
--Oui, je souffre, ces soirs, dmons mornes, chers
Saints.
--On est ainsi toujours au soupon des Toussaints.
--Mon me se fait dune funbres hantises.
--Ah ! Donne-moi ton front, que je calme tes crises.
Virgiliennes
Automne
Comme la lande est riche aux heure empourpres,
Quand les cadrans du ciel ont sonn les vespres !
Quels longs effeuillements d'angelus par les chnes !
Quels suaves appels des chapelles prochaines !
L-bas, groupes meuglants de grands boeufs aux yeux
(glauques
Vont mens par des gars aux bruyants soliloques.
La poussire dferle en avalanches grises
Pleines du chaud relent des vignes et des brises.
Un silence a plu dans les solitudes proches:
Des Sylphes ont cueilli le parfum mort des cloches.
Quelle mlancolie ! Octobre, octobre en voie !
Watteau ! que je vous aime, Autran, Millevoye !
Nuit d't
Le violon, d'un chant trs profond de tristesse,
Remplit la douce nuit, se mle au sondes cors;
Les Sylphes vont pleurant comme une me en dtresse
Et les coeurs des grands ils ont des plaintes de morts.
Rve de Watteau
Quand les pastours, aux soirs des crpuscules roux
Menant leurs grands boucs noirs au rles d'or des fltes,
Vers le hameau natal, de par del les buttes,
S'en revenaient, le long des champs piqus de houx;
Tarentelle d'automne
Vois-tu prs des cohortes bovines
Choir les feuilles dans les ravines,
Dans les ravines ?
Au clair de lune.
On dirait que chaque arbre divorce
Avec sa feuille et son corce,
Sa vieille corce.
Presque berger
Les Brises ont brui comme des litanies
Et la flte s'exile en molles aphonies.
Les grands boeufs sont rentrs. Ils meuglent dans
l'table
Et la soupe qui fume a rjoui la table.
Fais ta prire, Pan ! Allons au lit, mioche,
Que les bras travailleurs se calment de la pioche.
Jardin sentimental
L, nous nous attardions aux nocturnes tombes,
Cependant qu'alentour un vol de scarabes
Nous blouissait d'or sous les lueurs plombes.
De grands chevaux de pourpre erraient, sanguinolents,
Par les clestes turfs, et je tenais, tremblants,
Tes doigts entre mes mains, comme un nid d'oiseaux
(blancs.
Or, tous deux, souriant l'toile du soir,
Nous sentions se lever des lumire d'espoir
En notre me ferme ainsi qu'un donjon noir.
Le vieux perron croulant parmi l'effroi des lierres,
Nous parlait des autans qui chantaient dans les pierres
De la vieille demeure aux grilles familires.
Puis l'Angelus, devers les chapelles prochaines,
Tintait d'une voix grle, et, sans rompre les chanes,
Nous allions dans la Nuit qui priait sous les chnes.
Foulant les touffes d'herbe o cri-cri se perd,
Invisibles, au loin, dans un grand vaisseau vert,
Nous rvions de monter aux astres de Vesper.
Du Paradis !
Violon de villannelle
Sous le clair de lune au frais du vallon,
Beaux gars chefs bruns, belles chef blond,
Au son du hautbois ou du violon
Dansez la villanelle.
La lande est noye en des parfums bons.
Attisez la joie au feu des charbons;
Allez-y gaiement, allez-y par bonds,
Dansez la villanelle.
Sur un banc de chne ils sont l, les vieux,
Vous suivant avec des pleurs dans les yeux,
Lorsqu'en les frlant vous passez joyeux...
Dansez la villanelle.
Allez-y gaiement ! Que l'orbe d'argent
Croisse sur vos fronts son reflet changeant;
Bien avant dans la nuit, la Saint-Jean
Dansez la villanelle !
Bergre
Vous que j'aimai sous les grands houx,
Aux soirs de bohme champtre,
Bergre, la mode champtre,
De ces soirs vous souvenez-vous ?
Vous tiez l'astre ma fentre
Et l'toile d'or dans les houx.
Eaux-Fortes Funraires
Soirs d'automne
Voici que la tulipe et voil que les roses,
Sous les gestes massifs des bronzes et des marbres,
Dans le Parc o l'Amour foltre sous les arbres,
Chantent dans les longs soirs monotones et roses.
Dans les soirs a chant la gat des parterres
O danse un clair de lune en des poses obliques,
Et de grands souffles vont, lourds et mlancoliques,
Troubler le rve blanc des oiseaux solitaires.
Voici que la tulipe et voil que les roses
Et les lys cristallins, pourprs de crpuscule,
Rayonnent tristement au soleil qui recule,
Emportant la douleur des btes et des choses.
Et mon amour meurtri, comme une chair qui saigne,
Repose sa blessure et calme ses nvroses.
Et voici que les lys, la tulipe et les roses
Pleurent les souvenirs o mon me se baigne.
Les corbeaux
J'ai cru voir sur mon coeur un essaim de corbeaux
En pleine lande intime avec des vols funbres,
De grands corbeaux venus de montagnes clbres
Et qui passaient au clair de lune et de flambeaux.
Lugubrement, comme en cercle sur des tombeaux
Et flairant un rgal de carcasses de zbres,
Ils planaient au frisson glac de nos tnbres,
Agitant leurs becs une chair en lambeaux.
Or ,cette proie chue ces dmons des nuits
N'tait autre que ma Vie en loque, aux ennuis
Vastes qui tournant sur elle ainsi toujours
Dchirant larges coups de bec, sans quartier,
Mon me, une charogne parse au champ des jours,
Que ces vieux corbeaux dvoreront en entier.
Le corbillard
Par des temps de brouillard, de vent froid et de pluie,
Quand l'azur a vtu comme un manteau de suie,
Ftes des anges noirs ! dans l'aprs-midi, tard,
Comme il est douloureux de voir un corbillard,
Tran par des chevaux funbres, en automne,
S'en aller cahotant au chemin monotone,
L-bas vers quelque gris cimetire perdu,
Qui lui-mme, comme un grand mort, gt tendu !
L'on salue, et l'on est pensif au son des cloches
Elgiaquement dnonant les approches
D'un aprs-midi tel aux rves du trpas.
Alors nous croyons voir, ralentissant nos pas,
A travers des jardins rouills de feuilles mortes,
Pendant que le vent tord des crpes nos portes,
Sortir de nos maisons, comme des coeurs en deuil,
Notre propre cadavre enclos dans le cercueil.
Le perroquet
Aux jours de sa vieille dtresse
Elle avait, la pauvre ngresse,
Gard cet oiseau d'allgresse.
Banquet macabre
A la sant du rire ! Et j'lve ma coupe,
Et je bois follement comme un rapin joyeux.
O le rire ! Ha ! ha ! ha ! qui met la flamme aux yeux,
Ce vaisseau d'or qui glisse avec l'amour en poupe !
Confession nocturne
Prtre, je suis hant, c'est la nuit dans la ville,
Mon me est le donjon des mortels pchs noirs,
Il pleut une tristesse horrible aux promenoirs
Et personne ne vient de la plbe servile.
Le tombeau de la ngresse
Alors qu'il nous et fui le grand vent des hivers,
Aux derniers ciels plis de mars, nous la menmes
Dans le hallier funbre aux odeurs de cinnames,
O germaient les soupons de nouveaux plants rouverts.
Le cercueil
Au jour ou mon aeul fut pris de lthargie,
Par mgarde on avait apport son cercueil;
Dj l'tui des morts s'ouvrait pour son accueil,
Quand son me soudain ralluma sa bougie.
Petite Chapelle
Sainte Ccile
La belle Sainte au fond des cieux
Mne l'orchestre archanglique,
Dans la lointaine basilique
Dont la splendeur hante mes yeux.
Billet Cleste
Plein de spleen nostalgique et de rves tranges,
Un soir je m'en allai chez la Sainte adore,
O se donnait, dans la salle de l'Empyre,
Pour la fte du Ciel,le rcital des anges.
Le clotre noir
Ils dfilent au chant touff des sandales,
Le chef bas, grenant de massifs chapelets,
Et le soir qui s'en vient, du sang de ses reflets
Mordore la splendeur funraire des dalles.
Ils s'effacent soudain, comme en de noirs ddales,
Au fond des corridors pleins de pourpres relais
O de grands anges peints aux vitraux verdelets
Interdissent l'entre aux terrestres scandales.
Leur visage est funbre, et dans leurs yeux sereins
Comme les horizons vastes des cieux marins,
Flambe l'austrit des froides habitudes.
La lumire cleste emplit leur large esprit,
Car l'Espoir triomphant creusa les solitudes
De ces silencieux spectres de Jsus-Christ.
Les communiantes
Calmes, elles s'en vont, dfilant aux alles
De la chapelle en fleurs, et je les suis des yeux,
Religieusement joignant mes doigts pieux,
Plein de l'ardent regret des ferveurs en alles.
Voici qu'elles se sont toutes agenouilles
Au mystique repas qui leur descend des cieux,
Devant l'autel piqu de flamboiements joyeux
Et d'une floraison de fleurs immacules.
Leur sraphique ardeur fut si lente finir
Que tout l'heure encore, les voir revenir
De l'agape cleste au divin rfectoire,
Je crus qu'elles allaient vraiment prendre l'essor,
Comme si, se glissant sous leurs voiles de gloire,
Un ange leur avait pos des ailes d'or.
Les dicides
Ils taient l, les Juifs, les tueurs de prophtes,
Quand le sanglant Messie expirait sur la croix;
Ils taient l, railleurs et bourreaux la fois;
Et Sion son crime entremlait des ftes.
Or, voici que soudain, sous le vent des temptes,
Se dchira le voile arrach des parois.
Les Maudits prirent fuite: on et dit que le poids
De leur forfait divin s'coulait sur leurs ttes.
Depuis, de par la terre, en hordes de damns,
Comme des chiens errants, ils s'en vont, condamns
Au remords ternel de leur race fltrie.
Trouvant partout, le long de leur pre chemin,
Le mpris pour piti, les ghettos pour patrie,
Pour aumne l'affront lorsqu'ils tendront la main.
D'autres sont l, pareils ces immondes hordes,
Ecrasant le Sauveur sous des monts de dfis,
Alors qu'Il tend vers eux, du haut des crucifix,
Ses yeux grands bras de bronze en sublimes exordes.
Ecumant du venin des haineuses discordes
Et crachant un blasphme au Pain que tu leur fis,
Ils passent. Or, ceux-l, mon Dieu, qu'on dit tes fils,
Te hachent grands coups de symboliques cordes.
Aussi, de par l'horreur des infinis exils,
Lamentables troupeaux, ces sacrilges vils
S,en iront, fous de honte, aux nuits blasphmatoires,
Alors que sur leur front, mystrieux croissant,
Luira, comme un blason de leurs tortures noires,
Le stigmate ternel de quelque hostie en sang.
La mort du moine
Voici venir les tristes frres
Vers la cellule o tu te meurs.
Ton esprit est plein de clameurs
Et de musiques funraires.
Apportez-lui le Viatique.
Saint Bndict, aidez sa mort !
Bien que faible, faites-le fort
Sous votre sainte gide antique.
Ainsi soit-il au coeur de Dieu !
Clment , dis un riant adieu
Aux lien impurs de cette terre.
Et pars, rentre dans ton Espoir.
Que les bronzes du monastre
Sonnent ton me au ciel ce soir !
Diptyque
En une trs vieille chapelle
Je sais un diptyque flamand
O Jsus, prs de sa maman,
Creuse le sable aves sa pelle.
Non peint par Rubens ou Membling,
Mais digne de leurs galeries;
La Vierge, en blanches draperies,
Au rouet blanc file son lin.
La pelle verdelette peinte
Scintille aux mains grles de Dieu;
Le soleil brle un rouge adieu
L-bas, devers Sion la sainte.
Le jeune enfant devant la hutte
Du charpentier de Nazareth
Entasse un amas qu'on dirait
Etre l'assise d'une butte.
Jsus en jouant s'est sali;
Ses doigts sont tachets de boue,
Et le travail sur chaque joue,
A mis comme un rayon pli.
Quelle est cette tche svre
Que Jsus si prcoce apprit ?
Posait-il donc en son esprit
Les bases d'un futur Calvaire ?
Chapelle ruine
Et je retourne encor frileux, au jet des bruines,
Par les dlabrements du parc d'octobre. Au bout
De l'alle o se voit ce grand Jsus debout,
Se massent des soupons de chapelle en ruines.
Je refoule, parmi viornes, viprines,
Rveur, le sol d'antan o gte le hibou;
L'Erable sous le vent se tord comme un bambou,
Et je sens se briser mon coeur dans ma poitrine.
Cloches des ges morts sonnant timbres noirs
Et les tristesses d'or, les mornes dsespoirs,
Ports par un parjure que le rve rappelle,
Ah ! comme, les genoux figs au vieux portail,
Je pleure ces dbris de petite chapelle...
Au mur croulant, fleuri d'un reste de vitrail !
La rponse du crucifix
En expirant sur l'arbre affreux du Golgotha,
De quel regret ton me, Christ, fut-elle pleine ?
Etait-ce de laisser Marie et Madeleine
Et les autres, au roc o la Croix se planta ?
Quand le funbre choeur sans Toi se lamenta,
Et que les clous crispaient tes mains; quand, par la
plaine,
Ton me et dispers la fleur de son haleine,
Devanant ton essor vers le cleste Etat;
Quel fut ce grand soupir de tristesse infinie
Qui s'exhala de toi lorsque, l'oeuvre finie,
Tu t'apprtais enfin regagner le But ?
Me dvoileras-tu cet intime mystre ?
--Ce fut de ne pouvoir, jeune homme, le fiel bu,
serrer contre mon coeur mes bourreaux sur la Terre !
Les carmlites
Parmi l'ombre du clotre elles vont solennelles,
Et leurs pas font courir un frisson sur les dalles,
Cependant que du bruit funbre des sandales
Monte un peu la rumeur chaste qui chante en elles.
Sa France et sa Ville-Marie...
Prires du soir
Lorsque tout bruit tait muet dans la maison,
Et que mes soeurs dormaient dans les poses lasses
Aux fauteuils anciens d'aeules trpasses,
Et que rien ne troublait le tacite frisson,
Pastels et Porcelaines
Fantaisie crole
Or, la pourpre vt la vranda rose
Au motif clin d'une mandoline,
En des sangs de soir, aux encens de rose,
Or, la pourpre vt la vranda rose.
Parmi les eaux d'or des vases d'Egypte,
Se fannent en bleu, sous les zphirs tristes,
Des plants odorants qui trouvent leur crypte
Parmi les eaux d'or des vases d'Egypte.
La musique embaume et l'oiseau s'en grise;
Les cieux ont men leurs valses astrales;
La Tendresse passe aux bras de la brise;
La musique embaume, et l'me s'en grise.
Et la pourpre vt la vranda rose,
Et dans l'Eden de sa Louisiane,
Parmi le silence, aux encens de rose,
La crole dort en un hamac rose.
Les balsamines
En un fauteuil sculpt de son salon ducal,
La noble Viennoise, en gaze violette,
De ses doigts ivoirins, pieusement feuillette.
Le vlin s'limant d'un missel monacal.
Le roi du souper
Grave en habit luisant, un grand ngre courb,
Va, vient de tous cts pas vifs d'estafette:
Le paon truff qui fume envole une bouffette
Du clair plateau d'argent jusqu'au plafond bomb.
Paysage fauve
Les arbres comme autant de vieillards rachitiques,
Flanqus vers l'horizon sur les escarpements,
Tordent de dsespoir leurs torses fantastiques,
Ainsi que des damns sous le fouet des tourments.
ventail
Dans le salon ancien guipure fane
O fleurit le brocat des sophas de Niphon,
Tout peint de grands lys d'or, ce glorieux chiffon
Survit aux bals dfunts des dames de ligne.
l'antiquaire
Entre ses doigts osseux roulant une ample bague,
L'antiquaire, vieux Juif d'Alger ou de Maroc,
Orfvre, bijoutier, damasquineur d'estoc,
Au fond de la boutique erre, pause et divague.
Les camlias
Dans le boudoir tendu de choses de Malines
Tout est dsert ce soir, Emmeline est au bal.
Le saxe de famille
Donc, ta voix de bronze est teinte:
Te voil muet jamais !
L'heure plus ne vibre ou ne tinte
Dans la grand'salle que j'aimais,
Le soulier de la morte
Ce frle soulier gris et or,
Aux boucles de soie enbaume,
Tel un mystrieux came,
Entre mes mains, ce soir, il dort.
Vieille romanesque
Prs de ses pots de fleurs, l'abri des frimas,
Assise la fentre, et serrant autour d'elle
Son chle japonais, Mademoiselle Adle
Comme vingt ans savoure un roman de Dumas.
Vieille armoire
Dors, fouillis vnr de vieilles porcelaines
Froides comme des yeux de morts, tous clos, tous froids,
Services du Japon qui disent l'autrefois
De maints riches repas de belles chtelaines !
Potiche
C'est un vase d'Egypte riche ciselure,
O sont peints des sphinx bleus et des lions ambrs:
De profil on y voit, souple, les reins cambrs,
Une immobile Isis tordant sa chevelure.
Vpres Tragiques
Musiques funbres
Quand, rvant de la morte et du boudoir absent,
Je me sens tenaill des fatigues physiques,
Assis au fauteuil noir, prs de mon chat persan,
J'aime m'inoculer de bizarres musiques,
Sous les lustres dont les toiles vont versant
Leur sympathie au deuil des rve lthargiques.
Marches funbres
J'coute en moi des voix funbres
Clamer transcendentalement,
Quand sur un motif allemand
Se rythment ces marches clbres.
Le puits hant
Dans le puits noir que tu vois l
Gt la source de tout ce drame.
Aux vents du soir le cerf qui brame
Parmi les bois conte cela.
Le boeuf spectral
Le grand boeuf roux aux cornes glauques
Hante l-bas la paix des champs,
Et va meuglant dans les couchants
Horriblement les rles rauques
Tristia
Le lac
Remmore, mon coeur, devant l'onde qui fuit
De ce lac solennel, sous l'or de la vespre,
Ce couple malheureux dont la barque plore
Y vint sombrer avec leurs amour, une nuit.
Et sa filiale prire
Christ en croix
Je remarquais toujours ce grand Jsus de pltre
Dress comme un pardon au seuil du vieux couvent,
Echafaud solennel geste noir, devant
Lequel je me courbais, saintement idoltre.
Srnade triste
Comme des larmes d'or qui de mon coeur s'gouttent,
Feuilles de mes bonheurs, vous tombez toutes, toutes.
Tristesse blanche
Et nos coeurs sont profonds et vides comme un gouffre,
Ma chre, allons-nous-en, tu souffres et je souffre.
Roses d'octobre
Pour ne pas voir choir les roses d'automne,
Clotre ton coeur mort en on coeur tu.
Vers des soirs souffrants mon deuil s'est ru,
Paralllement au mois monotone.
II
La passante
Hier, j'ai vu passer, comme une ombre qu'on plaint,
En un grand parc obscur, une femme voile:
Funbre et singulire, elle s'en est alle,
Reclant sa fiert sous son masque opalin.
Tnbres
La tristesse a jet sur mon coeur ses longs voiles
Et les croassements de ses corbeaux latents;
Et je rve toujours au vaisseau des vingt ans,
Depuis qu'il a sombr dans la mer des Etoiles.
Le romance du vin
Tout se mle en un vif clat de gat verte.
O le beau soir de mai ! Tous les oiseaux en choeur,
Ainsi que les espoirs nagures mon coeur,
Modulent leur prlude ma croise ouverte.