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ETOILES ET CONSTELLATIONS CHEZ LES NOMADES
Edmond Bemus et Ehya ag-Sidiyene!,
Hommes, craignez le Tres Haut...
cau dessus de vous, Ha cr66 la lune e
les étoiles,,.2
Etoiles ct constellations’ sont bien connues des nomades qui traversent le
4ésert, comme des marins qui Voguent sur Tocéan : le ciel limpide constitue
tune carte qu'ls savent lire lorsque la nuit est venue et que sur le Sol, ou sur la
‘mer, ne sinscrit aucune marque susceptible de les orienter. "Cest Iui qui,
‘POUT vous, fit es Gtoiles ain que vous vous dirigiez sur elles dans les ténebres
de Ja terre ferme et de la mer." (Coran, Sourate V1, 97).
Cette connaissance empirique fut, pour beaucoup de peuples, un savoir
transmis oralement dans Is but de trouver sa route et de reconnaftce les signes
annonciateurs des suisons. "Le lever et le coucher de cettaines étoiles étaient
Iks signes avant-coureurs des temmpetes ou au congraire des venls favorubles ct
des mers calmes. Les étailes annongaient aussi aux paysans et aux bergers
approche du moment propice aux semailles ct la moisson..." (Klepesta et
Rukl, 1968 : 8),
Le proverbe touareg (W] suivant monte que tes étoiles, selon la date ct
Vheure de leur apparition ei de leur dispartion, donnett aux hommes le signal
du changement atmosphérique et des dispositions quil convient de prendre
Dour se protéger des rigucurs du temps.
shat atid as udanit/ tokayigh, tagmayigh anwar digh tasassagh / les
Piéiades quand elles torabent / nu nes pas endormi, tu cherches Toutre pour
boire/
1. Ehys ag-Siiyene a dh pubié dans coi rove sous le nom de Elchya agg-Albostan ag:
‘Siaiyan, Ia gréfré simplifer gon nor pour le rapprocher de elui gui gure sux voa fat vl
2. (Fovewid, Ch. de, 19251, 398-5)
3. Laddocumentation «61 recuslie xu le rain chot Le USbikkin (Jwellemunedcn Kel
Derneg) par Edmond Berns t dans ZAdgigh des Iogtas par Bhya ap-Siiene. Lergice des
des sources est indiquie por Le code suivant
OW]: Teellemreden Kel Deoneg |
(DJ: Adghagh des Loghas;
(har:
([H}: Abaggue ot agin,2 Eitmond Bera et Bhya ag Sidiyene
asdogmidnt: —_| tokayiigh, tagmayaghtabrogtalsegh
‘quand elles sortent/1u-veilles, tu cherches une couverture pour te vet /
‘Traduction libre : A la chute vespérale des Pléiades, sois vigilant, nloublie
‘pas ton outre (Fin avril, mai) ; 2 leur lever matinal, ne Vendors pas, prends 12
couverture (vers juille).
Les Piéiades,lorsqu'elles tombent A fouest au coucher du soleil, annoncent
1a chaleur et 1 soif qui demandent de ne pas se séparer de san outre : les
orages menacent ct les pluies ne donnent que quelques gouttes (imeftawanan-
“shti-abid, les lames des Piéiades) ; lorsqu‘lles apparaissent & Test au lever
Gu jour, clest la frafcheur du début des pluies et i faut se moni d'une
couiverture. Les Touaregs connaissent le cel et Je mouvement des étoiles.
comme bien dauires peuples daujourd'hui ow du passé, tcls ceux de
Amérique précolombienne : “Par les Chroniqueurs nous savons que les
‘Chime réglaient leur année sur les Piades et que les ineas observaient la Tune
tes 6tolles dans le but détablirun calendrier.” (Reichlen, 1963 :1, 90.)
Les étoiles permettent done de se repérer dans Tespace et dans Je temps :
alles donnent & Thomme isolé dans un univers monotone, oi les themes du
relief se répbient 8 Finfni, 02 la végétation ne forme souvent qu'une éphiémere
verdure, o0 tes traces de /tomme sont rares, 1a possibilité de se situcs, de se
retrouver, de organiser. Ce savoir empirique ne s'accommpagne pas dune
connaissance du mécanisme du mouvement célests :1é nome, sl ignore 1a
rotation d'ouest en est de la terre autour de son axe polaire, de meme que la
«volution de la terre autour du soleil, constate que cerzins astres ont un lever
‘tun coucher, comme la Grande Ourse, qui nest pas comme sous ls latitudes
‘empéréea une “constellation circumpolaite” toujours visible.
Sans comprendre les causes de ces mouvements, le nomade ntilise ses
observations pour établir un calendticr sur un cycle annuel ct pour connafire si
Je retour de Thumide, du sec, du chaud et du froid est arrivé au moment
altendv, Car il sait que ces éKéments se suecédent pour donner des saisons et
aussi se combinent avec subiiité pour former des intersaisons qui possédent
des ceratéristiques de Ia écédente saison, peu A peu remplacées pat celles de
Ja suivante. Parle lever et le coucher des étoies, par leur apparition et leut
disparition, il posstde un calendrier pastoral vivant lui pormettant de
reconnalire les anomalies du temps : pluies top précoces ou. Lop tardives,
pluies mal venues ou absentes, vent de sable persistant ou vent humide
inattenda, Cest ainsi que les dictons, proverbes et devinertes citées,
rémoignent de cette connivence avec des astres qui dialoguent entre eux,
‘chacun se situant par rapport 2 cette saison des pluies. avant, pendant ou
aprts, car Cest fa période clef du calendrier pastoral, oD tout est joue jusqu’a
Vannée suivante.Etoiles et Constellations chet les nomades 18
1 — Les étoiles citées
Les éioiles constituent avant tout une multitude de points brillants, qui
échappe & tout dénombrement, comme un troupeau dont un berger ne peut
donner Ie compte exact, méme s'il pergoit immédiatement absence d'un
animal. Citons deux devinettes :
asian, niastan | on-lilmen-inaggotnen]
devinez, deviner /les chamelles de moi nombreuses /
Yimalin-Esnatayyandégh J maimos ?tallitd-stran,
Yéialon dees unique /qu’estce que Cest ? La hune et les étoiles.
‘Traduction libre : devinez, devinez, mes chamelles sont innombrables, leur
étalon est unique, qulest-ce que c'est ? La june et les étoiles.
ow encore :
imislan,miasan | om-tanzant-inonfuelithar Agadaz /
devine, devinez / le haricot de moi dispersé jusqu’a Agadez /
‘a mos ? fran,
‘quest-ce-que cest ? / Les etviles.
‘Traduction libre : devinez, devinez, mes haricots répandus jusqu’a Agadez,
quest-ce que cest ? Les étoiles.
Ces dtoiles, semées comme des haricots dans le ciel en direction d'Agadez,
montrent aux Iwellemmedan Kel Denneg la route des rezz0us passés ou
aujourd'hui encore la direction de la “cure salée” estivale ; mais ne seraient-
elles pas une menace si elles n’entraient pas dans la création divine et son
ordre?
mislan,misian_ | kundiba Massi-flsgh { anghin andigh/
devinez, devinez / si ce n'est. / elles tent nous /
ma imos ? fran,
quest-ce que c'est ?/ Les étoiles,
Traduction libre : devinez, devinez, si Dieu n'existait pas, elles nous
tueraient, qu‘est-ce que cest ? Les étoiles
Le nom générique des étoilcs est atirr (plur, fran) [1], ate (plur, ierdn) et
selon la définition du Pere de Foucauld (1951-52 ; IV, 1912), "se dit de toutes
les étoiles et de tous les astres dont l'apparence est A peu prés celle des étoiles,14 mond Bernas ot Ehya ag Siigene
clest-adire de tous les astres excepté le soleil, 1a terre et Ia lune. f!atri oua n
tesserif, “ttoile celle de-Ia ligne” et airi oua n ameliaour “étoile celle de 18
queue", signifient cortte..// ait itougoua “etoile tombant”, signifie “etoile
filante” //Ie plurel eran stemploie par extension pour désigner cotlectivement
ceraines toiles, comme Orion, Aldebaran, les Piéiades, Sirius, ete.. qui
cessent de paraitre au ciel de TAhaggar au commencement de I'EUé et y
teparaissent successivement & mesure que T'éxé s'avance ;iirdn signifie non
quelques-unes de ces évoiles mais leur collection entire,
vatrit, Ces\-d-dire toile au féminin, désigne souvent Vénus, mals comme
dit le Pere de Foucauld ibid.),tazrit pur. titrdtin ff "grande étoite (roile
pariculitrement briliante”) // se dit des étoiles paniculitrement brillantes
‘queelles fassent partie ou non d'une constellation // par extension "éivile du
matin (Vénus).” Dans ce sens est synonyme de tatrit ra n toufar if tatrit cam
Joxfat "grande éwile, cole du matin signfie oie du matin (Vénus) /."
‘Vénus est donc associde & Ia tfaite puisque, au cours de périodes
successives, clle apparait la premigte le soir et quelle sefface la demigre le
atin : tazzog willl [W] "a talte deg chtvres”, oy ashammolash, "Ia trite du
matin’ [D], ou encore tairir ta n-mawayt n-Hhad, "Iétoile, celle de la
smarcheuse de 1a mult”
Les principales constellations font rélérence aux animaux domestiques les
plus familiers des Touaregs comme le dromadaire et le chien, ainsi qu’ la
Faume sauvage, connie les vauivuts, le yaveles, le faon, le scorpion, ote.
La Grande Ourse et i Petite Ourse sont appelées Talat d-Bvira-nnet. ta
chamelle et son chamelon, [Y]. Awtira, désigne un ehamelon nouveau-né, au
‘cours des six mois qui suivent sa naissance (Bernus, 1981 : 182), qui téte (on
le sevre au bovt dun an), et gui chaque soir, avant le eiour des chamelles. est
aitaché par la palte antCricore & un piquet en bois enfoncé dans le sol pits des
tentes.
Lidtoile poluire est connue comme Atri wa n-alkajob LY), Balhadi [D),
Lankacham (H] ou encore Tairt ta-n-ttondisna (W], Tétoile du nord. D'apres
‘Donaint (1975 : 22), "Les Touareg asyocient la Grande et la Petite Ourse : le
‘chamelon de la premidre année, Avtir, ie la Petite Ourse, toume autour de
son piquet, Lankish oy Tarrit ta-n-Timasna, Vétoile du nord, ic VEtoile
polaire ; dans son mouvernent de rotation autour de son piquet, 1e Chamelon
est suivi par sa mére Talymt, ic la Grande Qurse."
La Grande Ourse (Talim) se compose de quatre pieds (idartin) ov quatze
pattes, deux postérieurs et deux antérieurs (shiwa, sing. seyt) [W, téhivrw,
sing, tahitt[D\, Ces quatre éroles, pieds ou paltes de la chamelle, forment le
‘Chariot de la Grande Ourse,
‘Les quatre puties sont religes aux trois étoiles du cou composées des trois
veritbres cervicales, Tikardaf-n.iri m Tait (W]. Tigshenan-Ctéime {D|.On
note suecessivement la premiére (lakarduf'ta tfzzarde (WI, tigshit ta tezardt
TD), Ia seconde (ta nestinatat), la troisit¢me (ta mirada) ct enfin la téte de be
chamelle (ght an-Tilamt), Si les trois vertébres cervicales sont facilement