La qute

de la paix
Notes et conversations en chemin

Johann Christoph Arnold

Avant-propos de Thich Nhat Hanh

The Plough Publishing House

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Rifton, NY 12471 USA
Tous droits rservs.

Table des matires

Avant-propos v

La qute de la paix

II

Significations

La paix en tant quabsence de guerre 9

La paix dans la Bible 12
La paix en tant que cause sociale 15
La paix dans la vie personnelle 18
La Paix de Dieu 23
La paix qui dpasse toute comprhension 26

III

Paradoxes

28

Non pas la paix, mais une pe 30

La violence de lamour 37
Pas de vie sans la mort 43
La sagesse des fous 52
La force de la faiblesse 58

IV

Tremplins

65

La simplicit 74
Le silence 79
Labandon 87
La prire 97
La confiance 107
Le pardon 118
La reconnaissance 125
Lhonntet 133
Lhumilit 142
Lobissance 153
Le caractre ferme 162
Le repentir 170
La conviction 181
Le ralisme 191
Le service 200

La vie abondante
La scurit 220
La plnitude 229
La Joie 238
LAction 248
La Justice 257
LEspoir 268
A propos de lauteur 276
Le Bruderhof 278

209

Avant-propos

ans le Sermon sur la montagne, Jsus nous dit, Heureux ceux qui crent la paix autour deux, car Dieu les
appellera ses fils! Afin de travailler pour la paix, il faut
avoir le cur en paix. Et alors, vous tes un enfant de Dieu.
Cependant, beaucoup parmi ceux qui travaillent pour la
paix ne sont pas en paix. Ils ont encore de lirritation et de
la frustration, et leur travail nest pas rellement en paix. On
ne peut pas dire quils touchent le royaume de Dieu. Afin de
garder la paix, notre cur doit tre en paix avec le monde,
avec nos frres et nos surs. Cette vrit est au cur du
nouveau livre, si bienvenu, de Johann Christoph Arnold, La
qute de la paix.
Nous pensons souvent que la paix est labsence de guerre;
que si les pays puissants en Europe voulaient bien rduire
leurs arsenaux, nous aurions la paix. Mais si nous considrons srieusement nos armements, nous voyons notre
propre cur nos prjugs, nos craintes, et notre ignorance.
Mme si nous transportions toutes les bombes sur la lune,
les racines de la guerre et la raison que les bombes existent
seraient encore dans nos curs et notre esprit, et tt ou tard
nous ferions de nouvelles bombes.

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Jsus nous dit:

...il a t dit aux anciens: Tu ne commettras pas de
meurtre; celui qui commet un meurtre mrite de passer en
jugement. Mais moi je vous dis: Tout homme qui se met
en colre contre son frre mrite de passer en jugement;
celui qui traite son frre dimbcile mrite dtre puni par
le tribunal, et celui qui le traite de fou mrite dtre puni
par le feu de lenfer (Matthieu 5.21-22).

Ainsi, uvrer pour la paix doit en effet signifier plus que de

rejeter les armes. Cela doit commencer par le dracinement
de la guerre de notre cur et du cur de tout tre.
Comment pouvons-nous rompre le cycle de la violence?
Arnold nous dit quavant de pouvoir trouver la paix avec
nos semblables et avec le monde, nous avons faire la paix
avec nous-mmes. Combien cela est vrai! Si nous sommes
en guerre avec nos parents, notre famille, notre socit ou
notre Eglise, il y a vraisemblablement une guerre en nousmmes, aussi. Donc, notre travail de base doit tre de revenir
nous-mmes, et de crer lharmonie entre ces lments
nos sentiments, notre perception et notre tat mental.
En lisant ce livre, essayez de reconnatre les lments opposs dans votre cur, et leur cause. Cherchez avoir plus
conscience de ce qui cause la colre et la sparation, et de
ce qui les surmonte. Dracinez la violence qui est dans votre
vie, et apprenez vivre avec compassion, attention et souci.
Recherchez la paix. Quand vous aurez la paix en vous-mme,
alors la paix vritable avec les autres sera possible.
Thich Nhat Hanh
Village des Pruniers, France, Printemps 1998

vii

I
La qute
de la paix
Lespoir, cest ce qui nous reste
dans des temps difficiles
Proverbe Irlandais

La qute de la paix

ous vivons dans un monde troubl, et malgr les discussions constantes propos de la paix, la paix nous
manque. En effet, il y a si peu de paix, que lorsque je parlais
de ce livre un ami, il a insinu que ce ntait pas seulement
naf dcrire un livre sur un tel sujet, mais mme quelque
peu perverse.
Personne ne peut nier le fait que la violence influence
la vie publique, partout sur notre globe terrestre, depuis
les points chauds, comme les Chiapas, lIrlande du Nord,
le Timor oriental, lIraq, et lIsral Occidental, jusque dans
les rues de nos cits amricaines dlabres. De mme dans
notre vie personnelle y compris dans les faubourgs les plus
tranquilles le manque de paix est souvent lordre du
jour: la violence domestique, la toxicomanie, les tensions
qui divisent le monde des affaires, les coles, et les Eglises.
La violence se dissimule derrire les faades les plus respectables de notre socit, soi-disant difie dans le Sicle
des lumires. Elle se cache dans les turbines de lavidit
et de lhypocrisie, de linjustice, raciale et conomique, qui
dirigent nos grandes institutions financires et culturelles.
Elle est prsente dans linfidlit qui peut roder les mariages,

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mme les plus pieux mariages chrtiens. Cette violence

est l, aussi dans lhypocrisie qui mortifie la vie spirituelle
et qui drobe lexpression la plus religieuse de sa crdibilit.
Du point de vue humain, il peut, en effet, sembler mme
pervers dcrire un livre sur la paix. Cependant, le besoin de
la paix crie au ciel. Cest un des dsirs les plus poignants du
cur. Donnez-lui le nom que vous voulez: harmonie, srnit, unit, solidit mentale; ce dsir est l en chacun dentre
nous. Personne naime les problmes, les maux de tte, le
chagrin. Chacun dsire la paix dtre libr de lanxit et
du doute, de la violence et de la division. Chacun dsire la
stabilit et la scurit.
Il y a mme des organisations qui dsirent ardemment
la paix universelle, telle que le Mouvement International de la
Rconciliation. Son but est datteindre la coopration politique, lchelle internationale. Dautres, comme le groupe
Greenpeace, veulent promouvoir lharmonie entre les tres
humains et tout ce qui vit, et une conscience de nos rapports
avec notre entourage.
Dautres cherchent la paix en modifiant leur style de vie:
en changeant leurs carrires, en dmnageant de la ville
la banlieue, (ou des banlieues la campagne) en conomisant et en simplifiant, ou en amliorant, dune faon ou
dune autre, leur qualit de vie. Puis, il y a le jeune homme,
rcemment revenu de ltranger notre communaut, aprs
une priode de vie folle, de dpenses et de murs lgres;
il dsire ardemment maintenant sveiller chaque matin en
paix avec lui-mme et avec Dieu. Dautres encore, semblent
se contenter de la vie, telle quils la mnent; heureux et combls, ils disent, peut-tre, ne rien dsirer de plus. Pourtant,
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je souponne quau fond delles-mmes, ces personnes ne

possdent pas la paix parfaite.
Tandis que je travaillais ce livre, jai trouv par hasard
une publicit: limage dune femme, allonge sur une chaise
longue, contemplant le coucher de soleil sur un lac. On lisait:
La profession rve. De beaux enfants. Le mariage parfait.
Et le sentiment rongeur dun vide absolu. Combien de millions partagent cette peur tacite?
A un certain niveau, nous sommes tous la recherche
de la vie, telle que le Crateur la intentionne: une vie o
rgnent lharmonie, la joie, la justice, et la paix. Nous avons
tous srement rv dune vie dans laquelle le malheur et
la douleur nexistaient pas: le Paradis perdu, pour lequel
(comme nous dit la Bible) toute la cration gmit.
Ce dsir est aussi ancien quil est universel. Il y a des milliers dannes, le prophte hbreu Esae, rvait dun rgne de
Paix, dans lequel, le lion vivrait avec lagneau. Ainsi, au travers des sicles, mme si lhorizon tait sombre et le champ
de bataille sanglant, les hommes et les femmes auraient
retrouv lespoir en cette vision.
Lorsque Philip Berrigan, militant contre la guerre, fut pass
en jugement rcemment, et condamn pour avoir commis
un acte de dsobissance civile dans un chantier naval aux
Etats-Unis, beaucoup ont dsapprouv ses actions; Phil admit
que pour la majorit des gens en effet, ctait une action
absurde. Mais il ajouta quil aimerait mieux passer sa vie en
prison pour ses convictions, plutt que de passer le reste de
sa vie sur quelque plage. Combien dentre nous, peuvent
parler ainsi? Jusqu la fin de sa vie en 2002, Phil continuait
sans relche militer contre lindustrie darmement nuclaire.
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Ma propre communaut, le Bruderhof, a souvent t accuse davoir perdu pied avec la ralit. Oui, nous avons
abandonn le chemin usuel, du bien-tre bourgeois du
chez-soi, de la proprit prive, de la carrire, du compte en
banque, de la retraite confortable afin dessayer de vivre
ensemble, comme les premiers chrtiens lont fait. Nous
luttons pour pouvoir vivre une vie de sacrifice, de discipline,
et de service mutuel. Ce nest pas une vie de paix, telle que
le monde la donne.
Quest-ce que la paix, et la ralit, quest-ce que cest?
Pourquoi vivons-nous? Et que voulons-nous laisser nos
enfants et petits-enfants? Mme si nous sommes heureux,
que laissons-nous la postrit, aprs le mariage et les
enfants, lautomobile et le travail? Est-ce que notre hritage
est vraiment la ralit dun monde hriss darmement, un
monde de haine entre les classes, et de querelles familiales,
un monde sans amour, dgosme ambitieux, de mdisance
et de rancune? O existe-t-il une ralit plus grande, o tout
ceci est domin par le pouvoir du Prince de la Paix?
Dans les pages suivantes jai essay dviter de formuler
des thses bien tournes, ou de prsenter des arguments
sans sortie. On peut trouver cette sorte de guides spirituels
dans nimporte quelle librairie. Mais, mon exprience, la vie
elle-mme nest jamais aussi bien-ordonne. Au contraire.
De toute faon, chaque lecteur se trouvera un endroit diffrent dans sa recherche. Jai de mme essay de ne pas
mattarder sur les causes du manque de paix. On pourrait
crire tout un livre sur ce sujet, mais ce serait trop dprimant.
Mon but, tout simplement, cest de vous prsenter un tremplin, et suffisamment despoir pour vous aider continuer
votre recherche de la paix.
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II
Significations
Uniquement si vous tes en paix avec vous-mme, serezvous capable de promouvoir la paix dans le monde.
Rabbi Simcha Bunim

Significations

ue ce soit une carte de vux, ou un signet, ou un

panneau daffichage, ou mme un torchon vaisselle
brod, notre culture est inonde dexpressions au sujet de
la paix. Des expressions telles que paix et bonne volont
sont si rpandues, quelles ne sont devenues que slogans
et clichs. Nous terminons souvent nos lettres avec le mot
Paix. Sur un autre plan, dans le gouvernement et dans les
nouvelles, on parle de bataillons arms en tant que forces de
maintien de la paix, stationns dans les rgions dchires
par la guerre, de par le monde. Dans les Eglises, les prtres
et les curs terminent leurs offices avec les paroles Allez en
paix, et bien que ces paroles soient intentionnes comme
une bndiction, elles semblent plutt tre un renvoi jusquau
Dimanche prochain.
Muhammad Salem Agwa, Imam (prtre musulman) New
York, remarque que les Musulmans se saluent rciproquement avec les paroles Salaam Alaikum. Cependant il dit de
mme, que parmi eux cest aussi devenu une habitude, sans
penser aux responsabilits mutuelles que ceci implique:
Je salue toujours avec ces paroles, mais elles ne veulent
pas simplement dire Bonjour ou bonsoir. Elles ont

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un sens plus profond: Que la paix et la bndiction de

Dieu soient avec vous. Lorsque je dis ceci, je sens que
je suis en paix avec vous, et vous avec moi. Je vous tends
la main. Je viens vers vous, pour vous donner la paix. Et
pendant ce temps, jusqu notre prochaine rencontre, cela
veut dire: je prie Dieu de vous bnir, davoir piti de vous,
et de renforcer nos rapports mutuels, en tant que frres.

Combien diffrent serait le monde, si nous tions vraiment

en paix avec tous ceux que nous rencontrons au cours de
la journe, si nos paroles taient plus que simple politesse
et venaient de notre cur! En ralit, et les athistes nous
lindiquent maintes fois, peu de conflits ont caus autant
deffusion de sang au cours de lhistoire, comme lont fait
nos incessantes querelles propos des diffrentes religions.
Il nest pas tonnant que les anciens prophtes ont soupir,:
Ils garent mon peuple, en disant, Paix, Paix, quand il ny
a pas de paix.

La paix en tant
quabsence de guerre

our beaucoup, la paix signifie scurit nationale, stabilit, la loi et lordre. Elle est associe avec lducation, la
culture, le devoir civique, la prosprit et la sant, le confort
et la tranquillit. Cest la bonne vie. Mais, est-ce quune paix
base sur ces choses-l peut tre pour tous? Si la bonne
vie reprsente un choix et une consommation illimits pour
quelques privilgis, il sensuit que les autres, les millions
dautres doivent travailler dur, dans la pire pauvret. Est-ce
alors la paix?
A la veille de la Seconde Guerre mondiale, mon grand-pre,
Eberhard Arnold a crit:
Le Pacifisme, nous suffit-il? Je ne pense pas.
Lorsque plus dun millier ont t tus injustement, sans
procs, sous le nouveau rgime de Hitler, nest-ce pas l
dj, la guerre?
Lorsque des centaines de milliers de personnes ont
t mises dans les camps de concentration, perdant leur
dignit humaine et leur libert, nest-ce pas l la guerre?
Lorsque des millions de personnes meurent de faim en
Asie, tandis quen Amrique du Nord, et autre part, des

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millions de tonnes de bl sont stockes dans des hangars,

nest-ce pas l, la guerre?
Lorsque des milliers de femmes ruinent leur vie en prostitution, pour gagner de largent, lorsque des millions de
bbs sont avorts, tous les ans, nest-ce pas l, la guerre?
Lorsque les gens sont forcs travailler comme des
esclaves, parce quils ne peuvent peine acheter le pain
et le lait pour leurs enfants, nest-ce pas l, la guerre?
Lorsque les riches habitent leurs villas dans leurs parcs,
tandis que dans les faubourgs il y a des familles qui nont
quune seule pice partager, nest-ce pas l, la guerre?
Lorsquune personne possde un compte en banque
norme, tandis quune autre ne possde mme pas le
strict ncessaire, nest-ce pas l, la guerre?
Lorsque des milliers de conducteurs imprudents sont la
cause daccidents tous les ans, nest-ce pas l, la guerre?
Je ne peux pas reprsenter un pacifisme qui maintient
quil ny aura plus de guerre. Une telle revendication
ne vaut rien; la guerre continue quand mme jusqu
prsent... Je ne suis pas daccord, non plus, avec un pacifisme dont les reprsentants maintiennent les causes
principales de la guerre: la proprit et le capitalisme.
Je ne crois pas au pacifisme des hommes daffaires qui
font chuter leurs concurrents, ou au pacifisme des maris
qui ne peuvent mme pas vivre en paix et dans lamour
avec leurs propres pouses...
Je prfrerais carrment ne pas me servir du mot pacifisme. Mais je suis un partisan de la paix. Jsus a dit,
Heureux sont ceux qui veulent la paix! Si je dsire
vraiment la paix, je dois la reprsenter dans tous les domaines de ma vie.

En termes politiques, la paix prend la forme daccords commerciaux, de compromis, et de traits de paix. De tels traits
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ne sont gure plus quun quilibre fragile des pouvoirs, ngoci des moments de tension srieuse qui sment les
graines de nouveaux conflits, pires que les prcdents quils
taient censs rsoudre. Il y a beaucoup dexemples, depuis
le Trait de Versailles, terminant la Grande Guerre, mais qui a
entretenu assez de nationalisme pour dclencher la Seconde
Guerre Mondiale, jusqu la Confrence de Yalta, qui termina
la Seconde Guerre Mondiale, mais qui provoqua les tensions,
aboutissant la guerre froide. Les cessez-le-feu, ne mettent
pas fin la haine.
Tout le monde convient que la paix soit la rponse la
guerre, mais quelle sorte de paix? Le Rabbin Kenneth L.
Cohen crit:
Lobscurit est labsence de la lumire, mais la paix nest
pas seulement la cessation des hostilits. On peut signer
des traits, changer les ambassadeurs, renvoyer les armes, et cependant ce ne sera toujours pas la paix. Les
implications de la paix sont mtaphysiques et cosmiques.
La paix est plus que labsence de guerre. La paix, en fait,
nest pas du tout labsence de quelque chose, mais plutt
lultime affirmation de ce qui peut tre.

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La paix dans la Bible

ne faon dexaminer la signification profonde de la paix,

cest de voir ce quen dit la Bible. LAncien Testament
nous donne un concept, des plus riches en profondeur, dans
le mot hbreu pour la paix: shalom. Shalom est difficile
traduire, cause de ses nombreuses implications. Ce mot
na pas un seul sens, bien quon puisse en rendre le sens
avec les mots totalit, sret ou intgrit bien plus quil
nous suggre au premier abord.
Shalom signifie la fin de la guerre et des conflits, mais
aussi lamiti, le contentement, la scurit et la sant; la
prosprit, labondance, la tranquillit, harmonie avec la
nature, et mme le salut. Et ce sens est pour tout le monde,
non seulement pour quelques privilgis. Shalom est au fond
une bndiction, un don de Dieu. Ce nest pas un effort humain. Shalom sadresse ltat de lindividu, mais de mme
au rapport entre personnes, entre nations, et entre Dieu
et ltre humain. Au-del de ceci, shalom est intimement li
la justice, car il reprsente le dsir ou la clbration des
rapports humains rectifis pour le meilleur.
Dans son livre He Is Our Peace (Il est notre paix), Howard
Goeringer nous montre un sens encore plus radical de la
parole, shalom: Aimer ses ennemis.

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En lan 600 avant JC, larme Babylonienne envahit la

Jude et prit des otages de Jrusalem en exil. Ce fut en
ces circonstances extrmement difficiles que Jrmie a
crit ces paroles remarquables aux rfugis dans la cit,
tellement hae, de Babylone: Recherchez la paix de la
cit dans laquelle je vous ai envoys en exil, et priez le
Seigneur pour elle, car en elle vous trouverez votre shalom. Les rfugis furent forcs de vivre en exil, tandis
quils voyaient leur civilisation seffondrer. Ddaignant
leurs ravisseurs, anxieux de retourner leur pays, irrits de ne pas avoir t aids par Dieu, ils ne pouvaient
comprendre ce que Jrmie leur disait. Cet homme fou de
Dieu leur disait daimer leurs ravisseurs, de faire du bien
leurs ennemis, et de demander Dieu de bnir leurs
perscuteurs avec shalom.
Comme nous le pressentions, la lettre de Jrmie ne
fut pas populaire. Les otages qui souffraient ne voyaient
pas que leur bien-tre et le bien-tre de leurs ravisseurs
dpendaient lun de lautre. Penser servir leurs ravisseurs avec un esprit de compassion, soigner leurs malades, apprendre leurs enfants leurs jeux juifs et travailler une heure de plus pour eux! ce serait de la folie!

Goeringer a raison: souvent, la paix de Dieu parat tout fait

irrationnelle, non seulement aux yeux de ceux qui avaient
lexprience du monde, mais aussi aux yeux de la plupart
des gens religieux.
La paix est galement un thme central dans le Nouveau
Testament, o le mot eirene est utilis trs souvent. En son
contexte biblique, le mot eirene va beaucoup plus loin que
sa signification classique grecque, le repos, et il inclut
un grand nombre de connotations de shalom. Dans le Nouveau Testament, Jsus le Messie est le messager, le signe, et
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linstrument de la paix de Dieu. En fait, Saint Paul nous dit

que le Christ est notre paix. En Lui toutes choses sont rconcilies. Voil pourquoi son message est appel lEvangile
de la paix. Cest la Bonne Nouvelle de la Venue du Rgne de
Dieu, o tout est arrang.

14

La paix en tant que

cause sociale

e monde est plein dactivistes luttant pour de bonnes

causes: dfenseurs de lenvironnement et des sansabris, ceux qui sont contre la guerre, partisans de la justice
sociale, dfenseurs des femmes abuses et des minorits
opprimes, et ainsi de suite. Dans les annes soixante, nous
tions nombreux marcher aux cts de Martin Luther King.
De nos jours, au 21e sicle, beaucoup luttent pour labolition
de la peine de mort. Ma propre communaut sy est vivement engage, car cette cause est au fond une lutte contre
les injustices du systme judiciaire amricain. Les horreurs
que nous avons vues, la fois au niveau local et au niveau
international comme dans les cas des prisonniers politiques
connus tels Mumia Abu-Jamal et Lonard Peltier, nous montrent clairement que cette politique de lordre public a plus
faire avec la violence et la peur, quavec la paix.
Certains des hommes et femmes dont jai fait la connaissance en ce milieu sont parmi les personnes les plus ddies
que jai jamais rencontr. Je ne voudrais en rien dprcier leurs bonnes actions. Cependant la fragmentation qui

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marque la vie dautres combattants pour la paix et la justice,

et la dissension qui en rsulte, est douloureusement prsente.
En jetant un regard en arrire dans les annes soixante,
au temps o il y avait bon nombre de ceux quon appelait
les peacenicks, plusieurs penses me viennent lesprit.
On ne peut pas ne pas tenir compte de la nostalgie des admirateurs des Beatles, qui chantaient incessamment, Donnez donc une chance la paix; je la considre nettement
spirituelle. A la diffrence de la grande majorit des jeunes
daujourdhui, beaucoup des jeunes de ce temps-l (les annes 60 et 70) ont tent de traduire leur esprance et leurs
rves en actes. Ils ont provoqu des marches, des vnements, des collectifs communautaires, et ils ont commis des
actes de dsobissance civile, des dmonstrations pacifistes,
des protestations, et des projets de service communautaire.
Personne ne pouvait les accuser dapathie. Pourtant, il est
difficile doublier la colre qui ravageait les visages de ceux
qui hurlaient le plus fort pour la paix dans ce temps-l, de
mme que lanarchie et le cynisme qui, plus tard, envahirent
toute lpoque.
Que se passe-t-il lorsque lidalisme disparat, la manifestation est disperse, quand le printemps damour est pass?
Que se passe-t-il lorsque les collectifs paisibles et les relations humaines craquent? Est-ce que la paix devient alors
simplement une autre commodit culturelle, symbole appliqu sur des t-shirts et sur autocollants pour voiture? Dans
son livre, La longue solitude, Dorothy Day, catholique lgendaire qui organisa Le Mouvement catholique ouvrier, commente que le grand dsir de la jeunesse pour un monde meilleur, a souvent autant faire avec le nihilisme et lgosme,
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quavec autre chose. Les jeunes idalisent le changement,

dit-elle, mais ils ne sont que rarement prts changer euxmmes. Voici une autre citation de Rabbi Cohen:
Un individu peut, en effet, faire une marche pour la paix,
et peut de mme avoir, peut-tre, une certaine influence
sur des problmes globaux. Mais ce mme individu semble un gant aux yeux de lenfant chez lui. Si la paix doit
venir, elle doit commencer avec lindividu. Elle se construit brique par brique.

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La paix dans la
vie personnelle

ylvia Beels, jeune femme londonienne, est venue la

communaut juste avant la dclaration de la Seconde
Guerre Mondiale. Maintenant, ge de quatre-vingt-dix ans,
elle me dit que, dans sa jeunesse, lattitude courante du
mouvement pour la paix opposition tuer, mais non pas
linjustice sociale ne la satisfaisait pas et la poussait
rechercher quelque chose de plus.
Javais vu un film de guerre, alors que javais neuf ans, qui
mavait horrifie, et ds ce moment-l jai su que jamais
je ne pourrais considrer la guerre comme une bonne
chose, quoiquen soit la cause.
Aprs notre mariage, mon mari Raymond et moi, nous
sommes devenus membres du Left Book Club (club de
livres de la gauche), et nous en avons lu toute la littrature. Nous nous rencontrions rgulirement avec un
groupe damis, pour discuter les ides propages dans
ces livres. Nous avons longtemps essay de nous frayer
un chemin travers le labyrinthe des ides humaines
la guerre, la paix, la politique, la morale conventionnelle
et lamour libre, etc. mais nous nen avons pas plus

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trouv le chemin qui nous conduirait vers une socit de

paix et de justice.

Plus tard, pendant la naissance, longue et difficile, de son premier enfant, Sylvia sest rendue compte que sa vie personnelle
tait marque par les mmes problmes quelle combattait
dans la socit. Malgr une carrire prometteuse en musique,
son mariage tait en dsarroi et son esprit en tourment. Alors,
Sylvia vit quelle ne pouvait aucunement contribuer la paix
mondiale avant de trouver la paix, en elle-mme, et avec les
autres. (Le mari de Sylvia mourut dune maladie cardiaque
peu aprs, mais ils furent rconcilis son lit de mort.)
Maureen Burn, une autre sur, membre de notre communaut, conclut de mme, aprs des annes dactivit contre la
guerre, dabord Edimbourg, puis Birmingham, o largent,
ses relations sociales, et sa personnalit vibrante, lont rendue bien connue comme partisane efficace de la paix.
Javais toujours t idaliste et rebelle. La Premire Guerre
Mondiale me troublait, bien que je ntais quune enfant.
On nous disait que ctait lEmpereur dAllemagne qui
avait caus la guerre, et quand javais dix ans je lui ai
crit darrter la guerre. Jai toujours t contre la guerre.
Mon mari, Matthew, agent prominent au ministre de
la sant, tait aussi pacifiste. Aprs ses expriences
dans les tranches, lors de la Premire Guerre mondiale,
il tait devenu un antimilitariste ardent et un champion
de la justice sociale. Notre intrt commun dans la Rvolution Russe de 1918, les crits de Tolstoy, et dans les
croisades de Gandhi, nous avaient rapprochs et nous
avaient conduits au mariage.
Beaucoup de jeunes gens allaient Moscou, dans ces
annes-l, et parce que nous tions attirs par lidal
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communiste, chacun selon sa force, chacun selon son

besoin, je lui ai propos daller, nous aussi, en Russie, avec nos petits garons... Mais lorsque Matthew dit:
Une bombe jete par un communiste, nest pas meilleure quune bombe jete par un capitaliste, alors jai
chang davis.
Matthew avait lhabitude de disparatre le jour de
lArmistice je ne sais o. Il tait de lavis que cela tait
une insulte pour les morts, de faire un dfil militaire au
cnotaphe, o le soldat inconnu tait enterr; et il ne
portait jamais ses mdailles. Aprs la guerre, la mre de
Matthew ma dit quil avait une fois dclar quil ne ferait
jamais rien pour une socit qui tait tellement corrompue que mme le clerg prchait le meurtre aux jeunes...

A la Seconde Guerre Mondiale, pendant le bombardement de

lAngleterre, de nombreuses villes commencrent vacuer
les enfants, et les Burns durent trouver une place pour vivre
avec leurs quatre fils, le plus jeune, ayant moins dun an.
La profession de Matthew le forait rester dans la cit, et
Maureen ne savait pas o aller. A cette poque, Maureen vit
quelle tait enceinte de son cinquime enfant. Dans de telles
circonstances, ils se dcidrent un avortement.
Revenus chez nous, mon mari a sugger que jaille passer
quelques jours de repos avec ma sur Kathleen. Kathleen vivait au Bruderhof. Jai crit pour lui demander si
ce serait possible dy aller pour quelques jours, et elle a
rpondu positivement.
Je navais aucune ide du choc qui my attendait. Je
lisais un de leurs livres dont je ne me rappelle pas le titre.
Quoique ce fut, ce livre indiquait clairement quavorter
tait synonyme de meurtre: tuer une nouvelle vie dans
le ventre de la mre navait pas plus de justification aux
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yeux de Dieu que tuer en temps de guerre. Jusquici

jtais quelquun de rationnel et je ne voyais rien de mal
lavortement. Cependant maintenant jtais compltement bouleverse et jai ressenti pour la premire fois
lhorreur de ce que javais commis.
Je ne pleure pas facilement, mais ce moment-l je ne
pouvais pas marrter de pleurer. Je regrettais profondment ce que javais fait et aurais tant voulu pouvoir revenir en arrire. Je ntais quune hte la communaut,
mais ma sur ma fait aller voir lun des pasteurs et je
lui ai tout confess. Il ma alors invite une runion des
membres o une prire fut dite juste pour moi. Jai tout
de suite su que jtais pardonne. Ctait un miracle, un
don; jtais remplie de joie et de paix intrieure et capable
de tourner la page.

Il ny a rien daussi vital ou douloureux que de reconnatre un manque de paix en soi, dans sa vie et dans son
cur. Cela peut se manifester pour certains par de la haine
ou du ressentiment; de la tromperie, de la division ou de la
confusion pour dautres ou encore simplement un vide ou
une dpression. Dans son sens le plus profond, tout cela
correspond une forme de violence laquelle il faut faire
face et quil faut vaincre. Thomas Merton crivit:
Il existe une forme de violence contemporaine qui se fait
sentir un peu partout contre laquelle le combat idaliste pour la paix par des moyens pacifistes est impuissant: lactivisme et le surmenage. La vie trpidante et la
contrainte de la vie moderne en reprsentent une forme,
probablement la forme la plus commune de la violence
inne. Se laisser influencer par maint souci contradictoire,
capituler devant trop dexigences, sengager dans trop de
projets, vouloir venir en aide tout un chacun, cest se
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soumettre la violence. Encore bien pire, cest carrment

cooprer avec la violence. La frnsie de lactiviste contribue neutraliser son travail pour la paix. Cela dtruit
les efforts fructueux de son propre travail en tuant la
racine mme de la sagesse intrieure qui rend le travail
fructueux.

Beaucoup de personnes ressentent lappel de la cause pour

la paix mais la plupart y tournent le dos lorsquils se rendent
compte quils ne peuvent lapporter aux autres moins den
faire lexprience eux-mmes. Incapables de trouver une
certaine harmonie dans leur propre vie, ils y renoncent alors
trs vite.
Dans les cas les plus tragiques, une personne peut devenir
si dsenchante quelle en prend sa propre vie. Le chanteur
de musique folk Phil Oche, un activiste pour la paix trs
connu des annes soixante vient lesprit; de mme Mitch
Snyder, fondateur du Center for Creative Nonviolence (Centre
de la Non-Violence Crative) et un avocat respect des sansabri Washington D.C.

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La Paix de Dieu

a vritable paix nest pas simplement une grande cause

poursuivre avec de bonnes intentions. Ce nest pas,
non plus, quelque chose qui vous appartient et quon peut
acheter. La paix exige de nous une certaine lutte. Il nous faut
surmonter les ennemis principaux de la vie: la mort, le mal,
le mensonge. La paix est un don, mais cest aussi le rsultat
defforts intenses, et srieux. En fait, plusieurs versets de la
Bible impliquent que cest justement en ces efforts que la
paix rside. Une telle paix est alors la consquence davoir
confront et surmont ce conflit, et non pas de lavoir vit.
Et, de mme que la paix vritable est fonde sur la vertu, la
paix de Dieu altre les faux rapports, drange les systmes
errons et montre le ridicule des promesses dune fausse
paix. La paix de Dieu dracine la semence de la discorde.
La paix de Dieu ne comprend pas automatiquement la tranquillit, labsence de conflit, ou autre opinion mondaine de
la paix. De mme que nous le voyons daprs la vie de Jsus
Christ, ce fut prcisment par le rejet du monde, et de la paix
du monde, que la paix parfaite du Christ fut tablie. Et cette
paix avait sa source en lacceptation de labngation la plus
dchirante imaginable: la mort sur une croix, la Crucifixion.

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Beaucoup parmi nous, actuellement soi-disant chrtiens

ont oubli ceci, moins que nous nen soyons volontairement aveugles. Nous dsirons la paix, mais comme nous
lentendons. Nous voulons une paix aise. Cependant la
paix ne peut pas venir facilement, si elle va tre vritablement durable. Elle ne peut simplement signifier le bien-tre,
lquilibre, un sentiment agrable passager. La paix de Dieu
est plus quun tat de conscience. Dorothy Sayers crit:
Je suis persuade que cest une erreur de prsenter le
christianisme comme tant quelque chose de charmant
et de populaire, ne pouvant offenser personne. Nous ne
pouvons fermer les yeux devant le fait que Jsus, en son
humilit et sa douceur, fut aussi ferme en ses opinions,
et aussi incendiaire en son langage, quil fut chass de
lglise, maltrait, chass dun endroit lautre, et finalement pendu la Croix, comme incendiaire et danger
publique. Quoiqutait sa paix, ce ntait pas la paix dune
indiffrence aimable.

Ici, il me faut dire, malgr ma propre foi en Jsus Christ, et

malgr le vocabulaire dans ce livre (qui semble peut-tre
quelque peu trop pieux pour certains), je ne pense pas que
lon doive tre un chrtien, pour pouvoir trouver la paix de
Jsus. Naturellement, nous ne pouvons ignorer laffirmation
de Jsus: Celui qui nest pas avec moi est contre moi et
celui qui ne rassemble pas avec moi disperse. (Luc 11.23).
Cependant, que signifient les paroles: tre avec Jsus?
Ne nous dit-il pas clairement que ce ne sont pas les paroles
religieuses ou autres expressions pieuses qui importent?
Ce sont les actes de compassion et de piti cest lamour
que Jsus recherche. Et il nous dit que mme un verre deau
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pour une personne assoiffe aura sa rcompense dans le

royaume des Cieux.
Jsus est une personne, non pas un concept, ou article de
thologie, et la vrit de Jsus embrasse bien plus que nos
esprits limits ne peuvent comprendre. En tous les cas, des
millions de Bouddhistes, de Musulmans, et de Juifs agnostiques et athistes pratiquent lamour que Jsus nous
commande de vivre, avec plus de conviction que beaucoup
de soi-disant Chrtiens. Et ce nest certainement pas nous
de dire sils possdent cette paix, ou non.

25

La paix qui dpasse

toute comprhension

ertains lecteurs le jugeraient peut-tre profitable,

dexaminer, ici, les diffrents aspects de la paix, et de
discuter si la paix est un chemin suivre, ou un tat dme.
Dautres voudraient peut-tre savoir ce que je veux dire
quand je dis que les gens recherchent la paix. Veulent-ils
se rapprocher des autres, ou veulent-ils surtout retrouver
leur vraie personnalit? Ont-ils soif de confiance et damour,
de quelque chose de meilleur anticiper, que la retraite?
Quelque chose dentirement diffrent? Quest-ce que la
paix, en un mot? Une pense dans un des livres de mon
grand-pre ma toujours t utile. Il crivit que la paix a
un triple sens: le repos de lme en Dieu, la ralisation de
la non-violence en entretenant des relations pacifistes et
ltablissement dun ordre social de justice et de paix.
Or, en fin de compte, mme la meilleure dfinition de la
paix nest pas ce qui importe, car elle ne nous aidera pas
trouver la paix. Afin de saisir la signification de la paix il
nous faut lprouver en tant que ralit pratique, non pas
seulement ce que nous avons en tte, ou mme, dans le cur,
mais dans notre vie quotidienne.

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Sadhu Sundar Singh, mystique Indien chrtien au tournant

du sicle dernier, crivit:
Le mystre rel dune vie de bonheur en Dieu ne peut
tre compris sans lavoir reu, vcu, et connu. Si nous
essayons de la comprendre seulement avec notre intellect, alors nos efforts seront en vain.
Un savant tenait en ses mains un oiseau. Il se rendait
compte que loiseau tait en vie; voulant savoir o exactement se trouvait cette vie, il se mit dissquer loiseau.
Naturellement, ceci eut pour rsultat que la vie mme,
dont il tait la recherche, disparut. Ceux qui essaient de
comprendre les mystres de la vie intime intellectuellement, choueront ainsi. Cette analyse aura pour rsultat
que la vie quils recherchent, disparatra. De mme que
leau na pas de repos, avant davoir atteint un certain
niveau, ainsi lme nest pas en paix avant davoir atteint
son repos en Dieu.

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III
Paradoxes
Je suis un soldat de Jsus Christ, je ne puis pas me battre.
St. Martin de Tours

Paradoxes

ous lavons dj compris: bien que le dsir de la paix

soit un dsir ardent et universel, il est difficile dfinir.
Il en est de mme avec tout ce qui est du domaine de lesprit.
Elias Chacour, prtre en Palestine, un de mes meilleurs amis,
parle de ceci dans son livre Frres de sang. Parlant des grandes
religions orientales, il remarque que leurs penseurs (contrairement de nombreux penseurs de la civilisation occidentale) aiment les paradoxes, et les acceptent volontiers,
plutt que de les carter.
Chacun est conscient, en lisant la Bible, combien Jsus
compte sur les paradoxes et les paraboles pour illustrer de
profondes vrits. Le paradoxe peut sembler contradictoire,
mais, justement, il nous force considrer la vrit avec une
nouvelle vision. Cest en ce sens que jai crit les sections
suivantes, chacune tant pourvue dun tremplin pour une
comprhension plus profonde de la paix.

Non pas la paix,

mais une pe
Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la
terre! Je ne suis pas venu apporter la paix, mais lpe, car
je suis venu mettre la division entre lhomme et son pre,
entre la fille et sa mre, entre la belle-fille et sa belle-mre,
et lon aura pour ennemis les membres de sa famille. Celui
qui aime son pre ou sa mre plus que moi nest pas digne
de moi...
Jsus de Nazareth

orsque Matthieu nous a rappel ces paroles de Jsus dans

le dixime chapitre de lEvangile, il a donn aux gnrations suivantes de chrtiens, un argument favori pour dfendre lemploi de la force. Cependant, que voulait dire Jsus, en
vrit? Certainement, il ne voulait srement pas justifier ou
encourager la violence des armes. Mme sil avait chass les
changeurs de monnaie avec le fouet,1 il rprimanda plus tard
Pierre davoir coup loreille dun soldat en disant que tous
Pour une excellente exposition de Matthieu 21.12-13, voir Jean Lasserre, Les
chrtiens et la violence, Olivtan, 2008.

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ceux qui prendront lpe mourront par lpe (Matthieu

26.52). Et toutes ses actions, jusqu son dernier soupir
sur la Croix, se refltent en ses propres paroles: Tout ce
que vous voudriez que les hommes fassent pour vous, vous
aussi, faites-le de mme pour eux (Matthieu 7.12).
Je suis persuad que lpe dont Jsus parle na rien faire
avec quelque arme de guerre qui soit. Dans les lettres de
laptre Paul nous lisons comment lpe de lEsprit est compare lpe de lautorit du gouvernement, qui est appele
soit lpe temporelle soit lpe du courroux de Dieu. Paul
concde que Dieu a retir le Saint-Esprit du monde parce que
les tres humains ne voulaient pas lui obir; en change, Dieu
leur donna lpe des gouvernements terrestres, dont la
stabilit et lautorit sont fondes sur leur pouvoir militaire.
Mais lEglise ne doit pas se servir darmes matrielles. Elle
reste fidle envers une seule puissance: Jsus Christ. Ses vrais
disciples manient seulement lpe de lEsprit.
Ailleurs dans la Bible, lpe est employe comme symbole
de la vrit. Tout comme larme matrielle quelle reprsente,
cette pe tranche tout ce qui nous attache au pch. Elle
nettoie et expose (dans la Lettre aux Hbreux, exprime
ainsi: En effet, la parole de Dieu est vivante et efficace,
plus tranchante que toute pe deux tranchants, pntrante jusqu sparer me et esprit, jointures et moelles;
elle juge les sentiments et les penses du cur (Hbreux
4.12). Pourtant, son dessein nest ni la destruction, ni la
mort. Citons ici le pote Bruderhof Philip Britts, la paix cest
larme de lamour et de la rdemption...non pas larme
charnelle, mais larme de la volont de Vrit. Il ne sagit
pas dune lutte des hommes les uns contre les autres, mais
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du Crateur contre le Dmon; la guerre de llan vers la

vie, contre llan vers la mort; la guerre de lamour contre
la haine, de lunit contre la sparation.
Dans lEvangile nous lisons, Depuis lpoque de JeanBaptiste jusqu prsent, le royaume des cieux est assailli
avec force, et des violents sen emparent (Matthieu 11.12).
Bien que ceci soit une des paroles plutt mystrieuses de
Jsus, la signification de les violents est suffisante. Nous ne
pouvons pas rester assis et attendre que le royaume des Cieux,
le royaume de Dieu, nous tombent sur les genoux. Il nous
faut chercher le saisir. Comme Thomas Cahill lexprime:
... les passionns, les gants, les sans contrle, ont une meilleure chance de saisir le royaume des Cieux, que ceux qui se
matrisent, qui calculent, ceux dont le monde approuve. Ce
qui est intressant, cest que le vocabulaire chrtien nest pas
le seul employer un langage violent pour dcrire la voie de
la paix. Daprs une source musulmane, le mot jihad ne veut
pas simplement dire la guerre sainte dIslam, mais aussi la
guerre spirituelle qui prend place en chacun de nous.
Un grand nombre de chrtiens, de nos jours, ddaignent
lide de guerre spirituelle. Dune part, ils disent que cest le
fruit de notre imagination, dautre part ils jugent que la faon
dont on en parle a un ton trop provocateur, trop violent, et,
pire que tout, trop dmod. Pourtant, la guerre cosmique entre les anges de Dieu et les armes de Satan continue de nos
jours, malgr une incrdulit croissante. Pourquoi nen pas
tenir compte, simplement parce que nous ne le voyons pas?
Je crois fermement que les puissances du bien et du mal
sont tout aussi relles que les forces physiques qui forment
notre univers, et moins quon ne puisse les discerner, il ne
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nous est pas possible de prendre part ce combat vital. De

mme que la lumire ne peut accommoder lobscurit, ainsi,
le bien et le mal ne peuvent coexister, et donc nous devons
dcider quel parti prendre.
Il y a vingt-cinq ans, en tant quancien,1 mon pre dressa
un document auquel nous nous tenons encore. Un engagement sign par tous les membres de notre communaut,
lors de son criture (et auquel chaque membre se tient encore
aujourdhui); ce document nous a souvent aid viser la
racine des problmes avec lesquels nous luttons:
Nous dclarons la guerre tout outrage envers lesprit
denfance de Jsus.
Nous dclarons la guerre toute forme de cruaut
motionnelle ou physique envers les enfants.
Nous dclarons la guerre toute recherche de pouvoir
sur les autres.
Nous dclarons la guerre toute grandeur humaine,
et toutes les formes de vanit.
Nous dclarons la guerre tout orgueil, y compris
lorgueil collectif.
Nous combattons lesprit de la rancune, de lenvie, et
de la haine.
Nous dclarons la guerre lesprit de rancune, denvie
et de haine.
Nous dclarons la guerre toute curiosit vis--vis
des tnbres sataniques. (extraits)

Un des plus grands risques courus prendre les armes contre le mal, cest de se mprendre en pensant quil sagit
dun combat sur un plan humain, les bonnes personnes
contre les mauvaises personnes. On peut parler de Dieu
1

Titre par lequel le dirigeant des communauts du Bruderhof est dsign.

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et de lEglise en opposition Satan et au monde, mais en

ralit, la ligne qui spare le bien et le mal, traverse chaque
cur humain. Et, qui sommes-nous pour juger un autre que
nous-mmes?
Gandhi a donn ce conseil: Si vous hassez linjustice, la
tyrannie, et la convoitise, hassez tout dabord ces choses en
vous-mme. Chacun de nous cre une atmosphre autour
de lui-mme. En se livrant la bonne bataille, noublions
surtout pas de prendre une pause ici et l en nous demandant si cette atmosphre est celle de la peur, ou de lamour
qui chasse la peur.
Il est plus facile de combattre le mal en notre prochain,
plutt quen soi-mme. En tant horrifis de ltat du monde,
ou de la vie de notre entourage, il nous est possible de devenir pharisaque en notre zle. Cependant, au lieu de gagner
les autres envers une vie nouvelle, ou de rechercher leur
cur, il est possible quon en finisse par se distancer deux.
On doit tout dabord faire la guerre contre soi-mme.
Glenn Swinger, un pasteur confrre, ma rcemment crit
ce propos:
Suivant ma conversion, jai t baptis dans ma quarantaine... jai confess tous les pchs, dont jtais conscient, jai mis en ordre tous mes rapports personnels, et
jai essay de me rendre compte combien javais t en
opposition Dieu. Jai ressenti que jtais pardonn, ce
qui ma apport de la joie, et de la paix. Cependant ton
pre qui ma baptis, ma dit, Cest maintenant que la
vraie bataille commence. Je ne pense pas lavoir compris
ce moment-l, mais je me suis dit que jallais y veiller.
Mais, petit petit, jai gliss de nouveau dans mes
anciennes habitudes, et lentement les petits dmons de
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lorgueil, de lenvie, et de la jalousie, se sont insinus de

nouveau en ma vie. Lexprience du baptme ma certainement chang, je ne peux le nier. Mais je ne suis pas
devenu matre de moi-mme. Je restais trop centr sur
mes propres expriences. Je continuais vivre joyeusement de mes propres forces, de mes propres capacits.
Je ne priais pas, je ne veillais pas que la tentation ne
pntre en mon cur... et bientt, le premier amour qui
mavait attir Jsus Christ a t ruin.
Plus tard, mon hypocrisie a t rvle, et jai d prouver la douleur du jugement. On ma demand de dposer
mon service comme pasteur et enseignant. Je me suis
loign du Bruderhof pendant quatre mois, et durant ce
temps jai pu confronter mes pchs avec honntet et
accepter le repentir. A mon retour, ayant reu le pardon
de ces mmes frres et surs, dont je mtais spars,
jai retrouv une nouvelle libert, joie, et paix.
Les luttes reviennent chaque jour, mais, au cours des
annes, je deviens lentement conscient de la signification du chapitre 13 de la premire Lettre de Paul aux
Corinthiens: Maintenant, ces trois choses demeurent:
la foi, lesprance, et lamour, mais la plus grande des
trois est lamour. Je ne dois jamais juger, ou mpriser
mon prochain, quelque soit sa condition. Lhomme riche a
mis un gouffre entre lui et Lazare, et dans lau-del leurs
positions ont t inverses. Il y a deux forces puissantes
qui agissent en chacun de nous, bonnes et mauvaises,
et pendant la bataille entre elles, nous sommes jugs et
pardonns sans cesse. Cest justement ainsi en cette
lutte continuelle que nous arrivons la paix vritable.

Lobservation de Glenn est cruciale pour en comprendre le

paradoxe: Je ne suis pas venu apporter la paix, mais le
combat, car il touche sa signification la plus profonde.
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Lpe du Christ, cest Sa vrit, et nous devons lui permettre

de nous blesser profondment, et maintes reprises, quand
le pch rapparat en notre vie. De nous endurcir, et de
nous en protger serait nous dtourner de la compassion et
de lamour de Dieu.

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La violence de lamour

i la paix vritable exige la guerre, elle exige de mme le

sang, et ceci non seulement au sens figur. Le Christ nous
dfend de nous servir de la force contre les autres, mais Il
exige de nous, dtre prts souffrir aux mains dautrui. Luimme, ne nous a-t-Il pas rachets par son sacrifice, par son
sang, comme nous le dit le Nouveau Testament; et au travers
des sicles, des milliers dhommes et femmes ont suivi Son
exemple et ils ont volontiers sacrifi leur vie pour leur foi.
Mourir pour notre conviction est une des choses les
plus difficiles expliquer. La plupart dentre nous frmissent
juste lide dun spectacle sanglant de personnes en train
dtre brles, noyes ou carteles. Pourtant, des tmoins
ont, maintes reprises, dcrit la paix remarquable dont ont
fait preuve les martyrs, lors de leur dernier soupir.
Dans la Chronicle of the Hutterian Brethren (La chronique des
frres Huttriens), une histoire de la Rformation, qui contient
les rcits de nombreux martyrs, nous lisons lhistoire de personnes allant vers le bcher, chantant joyeusement. Conrad,
jeune homme sur le point dtre excut, est rest tellement
rsolu et calme, que les spectateurs ont dit quils auraient
prfr ne lavoir jamais vu, tant cela les rendait mal laise.

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Pour la plupart dentre nous, il sagit rarement de martyre. Il est rare, en notre cas, de devoir dfendre notre foi,
mme verbalement, et lide de payer de notre vie semble
de trop dramatique. Quand mme, cela ne fait jamais de
mal de considrer la foi de ceux qui taient prts souffrir
pour leur foi et de se demander, si nous serions prts le
faire nous-mmes. Nimporte qui peut contrler ses motions suffisamment pour rester calme devant les difficults
journalires. Cependant, pour que nous gardions la paix en
face dune lutte srieuse, ou mme de la mort, ce doit tre
fond sur plus que de bonnes intentions. Quelque part, il
doit y avoir une rserve plus profonde de fortitude.
LArchevque Oscar Romero au Salvador a effleur le secret
de sa paix, quand il parla, peu de jours avant sa mort, de
limportance daccepter la violence de lamour. Romero
fut assassin en 1980, cause de sa franchise au nom des
pauvres.
La violence de lamour... a laiss le Christ clou la
Croix; Voici la violence que nous devons employer envers nous-mmes, en vue de surmonter notre gosme
et les ingalits flagrantes parmi nous. Ce nest pas la
violence de lpe ni de la haine. Cest la violence de la
fraternit, la violence qui transformera les pes de guerre
en faucilles, instruments de paix.

Lamour du Christ est donc une force de vrit et de saintet,

qui attaque de par sa nature tout ce qui est impur et contraire
la vrit. Lamour de Jsus Christ est un amour totalement
autre que lamour prch par beaucoup de leaders spirituels
de notre temps, tel que lcrivain populaire Marianne Williamson, qui suggre quafin de trouver la paix, il suffit de
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saimer soi-mme, tels quon est, et daccepter le Christ

qui est dj en nous.
Ce nest pas tonnant que la plupart dentre nous prfrons son enseignement. Nous savons bien que chacun porte
sa croix dans ce monde, mais nous aimons mieux ne pas
aller plus loin. Nous prfrons la religiosit chaleureuse et
bienveillante de lEglise moderne, et la bonne volont promise des anges Bethlem, plutt que la paix difficilement
gagne de Golgotha. Nous admirons labandon suprme
de Jsus mourant Pre, je remets mon esprit entre tes
mains mais nous oublions son combat agonisant pendant
la longue nuit prcdente, Gethsmani. Nous prfrons la
rsurrection sans la crucifixion.
Rcemment, un verset du Livre de Jrmie ma frapp:
Ma parole nest-elle pas comme un feu, dclare lEternel,
comme un marteau qui pulvrise la roche? (Jrmie 23.29).
Dieu fait certainement allusion la duret de notre cur humain. Normalement, nous pensons la duret, telle quelle
se rvle dans un criminel: un meurtrier, lauteur dun viol,
un adultre, ou encore un voleur. Cependant, en conseillant
les prisonniers, jai fait cette exprience: souvent, cest le
criminel le plus violent qui a le cur le plus tendre, car cest
celui qui soit le plus conscient de son pch. Combien je dsirerais pouvoir en dire autant des autres bonnes personnes, avec leur ego bien repu, et leur image, si soigneusement
garde. Peut-tre que la pire duret de cur est en ceux-l,
qui sont ainsi accabls.
Mme si nous sommes conscients de nos faiblesses, et de
nos luttes personnelles, nous rsistons souvent la violence
de lamour. Nous recherchons la vritable paix, qui dure, et
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nous savons que cela va nous coter quelque chose. Mais,

aprs peu, nous nous contentons de moins. Un jeune homme
de notre glise ma dit un jour, Je lutte continuellement pour
trouver la paix... puis, je me demande, A quoi cela sert de me
mettre dans un tl tat? Cela en vaut-il la peine? Naturellement, je ne pouvais pas rpondre pour lui. Mais, au fond,
jaurai probablement d lui demander en retour: que vaut la
paix, pour toi, si elle ne vaut pas la peine quon la dfende?
Etrange comme cela peut paratre, ceux-l qui sont les
plus convaincus de ne pas avoir trouv la paix, sont souvent
les plus proches de la trouver. Robert (ce nest pas son vrai
nom) est un prisonnier vie. Il a commis un crime horrible,
et le souvenir de son action le torture parfois tellement, quil
ne peut supporter de vivre encore une journe. A dautres
moments, son remords lui a donn un sens de paix. Dans
une de ses lettres rcentes, il a crit:
Vous me demandez si je puis crire quelque chose propos de la paix de Dieu. Jaimerais bien le faire, mais je ne
crois pas tre la hauteur de cette tche , car je sens que
la paix dont vous parlez ma vad tout au long de ma vie.
Jai recherch la paix de diffrentes manires: avec mes
amies, ma grand-mre, le succs, la drogue, et parfois
avec la violence et la haine; avec le sexe, le mariage,
les enfants, largent et les possessions. En aucune de
ces choses, nai-je trouv la paix. Cest trange, quand
mme, car bien que je naie jamais eu de paix, je sais ce
que cest; cest comme si on pouvait enfin respirer et
trouver le repos...Tout au long de ma vie (et bien encore
la majorit du temps) jai eu limpression de suffoquer ou
me noyer et devoir me livrer une lutte constante afin de
respirer et trouver ce repos.

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Jaimerais tant avoir cette paix. Jai appris que la seule

faon davoir la paix, cest grce Jsus Christ, et elle
mchappe toujours, Je ne suis pas en paix, cause de ce
que jai fait, et son effet sur les autres, je le regrette tant.
Je prie quune seconde chance me soit accorde, audel de la prison de bton et dacier des hommes, et de
la prison du pch, la prison de Satan. Voil o repose
ma foi et mon espoir, de savoir que Dieu puisse faire ceci.
Si Dieu allait enfin rpondre ma prire, je retrouverais
cette paix, malgr toute la douleur, les troubles, et les
luttes du pass. Ceci serait mme possible, si je savais
que quelquun maimait, malgr ce que je suis et ce que
jai fait, et quil me pardonne suffisamment, afin davoir
cette seconde chance...

Robert semble, dans sa lettre, avoir perdu tout espoir, mais je

lai trouv (ainsi que dautres qui lui ont rendu visite) dfinitivement chang depuis son arrestation, il y a trois ans.
Non quil y soit arriv ou que lon puisse dire franchement, quil ait trouv la paix. Mais Robert la dsire ardemment, et du fait que lagonie de son repentir rel est profonde,
il se peut quil soit plus proche de Dieu que bien dentre nous.
Un texte Hindou ancien, propos de la paix, La Bhagavad Gita, nous dit: Mme les meurtriers, les auteurs de
viol... et les fanatiques les plus cruels, peuvent connatre la
rdemption, grce au pouvoir de lamour, sils cdent sa
dure mais apaisante discipline. Au travers de transformations dchirantes, ils recouvriront la libert, et leur cur
sera en paix. Et dans la Lettre aux Hbreux, nous lisons:
Certes, au premier abord, toute correction semble un sujet de tristesse, et non de joie, mais elle produit plus tard
chez ceux quelle a ainsi exercs un fruit porteur de paix:
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la justice (Hbreux 12.11). Ce verset nest peut-tre pas

connu de Robert. Cependant, dans sa lutte, il fait lexprience
de cette vrit. Il est en train de vivre la violence de lamour.

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Pas de vie sans

la mort

lors que je travaillais ce livre, ces paroles de Jsus,

dans lEvangile de Saint Jean ont surtout approfondi ma
comprhension de la paix: En vrit, en vrit, je vous le
dis, si le grain de bl tomb en terre ne meurt pas, il reste
seul; mais sil meurt, il porte beaucoup de fruit (Jean 12.24)
et Celui qui aime sa vie la perdra et celui qui dteste sa vie
dans ce monde la conservera pour la vie ternelle (Jean
12.25).
De mme quil ny a pas de paix durable sans lutte, il
nexiste pas de vie vritable sans mort. Parce que nous ne
sommes pas confronts une mort imminente, nous perdons de vue ce fait important. Nous oublions ceci: afin
de raliser et de comprendre la paix de Jsus, il nous faut
dabord comprendre Sa souffrance. La bonne volont, en vue
de souffrir, est importante, mais elle ne suffit pas. Il nous
faut prouver la ralit de la souffrance. Comme mon pre
la dit: de perdre pour un instant lamour de Dieu, ou de
se sentir abandonn de Dieu, mme pour un instant, voil
ce qui est dcisif pour la vie de lme.

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Pour la plupart dentre nous, labandon de Dieu peut nous

paratre quelque chose de ngatif, nayant rien voir avec
la paix. Cest douloureux, et non pas agrable, apportant
la souffrance, et non pas le bonheur, le sacrifice, et non
pas linstinct de conservation. Cela implique la solitude, la
ngation, lalination, et lanxit. Pourtant, si nous devons
trouver le sens de la vie, il nous faut le trouver dans tout cela.
La souffrance, comme le grand psychiatre juif Viktor Frankl
la indiqu, ne peut tre efface de la palette de la vie. Sans
la souffrance, la vie humaine ne serait pas complte.
Beaucoup de gens passent leur vie en essayant dviter
cette vrit; ils sont parmi les mes les plus malheureuses
qui soient au monde. Dautres trouvent la paix et le contentement en lacceptant. Mary Poplin, une Amricaine, qui passa
quelque temps avec les Missionnaires de Charit Calcutta
en 1996, nous dit leur propos:
Ces Missionnaires considrent les preuves, et les insultes, comme contribuant lexamen de soi-mme, en vue
de procurer lhumilit et la patience, et daimer lennemi
occasions de devenir plus saints. Mme la maladie est
interprte comme moyen de se rapprocher de Dieu, afin
quIl se rvle plus clairement, et comme occasion de
discerner les problmes personnels de son propre caractre plus fond.
Nous passons beaucoup de temps en essayant de
calmer et dviter la souffrance, nous ne savons pas quoi
en faire lorsquelle survient. Nous ne savons encore moins
comment aider notre prochain, qui souffre. Nous combattons la souffrance, nous blmons les individus, le systme
social, et nous essayons de nous protger. Il est rare de
considrer la souffrance comme un don de Dieu, qui nous
appelle devenir plus purs et plus saints.
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Tandis que nous disons souvent que les crises et les

temps difficiles forment le caractre, nous les vitons autant que possible, et nous recherchons avec beaucoup
defforts la technique qui compenserait, minimiserait, ou
surmonterait la souffrance. En ralit, notre littrature, en
gnral, suggre que Mre Thrse et les Missionnaires
seraient dfectueuses psychologiquement dans leur acceptation de la douleur et de la souffrance. Quant moi,
ayant travaill leurs cts, je sais que rien nest plus
loign de la vrit. Nous, les Amricains, ne sommes
que rarement encourags prendre la responsabilit de
notre propre souffrance. Cependant, chacun de nous a,
tout au moins, la libert de ragir la souffrance, selon
son choix, quelle que soit la situation.
Pour les Missionnaires, la souffrance nest pas simplement une exprience physique, mais une rencontre
spirituelle qui nous encourage rechercher de nouvelles
rponses, tcher dobtenir le pardon, se tourner vers
Dieu, penser comme le Christ, et se rjouir de ce que
la souffrance ait eu un effet positif, et nous ait, finalement,
aiguillonns laction.

Le tmoignage de gens, tels que Philip Berrigan, est tout

aussi significatif; car ils ont non seulement accept la souffrance dans leur vie, mais ils lont embrasse. Phil en sait
plus que la plupart des chrtiens de nos jours, sur ce que
signifie perdre sa vie cause de moi. Pour lui, rpondre
lappel de Jsus Christ suivre la voie du disciple lui a valu
la perscution, lemprisonnement rpt. Dans les annes
soixante, lui et son frre Daniel furent emprisonns pour
avoir protest contre la guerre au Vit-Nam, et depuis, il a
pass en tout onze annes derrire les barreaux.
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Lautomne de 1997 jai visit Phil dans une prison dans

ltat de Maine, alors quil y tait retenu pour un de ses
nombreux actes de dsobissance civile. Quelques semaines
plus tard il fut condamn deux ans de prison deux ans
de sparation de sa femme, Elisabeth McAlister, et de ses
trois enfants. Et, ce nest pas la premire fois, quils ont t
spars. Mais ni Phil, ni sa femme ne sont dcourags. Une
lettre touchante de Liz, propos de leurs dmarches pour
la paix, si souvent mal comprises et critiques cause de
leurs sous-entendus politiques, nous rvle leur optimisme
et leur foi inlassables:
Ce nest pas juste lge de soixante-trois ans, de faire
face pour la nime fois une sentence de prison, dans
lintrt de la justice et de la paix. Et on doit laccepter,
sans mme une audience au tribunal. Mais que pouvonsnous attendre dautre, alors que des millions sont emprisonns dans le monde, dont beaucoup souffrent la
torture, et linanition; ou bien ils disparaissent, perdus
leurs parents aims.
Ce nest pas juste nous ne pouvons pas nous rjouir
chez nous, en notre nouvelle demeure que nous avons
construite ensemble; admirer la floraison des roses que
nous avons transplantes ensemble; manger les fruits de
nos arbres; tre fiers des enfants que nous avons levs;
mais que pouvons-nous attendre dautre alors que des
millions sont sans logis, des millions sont des rfugis de
guerre, de la famine, de la rpression leurs mes trop
hbtes par la fatigue et la peur rendues aveugles la
beaut autour deux, leurs espoirs et leurs curs briss
par la mort journalire de leurs enfants...?
Ce nest pas juste nous ne pouvons pas clbrer la
remise des diplmes avec nos enfants Frida et Jerry,
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luniversit. Ils aimeraient tant nous avoir avec eux pour

partager leur russite en cette nouvelle phase de leur
vie. Mais que pouvons-nous attendre dautre, lorsque,
pour la plupart des jeunes, lducation, laffection de la
famille, une communaut bienveillante, ne sont mme pas
choses rves... car ils sont les victimes des institutions
dcrpites, soi-disant dducation publique, victimes, eux
aussi, du manque davenir: leur hritage le plus flagrant
de la socit?
Ce nest pas juste nous ne pouvons pas guider Kate
ensemble, qui contemple la remise du diplme, et lavenir
dune jeune femme...
Ce nest pas juste la communaut, que lon a dsir difier et reconstruire toutes ces annes, est maintenant sans nous, sans la prire, le travail, le rve et le
rire; dpourvue de nos dons personnels, notre vision et
grce. Mais que pouvons-nous attendre dautre, lorsque
nimporte quelle communaut est suspecte, une menace,
une anomalie, quand le silence est presque total, quand
les gens se recroquevillent, achets, gars, participants
leur propre extinction....?

Le sens de paix et de dtermination, qui accompagne des

personnes comme Liz et Phil, nest pas compris et on nen fait
pas grand cas dans notre socit. Cest le fruit de la libert
paradoxale dans le Christ, qui nous dit: ...je donne ma vie
pour la reprendre ensuite. Personne ne me lenlve, mais je
la donne de moi-mme. Jai le pouvoir de la donner et jai le
pouvoir de la reprendre (Jean 10.17-18).
Pour Phil, un sacrifice, tel que dtre spar de ses tres
aims, est une partie de la mort que lon doit souffrir sur le
chemin qui mne la paix. Cela ne lui a pas valu la paix, telle
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que le monde la donne, mais, comme il a crit de la prison,

en septembre 1997, il contemple une paix bien plus sublime:
Cest en effet cette paix o personne ne domine, o il ny
a plus dinjustice, o la violence est un vestige du pass,
o les armes ont disparu et les charrues sont nombreuses.
Cest une paix o tous sont traits en frres et surs,
avec respect et dignit, o chaque vie est sacre, et o
lavenir des enfants est assur. Cest un tel monde que
Dieu nous appelle raliser.
Dans notre pays, ceci peut nous valoir la prison, la perte
de notre rputation, de notre profession, de notre revenu,
et mme dtre reni par la famille et les amis. Pourtant,
dans un Etat qui se prpare chaque minute un holocauste nuclaire, ceci signifie la libert, lindpendance,
davoir une vocation, et toute une nouvelle communaut
damis et de famille, en fait, la rsurrection.

Pour la plupart de nous, cette mort par laquelle nous devons

passer est assez mondaine. Au lieu de faire face un peloton dexcution (comme Dostoevski) ou un juge fdral
(comme les frres Berrigan), nous confrontons seulement les
obstacles de notre vie journalire: surmonter notre orgueil,
cder quelquun qui nous ait fait du tort, ou un membre
de la famille ou un collgue qui soit furieux, ou frustr. Il ny
a rien dhroque choisir de faire ceci. Mais moins que
la graine ne meurt nous ne trouverons jamais de vraie paix,
et nous ne pourrons jamais la donner aux autres.
Laurel Arnold, membre de notre glise, que je connais
depuis 1950, dit:
Quand je pense aux paroles de Jsus, ... cest ma paix
que je vous donne. Je ne vous la donne pas comme le

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monde la donne , je me souviens combien souvent

ces versets furent lus aux enterrements, et quils ne me
faisaient aucune impression.
Jai grandi dans un quartier protg et solitaire, et je
suis devenue une personne critique et pieuse. Je voulais
tre quelquun dimportant, un auteur clbre, peut-tre,
et je travaillais dur pour acqurir quelque distinction
luniversit. Je dsirais tre populaire, cependant je jugeai
les autres. Jtais idaliste propos du pacifisme, mais
tellement bourgeoise et aveugle envers linjustice sociale
et la politique du pouvoir, de la force.
Jai pass les annes de guerre comme institutrice
New York, tandis que Paul, mon mari, tait en mer. Aprs
la guerre, nous avons commenc nous rveiller, et
voir la ralit de la vie autour de nous. Paul avait vu la
destruction terrible des cits bombardes en Europe;
Javais, moi-mme, trbuch sur les ivrognes dans la rue,
et javais gard des enfants, qui ne jouaient jamais sur le
gazon. Nous pensions aider une alcoolique en la menant
dans notre famille, mais elle a vol notre argent qui tait
destin aux aliments.
Nous nous sommes offerts la mission de notre Eglise,
et nous avons t envoys en Afrique. Bien que nous quittions la mission plus tard, nous participions de plus en
plus aux activits ecclsiales. Mais nous navons jamais
trouv le rapport de cur cur que nous recherchions,
cause des propos superficiels et du commrage. Nous
voulions vivre une vie, suivant Jsus tous les jours, non
pas seulement le dimanche.
Plus tard, attirs par lidal de la fraternit, nous avons
commenc examiner des questions qui ne nous avaient
pas t problmatiques auparavant: le matrialisme, la
proprit prive, les causes de la guerre. En 1960, nous
sommes venus au Bruderhof... Abandonner la maison,
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lautomobile et mettre nos biens en commun, a t facile;

nous avons bien compris cela. Mais, notre dogmatisme,
nos nombreux principes, notre pharisasme, notre autoritarisme, et ayant une sret de nous-mmes qui accablait
nos prochains cela a t plus difficile. Longtemps je
combattais davoir agir en suivant les rglements, au
lieu dtre guid par lesprit, dtre bien gentil, quand ce
quil me fallait tait dtre franche et honnte.
Naturellement, nous avons eu autant de joies que de
luttes, et Dieu a t fidle encore et encore, lors de ces
annes, nous juger et nous pardonner et nous offrir la
possibilit dun nouveau commencement. Je naime toujours pas avoir tort personne naime a mais jai reu
une telle grce, un tel amour, dans le jugement de Dieu.
A lge de soixante-quatorze ans, ce nest pas lheure de
me dtentre et de me choyer. Il y a encore tellement
apprendre, tellement faire...
Il y en a qui remercient Dieu dtre Ses enfants. Je nen
suis pas si sre. Suis-je vraiment prte mourir? Certainement, je ne vis pas avec srnit, comme il en est le
cas dans notre chanson: rivire, je te prie, donnemoi ta paix... Il y a une sorte dimpatience, de dsir,
en moi-mme. Je pense que nous faisons tous partie de
la cration gmissante, dont parle la Lettre aux Romains,
chapitre 8. Si je me considre, moi-mme, je commence
trembler, mais si je pense la fidlit de Dieu, au travers de ma vie ma confiance et ma paix me reviennent.

Il ny a rien de spcial propos de lhistoire de Laurel. Cependant, la normalit de sa lutte la tche vitale et universelle dapprendre vivre avec Dieu, avec ses voisins, et avec
soi-mme ne la rend non moins importante que le martyre
le plus hroque. Mon Grand-pre crit:

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Quant ce qui concerne lhumanit en gnral, une seule

chose est digne de la grandeur du royaume de Dieu: cest
dtre prt mourir. Cependant, moins de le dmontrer
dans les trivialits de la vie journalire, nous ne pourrons pas faire preuve de courage au moment critique de
lhistoire. Il nous faut donc totalement surmonter notre
attitude et nos sentiments mesquins afin dabandonner
notre propre faon de ragir face la peur, les soucis,
lincertitude bref, notre incrdulit. A sa place, il nous
faut avoir foi: une foi aussi petite quune graine de moutarde: ... Cest la plus petite de toutes les semences,
mais quand elle a pouss, elle est plus grande que les
lgumes... (Matthieu 13.32). Voil ce dont nous avons
besoin, ni plus ni moins.

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La sagesse des fous

Aptre Paul crit dans sa premire Lettre aux Corinthiens : Que personne ne se trompe lui-mme: si
quelquun parmi vous pense tre sage selon les critres de
lre actuelle, quil devienne fou afin de devenir sage, car la
sagesse de ce monde est une folie devant Dieu (1 Corinthiens 3.18-19). La sagesse des fous (et la folie des sages)
ne semble peut-tre pas tre directement en rapport avec la
paix, pourtant, en tant quun thme biblique central, elle met
en lumire un aspect important de notre livre. Si la paix de
Dieu nest pas la paix, telle que le monde la donne, elle ne
peut donc pas tre obtenue par ceux qui suivent la sagesse
du monde, mais seulement par ceux qui choisissent la folie
de Dieu.
Du point de vue pratique, cette folie est souvent raille ou
rejete. Cest le cas de lhistoire de Saint Franois dAssise.
De nos jours il est surtout connu comme un moine inoffensif,
qui a crit des chants adresss au soleil, et qui a vcu en
paix avec les animaux et les oiseaux. Cependant St. Franois
ntait pas un pote aux manires douces. Son me passionne cherchait sidentifier avec les pauvres, en abandonnant
non seulement son hritage, mais, en plus les vtements sur

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son dos. Son testament ultime tait si implacable dans sa

condamnation des richesses et la religion institutionnelle,
quil fut confisqu, et brl, avant quil soit jug sain a
tre canonis. Et les quelques mots, quil nous a laiss, nous
rvlent une pntration desprit, qui nous inspire nouveau,
chaque fois que nous les lisons mme sils sont devenus
banals par leur emploi constant.
Seigneur, fais de moi un instrument de ta paix,
L o est la haine, que je mette lamour.
L o est loffense, que je mette le pardon.
L o est la discorde, que je mette lunion.
L o est lerreur, que je mette la vrit.
L o est le doute, que je mette la foi.
L o est le dsespoir, que je mette lesprance.
L o sont les tnbres, que je mette la lumire.
L o est la tristesse, que je mette la joie.
O Seigneur, que je ne cherche pas tant
tre consol qu consoler,
tre compris qu comprendre,
tre aim qu aimer.
Car cest en se donnant quon reoit,
cest en soubliant quon se retrouve,
cest en pardonnant quon est pardonn,
cest en mourant quon ressuscite la vie ternelle.

Ceux qui se cabrent en entendant les rponses par trop religieuses daujourdhui, comme Saint Franois, sept sicles
plus tt, seront probablement raills comme lui. Comme lui,
ils trouveront, peut-tre, que le chemin, qui mne une paix
durable, exige la disposition dtre incompris et prsents
sous un faux jour.
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Dans mon livre, propos de la mort et de mourir, I Tell You

A Mystery (Je vous dis un mystre), jai racont lhistoire de
ma tante Edith, qui changea sa vie confortable dtudiante
luniversit de Tbingen pour la pauvret du Bruderhof. La
folie dEdith Hitler rgnait, et notre communaut avait
t dnonce comme menace pour lEtat avait tellement
mis ses parents en colre, quils lavaient enferme dans sa
chambre, et lui avaient refus toute nourriture jusqu ce
quelle change davis. (Elle se fit un moyen dchapper par
la fentre, avec ses draps de lit.)
Marjorie Hindley, personne vibrante, de quatre-vingts ans,
vivant lune de nos communauts, en Angleterre, rencontra
une rsistance dune autre sorte, mais aux tensions semblables:
Jai t leve dans la religion mthodiste bien que plus
tard je sois devenue anglicane. Dans notre enfance, ma
mre priait toujours avec nous lheure du coucher. La
morale conventionnelle tait notre standard.
Mon pre tait plutt socialiste, et je partageais son
fort dsir de justice. Maman, tait plutt conservative,
et mon frre de mme, et nous avions donc souvent de
fortes discussions.
En grandissant, je nai jamais perdu la foi en la doctrine chrtienne, mais je luttai pour mieux la comprendre.
A seize ans, jai reu un choc, et ds ce moment jai eu
beaucoup de questions, et je voulais en savoir plus: Un
cousin dune des lves de ma classe avait t mis en
prison, parce quil tait objecteur de conscience. Je me
souviens davoir vivement protest, un jour, chez nous,
propos dune injustice, et ma mre ma dit: Attends,
tu perdras bien toutes tes illusions! Je me suis bien

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dit, tu ne les perdras jamais, mais, plus tard, je me le

suis demand: seraient-ce simplement des illusions, ou
serait-ce vraiment la ralit, et tout le reste, une illusion?

Marjorie fut dabord, secrtaire, premirement Manchester,

puis luniversit de Cambridge; travail plaisant, journes
courtes, longues vacances, pension paye, dans une quarantaine dannes... Aprs deux ans elle quitta ce travail, en
rflchissant: la vie doit avoir quelque chose de plus important. Plus tard, elle tudia la psychologie industrielle. A
la suite de quelques bref passages dans des usines diverses,
elle accepta une position permanente comme superviseur
daide sociale dans une autre usine, Bristol.
Javais entrepris ce travail avec le dsir conscient de me
rendre utile et daider un peu trouver une solution la
misre du monde, en vivant une vie plus chrtienne.
Mais, je rencontrais plus de questions, que de rponses.
Les ouvriers avaient bon cur et sentraidaient les uns les
autres; mais le contrematre, pas autant; les directeurs
ne pensaient qu leur profit. Lesquels aider? Les ouvriers
ou les directeurs? Les ouvriers me donnaient plus que je
ne pouvais leur donner. Si moi je recherchais un certain
contentement, que signifiait, pour eux, ce contentement?
Qutait devenu le premier amour des premiers aptres,
qui se levrent pour suivre Jsus? Au fond, que signifiaient
le christianisme et la paix du Christ?
Javais cach un Nouveau Testament dans mon tiroir,
que je lisais lheure du djeuner, ayant ferm ma porte
clef. Jai dcouvert le Sermon sur la Montagne, et je
rflchissais l-dessus.
Jallais quelque Eglise ou une autre, le dimanche, et
une runion de la jeunesse, les jours de la semaine. Une
fois, la porte du presbytre, je me suis demande si je
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devais y entrer pour parler au pasteur mais je ne lai pas

fait. Une autre fois, je marchais de long en large, quand
jai entendu une voix me dire trs clairement, Ce ne sera
pas long, maintenant. Pourtant, il ny avait personne.
Peu de temps aprs, jai dcouvert que lun des directeurs tait Quaker, et je lui ai demand de me prter un
livre. Il ma apport Le journal de George Fox, et Mystical Experience (Lexprience mystique) de Rufus Jones. Ces livres
mont beaucoup aide. Le soir, jai rencontr dautres
jeunes gens qui discutaient des questions du jour. La
guerre menaait sur le continent. Pourquoi, les glises,
ne montraient-elles pas la route prendre? Quallionsnous prendre comme position?

Finalement, les recherches de Marjorie lont spare des

sources de la sagesse religieuse conventionnelle des
Quakers aussi, qui lui donnaient des livres qui ne pouvaient rpondre ses questions; de lglise orthodoxe anglaise qui encourageait ses vques lorsquils crivaient des
drames propos de la paix, mais refusaient de les soutenir
lorsquils prononaient contre le conflit qui se prparait avec
lAllemagne. Lors dune visite au Bruderhof, a-t-elle dit, je
sus ce que je devais faire.
Tout coup, au beau milieu de la pauvret, le nettoyage
et le lavage des lgumes, jai su ce que je devais faire. Il
me fallait recommencer de nouveau. Il me fallait renoncer
tout ce que je savais tre mal, et ddier ma vie suivre
Jsus. La lumire qui mest venue tait tonnante ctait
une dcouverte de joie, de conviction, et de paix.

Marjorie se joignit au Bruderhof, bien quelle soit la premire

protester, si son histoire allait signifier que lon doit devenir membre dune glise, ou communaut, afin de trouver la
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paix. Sa foi en lappel du Christ la voie radicale du disciple, est cependant inlassable. Comme elle la indiqu des
dizaines de jeunes personnes au travers des annes, la vritable paix nous vient seulement si nous suivons notre cur
en dpit de lopposition de nos parents, nos directeurs, nos
collgues, nos amis, et mme notre glise.
La complaisance nous aveugle souvent sur les vrais problmes
de la vie. Nous nous sentons matriellement et spirituellement si satisfaits de notre civilisation, que nous nessayons
mme pas de rester veills en nous-mmes, et de soulever
des questions lmentaires, comme celles de Marjorie. Ceci
est, au mieux, trs dommage, car nous perdons ainsi la
chance dprouver la paix que lon gagne en recherchant
nos propres rponses. Au pire, cest de laveuglement religieux, sinon de la folie. La romancire Annie Dillard crit:
En gnral, les chrtiens ne me semblent pas, en dehors
des catacombes, suffisamment conscients des conditions.
Ne sont-ils aucunement conscients de la puissance quils
invoquent aussi tranquillement? Ou bien, comme je le
souponne, nen croient-ils pas un mot? Les Eglises sont
des enfants, qui jouent sur le tapis avec leurs jeux de
chimie, mlangeant un monceau de TNT pour passer le
temps. Cest fou de shabiller en velours et chapeau de
paille pour aller lglise; nous devrions plutt mettre
nos casques protecteurs. Les placeurs devraient plutt
distribuer des gilets de sauvetage et des torchres de scurit. Car, il se pourrait que notre Dieu, endormi, se
rveille un jour, et quIl soit offens; ou bien quune fois
rveill, notre Dieu nous mne l, do nous ne pourrons
plus jamais revenir.
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La force de la
faiblesse

ai souvent pens que ladage paradoxal de Jsus le plus

difficile du moins, au sens de le mettre en pratique est
peut-tre le verset dans Matthieu, o Jsus vient de remarquer un enfant. Il se tourne vers ses disciples, et il leur dit
que celui qui se rendra humble comme ce petit enfant sera
le plus grand dans le royaume des cieux (Matthieu18.4).
Devenir comme un enfant, cela implique doublier tout
ce que la socit nous a appris, propos de grandir. Cela
veut dire surmonter la tentation dapparatre forts. Cela veut
dire, tre prts souffrir, plutt que de nous protger nousmmes. Cela signifie: reconnatre nos limites et nos points
faibles, et leurs faire face, avec humilit.
Le Christ a guri les malades, nourri la foule, chang leau
en vin, et march sur la mer. Tout pouvoir tait ses ordres.
Mais lorsquIl fut arrt, amen devant Pilate, raill, frapp
coups de fouet, et crucifi, il refusa de se dfendre. Non
plus navait-il choisi dtre n dans un palais, mais dans la
mangeoire dune table.

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Le Christ a choisi la faiblesse de la soumission, et voil,

peut-tre, le secret de sa paix. Dorothy Day crit:
On nous dit de nous revtir du Christ, et nous pensons
lui dans sa vie prive, sa vie de travail, sa vie publique,
son enseignement, et sa vie de souffrance. Mais nous
ne pensons pas suffisamment sa vie en tant que petit
enfant ou bb. Son impuissance. Sa dpendance des
autres. Il nous faut accepter cet tat aussi, incapable de
faire ou accomplir quoi que ce soit.

Gertrude Wegner, membre du Bruderhof qui avait dans les

soixante-dix ans, fut force daccepter cet tat quand un
accident la paralysa:
Jassistait une exposition, avec mon mari, Washington,
DC; je suis tombe, et ma colonne vertbrale a t srieusement blesse. Jai su immdiatement que ma condition tait critique; javais perdu toute sensation, et jtais
paralyse, du cou jusquaux pieds.
Deux oprations mont certainement aide mais les heures de thrapie deux routines par jour ncessitaient un
travail laborieux, et de la persvrance. Ctait puisant.
Et, mon mdecin ne savait mme pas si jallais regagner
la mobilit... Mon accident ma enseign lhumilit, parce
que chaque petite chose devait tre faite pour moi. De
mois en mois, il y avait un peu damlioration, mais ctait
une lutte pnible. Il y a eu des moments difficiles, mais
jai appris de mme accepter mon incapacit. Jessayais
de me rappeler les paroles de Saint Paul: Ma grce te
suffit, car ma puissance saccomplit dans la faiblesse (2
Corinthiens 12.9).
Il y a eu dautres luttes personnelles, mais en chacune
delles mon dsir intense de paix, et la conviction que je
la retrouverais, ma toujours accompagne. Il me semble
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que si on a, une fois dans sa vie, fait lexprience de la

paix, elle nous revient toujours.
En rflchissant sur mon pass, je regrette beaucoup
certaines choses. De ne pas avoir t une meilleure mre
pour mes enfants. De ne pas avoir pass plus de temps
avec mon pre, alors quil mourait du cancer. Jaurais d
montrer plus damour ma mre, surtout ce momentl, et la mieux soutenir. Jaurais d tre plus gentille avec
autrui... Il y a tant de choses que nous aimerions avoir
fait diffremment, mais cela ne sert rien. Tout ce que
nous pouvons faire, cest daccepter nos limites, et de
recommencer zro chaque jour.
La paix me vient en esprant pouvoir servir Jsus et
mes frres et surs, jusqu la dernire minute de ma
vie, bien que ce soit prsomptueux de demander une telle
grce. Plus je vieillis, plus il mest clair que personne ne
possde cette paix, entirement immrite.

Les penses de Gertrude touchent une vrit importante:

plus nous avons confiance en nous-mmes, en notre propre
force et en nos capacits, moins nous lavons en Jsus Christ.
Notre faiblesse humaine nest pas un obstacle pour Dieu. En
fait, moins que nous ne nous en servions comme excuse
pour le pch, cest une bonne chose dtre faible. Mais accepter notre faiblesse est plus quadmettre nos limites; cest
prouver un pouvoir beaucoup plus puissant que le ntre,
et nous y soumettre.
Voici la source de la grce: le dmantlement de notre
pouvoir. Mme si quelque peu de pouvoir slve en nous,
lEsprit et lautorit de Dieu se retirent un degr correspondant. A mon avis, cest l le seul aperu important
concernant le royaume de Dieu.
Eberhard Arnold
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Kathy Trapnell, autre membre de notre communaut, tmoigne de la vrit de ces paroles, dans sa vie et sa recherche:
Jai t en qute de la paix depuis que jai t assez age
pour ressentir le manque de paix au sein de ma propre
famille. Au cours de mes tudes catholiques (depuis la
premire anne jusqu la fin de luniversit), je luttai
toujours pour avoir la paix dans mon cur, et dans celui
de mes amies. Lorsquune bonne petite catholique se
rend compte de stre mal conduite, elle le regrette, et
elle se hte le confesser. Comme je me souviens bien
du bien-tre ressenti, aprs chaque confession! Mme
luniversit, une ou deux fois, je me suis confesse
publiquement un Jsuite de ma connaissance, et le sentiment dtre rconcilie avec Dieu tait pour moi une
source de paix.
Puis vint la rbellion de mes annes dtudiante, mon
tape de hippie, dont jtais fire, et ma colre contre le statu quo et tout ce que je jugeais y tre contre la
paix et lamour. Je pensais travailler pour la cause de la
paix voulant mettre fin la guerre au Vietnam, avec les
manifestations, les chants, la rsistance, et ainsi de suite.
Je pensais pouvoir donner justice au sort des travailleurs
migrants avec le boycottage des raisins, en causant du
chaos dans les supermarchs qui les vendaient. Je voulais
partager tout ce que je possdais; je faisais du yoga,
mettais mon argent en commun avec des autres, et jai
appris me contenter de la vie dans un collectif.
Mais tout cela ne ma pas apport la paix. Je sais,
maintenant, que mon orientation tait vraiment tout
fait fausse. Non pas que le but, en lui-mme, tait erron.
Mais, jtais moi-mme, mon propre dieu; jtais moimme le critre par lequel je jugeais ma vie et la vie de
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mon prochain. Enfone dans le pch, jtais sciemment

mon propre patron, et je voulais mefforcer de faire tout
moi-mme. a ne marche pas.
Plus tard, jai dcouvert un esprit de paix compltement diffrent la paix dune foi, qui admet, et fait face
nos faiblesses. Cest une paix qui nous mne vers Jsus
Christ et le royaume, le rgne futur de la paix. Prenant
conscience de cela, je ressentais ma coupabilit; jtais
consciente de mon gosme, et quau fond je ntais pas
en paix avec moi-mme. Cependant, en cdant ma vie
Dieu non seulement son amour, mais aussi son jugement et, en me sacrifiant au service de mon prochain,
jai trouv maintenant une nouvelle force, et jprouve
des miracles de paix tous les jours.

Dans notre socit, on est conduit loin de cette comprhension de la paix. On nous enseigne de traiter le jugement
comme un affront, dtre responsable et de se matriser.
Nous voulons tous la paix et lamour; aucun de nous ne
nierait que ce soient de bonnes qualits. Mais nous arrter
pour nous demander si nous les possdons en notre propre
cur, cest bien diffrent. Il vaut mieux ne pas en parler.
Peut-tre est-ce la raison pour laquelle, bien que nous
soyons nombreux vouloir la paix, et la rechercher, nous
ne la trouvons pas. Nous sommes trop affects par notre
propre rle dans cette qute. Il nous manque la simplicit et
lhumilit; au lieu de nous tourner vers Jsus, et de lui prier
de nous donner Sa paix, nous nous faisons du souci sur ce
que les autres pensent de notre intgrit. Nous oublions que
les Batitudes ne demandent pas des clbrits, des Saints,
des personnes qui se font remarquer, mais au contraire, des
personnes humbles.
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Lcrivain Henri Nouwen, qui abandonna une carrire illustre Harvard, Yale, et Notre Dame, en vue de servir
les personnes handicapes, a compris ceci mieux que la
plupart dentre nous:
Nous avons t appels tre fructueux non pas
avoir du succs, ou tre productifs, ou accomplis. Le
succs a sa source en la force, en la tension et en leffort
humain. Laccomplissement et la ralisation a sa source
en la vulnrabilit, et en la reconnaissance de notre propre faiblesse.
Jai longtemps recherch la scurit parmi les personnes intellectuelles et intelligentes, peine conscient de
ce que les affaires du royaume sont rvles aux petitsenfants, de ce que Dieu a choisi ceux qui, selon la norme
humaine, sont les insenss en vue de faire honte aux
sages. Cependant, lorsque jai prouv laccueil affectueux, sans prtention, de ceux qui nont rien de quoi
se vanter, et ai expriment ltreinte de personnes qui
ne posaient aucune question, jai commenc me rendre compte quun retour au bercail spirituel signifie
un retour aux pauvres desprit auxquels le royaume des
cieux appartient.

Quest-ce qui motive une personne rechercher une telle

pauvret desprit? Mon Grand-pre crit:
Ceci est alors un conflit entre deux buts opposs. Lun des
buts est de rechercher la personne de haute situation, la
personne importante, la personne spirituelle, intellectuelle, adroite, la personne bien, la personne, qui, en raison de ses talents naturels, reprsente un haut sommet,
pour ainsi dire, de la chane des montagnes de lhumanit.
Lautre but est de rechercher les personnes humbles, la

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minorit, les handicaps mentaux, les prisonniers: les

valles des humbles entre les sommets des grands. Ce
sont les dgrads, les esclaves, les exploits, les faibles
et les pauvres, les plus pauvres parmi les pauvres. Le
premier vise exalter lindividu, en vertu de ses dons naturels, llevant un niveau quasi-divin. Finalement on en
fait un dieu. Lautre but poursuit le miracle et le mystre
de Dieu devenu homme, de Dieu la recherche de la
place la plus humble parmi les hommes.
Deux directions compltement opposes. Lune est
llan vers la glorification de soi-mme, lautre un mouvement vers le bas afin de devenir plus humain. La premire
voie est celle de lamour-propre et lexaltation de soi;
lautre est la voie de lamour de Dieu et lamour pour
son prochain.

Lorsquune personne a reu la paix qui provient dune

vie vcue en cet amour, il ny a rien auquel elle ne puisse
saffronter. Pensez Jsus sur la Croix: vulnrabilit ultime,
mais aussi lexemple suprme de la paix de Dieu. Malgr
tout ce quon lui avait fait, Il ne sapitoyait aucunement sur
son sort. Au contraire Il se tourna vers un des criminels
ct de lui pour le pardonner. Jsus fut capable de prononcer ces paroles: Pre, pardonne-leur car ils ne savent pas
ce quils font (Luc 23.34). Puis, il y a Etienne, le premier
martyre chrtien, qui, agenouill, regarda vers le ciel, la figure radieuse, tandis quon lui jetait des pierres pour le tuer.
Lui aussi a dit, Seigneur, ne les charge pas de ce pch!
(Actes 7.60). Je ne crois pas quune telle paix puisse tre
obtenue par la puissance de lhomme.

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IV
Tremplins
nous progressons pas pas.
lAptre Paul

Tremplins
Thomas Jefferson tait tellement convaincu que la poursuite
du bonheur tait un droit humain, inalinable, quil lcrivit
dans la Dclaration de lIndpendance et lappela une vrit
qui va de soi. Mais les chrtiens ajoutent ceci: tous ceux qui
poursuivent le bonheur, ne le trouvent jamais. Puisque la
joie et la paix sont extrmement vasives, le bonheur nest
quune chimre, un fantme, et mme si nous tendons la
main pour le saisir, il disparat. Dieu donne la paix et la
joie, non pas ceux qui les poursuivent, mais ceux qui
Le poursuivent et qui essaient de vivre lamour. La joie et la
paix sont l, si on aime son prochain, et nulle part dautre.
John Stott

ien que ce soit difficile daccepter, la prsence de la

paix dans notre vie ne dpend pas de notre effort assidu pour la possder. Cest simplement un fait, que la paix
chappe ceux qui la poursuivent le plus assidment, tandis
que ceux qui ne la recherchent pas forcment qui cela
navait mme pas effleur lesprit la rencontrent, comme
par hasard. De plus, la Bible contient des dizaines de versets,
comme dans la Premire Lettre de Pierre 3.11, qui nous dit

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de nous dtourner du mal, de faire le bien, et dessayer de

vivre en paix mme si tu dois la poursuivre et la tenir
deux mains.
Nous demander si nous devons poursuivre activement
ou non la paix est une question qui ne sera jamais rsolue
notre satisfaction. La paix est un thme vaste, et si nous
ladressons par des gnralisations htives cela naidera personne. Rechercher de noble solution, telle que celle dessayer
de sauver lhumanit ou dinstaurer la paix dans le monde
ne nous aidera non plus. Pour la plupart dentre nous, il
ne nous manque pas dengagements remplir juste nos
portes des tches menues peut-tre, mais qui exigent notre attention, aujourdhui. Cest pourquoi je pense que les
paroles de Stott nous donnent peut-tre une autre solution
pour atteindre la paix: au lieu de la poursuivre pour ellemme, nous devrions la rechercher en aimant notre prochain
dun amour actif. Paul suggre de mme dans sa Lettre aux
Romains: Ainsi donc, recherchons ce qui contribue entretenir la paix et nous faire grandir mutuellement dans la
foi (Romains 14.19). Chacun de nous peut aimer, et chacun
de nous peut trouver, dans quelque coin de nos vies, quelque
chose faire qui conduit la paix.
Naturellement, avant dagir il faut se dcider le faire. La
parole de Jsus, Je vous laisse la paix, je vous donne ma
paix. Je ne vous la donne pas comme le monde donne (Jean
14.27), est une promesse. Mais cette parole nous invite, de
mme, faire un choix. Nous pouvons recevoir la paix que
Jsus nous offre, ou lui tourner le dos et rechercher la paix
que le monde nous donne. Cest un choix parmi plusieurs,
mais jose dire que cest le choix le plus crucial, car ses
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ondulations se font sentir, tt ou tard, dans tous les domaines

de la vie, et dans chaque choix que nous faisons financier,
personnel, politique, ou social.
Mme Jsus dt faire face certains choix. Aprs son
baptme dans le Jourdain par Jean le Baptiste, lEsprit le
conduisit dans le dsert, o le diable le tenta. Jsus jena
pendant quarante jours et quarante nuits, et ensuite, alors
quIl tait au plus faible et au plus vulnrable, Il fut mis au
pied du mur et on lui offrit une solution facile: cder aux
desseins de Satan, ou se tenir ferme du ct de Dieu.
Au cours de notre vie, nous allons tous prouver des heures de tentation, bien quelles ne soient jamais aussi agonisantes. Mais la dtermination de Jsus de rester fidle
son pre et la victoire ainsi gagne doit nous donner de
lespoir et du courage et nous rappeler aussi que nous
sommes tous appels tre enfants de Dieu.
Dieu a sem la bont et le bien.
Lenfant nest pas n mauvais.
Nous sommes tous appels la saintet...
Pourquoi y a-t-il donc tant de mal?
Parce que le cur humain a t corrompu
de par ses inclinations, et doit tre purifi...
Personne nest n pour kidnapper,
personne nest n pour tre criminel,
personne nest n pour tre tortionnaire,
personne nest n pour tre meurtrier.
Nous sommes tous appels tre bons,
nous aimer les uns les autres,
nous comprendre mutuellement.
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Pourquoi, oh Seigneur, ont tellement

de mauvaises herbes envahi ton champ?
Cest lEnnemi qui a fait cela, nous dit le Christ,
et les gens, qui ont laiss pousser les mauvaises herbes
poussser en leur cur...
Jeunes gens, pensez un peu, qui vous a invit la bont,
et comment la gnration prcdente la mienne, je le
regrette
vous a laiss un hritage de tant dgosme
et de tant de mal.
Renouvelez le nouveau bl, les cultures nouvellement
semes,
les champs toujours frais de la main de Dieu.
Jeunes et enfants, soyez un monde meilleur.
Oscar Romero

En grandissant, jeus la chance davoir des parents qui mont

encourag, (selon les paroles de Romero) rflchir comment nous sommes tous appels tre bons. Pour eux, la
promesse du Christ de la paix, ntait pas un simple verset
de lEcriture, mais une offre relle, quils voulaient accepter.
Ni mon pre, ni ma mre ntaient des saints. Ils dtestaient
la fausse pit, et ils ont quelquefois vex les autres, avec
leurs manires terre--terre. Cependant, aucune de leurs
connaissances ne pourrait nier quils essayaient daccorder
leurs actions avec leurs paroles, et que la joie de leurs vies
tait de servir Dieu et leurs prochains.
Si Papa parlait de la paix de Dieu, ctait toujours dans le
mme contexte: il nous disait que seulement ceux qui taient
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dtachs des biens terrestres avaient de la paix. En effet,

l o est ton trsor, l aussi sera ton cur (Matthieu 6.21).
Son pre, crivain renomm et confrencier Berlin qui avait
quitt sa carrire pour une vie de pauvret Franciscaine,
avait dit ses enfants alors quils taient encore jeunes, quil
ne leur laisserait pas de fortune, mais son hritage serait
lexemple dune vie centre en Jsus Christ.
Mes parents mont laiss le mme legs, bien que je ne
leusse pas toujours apprci. En fait, dans ma jeune adolescence, je my rebellais sciemment. Non pas que jaie commis
quelque action scandaleuse daprs la norme daujourdhui:
je savais ce que mes parents estimaient le plus, et je pensais
de mme plus ou moins. Jtais bien conscient des sacrifices
quils avaient fait pour suivre les prceptes de Dieu. (Ma
mre avait quitt un excellent internat, contre la volont de
sa famille qui esprait la voir professeur duniversit, et
cela avait pris des annes pour que les tensions se rsolvent.)
Mais, je voulais dabord mamuser. Sil y avait un choix, je
prfrais suivre mes camarades, mme si cela faisait de la
peine mes parents.
Puis, Dieu marrta net. Javais quatorze ans, et notre
famille venait de quitter notre communaut dans la jungle du Paraguay, o javais grandi, pour venir Woodcrest,
notre nouveau collectif New York. Au moment de notre
arrive aux Etats Unis, il semblait y avoir une atmosphre
doptimisme lconomie florissait, et le rayonnement de la
victoire amricaine sur lAllemagne et le Japon ne stait
pas encore ternie. Cependant la Guerre froide tait en plein
essor, et beaucoup de gens craignaient un dsastre nuclaire.
Du moins, parmi les gens que mes parents frquentaient, ils
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se dtournaient du triomphe trompeur de la richesse et de

la guerre, et recherchaient quelque chose de nouveau: la
simplicit, la communaut, lharmonie, la paix.
Du jour o nous sommes arrivs Woodcrest, jtais expos cette recherche. Il y avait des centaines de visiteurs (pour
la plupart des jeunes) et des dizaines de nouveaux membres
de milieux trs diffrents, et leurs questions me foraient
rflchir plus que jamais. Ctaient des gens qui, daprs le
langage du monde, avaient russi et qui pourtant avaient
choisi de jeter tout cela par la fentre en change dune vie
dvoue Dieu. En effet, ctaient des gens qui vendaient volontairement leurs maisons et leurs autos, qui abandonnaient
leurs occupations des plus rmunratrices, pour devenir
pauvres. Je pouvais bien voir, leur apparence et leurs paroles, quils spanouissaient et trouvaient de la joie. Bientt,
ce qui mavait sembl jusqualors si dsirable perdit de son
importance, et mes projets de vie aprs le lyce universit,
argent et indpendance dadulte ont commenc changer,
et devenir de plus en plus insignifiants. Javais de nouveaux
buts, et de nouvelles priorits.
Il est difficile de prciser lvnement le plus important qui
changea la direction que javais prise. Je me souviens encore
du jour o je parlais mes parents de ma dcision de vivre
diffremment pour Dieu, et non pas pour moi-mme
partir de ce moment-l. Je ne suis pas sr que je peut en parler
comme une conversion dfinitive. Mais ce fut certainement
une exprience importante qui renfora mon dsir de trouver
ma vritable raison de vivre et dapprofondit ma conviction.
Des livres comme les romans et les nouvelles de Tolsto et
de Dostoevski, ont beaucoup aid former mes rflexions,
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bien que je nen fusse pas conscient alors. Je lisais avidement,

mais je ne considrais pas ces livres comme tantreligieux.
Des conversations avec des htes, tels que Dorothy Day et
Pete Seeger, mont beaucoup influenc aussi. Je me rends
compte du rle que mes parents ont jou, bien que je nen fus
pas conscient en ce temps du moins pas jusqu ce que je
vis leurs larmes en mentendant parler de mon changement
de cur. Ils ont d bien souvent prier pour moi avec ferveur.
Peut-tre que le facteur le plus important en ces annes
fut linfluence de mon pre qui tait pasteur. Jtais frapp
en voyant Papa baptiser dautres personnes. Je ressentais
un esprit de saintet, de Dieu, et ce sentiment fut confirm
plus tard quand je voyais la transformation qui soprait
dans ceux quil avait baptis. Le changement dans quelquesuns tait tellement radical quils semblaient tre, pour ainsi
dire, revtus dune nouvelle personnalit. Je voulais la mme
chose pour moi-mme une rupture totale avec mes luttes
personnelles et mon gocentrisme, afin de trouver la joie et
la libert dune vie nouvelle. Quand je fus baptis lge de
dix-huit ans, ce fut un moment dcisif: je fus certain que
jamais je ne pourrais faire demi-tour, je devais ddier ma
vie, entirement et pour toujours, Dieu.
Jai dj cit un rabbin qui tint le propos que la paix doit
tre construite brique sur brique. Limage est trs bonne.
Une conversation, une lecture, une exprience qui nous
meut (sans pouvoir expliquer pourquoi), une dcision
seules, elles ne pourraient jamais changer notre vie. Mais
pris ensemble, elles nous forment en ce que nous sommes
aujourdhui. Au fond, ce sont ces choses, qui soit nous
empchent de trouver la paix, soit nous y conduisent.
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Jai rencontr des gens qui pouvaient me dire le moment

exact o ils furent convertis et comment a sest pass, et
je ne doute pas de leur sincrit. Mais, sans doute, pour
la plupart dentre nous, nous nous identifions mieux avec
lcrivain anglais dfunt, Malcolm Muggeridge. Il crivit:
Quelques-uns, tels que lAptre Paul, ont des expriences
sur la route de Damas; jai moi-mme pri quune telle
exprience dramatique marrivent aussi, qui, pour ainsi
dire, me relancerait sur un nouveau calendrier, tel avant
JC jusquaprs JC. Mais de tels vnements ne mont pas
t accords, et je me suis simplement mis en marche,
comme dans Le voyage du plerin de Bunyan.

Pour moi, aussi, la conversion ne fut pas un pas en avant,

mais plutt une tape. Dabord un dsir ardent de trouver
quelque chose de nouveau, puis ma dcision de vivre pour
mon prochain, puis le baptme. Aujourdhui, quarante ans
plus tard, je me pose encore de nouvelles questions et je
trouve de nouvelles rponses. Ici encore, limage de tremplins
vient lesprit.
Chacune des sections suivantes nous offre de telles prises de pied. Elles ne sont pas toutes lisses ou sans danger.
Certaines, comme lhumilit et la confiance, impliquent du
risque, et peuvent mme devenir des pierres dachoppement.
Cependant, sur le sentier de la paix, chaque obstacle doit
tre franchi.

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La simplicit
Lobjet de la vie nest pas dtre du ct de la majorit,
mais dviter dtre mis au rang des fous... Rappelons-nous
quil existe un Dieu qui ne dsire ni louanges, ni gloire, des
hommes crs en Son image; mais, plutt quils soient
guids par la raison, la facult du raisonnement, et ainsi,
Lui ressembler, et agir comme Lui. Le figuier est fidle son
destin, le chien de mme, et les abeilles aussi. Est-ce possible, alors, que lhomme ne remplisse pas sa vocation?
Mais hlas, ces sublimes vrits nous chappent. Le remuemnage de la vie journalire, la guerre, la peur sans raison,
la paresse spirituelle, et la servitude habituelle les touffent.
Marc Aurle

our la plupart dentre nous, le dsir de la paix ne provient

pas dessayer noblement dtre uni Dieu, bien que ce
dsir grandisse le long du chemin. Gnralement, la raison
est plus simple: on est insatisfait avec les tensions et les
pressions journalires de notre vie, et on a peur comme le
dit Aurle de devenir fou.
Notre civilisation nest pas seulement marque par la
frnsie, mais pousse par elle. Nous sommes obsds

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(pour citer Thomas Merton) par notre manque de temps

et despace, de gagner du temps, de conqurir lespace, de
conjecturer sur lavenir, et de nous inquiter sur la dimension, le volume, la quantit, la vitesse, le nombre, le prix, la
force, et lacclration. Nous vivons, il continue, au temps
daucune place, ce qui est la fin des temps.
Nous sommes compts par milliards, amasss ensemble,
rassembls, numrots, mens ici et l, taxs, exercs,
arms... curs de la vie. Et comme la fin approche, il
ny a plus de place pour la nature. Elle est raye de la
face de la terre par les cits. Il ny a pas de place pour la
tranquillit. Il ny a pas de place pour la solitude. Il ny a
pas de place pour la rflexion. Il ny a pas de place pour
la sensibilit, pour prendre conscience de notre tat.

Le pire est quil ne nous manque pas que de la paix du

temps, de lespace, un demeure pour nous-mmes; nous
empchons les autres de les avoir.
Rien quau cours des vingt-cinq dernires annes, des
nouvelles inventions et une hausse au niveau de vie ont
totalement transform notre mode de vivre. Les ordinateurs
et tlcopieurs, les mobiles et la TSF, le ml et dautres technologies de pointe qui allgent le travail ont rvolutionn
notre travail et notre vie familiale. Cependant, nous ont-elles
donn la paix et la libert quelles promettaient?
Sans en tre conscient, nous sommes devenus tout au
moins engourdis, pas loin davoir subi un lavage de cerveau
avec notre passion pour la technologie. Nous sommes devenus les esclaves dun systme qui nous force dpenser
de largent envers de nouveaux gadgets, et nous acceptons
sans question largument: force de travailler plus, nous
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gagnerons du temps et nous pourrons entreprendre des affaires plus importantes. Cest une logique perverse. Quand
toute cette modernisation, depuis le logiciel jusquaux automobiles nous gouverne; quand nous nous mesurons constamment avec les autres (mme contre notre bon jugement),
nous devrions nous demander ce quils nous ont gagn ou
si nos vies sont devenues plus paisibles.
Au fond, la complexit grandissante de la vie de nos jours
nous a drob la paix, et il en rsulte une pidmie, discrte
mais trs rpandue, de nervosit, dinscurit, et de confusion. Dj, il y a cinquante ans, lducateur Friedrich Wilhelm Foerster a crit:
Plus que jamais, notre civilisation technologique a rembourr la vie de tous les cts; mais aussi, plus que
jamais, les gens succombent aux chocs quils reoivent.
La cause en est simple. Une civilisation qui nest que technologique et matrielle ne peut pas nous aider, en face
dune tragdie. Lhomme actuel, extrioris comme il lest,
ne sait pas comment se rendre matre de son agitation et
de sa dualit, et il nen a pas la force. Il ne sait que faire
de la souffrance en faire quelque chose de positif il la
ressent seulement comme quelque chose de dprimant,
exasprant, en conflit avec sa vie. Il na pas de paix. Et ces
preuves, qui pourraient aider un autre, de mentalit et
de vie intrieure actives surmonter son destin, peuvent
suffire lenvoyer dans une institution mentale.

Rcemment, un article dans le Times annonait le dmnagement dun jeune couple, habitant dans un quartier luxueux
de lOhio, dont la jeune femme en avait assez de vivre
dans un voisinage o les gens passent leur temps travailler
sans relche, de faon remplir leurs grandes habitations de
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bagatelles coteuses. Elle voulait simplement de la srnit, de la simplicit, et de la tranquillit desprit.

Au dbut, la vie dans une petite ville leur semblait parfaite,
mais bientt le chmage augmenta le nombre de crimes, et
lesprit troit de leurs voisins leur donnait des maux de tte.
Dtermine ne pas cder, la jeune femme se lana dans les
biens fonciers sur la restauration de btiments historiques,
et les questions colires. Mais ceci ne leur apporta pas
non plus ce quils voulaient. Finalement, le couple eut une
meilleure ide, en vue datteindre le style de vie dsir: ils
partirent pour Nantucket, pour y tablir une demi-pension...
De mme que le bonheur, la simplicit nest pas toujours
acquise en tant recherche. Cela ne veut pas dire que cest
une vaine recherche. Pourtant, vouloir la simplicit pour
elle-mme finit toujours par une dception. Si nous sommes
dsillusionns par la vie matrialiste, et que nous voulons y
chapper, il nous faut faire plus que de seulement changer
de style.
Alors que mes parents taient jeunes, en Europe vers
1920, la recherche dune vie simple faisait partie du dsir
dauthenticit, de rvrence pour la nature, la communaut,
et lharmonie avec le Crateur. Comme la jeunesse des annes 60, les jeunes gens formaient alors des collectifs, dans
lesquels ils pouvaient vivre plus prs les uns des autres, et
bien que la plupart dentre eux vitaient le langage religieux plus prs de Dieu.
Aujourdhui, des voix comme Wendell Berry (le Thoreau de Kentucky) accentuent limportance de retourner
la nature, dapprendre devenir plus indpendant, et de
vivre simplement, pour que dautres puissent simplement
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vivre. Dans le Sud de la France, le village de Thich Nhat

Hanh, centre de retraite des moines du Vietnam, avec des
religieuses et avec des familles, ont beaucoup dire sur la
relation entre la simplicit et la paix.
Nous qui avons des jeunes enfants (ou, des petits-enfants,
nices ou neveux), ne devons pas oublier que leur simplicit
a beaucoup nous apprendre. Contrairement aux grandes
personnes, les enfants tendent embrasser lessentiel et
limmdiat. Leur plus grand plaisir cest dans les choses
naturelles et simples. Ils vivent surtout dans le prsent et
agissent plus spontanment de leur cur, car leur esprit
est plus libre de projets, de buts, dinhibitions, et de motifs.
La simplicit ne peut pas tre une fin en soi. Cependant,
cest quelque chose que nous devons nous efforcer de garder,
lorsque les possessions, les activits, les agendas, nous garent, et nous perdons de vue les choses importantes de la vie
la famille, les amis, les relations qui importent, et le travail
srieux. Voil les choses qui nous relient. Nous devrions
passer plus de temps avec nos enfants, et moins avec nos
outils et nos jouets; devenir moins dpendants des choses
et plus dpendants de Dieu.
Le Christ a demand, Que servira-t-il un homme de
gagner le monde entier, sil perd son me ? (Matthieu
16.26). Aussi souvent que je me souvient de cette simple
question je trouve la paix. Ce nest pas une menace sur
notre tte, mais cest un conseil sr, qui nous rappelle nos
vraies priorits.

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Le silence
La langue est notre arme de manipulation, la plus puissante.
Un courant frntique de paroles nous chappe, parce que
nous voulons continuellement rectifier notre image publique.
Nous craignons tellement ce que les autres voient en nous,
que nous parlons, afin de les clairer. Si jai commis une erreur (ou mme quelque chose que vous nayez peut-tre pas
compris), et je dcouvre que vous en avez entendu parler,
je serai tent de vous expliquer mon action.
Le silence est une des disciplines les plus importantes de
lesprit, car il arrte toute justification de soi-mme. Un des
fruits du silence est la librt de laisser Dieu, Lui-mme,
tre notre justificateur. Ce nest pas ncessaire de redresser
les autres.
Richard J. Foster

n des plus grands obstacles la paix est notre incapacit de garder le silence. Pour chaque situation,
o nous nous dcidons nous taire, sachant que cela ne
nous regarde pas, il y en a dautres, o nous nous mlons.
Nous perdons continuellement notre paix, parce que nous
nous mlons aux affaires dautrui. Nous parlons trop. Nous
faisons des commrages. Et nous oublions que nous serons
jugs pour chaque parole oisive.

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Il nous semble, peut-tre, que le silence a peu dimportance,

quand on le compare avec dautres aspects de la paix prsents en ce livre. Max Picard souligne que le silence se tient
en dehors du monde de profit et utilit. On ne peut pas
lexploiter; on ne peut en tirer aucun bnfice. Il est improductif, donc inutile. Pourtant, il existe plus de gurison et
daide dans le silence, que dans toute autre chose.
Si nous sommes seuls, il est facile dtre silencieux. (Intrieurement, nous ne le sommes peut-tre pas du tout; la
tte pleine dides, et de projets...) Quand nous sommes avec
les autres, cela devient plus difficile. Cest bien plus que de
ne pas parler cela implique apprendre couter.
Au Bruderhof, o, plusieurs fois par semaine, nous avons
des runions de prire, dinformations, de lecture, ou
dchanges informels, on pourrait croire connatre la valeur
du silence. Oui, peut-tre. Mais cest tonnant combien le
dsir de nous exprimer, dexprimer notre opinion, de nous
laisser entendre, peut dranger un dialogue fructueux.
Cest un don de ne pas ragir, ne pas vouloir embellir ou
expliquer, mais simplement dcouter. Quand nous sommes
capables dtre rellement silencieux, et dtre lcoute, alors Dieu peut parler. Cest une discipline. Mre Thrse nous
souligne que ce que nous avons dire nest jamais aussi important que ce que Dieu nous dit, ou veut dire travers nous.
Toutes nos paroles sont vaines, si elles ne proviennent pas
de notre tre intrieur. Les paroles qui napportent pas la
lumire du Christ, ne servent qu intensifier lobscurit.
Beaucoup de gens semblent considrer le silence comme
un accoutrement dune vie qui est inutilement svre plutt
pour les moines et les surs, pour les gens religieux. Il
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est vrai que dans certains ordres religieux, on fait un vu de

silence. Dans notre communaut, ces vux peuvent tre pris
volontairement, pendant une brve priode, si on dsire ainsi
raffirmer son engagement en signe de repentance. Mais,
pourquoi le considrer ngativement? Le silence nous aide
ne pas nous agiter cause des problmes insignifiants..
Parmi les Amis (Quakers), la prire et le sermon taient
rlgus la seconde place, derrire le silence commun, qui
ntait pas une fin en soi, mais plutt une faon dtre
coute de Dieu. Les Amis pensaient que puisque le silence
nous loigne de nous-mmes et nous met dans une sphre
plus lev, cest ltat le plus fructueux qui soit pour trouver
le consensus et lunit, mme sur un problme rfractaire.
Lorsque les paroles, la rflexion, et la prire, ne servaient plus
rien, le silence les conduirait couter lEsprit et trouver
une rponse.
Le silence devant Dieu a un sens profond: dans la tranquillit de lme, lindividu dscend dans le feu central de
la communion. Dans le cercle de prire, les accords vitaux
les plus personnels et les plus lmentaires reoivent la
plus profonde stimulation... Dans la respiration silencieuse, et dans le dialogue sans paroles de lme avec
Dieu, aussi solitaires quils soient, une communion profonde peut prendre place.
Eberhard Arnold

Parfois, le silence ncessite la solitude corporelle. Si nous

vivons et travaillons ct des autres dans une famille
trs unie, ou en communaut, par exemple il est alors essentiel de trouver des moments pour tre seul et tranquille.
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Bonhoeffer nous dit, que ceux qui ne peuvent vivre en communaut, ne peuvent pas, non plus, vivre seuls, mais le contraire est aussi vrai. Ceux qui ne peuvent pas vivre seuls ne
peuvent pas non plus vivre en communaut. Je cite mon
grand-pre, de nouveau:
Tout comme nous respirons, il nous faut la solitude pour
reprendre nos forces et pouvoir de nouveau tre avec les
autres. Nous apprenons de la biographie qua crit Nietzsche sur la vie de Zoroastre que lancien prophte tait
souvent seul avec ses animaux. Il se promenait en silence
parmi ces btes fortes, nobles et intelligentes, cependant
si soumises, et ainsi, il regagnait ses forces et se sentait
conduit de nouveau vers ses semblables.

Personnellement, je suis de lavis quil est important de se

faire un temps de solitude, chaque jour, ne serait-ce que
quelques minutes. Ma femme et moi nous faisons une petite promenade le matin, aussi souvent que possible, et cela
nous aide concentrer nos penses sur notre proccupation
principale. Dautres personnes de notre communaut font
de mme: un couple g fait une petite promenade chaque
jour, avant le dner, simplement pour apprcier la soire et
le silence.
Surtout, si nous traversons une priode de trouble ou de
deuil, la force curative et silencieuse du grand air ne doit
pas tre nglige. Jentends encore Ria Kiefer, une vieille
dame de mon enfance, disant quelquun qui avait la mine
triste: Freu Dich an der Natur! Va dehors. Rjouis-toi
de la nature!
Dans son livre Freedom from Sinful Thoughts (Rompre les
chanes du pch en pense), mon pre crit propos dun
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silence diffrent le dtachement, ou le silence intrieur. On

pourrait beaucoup dire sur le dtachement; les mystiques
en ont beaucoup parl, des volumes entiers. Cependant, on
peut le dfinir trs simplement comme la paix qui provient
de labandon de tout ce qui nous proccupe la clameur
du travail, la distraction de nos projets, de nos soucis sur le
futur afin de trouver un silence intrieur. Le Quaker William
Penn nous explique pourquoi ceci est si important:
Aimez mme le silence desprit, car les penses sont pour
lesprit ce que sont les paroles pour le corps, ennuyeuses.
Beaucoup parler, comme beaucoup rflchir, nous consume; et en beaucoup de penses, de mme quen beaucoup de paroles, il y a du pch. Le vrai silence cest le
repos de lesprit, et cest pour lui ce que le sommeil est
pour le corps, une alimentation et un rafrachissement.
Cest une grande vertu; elle couvre la folie, garde les
secrets, vite les disputes, et barre le pch.

Nous savons tous, ce que cest dtre aux cts dune personne aime, ne disant rien mais nous sentant parfaitement
laise. Nanmoins, le silence nest pas toujours une source
de paix. Parfois une simple pause dans la conversation suffit pour nous embarrasser et nous recherchons vite quelque
chose dire, pour combler la lacune. Lorsque quelque chose
ne va pas sil y a quelque chose entre nous qui ne va pas,
ou entre nous-mmes et Dieu le silence peut mme tre
effrayant.
Une personne que jai conseille pendant plusieurs annes
me disait, suivant une priode trouble de son existence,
quelle trouvait la paix en laissant tout tomber, et en gardant
le silence en son me:
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Il me semble que si nous ne sommes pas en paix avec

nous-mmes, il nous est difficile de faire face aux moments vide: visuellement (navoir rien contempler
ou lire), auditivement (rien couter ou entendre), ou
physiquement (rien faire ou lincapacit de faire quoi
que ce soit). On essaie de se distraire du problme en soi
douleur, conflit defforts, peur, accusations, mauvaise
conscience, peu importe mais on nen devient que de
plus en plus confus. Pour autant que lon veuille viter ce
vide, on peut y trouver du bien, si on laccepte et quon
sen sert pour le bnfice de son me. Faire face ces
problmes, voil ce qui est dur, mais cela peut nous prparer recevoir le don de paix, et le don dune vie plus
en harmonie avec la volont de Dieu.

Sophie Lber, amie denfance de mon pre, que je connais

depuis mon enfance, ma rcemment crit, dans le mme
esprit: Jai souvent d combattre pour la paix dans ma
vie, mais le silence ma aide rflchir et me rappeler que
Dieu tient chacun de nous la main.
Sophie tait un des membres du Bruderhof en Allemagne
contre lequel la Gestapo (la police secrte) avait fait une
rafle en 1937 et lavait dissous. Aprs les avoir aligns
contre le mur et squestrs les femmes et les enfants dans
une chambre, la police les interrogea et leur annona quils
avaient vingt-quatre heures pour quitter les lieux, et sortir
du pays.
Quand les Nazis nous ont forcs quitter notre communaut bien-aime dans la rgion de la Rhn, on ne
nous a pas permis de prendre autre chose que nos vtements sur le dos. Mais nous avons emport nos trsors
dans nos curs: nos peines et nos joies, nos temps de
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combat et de clbration, et tout ce que nous avions vcu

ensemble, pendant ces annes. Personne ne pouvait nous
les enlever, mme si on nous drobait de tous nos biens
matriels. Ceci me donnait une joie profonde et de la paix
dans mon cur.

Plusieurs annes aprs, Sophie et son mari, Christian, perdirent deux fils dune maladie rare. Dabord les jeunes garons devinrent aveugles, puis ils taient frapps dune incapacit mentale. Ils moururent, tous deux, dans leur adolescence. Sophie fut frappe dune tristesse indicible. Certaines
questions la torturaient, mais, petit petit, elle retrouva la
foi et la paix dans le silence:
Je me suis longtemps demande: pourquoi Dieu nous
donne-t-il cette rude preuve? Parfois, le dcouragement
nous semblait insupportable, mme lorsque nous nous
tournions vers Dieu en prire... Cependant, plus tard,
quand jai pu rflchir en silence, jai vu que mon inquitude et ma prire taient trop mesquines, trop personnelles.
Christian et moi, nous tournions autour de notre misre,
oubliant quil y avait des gens ct de nous, qui avaient
des besoins aussi. Nous avions aussi oubli la promesse,
Recherchez dabord le royaume et la justice de Dieu, et
tout cela vous sera donn en plus (Matthieu 6.33).

Plus rcemment, Sophie perdit son mari au cancer, puis,

aussi, un troisime fils (mari, avec des enfants) dans un
accident dlectrique. Dieu la srement prouve, mais elle
nous dit que sa souffrance lui a appris rechercher le silence,
et lcher tout ce qui nous relie ici-bas. Ainsi, elle a pu
faire de la place Dieu et Lui permettre de pntrer en mon
cur, et mes blessures ont commenc gurir.

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Maintenant que japproche la fin de ma vie, le silence

mest devenu encore plus important. Tenez-vous
tranquilles, et sachez que je suis Dieu... (Psaumes 46.10,
version Darby). Il faut nous dbarrasser de toute autre
chose, afin que Dieu nous remplisse compltement.
Alors nous ferons lexprience de la joie vritable, et
nous serons en paix.

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Labandon
Les difficults ne doivent pas nous dprimer, ni nous drouter. La cause qui nous a saisis est si importante que les
points faibles des individus ne peuvent en rien lui faire du
tort. Donc, je ne vous demande quune seule chose: nayez
pas tant de soucis pour vous-mme. Librez-vous de tous
vos plans et desseins. Ceux-ci vous occupent beaucoup trop.
Abandonnez-vous au soleil, la pluie, et au vent, comme
le font les fleurs et les oiseaux. Abandonnez-vous Dieu.
Souhaitez une seule chose: que Sa volont se fasse, que
Son rgne vienne et que sa nature soit rvle. Alors, tout
ira bien.
Eberhard Arnold

a meilleure faon de ne pas tre en paix, cest de continuellement penser soi-mme. Se replier sur soi-mme,
clarifier ses motifs, se poser des questions auxquelles nous
ne voudrions pas rpondre par peur de devoir changer tout
cela fait partie de cet examen des raisons de notre manque
de paix. Mais den rester l, cest la mort. Se replier sur soimme est trs diffrent que de se tourner vers Dieu. Une
fois que nous avons confront nos problmes, il nous faut
les abandonner aux mains de Dieu et continuer notre route.
Alors seulement connatrons-nous la paix.

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Il y a des personnes, qui se regardent constamment,

comme dans un miroir; ainsi, elles sont inutilement nerveues.
Dautres, ne sont peut-tre pas si conscientes de leur tat intrieur, mais elles sont crispes, tout de mme, parce quelles
ne peuvent pas abandonner les torts passs. Avec une, ce
peut tre un ancien ressentiment; avec une autre, un dsir
insatisfait, ou une frustration non conquise.
Winifred Hildel, membre de ma communaut, passa par
une priode de deuil profond quand son fils unique fut mortn. Ne pouvant pas surmonter cette peine, elle gardait en
tte quelle tait peut-tre coupable, bien que le mdecin lui
en assurait le contraire. Seulement aprs bien des annes,
force de partager avec dautres les dtails de tout ce quelle
imaginait avoir contribu cet vnement, a-t-elle pu abandonner ces accusations envers elle-mme.
Ce conflit intrieur de Winifred nous montre une source du
manque de paix, qui nous cause beaucoup de chagrin: notre
essai de faire face une tragdie dont nous nous sentons
responsables. Cette question, si nous sommes coupables ou
non, ne peut tre rsolue que par le renoncement. Lhumilit
est une vertu, mais non pas la rcrimination de soi-mme.
Cela napporte pas de gurison, mais seulement une introspection malsaine.
Pour certains, une autre source dun manque de paix est
leur impuissance de relcher le contrle quils veulent exercer sur les autres. Comme conseiller de famille, jai vu
combien cela peut nous handicaper, surtout dans la relation entre parents et enfant. Dans beaucoup de familles, la
discorde, spcialement entre grands adolescents et parents,
pourrait tre rsolue si les parents pouvaient remettre leurs
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enfants et leurs avenirs aux mains de Dieu. Ma mre, une

institutrice, disait souvent aux parents: Le plus mauvais
service que vous pouvez faire vos enfants est de vous lier
eux. Laissez-les aller. Liez-les Dieu.
Les esclavages motifs crent des tensions en dehors de
la maison aussi: dans les lieux de travail, dans les Eglises,
dans les organisations sociales. Notre tendance conseiller
ou critiquer ou nous mler dans les affaires des autres rend
la vie insupportable pour tout le monde.
Peut-tre que la cause la plus rpandue du manque de paix
est tout simplement notre propre volont notre insistance
vouloir diriger notre vie personnelle. Cest naturel de vouloir
tre son propre matre, mais cela ne laisse pas de place
Dieu. Si nous dsirons la paix de Dieu dans notre vie, nous
devons Le laisser diriger, que le chemin soit facile ou non.
Nous devons tre tout fait sincres lorsque nous prions
Que Ta volont soit fate.
Dans le cadre de ma vie dcivain et orateur, jai rencontr
plusieurs fois Molly Kelly, mre, crivain, et confrencire.
Molly est surtout connue pour sa comptence relative la
sexualit des adolescents, mais elle possde aussi une intuition prcieuse dans la recherche de la paix de lme et du
rle de labandon de soi qui nous aide la trouver.
Jai grandi dans une famille catholique avec cinq frres et
une sur, et Maman et Papa nous aimaient beaucoup.
Tout nallait pas toujours bien, mais ctait lamour qui
nous tenait ensemble. Je suis alle luniversit...et l jai
rencontr lamour de ma vie: Jim, un beau jeune homme,
tudiant en mdecine Georgetown. Jim et moi avions
commenc sortir ensemble dans ma seconde anne, et

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nous nous sommes maris lanne prochaine, aprs que

jai obtenu mon diplme. Notre mariage a t fait au paradis, comme on dit. Il maimait, je laimais, et pour cette
raison nous avons dcid de laisser Dieu lorganisation
de la famille. Et quest-ce quIl est gnreux! Nous avons
t bnis avec huit enfants en onze ans!
Mais quen tait-il de la paix? Quand je pense ce mot,
je pense dabord combien les gens abusent ce mot...
Un jour, il y a maintenant vingt-deux annes, ma vie
a totalement chang. Jim et moi sommes partis pour le
weekend avec trois autres couples, nos meilleurs amis.
Ce ntait pas facile de nous absenter, cause du travail
de Jim lhpital et les huit petits enfants. Nous tions
donc trs excits. Nous allions passer ces journes dans
une station de vacances dhiver dans les Montagnes Poconos. Mais laissez-moi sauter jusqu lvnement qui ma
plonge dans lagitation et une tristesse qui pntra tout
mon tre pendant des annes, jusqu ce que jaie pu
laisser Dieu me conduire pas pas vers la paix et la joie.
Jtais sur le sommet dune colline, bavardant avec
mes amies, lorsque jai remarqu une commotion au bas
de la pente. Jim venait de descendre en traneau, et je
ne lavais pas suivi, donc je ne savais pas ce qui stait
pass. Je vis alors quon me faisait signe de venir vite,
parce que Jim avait eu un accident et il tait bless. Jai
couru jusquen bas, glissant et tombant plusieurs fois, et
en arrivant il y avait une foule autour de lui. Ils mont fait
place, et je me suis agenouille ses cts. Il ntait qu
demi-conscient, et perdait beaucoup de sang. Je saute les
dtails: Jim est mort.
Jtais dsempare. Jim tait mon meilleur ami, mon
compagnon, le pre de mes enfants, lartisan de mes
rves. Je ne pouvais pas mimaginer la vie sans lui. Je
noublierais jamais, en retournant chez nous, comme jai
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treint chacun de mes enfants, auxquels on avait dj

apprit la mort de leur pre. Le plus g, Jim, avait douze
ans, et le plus jeune, Dan, avait quatorze mois. Les ans
taient ples et tristes; ils saccrochaient lun lautre.
Les plus jeunes ne savaient pas exactement ce qui se passait. La maison tait pleine de gens, de bruit, et de beaucoup de friandises. (Cest intressant combien de gens
apportent de la nourriture afin de consoler une famille en
deuil.) Dieu tait compatissant, et Il nous avait entours
de famille et de bons amis; jtais reconnaissante de toute
cette amiti, mais trop blesse pour pouvoir les remercier.
Jtais blesse et meurtrie, tout comme Jim, et personne
ne pouvait panser mes blessures qui continurent suppurer pendant des annes.
Jai pu continuer moccuper des enfants, parce que
je les aimais tellement et je ne voulais jamais dshonorer
la mmoire de Jim en ngligeant ma tche de les lever
comme il faut. Jen avais deux qui portaient toujours des
couches. Puisque les enfants veulent toujours que tout
revient la normale aussi vite que possible, les autres
enfants retournrent aux jeux de football dans le salon et
la fabrication dune maison avec mes coussins du canap,
revendiquant mon temps et ma patience. Quant au temps,
jen avait assez; au faite, le temps tranait lourdement,
bien quil me semble ne jamais finir avec tout ce que
javais faire. Chaque jour me semblait interminable,
je pouvait peine attendre lheure de me coucher afin
doublier pendant quelques moments que Jim tait mort.
Jtais bout de patience.
Des personnes me ctoyaient constamment, mais je me
sentais isole et seule. Ce ntait que plus tard, quand la
paix mest revenue, que jai dcouvert la diffrence entre
lisolement, et la solitude. Jai encore peur de me sentir
seule, mais jaime les temps de solitude avec Dieu.
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Quelque temps aprs la mort de son mari, Molly soccupa dun

problme que Jim prenait beaucoup cur: lavortement. En
tant que mdecin catholique qui estimait que toute vie tait
sacre, Jim opposa ardemment Roe v. Wade, et Molly pensait
de mme, bien quelle ne leut jamais dit publiquement.
Je navais jamais parl en public, et jen avais trs peur,
mais je me suis dit, tu as survcu le pire la mort de
Jim. Parler en public, ce nest srement pas si terrible?
Jai commenc adresser ce problme dans les coles
catholiques locales, et aprs quelques annes, je donnais
un bon nombre de ces prsentations. Jarrangeais mon
programme, de faon tre la maison quand les enfants
rentraient de lcole laprs-midi.
Aprs un certain temps, jai ralis que je nallais pas
jusquau fond du problme. Il fallait dabord parler de la
cause premire de lavortement, et cela avait faire avec
les grossesses non prmdites, qui touchait au problme
des rapports sexuels sans lendemain. Alors je commenais parler de la responsabilit sexuelle, que jappelle
la chastet. Ce fut le commencement dune rapparition
de confrences sur labstinence, et les invitations parler
affluaient. On ma demand de parler dans tant dcoles
et dautres endroits, que je ne savais plus o me tourner.
Mes amis voulaient me rfrner, mais je sentais que
Dieu mavait appele cette tche, et je ne voulais pas
labandonner. Mais ctait de trop et il fallait lcher
quelque chose. Cest alors que je devins consciente quil
me fallait tout cder Dieu, mabandonner Lui, et je
nen avais pas lhabitude.
Je voulais toujours tre matresse de la situation, javais
huit enfants et javais du mal tout faire, jachetais la nourriture, je faisais la cuisine, le linge, je les aidais avec leurs
devoirs, jassistais tous les jeux et matchs, je prsidais
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la maison, et lcole. La parole cder ntait pas

dans mon vocabulaire. Ce que je ne ralisais pas est que
cder Dieu veut simplement dire laisser Dieu agir
et contrler. Il fallait que je cde tout: mon contrle,
mon agitation, ma solitude, tout ce qui maccablait
mme mes enfants Dieu. Et, dans chaque domaine
de ma vie, l o je pouvais le faire, jprouvais presque
instantanment la paix.
Pour la premire fois depuis ma premire communion, jai reus une nouvelle prise de conscience du SaintEsprit. Javais grandi en priant Dieu et en voyant Jsus
dans mon imagination, mais le Saint-Esprit ntait pour
moi que quelquun qui est entr et sorti lors de ma communion. En mabandonnant Dieu (et croyez-moi, cela
exige un effort journalier), jai commenc comprendre
que la Pentecte, la descente de lEsprit en nos vies, est
un vnement perptuel.

Molly a parl des millions dadolescents mes personnes

favorites dans le monde entier et des milliers de parents.
Rcemment, elle sadressa six mille prtres Rome, et
une runion de cinquante cardinaux et vques en Californie.
Mon programme peut tre accablant, mais il ne maccable
plus. Ma paix est profonde. Une srnit, qui dure aussi longtemps que je renouvelle mon abandon Dieu.
Jaccepte les engagements que je peux, quand je les vois
comme tant ce que Dieu dsire et je dis non aux autres.
Ai-je toujours raison? Je nen suis pas sre. Mais jai
confiance que Dieu ne nous enlve pas le don de Sa paix,
si nous continuons Lui livrer notre vie, mme si nous
chouons, ici et l...
Je vois maintenant, que cest seulement dans labandon
que la paix vritable nous vient. La capitulation en temps
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de guerre signifie la perte, la dbcle. Labandon Dieu,

cest le gain, la victoire, cest cder notre vie Lui. Je commence chaque jour la messe, en demandant Dieu de
maider chaque jour agir Sa place avec toute personne
que je rencontre, et encore plus important, de Le voir en
chacun. Cest alors que je brandis mon drapeau blanc de
capitulation, que Dieu seul peut voir, et je lagite bravement, disant Dieu quune fois encore je mabandonne
Sa volont. Cest un exercice journalier qui affermit
ma vie spirituelle, et croyez-moi, Il me donne toujours
Sa joie et Sa paix.

D innombrables personnes continuent bravement, mme si

elles nen peuvent plus, simplement parce quelles ne laissent pas tout tomber devant Dieu. Elles veulent absolument
diriger leurs propres vies, cote que cote. Ces personnes se
surmnent et ont besoin de vacances pour rcuprer. Elles
essayent dquilibrer leur emploi du temps, de discerner
leurs priorits. Elles prient et travaillent dur, elles veulent
tre humbles et aimantes chez elles et patientes au travail.
En fin de compte, elles nont toujours pas de vritable paix.
Rcemment on ma demand, comment je restais en paix
de jour en jour. Ne devenez-vous pas fou, en pensant
toutes les mes confie vos soins? Cest toujours un dfi
pour le pasteur, et quand je pense aux 3.000 paroissiens, je
me sens bien inadquat. Heureusement, jai le soutien dune
dizaine de collgues pour guider lassemble de mes fidles,
et il y a aussi ma femme, avec qui je suis mari depuis plus
de 45 ans. Quand mme, il y a des jours o lanxit obscurcit lhorizon. Quelquefois, du point de vue humain, une
situation semble dsespre.

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Cest justement dans de tels moments, lorsque nous nous

sentons au point de perdre notre quilibre, que Dieu nous
donne en notre cur lassurance et la paix si nous nous
tournons vers Lui. Une fois que nous nous rsignons ne pas
essayer de rsoudre nos problmes de notre propre faon, le
moindre obstacle sera enlev. Ceci nous est promis dans les
psaumes: Remets ton sort lEternel, et il te soutiendra. Il
ne laissera jamais trbucher le juste (Psaumes 55.23) Pour
lesprit moderne, cela semble trop simple, trop beau pour
tre vrai. Mais pour les croyants, cest une offrande de Dieu
qui peut tout arranger .
On dit que Christophe Blumhardt, pre du socialisme
religieux au dix-neuvime sicle et pasteur dune grande
Eglise, se couchait en paix tous les soirs tandis que sa femme
restait veille remcher ses soucis. Un peu fche de la
facilit avec laquelle il pouvait prier puis sendormir, Emilie
lui demanda son secret. Est-ce que Dieu est si impuissant
que mes soucis doivent venir en aide mes paroissiens?
rpondit-il. Il vient un moment, chaque jour, o nous devons
tout laisser tomber de ce qui nous pse, et le laisser entre
les mains de Dieu.
Mme en sefforant de notre mieux, notre force est minuscule, et nos solutions ingales. Labandon Dieu, signifie
reconnatre la puissance incomparable de Dieu, et de Lui
faire place pour conduire notre vie.
Cela nous aide, parfois, de faire un pas en arrire, et de
prendre une vue densemble. Le royaume de Dieu nest
pas seulement au-del de nos efforts. Il est mme au-del
de notre vision. Nous accomplissons dans notre vie seulement une fraction de lentreprise magnifique, qui est le
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travail de Dieu. Rien de ce que nous faisons nest achev

autre faon de dire que le royaume est toujours au-del
de nous. Aucune de nos affirmations ne dit tout ce qui
doit tre dit; aucune prire nexprime notre foi entire.
Aucune confession napporte la perfection; tous les soins
pastoraux possibles napportent pas le bien-tre. Aucun
programme ne peut accomplir la mission de lEglise. Nos
buts et nos objectifs ne peuvent jamais comprendre le
Tout.
Que faisons-nous? Nous plantons les graines, qui, un
jour vont pousser. Nous arrosons les graines en terre,
sachant quelles contiennent la promesse future. Nous
posons la fondation qui ncessitera la construction du
btiment...
Nous ne pouvons pas tout faire: le reconnatre nous
donne un sens de libration. Cela nous permet de faire
quelque chose de menu, et de le faire bien. Ce peut tre
incomplet, mais cest dj un commencement, un pas en
avant, une occasion pour la grce du Seigneur dentrer et
de continuer. On nen verra peut-tre jamais le rsultat
final, mais cest justement la diffrence entre larchitecte
et lartisan.
Nous sommes les ouvriers, non pas les architectes;
les bergers et les moutons, non pas des sauveurs comme
le Messie. Nous sommes des prophtes dun avenir qui
nest pas le ntre.
Attribu Oscar Romero

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La prire
Leffet de la prire, cest lunion avec Dieu; et si quelquun
est avec Dieu, il est spar de lennemi. Par le biais de
la prire, nous gardons la chastet, nous contrlons notre
colre et nous nous librons de notre vanit. La prire nous
aide oublier les injures, surmonter lenvie, faire chouer
linjustice et rparer les torts.
Par la prire, nous obtenons le bien-tre physique, un
foyer en paix et une socit solide et bien ordonne. La prire
dfend le voyageur, protge celui qui dort, et encourage
les veilleurs. Elle vous rafrachit dans votre fatigue et vous
rconforte dans votre tristesse.
La prire est le dlice des joyeux, et la consolation des
affligs. Cest lintimit de Dieu et la contemplation de
linvisible. La prire est la joie dans le prsent, et la substance des choses venir.
Grgoire de Nysse

l vient des temps o rien que la prire ne peut nous donner la paix. Nous pouvons rechercher la simplicit et le
silence un dtachement des sources de lagitation autour
de nous ou en nous-mmes mais on reste quand mme
avec un vide que Dieu seul puisse remplir. Et sIl ne pntre

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pas dans nos curs sans avoir t invit, il nous faut lui
demander dy entrer.
Dans le Psaume 130, un de mes psaumes favoris, le premier verset, Du fond de la dtresse je tappelle, Eternel,
nous donne un aperu de comment nous devons prier quand
nous sommes dans de besoin. Au fond il reflte lesprit dans
lequel nous devrions toujours nous tourner vers Dieu: nous
sommes toujours en dtresse, nous avons toujours besoin de
de son aide et de la direction. Il est toujours l, au-dessus
de nous, ferme et sr et fort.
Le philosophe juif Martin Buber dit que chaque fois que
nous prions, nous devrions appeler au secours et nous imaginer que nous sommes accrochs par les cheveux une falaise avec une tempte qui rage autour de nous avec une telle
violence que nous savons que nous navons que quelques
secondes vivre, moin dtre sauvs. Buber continue ainsi:
Et, en vrit, il ny a aucun conseil, aucun refuge, et aucune
paix pour nous, sinon de nous lever les yeux et le cur vers
Dieu et de lappeler au secours. On devrait faire ceci continuellement, car lhomme est en grand danger dans le monde.
Cette image de Buber est dramatique, mais elle nest pas
exagre. Dans une civilisation comme la ntre, o le bras
long des mdias a une si vaste influence que les nouvelles
de scandales ou catastrophes peuvent arrter net des millions de personnes, lindividu est plus que jamais enclin
suivre la foule. Nietzsche sest rendu compte de cela il y a
cent ans, lorsquil rflchissait sur la vrit du vieux proverbe, Gemeinschaft macht gemein la communaut rend
commun (vulgaire) en nous prvenant des dangers dune
socit o les valeurs de la foule sont tellement fortes que
les consciences les plus sensibles risquent de sengourdir.
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Sans une vie de prire active, nous perdons la fermet

de caractre, et nous succombons ce que les sociologues
appellent linstinct grgaire: nous sommes alors en proie
la peur des autres, lambition, au dsir de vouloir plaire
aux autres. Sans la prire, le va-et-vient constant des opinions diverses autour de nous va inonder notre vie intime, et
finalement la noyer. Nous pensons tre notre propre matre,
mais en fait nous ne pouvons peine penser, encore moins
prier indpendamment. Ayant perdu sa relation avec Dieu,
notre vie consiste seulement (pour citer Nietzsche encore une
fois), nous conformer toutes les influences et exigences
de la socit.
La prire est la meilleure armure protectrice autour de la
flamme tranquille du cur face ces assauts. Cest mme
plus: cest une discipline positive qui nous ramne notre
place prs de Dieu si nous nous sommes gars. Cela
nous dirige et attire notre attention sur la source de la paix.
Personnellement, jai trouv cette discipline cruciale afin de
maintenir un sens de paix et dordre dans ma vie. Plus que
toute autre chose, il semble que la prire (ou son absence)
puisse dcider le succs de la journe. Comme Bonhoeffer
remarque dans Rsistance et soumission: lettres et notes de captivit, le temps que nous perdons, les tentations auxquelles
nous cdons, la paresse ou la lthargie dans le travail en
gnral, le manque de discipline dans nos penses, dans nos
actions, dans nos relations avec autrui ont souvent leur
racine dans notre ngligence de la prire.
Il nest pas ncessaire que la prire soit formelle. Pour
ma femme et moi, cest la faon naturelle de commencer la
journe et de la terminer; nous prions chaque matin, en nous
levant, et chaque soir, en nous couchant. Dautres peuvent
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prier plus souvent, et dautres, moins souvent. Les uns prient

genoux; les autres emploient un livre de prire. Les uns
parlent, les autres ne se servent pas de paroles. Pasteur Blumhardt, dj mentionn dans ce livre, ouvrait sa fentre chaque
soir pour dire bonne nuit Dieu. Du moment que la prire est
authentique, provienne du cur, et non pas simplement une
habitude, cela na pas dimportance de quelle manire nous
prions. Limportant cest de lui faire de la place quelque part.
Dans le tumulte de la vie extrieure, et du dsarroi intrieur, il est toujours possible de se tourner vers Dieu et
de le servir. Tout comme le centre de louragan est calme,
et quau-dessus des nuages le ciel est clair, de mme,
est-il possible de se tracer une clairire dans la jungle de
notre volont humaine, pour un rendez-vous avec Dieu.
Dieu arrivera srement, bien que lon ne peut prvoir ni
la forme quIl prendra ni les circonstances peut-tre
dans un nuage de gloire, ou comme un mendiant, dans
la puret du dsert ou dans les conditions sordides des
quartiers Soho de Londres ou Times Square New York.
Malcolm Muggeridge

A ct des penses de Muggeridge, nous avons le commandement biblique de prier sans cesse. Pour beaucoup de
ceux qui recherchent Dieu, cest assez simple. Molly Kelly a
dit: Avant, je priais Dieu certains moments de la journe
le matin, ou avant de me coucher. Maintenant, je sais
que cest une conversation constante avec Dieu. Je prie en
marchant dans laroport, ou au supermarch.
Pour les autres, cette faon de penser peut tre un obstacle.
Comment peut-on prier toute la journe? Que signifie: sans

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cesse? James Alexander, un frre g du Bruderhof, a rflchit longtemps sur ce sujet:

Bien que jaie pri depuis mon enfance, ce fut seulement
quand jai commenc voir la prire comme une faon
de vivre attitude constante, plutt quune action rpte que jai compris le sens de cette phrase prier sans
cesse La Prire de Jsus, comme elle est explique dans
Rcits dun plerin russe Seigneur Jsus Christ, aie piti
de moi, pcheur ma de mme aid. La Bible nous dit
quune chose que nous pouvons offrir Dieu, cest la
stabilit dune telle prire. Mais ce nest pas simplement
une collection de paroles. Cest une attitude envers la vie.

Gerard Manley Hopkins, pote du 18e sicle, a dit, peu

prs la mme chose:
Ce nest pas seulement la prire qui rend gloire Dieu,
mais le travail. Frapper lenclume, scier le bois, blanchir
un mur la chaux, conduire les chevaux, balayer, nettoyer tout ceci honore Dieu, si par sa grce vous le faites
en tant quun devoir. Prendre la Sainte Cne dignement
honore Dieu, mais prendre sa nourriture avec reconnaissance et modration honore Dieu aussi. Lever les mains
en prire honore Dieu, mais un homme avec une fourche,
une femme avec un seau dordures, Lui rend gloire, aussi.
Il est si grand, que tout lui rend gloire, si nous le dsirons
ainsi. Vivez, donc, mes frres!

Nous aurons tous des faons diffrentes de prier. Comme nos

circonstances changent par les maladies, la vieillesse, ou
des crise, par exemple notre vie de prire changera aussi.
Jeune homme, Doug Moody, membre de mon Eglisecommunaut, navait jamais trouv beaucoup de sens dans

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la prire. Troubl par lhypocrisie quil percevait dans lglise

de sa jeunesse, Doug se sentait de plus en plus en dsaccord
avec elle, surtout vis--vis la question du service militaire,
quil opposait en tant quobjecteur de conscience. A la suite
du bombardement de Pearl Harbor, ses collgues et professeurs luniversit de North Carolina lourent son refus de
sengager, mais non son glise. Le juge qui la jug et condamn comme criminel pour avoir contourn la conscription,
tait un membre de sa propre congrgation.
Je suis rest dans cette ancienne prison du compt, avec
des morpions, de la nourriture excrable et une douche
qui ne marchait pas, et sans vtements de rechange. Heureusement, ma mre a pu mapporter du savon et des
sous-vtements de rechange. Ctait la priode la plus
difficile de mon emprisonnement, allg seulement par le
rcit quotidien dun pauvre Allemand dsespr, en route
un camp dinternement. Un voisin lavait faussement
accus despionnage.
En prison jai lu dans Fellowship, le journal du Mouvement international de la rconciliation (MIR), que le couple Mennonite qui mavait inspir ne pas menrler dans
le militaire, avait chang leur position. Jtais furieux.
Mais mon emprisonnement ma apport une bndiction
insolite: lentement, au travers du peu de souffrance que
jai endur lennui et la salet, et notre traitement dhumanisant jai commenc mintresser au prisonnier
indigent dans le lit ct du mien, et la joie qui provient
du service aux autres sest veille en moi.
Jai commenc comprendre ce que Thomas Kelly
voulait dire par vivre dans le prsent eternel, car tous
les prisonniers parlaient constamment du temps qui leur
restait avant leur libert, vivant tout le temps dans lavenir.
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Commencer vivre pour le prsent non pas pour ma libert, ni mme pour le prochain repas, ou film, ou occasion
de dormir ma permis dtre en paix mme en prison.

Des annes plus tard, pendant une priode difficile de sa vie

personnelle, Doug trouva un sens nouveau la prire. Au
lieu des faons courantes dchapper au dcouragement, ou
la dpression, la prire dans le sens tout simple de me
tourner vers Dieu et mon voisin avec amour est devenu la
base dune paix durable et de ma raison de vivre. Maintenant, mesure quil vieillit, Doug dit que sa prire personnelle
a pris une importance quelle navait jamais eue auparavant.
La prire intervalles rgulirs avec ma femme, ou seul
le matin, midi, le soir, et lorsque je reste veill la
nuit est devenue une ligne de sauvetage, aide unique
pour confronter les checs invitables, les tentations, les
dcouragements ou priodes de dpressions que chacun
de nous prouve un jour ou lautre.
Il ne sagit pas toujours de paroles. Il sagit, peut-tre
simplement de se tourner vers Dieu pendant la journe,
lever les yeux, avoir un moment de silence en se souvenant de quelquun qui est accabl ou qui souffre. Ou
peut-tre cest un moment pour considrer certains
problmes et questions. Ou bien encore, il peut sagir de
demander de la clart, afin de pouvoir reconnatre mes
fautes et prendre conscience des temps que jai peut-tre
bless mon prochain. La prire maide renforcer mon
engagement envers Jsus-Christ et envers mes frres et
surs. En tout ceci, on retrouve la paix non pas la paix
du monde, mais la paix de Jsus.

Karl Barth a crit que quand on joint les mains en prire,

un soulvement contre le dsarroi du monde se dploie. Si
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ceci est vrai, et je le crois, alors nos prires ne peuvent pas

exister dans un sphre part, et elles ne peuvent pas tre
diriges par nos dsirs et nos intentions. De mme que la foi
sans actes signifie une certaine mort spirituelle, de mme la
prire sans laction est une hypocrisie. Mme sans les actes,
nos prires doivent tre plus que des appels gocentriques
pour le bonheur personnel, si elles vont avoir un effet sur le
monde extrieur.
Doug fait allusion limportance dincorporer les autres
dans notre prire. Parmi les Premiers Chrtiens et au travers
de lhistoire de lEglise perscute, et de ses martyres, nous
retrouvons cette pense, et mme une pense encore plus
radicale la pratique de prier, comme Jsus la ordonn, pour
ceux qui nous perscutent. Il nous faut tre prts faire de
mme pour ceux qui nous font du mal, que ce soit par la
mdisance, la calomnie, ou quelque autre mfait.
Si nous professons aimer nos ennemis et nous manquons
de prier pour eux, nous nous dupons. Le fondateur de Sojourners, Jim Wallis crivit:
Tant que nous ne prions pas pour nos ennemis, nous
continuons ne voir que notre propre point de vue notre
propre vertu et ignorer leur point de vue. La prire
dtruit la diffrence entre nous et eux. Faire violence aux
autres, cest les rendre nos ennemis. La prire, par contre,
transforme les ennemis en amis.
En invitant nos ennemis dans notre cur par la prire,
il devient difficile alors de maintenir lhostilit ncessaire
la violence. En les rapprochant de nous, la prire sert
mme protger nos ennemis. Ainsi, la prire sape la
propagande et la politique qui nous influencent har et
craindre notre ennemi. En adoucissant notre cur envers
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nos adversaires, la prire peut mme devenir tratresse. La

fervente prire pour nos ennemis est un grand obstacle
pour la guerre et pour les sentiments qui conduisent
la guerre.

En temps de guerre ou de crises nationales, on entend beaucoup de prires, mais elles sont rarement offertes dans cet
esprit, du moins, pas publiquement. Je me souviens dune
occasion pendant la premire guerre du Golf, juste aprs
lattaque de grande envergure contre Irak au dbut de lanne
1991. Le prsident Bush, adressa la nation la tlvision,
implorant les spectateurs de delaisser toute activit, afin
de prier pour nos gars au Golf. Il finit son oraison avec
ces paroles ferventes, Que Dieu bnisse les Etats Unis
dAmrique.
La plupart dentre nous avions probablement fait notre
devoir patriotique, sans autre rflexion. Pourtant, comme
Thich Nhat Hanh a soulign, il y avait probablement le mme
nombre de Musulmans Irakiens qui se prosternaient devant
Allah ce moment-l, et qui priaient pour leurs maris et leurs
fils. Comment Dieu pourrait-il savoir quelle nation soutenir?
Les gens prient Dieu parce quils veulent que Dieu pourvoie leurs besoins. Sils veulent faire un pique-nique,
ils demandent un jour ensoleill. Au mme moment, les
fermiers, qui ont besoin de pluie, prient pour le contraire.
Si le temps est clair, les gens diront: Dieu est avec nous;
il a rpondu notre prire. Mais sil pleut, les fermiers
vont dire que Dieu a rpondu leur prire. Cest ainsi
que nous prions gnralement.
Dans le Sermon sur la Montagne, Jsus nous enseigne:
Heureux ceux qui rpandent autour deux la paix, car
Dieu les reconnatra pour ses fils. Ceux qui travaillent
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pour la paix doivent avoir un cur en paix. Si on a un

cur en paix, on est un enfant de Dieu. Mais un grand
nombre de ceux qui travaillent pour la paix ne possdent
pas un cur en paix. Ils ont toujours de la colre, de la
frustration, et leur travail nest pas vraiment paisible...
En vue de prserver la paix, nos curs doivent tre en
paix avec le monde, avec nos frres et surs. Si nous essayons de surmonter le mal avec le mal, nous ne travaillons pas pour la paix. Si vous dtes: Saddam Hussein
est perfide. Il nous faut lempcher de continuer faire le
mal, et si, alors, vous vous servez des mmes moyens
que lui, vous tes pareils lui. Essayer de surmonter le
mal avec le mal nest pas le moyen de faire la paix.
Si vous priez seulement pour votre pique-nique et non
pas pour les fermiers qui ont besoin de la pluie, vous
fates le contraire de ce que Jsus a enseign. Jsus a dit:
Mais moi je vous dis: aimez vos ennemis et priez pour
ceux qui vous perscutent. Si nous examinons notre
colre, nous voyons que la personne soi-disant ennemie
souffre aussi. Ds que nous nous rendons compte de
cela, nous pouvons laccepter et mme avoir de la compassion pour cette personne. Jsus appelle ceci aimer
son ennemi. Si nous sommes capables daimer notre
ennemi, il nest plus notre ennemi. La pense ennemi
fait place lide de quelquun qui souffre beaucoup et
enverslequel nous devons avoir de la compassion. Aimer
notre prochain, cest quelquefois plus facile que nous ne
le pensions, mais il nous faut le pratiquer. Si nous lisons
la Bible sans la mettre en pratique, cela ne sert rien.
Thich Nhat Hanh

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La confiance
Ayez confiance en votre mdecin, et prenez son remde en
silence et tranquillit:
Car sa main, bien quelle soit lourde, est guide par la main
tendre de linvisible,
Et la coupe quil vous donne, tandis quelle brle vos lvres,
a t faonne avec largile que le potier a humecte avec
ses larmes sacres.
Kahlil Gibran

epuis notre enfance on nous enseigne quil est dangereux davoir confiance, et il y a une certaine vrit
en cela. Avoir confiance, cela implique prendre des risques.
La confiance signifie que lon donne aux autres le bnfice
du doute. Cela exige que nous nous rendions volontairement
vulnrables. Cela veut dire que nous savons que notre scurit rside dans un pouvoir plus lev, et que notre paix ne
dpend pas de notre habilet tenir tout en main. La confiance, cest se confier Dieu sans rserve.
Contrairement lopinion populaire, la confiance nest pas
la mme chose que la navet dun caractre faible. La confiance ne nous demande pas de continuer vivre, content et

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sans trouble, en prtendant que tout va bien et prendre la vie

au pied de la lettre. Aujourdhui, une telle confiance serait
suicidaire. Pourtant les alternatives lanxit, la mfiance,
et le soupon sont aussi destructeurs. Lcrivain Mennonite
Daniel Hess remarque:
Il importe peu que bon nombre douvriers soient couverts par lassurance maladie, que la semaine de quarante
heures leur laisse un certain temps pour le loisir, que le
salaire donne certains quelque richesse, et que la science ait russi garantir que nos outils ne prsentent
aucun danger et prdire ce quil y a de volatile dans la
nature. Malgr tout, nous sommes anxieux.
Les gens ont des estomacs nous et des paumes moites
par peur de ce qui pourrait se produire, la panique cause
par la dpendance des drogues, la dpression due au dsquilibre chimique, trop de chefs, trop dengagements,
trop de dsirs non raliss.
Beaucoup sinquitent de leurs relations, stresss par
la friction, et abbatus par la trahison. Ils souffrent dune
peur bien relle des poursuites juridiques, de la comptition injuste, des mesures de rduction des effectifs et des
acquisitions hostiles.

Jsus lui-mme nous conseille dtre doux et innocents

comme les colombes, mais aussi, russ que des serpents.
Au-del de cela, cependant, il nous rappelle en guise dune
question dune simplicit dsarmante que notre manque
de confiance en lui et en Dieu est tout fait inutile: Qui
dentre vous parvient prolonger un peu la dure de sa vie
par le souci quil se fait?
Malheureusement, les trahisons, le commrage, la mdisance, qui font partie de la vie, empchent de nombreuses
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personnes mme doser avoir confiance. Clare Stober, une

femme daffaires qui est devenue membre de notre communaut, crit:
La mfiance est un obstacle srieux la paix de lme. Il
se peut que nous essayions de dfendre ceux que nous
aimons par notre prudence, mais en fin de compte nous
difions des murs de la mfiance. Si quelquun profite de
nous, ou agit injustement, nous prsumons aussitt le
pire et ceci, non seulement dans cette situation, mais
partir de ce moment. Nous voyons la cousine de la
confiance, la vulnrabilit, comme un signe de faiblesse,
quelque chose de stupide et de trop naf.
Si nous refusons davoir confiance en les autres, nous
croyons, peut-tre que nous nous protgeons, mais cest
le contraire. Lamour est la plus grande protection, la
scurit vritable. Si nous sommes mfiants, nous ne
pouvons pas vraiment aimer, ni tre aims. Nous nous
sparons de Dieu et des autres.

Au Bruderhof, comme en tout groupe de personnes trs

unies, la proximit de nos appartements, le fait de se voir
chaque jour, ouvre la voie aux spculation ou au commrage
malveillant. Cependant, ds le dbut de notre vie en communaut, nous avons trouv que notre engagement partageait
parler franchement peut maintenir une confiance et une
paix authentiques.
Lamour est la seule loi. Lamour cest la joie que nous
avons en notre prochain. Pourquoi, alors, se fcher
avec lui? Les paroles damour montrent notre joie en la
prsence de nos frres et surs. Il est hors de question
de parler dune autre personne dans un esprit dirritation
ou de vexation. On ne doit jamais parler, ouvertement
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ou en insinuant, contre un frre ou une sur, ou contre

leurs traits caractristiques en aucune circonstance
derrire leur dos; la conversation en famille nest pas
une exception.
Sans cette rgle de silence, il ne peut y avoir de loyaut,
ou de communaut. Parler directement est le seul moyen;
cest le service spontan, fraternel, que nous devons rendre toute autre personne, dont les cts faibles provoquent une raction ngative en nous. Une parole franche,
adresse directement, approfondit lamiti, et ne cause
pas de ressentiment. Seulement lorsque deux personnes
narrivent pas se rconcilier, est-il ncessaire dappeler
une troisime personne en qui toutes les deux ont confiance. De cette manire elles sont conduites vers une solution qui les unit au niveau le plus haut et le plus profond
(Matthieu 18.16-17).
Eberhard Arnold

Ellen Keiderling est devenue membre notre communaut,

il y a quelques dcennies, mais elle se souvient bien de sa
joie, en lisant ceci pour la premire fois et en sachant que
ctait vraiment pratiqu:
Lorsque je venais darriver la communaut et jai dcouvert quil ny aurait jamais de commrage, ctait comme
si un poids norme me glissait des paules. Do je venais, le commrage tait courant. Comme tout le monde,
je me souciais de ce quon pensait et disait de moi, mais
je navais pas considr cela srieusement et ne ralisais
pas le fardeau que ces soucis causaient; et combien
notre vie en tait affecte. Et, maintenant, savoir que si
quelquun avait quelque chose contre moi, il viendrait me
le dire ctait comme un renouvellement pour moi. Jai
manqu de parler directement bien des fois depuis, mais
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la confiance reste. Cest une position ferme, laquelle

on revient.

Trop souvent, notre tranquillit vis--vis nos prochains est

ebranle parce que nous navons pas cette confiance. Pour
une raison ou une autre, justifie ou non, nous nosons pas
croire que nous serons aims tels que nous sommes, avec
toutes nos faiblesses et fautes. Mais ceci est exactement ce
que nous devons faire. Plutt que de gaspiller notre vie dans
la crainte et la mfiance, nous devrions garder notre confiance en autrui mme si lon nous trahit.
La confiance en Dieu est tout aussi vitale. C.S. Lewis, Dans
son livre Le grand divorce a dcrit une femme qui tait tellement ronge par son anxit, quen allant au ciel tout ce
qui restait delle tait un petit monceau tremblant de soucis.
Aussi drle que soit cette image, cest une bonne description
de ltat de beaucoup de gens. Si seulement ils pouvaient
prendre conscience de la prsence de Dieu et raliser quil
les tient dans ses mains, quoiquils aient confiance en Lui
ou non! Dieu connait les secrets les plus profonds de notre
cur et Il nous aime quand mme. Il sait tout ce dont nous
avons besoin, avant que nous ne le demandions. Pour notre
part, il nous faut seulement venir lui tels que nous sommes
des enfants et le laisser nous aider.
Pour certains (les mamans avec leurs bbs ou jeunes enfants, par exemple) il est difficile davoir une telle confiance.
Elles ont peur de toutes les choses terribles quelles lisent aux
journaux ou entendent la radio chaque jour: les guerres,
les dsastres, les actes de terrorisme, les crimes violents.
Parfois elles se demandent mme si cest raisonnable de
mettre des enfants au monde. Ce nest pas un nouveau peur.
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Je naquis pendant le bombardement de lAngleterre pendant la Deuxime Guerre Mondiale, et les avions survolrent
toutes les nuits. Deux fois, des bombes tombrent dans le
voisinage, une fois sur notre terrain, et une fois sur le village
voisin. Mes parents avaient encore plus peur, cependant,
dune invasion Nazie. Car pour eux (comme rfugis qui se
sont prononcs contre Hitler), et pour nous enfants, ceci aurait pu signifier la mort; ma mre en avait trs peur chaque
fois quelle y pensait. Des annes plus tard, repensant
cette priode, mon pre crit un couple quil conseillait:
Bien que ce ne soient plus les bombes qui nous effraient,
nous vivons dans un temps de grande souffrance et de
mort. Il est tout fait possible que beaucoup dentre nous
y compris des parents de petits enfants comme vous
puissent devoir souffrir et mourir un jour pour notre foi.
Je vous demande du fond de mon cur de faire confiance
Dieu, totalement. Il existe maints passages effrayants
dans la Bible, surtout dans lApocalypse de Saint Jean.
Mais mme l, il est dit que Dieu essuiera, Lui-mme, les
larmes de tous ceux qui ont souffert. Il nous faut rellement croire que Jsus nest pas venu pour nous juger,
sinon pour apporter le salut. Dieu a tellement aim le
monde... Accroche-toi ce verset. Il nous rappelle le
dsir ardent de Dieu de sauver lhumanit. A la fin, nous
serons un avec Dieu. Il nous faut croire ceci, pour nousmmes et pour nos enfants, aussi.

Parfois, ceux qui ont le plus peur, humainement, reoivent

un sens profond de calme intrieur. Quelquun qui souffre
dune maladie mortelle, un condamn mort, une personne
mourante victime dun accident on ne sattend pas, peuttre, quils aient de la paix dans le cur. Cependant, lorsque
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la mort mnace quelquun, les soucis superficiels, qui seraient

aptes le distraire dans une situation moins menaante, disparaissent, et il doit faire face lEternit. Il se trouve aux
prises avec ce choix: ou bien, se cogner la tte contre le mur,
pour ainsi dire, afin dessayer dchapper linvitable, ou bien
sabandonner avec confiance aux mains de Dieu.
George Burleson, membre du Bruderhof et ami proche, qui
lutte contre un cancer lent, mais progressif depuis quatre
ans, ma rcemment crit:
Depuis que jai un cancer et en ralisant lincertitude de
mon avenir, japprends combien il est important davoir
une confiance totale en Dieu, en son amour, et en sa
bont. Cest seulement lorsque je suis capable de ceci
que mon anxit disparat. La mort vient tout le monde
nous sommes tous dans la mme situation vis--vis
la mort donc, on perd son temps en y pensant sans
cesse. Notre vie est dans les mains de Dieu. Cest cela
qui importe, et en lacceptant nous trouverons de la paix.

Mumia Abu-Jamal, un autre ami, a d faire face la mort

dans toutes autres circonstances. Journaliste radical et ancien Black Panther, il fut accus du meurtre dun gendarme
et condamn mort dans un procs qui tait manifestement
raciste. Mumia nest pas un chrtien, et il ne voudrait jamais
tre rang parmi les gens pacifiques il naccepterait pas,
non plus, le vocabulaire utilis dans ce livre pour dcrire
la paix. Cependant, il rayonne du calme de quelquun dont
lesprance rside en une confiance absolue dans le pouvoir
de la vrit. Finalement, il a la foi que la justice va prvaloir.
Si vous vous tes engag agir conformment au bien et
la justice, dit-il, ces pouvoirs ne vous trahiront jamais.
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Lcrivain Dale Aukerman tmoigne aussi la puissance

de la confiance comme instrument de la paix. Tout comme
George, sa paix ne provient pas de sa faible rsignation envers une mort imminente; comme eux, son amour de la vie
ne diminue pas, et il ne succombera pas sans lutter. Pourtant
la proximit de la mort ne le dsquilibre pas et ne lui fait
pas perdre son sang-froid. Sa confiance en une Puissance
suprieure lui donne la force de retrouver son quilibre.
Le 5 Novembre, 1996, jai appris quune tumeur de 75mm
tait loge dans mon poumon gauche. Les examens ont
rvl plus tard que le cancer avait gagn le foie, la hanche
droite, et deux parties de la colonne vertbrale. Jai appris
que je navais que deux six mois vivire, une perspective
de quatre mois en moyenne. Cest surprenant combien on
doit se rorienter quand on dcouvre que lon a seulement
un mois ou deux vivre. Chaque jour et chaque rapport
proche deviennent doublement prcieux. Tous les matins,
je rflchissais quel jour de la semaine nous tions encore une journe que Dieu maccorde. Je contemplais ma
famille, mon chez moi, la cration de Dieu, avec une nouvelle intensit, sachant que mes jours allait bientt prendre
fin. Lors dun culte religieux o jai t oint dhuile, peu de
temps aprs mon diagnostic, jai confess que je navais
pas prt assez dattention Dieu. grce mon cancer,
je suis devenu plus conscient, et plus attentif envers Dieu.
Lorsque ma sur Jane est morte dun cancer mortel
lge de quatorze ans, ma mre la accept comme la
volont de Dieu: Dieu a choisi de la prendre Lui, et
qui sommes-nous rien que des tres humains pour
le contredire? Pour certaines personnes, cette faon de
penser peut tre une consolation. Quant moi, je le vois
un peu diffremment. Je ne crois pas que cest Dieu qui

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nous envoie un cancer ou une maladie. Quand un conducteur de taxi ivre a un accident, et plusieurs personnes
sont tues, je ne pense pas que Dieu le veuille...
Mais Dieu est avec nous comme Celui qui est contre
la mort. De bien plus de faons que nous ne puissions
comprendre, Dieu diminue le pouvoir de la mort. En tant
que jeune garon, jai failli tre cras sous un camion
de ferme. Quelques annes plus tard, jai failli mourir
dun empoisonnement larsenic. Jai chapp belle au
volant plusieurs fois...
Suivant six cycles de chimiothrapie, et de supplments
nutritifs, et beaucoup de prire de mes nombreux amis,
jai t encore une fois examine, et ceci montra que la
tumeur dans mon poumon tait rduite plus dun quart
de sa taille originelle. Deux des mdecins en ont parl
comme dun miracle. Dune faon remarquable, et contrairement aux probabilits mdicales, Dieu a supprim
la mort et ma donn une vie plus longue.
Dans la Lettre aux Ephsiens 1.19-20, Paul crit: ...
et quelle est linfinie grandeur de sa puissance, qui se
manifeste avec efficacit par le pouvoir de sa force envers nous qui croyons. Cette puissance, il la dploye
en Christ quand il la ressuscit et la fait asseoir sa
droite dans les lieux clestes... Nous lisons que Dieu a
mis toutes choses sous les pieds du Christ cest--dire,
Dieu la plac victorieux au-dessus de toute puissance,
et de toute autre domination rebelle. Cest une image
biblique de la conqute triomphante. Celui qui est mort
et ressuscit est le vainqueur du cancer, des maladies du
cur, du SIDA, de lAlzheimer, de la schizophrnie, de
labus des enfants. Il est le vainqueur de lexploitation des
pauvres, de lexploitation aveugle de la bonne terre de
Dieu, de la folie des dpenses militaires et de larmement
nuclaire.
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Mais alors, demandons-nous: si le Christ a dj la victoire sur toutes ces choses, pourquoi sont-elles encore en
vidence? Comment se fait-il quelles dominent partout?
En guerre, il y a une bataille dcisive qui dtermine lequel
sera le vainqueur. Grce cette bataille, lun des camps
est sr de remporter un triomphe total, mme si lautre
camp a encore des troupes sur le champ de bataille et
que la lutte continue. Il nest quune question de temps
avant que ce camp ne soit vaincu.
Atteindre lternit aprs la mort nest pas notre but.
Notre plus grand espoir, selon le Nouveau Testament, est
que le royaume glorieux de Dieu vienne, et que le Seigneur
invisible apparaisse dans sa splendeur afin de rcrer tout
ce que Dieu a cr, et que tout ce qui est mal et destructif
soit limin. Ainsi, lhistoire savrera vraie et juste. cest
dire que lhistoire finiera bien. Lhistoire humaine ralisera
la fin prvue par Dieu. A un certain moment Dieu prendra
de nouveau contrle total des vnements humains, et
introduira le miracle inimaginable du Nouveau royaume.
Tout dabord, notre esprance est laccomplissement de
tout ce que Dieu a promis; notre esprance dy prendre
part nest quau deuxime plan.
Pendant toute ma vie dadulte, jai uvr activement
pour la paix, et ces derniers mois, jai grandement appreci quelques versets propos de la paix, particulirement dans lEvangile de Jean, o le Seigneur ressuscit,
lorsquil est apparu aux disciples dans la chambre haute,
leur a dit: La paix soit avec vous! Un autre verset dans
la lettre de Paul aux Philippiens auquel jai pens, alors
que jai d passer un IRM, est: Et la paix de Dieu, qui
dpasse tout ce que lon peut comprendre, gardera votre
cur et vos penses en Jsus-Christ (Philippiens 5.7).
Esae nous dit: ...tu assures une paix profonde parce
quil se confie en toi (Esae 26.3). Cette paix parfaite,
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du point de vue biblique, est plus que la tranquillit de

lme et de lesprit. Cest la totalit de la vie et des relations, qui demeure ferme contre tout ce qui essaie de nous
fragmenter et de nous dtruire. Cest un don qui peut nous
soutenir, mme lorsque nous traversons les tnbres.

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Le pardon
Un rabbin a demand ses disciples: A quel moment
laube pouvez-vous diffrencier la lumire de lobscurit?
Un des tudiants a rpondu: quand je puis discerner une
chvre dun ne. Non, a rpondu le rabbin. Un autre proposa: quand je puis discerner un palmier dun figuier. Non,
rpondit de nouveau le rabbin. Eh bien, quelle est donc la
rponse? insistrent les lves. Lorsque vous pouvez enfin
regarder le visage de chaque homme et de chaque femme,
et voir l votre frre et votre sur, dit le rabbin. Seulement
alors avez-vous vu la lumire. Le reste est encore lobscurit.
Conte Hassidique

a nature humaine tant ce quelle est, cest une vraie grce

de percevoir un frre ou une sur dans chaque personne.
Mme nos relations avec nos plus proches sont parfois troubles par de petits griefs. La paix vritable entre nous ncessite
un effort. Parfois, nous devons tre prts cder; quelquefois, il faut de la franchise. Aujourdhui, nous avons besoin
dhumilit, afin de rester silencieux; demain, du courage afin
de parler ouvertement. Cependant, ce qui demeure constant
est que, si nous voulons rester en paix avec les autres, il nous
faut pouvoir pardonner, encore et encore.

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Nous avons tous, un moment o lautre, t offenss, et nous avons tous, un moment o lautre, offens
quelquun dautre. donc, de mme que nous devons tous
pardonner, chacun de nous a besoin dtre pardonn. Sans
le pardon, nous ne trouverons pas la paix.
Le pardon, quest-ce que cest? Dans mon livre Pourquoi
pardonner?, qui est entirement dvou ce sujet, jai indiqu quil existe un pardon que Dieu nous offre, et un pardon
mutuel entre nous, les tres humains. Ces deux pardons sont
distincts, mais troitement lis. Afin dprouver la paix que
Dieu nous donne au travers du pardon, il semble que nous
devons tre les premiers tre prts pardonner aux autres.
Je cite mon pre:
Dieu nous ordonne de pardonner notre prochain afin
que nous puissions, nous-mmes, tre pardonns, et
ceci est important dans la vie de chacun. Cest surtout
important au moment de mourir. Ceux qui ont la certitude davoir t pardonns pour leurs pchs, et davoir
pardonn ceux qui les ont offenss, seront pargns de
langoisse leur dernire heure.

Pardonner, na rien faire avec la justice, ou excuser le

mal; en fait cela peut signifier pardonner quelquun quelque
chose dinexcusable. Quand nous excusons quelquun, nous
cartons sa faute. Quand nous pardonnons, nous avons,
peut-tre, une bonne excuse pour garder de la rancune, mais
nous refusons de chercher nous venger. Notre pardon nest
peut-tre pas toujours accept, mais le fait de tendre la main
en rconciliation nous pargne la colre et lindignation.
Mme si nous restons blesss, une attitude de pardon nous
gardera de provoquer la personne qui nous a caus du mal.
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Et ceci peut mme renforcer notre rsolution de pardonner

la prochaine fois. Dorothy Day crit:
Dieu prend le parti de ceux qui sont indignes; nous le
savons par lhistoire de Jsus du fils prodigue... Les lecteurs prtendent, peut-tre, que le fils prodigue est revenu
pnitent chez son pre. Mais qui sait, il se peut quil soit
sorti et ait gaspill tout son argent le samedi soir suivant, ou a refus daider dans le travail la ferme, et a
insist de finir son ducation, et ainsi sest expos la
juste colre de son frre... Jsus a une autre rponse: de
pardonner son frre soixante-dix fois sept. Il y a toujours
des rponses, bien quelles ne nous apaisent pas toujours.

Ironiquement, ce sont ceux qui souffrent le plus dans leur

vie qui sont bien plus prts pardonner. Bill Pelke est un ancien combattant de la guerre du Vietnam de ltat dIndiana
que jai rencontr pendant un vnement contre la peine
de mort. Sa grandmre avait t brutalement assassine,
pourtant il a trouv la paix en recherchant la rconciliation
avec ladolescente qui la tue.
La grandmre de Bill, dun caractre dmonstratif, donnait des leons bibliques aux enfants de son quartier. Un
aprs-midi au mois de mai 1985, alors quelle ouvrait la
porte quatre adolescentes qui habitaient le voisinage, elle
fut attaque et assomme. Quelques minutes plus tard, aprs
avoir saccag lappartement, les jeunes filles se sont enfuies
avec sa vieille automobile, la laissant baigner dans le sang
de ses multiples blessures. Bill se souvient:
Les jeunes filles ont t arrtes alors quelles se baladaient en voiture avec des amis dans cette mme auto.
Aprs, il y a eu un procs. Quinze mois plus tard, elles
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ont t condamnes; lune delles, trente-cinq annes,

deux dentre elles soixante annes, et la dernire, Paula
Cooper la peine de mort. Jtais satisfait que lune delles
soit mise mort: Je sentais quautrement, la cour de justice aurait donn limpression que ma grandmre navait
pas de grande importance, tandis que je savais quelle
tait une personne trs importante.
Environ quatre mois aprs que la peine a t prononce, je me suis disput avec une amie avec qui je sortais; jessayais de me rconcilier avec elle, et jtais trs
dprim. Je narrivais pas trouver la paix.
Puis un jour, pendant mon travail, alors que je conduisais une grue (je travaillais pour Bethlehem Steel),
je rflchissais comment tout cela stait pass, surtout
propos de ma grandmre, et jai commenc prier:
Pourquoi, mon Dieu? Pourquoi? Soudain, jai pens
Paula la plus jeune fille dans le pays a tre condamne la peine de mort et je limaginais dire: Quaije fait? Quai-je fait? Je me suis souvenu du jour o
Paula a t condamne mort; je me suis rappel de son
grand-pre qui gmissait: Ils veulent tuer mon bb.
On lescorta hors de la salle. Des larmes coulaient le long
de ses joues...
Jai alors pens ma grandmre, sa foi, et ce que
dit la Bible, sur le pardon. Je me suis souvenu de trois
versets: le premier qui dit que si tu veux que Dieu te pardonne, tu dois premirement pardonner ton prochain;
le deuxime, o Jsus dit Pierre de pardonner soixante-dix sept fois sept; finalement, le verset o Jsus
dit, au moment de sa crucifixion: Pre, pardonne-leur,
car ils ne savent pas ce quils font (Luc 23.34). Paula ne
savait pas ce quelle faisait. Quand une jeune fille frappe
quelquun coups de couteaux, trente-trois fois, elle na
plus toute sa raison.
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Tout coup, jai su que je devais lui pardonner. A ce

moment-l, jai pri Dieu de me donner de la compassion,
de me permettre de laimer. Cette prire a chang ma vie.
Je ne voulais plus quelle meure sur la chaise lectrique.
Quest-ce quune excution rsoudrait pour moi, ou qui
que ce soit?
En commenant mon travail javais t une personne
battue; quarante-cinq minutes aprs jtais un homme
transform.

Bill a visit Paula plus dune fois depuis le procs, et il a

essay de lui transmettre la foi de sa grandmre non pas
avec des sermons, mais simplement en lui montrant de la
compassion. Il nest plus hant par limage de sa grandmre
bien-aime, gisant sur le sol ensanglante, dans la salle
manger o la famille stait souvent runie, lors de nombreuses occasions joyeuses. Naturellement, il ressent encore
un grand chagrin; pourtant, cette peine est alimente par la
dtermination dpargner aux autres lagonie de lamertume
quil arrivait surmonter. Tant que jai continu har ces
jeunes filles, elles contrlaient ma vie. Une fois que jai choisi
de leur pardonner, jai t libr.
Activiste engag dans un mouvement grandissant, Mouvement de la justice rparatrice, Bill parcourt le pays avec
lorganisation Journey of Hope: From Violence to Healing
(voyage despoir de la violence la gurison. Il est aussi
membre de Murder Victims Families for Reconciliation, un
mouvement qui a pour objectif la rconciliation avec les
membres des familles de ceux qui ont t victimes de meurtres. Le pardon, dit-il, est le seul chemin qui mne de la
violence justqu la gurison. Il nous pargne la corrosion

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cause par la haine, et nous rend la libert dtre en paix

avec nous-mme.
La plupart dentre nous ne devons pas aborder une situation
telle quun meurtre; et beaucoup de choses qui nous obsdent
sont risibles en comparaison. Cependant, nous avons peuttre du mal pardonner. Surtout si notre ressentiment date de
longtemps, cela prendra beaucoup de temps et deffort pour
le draciner. Que le mal soit rel ou imagin, il nous rongera
lme aussi longtemps que nous le nourrissons.
Non pas que nous devons simplement tout supporter. Au
contraire, les personnes qui enfoncent leurs griefs en leur
subconscient pour les oublier, ne font que de se paralyser.
Avant de pardonner une injure, ou quelque autre grief, nous
devons pouvoir le nommer. Parfois, ce nest pas possible (ou
mme utile) de confronter la personne que nous nous efforons de pardonner; dans ce cas, la meilleure solution, cest
de parler de notre peine une autre personne en qui nous
avons confiance. Ayant fait ceci, il nous faut alors loublier.
Autrement, nous risquons de garder notre ressentiment en
attendant jamais quon nous demande pardon. Et nous
resterons spars de Dieu.
Tant que nous avons du ressentiment, le chemin vers
Dieu nous est barr. Je suis sr que beaucoup de prires
ne sont pas exauces parce que la personne qui prie a
quelque chose contre une autre personne, mme si elle
nen est pas consciente. Si nous dsirons avoir la paix
de Dieu en notre cur, il nous faut dabord apprendre
pardonner.
J. Heinrich Arnold

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Naturellement, nous devons chercher tre pardonns aussi.

Aprs tout, chacun de nous est un pcheur devant Dieu,
mme si notre vertu nous empche de nous percevoir
sous cet angle. Une lgende propos du Frre Angelo, un
moine de lordre de Saint Franois, illustre parfaitement ce
problme.
A la veille de Nol, Frre Angelo nettoie sa simple chaumire et se met la dcorer pour la messe. Il dit ses prires,
balaie le foyer, suspend la bouilloire sur le feu, et sassied
l pour attendre Frre Franois qui devait arriver plus tard
dans la soire. A ce moment-l trois bandits apparaissent
la porte, qumandant de la nourriture. Apeur et irrit, Frre
Angelo les renvoie, sans rien leur donner, les grondant et les
menaant en leur disant que les voleurs seront consigns
aux enfers.
Quand Franois arrive, il voit quil y a quelque chose qui
ne va pas. Frre Angelo lui raconte alors ce qui sest pass,
et Franois lenvoie sur la montagne avec une carafe de vin
et du pain, afin quil retrouve les bandits et leur demande
pardon. Frre Angelo est indign. Contrairement Franois, il
ne peut pas considrer ces hommes comme des frres mais
seulement comme des brigands. Il se prpare quand mme
obir, et le soir mme (ayant suivi leurs pas dans la neige) il
les trouve et il rpare ses torts. La lgende continue: peu
aprs, ces hommes ont quitt leur grotte et se sont joints
la communaut de Franois.

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La reconnaissance
Vivez de faon ce que la peur de la mort nentre jamais
en votre cur. En vous levant tous les matins, remerciez
Dieu pour la lumire du jour. Rendez grce pour votre vie
et votre sant. Rendez grce pour la nourriture et la joie de
vivre. Et si, peut-tre, vous ne voyez aucune raison de le
faire, soyez sr que ce soit de votre faute.
Attribu au Chef Tecumseh

e mystique Matre Eckhart a une fois suggr que mme

si notre seule prire tait merci, cela suffirait. Si nous
acceptons ce conseil superficiellement, ce serait assez facile
de le suivre. Cependant, rendre grce Dieu du fond du cur
pour tout ce quil nous donne, et vivre chaque jour dans un
esprit de gratitude, voil qui est un travail de toute la vie.
Que veut dire: tre reconnaissant? Henri Nouwen crit:
Etre reconnaissant pour tout le bien que nous recevons
dans notre vie, cest facile, mais tre reconnaissant pour
toute notre vie le bien, tout autant que le mal, les moments de joie comme les moments de tristesse, les succs comme les checs, les rcompenses comme les rejets cela exige un dur effort spirituel. Cependant, nous
ne sommes vraiment reconnaissants que quand nous

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pouvons dire merci pour tout ce qui nous a conduit au

moment prsent. Tant que nous continuons diviser notre vie entre les vnements et les personnes dont nous
voulons nous rappeler, et ceux que nous prfrons oublier, nous ne pouvons pas dire que la plnitude de notre
tre soit un don de Dieu dont nous sommes reconnaissants.
Nayons donc pas peur dexaminer tout ce qui nous
a conduit au moment prsent, et davoir confiance que
bientt nous y verrons la main dun Dieu aimant.

Cest tout aussi important de remercier pour les peines que

pour les joies. Tant que nous reculons devant tout ce que
nous craignons, ou tout ce qui nous agace, nous ne serons
jamais en paix. Ceci ne veut pas dire que nous devons tout
accepter en silence. Jsus, lui-mme, nous dit de prier ainsi:
... ne nous livre pas la tentation. Mais, puisquil y a tant
de choses dans la vie que nous ne pouvons pas contrler, il
nous faut voir les preuves, non comme des obstacles, mais
comme des occasions pour grandir.
La philosophe Simone Weil a une fois crit: Dieu rpand
sa grce continuellement sur tous les tres de lunivers, mais
nous consentons la recevoir dans une mesure variable. Sil
sagit de ce qui est purement spirituel, Dieu exauce toutes
demandes. Ceux qui ont moins, ont moins demand. Cest
une pense fascinante.
Et puis, si nous croyons fermement ces paroles, Que
Ta volont soit fate, nous serons heureux de recevoir ce
que Dieu choisit de nous donner. Mme les Isralites durent
souvent tre punis. Ils nont pas seulement reu la manne,
du ciel. Quant aux bonnes choses la famille, la nourriture,

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les amis, lamour, le travail en toute franchise, il nous faut

admettre que nous les considrons souvent comme acquis,
comme nos droits plutt que comme des dons.
Carroll King, membre de notre Eglise, remarque que cest
justement lorsque les troubles et les problmes sont trs
graves, que la gratitude peut changer totalement notre perspective.
Une fois, alors que jtais bien dprim, lide mest venue
que si je pouvait trouver mme une seule chose dont
jtais vraiment reconnaissant, ce serait le premier pas
pour men sortir. Il y a toujours quelque chose qui nous
rend heureux... Dans ma vie jai souvent d lutter pour
une libration de la peur et lanxit. En abandonnant
tous nos problmes aux mains de Dieu nous trouvons
la paix, et non seulement en acceptant la solution quIl
nous prsente comme la meilleure, mais en tant vraiment
reconnaissant, quoi quil nous arrive.

Les lignes suivantes du prtre Jsuite Alfred Delp montrent

la mme attitude. Elles furent crites en 1944, de la prison
o Delp attendait son excution pour stre prononc contre
Hitler.
En apparence, rien na jamais t pire. Cest bien le premier Nouvel An que je naie mme pas une crote de pain.
Je ne possde absolument rien. Le seul geste de bonne
volont en ma faveur, cest que les geliers ont accept
de desserrer mes menottes, de faon me permettre de
librer ma main gauche. Les menottes pendent de mon
poignet droit, et je puis ainsi crire. Mais, il me faut tenir
mon oreille colle la porte que Dieu me protge si on
me trouve au travail!
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En vrit je me trouve lombre de lchafaud. A moins

de pouvoir rfuter chaque point de mes accusations, je
serai srement pendu.
Cependant, bien de choses ont t consume et sont
devenues plus mallable par le feu sur lautel de mes
souffrances. Cest une bndiction de Dieu, et un des
signes de sa grce intrieure, que jai t si merveilleusement aid rester fidle mes vux. Je suis confiant que
Dieu menverra son secours, extrieurement, ds que je
serai prt la prochaine tche quil dsire me confier.
Cette activit extrieure et cette lumire intrieure intensifie fera natre une nouvelle passion pour tmoigner
du Dieu vivant, car jai vraiment appris Le connatre
pendant ces journes dpreuves, et sentir sa prsence
salutaire. La pense: Dieu Seul suffit est vritablement
et absolument vraie.

Dietrich Bonhoeffer montre la mme assurance remarquable

dans une lettre, crite de la prison sa fiance, Maria Wedemeyer, la veille de son excution: Tu ne dois pas penser que
je suis malheureux. Quest-ce que le malheur et le bonheur?
Cela dpend si peu des circonstances; cela dpend, plutt de
ce qui se passe dans notre cur. Je suis chaque jour reconnaissant de tavoir, et cela me rend heureux.
A mon exprience, la source la plus commune de
lingratitude nest pas le besoin, mais plutt une fausse
comprhension de ce quest le bonheur. Tous deux, Delp et
Bonhoeffer disent que la prsence ou labsence de difficults
et de misre na probablement rien faire avec notre tat
dme ou desprit. Dieu, Seul, suffit. Si seulement cette
pense inciterait en nous, comme elle le devrait, cette reconnaissance infinie!
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Rien ne peut nous satisfaire lorsque nos esprances

gostes nous rendent mcontent de notre destin; de l
le dicton: Lherbe est toujours plus verte ailleurs. Tant
que notre vision est limite nos propres besoins, nous
ne pourrons ni voir le besoin de notre prochain, ni ce dont
nous devrions tre reconnaissants. Mon pre a une fois
crit a un ami qui sombrait dans la tristesse: Tu trouveras toujours des raisons pour grommeler. Si tu dsires la
paix, tu devras les laisser tomber. Je te supplie: arrte de
concentrer sur ton dsir dtre aim. Cest en opposition
au christianisme.
William Marvin est un prtre anglican en Alabama avec
lequel jai correspondu depuis un an, alors quil voulait
nous assister avec lenvoi daide Cuba. William a connu
suffisament de souffrances, mais je ne lai jamais entendu
se plaindre. Malgr une srie dpreuves la Job une
maladie grave, la mort de son plus jeune fils, la perte de son
travail, et un divorce il peut encore dire: Eh bien, je nai
pas encore eu de furoncles comme Job... Cest de cette attitude, je pense, quil retient son sens de paix.
Quelques jours aprs avoir subi une opration de
lappendicite qui tait gangrneuse jtais proche de la
mort. Ctait en dcembre, 1960. Javais trente-cinq ans.
Tt le matin, jai eu la certitude que jallais mourir, et jai
t saisi de panique. Javais une femme, trois fils, et des
dettes, et je sentais que ma mort serait lchec ultime, les
laissant tous dans la misre. Puis jai entendu une voix,
distincte et svre, dans mon oreille: Eh bien! Tu nes
pas important, mme pour toi-mme! Dieu Seul lest!
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Jai souvent rflchi la faon dont Dieu nous parle.

A mon exprience Dieu parle gnralement tout bas, et
nemploie pas beaucoup de paroles. Lvnement dont je
parle est le seul o Il ma parl si brusquement. Ctait
comme une douche froide dans la figure. Je me suis remis
lentement, mais compltement.
Il y eut dautres vnements critiques dans ma vie. Ma
mre est mort subitement alors que javais seulement huit
ans. Environ un an aprs, mon pre sest remari avec une
femme beaucoup plus jeune que lui. Nous ntions pas
heureux la maison. Mon pre tait directeur dune cole;
il tait connu pour sa discipline svre et ses hautes normes acadmiques. Il agissait de mme chez nous. Je ntais
pas physiquement maltrait, bien que ma belle-mre mait
gifl une ou deux fois. Le sarcasme et la moquerie taient
ses armes favorites. La rgle permanente tait: ce que
Maman veut a force de loi! Ado, je me rebellais en travaillant juste assez pour pouvoir russir aux examens. De
cette faon, je pouvais les dfier tous les deux, puisque la
russite tait si importante pour eux. Ds que jai eu mon
certificat dcole en main, ils mont mis la porte. Jai alors
vcu chez un oncle et une tante, jusqu ma conscription
dans larme. Mes annes dans le service militaire taient
intenses. Jai vu des batailles, et jai vu des hommes mourir.
Jai t bless. Aprs larme, ctait luniversit, bien que
je ne sache pas quoi faire dans ma vie.
Je me suis mari, jai eu deux fils peu aprs, une maison en banlieue, des paiements hypothcaires une auto,
et un emploi de facteur. Aprs trois ou quatre ans je suis
devenu trs mcontent. Aprs avoir beaucoup rflchi, et
recherch des conseils, je me suis dcid de devenir prtre
piscopal. Aprs deux mois au sminaire nous avons fait
une retraite. Jtais accabl. Je suis all trouver le matre
responsable, moine de lordre de la Sainte Croix, et je lui
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ai dit que javais fait une erreur; je nen tais pas digne.
Voici sa rponse: Naturellement! Aucun de nous nest
digne. Mais Dieu na que nous pour faire son boulot.

Suivant la remise des diplmes et son ordination, William

servit dans plusieurs paroisses, mais il vit bientt que sa
faon de voir tait bien diffrente de celle de ses suprieurs.
Il fut alors destitu de ses fonctions. Il ne trouvait plus de
postes vacants; aprs tout, il avait parl contre la direction
de lEglise piscopale. Finalement, il trouva une position
dans la paroisse anglicane, o il est maintenant.
Lors des annes suivantes, la tragdie le frappa plusieurs
reprises. Dabord, le fils cadet de William fut tu dans un
accident dauto; puis sa femme fut implique avec un autre,
et quitta la maison, le divorce suivit; son second fils succomba lalcool, et mourut trente-cinq ans dune attaque
srieuse. Il y eut quelques compensations, il est vrai: son
fils an devint un avocat agr; sa fille reut un doctorat, et
fut accepte la facult de Notre Dame. William, lui-mme
a trouv une famille parmi les membres gnreux de sa paroisse. Cependant sa vie a t bien difficile.
Ai-je trouv la paix? Je pense que oui. Jai rempli mes obligations mes enfants; je prends soin de mes paroissiens,
et jai dcid de le faire aussi longtemps que Dieu le veuille.
Je commence chaque jour en rcitant le Venite, avec le
quatrime verset: Les quatre coins de la terre sont en
ses mains. Le soir, je rcite le Nunc dimittis, de mme
que les paroles de Jsus sur la Croix: Pre, je remets
mon esprit entre tes mains (Luc 23.46). La prire de
Jsus, note dominante du mysticisme orthodoxe grec, est
souvent sur mes lvres: Seigneur Jsus Christ, Fils du

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Dieu vivant, aie piti de moi, pcheur. Chaque fois que

je rcite cette prire, ou une de mes propres penses, je
me rends compte, de nouveau, que la misricorde de Dieu
nest rien de moins que son amour. Et je suis rassur
reconnaissant de savoir que je suis pardonn et accept.
Il y a encore une chose que je dois faire. Je dois mourir.
Dici l, bien que je fasse des projets lavance, jessaie de
vivre chaque jour comme si ctait le dernier jour de ma vie.
Ce nest pas trop de croire que je suis dans la main
de Dieu depuis le jour de ma naissance. Mes fils ne sont
pas morts et ma femme na pas abandonn ses vux
de mariage afin que je sois chti et rendu meilleur. Ces
choses sont arrives, parce que le monde est imparfait. Il
y a vingt-et-un ans aprs que jai t renvoy de lEglise,
et que mon plus jeune fils est mort, et que ma femme se
remettait dune crise cardiaque (et voulait me quitter), et
que je ne travaillais que dix heures par semaine un ami
ma suggr que je devais me sentir comme Job. Je lui ai
dit, alors: Eh bien, je nai pas souffert de furoncles.
Cest toujours le cas, aujourdhui.
Aujourdhui, je suis all voir une personne que je visite
tous les vendredis; cest un mdecin en retraite, qui est
mourant. Il a dj perdu trois filles au cancer. Sa femme
a t opre dun cancer quelques annes auparavant.
Le dimanche, nous clbrons la Sainte Cne ensemble. Il
nest pas le seul paroissien qui ait reu la grce spciale
dun fardeau porter. Presque tout le monde doit une
fois ou lautre souffrir. Jen cite une autre, une jeune mre
qui a souffert de brlures sur quarante pour cent de son
corps. Son mari la abandonne, et elle lve, seule, trois
jeunes enfants, et elle le fait trs bien. Que Dieu mait
permis de connatre de telles personnes, et de partager
ma vie avec eux, fut pour moi une vraie rcompense. Cela
ma valu la paix de Dieu qui dpasse tout ce que lon
peut comprendre (Philippiens 4.7).
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Lhonntet
Vous pensiez tre indiffrent la louange du succs dont
vous ne vous vantiez pas, ou, que si vous tiez tent de
vous sentir flatt, vous sauriez bien, que la louange excde
de beaucoup ce que les vnements justifient. Vous vous
sentiez indiffrent jusquau moment o votre jalousie a
clat, en face des essais nafs de quelquun dautre pour
se rendre important, et exposait ainsi votre orgueil.
Pour ce qui est de la duret de cur et de sa petitesse,
laissez-moi lire avec des yeux bien ouverts le livre de mes
jours et en profiter.
Dag Hammarskjld

i quelquun me demandait de choisir la condition la plus

fondamentale de la paix du cur, je choisirai probablement lhonntet. Quil sagit de la franchise en son sens
gnral, ou la conscience de sa propre condition, ou de pouvoir appeler un chat un chat, ou linclination dadmettre
lchec, lhonntet est le principe de base de la paix. Bien
que nous redoublions nos efforts pour la paix jusqu notre
dernier soupir, nous ne la possderons jamais, tant que nous
ne nous soumettons pas la lumire pure de la vrit. La

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malhonntet est lun des plus grands obstacles sur le sentier

de la paix, car elle nous fait perdre pied en notre recherche.
Quant se conformer extrieurement tandis que lon
continue vivre intrieurement son propre train de vie,
je ne pense pas que ce soit une bonne chose. Lorsque
Dieu vous tire dans une direction, et le diable dans une
autre, chacun ayant les pieds bien plants sans parler
de la conscience qui nous scie de biais nimporte quel
bois va fondre.
Henry David Thoreau

La premire tape vers Dieu, ce qui est aussi une tape vers
la paix, cest de reconnatre notre vritable condition. Si nous
esprons retrouver Dieu, nous devons tout dabord admettre que nous sommes loin de lui. Afin dy arrriver, Thomas
Merton dit, nous devons devenir conscients...que la personne que nous croyons tre ici-bas est, tout au mieux, un
imposteur et un tranger. Nous avons mettre constamment
en question ses motifs et pntrer ses dguisements. Autrement nos efforts de nous connaitre choueront.
La connaissance de soi nest que le premier pas. Elle ne
suffit pas nous garantir la paix, et peut mme nous garer
en nous entranant dans la spirale fatale de notre propre
gosme. Mon grand-pre crit:
Lgocentrisme est un esprit menteur la maladie mortelle. Celui qui est gocentrique est mortellement malade
et doit tre rachet.
Ceux qui sont axs sur eux-mmes napprennent jamais que le christianisme est, de nature, objectif, une
cause dans laquelle nous pouvons nous oublier compltement nous et nos petits egos.
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Lgocentrisme nous conduit une attitude hypocrite

et prtentieux, jusqu ce que nous nous prenons pour
des saints... Les gens les plus en danger sont ces saints
artificiels, qui prennent tellement de peine tre parfaits.
Leurs efforts sont la racine de leur hypocrisie...
Lorsque nous regardons Dieu de notre propre point de
vue, lobligeant tablir un rapport avec nous, nous voyons, forcment, le monde travers une loupe trompeuse.
Je ne suis pas la vrit, et du fait que je ne suis pas la
vrit je nai pas le droit de me mettre au centre de mes
rflexions. Ce serait faire de moi-mme une idole. Cest
Dieu qui doit demeurer au centre de ma vie.
Nous devons raliser que la cause de Dieu existe entirement en dehors de nous-mmes. Ce nest pas seulement que nous sommes sans importance, mais nous
sommes superflus. Si nous sommes honntes, nous admettrons tre des obstacles, des adversaires de Dieu. La
rdemption ne commence que lorsque nous le reconnaissons.

Raliser qui nous sommes, signifie faire face aux problmes

que lon a vits jusque l. Mais cela veut dire aussi que
nous devons tourner vers Dieu. Malheureusement, la plupart
dentre nous ne faisons ni lun ni lautre, car nous craignons
devoir changer de comportement. Nous hsitons abandonner le confort qui vient avec lauto-satisfaction. Si seulement
nous savions combien plus grande et plus fconde soit la
paix que nous prouvons quand notre conscience est pleinement veille!
Jeannette Warren, membre de notre communaut, nous a
rcemment racont comment, alors quelle tait jeune, elle
recherchait la paix depuis des annes au sein de toutes
sortes de mouvements, politiques et autres, coopratives,
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communauts tout en ngligeant la tche essentielle de

remdier, tout dabord, au manque de paix dans son propre
cur. Comme beaucoup dautres, sa recherche devint seulement fructueuse au moment o elle commena se regarder
elle-mme en toute humilit et franchise.
La sincrit est tout aussi importante que de se connatre
soi-mme dans la recherche de la paix du cur. Sans elle,
nous devenons hypocrites, en adaptant constamment notre
propre image afin de manipuler la faon dont les autres nous
voient. Dans lEvangile de Matthieu, Jsus nous prvient
prcisment de ce danger. Il nous dit que nous ne devons
pas vouloir paratre pieux aux yeux des autres: Malheur
vous, spcialistes de la loi et pharisiens hypocrites, parce
que vous nettoyez lextrieur de la coupe et du plat, alors
qu lintrieur ils sont pleins du produit de vos vols et de
vos excs. Pharisien aveugle! Nettoie dabord lintrieur de
la coupe et du plat, afin que lextrieur aussi devienne pur
(23.25-26). Il continue, encore plus svrement: Malheur
vous, spcialistes de la loi et pharisiens hypocrites, parce
que vous ressemblez des tombeaux blanchis qui paraissent beaux de lextrieur et qui, lintrieur, sont pleins
dossements de morts et de toutes sortes dimpurets. Vous
de mme, de lextrieur, vous paraissez justes aux hommes,
mais lintrieur vous tes pleins dhypocrisie et dinjustice
(vv. 27-28). En se rapportant ces versets, mon pre crit:
Nutilisons jamais de paroles pieuses, si elles ne nous
signifient rien. Ainsi, parler avec enthousiasme de la
voie du disciple, tout en rsistant ses exigences, nuira
notre vie intime. Soyons sincre, disons ce que nous
pensons, que ce soit loin du compte ou non, plutt que
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de nous servir de paroles vaines. La paix vritable exige

lhonntet parfaite. Nous ne pouvons pas vivre en paix
avec nos semblables moins que la vrit demeure dans
notre cur et et que notre amour soit sincre.

Le manque de sincrit peut devenir une habitude. Si nous

nous y habituons, lhypocrisie suivra de prs. Si cest le
cas, il faudra faire un effort srieux pour se dbarrasser des
mensonges dissimuls, et de redevenir honnte, avec nousmmes et avec ceux que nous avions tromp. Zoroastre,
lancien pote-prophte de la Perse, compare cette situation
une bataille:
A la vue de ce monde,
Je veux crier:
La vrit est-elle vraiment pour le mieux,
Quand il y a tellement de mensonge;
Ne devrais-je pas munir
A leurs hurlements diaboliques?
Mon Dieu, ne mabandonne pas;
Fortifie-moi dans cette preuve,
Et donne-moi de la force.
Recule, pense rebelle:
Lpe monte ta gorge!
Seuls, ceux qui connaissent
La source do jaillit la vie
Peuvent tirer leau du puit ternel.
Voil le seul rafraichissement
Qui rconforte.

Si Zoroastre parat excessif reprsenter lagonie de cette

lutte, cest peut-tre seulement parce quil est si loquent.
La bataille entre la vrit et la duperie nest pas seulement
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entre deux opposs abstraits; cest une guerre entre Dieu et

Satan que la Bible appelle le pre des mensonges. Si je
rexamine des conversations que jai eues avec des personnes qui prouvaient des priodes de crises, je dois avouer que
ce combat est toujours difficile, surtout lorsque quelquun
a t induit croire que lhonntet est un prix trop lev
payer pour atteindre la paix. Tout dabord, cette personne
ne ressentira peut-tre pas quil soit ncessaire de livrer
bataille, tant aveugle quelle soit davoir vcu un mensonge.
Dans Les frres Karamazov, Dostoevski nous cre une personne de ce genre: Fyodor Pavlovitch, un jeune homme qui
demande dun air moqueur Pre Zossima ce quil doit faire
afin dobtenir la vie ternelle. Le prtre rpond ainsi:
Il y a longtemps que vous-mme savez ce quil faut faire,
vous ne manquez pas de sens: ne vous adonnez pas
la boisson et lintemprance de langage, ne vous adonnez pas la sensualit, surtout lamour de largent, et
fermez vos dbits de boisson, au moins deux ou trois, si
vous ne pouvez pas les fermer tous. Mais surtout, avant
tout, ne mentez pas. Non, ce nest pas propos de Diderot. Surtout ne vous mentez pas vous-mme. Celui
qui se ment soi-mme et coute son propre mensonge
va jusqu ne plus distinguer la vrit ni en soi ni autour
de soi; il perd donc le respect de soi et des autres. Ne
respectant personne, il cesse daimer, et pour soccuper
et se distraire, en labsence damour, il sadonne aux
passions et aux grossires jouissances; il va jusqu la
bestialit dans ses vices, et tout cela provient du mensonge continuel soi-mme et aux autres. Celui qui se
ment soi-mme peut tre le premier soffenser. On
prouve parfois du plaisir soffenser, nest-ce pas? Un
individu sait que personne ne la offens, mais quil sest
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lui-mme forg une offense, noircissant plaisir le tableau, quil sest attach un mot et a fait dun monticule
une montagne, il le sait, pourtant il est le premier
soffenser, jusqu en prouver une grande satisfaction;
par l mme il parvient la vritable haine.

Shakespeare dit presque la mme chose:

Ceci par-dessus tout: Sois vrai toi-mme
Et comme tout se poursuivra comme la nuit au jour,
Tu ne pourras, alors, tre faux aucun homme.

La nature humaine tant ce quelle est, ce conseil cit en dehors du contexte est plus facile transmettre qu pratiquer.
Mme la personne la plus complaisante ne niera pas quelle
a menti avant, et bien des fois en plus. En fait, la majorit
des gens capitulent devant la malhonntet dj lorsquils
sont encore trs jeunes, et moins quon ne leur enseigne
sans cesse et fermement dire la vrit, mentir devient alors
une habitude qui est de plus en plus difficile de surmonter.
On peut laisser passer lacte enfantin de chiper un biscuit comme chose normale, mais lenfant de cinq ans qui
apprend sen sortir ainsi naura peut-tre aucun scrupule
faire du vol ltalage, frauder le systme des impts ou
tromper sa femme lorsquil sera adulte. Comme les membres
de toute glise ou synagogue en tmoignent, les personnes
religieuses sont tout aussi bien aptes mentir que les autres
dans le monde laque.
Cependant, si nous dsirons trouver la paix en notre propre cur, il existe toujours une solution: avouer nos fautes
une autre personne. En tant que rite spcifique ou pratique, la confession est bien trop complexe pour en parler

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ici. Avouer tout simplement nos pchs afin de retrouver la

libert et la paix nest cependant pas compliqu. Une fois
que nous avons reconnu le dsaccord entre notre vritable
soi, avec tous nos dfauts, et le ct que nous prsentons aux
autres, nous serons toujours pniblement conscients dune
tension intrieure jusqu ce que nous arrivons rconcilier
les deux. Mme si nous nous amendons et tournons le dos
nos erreurs passes, il ne nous est pas possible dprouver
une paix desprit totale si nous ne sommes pas en mesure
de partager notre fardeau secret avec autrui. Voil pourquoi
le Psalmiste dit: Il ny a plus rien dintact dans mon corps
cause de ta colre, il ny a plus rien de sain dans mes os
cause de mon pch (Psaumes 38.4).
Mettre son me nu, mme (ou peut-tre surtout) devant
une personne que nous aimons, et en qui nous avons confiance, cest toujours douloureux. Mais comme nous le verrons
plus loin en ce livre, on ne peut pas lviter. Si nous dsirons
trouver la paix en Jsus Christ, il nous faut tre prts accepter langoisse de sa Croix. Bien que nous ne choisissions
jamais de souffrir de cette angoisse, si notre soif de Dieu est
profonde, nous la supporterons volontiers, et ainsi, nous
permettrons Dieu de nous renouveler.
Accepte moi, Seigneur ; accepte-moi pour ce peu de
temps.
Que ces journes passes, rendues orphelins, soient oublies.
Seulement, tends ce court moment sur tes genoux, le
tenant sous ta lumire.
Je me suis gar dans la poursuite des voix qui mattiraient,
mais qui ne me conduisaient nulle part.

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Laisse-moi maintenant masseoir en paix pour couter

tes paroles dans lme de mon silence.
Ne dtourne pas ton visage des secrets obscurs de mon
cur,
mais illumine-les du feu de ton amour,
afin quils disparaissent.
Rabindranath Tagore

On peut perdre la paix en un instant volontairement, ou

parce quon est ttu, hypocrite, orgueilleux, ou parce quon
cherche un moyen trop facile den sortir. Cependant, il nest
jamais trop tard pour commencer la qute, mme si la paix
nous ait chapp depuis des annes. Aussitt que nous
pouvons nous examiner tels que nous sommes qui suisje, non pas aux yeux des autres, mais devant Dieu? nous
naurons plus de difficult recentrer notre regard sur notre
besoin de Jsus. Dans son authenticit demeure toujours la
paix.

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Lhumilit
Jsus Christ mourut, afin dchapper au pouvoir, tandis que
les hommes vivent pour lexercer. Le pouvoir est le plus
grand de tous les piges. Comme le pouvoir, dans toutes
ses manifestations, est terrible la voix leve pour commander, la main tendue pour prendre, les yeux brlants de
dsir. Il vaut mieux se dbarrasser de largent, et le donner
aux pauvres; il vaut mieux dissoudre les organisations; les
corps devraient plutt dormir sparment. Il ny a pas de
paix du tout, moins de lever les yeux au-del du temps,
vers lternit comme on contemple lhorizon du sommet
dune montagne.
Malcolm Muggeridge

e tous les tremplins vers la paix dans ce livre, lhumilit

est, peut-tre, la plus difficile reconnatre. Lhumilit
nest pas seulement lindulgence ou la douceur. Elle exige
quon soit vulnrable, quon supporte des blessures. Cest tre
prt passer inaperu, tre le dernier, recevoir le moins.
Lhumilit ne nous offre rien de cette paix que le monde nous
donne plutt, elle la dtruit. Cependant, lhumilit rvle
mieux que toute autre chose la voie du Christ. Elle incarne,

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vrai dire, la voie de Jsus Christ. Et, ainsi, lhumilit nous

conduit la paix la plus durable.
Ce nest pas une concidence que lannonce des anges de
la naissance de Jsus Gloire Dieu dans les lieux trs
hauts, paix sur la terre et bienveillance parmi les hommes
(Luc 2.14) fut faite premirement aux bergers. Car pour les
gens riches, duqus et cultivs, le message du Christ leur
semble trop oppos la sagesse humaine. Comme le cardinal
John OConnor de New York crivit: Elle va contresens
de tout ce que le monde enseigne sur le pouvoir et la gloire,
la richesse, le succs et le prestige.
Ce ne fut pas par hasard que Jsus ait choisi de simples
pcheurs, non pas des docteurs de la loi, pour laccompagner
dans ses prgrinations, alors quil enseignait en Jude. Ceux
qui ont peu de prtentions, sont plus aptes souvrir la
folie de lEvangile et sa paix.
On pourrait crire beaucoup sur lhumilit, mais rien ne
remplace la simple pratique quotidienne. Ce nest quen
nous ouvrant aux autres que nous dcouvrons la bndiction cache de la vulnrabilit, et ce nest quen acceptant la
dfaite que nous apprenons accueillir la paix qui vient avec
la renonciation du moi. Voil pourquoi le livre apocryphe
de Ben Sira nous dit: Tout ce qui tadvient, accepte-le
et, dans les vicissitudes de ta pauvre condition, montre-toi
patient, car lor est prouv dans le feu, et les lus dans la
fournaise de lhumiliation. Mets en Dieu ta confiance et il
te viendra en aide, suis droit ton chemin et espre en lui.
Vous qui craignez le Seigneur, comptez sur sa misricorde,
ne vous cartez pas, de peur de tomber (2.4-7, La Bible
de Jrusalem).
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Quant devenir humble, on pourrait en parler longtemps.

Dans Le pasteur dHermas, une parabole chrtienne du 2e sicle, chaque personne est compare un bloc de pierre choisie par le maon principal. Si la pierre peut tre taille pour
faire un mur, on sen servira. Mais, si les bords irrguliers
de lorgueil et de lgocentrisme se montrent trop difficiles
tailler, elle sera rejete. Jsus fait une comparaison semblable, dans ses discours dadieu, ses disciples: il parle de
la faon dont chacun de nous doit tre taill, si nous allons
porter des fruits: Cest moi qui suis le vrai cep, et mon
Pre est le vigneron. Tout sarment qui est en moi et qui ne
porte pas de fruit, il lenlve; et tout sarment qui porte du
fruit, il le taille afin quil porte encore plus de fruit (Jean
15.1-2). Les deux paraboles sont faciles comprendre, mais
sommes-nous assez humbles pour cder gracieusement aux
coups du maon ou au couteau du vigneron? Voil le dfi.
Tom et Monica Cornell, de bons amis Marlboro dans
ltat de New York, et responsables de la ferme qui appartient
au Mouvement ouvrier catholique, me disent que daprs
leur exprience, la paix de Dieu bien quelle soit libralement accorde ne peut durer sans tre continuellement
monde. Tom crit:
Il est difficile de parler de son propre mondage, la
manire dont Dieu nous taille. Jsus parle dun fermier
qui examinait un figuier nayant pas port de fruits depuis
trois ans. Il voulait labattre, mais le jardinier la convaincu de lpargner: Seigneur, laisse-le encore cette
anne! Je creuserai tout autour et jy mettrai du fumier.
Peut-tre lavenir donnera-t-il du fruit; sinon, tu le
couperas (Luc 13.6). Voil ce que Dieu fait avec nous.

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Pour nous rendre fertiles, Il creuse autour de nous, nous

taille aussi, et parfois, le tas de fumier sur nous est bien
profond.
Pourquoi moi, Seigneur? jentends crier quelquefois les gens, et a marrive aussi, quand on reoit des
coups durs. Pourquoi moi, Seigneur? Sainte Thrse,
la grande rformatrice des Carmlites, traversait une fois
une rivire, cheval. Son cheval trbucha, et elle tomba
dans leau. Elle se plaignit Dieu. Cest ainsi que je
traite mes amis, une voix se fit entendre. Ce nest
pas tonnant, alors, que Tu nen aies pas beaucoup!
rpondit Thrse.
Jai perdu mon pre, alors que je navais que quatorze
ans. Ce ne mest pas arriv dun seul coup; il en a fallu
dix ans. Mon pre a ruin sa sant par un travail acharn
visant le soutien de sa famille. Jai su, lorsquil est partis
pour le sanatorium le jour aprs son cinquante-deuxime
anniversaire, que je ne le verrai plus. Six mois plus tard, le
cur de ma mre sest fendu de chagrin, et jai t glac
de peur. Comment allions-nous vivre?
Cest trange de le penser, et encore plus trange de
pouvoir le dire, mais ctait pour le mieux: ...nous
savons que tout contribue au bien de ceux qui aiment
Dieu (Romains 8.28). Mme ceci?
Je peux mimaginer que si mon pre mavait vu grandir
et suivre la voie rebelle dun disciple chrtien, nous aurions t engags dans une lutte terrible. Il tait chauvin
extrme. Ma mre naurait pas su que faire entre nous
deux. Mais il sest trouv que cette lutte a prit place avec
son fantme, et elle nen finit pas.
Nous avons continu vivre, ma mre, ma sur. A force
de travailler dur et de dpenser peu, jai pu faire des tudes
suprieures Fairfield, une cole jsuite. Lexprience de
travailler dans une usine comme adolescent ma offert des
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leons prcieuses. Le travail, la pice, tait rptitif et

accompli dans une position accroupie, ni debout, ni assis; me servant des deux mains, et dun pied, je rptais
soixante heures par semaine un geste qui ne durait que
deux secondes, et quil fallait faire toujours plus rapidement. Je nai jamais vu le rsultat de mon travail, dont je
nai pas pu trouver du sens.
La vie sest amliore lorsque jai trouv ma vocation
au sein du Mouvement catholique ouvrier. En lisant La
longue solitude par Dorothy Day, tout sest arrang, ma
foi et mon exprience. L, jai t accept et intgr au
cur intellectuel de lorganisation mme avant dobtenir
mon diplme; nous tions peu nombreux. Aprs mon
examen final, je suis venu la ville de New York, do
jai t envoy en mission, pour ainsi dire, sous lgide
du Mouvement catholique ouvrier, dabord sur un projet
de rimplantation agricole au Sud des Etats-Unis, puis
aux projets dans le mouvement de paix dans son ensemble. Je travaillais avec A.J. Muste et ses associs dans le
Committee for Nonviolent Action (comit de laction non
violente, ainsi que dans le War Resisters League (Ligue
pour la rsistance la guerre), o figuraient tous les noms
des personnages importants du mouvement radical de la
non-violence de ce temps. Je voulais faire la connaissance
de ces gens, personnellement, de faon rapporter ces
contacts au Mouvement catholique ouvrier. Je voulais tre
un messager, et on ma reu ainsi.
Avant peu, on ma considr comme une personne qui
sy connaissait, propos de la guerre, la paix, et la nonviolence, bien que la raison nen ft jamais claire. Mais
je sentais que la volont de Dieu, pour moi, tait daider
dvelopper la thorie et la pratique de la non-violence
lintrieur du mouvement. Ce travail a eu du succs et
a t, personnellement trs satisfaisant.
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Lmondage le plus svre, cest de voir le travail dune

vie entire dtruit. Cest peu prs ce qui mest arriv
lorque jtais en mi-chemin. Je me suis trouv comme
dans une fort assombrie. Le mouvement de la non-violence perdait son lan. Mme avant son meurtre, les nationalistes noirs et les sparatistes avaient clips Martin
Luther King leur slogan: par nimporte quels moyens.
Des lments importants parmi ceux qui taient contre
la guerre avaient compromis leur pacifisme, et avaient
choisi un impratif rvolutionnaire. Des activistes appropriaient le terme non-violence, sans aucune rfrence
aux principes ou la pratique de Gandhi. Aprs quinze
ans de travail, jai t congdi.
Cela avait t un bon emploi. Le Mouvement International de la Rconciliation (MIR) est la plus grande
organisation cumnique et interreligieuse du monde.
Je recevais un salaire qui soutenait les besoins de ma
famille (ce qui est essentiel pour les membres du Mouvement catholique ouvrier), qui assurait lentretien dune
maison modeste, me permettait davoir une voiture,
et qui me donnait laccs un grand public. Je voyageais beaucoup: lAmrique Latine, le Moyen-Orient,
et lEurope; je faisais des discours, jcrivais sur la nonviolence et je renforais les liens du rseau dactivistes
non-violents. Je prvoyais une retraite qui me permettrait
de travailler indpendamment et tablir ma propre horaire; jenvisageais un largissement de mon champ
dinfluence. Puis, jai vcu un effondrement complte:
ma poste a t limine.
Trois annes se sont ecoules pendant lesquelles je
travaillais indpendamment, accomplissant autant de
travail important quavant (sinon davantage), mais je ne
gagnais plus mon pain. Nous avons perdu notre maison.
Mon cur stait bris.
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Quitter le MIR ma fait beaucoup souffrir. Cela a t

un vrai mondage. Ironiquement, mon travail le plus important et le plus durable pour la paix a eu lieu la
suite de cette sparation, lors de mes annes dans le
dsert. A mon insistance, lEglise catholique des EtatsUnis sengagea soutenir tous ceux qui taient troubls par la conscription militaire, et jai t permis, avec
lautorisation et lapprobation de lvque, de crer un
programme de formation pour les conseillers contre la
conscription dans plusieurs diocses du pays. Au mme
temps, lArchevque Oscar Romero, en tant que prsident
de la confrence, ma donn la tche de mobiliser du
soutien pour la paix en El Salvador. Lui-mme et deux
religieuses amricaines, qui y participaient ont perdu
leurs vies. Mais, je ne pouvais pas encore subvenir aux
besoins de ma famille.
On dit que si Dieu ferme une porte, Il en ouvre une
autre mais pas ncessairement tout de suite. Dsespr,
jai accept une poste dans une cole secondaire dans
ltat de New Hampshire mon exile babylonien
pendant un an. Cela a t une vraie leon pour moi. Je ny
trouvait aucun sens. En plein hiver, jai reu un coup de
tlphone de la Confrence Catholique des prtres amricains. LEglise a besoin de vous, ma dit Ed Dougherty,
non sans humour. Il ma demand daccepter linvitation
un rencontre avec cinq prtres qui rdigeaient un message pastoral de paix, qui serait publi en 1983. Il y avait
un tas de consultants du Pentagone et du Dpartement
de lEtat prts donner leurs conseils au comit, mais
seulement trois pacifistes. Pourrais-jy assister? Le ciel
semblait souvrir momentanment.
Puis Le Conseil des Eglises, Waterbury dans ltat
de Connecticut, ma appel, ensemble avec ma famille,
afin daider dans une uvre charitable. Quel bonheur
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dchanger une centaine dcoliers toxicomanes, contre

trois-cents alcooliques, voleurs, assassins, et un grand
nombre de personnes, dont le crime ntait que dtre trop
pauvres! Je leur donnerais ce quils ncessitaient de la
soupe, et un sourire et ils maccepteraient dans leurs
vies! Si mon mtier respectable navait pas t excis, je
serais devenu un bureaucrate de la paix; nanmoins,
mes cambrioleurs ont garanti mon honntet.
Maintenant, ma femme Monica et moi travaillons de
nouveau au Mouvement catholique ouvrier, et je peux
continuer crire, parler, et voyager. Je suis un homme
qui a t humili, au sens davoir t mond de mes illusions. Que cest naf et prsomptueux de penser que
par mes efforts je verrais ici en Amrique une extension du travail aux Indes de Gandhi! Pendant la guerre
froide, javais eu accs aux esprits les plus brillant sur
quatre continents dans mouvements de la paix radicale.
Nous avons dict le trajet des vnements, et nous avions
presque toujours tort! En outre, le mouvement Gandhien
de la non-violence que je me croyais faciliter a t draill
par des gens insenss, oui, admettons-le, des vauriens.
Ceci a suscit des sentiments de rancune et colre en moi,
sentiments qui ont dur bien des annes. Mais jai d me
demander si je navais pas t en train de prendre tout
en main. Je devais alors lcher prise et de laisser Dieu
agir, comme on dit aux drogus dans les programmes
de rhabilitation. Voici encore les scateurs.
Quand jtais jeune je voulais faire de grandes choses.
Puis jai rencontr Dorothy Day, et la premire fois que je
lai entendu parler, elle a dit quelque chose comme: ne
te soucie pas du lendemain; fais fi de la prudence. Elle
a dit aussi: De grandes choses attendent dtre faites,
et qui est-ce qui les fera, si ce ne sont pas les jeunes?
Mais comment le feront-ils sil ne se soucient que de
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leur propre scurit? Au moment quelle la prononc,

Dorothy tait plus jeune que je ne le suis maintenant.
Eventuellement, jaurais pu temperer ses propos, et avec
plus dexprience elle aurait fait aussi, peut-tre. Mais, il
nen rest pas moins que nous avons accompli beaucoup,
par hasard, ou par la grce de Dieu.
Nous avons pris part au dmantlement des structures
raciales lgales de la sgrgation aux Etats-Unis avec
laide de la non-violence (bien quaujourdhui, quarante
ans plus tard, la condition des afro-amricains les plus
pauvres est pire quelle ntait alors). Nous avons rintroduit la non-violence parmi les Catholiques et les
Protestants (bien que la menace de guerre est toujours
prsente, et devient encore plus grave). Maintenant une
nouvelle gnration a soif dhrosme. Il y a de grandes
choses faire... Osez lutter!
Cette lutte ma appris que la chose la plus importante,
cest tout simplement de faire des choses ordinaires avec
des personnes ordinaires avec lesprit damour, de pntrer dans la vie des pauvres, de les aimer et de leur
permettre de nous aimer, dtre guid par les besoins
de la communaut et dobir sa voix. Sainte Thrse de
Lisieux appelait ceci la petite voie. Voil ce qui nous
donne la vraie paix, la paix du Christ. Cest un fruit du
Saint-Esprit, et il pousse sur la vigne monde.

Les paroles de Tom nous fournissent bien de rflexions sur

lhumilit et la paix, de mme que ces penses de Derek
Wardle, un Anglais qui rencontra le Bruderhof pendant la
Seconde Guerre Mondiale et se dcida y rester.
Derek grandit dans un milieu bourgeois, mais il devint
conscient de la misre lorsquil prit un train pour traverser
le quartier de lest de Londres. Des films comme Sous le

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regard des toiles, propos des mineurs du charbon au pays

de Galles, et Les raisins de la colre lui ont aussi ouvert les
yeux, et ont commenc agiter sa conscience. Plus tard il
prit part aux marches du Premier Mai, aux rassemblements,
et devint communiste.
De mme que beaucoup deuropens de son poque, Derek
dit quil fut aveugle quant aux actions malfiques de Staline.
Il voyait la Russie comme une utopie socialiste. Et, comme
il en est avec tellement de jeunes, ses tendances politiques
furent un rsultat dune troitesse desprit. Je cataloguais
les gens selon leurs affiliations, et je montrais un manque
de respect et de la haine envers tous ceux qui avaient des
opinions diffrentes des miennes. Seulement plus tard,
a-t-il compris que son arrogance encourageait la violence
autant que la classe bourgeoise quil protestait dans les rues.
Au mois daout 1939, juste un mois avant la guerre, je
suis all Leipzig afin de rendre visite mon correspondant, membre convaincu de la Jeunesse de Hitler, et jai
appris la leon que mme les Nazis taient des gens
comme les autres. Bien que mes parents mont rappel
la maison aprs trois jours, cette exprience a suffi pour
briser mon habitude de classer les gens comme bons ou
mauvais, mais plutt dessayer de les rencontrer en tant
quindividus. Cette leon mest reste...
Jai appris combien il est important de combattre lego
en tous ses aspects depuis le souci excessif de soi-mme
et de sa propre faiblesse, jusqu lorgueil et lambition.
Chaque fois que je cde ces sentiments, je ne puis trouver la paix; seulement en tant humblement et totalement
abandonn Dieu puis-je raliser de la paix. Cest toujours un choix, et le mme choix se tient devant chaque

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jeune personne aujourdhui, bien quelles doivent peuttre passer par des moments difficiles, comme jai d le
faire, moi-mme.

Mre Thrse dit que la connaissance de soi-mme nous

conduit nous agenouiller. Ce fut certainement mon cas.
Je ne crois plus que je peux changer le monde. Je pense que
cest Dieu qui doit le faire. Je continue protester contre
linjustice racisme, capitalisme, nationalisme, quel que soit
linjustice. Cependant je sens que ce sont les petits gestes et
actes damour quotidiens qui prouvent notre sincrit, tout
autant que les choses plus importantes que nous faisons.
Il est facile de devenir frustr, en voyant le pouvoir du
mal dans le monde, et on peut devenir amer. Par contre,
nous pouvons aussi tre humbles et chercher des moyens de
transformer notre indignation en quelque chose de positif,
comme le service nos prochains, par exemple.

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Lobissance
Il vient nous tel un inconnu sans nom comme il y a
bien longtemps, auprs du lac, il tait venu ceux qui ne
le connaissaient pas. Il nous adresse ces mmes paroles
Suivez-moi! et nous donne ces tches, quil veut
nous voir accomplir. Il ordonne, et Il se rvle ceux qui
lui obissent, quils soient intelligents ou nafs, travers
les labeurs, les conflits, les souffrances quils devront subir
avec lui et, ainsi, mystre ineffable, ils sauront, par leur
propre exprience qui Il est.
Albert Schweitzer

ien quil tait pasteur, mon pre tait particulirement

discret dans son usage de langage religieux. Pourtant,
il nhsitait jamais nous rappeler, nous les enfants, de
quelque vrit importante en se servant de la Bible pour
lillustrer. Quand il nous parlait de la compassion, lhistoire
de Jsus et de la femme auprs du puits ne manquait pas de
lui venir lesprit; sil parlait de conviction ou de certitude,
il citait alors la parole de Saint Jean dans lApocalypse, comment Dieu vomira de sa bouche tous ceux qui sont tides.
Afin dillustrer limportance de lobissance, il se servait du
passage o Jsus envoie ses disciples chercher un non.

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Lorsque Jsus demanda aux deux hommes daller chercher un non, ils neurent aucune tche plus importante
que celle-ci. Quelquun aurait pu leur dire, Vous tes
appels faire des choses plus importantes; nimporte
qui peut aller chercher un non! Cependant, il ny avait
rien de plus important pour eux ce moment-l, que
daller chercher un non pour le Christ. Quant moi et
tous les autres, je souhaiterais que nous accomplissions
chaque tche que Dieu nous donne, quelle soit importante ou non, avec un tel empressement. Il ny a rien de
plus important Jsus Christ que dobir.
J. Heinrich Arnold

Pour la plupart dentre nous, lobissance nous importune.

Nous nous appelons disciples, mais il nous manque la joie
et la soumission qui devraient en faire partie. Mme si la
tche accomplir est simple, lorgueil nous empche, peuttre, de nous y mettre, et, ainsi, nous chouons dans notre
recherche de la paix.
Cela na rien de surprenant, quand on pense la vnration que notre socit confre lindividu et lindividualisme.
Depuis lenfance, on nous apprend, et nous lapprenons
nos enfants, quil est important de suivre ses instincts, de
montrer de linitiative et de dvelopper nos qualits de chef.
Tout ceci est juste et correct. Mais que dire alors du revers de
la mdaille la valeur de lobissance? Quand allons-nous
apprendre que notre propre intrt nest pas ncessairement
lintrt de Dieu, et quinsister tre son propre matre, et
aller de son propre train, pourrait porter plus de mauvais
fruits que de bons?
Malheureusement, ceux qui se soumettent aux autres
lorsquil ny a aucun avantage apparent (ou lorsquil sagit de
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sacrifices) sont souvent vus comme manquant de caractre,

ou alors, quils ont reu un lavage de cerveau. Lautorit,
aussi lautorit divine, est mprise. Lide mme dhonorer
son pre et sa mre est ddaigne comme tant dmode; le
respect envers les personnes ges est une chose du pass;
et Dieu, Lui-mme, est souvent lobjet de la rise.
Nous avons oubli la dsobissance des enfants dIsral
et le courroux de Dieu qui la suivit plus dune fois. Nous
avons oubli que cette paix que nous recherchons provient
du Crateur qui mit de lordre dans le chaos. Dieu cre la vie
l o il y a seulement le vide et lobscurit. Il nest pas
un Dieu de dsordre, mais de paix.
Le chemin qui mne de la dtermination la soumission
volontaire nest pas ais. Mme pour Jsus, le plus difficile
fut dobir. Pendant sa dernire longue nuit au jardin de
Gethsmani, sa sueur devint comme des caillots de sang
qui tombaient par terre (Luc 22.42) alors quIl luttait pour
se soumettre. Abba, Pre, tout test possible. Eloigne de
moi cette coupe! Mais plus tard Il a pu dire: Toutefois,
non pas ce que je veux, mais ce que tu veux (Marc 14.36).
Il a t dit que lobissance est la racine de la grce,
mais ceci ne la rend pas plus acceptable. Dorothy Day reut
lappel de la voie du disciple tt dans sa vie (bien quil
soit quelque peu indistinct), mais elle se jeta dabord dans
dautres choses plus importantes. Il y avaitlattrait des
arts libraux, puis de la politique; puis il y avait les voyages,
et un got pour les Annes Folles New-York, en Italie et
Hollywood. Il y eut aussi un roman, plusieurs scnarios de
films, un avortement, un mariage de courte dure, et une
petite fille. Cependant, il ne lui vint pas lesprit quelle
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fuyait Dieu, et que son angoisse ne serait calme quen

obissant Dieu.
Puis, il advint une nuit inoubliable dans un bar Greenwich Village o un ami dramaturge, Eugene ONeill, lui a
rcit le pome de Francis Thompson, Hound of Heaven
pome dont le message la fit chanceler; surtout le verset:
Je Le fuyais, pendant des nuits et des jours;
Je Le fuyais pendant des annes;
Je Le fuyais dans le labyrinthe de mon propre cerveau;
Je me cachais de Lui parmi mes larmes,
Et sous les rires continus.

Lexprience de Dorothy fut ce que lon peut appeler une conversion. Ses amis de la gauche se moqurent de son nouvel
intrt dans les Evangiles: ne savait-elle pas, surtout elle,
une Communiste, que la religion ntait quune bquille pour
les faibles? Mais Dorothy restait ferme. Jsus avait promis
cette nouvelle socit de paix et de justice, que tous recherchaient, dit-elle; et si les Chrtiens de leur connaissance
ntaient que de faibles hypocrites, ce ntait pas la faute de
Jsus. Elle en tait sre, et elle voulait essayer de le prouver.
Lorsque Dorothy mourut en 1980, il tait clair quelle avait
fait encore plus que ceci. Ebranle par le dsespoir des millions de chmeurs pendant les annes de la Grande dpression, elle laissa tomber toute ambition de devenir un crivain
illustre et elle passa le reste de sa vie servir Dieu et les
pauvres, dans le visage desquels elle voyait Jsus. Que ce
soit en publiant ses ides sur la non-violence, ou ses actes
de dsobissance civile (elle subit maints emprisonnements),
ou en dispersant le message de lEvangile au travers de

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ses crits, articles dans les journaux, et ses propres livres,

elle tait passionne dans sa croyance, que le Christ exigeait
plus que de simples paroles.
Comme Dorothy le comprenait, Jsus exigeait des uvres
de charit: donner manger aux affams, un toit audessus des sans-logis, rendre visite aux malades, faire la
vaisselle aprs les centaines de gens indiffrents et bruyants
la soupe populaire quelle offrait jour aprs jour, pendant des annes. Elle travaillait ainsi au Mouvement ouvrier
catholique, maison hospitalire quelle avait fonde dans le
quartier misrable de lest de New York.
Souvent, les raisons de notre dsobissance peuvent sembler raisonnables: nous manquons de courage, ou de force,
ou de clart de vision; nous nous sentons ineptes cette
tche. Bien souvent, nos vraies raisons sont moins nobles:
paresse, orgueil, enttement volontaire. Mre Thrse, avec
ses annes dexprience auprs de ses Missionnaires de
charit, sest attaque la racine du problme notre dsir
de comprendre exactement pourquoi il faut faire ce quon
nous demande, et la tentation alors, de le faire, comme on
lentend soi-mme.
Il est vrai que notre travail peut tre mieux accompli si
nous savons comment Dieu le dsire, mais on ne pourra
pas le savoir hormis lobissance. Soumettez-vous vos
suprieurs, tout comme le lierre. Le lierre ne peut vivre
que sil saccroche quelque chose; vous ne grandirez
pas, et vous ne vivrez pas en la saintet moins de
tenir ferme lobissance. Soyez donc fidles dans les
petites choses. La vritable force rside dans la fermet
et lobissance.

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Comme les nouveaux membres de beaucoup dautres communauts religieuses, de mme que la mienne, les novices
de lOrdre de Mre Thrse font le vu dobissance leur
entre. Cependant, un tel vu est le devoir dune vie entire,
comme Thomas Merton le remarque dans une lettre un
jeune ami:
Tu tefforces probablement de dterminer ton identit
dans ton travail, en lexprimant par ton travail et ton
tmoignage. Tu ten sers, pour ainsi dire, pour te protger
contre la nullit, lannihilation. Cela nest pas le bon emploi de ton travail. Tout bien qui en provient ne viendra
pas de toi-mme, mais de ce que tu as permis Dieu de
te mettre Son service, par obissance la foi. Pense
surtout cela, et tu seras, petit petit, libr du besoin
de taffirmer, et ainsi tu pourras touvrir au pouvoir qui
agira en toi sans que tu ten rendes compte.
Limportant aprs tout cest de vivre, et de ne pas passer ta vie au service dun mythe; et nous changeons les
meilleures choses en mythes. Si tu peux te librer de la
domination des causes pour servir tout simplement la
vrit du Christ, tu pourras accomplir plus, et tu ne seras
pas si cras par ces dceptions invitables. Car je ne
prvois que dception, frustration, et confusion.
Notre seul vrai espoir, donc, ne rside pas dans ce
que nous pensons pouvoir faire, mais en Dieu, qui fait
de nos efforts quelque chose de bon que nous ne voyons
pas. Nous y aiderons tant que nous accomplissions Sa
volont. Mais nen serons pas ncessairement conscients
pralablement.

Une histoire dans le Second Livre des Rois en parle dune

faon mmorable. Lorsque Naaman, un serviteur royal, demande Elise de le gurir de la lpre, le prophte lui dit
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daller se laver sept fois dans le fleuve du Jourdan. Naaman,

pensant avoir t ridiculis, le quitte en colre. Plus tard ses
serviteurs essaient de raisonner avec lui: Si le prophte
tavait dit daccomplir quelque chose de grandiose, ne
laurais-tu pas fait? Donc, tu devrais lui obir, maintenant. Finalement, Naaman est convaincu; bien quil soit
encore irrit, et embarrass, il descend jusquau fleuve, et il
sabaisse sept fois dans leau. Or nous lisons que sa peau
redevint semblable celle dun petit enfant, et il fut guri.
Daniel Berrigan a remarqu que dans la Bible, en gnral,
les plus grands actes de foi sont accomplis sans gard au
rsultat ou succs. Abraham emmena son fils et partit pour
la montagne parce que Dieu lui avait dit de le faire. Gabriel
tait venu Marie avec les nouvelles les plus incroyables,
et Marie a simplement cru et obi.
Faisant un saut jusquau vingtime sicle, les lettres
dEwald von Kleist, victime de la perscution nazie, tmoignent de la mme disposition et obissance. Pour citer
une de ses lettres:
Recherchez votre paix en Dieu et vous la trouverez. Il nous
tient par la main et nous guide et finalement nous reoit
dans la gloire. Et obissez sa volont; Il soccupera
de tout.
Vous ne devez jamais, absolument jamais, mme pas
dans la chambre la plus secrte de votre cur, vous rebeller contre ce que Dieu vous a inflig, et vous verrez combien il sera plus facile de supporter toute chose. Je nai
pas crit un seul mot qui ne reflte pas ce que jai prouv
moi-mme, avec reconnaissance envers Dieu. Cest vrai
pour toute lternit. Tout ceci ne nous tombe pas entre les mains. Cest une lutte constante avec soi-mme,
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chaque jour et chaque moment parfois. Mais le sens inn,

bni, qui compense tout, ne nous chappe pas. Croyezmoi: je lai prouv.

Une personne cynique pourrait dire que Kleist a pu voir aussi

clairement parce quil navait pas de choix, et dans un sens
cest peut-tre vrai. Pour quelquun qui se tient au seuil de
la mort, les choses importantes dans la vie se montrent en
relief. Pourtant lattitude de Kleist jamais, jamais ne se
rebeller est un double dfi, si on considre les circonstances. Quand on pense son excution qui suivit, cette
attitude naurait pas influenc son destin. Lobissance ne
pourrait le sauver.
Ceux dentre nous dont lpreuve la plus grande nest
que la multiplicit des choix quotidiens, sommes en gnral beaucoup plus gostes et obstins. La convenance, non
pas lobissance, est la source de nos dcisions. Nous
nesquivons peut-tre pas un devoir ou un appel lorsque
nous le reconnaissons, mais nous cherchons un moyen de
lchapper, en cherchant une solution partout sauf l o Dieu
a une rponse pour nous. Comme les anciens Isralites, nous
prfrons suivre nos propres desseins, et nous laissons Dieu
soupirer devant notre stupidit.
Le commandement que je te prescris aujourdhui nest
certainement pas au-dessus de tes forces ni hors de ta
porte.Il nest pas dans le ciel pour que tu dises: Qui
montera pour nous au ciel et ira nous le chercher? Qui
nous le fera entendre afin que nous le mettions en pratique?Il nest pas de lautre ct de la mer pour que tu
dises: Qui passera pour nous de lautre ct de la mer
et ira nous le chercher? Qui nous le fera entendre, afin
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que nous le mettions en pratique? Cest une parole,

au contraire, qui est tout prs de toi, dans ta bouche et
dans ton cur,afin que tu la mettes en pratique. (Deutronome 30.11-14)

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Le caractre ferme
A moins quun pas soit dfinitivement pris, le dfi, lappel,
se perd, et si on simagine que lon puisse suivre Jsus sans
faire ce pas, on se fait des illusions. Bien que Pierre ne puisse
accomplir sa propre conversion, il peut quitter ses filets.
Dietrich Bonhoeffer

n parlant avec les hommes et les femmes dont les aperus figurent dans ce livre, on remarque quils ont tous
un trait commun: le rle du choix et du libre-arbitre dans
leur recherche de la paix. La paix peut tre un don, mais
cest aussi une perle de grande valeur. Le processus de
rechercher et vendre tout ce que lon possde pour lacqurir
se prcde toujours par une dcision.
Viktor Frankl a crit que la paix signifie: tre librs de
trois choses: de nos instincts ou notre nature infrieure,
nos caractristiqueshrditaires, et notre environnement.
Certainement, lhomme a des instincts, mais ces instincts
ne doivent pas le matriser. Quant la question hrditaire, la recherche scientifique sur lhrdit montre que
le niveau de libert humaine slve face la prdisposition. Quant lenvironnement, nous savons quil ne

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forme pas lhomme, mais tout dpend de son attitude et

de ce quil en fait.
Ainsi, lhomme nest nullement un simple produit de
lhrdit et de lenvironnement. Il y a un autre lment:
la dcision. En fin de compte, cest lhomme qui dcide
lui-mme! Or en fin de compte, lducation a pour but
denseigner comment prendre des dcisions.

Frankl dcline par la suite que peu dentre nous ne prenions

de dcisions importantes dans la vie avec quelconque degr
de certitude. En faisant marche arrire, ou en compromettant, il nous manque souvent la fermet de nous en tenir
nos propres dcisions. Et, ainsi, nous restons toujours
anxieux. Parfois, notre attitude est passive, au jour le jour,
en attendant de voir ce qui va se passer. Dautres fois, nous
nous montrons fatalistes, dfaitistes. Un jour, nous sommes
sans caractre, et nous navons aucune opinion du tout; le
lendemain, nous sommes tellement opinitres, que nous devenons fanatiques. Frankl nous dit quen fin de compte, tous
ces symptmes ont leur source en notre crainte de prendre
la responsabilit, et en lindcision qui en est le fruit.
Naturellement, certains choix sont faciles faire, tandis
que dautres ne peuvent tre pris quavec un dbat intrieur agonisant. Mme alors, Dieu peut nous aider faire la
bonne dcision si notre esprit est ouvert sa direction. Je ne
parle pas ici de lueurs rapides et passagres (en gnral il
me semble que nous ne recevons que peu de rponses, sans
prire), mais je pense aux heures de grce les moments
o Dieu sapproche de nous, nous adoucit le cur, et ouvre
nos oreilles intrieures Lui.
De tels moments peuvent nous venir seulement une fois
ou plus dune fois. Si nous y sommes rceptifs, Dieu nous
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parlera avec une telle clart que le sentier suivre sera vident. Alfred Delp crit:
Il arrive des moments dans notre vie, o nous sommes
dgots de nous-mmes, lorsque la conscience de nos
checs enlve le masque de notre propre assurance et
de notre propre justification, et o la ralit se rvle
mme si ce nest que pour un instant. De tels moments
peuvent produire un changement permanent. Pourtant,
notre raction naturelle, cest de les viter. Ceci a pour
cause notre orgueil, et notre lchet (sachant que la seule
faon de sortir de cette situation serait de se soumettre
Dieu en toute humilit), ce qui nous tente fermer les
yeux la ralit.
Le rveil ne vient peut-tre quau moment o notre
pch sest avanc jusquau point de dtruire notre confiance en nous-mmes, et de nous exiger nous voir tels
que nous sommes. La question est: allons-nous prendre
au srieux cette perte de confiance en soi-mme de
lorgueil, en vrit ou allons-nous tout simplement le
traiter comme une faiblesse de caractre?
Essayer simplement de nous dtourner de ces moments-l nous enfonce encore plus profondment dans
notre pch et notre erreur. Les choses iront de mal en
pire. Nous sommes ainsi immuniss contre notre pch,
et nous ne pouvons plus distinguer le faux du vrai. Souvent, nous finissons mme par dfendre notre erreur,
avec de tels clichs pieux comme lautodtermination
et le droit de choisir et cetera.

Dans une lettre, John Winter, membre de notre communaut

septuagnaire, crivit rcemment que les chapitres de sa vie
les plus fructueux furent ceux quil entreprit avec la dcision
ferme dy rester fidle, quoiquil arrive.
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Jai quitt lcole seize ans pour travailler dans le laboratoire dune usine qui construisait des tuyaux de plomb
et de la peinture de plomb, et je prenais le train pour
Londres tous les soirs pour mes tudes scientifiques dans
le but dobtenir une licence. Ctait difficile: le travail
la journe; le train, les cours, le train chaque soir pour
rentrer la maison vers onze heures, et mes devoirs le
weekend. A lge de dix-neuf ans jai d menregistrer
pour le service militaire. Jtais pacifiste, et je me suis
dcid minscrire comme objecteur de conscience.
Quand jai dit ceci mon directeur, il ma signal que
lusine fabriquait maintenant des balles de fusil, au lieu
de tuyaux et de peinture, et que ceci nirait pas avec mon
travail dans la compagnie. Cela a t un vrai choc, je me
souviens encore, comme si ctait hier, des heures passes rflchir sur ce que javais faire. Je ne pouvais en
bonne conscience continuer mon travail, mais dy tourner
le dos me semblait impossible aussi.
Un de mes amis pacifistes passait par le mme dilemme.
Plus tard, cependant, ne trouvant aucune base pour son
refus de prendre part la guerre, il a chang davis, et
sest engag dans lArme de lair britannique (RAF).
Ces jours o jai d me dcider tre fidle ma croyance quant la guerre, ou de continuer vivre comme
dhabitude ont t dcisifs. Jai perdu des heures de
sommeil, mais finalement jai su ce quil me fallait faire:
abandonner mon travail.
Cest assez insignifiant maintenant, mais cela ma cot beaucoup alors. Ctait la premire fois que je devais
choisir entre ce que je voulais et ce que ma conscience
me disait. Je puis seulement dire maintenant, aprs cinquante-huit ans, qu ce moment-l jai prouv quelque
chose de la paix donne par Dieu. Jai d y penser souvent
dans ma vie depuis ce moment-l, quand ma conscience
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me forait faire un pas que je ne voulais pas prendre

tout dabord. Chaque fois que je suivais ma conscience,
cela me conduisait la paix intrieure, qui est relle, et
que lon ne peut dcrire.
Au revers de la mdaille, la vie ma de mme montr
que si on est conscient dun appel sans le suivre, quelque
chose en nous change et il se peut que la prochaine fois
nous ne pourrons pas entendre Dieu nous parler. Peuttre Dieu ne nous abandonnera pas dans notre orgueil
et enttement, mais jen suis certain, quun moment
arrivera o ce sera trop tard.
Aprs avoir quitt mon emploi, jai t sans emploi pendant bien des mois; je recherchais du travail qui ntait pas
li la guerre, mais il ny en avait pas, du moins dans ce
que je savais faire, et cest terrible dtre oisif. Cependant,
je ne peux nier que jtais sr davoir bien agi, et je ressentais que ma vie tait entre les mains de Dieu.

Nous connaissons tous des gens qui (contrairement John)

ne peuvent trouver la paix en eux-mmes, parce quils ne
peuvent adhrer une dcision. De telles personnes passent
leurs vies comme des bateaux voile sans quille, chavirant
tout coup de vent et avanant vers leur but avec la plus
grande difficult. Il y en a qui ny arrivent jamais, et qui passent leur temps se demander: que faire? Dans les cas les
plus graves, un tel manque de dcision conduit au dsquilibre motionnel, et mme linstabilit mentale.
Quant la foi, il est essentiel dtre dcisif, afin de pouvoir
mener une vie saine et productive. Jsus nous offre une paix
sans fin, mais Il exige dabord notre promesse de loyaut
totale. Il se peut que la raison du manque de paix en certaines personnes soit justement parce quils ne veulent pas

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tre ainsi confronts. Jai toujours aim les paroles: En

vrit, en vrit, je vous le dis, si vous ne mangez pas le
corps du Fils de lhomme et si vous ne buvez pas son sang,
vous navez pas la vie en vous-mmes (Jean 6.53). Ces
paroles ne sont pas une philosophie tre mdite, tudie,
ou analyse. Cest une exigence imprudente, et il nous faut
ou bien, la rejeter, ou ltreindre. Personne ne peut rester
indiffrent devant Jsus. Il nous faut nous dcider pour Lui
ou contre Lui.
Bart (ce nest pas son vrai nom), est un jeune homme de
notre communaut. A presque vingt-et-un ans, en tte de sa
classe dans une universit prestigieuse sur la Cte Est des
Etats-Unis, il se rjouissait dj la remise des diplmes,
ayant dj reu plusieurs offres demploi gnreuses. Cependant Bart ntait pas heureux; au plus profond de son
cur, il commenait percevoir le vide dune vie prospre,
et, petit petit, la pense lui vint, de laisser tout tomber et
de retourner la communaut, o il avait grandi; bien que
ceci signifiait soumettre ses talents, son temps, et son argent,
une cause commune, et de travailler l o on avait besoin
de lui. Au milieu du dernier semestre, Bart quitta ses tudes
et crivit la lettre suivante, quil ma permis de citer:
Depuis quelques jours, jai t vraiment tiraill. Dun ct,
je voulais tellement rester luniversit, finir mes tudes,
et avoir un emploi, comme de travailler pour une cause
admirable, telle que la radio. Mais je me sens, de mme,
appel servir dans la communaut. Jai essay de justifier mon sjour ici, en moccupant de mes propres affaires, en dehors de la communaut mais, finalement,
je vois que cela ne mtait pas possible.

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Jai lu hier soir, dans le livre de Matthieu, comment les

disciples ont quitt leurs filets pour suivre Jsus. Voil ce
que je dois faire, maintenant, quoi quil arrive: partir dici,
o jai rcolt beaucoup de savoir thorique et pratique,
mais peu denrichissement personnel et spirituel...
Parfois, il faut prendre une dcision, sans exactement
savoir pourquoi ou comprendre ce que lon fait. Je ne comprends certainement pas pourquoi je fais ceci, mais qui
sait pourquoi il agit dune manire ou dune autre? Il me
faut avoir une confiance absolue en Dieu. Je crois quil veut
me dire quelque chose, et jespre bien pouvoir Lcouter.

Si cette dcision semble un peu folle, cest simplement parce

quelle nest pas conventionnelle. Elle contredit lide courante que mme si on entend un appel clair de Dieu, il est
tout de mme prudent de le considrer, den mditer dans
la prire. Pourtant, est-ce que Jsus na pas dit aux disciples de laisser tomber les filets, et de le suivre? Et ne nous
conseille-t-Il pas de laisser les morts enterrer leurs morts?
(Luc 9.60) Peut-tre sommes-nous excessivement confiants,
quIl nous donnera le temps dvaluer les options. Demandons Dieu de nous aider regarder le cours de notre vie,
avec les yeux de la foi. Alors tout squilibrera.
La question do habiter et que faire est vraiment insignifiante, si on la compare cette question: comment garder
ses yeux, et son cur, fixs et centrs sur Dieu. Que je
sois en train denseigner Yale, de travailler dans la boulangerie labbaye de Genesee, ou, en promenade avec
les pauvres enfants du Prou, je puis me sentir totalement
inutile, misrable, et dprim, en toutes ces situations.
Le bon endroit, le bon travail, la bonne vocation, ou
le bon ministre, nexistent pas. Je peux tre heureux

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ou malheureux en nimporte quelle situation. Jen suis

sr, car je suis pass par l. Je me suis senti perdu et
joyeux dans des situations dabondance, de pauvret, de
popularit et danonymat, dans les priodes de succs
et dchec. La diffrence ne provenait pas de la situation elle-mme, mais toujours de ma propre disposition
desprit et de cur. Lorsque jtais conscient de marcher
avec Dieu, je me sentais toujours heureux et en paix.
Lorsque jtais emptr dans mes propres besoins motionnels, je me sentais toujours agit et troubl.
Cest une simple vrit qui me vient lesprit maintenant, au temps o je dois prendre une dcision quant
mon avenir. Se dcider faire ceci, cela, ou autre chose
les cinq, dix, ou vingt ans venir nest pas une grande
dcision. Se tourner vers Dieu, sans conditions et sans
crainte, voil ce qui est important. Cependant cette prise
de conscience ma finalement libr.
Henri J.M. Nouwen

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Le repentir
Lhomme dchu nest pas quune crature imparfaite, qui a
besoin de samliorer; il est rebelle, et il doit dposer ses
armes. Capituler, se rendre, sexcuser, conscient de son erreur,
et tre prt recommencer voil la seule faon den sortir.
Ce procd de capitulation, ce mouvement toute vitesse en
arrire, voil ce que les chrtiens appellent le repentir.
C.S. Lewis

l disait: Repentez-vous, car le royaume des cieux est

proche (Matthieu 3.2, version Louis Segond). Ce verset
est peut-tre le verset le plus familier de la Bible, et, pourtant,
depuis des gnrations les chrtiens ont vit son impact
avec autant de zle quils lont rcit. Cest quelque chose
dtre humble, doux, ou aimable. Mais, davoir du remords?
Dadmettre ses torts, et den pleurer? Se repentir? Aussi
dur, que cela semble, il ny a pas de paix sans le repentir.
Tout comme la souffrance du Christ sur la Croix ne nous
signifie rien tant que nous refusons de souffrir avec lui, de
mme la Rsurrection na de promesses pour nous, que si
nous sommes prts le suivre au tombeau. Il ny a pas de
nouvelle vie, sans la mort.

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Le repentir signifie la mort son moi, le vieil Adam. Cela

veut dire se dtourner de la corruption dun monde dchu, et
se placer volontiers et avec joie, sous la lumire de Dieu, qui
connat les plus profonds secrets de notre cur. Lorsquune
personne se repentit, un cur de pierre devient un cur de
chair, et les penses et les motions sont, toutes, transformes.
La perspective de cette personne change alors compltement.
En tant que conseiller, jai remarqu quune des causes
les plus gnrales des troubles spirituels est limmoralit.
Je ne veux pas dire que la volupt est un pch, pire que
les autres. LAptre Paul nous dit clairement que lorgueil,
lautosuffisance, et la prsomption, par exemple, sont tout
aussi opposs Dieu. En ralit, ces traits de caractre sont
peut-tre mme plus difficiles surmonter que les autres pchs, car ils ne sont pas aussi vidents. Cependant, puisque
notre sexualit est la sphre la plus protge, la plus intime,
les pchs sexuels, secrets, sont souvent les plus accablants.
Il y a bien des annes, une jeune femme est venue notre
communaut. Sue (ce nest pas son vrai nom) avait grandi
dans une famille duque, et elle ne manquait de rien. Mais,
elle se sentait misrable. Elle aurait tellement voulu avoir la
paix et lharmonie dans sa vie, mais elle tait si accable, et
cure delle-mme, quelle tait au bout de son rouleau.
Si quelquun mavait demand, en 1972, ce que signifiait
la paix, je lui aurais dit, la fin de la guerre au Vietnam. Grandissant dans les annes soixante, je navais
aucune ide que la paix pouvait avoir une signification
plus profonde.
Etant un de quatre enfants dun pre alcoolique, souvent violent, je faisais partie dune famille dysfonctionnelle

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typique, trs bourgeoise et plutt triste. A lge de neuf

ou dix ans, jai commenc mamuser avec le sexe. Je
remarquais que si lun des garons du voisinage voulait
mavoir, javais du pouvoir sur lui, et jai commenc
soigner mon apparence. Jai conduit beaucoup de garons
et dhommes sur ce sentier, sans avoir dautres intentions.
Je voulais seulement avoir de linfluence. Je ntais pas
consciente des chanes malfiques qui me liaient.
En 1968, lge de 14 ans, jai trouv ma sur et
son mari, morts dans leur appartement. A peine marie
depuis trois mois, avec un homme de la Marine, la vie de
cette belle femme de vingt-deux ans avait pris fin. Une
querelle, peut-tre? Ou une dpression? Etait-ce, quil
partait pour le Vietnam? Seulement deux cadavres et un
fusil restaient pour dire ce qui stait pass au moment
que mon autre sur et moi avions ouvert la porte...

Aprs cela, la vie de Sue tomba en confusion. Ayant expriment avec une planchette Ouija et des sances occultes,
elle avait peur du monde surnaturel et elle tait hante par
lme de sa sur. Mais elle ne pouvait parler personne de
son angoisse.
Pleine de colre et de haine, surtout contre mon pre,
je commenai me perdre dans les amphtamines, le
haschisch, et la marijuana, tout en menivrant tous les
weekends avec un homme diffrent. A dix-sept ans,
javais presque tout fait, sexuellement... ironiquement,
des amies et moi faisions partie du mouvement contre la
guerre, pour la paix et lamour, lanti-guerre enplein lan
cette poque. En effet, il y avait beaucoup didalisme
au dbut des annes soixante-dix, mais lgosme de la
vie sexuelle en beaucoup de gens tait bien le contraire
de lidal.
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A dix-neuf ans, je suis venue au Bruderhof. Hante,

accable, et dsespre, le mal de mon pass pesait si
lourd sur mon me, que je paraissais plutt avoir plus
de trente ans.
Jai lutt pour trouver la paix, pendant dix longues
annes. Les frres et surs voulaient maider, mais bien
que je my efforce, je narrivai pas briser ma prison
dimpuret.
Seulement en voyant le changement dun autre membre qui avait confess son pch sexuel, mest-il venu
lide que je pouvais devenir libre. Jai vu alors, quil me
fallait laisser tomber mes gardes une fois pour toutes et
me rvler comme la personne misrable que jtais. Il
me fallait trouver une personne dans laquelle je puisse
confier mes plus sombres secrets. Il me fallait me repentir,
et Dieu me donnerait alors, enfin, la paix que javais si
longtemps recherche.
Dans les jours qui suivaient, ma vie entire ma pass
devant les yeux; ctait comme si je voyais chaque mouvement, regard, parole et sale pense dans lesquels je
mtais vautrs, chaque personne que javais blesse et
induite sciemment en erreur. Avec douleur, mais aussi
avec joie, je suis alle confesser mes pchs les plus
graves, la femme du pasteur. Jai mme d retourner
plus dune fois avant davoir tout dit. La paix se rpandait en mon cur, aprs chaque purification. Les annes
semblaient glisser de moi, et je me sentais de nouveau
libre comme une enfant.
Jai maintenant plus de quarante ans, je suis marie
avec des enfants, mais je me sens beaucoup plus jeune
que lorsque javais dix-neuf ans. Et si quelquun me demandait, aujourdhui, quest-ce que cest que la paix? Je
pourrais leur donner une meilleure rponse.

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Nous dsirons tous tre renouvels, changs ce nest

pas le problme. Mais comment? Voil la question. Comme
critmon pre: Cest Dieu, Lui-mme, qui doit nous changer, et Il le fera peut-tre contrairement toutes nos esprances, y compris nos ides sur notre propre croissance
intrieure ou notre panouissement. Afin dtre digne de
lavenir de Dieu, il nous faut tre models par lui.
Plutt que daccepter cela, on cherche ses propres solutions. William, le prtre dont jai racont lhistoire, me dit que
bien quil ait rencontr toutes les conditions possibles de
pch pendant les quarante annes de son ministre, il na
vu que trs peu de remords. Le plus souvent, les coupables
essaient de justifier leur conduite, plutt que de se repentir.
La plupart des gens ne comprennent pas ce quest vraiment le repentir. Ou bien, ils naiment pas ce quils comprennent. Cest assez facile de rgler une situation en sexcusant
ou de fermer un il ou de passer par-dessus dun problme;
on le fait tous les jours. Mais ceci nest pas le repentir. Aprs
quune me a t blesse par le pch, seul le remords peut
mener la gurison.
Au temps de la Rformation, le clerg pardonna le pch
par la vente des indulgences. Aujourdhui, il y a des psychiatres qui pardonnent le pch de la mme faon. On les paie,
et ils disent: Vous navez rien fait de mal; vous avez agi tout
fait normalement. Ne vous tracassez pas la tte; vous ny
pouvez rien. Voil comment le monde pardonne le pch.
Dans lEvangile de Matthieu on trouve un exemple frappant du vrai repentir: lhistoire de Pierre, qui renia Jsus trois
fois la veille de la crucifixion. Pierre aurait pu dfendre son
acte comme tant pardonnable. Aprs tout, Jsus tait dans
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les mains de la justice, et dj condamn mort. En ralit,

il ny avait rien que les disciples puissent faire pour changer
la situation. Pourtant, au lieu de sexcuser, Pierre a reconnu
que par son mensonge il a trahi Jsus. Cela lui avait fondu
le cur et il sortit et pleura amrement (Luc 22.62).
La repentance nimplique pas se tourmenter, ni remcher
le pass, ni sombrer dans la dpression. Mais si le remords
est authentique, ce sera douloureux. Comme la charrue, le
repentir dchire le sol, creuse des sillons dans lme, dracine
les mauvaises herbes, et prpare la terre.
Voil, le champ de mon cur rouge et dchir,
Et tu amneras le jeune bl vert,
Le jeune bl vert qui pousse divinement,
Le jeune bl vert qui chante jamais
Et nous marcherons le champ dsherb,
Et parlerons de ce que rapporte la rcolte dore,
Le bl qui fait le pain bni,
Qui nourrit lme de lhomme,
Le pain bni, la nourriture sans prix,
Ta misricorde ternelle, Christ!

John Masefield

Nous avons tous pch, et ainsi, nous avons chacun besoin

dun tel labourage. Dune faon ou dune autre, nous avons
tous gch notre vie. En admettant nos fautes, nous admettons notre faiblesse, et notre dpendance les uns sur les autres, et de Dieu. Encore plus important, nous vitons le danger dtouffer la voix persistante de notre conscience. Nous
naurons jamais une paix durable, en refusant dadmettre
nos checs, mais plutt en les regardant carrment, et honntement.
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Si le chemin du repentir est douloureux, lagonie de vivre

avec un pch secret est bien pire. Comme Martin Buber la
crit, notre ardent dsir de trouver lharmonie et la communaut avec Dieu nous entrane vers la paix tout comme la
tempte se dchane avant le calme; et si nous le rsistons,
nous vivrons dans un tat de tension constante et terrible.
Si on ne se juge pas soi-mme, on sera jug par tous les
vnements, qui deviennent un message de Dieu.
Gerald (ce nest pas son vrai nom), membre g de notre communaut, a vainement recherch la tranquillit de
lesprit, pendant des annes. Malgr le remords profond de
ses pchs passs ne les ayant jamais confesss entirement, il ne pouvait trouver le vrai repentir. Bien que travailleur srieux et fiable, Gerald tait tourment. Derrire la
faade de son engagement srieux la communaut et sa
famille, il gardait en lui le secret dune liaison adultre de sa
jeunesse, et dun enfant, n dans une ville lointaine.
A un moment de crise, alors quil approchait les 40-50
ans, Gerald put faire le bilan de sa vie jusque-l, et enfin
le jugement de Dieu a atteint mon cur. Gerald dit quil
savait bien quil ne pouvait pas dfaire ce quil avait fait de
mal, cependant, quand il put sentir la peine douloureuse
de ses fautes, il fut plein de remords; il alla trouver chaque
personne quil avait trahie, et shumilia devant elle. Et, enfin,
il put prouver la purification rdemptrice du repentir.
Aussi dramatique que ce fut pour lui, Gerald dit que cette
exprience, et la paix quil ressentit, ne fut pas seulement
un vnement unique, mais plutt un procd qui continue
encore aujourdhui:

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Souvent, je pensais finalement avoir trouv la paix, mais

je voyais que ce ntait quune sorte de tremplin, et quil
me fallait aller plus profondment. Cela continuera ainsi,
probablement. Peut-tre, est-ce dans cette honnte poursuite de la paix, que nous la trouvons.
A propos de la paix de lme, je puis dire ceci: Je suis
sr quelle provient du jugement de Dieu qui me rvle
tous les jours ma culpabilit. Une repentance continue
pour les pchs commis, et ma reconnaissance profonde
pour le pardon de Dieu; de la prire constante Dieu, afin
quIl me rvle mes fautes, et mes checs journaliers, et
quIl me donne la clart et le courage daffronter les tches prsentes; le renoncement quotidien de tout orgueil,
toute ambition, ou tout ce qui provient du soi; la grce
de me rjouir en Dieu chaque jour pour ses dons et, plus
que tout, pour le miracle de la Croix.

Limportance de la repentance se rvle aussi dans lhistoire

de ma tante, Emy-Margaret, qui a probablement eu la lutte
la plus dure que je connaisse dans sa qute la paix intrieure. Lorsque Emy-Margaret, maintenant ge de plus
de quatre-vingt-cinq ans, a rencontr lhomme qui devint
plus tard son mari, elle a admir comme tous ceux qui
le connaissaient son intelligence, son enthousiasme, son
charisme. Hans tait un vrai homme daffaires sympathique
qui sexprimait bien, et en plus, il semblait avoir cur le
bien-tre du Bruderhof, qui tait encore alors une trs jeune
communaut, lorsquil est arriv.
Ce qui commena par un mariage heureux, devint bientt
un cauchemar. Vu de lextrieur, tout tait parfaitement ordonn: ils taient tous deux membres actifs; les enfants
vinrent, lun aprs lautre, et la famille semblait avoir une
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vie saine et harmonieuse. Cependant, en priv, Hans commena montrer un autre ct. Il possdait une soif irrpressibledepouvoir, et il voulait latteindre tous prix.
Emi-Margaret fut dabord trouble par la faon manipulatrice de son mari, mais cela ne dura pas longtemps. Si elle
le critiquait elle souvrait ses remarques sarcastiques, et
ctait bien plus facile plus commode de laccepter tel
quil tait. Ce ntait pas non plus facile: Hans avait de la
mfiance lgard de pratiquement tous les gens avec qui il
vivait, et il y en avait peu quil dtestait plus que la famille de
sa femme, quil souponnait de vouloir rduire son influence
dans la communaut. Ce ne fut pas long avant que Hans
natteigne son but. Ador par quelques privilgis, redout
par la plupart des autres, il gouvernait comme un dictateur,
et il rduisait au silence sinon renvoyait ceux qui osaient
le questionner ou le contredire.
Des dcennies plus tard, Emy-Margaret ralisa que mme
sa propre fidlit envers son mari navait pas empch celuil de semparer de ce quil dsirait: elle dcouvrit quil avait
eu une relation adultre avec sa secrtaire depuis des annes. Elle seffondra alors. Hans lavait quitte, ainsi que la
communaut, au moment o son hypocrisie fut rvle, mais
la dpendance motionnelle dEmy-Margaret sur lui lavait
aveugle longtemps au mal quils avaient ainsi caus tous les
deux. Des centaines de membres avaient souffert sous leur
direction. Ces liens desclavage, qui se manifestaient par une
idoltrie trangement dfensive de Hans et de tout ce quil
reprsentait, continurent, mme aprs son accident tragique
dans une collision de deux avions au-dessus de la France.
Cependant, quelque temps aprs, Emy-Margaret a
finalement compris quelle avait vcu un mensonge; tout
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ce dont elle dpendait le prestige, le pouvoir, et lattention

de son entourage qui ladmirait (ou, qui lenviait) cause de
son rang social ne lui avait pas procur un vrai bonheur
seulement plus de dsolation personnelle. Au cours des
mois suivants, elle passa par une priode douloureuse o elle
essaya de faire face aux conflits de loyaut, motions, hypocrisies et demi-mensonges dont elle tait accable depuis si
longtemps. Ce fut un long combat intense, mais elle voulait
absolument voir sa faute et mettre les choses au point. Elle
supplia et elle reut laide de la communaut.
Vingt-cinq ans se sont couls depuis la fin de cette lutte, pourtant ce fut pour elle et pour la communaut, une
victoire, dont les fruits sont encore apparents. En termes
concrets, ce pourrait paratre futile. Elle perdit Hans sans
stre rconcilie avec lui; elle irritait ceux de ses anciens
amis qui prenaient le parti de son mari, et elle salinait de
plusieurs de ses enfants.
Cest un fait, que ma tante a beaucoup souffert dans sa
recherche de la paix. Cependant, elle massure quen rompant ses liens avec son mari, et grce son repentir, elle
a prouv une plnitude et gurison quelle navait jamais
connues auparavant. Comme elle a crit son frre Hardy, il
y a quelques annes: Une vraie libration, et une vritable
paix en mon cur, mont t accordes, et restent en moi,
bien au-del de mes dsirs, et de mes prires.
Bonhoeffer crit que ce qui rend la repentance si difficile,
cest quelle exige dabord la volont, daccepter de mourir
une mort douloureuse, et honteuse, devant les yeux dun
frre. Puisque cette humiliation est si dure supporter,
on veut toujours lviter. Quelquefois, mme aprs avoir
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reconnu nos pchs, nous essayons de passer outre (ou de

les manipuler) sans nous en tre vraiment repentis. Pourtant
cest prcisment cette angoisse cette croix qui est notre
sauvetage et notre salut: le vieil homme meurt, mais cest
Dieu qui la vaincu. Maintenant nous prenons part la rsurrection de Jsus Christ et la vie ternelle. Ayant pass
dabord par la mort, cette vie sera dautant plus sublime.

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La conviction
Le fait quil y a beaucoup de conflits dans le monde ne veut
pas dire que nous devrions tre dsunis. Pourtant, nous
entendons encore et encore que puisque nous avons t
mis dans ce monde en conflit, il faut nous y adapter. Ce qui
est trange est que cette ide, peu chrtienne, est le plus
souvent adopte par les chrtiens, eux-mmes.
Comment peut-on esprer voir la justice prdominer
quand presque personne nose dfendre sans partage une
cause juste? Jai souvent pens, rcemment, une histoire
dans lAncien Testament: Mose se dressa, jour et nuit, les
bras tendus, en priant Dieu pour la victoire. Chaque fois
quil laissait tomber les bras, lennemi lemportait sur les
enfants dIsral. Existe-t-il actuellement quelques personnes qui ne se fatiguent jamais de concentrer toutes leurs
penses et toute leur nergie une seule cause?
Sophie Scholl

capite par les Nazis en 1943 pour sa participation

La Rose Blanche, groupe dtudiants Munich qui crivaient, imprimaient, et distribuaient des brochures contre le
gouvernement, Sophie Scholl ntait pas une jeune de vingtet-un ans ordinaire, mais plutt une activiste trs spciale.

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Dans le livre The Resistance of the White Rose (La Rsistance de

la Rose Blanche), Inge Scholl, la sur de Sophie, se souvient
de ltrange paix qui laccompagnait, et dit que ctait comme
si le Christ tait prsent avec elle pendant ses heures les plus
difficiles, la guidant et lui donnant des forces.
Lorsque Sophie rencontra le mouvement de la Rose Blanche
et dcouvrit que son frre Hans en tait la tte, et un participant actif, elle se fcha. En mme temps, elle sentait que
ctait une voix bien seule pour la vrit et que si elle ne lui
donnait pas son soutien, cette voix serait bientt noye par
la clameur grandissante de la propagande et des mensonges.
Et bientt elle mettait toute son nergie dans cette cause.
Quelques annes auparavant, Hans et Sophie avaient tous
deux embrass avec enthousiasme la promesse hitlrienne
dune nouvelle Allemagne. Mais, aprs stre rendus compte
du nombre de consciences et de vies qui taient bafoues
par le dsir dmoniaque du dictateur, ils furent dtermins
aller contre-courant. Vers la fin de 1942, il aurait t
difficile de trouver un lment dopposition, plus vigoureux,
ou plus en danger.
En fvrier 1943, les leaders de la Rose Blanche furent
capturs, identifis, et en moins de cinq jours, les Scholls et
leurs partisans taient morts. Dautres excutions suivirent
en avril et juillet.
Les Scholls firent face leur mort courageusement, mme
firement. Quand Sophie entendit la sentence la guillotine
sa raction fut calme: Un si beau jour ensoleill, et je
dois partir. Mais quimporte si par nous des milliers dautres
sont touchs et rveills laction? Voici, en effet, une
paix, dont la source est une foi inbranlable.
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De nos jours, une telle conviction est une chose rare. (Qui
de nous tient tant ses croyances quil soit prt mourir
pour elles?) Mais aussi rare sont le rconfort et la paix qui
proviennent dune telle lutte. A moins dtre totalement convaincus de la justice de nos actions, nous ne pourrons jamais
faire face de telles preuves avec une pareille endurance.
Voici, peut-tre, ce qui est le plus important de ce que la
Rose Blanche nous enseigne.
Pour revenir aux temps anciens de Mose, mentionns
par Sophie, je me souviens dun de mes passages favoris
de lAncien Testament: lhistoire de Shadrak, Mshak et
Abed-Nego. Voici trois jeunes hommes sans pareils dans
leur loyaut envers Dieu, et dans la paix qui les a soutenus
pendant leur preuve. Lhistoire est bien connue, mais il convient toutefois de la rpter, ici:
Nebucadnetsar prit la parole et leur dit: Si vous ne
ladorez pas, vous serez immdiatement jets au milieu
dune fournaise ardente. Quel est le dieu qui pourra alors
vous dlivrer de mon pouvoir?
Shadrak, Mshak et Abed-Nego rpliqurent au roi
Nebucadnetsar: Nous navons pas besoin de te rpondre
l-dessus.Notre Dieu, celui que nous servons, peut nous
dlivrer de la fournaise ardente, et Il nous dlivrera de ton
pouvoir, roi.Et mme sIl ne le faisait pas, sache, roi, que
nous ne servirons pas tes dieux et que nous nadorerons
pas la statue en or que tu as dresse.
Nebucadnetsar fut alors rempli de colre. Il changea
de visage vis--vis de Shadrak, Mshak et Abed-Nego.
Reprenant la parole, il ordonna de chauffer la fournaise
sept fois plus que dhabitude.Puis il ordonna quelques
soldats particulirement forts de son arme dattacher

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Shadrak, Mshak et Abed-Nego et de les jeter dans la

fournaise ardente.Ces hommes furent alors attachs,
habills de leurs caleons, de leurs tuniques, de leurs
manteaux et de leurs autres vtements, et ils furent jets
au milieu de la fournaise ardente.Comme lordre du roi
tait catgorique et que la fournaise tait extraordinairement chauffe, la flamme tua les hommes qui y avaient
jet Shadrak, Mshak et Abed-Nego.Quant aux trois
hommes en question, Shadrak, Mshak et Abed-Nego,
ils tombrent ligots au milieu de la fournaise ardente.
Le roi Nebucadnetsar fut alors effray et se leva subitement. Il prit la parole et dit ses conseillers: Navonsnous pas jet trois hommes ligots au milieu du feu? Ils
rpondirent au roi: Certainement, roi!Il reprit: Eh
bien, japerois quatre hommes dpourvus de liens qui
marchent au milieu du feu, porteurs daucune blessure, et
le quatrime ressemble un fils des dieux.Nebucadnetsar sapprocha ensuite de lentre de la fournaise ardente
et dit: Shadrak, Mshak et Abed-Nego, serviteurs du
Dieu trs-haut, sortez et venez! Shadrak, Mshak et
Abed-Nego sortirent alors du milieu du feu.
Les administrateurs, les intendants, les gouverneurs
et les conseillers du roi se rassemblrent. Ils virent que le
feu navait eu aucun pouvoir sur le corps de ces hommes,
que les cheveux de leur tte navaient pas brl, que leurs
habits ntaient pas abms et quils ne sentaient mme
pas le feu.Nebucadnetsar prit la parole et dit: Bni
soit le Dieu de Shadrak, de Mshak et dAbed-Nego! Il a
envoy son ange et a dlivr ses serviteurs qui ont plac
leur confiance en lui. Ils nont pas hsit enfreindre
lordre du roi et risquer leur vie plutt que de servir et
dadorer un autre dieu que leur Dieu!
Daniel 3.13-28

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Combien y a-t-il de serviteurs fidles Dieu, qui soient

prts dfendre leur foi aujourdhui, et mme, mourir?
Combien de nous serons renvoys du royaume de la paix
ternelle, avec ces paroles: Je ne vous ai jamais connu?
En repensant ma vie passe, ce sont les hommes, dont la
conviction leur a cot la vie, qui mont le plus influenc. Je
nai jamais connu des uns personnellement (Dietrich Bonhoeffer, Alfred Delp, et Oscar Romero, pour en citer quelquesuns). Des autres, comme Martin Luther King, je fus privilgi
de rencontrer brivement.
Mon grand-pre, un ardent opposant du rgime dHitler,
na chapp au destin de la plupart des dissidents que par
sa mort en 1935, due aux complications suivant une amputation. Cependant, daprs ma grandmre, la menace
demprisonnement na fait que de lenhardir. Plusieurs fois
il choisit daller Kassel, au conseil municipal nazi, o, une
fois que la porte fut ferme clef on lui permit dadresser sa
ptition. Miraculeusement, une audition lui fut chaque fois
accorde, puis il fut libr aprs.
Peu de jours avant de mourir, le jour dun anniversaire
luthrien de pnitence et de jene, mon grand-pre scria de
son lit dhpital, afin que tous puissent lentendre: Est-ce
que Goebbels sest-il dj repenti? et Hitler? Nombreux
taient les Allemands qui furent trains aux camps de concentration pour moins que cela.
Des annes plus tard, alors que javais quatorze ans, dans
une cole de ltat de New York, ce dfi de mon grand-pre
ma inspir montrer le mme courage. Chaque jour, un
tudiant diffrent devait rciter le Pledge of Allegiance (le
serment dallgeance au drapeau des Etats-Unis). Quand
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ce fut mon tour, je me suis lev, et je leur ai dit que je ne le

ferai pas. Ma loyaut appartient Dieu, dis-je, non pas
un morceau dtoffe.
On aurait pu entendre une pingle tomber, mon professeur et mes camarades de classe taient stupfis. Ceci
tait inconcevable! (ctait justement pendant le temps de
McCarthy, et Washington, les sances du comit des actions non-amricaines battaient leur plein.) Avant la fin de
la matine, je fus signal au directeur, et men devant une
runion de la facult pour mexpliquer. Bien que choqus, ils
montrrent de la comprhension une fois que jeus clarifi
ma position et leur eus assur, que je ne voulais absolument
pas manquer de respect, et que javais agi par conviction.
Chez nous, mes parents furent un peu surpris, bien quils
aient pris mon parti. Quant mon pre, ctait simple: si on
ne suivait pas sa conscience, on naurait jamais de paix. Si cela
signifiait jouer les trouble-fte, tant pis. Ctait quand mme
prfrable plutt que de faire semblant que tout allait bien.
Dans un chapitre antrieur jai mentionn plusieurs
personnes que jai connues pendant mon adolescence, et
linfluence quelles avaient eues sur moi. Lune delles qui
ressort le plus clairement en mon esprit est Dwight Blough,
un jeune ami dIowa, qui plus tard se joignit nous, et devint
le confident de mon pre.
Dwight tait une personne de convictions sincres. Il travaillait assidment, il jouait srieusement, il luttait dur;
homme simple dans ses actions et ses paroles. Ce quil
faisait, il le faisait de tout son cur, et sil avait quelque
chose dire, il en venait directement au fait. Il navait pas
de patience pour les phrases pieuses.
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Norann, la veuve de Dwight, dit quil tait un adolescent

amricain typique, qui voulait tout essayer impatient
de sinscrire dans lArme de lair, ce quil fit lge de dixhuit ans. Pendant sa premire anne luniversit, Dwight
commena pourtant dsirer autre chose que la ligne de
conduite devant lui: le diplme, le mariage et les enfants, une
carrire, et finalement, la retraite, en regardant les enfants
suivre les mmes pas. Dwight sentait que sa vie se tournait
vers Dieu. Etudiant dans sa deuxime anne dtudes, il avait
assez tudi lEvangile pour avoir la certitude de ce que la
plnitude ne peut tre ralise quen se mettant au service
de ses frres et surs. Grce cette certitude, il se dcida
de changer de carrire.
Aprs trois ans, Dwight et Norann furent maris, dcouvrirent notre communaut, vinrent nous rendre visite, et demandrent y rester. Dwight enseigna dans notre cole, mais
ce ne fut pas longtemps avant que ses dons comme pasteur
furent reconnus, et affirms. Non pas quil tait un saint.
Parfois son zle tait trop impulsif, et sa tendance choisir
lhonntet plutt que la diplomatie pouvait faire jaillir des
tincelles. Ctait de mme avec sa prfrence pour laction
plutt que la rflexion.
Je noublierai jamais le jour terrible o un de nos btiments
principaux fut incendi, lhiver de 1957, et comment Dwight
prit une chelle toute vitesse et apparut la fentre du
troisime tage. La fume et les flammes lont arrt avant
quil puisse mettre la main sur les choses quil voulait sauver,
mais il avait vraiment essay. Nous tous, nous tions rests
terre, et nous lui avons cri de descendre avant quil ne soit
trop tard. Il en tait de mme sil y avait un accident, ou si
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quelquun tait srieusement malade. Dwight tait gnralement la premire personne sur place.
Au dbut des annes 1970 le Bruderhof acheta un avion
pour faciliter des dplacements entre nos communauts, et
lenthousiasme de Dwight stendit laviation, aussi.
Le 30 dcembre, 1974 Dwight mourut dans un accident,
lorsquun avion dont il tait le copilote scrasa sur une
colline, dans le brouillard. Norann resta seule avec douze
enfants, dont le plus jeune navait que sept semaines. Parmi
ses papiers elle trouva des notes pour le prochain sermon de
Dwight, sur le thme dtre prt, dtre convaincu.
La mort de Dwight fut un grand choc pour nous tous. Il est
mort subitement, lge de quarante ans. Et, quen tait-il
de nous autres, tions-nous prts mourir?
Quand jy pense maintenant, des dcennies plus tard, cela
me semble tout aussi immdiat qualors. Quest-ce, en effet,
que la paix de Dieu, si ce nest pas dtre prt Le rencontrer? Si la paix provient de la dcision dtre prt, cela inclut
srement tout aspect de notre vie: dtre prt pardonner
limpardonnable; de se souvenir, l, o on aimerait mieux
oublier; doublier, l, ou on aimerait mieux se rappeler;
dtre prt aimer ce que nous avons auparavant dtest;
daller o nous aimerions mieux ne pas aller, et dattendre
si on nous a oubli; de regarder devant nous, plutt quen
arrire; de tirer un trait sur le pass, et de se tourner vers
la lumire. Cela veut dire tre prt tout abandonner, et
donner sa vie pour son frre.
Quant Dwight, la rponse est claire. Sa vie avait t
bien remplie. Il avait vcu abondamment. Et, dune manire
prophtique, il avait crit quil tait prt aller Dieu, non
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seulement dans ses dernires notes, mais aussi dans une

lettre pastorale, deux mois avant:
Les paroles de Jsus, Ceux qui maiment obissent
mes commandements, sont tellement importantes, en
ce moment, o le monde sempresse dans limmoralit,
le mammonisme, et le pch... Je ressens un tel appel
suivre Jsus par une obissance plus radicale. Nous
disons souvent que le monde ne saura que nous appartenons Jsus que si nous sommes parfaitement unis,
et que nous nous aimions les uns les autres. Sil en est
ainsi, alors notre amour envers Jsus Christ et envers
nos frres et surs, et envers tout le monde, doit devenir
beaucoup plus fort!
Et moi, je dois aussi me repentir encore profondment pour avoir rsist, pour avoir manqu de ferveur
et denthousiasme, davoir eu un esprit dtroitesse et
dgocentrisme...
Tout gosme, enttement et orgueil doivent tre
abandonns et surmonts, afin que nous puissions vivre
uniquement pour Jsus, sa cause, sa mission, son avenir,
et son royaume sur terre.
Jsus nous dit: Voici mon commandement: aimezvous les uns les autres comme je vous ai aims. Il ny a
pas de plus grand amour que de donner votre vie pour
vos amis.Vous tes mes amis si vous faites ce que je
vous commande (Jean 15.12-14). Les premiers chrtiens
avaient cet amour les uns pour les autres et envers Jsus
Christ. Et nous?

Finalement, Dwight a cit les paroles suivantes de mon

grand-pre un de ses passages favoris:
Etre prt est tout! Ainsi, lattente de la venue de Dieu
doit tre une attente active, afin que nous tendions nos
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mains vers lui, prts tre crucifis avec lui; que nous
nous mettions genoux, rendus humbles par lui; et que
nous abandonnions notre propre pouvoir, afin que lui,
seul, aie du pouvoir sur nous. Soyons prts!

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Le ralisme
Ayez la patience et le courage de recommencer chaque jour,
et ayez confiance en laide de Dieu; sa compassion se renouvelle chaque matin. Alors vous comprendrez quil sagit
dans la vie de devenir et de dvelopper, et que vous devez
anticiper de plus grandes choses. Et bien que vous luttiez
contre des puissances malveillantes, vous serez victorieux,
car Jsus Christ a toujours vaincu le mal. Vous resterez
toujours au commencement de votre poursuite, car vous
changerez constamment; cependant, dans la foi, vous trouverez la ralisation de votre dsir ardent.
Eberhard Arnold

ans le pardon et la possibilit dun nouveau commencement chaque jour, nous pourrions tre tents
dabandonner la recherche de la paix, la considrant comme
un exercice futile. La conversion peut nous renouveler; la
prire, lhumilit, le repentir, et tout le reste peut nous garder
sur la bonne voie. Cependant, en fin de compte, notre dsir
de trouver la paix doit tre tempr par la reconnaissance
que lhumanit ne peut jamais se perfectionner. A moins de
nous rconcilier avec cette ralit, et de nous tourner vers

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Jsus Christ, le Seul qui soit sans pch, nous resterons

frustrs jamais.
Art Wiser, membre de notre Eglise-communaut, ma rcemment crit:
Ai-je trouv la paix? Je ne suis pas en paix. Quand jai
tort, et que quelquun me le montre, jen suis boulevers,
et cela me cote; je dors mal; jen suis alarm. Pourtant
Jsus a dit: ...cest ma paix que je vous donne. Et malgr ma culpabilit, et mon obstination, je veux le suivre,
et, ainsi jaccepte sa parole avec joie. Le mme soir que
Jsus a dit ceci, Il a t profondment troubl; plus
tard Il a souffert lagonie dans le jardin de Gethsmani.
SIl a souffert ainsi pour nous, qui suis-je pour le mettre
en question? Je laccepte et laffirme; je le dsire ardemment et je prie Dieu afin de le recevoir. Sa paix est une
part du combat sans fin pour son royaume.

La tension, dont parle Art, fait partie de la vie. Nous avons

tous des journes bonnes et mauvaises, selon notre humeur,
et cest stupide desprer que nous serons victorieux une
fois pour toutes. Pourtant, comme Marlene, autre membre
de notre glise, remarque dans la lettre suivante, savoir que
cest Dieu qui contrle nous donne une scurit qui ne nous
quitte pas. Tel un gouvernail, Il nous montre la voie lorsque
les inquitudes menacent notre stabilit.
Si je deviens effrne et me proccupe exagrment de
quoi que ce soit, mme si cest quelque chose dimportant
qui vise le royaume, je perds mon calme intrieur. Aux
moments o je suis centre sur moi-mme et les choses
ne tournent pas comme je veux, ou je deviens frustre
lorsque mes plans et mes ides prconues sont branls

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malgr la prire je perds la paix dans mon cur. La

paix du cur a sa source en la confiance parfaite en Dieu.
Chaque fois que nous voulons faire le travail de Dieu,
cest un signe que nous avons perdu notre confiance en
lui, et que nous avons oubli que cest lui qui contrle les
vnements. Peu importe que ce soit quelque chose qui
touche notre vie personnelle ou notre vie de famille,
une nouvelle que nous venons de recevoir ou quelque
chose qui concerne notre travail. Si nous essayons, nousmmes de rsoudre tout cela, nous deviendrons agits,
dcourags, anxieux. Nous perdrons notre paix en Dieu.

La lutte que Marlene dcrit est connue de toute personne

qui sengage essayer de changer le monde, dune faon ou
dune autre, en travaillant pour la justice la paix ou quelque
idal qui soit. En un sens, cest une lutte qui ne porte aucun
fruit. Lcrivain suisse Friedrich Durrenmatt a indiqu que
nous ne pouvons pas, en tant que simples tres humains,
sauver le monde: ce serait une tentative aussi dsespre
que celle du pauvre Sisyphe. En tous cas, continue-t-il, cette tche na t confie ni nous, ni aux pouvoirs du monde,
ni un peuple, ni mme au diable, qui est plus puissant
que tous les autres. La tche rside dans les mains de Dieu,
dont seule la volont demeure. Do le conseil suivant:
Face la tension des tches qui dpassent notre force,
nous avons nous tourner vers la source de nos forces. Si
nous mesurons notre force humaine contre le travail que
nous voyons devant nous, nous serons dsesprs, et si
nous nous mettons luvre en nous emparant de cette
force humaine, nous serons frustrs...et soit nous sombrerons dans une torpeur, soit nous deviendrons exasprs. Il ny a pas de leon plus saine que de reconnatre
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nos propres limites, condition que nous abdiquions

en mme temps notre propre force afin de nous fier au
pouvoir de Dieu. La roue de la vie volera en clats,
moins que les rayons ne soient relis au Centre; nous
sommes en danger chaque fois que nous nen prenons
pas conscience, quand nous nous prcipitons en avant
sans prendre le temps de rflchir.
Philip Britts

Au temps tumultueux de la Rformation, mme les Anabaptistes les voix les plus implacables de lpoque rclamer
des changements en furent conscients. Ces gens intrpides
essayrent de changer le monde entier, en tant le masque
hypocrite de lEglise tablie, en dfiant lautorit de lEtat,
et en renversant les conventions sociales les plus sacres.
Pourtant, malgr leur zle, leur foi tait tout fait raliste.
Ils ne souffraient pas dillusion quun printemps doux allait
balayer le monde; ils savaient trop bien ce que leur foi leur
coterait. En mme temps, malgr cette certitude, ils taient
persuads quun jour Dieu serait victorieux. Et ainsi, quand
vint la perscution, avec chevalet et pieu, cachot et pe, ils
luttrent sans relche.
Pour nous, qui vivons dans un temps o nos efforts pour la
paix ne nous cotent gure, les Anabaptistes ont beaucoup
nous enseigner. Comme eux, il nous faut enfin raliser que
ce nest pas le succs de nos efforts qui est important, mais
de nous acquitter de notre tche dans une attitude de foi.
Quelques annes avant sa mort, mon pre a dit ce propos:
Il y a une telle misre dans le monde, plus grande que
nous ne puissions comprendre: misre conomique et sociale, mais en vrit, cest une misre intrieure, profonde,
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dploye dans la vie humaine par les puissances sombres de linjustice, le meurtre et linfidlit. Nous avions
lhabitude de croire quau travers de moyens sociaux et
politiques des changements radicaux pourraient tre raliss au sein de notre socit changements qui mettraient
fin cette misre. Cependant, comme nous lavons vu plus
dune fois, lEtat se sert dun tissu dhabiles mensonges; le
dollar triomphe, et lgosme et linfidlit rgnent partout.
Nous savons bien que, seuls, nous ne pouvons pas
changer le monde. Mais Jsus Christ le fera, et nous
voulons nous donner Lui. Il exige toute notre personne,
et toute notre vie. Il est venu pour sauver le monde, et
nous avons la foi quIl rgnera un jour sur la terre. Nous
vivons pour lui, et nous sommes prts mourir pour lui.
Cest tout ce qui est exig de nous. Jsus nattend pas de
nous la perfection, mais Il demande que nous le servions
sincrement.

Servir le Christ ainsi ne veut pas dire se mettre en lambeaux.

Si nous contemplons le monde du point de vue idaliste, la
paix que nous recherchons sera toujours parfaite et intacte
mais loigne. Si nous sommes ralistes, nous accepterons
plus volontiers que la paix dont nous jouissons sur terre a
ses limites, et nous serons plus objectifs en discernant nos
priorits.
Prenons la prire, par exemple. Lide que nous sommes
plus efficaces, si nous faisons quelque chose, si nous
sommes actifs est notre angle mort. Mais, en vrit, les
fruits de la prire, du silence, de la contemplation, ou de
la mditation, bien que non tangibles, sont tout aussi significatifs que les fruits de la lutte la plus active. Dans
son livre Blessed are the Meek (bnis soient les humbles),

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lvque sud-africain, Desmond Tutu, nous rappelle que si

nous luttons pour la paix, noublions jamais que les prires
silencieuses des nonnes, des contemplatifs, des vieillards,
des malades, dans les hpitaux sont une partie essentielle
de notre lutte, et sont tout aussi importante que laction la
plus visible des jeunes et des personnes aux constitutions
robustes en premire ligne de la bataille.
Benedict Groeschel, un ami intime, mne une vie active
de prire et daction dans le service des pauvres et des
sans-logis dans le Bronx, protestant contre lavortement
et conduisant une maisonne de frres franciscains. Prtre
rudit, Pre Benedict prta son serment de fidlit lge de
dix-sept ans. Prs de quatre-vingt ans maintenant, sa perspective de la vie reste terre terre et cest bon voir. Or, bien
quil travaille sans relche, il ne semble jamais spuiser. Il
est raliste vis--vis ses objectifs et laise avec ses limites.
Rcemment, il me dit:
Je pense que la paix provient de la foi, lesprance et la
charit. Mais ce nest pas simplement un sentiment. La
paix nous aide continuer notre dbat dans la vie. Pensez
un peu, je viens de Jersey City, et la lumire au bout du
tunnel dans cette cit est la ville de Hoboken. Nous ne
sommes pas optimistes. Nous ne sommes pas des gens
qui passons leur vie en pensant que tout est merveilleux.
Nous savons bien que cest une valle de larmes. Ainsi,
nous nattendons pas grand-chose de ce monde. Donc,
ce qui trouble les autres ne nous trouble pas tellement.
Je trouve toujours une vraie consolation dans le Livre
de Job. Jaime ces beaux versets: O tais-tu quand jai
fond la terre? ... Peux-tu serrer les liens des Pliades
ou dtacher les cordages dOrion ? ... Conduis-tu la
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Grande Ourse avec ses petits?... Connais-tu les rgles

du ciel? Peux-tu instaurer lautorit de Dieu sur la terre?
... Je tinterrogerai et tu me renseigneras (Job 38).
Il y a un certain humour dans ce Livre. Tu sais, comment tout va mal? Absolument tout? Cest ainsi:
Comment vas-tu?
Cest le pire jour de ma vie.
Quest-ce qui se passe?
Tout va mal. Mais alors, absolument tout! Il ny a
rien qui naille pas mal.
Cest de mme avec Saint-Paul: Cest cause de toi
quon nous met mort longueur de journe (Romains
8.36). Cest tellement juif. Sil avait t britannique, il aurait dit: Cela na pas t agrable, plutt dsagrable,
assez difficile, vous savez.
Jai des amis juifs. Ils me disent: Tu viens ici tous les
jours et tu ne me demandes jamais, comment a va!
Pardon, comment vas-tu?
Nen parle pas!

Benedict a t emprisonn plus dune fois, cause de son action pour la paix, et quand je voulais en savoir plus, il a dit:
Eh bien, la premire fois, ce fut agrable, car ce ntait que
pendant une partie de la journe. Jai rcit mes prires,
mdit, dormi quelques minutes. La prochaine fois que jai
t emprisonn, ctait trs dsagrable. Javais toujours
t gentil avec les agents correctionnels; quand quelquun
les maltraite, je dis: Ne faites pas cela. Ces hommes
veulent seulement gagner leur vie.
Mais jai vu alors comment ils traitaient les prisonniers. Pour une raison quelconque, un homme qui est
dhabitude honnte, traite des prisonniers comme des
animaux ds quil devient gardien de prison...

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Ctait vraiment horrible. Jai t fouill nu trois fois en

vingt-quatre heures. Les seules personnes aimables taient
les mdecins et les prisonniers. Ceux-ci ne savaient pas
que jtais prtre, mais ils mappelaient Pre et taient
trs polis. Quand jen suis sorti, ils mont rendu ma soutane, et je me suis retrouv dans une grande pice avec
les prisonniers auxquels on rendait la libert. Tu naurais
jamais pu croire leur langage, mais ils ne voulaient pas
manquer de respect. Ils ne savaient pas mieux.
Quand ils me virent avec ma soutane, ils dirent :
Quest-ce-que vous faites ici, mon Pre? Je leur ai
dit que jtais l pour avoir fait part dun piquet de grve
contre lavortement, et ils furent scandaliss. Mais un
vieux monsieur, un vieil homme noir, sest lev, et a dit
aux autres prisonniers: Non, cest juste. Il devrait tre
emprisonn!
Tais-toi! Assieds-toi!
Mais cest juste!
Pourquoi?
Parce que Jsus a dit dans lEvangile, Heureux ceux
qui sont perscuts pour la justice, car le royaume des
cieux leur appartient!
Eh bien, voil qui tait comme une gifle en plein visage, avec leffet de marrter avoir piti de moi-mme.
Car ctaient les paroles de Dieu... prononces par un
prisonnier!

Pre Bndict continua parler de la Crucifixion du Christ,

et de sa signification surtout pour ceux qui veulent la paix,
mais qui ne veulent pas uvrer cette fin. Les gens ne sont
pas ralistes, dit-il; ils veulent tre pays sans travailler,
avoir la victoire sans se battre. Il continua, en paraphrasant
le cardinal Newman:

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La Crucifixion de Jsus attache une valeur significative

tout ce qui existe dans le monde: au bien, au mal, aux
richesses, la pauvret, la souffrance, la joie, la
tristesse, et la douleur. Tous se rassemblent devant la
Croix. Evidemment, la crucifixion est suivie de la rsurrection. Mais, si on parle de la seconde sans la premire
a ne marche pas.
Il y a beaucoup de gens qui aimeraient viter la crucifixion et aller directement la rsurrection, mais ce nest
pas possible... ils vont tous rebrousser chemin.

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Le service
Voici la seule joie vritable de la vie: tout dabord, de nous
puiser pour une cause excellente, qui mrite, en notre estimation, toute notre force; puis, dtre une force de la nature,
au lieu dune motte de terre fbrile et goste, qui est pleine
de griefs en se plaignant que le monde ne se consacre pas
nous rendre heureux.
Je suis de lavis que ma vie appartient aux autres, et
mon privilge est de faire tout ce que je peux pour eux,
aussi longtemps que dure ma vie. Je veux tre compltement us quand je mourrai, car le plus dur je travaille,
plus je vis...
Pour moi, la vie nest pas une simple bougie de courte
dure. Cest plutt un flambeau splendide que jai en main
pour un moment, et je veux quil brille dun clat aussi vif
que possible, avant de le passer aux gnrations futures.
George Bernard Shaw

origine la plus commune de notre manque de paix, cest

probablement lgosme, soit en nous-mmes, soit dans
notre rapport avec les autres, ou avec le monde en gnral. Cest peut-tre aussi la plus difficile draciner. Des
problmes comme larrogance, la mfiance, la colre, ou le

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ressentiment, peuvent tre abords assez simplement; on

peut gnralement prendre des mesures spcifiques pour
trouver leur cause et les surmonter. Mais lgosme est souvent tout simplement prsent, anonyme et inaperu, pourtant
tellement puissant et fermement enracin en nous quil faonne lensemble de notre perspective.
Parfois lgosme prend la forme dun pch vident,
comme le dsir ou la gourmandise. Quelquefois, comme
dans le cas dune recherche gocentrique dpanouissement
personnel ou de saintet, il prend une forme si inoffensive
que nous sommes inconscients de son danger. Cependant,
une fois que lgosme a t reconnu comme tel, il existe
un antidote simple et universel contre lui: cest de rendre
service aux autres.
Rendre service, selon les paroles de Thrse dAvila au
seizime sicle, cest laction dagir comme Dieu, les uns
pour les autres: Dieu na ni mains, ni pieds, ni voix except
les ntres; et cest avec ceux-l quIl agit. Grandissant
dans une grande famille, dans une ferme o tous devaient
travailler dur, je nai jamais entendu parler ainsi du service,
mais en y repensant, je suis sre que mes parents en ont eu
le mme respect.
Certainement, on nous a enseign limportance de servir.
Depuis mon enfance, je me souviens de laccent que mon
pre mettait sur le fait que Jsus, le serviteur souffrant,
sidentifiait avec les pauvres et les opprims; quIl avait
choisi un ne (non pas un cheval) pour faire son entre triomphale Jrusalem; quIl accueillait les enfants, rendait
visite aux gens clous au lit, gurissait les malades, et parlait
avec les simples pcheurs; et enfin, quIl sabaissait jusqu
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laver les pieds de ses disciples. Cependant, le service ntait

pas prch comme une vertu. Il tait simplement pratiqu.
Lorsque le seul emploie que mon pre a pu trouver fut de
travailler comme jardinier dans une colonie de lpreux, cela
ne la pas embarrass. Cela aurait pu signifier attraper la
maladie et devoir rester l jamais, mais il ne nous a jamais
dit cela. Il a seulement dit que ctait honorable de se mettre
au service du plus humble, et de le faire avec joie.
Quant ma mre, elle sempressait toujours dapporter
un bouquet de fleurs ou un pot de confiture une voisine
ge ou une nouvelle maman, souvent sautant un repas
afin de rester auprs dune malade. Elle se levait de bonne
heure pour crire une personne toute seule ou pour finir
de tricoter un cadeau.
Plus tard, je fus impressionn du service rendu dans Le
mouvement ouvrier catholique, o les bnvoles prparaient
des sandwichs et de la soupe, balayaient le plancher et passaient de longues heures couter les problmes des pauvres
et des sans-logis, qui ntaient pas toujours bien reconnaissants.
Ruth Land, membre du Bruderhof et mdecin en retraite,
nous dit que cest en effet ce service modeste qui lui donne
la plus grande satisfaction:
On peut chercher la paix partout, mais on ne la trouvera
peut-tre pas. Ou bien, on peut soublier et continuer
avec le travail qui est devant nous. Voil ce qui apporte
la paix de faire ce quil faut, chez soi, montrant de
lamour son poux, ou en faisant ce qui nous vient
lesprit. Si vous le faites pour le royaume de Dieu, cela
vous donnera de la paix.

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Une histoire indienne, que Gandhi raconte, effleure une vrit semblable: les petites choses que nous faisons pour les
autres sont tout aussi importantes que nos russites. Une
femme, en peine, vint trouver le guru, lui disant: Matre,
il me semble que je ne puis servir Dieu. Il lui demanda:
Ny a-t-il rien que vous aimiez? Elle rpondit: Mon
petit neveu. Alors, il lui dit: Voil, votre amour pour cet
enfant est votre service envers Dieu.
Parfois, le plus grand service est le moins remarqu. Dans
ma communaut, beaucoup de membres gs travaillent
plusieurs heures par jour dans la buanderie plier les vtements, dans la bibliothque classifier les livres, ou dans
nos ateliers de bois et de mtal. En tous les cas, leur service
est inestimable, non pas seulement dans ce qui est produit.
Le sens du bien-tre et de paix que ceci leur donne, et la
joie qui brille dans leurs yeux quand ils en parlent, enrichit
notre vie commune dune faon merveilleuse.
Joe Bush, qui a 75 ans et qui souffre de la maladie Parkinson, avait t une fois jardinier trs capable. Maintenant son
activit est limite sassoir son bureau quelques heures
tous les jours, o il progresse lentement sur un projet de
traduction, tappant avec difficult une touche aprs lautre.
Dautres pourraient tre frustrs, mais pas Joe.
Mon travail, cest ma joie. Puisquon en parle, cela me
rappelle autre chose propos du travail. Dans une autre
Eglise o javais lhabitude daller, le cur parlait toujours
des rcompenses que nous allions avoir en travaillant dur
et en tant fidles comme si chacun de nous avait un
bilan de crdit au paradis. Ce nest pas mon ide.
Plutt, jai une grande dette... Je mourrai pcheur, bien
que jaie essay de me repentir depuis bien longtemps.
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Mais cela ne me trouble pas. Il y a beaucoup faire, et je

veux continuer: quant au reste, je le laisse Dieu, ayant
confiance en lui et me rjouissant au jour o son royaume
viendra sur cette terre si belle et merveilleuse quIl a cr.

Audrey, lpouse de Joe, a trouv la mme paix en servant

les autres:
Joe et moi, nous approchons la fin de notre vie mortelle,
mais toute lternit est devant nous, et cest une pense
passionnante. Or, si nous disons Merci, je peux le faire
ceux qui nous aident aussi aveugles et boiteux que
nous soyons ce nest pas que nous soyons ingrats. Cest
plutt que la vie est plus intressante tant que nous puissions nous dbrouiller nous-mme. Une grande bougie
ne steint pas si elle a encore quelques centimtres;
elle continue brler, jusqu ce quil nen reste quune
petite flaque de cire. Il nous reste encore beaucoup faire.
Mme quand nous ne pourrons plus rien faire dutile,
nous pourrons toujours prier pour ceux qui le peuvent.
Et nous pouvons nous consoler avec la dernire ligne du
sonnet A propos de la Ccit, de Milton, quil crivit
la fin de sa vie alors quil ne voyait plus: Ceux qui
ne peuvent faire autre chose quattendre servent aussi.

Tous les deux, Joe et Audrey disent que leurs tches sont
utiles, parce quils servent un but. Un travail nest jamais
simplement un travail. Sans but, le travail peut perdre son
sens, et crer autant de misre et dsespoir que le chmage
ou linaction impose. Daprs Victor Frankl, ceci est vrai
de la vie en gnral:
Jai remarqu plusieurs reprises quune prire pour continuer vivre, survivre les conditions les plus difficiles,
ne peut tre faite que si cette survie a un sens positif,
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un sens prcis et personnel un sens qui ne peut tre

ralis que par cette personne seule et qui lui apporte
la paix dans le cur. Car nous ne devons jamais oublier
que chaque personne est unique en cet univers.
Je me souviens de mon dilemme dans un camp de concentration quand jtais avec un homme et une femme
qui taient sur le point de se suicider. Ils mavaient dit
tous les deux quils nattendaient plus rien de leurs vies.
Je leur ai alors demand: Est-ce vraiment la question
quattendons-nous de la vie? Nest-ce pas plutt questce que la vie attend de nous? Je suggrais que la vie attendait srement quelque chose deux. Du fait, la femme
avait un enfant ltranger qui lattendait, et lhomme
avait commenc crire et publier une srie de livres
quil navait pas encore termins.
Javais dit quun homme ne devrait pas sattendre
quelque chose de la vie, mais plutt que la vie sattend
quelque chose de lui. En dautres termes: en dernier recours, nous ne devons pas demander Quel est le sens
de ma vie? Cest, par contre, nous-mmes qui sommes
interrogs. La vie nous prsente ses problmes, et cest
nous, les humains, de rpondre ces questions, en tant
responsables; nous ne pouvons pas rpondre la vie
quen rpondant pour notre vie.
La vie est une tche. Celui qui est religieux ne diffre
de celui qui est apparemment non-religieux quen voyant
sa vie non seulement comme une tche, mais comme une
mission. Ceci signifie quil est aussi conscient du Matre, qui est la source de sa mission. Depuis des milliers
dannes cette source sappelle Dieu.

Vue ainsi, la vie nous fournit un but merveilleux: de remplir

de notre mieux le devoir de servir notre prochain, afin que
nous soyons prpars rencontrer Dieu lorsque surviendra
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la mort. Jai t au chevet de maintes personnes mourantes,

et cest clair que quelques-unes meurent en paix, et dautres
en tourment. La diffrence semble tre la faon dont ils
ont pass leurs vies. Ont-ils donn leur vie en servant leur
prochain, ou ont-ils vcu gostement? A la fin, la seule
chose qui compte, cest notre rapport avec notre prochain,
et avec Dieu.
De vivre gostement, cest dtre continuellement conscients de ce que nous devons abandonner, mme si nous
faisons quelques sacrifices ici et l. En fin de compte, nous
ne voyons que ce qui nous touche nous-mmes. Cest une
manire de vivre qui ne nous donne que peu de paix. Le
service aux autres nous sauve de cette situation difficile, car
cela nous rappelle notre raison de vivre, et nous aide nous
oublier nous-mmes. Cela nous donne aussi une nouvelle
perspective qui nous permet de voir notre vie en rapport
avec le reste de lunivers.
Le service vritable est toujours lamour envers son
prochain. Cest facile doublier ceci, mme dans une communaut religieuse comme la ntre, o le service est au
cur de notre engagement. Si nous permettons que le travail
prenne la premire place, nous perdrons de vue lamour qui
lui donne sa profonde raison dtre; il peut devenir alors un
devoir mcanique. Avec de lamour, le travail le plus banal
prend de limportance. Sans amour, la tche la plus noble
devient une corve.
Il y a quelques temps, jai rendu visite au Village des Pruniers, la communaut bouddhiste de Thich Nhat Hanh en
France. Une chose qui ma frapp est la faon dont les rsidents sont conscients du travail comme moyen de service.
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Il y a toujours beaucoup faire au Village des Pruniers,

des nouvelles maisons construire, de la rnovation des
vieux btiments, et plusieurs grands vergers entretenir.
Cependant, le travail pour lui-mme est mal vu. Plutt que
de mettre laccent habituel de lOuest sur ce qui doit tre accompli au cours de la journe, les gens du village sadonnent
lidal de vivre dans le prsent. Ils cherchent considrer chaque situation, chaque action, chaque rencontre
avec un autre tre humain, comme une nouvelle occasion
de devenir plus vivant, plus sensible la vie. Karl Riedl,
un rsident, ma expliqu:
Lart de travailler en pratiquant la pleine conscience nous
aide reconsidrer tout ce que signifie tre efficace. Cela
nous aide mettre en question notre obsession des objectifs atteindre, et lide que tout doit tre accompli
exactement dune certaine manire. Cela nous permet
de dvoiler limage que nous avons de nous-mmes,
lide que nous pouvons faire telles choses bien, mais
pas dautres, et de dcouvrir et retrouver la joie qui doit
inspirer tout ce que nous faisons quil sagit de travailler dans la serre, ou de fendre le bois, ou de nettoyer les
toilettes, ou dcrire, ou dtendre le linge. Trop souvent,
nous ne sommes pas assez attentifs, et nous laissons nos
petites affaires dtruire lharmonie et le bonheur.

Un verset du livre de chant de la communaut met en lumire

cette attitude, et nous montre ses priorits, du moins en ce
qui concerne le service.
Je mengage donner de la joie une personne le matin
Et de consoler une autre personne laprs-midi.
Je mengage vivre avec simplicit et bon sens,

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Satisfait avec peu de biens.

Je mengage garder mon corps en bonne sant.
Je mengage laisser tomber tout souci et inquitude
Afin dtre lger et libre.

Les sceptiques pourraient dnigrer cette conception du travail comme ambitieuse ou exagre. Mais ils feraient bien
de se rappeler et nous aussi que par-dessus tout cest
le service qui donne une expression concrte lEvangile.
Servir, voil lessence de lenseignement de Jsus Jsus, qui
nous promet que si nous suivons ses pas, Il nous donnera la
paix de Dieu, qui dpasse tout ce quon peut comprendre.
Le Christ ne sauve pas tous ceux qui lui disent: Seigneur, Seigneur. Mais Il sauve tous ceux qui, dun cur
pur, donnent un morceau de pain un homme affam,
sans penser le moindrement Lui. Et ceux-ci, quand Il
les remercie, rpondent: Seigneur, quand tavons-nous
donn manger? ... Un athe et un infidle capables
de pure compassion sont aussi prs de Dieu quun Chrtien et, par consquent, Le connaissent donc aussi bien,
quoiquils lexpriment dune faon diffrente, ou nen
parlent mme pas. Car Dieu est amour.
Simone Weil

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La vie abondante
Nous contemplons la vie et
nous ne pouvons pas
Dmler le chant ternel:
Les anneaux et les nuds de
joie et de douleur,
Tous enclenchs et enlacs.
Le Ramayana

La vie abondante

ous ne parviendrons jamais un tat de paix parfait,

ni y arriver une fois pour toutes. Nous pouvons suivre
les dalles qui traversent la rivire aussi prudemment et aussi
consciencieusement que possible, mais une fois de lautre
ct nous sommes toujours les mmes.
Tout de mme, nous ne pouvons pas nier que, une fois que
nous avons fait lexprience de la paix, nous avons le cur
ouvert une toute autre dimension de vie. Dans un sens,
cette nouvelle dimension est bien plus quune question de
paix. Cest la nouvelle existence que Dieu nous a promise
en disant: je suis venu afin que les brebis aient la vie et
quelles laient en abondance (Jean 10.10).
Plusieurs des personnes qui ont contribu ce livre mont
dit que cest ce verset plus que tout autre qui les a incits
se mettre en chemin. La recherche de la paix en soi, ont-ils
dit, tait un exercice trop goste:Maintenant jai trouv
la paix. Et aprs?
Pour ce qui est de la vie abondante, ils ont dit que
ctait la meilleure description de ce quils recherchaient, et
pas seulement pour eux-mmes une vie de libert et de
joie, dengagement, compassion, justice et unit. Ce nest

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pas une vie sans larmes et souffrance, mais une vie dans
laquelle ils trouvent leur place face larrire-plan norme
du royaume de Dieu o une paix parfaite rgnera.
Josef Ben-Eliezer,1 Europen dorigine juive, est venu
notre communaut voil bien des annes la recherche
dune telle vie, bien quathe ce temps, il ne laurait pas
dcrite ainsi:
Ce qui ma motiv dans ma recherche, ctait la haine et
leffusion de sang que jai vu dans mon enfance et ma
jeunesse, surtout pendant la deuxime guerre mondiale,
lorsque ma famille a fui lAllemagne pour se rendre en Pologne, puis en Sibrie et finalement en Isral. Jai ressenti
que la paix ne pouvait tre trouve que dans le contexte
dune rponse au besoin universel de fraternit, et cest
ce qui ma conduit la rechercher.
Javais particip au mouvement de libration en Isral,
et tous les conflits que ceci ncessitait, mais je men
tais dtourn aprs avoir vu, quen ayant plus de pouvoir, ce mouvement devint oppressif. Alors, jai recherch
une rponse dans la rvolution mondiale. Jai tudi Marx,
Lnine, et Trotski, et plus tard Paris, jai particip au
mouvement communiste. Mais une question continuait
me troubler: quest-ce qui garantit, si la rvolution est
victorieuse, que ceux qui sont la tte ne finiront pas
par opprimer eux-mmes les masses, comme ce qui sest
pass en Russie et autre part?
En venant au Bruderhof, et en tudiant les Premiers
Chrtiens, qui avaient inspir la vie en communaut,
jtais frapp par quelque chose de nouveau. Jai compris
que lEglise primitive avait t un mouvement vraiment
rvolutionnaire, qui proclamait un nouvel ordre, et une
1

Pour le rcit de la vie de Josef Ben-Eliezer, voir Ma qute, Plough 2010.

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nouvelle vie. Et bien que Jsus soit au centre de leur vie,

ce ntait pas le Jsus du christianisme classique, mais le
Fils de Dieu authentique, ayant le pouvoir de surmonter
les divisions entre les personnes et entre les nations...
Jai trouv une unit de cur, que javais longtemps
cherch. Je crois que chacun dsire cette unit. Naturellement, il doit y avoir dabord un changement de cur.
Voil pourquoi Jsus nous dit de nous repentir, de mettre
notre vie sens dessus dessous. Je suis pass par l, et je
lprouve encore. Mais Jsus ne nous a pas enseign de
rechercher la paix du cur pour nous-mmes. Il a dit:
Cherchez dabord le royaume de Dieu.

Dans son livre Inner Land (Le pays intrieur) mon grand-pre
parle de la recherche de la paix de la mme faon; il dit que,
bien que beaucoup de gens pensent quils trouveront la paix
en recherchant leur propre bonheur, cest faux. Il crit que
la paix nest pas la mme chose que la satisfaction motionnelle; elle est aussi plus que le bonheur individuel. Ce fut
quelque chose dun caractre tout fait diffrent qui mincita
suivre la voie du disciple; savoir, lappel qui rvle la
volont de Dieu en suivant le Christ, lappel qui provient de
son rgne futur et qui met la justice et lhonneur au-dessus
du confort personnel...
La vritable paix, continue-t-il, signifie donc plus quune
satisfaction dans lme. Certainement lunit avec le Christ et
avec les autres exige quon soit en paix avec soi-mme. Mais
il est ncessaire daller plus loin. Cela veut dire tre libr de
divisions, car cest un fruit de la volont divine vers lunit
par laquelle toutes conditions et relations, toutes choses et
toutes actions se trouvent sous la lumire rdemptrice du
royaume de Dieu.
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Jane Clement, crivain et membre de notre communaut

depuis longtemps, nous dit quelle avait recherch la paix du
cur depuis de nombreuses annes, mais quelle ne la trouve quaprs avoir compltement abandonn la recherche et
avoir centr sa vie sur quelque chose de plus grand quelle.
Dans le processus constant de se dtourner de soi-mme,
on doit dpendre uniquement de Dieu. Nous recherchons
lavancement du royaume, non pas de nous-mmes. Notre but nest pas la discipline personnelle mais la fonction
harmonieuse de la communaut qui nous entoure. Pour
moi, ce fut une vritable libration de voir mon insignifiance, car cette seule ralisation ma apport la tranquillit
et lentente intrieure que javais recherches avant, dans
une autorflexion constante.

Peu dentre nous ralisons une telle libration. Nous sommes

plutt rsigns au manque dunit et de paix; les choses sont
simplement ainsi et nous oublions les richesses que Dieu
veut nous donner. Seulement de rares occasions pouvonsnous entrevoir la puissance et la majest de Dieu. La plupart
du temps, les distractions quotidiennes de la vie et notre
propre stupidit nous empchent de voir plus loin. Si nous
recherchons la paix, cest plutt par des moyens gostes.
En dcrivant la recherche de la paix dans sa vie personnelle, Thomas Merton suggre que cette paix doit aller de
pair avec ce quil appelle louverture de lamour.
Lorsque je suis venu ce monastre, o je me trouve
maintenant, ctait en me rebellant contre la futilit dune
vie tellement active, si pleine de mouvement et de paroles
inutiles et de stimulation exagre et superficielle que
je ne pouvais plus me rappeler qui je suis. Mais le fait
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demeure que ma fuite du monde nest pas un reproche

envers vous qui y restez, et je nai aucun droit rpudier
le monde dune manire purement ngative, car si je le
faisais ma fuite ne me conduirait pas la vrit et Dieu,
mais plutt une illusion personnelle, bien quelle soit,
sans doute, pieuse...
La vie contemplative, cest la recherche de la paix, cependant, non pas lexclusion abstraite de toute ralit
extrieure, non pas en refermant nos sens au monde
dune faon ngative et strile, mais en restant ouvert et
rceptif lamour.

Mary Wiser, membre de notre communaut, sest mise la

recherche du sens de la vie, alors quelle tait encore enfant.
Elle vit bientt que cela impliquait plus que la paix du cur
et lacquisition du bonheur personnel:
Un fil conducteur travers ma vie ma toujours entran
vers la recherche du royaume de Dieu. Depuis mon enfance jai aim cette terre, jai toujours t (et je le suis
encore) trs attache ceux que jaime; pourtant, je ne
puis me souvenir dun temps o je ne savais pas quil
existait un autre pays, un pays qui est plus beau, plus
vibrant et vivace que le ntre, et que jy appartenais.
Trs tt, jai t consciente des paroles de Jsus, Recherchez dabord le royaume et la justice de Dieu et Si
quelquun vient moi sans me prfrer son pre, sa
mre Je ressentais que Jsus mappelait. Mais jtais
aussi consciente de la conviction de mes parents que la
manifestation la plus haute damour et de bonheur est
celle de lamour pour la famille. Je voyais les gens dun
certain ge lglise, moiti endormis, qui chantaient:
Foi de nos pres... que nous mourrions pour Toi, comme
ils lont fait. Savaient-ils ce quils disaient? Je suis
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devenue membre de lglise douze ans, et jtais tonne et perplexe que personne ny prtait pas beaucoup
dimportance. Les runions des Mthodistes mattiraient
et me repoussaient en mme temps.
Quant la guerre? Je suis ne en 1918, la fin de la
guerre, dans un quartier plutt tranquille de New York.
Pourtant mes premiers souvenirs furent dcouter les anciens combattants raconter leurs expriences en France.
Un jour, mon compagnon et moi, nous avons trouv chez
sa grandmre des photos de combats dans les tranches.
Je ne pouvais pas le croire! Des gens ordinaires que nous
connaissions ont rellement tu dautres personnes!
Notre glise avait toute une srie de programmes sur la
paix qui nous ont inspir. A lcole secondaire, jai fait une
recherche sur les causes de la guerre. Cela nintressait
personne.
Mon pre aurait voulu que je continue mes tudes dans
une universit trs rpute, afin davoir un emploi stable
et de membourgeoiser. Mais, en terminant mes tudes,
mes penses sloignaient bien loin de ma petite ville, de
mon milieu rpublicain: javais soif de vie. moi, je
suis venu afin que les brebis aient la vie et quelles laient
en abondance (Jean 10.10). Ces paroles rsonnaient en
mon cur.

Mary reut une bourse pour aller luniversit de Cornell,

et elle dcouvrit lhorizon immense dun monde influenc
par lhumanisme sculaire, la politique progressive, et la
socit de murs sexuelles librales. Elle y trouva de mme
un cercle damis qui taient du mme avis propos du racisme et de la guerre.
Nous tions assez radicaux pour cette poque. Ctait le
temps de la guerre civile en Espagne, et Hitler commenait
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se faire connatre. Il nous fallait repenser notre pacifisme. Notre groupe se rtrcit.
Au premier semestre de cette anne-l, jai pass
par une priode de dpression pour la premire fois. Je
mtais peu peu spare de ma croyance en Jsus, et
bien que je reste fidle lEvangile sociale, javais perdu
ma paix denfant. Je ne pouvais plus la retrouver.

Aprs une priode denseignement dans une cole prs

dIthaca, dans ltat de New York, Mary rencontra Art, pacifiste srieux et actif contre la guerre. Elle se maria avec lui,
bien que je naie jamais entendu parler dobjecteurs de
conscience avant de venir luniversit. Aprs leur mariage, elle fut surprise de dcouvrir quil ne croyait pas en
Dieu; pourtant elle avait confiance dans son intgrit et sa
rvrence pour le Sermon sur la montagne.
Les annes qui ont suivi, 1941-1945, prouvrent nos
mes, de mme que toute notre gnration. En cette
dernire bonne guerre, il y avait un grand mpris des
objecteurs de conscience comme mon mari, qui refusaient
daider arrter Hitler. Nous avons aussi souffert avec
nos amis qui allaient la guerre, toujours conscients
de la souffrance terrible des millions de personnes dans
ces pays dvasts de lautre ct de locan. Le drapeau
amricain a t dploy ct de la chaire dans mon
ancienne glise mthodiste, et je ny mettais plus pied.

Comme la plupart des objecteurs de conscience, Art fut

intern pendant la guerre. Il fut envoy dans un camp de
services publics au Dakota du Nord. Mary voulut le rejoindre,
et elle trouva du travail dans une petite cole. Le sentiment
antiallemand battait son plein, et les pacifistes ntaient pas
les bienvenus.
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Une nuit les parents de mes tudiants se sont ligus contre moi lcole, o jhabitais aussi. Heureusement, ils
se calmrent bientt, et conclurent quils taient fchs
plutt avec mon mari lche, incarcr dans le camp
voisin...
Vers la fin de la guerre, Art sentit quil devait protester
la guerre dans son ensemble, avec laquelle il ne voulait
avoir aucune part. Or, il a quitt le camp. Il fut immdiatement arrt et emprisonn pour plusieurs mois.
Il y avait plusieurs autres couples qui partageaient ces
sentiments, et qui recherchaient une vie dintgrit simple, une faon de vivre qui pourrait liminer les causes de
la guerre. Nous nous sommes dcids examiner la vie
en communaut de biens. Plus tard nous sommes devenus
membres une communaut dans ltat de Gorgie. Mais,
notre vie en commun nous a forcs constater pniblement que notre capacit de lutter contre le mal nous
dpassait, tant que nos ides de foi divergeaient. Ctait
le temps pour nous de passer au crible.
Art et moi avions souvent expriment lEsprit du
royaume de Dieu dans la vie des amis et dans des
causes honorables, quoiquils soient chrtiens ou non,
et nous avons trouv beaucoup de bonnes qualits dans
des personnes soi-disant bonnes. Mais nous restions
toujours aveugles au Roi du royaume, le seul pouvoir qui
puisse faire face au mal qui demeure dans la socit et
dans chaque tre humain. Finalement, jai compris que
javais toujours essay de comprendre Jsus intellectuellement. Jamais je ne mtais arrte pour me demander
qui Il tait. Mais, une fois que je lai fait, jtais tonne
dapercevoir comme jarrivais vite la foi.
Plus tard, jai racont mon exprience un ami proche.
Je noublierai jamais sa rponse: cest exactement ce
qui mest arriv, mais moi, je me sentais au mme temps,
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jug. Jtais bouleverse par son humilit. Et, jai su alors

que ce dont javais besoin et que je dsirais ctait
dtre de mme juge.

En rtrospective, Mary se rend compte plus que jamais de

limportance du repentir:
Je vois enfin que je me suis oppose au royaume de Dieu
par mon image de moi-mme et mon ambition dtre
utilise par Dieu. Je memparais du bien que Dieu mavait
donn sans vouloir exposer mon cur rebelle. La lumire
a d pntrer les crevasses de mon cur avant de pouvoir atteindre ce mal, et jen suis honteuse; cela a dur
longtemps. Mais avec laide des frres et surs jai lutt
jusqu ce que lextrieur et lintrieur soient semblables,
et ctait une libration sublime pour moi.
Je ne pense pas que mes valeurs aient beaucoup
changes, mais elles se sont approfondies de lidalisme,
cest--dire, la fraternit, vers une vie authentique vcue
avec des frres et surs qui sont engags jamais les
uns aux autres. La dernire prire de Jsus, Pre saint,
garde-les en ton nom, ce nom que tu mas donn, afin
quils soient un comme nous (Jean 17.11). Voil mon
ancre et ma joie. La prire devient de plus en plus un
miracle pour moi, et une responsabilit, surtout maintenant que je ne peux plus tre si active.
Oui, je connais la paix que Jsus nous donne. Cependant ce nest pas une srnit continue. Il y a encore des luttes. Pour moi, la paix signifie le combat de
lEsprit dtre victorieux sur toute la terre, surtout dans le
royaume de linvisible, avec larme de lamour, en vue de
mettre tout ce qui existe sous lempire de Dieu. Eprouver
cette paix et la tenir en haute estime comme une perle de
grand prix, voil ce qui donne du sens ma vie.

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Quand je considre que la lutte pour le royaume est

universelle, je suis trs impressionne, surtout en pensant
la venue du Fils de Dieu, Jsus, sur cette terre; et comment Il prend notre part dans nos combats insignifiants.
Je suis sre que nos histoires individuelles font galement partie de ce combat, car elles viennent de Dieu. Et
tremblante, je lve mes yeux vers cette ternit qui est
la continuation de lhistoire merveilleuse de Dieu. Dune
faon ou dune autre, je pense quelle va continuer se
manifester.

Ces penses de Mary nous emmnent au-del de la recherche de la paix intrieure, vers une vrit paradoxale:
seul celui qui sacrifie sa vie la recevra de nouveau; celui
qui donne sa vie si compltement au royaume que mme sa
recherche pour le bonheur personnel perd de limportance
sera rcompens au centuple.
Notre vie deviendra non pas plus troite, mais plus expansive; non pas plus limite, mais sans aucune limite; non
pas plus organise, mais plus souple; non pas pdante,
mais hardie; non pas plus sobre, mais plus enthousiaste;
non pas plus timide, mais plus audacieuse; non pas trop
humaine, mais plus inspire par Dieu; non pas triste,
mais plus heureuse; non pas moins capable, mais plus
cratrice. Tout cela grce Jsus et son Esprit de libert.
Eberhard Arnold

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La scurit
Je ne crois pas que Dieu veuille que nous faisions semblant
que notre crainte nexiste pas, la nier ou la rduire nant.
La crainte nous rappelle que nous sommes des cratures
fragiles, vulnrables, totalement dpendantes de Dieu.
Cependant la crainte ne devrait pas nous dominer, ni nous
contrler et nous dfinir. Plutt, elle devrait se soumettre
la foi et lamour. Autrement, la crainte peut nous rendre
incrdules, serviles, et inhumains.
Je connais cette lutte: contrler ma peur, rejeter son rgne,
reconnaitre quelle ne voit que les apparences, tandis que la
foi et lamour voient la substance, la ralit, linfluence de
Dieu, pour ainsi dire: Rassurez-vouscest moi, nayez
pas peur.
Philip Berrigan

eux fois, dans ma vie, jai eu le privilge davoir rencontr Mre Thrse, et chaque fois, je fus touch par
sa calme confiance. Mre Thrse sera reconnue juste titre
pour son travail Calcutta auprs des dmunis et mourants.
Mais quiconque qui ait pass du temps en service aux pauvres sait bien que, seules, les bonnes actions ne nous apportent pas la plnitude. En fait, beaucoup de personnes

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qui se vouent ainsi aider les autres finissent par en tre

frustrs et fatigus. Le calme de mre Thrse reposait sur
quelque chose de plus profond que son travail: un certain
sens de scurit en sa vocation, et la certitude de sa place
dans le monde.
La scurit peut avoir des sources diverses: la confiance,
labsence de crainte, labsence de soucis et doute de soimme. Cela implique aussi une connaissance de nos objectifs, notre identit et notre raison dtre. Mre Thrse
possdait ce sens profond de sa destine. Pour nous servir
de sa propre analogie, elle se voyait comme tant un crayon
entre les mains de Dieu. Ceci lui a donn de la force et du
courage, malgr la critique et les calomnies qui lui venaient
constamment.
Les gens de nos jours manquent didentit; comme Kierkegaard la remarqu au 19e sicle, ils ont peur, non seulement davoir une opinion contraire, mais davoir une opinion
du tout. Est-ce tonnant alors, si tellement peu de gens puissent trouver la paix? Ce nest pas que je veuille suggrer que
nous nous efforcions imiter le zle et lengagement dune
Mre Thrse. Nous avons tous des vocations diffrentes,
et souvent le chemin vers la paix est long et difficile, plein
de tournants imprvus. Pourtant, la stabilit du cur de
celui qui se sent confiant devant Dieu ne doit pas tre sousestime. Une telle personne possde une scurit stable, et
cest le fruit de la paix.
Freda Dyroff, membre du Bruderhof, a quitt lAngleterre,
son pays natal, pour rejoindre notre communaut en Allemagne dans les annes trente. Extrieurement, il ny
avait que peu dattrayant. Sy joindre signifiait accepter
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une pauvret extrme, apprendre une autre langue, porter

dautres coutumes, habiter un pays qui allait combattre le
sien. Cependant, Freda tait confiante davoir choisi le bon
chemin:
Rien de matriel ne mattirait ctait certainement un
appel qui conduirait aux conflits, mais qui promettait la
paix. La communaut tait extrmement pauvre, et la
vie, rude et dure. Mais cela ne ma pas dissuade. Ici, il
y avait des hommes et des femmes vivant en harmonie,
dans un monde qui se dtriorait. Leur vie prsentait une
solution: ils avaient aboli la distinction entre les classes
et lingalit sociale en abandonnant la proprit prive,
et en mettant tout en commun. Personne ne possdait
quoi que ce soit, car tous partageaient ce quils avaient.
Et ce ntait pas seulement une vision, quelque chose
quon peut lire, comme dans le Livre des Actes des Aptres. Ctait la ralit.
Je suis devenue membre part entire de la communaut, et finalement alors, jai ressenti la paix de Dieu que
javais depuis si longtemps recherche; en enseignant,
en travaillant dans les bas-quartiers de Londres, cette
paix mtait venue. Naturellement, jai d abandonner
maintes choses pour la gagner: ma maison, ma famille
et mes amis; mon pays, la langue anglaise, les conforts
dune vie bourgeoise, et ainsi de suite.
Personne ne pouvait comprendre pourquoi je faisais
cela, et jtais tonne et blesse par linimiti, et mme
la haine, des personnes les plus proches. Plus tard, jai
compris quil fallait abandonner bien plus: mon individualisme (bien que jamais ma conscience), mon amourpropre et beaucoup de mes ides opinitres.
En retour jai senti un amour profond, et la paix dont
parle Jsus, qui est bien lassurance de ce que Dieu sera
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toujours auprs de moi, y compris ma mort. Jai souvent t branle par les vnements les horreurs de
la seconde guerre mondiale, la traverse hasardeuse de
lAtlantique pour aller en Amrique du Sud lapoge de
la Bataille de lAtlantique, pendant laquelle mon premier
enfant est n. Ctaient des moments dun danger extrme, et souvent la peur mtreignait le cur. Pourtant,
intrieurement je ressentais toujours un calme trange,
la confiance en Dieu. En qui dautre aurais-je pu me confier? Jtais en paix, car je savais ceci: mme sil y avait
du danger, la volont de Dieu serait faite. Nous tions
tous entre ses mains.
Ces situations ntaient pas fortuites. La vie nest jamais fortuite; la paix ne nous tombe pas entre les mains.
Cest toujours une lutte, et il nous faut toujours choisir.
Quand je pense ma jeunesse: cela ma pris des annes avant de trouver la paix. Jhsitais entre le service
envers Dieu ou envers largent, et mes vacillations ne
mapportaient aucun repos. Je mimagine bien que tous
les jeunes gens passent par de telles expriences troublantes de dsirs et de frustrations, voire mme de grands
tourments. Mais je sais ce qui ma aid, et je puis conseiller aux autres de faire ceci: cherchez et recherchez,
jusqu ce que vous ayez trouv; ny renoncez jamais.
Priez, aussi, mme si vous pensez que vous navez pas
la foi, car Dieu entend aussi les lamentations de celui qui
ne croit pas. Dieu vous aidera. Nabandonnez pas la
lutte, et surtout, vitez les tentations qui vous dtournent
de ce que vous savez tre votre plus profond dsir. Et,
si vous tombez, relevez-vous et reprenez la bonne voie.

Comme la plupart de ce qui se passe dans la vie, la scurit

nest pas constante. Cest un fruit de la paix ceci est certain mais ce nest pas une garantie dabsence de lutte ou
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de peur. Plutt, cest la confiance que ces choses vont tre

surmontes. Mon grand-pre crit:
Le monde nous alarme, et nos humeurs nous troublent.
Mais la paix de Jsus, qui les neutralise, nest pas une
disposition de lesprit. Cest plus que cela, plus que de
se sentir content et confortable. Le monde aussi connat
la paix de la tranquillit et de lacceptation, dans la
mesure quil recherche srieusement ce qui est vritablement noble. Mais il lui manque cette conscience dme
davoir trouv sa destine inne et sa vie relle en Dieu.
Cette prise de conscience, cest la certitude profonde que
notre Sauveur Crucifi est uniquement la source et le
dfenseur de notre paix, parce quIl a limin le pch
qui ne permet aucune paix.
La paix se renouvelle constamment, comme une rivire
qui coule toujours en avant nest jamais stagnante et ne
se tarit jamais. Cest lexprience constante du Christ en
nous, Celui qui veut demeurer en nous, afin que nous
demeurions en lui.
Les humeurs et les sentiments vont et viennent, encouragements de lamour qui nous poussent nous laisser
guider par la main du Christ. Petit petit, le caractre se
renforce et, la fin, les vacillations du systme nerveux
peuvent tre aussi oppressives que la pire des temptes,
pourtant, elles ne drangent plus notre vie intrieure.
Quand un vent fort souffle contre le courant dune rivire, il agite la surface, et produit des ondulations, comme
si leau tait attire en amont. Pourtant, le courant ne peut
pas changer son cours. Au fond de la rivire il continue
couler malgr la force du vent. Que les gens fassent,
donc, ce quils veulent. Si la paix rgne en nos mes, nous
sommes srs de notre voie, et rien ne peut nous branler.

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Dans mon livre Be not Afraid (Naie pas peur), jadresse une
situation qui semble poser le plus grand dfi la confiance
humaine: notre peur universelle de la mort. Je ne mtendrai
pas ici, sauf pour dire que cette menace pour la paix peut
tre surmonte par lassurance qui provient de la foi et par
lamour qui, selon lAptre, bannit toute crainte.
Si une personne avait lieu de craindre la mort, ce fut Martin
Luther King, Jr. Extrmement charismatique et imperturbablement franc, il risqua sa vie pour la cause de lgalit raciale bien des fois. A la fin, comme nous le savons, il a d
payer le prix ultime. Comme nimporte qui dautre, King a
srement craint la mort, cependant le peu de fois que je lai
rencontr ou entendu il rayonnait de calme et de paix. Voil
un homme qui navait aucun doute quant sa mission, et
aucune peur quant au prix payer afin de la raliser.
Personne nest libre qui craigne la mort, avait-il dit la
foule, lors dun rassemblement en 1963. Mais aussitt que
vous avez conquis la crainte de la mort, vous tes libre. Ses
amis lont pouss prendre moins de risques, mais il nen
voulait rien: Je ne peux pas me soucier de ma propre scurit, leur a-t-il dit. Je ne peux vivre dans la peur. Il me faut agir.
Sil y a une peur que jai surmont, cest la peur de mourir...
Je vous assure que si lon ne dcouvre pas une cause pour
laquelle on peut donner sa vie, on nest pas en tat de vivre!
Magdalena Boller, membre de ma communaut qui perdit
sa mre soudainement, alors quelle tait encore trs jeune,
ressentit cette libert de la crainte, dans des circonstances
bien diffrentes. Se souvenant de ceci, elle nous rappelle une
chose importante: une fois que le cur est rempli de paix,
on peut passer cette paix aux autres.
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Dans ma vie, la paix mest venue dune faon trange

et merveilleuse, dbordant de ma mre son heure de
souffrance.
Mon frre cadet Felix tait srieusement malade, alors
quil navait que neuf mois, et est mort subitement. Nous
vivions dans une rgion isole en Amrique du Sud, et
laide mdicale y tait limite et primitive. En ce temps,
ma mre a crit dans son journal:
Le pouls de Flix tait trs faible. Monika, notre infirmire, lui donne une piqre de camphre, et je sens
le pouls battre une fois de plus... Mais soudain ses
yeux sont grand-ouverts, larges et bleu ciel... Mais
alors ces yeux deviennent vitreux. Je suis la seule
qui le remarque. Monika, il se meurt! Mcriaisje. Nous joignons les mains. Les paroles de notre
prire montent aux cieux en supplication fervente:
Seigneur rends-lui la vie, si cest ta volont. Oh,
je le sais dj; il est libr. Jsus, viens! Ces
paroles sont arraches de nos curs. Oui, Jsus
est venu. Il est venu pour prendre lenfant Lui.
Pourtant le petit cur bat encore faiblement. Une
autre piqre, puis la respiration artificielle, jusquau
moment o nous savons trop bien que cest trop
tard.
Donne-moi mon enfant dans mes bras! Monika me le donne. Mon petit gt sur mes genoux,
et doucement, tranquillement, sa toute petite me
passe lternit. Ou, est-ce plutt lternit qui
vient nous? A mon ct, Lo le sait aussi. Il y a
une telle paix autour de nous et en nous. Le calme,
le calme ternel. Notre enfant retourne aux anges
do il est venu. Soyez silencieux. Ne parlez pas
maintenant. Mon enfant, avec quelle douleur tai-je

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mis au monde? Est-ce la joie ou la douleur qui emplit mon cur? Je ne le sais. Je sais seulement que
je redonne mon enfant Dieu, qui me lavait donn.
Et, maintenant, bien lentement, le petit corps de
mon enfant sest refroidi sur mes genoux.
Ctait le dimanche matin. Les autres enfants et moi, nous
venions de retourner dune promenade, et un voisin me
prit lcart pour me dire que mon petit frre tait mort.
Cette nouvelle me porta un coup terrible, et jai couru,
affole, sa chambre. Ma mre tait l. Elle ma regard
avec un tel amour travers ses larmes, et elle ma pris
dans ses bras: Flix est all Jsus, ma-t-elle dit. Sa
paix, et son acceptation mont combl de reconnaissance.
Neuf ans plus tard ma mre mourut soudainement, et
sa mort fut spcialement douloureuse pour moi. Javais
seulement dix-sept ans. Ayant quitt la maison, javais
t spare de ma famille depuis presquun an, part une
ou deux visites de courte dure. Maman tait le cur de
notre famille, et nous avions toutes deux t trs proches
lune de lautre. Maintenant elle ntait plus l, et javais
manqu la dernire anne de sa vie. Je ne pouvais pas
accepter la nouvelle de sa mort. Comment tait-ce possible?
Dans mon dsespoir, limage de ma mre toute en
larmes, mais radieuse, ne me quittait pas. Je la voyais,
debout, au chevet de mon petit frre, il y a si longtemps.
Et, comme jy pensais, la mme paix rassurante quelle
mavait montre lors de son chagrin, a gliss en mon
cur, comme si ctait son don dadieu.

La paix que Magdalena ressentit nous semble tre une chose

rare, et en un sens, ceci est vrai. Pourtant, Jsus nous promet la mme chose, chacun de nous. Cest la paix que

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je vous laisse, cest ma paix que je vous donne. Peut-tre

cette paix est peu commune parce que nous qui voulons bien
laccepter sommes peu nombreux. Tolsto crit:
Les gens me questionnent propos de mon manque de
peur, quils supposent ressort de mon point de vue plutt
mystique sur la vie et la mort. Cependant ce nest pas
le cas. Jaime mon jardin, jaime lire, jaime caresser un
enfant. En mourant je perds tout ceci, et ainsi, je ne dsire
pas mourir, et je crains la mort.
Il se peut que ma vie entire consiste la satisfaction
de tels dsirs temporaires. Et ainsi, je ne puis mempcher
de craindre ce qui mettra fin ces dsirs. Mais, autant
je les remplace dans mon cur par le dsir de faire la
volont de Dieu et de mabandonner lui, autant je ne
crains pas la mort et autant la mort nexiste pas pour
moi. Et, si mes dsirs sont compltement transforms, il
ne reste alors que la vie, il ny a plus de mort.
Remplacer ce qui est terrestre et temporaire par ce
qui est ternel, a cest la voie de la vie, et nous devons
y passer. Quant ltat de lme chacun doit bien le
connatre.

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La plnitude
Comment ne pas perdre son me quand absolument tout,
et tout le monde, nous tire dans des directions opposes?
Comment peut-on se maintenir, si on est continuellement
tiraill de tous les cts?
Jsus nous ditque pas un seul cheveu de votre tte
ne sera perdu.Par votre persvrance vous sauverez votre
me (Luc 21.18-19). Nous ne pouvons survivre que si
nous avons confiance en ceci: Dieu nous connat mieux
que nous nous connaissons nous-mmes. Nous ne pouvons
nous maintenir que si nous savons que cest Dieu qui nous
maintient. Nous ne pouvons tre vainqueurs que si nous restons fidles cette vrit: tout en nous, oui, mme chaque
cheveu, est tout--fait sauf au sein de notre Seigneur. En
dautres termes, si nous continuons vivre une vie spirituelle, nous navons rien craindre.
Henri J.M. Nouwen

ussi unique quapparaisse la recherche de la paix de

chaque personne, un fil commun nous runit. Dans une
certaine mesure, chacun est en route vers la plnitude. Il y
en a qui parlent de rechercher la paix du cur; dautres, la
paix de lme. Les uns sont la recherche de la fraternit;

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dautres, de la communaut. Les uns recherchent la srnit

de lme, dautres, lharmonie globale. Au fond, ces dsirs
sont motivs par la ralisation que la vie est fragmente, ce
que lon a envie de surmonter.
Charles Headland, membre du Bruderhof, qui mourut rcemment dans ses quatre-vingts ans, ma dit que ce fut le
cloisonnement dans sa vie qui lavait conduit rechercher
la paix. Comme comptable dans une grande compagnie, il
avait un groupe damis; comme activiste pour la paix, un
autre groupe; comme membre de son glise, un autre; puis
enfin, sa famille. Rien de commun entre eux, et chaque jour,
il fallait faire de son mieux pour rester fidle tous.
John Hinde, un de mes collgues qui est aussi pasteur, me
dit que lui aussi se sentait gn en devenant pacifiste, juste
avant la Seconde Guerre Mondiale. Comme participant actif
dans le mouvement de la paix, pendant les soirs et les fins
de semaine il faisait ce quil pouvait contre le conflit arm.
Le jour, par contre, il travaillait comme courrier la banque
Lloyd de Londres, et sentait quil contribuait ainsi au cloisonnement des classes et au conflit social qui est une des
causes de la guerre.
La vie est pleine de divisions: entre le foyer et lemploi,
la vie prive et la vie publique, le travail et le loisir, la politique, le professionnel, et le personnel. En soi, il ny a rien
de mal cela. Mais le problme commence lorsque ces activits crent des contradictions et des conflits. Sous peu, le
manque de cohrence devient compromis, et la suite, mme
de lhypocrisie. Barbara Greenyer, nous en donne un exemple
frappant:

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A la fin des annes trente, avec lintention de crer une

meilleure communication et plus de comprhension entre
nous tous, notre groupe qui uvrait pour la paix avait
invit des membres de la jeunesse hitlrienne dune glise en Allemagne venir passer du temps dans nos
familles en Angleterre. Seule une jeune fille est venue
(je maintiens toujours contact avec elle). Peu de temps
aprs son retour chez elle, la guerre a clat et je me
souviens de mon choc en ralisant quelle est devenue
alors notre ennemie.
Pour protester contre tout ce meurtre, mon mari, Kenneth, et moi nous sommes dcids ne rien avoir faire
avec leffort de guerre. Nous avons refus daccepter les
masques contre les gaz asphyxiants, ou de construire
un abri Anderson; il nous semblait que le dpartement
de la Dfense voulait donner au public un faux sens de
scurit. Puis, Kenneth reut une lettre dun des anciens
de notre glise mthodiste interdisant au groupe de se
runir dans les locaux de lglise, et en lui disant ce quil
lui aurait fait si Kenneth avait t son propre fils. Ctait
une lettre pleine de fureur. Je voulais trouver cet homme
et le reprendre, mais Kenneth ma rappel que le fils de
cet homme tait au front, et que nous devions avoir de
la compassion.
Nous avons donc respect la lettre, mais il restait la
question de notre rapport avec lglise. Pouvions-nous
participer aux runions les Dimanches quand lglise
soutenait la guerre? Nous sentions que ce ntait plus
possible, et nous lavons expliqu au cur dans une lettre.
Il a plaid avec nous changer davis, mais nous sommes
rests fermes. Ctait dur pour nous, car lglise avait
toujours t au centre de notre vie. Nous avions aid tous
les deux lcole de Dimanche...

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Daniel Berrigan a crit quelque chose sur la conscience

fragmente qui est la source dun tel dilemme. En temps de
paix, les prtres et les curs prchent les dix commandements,
Tu ne tueras pas... En temps de guerre, ils bnissent les
bombardiers. Ceux qui sont contre la guerre sont en faveur de
lavortement, et les militaristes sont contre lavortement; les
activistes contre lavortement soutiennent la peine de mort,
et ainsi de suite. Chacun dsire combattre quelque mal
particulier, pensant quainsi ils btiront un meilleur monde.
Ils oublient quon ne peut pas tre en faveur de la bombe en
mme temps quen faveur des enfants...
Le rabbin Kenneth I. Cohen a dit plus ou moins la mme
chose. Dans un de ses crits, il rappelle lhypocrisie terrible du Nazisme, o les maris et les pres, qui taient aussi
des assassins professionnels, tuaient les Juifs le matin, et
coutaient du Mozart laprs-midi. Cest un exemple trs
extrme, mais il met en lumire ce qui se peut se passer lorsque les problmes ne sont pas rsolus: ils menacent non
seulement la paix, mais la vie elle-mme.
Les rponses du Christ cette question sont simples, mais
dune clart couper le souffle: Il nous dit que lextrieur
doit ressembler lintrieur (et vice versa); que nous devons
tout perdre afin de le retrouver; que nous devons rendre
nos vies afin quelles soient sauves. Il exige une intgrit
continue dans tous les aspects de la vie, un combat constant
en faveur de tout ce qui soutient la vie et dfend le bien, et
contre tout ce qui mne la destruction et la mort.
Est-ce que la plnitude doit forcment tre une condition ncessaire la paix de Dieu, ou est-ce plutt un rsultat
qui sen suit? Est-ce une tape ou un fruit de cela? Pour
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moi, elle provient de la paix; elle est un signe de la paix et

de la vie abondante que le Christ nous offreplutt quun
sentier qui y mne.
Charles Moore, ancien ducateur au sminaire, dsirait
trouver la plnitude dans sa vie, mais ny parvenait pas.
Finalement, il conclut quaussi longtemps quil tait luimme au centre de sa recherche personnelle il naurait jamais trouv une rsolution satisfaisante. Cest seulement en
laissant Jsus Christ tre le point de mire que chaque chose
trouverait sa place.
Lorsque je rflchis sur ma vie au cours des dix dernires
annes, je me rends compte que je vivais la mort lente
dune dgradation progressive. Lnergie explosive de ma
jeunesse se dissipait rapidement, non pas cause dune
vie imprudente, mais comme le rsultat de ma tentative
obsessive dordonner ma vie. Je suis tomb dans une
dconfiture de mon propre choix. Je mefforais dtre
charitable, de satisfaire Dieu et agir correctement. Il y
avait tellement de causes positives dfendre, tellement
apprendre, tellement de gens connatre, tellement de
rapports entretenir, tellement dobligations remplir
et tellement doccasions examiner. Cependant, en me
plongeant dans ce tourbillon de possibilits, je devenais,
de plus en plus, cloisonn. La paix du cur mchappait;
je navais plus de paix.
Cest plus facile, maintenant, de voir comment tout
ceci sest pass. Dans mon for intrieur je narrivais pas
intgrer les fils disparates dune existence surcharge.
Individuellement et sparment, il tait impossible de
joindre ces fils et leur donner du sens.
Dun ct, il y avait mon travail en tant que professeur de philosophie et de thologie et de lautre ct mes
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tudes avances. Les deux exigeaient mon temps et ma

loyaut; ntant pas joints que dune faon abstraite,
ces deux activits taient, en fait, totalement opposes.
Il y avait de mme mes relations professionnelles avec
mes collgues qui taient unis avec moi par notre foi
commune qui oprait, nanmoins, dans un cadre et un
univers de discours loign du mien. La foi et la pratique
se trouvaient souvent en dsaccord. Jai pens pouvoir
combler cette lacune, et en effet ctait possible pour
quelque temps. Cependant, mesure que les exigences
de la vie augmentaient, ma force diminuait. Dailleurs,
javais dautres problmes et intrts en dehors du milieu
universitaire. Il y avait ma vie personnelle ma femme
Leslie, mes amis et les siens, ma famille et la sienne avec
tant de dimensions qui ne semblaient jamais se toucher.
Parfois elles se rapprochaient, mais ne se runissaient
jamais.
LEglise que nous frquentions tait spare de la petite
communaut intentionnelle dont nous faisions partie,
Leslie et moi, et du ministre missionnaire avec lequel
nous travaillions dans notre voisinage bien pauvre. Il y
avait des vnements organiss par les groupes activistes,
dont je faisais partie, des activits des institutions o je
travaillais et tudiais, et des runions de famille, o jai
d assister. Je voulais toutes ces choses et je les obtenais.
Mais il ny avait aucune cohrence, jtais tir en maintes
directions, intrieurement et extrieurement.
Malgr mes efforts tout runir, je nai pas russi
men sortir. Incapable dliminer un de ces soi-disant
devoirs, et pourtant accabl par leffort de tout contrler
au mme temps, jai essay toutes sortes de mcanismes
dadaptation complexe, afin de trouver une solution. Jai
eu des consultations confidentielles avec un ami proche;
ma femme et moi nous sommes permis des moments
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de divertissements et amusements; je changeais et rajustais les horaires de mes charges denseignement; je

me dgageais des contacts et relations qui prenaient trop
de temps, et ainsi de suite. Mais rien de tout cela ne ma
aid. Malgr toutes mes bonnes intentions et ma bonne
volont, je restais frntique et nerv, et ma vie tait
toujours dsoriente.
Ctait mme droutant pour moi. Je croyais que suivre
Jsus voulait dire se dpenser, tre puis pour Dieu et
Son royaume. Pourquoi, alors, navais-je pas cette paix
promise, cette paix qui dpasse la comprhension ?
Pourquoi me semblait-il que ma vie se dchirait en mille
morceaux? Pourquoi tais-je si frustr et harcel, avec
mes nerfs vif? Notre socit est goste, individuelle,
matrialiste, et compulsive; elle na que peu de place
pour la communaut. Mes propres besoins, dsirs, dons,
faiblesses et potentiel sont les forces qui me dirigent; et
ma vie est une forteresse protge et garde, qui nest
accessible qu quelques amis privilgis.
Maintenant, en voquant ceci, il me semble trange
combien ma vie tait pleine, et pourtant incomplte.
Javais virtuellement tout ce que je dsirais: un emploi
intressant, de lexercice intellectuel, des actions altruistes, de chers amis, le succs matriel, et la libert
dajuster mon plan de travail, tant que je le dsirais. Mais
je ntais pas en paix. Ma vie ntait pas limite, et je ne
mengageai rien.
Nanmoins, en y repensant, je vois que je marchais
tout droit vers cette grande dception: cest ta vie, fais-en
ce que tu veux. Javais fait de ma vie le centre de lunivers,
mme en guise de servir Dieu. Malgr mon engagement
et mon effort spirituel de servir Dieu, jtais au prise de la
folie de la vie bourgeoise qui tournoyait non seulement
ultimement, mais de la faon la plus mondaine autour
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de mes propres dsirs. Je narrivais absolument pas voir

que ce genre de vie tait irrel, hypocrite, et impropre au
dessein pour lequel Dieu nous a crs.
Quimportaient tous les moyens par lesquels jessayais
de compenser ce manque de synthse en ma vie, ce ntait
que lorsque jai cess de vivre selon les rgles du monde
(vises sur la ralisation personnelle et lindpendance)
que jai commenc dcouvrir une certaine cohrence.
Jai vu alors que je devais faire un choix: je pouvais continuer vivre ainsi, en ngociant avec une multiplicit
dexigences et des relations de mon propre choix; ou, je
pouvais recommencer sur une nouvelle base, diffrente,
o la communaut (non pas le soi), le service mutuel
(non pas la ralisation personnelle), et le royaume de
Dieu (non pas le mien) serait le point de mire.

Lorsque Charles et Leslie entendirent parler de notre communaut, ils ont voulu visiter, et quelques annes plus tard
ils ont dcid de venir pour de bon. Non pas quils taient
de lavis que cette vie soit la vocation de tout le monde, ou
mme que communaut, comme telle, soit le chemin vers
la paix. Mais ils disent, tous les deux, que la plnitude quils
ressentent aujourdhui est insparable de lintgration rendue possible en une vie de partage. Dans la communaut,
ce qui est personnel ou en commun, ce qui se rapporte la
famille ou au travail, ce qui est pratique ou spirituel, ne fait
pas concurrence, mais est maintenu en accord intgral grce
lengagement mutuel. Charles continue:
Je ne pense pas que cette question de paix personnelle puisse disparatre compltement. Je continue avoir du mal
accepter le fait que je sois loin de ce que Dieu attend de
moi. Bien que je maccroche avec confiance la Croix qui
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comble le gouffre, je continue lutter contre limperfection

et le pch. Mais lintention de mon cur, et le cours de
mes actions ne se contredisent plus: la dimension intrieure de ma vie saccorde dsormais avec la dimension
extrieure, et les deux dimensions sont lies, non pas par
force, mais par un sens profond de la paix de Dieu.
Aujourdhui, ayant dtrn mon moi, je suis plus
prt abandonner mes projets et mes buts personnels.
Dieu rgne dans ma vie et la rgit dune nouvelle faon.
Il ma donn une plnitude et une paix que je navais
jamais connues.
Dieu nous a crs pour la communaut, et pour la paix
gnrative qui en ressort et qui nous soutient. La communaut nest pas une panace, mais elle nous offre un moyen
de vivre, o tout converge. Les divisions nexistent plus.
Je suis en paix avec moi-mme, avec les autres, et avec
Dieu. Si je perds cette paix, jai un point de dpart auquel
je peux retourner, avec laide de mon prochain si besoin
est. Ainsi, au lieu de chercher la plnitude par mes propres
efforts, je puis moublier et me lancer dans quelque chose
de plus important; quelque chose qui renoue les aspects
divers de la vie plutt que de la fragmenter.
Ma paix est bien plus quune bndiction personnelle,
car elle ne mappartient pas. Elle appartient une entit
plus importante, un corps dont les membres ne sont
pas des tres impersonnels, mais des frres et des surs.
Cest le don prcieux de la paix de Dieu. Et ce qui est
tonnant est que cette paix est venue en ma vie, non pas
en vertu de mes efforts, mais parce que mes yeux ont t
ouverts, afin de dvoiler le mythe du perfectionnement de lego et de morienter vers la ralit dune vie
plus abondante. Par cette exprience nous connatrons la
grce de Dieu. Cependant, cest aussi un choix.

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La Joie
Il ny a rien que je puisse vous donner, que vous nayez
dj; mais il y a beaucoup que je ne puis pas vous donner,
que vous pouvez prendre. Aucun paradis ne peut nous appartenir si nos curs ne trouvent pas la paix, ici et maintenant. Assaillez les cieux! Il ny a pas de paix dans lavenir qui
ne demeure occulte dans linstant prsent. La mlancolie
du monde nest quune ombre; pas trs loin delle, pourtant,
la joie est votre porte. Choisissez la joie!
Il y a de la clart et de la gloire dans lobscurit, si seulement nous pouvions les discerner; et, il suffit dy porter notre
regard. Je vous prie de regarder. La vie est tellement gnreuse, mais nous qui jugeons ses dons selon leurs coquillages,
les rejetons comme tant laids, ou lourds, ou durs. Retirez le
coquillage, et vous trouverez l une splendeur vivante, tisse
puissamment damour et de sagesse. Accueillez-la, saisissezla, et vous toucherez la main de lange qui vous lapporte.
L o nous vivons des preuves, de la peine ou du devoir,
croyez-moi, nous trouverons aussi la main de cet ange. Cest
un don et cest le miracle dune prsence, qui nous surpasse.
Il en est de mme avec nos joies: nen soyez pas satisfaits
en tant que joies. Celles-ci, aussi, dissimulent des dons qui
sont encore plus divins.

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Et, ainsi, ce moment, je vous salue. Pas tout fait comme

le monde vous envoie des salutations, mais avec un profond
respect, et avec la prire que pour vous, maintenant et pour
toujours, laube apparaisse, et les ombres disparaissent.
Fra Giovanni

On estime que la critique la plus srieuse de Friedrich Nietzsche envers le christianisme est: le problme avec les
chrtiens, cest quils nont pas de joie. Oui, nous savons
ce quest le bonheur; ce qui nous rend heureux ou mme
extatique. Mais la joie? Daprs Molly Kelly, dont je vous ai
racont lhistoire auparavant dans ce livre, il y a une grande
diffrence.
Nous avons tous des moments heureux au cours de nos
vies, mais le bonheur nest pas la joie. La joie nous vient
seulement si nous avons la paix. Le bonheur nest souvent
que superficiel et fugitif; la joie pntre en notre me et
elle est durable. Le bonheur est une bonne chose; la joie
peut accompagner la souffrance. Le bonheur est souvent
reli au profit, ou, un avantage quelconque; la joie vient
souvent avec le renoncement, labngation de soi.

Donc, la joie est videmment le plus grand de ces dons.

Pourtant, comme Fra Giovanni le dit, il est souvent prcd
par les dons dissimuls de la souffrance ou de la douleur.
Puisque nous ne pouvons les accepter, les rejetant comme
trop durs et laids, nous ne pouvons pas vraiment connatre
la joie.
Peu de temps avant sa mort aux mains de ses bourreaux
nazis, Ewald von Kleist sous-entendait dans ses crits
que beaucoup de chrtiens, mme quand ils acceptent la

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souffrance, ne peuvent pas y trouver la joie, parce quils se

trompent de sa nature et de sa signification. Il conclut:
Il devient plus clair pour moi que nous, les tres humains (surtout nous, de la race blanche, les Europens),
avons plac de fausses valeurs sur tout ce qui existe,
parce que nous nous sommes alins de Dieu. Le monde
daujourdhui nattache plus la mme valeur la vrit.
On poursuit des buts phmres, on ne sait pas ce quest
le vrai bonheur, ni o le trouver; on ne sait plus ce dont
on doit tre reconnaissant.

Miriam Potts, membre de mon Eglise, nous dit que, pour

elle, la joie, la reconnaissance, et la paix sont inextricablement lies:
Jhsite un peu si quelquun me demande: As-tu la paix
dans ton cur? Es-tu en paix avec Dieu? Voil une
question laquelle je nose peine rpondre. Comment
puis-je le savoir? Parfois je ne sais mme pas si jai la foi.
Mais si quelquun me demande, As-tu de la joie?
Es-tu heureuse?, alors, je puis rpondre aussitt, de
tout mon cur: oui! Jaime mon travail. Je suis heureuse quand je peux faire quelque chose pour quelquun
dautre, comme demballer des livres pour les prisonniers. Je suis la plus heureuse quand je suis trs occupe,
jusqu ce que je tombe de fatigue le soir.
Si je ne me sens pas heureuse, il me suffit de compter
mes bndictions, de penser tout ce dont je suis reconnaissante et je suis heureuse de nouveau. Mais comment
ltre, si je nai pas de paix? Peut-tre est-ce la mme
chose...

Quant Ann (ce nest pas son vrai nom), sa recherche de

la paix et de contentement a continu bien longtemps. A
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la fin, elle sest arrte de veiller ses propres intrts et a

abandonn sa vie entre les mains de Dieu.
Quand je pense la paix, lamour, la joie, et toutes ces
choses que jai recherches dans ma vie, cela me rappelle une question que mes amis mont pose, alors que
je venais darriver au Bruderhof: pourquoi est-ce quune
femme, ayant un mari qui laime, la sant, quatre beaux
enfants, la scurit financire, et une belle demeure dsirerait tout abandonner et partager sa vie avec dautres
personnes?
Pour rpondre cette question avec franchise, je
dois premirement expliquer que ce quils voyaient de
lextrieur tait bien loin de ce quils auraient vu sils
avaient pu regarder lintrieur de mon cur.
Mon mari et moi, tions tous deux trs engags dans
notre Eglise et parmi nos amis de la congrgation. Nous
servions les autres, nous partagions tout avec eux, et nous
nous sentions heureux ensemble. Notre reconnaissance
envers cette confrrie, et notre dsir dans cette direction
nous a conduits chercher un engagement plus srieux,
et bientt nous avons vu que, seul, le christianisme du
dimanche, ne suffisait pas non plus ltude biblique le
mercredi soir. Je me demandai: Est-ce vraiment suffisant? Javais tout ce quune femme puisse dsirer, ou
bien que je pouvais atteindre. Cependant, une partie de moi
scriait: Je ne veux pas tout ceci, Il y a srement plus
dans la vie quun gentil mari et des enfants, un bon chezsoi, la scurit financire. Je suis devenue dsespre et
effraye. Pourquoi est-ce que jtais si malheureuse?
Javais grandi dans une famille o tout semblait bien, vu
de lextrieur. Ma mre et mon pre travaillaient dur, Papa
dans une usine et Maman comme mnagre. Nous tions
une de ces familles bien catholique, qui ne manquaient
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jamais la messe le dimanche, ne mangeaient jamais de

viande le vendredi, et nous nous confessions une fois par
mois. Dans notre paroisse, on tait strict: on ne voulait
pas tomber dans un pch mortel et prir en enfer.
Jai appris avoir peur peur de faire des btises, peur
de Dieu et de ce quIl pourrait me faire.
Les autres gens nous admiraient, et personne ne voyait
lenfer que nous vivions. Papa tait un homme de famille,
dcent et bon travailleur, et ma mre nous aimait. Quand
jy pense, maintenant, jen serai toujours reconnaissante.
Beaucoup denfants grandissent sans parents, il est vrai.
Pourtant, bien des enfants, qui ont deux parents et suffisamment de nourriture, souffrent autant. Leur mal est
simplement cach on nen parle pas derrire une faade
normale, et personne ne sait ce qui se passe vraiment.
Personne na su, par exemple, que jai t abuse sexuellement par mon frre ain pendant trois ans, depuis
que javais six ans et jusqu ce quil ait trouv une copine. Personne ne savait comment ma jeune sur instable
a t battue par mon pre, devant la famille rassemble,
avec une ceinture de cuir simplement parce quil ne pouvait pas la tolrer, et sa colre la emporte. Personne ne
savait quune petite chose comme renversant accidentellement le lait pendant le dner suffisait enrager Papa,
ce qui durait parfois pendant deux heures.
Nous avions peur de faire une erreur et rendre Papa
furieux. Aprs tout, il buvait six canettes de bire et mme
plus, chaque soir en retournant de son travail, et encore
plus la fin de semaine. Quand il se mettait en colre aprs
avoir bu, ce qui se passait plusieurs fois par semaine, il
y avait peu que nous pouvions faire, alors, ni nous, ni
maman qui souffrait tout silencieusement. Toute la soire,
il continuait de lancer ses tirades, traitant ma mre de
toutes sortes dobscnits, et frappant du poing la table.
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Tard dans la nuit, nous lentendions encore hurler

parce que ma mre ne voulait pas dintimit. Nous,
les enfants, nous nous bouchions les oreilles avec nos
oreillers, nous nous enfuyions de chez nous pour aller
chercher un ami, ou mettions la tl plein volume.
Nous tions apeurs, drouts, confus, et ne savions
que faire.
Ce que je faisais, afin dchapper cette douleur, a t
de chanter. Je chantais sans cesse; et ceci aggravait mes
frres et surs. Alors, au moins je ne me bats pas,
disais-je. Je ne le savais pas alors bien sr mais mes
chansons taient lexutoire mon angoisse. Je ne me
sentais pas aime, et jaurais tellement aim le contraire.
Je pensai que si seulement jtais sage et me comportais
correctement, les autres seraient heureux. Si seulement
il y avait la paix chez nous, je serais heureuse. En grandissant, je sentais que je ne pouvais rien faire de bien,
et que je ne valais pas grand-chose de toute faon. Ceci
sempira, lors des annes de mon adolescence et je me
suis implique dans toutes sortes de perversits. Le pire,
ctait que tout cela restait cach, la misre de mon enfance, les pchs de ladolescence...
A lextrieur jtais une jeune fille normale, dcente, mme religieuse. Cependant, lintrieur,
jtais tourmente et malheureuse. Ma vie tait un vrai
mensonge. Quand je me suis marie, jesprais que mes
problmes sarrangeraient, mais ils ont continu. Tout
comme mon enfance et ma jeunesse, mon mariage semblait beau de loin, mais en vrit, a allait mal.
Alors que jtais encore petite, je savais que javais
besoin de Dieu, et mon dsespoir me forait prier. Non
pas que je pensais que Dieu maiderait. Je ne croyais pas
que Dieu puisse maimer. Jtais mauvaise et convaincue
que Dieu ne pouvait aimer quelquun comme moi. Plus
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je dsirais tre aime, plus je mendurcissais, et devenais

incapable daccepter lamour.
Maintenant, femme marie avec une famille grandissante, je navais toujours pas trouv la paix. Javais
vcu avec mes doutes et ma haine de moi-mme pendant
longtemps, et je commenais transfrer ces sentiments
tous les autres. Je dtestais le monde entier. Irrite, je
me sentais rejete, sans valeur. Jtais une vraie loque
humaine.
Plus que tout, javais besoin de me librer de la douleur
de mon pass, mais je my prenais mal. En vrit, je recherchai une seule chose, avec une passion dsespre:
je voulais tre aime. Je cherchais lamour chez mon mari,
Bob, et je sentais quil na pas russi me le donner; je
ne le trouvais pas, non plus, chez mes amis. Jai cru que
je le recherchais aussi en Dieu; je me suis rendue un
centre de prire chrtien, esprant recevoir des conseils
et afin de prier pour la gurison. Jsus vous aime, et Il
vous pardonne, mont-ils dit. Mais ceci restait abstrait
pour moi. Je ne pouvais pas ressentir son amour. Il se
peut que jaie t aide quelque peu, mais cela ne ma
pas donn de paix durable dans mon cur. Cependant,
je ne voulais pas jeter lponge.
Il y a quelques annes, nous nous sommes dcids
joindre le Bruderhof. Nous sentions que Dieu nous appelait vivre en communaut; rpondre cet appel nous
a procur une libration et une grande joie. Nous avons
vendu notre maison et pay nos dettes; puis nous avons
dmnag. Aprs environ dix-huit mois au Bruderhof,
nous demandions de devenir membres part entire.
Lors une sorte de retraite prparatoire, nous avons
essay douvrir nos curs Dieu et aux frres et surs
dans la communaut, et de rflchir srieusement sur la
suite des vnements de nos vies jusque-l. Ce procd
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a t, en vrit, rdempteur, mais de mme, trs douloureux, car il nous a conduit raliser que notre mariage
tait en pril. Nous avons compris que nous devions confronter franchement la situation et faire face une fois pour
toute aux exigences de Dieu. Nous avons alors demand
de quitter la communaut; nous sentions avoir besoin
de temps et despace, en tant que couple et parents, pour
rflchir sur ce qutait notre dsir au plus profond de
notre cur. La communaut nous a soutenus avec amour
dans cette dcision, et nous a aids nous installer dans
un logement particulier et trouver du travail pour Bob.
Cest lors de cette priode difficile que jai trouv la
paix Jsus. Mais il ma fallu dabord avoir lhumilit de
reconnatre combien jtais gocentrique, dsirant mon
bonheur personnel, et, en plus, combien javais de haine
envers mon mari, imaginant quil na pas russi me donner ce quil me fallait lamour que je dsirais tellement.
En effet, Bob mavait fait dfaut plus dune fois, mais
jai finalement compris que je ntais quune sangsue
motionnelle, pour ainsi dire. Depuis des annes, javais
sap le peu damour quil avait, et ctait de ma faute. Jai
pu, enfin, admettre que mon amour-propre tait la vraie
cause de ma misre.
Jai pri Dieu de maider, et jtais cette fois sre quIl
le ferait. Soudain, jai ressenti du remords pour avoir si
souvent offens mon prochain, au lieu davoir piti de
moi-mme. Pour la premire fois de ma vie, jai ressenti le
dsir de pardonner ceux qui mavaient blesse, surtout
mon pre. Jai ressenti du remords envers Dieu, aussi,
et en retour jai reu son amour, et son pardon.
Lors de ces jours, un passage de lEvangile de Marc
mest venu lesprit, et est devenu rel pour moi ces
lignes propos de ceux qui ncessitent un mdecin: Ce
ne sont pas les bien portants qui ont besoin de mdecin,
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mais les malades. Je ne suis pas venu appeler des justes,

mais des pcheurs (Marc 2.17).
Quel soulagement ma envahi! Javais t aveugle
pendant des annes, et maintenant, tout coup je commenais voir ce qutait le bonheur. Cette rvlation de
lamour de Dieu envers moi, un pcheur, a t crasante.
Ceci est devenu la pierre angulaire de ma nouvelle foi et
ma donn une joie nouvelle dans mon cur.

A mesure que Bob et Ann se mirent rflchir ensemble, ils se

voyaient sous un nouveau jour. Ils purent se pardonner mutuellement pour tout ce qui avait rendu leur mariage misrable,
et puis, oublier le pass. Bientt, ils retournrent la communaut et furent reus comme frre et sur. Ann continue:
Et la vie, comment continue-t-elle? Si on trouve la paix,
est-ce quon la pour toujours? Je ne suis pas toujours
en paix. Je ne suis pas toujours reste fidle lamour
de Dieu. Je lutte encore quelquefois contre lanxit, ou
je tombe dans les anciens soucis, et les anciennes peurs.
Je lutte toujours pour une franchise authentique, et non
pas simplement vouloir plaire aux gens et gagner leur
approbation. Mais quand tout mcrase, je lance ce dfi:
Jsus est vainqueur, dans mon cur, dans mon corps,
dans mon me!
Je serai toujours une pcheresse. Cest ainsi, que je suis
venue tout dabord Dieu, non pas comme une personne
vertueuse. Mais il nest pas bon de perdre du temps et de
lnergie y penser. Il y a assez faire dans la lutte pour
le royaume de Dieu. Plus je me donne cette tche, servir
les autres et moublier moi-mme, plus je suis heureuse.
Ceux qui cherchent faire du bien aux autres, peu importe le service, ralisent un panouissement. Parfois, je
trouve le bonheur en gardant un bb, ou en nettoyant;
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un autre jour, en prparant un repas pour quelquun,

ou en lavant leur linge. Je suis reconnaissante davoir
quelquefois la chance de soigner une personne ge.
Certes, jai encore des cicatrices, mais on maccepte
comme je suis. Au services de mes semblables, jai reu
un don que je navais jamais trouv lors de ma recherche
gocentrique: une joie pure.

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LAction
Le temps, en soi, est neutre; on peut sen servir pour dtruire, ou construire. De plus en plus, je trouve que les
personnes de mauvaise volont ont employ leur temps
plus efficacement que les personnes de bonne volont. Il
nous faudra nous repentir, en cette gnration, non seulement pour les paroles et les actions odieuses de mauvaises
gens, mais surtout pour le silence odieux des personnes de
bonne volont. Le progrs humain ne roule jamais sur les
roues de linvitabilit; il vient seulement au travers des
efforts infatigables des personnes qui ont la bonne volont
de travailler avec Dieu, et, sans ce travail assidu, le temps
lui-mme devient complice des forces de stagnation.
Martin Luther King

i le lecteur a compris quelque chose, jusquici, cest que

la paix ne signifie pas linactivit. La paix peut inclure le
calme ou le repos. La parole de Saint Augustin, si souvent rpte Mon cur na pas de repos, moins quil ne repose
en Toi contient une vrit profonde. Cependant, quest-ce
que le repos en Dieu? Est-ce la complaisance, la passivit?
Le don de la paix est une rponse un dsir non ralis; ce don met une fin lusure destructive du doute et

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du pch. Cest la plnitude et la gurison. Mais bien quen

tant tout ceci, la paix est aussi un appel laction et une
vie nouvelle. La prire et la mditation peuvent nous aider
latteindre, mais ceci ne suffit pas. Car la paix entrane
avec elle de nouvelles obligations, une nouvelle nergie, et
une nouvelle crativit. Comme une graine dans la terre,
elle germe silencieusement et invisiblement, puis alors, elle
dborde de vitalit, se dploie, fleurit, et finalement, fructifie.
Dans son livre Inner Land (Le pays intrieur), mon grandpre crit que la fin des temps nest pas la fin de lactivit:
Le portail de la Ville sur la Colline nest pas ferm, mais
il reste ouvert. Dans ce mme sens, nous qui avons reu
le don de la paix ne devons pas le garder pour nous seuls,
vitant dentendre le bruit autour de nous et ignorant la situation des autres qui nont pas la paix.
Il est bien bon dtre parvenu avoir la paix et la tranquillit au cours de cette vie; cependant ces personnes
ont alors souvent la tendance si humaine ignorer ce
que Jsus dsire vraiment: une fois que notre me, trop
charge, est renouvele, elle doit alors devenir une source
de force et dnergie. Si nous nous enfonons mollement
dans un silence stupfait, nous nous rendons inutile la
vie laquelle Jsus nous appelle.

Du point de vue du Bouddhisme engag, avec une importance

particulire donne la mditation et lengagement de compassion envers les autres, Thich Nhat Hanh se souvient de la
guerre au Vietnam, et du dilemme que ceci lui a pos. Le fruit
de la paix: tait-ce la contemplation, ou tait-ce laction?
Tant de nos villages taient bombards. Il fallait que nous
nous dcidions quoi faire, moi et mes frres et surs.
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Devrions-nous continuer prier et mditer au sein de nos

monastres, ou devrions-nous plutt quitter nos salles
de mditation afin daider nos concitoyens souffrant sous
les bombardements? Aprs avoir profondment rflchi,
nous avons dcid de faire les deux daller laide des
autres, mais tout en continuant dans un esprit de mditation engage. Une fois quon voit, cest le temps dagir.
Autrement, quoi est-ce que a sert de voir?

Si nous cherchons vivre en paix avec nos semblables, certaines responsabilits inluctables nous incombent, et nous
devons nous en emparer comme Thich Nhat Hanh et ses
moines lont fait. Nous ne pouvons pas choisir de vivre en
harmonie avec Dieu seulement, ni seulement avec nousmmes, lexclusion des autres.
Aprs que ma mre sest jointe au Bruderhof au dbut de
la vingtaine, elle lutta pendant des mois, afin de discerner
ce que signifiait vraiment la paix. Elle dsirait se dvouer
entirement Dieu, cependant, en mme temps, une question que sa famille et ses amies lui avait pose la troublait:
Comment pourrait-elle uvrer pour la paix du monde si elle
ny tait plus?
Dans une lettre sa mre, elle admit quelle navait pas de
rponse infaillible, mais quelle tait tout fait sre dune
chose: afin de vivre pour la paix, elle tait oblige quitter
la discorde de la vie bourgeoise, et prendre une autre ligne
de conduite. Ceci ne voulait pas dire, ncessairement, une
vie dinactivit pieuse:
Notre communaut ne recherche pas la paix dune vie
dermite; elle ne rejette pas, non plus, le monde et ses
habitants, de faon pouvoir tranquillement poursuivre ses
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propres desseins. Non! Nous nous intressons activement

aux vnements courants, nationaux et internationaux, de
faon tre conduits ensemble vers laction et prendre
une position nette... Nous navons pas peur dexprimer nos
convictions, franchement et avec force, et de les mettre en
pratique la vue de tous. Voil ce qui compte. Il ne sagit
pas de nous entourer des murs dun monastre pour suivre
en paix le chemin que nous avons choisi.

La paix et la tranquillit taient exactement loppos

de ce que ma mre recherchait et cest le cas pour bien des
gens qui ont rejet la course folle et futile de la bourgeoisie.
La qute de paix est suscite par un dsir de trouver une vie
qui est plus profonde et panouie, pas une vie plus vide. Les
vtrans et hommes daffaires, les femmes au foyer et les
prtres, ceux qui abandonnent lcole et les professionnels
de lducation: tous mont dit que la paix nest pas quune
question de dire non la violence, la convoitise, la cupidit
ou lhypocrisie. Cela signifie dire oui quelque chose qui
remplace tout cela.
Dans un chapitre antrieur, jai parl de John Winter, qui
avait travaill dans un laboratoire, mais avait quitt son emploi quand il dcouvrit que sa compagnie tait implique
dans des essais de munitions. Il dit:
Jtais contre la violence, je recherchais la paix, mais jai
bientt compris que la paix est bien plus que labsence
de guerre. Jtais fatigu de toujours expliquer que je ne
pouvais pas mengager dans larme. Que devrais-je faire?
Je cherchais une alternative la guerre, pas seulement
la fin de la guerre. Je voulais me mettre sur une voie
diffrente. Je voulais vivre pour un objectif positif, pas
seulement lutter contre le statu quo.
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Gertrud Dalgas, matresse dcole qui se joignit mes grands

parents et leur petite communaut en 1921, peu de mois
aprs la fondation de la communaut, tait du mme avis.
A cette poque, elle crivit cet article, dans un magazine:
Notre vision est de raliser un royaume de paix et de nonviolence, un royaume de libert, qui a son fond en Dieu.
La critique et la rejection des conditions actuelles exigent
de nous une contre-mesure positive, un exemple. Prcisment parce que nous critiquons le capitalisme, la haine
entre les classes, le meurtre, la guerre, et lhypocrisie dans
la socit, nous nous sentons obligs doser vivre dune
faon totalement diffrente. Nous ne sommes que peu de
gens, provenant des classes et professions varies. Cependant, nous ne refusons pas simplement de porter des
armes ou de rejeter les valeurs de la socit comme telles,
dune faon ngative. Nous rigeons la communaut,
en opposition aux exigences de lEtat, de lEglise, de la
proprit prive, et tout privilge conomique ou social.

Ni Gertrud, ni John, ni personne de ceux que jai cits, ne

voudraient prtendre que la rponse aux problmes dans
le monde soit la communaut en elle-mme, surtout pas le
Bruderhof. Mais ils seraient certainement de lavis que si la
paix signifie laction et lengagement, cela exige un combat.
Ainsi pense Dick Thomson, diplm de luniversit de Cornell, que je connais depuis quarante ans. Il crit:
En tant que jeune homme g de vingt ans, je savais bien
que la paix serait difficile trouver dans ce monde. Jai
grandi pendant la Seconde guerre mondiale; les journaux taient pleins des dernires nouvelles de guerre et
de propagande, culminant avec lexplosion de la bombe
atomique sur le Japon. Je me souviens bien de la lutte
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entre le syndicat de mineurs de John L. Lewis et les grands

dirigeants. Ma mre a vot en faveur des Dmocrates,
tandis que mon pre a vot en faveur des Rpublicains,
mais ni lun ni lautre ne parlait de Dieu. Je ntais pas
attir par la religion, qui ne moffrait pas, en tout cas, de
lesprance.
Si javais un dieu, ctait la science et le cerveau humain,
et jai t encourag penser que le mien tait bien veill.
Cependant, combien peu tais-je conscient du manque
de paix dans le monde ou en moi, dailleurs nayant
jamais souffert de la guerre, la misre, loppression, la
maladie srieuse, ou quelque autre dfi moral qui soit, que
je narriverais pas matriser. Cependant, en vieillissant
jai t poursuivi par un sens de culpabilit face aux vices
que je ne pouvais pas surmonter, et par un sentiment de
discorde intrieure qui est devenu dautant plus intense
que jessayais de le rsoudre.
Jsus nous dit: Je vous laisse la paix, je vous donne
ma paix. Je ne vous la donne pas comme le monde donne
(Jean 14.27). Il ajoute pourtant: Ne croyez pas que je
sois venu apporter la paix sur la terre! Je ne suis pas venu
apporter la paix, mais lpe (Matthieu 10.34).
Au Bruderhof jai rencontr des gens ordinaires qui
taient convaincus quils staient engags dans la bataille
principale qui mne la paix et la joie. Ils savaient pour
quoi (et pour qui) ils combattaient. Ils taient prts
confronter nimporte quelle souffrance ou misre par
amour pour leur Seigneur.
Voil une paix qui ma frapp droit au cur: non pas
une paix qui vient en se retranchant dans le silence ou la
passivit mortelle. Cest justement le contraire: cest la
paix du pardon et dun nouveau dpart, la paix du courage, et dune opposition franche au mal sous quelque
forme qui soit, accompagne de lamour du prochain.
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Lorsque je demandais do venaient cette paix et cette

joie, que je navais jamais connues auparavant, on ma
dit: de Jsus Christ. Sans lavoir vu moi-mme, je ne
laurais pas cru, mais ceci tait la ralit. Et cest alors
que jai ralis quenfin javais trouv la bataille laquelle
je devais consacrer ma vie.
Je sais que cette exprience nest pas unique au Bruderhof, et que le royaume de Dieu nest pas limit ceux
qui sappellent chrtiens. Lide de trouver la paix audedans du conflit se trouve dans les crits des premiers
Quakers George Fox, Isaac Pennington et beaucoup
dautres de cette priode, qui ont prouv la renaissance
de leur foi au milieu des cendres mortes dune religiosit
formelle. Cest mme l, parmi les prisonniers politiques,
ou de conscience que je connais. Ces hommes et ces
femmes parlent un langage diffrent, et mnent une vie
plus radicale que le Bruderhof, mais ils se rapprochent en
cur et en esprit de ce que jai essay de dcrire, mme
si les journaux les ont traits injustement de radicaux
insenss cause de leur position impopulaire lgard
des races et de la justice sociale. On sent que, malgr les
preuves quils ont souffertes, ils possdent la joie et la
paix. Ils sont passionns, mais non pas violents ou irrationnels. Et ils savent pourquoi ils luttent: afin de rvler
la vrit telle quils lont reconnue, et de sy tenir.
En plus, quand je suis venu au Bruderhof, jeune homme
incertain, cest cette paix mme qui ma mu; elle rayonnait de ces personnes qui savaient dans quel combat elles
taient engages, quelle guerre elles livraient.
La paix, lamour ou la joie que Dieu nous donne Lui
appartiennent toujours. Nous ne pouvons pas les prendre; elles ne nous appartiennent pas. Elles nous sont
disponibles tant que Dieu veut nous les donner. Si nous
perdons ces dons ou notre lan dans la lutte, quelle quen
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soit la raison, Dieu les tient toujours entre ses mains, et

nous pouvons toujours les retrouver.
Nous ne pouvons pas nous servir du don de la paix:
il se sert de nous! Au point o notre propre volont sen
empare, nous le perdons. Mais justement cest l notre
richesse: nous savons o le retrouver.

Lauteur Amy Carmichael se sert de limage dun champ de

bataille pour dcrire la paix. Elle dit que le soldat qui reste au
lit pendant la bataille ne possdera pas de paix, sinon celui
qui y perd sa vie. Il est fort probable que ceux qui combattent
auprs du gnral seront blesss, mais cest eux qui auront
la paix la plus grande.
On parle beaucoup de la paix; tout le monde la dsire. Personne nest contre. Mais qui est-ce qui est prt sengager
afin quelle devienne une ralit concrte? Pour chaque personne, lappel laction prend une forme diffrente. Pour
lune, lappel peut conduire un engagement dans quelque
activit, pour une autre, vivre en communaut et pour une
autre, quelque uvre compltement diffrente. Cela peut
signifier tout simplement dtre une voix de rconciliation
au lieu de travail, ou dessayer davoir plus de tolrance et
damour chez soi.
Une grande action parat plus noble quun acte mondain et
inaperu, mais elle peut aussi nous distraire des devoirs que
nous devons accomplir au moment-mme. Elle peut mener
aussi une duret de cur envers ceux qui ont le plus besoin
de nous. Jean Vanier nous avertit: Quelquefois il est plus
facile dentendre les cris lointains des pauvres et opprims que
les cris des frres et surs dans notre propre communaut. Il
ny a aucune noblesse intervenir auprs de celui qui nous
ctoie jour aprs jour, et qui nous nerve.
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O que nous soyons, et quoique nous faisions, il y aura

toujours des sacrifices faire, des engagements remplir si
nous dsirons que notre paix soit fructueuse. Car, contrairement cette fausse paix qui mlange tout et ne nous engage
rien, la paix de Dieu, comme un vent tonifiant, dblaie le
chemin de tout obstacle.
Si nous ne recherchons quune rencontre avec Jsus qui
nous difie personnellement, nous ne comprenons pas
la signification de Sa grande cause. Voil pourquoi nous
sommes exhorts rechercher dabord le royaume de
Dieu et sa justice, afin dtre dignes, non seulement de
recevoir une bndiction personnelle, mais de combattre
pour Son royaume.
Vivons donc plus intensment dans lattente du Seigneur! Si nous ne lattendons pas dans toutes les sphres
de notre vie, nous ne lattendons pas du tout. Je me demande chaque jour: ai-je assez espr, assez lutt, assez
aim? Notre esprance du royaume doit nous conduire
aux actes.
J. Heinrich Arnold

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La Justice
Le motif, cest lamour des frres, et nous sommes appels
aimer notre frre. Si la religion a tellement nglig le besoin
des pauvres et de la grande masse des ouvriers, et leur a
permis de vivre dans une destitution horrible, tout en les
rconfortant avec la promesse de la vie aprs la mort, dans
laquelle il ny aura plus de larmes, eh bien alors, cette religion est suspecte. Qui est-ce qui croirait un tel consolateur
de Job? Dun autre ct, si ceux qui se disent tre religieux
vivaient avec les pauvres, travaillaient pour amliorer leur
sort et risquaient leurs vies comme les rvolutionnaires le
font, et comme les organisateurs des syndicats lont fait dans
le pass, alors les promesses de la gloire venir, sonneraient
vraies. La Croix est suivie de la Rsurrection.
Dorothy Day

e tous les slogans quon entend aux dmonstrations et

rassemblements de notre temps, un des plus simples
et des plus forts, cest Pas de justice, pas de paix. Sil est
important de parler ou dcrire propos de la paix, alors
prier et travailler pour la paix, dune manire pratique, est
encore plus important. Mais, en fin de compte, la paix nest
vritable que si elle est suivie de la justice.

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Dans la Lettre de Jacques nous lisons: Mes frres et

surs, que sert-il quelquun de dire quil a la foi, sil na
pas les uvres? Cette foi peut-elle le sauver?Si un frre ou
une sur sont nus et manquent de nourriture,et que lun
de vous leur dise: Partez en paix, mettez-vous au chaud et
rassasiez-vous sans pourvoir leurs besoins physiques,
quoi cela sert-il? (Jacques 2.14-16). Et Christophe Blumhardt crit: Au bout du compte, notre vie spirituelle na
aucun sens si elle ne produit pas des fruits terrestres qui
sont tangibles et visibles.
De mme que lingalit sociale, loppression, lesclavage
et la guerre vont de pair avec la dissension et la division,
ainsi la paix doit aller de pair avec la justice, car la justice
prospre l o ces choses sont surmontes. Quand on pense
ltat de notre plante aujourdhui, il ny a rien de surprenant que les gens rejettent la paix et la justice comme tant
de la folie utopique. Comment est-il possible dtre en paix,
demandent-ils, quand le tourment et langoisse prdominent, et les accumulations darmements de destruction se
moquent de lide mme de la survie? Comment peut-il y
avoir de justice, quand les caprices dune poigne dhommes
puissants et riches provoquent de grands ravages dans la vie
des millions sur notre terre? Il y a 60 ans, dans un crit sur
la relation entre la proprit prive et la guerre, mon grandpre a dit: Il ny a plus de justice. La stupidit rgne.
Que dirait-il, aujourdhui?
Quelques-uns insistent que lesprit de paix est toujours
en vie, mme si, ici et l, il est dissimul sous le manteau de
lhypocrisie. Je nen suis pas si sre. A moins que la justice
et la paix que nous prchons reposent sur des actes, ce ne
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sont que des phrases vides. Nous sommes des imposteurs,

comme ceux dont Jrmie se plaint: Ils remdient superficiellement au dsastre de mon peuple: Tout va bien! Tout
va bien! disent-ils, mais rien ne va (Jrmie 6.14).
Par contre, mme si nous ne russissons pas demeurer
fidles la vision du royaume de Dieu ou de vivre selon Son
Esprit, cela ne change en rien le fait que Dieu est toujours
un Dieu de paix. Son rgne est un rgne de justice, de vrit,
et damour. Si notre foi est une imposture, ce nest pas de sa
faute, sinon la ntre. Cest vraiment dommage que la venue
du Christ ait t suiviede si prs par celle des Chrtiens.
(Annie Dillard).
La paix du royaume exige un ordre social nouveau et une
nouvelle relation entre les gens. Voil pourquoi Jsus nous
recommande daider les pauvres et les opprims, les prisonniers et les malades. Cest pourquoi Il nous dit: Heureux ceux qui procurent la paix, car ils seront appels fils
de Dieu! (Matthieu 5.9). Cest pourquoi, aussi, Il nous
commande dallez dans le monde entier afin dannoncer
la bonne nouvelle toutes personnes et de proclamer la
paix. Si quelquun rejette sa paix, Il nous dit de secouer la
poussire de nos pieds, et de nous en aller. Il faut, donc, que
nous soyons conduits vers tous ceux qui dsirent la paix.
Il y a quelques mois, je suis all aux Chiapas, au Mexique,
pour rencontrer lvque Samuel Ruiz Garca. Don Samuel,
comme on lappelle, a t propos pour le prix Nobel surtout
pour son travail chez les paysans indignes qui habitent les
villages montagneux les plus pauvres de la rgion.
Don Samuel se consacre tout simplement ce quil appelle
la double tche de paix et justice. Au cours des dernires
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annes, cette tche comprenait la dfense des Zapatistes,

mouvement populaire organis au but de procurer les droits
humains tels que la proprit foncire et laccs aux soins
mdicaux. Ce nest pas surprenant que ses activits ont
suscit beaucoup de haine, et lui ont occasionn des ennuis, surtout de la part du gouvernement rpressif local. Il a
t la cible dau moins deux attentats sur sa vie. Lors dune
conversation en dcembre 1997, Don Samuel ma dit:
La paix pour lhumanit nest pas seulement labsence de
la guerre, ou la fin de la violence. Les Romains disaient:
Si vous voulez la paix, prparez-vous vous battre.
Pour eux, les temps de paix taient des temps de prparation la guerre. Cest de mme chez nous, mais dune
faon diffrente. Pour nous, chrtiens, la paix est base
sur une nouvelle relation fondamentale entre les humains
et Dieu. Voil pourquoi Jsus Christ a dit quIl nous donne
la paix non pas comme le monde la donne. Il nous a
donn une paix diffrente.
Dans la socit moderne, cette paix doit tre conue et
construite sur la base de la justice: le royaume de Dieu,
qui est un royaume de paix, justice, vrit, et amour. Voil
pourquoi la paix est rige sur des fondations qui sont
profondment sociales et spirituelles. Voici pourquoi la
paix exige la cration dun nouvel ordre social, un nouveau rapport fraternel entre les gens ce qui ncessite
un changement dans la structure oppressive de la socit
et de lconomie.
Nous savons que la paix est un don de Dieu. Jsus
Christ a dit: Je vous laisse la paix, je vous donne ma
paix (Jean 14.27). Mais la paix est aussi une tche;
cest une uvre dvelopper. En ce sens, la prsence du
pauvre par rapport au royaume est une prsence sacre

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du Christ. Le Christ est prsent au travers du sacrement

du pauvre, parce quIl a dit, lui-mme, que la seule question, et la question finale qui nous sera pose, sera celle
de notre amour envers Jsus Christ. Jai eu faim et vous
mavez donn manger; jai eu soif et vous mavez donn
boire... Seigneur, quand tavons-nous fait ceci... Et le roi
leur rpondra: Je vous le dis en vrit, toutes les fois que
vous avez fait cela lun de ces plus petits de mes frres,
cest moi que vous lavez fait (Mathieu 25.35-40). Ce
nest pas une question de doctrine, mais de pratique. On
ne me demandera pas si jai fait des erreurs, mais on me
demandera si jai aim mon frre, ou non.
La paix provient du pauvre. Il se trouve au centre du
chemin vers la paix. Cest le pauvre qui dfinit lhistoire
de la socit humaine. Si un homme est pauvre, cest le
rsultat dun conflit social. Cest un systme qui le rend
pauvre. Si dans une socit le pauvre est le point de
rfrence du bien commun, alors notre socit fait son
devoir. Mais si, au contraire, le pauvre est rabaiss, cette
socit est oppose au royaume.

Souvent, nous faisons la sourde oreille aux personnes telles

que Don Samuel. Les prjugs et la crainte nous conduisent
rduire ces voix au silence.
Il est vrai, quil y a des individus parmi ceux qui luttent
pour la justice qui ne rpandent pas autour deux la paix au
sens chrtien. Il y en a mme qui sont partisans de la rvolution arme. Cependant, mme sil y a une diffrence entre
nos buts et moyens, nous devons reconnatre que ce sont
des voix des opprims, et quune vraie justice nexistera pas
sur la terre si elle nest pas pour eux aussi. Leur lutte se livre
dans dautres tranches que les ntres, mais il sagit dune
lutte pour les mmes liberts et droits que nous, Europens
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et Amricains blancs, considrons comme acquis, et cest

une lutte qui leur cote la vie. Aussi longtemps que nous ignorons ceci, nous navons aucun droit de dnoncer leur lutte.
Dans lEglise Primitive, les chrtiens ont nourri les affams
leurs propres frais; ils ont abrit les sans-logis, et vtu
les pauvres, se sacrifiant personnellement. Pour eux, ctait
impensable de parler de paix, sans parler de justice. Et leurs
contemporains disaient deux: Voyez comme ils saiment
les uns les autres. Aujourdhui, cest bien diffrent. Ainsi,
Pierre Maurin crit:
Aujourdhui les pauvres ne sont plus nourris, vtus, et
abrits aux prix de sacrifices personnels, mais aux frais
des contribuables. Par consquent, les paens disent des
chrtiens, Voyez comme ils refilent la responsabilit.

Christophe Blumhardt a remarqu ce mme manque de soin

parmi les pieux croyants de sa gnration, et il ne se lassait
jamais de le dnoncer. Il sest rendu compte que la racine du
problme tait une proccupation goste avec le salut personnel, ainsi quune indiffrence complte envers son prochain:
Il y en a parmi les chrtiens ceux qui se rjouissent dj,
en pensant au moment o ils seront transfigurs, et
monteront au ciel. Mais cela ne se passera pas ainsi. Il
nous incombe de reprendre une tche dans laquelle nous
serons les premiers tre jugs, non pas les premiers
recevoir un divan au paradis. Car, cest seulement ceux
qui sont vritablement les premiers les premiers se
tenir devant le Seigneur en jugement qui pourront devenir ses instruments pour la justice.

Franchement, je crois que bien des bons chrtiens seront surpris de voir qui est au paradis lorsque les anges
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rassembleront les lus, des quatre coins de la terre. Plus

je vieillis, plus je comprends lnormit de linjustice de notre
socit, et je suis dautant plus convaincu de ceci: si Jsus est
vraiment venu pour ceux qui ont faim et soif de justice,
alors les lus comprennent srement aussi les sans-logis, les
prisonniers, les parias, et ceux que nous avons oublis les
misrables de notre monde.
Nous oublions vite que les valeurs de Jsus sont directement opposes aux ntres. Sa justice renverse la justice
humaine. Il a dit que les premiers seront les derniers, et les
derniers, les premiers; que celui qui perd sa vie, sera sauv,
et que celui qui veut sauver sa vie la perdra.
Que signifie donc, perdre sa vie? Pour Jsus cela voulait
dire abandonner tout privilge, toute dfense, et suivre le
chemin le plus humble.
Avant de mourir, Jsus a dit quIl serait livr aux autorits: les pieux et lEtat. Il faudra quIl sabandonne,
sans se dfendre, leur pouvoir. Et quand ses disciples
lui demandrent: Seigneur, veux-tu que nous commandions au feu de descendre du ciel et de les exterminer?,
Jsus leur demanda: Ne savez-vous pas quel Esprit
vous appartenez? Vous avez oubli lEsprit! Vous avez
oubli votre vocation la plus haute. LEsprit vous quitte
aussitt que vous prenez la cause de la force, au lieu de
lamour, mme si vous appelez le feu du ciel et les clairs
clestes et les miracles divins.
Eberhard Arnold

Pour nous qui prtendons tre disciples du Christ, il nest

pas question de se servir de la violence ou de la force comme
moyen datteindre la justice. Cependant, cela ne nous donne

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aucunement le droit darrter les autres, de les persuader

dtre du mme avis que nous. Nous ne devons pas intervenir auprs du paysan du Tiers-monde qui a tant de mal
joindre les deux bouts, de lanarchiste urbain, le gendarme,
ou le soldat, et de leur dire: Laissez vos armes et prenez
le chemin de lamour et de la paix.
La foi nest ni donne tous, ni ce qui concerne tout le
monde lheure actuelle. Mme si ctait le cas, on ne le
verrait pas ncessairement. Daprs mon exprience, les rponses aux questions de la vie les plus importantes ne nous
sont pas prsentes dans des beaux petits paquets. Parfois
ces rponses ne nous viennent pas du tout, et nous devons
les rechercher ttons.
Dans son livre On Pilgrimage (En plerinage), Dorothy Day
rflchit sur le problme difficile du chrtien qui doit tenir en
quilibre les exigences de la justice et celles de la paix. Elle
ne nous donne aucune solution simple, mais seulement une
base solide pour cette recherche: lhumilit.
Il est certain que la libert que Dieu nous a donne est
un don terrible, et Il nous a laiss la tche de charrier
le marais du pch et de la haine, de la cruaut et du
mpris autour de nous. Cest un marais que nous avons
cr nous-mme.
Je sympathise avec linstinct de la juste colre qui conduit les gens sarmer lors dune rvolution, quand je
vois des vieillards oublis dans les hpitaux mentaux,
quand je vois des hommes endormis sur les trottoirs ou
la recherche de la nourriture dans les poubelles; et les
familles dans les taudis, sans chauffage dans ce temps si
froid, et les travailleurs migrants dans leurs bidonvilles...

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Nous ne sommes certainement pas des socialistes marxistes, et nous ne croyons pas la rvolution violente.
Cependant, nous pensons quil vaut mieux se rvolter, se
battre, comme Castro la fait avec une poigne dhommes,
que de ne rien faire... Jusqu ce que nous, en tant que
disciples du Christ, renonons la guerre comme moyen
datteindre la justice et la vrit, nous naccomplirons absolument rien en critiquant ceux qui emploient la guerre
pour changer lordre social.

En parlant lapoge du Mouvement pour les droits civils, Martin Luther King Jr. adressa le mme problme la
critique de ceux qui se tiennent dans les coulisses, parlant
de la justice, mais faisant continuellement des remarques
dsobligeantes envers tout essai dy remdier. Ces dernires
annes, jai t profondment du des modrs blancs...qui
respectent plus lordre public que la justice; qui prfrent
une paix ngative, cest dire labsence de tensions, plutt
quune paix positive: la prsence de la justice.
Dautres, surtout les jeunes afro-amricains du nord des
Etats-Unis, sentaient que King tait nettement trop prudent
et ineffectif, et ils mprisaient sa confiance dans la force nonviolente de Gandhi. King refusa dembrasser leurs mthodes
moins pacifiques duvrer en faveur des changements concrets, sans cependant condamner leur tactique catgoriquement: Si on refuse aux opprims le droit de se rvolter
paisiblement, comment pouvons-nous les condamner sils
se tournent vers la rvolution violente?
Dans le Psaume 85, nous lisons: la justice et la paix
sembrassent; la fidlit pousse de la terre, et la justice se
penche du haut du ciel. Si nous avons foi en cette promesse

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si nous croyons que ces paroles vont se raliser, non seulement

dans un avenir glorieux quelconque, mais sur cette terre alors, il nous faut tre prts tout risquer. Nous avons refuser
linjustice sous toutes ses formes: lexploitation conomique,
lingalit sociale, le prjug racial et loppression politique.
Cependant, nous devons aussi refuser toute violence, depuis
le service militaire et la rvolution arme jusqu la brutalit
de la police et labus des femmes et des enfants.
Pour nous, la justice du royaume de Dieu se fonde sur
quelque chose de bien diffrent de lquilibre des intrts ou
des droits. Elle est beaucoup plus radicale que lide humaniste de libert, galit, et fraternit; plus fondamentale que
le droit la comptition. Cest une justice ne de lamour,
qui a son origine dans lempressement de mourir pour son
prochain. A moins dtre prt perdre la vie pour les frres,
toutes les paroles propos de la paix nont aucun sens.
Certes, nous ne pouvons pas vivre sans pch. Mais la
faon dont certains parlent de linvitabilit du mal et notre esclavage mutuel de culpabilit nous conduit souvent
un consentement paresseux au statu quo. Comment
pouvons-nous prsumer de congdier la paix du monde
laquelle les prophtes ont tmoigne, llimination de
gouvernements proclame dans lApocalypse de Jean et
la victoire sur lordre social actuel par la fraternit et la
communaut? Comment viter le choix, si important,
que Jsus a expos devant nous: Dieu ou Mammon? Un
trop grand nombre dentre nous se dtourne de la clart
de Jsus et seffondre devant la situation paradoxale de
lhomme devant Dieu; nous disons oui et non, non et
oui simultanment et toutes choses. O est notre envie
irrsistible de lutter?

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On va sexclamer: Srement, vous ne comptez pas

livrer une campagne gnrale contre tout mal! Mais,
cest justement ce quil faut. Cest cette fin que Jsus est
venu au monde, et Il nous a appels et nous a envoys
afin de continuer cette lutte. Il est venu pour dtruire les
uvres du Diable. Il est la lumire parfaite, et en Lui il
ny a pas dobscurit.
Eberhard Arnold

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LEspoir
Partout o Dieu se trouve, il y a la paix. Sa prsence nous
libre de limpatience, dun esprit divis, des impulsions
hostiles; elle nous apporte lharmonie du cur, de lesprit,
et de lme. Mais Dieu est vivant, et par consquent, Il
est action tout autant quIl est paix. Et sur la fondation de
lharmonie quIl confre sur nous, Il cre une unit qui est
plus large. Cest lunit de vision et daction, de communaut, fraternit et justice universelle.
Eberhard Arnold

a paix est une puissance qui donne la vie. Elle gurit

ce qui est bless, remplit de nouveau ce qui est vide, et
libre ce qui est nou et li. La paix remplace le dsespoir
avec lesprance, la discorde avec lharmonie, la haine avec
lamour. La paix donne plnitude o il y a dsagrgation,
cohrence o il y a compromis et hypocrisie. La paix pntre
toutes les sphres de lexistence, spirituelle aussi bien que
matrielle. Si elle naccomplit pas cette transformation, elle
nest quune illusion, pas la vraie paix.
La paix vient de Dieu, mais elle encercle toute la terre. Et,
quand son pouvoir rgne, elle transforme les personnes et
les structures. Son but est cosmique, mais elle commence en

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silence, quelquefois imperceptiblement, de lintrieur. L o

rgne la paix, il y a lunit de lindividu avec son tre vritable, de lhomme avec la femme, de Dieu avec ltre humain.
Il y a lunit entre la vigne et ses rameaux; les temples sont
purifis; les corps sont guris.
Ceci ne peut prendre place ni tout seul, ni dans le vide.
Dans ce livre, nous voyons que la paix na rien voir avec la
passivit, ou la rsignation. La paix nest pas pour les faibles
ou les gocentriques, ni pour ceux qui se contentent dune
vie tranquille. La paix exige que nous vivions honntement
devant Dieu, et devant les autres, la lumire de notre propre
conscience. Elle ne nous vient pas sans le fardeau du devoir,
car elle exige des actes damour.
La paix est une poursuite implacable, soutenue seulement
par lespoir et le courage, la vision et lengagement. Ainsi,
sa recherche ne peut tre une recherche goste. Ce ne peut
tre simplement une question de trouver une clture, une
ralisation, ou, comme Aristote la exprim, de raliser son
potentiel humain. Non! Rechercher la paix, signifie rechercher lharmonie en nous-mmes, avec les autres et avec Dieu.
Cela signifie travailler envers lunit, que le Christ envisageait
en sa dernire prire: Je te demande quils soient tous un.
Comme toi, Pre, tu es en moi et comme moi je suis en toi,
quils soient un en nous pour que le monde croie que cest
toi qui mas envoy (Jean 17.21, La Bible du Semeur).
Mme lorsque nous sommes en paix avec Dieu, et que nous
prenons conscience de cette unit, la diffrence entre notre
tre mesquin et Sa majest comme notre Crateur devrait nous
dvaster. Cependant nous ne devons pas nous laisser dfaire
par cette prise de conscience. Kierkegaard crit:
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Il nous faut nous dbarrasser de notre anxit et ne plus

vivre labri de toute responsabilit devant la vrit... Il
nous faut entrer dans la plnitude de la vie, o tout ce
que nous faisons est en rapport avec lternel.

Aussi grandiose que ceci paraisse, cest en ralit trs simple. Quand nos yeux sont fixs sur ce qui est ternel, nous
serons motivs par lamour amour de notre voisin, poux
ou pouse, notre ennemi, notre ami et nous essayerons de
vivre en harmonie avec tous et avec tout ce qui existe, car
celui qui naime pas son frre quil voit, comment peut-il
aimer Dieu quil ne voit pas? (1 Jean 4.20). Si nous ne
sommes pas en paix, il est probable que cest parce que nous
avons oubli de nous aimer les uns les autres. Et, il ny a
aucune excuse pour cela. Je suis certain que personne nest
si peu dou, quil ne puisse aimer. Thrse de Lisieux crit:
Cest lamour qui ma donn la clef de ma vocation. Je me
suis dit que si lEglise tait un corps constitu par tous
ses membres, elle ne peut ltre sans le membre le plus
essentiel, le plus important de tous. Jai pris conscience
de ce que lamour comprend tout, toute vocation, toutes
choses, et ainsi, puisque lamour est ternel, il embrasse
tous les temps, et tous les lieux.
Transporte de joie extatique, je me suis crie: Enfin
jai trouv ma vocation. Ma vocation, cest lamour! Jai
trouv ma place. Je vais tre, moi-mme, lamour. Ainsi
je serai tout et ainsi mes dsirs seront exaucs. Pourquoi est-ce que je parle de joie extatique? Ce nest pas
lexpression quil faut. Au lieu de cela, je dois parler de la
paix, ce calme, cette paix tranquille que le timonier ressent
quand il voit le phare qui le guide au port. Comme ce phare
brille! Et je sais bien comment me servir de ces flammes.

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La plupart dentre nous navons pas du tout lenthousiasme

de Sainte Thrse. Au contraire, comme Christophe Blumhardt
le fait remarquer, la paix et lunit manquent dans nos vies:
Nous sommes pris dans lengrenage de commrage et
mensonges, de haine et envie, tout plein de poison... Nous
luttons lun contre lautre, et nous sommes jaloux lun de
lautre, mme au nom du Christ. Cela continue de jour en
jour, doffenses en offenses, et il ny a pas de rconciliation. Nous sommes si loin dtre vraiment un peuple
qui prend lEvangile cur, et qui suit le Sauveur dune
manire concrte!

Mais, il continue: Mais pourquoi est-ce que nos curs

ne peuvent souvrir et saffranchir, afin que nous puissions
devenir frres et surs? Pourquoi ne pas avoir cet espoir?
Rabbin Hugo Gryn, survivant de lHolocauste, a appris
limportance de lesprance, comme jeune garon Auschwitz, o il fut emprisonn dans la mme baraque que
son pre:
Malgr les conditions indescriptibles, beaucoup de Juifs,
y compris mon pre, ont continu autant que possible
observer leur religion. Un soir dhiver, un autre prisonnier
a fait la remarque que cela allait bientt tre la premire
nuit de hanoukka, la fte des lumires. Dans les jours
qui ont suivi, mon pre a fabriqu une petite menora
des bouts de ferraille. Comme mche, il prit des fils de
son uniforme. Au lieu dhuile, il demanda au garde de lui
donner un peu de beurre.
Ces choses taient strictement dfendues, mais nous
avions lhabitude de prendre des risques. Ce que jai protest tait le gaspillage des calories prcieuses. Ne serait-ce
pas mieux de beurrer une tartine, plutt que de les brler?
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Hugo, me dit mon pre, nous savons tous les deux

quon peut vivre longtemps sans nourriture. Mais, je
tassure que personne ne peut vivre un seul jour sans
esprance. Cette huile allumera la flamme de lesprance.
Ne laisse jamais steindre lesprance. Pas ici, ni ailleurs.
Souviens-toi de ceci.

Lhistoire du Rabbin nous montre une de ces vrits, dcouvertes par bien des personnes avant lui et aprs lui:
ultimement cest lesprance qui nous rend la vie possible
de jour en jour.
La vision apocalyptique nous donne lespoir que, malgr
des apparences du contraire, ultimement, cest le Bien qui
va prvaloir. Dans la Rvlation de Jean, nous trouvons
la justice restaure par un Dieu qui demeure parmi ceux
qui ont souffert le plus dans ce monde cruel, injuste et
violent un Dieu qui ne rugira, ni paradera comme un
dictateur suprme, mais, avec douceur, essuiera toute
larme de leurs yeux.
Kathleen Norris

Si nous avons la foi, rien ne devrait nous empcher dagir maintenant sur cette esprance. Nous pouvons suivre linstruction
de lEvangile: Garde le silence devant lEternel et espre en
lui (Psaumes 37.7). Cependant, si nous attendons vraiment
dans lesprance, notre attente sera toujours active.
Le dernier jour de lanne 1997, aux Chiapas, Mexique, des
centaines dIndiens Tzotzil ont march en procession commmorative au village dActal, o quarante-cinq de leurs
compatriotes pour la plupart des femmes et des enfants

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ont t brutalement tus neuf jours avant par lesmilices

pro-gouvernementales. Ils habitaient dans une rgion isole,
o la rpression politique entranait une disparition aprs
lautre, et ils savaient que leur marche ntait pas sans danger.
Non arms, ils taient doublement vulnrables cause de
leur position: bien que favorisant les objectifs des combattants zapatistes, ils restaient opposs lemploi de la force,
et ainsi, ils taient accuss des deux cts de manque de
loyaut. Pourtant, la procession ntait pas quun risque
calcul. Ctait un acte de rsistance, men dans un esprit
de dtermination et despoir.
Un panneau sur une croix en bois, la tte de la foule,
portait ces mots: Cest le temps de moissonner et de construire. Beaucoup de ces hommes portaient des briques
(comme symbole du fardeau de notre souffrance avait dit
lun deux), dont ils voulaient se servir pour construire un
ossuaire pour leurs morts. Plusieurs avaient lintention de
sinstaller de nouveau dans le village; bien quils savaient
devoir fuir de nouveau. Et, tout en portant une statue fle
de la Vierge Marie au nom de la paix, ils restaient fidles
la non-violence.
Qui taient ces hommes courageux, et ces femmes courageuses, qui pouvaient ainsi, regarder la mort face face?
Est-ce que leur paix provenait dune force trange, du martyre? Un signe de folie? Peut-tre se sentaient-ils simplement comme lpouse de Phil Berrigan, Elisabeth McAlister,
qui avait crit aprs le dernier emprisonnement de son mari:
La vision de Dieu plus encore, la promesse de Dieu dune
socit humanitaire et juste, est une promesse sur laquelle
nous pouvons soumettre notre vie. Aucun de nous ne peut
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tre satisfait, avant que cette promesse soit devenue une

ralit pour tout le monde, pour tous ici-bas. Et ainsi, on
risque sa vie afin que la vision dEsae saccomplisse dans
les jours venir, lorsque les gens forgeront des pioches
de leurs pes, et de leurs lances ils feront des faucilles;
ainsi, nous endurons tout, et Dieu nous soutient dans cette
endurance. Nous assistons aujourdhui ni plus, ni moins
la ralisation de la vision de Dieu.

Dans un passage de son livre Les frres Karamazov, Fdor

Dostoevski raconte, avec la mme esprance et foi, la conversation entre Pre Zossima (quand il est encore un jeune
homme) et un tranger mystrieux:
Le ciel, nous dit ltranger, est cach en nous tous le
voici maintenant dissimul en moi, et si je le veux, il me
sera rvl demain, et pour toujours.
Je lai regard. Il parlait avec beaucoup dmotion, et
me fixait dun air mystrieux, comme sil me questionnait.
Vous aviez entirement raison de penser que nous
sommes responsables devant toute personne en toutes
choses, hormis nos propres pchs, et cest admirable
que vous avez pu aussitt le comprendre, avec toute sa
signification. Et, en vrit, aussitt que les hommes auront
compris cela, le royaume des cieux ne sera plus pour eux
un rve, mais une ralit vivante.
Et quand ceci se passera-t-il? me suis-je cri,
amrement. Est-ce quil se ralisera un jour? Nest-ce
pas simplement un rve?
Comment donc? Vous ny croyez pas, dit-il. Vous
le prchez, et vous ne le croyez pas vous-mme? Croyezmoi, ce rve, comme vous lappelez, se ralisera, sans
aucun doute; il se ralisera, mais pas maintenant, car
chaque procd a sa propre loi. Cest un procd spirituel
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et psychologique. Pour transformer le monde, pour le

recrer nouveau, les hommes doivent prendre psychologiquement un autre sentier. Jusqu ce quon devienne rellement, en ralit, le frre de tous, la fraternit
naura pas lieu. Aucun enseignement scientifique, aucun
intrt commun, ne nous enseignera partager nos privilges et biens, en considration du besoin de chacun. On
pensera toujours que sa propre part est trop mesquine,
et il y aura toujours de lenvie, des plaintes, et de la jalousie. Vous demandez, quand cela se passera. En effet,
cela viendra, mais il nous faut dabord passer par cette
priode disolation.
Que voulez-vous dire, par lisolation? lui demandai-je.
Eh bien, lisolation qui se trouve partout, surtout
dans notre poque, nest pas entirement dveloppe
et na pas encore atteint ses limites. Car chacun dsire
accomplir le plus dans sa vie pour lui-mme, et oublie
que la plus grande scurit se trouve dans la solidarit
sociale, plutt quen leffort individuel isol. Mais cet individualisme terrible prendra fin, invitablement, et tout
coup, tous comprendront comme ils se sont spars
les uns des autres en allant contre la nature humaine. Ce
sera lesprit de lpoque, et les gens stonneront quils
aient pu rester aussi longtemps dans lobscurit, sans
percevoir la lumire. Et, alors, le signe du Fils de lHomme
sera vu dans les cieux.
Mais jusque-l, il nous faut continuer brandir la
bannire. Parfois, mme si lhomme doit le faire seul, et
sa conduite semble insense, il faut quil donne lexemple,
et ainsi, attirer les mes des gens hors de leur solitude, et
les pousser agir fraternellement, avec amour, afin que
lide sublime ne meure pas.

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A propos de lauteur

ohann Christoph Arnold a servi la communaut du Bruderhof comme pasteur principal depuis 1983. Avant cela,
il tait ministre et adjoint lancien du Bruderhof. Il a voyag
beaucoup dans le monde, au service du Bruderhof, et il a
rencontr des leaders religieux, tels que le Pape Jean Paul II,
le Cardinal Ratzinger, Mre Thrse, lvque Samuel Ruiz,
et Thich Nhat Hanh.
Christoph est lauteur de plusieurs livres bestseller, dont
Pourquoi pardonner?, Le dfi de la puret, et Lenfance au bord du
gouffre. Bien qu premire vue sa faon dcrire ne paraisse
pas diffrente des autres auteurs religieux, elle naffichepas
les caractristiqueshabituelles. Ceci vient probablement du
fait que le message de ses livres provient de vrits vcues
depuis des gnrations au Bruderhof, mouvement communautaire bas sur lenseignement du Christ dans le Sermon
sur la Montagne, et sur la pratique des Premiers Chrtiens
Jrusalem. Au fond, ce sont plus que de simples livres, car
ils sont lexpression de la vie et de la foi dune Eglise entire.
Christoph et sa femme, Verena, ont huit enfants et plus de
trois douzaines de petits-enfants. Au travers des annes, ils
ont conseill des centaines de couples maris, de clibataires,

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dadolescents, et de prisonniers. Ils ont aussi pourvu aux

soins pastoraux des malades, dans leur phase terminale, et
leurs familles.

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Le Bruderhof

algr tout le mal qui existe dans notre socit, nous

tenons tmoigner du fait que lEsprit de Dieu est
luvre dans le monde aujourdhui. Dieu nous appelle encore
quitter les systmes qui gnrent linjustice, la violence, la
peur et lisolement, et suivre la nouvelle voie de la paix,
de lamour et de la fraternit. Dieu nous appelle vivre en
communaut. Dans ce sens, nous les frres et surs de
nos communauts dites Bruderhof dsirons vous communiquer quelque chose de notre rponse cet appel.
Notre vie en communaut est base sur les enseignements
du Christ dans le Sermon sur la Montagne et dans tout le
Nouveau Testament, notamment les enseignements concernant lamour fraternel, lamour envers les ennemis, le service
mutuel, la non-violence et le refus de porter les armes, la
puret sexuelle et la fidlit dans le mariage.
Nous navons pas de proprit prive; nous partageons
tous nos biens comme les premiers chrtiens, comme le
dcrit le livre des Actes des Aptres, chapitres 2 et 4. Chaque
membre consacre ses talents et tous ses efforts aux besoins
de la communaut. Largent et les possessions sont mis volontairement en commun, et en change, chaque membre

reoit ce dont il a besoin. Nous nous rassemblons tous les

jours pour les repas, les runions, le chant, la prire et pour
prendre des dcisions.
En 1920, Eberhard Arnold, thologien bien connu, confrencier et crivain, quitta labondance, la scurit et une carrire
professionnelle importante Berlin, et vint sinstaller avec sa
femme et ses enfants Sannerz, petit village en Allemagne,
o ils fondrent une petite communaut, appele le Bruderhof (foyer des frres), base sur la vie de lEglise primitive.
Malgr les perscutions des nazis, la communaut survcut. Elle fut expulse dAllemagne en 1937 et le mouvement
stablit en Angleterre. Cependant, lors de la Seconde Guerre
mondiale, une deuxime migration fut ncessaire, cette foisci en Amrique du Sud. Pendant vingt ans, la communaut
survcut dans les rgions lointaines du Paraguay, le seul
pays prt recevoir ce groupe multinational. En 1954, une
nouvelle branche du mouvement fut fonde aux Etats-Unis.
En 1961, les communauts au Paraguay furent fermes
et tous les membres partirent pour lEurope et les EtatsUnis. Actuellement, il y a des dizaines de communauts aux
Etats-Unis, en Europe et dans dautres pays. Notre nombre
est insignifiant, mais nous savons que notre tche est dune
importance primordiale: suivre les enseignements de Jsus
dans une socit qui sest tourne contre Lui.
La mission a toujours t un point essentiel de notre activit,
non pas dans le sens dessayer de sauver les mes, ou
de gagner des membres pour notre mouvement, mais pour

tmoigner de la puissance du message de lEvangile dont le

but est une vie de paix, damour et dunit.
Notre porte est ouverte toute personne qui veut chercher
la voie de Jsus avec nous. Bien quon puisse penser que
nous vivons une utopie, ce nest pas le cas. Nous ne sommes
pas des saints et nous avons les mmes problmes que tout
le monde. Ce que nous avons que le monde na pas, cest un
engagement pour la vie et la promesse de lutter pour lme
de chaque frre et sur et de nous sacrifier jusqu la mort
si ncessaire.

The Plough Publishing House

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