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Introduction :
La question de l'euthanasie est sans doute l'une des plus complexes
qui soit, faisant intervenir le domaine du priv, ainsi que des problmes la fois thiques et humains. En eet, !usqu' au!ourd'hui, aucune loi concrte sur celle"ci n'a t vote.
#e su!et nous amne nous demander : "Dans quelles mesures l'euthanasie peut-elle tre accepte dans notre socit ?" I - Qu'est-ce que l'euthanasie ? a) Histoire et dfnition
Le mot $euthanasie$ vient du %rec $eu$ &bonne' et $thanatos$ &mort', qui si%ni(e donc $bonne mort$ ou $mort sans sourance$. Il dsi%ne l'acte de provoquer le dcs d'un individu atteint d'une maladie incurable qui lui in)i%e des sourances morales et*ou ph+siques devenues intolrables. ,ans la -rce antique, la conception dominante tait qu'une mauvaise vie n'est pas di%ne d'.tre vcue, c'est pourquoi cette pratique pouvait, en %nral, ne pas choquer. #ependant certains, tel qu'/ippocrate, le pre de la mdecine, avaient une conception autre des choses. En eet, dans son clbre Serment d'Hippocrate, il est interdit aux mdecins toutes les formes d'aide au suicide. En 0rance, ce serment a t ractualis en 1223 par le professeur 4ernard /oerni pour tenir compte des volutions techniques, notamment en ce qui concerne le concept d'acharnement thrapeutique : 5 Je ferai tout pour soulager les soufrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort dlibrment. 6 Le terme $euthanasie$ appara7t pour la premire fois en 1389 lorsque 0rancis 4acon, philosophe an%lais crit : "l'ofce du mdecin n'est pas seulement de rtablir la sant, mais aussi d'adoucir les douleurs et soufrances attaces au! maladies" et cela non pas seulement en tant que cet adoucissement de la douleur, mais a#n de procurer au malade, lorsqu'il n'$ a plus d'esprance, une mort douce et paisible, car ce n'est pas la moindre partie du boneur que cette eutanasie...". ,urant la seconde %uerre mondiale, le terme d'euthanasie tait utilis pour dsi%ner le pro%ramme $:;tion <=$ tablit par les na>is, qui consistait liminer toutes les personnes !u%es $indi%nes vivre$. Ils utilisrent le %a> >+;lon 4, qui servit par la suite l'extermination des !uifs et des tsi%anes. Le documentaire $La ?ie est un combat$ %&lles 'eben ist (ampf, )*+,- rappelle que $dans la nature, tout ce qui n'est pas apte vivre est extermin sans piti$. @usqu'au AIAme sicle, ce mot recouvrait ce qu'on entend au!ourd'hui par $soins palliatifs$. #ependant, au!ourd'hui, le sens du mot a chan%. Bn distin%ue les soins palliatifs &qui consiste soula%er les douleurs ph+siques, mais aussi de prendre en compte la sourance ps+cholo%ique et sociale' de l'euthanasie &qui consiste mettre (n une vie'. :u!ourd'hui, le terme $euthanasie$ est s+non+me de $)ou moral$. Bn a donc cherch le remplacer par l'expression $mourir dans la di%nit$. Cais qu'entend"t"on par cette expression D Est"ce recevoir les soins de (n de vie ncessaires, un soutien ps+cholo%ique, ou alors c'est choisir le moment de sa mort D L'ambi%uEt de cette expression sert aux partisans de l'euthanasie pour des sonda%es en vue d'une loi en faveur de celle"ci. L'euthanasie est revenue au centre du dbat social depuis le AIAe sicle, partir du moment oF les pro%rs de la mdecine et du prolon%ement de la vie ont volus. #ela a pouss l'Gtat, la profession mdicale et les philosophes dbattre du su!et de la qualit de la vie.
b) Difrentes formes d'euthanasie
L'euthanasie peut .tre conduite de direntes manires, selon les mo+ens emplo+s, et le t+pe de consentement. H Passivement, elle consiste laisser mourir sans soins ma!eurs un malade incurable. Le mdecin dcide, soit d'arr.ter un traitement existant, soit de ne pas en commencer un nouveau. #'est une pratique courante dans beaucoup d'hIpitaux. L'expression $euthanasie passive$ est parfois utilise pour dsi%ner les soins palliatifs. #ontrairement l'euthanasie active, on pourrait la quali(er de $mort naturelle$. Bn distin%ue de l'euthanasie passive le sommeil provoqu &appel aussi cdation' Il peut .tre ponctuel ou continu. Il est propos dans les soins palliatifs par exemple, pour soula%er une douleur ai%uJ.
H Activement, l'euthanasie consiste volontairement provoquer la mort de malades incurables pour faire cesser leurs sourances, en lui in!ectant, par exemple, une quantit importante de morphine ou d'anal%siques !usqu'au seuil fatal. Bn distin%ue une autre forme particulire d'euthanasie : le $suicide assist$. La dirence entre les deux actes consiste dans le fait que l'euthanasie est accomplie par une personne autre que le malade, %nralement un mdecin, tandis que le suicide assist est un acte par lequel la personne malade se donne elle"m.me la mort, avec l'aide d'un tiers, qui met disposition du malade une substance mortelle, que ce dernier s'administre lui"m.me.
L'euthanasie peut .tre pratique avec le consentement du patient : c'est l'euthanasie volontaire, ou sans consentement. Bn parle alors d'euthanasie involontaire, ou clandestine &appele p!orativement $mort vole$'. La dcision peut .tre prise par la famille qui ne supporte plus voir un .tre cher dans un tel tat, ou elle peut .tre le fruit d'une dcision individuelle d'un mdecin, pour librer un lit par exemple. Cadame Kouters, in(rmire dnonce ces pratiques clandestines. Elle a assist la mort de patients qui n'avaient rien demand et qui au contraire lui avait exprim leurs souhaits de vivre.
II - Qu'en dit la loi ? a) En France En 0rance, l'euthanasie fait partie de ces su!ets de socit extr.mement sensibles sur lesquels il est diLcile de trancher. 0aut"il orir un cadre !uridique qui permette aux mdecins de rpondre la demande de ceux qui veulent abr%er leurs sourances ou faut"il continuer poser un interdit sur cette aide donner la mort D Melon le droit franNais, la mort donne un patient, est considre comme un homicide, quels que soient son tat et sa volont. ,e m.me, ne pas traiter un patient est assimil un acte de non"assistance personne en dan%er. #e sont des crimes punissables d'une peine allant de O8 ans de prison, la rclusion perptuit, ainsi que l'interdiction au mdecin d'exercer sa profession. L'article OP alina Q du code de dontolo%ie mdical franNais interdit au mdecin de provoquer dlibrment la mort du malade : $le mdecin doit accompa%ner le mourant !usqu' ses derniers moments, assurer par des soins et mesures appropris la qualit d'une vie qui prend (n, sauve%arder la vie du malade et rconforter son entoura%e. Il n'a pas le droit de provoquer dlibrment la mort$. .ne volution de la loi / H En Q88O, @ean Leonetti, mdecin et dput des :lpes"Caritimes, est char% par le prsident @acques #hirac d'une $mission parlementaire sur l'accompa%nement de (n de vie$. Le 1Q avril Q889, le Mnat adopte son texte de proposition de loi. #ette loi, relative aux droits des malades et la (n de vie, interdit principalement l'euthanasie active et l'acharnement thrapeutique &traitements lourds et diLciles supporter alors que le patient n'a plus aucune chance de s'en sortir', prIne le recours aux soins palliatifs et donne le droit au patient de refuser un traitement et pour les mdecins de $laisser mourir$. #ette dcision doit .tre prise par plusieurs mdecins, en concertation avec le patient ou sa famille. #ette loi contient aussi une nouveaut, qui permet toute personne ma!eure de rdi%er des directives sur les traitements qu'on lui feraient s'il en venait .tre en tat d'inconscience. H ,iscute le Q9 !anvier Q811 en sance publique au Mnat, la proposition de loi visant l%aliser l'euthanasie en 0rance a t re!ete. 0aut1il lgaliser l'eutanasie / L'association $faut qu'on s'active$, reprsente par Carie /umbert, propose de faire voter une nouvelle loi. Elle demande la dpnalisation totale de l'euthanasie en 0rance, comme c'est le cas dans d'autres pa+s comme les Ra+s"4as, la 4el%ique et le Luxembour%. Sne ptition circule, elle a recueilli des centaines de milliers de si%natures. ,e nombreux sonda%es ont t raliss, souvent la demande de l':,C, &:ssociation pour le droit de mourir dans la di%nit', pour recueillir l'avis des 0ranNais sur l'euthanasie et sa l%alisation. Leurs rsultats sont sans appel, allant parfois !usqu' plus de P8T d'opinions favorables. En raction, les opposants cette l%alisation ont command leur propre tude : 38 T des 0ranNais prfrent le dveloppement des soins palliatifs l'euthanasie. :lors que le Rrsident, Uicolas Mar;o>+ s'est dclar dfavorable l'ouverture d'un nouveau dbat sur l'euthanasie, le #omit consultatif national d'thique se dclarait, dans son avis de Q888, favorable une discussion publique sereine sur le problme de l'accompa%nement des (ns de vie, comprenant notamment la question de l'euthanasie. b) Les Pays-Bas : un pays o l'euthanasie est lgalise cliquez sur l'image pour l'agrandir Les Ra+s"4as ont t les premiers, en Europe, avoir l%alis l'euthanasie, avec une loi adopte en Q881. En Q883, prs de Q888 cas d'euthanasie ont t pratiqus, un chire en hausse chaque anne. Sn patient qui demande l'euthanasie doit .tre ma!eur, conscient, formuler sa demande de faNon volontaire, r)chie et rpte, et .tre libre de toute contrainte. Il doit se trouver $dans une situation mdicale sans issue et faire tat d'une sourance ph+sique ou ps+chique constante et insupportable qui ne peut .tre apaise et qui rsulte d'une aection accidentelle ou patholo%ique %rave et incurable$. 'e bilan / H ,'aprs les rapports des commissions r%ionales de suivi de l'euthanasie, le nombre de cas oLciels a fortement pro%ress depuis l'entre en vi%ueur de la loi : 1 P88 cas en Q88O, Q OO1 en Q88P, Q 3O3 cas en Q882. H En !uillet Q882, le #omit des ,roits de l'homme de l'BUS s'est inquit du nombre lev de cas d'euthanasies et de suicides assists. Il a demand aux Ra+s 4as de rviser la l%islation pour se mettre en conformit avec les dispositions du 2acte international relatif au! droits civils et politiques de 1233. H ,ans Q8 T des cas, l'euthanasie n'est pas dclare, cause d'un processus bureaucratique trop lourd %les mdecins doivent dposer un dossier argument aupr3s d'une commission rgionale, qui le soumet ensuite 4 l'avis d'un autre mdecin indpendant-. H Muite la l%alisation de l'euthanasie aux Ra+s 4as, 38 888 personnes ont adhr la 5utc 2atient association. #'est une association protestante qui recueille les demandes d'informations de %ens qui veulent savoir si tel ou tel hIpital est $sVr$. Ils distribuent aussi des $passeports pour la vie$ que les patients portent sur eux et qui tmoi%nent leur volont, en cas d'ur%ence mdicale, de ne pas .tre euthanasis sans leur consentement. 'es perspectives de la loi Le ministre de la Mant l'ori%ine de cette loi souhaite encore lar%ir les cas pris en compte par la loi : les nouveau"ns sourant de malformations %raves, les maladies ps+chiatriques insupportables, ainsi que les malades atteints d':l>heimer. III - Des avis trs controverss sur la question a) Le point de vue des professionnels Les mdecins Le professeur -lorion raconte que lorsqu'il tait interne en chirur%ie, le patron leur disait $ce n'est pas la peine d'entrer ce malade est entrain de mourir$. :u!ourd'hui les choses ont volues. #ependant, les mdecins ne reNoivent pas de formations pour a%ir face la mort. ,urant leurs tudes de mdecine, on leur apprend uniquement soi%ner. ,'aprs @eannine <aill, que WaphaJle a intervieX, il faudrait donc, dans leur formation, insister sur l'tude des sciences humaines. #ependant, certains mdecins refusent de donner la mort, estimant que ce n'est pas leur rIle. La maladie est souvent vue comme un combat oF dans certains cas les mdecins sont perdants. #ertains patients sont donc victimes de ce que l'on appelle $acharnement thrapeutique$ %prolongement de la vie d'un malade par des mo$ens tecniques disproportionns par rapport au! bn#ces attendus-. Rar ailleurs, certains medecins avouent qu'ils auraient tendance abuser de l'euthanasie si une loi en faveur de celle"ci serait l%alise. Les soins palliatifs Les soins palliatifs ont une mission sociale. #elle d'un accompa%nement ps+cholo%ique, moral, lorsqu'un accompa%nement curatif n'est plus possible. Les soins palliatifs sont naturellement contre l'euthanasie. Ils proposent une mort $naturelle$ et soula%ent au maximum la douleur du patient. Ils apportent pour cette (n de vie le meilleur confort possible. Les soins palliatifs sont une %rande quipe compose de mdecins, d'aides soi%nantes, de ps+cholo%ues et de bnvoles. Uous avons rencontr @eannine <aill, formatrice des bnvoles d'accompa%nement de (n de vie 4ailleuil &association /ECEW:'. Elle nous a principalement expliqu la diLcult de cet accompa%nement : $ Bn fait du mieux que l'on peut avec ce que l'on a, mais on est !amais sVr de faire ce qu'il + a de mieux pour l'autre$.
Les infrmires Les in(rmires sont souvent victimes de solitude et de dsarroi. Bn sous estime la lourdeur de leur tYche. #e sont elles qui sont le plus en contact avec les malades. ,ans certains cas, leur an%oisse est perNue dans leurs re%ards par le malade. La propre an%oisse du malade devient donc impossible parta%er, le malade se replie sur lui"m.me, et (ni par sombrer dans la solitude. Elles sont les premires exposes aux demandes d'euthanasie de famille dsempares et sont parfois mal formes pour a%ir face la mort. b) L'entourage Il est trs important que la famille soit prsente auprs du malade. L'acte de prsence compte beaucoup. ,e simples %estes comme tenir la main du proche pour lui faire sentir qu'il n'est pas mort nos +eux est important. Uanmoins, beaucoup de familles ne savent pas comment a%ir face la mort d'un proche. <rop souvent, ne supportant pas de voir un proche sourir, elles demandent l'euthanasie. Il serait donc bon de dvelopper des structures d'assistance ps+cholo%ique en complment des hIpitaux pour que les proches se dchar%ent de leurs an%oisses. #ette an%oisse et ces demandes d'euthanasie exercent une pression sur les in(rmires qui, n'ont pas reNu de formation particulire sur ce su!et dlicat, sont tentes de cder aux demandes de dtresse des familles. Le dveloppement de ces soins rduirait l'euthanasie clandestine. c) Le point de vue des malades <rs souvent, les malades sont victimes $d'anon+mat$ : on parle de "standardisation du patient". #'est""dire qu'il sont exclus de toute vie sociale. Rar exemple, on les appelle par leur numro de chambre. #ertains mdecins ne les considrent plus comme des .tres humains, mais comme des ob!ets de travail. Carie de /enne>el %auteur du livre "6ous ne nous sommes pas dit au revoir"- note %alement un manque d'intimit pour les malades de la part du personnel. Rar exemple, lors d'une visite son mari %ravement malade, elle remarque plusieurs interventions d'in(rmires, qui ne prennent pas la peine de frapper la porte. Rourtant, les derniers instants de vie demandent des besoins d'intimit. Les demandes d'euthanasie peuvent venir d'un tat ps+cholo%ique %rave. Melon l'tude du professeur #hochinov &ps+chiatre', 38T des patients demandant l'euthanasie sont %ravement dprims. Melon cette m.me tude, seul un petit nombre de patients font leur demande de manire claire. ,errire une demande d'euthanasie se cache souvent un manque de sociabilit et d'amour. Les malades sont parfois mal compris ou peu entendus par leur famille. En eet, le docteur Z.<. ME?EWMBU, a remarqu que 5 les tudes cliniques aux Etats"Snis accrditent l'ide que la pense du suicide assist che> les malades en (n de vie est lie une douleur mal calme, la perte de contrIle, la dpendance, la perte de di%nit. 6 Et il rapporte quatre cas : 5 une femme de O8 ans, un homme de 98 ans, une femme marie de == ans et une autre de O3 avaient formul au dbut de l'volution le dsir d'une mort assiste, qui ne fut !amais renouvele !usqu' la (n de l'volution. L'auteur attribue ce chan%ement d'attitude, entre autres facteurs, l'attention, l'amour manifest par les proches et la prsence eLcace de l'quipe mdicale 6. CONC!"#ON $ L'euthanasie est donc un problme persistant dans lequel s'arontent direntes idolo%ies. 4ien que la l%islation sur les droits des malades et de la (n de vie ait beaucoup volue ces dernires annes, elle ne semble pas rpondre tous les besoins. La question de l'euthanasie fait ainsi r%ulirement dbat, notamment entre deux camps : le domaine mdical et le domaine social. La (n de vie est une question personnelle, qui fait souvent sur%ir les motions. Il est donc diLcile de la con(er de manire rationnelle une loi, pour des raisons thiques, et par peur de drives et de drapa%es. En eet, on remarque que dans les pa+s oF celle"ci a t l%alise, le bilan n'est pas tou!ours positif, notamment cause des abus. ,e plus, nous avons constat que, selon les mdecins, il n'+ aurait pas autant de demandes d'euthanasie de la part des patients s'ils recevaient plus de soutien et de compassion. : dfaut de l%aliser l'euthanasie active, il serait envisa%eable de dvelopper les soins palliatifs, au pro(t d'un meilleur accompa%nement en (n de vie.