An3-4 - Stilistique II - Muraret

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UNIVERSITATEA SPIRU HARET

FACULTATEA DE LIMBI I LITERATURI STRINE

Prof. univ. dr. ION MURRE

STYLISTIQUE II
PROBLMES THORIQUES DE LA STYLISTIQUE

EDITURA FUNDAIEI ROMNIA DE MINE Bucureti, 2002

Editura Fundaiei Romnia de Mine, 2002 ISBN 973-582-474-4

TABLE DES MATIRES

STYLISTIQUE ET RHTORIQUE ... STYLISTIQUE LA STYLISTIQUE EXPRESSIVE . Charles Bally ... Remarques sur les thories stylistiques de Charles Bally . La stylistique compare ou externe ... Jules Marouzeau . Marcel Cressot LA STYLISTIQUE GNTIQUE .. Leo Spitzer ... LES COLES DE LINGUISTIQUE DO SONT ISSUS LE STRUCTURALISME ET LA STYLISTIQUE STRUCTURALE ... Lcole de Prague ... Lcole de Copenhague .. Le distributionnalisme ... Le gnrativisme . LE FONCTIONNALISME ET LA STYLISTIQUE FONCTIONNELLE . La communication .. Formes et fonctions . Les embrayeurs .. Le style direct, le style indirect et le style indirect libre La mtaphore et la mtonymie ... Bernard Dupriez . LA STYLISTIQUE STRUCTURALE Pierre Barucco Lubomir Dolezel . S.K. Levin Michael Riffaterre .. Georges Molini .. Problmes concernant le style et la stylistique (le colloque Quest-ce que le style?); Paris, Presses Universitaires de France, 1994) .... Jean Molino (Universit de Lausanne) Dominique Combe (Universit dAvignon) ... Jean-Michel Adam (Universit de Lausanne) Pierre Larthomas (Universit Paris IV - Sorbonne) ... Georges Mounin et les problmes de la stylistique .. Bibliographie ..

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STYLISTIQUE ET RHTORIQUE

La stylistique est, en quelque sorte, la continuation sur dautres bases de la troisime partie de la rhtorique, llocution. Suivant Aristote (Rhtorique, I, p. 76), la rhtorique est la facult de dcouvrir spculativement ce qui, dans chaque cas, peut tre propre persuader. Il souligne que cette discipline semble tre la facult de dcouvrir spculativement sur toute donne, le persuasif . La rhtorique est un art dans le sens quelle produit des discours, des uvres littraires composes selon certaines rgles en vue de persuader les auditeurs (ou les lecteurs dune uvre littraire) de la justesse dune cause, etc.; elle est une mthode, car elle enseigne la dmarche rationnelle que doit suivre lesprit pour atteindre la vrit ou la dmontrer quand il la trouve. La rhtorique possde un champ dobservation autonome concernant les effets de langage et surtout les actes perlocutoires qui consistent dans lobtention de certains effets par la parole. Dire quelque chose provoque souvent certains effets sur les sentiments, les penses de lauditoire. Quelque sujet quil traite lorateur (et aussi lcrivain) a ncessairement trois oprations faire: 1. La premire est de trouver les choses quil doit dire (invenire quid dicas, trouver quoi dire). Cest lInvention (lat. Inventio, gr. Euresis). 2. La seconde est de les mettre dans un ordre convenable (inventa disponere, mettre en ordre ce quon a trouv). Cest la Disposition (lat. Dispositio, gr. Taxis). 3. La troisime est de les bien exprimer (ornare verbis, ajouter lornement des figures). Cest llocution (lat. Elocutio, gr. Lexis)1.

STYLISTIQUE Le terme de stylistique est attest en franais en 1872. Il remonte au mot allemand Stylistik, employ pour la premire fois la fin du XVIIIe sicle par Novalis dans Stylistik oder Rhetorik (Stylistique ou Rhtorique). Au XIXe sicle, ce terme employ au pluriel dsigne des mthodes labores en vue de complter les connaissances de grammaire des apprenants au moyen de ltude des gallicismes, des expressions spcifiques de la langue franaise, des figures de stylistique. cette poque-l, la stylistique soccupe surtout de ltude
v. Ion Murre et Maria Murre, Stylistique, llocution et les figures de style, Editura Fundaiei Romnia de Mine, 1999. 5
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de la phrasologie (= ensemble des expressions, des locutions, des constructions propres la langue franaise). Pierre Guiraud souligne quau dbut du XXe sicle naissent deux disciplines qui sous le nom de stylistique, constituent deux tudes distinctes... dune part une stylistique de lexpression, tude des rapports de la forme avec la pense et correspondant llocution des Anciens... Dautre part, une stylistique de lindividu, en fait une critique du style, tude des rapports de lexpression avec lindividu ou la collectivit... . Lune est descriptive; lautre este gntique (P. Guiraud, La stylistique, Paris, PUF, 1972, p. 36). Celui qui a jet les bases de la stylistique descriptive ou de la stylistique de lexpression a t Charles Bally. La stylistique descriptive tudie les structures et leur fonctionnement lintrieur du systme de la langue; cette espce de stylistique est une stylistique des effets et relve surtout de la smantique. La stylistique descriptive est ltude des valeurs expressives qui sont lies lexistence de variantes stylistiques, cest--dire de diffrentes formes pour exprimer un mme contenu smantique, la mme ide.

LA STYLISTIQUE EXPRESSIVE Charles Bally (1865-1947) Charles Bally a t le fondateur de la stylistique linguistique. Disciple de Ferdinand de Saussure, il lui succda en 1913, dans sa chaire de linguistique gnrale lUniversit de Genve. Charles Bally essaya dtudier toutes les ressources expressives du franais au point de vue synchronique. Il inventoria tous les moyens dont disposait le franais pour exprimer laffectivit du locuteur. Il consacra une partie de ses tudes la langue parle et tout spcialement lorsque celle-ci tait soumise aux tensions motionnelles. Il donna une premire dfinition de la stylistique dans le Prcis de stylistique2: La stylistique, dit-il, tudie les moyens dexpression dont dispose une langue, les procds gnraux employs par elle pour rendre par la parole les phnomnes du monde extrieur aussi bien que les ides, les sentiments de notre vie intrieure. Elle observe les rapports qui existent dans une langue donne entre les choses exprimer et leur expression; elle cherche dterminer les lois et les tendances que suit cette langue pour arriver lexpression de la pense sous toutes ses formes. Elle recherche enfin une mthode propre faire dcouvrir ces moyens dexpression, les dfinir, les classer et en montrer le juste emploi3.
Charles Bally, Prcis de stylistique; Esquisse dune mthode fonde sur ltude du franais moderne, Genve, Eggimann, 1905, p. 185. 3 Charles Bally, op. cit., p. 7. 6
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Dans le Trait de stylistique franaise, il formula une dfinition plus brve de la stylistique par rapport celle formule dans le Prcis. son avis, la stylistique est une discipline linguistique qui tudie les faits dexpression du langage organis au point de vue de leur contenu affectif cest--dire lexpression des faits de la sensibilit par le langage et laction des faits de langage sur la sensibilit4. On y remarque que Bally a accord une trs grande attention la fonction motive ou expressive du langage. En 1905, dans le Prcis de stylistique il fournit un premier exemple de fait stylistique afin dillustrer les fins que cette discipline se propose: Dans le vers de Racine: Moi, que jose opprimer et noircir linnocence? le grammairien sattachera, dit-il, la forme de la phrase, au mode du verbe, la nature de lellipse que suppose la conjonction que; une seule chose intressera la stylistique: la nuance dexpression inhrente ce tour de syntaxe; observant que la surprise et lindignation qui se dgagent de ce vers ne sont pas dans les mots, mais dans la forme de la phrase, dans lellipse, dans le tour interrogatif, elle reconnat une valeur expressive ces faits grammaticaux et les tudie dun tout autre point de vue que le grammairien.5 Selon Charles Bally la stylistique doit tre place ct de la grammaire, de la lexicologie, de la smantique; en outre elle ne se confond ni avec lart dcrire, ni avec la littrature, ni avec lhistoire de la langue; cependant, elle doit constamment soccuper de ces disciplines pour les empcher denvahir son domaine propre.6 linstar de Ferdinand de Saussure qui avait divis la linguistique en linguistique interne et linguistique externe, Charles Bally divisa la stylistique en stylistique interne et stylistique externe ou comparative: Ainsi il y a deux manires trs diffrentes de dgager les caractres expressifs dune langue: on peut ou bien comparer ses moyens dexpression avec ceux dune autre langue, ou bien comparer entre eux les principaux types expressifs de la mme langue, en tenant compte des milieux auxquels ils appartiennent, des circonstances o ils ont leur emploi convenable, des intentions qui les font choisir dans chaque cas, et enfin et surtout, des effets quils produisent sur la sensibilit des sujets parlants et entendants.7 Bally accorde une importance toute particulire la stylistique interne: La stylistique interne cherche fixer les rapports qui stablissent entre la parole et la pense chez le sujet parlant ou entendant: elle tudie la langue dans ses
Charles Bally, Trait de stylistique franaise, Heidelberg, Winter et Paris, Klincksieck, 1909, t. I, p. 16. 5 Ibidem, p. 8. 6 Charles Bally, Trait de stylistique, vol. I, p. IX-X. 7 Charles Bally, Le Langage et la Vie, Paris, Payot, 1926, p. 105. Dans larticle Stylistique et linguistique gnrale (n Archiv fr das Studium der neuren Sprachen und Literaturen, 128, 1912, p. 87-126) il avait distingu la stylistique interne, qui tudie la langue comme systme de faits expressifs et de ractions impressives, tels quils se montrent la rflexion intrieure ou introspection, de la stylistique externe qui dgage, par des procds essentiellement intellectuels, les caractres distinctifs dun idiome. 7
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rapports avec la vie relle, cest--dire que la pense quelle y trouve exprime est presque toujours affecte de quelque manire.8 Bally prcise que lune des tches importantes de la stylistique interne est de dcouvrir les germes du style qui se trouvent cachs dans langue parle dans les formes courantes du langage. Il avertit cependant ses lecteurs quils ne doivent pas croire que la stylistique se limite seulement lobservation de la langue de tous les jours; en ralit, elle a des vues plus gnrales: Elle embrasse tous les phnomnes linguistiques, depuis les sons jusquaux combinaisons syntaxiques les plus complexes, parce que, dit-il, tous les faits linguistiques quels quils soient peuvent manifester quelque parcelle de la vie de lesprit et quelque mouvement de la sensibilit.9 Lobjet de la stylistique est constitu par ltude dun tat de langue faisant partie du domaine de la stylistique synchronique: Le sujet qui parle spontanment sa langue maternelle a tout le temps la conscience dun tat, nullement dune volution ni dune perspective dans le temps. moins dtre un rudit, il vit dans lillusion que la langue quil parle a toujours exist telle quil la parle... Thoriquement, lexistence dun tat de langue est une abstraction, car lvolution est ininterrompue; mais pratiquement, cet tat est une ralit, justifie par la lenteur de lvolution et par linstinct des sujets parlants.10 Cette ide de ltude synchronique des phnomnes stylistiques est reprise dans larticle intitul Ltude systmatique des moyens dexpression (in Die neuren Sprachen, 19, 1911, p. 1-18): La grande innovation consistera reconnatre quil y a, en dehors de lhistoire, une science thorique de lexpression qui tudie les formes linguistiques des faits de sensibilit, et en second lieu, quun tat de langage peut tre envisag en lui-mme et pour lui-mme (abstraction faite du pass). Cette double tude viendra se placer ct de la linguistique historique, non pour la supplanter, mais pour lclairer et lui fournir de nouveaux lments dinformation.11 Charles Bally prcise quil y a dans la langue des lments affectifs et des lments intellectuels. Il entend par ces derniers les lments qui sont tudis par la grammaire. son avis, celle-ci nest que la logique applique au langage.12 Il souligne cependant quil faut se garder de sparer les lments intellectuels des lments affectifs et daccorder la priorit absolue aux premiers: Une tude du langage qui nest guide que par la logique demeure une tude incomplte: tout un domaine de lexpression linguistique reste inaccessible par les procds purement intellectuels qui ont rsum jusquici toute la science du langage.13
Ibidem, p. 110. Ibidem, p. 113. 10 Charles Bally, Trait de stylistique, d. cit., vol. I, p. 21. 11 Art. cit. supra, p. 3. 12 Charles Bally, Trait de stylistique, d. cit., vol. I, p. 155. 13 Ibidem, p. 156.
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Selon Charles Bally, il y a une relation troite entre les lments intellectuels et les lments affectifs du langage; il affirme que la stylistique sintresse dans une mme mesure aux lments intellectuels et aux lments affectifs du langage: Je nai jamais prtendu, dit-il que le langage affectif existt indpendamment du langage intellectuel, et que la stylistique tudit le premier lexclusion du second; elle les tudie tous deux dans leurs rapports rciproques et examine dans quelle proportion ils sallient pour composer tel ou tel type dexpression.14 Lun des principes directeurs emprunts par Charles Bally aux thories de Ferdinand de Saussure a t celui de la primaut du code oral sur le code crit (la prcellence du parler sur lcrit) : La stylistique ne saura mieux commencer que par la langue maternelle, et cela sous sa forme la plus spontane qui est la langue parle.15 Bally explique cette prfrence pour la langue parle par le fait que chaque locuteur porte en soi dans la langue quil emploie tout instant et qui exprime ses penses les plus intimes, les lments de linformation la plus fructueuse.16 Dans le domaine de la langue parle, on doit examiner dabord les expressions figures: Quiconque veut connatre la manire dont un peuple voit la vie doit carter la langue crite et tudier les images les plus banales du langage courant.17 Suivant Bally, la stylistique ne peut pas manifester un trop grand intrt pour le ct esthtique du message, attendu que luvre littraire ne reprsente quune parole individuelle: On stonnera de voir ngliger ici laspect esthtique du sujet, le ct style, posie, art, et lon nous pardonnera de prendre nos exemples dans les parties les plus diverses du trsor expressif3). Selon Charles Bally, la langue crite ne peut pas faire voir les vritables caractres dune langue vivante, car par son essence mme elle est en dehors des conditions de la vie relle. Cependant, il est conscient du fait que la langue crite est lorigine de la culture humaine et qu elle est la gardienne de lhritage culturel de lhumanit. Il ne sensuit pas, dit-il, que la langue crite doive rester en dehors de ltude stylistique; elle y joue mme un rle fort utile ds quelle est tudie en fonction de la langue parle.18 Bally souligne que la stylistique tudie les lments communs de la langue dun groupe social, tandis que ltude du style concerne les particularits individuelles refltes dans la parole. Il prcise que chaque locuteur possde une capacit qui lui est propre de se servir de la langue maternelle; dans certaines circonstances le sujet parlant fait subir la langue des dviations (des carts) portant sur la
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Charles Bally, Le Langage et la Vie, d. cit., p. 114. Ibidem, p. 154. 16 Ibidem, p. 131. 17 Ibidem, p. 132. 18 Ibidem, p. 132. 9

prononciation, la morpho-syntaxe, le lexique, lordre des mots, etc. Ces dviations qui sont intervenues dans lidiolecte19 doivent tre examines attentivement car elles peuvent engendrer avec le temps des modifications dans la structure de la langue du groupe; si les circonstances sont favorables, les innovations individuelles dans la langue parle peuvent tre adoptes par la collectivit. Bally souligne que lanalyse du style dun crivain est tout fait diffrente de celle de la langue parle par un locuteur; lorsquon tudie la langue dun sujet parlant on peut mesurer les carts de son expression individuelle par rapport la norme. En revanche, on ne peut mesurer dune manire scientifique les dviations de la norme faites par un crivain car celui-ci fait de la langue un emploi volontaire et conscient (bien que les anciens ouvrages de potique parlent de limportance de linspiration dans la cration littraire): Dans la cration artistique la plus spontane en apparence, il y a toujours un acte volontaire....20 En outre, quoi quon en dise, lcrivain emploie la langue dans une intention esthtique: Il (= lcrivain) veut faire de la beaut avec les mots comme le peintre en fait avec les couleurs et le musicien avec les sons.21 Il y a donc une opposition entre lintention non esthtique du locuteur qui parle librement la langue maternelle et lcrivain qui sefforce de crer une uvre o les qualits esthtiques soient prdominantes: Lintention esthtique... qui est presque toujours celle de lartiste nest presque jamais celle du sujet qui parle spontanment sa langue maternelle.22 Bally pense que ltude du style dun crivain ne relve pas de la stylistique mais de la critique, de lart de juger les uvres littraires: Le langage spontan est toujours en puissance de beaut, mais sa fonction naturelle et constante nest pas dexprimer la beaut; ds quil (= le langage) se met volontairement au service de lexpression du beau, il cesse dtre le sujet de la stylistique, il appartient la littrature et lart dcrire.23 La stylistique de Bally a des implications pragmatiques; selon ce linguiste le langage exprime des ides, mais il vhicule aussi des sentiments, il fait ressortir le ct affectif de ltre humain; cependant les impulsions, les dsirs, les tendances se manifestent dans certaines conditions spatio-temporelles, dans le cadre dune deixis. Le langage est un phnomne social et le locuteur dvoile ce quil sent et ce quil pense dans une certaine situation, en employant des moyens expressifs que lallocutaire est capable de comprendre. Comme nous lavons dj montr, Bally souligne que les lments intellectuels et les lments affectifs dordre pragmatique coexistent dans le langage o ils sont insparables. Bally fournit lexemple suivant en vue dappuyer ses assertions:
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On entend par idiolecte lensemble des usages dune langue propre un sujet parlant. Charles Bally, Trait de stylistique, d. cit., I, p. 16. 21 Ibidem, p. 19. 22 Ibidem. 23 Ibidem, p. 181. 10

Supposons, dit-il, que quelquun, rencontrant une autre personne un endroit o sa prsence ntait pas attendue, exprime son tonnement de cette rencontre: la perception de la personne, la surprise cause par cette rencontre pourraient tre nonces sous forme de jugement; lexpression de ce jugement serait peu prs celle-ci: Je suis tonn de vous rencontrer ici. Encore faut-il, pour que cette forme de pense soit exclusivement intellectuelle, que lintonation soit assez inexpressive pour ne rvler aucune trace d lment affectif ou motif... Imaginez maintenant une proportion toujours plus grande dmotion dans le fait de pense et vous obtiendrez une gradation parallle dans lexpression: Tiens! Vous tes ici? Comment ! vous ici? Vous !, jusqu ce quenfin lmotion, ne trouvant plus dexpression adquate, dans les mots sextriorise dans une exclamation pure, telle que: Oh !.24 Bally montre que la situation, les coordonnes spatio-temporelles jouent un rle important dans le dclenchement dune motion esthtique: Une forte motion esthtique, dit Bally, peut sexprimer par des mots sans chaleur; il suffit que lobjet de notre admiration soit prsent: Cette glise est trs belle est un tour parfaitement neutre: mais prononce devant la Cathdrale de Chartres cette phrase peut rendre et communiquer une forte vibration motive.25 Bally observe que la situation dans laquelle a lieu lnonciation, la ralit extralinguistique dans laquelle baigne le discours, influe sur celle-ci au fur et mesure quelle se produit; le contexte dans lequel a lieu lnonciation permet le plus souvent de sous-entendre la plus grande partie de ce quon veut faire comprendre. Il arrive mme que dans certaines circonstances, la langue, au lieu de communiquer entirement la pense, se limite attirer lattention sur tel ou tel aspect de la situation: La parole est alors, dit Bally, comme un bateau voiles qui, au lieu de voguer par ses propres moyens, sadapte une force extrieure, le vent (dans lespce: la situation) pour se porter tantt dun ct, tantt dun autre.26 Bally est un prcurseur des thoriciens qui tudieront les actes de langage; en parlant des types expressifs qui servent rendre les mouvements de la pense et des sentiments des sujets parlants, il souligne que les expressions employes sont des moyens daction; elles ont un caractre pragmatique, elles servent raliser les intentions du sujet parlant. Or, ce quil se propose en parlant cest de modifier en quelque manire la pense, la sensibilit, la volont du sujet entendant.27 Charles Bally a jet aussi les bases de la thorie des actes perlocutoires. Lacte perlocutoire consiste dans lobtention de certains effets par la parole. Dire quelque chose provoque souvent certains effets sur les sentiments, les pense de lauditoire. Lorateur peut aussi parler dans le dessein de susciter ces effets dans lme et dans lesprit de ses auditeurs. Par ces espces dactes, on persuade, on fait peur, on flatte, etc.
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Ibidem, p. 7. Charles Bally, Le Langage et la Vie, d. cit., p. 144. 26 Ibidem. 27 Ibidem, p. 146 11

Charles Bally accorde une grande importance la phonostylistique.28 Il a soulign le rle important des lments prosodiques cods en langue et surtout le rle jou par lintonation; il a prcis que cet lment suprasegmental reprsente un code qui renferme les lments dinformation affectifs, connotatifs, esthtiques par lesquels les sentiments et les motions sunissent lexpression des ides: Lintonation, dit Bally, est le commentaire perptuel de la parole et, par consquent, de la pense; elle accompagne la parole intrieure comme le langage articul; nous ne pouvons consciemment, penser sans parler, de sorte que la pense elle-mme porte une intonation.29 La mme ide est reprise par Bally dans Le Langage et la Vie (d. cit., p. 58) o il souligne que la valeur expressive dune tournure est explique par son intonation. Dans le cadre des remarques ayant trait la phonostylistique, Bally a accord une attention toute particulire laccent affectif qui se marque par un renforcement de la premire syllabe dun mot commenant par une consonne; sous limpact de laccent affectif, la premire consonne du mot sallonge et se renforce30.. Selon Bally, laccent affectif est un cas o laccent est en mme temps intonation, cest--dire quil devient expressif et a une signification. Dans la phrase Il a trouv dans les ruines dun difice romain une statue colossale de Vespasien, ladjectif colossal aura laccent tonique normal sur la dernire syllabe sonore si cet adjectif est employ dans un sens technique, comme serait le cas, par exemple, dans un rapport concernant le rsultat de certaines fouilles archologiques. Au contraire, lorsquon dit dun btiment quil possde des proportions colossales, ce mot est ncessairement frapp par laccent affectif, tant donn quici, dit Bally, colossal est un adjectif de pure intensit et que cette intensit prsente une teinte affective.31 Bally a aussi tudi linfluence exerce par lmotion, dans certaines situations sur la structure syntactique de la phrase. Il a constat que les lments motifs qui accompagnent le message tendent donner celui-ci une forme synthtique: Cest lmotion, dit-il, qui a fait de la phrase Sauve qui peut ! un tout indcomposable, une phrase un lment.32 En tudiant le contenu stylistique du message, Bally prcise que celui-ci est un supplment subjectif ajout linformation neutre dun nonc. Il montre que dans une tude stylistique, il faut procder dabord la dlimitation des faits
La phonostylistique est une partie de la phonologie qui tudie les lments phoniques ayant dans le langage humain une fonction expressive (motive) ou appellative (conative). Ainsi tous les aspects qui caractrisent le sujet parlant dans son origine sociale, son appartenance un groupe dge dtermin, son sexe, son degr de culture, sa provenance gographique. 29 Charles Bally, Trait de stylistique, d. cit., t. I, p. 94. 30 Note. Laccent affectif modifie le prmier chanon explosif (la premire consonne croissante ou le prmier groupe de consonnes croissantes). 31 Charles Bally, Le Langage et la Vie, d. cit., p. 59. 32 Ibidem, p. 125. 12
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expressifs et ensuite leur identification. Dlimiter un fait expressif cest tracer ses limites, celles qui permettent de lassimiler lunit de pense dont il est lexpression. Il sagit donc de dlimiter une unit lexicologique, cest--dire ce qui dans un contexte parl ou crit correspond une unit indcomposable de la pense.33 Lun des critres de dlimitation cest la possibilit ou limpossibilit de remplacer une locution par un mot unique que lauteur appelle terme didentification; ainsi, par exemple, lexpression prendre la fuite quivaut sensiblement au terme didentification fuir; lexpression manire dagir correspond procd; en faveur dun ami signifie pour un ami. Le problme de la dlimitation des faits expressifs est rsolu lorsquon a trouv les limites de lunit qui doit tre tudie. Le procd essentiel dans une tude stylistique demeure lidentification. La comparaison entre le fait de langage observ et le terme didentification cest-dire le terme synonyme ou lexpression quivalente fait mieux voir dans le fait observ la prsence ou labsence dlments affectifs. Selon Bally lidentification est une opration de logique linguistique; elle a pour but de faire dcouvrir un mode dexpression intellectuel, servant dterminer, par contraste, la valeur affective des faits de langage. Si lon rencontre, par exemple, dans un texte lexpression le dnouement dun drame, on doit parcourir le champ des expressions synonymes jusqu ce que lon ait trouv le terme didentification contenant le sens fondamental commun tous les synonymes et prsentant ce sens sous laspect le plus objectif, le plus intellectuel et le moins affectif. Dans ce cas, le terme didentification, synonyme du mot dnouement est le mot fin. Lidentification est le procd qui conduit le plus directement lobservation des caractres stylistiques. Bally montre comment on peut pratiquer la dlimitation et lidentification au moyen de lexemple suivant extrait de la pice dmile Augier le Gendre de Monsieur Poirier: Eh bien! cher beau-pre, comment gouvernez-vous ce petit dsespoir? tes-vous toujours furieux contre votre panier perc de gendre? Lanalyse stylistique de la seconde phrase de ce texte doit commencer par la dlimitation du fait expressif qui dans ce cas est une mtaphore in praesentia. Celui-ci est form par la lexie complexe panier perc (de). La seconde opration consiste dans lidentification du fait expressif; il faut trouver quel est le concept quivalent ou lexpression quivalente qui corresponde au fait expressif vis. Dans lexemple cit la notion quivalente, daffectivit zro, celle exprime par la locution fige panier perc, pourrait tre reprsente par le mot prodigue. On va comparer ensuite, le fait expressif panier perc avec le terme presque synonyme prodigue et on tirera la conclusion que la lexie complexe employe frappe limagination, que cette mtaphore est charge daffectivit, quelle reprsente un lment comique. Par lidentification du fait dexpression, on prcise donc la valeur du terme (ou du syntagme) analys, la suite de la comparaison de celui-ci avec le terme (ou le syntagme) qui serait usit si lon voulait abolir lexpressivit et nexprimer que la notion:
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Charles Bally, Trait de stylistique, d. cit., vol. I, p. 87. 13

Ces deux oprations (= la dlimitation et lidentification dun fait dexpression) en permettant la comparaison constante de nimporte quel fait de langage avec le terme didentification dune notion simple, conduisent naturellement faire deux sortes dobservations: 1) Le fait de langage tudi arrive tre dfini... 2) Le fait de langage peut tre dtermin dans ses caractres affectifs, cest-dire dans sa nature stylistique.34 Pour Bally le contenu affectif de tout fait de langage ne peut tre dfini que par comparaison avec le contenu intellectuel du terme didentification. Ce dernier fait partie le plus souvent du domaine des synonymes. Ainsi point de vue peut tre remplac, sans que le sens en soit gravement altr, par avis, sentiment, ide, opinion, etc. La stylistique de Bally est une vaste tude de synonymes. Dans son Trait de stylistique, ce linguiste a enseign lart dtablir des sries synonymiques. Toutefois, la conception de Bally sur les synonymes ntait pas encore assez avance vu que les mthodes employes par la linguistique gnrale cette poque-l ntaient pas encore assez dveloppes. En thorie smantique moderne, deux units ne sont synonymes que si elles ont le mme sens structural dfini au moyen dune analyse componentielle rigoureuse. Cette analyse permet de caractriser les synonymes dans la mesure o les units contiennent les mmes traits dfinitoires. Selon Bally, le style peut tre dtermin par ses caractres dominants; lensemble des faits stylistiques sont autant deffets marqus par des indices. Ces effets sont soit naturels ou directs (entre terrible et formidable, elle est extrmement jolie et elle est jolie croquer, il y a une diffrence dintensit affective), soit par vocation35, cest--dire quils expriment lappartenance un milieu o lon utilise soit la langue populaire, soit un dialecte, soit largot, soit les langues de spcialit, etc. Les effets naturels. La notion dintensit est le principe gnral de classement des faits expressifs qui engendrent des effets naturels. Les mots, les expressions, et mme certaines structures grammaticales peuvent prsenter des degrs varis dintensit affective: Si lon dit: Je ne crois absolument pas ce que vous dites, la ngation est rendue dune faon trs intensive, mais aussi trs intellectuelle; dites maintenant: Je ne crois pas le premier mot de ce que vous dites, cest un cas dexagration familire; la dose affective est dj bien plus forte.36

Ibidem, p. 139. Les effets par vocation sont veills par la conscience ou la reconnaissance du milieu o semploient typiquement les mots ou les tournures en question. 36 Charles Bally, Trait de stylistique, d. cit., I, p. 14. 14
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Lorsque lintensit affective a atteint un haut degr, on peut tre en prsence des phrases telles que: Moi, que je croie ce que vous dites? Ah! a non, par exemple! ou bien: Moi, croire cela? Allons donc!.37 Dans une srie synonymique, il y a toujours quelques termes qui sont plus intensifs que les autres. Cette intensit peut tre plus ou moins dordre affectif comme dans la srie suivante: dconcert implique que lon avait form des plans, des projets, et que, les voyant renverss on ne sait plus que faire, pour un temps du moins: dsempar suppose un abandon, labsence de protection, de ressource qui dconcerte lextrme; dmont dit plus; il emport lide dun trouble qui ne permet plus de se ressaisir; confondu marque un grand trouble de lme, accompagn dune espce de honte; constern enrichit sur confondu; il reprsente laccablement, la tristesse profonde rsultant dun grand malheur inattendu; dcontenanc suppose le plus souvent un interlocuteur; cest dtre dconcert, perdre contenance devant quelquun; dconfit ajoute lide de dconvenue celle dembarras; interdit montre limpuissance o lon est de dire un seul mot; penaud implique le dsagrment davoir t attrap; il suppose un certain ridicule; pantois est un synonyme dinterdit, lequel emporte souvent une nuance dironie; dsaronn est synonyme de dmont, etc. Un fait dexpression peut se prsenter sous une forme attnue: Si lon parle dune tche difficile, on dit la chose telle quelle est; une tche malaise ou dlicate dit moins que la premire expression.38 Lattnuation peut encore tre obtenue au moyen de diminutifs: les diminutifs ne sont quune forme restreinte de lattnuation, mais ils permettent den saisir les varits dune manire claire.39 La nuance affective engendre par le diminutif peut tre de deux sortes; ou bien elle est laudative ou bien elle est dprciative: maisonnette (= une jolie petite maison) a une nuance laudative, tandis que femmelette (= femme faible et craintive; homme mou et sans courage) possde une valeur dprciative. En analysant les aspects linguistiques de la notion de valeur, Bally montre que cette notion est lie la notion dintensit: lexagration dune qualit est conue comme un dfaut; lconomie pousse trop loin aboutit lavarice; la dpense devient prodigalit, lhabilet peut se transformer en ruse. En sarrtant sur la valeur esthtique des faits dexpression, Bally constate quelle ne pourrait devenir un facteur de classement parce que pour les locuteurs les proccupations esthtiques sont accidentelles et quelles demeurent au second plan: Le langage naturel, dit Bally, regorge dlments affectifs; mais rarement on constate une intention esthtique et littraire dans lemploi de ces expressions. Un gamin des rues emploie des mots pittoresques et faonne ses phrases dune manire imprvue et piquante: il fait du style sans le savoir1).

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Ibidem, p. 54. Ibidem, p. 63. 39 Ibidem, p. 69. 15

On rencontre chez Bally une conception trs claire concernant la relation sociale qui existe entre le locuteur et linterlocuteur au moment de lnonciation. Durant tout le processus de lnonciation, le locuteur a en vue la condition sociale de linterlocuteur, sa position dans la socit, position suprieure ou infrieure par rapport la sienne. Ces considrations engendrent leur tour des sentiments dun ordre spcial qui viennent sajouter aux sentiments individuels et exercent sur eux une influence dterminante; ce processus agit son tour sur lexpression de la pense, fait qui se manifeste par un langage qui porte une empreinte spcifique. Ce phnomne linguistique est analys par Bally dans un chapitre de son Trait de stylistique intitul Effets par vocation; ces effets sont dfinis par ce linguiste de la faon suivante: Lorsque nos impressions rsultent indirectement des formes de vie et dactivit associes dans lesprit aux faits de langage, nous parlons deffets dvocation. Les effets par vocation sont engendrs par les faits de langage produits par un groupe social dans certain milieu, dans certaines situations. Pour quun fait de langage voque un milieu, certaines conditions sont ncessaires: a) il faut quune reprsentation de ce milieu existe dans la conscience des locuteurs; b) il faut que le fait de langage ait un rapport quelconque avec les choses relatives ce milieu. Selon Bally, un simple terme de mtier, mme sil nous est imparfaitement connu dans sa signification, voque le milieu spcial ce mtier, pourvu que notre esprit associe le mot lide de cette occupation: Je ne sais pas trs bien ce que cest quune varlope, mais des lectures et des conversations mont toujours fait voir cet outil quel quil soit entre les mains dun menuisier; il nen faut pas davantage pour que ce mot ait dans mon esprit une valeur vocatrice.40 En outre, un individu se classe par le langage de son milieu, ou lude ce classement en sadaptant au langage dun autre milieu: Supposons, dit Bally, quun tranger ait entendu plusieurs reprises, le verbe bouffer pour manger; sil ne tient pas compte du milieu et des circonstances o le mot a t employ, il pourra simaginer que cest un terme usuel...; le malheureux ne songe pas que, par l, il se classe, et se classe fort mal ; ceux qui lentendront riront ses dpens...2). Selon Bally chaque terme, chaque expression fige appartient un niveau de langue. son avis, la notion deffets par vocation est lie la diffrenciation sociale en classes et en groupes sociaux. Remarques sur les thories stylistiques de Charles Bally Franois Rastier dans larticle Le problme du style pour la smantique du texte, publi dans Quest-ce que le style? Paris, PUF, 1994, p. 263 sq., souligne que Charles Bally, fondant en 1905, dans son Prcis de stylistique, la stylistique en tant que discipline faisant partie des sciences humaines a dtermin par ses thories
40

Ibidem, p. 79.

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une double rupture dans ce domaine: dune part il a voulu imposer le dtachement de ce qui est individuel dans lexpression des faits stylistiques et de lautre il a refus dadmettre la prsence de lesthtique dans ce domaine. Il dsirait ainsi isoler le style et la stylistique, afin de restreindre ses recherches ltude de lusage affectif du code oral dont lun des traits caractristiques est la spontanit. Rastier montre que Bally a essay de construire une linguistique de la parole, au sens saussurien du terme, sur les fondements de laquelle il pt tablir la stylistique. Bally sest demand plusieurs reprises si la stylistique va trouver son objet dans une langue particulire ou dans le systme dexpression dun individu isol. Rastier prcise que Charles Bally a spar le style de la stylistique parce quil croyait que lcrivain faisait de la langue un emploi volontaire et surtout quil employait la langue dans une intention esthtique. Cependant les stylisticiens contemporains nont pas admis cette position de Bally lgard de la langue des uvres littraires. La plupart de ces auteurs prennent explicitement pour objet ltude de la littrarit. La stylistique compare ou externe La stylistique compare ou externe est issue des travaux de Charles Bally et de ses continuateurs. Elle est fonde sur le confrontation des systmes expressifs de deux ou plusieurs langues. Les langues confrontes nont souvent le mme systme de reprsentation, ni les mmes ressources. La stylistique externe comprend trois plans: le premier plan contient lensemble des signes considrs en eux-mmes, cest--dire sans tenir compte des contextes o ils apparaissent dordinaire. Le deuxime plan englobe les units soumises la confrontation et qui sordonnent horizontalement, dans un processus dagencement; la valeur et la fonction des units mentionnes sont mises en relief durant lnonciation par des marques spcifiques, par des changements de forme (morphologie) et par un certain ordre dans lagencement (syntaxe). Le troisime plan est celui du message proprement dit; ce dernier a un caractre individuel car il ne relve pas de la langue, mais de la parole et ne dpend des faits de structure que dans la mesure o le choix dun systme linguistique oblige lusage de tenir compte de certains schmas. Du message font partie les clairages particuliers ou les tonalits, le choix des niveaux, les transitions ou lordonnance des charnires qui contribuent au droulement sans heurt de lnonc. Parmi les plus importants ouvrages de stylistique compare il faut mentionner la Stylistique compare du franais et le langlais, Paris, Didier, 1958, 330 p., par J. Darbelenet et J.P. Vinay, et la Stylistique compare du franais et de lallemand, Paris, Didier, 1966, 354 p., par Alfred Malblanc. Louvrage de J. Darbelenet et J.P. Vinay, la Stylistique compare du franais et le langlais est divis en trois parties: 1. Le Lexique (Plan du rel et plan de lentendement. Les valeurs smantiques. Les aspects lexicaux. Lexique et mmoire). 2. Lagencement (La transposition. Stylistique compare des espces, stylistique compare des catgories).
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3. Le message (Message et situation, les faits prosodiques, lordre des mots et la dmarche, larticulation de lnonc, la modulation dans le message, lquivalence et lallusion dans le message, ladaptation et la mtalinguistique). La stylistique compare du franais et de lallemand dAlfred Malblanc comprend trois parties. 1. Le lexique (Divergence des aires smantiques, ladjectif, le verbe, ladverbe, la prposition, les conjonctions, la composition et la drivation). 2. Lagencement (les temps personnels du verbe, la construction, les formations prdicatives et formations attributives, labstraction allemande). 3. Infrastructure et message (Vue objective, vue subjective; raison suffisante; organisation interne; variations sur quelques exemples significatifs; du verbe impersonnel; les dictiques; les auxiliaires de mode).41 Jules Marouzeau Jules Marouzeau a consacr un ouvrage et plusieurs tudes la sytilistique42. Il considre trop troite la dfinition de la stylistique donne par Charles Bally et remplace le terme daffectivit par celui de choix, de prfrence. son avis, si le mot avait un sens strictement dtermin et que son emploi ft rigoureusement fonction de ce sens, la langue serait rigide et ne se prterait pas au jeu du style qui est essentiellement fond sur le choix. Suivant Marouzeau, il faut tablir une distinction prcise entre la langue et le style. Il remarque que dans les communications scientifiques, dans les confrences portant sur la stylistique et mme dans le processus denseignement, les termes de langue et de style sont souvent confondus, car on dit: la langue dun auteur, une langue nglige, le style prtentieux, etc. comme si on pouvait employer ces deux termes sans tenir compte du fait quils ne sont pas interchangeables. Essayant de distinguer la langue du style, Marouzeau dfinit la langue comme la somme des moyens dexpression dont nous disposons pour mettre en forme lnonc43. Il souligne que le style est laspect et la qualit qui rsultent du choix fait entre ces moyens dexpression. Selon ce linguiste la langue est le catalogue des signifiants et de leurs rapports au signifi, reprsente par linventaire que fournit le dictionnaire et la systmatisation que constitue la grammaire44. En outre, la langue est un fonds commun, un rpertoire immense de possibilits, mis la
M. Cressot a plaid en faveur de la stylistique compare: Quand on aura dgag les lois qui rgissent lexpression de la pense franaise, il sera possible dtudier les analogies ou les diffrences qui la rapprochent ou la sparent de celles des langues soeurs ou dune autre famille. Ce sera la stylistique compare (Le style et ses techniques, Paris, PUF, 1974, p. 6). 42 Prcis de stylistique franaise, Paris, Masson, 1941, 5e d., 1965, Comment aborder ltude du style, le Franais moderne, 11, 1943, p. 51-56. Notre langue, Paris, 1955, p. 187-213 (chap. IX, Stylistique). 43 J. Marouzeau, Prcis de stylistique, Paris, Masson, 1950, p. 10 44 Ibidem. 18
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disposition des locuteurs qui les exploitent suivant leurs ncessits dexpression en pratiquant le choix, cest--dire le style, dans la mesure o le leur permettent les lois du langage45. Jules Marouzeau pense que le style peut tre aussi dfini comme lattitude que prend lusager crivant ou parlant, vis--vis du matriel que la langue lui fournit.46 Il cite, pour tayer son affirmation, Leo Spitzer qui avait dit que par le mot style, il entendait la mise en uvre mthodique des lments fournis par la langue. Cependant, Marouzeau attire lattention sur le fait que le choix prsente un certain nombre de limites: 1. La facult du choix est limite par la ncessit dexprimer dune faon concrte le message. La faute de langue est condamne (par exemple lemploi du vulgaire je men rappelle, au lieu du banal, je men souviens, du pndant je me le rappelle ou du potique il men souvient): Ds que lauteur ou le destinataire de lnonc ont conscience dune incorrection, ce nest plus le style, cest la langue qui est en cause.47 2. La facult de choisir est limite en outre par des raisons dordre smantique: Ds linstant que lexpression choisie ne rpond pas exactement la pense quon veut exprimer, il nest plus question ni de langue ni de style...48. Par exemple, le choix nest pas libre entre les verbes parler et palabrer: ces deux verbes nont pas le mme sens. Marouzeau fait ressortir le fait que le domaine du style est trs tendu parce que la matire qui peut se prter au choix est inpuisable: cela est d au fait que tous les lments expressifs indiffremment quelle catgorie ou structure grammaticale ils appartiennent peuvent faire lobjet du choix. Il cite ce propos Charles Bally qui avait affirm que ltude de lexpressivit affective devrait embrasser toute la langue et faire la part gale la phontique, au vocabulaire et la grammaire49. Par consquent, la stylistique doit aussi tudier les procds dexpression phonique qui, employs par le locuteur, produisent toute une gamme deffets. Le champ stylistique soumis la recherche gagne en tendue si lon tudie les phonmes en rapport avec les lexmes et les phrases dont ils font partie. Pour souligner les consquences du choix au point de vue stylistique, Marouzeau fait toute une srie de remarques concernant le lexique, la morphologie, la syntaxe et lordre des mots: a) remarques portant sur le lexique: si le locuteur choisit demployer le pronom dmonstratif a au lieu du dmonstratif ce ou cela, ce choix classe son nonc dans la catgorie reprsente par la langue familire; b) remarques concernant la morphologie: selon que les locuteurs prononcent je peux ou je puis, lauditeur pourrait tirer certaines conclusions de nature
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Ibidem. Ibidem. 47 J. Marouzeau, Notre langue, Paris, Delagrave, 1955, p. 190. 48 Ibidem. 49 Charles Bally, Le Langage et la Vie, Paris, Payot, 1926, p. 133. 19

stylistique: ici encore, dit Marouzeau, la qualit de lnonc diffre, suivant le cas, dans le sens de la familiarit ou de la destination: il y a ainsi une stylistique des formes;50 c) remarques concernant la syntaxe: la qualit du style dpend de la syntaxe; si lon emploie, par exemple, ft, imparfait du subjonctif (forme qui est correcte et savante) au lieu du prsent du subjonctif soit qui reprsente une tolrance de lusage. d) observations ayant trait lordre des mots: le tour inversif peut-tre vaudrait-il mieux est plus lgant que la construction banale, il vaudrait peut-tre mieux. Selon Marouzeau lattitude que prend lauteur de lnonc lgard de son message, de mme que sa culture, sa formation, son temprament dterminent la qualit du style; ce dernier prsente des formes multiples suivant quon emploie le code oral ou le code crit, quon sadresse un seul interlocuteur ou quon parle un auditoire: Le processus du choix est fonction aussi des facults offertes lauteur de lnonc qui sont trs variables, suivant quil est de culture moyenne, raffine, infrieure, selon quest riche ou rudimentaire ce quon peut appeler son bagage ou sa conscience linguistique. Le choix est fonction enfin des conditions dans lesquelles se trouve plac lauteur de lnonc.51 Cette notion de choix est employe par Marouzeau pour dfinir la notion de style dans son Lexique de la terminologie linguistique, Paris, Geuthner, 1950, art. style. Suivant cet auteur, le style est la qualit de lnonc rsultant dun choix que fait des lments constitutifs dune langue donne, celui qui lemploie dans une circonstance dtermine. Jules Marouzeau a labor parmi les premiers la notion de degr zro de lcriture: Lattitude de lauteur de lnonc pourrait se dfinir dune faon gnrale partir dune sorte de degr zro, en prenant comme lment de comparaison une forme de langue aussi peu caractrise que possible, propre permettre la stricte comprhension sans provoquer ni jugement de valeur, ni raction affective ... Par rapport cette sorte dtat neutre, on verrait se diversifier les aspects de lnonc suivant les intentions et les impressions du sujet nonant les circonstances et les influences auxquelles il est expos1). Suivant Marouzeau, le style peut tre mis nu si lon tudie la psychologie de lauteur car le style est, en partie, le produit de la vie affective: il sagit dune mthode danalyse interne qui conduit lexpression en partant de la pense2). Les impressions nettes et rflchies ou vagues et intuitives exprimes par linterlocuteur ou par le lecteur en ce qui concerne le message, peuvent devenir des jugements de style parce que chacune de ces impressions reprsente un jugement de qualit. Marouzeau prcise quun jugement de style ne comporte pas ncessairement un appel lesthtique3). Ce jugement comporterait lemploi dpithtes
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J. Marouzeau, Prcis de stylistique, d. cit., p. 13. J. Marouzeau, Notre langue, d. cit., p. 195.

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appartenant au genre dmonstratif dont lobjet est le blme ou les louanges: style agrable, gauche, dplaisant. Les apprciations dordre esthtique sont dautant plus difficiles faire que la stylistique ne suppose pas tabli le critre du beau. La stylistique de Marouzeau est importante par llaboration des concepts de choix et de degr zro de lcriture. Jules Marouzeau a jet les bases de lanalyse stylistique fonde sur des oppositions et des comparaisons. Selon ce linguiste, les chercheurs devraient laborer des monographies de procds stylistiques et tudier dans luvre dun crivain certains aspects du style tels que: le rle du concret et de labstrait; lintensit ou lattnuation; lemploi des artifices de construction; le rythme et le mouvement de la phrase; les emplois particuliers des parties du discours; les emprunts aux langues spcialises; les archasmes et la nologie, etc. Dans son Prcis de stylistique franaise, il fait une analyse exhaustive de tous les moyens linguistiques susceptibles de produire un cart: sons, lexique, catgories grammaticales, agencement des propositions, etc. Marcel Cressot Dans le Style et ses techniques, Paris, P.U.F., 1947; 8e d. 1974, la doctrine stylistique de Marcel Cressot est redevable en grande partie celle de Marouzeau; Cressot pense lui aussi que le principe fondamental de la stylistique cest dinterprter le choix pratiqu par lauteur; par certains endroits, ses thories se rattachent la stylistique fonctionnelle. Selon Cressot lexpression de la pense devant un interlocuteur ou dans les pages dun livre lintention dun lecteur est une communication: le sujet parlant dploie une activit mettrice, tandis que le rcepteur procde au dcodage du message. Cette communication peut tre purement intellectuelle, sans quelle contienne quelque lment affectif. Mais souvent, lmetteur introduit dans son message une intention, le dsir dimpressionner le rcepteur. Cressot montre que lmetteur exploite les signes linguistiques au point de vue qualitatif et quantitatif et les emploie dans certains types de phrases afin dinfluencer le rcepteur: dans le matriel offert par le systme gnral de la langue, dit-il, on opre un choix, non seulement daprs la conscience que nous avons nous-mmes de ce systme, mais aussi daprs la conscience que nous supposons quen a le destinataire de lnonc52. Suivant Cressot le fait stylistique a une triple nature, il est la fois linguistique, social et psychologique. La conscience linguistique du rcepteur nest pas le seul facteur dont on doit tenir compte dans le processus de communication o apparat le fait stylistique. Il faut aussi prendre en considration lexistence de la hirarchie sociale car elle oblige que lon hirarchise les modes dexpression: on ne parle pas de la mme manire un suprieur ou un gal, une personne trangre ou un intime. Le cadre de la communication, les coordonnes spatio-temporelles exigent une certaine hirarchisation des modes dexpression: un discours prononc lors dune runion acadmique ne pourrait avoir le mme contenu quun plaidoyer. En outre, le choix ou la slection que lon doit oprer dans les structures et le systme de la langue est
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M. Cressot, Le style et ses techniques, Paris, P.U.F., 1974, p. 9. 21

limit par les contraintes grammaticales: on doit observer strictement les rgles concernant la morphologie, la syntaxe, lordre des mots. Il y a des nuances stylistiques, par exemple, entre je ne peux pas, je ne puis, je ne saurais; la premire forme appartient au franais courant, la deuxime est recherche et la troisime est prcieuse. Il y a aussi des diffrences dordre stylistique entre les phrases si vous frappez, lon vous ouvrira, ou frappez et lon vous ouvrira. Dans la premire phrase, lnonc est intellectuel et objectif, tandis que dans le second tour un appel direct sajoute lventualit. Cressot veut dmontrer au moyen de ces exemples quil ny a pas de termes, pas de constructions syntaxiques, pas dordre de mots qui soient exactement quivalents53. tant donn qua la base du style se trouve le choix, le critique doit essayer dinterprter le choix fait par lauteur dans tous les compartiments de la langue. Cressot souligne que ladhsion du rcepteur au message est surtout dtermine par le fait esthtique, par le charme de la communication, par le plaisir que ressent le destinataire tandis quil procde au dcodage du message. Dans toute analyse stylistique, il faut donc avoir en vue la prsence de llment esthtique tant donn que ladhsion du rcepteur au message nest pas seulement dtermine par la solidit des arguments, mais aussi par la beaut du style. Marcel Cressot critique Charles Bally pour avoir exclu du domaine de la stylistique lexpression littraire o est contenue lintention esthtique de lcrivain. Il prcise que luvre littraire nest pas autre chose que communication et que toute lesthtique, quy fait rentrer lcrivain nest en dfinitive quun moyen de gagner plus srement ladhsion du lecteur54. Le souci de persuader le lecteur est plus systmatique dans luvre littraire par rapport la langue courante: Nous dirions mme que luvre littraire est par excellence le domaine de la stylistique prcisment parce que le choix y est plus volontaire et plus conscient.55 Cressot souligne que le but de la stylistique nest pas seulement celui dtudier les styles littraires car il y a dans le style quelque chose qui dpasse le fait dexpression56. Il croit que le style est troitement li la vie de luvre littraire depuis sa gense jusqu sa complte laboration: Qui prtendrait avoir dfini le style de Flaubert dans Salammb parce quil aurait tudi, mme fond, lutilisation du vocabulaire et des images, du matriel grammatical, de lordre des mots et de la phrase? Le style est plus que tout cela. Nous navons pas le droit den exclure toute la vie latente de luvre depuis la naissance dune vision confuse sui generis, qui peu peu, a pris forme dans la conscience de lcrivain, sest clarifie, stylise pour devenir la chose qui sera lobjet de la rdaction. Suivant Cressot luvre littraire met la disposition du stylisticien les matriaux qui seront employs pour ses analyses; ces matriaux extraits des uvres des grands auteurs sont dune qualit incontestable parce quils contiennent des faits de
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Ibidem, p. 10. Ibidem, p. 11. 55 Ibidem. 56 Ibidem. 22

style volontaires et conscients. La stylistique pourra donc offrir un tableau exact de la manire dcrire dun crivain mais son vritable but est plus vaste. son avis, la stylistique devrait dterminer les lois gnrales qui conditionnent le choix de lexpression littraire. En ce qui concerne la dmarche dune analyse stylistique, Marcel Cressot montre que les points de dpart peuvent varier mais comme ils visent tous le mme but, lunit de la mthode nest pas en cause.57 Selon Cressot, on peut tudier les moyens dexpression dun crivain, dune cole littraire, dune poque. Lcrivain, lorsquil fait son choix dans les lments offerts par la langue, est influenc dans son criture par les prfrences linguistiques de lcole littraire laquelle il appartient, par les prfrences de son poque. Cressot attire lattention sur le fait que dans la mesure o lcrivain reflte cette prfrence, cette sensibilit linguistique, il apporte sa contribution au renforcement des formules stylistiques. De mme, sa prfrence (sa sensibilit) peut jouer un rle actif et il pourra influencer ainsi son milieu littraire: On ne peut nier quil y ait eu, par exemple, un style romantique, aboutissement de formules stylistiques individuelles mais aussi gnrateur dune nouvelle sensibilit linguistique.58 Le stylisticien essayera de faire apparatre dune faon plus marquante cette prfrence, cette sensibilit; il sappliquera la dgager daprs le choix du lexique, du matriel grammatical, de lordre des mots, du mouvement et de la musicalit de la phrase. Cressot prcise quon peut commencer par analyser le fait linguistique gnrateur dune valeur stylistique; on doit ensuite tenter de dcouvrir lintention de lauteur qui est lorigine de la prsence de ce fait stylistique dans le texte et montrer en outre pourquoi lcrivain sest arrt sur ce choix. Ltude stylistique dun texte est justifie car il y a presque toujours plusieurs expressions pour exprimer la mme ide entre lesquelles on peut oprer un choix: Il est admis, dit Cressot, quen indpendante normale le sujet prcde le verbe: cest un fait dune stabilit en apparence indiscutable. Cependant, Musset crit: Taimera le vieux ptre, et Bossuet: Restait cette redoutable infanterie dEspagne.59 Ces deux phrases reprsentent des figures de style, des hyperbates. Cependant Cressot souligne que les inversions ont t plus frquentes durant la priode du moyen franais sans quelles fussent perues comme figures de style; il y a eu ensuite une priode de transition au cours de laquelle les sujets parlants ont pu
En sinspirant des prceptes formuls par Marcel Cressot en ce qui concerne lanalyse stylistique, Frdric Deloffre crira plus tard dans son ouvrage Stylistique et potique franaises, Paris, SEDES, 1974: Pour sinitier aux tudes de langue et de style, la seule voie pratique consiste sinspirer de ceux qui ont effectivement obtenu des rsultats, quelles que fussent leurs mthodes ... La mthode employe pour les tudes de langue et de style ne peut tre que la synthse des rflexions faites aprs coup lorsque les problmes concrets ont t rsolus et daprs les enseignements tirs de cette rsolution mme. 58 M. Cressot, Le style et ses techniques, Paris, PUF, 1959, p. 5. 59 Ibidem, p. 5. 23
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exercer librement leur choix avant que lusage consacrt lemploi de la squence progressive sujet-verbe-complment ou sujet-verbe-attribut. Selon Cressot, lusage reprsente le choix opr par le plus grand nombre de locuteurs dans le matriel offert par le systme gnral de la langue. Ce choix peut tre dtermin parfois par quelques fortes personnalits. Le stylisticien peut galement tudier les changements qui ont eu lieu dans le contenu affectif de certaines structures linguistiques, au point de vue diachronique; la stylistique deviendra ainsi historique ou diachronique: elle sera la synthse des monographies entreprises sur le plan synchronique, ce mot nimpliquant pas quon se limite au prsent, mais quon aborde le problme avec la mentalit dun contemporain de lpoque. On peut analyser stylistiquement la Chanson de Roland, tout comme on peut analyser du mme point de vue luvre moderne dun Pguy.60 Remarques sur la notion de choix I. Pierre Guiraud dans Essais de stylistique, Paris, Klincksieck, 1969, souligne que certains auteurs considrent le style comme le rsultat dun choix, tandis que dautres y voient un cart par rapport une norme. Suivant Guiraud les notions de choix et dcart sont complmentaires; elles dcoulent de la polyvalence des signes. Il prcise que laction de parler est fond sur le choix; elle consiste choisir dans la langue des formes que lon combine dans le discours. Suivant Guiraud lopration du choix faite par un ordinateur ressemble en quelque sorte au choix opr par le sujet parlant dans la langue. Pierre Guiraud se sert de cette ressemblance pour faire ressortir le mcanisme du choix: Une classificatrice lectronique peut nous fournir le nom dun oiseau noir chanteur par un balayage de sa mmoire qui limine tout ce qui nest pas oiseau, puis tout ce qui nest pas noir, puis tout ce qui nest pas chanteur; nous obtenons ainsi un terme comportant toutes les dnotations requises...4). Selon Pierre Guiraud lopration du choix a lieu en deux tapes: le premier choix effectu par le sujet parlant dans la langue est dtermin par le systme de celle-ci et concerne la grammaire et le lexique; le second choix dpend des conditions dutilisation du mot et il engendre le style: Chaque fois, dit-il, que nous avons quelque chose dire, la langue nous offre plusieurs faons diffrentes de le dire. Tout le problme du style est l. En effet, sil y a plusieurs faons de dire la mme chose, ces variantes ne peuvent tre que des connotations, car les dnotations diffrentes rfrent des choses diffrentes. Sil y a plusieurs faons de dire une mme chose, cela postule la possibilit dun choix; le problme du stylisticien est donc bien de juger de la nature de ce choix, de sa fonction et de son origine.61 Suivant P. Guiraud, le choix est dtermin par un ensemble de facteurs: a) le type de signes employs

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Ibidem, p. 6. Pierre Guiraud, Essais de stylistique, Paris, Klincksieck, 1969, p. 61 24

Le type de signes employs dpend du contenu smantique du message: on nemploie pas le mme type de signes pour exposer une thorie scientifique, relater un vnement, formuler un ordre; b) la personnalit du locuteur La personnalit du locuteur reprsente un autre facteur qui dtermine le choix. Ce dernier est conditionn par la culture, le temprament et lexprience du locuteur. c) la destination du message, cest--dire sa fonction, est aussi un facteur qui conditionne le choix. La finalit du message est troitement lie aux intentions du locuteur lgard de linterlocuteur; le sujet parlant peut avoir pour but dinformer de quelque chose son allocutaire, de lui persuader quelque chose, de lmouvoir, etc. II. Dans un article publi dans le volume Quest-ce que le style? Paris, Presses Universitaires de France, 1994, Robert Martin, professeur lUniversit de Paris-Sorbonne (Paris IV), montre que la notion de choix est troitement lie la notion de rfrence, cest--dire quon peut choisir entre plusieurs rfrents. En outre, la notion de choix est lie la proprit du langage naturel de former des priphrases; cette potentialit priphrastiques joue dans la stylistique un rle quon ne doit pas ngliger. Pour faire ressortir cette capacit priphrastique du langage, il avait propos ses tudiants de licence de trouver le plus grand nombre possibles de priphrases dun nonc lmentaire: Il faut tout de mme de largent pour vivre. Voici les conclusions de Robert Martin tires la suite de cet exercice: En combinant toutes les procdures possibles (simple changement dans lordre des mots: Tout de mme, il faut de largent pour vivre; reformulation sur des bases logiques: Si lon veut vivre, il faut tout de mme de largent. Largent est tout de mme ncessaire pour vivre; communications synonymiques de tous ordres: Si tu veux vivre, il te faut quand mme un peu de sous, un peu de pognon...), nous en sommes arrivs, dit-il, en cumulant les propositions des uns et des autres, plus dune centaine de phrases qui toutes maintenaient constantes les conditions de vrit.62 Selon Robert Martin certaines de ces priphrases prsentent des faits stylistiques dans la mesure o leur forme contient de limprvisible. Il remarque aussi que la possibilit de choix entre plusieurs items, entre plusieurs types de phrase, etc. reprsente la condition mme du style, car, dit-il, sil nexistait quune seule manire de dire ce que nous avons dire le problme du style ne se poserait pas1). Suivant Robert Martin, lexistence du style est conditionne par des rgularits dans le choix qui puissent permettre de caractriser une criture (lcriture dun auteur, celle dun genre ou celle dune poque). Selon cet auteur, dans lidentification dun fait de style, il faut tenir compte du critre des rgularits caractristiques, des sries, des connotations.

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Robert Martin, Prliminaire, in Quest-ce que le style? Paris, PUF, 1993, p. 10 25

Remarques sur la notion dcart Bernard Pottier, ancien professeur lUniversit Paris-Sorbonne dans son ouvrage Le Langage, Paris, Klincksieck, 1973 a critiqu la thorie du style fonde sur lcart par rapport la norme: Le style, dit Bernard Pottier, est souvent prsent comme un cart par rapport lusage courant et les figures de rhtorique sont dcrites comme des carts sur le plan phontique, morphologique, syntaxique, smantique. Dans tous les cas, le problme demeure entier: quel est ltalon? quoi compare-t-on ces divergences? Sagit-il de lintuition de celui qui dcrit, sagit-il dun certain type de langue? Sagit-il de la langue orale ou de la langue crite? Jusqu prsent aucune rponse satisfaisante na t donne ces questions. Robert Martin dans larticle cit ci-dessus, souligne que la notion dcart sest heurte lobjection que le degr zro dcriture (le style neutre) na pas dexistence relle. Robert Martin prcise cependant que la dcouverte de Michael Riffaterre de lcart par rapport au macrocontexte cest--dire lmergence de celui-ci dun fait imprvisible, le stimulus, doit faire considrer la notion dcart dun nouveau point de vue. En outre, il y a, lheure actuelle, des procds statistiques qui peuvent mettre en vidence lcart: Au lieu de se rfrer un texte qui serait stylistiquement incolore, dit-il, on peut recourir des masses textuelles o, par labondance mme des faits quelles contiennent, ceux-ci se compensent et en quelque sorte sannulent. Robert Martin prcise quen stylistique franaise, on dispose actuellement de corpus gigantesques, immdiatement accessibles par les moyens informatiques. Martin mentionne que le corpus FRANTEXT de lINALF fournit partir de millions doccurrences et de milliers de textes, une masse de rfrence par rapport laquelle, le fait stylistique prend un relief objectivement apprciable.63

LA STYLISTIQUE GNTIQUE Leo Spitzer La stylistique gntique se propose de dcouvrir do vient quun auteur possde un tel style. Elle cherche percer le secret du gnie dun style, trouver ses traits caractristiques. Lun des reprsentants de la stylistique gntique a t Leo Spitzer. Leo Spitzer qui adopta en partie les thories et les mthodes de Karl Vossler, fut llve de Meyer-Lbke Vienne, puis son assistant Bonn. Il devint ensuite professeur lUniversit de Marburg am Lahn, professeur lUniversit de Cologne, lUniversit dIstambul (1933-1936) et Baltimore aux tats-Unis. Il commena son activit scientifique par la publication dun ouvrage consacr la stylistique, Die Wortbildung als stilistisches Mittel exemplifiziert an Rabelais, Halle, 1910. Cest un travail sur linvention verbale chez Rabelais; la langue de cet crivain y est saisie dans le processus de transformation permanente. Cet ouvrage enrichissait le domaine de la stylistique, discipline qui venait de se constituer.
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R. Martin, Prliminaire, in Quest-ce que le style? Paris, PUF, 1993.

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Les contributions de Leo Spitzer dans le domaine du franais sont exposes dans louvrage, tudes de style, Paris, Gallimard, 1970. Lintrt et la passion de Spitzer pour le stylistique furent tellement grandes quil fut toujours tent dexpliquer tous les phnomnes linguistiques comme tant dus lactivit affective, stylistique des locuteurs. son avis, la stylistique doit combler lintervalle qui spare lhistoire littraire et la linguistique. Voici quelques principes de la mthode danalyse stylistique de Leo Spitzer: 1. Individuum non est ineffabile. (lat. ineffabilis = quon ne peut pas exprimer). Selon ce principe, tout individu a dans tous les cas la possibilit de sexprimer librement et pleinement. Searle nommera ce principe, le principe de lexprimabilit; conformment ce principe toute langue dispose dun ensemble de mots et de constructions syntaxiques au moyen desquels le locuteur peut sexprimer: Pour toute signification ou message X, dit Searle, chaque fois que le Locuteur L dsire communiquer cette signification ou ce message, il est possible quil existe une expression , telle que soit lexpression exacte ou la formulation exacte de X. (J.R. Searle, Actes de langage, Paris, Hermann, 1973, p. 56). Suivant Spitzer tant quil y a un locuteur, la possibilit dun effort verbal subsiste en vue de rendre exprimable son exprience intrieure, ses sentiments et ses penses, et de les communiquer un interlocuteur: Le style apparatra, dit-il, comme un compromis entre lunicit de lexprience intrieure et les contraintes formelles de sa manifestation extrieure.64 Ce principe souligne que lanalyse stylistique doit tirer ses catgories de valeur de luvre elle-mme. Cela signifie que pour expliquer une uvre littraire, pour trouver sa signification, il ne faut pas obligatoirement recourir des critres extrieurs luvre, critres dordre biographique ou sociologique: Je rpte, dit Spitzer, que la stylistique droit prendre luvre dart concrte comme point de dpart, et non quelque point de vue a priori extrieur luvre. La critique doit rester immanente65 luvre dart et en tirer ses propres catgories.66 2. Oratio vultus animi (le discours est limage de lme). Ce principe souligne que le style est la manifestation extrieure de lintriorit spirituelle dun auteur. Suivant ce principe, on peut retrouver ou deviner la personnalit de lauteur derrire son style. On dit encore que lon reconnat un auteur son style, que le style cest lhomme mme, comme le disait Buffon dans son Discours sur le style. Selon Spitzer il ny a rien dans le texte qui ne corresponde un mouvement de lme de lcrivain; il prcise que cet aphorisme est rversible et quon peut dire quil ny a rien dans lme de lauteur qui ne soit actuellement dans le style. tant donn quon peut retrouver lcrivain dans son style, on doit essayer de dcouvrir la technique littraire que celui-ci a mise au point afin dimprimer sa subjectivit.
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L. Spitzer, tudes de style, Paris, Gallimard, 1970, p. 22. Immanens, de immanere rsider dans. 66 Leo Spitzer, Lingvistics and Literary History, Princeton, Univ. Press, 1948, p. 125. 27

3. Lanalyse stylistique doit tre fonde sur la sympathie du stylisticien lgard de luvre quil examine et lgard de son auteur: En vrit, toute implication de texte, toute tude philologique doit partir dune critique des beauts en assumant la perfection de luvre tudier et dans une entire volont de sympathie; ce doit tre une apologie, en un mot une thodice. En fait, la philologie a son origine dans lapologie de la Bible ou des classiques.67 La mthode danalyse stylistique de Leo Spitzer comporte deux phases : la premire est inductive, la seconde est dductive. Le critique pendant une lecture attentive de luvre littraire quil analyse cherche y trouver un fait linguistique prsentant un cart, une anomalie par rapport une norme (la norme dune poque, celle dun genre littraire, la norme reprsente par lusage). Le critique doit valuer cet cart et qualifier sa signification expressive: Quand je lisais, dit Spitzer, des romans franais, javais pris lhabitude de souligner les expressions dont lcart me frappait par rapport lusage gnral; et souvent les passages ainsi souligns semblaient une fois runis prendre une certaine consistance.68 Selon Spitzer, au moyen dun dtail on peut accder au centre de luvre, son principe inspirateur, son tymon spirituel. tant donn que toute uvre reprsente un tout o chaque dtail contribue son unit, on peut tre renseign sur le style dun auteur en tudiant les dtails qui nous frappent pendant la lecture, surtout si ces dtails se rptent un certain intervalle; dailleurs tout comportement linguistique tend la rptition parce quil cre, applique une rgle qui peut chaque instant tre rutilise. Le fait de style peut apparatre comme rptition sous la forme danadiplose, danaphore, dantanaclase, dpanalepse, etc. Le fait de style peut apparatre aussi en tant que rptitions de certaines structures grammaticales; en outre, un fait linguistique ne devient fait stylistique que par les relations quil entretient avec dautres faits linguistiques: Je tente, dit Spitzer, de saisir lensemble dune cration artistique partir de points de dtail. Le trait particulier que je dgage semble parfois exagr, caricatural. Certains critiques en concluent que je nai vu que cet aspect de luvre, sans voir les autres aspects antinomiques (= contradictoires, opposs) ou convergents. En ralit, je naccorde la premire place au point que je fais ressortir que parce quil me semble avoir t nglig jusqu prsent: les points plus connus sont traits galement, mais je les dveloppe moins, faisant confiance une synthse ultrieure faire par dautres chercheurs qui devra effectuer le dosage adquat entre les diffrents aspects. Ce qui importe, mes yeux, cest de prparer pour la recherche un nouveau matriel dobservation.69 Il faut souligner que les dtails de mme que limpression esthtico psychologique dominante apparaissent clairement aprs des lectures successives du texte. En lisant le roman Bubu de Montparnasse de Charles-Louis Philippe,
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Ibidem, p. 160. Ibidem, p. 162. 69 Ibidem, p. 198. 28

romancier de la fin du XIXe sicle, Spitzer remarque en tant que trait stylistique, lemploi frquent de certaines conjonctions et locutions conjonctives de cause. Une locution trs frquente utilise par Charles-Louis Philippe dans son roman et dont lemploi a frapp Spitzer est cause de, locution appartenant au franais familier et surtout au code oral: Les rveils de midi sont lourds et poisseux. On prouve un sentiment de dchance cause des rveils dautrefois.1 En signalant cet cart par rapport la langue littraire, Spitzer crit: Des crivains plus acadmiques auraient dit en se rappelant les rveils dautrefois, au souvenir des rveils... Un autre exemple donn par Spitzer o apparat la locution cause de est le suivant: Il y a dans mon cur deux ou trois cents petites motions qui brlent cause de toi. Spitzer souligne que dans le style soutenu on et dit qui brlent pour toi. Suivant ce styliste, la locution cause de suggre que lcrivain reprend son compte, dans son rcit, le langage et les habitudes dun locuteur ordinaire. En outre, lexpression cause de suggre lexistence dune causalit. Spitzer montre quune locution conjonctive de cause employe en chane et formant des panalepses dans le roman mentionn ci-dessus est parce que; voici un passage on lon trouve parce que; dans ce fragment il sagit dun souteneur et de son amour pour Berthe, sa matresse: Il aimait sa volupt particulire quand elle appliquait son corps contre le sien. Il aimait cela qui la distinguait de toutes les femmes quil avait connues parce que ctait plus doux, parce que ctait plus fin, et parce que ctait sa femme lui. Il laimait parce quelle tait honnte et quelle en avait lair, et pour toutes les raisons quont les bourgeois daimer leurs femmes. Spitzer souligne que Charles-Louis Philippe se sert de ce perce que pour accorder ces arguments (parce que ctait plus doux, parce que ctait plus fin, parce que ctait sa femme lui) une validit objective. Lauteur mentionn par Spitzer emploie aussi afin dexprimer la cause, la conjonction car (jonctif causal): Les femmes lentouraient damour comme des oiseaux qui chantent le soleil et la force. Il tait un de ceux que nul ne peut assujettir, car leur vie, plus forte et plus belle, comporte lamour du danger.70 La cause est exprime dans cette phrase au moyen dune coordination o est employe la conjonction car. Suivant Spitzer lemploi de cause de, parce que, car est dtermin par la conception de la causalit que possde lcrivain: Quand il prsente un rapport de causalit qui a valeur pour ses personnages, Charles-Louis Philippe semble lui reconnatre une force de contrainte objective dans leurs raisonnements qui sont parfois plats, parfois semi-potiques; il manifeste sur le mode humoristique une sympathie rsigne, moiti critique, moiti comprhensive, pour les erreurs de ces individus interlopes qucrasent des forces sociales inexorables.71
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Ibidem, p. 54. Ibidem, p. 56. 29

Leo Spitzer prcise que si lon tudie les tragdies de Racine, on est frapp de plusieurs dtails qui crent dans le style de cet auteur un effet de sourdine, une impression de retenue. Voici quelques procds employs par Racine afin dobtenir cet effet de sourdine: 1) lemploi de larticle indfini Andromaque en parlant delle-mme Pyrrhus emploie une synecdoque particularisante, construite au moyen de larticle indfini: Ex.: Quels charmes ont pour vous des yeux infortuns/Qu des pleurs ternels vous avez condamns ? (Racine, Andromaque, I, 4). Larticle indfini est une sorte de sourdine pathtique qui apparat lorsque le personnage essaie de voiler son Moi. En voici un autre exemple donn par Leo Spitzer: Ex. Le croirai-je, seigneur, quun reste de tendresse, / Vous fasse ici chercher une triste princesse? (Andromaque, II, 2). 2) lemploi du pronom indfini on au lieu de moi (je), il Phdre emploie le pronom indfini on au lieu du nom propre Hippolyte; cest un procd dattnuation. En voyant Oenone revenir trop vite de sa rencontre avec Hippolyte, Phdre scrie: Ex. Mais dj tu reviens sur tes pas, Oenone! On me dteste, on ne tcoute pas! 3) lemploi du dterminant dmonstratif ce au lieu du dterminant possessif. Au moyen de ce procd, on introduit un certain loignement entre celui qui montre lobjet ou ltre et les objets ou les tres qui subissent le rsultat de cette action. Pyrrhus prononce ces paroles en sadressant Andromaque: Je viendrai vous prendre / Pour vous mener au temple o ce fils (= votre fils) doit mattendre (Racine, Andromaque, III, 7). 4) lemploi de la troisime personne au lieu de la premire personne. Dans la pice Athalie (IV, 4), Josabeth en sadressant Joas dit: De votre nom Joas, je puis donc vous nommer. Celui-ci rpond, en employant la troisime personne. Joas ne cessera jamais de vous aimer. Dans la tragdie Andromaque, Andromaque en sadressant Pyrrhus utilise, afin de parler delle-mme, la troisime personne: Captive, toujours triste, importune moi-mme/ Pouvez-vous souhaiter quAndromaque vous aime? 5) lemploi du nom du pays au lieu du nom du roi qui dirige ce pays : Lpire sauvera ce que Troie a sauv, dit Pyrrhus, le roi de lpire, Oreste qui exige quon livre aux Grecs Astyanax, le fils dHector, afin quil soit mis mort. Par ces paroles, Pyrrhus veut dire: Moi, Pyrrhus, je sauverai ce que les Troyens ont sauv de la cit de Troie (Racine, Andromaque, I, 2). 6) la personnification des noms abstraits; ces derniers sont mis la place des personnages. Selon Spitzer, Racine fait ainsi agir non ses personnages, mais des forces abstraites qui meuvent les personnages: Un dsordre ternel rgne dans son esprit / Son chagrin inquiet larrache de son lit: Elle veut voir le jour: et sa douleur profonde / Mordonne toutefois dcarter tout le monde. (Racine, Phdre, I, 2). 7) lemploi de certains noms abstraits au pluriel qui estompent les contours et empchent une dtermination trop nette de lattitude des personnages:
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Je connais mes fureurs, je les rappelle toutes (Racine, Phdre, IV, 3). Pour souligner une attitude modeste, Racine attnue une ide par lemploi au pluriel dun nom abstrait : De mes faibles attraits le Roi parut frapp, dit Esther. 8) lemploi de lexpression ce que qui introduit des structures imprcises en ce qui concerne lindication quantitative, joue un rle dattnuation. Dans lexemple suivant lexpression ce que est combine avec une pizeuxis: Il peut seigneur, il peut dans ce dsordre extrme / pouser ce quil hait et perdre ce quil aime ((Racine, Andromaque, I, 13). Pylade adresse ces paroles Oreste)). 9) lemploi dune aposiopse. Laposiopse est une figure par laquelle celui qui parle sarrte avant davoir achev lexpression de sa pense, tout en laissant clairement entendre ce quil ne dit pas. Dans les vers suivants, Pyrrhus sadresse Phoenix. Il interrompt brusquement lnumration des maux qui peuvent tre la consquence de son amour pour Andromaque : Considre Phoenix, les troubles que jvite, / Quelle foule de maux lamour trane sa suite, / Que damis, de devoirs jallais sacrifier! / Quels prils ... un regard met tout fait oublier ... (Racine, Andromaque, II, 5) Cette interruption aprs quels prils est due au choc motionnel dtermin par le souvenir dAndromaque dont un seul regard aurait pu lui faire oublier tous les dangers quil aurait pu courir. Conclusion Lactivit scientifique de Leo Spitzer sest dploye dans les domaines les plus varis de la linguistique qui taient en troite liaison avec la stylistique: la lexicologie, la smantique, la syntaxe; par exemple, dans un article publi dans la revue Langage, en 1943, il tudie quelques faits de style o il montre limportance de ltude de la syntaxe. Il paraphrase la maxime de Locke Nihil est in intellectu quod non antea fuerit in sensu de la manire suivante: Nihil est in syntaxis quod non fuerit in style (Il ny a rien dans la syntaxe qui ne ft dabord dans le style). Un grand nombre dtudes stylistiques labores par Leo Spitzer sont consacres la langue littraire ou certaines particularits linguistiques des uvres littraires; il a tudi dune manire originale le style de Henri Barbusse, de Jules Romains, de Marcel Proust, de Michel Butor, de Rabelais, de Racine. Il a cherch la cl de loriginalit dune uvre littraire au moyen dune analyse stylistique approfondie. Spitzer a montr quaprs avoir repr les faits linguistiques prsentant quelques dviations par rapport la norme, le critique doit chercher les raisons de ces dviations et tenter datteindre le centre de lactivit cratrice de lcrivain; dans ce but, il doit essayer de saider de tous renseignements fournis par luvre littraire. Aprs avoir apprhend la signification de luvre aprs des relectures attentives, le stylisticien doit se servir de la connaissance ainsi acquise de luvre pour mettre en valeur certains dtails du texte. Leo Spitzer caractrise la dmarche concernant lanalyse stylistique de la faon suivante: Partir, dans ltude dune uvre dun dtail bien observ; ensuite en dduire une vue densemble hypothtique dordre psychologique, qui ensuite devra tre contrle par dautres observations de dtail.
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Selon Spitzer, cest ainsi que procde tout homme de science, physicien, chimiste, tymologiste, critique littraire. Il souligne que le rythme saccad dans un passage caractristique de Diderot doit tre interprt comme tant d un rythme intrieur, dordre rotique dans lme de lcrivain: cest ltape inductive de linvestigation, pour ensuite vrifier mon hypothse au moyen de beaucoup dautres passages, cest ltape dductive.72 Suivant Spitzer, une uvre littraire reprsente un tout au centre duquel se trouve cristallis lart de lcrivain, son esprit constituant le principe de cohsion de luvre: Lesprit dun auteur, dit Spitzer, est une espce de systme solaire dans lorbite duquel sont attir toutes sortes de choses; la langue, le sujet, lintrigue ne sont que les satellites de cette entit mythologique.73 Selon cet auteur, toute motion ou tout cart correspond dans le domaine expressif un cart par rapport lusage linguistique normal; vice versa, un cart vis--vis du langage usuel est lindice dun tat psychique inhabituel, dune tension motionnelle. Suivant Spitzer, le moyen le plus sr pour dcouvrir les passages qui renferment des faits stylistiques, qui expriment la sensibilit dun crivain ou dun pote, cest de lire leurs textes sans rpit jusqu ce quune particularit du style frappe notre attention. un moment prcis, luvre semble se rvler la suite dune espce de dclic mental. Ce dernier signale que le fait de style et lensemble ont trouv un commun dnominateur. En parlant de la doctrine stylistique de Leo Spitzer, Frdric Deloffre en souligne limportance de la faon suivante: La mthode de Leo Spitzer montre quune vaste culture, la confiance dans les ressources de lesprit humain et le sens de la diversit des genres littraires permettent de donner son efficacit lanalyse stylistique.74

LES COLES DE LINGUISTIQUE DO SONT ISSUS LE STRUCTURALISME ET LA STYLISTIQUE STRUCTURALE Lcole de Prague Ferdinand de Saussure, prcurseur du structuralisme moderne, ne sest jamais servi du terme de structure. Il a employ frquemment le terme de systme qui, son avis reprsentait une notion essentielle. Selon lui, la langue forme un systme de signes arbitraires dont toutes les parties peuvent tre considres dans leur solidarit synchronique. En outre, il a soulign la primaut du systme sur les lments qui le composent: Cest une grande illusion de considrer un terme simplement comme lunion dun certain son avec un certain concept. Le dfinir ainsi ce serait lisoler du systme dont il fait partie; ce serait croire quon peut commencer par les termes et construire le systme en faisant la somme, alors quau contraire cest du tout solidaire quil faut partir pour obtenir par analyse les lments quil renferme.
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Ibidem, p. 68. Leo Spitzer, Critica stilistica e semantica storica, Bari, Laterza, 1966, p. 72. 74 Frdric Deloffre, Stylistique et potique franaises, SEDES, Paris, 1970, p. 34. 32

Pour la premire fois le terme de structure dans le domaine de la linguistique apparat dans le titre dun manifeste linguistique publi en 1929, Prague par trois linguistes: R. Jakobson, S. Karcevsky, N. Troubetzko.1 Ce manifeste qui contenait les thses labores pour le premier Congrs des Philologues slaves tait intitul Problmes de mthode dcoulant de la conception de la langue comme systme. Comparaison structurale et comparaison gntique. Cest par ces thses qua t inaugure lactivit du Cercle linguistique de Prague. Les travaux du Cercle linguistique de Prague comprennent huit volumes douvrages scientifiques et ont t publis entre 1929 et 1939. Nikola Serguevitch Troubetzko, a employ le terme structure en 1933 dans La phonologie actuelle. Psychologie du langage, Paris, 1933: Dfinir un phonme, cest indiquer sa place dans le systme phonologique, ce qui nest possible que si lon tient compte de la structure de ce systme, La phonologie part du systme comme dun tout organique dont elle tudie la structure. Le Cercle linguistique de Prague connu aussi sous le nom dcole de Prague admet les distinctions faites par Saussure entre langue et parole, synchronie et diachronie, linguistique interne et linguistique externe, mais il prcise que ces distinctions ne doivent pas tre traites sparment; il souligne que la structure est forme par un rseau de relations et il accorde une attention toute particulire aux lments entre lesquels ces relations stablissent; selon lcole de Prague la structure est caractrise par la rgularit2 des phnomnes linguistiques, par lexistence des classes3 linguistiques, par la primaut4 du systme4 ou de lensemble sur llment constitutif (ou sur lunit linguistique). Lcole de Prague a labor les thses linguistiques suivantes qui ont servi orienter les recherches des linguistes: synthse de la thorie structurale et du fonctionnalisme; comprhension du rapport entre la langue et la parole6 en tant que rapport entre le gnral et le particulier; examen au point de vue dichronique7 non seulement synchronique du systme de la langue ((voir les ouvrages de A. Martinet (membre lui aussi du Cercle linguistique de Prague), lments de linguistique gnrale, Paris, 1960; A Functional View of Language, Oxford, 1962; conomie des changements phontiques, Paris, Klincksieck, 1971); voir aussi Haudricourt et Juilland, Essai pour une histoire structurale du phontisme franais (Paris, Klincksieck, 1970)).
Notes 1. Nikola Sergueevitch Troubetzko (Moscou 1890 Vienne 1938). Il sinstalle en 1922 Vienne o il enseigne jusquen 1938. En relation avec R. Jakobson depuis 1920, il participe la fondation et aux travaux du Cercle linguistique de Prague. Influenc par Baudouin de Courtenay et par Saussure, il dfinit la notion de phonme et tablit la distinction entre la phontique et la phonologie. Son ouvrage, Principes de phonologie (1939) a jet les bases de la phonologie en tant que discipline scientifique. 2. Les phnomnes linguistiques obissent des rgles qui rgissent des ensembles, des structures; les phonmes dune langue ne peuvent se combiner sans restriction pour former des monmes, de mme que les monmes ne peuvent se combiner librement dans la chane parle pour former des phrases. 33

3. Les classes sont des ensembles dunits dfinis sur la base de leurs proprits communes. La linguistique structurale sest rendue compte de limportance prsente par la taxinomie et a essay de jeter les bases dune thorie de la classification. 4. Le principe selon lequel le systme lemporte sur lunit, sur llment est lun des principes de base du structuralisme; les units linguistiques ne peuvent pas tre dfinies comme tant des lments isols; dans leur dfinition, on doit tenir compte des relations que les units linguistiques entretiennent dans le cadre du systme. 5. Lopposition qui est traditionnelle entre langue et parole peut aussi sexprimer en terme de code et de message, le code tant lorganisation qui permet la rdaction du message et ce quoi on confronte chaque lment dun message pour en dgager le sens (A. Martinet, lments de linguistique gnrale, Paris, Colin, 1980, p. 25). 6. La langue et la parole, dit Ferdinand de Saussure, sont troitement lies et se supposent lune lautre: la langue est ncessaire pour que la parole soit intelligible et produise tous ses effets; mais celle-ci est ncessaire pour que la langue stablisse; historiquement, le fait de parole prcde toujours (F. de Saussure, Cours de linguistique gnrale, Paris, Payot, 1955, p. 37). 7. Lune des grandes distinctions conceptuelles que Saussure a introduites dans la linguistique moderne a t la distinction entre ltude synchronique et ltude diachronique de la langue. Selon Saussure la linguistique synchronique soccupe des rapports logiques et psychologiques reliant des termes coexistants et formant systme, tels quils sont aperus par la mme conscience collective. Au contraire, toute diachronie est une succession de synchronies; le locuteur na pas conscience de lvolution de la langue: Pour le sujet parlant la succession des faits de langue dans le temps est inexistante: il est devant un tat. (F. de Saussure, op. cit., p. 157).

Lcole de Copenhague Au dbut, la doctrine de cette cole ne se distinguait pas beaucoup de celle de lcole de Prague; elle sinscrivait dans la ligne de lenseignement de Ferdinand de Saussure. On peut sapercevoir de cette orientation en tudiant les travaux de V. Brndal, lun des fondateurs de lcole de Copenhague, en 1931. Ensuite sous linfluence du nopositivisme, cette cole a jet les bases de la Glossmatique1 dont le contenu a t expos par Louis Hjelmslev (1899-1965) dans un ouvrage publi en danois en 1943 et traduit en franais en 1968 (Prolgomnes une thorie du langage). Le terme de glossmatique provient du mot glossa qui en grec signifie langue; selon Hjelmslev les glossmes sont les plus petites units linguistiques que lanalyse dtermine comme invariants irrductibles sur le plan de lexpression comme sur la plan du contenu. La glossmatique est une tentative de formalisation stricte des structures linguistiques ainsi quun approfondissement des concepts saussuriens (langue parole; expression contenu; forme substance). Cette thorie soutient que lessence de la langue est formelle, quelle est constitue par un rseau de relations; lexistence mme des units linguistiques, des termes, des structures est considre comme le rsultat de lexistence de ce systme de relations. Louis Hjelmslev ne sarrte pas a la distinction entre le signifiant (le plan de lexpression) et le signifi (le plan du contenu); il dcouvre lintrieur de ces deux parties du signe, la prsence de deux nouvelles couches: la forme et la substance2 (la forme de lexpression et la substance de lexpression; la forme du contenu et la substance du contenu).
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Dans le cadre de chaque plan (le plan de lexpression, le plan du contenu) cest la forme qui remplit le rle essentiel. Le linguiste danois entend par signe linguistique lunit constitue par la forme de lexpression et la forme du contenu. Cette unit ainsi forme, tablie par la solidarit qui existe entre ces deux espces de formes est appele fonction smiotique. La glossmatique a mis en relief le fait que lessentiel dans le processus danalyse nest pas de diviser un texte en parties, mais de mener lanalyse de faon tenir compte des rapports, des relations, des dpendances qui existent entre ces parties; chacune des parties dun texte ne se dfinit que par les relations qui peuvent tre tablies entre chaque partie et les autres parties dun mme niveau. Les dpendances o les deux termes (lments ou parties) se prsupposent mutuellement sappellent interdpendances; les dpendances unilatrales o lun des termes seulement suppose lautre, sont appeles dterminations. Les dpendances o deux termes sont dans un rapport rciproque sans que lun prsuppose lautre sont appeles constellations. Lopposition langue parole dont parle Saussure dans son Cours devient lopposition entre schma et texte ou usage dans la Glossmatique. Les axes de lanalyse paradigmatiques (associations in absentia selon Saussure) et syntagmatiques (associations in praesentia chez le linguiste genevois) sont nomms par Hjelmslev fonction ou-ou ou encore systme et fonction et-et ou encore processus. Il souligne que la Glossmatique est une linguistique immanente tant donn quelle exclut toute proccupation transcendante (extralinguistique). Hjelmslev a cr des termes de linguistique tels que cnme et plrme. Il emploie le terme cnme (unit vide de sens; gr. kenos, vide) la place du terme phonme pour dsigner les units distinctives minimales au plan de lexpression. Le plrme est llment de contenu comparable aux smes ((gr. pleros, plein); cest une unit porteuse de contenu)). Le signe jument analys en cnmes donnera [] + [y] + [m] + [] et analys en plrmes: cheval + genre elle. Suivant Hjelmslev, la structure de base du langage est caractrise par certains traits : 1. La prsence de deux plans: le contenu et lexpression. 2. Lexistence de deux axes: le texte ou procs linguistique et la langue ou systme linguistique. 3. Lexistence de relations bien dfinies entre les units linguistiques; il y a rection quand une unit en implique une autre, de telle sorte que lunit implique est une condition ncessaire pour que lunit qui limplique soit prsente. Dans les langues comme le latin, par exemple, il y a une rection entre certaines catgories de prpositions et certains cas grammaticaux des noms; lexistence de ces cas est la condition ncessaire de la prsence de certaines prpositions. La rection peut tre unilatrale ou bilatrale (ou mutuelle). La rection unilatrale peut se reprsenter par une flche dirige vers lunit rgie: proposition principale proposition subordonne. Une rection bilatrale (ou mutuelle) concerne la relation entre deux units. Un nom latin, par exemple, a toujours un nombre et un cas; les catgories grammaticales du nombre et du cas entrent dans une rection mutuelle lintrieur du nom latin.
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On appelle combination la relation qui existe entre deux units sans quil y ait entre elles de rection. Hjelmslev emploie le terme de fonction pour dsigner une relation abstraite, formelle entre deux termes. Les deux termes entre lesquels une telle fonction existe sont appels fonctifs. Hjelmslev pratique une distinction nette entre les rapports paradigmatiques (des rapports dans le systme) et les rapports syntagmatiques (des rapports dans le texte); il appelle corrlations les rapports paradigmatiques, tandis que les rapports syntagmatiques sont nomms relations.
Notes 1. On trouve lapplication de cette thorie dans les Travaux du Cercle linguistique de Copenhague, publis partir de 1944. 2. Hjelmslev remarque que la substance dpend de la forme et quon ne peut lui prter dexistence indpendante: Tout comme les mmes grains de sable peuvent former des dessins dissemblables, et le mme nuage prendre constamment des formes nouvelles, cest le mme sens qui prend des formes diffrentes dans les diffrentes langues. Seules les fonctions de la langue, la fonction smiotique et celles qui en dcoulent dterminent sa forme. Le sens devient chaque fois la substance dune forme nouvelle et na dautre existence possible que dtre la substance dune forme quelconque (Hjelmslev, Prolgomnes une thorie du langage, Paris, d. de Minuit, 1968, p. 151).

Le distributionnalisme Le descriptivisme amricain (ou le distributionnalisme) a influenc lui aussi les recherches dans le domaine de la stylistique structurale. En 1933, Leonard Bloomfield (1887-1945) spcialiste des langues indo-europennes, propose dans son ouvrage intitul Language une thorie gnrale du langage qui, sous le nom de distributionnalisme a domin la linguistique amricaine jusquen 1955; cette thorie prsente beaucoup danalogies avec la doctrine linguistique de Ferdinand de Saussure et surtout avec la glossmatique. La thorie de Bloomfield est fonde en grande partie sur le bhaviourisme, une thorie psychologique qui explique les phnomnes linguistiques en analysant les comportements et en les ramenant des rponses, des situations. Les situations reprsentent des stimuli qui provoquent les rponses linguistiques ou le comportement linguistique du sujet. La communication est ainsi rduite au schma S-R (stimulus-rponse) ou plus exactement au schma: S.r.s.R. ((un stimulus externe (S) dtermine quelquun parler (r)); la raction linguistique (rponse linguistique) du locuteur au stimulus constitue pour lallocutaire un stimulus linguistique (s) qui est lorigine dune rponse pratique (R). Bloomfield considre que les facteurs S et R sont des donnes extralinguistiques, alors que r et s sont des lments de lacte linguistique: ainsi, le dsir davoir une bicyclette se fait sentir chez Paul; ce dsir stimulus est S. Andr prie son pre de lui acheter une bicyclette; cest lacte linguistique r qui rpond ce stimulus S; r agit comme stimulus linguistique s qui dtermine le pre de promettre dacheter la bicyclette (R). Selon Bloomfield un acte de parole nest quun comportement dun type particulier. son avis, le langage cest la possibilit que possde Jill lorsquil voit une pomme, par exemple, de demander Jack de la cueillir, au lieu de la cueillir lui mme. Le bhaviourisme prcise que
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le comportement humain est explicable partir des situations dans lesquelles il apparat, indpendamment de tout facteur interne. Bloomfield conclut de l que la parole, elle aussi, doit tre explique par des conditions externes. Il appelle cette thse le mcanisme, thse qui soppose au mentalisme selon lequel la parole doit sexpliquer comme un effet des penses, des intentions, des sentiments. Bloomfield rduit le langage une somme de stimuli. Les distributionnalistes ngligent ltude du sens des structures parce que, leur avis, le sens dune unit linguistique cest la somme des situations o elle apparat comme stimulus et des comportements rponses que ce stimulus entrane de la part de lallocutaire. tant donn limpossibilit de connatre compltement les situations o apparat cette unit linguistique, les distributionnalistes refusent de poser le problme du sens. Bloomfield demande quon se contente au dbut de dcrire les paroles qui entrent dans la formation du corpus ; afin que cette description ne soit pas influence par des prjugs, il demande quelle ait lieu en dehors de toute considration mentaliste et notamment quelle vite de faire allusion au sens des paroles prononces. Ce non-recours au sens est critiqu par ceux qui ne veulent pas dissocier dans lanalyse le code et le sens. Bloomfield analyse les phonmes au moyen de la commutation et les oppose laide de leurs traits distinctifs. Lorsquil sagit de les dfinir, il emploie la mthode de la distribution dans la chane parle. Pour identifier les units minimales sur le plan des units signifiantes, Bloomfield applique aussi la commutation: ces units sont appeles morphmes. Sa thorie concernant les constituants immdiats se trouve la base des tudes grammaticales amricaines: Tout locuteur de langue anglaise, dit-il, qui sintresse ce sujet nous dira coup sr que les constituants immdiats de Poor John ran away sont les deux formes Poor John et ran away; chacune dentre elles constituant son tour une forme complexe; que les constituants immdiats de ran away sont ran, morphme, et away, forme complexe dont les constituants sont les morphmes a et way; et que les constituants de poor John sont les morphmes poor et John. Ce nest que de cette faon quune analyse approprie conduira aux morphmes fondamentalement constituants.75 Par consquent, on appelle constituants immdiats dune construction, les blocs constituants que lon rencontre dans la couche immdiatement infrieure dans le processus danalyse et de dcomposition qui va de la phrase dans sa totalit aux units les plus petites. Lanalyse en constituants immdiats qui amne attribuer la phrase une construction hirarchique consiste dcomposer dabord lnonc en quelques segments assez vastes qui sont appels ses constituants immdiats puis subdiviser chacun de ceux-ci en sous-segments, qui sont les constituants immdiats de ce constituant immdiat et ainsi de suite jusqu ce quon arrive aux units minimales. Selon Jean Dubois lanalyse distributionnelle suppose lexistence de quelques principes: 1. Le premier principe est celui du caractre achev du corpus; le corpus est form de lensemble des noncs qui ont servi effectivement la communication
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L Bloomfield, Le langage, Paris, Payot, 1970, p. 153. 37

entre des locuteurs appartenant au mme groupe linguistique. Cet chantillon de langue recueilli est considr reprsentatif de lensemble de la langue. On suppose que ce corpus possde une certaine homognit et quil appartient au mme groupe socio-culturel. 2. Le deuxime principe est que le sens dun message linguistique ne peut tre valablement dfini que par la situation dans laquelle un locuteur met ses noncs et par les comportements rponses que ces noncs provoquent chez lauditeur. Or cette situation nest connue que dans la pratique sociale. 3. Le troisime principe est celui de lanalyse syntagmatique des segments, cest- -dire la description des lments par leurs positions dans la chane parle; ces segments ne sont pas indpendants tant donn que des contraintes squentielles sexercent sur eux. On essaie de faire ressortir les rgularits qui existent dans le corpus afin de donner la description linguistique un caractre ordonn et systmatique. Le recours la signification tant exclu, la seule notion qui serve de base cette recherche des rgularits est celle de contexte linaire ou denvironnement. Indiquer lenvironnement dune unit a dans un nonc E cest indiquer la suite dunits a1.a2 qui prcde cette unit et la suite a + 1, a + 2 qui la suit. Lenvironnement sert aussi dfinir la distribution dune unit: cest lensemble des environnements o on rencontre cette unit dans le corpus (Le rle fondamental de cette notion a conduit les linguistes qui se rclament de Bloomfield, notamment Zellig Sabbetai Harris76 sappeler distributionnalistes). Toute unit linguistique au-dessous du niveau de la phrase a une distribution caractristique. Si des units linguistiques apparaissent dans la mme srie de contextes, elles sont quivalentes au point de vue distributionnel; si elles nont aucun contexte commun, elles sont en distribution complmentaire. Le gnrativisme lve de Zellig S.Harris, Noam Chomsky, aprs stre intress lui-mme la formalisation des lments distributionnalistes de base a labor une conception linguistique nouvelle, dite gnrative. Chomsky soutient lhypothse inniste sur lorigine et le fonctionnement du langage. Un autre problme quil essaie de rsoudre est celui de laptitude du locuteur produire et comprendre des phrases nouvelles, cest--dire des phrases qui ne sont pas semblables celles quil a entendues auparavant. Selon Chomsky lenfant serait dou, une fois n, dun mcanisme quil nomme linguistic acquisition device. Ce dernier pourrait subir un processus de maturation physiopsychologique qui permettrait lenfant didentifier le type de langue auquel il devrait shabituer, aprs avoir entendu les messages mis par ceux qui lentourent. Chomsky a labor les concepts de comptence et de performance. La comptence est un systme de rgles possd par les locuteurs et formant leur savoir linguistique; grce ce systme, les sujets parlants sont capables de prononcer ou de comprendre un nombre infini de phrases nouvelles. Ce systme permet au sujet
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Zellig S.Harris, Structural Linguistics, University of Chicago Press, 1968.

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parlant de porter un jugement de grammaticalit sur les noncs prsents- Il y a une comptence universelle, forme de rgles innes qui sous-tendent les grammaires de toutes les langues, et une comptence particulire, forme des rgles spcifiques dune langue; ces rgles sont apprises grce lenvironnement linguistique constitu par les sujets parlants. Chomsky souligne que la performance est lexpression de la comptence des locuteurs concrtise dans leurs multiples actes de parole, dans les phrases ralises par ceux-ci dans les situations diverses de communication. Le linguiste amricain a aussi conu les notions de structure profonde et de structure de surface quil a intgres dans sa grammaire gnrative. La structure de surface est la structure syntaxique de la phrase telle quelle apparat premire vue. La structure profonde est lexpression de cette phrase un niveau abstrait avant quaient lieu les oprations de transformation qui ralisent le passage des structures profondes aux structures de surface.

LE FONCTIONNALISME ET LA STYLISTIQUE FONCTIONNELLE Certains linguistes ont affirm que la langue est un ensemble systmatique de signes dont les valeurs sont mises en vidence par leurs relations dans le cadre des structures spcifiques. La forme de celles-ci est dtermine par leurs fonctions; cette double notion de structure et de fonction a dtermin un renouvellement partiel de la stylistique: Lide de fonction stylistique, dit Pierre Guiraud, est dj chez Bally, dont la Stylistique est conue comme ltude des faits dexpression du langage du point de vue de leur contenu affectif oppos leur contenu rationnel .77 La communication La fonction essentielle du langage est de communiquer. La communication dont le sens est lobjet, cest lensemble des actes langagiers qui donnent autrui des informations sur notre propre pense et en sens inverse nous donnent des informations sur celle dautrui. La ralisation concrte de la langue est lacte de parole. Lanalyse de lacte de parole nous renseigne sur les fonctions du langage, sur les facteurs qui y concourent et sur la nature des signes qui y sont employs. La communication chez Ferdinand de Saussure Lune des innovations de la linguistique saussurienne a t de dclarer essentiel la langue son rle dinstrument de communication; les comparatistes au XIXe sicle considraient au contraire que ce rle de communication tait une cause de dgnrescence de toutes les langues. Les comparatistes ont affirm maintes reprises que les lois phontiques dtruisaient progressivement les structures grammaticales de la langue qui taient soumises leur action; par exemple, la disparition de la dclinaison des cas latins en franais a t dtermine surtout par
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P.Guirand, La Stylistique, Paris, PUF, 1972, p. 34. 39

la chute de la partie finale des lexmes latins, due lvolution phontique. Cette partie finale des mots latins contenait le plus souvent les marques des cas. La communication est prsente par Ferdinand de Saussure comme un vnement social. Entre deux personnes qui parlent stablit un circuit de la parole. Soient deux personnes qui sentretiennent: A est le locuteur et B linterlocuteur. Le circuit de la parole peut prendre naissance dans le cerveau de A o les faits de conscience que nous appellerons concepts se trouvent associs aux reprsentations des signes linguistiques ou images acoustiques servant leur expression. Dans le cerveau de A une impulsion est donne aux organes de la parole pour quils produisent les sons ncessaires la comprhension du message. Ces sons sont transmis par lintermdiaire des ondes sonores de la bouche de A loreille de B, puis son cerveau. Si B rpond ce message, un deuxime acte de parole se produit, la transmission se faisant cette fois du cerveau de B sa bouche puis loreille de A et enfin au cerveau de celui-ci et ce processus continue tant que dure la conversation. Dans ce circuit, Ferdinand de Saussure identifie un phnomne psychologique (le concept et limage acoustique qui se trouvent dans le cerveau), deux phnomnes physiologiques (la phonation et laudition) et un phnomne physique de nature acoustique (les ondes sonores). Partant de la thse que la langue est un instrument de communication, certains disciples de Ferdinand de Saussure que lon a nomms fonctionnalistes ont considr ltude dune langue comme la recherche des fonctions des lments qui forment le systme de celle-ci. Selon les fonctionnalistes ltude dun tat de langue au point de vue de la fonction des lments qui la constituent indpendamment de toute considration historique doit aboutir lexplication des changements phontiques et morpho-syntactiques qui ont lieu dans la langue. Le groupe de linguistes de lcole de Prague (ou le Cercle de Prague) fonde par N.S. Troubetzko et Roman Jakobson ont mis laccent dans leurs recherches sur la notion de fonction (fonction du langage comme systme de communication, fonction de divers lments lintrieur du systme, etc.). Selon Roman Jakobson le langage doit tre tudi dans toute la varit de ses fonctions. Pour faire ressortir la nature de ces fonctions, un aperu sommaire portant sur les facteurs constitutifs de tout procs linguistique est absolument ncessaire. R. Jakobson envisage le cas o le destinateur (lmetteur) envoie un message au destinataire (le rcepteur). Pour tre oprant, le message requiert un contexte auquel il renvoie et qui est saisissable par le destinataire (le rcepteur); ensuite le message requiert un code commun au destinateur et au destinataire ( lencodeur et au dcodeur du message); enfin le message requiert un contact, un canal physique et une connexion psychologique entre le destinateur et le destinataire, contact qui leur permet dtablir et de maintenir la communication. Ces diffrents facteurs de la communication peuvent tre reprsents schmatiquement comme suit: Destinateur (metteur)
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contexte message contact code

Destinataire (Rcepteur)

Chacun de ces six facteurs donne naissance une fonction linguistique diffrente. Remarques. 10 Par code dans le communication il faut entendre la langue (anglais, franais) dans laquelle est compos le message. Le code peut tre un procd technique qui permet de transformer un message compos dans une langue naturelle en signaux qui ne sont plus directement comprhensibles (on dit que le message est cod), puis partir de ces signaux de reconstituer le message initial. 20 Le contexte dsigne la situation spatio-temporelle dans laquelle se trouvent le destinateur et le destinataire (les communicants). Roman Jakobson distingue les fonctions du langage suivantes: 1. La fonction dnotative (cognitive ou rfrentielle) qui consiste dans la vise du rfrent, lorientation vers le contexte. 2. La fonction expressive ou motive qui est centre sur le destinateur; elle vise une expression directe de lattitude du sujet lgard de ce dont il parle. Elle tend donner limpression dune certaine motion, vraie ou feinte. La fonction motive est reprsente dans la langue par les interjections. Celles-ci possdent une configuration phonique particulire et peuvent jouer un rle syntaxique (une interjection est lquivalent dune phrase complte). La fonction motive qui est vidente dans les interjections colore presque tous les propos des sujets parlants, aux niveaux phonique, grammatical et lexical. 3. La fonction conative qui est oriente vers le destinataire trouve son expression grammaticale dans le vocatif et limpratif. Elle est exprime surtout au moyen des phrases injonctives. 4. La fonction phatique est exprime par les messages qui servent exentiellement tablir, prolonger ou interrompre la communication, vrifier si le circuit fonctionne, attirer lattention de lallocutaire (ex.: Allo, vous mentendez? Dites vous mcoutez? etc.). 5. La fonction mtalinguistique. Chaque fois que le destinateur et /o le destinataire jugent ncessaire de vrifier sils utilisent le mme code, le discours est centr sur le code: dans ce cas, il remplit une fonction mtalinguistique (ou de glose); ex.: Je ne vous suis pas. Que voulez-vous dire? demande le destinataire au destinateur. Le destinateur peut aussi senqurir auprs du destinataire sil a compris le message: Est-ce que vous avez compris ce que je veux dire? 6. La fonction potique. La vise du message en tant que tel, laccent mis sur le message pour son propre compte est ce qui caractrise la fonction potique du langage. Cette fonction ne peut tre tudie avec profit si on perd de vue les problmes gnraux du langage et dun autre ct une analyse minutieuse du langage exige que lon prenne srieusement en considration la fonction potique. Dans les Questions de potique, Paris, Seuil, 1973, p.15, Roman Jakobson a prcis que lobjet de la science de la littrature est la littrarit, cest--dire ce qui fait dune uvre donne une uvre littraire, ce qui fait quun message soit littraire. Suivant ce linguiste la littrarit relve de la fonction potique du langage. Par le terme potique il faut surtout entendre littraire. Roman Jakobson a soulign que la fonction potique projette le principe dquivalence de laxe de la
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slection sur laxe de la combinaison. Il faut entendre par slection lopration par laquelle le sujet parlant choisit une unit linguistique sur laxe paradigmatique; la combinaison est le processus par lequel une unit de la langue entre en relation sur le plan de la parole avec dautres units elles aussi ralises dans le message. Laxe des combinaisons est nomm axe syntagmatique; cest laxe horizontal des rapports entretenus par les units linguistiques dans la chane parle. Laxe paradigmatique cest laxe vertical des rapports virtuels entretenus par les units susceptibles de commuter: Soit enfant, dit Jakobson, le thme du message: le locuteur fait un choix parmi une srie de noms existants plus ou moins semblables, tels que enfant, gosse, mioche, gamin, tous plus on moins quivalents dun certain point de vue; ensuite pour commenter ce thme, il fait choix dun des verbes smantiquement apparents dort, sommeille, repose, somnole. Les deux mots choisis se combinent dans la chane parle. La slection est produite sur la base de lquivalence, de la similarit et de la dissimilarit, tandis que la combinaison, la construction de la squence repose sur la contigut.78 Roman Jakobson souligne que les particularits des divers genres potiques impliquent la participation des autres fonctions du langage ct de la fonction potique. La posie pique qui emploie dhabitude la 3e personne met contribution la fonction rfrentielle; la posie lyrique, oriente vers la premire personne est troitement lie la fonction motive. Les vers de la posie lyrique qui concernent la 2e personne sont marqus par la fonction conative. Formes et fonctions Les embrayeurs. Roman Jakobson a aussi tudi, dans Essais de linguistique gnrale, Paris, d. de Minuit, 1963, le problme des embrayeurs en troite liaison avec les faits stylistiques. Les embrayeurs reprsentent une catgorie de signes qui nont pas de contenu rfrentiel, mais dsignent la chose ou la personne signifie en fonction de leur place dans lnonc: Tout code linguistique, dit Jakobson, contient une classe spciale dunits grammaticales quon peut appeler embrayeurs: la signification gnrale dun embrayeur ne peut tre dfinie en dehors dune rfrence au message. Otto Jespersen (1860-1943) a donn le nom de shifters (changements de vitesse) aux embrayeurs, et mile Benveniste les a nomms indicateurs. Le terme dembrayeurs est la traduction en franais du nom shifters. Les embrayeurs sont des mots qui nont pas de sens en eux-mmes, comme nous lavons dj montr. Coup des circonstances de son nonciation, le discours contenant des embrayeurs ne peut pas tre interprt. Je serai ici demain ne signifie rien si vous ne savez pas que cest Dupont (je) qui parle, que ici signifie place de la Concorde et que par demain Dupont entend le 3 dcembre 2001. Le terme mtaphorique dembrayeurs suppose que lon articule deux plans distincts: dun certain point de vue les embrayeurs constituent des signes linguis78

R. Jakobson, Essai de linguistique gnrale, Paris, d. de Minuit, 1963, p. 221.

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tiques; ils appartiennent au code de la langue, mais en mme temps ils constituent des faits concrets, inscrits par leur occurrence dans un rseau dtermin de coordonnes spatiales et temporelles. Ils permettent la conversion de la langue comme systme de signes potentiels en parole (discours par lequel le destinateur et le destinataire confrontent leurs dires sur le monde). Exemples dembrayeurs: les pronoms personnels, les dmonstratifs, certains adverbes de lieu et de temps, les temps verbaux. On distingue aussi des embrayeurs du rcit, de lnonciation historique ((la troisime personne; smiologie verbale dimparfait, de pass simple (nomm aoriste par . Benveniste) de plus que par fait; ces temps, il faut ajouter le futur dans le pass exprim au moyen du conditionnel, et le prospectif, un temps priphrastique, substitut du futur form dun auxiliaire de mode (devoir ou aller) limparfait (lauxiliant) et dun verbe linfinitif; ladverbe l; le nom le lendemain ayant une valeur adverbiale)) et les embrayeurs du discours (premire et deuxime personnes, en plus de la troisime; smiologie verbale dimpratif; de prsent, dimparfait, de pass compos, de plus que parfait; srie adverbiale du type ici, demain, aujourdhui), Il faut aussi souligner le fait que la distinction fondamentale qui oppose les fonctions cognitive et expressive apparat comme un embrayage qui fait possible le passage du plan de la chose dsigne celui du locuteur. Le style direct, le style indirect et le style indirect libre La grammaire et la stylistique distinguent le style direct, le style indirect et le style indirect libre; cette division qui concerne le style a pour fondement la nature et la fonction de la communication. Celle-ci comporte un destinateur (un locuteur, un metteur), un destinataire (un interlocuteur, un rcepteur) et un nonc; ce dernier, comporte un sujet (ou un prime actant) qui peut tre le locuteur. Celui-ci peut tre reprsent par je; linterlocuteur peut tre reprsent par tu; la personne dont on parle et qui peut tre absente est reprsente par il. 1. Le style direct (lat. oratio directa; fr. discours direct) rend les penses et les paroles de quelquun telles quelles ont t formules. La citation littrale des paroles et des penses dun personnage ou du narrateur constitue dans ce type de discours une mimesis pure selon la thorie de Platon expose au troisime livre de la Rpublique. Dans le style direct le rapporteur sacquitte objectivement de sa tche lorsquil rpte textuellement ce quun actant a dit, sans ajouter sa propre opinion; on dit, au contraire, que le rapporteur est subjectif lorsquil fait des remarques sur lnonc quil reproduit au point de vue de sa vracit. Cependant le message nest altr dans sa structure ni dans ce second cas: le narrateur ne sen tient pas introduire le personnage dont il reproduit lnonc; il peut spcifier la nature de cet nonc; par exemple, X prononce des paroles (il dit), Y fait des rflexions sur (il pense), Z donne des ordres (il ordonne). On appelle modus lensemble de ces indications pragmatiques qui marquent que le locuteur assume lnonc et qui montrent parfois lattitude que celui-ci manifeste lgard du contenu de ce quil dit, ou dictum. Le style direct sinsre ainsi dans le texte narratif au moyen dun signe de
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transposition qui indique le changement de niveau narratif, le plus souvent un verbe dclaratif (verbe transpositeur). Le modus peut se trouver avant les paroles ou les penses rapportes; il peut tre enchss dans lnonc sous la forme dune incise, ou bien il peut tre plac la fin du discours reproduit. Ex.: Il ny a bte ni oiseau /Quen son jargon ne chante ou crie: / Le Temps a laiss son manteau /De vent, de froidure et de pluie (Charles dOrlans, Le Printemps). Un jour, la reine (Anne dAutriche) ayant fait porter au roi qui tait gravement malade des paroles de regret, le suppliant surtout de ne pas croire quelle et jamais conspir contre sa personne, Louis XIII dclara au comte de Chavigny: En ltat ou je suis, je lui dois pardonner; mais je ne suis pas oblig de la croire. (Louis XIII avait beaucoup daversion pour la reine. Il savait que son pouse entretenait des intelligences avec les Espagnols, et surtout avec ses frres, le roi Philippe IV et le Cardinal Infant. De plus, elle avait t implique, cause de Mme de Chevreuse dans le complot du comte de Chalais, matre de la grande-robe du roi Louis XIII). Le vent nous apportait de lointains angelus; / Il dit Je songe ceux que lexistence afflige, / ceux qui sont, ceux qui vivent. Moi, lui dis-je, /Je pense ceux qui ne sont plus ! (V. Hugo, quoi songeaient les deux cavaliers dans la fort). Dors si tu peux, dit-il (cest le docteur Rieux qui parle; il sadresse sa femme). La garde viendra onze heures et je vous mnerai au train de midi. (Camus, La Peste). 2. Le style indirect (discours indirect, discours narrativis; lat. oratio obliqua). Les paroles dun locuteur peuvent tre rapportes indirectement: Lnonciation historique et celle du discours, crit mile Benveniste, peuvent loccasion se conjoindre en un troisime type dnonciation, o le discours est rapport en termes dvnement et transpos sur le plan historique; cest ce qui est communment appel discours indirect.79 Le style indirect consiste ne pas citer textuellement les paroles dune personne, mais les rapporter par lintermdiaire dun subordonnant qui les rattache au verbe (le modus) qui les annonce. Le style indirect rapporte seulement le sens, la substance des paroles dun locuteur. La renonciation la reproduction textuelle peut tre considre comme une tendance labstraction. On appelle aussi le style indirect, discours narrativis, parce quil est repris en main par le narrateur et intgr dans son rcit. Le passage du style direct au style indirect peut entraner toute une srie de modifications morphosyntaxiques concernant la personne, les modes et les temps des verbes, etc. Le style indirect emploie comme introducteurs ou transpositeurs, constituant le modus ou la copule logique, des verbes qui sont exclusivement sa disposition. Des verbes tels que penser, juger, croire, supposer, douter, simaginer, etc. employs uniquement par le discours indirect en tant quintroducteurs ou transposi79

E. Benveniste, Problmes de linguistique gnrale, Paris, Gallimard, 1966, 242.

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teurs, ont en commun la particularit de mettre le rapporteur en vidence. Ce dernier a plus dimportance dans le style indirect que dans le style direct; le discours indirect permet dexprimer mieux lattitude du rapporteur lgard des paroles ou des penses rapportes. Mais le discours indirect enlve aux paroles rapportes, ou dictum, presque tous leurs lments affectifs: Le style indirect, crit Pierre Guiraud, rapporte un nonc in absentia auquel sont dnies toutes les marques prosodiques de la phrase locutive qui sont le propre dun nonc in praesentia Le locuteur principal na pas la possibilit de prter sa voix au locuteur secondaire.80 Voici quelques phrases extraites des Mmoires de La Rochefoucauld o lauteur emploie le style indirect: 1. Verbe transpositeur (ou introducteur): accuser. Ex.: Le Cardinal (Richelieu) accusa la Reine davoir concert cette entreprise avec le duc de Buckingham, pour faire la paix des huguenots et pour lui donner prtexte de revenir la cour et de revoir la Reine (p. 40). 2. Verbe transpositeur : sapercevoir. Ex.: La comtesse de Carlisle saperut bientt quil (= le duc de Buckingham) affectait de porter des ferrets de diamants quelle ne connaissait pas (langage intrieur), p. 39. 3. Verbes transpositeurs: juger, apprhender. Ex.: Le duc de Buckingham saperut le soir de ce quil avait perdu, et jugeant dabord que la comtesse de Carlisle avait pris les ferrets, il apprhenda les effets de sa jalousie et quelle ne ft capable de les remettre entre les mains du Cardinal pour perdre la Reine (langage intrieur); p. 39. 4. Verbe transpositeur: assurer. Ex.: Elle (la reine) massura mme plusieurs fois quil allait de son honneur que je fusse content delle et quil ny avait rien dassez grand dans le Royaume pour me rcompenser de ce que javais fait pour son service1; p. 65. 5. Verbe transpositeur: avertir. Ex.: La Reine mre (Marie de Mdicis) avertit le Roi que le Cardinal tait amoureux de la Reine sa femme; p. 40. 6. Verbe transpositeur: conseiller . Ex.: Je lui conseillais ( Mme de Chevreuse) de suivre les gots de la Reine, puisque apparemment elle ne les ferait pas changer; p. 67. 7. Verbe transpositeur: dclarer. Ex.: Un jour le Roi (Louis XIII) tait renferm seul avec la Reine, elle renouvela ses plaintes contre le Cardinal et dclara quelle ne le pourrait plus souffrir dans les affaires (p. 41). 8. Verbe transpositeur: dfendre. Ex.: Dans cette extrmit, il (le duc de Buckingham) dpcha linstant mme un ordre de fermer tous les ports dAngleterre et dfendit que personne nen sortt; p. 39. 9. Verbe transpositeur: demander.
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P. Guiraud, La stylistique, Paris, P.U.F. 1972, p. 91. 45

Ex.: Il (Louis XIII) parut mme dispos chasser le Cardinal et demanda la Reine mre qui on pourrait mettre sa place dans le ministre; p. 41. Autres exemples de style indirect Doucement, Rieux dit quen effet une pareille condamnation serait sans fondement, mais quen posant cette question, il cherchait seulement savoir si le tmoignage de Rambert pouvait ou non tre sans rserves (Camus, La Peste). Rieux lui demanda comment il allait. Cottard, en sasseyant, bougonna quil allait bien et quil irait encore mieux sil pouvait tre sr que personne ne soccupt de lui. Rieux fit observer quon ne pouvait pas toujours tre seul. (Camus, La Peste). 3. Le style indirect libre ne se situe pas sur le mme plan que le style direct et le style indirect. Employ surtout dans la langue crite et en particulier dans la narration littraire, il constitue une technique labore qui combine les formes du style direct et les formes du style indirect. Le style indirect libre a t nomm la parole et la pense reprsentes. Cette forme de style nest introduite par aucun verbe (absence du modus), par aucun subordonnant. En gnral, au moyen du style indirect libre, on rapporte les penses et les paroles dune personne laide de propositions indpendantes. Le style indirect libre autorise les exclamations, les injonctions, les inversions et lemploi dautres lments expressifs exclus de la phrase subordonne employe dans le style indirect. Dans le style indirect libre, le narrateur adhre le plus troitement possible aux paroles du personnage. Au moyen du style indirect libre, on peut reproduire le langage intrieur dun personnage (souvenirs, associations dides). Ex.: Emma se repentit davoir quitt si brusquement le prcepteur. Sans doute, il allait faire des conjectures dfavorables. Lhistoire de la nourrice tait la pire excuse, tout le monde sachant bien Yonville que la petite Bovary, depuis un an tait revenue chez ses parents. Dailleurs personne nhabitait aux environs, ce chemin ne conduisait qu la Huchette; Binet, donc, avait devin do elle venait, et il ne se tairait pas, il bavarderait, ctait certain! (Flaubert, Mme Bovary). Le style indirect libre peut servir prsenter brivement la biographie dun personnage: Mtho finit par smouvoir de ces prvenances et peu peu il desserra les lvres: Il tait n dans le golfe des Syrtes. Son pre lavait conduit en plerinage au temple dAmmon. Puis il avait chass les lphants dans les forts de Garamantes. Ensuite, il stait engag au service de Carthage (Flaubert, Salammb). Par le style indirect libre, on peut rendre succinctement le contenu du discours de quelquun: Il (le suffte Hannon) exposait au capitaine les charges infinies de la Rpublique. Son trsor tait vide. Le tribut des Romains laccablait (Flaubert, id.). Le discours de Giscon, lancien commandant des mercenaires, envoy par Carthage pour payer la solde ceux-ci est brivement rendu par Flaubert au moyen du style indirect libre. Ex.: Il blma les torts de la Rpublique et ceux des Barbares; la faute en tait quelques mutins qui par leurs violences avait effray Carthage. La meilleure preuve de ses bonnes intentions ctait quon lenvoyait vers eux, lui, lternel
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adversaire du suffte Hannon. Ils ne devaient point supposer au peuple lineptie de vouloir irriter les braves ni assez dingratitude pour mconnatre leurs services. (Flaubert, Salammb). On peut rendre par le style indirect libre les raisonnements des personnages, raisonnements du type enthymme: Mais la fureur des Barbares ne sapaisa pas. Ils se rappelrent que plusieurs dentre eux, partis pour Carthage nen taient pas revenus; on les avait tus, sans doute (Flaubert, Salammb). Autres exemples de style indirect libre Il (Raymond Rambert) alla droit au but. Il enqutait pour un grand journal de Paris sur les conditions de vie des Arabes et voulait des renseignements sur leur tat sanitaire. (Camus, La Peste). Un jour au dvot personnage / Des dputs du peuple rat / Sen vinrent demander quelque aumne lgre: / Ils allaient en terre trangre / Chercher quelque secours contre le peuple chat; / Ratopolis tait bloque: / On les avait contraints de partir sans argent, / Attendu ltat indigent / De la rpublique attaque. / Ils demandaient fort peu, certains que le secours / Serait prt dans quatre ou cinq jours (La F., Le rat qui stait retir du monde). Cependant Mme de Chevreuse commenait simpatienter: on ne faisait rien pour elle ni pour ses amis; le pouvoir du Cardinal augmentait tous les jours; il lamusait par des paroles soumises et galantes (La Rochefoucauld, Mmoires). La mtaphore et la mtonymie Dans ses Essais de linguistique gnrale (d. cit.), Roman Jakobson a fait ressortir la valeur fonctionnelle de la mtaphore et de la mtonymie. Ces deux tropes (ou mtasmmes) ont leur base deux types dassociations verbales: la similitude des termes (cest le cas de la mtaphore) et leur contigut (cest le cas de la mtonymie). Roman Jakobson a remarqu que les troubles aphasiques qui sont un signe de laltration du langage dvoilent que le malade est atteint soit de trouble de la similarit (choix des mots) soit de trouble de la contigut (incapacit de construire des phrases): Toute forme de trouble aphasique, dit Jakobson, consiste en quelque altration plus ou moins grave, soit de la facult de slection et de substitution, soit de celle de combinaison et de contexture. La premire affection comporte une dtrioration des oprations mtalinguistiques, tandis que la seconde altre le pouvoir de maintenir la hirarchie des units linguistiques. La relation de similarit est supprime dans le premier type et celle de contigut dans le second. La mtaphore devient impossible dans le trouble de la similarit et la mtonymie dans le trouble de la contigut.81 Il a montr aussi les rles jous par la fonction mtaphorique et la fonction mtonymique dans tous les processus de symbolisation: dans les rves, les mythes et dans la littrature et les arts:
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R. Jakobson, Essais de Linguistique gnrale, Paris, d. de Minuit, 1963, p. 61. 47

La comptition entre les deux procds, mtonymique et mtaphorique, est manifeste dans tout processus symbolique, quil soit intrasubjectif ou social. Cest aussi que dans une tude sur la structure des rves, la question dcisive est de savoir si les symboles et les squences temporelles utiliss sont fonds sur la contigut (dplacement mtonymique et condensation synecdochique freudiens) ou sur la similarit (identification et symbolisme freudiens). Les principes qui commandent les rites magiques ont t ramens deux types: les incantations reposant sur la loi de similitude et celles fondes sur lassociation par contigut.82 Roman Jakobson explique ensuite comment la mtaphore et la mtonymie (auxquelles il ajoute la synecdoque) sont employes dans la posie et dans le roman: Dans la posie, dit-il, diffrentes raisons peuvent dterminer le choix entre ces deux tropes. La primaut du procd mtaphorique dans les coles romantiques et symbolistes a t maintes fois souligne, mais on na pas encore suffisamment compris que cest la prdominance de la mtonymie qui gouverne et dfinit effectivement le courant littraire quon appelle raliste, qui appartient une priode intermdiaire entre le dclin du romantisme et la naissance du symbolisme et qui soppose lun comme lautre. Suivant la voie des relations de contigut, lauteur raliste opre des digressions mtonymiques de lintrigue latmosphre et des personnages au cadre spatio-temporel. Il est friand de dtails synecdochiques. Dans la scne du suicide dAnna Karnine, lattention artistique de Tolsto est concentre sur le sac main de lhrone; et dans Guerre et Paix les synecdoques poils sur la lvre suprieure et paules nues sont utilises par le mme crivain pour signifier les personnages fminins qui ces traits appartiennent.83 Jakobson souligne que la mtaphore joue un rle important dans la posie surraliste et dans la posie en gnral et il met en vidence le fait que la critique littraire a trop mis laccent sur la fonction de la mtaphore dans les textes, au lieu de remarquer que la mtonymie dtient un rle prpondrant par rapport la mtaphore. Bernard Dupriez Bernard Dupriez84 souligne que la tche de la stylistique est de dcrire et dinterprter les signes du style. son avis, la stylistique est une science tourne exclusivement vers ltude du style littraire Elle doit essayer de retrouver dans un texte littraire la marque personnelle et originale dun auteur. Bien que la Stylistique ait des rapports assez troits avec la linguistique, la psychologie et avec dautres sciences humaines, elle peut utiliser les concepts de ces sciences mais non pas les mthodes employes par celles-ci.

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Ibidem, p. 63. Ibidem. 84 B. Dupriez, Les tudes des styles, Paris, Didier, 1969, 332 p. 48

Dans lanalyse stylistique, Dupriez propose que lon emploie la commutation85, opration qui consiste tablir pour chaque unit ou lment du texte les variantes stylistiques possibles (les stylmes) dans lesquelles lauteur a fait un choix. La commutation permet de retrouver ces choix, ensuite de les interprter. Selon Dupriez une analyse stylistique doit commencer par une segmentation du texte en lments aussi rduits que possible. Pour chaque lment, sil y a lieu, on doit trouver des variantes; celles-ci doivent tre littraires cest--dire quelles doivent entrer dans la ligne gnrale spcifique du texte tudi. Dans la recherche de variantes linguistiques, on doit employer des dictionnaires explicatifs, analogiques, des dictionnaires de synonymes, etc. Au moyen de ces instruments de travail, il faut chercher par quoi chaque lment du texte pourrait tre remplac. Il ne faut pas ncessairement que les variantes trouves soient plus justes, plus touchantes ou plus belles que le texte original, car selon Dupriez il serait absurde de vouloir corriger un texte littraire; lauteur prcise que ltablissement des variantes na pas pour but une r-cration du texte; il ne reprsente quune tape de lanalyse (le texte tudier doit tre toujours considr comme un modle). Lauteur remarque que la longueur du texte quon doit segmenter et soumettre lopration de commutation doit tre limite pour des raisons pratiques, car lanalyse dune oeuvre en entier exigerait plusieurs annes dtude: mais, dit-il, on peut connatre une personne un seul de ses gestes surtout si ce geste est typique et intgr dans toute une action et bien observ. son avis, on doit dabord choisir une phrase cl qui renferme des traits spcifiques du style de lcrivain. Il affirme que dans un chef-duvre presque toutes les phrases sont des phrases-cls. Les lments de style dcouverts peuvent tre tudis: A. Au niveau de la deuxime articulation du langage: les graphies (majuscules, ponctuation, dessins de mots); les phonmes, les sonorits (figures de rhtorique: allitrations, homootleutes, etc.; tude des rimes); rythmes; B. Au niveau de la premire articulation du langage: lexmes (smantisme intellectuel, affectif ou vocateur); fonctions et formes grammaticales; ordre des mots (constructions de phrases). C. Au niveau spcifiquement littraire: procds (images, figures de pense, etc.); la nature de lexpos (narration, description, dialogue, etc.). Dupriez a dress un tableau concernant la dmarche de lanalyse. I. Choix dun fragment (de prfrence quelques lignes seulement). Histoire du texte et apparat critique.
La commutation est lopration par laquelle le linguiste vrifie lidentit paradigmatique de deux formes de la langue. Cette identit paradigmatique doit tre distingue de lidentit formelle ou smantique; elle se dfinit simplement par laptitude entrer dans les mmes constructions (J. Dubois, Dictionnaire de linguistique, Paris, Larousse, 1993). 49
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II. Explication du passage. Principe constant: ne relever que les lments utiles la comprhension du texte. a) Explication externe: biographie, uvre b) Explication interne: graphies, sonorits, rythmes (phnomnes intressant la smiotique et la rhtorique). Lanalyse des mots au point de vue lexicologique et smantique. tudes des formes grammaticales et des constructions. Point de vue rhtorique ou potique Le texte: point de vue thorique et littraire Rsum des rsultats III. Segmentation. numrer les lments commutables, avec les variantes possibles. IV. Commutation. Insrer les variantes une une dans le contexte (l o il y a variante, il y a choix de la part de lauteur) pour en apprcier la valeur, etc. V. Interprtation des stylmes. Trouver le motif du choix. LA STYLISTIQUE STRUCTURALE P. Barucco P. Barucco, ancien professeur lUniversit de Nice, dans lments de stylistique, Paris, Roudil, 1972, p.42 sq., a soulign que la stylistique est structurale dans la mesure o elle nattache pas de valeur stylistique aux mots eux-mmes, mais leurs relations, telles quelles apparaissent dans le texte. Barucco montre que depuis longtemps la notion et le terme de structure appartiennent aux langues de spcialit. a) dans le domaine de larchitecture, on parle de la structure dune cathdrale. b) la biologie emploie lexpression la structure dune cellule. c) dans le domaine de la chimie, on trouve lexpression la structure de la molcule de leau lourde. d) la gologie utilise lexpression la structure de lcorce terrestre. Barucco prcise que le structuralisme entend par le terme structure une relation de type abstrait. Suivant ce stylisticien, la relation structurale dans la langue se situe sur laxe vertical des paradigmes dans ce quon a appel aussi la rserve o puise le locuteur les lments ncessaires la construction des squences syntagmatiques. Lauteur souligne que la structure ne se situe pas sur laxe horizontal syntagmatique qui est laxe de la combinaison et qui concerne la parole et non pas la langue. Il fait ressortir le fait que des linguistes tels que Ferdinand de Saussure, Gustave Guillaume, Louis Hjelmslev nont pas pos le problme dune structure de la parole, et cependant cest de la parole que soccupe les thories ayant trait la stylistique. Suivant Barucco, la diffrence de la linguistique structurale qui tudie les structures paradigmatiques en langue, la stylistique structurale soccupe surtout des structures de type syntagmatique, des relations qui stablissent entre diffrents lments linguistiques dans la parole (dans le discours). Selon cet auteur, la stylistique structurale part dun principe trs simple suivant lequel les lments dun texte ou dun message ne doivent jamais
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tre envisags isolment mais toujours comme tant les composants dun ensemble organique, dun systme. Il pense que ltude de la langue potique naboutit au niveau structural que lorsque les composantes individuelles en sont examines dabord dans leurs corrlations et ensuite dans leur relation avec la totalit structurale du texte. Il prcise quun texte littraire ne saurait tre rduit la somme de ses composantes; cest pourquoi le commentaire stylistique doit tenir compte de lorganisation du texte et employer des mthodes danalyse spcifique. Par consquent, il sagit non seulement de faire linventaire des figures de stylistique, mais surtout de mettre en relief la fonction stylistique telle quelle est engendre par les articulations du texte; au point de vue structural, le signe ne peut tirer ses effets stylistiques de sa forme ni de sa substance, mais uniquement de ses relations avec les autres signes prsents dans le texte. Suivant Barucco un mme signe peut avoir des valeurs non seulement diffrentes mais contradictoires selon sa distribution. Lauteur indique comment on doit procder lorsquon veut pratiquer une analyse stylistique; il souligne que tout dabord il faut tablir une description de tous les lments du texte considr au plan phonique, au plan morphosyntaxique et au plan lexical. On doit mettre en relief le rseau de relations qui unissent ces formes entre elles, tout dabord lintrieur de chaque plan et ensuite dun plan lautre. Lauteur prcise que les articulations internes du texte doivent tre analyses en tenant compte des principes didentit et dopposition: De mme quun phonme. dit-il, fonctionne en qualit dunit distinctive par ses contrastes discrets (= distincts, dlimitables) avec les autres lments contigus dun message, de mme le fait stylistique se constitue aussi comme unit distinctive.86 Lindication des articulations fonctionnelles des units stylistiques ne saurait se faire isolment; dans cette opration on doit tenir compte de chacun des plans du langage et des connexions qui existent entre eux. Suivant Barucco, il faut accorder une gale importance aux relations marquant les diffrences et aux relations marquant les similitudes des units stylistiques: Quand on aura distingu, dit-il, ces relations aux diffrents niveaux linguistiques autonomes (syntaxe, morphologie, lexique, phonologie, mtrique), on restituera la complexit du texte par la mise en relation des diffrents niveaux de langue entre eux. On constatera ainsi que les diffrents moyens stylistiques non seulement sajoutent sparment lun lautre, mais se combinent entre eux pour constituer de par leur convergence ce conglomrat stylistique selon lexpression de Riffaterre.87 Barucco met en vidence le fait que lanalyse stylistique concerne aussi le niveau smantique; ds que lanalyse formelle a rendu compte par la description des symtries et des asymtries du fonctionnement de telle ou telle squence au niveau des microstructures (le mot, la phrase) et celui des macrostructures (le chapitre, luvre), on constate alors qu cet entrelacement de rapports internes correspondent aussi des rapports quivalents au niveau smantique. Lanalyse stylistique dont parle lauteur a t mise en pratique par R. Jakobson et C. LeviStrauss dans le commentaire quils ont fait sur le sonnet Les Chats de Baudelaire:
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P. Barucco, lments de stylistique, d. cit., p. 46. Ibidem, p. 46. 51

Le sonnet y est dabord dcrit, dit Barucco, comme un systme didentits et doppositions distinctives dans ses diffrents plans. Ceux-ci sont ensuite mis en communication, lanalyse dbouchant enfin sur une interprtation smantique.88 Dans lanalyse du sonnet Les Chats, R. Jakobson et C. Levi-Strauss ont procd ltablissement des quivalences de mme niveau; ils ont envisag chaque niveau (phonique, syntaxique, smantique, prosodique) comme un vritable systme et ont trac les relations qui sinstauraient de systme systme: relation entre la versification et la syntaxe, relation entre la syntaxe et la smantique, etc. En faisant des remarques sur les traits caractristiques de lanalyse stylistique de type structural, Barucco montre que la vise critique se situe au centre de luvre: Luvre, dit Barucco, est aborde comme un objet clos dont on tudie le fonctionnement interne, le style tant analys comme un langage spcifique lintrieur mme de la langue.89 Lubomir Dolezel (membre de lcole de Prague) Suivant Lubomir Dolezel qui a essay de formuler quelques principes fondamentaux concernant la thorie de la stylistique structurale, chaque message est form dune suite dlments segmentaires et suprasegmentaires. Il appelle ces lments, lments textuels. Ceux-ci sont dfinis comme ayant plusieurs niveaux hirarchiss constitus par des lments mrismatiques, phonmatiques, morphmatiques, syntaxiques, supra-syntaxiques (contextuels). Les lments textuels possdent les caractres suivants: 1. Un caractre de stratification: les lments dun niveau donn sont constitus dlments de diffrents niveaux infrieurs; ces lments peuvent jouer dans ce cas, le rle de traits distinctifs relevants. 2. Un caractre de distribution: ce caractre concerne le mode de liaison dun lment donn avec dautres lments de mme niveau. 3. Un caractre ayant trait la fonction interne linguistique: ce caractre est mis en vidence par la participation dun lment donn lexpression des lments des niveaux suprieurs. 4. Un caractre ayant trait la fonction externe linguistique, smantique. Lauteur nomme le caractre de stratification et le caractre de distribution, caractres formels, tandis que le caractre de la fonction interne linguistique et le caractre de la fonction externe sont nomms caractres fonctionnels. Selon L. Dolezel une attention toute particulire doit tre accorde aux caractres fonctionnels des lments textuels dans les ouvrages littraires; la structure du message littraire se caractrise par rapport la structure dun message non littraire, par lexistence dun systme plus compliqu des caractres fonctionnels des lments textuels. La structure du message littraire est une liaison dialectique de deux niveaux: le niveau de la structure linguistique et celui de la structure littraire.
88 89

Ibidem, p. 47. Ibidem.

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Les lments de la structure littraire sont exprims laide des lments de la structure linguistique mais ces lments revtent un nouveau caractre fonctionnel car ils participent de manire essentielle la structure littraire. On appelle fonction esthtique le caractre fonctionnel spcifique des lments textuels du message littraire. Le systme des caractres fonctionnels des lments textuels du message littraire est form donc par trois fonctions essentielles: a) linguistique interne; b) esthtique interne; c) smantique externe: tel mot du message littraire en tant qulment de proposition (ou, ventuellement, de syntagme) accuse un caractre de fonction linguistique. Tel mot du message littraire en tant que dnommant un lment de la ralit extralinguistique, a le caractre de fonction smantique. Tel mot du message littraire en tant que motif dans ldification de la structure littraire offre un caractre de fonction esthtique.90 Lubomir Dolezel expose ensuite sa thorie concernant les caractres textuels constants et variables, le moyen linguistique, le moyen stylistique et il montre ensuite quelle est la tche fondamentale de la stylistique: Les caractres des lments textuels sont, comme les caractres du texte entier, constants (les caractres l ) et variables (les caractres Si). Le caractre constant, nous le dfinissons comme le caractre de llment textuel par qui il est marqu dans tous les domaines du rseau de communication K; au contraire, le caractre variable nest coordonn llment textuel que dans un certain domaine du rseau de communication, cest--dire dans un ou plusieurs secteurs de communication Ki. Nous appellerons llment textuel dont les caractres formels et fonctionnels ont la nature des caractres l moyen linguistique. Llment textuel possdant des caractres formels l et des caractres fonctionnels Si sappellera moyen linguistique avec une fonction stylistique; llment de texte possdant des caractres formels et fonctionnels Si, nous convenons de lappeler moyen stylistique. Car les caractres formels sont les caractres constituants de llment textuel; la proposition llment textuel rvle les caractres formels variables est quivalente la proposition llment textuel nexiste que dans un certain domaine du rseau de communication. Un exemple de moyen linguistique est fourni par un mot qui possde une signification conventionnelle (indirecte), comme lest une mtaphore, une figure. Exemple de moyen stylistique: un nologisme potique.91 Suivant Dolezel la stylistique doit se proposer dabord pour but la description des moyens stylistiques et des systmes qui emploient ces moyens. Pour cette description, il propose lutilisation des mthodes exactes par lesquelles la linguistique structurale a lhabitude de dcrire les moyens linguistiques. son avis, lanalyse stylistique doit soccuper dabord du domaine des moyens suprasyntaxiques; il justifie cette dmarche par le fait que lanalyse des plans suprieurs du message linguistique rend plus facile la comprhension des caractres fonctionnels des moyens dexpression des niveaux infrieurs.
90 91

L.Dolezel, Travaux linguistiques de Prague, I, 1966, p. 257 sq. Ibidem. 53

S.K. Levin Selon Levin, qui essaie dillustrer la thorie de Jakobson concernant la fonction potique, la structure potique est une structure dans laquelle les formes quivalentes du point de vue du sens et (ou) du point de vue du son sont places dans des positions syntagmatiques quivalentes, les formes ainsi places constituant des types particuliers de paradigmes.92 Afin dexemplifier la thorie de Jakobson suivant laquelle la fonction potique projette le principe dquivalence de laxe de la slection sur laxe de la combinaison, Levin souligne, qu son avis, il y a deux types dquivalences positionnelles selon que les positions sont comparables ou parallles. Il y a position comparable lorsquil y a une structure du type A (adjectif) + C (conjoction) + A (adjectif) + N (nom) = ACAN. Ex.: un grand (A) et (C) beau (A) monument (N). Exemple de Levin: tall (A) but (C) wooden (A) bildings (N). Les adjectifs grand et beau; tall et wooden se trouvent dans des positions comparables. Il y a position parallle lorsquil y a une structure du type A (adjectif) + N (nom) + C (conjonction) + A (adjectif) + N (nom) = ANCAN. Ex.: une grande tour et une belle colonnade A N C A N Exemple de Levin: good food and soft music A N C A N Dans une position comparable les deux adjectifs dterminent le mme nom, tandis que dans une position parallle chaque adjectif dtermine un nom diffrent. Des constructions parallles en positions quivalentes peuvent tre formes des verbes limpratif et des noms ayant la fonction de complment dobjet direct. Elles sont, par exemple, du type V N C V N (verbe + nom + conjoction + verbe + nom) Exemple: bring me a newspaper and buy me a cigar (apporte-moi un journal et achte-moi un cigare). Suivant Levin, des positions quivalentes engendres par des constructions parallles ne sont pas ncessairement contenues dans la mme proposition ou phrase. Afin dillustrer cette affirmation, Levin donne pour exemple lextrait suivant dun pome de William Carlos Williams (Theocritus: Idyl I): If the Muses choose the young ewe you shall receive a stall-fed lamb as your reward but if They prefer the lamb you shall have the ewe for second prize.
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S.K. Levin, Lingvistic Structures in Poetry, S. Gravenhague, 1962, p. 33 sq.

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Traduction du fragment: Si les Muses/choisissent la jeune brebis/ vous recevrez/ un agneau engraiss ltable/ pour votre rcompense/mais si/elles prfrent lagneau/vous/ aurez lagneau pour/second prix. Dans ce fragment choose (choisissent) et prefer (prfrent) se trouvent dans des constructions parallles avec young ewe (jeune brebis) et lamb (agneau); receive (recevrez) et have (aurez) arrivent en constructions parallles avec (stallfed) lamb (agneau engraiss) et ewe (brebis); as your reward et for second prize sont en constructions parallles avec / stall-fed/lamb et ewe. Tout ce passage est un complexe de paralllismes: C N V N - N V N P N but (mais) C N V N N V N P N. La plupart des formes places dans ces positions quivalentes sont smantiquement quivalentes: choose et prefer; young ewe et lamb, receive et have reward. Levin souligne que ce passage est un exemple de couplage cest--dire de structure dans laquelle des formes de nature quivalente (en loccurrence smantique) arrivent dans des positions quivalentes.93 Ce systme de couplage reprsente un systme de slection de structures quivalentes qui donne naissance un sous-code potique lintrieur de la langue commune. Lauteur conclut de ces faits que en lisant un pome nous constatons que les syntagmes engendrent des paradigmes particuliers et que ces paradigmes leur tour engendrent les syntagmes. Quen dautres termes, le pome engendre son propre code dont le pome est le message unique.94 Michael Riffaterre Selon M. Riffaterre, ancien professeur lUniversit Columbia des tats-Unis, la critique impressionniste des textes littraires, lhabitude de prendre en considration seulement les figures de rhtorique prsentes dans le message, lapprciation esthtique a priori ont longtemps entrav le dveloppement de la stylistique considre comme science des styles littraires. Si lon tient compte du fait quentre le langage et le style il y a une troite parent, il est normal que les mthodes linguistiques puissent tre utilises pour la description objective de la faon dont la fonction littraire du langage est employe par un crivain. Riffaterre dcrit la littrarit exclusivement en termes deffet; selon lui, est littraire tout texte qui simpose lattention du lecteur par sa forme indpendamment ou non de son contenu, et de la nature positive ou ngative des ractions du lecteur. Suivant Riffaterre les faits stylistiques possdent un caractre spcifique sinon on ne pourrait pas les distinguer des faits linguistiques. Pour procder une analyse stylistique, une premire opration qui simposerait serait de rassembler tous les lments marqus au point de vue du style et ensuite de les analyser au moyen des mthodes linguistiques. Il prcise que le style qui est compris comme un soulignement expressif, affectif ou esthtique ajout linformation transmise par la
93 94

Ibidem. Ibidem. 55

structure linguistique sans altration du sens, consiste dans la mise en relief de certains lments de la squence verbale afin de les imposer lattention du dcodeur, cest dire du lecteur. En outre, ces lments sont rangs et encods de telle manire que celui-ci ne puisse les omettre sans dformer le sens du texte. Riffaterre souligne que cest par le langage quon exprime un nonc mais que cest par le style quon met en valeur certaines parties de celui-ci. Lcrivain pour transmettre son message et, en mme temps, pour triompher de linertie ou de la distraction du destinataire na pas sa porte les moyens extralinguistiques dexpression (gestes, intonation) dont dispose un locuteur; cest pourquoi lauteur de luvre littraire doit substituer ces moyens des procds dinsistance de nature stylistique, surtout des figures de style, ou un ordre de mots inhabituel. Lcrivain qui joue le rle dencodeur doit prvoir linattention du dcodeur (le lecteur) ou le dsaccord de celui-ci lgard du message encod, tandis que dans le code oral, le locuteur a une tche plus facile car il peut sur-le-champ adapter ses paroles aux ractions de son interlocuteur (allocutaire); par consquent, lcrivain doit donner son message une efficacit maximale qui soit valable pour tous les rcepteurs. En outre, lcrivain est conscient de la ncessit de rendre son message persuasif; en consquence, il est trs attentif la rdaction de son texte, aux oprations dencodage car il doit rendre plus facile le dcodage, la comprhension du message transmis. Ce nest pas seulement la signification du message quest transmise au lecteur, mais aussi lattitude de lauteur lgard du texte mis: Le lecteur, dit Riffaterre, est forc de comprendre naturellement, mais aussi de partager les vues de lauteur quant ce qui est important et ce qui nest pas dans son message.95 Si lmetteur dsire que ses intentions soient perues par le rcepteur, les lments quil veut mettre en relief doivent tre imprvisibles. De cette faon, lcrivain contrle le dcodage tant donn quil encode l o il considre ncessaire les lments qui attireront brusquement lattention du lecteur quel que soit ltat de fatigue de celui-ci. Limprvisibilit obligera le lecteur lattention et cest ce phnomne qui provoque leffet de style et non pas lcart par rapport la norme. Leffet stylistique de surprise est engendr par limprvisibilit dun lment du texte par rapport un lment antrieur. Dans le vers suivant du Cid de Corneille, par exemple, Cette obscure clart qui tombe des toiles, le lexme clart est au point de vue smantique imprvisible par rapport obscure. Le syntagme obscure clart est un oxymoron, un procd stylistique constitu par la jonction de deux lexmes incompatibles par leur sens.
95

M. Riffaterre, Essais de stylistique structurale, Paris, Flammarion, 1971, p. 33.

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Riffaterre prcise que le lecteur est une sorte de cible vise par le procd stylistique dont le but est dagir sur le rcepteur sans que celui-ci puisse se garder de son impact. Riffaterre a remplac la notion de norme par celle de contexte stylistique qui se caractrise par les traits suivants: 1 le contexte est automatiquement pertinent (pertinent se dit de tout lment dune langue qui joue un rle dans la communication). 2 le contexte est immdiatement accessible parce quil est encod. 3 le contexte est variable et forme une srie de contrastes avec les procds stylistiques successifs.96 Le contexte est dfini par Riffaterre comme un pattern97 rompu par un lment imprvisible. La variabilit du contexte peut expliquer pourquoi une unit linguistique acquiert, modifie ou perd son effet stylistique en fonction de sa position, pourquoi chaque cart partir de la norme nest pas ncessairement un fait de style et pourquoi effet de style nimplique pas anormalit.98 Le style nest pas constitu par une succession de figures, de tropes, de procds; ce qui reprsente la structure stylistique dun texte cest une squence dlments marqus en contraste avec des lments non marqus au point de vue stylistique; il sagit souvent de groupes binaires dont les ples (contexte et contraste) sont insparables. Lanalyse stylistique doit aussi porter son attention aux lments non marqus; dans un contexte o il y a beaucoup dadjectifs au comparatif et au superlatif, cest la forme simple de ladjectif qui est expressive. Riffaterre nomme microcontexte lendroit dans un contexte o se trouve le stimulus, llment non prvisible (llment qui cre la surprise). En gnral, le microcontexte a une fonction structurale comme ple dun groupe binaire dont les composantes sont en opposition; en outre, le microcontexte est limit dans lespace et peut tre constitu par une seule unit linguistique. Exemple de stimulus: Ce pyrophore humain est un savant ignorant, un mystificateur mystifi, un prtre incrdule (Balzac, Illustre Gaudissart). Le microcontexte qui contient le stimulus est reprsent par un savant ignorant (cest un oxymoron). Llment imprvisible (le stimulus) est, dans cet exemple, le lexme ignorant. Le macrocontexte est la partie du message littraire qui prcde le procd stylistique et lui est extrieure. Suivant Riffaterre, il y a deux types de macrocontexte: A. Contexte procde stylistique Contexte Ce premier type se caractrise par le retour du pattern contextuel qui avait prpar le procd stylistique. En voici un exemple o lon trouve linsertion dun mot, tranger au code employ:
Ibidem, p. 64. On appelle pattern un modle spcifique reprsentant dune faon schmatique une structure de la langue. 98 M. Riffaterre, op.cit., p. 65. 57
97 96

Le pauvre M.Pecksniff est prsent comme un criminel, alors quil nest quun trs typique paterfamilias anglais qui assure sa pitance et celle de ses filles (G.B.Shaw, Getting Married) B. Contexte procd stylistique qui est le point de dpart dun nouveau contexte procd stylistique. Riffaterre dcrit ce type de macrocontexte de la manire suivante: Le procd stylistique engendre une srie de procds stylistiques du mme genre (par exemple, aprs un procd stylistique produit par un archasme); la saturation qui en rsulte conduit ces procds stylistiques perdre leur valeur de contraste, annihile leur capacit accentuer un point particulier du texte, et les rduit au rle de composants dun nouveau contexte; ce contexte, son tour permettra de nouveaux contrastes.99 Le nouveau type de macrocontexte est donc form par un accroissement exagr du procd stylistique qui tendant ses limites la suite dun emploi rpt constitue un nouveau pattern: par consquent, llment imprvisible engendre de nouveaux lments du mme genre qui ne seront plus imprvisibles, leur contenu tant dj connu; par exemple, aprs un procd stylistique form par une antithse, dautres antithses constitueront un nouveau contexte qui pourra permettre de nouveaux contrastes. Riffaterre a imagin un outil destin relever les stimuli stylistiques dun texte dune faon plus objective, un instrument qui permette que linterprtation stylistique se fasse sur lensemble des faits stylistiques et non sur les ractions trop subjectives dun seul lecteur. Il a nomm ce procd lecteur moyen appel ensuite archilecteur (le groupe dinformateurs utilis pour chaque stimulus ou pour une squence stylistique entire sera appel archilecteur1). M. Delacroix dans La Stylistique, tude insre dans lIntroduction aux tudes littraires, Paris, Duculot, 1985, p. 87, commente de la faon suivante la cration de cette notion darchilecteur par Riffaterre: Lindice du style tant pour lui leffet produit sur le lecteur, ctait aux lecteurs multiples que Riffaterre demandait dindiquer les endroits du texte o se produisait cet effet. En fait, tout commentaire attach un endroit prcis du texte, quil soit positif ou ngatif, tait considr comme un indice suffisant. Les indications se renforcent par leurs convergences. Les ractions aux stimuli encods dans le texte et qui constituent, en gnral, larchilecteur peuvent tre engendrs par: a) des commentaires critiques faits par des spcialistes b) des jugements de valeur ports sur des passages bien prcis. Quil y ait erreur ou prjug est sans importance, dit Riffaterre. Une mauvaise interprtation des faits indique tout de mme des faits. Le fait mme de dnier toute valeur stylistique un lment quelconque peut impliquer une valeur stylistique.100

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100

Ibidem, p. 83. Riffaterre, op. cit., p. 45.

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c) des notes portant sur le texte contenues dans les apparats critiques. d) des ractions des natifs dots de la conscience du langage objet aprs avoir lu le texte. e) des remarques dordre stylistique faites la suite de lexamen dune traduction: un exemple de traduction libre, dit Riffaterre, pourrait nous indiquer quexiste en ce point prcis un procd stylistique qui dfie une traduction littrale.101 Par lemploi de larchilecteur, Riffaterre a essay de transformer les jugements rsults de lexamen des ractions au style dun auteur qui taient subjectives en un instrument objectif danalyse afin de trouver des constantes derrire la varit des jugements, de transformer des jugements de valeur en jugements dexistence en ngligeant le contenu du jugement de valeur et en le traitant comme un simple signal.102 Georges Molini Georges Molini, professeur de stylistique franaise lUniversit ParisSorbonne (Paris IV) a fait paratre en 1986 un ouvrage consacr la stylistique intitul lments de stylistique franaise, Paris, PUF, 1986. 211 p. En 1989, il a publi dans la collection Que sais-je ? (Presses universitaires de France) un opuscule portant le titre: La Stylistique. Suivant cet auteur, la stylistique structurale a formul, comme programme prioritaire, la recherche scientifique du domaine de la littrature au moyen des outils employs par la linguistique, afin de dterminer comment est exprime la littrarit, cest--dire la spcificit du fait littraire et comment un texte acquiert la qualit dtre littraire. Il prcise que lobjet de la stylistique structurale est la recherche du caractre significatif dans une pratique littraire103. La stylistique est une science du langage tant donn quelle soccupe de linvestigation systmatique et technique dun domaine particulier de lactivit humaine reprsent par le langage. son avis, la stylistique peut tre envisage sous un double aspect : elle est en mme temps une discipline et une pratique. En outre, elle entretient dtroites liaisons avec la smiotique et la critique littraire: La smiotique explore la porte significative vers lextrieur la significativit dun systme smiologique donn: le langage ... Les questions de reprsentativit, de valeurs significatives sont au cur de la problmatique stylistique: dcrire le fonctionnement dune mtaphore ou lorganisation dune distribution de phrase, cest ncessaire; mais cette opration na dintrt que si on peut aussi mesurer le degr du marquage langagier repr en loccurrence. Et cette mesure de prs ou de loin est dordre smiotique.104 En ce qui concerne les contacts tablis entre la stylistique et la critique littraire, Molini prcise:
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Ibidem. Ibidem, p. 42. 103 G. Molini, La Stylistique, Paris, PUF, 1991 (premire dition), p. 36. 104 G. Molini, Elments de stylistique, d. cit., p. 10. 59

La critique est un discours sur le discours littraire ; elle est aussi la somme des moyens utilisables pour tirer un discours toujours plus clairant et toujours plus intressant; parmi ces moyens qui vont de lhistoire littraire lesthtique, en passant par la grammaire historique, la sociologie, la psychologie et quantit dautres approches, figure la stylistique, applique la formation concrte du discours tudi. La science de la littrature, qui cerne la littrarit de ces discours, rencontre forcment les dterminations stylistiques des genres et des procds.105 Selon George Molini, la stylistique est surtout une praxis. Cet auteur montre que les principaux concepts stylistiques employs dans une analyse sont : le marquage, la surdtermination, la dominante, la rptition, le stylme. Suivant ce stylisticien, le marquage suppose un reprage des faits ou des traits stylistiques qui relvent de la mise en oeuvre de la fonction potique. Molini souligne que par la prsence de ces traits, le rcepteur est conscient du dploiement discursif des lments valeur esthtique; il y a un phnomne de surmarquage lorsque dans un texte, il y a une surabondance de marques de littrarit. Cette surabondance de marques constitue la surdtermination. La runion dun ensemble de traits stylistiques assortis une thmatique et constituant une caractristique du texte forme ce que Molini nomme une dominante. Ltude de la rptition des faits stylistiques est un moyen important employ pour caractriser un style. Molini montre que le stylme est un fait stylistique (ou une dtermination langagire) qui a une fonction dans une perspective de littrarit. Il prcise que le stylme est la plus petite unit significative stylistiquement cest--dire la plus petite unit de caractrisation de littrarit. G. Molini a jet les bases de lanalyse stylistique actantielle. Le terme dactant a t emprunt louvrage de Lucien Tesnire, lments de syntaxe structurale, Paris, Klincksieck, 1959, mais dans la thorie stylistique de Molini, il a reu un autre contenu smantique : en stylistique actantielle, les actants sont des ples fonctionnels dans lchange discursif. G. Molini souligne que le discours littraire est peru par rapport deux ples constitutifs: le ple metteur du destinateur (actant E) et le ple rcepteur du destinataire (actant R). Les rseaux actantiels se hirarchisent lintrieur de trois grands niveaux : un niveau (alpha) dont lmetteur est linstance productive du discours littraire (scripteur), responsable la fois du modle gnrique choisi et du rcit expos ; le rcepteur est reprsent par la masse des consommateurs, par la masse du public. Il est possible quon relve des traces de lmetteur dans son nonc (par exemple, des tournures spcifiques dans la prsentation des faits). G. Molini prcise que le rapport des deux ples actantiels de ce niveau nest pas textuellement rversible. Au niveau I, lmetteur est lnonciateur patent du discours: un romancier, un pote, un dramaturge; le rcepteur est le public qui prend contact avec ces productions. Lmetteur I peut marquer sa subjectivit dans les prfaces, ou par les intrusions du Je dans le corps du texte. Le niveau II reprsente les actes de parole effectus entre les personnages mis en scne (les diverses formes du discours rapport dans les romans, le texte des pices de thtre), etc.
105

Ibidem.

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Problmes concernant le style et la stylistique (le colloque Quest-ce que le style?) (Paris, Presses Universitaires de France, 1994) Jean Molino (Universit de Lausanne) Jean Molino a essay dtablir une thorie smiologique du style106. Il constate ds le dbut, que si lon prouve bien des difficults btir une thorie acceptable de la stylistique, en change, on ne peut nier lexistence du fait stylistique, son vidence simposant partout. Le fait stylistique nest pas seulement propre aux textes littraires; on le retrouve aussi dans les textes scientifiques comme la dmontr G. Perec dans les pastiches darticles scientifiques107. Paraphrasant une maxime de La Rochefoucauld, Molino dit que le style est lhommage que le fond rend la forme. Il souligne quon peut dire du style ce que disait Arletty dans un film: Il y a trente-six faons de dire: je vous aime; il y a donc fait de style lorsquon peut dire la mme chose dune infinit de faons. Si lon veut exprimer quelque chose, on peut avoir le choix entre des mots, entre des tournures distinctes si lon maintient presque invariable la signification de cette ide. Bien entendu, la signification ne peut rester absolument la mme lorsquon pratique le choix entre les lments du discours et alors, on est astreint identifier une signification fondamentale presque invariante, intellectuelle et des significations accessoires qui viennent sy ajouter; la valeur de ces nouvelles significations est ornementale et affective. Molino observe quil ny a pas seulement la certitude que les faits de style existent, que leur ralit est irrfragable, mais quil y a aussi un certain nombre de pratiques stylistiques, de mthodes danalyse qui se caractrisent par le fait quelles diffrent assez peu entre elles, malgr la diversit des thories concernant la stylistique qui les sous-tendent : Les analyses stylistiques les plus opposes sur le plan des principes se fondent sur un ensemble largement cohrent doprations communes.108 Cest pourquoi il se propose dentreprendre une analyse des analyses stylistiques telles quelles sont couramment pratiques. Lintrt dune telle dmarche consiste dans la cration dune grille danalyse qui puisse permettre une comparaison des procds employs sans tenir compte des doctrines stylistiques qui les utilisent, afin dessayer de construire une stylistique empiriquement validable. Molino montre que le stylisticien doit lire maintes reprises les textes quil se propose danalyser et quil doit essayer de relever les traits caractristiques de ceux-ci: par consquent, il procde un inventaire stylistique dont lintention est descriptive.
J. Molino, Pour une thorie smantique du style, in Quest-ce que le style?, Paris, PUF, 1994, p. 213 sq. 107 G. Perec, Cantatrix Sopranica, L. et autres crits scientifiques, Paris, Seuil, 1991. 108 J. Molino, op. cit., p. 216. 61
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1. Le stylisticien emploie une certaine stratgie et doit disposer dune multitude de connaissances concernant la stylistique et les domaines qui sy rattachent (il doit disposer dun ensemble de savoirs). Il peut choisir un texte en vue de lanalyser, (par exemple un pome de Heredia ou une nouvelle de Mrime) ou un groupe de textes: a) les textes dun auteur pour analyser le style de celui-ci; b) les textes dun genre littraire pour dterminer un style gnrique; c) les texte dune priode afin dtablir le style dune poque. Molino insiste sur le fait quentre ces espces de textes il ny a pas dopposition mais un continuum qui va du texte isol luvre dont il fait partie, de celle-ci aux uvres correspondant une tape de la carrire dun crivain ou dun musicien (on parle des trois styles de Beethoven), puis ses oeuvres compltes et on se situe ainsi dans des cercles concentriques dampleur croissante ou mme la notion de style de langue, dveloppe dans les travaux de Vossler ou de Bally. Une autre stratgie adopte par le stylisticien consiste donner la primaut lanalyse dun phnomne stylistique particulier ou la constellation de traits qui caractrisent un style donn: a) un phnomne stylistique particulier: le lexique, la phrase ou les figures rhtoriques dun auteur; b) la constellation de traits qui caractrisent un style donn: on tente de dfinir le style dun pome de Hugo, le style du thtre de Racine, le style burlesque au XVIIe sicle. Ces dmarches expliquent en partie laspect divers des analyses stylistiques qui emploient cependant des instruments de recherche communs. La stylistique emploie des outils emprunts dautres disciplines (la linguistique, la rhtorique, la potique, lanalyse littraire) car elle ne dispose pas doutils spcifiques. Molino distingue trois catgories doutils danalyse: a) les catgories linguistiques; b) les catgories rhtoriques locales; c) les catgories rhtoriques, potiques et linguistiques globales. a) Les catgories linguistiques sont empruntes en gnral la grammaire traditionnelle. Selon Molino lexplication du pome Les Chats de Baudelaire par R. Jakobson et par C. Levi-Strauss qui passe pour tre une analyse structuraliste repose peu prs exclusivement sur des notions traditionnelles de grammaire (phrase, nom, adjectif, sujet, prdicat, objet direct, genre, nombre, voyelle, consonne, etc.). Un nombre extrmement restreint de catgories linguistiques sont empruntes la linguistique rcente; il faut cependant souligner que les courants de la linguistique contemporaine nont pas substitu un nouveau systme de catgories au systme traditionnel, mais lont ouvert, enrichi, complt: ... tant quune thorie linguistique cohrente et unifie nest pas construite, la stylistique doit se contenter des catgories de la grammaire enrichie localement dinstruments nouveaux au statut incertain, dit Molino. Cela signifie que la stylistique se trouve dans limpossibilit demployer lensemble des thories, des concepts et des outils appartenant la linguistique rcente. b) Les catgories rhtoriques locales.
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La stylistique a pris la place de la troisime partie de la rhtorique appele elocutio. Llocution enseigne exprimer les penses par la parole. Dans une analyse stylistique, il faut tudier les qualits du style. Parmi ces qualits il faut citer: la puret, la clart, lharmonie, llgance, la convenance. En outre, llocution enseigne lemploi des figures de rhtorique. c) Les catgories rhtoriques, potico-littraires et linguistiques globales. Les analyses stylistiques peuvent tirer profit non seulement des prceptes de llocution, mais aussi de ceux qui concernent linvention et la disposition, et surtout des catgories de largumentation et de lorganisation du discours.109 La potique qui a eu des rapports troits avec la rhtorique110 peut offrir des instruments pour lanalyse globale des uvres littraires groupes selon le genre auquel elles appartiennent. Suivant lart potique, chaque genre se dfinit par des traits caractristiques ayant trait la forme et au fond (voir par exemple la dfinition de lIdylle par Boileau dans son Art potique: Telle, aimable en son air, mais humble dans son style, / Doit clater sans pompe une lgante Idylle: / Son tour simple et naf na rien de fastueux, / Et naime point lorgueil dun vers prsomptueux (II, 5-8). Assez rcemment, un domaine de la linguistique a essay de passer de ltude de la phrase considre jusque l comme la dernire unit linguistique suprieure au texte et de se transformer en grammaire de texte et en analyse du discours; mais lorsquon veut employer les outils de ces nouvelles disciplines ltude du style, on se heurte une srie de difficults: On se trouve ici (= dans le domaine de lanalyse du discours), dit Molino, dans un domaine encore flou, o le tri na pas encore t fait entre les divers hritages et o se posent surtout de nouveaux problmes, celui en particulier des relations tablir entre les mots du texte, sa surface linguistique si lon veut, et les contenus qui sexpriment travers le texte. 2. Le collecte des donnes Le stylisticien rassemble ensuite les traits qui caractrisent le style, les phnomnes stylistiques. Il a sa disposition deux instruments qui sont capables de laider dans son entreprise: lcart et la rptition. (Selon J. Dubois et alii, Dictionnaire de linguistique, quand on dfinit une norme, cest--dire un usage gnral de la langue, commune lensemble des locuteurs, on appelle cart tout acte de parole qui apparat comme transgressant une de ces rgles dusage; lcart rsulte alors dune dcision du sujet parlant. Lorsque cette dcision a une valeur esthtique, lcart est analys comme un fait de style). Il y a par exemple cart si on emploie dans une intention stylistique une expression qui scarte de la faon la plus simple de sexprimer, si lon dit lastre des nuits (ou le char vaporeux de la reine des ombres) au lieu de dire la lune. Il y a aussi cart si lmetteur scarte de la forme la plus neutre de lexpression et sil dit par exemple, Non, mais, quest-ce que tu crois? au lieu de dire tu as eu tort de faire cela.
Kibdi Varga, Rhtorique et littrature, Paris, Didier, 1970. La thorie des trois styles, le style lev (sublime), le style moyen, le style bas, se situe lun des points de contacts de la rhtorique et de la potique. 63
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En ce qui concerne la rptition, Molino, montre que celle-ci est la contrepartie de lcart: tout comportement linguistique tend la rptition, parce quil applique, modifie ou cre une rgle qui peut chaque instant tre rutilise. Ce qui explique et la frquence des rptitions dans lensemble du comportement humain et le fondement quelles offrent la description de ce comportement: la mise en srie, procdure essentielle de lanalyse linguistique, na de sens que parce que tout locuteur, toute communaut emploie et remploie sans cesse les mme formes dexpression, traditionnelles ou nouvelles, habituelles ou originales (Molino, op. cit., p. 223). Les faits de style rsults de lcart par rapport la norme dans un corpus, doivent tre compars dautres faits de style employs dans dautres uvres pour que le stylisticien puisse dgager les traits spcifiques dun auteur: Je caractrise lusage dun auteur, dit Molino, par rapport la moyenne des usages contemporains, son propre usage dans dautres uvres o encore lusage daujourdhui (op. cit., p. 223). Pour rassembler les faits stylistiques on peut employer une dmarche systmatique et une dmarche intuitive. On emploie la dmarche intuitive lorsque, en lisant attentivement une oeuvre littraire, lanalyste voit peu peu se dgager un dtail rcurrent considr comme caractristique. On emploie une dmarche systmatique lorsquon relve tous les phnomnes stylistiques, carts et rptitions, correspondant une grille systmatique danalyse. Molino souligne que le style peut se prsenter non seulement comme une variation et comme une diffrentiation individuelle mais aussi comme un choix opr dans un ensemble de possibilits limites par des contraintes: Si Balzac, dit Molino, ncrit pas comme Stendhal, cest qu une mme poque locuteurs et crivains jouissent dune importante marge de manuvre. Cest dire que la langue nest pas un code au sens strict du terme ou quelle est, si lon veut, caractrise par lexistence dune pluralit de codes111. cet gard, la grammaire apparat comme lenregistrement ordonn des rgularits du langage, des usages moyens, de la norme et en mme temps du noyau le plus solide dans le fonctionnement du langage, l o les rgles sont les plus contraignantes et se trouvent le plus largement respectes112. lextrieur de ce noyau, les usages sont beaucoup plus libres, parce quils ne sont soumis qu un ensemble de contraintes plus lches (op. cit., p. 224); lauteur remarque que la place des mots, la complexit des phrases, lutilisation du lexique et des diffrents niveaux de langage (littraire, soign, courant, familier, populaire) ne sont pas strictement codifis. Selon lauteur de larticle mentionn, il y a fait de style lorsquon a le choix entre plusieurs expressions offertes par les marges de variation, par le jeu laiss au locuteur par les rgles du langage. 3. Traitement et interprtation. Molino montre que les donnes, les faits de style que lon a trouv dans les textes doivent tre traits au sens informatique du
G. Gilles-Gaston Granger, Essai dune philosophie du style, Paris, Colin, 1968. M. Mahmoudian, Structure linguistique: problmes de la constance et des variations, La Linguistique, vol. XVI, fasc. 1, 1980, p. 5-36. 64
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terme et ensuite interprts. Les donnes recueillies peuvent, par exemple, tre soumises un traitement statistique113. La technique danalyse employant la statistique a pris un nouveau dpart avec lutilisation des ordinateurs (computers). Cependant les tudes de stylistique quantitatives se trouvent aux prises avec deux grandes difficults: il y a dun ct lattitude prudente des critiques littraires lgard de cette mthode base sur des calculs et dun autre ct, lcart est encore important entre les programmes informatiques trs sophistiqus employs, et la pauvret des modles et des rsultats obtenus.114 Molino observe que lanalyste sintresse avant tout la signification; cest pourquoi il cherche dabord interprter au point de vue smantique les donnes recueillies. Lanalyse du style structurale essaie de rester au plus prs du texte dont la structure, lorganisation mme serait signifiante. On peut prendre pour exemple la mthode expose par Jakobson dans Questions de potique, Paris, Seuil, 1973. Selon ce linguiste les catgories linguistiques et rhtoriques sont distribues dans un texte de faon systmatique et sont en particulier couples avec des places marques115 dbuts et fins dunits rythmiques. Le pome serait form de systmes dquivalences qui semboteraient les uns dans les autres et qui offriraient dans leur ensemble laspect dun systme clos (v. Jakobson, op. cit., p. 415): Toute la difficult est de savoir si les configurations dgages dans lanalyse sont pertinentes.116 Molino souligne que lanalyse stylistique ne se satisfait le plus souvent ni dune description structurale, ni une dtude quantitative, parce quelle veut interprter les phnomnes concernant le style en leur donnant un sens. Il y a trois types dexpressivits qui montrent en quel sens on doit interprter les faits stylistiques. a) Expressivit mimtique Par ce syntagme, Molino entend la valeur expressive des sons du langage; son avis, il y a expressivit mimtique lorsque des lments linguistiques ou rhtoriques, sont censs reprsenter, peindre la ralit voque par le texte: par exemple, les [s] du vers de Racine Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos ttes ? (Andromaque, V, 5) voquent et peignent les serpents qui apparaissent. De mme, lalternance des vers courts et des vers longs dans les Fables de La Fontaine est souvent utilise dans une intention descriptive. Molino souligne cependant que

v. P. Guiraud, Problmes et mthodes de la stylistique linguistique, Paris, PUF, 1960. v. En hommage Charles Muller. Mthodes quantitatives et informatiques dans ltude des textes, Paris Genve, Slatkine-Champion, 2 vol. 1986. 114 H. Bhar et R. Fayolle, diteurs, Lhistoire littraire aujourdhui, Paris, Colin, 1990. v. L. Milic, un article publi en Computers and the Humanities, 1992, no 25, p. 393400. 115 v. S. Levin, Linguistic Structures in Poetry, La Haye, Mouton, 1962. 116 v. sur la querelle provoque par ltude des Chats de Baudelaire par Jakobson et Lvi-Strauss, Delacroix (M) et Geerts (W) Les Chats de Baudelaire: une confrontation de mthodes, Paris, PUF, 1980 ; J-Cl. Gardin et alii, La logique du plausible. 65

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lon est encore loin de savoir dfinir avec prcision ce que cest que la valeur expressive dune configuration phontique ou ce qui pourrait tre la musicalit des vers. b) Expressivit subjective On tudie lexpressivit subjective lorsquon essaie de mettre en relation un fait stylistique sur la personnalit de lcrivain. Par exemple, lorsquun texte relve de la posie lyrique ou de la confidence personnelle, les faits stylistiques doivent tre mis en relation avec les tats psychiques de lcrivain (motions, dsirs, regrets, etc.). Dans une tragdie de Racine ou dans un roman de Balzac, il faut voir comment les faits stylistiques sont en harmonie avec la vie intrieure des personnages. Il y a aussi des mthodes qui, en analysant le texte, le relient aux configurations de linconscient individuel et collectif. c) Expressivit pragmatique Un dtail formel effet stylistique sera interprt la lumire des ractions quil est susceptible de produire sur le lecteur. Ce dtail peut avoir t cr involontairement par lcrivain ou bien encod dune faon prmdite par celui-ci; en ce dernier cas, on retrouve la perspective de la rhtorique traditionnelle ouverte vers le rcepteur. Molino montre que pour Riffaterre cest cet effet sur le lecteur qui permet de dfinir le fait de style. Sous linfluence de la pragmatique linguistique, la stylistique sest efforce dintgrer dans son domaine des notions comme acte de langage et nonciation. Barbara Standing dans Stilistik Sprachpragmatik Grundlegung der Stilbeschreibung (Berlin, New-York, de Gruyter, 1978) a essay de reconstruire thoriquement la stylistique partir de fondements pragmatiques. Dominique Combe (Universit dAvignon) Dominique Combe dans ltude intitule Pense et langage dans le style1 montre quune thorie du style comme pense a t labore par Merleau Ponty dans sa phnomnologie. Cette doctrine philosophique sappuie sur de solides rfrences linguistiques et elle prend explicitement le style pour objet. Merleau-Ponty a t proccup par les problmes de linguistique. Dans lanne universitaire 1947-1948, il a donn un cours lUniversit de Lyon consacr au langage et la communication (Langage et communication). En 1948-1949, il a consacr un cours Ferdinand de Saussure, lcole Normale Suprieure. Il a donn ensuite plusieurs cours au Collge de France parmi lesquels il faut mentionner Le problme de la parole (1953-1954). Les derniers ouvrages de Merleau-Ponty sont consacrs aux problmes du langage, en particulier louvrage La prose du monde. Il y discute les thses saussuriennes et il y fait lanalyse de louvrage de Vendryes, Le langage. Merleau-Ponty est aussi un critique littraire avis.
1. Quest-ce que le style? (d. cit., p. 135).

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Il a attentivement tudi Stendhal, Proust, Valry et dautres auteurs en vue dillustrer ses thories exposes dans la Phnomnologie de la perception. Ses vastes connaissances dans les domaines de la philosophie, de la critique littraire et de la linguistique lont puissamment aid formuler sa thorie du style. Selon Merleau-Ponty il y a une unit indissoluble entre la pense et la langue: Elles (la pense et la parole) se substituent continuellement lune lautre. Elles sont relais, stimulus lune pour lautre. Toute pense vient des paroles et y retourne, toute parole est ne dans les penses et finit en elles (Signes, Paris, Gallimard, 1960, p. 25). La phnomnologie de Merleau-Ponty distingue soigneusement la parole potique de la parole ordinaire, la parole potique tant issue de la pense au moyen de linspiration ou de lintention: Il y a lieu ... de distinguer une parole authentique, qui formule pour la premire fois, et une expression seconde, une parole sur des paroles, qui fait lordinaire du langage. Seule la premire est identique la pense (Phnomnologie de la perception, Paris, Gallimard, 1945, p. 114). La description phnomnologique de lcriture a une grande importance pour le stylisticien: Le langage nest jamais le simple vtement (Humboldt disait lenveloppe) dune pense qui se possderait elle-mme en toute clart. Le sens dun livre est premirement donn non tant par les ides que par une variation systmatique et insolite des modes du langage et du rcit ou des formes littraires existantes... Chez lcrivain la pense ne dirige pas le langage du dehors: lcrivain est lui-mme un nouvel idiome qui se construit, sinvente des moyens dexpression et se diversifie selon son propre sens. Ce quon appelle posie nest peut tre que la partie de la littrature o cette autonomie saffirme avec ostentation... (La prose du monde, Paris, Gallimard, 1969, p. III-IV). Il y a selon Merleau Ponty une parole pensante et une pense parlante, qui sont lorigine de lexpression stylistique: Les oprations expressives se passent entre parole pensante et une pense parlante, et non pas, comme on le dit lgrement, entre pense et langage (Signes, d. cit., p. 26). Suivant Merleau Ponty, le style est ce qui rend possible toute signification. (La prose du monde, d. cit., p. 81). Le concept de signification se trouve au centre de sa thorie philosophique concernant le style: La signification, dit-il, anime la parole comme le monde anime mon corps par une sourde prsence qui veille mes intentions sans se dployer devant elles. (Sur la phnomnologie du langage, p. 82). Jean-Michel Adam (Universit de Lausanne) Dans lintroduction son article intitul Style et fait de style, un exemple rimbaldien, Jean-Michel Adam, souligne que certains linguistes affirment que la stylistique peut ne pas avoir pour objet le discours littraire. Charles Bally a cern
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le champ de la stylistique linguistique et a montr quil y avait une diffrence importante entre le langage de lart et le langage de la vie. Plus rcemment J. Tamine et J.Molino dans lIntroduction lanalyse linguistique de la posie, Paris, PUF, 1982 ont mme dclar quils ne croyaient pas quil existt une stylistique indpendante de la linguistique. Il ny a quune linguistique, disent les auteurs mentionns plus haut, qui peut sappliquer des objets divers: dialectes, langues littraires ou oeuvres de langage. Suivant Jean-Michel Adam, ces auteurs placent la stylistique lintrieur dune linguistique des variations discursives englobante. Ce stylisticien prcise que la stylistique est une science qui possde son propre objet dtude et que la linguistique nest quune des disciplines auxiliaires de lanalyse littraire. De plus, le style, objet de la stylistique littraire doit tre considre dans la spcificit de son contexte artistique de production et de rception. Cette discipline occupe un plan spcifique entre les tudes littraires et la linguistique. Aprs avoir montr que le mot style est employ dans beaucoup de domaines dactivits humaines (ce terme est utilis en sociologie, en anthropologie, en sport, dans le domaine de la mode, etc.), Adam essaie de distinguer la notion de fait de style du style proprement dit, en sappuyant sur les rflexions thoriques dmile Benveniste et de Grald Antoine. Afin de cerner le notion de fait de style, J.M.Adam remarque que dans un article de la Revue de lenseignement suprieur de 1959 (vol. I, p. 49-60), G. Antoine tudiant la validit et les limites dune stylistique littraire, place le fait de style dans ce quil appelle le cycle de la cration littraire: La sensibilit et la facult cratrice de lcrivain interviennent pour tirer de la langue (A), par un acte de style (B), un fait de style, son texte (C) qui, son tour, doit tre apprhend par le sensibilit et la capacit rceptrice de lauditeur ou du lecteur (D). Selon G. Antonie le fait de style est issu dun acte de style et il identifie (un peu rapidement, dit Adam) le fait de style et le texte en prcisant que Le texte sans doute reprsente pour des linguistes le donn sur lequel on doit travailler. Adam prcise que la notion de texte a le sens dnonc produit, de corpus, dobjet empirique. Le texte dont parle Antoine est une unit de mesure du fait de style et aussi le lieu ou ce fait se manifeste. Suivant cet auteur, on localise la perception du fait de style par le lecteur interprtant (niveau (D) de G. Antoine) dans une dimension microlinguistique appele par G.Genette (dans Fiction et diction, Paris, Le Seuil, 1991, p. 143) texture; le fait de style est un fait de texture, cest--dire un phnomne linguistique identifiable un niveau microstructural. Le style est caractris par des faits de texture, par un ensemble de traits microlinguistiques; lorsquon parle du style dune uvre littraire, dun auteur particulier, dune cole (une famille duvres), dun genre littraire, on indique quil sagit dune multitude de faits de texture, dune rptition de faits de texture prcis. Ces faits sont des traits linguistiques vidents ou bien difficiles percevoir (Il y a des proprits stylistiques tout fait signifiantes qui sont si subtiles quelles ne sont dcouvertes quau terme dun long effort, dit N.Goodman dans Esthtique et
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connaissance, Paris, d. de Lclat, 1990). En essayant de donner plus de prcision la dfinition du fait de style, Adam souligne que ce fait est un fait ponctuel de texture attendu ou inattendu au regard du style dune oeuvre, dun auteur, dun genre, ou dune cole donns. Selon Adam un fait de style est le produit peru dune rcurrence ou dun contraste, dune diffrence par rapport des rgularits microlinguistiques observes et attendues dun texte, dun auteur, dune cole, dun genre; la perception dun fait de style est, son avis, par dfinition, le produit dune attente ou dune rupture ponctuelle de cette attente. Par consquent, le fait de style a une dimension petite, locale et non pas globale. On peut, par comparaison, montrer que les historiens de lart savent que pour attribuer une oeuvre un auteur, une cole, il faut prter attention plus aux dtails qu lensemble de luvre. Adam remarque que le style et les faits de style sont des lments nonciatifs. Pour dvelopper cette ide, il sappuie sur une affirmation de G.Antonie selon laquelle louvrage accompli rsulte dun effort de lcrivain aux prises avec ne donne: la langue. Or dire que durant llaboration de son oeuvre lcrivain est aux prises avec la langue cest affirmer que lacte de style est un fait nonciatif issu de la mise en fonctionnement de la langue par un acte individuel dutilisation.117 Afin de montrer que lart de style est pleinement smantique et quil engage un sujet parlant dans un acte de rfrence et dnonciation, Adam souligne que suivant la thorie de Benveniste la langue se caractrise par lexistence de deux dimensions, de deux domaines, la langue en tant que smiotique et la langue en tant que smantique118. Ces domaines dlimits nettement ont engendr deux linguistiques distinctes: la linguistique dcrite par Saussure est une linguistique smiotique; elle se caractrise par son systme clos par dfinition; la linguistique smantique est une linguistique du discours, cest un mode spcifique de signifiance engendr par le discours119. Citant Benveniste, Adam prcise que la dimension smiotique (le smiotique) se caractrise comme une proprit de la langue, tandis que la dimension smantique (le smantique) rsulte dune activit du locuteur qui met en action la langue. Suivant Benveniste, la phrase en gnral, production du discours, est une expression smantique; cest lactualisation linguistique de la pense du locuteur.2 Ainsi, la linguistique smantique, que J.M. Adam appelle une linguistique du texte discours au projet rsolument descriptif, est de plein droit intresse tudier le style et le fait de style. Cette linguistique est une linguistique externe qui se propose de dcrire des pratiques discursives singulires; elle essaie de dcrire et dexpliquer la diversit des faits de langue produits durant le fonction-

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E. Benveniste, Problmes de linguistique gnrale, Paris, Gallimard, 1974, t. II, p. 80. La langue est un systme dont la signifiance sarticule sur deux dimensions. 119 E.Benveniste, op. cit. p. 64. 69

nement de la langue. Or cest prcisment par leur diversit que se caractrisent les faits de style.120 Pierre Larthomas (Universit Paris IV Sorbonne) Selon Larthomas121 il y a toujours un petit nombre de problmes qui se posent, ayant trait la stylistique; il sagit des rapports de la pense et du langage, de la validit de la distinction entre fond et forme, des valeurs opratoires de telle ou telle notion, etc. Il constate que les concepts dcart et de choix qui taient trs employs dans les annes 50 et, quon avait ensuite quelque peu dlaisss redeviennent essentiels. Il remarque avec regret que les notions dnonciation et de genre napparaissent pas dans les travaux rcents consacrs la stylistique: Les conditions mmes et les caractres de lacte dnonciation supposent chaque fois le choix dun genre, choix qui, dans une grande mesure, dtermine le style. Il observe quil y a des auteurs qui affirment qu partir du XIXe sicle, lanalyse rhtorico stylistique de la posie devient impossible, que la posie moderne nadmet pas lanalyse stylistique. Larthomas pense que la posie moderne est un genre qui pose des problmes trs difficiles parce que lutilisation du langage y est la plus loigne de lusage courant. Cet auteur croit que lvolution de la posie lheure actuelle exige lemploi des mthodes nouvelles danalyse. Les spcialistes se heurtent encore des problmes qui concernent la stylistique en tant que discipline; on se demande encore si la stylistique est une science et, si elle en est une, quels rapports on peut tablir entre cette science et la linguistique. Larthomas montre que le stylisticien sest ds le dbut trouv dans une situation inconfortable, tant donn quil tait coinc entre le linguiste et le littraire. Le linguiste considrait que les analyses stylistiques taient peu scientifiques, tandis que le littraire estimait quelles taient trop redevables de leurs dmarches la linguistique. Dans Le style et ses techniques, Marcel Cressot, la fin de ses deux tudes de style (ou commentaires stylistiques: H. de Balzac, Le Pre Goriot et G. Flaubert, Salammb) qui suivent et compltent son expos thorique, laisse voir quil se trouve sous lemprise dun sentiment de quasi culpabilit engendr par la pense et la crainte quil pourrait mcontenter les littraires par ses analyses (Aux littraires, dit-il, de porter un jugement de valeur).122 La conviction que la stylistique nest pas une discipline indpendante, quelle ne possde pas dobjet dtermin et quelle na pas de mthode propre a fait croire, il y a une vingtaine dannes, que la stylistique ne pouvait pas aspirer au titre de science; aussi, dans la revue Langue franaise no 3, dans larticle Postulats pour la description linguistique des textes littraires, 1969, Michel Arriv soutenait-il que
Larticle de Jean-Michel Adam a t publi dans louvrage collectif Quest-ce que le style? Paris, PUF, 1994. 121 Pierre Larthomas, Prface, in Quest-ce que le style? Paris, PUF, 1994, p. 2. 122 M. Cressot, Le style et ses techniques, Paris, PUF, 1956, p. 271. 70
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la stylistique semblait peu prs morte; il affirmait en guise de conclusion: Nous ne voyons aucun inconvnient utiliser le terme stylistique avec le sens de description linguistique du texte littraire123. Cette assertion na pas pu tre taye par des preuves solides dautant plus que quelque temps auparavant lanalyse linguistique dun texte littraire effectue par deux savants dans un but stylistique avait soulev des ractions passionnes et provoqu des critiques svres124: ... ce que la plupart des critiques dnoncrent, dit Larthomas, comme le constate Jakobson lui-mme, dans sa rponse, ctait lirruption des linguistes dans le sanctuaire de la potique (v. Questions de potique, Post-scriptum, p. 499), ou plutt le caractre la fois insuffisant et dformant de la description purement linguistique. (op. cit., p.5). Michael Riffaterre a dnonc lui aussi la mthode employe dans lanalyse du sonnet les Chats et a prcis quaucune analyse grammaticale dun pome ne peut nous donner plus que la grammaire du pome. (v. Essais de stylistique structurale, Paris, Flammarion, 1971, p. 325). La conclusion quon peut dduire de ces remarques est quon doit viter la confusion entre analyse linguistique et analyse stylistique. Larthomas croit fermement que la stylistique est une science indpendante ayant son propre champ daction et ses propres mthodes danalyse, quelle est capable de faire la synthse des moyens utiliss et des rsultats acquis. Il contredit Delas qui a crit dans un article sur la stylistique que cette discipline ntait plus capable de se suffire elle-mme. Or si la stylistique est une science, elle peut faire appel comme toutes les autres sciences des disciplines annexes, vu quaucune science, en gnral, ne peut se suffire elle mme: cest de ce point de vue, dit Larthomas, que doit tre pos le problme des rapports de la linguistique et de la stylistique (op. cit., p.7). Sans doute ces rapports sont-ils trs troits et tous les domaines de la linguistique (cest--dire la phontique, la phonologie, la morphosyntaxe, la smantique, la pragmatique, la lexicologie, la smiotique, etc.) peuvent tre utiles durant les recherches entreprises par le stylisticien. En outre, la linguistique gnrale peut rendre service la stylistique gnrale, de mme que les linguistiques franaise, anglaise, allemande, etc. favorisent le dveloppement des stylistiques particulires chaque langue. Suivant Larthomas, ltude proprement linguistique dans un but stylistique doit tre dpasse: Ce qui spare les deux disciplines, dit-il, ce sont des diffrences la fois dobjets et de points de vue. Pour le linguiste la phrase. Il vient de recevoir la croix dhonneur est parfaitement isolable: elle permet elle seule de poser les problmes des rapports sujet-verbe et verbe-complment et de lexpression de pass immdiat par une priphrase verbale. Il sagit en stylistique de tout autre chose. Cette dernire phrase du roman est insparable de la premire; du point de vue de la critique gntique, on peut aussi se demander pourquoi Flaubert a choisi finalement de terminer ainsi son oeuvre. Ce choix pose enfin, en fonction du genre
Langue franaise no 3 Postulats pour la description linguistique des textes littraires, p. 13. 124 Il sagit du sonnet Les Chats de Baudelaire expliqu par R. Jakobson et C. LeviStrauss. Voir M. Delacroix et W. Geets, Les chats de Baudelaire. Une confrontation de mthodes, Paris, PUF, 1980. 71
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romanesque, un problme qui intresse dabord la narratologie. (op. cit., p. 7). Larthomas montre que parmi les sciences humaines, la stylistique est une science critique car, le plus souvent, elle porte des jugements sur les oeuvres littraires; dailleurs, une tude stylistique complte doit finir, en gnral, par un jugement de valeur: Pourquoi nier, dit-il, comme le font certains sous prtexte de rigueur scientifique, cette fonction (= la fonction critique), fonction qui justifie souvent le choix de lnonc tudi ? Sinon pourquoi, au cours de ce sicle, tant dtudes sur le style de Flaubert et aucune ou si peu sur le style dEugne Sue, de Ponson du Terrail? Faire ces choix, cest admirer le premier et condamner les deux autres pour de solides raisons que la stylistique doit lgitimer125. En ce domaine, les styliciens font preuve ordinairement dune rserve injustifie et dans le choix des textes et dans leur interprtation. Qui lit Racine doit aussi lire Pradon et tirer parti de la comparaison des deux Phdre, les dfauts de lune permettant de mieux voir les mrites de lautre ... (op. cit., p. 7). Aprs avoir soulign les mrites dune dmarche comparative qui largirait le champ de la stylistique dite littraire, Larthomas remarque que cette science ne doit pas ngliger ltude des niveaux de langue, et tout particulirement ltude du franais parl dans ses rapports avec le code crit. Georges Mounin et les problmes de la stylistique Dans une tude consacre la stylistique publie dans Aencyclopedia universalis, Georges Mounin a essay desquisser les directions de dveloppement de la stylistique en tant que science humaine. Il montre que les stylisticiens se divisent selon le but quils poursuivent dans leurs recherches scientifiques. Il distingue tout dabord ce quil nomme des stylistiques gntiques. Il y des stylisticiens qui se proposent de dcouvrir do vient quun auteur ait un certain style. G. Mounin mentionne dabord lhistoire littraire lansonnienne et postlansonnienne qui exige lexamen des manuscrits, des tats successifs dun texte, des variantes du texte, des suppressions et des additions faites par lauteur afin de surprendre celui-ci en train de chercher le bon cart et de construire des phrases qui produisent sur le lecteur un certain effet. Dautres stylisticiens examinent la psychologie de lauteur et cherchent dans linconscient de celui-ci do naissent les caractristiques de son style. Il sagit des chercheurs tels que Leo Spitzer (la critique idaliste), Marie Bonaparte (la critique psychanalytique) et Charles Mauron (la psychocritique). Gaston Bacheland a essay dexpliquer les caractristiques dun style en faisant appel ltude de linconscient universel.
Suivant Larthomas si la stylistique est une science fonde sur la critique elle devrait avoir des rapports trs troits avec lesthtique et lhistoire de lart: Mallarm na-t-il pas voulu donner son Coup de ds tous les caractres dune partition? La stylistique littraire tout gagner ses rapprochements entre la littrature dune part, les arts plastiques et la musique dautre part. (op. cit., p. 8). 72
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Georges Mounin tudie ensuite les stylistiques descriptives. Les stylisticiens qui reprsentent ce courant ont mis plus fortement laccent sur la ncessit de dcrire en quoi consiste le style. Il remarque que la stylistique gntique a t depuis sa cration la proccupation des chercheurs littraires, tandis que la stylistique descriptive a t cre par des linguistes. Un reprsentant clbre de la stylistique descriptive a t Charles Bally qui a inventori tous les moyens dont dispose la langue franaise pour exprimer laffectivit du locuteur. Georges Mounin considre que Bally est aussi le fondateur de la stylistique compare, domaine o se sont distingus J. P. Vinay et J. Darbenelet (Stylistique compare du franais et de langlais). G. Mounin souligne que Jules Marouzeau, dans son Prcis de stylistique franaise donne une moindre importance lexpression de laffectivit; en change, il tudie tous les moyens linguistiques qui peuvent produire des carts. Mounin prcise quaprs 1950, tous les linguistes qui se sont occups de stylistique (S. R. Levin, M. Riffaterre, R. Jakobson) ont privilgi mthodologiquement le moment descriptif dans leurs analyses stylistiques. En tudiant les stylistiques signaltiques, Mounin considre que la stylistique statistique appele aussi stylistique quantitative reprsente la pointe extrme du descriptivisme stylistique. Lun des fondateurs de la stylistique statistique a t Pierre Guirand qui a montr dans son ouvrage intitul Les Caractres statistiques du vocabulaire lintrt constitu par des index du vocabulaire dune oeuvre; il a indiqu aussi le profit quon peut tirer dune tude des frquences relatives des mots employs par un auteur. Mounin montre que des chercheurs amricains ont essay de systmatiser les matriaux analyss par la stylistique quantitative grce aux calculatrices en crant une stylistique computationnelle. Cette espce de stylistique permet de dterminer lensemble des traits caractristiques dune uvre, son signalement stylistique. Au moyen de ce signalement, on peut trouver la date de la composition dune uvre (par exemple lIphignie de Racine) ou attribuer un auteur une uvre anonyme. Georges Mounin analyse ensuite ce quil appelle la stylistique esthtique126. Il remarque que dans le groupe de stylisticiens, on peut distinguer des descriptivistes purs qui vitent au moins provisoirement de faire des spculations sur les effets produits par lemploi de certains procds stylistique utiliss dans une uvre littraire et les esthticiens, ceux qui pensent quils doivent interprter les relations existantes entre les moyens stylistiques utiliss et les fins que cette uvre se propose datteindre. Ces stylisticiens expriment surtout des jugements esthtiques. La stylistique esthtique qui est une stylistique des effets concerne surtout le rcepteur. Elle a t tudie par certains formalistes comme Jakobson et Ruwet; ces linguistes pensent que les structures ou les formes quils mettent en relief dans une oeuvre littraire sont prcisment celles qui en expliquent la beaut. Mounin souligne que le plus grand des stylisticiens qui ont tudi la stylistique des effets centre sur le dcodeur a t Michael Riffaterre Ce dernier a
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conu une procdure dinvestigation stylistique nomme archilecteur (= la somme des ractions exprimes sur une uvre pour analyser leurs divergences et leurs convergences). Georges Mounin remarque que dans la plupart des travaux consacrs la stylistique on trouve un dosage variable de stylistique gntique, de stylistique descriptive et de stylistique esthtique. En ce qui concerne les stylisticiens, Mounin distingue les traditionnels, les thmaticiens, et les formalistes. Les traditionnels sont reprsents par Charles Bally, Jules Marouzeau et Marcel Cressot ; une place part doit tre faite Maurice Grammont qui dans son Trait de phontique a caractris dune manire scientifique les proprits articulatoires et acoustiques des sons et a cr une phontique impressive et une phontique expressive. Les thmaticiens en sinspirant des travaux de Bachelard, ont voulu trouver un moyen de renouveler lanalyse stylistique en centrant ltude dune uvre littraire sur ses thmes. Georges Poulet, Jean-Pierre Richard, Charles Mauron ont pratiqu de telles analyses, mais celles-ci se sont rvles subjectives. Cependant Charles Mauron qui a emprunt ses concepts la psychanalyse a donn des interprtations de nature thmatique avec une rigueur mthodologique plus grande que les autres thmaticiens; les thmes mis en vidence par celui-ci lui sont rvls par les rcurrences de mtaphores ou dimages obsdantes qui dessinent le mythe personnel de lcrivain. Georges Mounin montre que par formalistes il entend les stylisticiens qui ont essay de dvoiler le secret de la composition de luvre littraire en tudiant seulement les formes et les structures de cette uvre: Influencs par les thories linguistiques de Roman Jakobson, les linguistes Levin, Ruwet, J. Cohen, ont tent dtablir des corrlations entre les proprits formelles dun texte (rcurrences et symtries, paralllismes phoniques, lexicaux, grammaticaux, etc.) et sa beaut. Selon Mounin, les formalistes nont fait autre chose que redcouvrir les anciennes rgles mnmotechniques qui sont lorigine des structures de transmission orale de la littrature.

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Redactor: Janeta LUPU Tehnoredactare: Brndua DINESCU Bun de tipar: 23.07.2002; Coli tipar: 4,75 Format: 16/70x100 Editura i Tipografia Fundaiei Romnia de Mine Splaiul Independenei nr. 313, Bucureti, Sector 6, O.P. 78 Telefon: 410 43 80; Fax. 411 33 84; www.spiruharet.ro 76

Table des matires Stylistique et rhtorique La stylistique expressive: Charles Bally (Charles Bally et la stylistique compare ou externe) Jules Marouzeau Marcel Cressot La stylistique gntique Leo Spitzer Les coles de linguistique do sont issus le structuralisme et la stylistique structurale Lcole de Prague Lcole de Copenhague Le distributionnalisme Le gnrativisme Le fonctionnalisme et la stylistique fonctionnelle I. La communication II. Formes et fonctions: 1. Les embrayeurs 2. Le style direct, le style indirect et le style indirect libre 3. La mtaphore et la mtonymie Bernard Dupriez et la thorie de la commutation applique la stylistique. La thorie des stylmes La stylistique structurale Pierre Barucco Lubomir Dolezel S.K. Levin Michael Riffaterre Georges Molini Problmes concernant le style et la stylistique (le colloque Questce que le style ?); Paris, Presses Universitaires de France, 1994) Jean Molino (Universit de Lausanne) Dominique Combe (Universit dAvignon) Jean-Michel Adam (Universit de Lausanne) Pierre Larthomas (Universit Paris IV - Sorbonne)

Georges Mounin et les problmes de la stylistique Bibliorgaphie

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