Le Milieu Interstellaire
Le Milieu Interstellaire
Le Milieu Interstellaire
James Lequeux
Avec le concours d'Edith Falgarone et Charles Ryter
Le milieu interstellaire
S A V O I R S
A C T U E LS
Illustration de couverture : La nebuleuse par reflexion 1C 349 dans les Pleiades. La poussiere interstellaire est illuminee par 1'etoile Merope situee en haut, en dehors du champ. Voir la planche 15. Document Telescope Spatial Hubble.
2002, EDP Sciences, 17, avenue du Hoggar, BP 112, Pare d'activites de Courtabceuf, 91944 Les Ulis Cedex A et CNRS EDITIONS, 15, rue Malebranche, 75005 Paris. Tous droits de traduction, d'adaptation et de reproduction par tous precedes reserves pour tous pays. Toute reproduction ou representation integrate ou partielle, par quelque procede que ce soit, des pages publiees dans le present ouvrage, faite sans 1'autorisation de 1'editeur est illicite et constitue une contrefac,on. Seules sont autorisees, d'une part, les reproductions strictement reservees a 1'usage prive du copiste et non destinees a une utilisation collective, et d'autre part, les courtes citations justifiees par le caractere scientifique ou d'information de Pceuvre dans laquelle elles sont incorporees (art. L. 122-4, L. 122-5 et L. 335-2 du Code de la propriete intellectuelle). Des photocopies payantes peuvent etre realisees avec 1'accord de 1'editeur. S'adresser au : Centre frangais d'exploitation du droit de copie, 3, rue Hautefeuille, 75006 Paris. Tel. : 01 43 26 95 35. ISBN EDP Sciences 2-86883-533-3 ISBN CNRS EDITIONS 2-271-05955-0
A Genevieve
viii 3.2.3
Table des matieres Couplage de 1'excitation et du transfert, approximation LVG 3.3 Cas general ; masers
40 45
4 Le gaz interstellaire neutre 51 4.1 Le gaz neutre atomique 51 4.1.1 La raie 21 cm de 1'hydrogene atomique 52 4.1.2 Les raies de structure fine dans 1'infrarouge lointain . . 58 4.1.3 Les raies d'absorption interstellaires 62 4.2 La composante moleculaire 71 4.2.1 Generalites 71 4.2.2 Les transitions electroniques 74 4.2.3 Les transitions vibrationnelles 76 4.2.4 Les transitions rotationnelles 81 4.2.5 Les ban des interstellaires diffuses 93 5 Le gaz interstellaire ionise 97 5.1 Les regions Hll 97 5.1.1 Theorie de 1'ionisation ; la sphere de Stromgren 98 5.1.2 L'emission continue du gaz ionise 102 5.1.3 Les raies de recombinaison 107 5.1.4 Les raies de recombinaison radio 113 5.1.5 Les raies interdites 117 5.1.6 La determination des abondances dans les regions HII . 120 5.2 Le gaz ionise diffus 122 5.3 Le gaz chaud 125 5.3.1 L'ionisation par collisions electroniques a haute temperature 125 5.3.2 L'emission de raies X 128 5.3.3 Emission X thermique continue 128 5.3.4 Resultats 129 5.4 L'absorption X 130 6 Le milieu interstellaire aux hautes energies 6.1 Les rayons cosmiques 6.1.1 Origine des rayons cosmiques 6.1.2 Les rayons cosmiques solaires et la modulation solaire 6.1.3 Les rayons cosmiques galactiques 6.1.4 Les rayons cosmiques de tres haute energie 6.1.5 Les electrons cosmiques 6.1.6 Confinement des rayons cosmiques dans la Galaxie . . 6.2 Le continuum en rayons gamma 6.2.1 Production de gammas par interactions nucleaires . . 6.2.2 Production de gammas par rayonnement de freinage . 6.2.3 Production de gammas par effet Compton inverse . . 133 133 134 . 135 136 142 145 . 145 149 . 150 . 153 . 153
ix
6.3 La masse du milieu interstellaire 154 6.3.1 Utilisation des observations gamma pour determiner la masse du milieu interstellaire dans la Galaxie 155 6.3.2 Utilisation de la masse du viriel des nuages moleculaires 158 6.3.3 Comparaison Wco-extinction 159 6.3.4 Absorption en rayons X ou en infrarouge moyen . . . . 162 6.4 Les raies gamma 163 7 Les poussieres interstellaires 7.1 Rougissement et extinction interstellaires 7.1.1 Generalites 7.1.2 Extinction et modeles de poussieres 7.1.3 Diffusion des rayons X par les poussieres 7.2 L'emission des poussieres interstellaires 7.2.1 Les grains a 1'equilibre thermique 7.2.2 Les petits grains hors d'equilibre thermique 7.2.3 Les bandes d'emission aromatiques dans 1'infrarouge moyen 7.2.4 Les tres petits grains 7.2.5 Les gros grains 7.3 Modeles globaux 7.4 Absorptions infrarouges et manteaux de glace 7.5 La fluorescence infrarouge 8 Chauffage et refroidissement du gaz interstellaire 8.1 Processus de chauffage 8.1.1 Generalites, temps de thermalisation 8.1.2 Chauffage par rayons cosmiques de basse energie . . . 8.1.3 Chauffage par effet photoelectrique sur les grains . . . 8.1.4 Chauffage par ionisation des atomes et des molecules . 8.1.5 Chauffage par rayons X 8.1.6 Chauffage chimique 8.1.7 Chauffage par echange thermique grains/gaz 8.1.8 Chauffage hydrodynamique et magneto-hydrodynamique 8.2 Processus de refroidissement 8.2.1 Refroidissement par les raies de structurefine 8.2.2 Refroidissement par excitation collisionnelle de raies permises 8.2.3 Refroidissement par recombinaisons electrons-ions . . 8.2.4 Refroidissement par les poussieres 8.3 Equilibre et stabilite thermiques 8.3.1 Milieu atomique 167 168 168 175 178 179 179 184 189 195 195 196 197 200 201 202 202 . 206 . 210 .215 216 217 219 221 222 222 225 . 228 229 229 229
x 8.3.2 8.3.3 8.3.4 Gaz ionise chaud Regions HII Nuages moleculaires
Table des matieres 234 234 235 237 237 238 239 241 241 242 244 245 247 249 250 251 253 259 259 262 262 263 263 265 266 274
9 Chimie interstellaire 9.1 Chimie en phase gazeuse 9.1.1 Reactions ion-molecule 9.1.2 Association radiative 9.1.3 Recombinaison dissociative 9.1.4 Reactions neutre-neutre 9.1.5 Photodissociation et photo-ionisation 9.2 Chimie a la surface des grains de poussiere 9.2.1 Formation de H2 sur les grains 9.2.2 Formation d'autres molecules sur les grains 9.3 Chimie a 1'equilibre et cinetique chimique 9.4 Quelques resultats 9.4.1 Chimie dans le milieu interstellaire diffus 9.4.2 Chimie dans les nuages moleculaires denses 10 Les regions de photodissociation 10.1 Presentation generale 10.2 Physico-chimie 10.2.1 Penetration du rayonnement UV lointain et photodissociation 10.2.2 Chimie 10.2.3 Mecanismes de chauffage 10.2.4 Mecanismes de refroidissement 10.3 Modeles stationnaires 10.4 Modeles hors d'equilibre
11 Les chocs 277 11.1 Equations de la dynamique du gaz 277 11.1.1 Fluide unique 277 11.1.2 Milieu multi-fluide 279 11.2 Les differents types de chocs 280 11.2.1 Chocs sans champ magnetique 282 11.2.2 Chocs avec champ magnetique 286 11.2.3 Chocs multi-fluides dans un gaz faiblement ionise . . . . 287 11.3 Chocs non stationnaires 290 11.4 Physico-chimie dans les chocs 292 11.5 Rayonnement et diagnostic des chocs 295 11.6 Instabilites dans les chocs 298
xi
12 Applications des chocs 301 12.1 Les restes de supernova 301 12.1.1 Phase d'expansion libre 302 12.1.2 Phase adiabatique 303 12.1.3 Phase d'expansion isotherme, ou radiative 306 12.1.4 Evolution des plerions 307 12.1.5 Expansion des restes de supernova dans un milieu inhomogene 308 12.1.6 Rayonnement non thermique des restes de supernova . . 309 12.2 Les bulles 311 12.3 Dynamique des regions HII 314 12.3.1 Le front d'ionisation 314 12.3.2 Le choc 317 12.3.3 Globules neutres dans une region HII 319 12.3.4 Evolution des regions H n 323 12.4 Acceleration des rayons cosmiques 325 12.4.1 Propagation des particules chargees dans un champ magnetique 326 12.4.2 Diffusion des particules chargees dans un milieu desordonne 330 12.4.3 Pertes d'energie 333 12.4.4 Acceleration des particules chargees 334 13 La turbulence interstellaire 13.1 Structure en vitesse et fragmentation 13.2 La turbulence incompressible 13.2.1 Apparition de la turbulence 13.2.2 La turbulence developpee de Kolmogorov 13.2.3 Viscosite et pression turbulentes 13.2.4 L'intermittence 13.3 La turbulence dans le milieu interstellaire 13.4 Quelques effets de la turbulence interstellaire 13.4.1 Transport turbulent et chimie interstellaire 13.4.2 L'intermittence, source de chauffage pour le gaz 14 Equilibre, effondrement, formation des etoiles 14.1 Stabilite et instabilite : le theoreme du viriel 14.1.1 Forme simple du theoreme du viriel, sans champ magnetique et sans pression exterieure 14.1.2 Longueur et masse de Jeans 14.1.3 Forme generate du theoreme du viriel 14.1.4 Stabilite de 1'equilibre du viriel 14.1.5 Distribution de densite dans un nuage spherique a 1'equilibre 345 345 349 349 350 352 354 355 357 357 361 367 367 367 369 372 374 378
xii
Table des matieres 14.1.6 Stabilite et instabilites en presence d'un champ magnetique 14.1.7 Couplage du gaz au champ magnetique : la diffusion ambipolaire 14.2 Effondrement et fragmentation 14.2.1 Le temps de chute libre 14.2.2 Configurations pendant I'effondrement 14.2.3 Role de la rotation 14.2.4 Role du champ magnetique 14.3 Fin de I'effondrement, formation des etoiles 14.4 La fonction de masse initiale et son origine 14.4.1 Determinations de la fonction de masse initiale et problemes 14.4.2 Origine de la fonction initiale de masse
380 384 389 389 390 392 395 397 398 398 401 403 404 404 406 411 414 418 418 419 420 422 423 441 473 477 478 479
15 Changements d'etat et transformations 15.1 Gaz atomique, gaz moleculaire et gaz ionise tiede 15.1.1 Gaz ionise et echanges avec le gaz neutre 15.1.2 Echanges gaz atomique/gaz moleculaire 15.2 Gaz chaud, fontaine galactique 15.3 Echanges gaz-poussieres 15.4 Evolution des poussieres interstellaires 15.4.1 Poussieres dans les enveloppes circumstellaires et les nebuleuses planetaires 15.4.2 Poussieres dans le milieu interstellaire 15.4.3 Poussieres autour des protoetoiles et dans le Systeme solaire Signification des sigles des references Bibliographic Planches en couleurs Signification des principaux symboles Principales constantes Unites et conversions Index
Avant-propos
OUVRAGE dans serie des de la G ET Savoirs des s'insereconsacres laa 1'astronomie. livres precedentscollection actuels Les traitent respectivement techniques de 1'astronomie, du Systeme solaire, des etoiles, des galaxies et de la cosmologie. Bien que sa densite soit en general faible, la matiere situee entre les etoiles joue un grand role. C'est a partir d'elle que se forment les etoiles par effondrement gravitationnel. Au cours de leur vie, et surtout pendant la phase finale de leur evolution, les etoiles rejettent une partie de leur matiere dans le milieu interstellaire. Cette matiere est enrichie en elements lourds par les reactions thermonucleaires qui ont eu lieu au sein des etoiles. De nouvelles etoiles se forment dans le milieu interstellaire ainsi enrichi. L'evolution de 1'Univers est done caracterisee par un echange continuel de masse entre les etoiles et le milieu qui les baigne. Get echange a lieu a 1'interieur des galaxies, mais il y a aussi echange de matiere entre le milieu interstellaire des galaxies et le milieu intergalactique. La matiere interstellaire se compose de gaz atomique, moleculaire et ionise a diverses temperatures, et aussi de poussieres, lesquelles renferment une grande partie des elements plus lourds que 1'hydrogene et rhelium. Ces poussieres sont formees autour des etoiles a la fin de leur vie, mais elles sont continuellement detruites, alterees et reformees dans le milieu interstellaire. Elles jouent un double role. D'une part elles absorbent une grande partie des photons emis par les etoiles, les poussieres ainsi chauffees reemettant 1'energie qu'elles ont absorbee par rayonnement thermique dans 1'infrarouge moyen et lointain. D'autre part, la surface des poussieres est le siege de la formation de nombreuses molecules, notamment de la plus abondante : la molecule d'hydrogene H2- La physique et la chimie interstellaires ont un grand interet
xiv
Avant-propos
general car les conditions qui regnent dans le milieu sont tres difFerentes de celles des laboratoires terrestres, et les processus elementaires sont sou vent mieux visibles en raison de la faiblesse des densites. Le but de cet ouvrage est de decrire la matiere interstellaire de notre Galaxie sous ses difFerentes phases, ainsi que les processus physiques et chimiques qui y prennent place. Le lecteur se heurtera, comme les auteurs s'y sont heurtes, a 1'extreme complexite du milieu interstellaire, qui fait qu'il n'est pas possible de le decrire d'une fagon lineaire. De surcroit, notre conception meme de ce milieu subit une profonde evolution au moment ou nous ecrivons, car on realise progress! vement qu'il est le plus sou vent turbulent et hors d'equilibre. Mais nous n'en savons pas encore assez pour qu'il soit necessaire d'abandonner les concepts relativement simples qui ont regi son etude jusqu'a ce jour, concepts qui restent a la base de ce livre et dont le role pedagogique subsistera longtemps encore. Les sept premiers chapitres presentent les difFerentes composantes de la matiere interstellaire, et detaillent leurs principales methodes d'etude. Les sept chapitres qui suivent sont centres sur les processus physiques et dynamiques qui regissent son comportement, entre autres les instabilites et refFondrement gravitationnel qui aboutissent a la Formation des etoiles. Le dernier chapitre resume les transFormations entre les phases du milieu interstellaire. Suivant la ligne de cette serie, le present ouvrage est destine aux etudiants avances, ainsi qu'aux chercheurs debutants ou aux chercheurs confirmes desireux d'aborder un domaine nouveau pour eux. II peut paraitre exagerement ambitieux de vouloir ecrire un nouveau traite sur le milieu interstellaire apres 1'ouvrage classique de Spitzer, Physical processes in the interstellar medium [467]. Cependant le sujet s'est considerablement developpe depuis la parution de ce livre il y a un quart de siecle. Par ailleurs, il nous semble que le livre de Spitzer, malgre sa haute valeur pedagogique, est sou vent tres concis et difficile a suivre meme par des etudiants avances. Nous n'avons pas hesite a reproduire certaines demonstrations donnees dans cet ouvrage, mais avec davantage de details afin d'eviter au lecteur des efforts inutiles. Nous avons choisi d'insister sur les methodes d'etude, qui evoluent relativement peu, plutot que sur les resultats qui sont souvent rapidement depasses. Sans pretendre a etre complets dans un domaine aussi complexe, nous avons voulu fournir au lecteur 1'essentiel des outils necessaires pour aborder directement la recherche. C'est pourquoi, a cote de tables contenant des donnees utiles, nous donnons une quantite substantielle de references. Ces references ont principalement ete choisies pour leur role pedagogique : notre ouvrage n'est pas une revue, et il ne nous est pas possible de donner credit a tous ceux qui ont developpe le sujet. Les illustrations dans le texte sont le plus souvent extraites directement des articles de recherche, et nous n'avons pas en general traduit en frangais les annotations presentes sur ces figures, car nous
Avant-propos
xv
avons pense que le lecteur n'aurait pas de difficulte a les comprendre. Nous avons par ailleurs insere dans 1'ouvrage de nombreuses planches en couleurs, quelquefois inedites. Regroupees a la fin du volume, elles illustrent les aspects tres varies du milieu interstellaire. Nous avons choisi d'exprimer en general les quantites que nous discutons dans le systeme c.g.s. et non pas dans le systeme international (S.I.) m.k.s.a. Nous avons conscience d'aller ainsi quelque peu a contre-courant, mais on ne peut que constater que le systeme c.g.s. est utilise dans la tres grande majorite des articles que 1'on sera amene a consulter. Une table de conversion des principales unites c.g.s./m.k.s.a. et une liste des valeurs des constantes les plus utilisees sont donnees en fin d'ouvrage. Nous remercions Patrick Boisse, Frangois Boulanger et Guillaume Pineau des Forets, qui ont bien voulu relire des parties de cet ouvrage, et surtout Laurent Verstraete et Anthony Jones pour leurs critiques toujours pertinentes et constructives. Nous remercions aussi tous les collegues qui nous ont fourni des illustrations, notamment Jean-Charles Cuillandre. Nous voudrions enfin exprimer notre gratitude envers le NASA Astrophysics Data System (ADS), qui nous a ete d'une tres grande utilite dans nos recherches bibliographiques. Charles Ryter tient a remercier le Service d'Astrophysique du CEA et son directeur, Laurent Vigroux, pour son hospitalite pendant la redaction de ce livre.
d'etre globale. A chaque etape, de nouvelles observations et une meilleure comprehension d'un sous-systeme modifient cette image globale et reagissent par la meme sur la description des autres sous-systemes. La nature de 1'astronomie, science d'observation ou 1'experience directe est presque toujours impossible, interdit de tester la validite d'un mecanisme tendant a expliquer un ensemble d'observations, comme on le fait en physique experimentale. Le plus souvent, on ne peut meme pas avoir recours, comme en physique stellaire, a 1'analyse statistique de families relativement homogenes d'objets dont on peut esperer qu'un seul parametre domine les variations observees. En effet, les proprietes qu'on veut decrire dependent le plus souvent de 1'environnement de 1'objet. Nous serons, au cours de 1'expose, amenes a donner avec peu de justifications des valeurs numeriques pour certains parametres galactiques. La confiance (ou les doutes) que 1'on peut avoir en ces valeurs, et plus generalement dans 1'identification des mecanismes essentiels, depend de 1'etendue de notre comprehension de 1'ensemble de la Galaxie. Ce n'est que par la coherence d'un ensemble complexe d'observations disparates que 1'on pourra se convaincre de leur solidite.
1.1
La Galaxie est un ensemble auto-gravitant. La partie la plus apparente est un disque d'etoiles en rotation. Le rayon de ce disque est d'environ 20 kpc (kiloparsec ; 1 parsec 3,08 1018 cm). Son epaisseur est de quelques centaines de parsecs. Le Soleil se trouve a 7-8 kpc du Centre galactique et tourne autour de lui avec une vitesse de 1'ordre de 180-200 km s"1. Ces quantites sont encore incertaines : pour une discussion recente, voir Oiling & Merrifield [364]. La periode de rotation pour les regions du disque situees a ce rayon est done de 1'ordre de 240 millions d'annees. A ce disque s'ajoute un systeme spheroidal peu aplati qui s'etend plus loin que le disque. Sa partie centrale, le bulbe, est tres lumineuse sur un rayon de 1'ordre de 2 kpc, mais ses parties externes, le halo, sont peu brillantes. Ce systeme d'etoiles peut etre considere comme sans collisions. Le temps entre collisions est en effet :
ou la densite numerique des etoiles est n, R leur rayon moyen, av leur dispersion de vitesse et R= 6,955 1010 cm le rayon du Soleil. Au voisinage du Soleil, n < 1 pc~ 3 et av est de 1'ordre de 10 a 30 kms" 1 . Le temps de collision est done typiquement 1010 fois Page de la Galaxie, qui est de 1'ordre de 3 1017 s. Meme dans le parsec central de la Galaxie, ou la densite d'etoiles est 107 fois plus grande, le temps de collision reste tres grand.
En premiere approximation, la Galaxie peut etre consideree comme un systeme ferme en ce qui concerne les echanges de matiere avec 1'exterieur. Ces echanges paraissent effectivement s'effectuer, mais ne conduisent pas a des variations notables de masse pendant des temps courts par rapport a - Page de la Galaxie. Par contre, la Galaxie echange de 1'energie avec 1'exterieur, principalement sous forme de rayonnement electromagnetique et de neutrinos. L'energie totale rayonnee est de 1'ordre de 4 1010 L0 (L0 = 1 luminosite solaire = 3,85 1026 W = 3,85 1033 ergs"1). Les etoiles du disque galactique ont des vitesses faibles vis-a-vis de la rotation autour du centre. On peut deduire la distribution de la masse et la masse totale de la Galaxie de 1'etude de la variation de la vitesse de rotation avec le rayon galactocentrique. En negligeant le mouvement aleatoire des etoiles vis-a-vis de la rotation, ce qui est Justine en dehors du bulbe, on peut ecrire que la force centrifuge contrebalance la gravite. En supposant pour 1'instant une symetrie spherique, ceci donne
soit numeriquement
ou R est le rayon galactocentrique, M(< R) la masse a 1'interieur du rayon R, v(R) la vitesse de rotation au rayon R et G la constante de gravitation. En realite la masse n'est pas distribute selon une symetrie spherique. Si Ton considere un modele de galaxie plus realiste forme d'un disque infiniment mince et d'une distribution spherique de masse, on peut montrer que la masse interieure au rayon R est comprise entre 0,6 et 1,0 fois la valeur donnee par 1'expression ci-dessus (Lequeux [297]). Aux grands R, la distribution de masse se rapproche d'une distribution spherique et 1'approximation ci-dessus est suffisante. Cette masse totale est estimee a MG 1,7 1011 M0 a 1'interieur d'un rayon de 20 kpc, au-dela duquel il n'y a pratiquement plus d'etoiles. La masse a 1'interieur d'un rayon plus grand est encore superieure. On ne peut plus suivre la rotation du disque au-dela d'environ 30 kpc, mais la dynamique des amas globulaires et des galaxies satellites de la Galaxie implique que la masse s'etend encore plus loin. La masse totale de la Galaxie, tres mal connue, depasse probablement 1012 M0 (voir par exemple Kulessa & LyndenBell [272]). Le rapport masse/luminosite de la Galaxie a I'lnterieur d'un rayon de 20 kpc est
TAB. 1.1 - Composantes du milieu interstellaire dans la Galaxie. II s'agit d'une classification tres schematique. Les masses totales sont incertaines, et refletent plutot les proportions entre les differentes composantes dans quelques kpc autour du Soleil. La distinction observationnelle entre milieu atomique tiede et milieu ionise diffus est peu claire. Milieu Atomique (Hi) Moleculaire (Hg) Ionise Froid Tiede Regions HII Diffus Chaud Densite cm-3 25 0,25 1000 1-104 0,03 610-3 Temperature K 100 8000 100 1000( 8000 5 105 Masse totale M0 1,5 109 1,5 109 109 ? 5 107 109 10 8 ?
mais ce rapport croit jusqu'a 30 au moins si on considere la masse totale de la Galaxie. Ces valeurs sont a comparer au rapport masse/luminosite des etoiles qui est donne approximativement par
pour des etoiles de masse inferieure a environ 15 M0. La valeur moyenne pour la Galaxie est done tres nettement plus elevee que celle des etoiles qui dominent la masse stellaire, qui ont une masse de 1'ordre de 1 M 0 . On en conclut que la plus grande partie de la masse de la Galaxie est due a de la matiere non lumineuse (la matiere noire) dont on estime le plus souvent qu'elle est repartie dans un systeme peu aplati. Sa contribution a la masse du disque au niveau du Soleil est probablement assez faible, mais elle domine la masse totale aux plus grands rayons. On ne connait toujours pas, malgre de nombreux efforts, la nature de cette matiere noire. Le milieu qui separe les etoiles - le milieu interstellaire qui nous interesse dans cet ouvrage - est constitue de gaz et de poussieres que Ton pense en general bien melanges. A 1'ordre zero, on peut considerer de fac,on tres schematique que le gaz se presente sous la forme de composantes distinctes, designees par la forme principale qu'y prend 1'hydrogene qui constitue 70 % de la masse. Leurs proprietes sont resumees dans le tableau 1.1. Dans la realite, ces composantes sont partiellement melangees et fortement agitees par les vents issus des etoiles massives, les explosions de supernovae et d'autres phenomenes. En consequence, ce milieu est agite de mouvements macroscopiques importants. L'essentiel de cette matiere est localise dans le disque, encore que le halo en contienne un peu egalement, notamment du gaz chaud. Certaines de ces phases sont en quasi-equilibre de pression : pour les phases atomique et chaudes, la pression P est telle que P/k = nT ~ 520 103 Kcm~ 3 . En revanche, les nebuleuses ionisees, ou regions Hu, et les nuages moleculaires
denses sont a une pression beaucoup plus elevee. Les regions HII ne sont pas contenues par leur propre gravite ou par celle des etoiles qu'elles contiennent et sont en expansion. Au contraire, les nuages moleculaires sont maintenus par leur propre gravite. Entrame par la rotation galactique, le milieu interstellaire est egalement anime de mouvements aleatoires avec une dispersion de vitesses variant entre 6 et plus de 10 kms" 1 (a une dimension) selon la composante. La masse totale du milieu interstellaire est de 1'ordre de 5 % de la masse totale des etoiles, et de 1'ordre de 0,5 % de la masse totale de la Galaxie qui est dominee par la matiere noire. Le milieu interstellaire se compose en masse de 70 % d'hydrogene, 28 % d'helium et environ 2 % d'elements lourds : C, N, O, Mg, Si, S et Fe sont les plus abondants (Tableau 4.2). Ces elements lourds se trouvent distribues entre le gaz et les grains, d'une fagon differente selon les conditions physiques. Dans les nuages moleculaires, les elements ne restent pas sous forme atomique (sauf bien entendu les gaz rares), mais s'assemblent en molecules de taille variee, qui forment plus ou moins un continuum de taille depuis les molecules simples diatomiques jusqu'a des grains de plus de 0,1 /xm de diametre, en passant par des agregats de quelques centaines d'atomes. Le milieu interstellaire est soumis a un certain nombre de facteurs physiques internes ou externes, que nous preciserons au chapitre 2. Le rayonnement electromagnetique est forme de photons de toutes energies. Au voisinage du Soleil, sa densite d'energie totale est aussi de 1'ordre de 1 eVcrn"3 = 1,210~12 ergcm"3. II faut ajouter une densite d'energie de 0,26 eVcm~ 3 provenant du rayonnement cosmologique, mais ce rayonnement en ondes millimetriques et submillimetriques interagit assez peu avec le milieu interstellaire. En dehors de lui, le rayonnement electromagnetique est domine par la lumiere ultraviolette (UV) et visible, avec cependant une forte contribution de 1'infrarouge (IR) lointain. L'intensite et la distribution d'energie spectrale de ce rayonnement dependent enormement de 1'endroit ou 1'on se trouve. Le champ magnetique est de 1'ordre de 5 microgauss (^G) en moyenne, soit 5 nanotesla (nT). Ce champ est partiellement organise a Pechelle galactique mais sa composante irreguliere domine. La densite moyenne d'energie magnetique correspondante est de 1'ordre de 1 eV cm~ 3 . Le champ magnetique est plus fort dans les regions denses du milieu interstellaire. Le rayonnement cosmique est forme de particules principalement relativistes, qui se propagent sans encombre dans le gaz sauf si leur energie est relativement faible (quelques MeV ou moins). A une energie donnee, il y a environ 100 fois plus de protons que d'electrons, les particules plus lour des etant rares. La densite totale d'energie du rayonnement cosmique est de 1'ordre de 1 eVcm~ 3 . II est interessant de remarquer que les densites d'energie sous forme de photons, de rayonnement cosmique, de champ magnetique et d'energie
cinetique des mouvements du milieu interstellaire sont comparables, de 1'ordre de 1 eVcm~ 3 dans le voisinage solaire. Dans la composante froide du milieu interstellaire, les mouvements sont generalement supersoniques et correspondent alors a une energie cinetique non thermique tres superieure a 1'energie thermique du gaz. La coincidence entre ces differentes formes d'energie n'est pas fortuite, mais resulte de transferts efficaces entre elles. Elle interdit en tous cas de negliger 1'une quelconque de ces composantes quand on etudie la physique du milieu interstellaire general, en particulier sa dynamique et la formation des etoiles. Cependant de telles simplifications sont possibles dans certains cas : par exemple les regions H n sont dominees par le rayonnement des etoiles excitatrices.
1.2
1.2.1
Une population stellaire peut etre definie comme un ensemble d'etoiles qui ont un age, une composition chimique et des proprietes cinematiques similaires. Elle peut contenir des etoiles de masses tres differentes. La notion de population stellaire est precieuse pour 1'etude de la structure de la Galaxie, qui est directement liee a sa cinematique done a sa dynamique, et a 1'etude de son evolution temporelle, qui est liee a 1'age et a la composition chimique des etoiles. La notion de population stellaire a ete introduite par Baade en 1944 lors de son etude comparee de la Galaxie et de la plus proche des grandes galaxies spirales, la galaxie d'Andromede M31. La Population I de Baade est la population principale qui constitue le disque. Elle contient des etoiles massives et done jeunes. En raison de leur rayonnement ultraviolet, dont une partie est ionisante, des vents qu'elles emettent et de la violence de leur explosion finale comme supernovae, ce sont essentiellement ces etoiles massives qui affectent le milieu interstellaire. La duree de vie d'une etoile est liee a sa masse par la relation approximative t ~ 10 10 (M/M Q )~ 2 ' 5 ans (la duree de vie depend cependant moins de la masse pour des masses superieures a 10 MQ et est d'environ 3 106 ans pour les masses les plus grandes). La cinematique des etoiles de Population I est dominee par la rotation du disque ; leur dispersion de vitesse est faible, inferieure a 30 kms" 1 . Elle n'est que 6-7 kms" 1 pour les etoiles les plus jeunes. La metallicite de ces etoiles (abondance des elements lourds ou metaux par rapport a 1'hydrogene) est elevee, mais elles presentent une grande dispersion d'age. La Population II de Baade a une grande dispersion de vitesse (>100 kms -1 ). C'est une population vieille. Sa metallicite est variable, mais generalement faible. Elle est distribute avec une symetrie approximativement spherique et constitue le halo. On tend de plus en plus a penser que le halo stellaire s'est construit par capture de galaxies naines par la Galaxie.
Cette classification est quelque peu schematique et il convient de 1'examiner d'un peu plus pres, en consider ant separement le disque et les composantes spheroidales de la Galaxie.
1.2.2
L'etude des etoiles du disque montre que leur formation s'y est produite pendant toute la vie de la Galaxie. II existe une relation statistique entre 1'age et la metallicite des etoiles du disque qui reflete evidemment 1'evolution chimique du disque qui resulte du cycle milieu interstellaire * etoiles milieu interstellaire > etoiles >..., avec un enrichissement progressif en elements lourds synthetises et ejectes par les etoiles. Cependant, cet enrichissement s'est fait beaucoup plus rapidement dans les premieres etapes de la vie de la Galaxie que maintenant. Par ailleurs, la dispersion de vitesse des etoiles est statistiquement d'autant plus grande que celles-ci sont plus agees. L'origine de ce dernier phenomene n'est pas encore tout a fait claire, mais on tend a admettre aujourd'hui que 1'epaisseur du disque a lentement decru au cours du temps : les etoiles formees il y a longtemps forment un systeme plus epais et doivent done avoir une dispersion de vitesse plus grande pour contrebalancer 1'attraction du disque. Nous allons maintenant calculer la distribution perpendiculaire au plan galactique de la densite pi(z) d'un ensemble homogene (isotherme) d'etoiles en fonction de sa dispersion de vitesse perpendiculaire au plan galactique (Ji = {u2}1/2. L'equation de Poisson s'ecrit
ou $ est le potentiel de gravitation, K la force de gravitation, p la densite totale et G la constante de gravitation2. Comme la Galaxie est approximativement axisymetrique, on peut utiliser un systeme de coordonnees cylindriques (R, 0, z) ou Ton a
La vitesse de rotation est donnee par v2 /R = Kn, et on peut reecrire cette equation sous la forme
L'observation nous montre qu'au voisinage du Soleil la vitesse de rotation est pratiquement independante de R, si bien que le deuxieme terme est
2. Nous negligeons ici la matiere noire, en supposant qu'elle ne constitue pas une partie importante de la masse au niveau du Soleil. Mais voir plus loin dans cette section.
Kz est une quantite negative (force de rappel). Dans le champ de gravitation du disque, une etoile execute des oscillations periodiques de part et d'autre du plan galactique. La vitesse perpendiculaire au plan v z ( z ) a 1'altitude z est liee a la vitesse vz(Q) a z 0 par la relation de conservation de 1'energie totale
Si Ton suppose que la distribution des vitesses des etoiles est maxwellienne dans le plan galactique, on a pour la population i
ou Pi(0) et pi(0, i>z(0)) sont respectivement la densite totale des etoiles de type i et leur densite a la vitesse vz(Q) dans le plan galactique, &i etant leur dispersion de vitesse. Si la distribution des etoiles est bien melee c'est-adire s'il y a autant d'etoiles qui se rapprochent du plan galactique que d'etoiles qui s'en eloignent, on a d'apres le theoreme de Liouville
Y equation d'equilibre hydrostatique, qui est la relation cherchee. Si 1'on peut mesurer la dispersion de vitesse et la distribution verticale d'une population, on peut estimer Kz(z) ou $z(z). La forme de ce potentiel n'est pas simple si bien que la distribution de pi(z) n'est ni exponentielle ni gaussienne, encore qu'on admette sou vent pour simplifier qu'elle est exponentielle. Une expression approximative plus correcte est
L'equation de Poisson permet de calculer la densite totale de matiere dans le plan galactique
ainsi que la densite projetee sur le disque. On peut comparer la densite locale obtenue de cette maniere a la somme des densites des differentes populations stellaires et du milieu interstellaire, la difference, si elle existe, representant une contribution eventuelle de la matiere noire. Un travail recent dans ce domaine est celui de Creze et al. [97], qui obtiennent a partir de donnees du satellite HIPPARCOS sur la loi de densite Pi(z) d'un certain type d'etoiles (les etoiles A) et leur dispersion de vitesse Ci
a comparer a une densite de 1'ordre de 0,043 M0 pc 3 estimee pour tous les types d'etoiles et de restes stellaires. La difference peut etre due a la matiere noire ou au milieu interstellaire. Mais on sait (Sfeir et al. [441]) que la densite du milieu interstellaire est tres faible dans les 100 pc autour du Soleil, la region etudiee par Creze et al. ([97]), en raison de 1'existence de la Bulle locale, sur laquelle nous reviendrons. Ce resultat n'est done pas en contradiction avec la presence possible d'une certaine quantite de matiere noire pres du Soleil, dont les equations ci-dessus ne donnent evidemment pas la distribution. La dispersion de vitesse verticale des etoiles est de 1'ordre de 6 km s^1 pour les plus jeunes (etoiles 0 et B, cepheides, supergeantes). Elle est de 8 kms"1 pour les etoiles A, 11 kms" 1 pour les etoiles F, 21 kms" 1 pour les etoiles naines G - M et 16 kms" 1 pour les geantes froides (voir par exemple Binney & Merrifield [33]). Les echelles de hauteur correspondantes sont incertaines etant donne 1'incertitude sur la force verticale Kz(z}. Dans ce livre, nous definirons 1'echelle de hauteur h comme pour une distribution gaussienne, ce qui est une bonne approximation pour les systemes les plus minces
h est de 1'ordre de 80 pc pour les etoiles les plus jeunes, mais croit beaucoup avec Page moyen des etoiles pour atteindre 300 pc pour les plus vieilles etoiles du disque.
10
La matiere noire pourrait etre distribute dans un systeme spherique (aussi appele halo, ce qui peut preter a confusion avec le halo stellaire). Si c'est bien le cas, ce qui n'est pas certain, la Constance de la vitesse de rotation du disque aux grands rayons galactocentriques, ou la masse est entierement dominee par la matiere noire, implique que la masse M(< K) a 1'interieur du rayon R est proportionnelle a R (Eq. 1.2), si bien que la densite de matiere noire varie comme R~2, done plus lentement que la densite des etoiles du halo. La masse d'une telle distribution diverge a 1'infini, et elle est necessairement tronquee a une certaine distance du Centre galactique. Mais on a vu plus haut que la masse totale de la Galaxie est au moins de 1012 M 0 , largement dominee par la matiere noire.
1.3
On peut mesurer directement la distance d des etoiles par la determination de leur parallaxe geometrique (on atteint une precision sur la distance de (d/10 pc)% avec le satellite HIPPARCOS). D'autres methodes permettent des determinations indirectes de distance. La plus utilisee consiste a comparer leur magnitude apparente m a leur magnitude absolue M obtenue a partir de leur type spectral et de leur photometric. La magnitude est une mesure logarithmique de 1'energie E regue d'une etoile, definie par m = 2,5 logE + const. Par definition, la magnitude absolue M est egale a la magnitude apparente de 1'etoile supposee placee a une distance de 10 pc et observee en 1'absence d'absorption. C'est une quantite intrinseque a 1'etoile. S'il y a absorption, on a done
ou A est V extinction a la longueur d'onde consideree, en magnitude. II est malheureusement impossible de determiner par ces methodes la distance de la matiere interstellaire. Lorsqu'on parvient a associer cette matiere a des etoiles dont on peut mesurer les distances, il est cependant possible de 1'obtenir indirectement. C'est le cas pour les regions H n dont la ou les etoiles ionisantes sont connues. Pour les nuages neutres absorbants (nuages sombres), on peut chercher jusqu'a quelle distance on trouve des etoiles non absorbees dans leur direction. C'est ainsi que Ton a determine la distance des principaux nuages sombres du voisinage solaire, par exemple ceux de Taurus, de p Ophiuchi ou de Chamaeleon (Planche 19). A defaut, la seule possibilite est d'utiliser la vitesse radiale du gaz, obtenue par 1'observation d'une de ses raies d'emission ou d'absorption. Examinons cette methode (methode des distances cinematiques). La rotation du disque galactique dans lequel se trouve 1'essentiel du gaz n'etant pas celle d'un corps solide (rotation differentielle), les differents points d'une ligne de visee dans le plan du disque sont en general animes de vitesses
11
FlG. 1.1 - Rotation differentielle de la Galaxie. S est la position du Soleil, C celle du Centre galactique et P le point etudie. Les autres parameitres sont definis dans le texte.
radiales differentes. II est commode de prendre pour origine de ces vitesses radiales le point coi'ncidant avec le Soleil mais anime seulement de la rotation du disque, le centre local des vitesses (en anglais Local Standard of Rest = LSR). Si 0 et 60 sont les vitesses lineaires de rotation d'un point P et du LSR, / la longitude galactique de P et R sa distance au Centre galactique (Figure 1.1), la vitesse radiale de P par rapport au LSR est
ou RQ est la distance du Soleil au Centre galactique et u la vitesse angulaire de rotation. Si le point P est proche, on a au premier ordre
en posant
12
r etant la distance du point P, ce qui montre que la vitesse radiale s'annule aux longitudes galactiques 0, 90, 180 et 270 degres. On montre facilement que le mouvement propre (deplacement lateral apparent du point P) s'ecrit numeriquement
Si le point P a une latitude galactique 6 non nulle, il faut multiplier les valeurs de vrad obtenues ci-dessus par cos 6. La valeur locale des parametres de Oort est encore mal connue en raison de 1'incertitude sur dQ/dR. On a A(Ro) = 11-15 km s"1 kpc"1 et B(Ro] = (12-14) km s"1 kpc"1. Pour une discussion recente voir Oiling & Merrifield [364]. La determination cinematique des distances est done une methode tres incertaine, non seulement pour cette raison mais surtout parce que la vitesse radiale s'annule pour certaines valeurs de la longitude galactique et a cause de 1'existence d'ecarts locaux a la rotation pure. Dans les meilleures conditions, on a une incertitude de 1'ordre de 0,5 kpc. De plus il y a ambigu'ite sur la distance pour la moitie du plan galactique, une meme vitesse radiale correspondant a deux distances possibles. Malheureusement cette methode est la seule utilisable pour cartographier la distribution de 1'hydrogene atomique H I a partir des vitesses mesurees avec la raie 21 cm. Pour les nuages moleculaires et surtout pour les regions HII, la situation est plus favorable car on peut souvent les associer a des etoiles jeunes pour lesquelles on obtient de meilleures distances par photometric (Russeil et al. [418]). La figure 1.2 est une carte du gaz ionise dense (regions H il) dans la Galaxie. Nous ne montrons pas de cartes semblables pour les composantes neutres car les distances cinematiques sont trop incertaines. La figure 1.3 compare la distribution radiale du gaz neutre atomique et moleculaire dans le disque de la Galaxie. La distribution radiale du gaz ionise suit a peu pres celle du gaz moleculaire (Figure 2 de Smith et al. [453]). Ces composantes n'ont pas la mme echelle de hauteur perpendiculairement au plan galactique. Les regions HII suivent la distribution des etoiles tres jeunes et chaudes qui les ionisent, et ont comme elles une epaisseur d'environ 80 pc a demi-densite (Guibert et al. [199]). Mais il existe aussi du gaz ionise diffus partiellement associe au gaz atomique, dont 1'echelle de hauteur atteint 1 kpc (Reynolds et al. [405]). Le gaz moleculaire a partir duquel se forment les etoiles a la meme cinematique que les etoiles jeunes (dispersion de vitesses ~ 6 kms"1) et done la meme epaisseur, mais il existe aussi un disque moleculaire faible environ 3 fois plus epais (Dame & Thaddeus [102]). En ce qui concerne Hi, il faut distinguer le gaz relativement froid qui a une dispersion de vitesses de 1'ordre
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FlG. 1.2 - Schema de la structure spirale de la Galaxie. Les symboles representent des regions H n de distance connue, la taille du symbole etant liee au flux ultraviolet stellaire qui ionise le gaz. La position du Soleil, suppose ici etre a 8,5 kpc du Centre galactique (position 0,0), est representee par un triangle. Le meilleur ajustement des positions des regions H n est donne par une spirale logarithmique a 4 bras. Avec 1'aimable autorisation de Delphine Russeil [418].
de 9 kms -1 et une echelle de hauteur de 1'ordre de 210 pc (Malhotra [326]), semblable a celle du disque moleculaire epais dont nous venons de parler, et le gaz tiede et diffus qui occupe un disque encore plus epais (Falgarone & Lequeux [156] ; Dickey & Lockman [114]). Nous montrerons section 2.2 un exemple de calcul de 1'echelle de hauteur du gaz.
14
FlG. 1.3 - Distribution radiale de la composante atomique et de la composante moleculaire de la matiere interstellaire dans la Galaxie, moyennee sur des anneaux concentriques. La distance RQ du Soleil au Centre galactique est prise egale a 8,5 kpc. L'emission des regions centrales n'est pas montree. La densite de surface de la composante moleculaire a ete estimee a partir des observations de la molecule CO en prenant un facteur de conversion X de 2,3 1020 mol. cm~ 2 (K km s"1)"1 (Eq. 6.26). Elle est probablement surestimee (Section 6.3). D'apres Binney & Merrifield [33], reproduit avec 1'autorisation de Princeton University Press.
2.1
Le milieu interstellaire baigne dans divers rayonnements : le rayonnement galactique provenant directement des etoiles auquel s'ajoutent des photons produits par des processus secondaires dans le milieu interstellaire luimeme, et des rayonnements extragalactiques provenant des autres galaxies et de 1'Univers (rayonnement de corps noir a 2,726 K). Examinons d'abord rapidement ces derniers, qui affectent assez peu le milieu interstellaire.
16
2.1.1
La densite d'energie du rayonnement de corps noir de 1'Univers est de 0,26 eVcrn"3, ce qui est considerable. Mais etant donne sa temperature (2,726 K) ce rayonnement se trouve en ondes millimetriques et submillimetriques pour lesquelles le milieu interstellaire est tres transparent, si bien qu'il 1'affecte tres peu. II peut cependant jouer un r61e dans Pequilibre des populations des niveaux de rotation des molecules interstellaires, car beaucoup de ces molecules ont leurs transitions de rotation dans ce domaine de longueurs d'onde. Nous en verrons un exemple plus loin section 3.2.2. Le rayonnement provenant des galaxies et du milieu intergalactique est beaucoup plus faible et peut en general tre neglige dans le plan galactique. Sa densite d'energie est 2 10~14 erg cm~3 soit 0,017 eV cm~ 3 , dont les 2/3 sont dans 1'infrarouge moyen et lointain a A > 6 //m (Puget & Guiderdoni [394]). Cependant la partie ultraviolette (UV) et X de ce rayonnement peut influencer fortement le gaz du halo galactique et des regions exterieures du disque. De grands progres ont ete faits recemment dans notre connaissance du rayonnement integre des galaxies, dont la distribution spectrale energetique est montree figure 2.1. On trouvera des details sur beaucoup d'aspects de ce rayonnement dans Leinert et al. [295].
La figure 2.2 schematise la distribution spectrale energetique du rayonnement qui parvient dans la haute atmosphere terrestre a haute latitude galactique et ecliptique (brillance du ciel nocturne). A 1'altitude des observatoires terrestres les X, 1'UV et de grandes parties de PIR sont totalement absorbees, si bien qu'il faut monter au-dela de la basse atmosphere pour les observer. On gagne deja beaucoup en haute montagne, davantage a Paltitude des avions d'observation astronomique stratospherique (environ 14 km) et encore plus a Paltitude des ballons (environ 40 km). On s'affranchit du meme coup de Pabsorption et de la turbulence atmospherique qui affectent de fagon plus ou moins grave les observations du spectre electromagnetique. Mais la transmission dans PUV et 1'infrarouge lointain est encore mediocre, et la brillance du ciel nocturne dans le visible et dans PIR proche est encore dominee par Pemission des molecules O2 et OH de la haute atmosphere. II faut monter a Paltitude habituelle des satellites artificiels, 300 km ou plus, pour s'en affranchir ; mais Pemission monochromatique de Phydrogene et de Poxygene est encore importante dans PUV lointain (raies Lyman a a 1216 A et OI a 1302 A). Reste de toute fagon la lumiere zodiacale qui resulte de la diffusion de la lumiere solaire par les poussieres interplanetaires et de Pemission de ces poussieres dans PIR moyen et lointain. II est necessaire de construire un modele de cette lumiere et de le soustraire aux observations pour
17
FlG. 2.1 - La distribution spectrale energetique du fond extragalactique. La quantite vlv est portee en fonction de la frequence i/, Iv etant la brillance monochromatique du ciel en dehors de 1'atmosphere. L'interet d'utiliser vlv = XI\ est que cette quantite consideree dans un intervalle logarithmique quelconque de frequence (ou de longueur d'onde) represente directement 1'energie totale dans cet intervalle. Le rayonnement cosmologique a 2,726 K, qui domine en ondes millimetriques aux frequences inferieures a 500 GHz environ, n'est pas represente ici. Le rayonnement indique sur cette figure est entierement du a 1'emission integree des galaxies a differents decalages spectraux. Les differentes mesures sont symbolisees comme suit. SCUBA : mesures bolometriques avec le radiotelescope JCMT ; FIRAS, DIRBE : mesures avec le satellite CODE ; IRAS : mesure avec le satellite IRAS ; PHOT, CAM 15 /^m, 12 /zm, 6,5 /xm : mesures avec le satellite ISO ; HDF : emission integree des galaxies du Hubble Deep Field observe avec le Telescope Spatial ; UV : diverses mesures. En outre, des limites superieures sont deduites indirectement des observations de rayons gamma extragalactiques de tres haute energie par les dispositifs W/B et CAT. On trouvera les references a toutes ces determinations dans Gispert et al. [184], d'ou est tiree cette figure avec 1'autorisation de 1'ESO. Les lignes pointillees entourent les valeurs probables du fond extragalactique. obtenir le champ de rayonnement au-dela du Systeme solaire. On voit sur la figure 2.2 que ce dernier rayonnement est domine par les etoiles dans 1'UV (Figure 2.3), le visible et 1'IR proche, alors que les poussieres interstellaires dominent dans 1'IR moyen et lointain (voir aussi la Figure 2.4).
18
FlG. 2.2 - La distribution spectrale energetique de la brillance du ciel en dehors de la basse atmosphere terrestre, aux latitudes galactique et ecliptique elevees. La quantite vlv est portee en fonction de la longueur d'onde comme pour la figure 2.1. Les emissions indiquees Airglow (pointilles) dues aux molecules OH et C>2 viennent de la haute atmosphere terrestre ; on peut s'en affranchir en observant a partir de satellites. Les emissions indiquees Lya et OI viennent de la magnetosphere terrestre et sont genantes meme en satellite. La brillance de la lumi^re zodiacale est indiquee en direction des poles ecliptiques, et est done minimale. L'indication cirrus est relative a la lumiere diffusee par la poussiere interstellaire a haute latitude galactique dans le visible, et a 1'emission par cette poussiere dans 1'infrarouge. L'emission integree des etoiles a haute latitude galactique est egalement indiquee dans le visible et 1'infrarouge proche, ainsi que celle du corps noir cosmologique (CMB) en ondes millimetriques. D'aprds Leinert et al. [295], avec 1'autorisation de 1'ESO. Le rayonnement UV, visible et IR proche Avant les recentes observations directes decrites par Leinert et al. [295], il etait necessaire de calculer ce rayonnement ail voisinage du Soleil a partir de la distribution plus ou moins connue des etoiles et des poussieres qui affectent leur rayonnement. Ceci a ete fait par divers auteurs, notamment Mathis et al. [331]. La figure 2.3 montre leur determination dans 1'ultraviolet, comparee a la determination de Gondhalekar et al. [191], ou les resultats d'un modele du meme genre sont calibres sur la photometric faite avec
19
FlG. 2.3 - Distribution spectrale energetique du flux dans 1'ultraviolet integre sur tout le ciel (47T/A), en dehors de 1'atmosphere terrestre. Les cercles avec les barres d'erreur resultent de 1'integration directe des flux stellaires mesures avec le satellite TD1. La courbe provient du modele de Gondhalekar base sur des comptages d'etoiles, ou 1'extinction a ete ajustee sur ces observations. Les croix correspondent au modele de Mathis et al. [331]. Le champ du modele de Habing [202] a des valeurs tres proches. Adapte de Gondhalekar et al. [191]. le satellite TD1. L'accord entre Mathis et al. [331] et Gondhalekar et al. [191] est bon compte term des erreurs. Le champ interstellaire typique de Habing [202], souvent utilise, est aussi en bon accord avec les precedents. Le champ determine par Draine [120] est environ 2 fois plus eleve. La densite d'energie du rayonnement interstellaire pres du Soleil, integree sur toutes les longueurs d'onde, est d'environ 1 eV cm~3. L'integration du champ de Habing dans 1'ultraviolet de 912 a 2066 A (6 a 13,6 eV) donne une intensite / de 1,3 10~4 ergs~ 1 cm~ 2 sterad"1, soit une densite d'energie u = 4-7T//C de 5,4 10~14 erg cm"3 ou 0,034 eVcm~ 3 (Pak [367]). Le champ de Draine dans la meme bande est 1,64 fois plus eleve. II est encore plus utile de donner le champ de rayonnement integre entre 912 et 1130 A, car c'est le domaine de longueur d'onde responsable de 1'ionisation des especes autres que H, He, N, O et les gaz rares et de la photodissociation des molecules dans le milieu interstellaire neutre : le champ de Draine correspond a une intensite de 3,71 10~5 ergs"1 cm~ 2 sterad"1, soit une densite d'energie de 1,55 10~14 ergcm"3 ou 0,0097 eVcm~ 3 . II est necessaire de faire attention au choix du champ
20
FlG. 2.4 Spectre de 1'emission de la poussiere interstellaire dans la Galaxie. L'energie emise vFv par une quantite de poussiere equivalente a un atome d'hydrogene du milieu interstellaire est indiquee en fonction de la longueur d'onde. Les observations (croix) sont relatives a la composante cirrus a haute latitude galactique. La courbe en trait plein resulte d'un modele, et est la somme de trois composantes qui seront decrites au chapitre 7. Voir la figure 7.14 pour une version plus recente. D'apres Desert et al. [110]. de reference dans les articles qui 1'utilisent. On designe par x le rapport entre le champ interstellaire UV a 1000 A dans 1'endroit etudie et le champ interstellaire local de reference de Habing, et par GO le rapport de la densite de rayonnement de 6 a 13,6 eV a celle de Habing. Nous ne ferons pas de difference entre ces deux quantites dans le present ouvrage, et les designerons par x- Le champ de rayonnement dans d'autres endroits de la Galaxie ne peut qu'etre deduit de modeles, dont le meilleur reste celui de Mathis et al. [331]. II faut remarquer que, presque partout dans la Galaxie, le champ de rayonnement est tronque brutalement en dessous de la discontinuity de Lyman de 1'hydrogene, a 911,3 A. En effet il existe de grandes quantites d'hydrogene atomique H I dans la Galaxie, qui absorbe completement le rayonnement aux longueurs d'ondes plus courtes que 911,3 A jusqu'a ce qu'il redevienne progressivement transparent en X mous (Figure 2.5). Le rayonnement UV lointain ne peut se propager que si 1'hydrogene est entierement ionise, ce qui se produit dans les regions HII. La situation est cependant plus complexe dans
21
le milieu interstellaire tres diffus et partiellement ionise, ou il y a suffisamment peu de HI pour que le rayonnement puisse se propager assez loin. C'est ce qui se passe pres du Soleil, ou la densite du milieu avoisinant est tres faible (c'est la Bulle locale). Ceci a permis d'observer quelques etoiles naines blanches proches dans tout le domaine UV, jusqu'aux X (Barstow et al. [21]). Mais dans tout ce qui suit nous admettrons que 1'on peut ignorer les photons UV de longueur d'onde inferieure a 911,3 A, sauf bien entendu dans les regions H n. Le rayonnement infrarouge moyen et lointain Ce rayonnement est maintenant assez connu dans 1'ensemble des longueurs d'onde au voisinage du Soleil grace aux satellites IRAS (InfraRed Astronomy Satellite), CODE (Cosmic Background Explorer) et ISO (Infrared Space Observatory) : figures 2.2, 2.4 et 7.14. Le milieu interstellaire etant relativement transparent a ces longueurs d'onde, on peut calculer ce rayonnement en differents points de la Galaxie plus aisement que le rayonnement UV ou visible. Mais d'un autre cote les photons infrarouges affectent assez peu le milieu interstellaire, sauf en ce qui concerne les nuages moleculaires dont 1'opacite peut etre substantielle meme dans 1'infrarouge lointain. Le rayonnement X Le gaz chaud du milieu interstellaire produit un rayonnement X mou, de basse energie (< 1 keV), auquel s'ajoute la contribution de restes de supernova, et un fond extragalactique qui devient evident aux energies > 1 keV ; nous n'avons pas mentionne ce fond extragalactique precedemment car son influence sur le milieu interstellaire est negligeable. Cependant le milieu interstellaire absorbe le rayonnement X, ce qui complique singulierement 1'interpretation des observations (Snowden et al. [457]). La Bulle locale autour du Soleil, une cavite irreguliere dont le rayon est de 1'ordre de 150 pc (Sfeir et al. [441]) contient du gaz chaud emetteur, mais une partie importante du rayonnement X mou provient aussi du halo galactique, loin de la bulle. Le rayonnement X mou joue un role dans le chauffage du milieu interstellaire diffus, qui sera discute chapitre 8.
2.2
Le champ magnetique interstellaire joue un role extremement important pour la physique du milieu interstellaire. A grande echelle, la pression magnetique et la pression des particules chargees de haute energie, elles-memes
22
FlG. 2.5 - Extinction interstellaire en fonction de la longueur d'onde. L'echelle des ordonnees donne la section efficace d'extinction des photons normalisee a un atome d'hydrogene. L'absorption aux longueurs d'onde inferieures a 91,2 nm est donnee pour 1'abondance solaire des elements (valeurs des abondances tres peu differentes de celles du tableau 4.2, colonne 2). La relation entre la longueur d'onde et 1'energie du photon est donnee en bas a droite (cette relation est utile pour les rayons X). L'enorme pic d'extinction vers 90 nm (900 A) est du au continuum d'absorption de Lyman de 1'atome d'hydrogene, qui produit son ionisation. Les sources sont, dans 1'ordre des longueurs d'onde decroissantes : trait continu : Draine & Lee [122], figure 6a, spheroi'des aplatis de silicate astronomique ; triangles : Rieke &; Lebovsky [409] ; carres pleins : Martin & Whittet [327] ; grands cercles : Cardelli et al. [68] ; petits cercles : Bastiaansen [22] ; trait continu : extinction UV moyenne ; au-dessus et au-dessous, en trait tirete : courbes d'extinction UV extremes, respectivement pour HD 204827 et pour HD 37023 (Fitzpatrick fc Massa [168]) ; trait plein de 91,2 a 5 nm : Rumph et al. 1985 ; trait plein de 5 a 0,12 nm : Morrison & McCammon [351]. Adapte de Ryter [419].
confinees par le champ magnetique, s'ajoutent a la pression cinetique non thermique1 pour contrebalancer 1'attraction gravitationnelle de la matiere du disque galactique, ce qui determine la distribution verticale de ce gaz.
1. Nous verrons que la pression thermique du gaz est negligeable a Pechelle du disque galactique vis-a-vis de la pression liee aux mouvements aleatoires du gaz, sauf pour le gaz chaud qui ne constitue cependant qu'une fraction negligeable de la matiere.
23
1. Pression cinetique macroscopique du gaz liee aux mouvements a grande echelle des nuages interstellaires : pc(0) = p{f2}, vz etant la vitesse quadratique moyenne des mouvements aleatoires a 1 dimension, telle que 2. Pression des particules cosmiques etant la densite d'energie de ces particules supposees essentiellement relativistes. 3. Pression magnetique Ces trois pressions sont chacune de 1'ordre de 10 12 dynes cm 2. On peut obtenir simplement 1'equation d'equilibre hydrostatique perpendiculairement au plan galactique si Ton suppose que ces pressions varient de la meme maniere avec z. Alors on peut poser (Section 1.2.2), Si on suppose aussi que avec const, ce qui est sensiblement exact pour le champ de gravitation des etoiles a z (Kuijken & Gilmore [271], Figure 14), lequation d'equilibre hydrostatique du gaz s'ecrit
avec p = p(l + a + j3](v1}. Dans cette equation, p est la densite du gaz tandis que Kz(z) est determine par toute la matiere presente dans le disque. La solution est
Jusqu'a des hauteurs de quelques centaines de parsecs, on a sensiblement Kz(z) ~ az si bien que
et
avec
En prenant (^ 2 ; ) 1 / 2 = 9 kms 1, independant de z et a 1,8 10 n cms~ 2 pc~ 1 , ce qui correspond a une densite totale de matiere dans le plan
24
galactique de 0,1 M0 pc~ 3 , on trouve h = 210 pc, en accord raisonnable avec les observations du H i (Malhotra [326]). A plus petite echelle, le champ magnetique joue un role determinant dans la physique de la contraction gravitationnelle des nuages moleculaires qui aboutit eventuellement a la formation des etoiles (Chapitre 14). II y a differentes possibilites pour mesurer le champ magnetique interstellaire, que nous allons examiner maintenant. Les conclusions gene-rales que Ton peut tirer de ces mesures seront discutees ensuite.
2.2.1
L'effet Zeeman est la levee de la degenerescence d'un niveau de moment cinetique total J = L + S non nul dans un atome ou une molecule sous 1'effet d'un champ magnetique. L est la somme des moments orbitaux des electrons et S la somme de leur moments de spin. Pour que cet effet existe, il suffit que 1'atome ou la molecule ait un moment magnetique N non nul. Dans ce cas une interaction apparait avec le champ magnetique B qui a pour effet de faire precesser le moment cinetique total J autour de B. Comme 1'orientation de J (ou de N) par rapport a B est quantifiee, le nombre quantique correspondant etant Mj = J , J 1,..., J, chacun des sous-niveaux Mj est deplace d'une quantite differente par cette interaction puisqu'elle depend de Tangle entre N et B, done de Mj. Le moment magnetique peut provenir soit du moment orbital total des electrons s'il n'est pas nul (L ^ 0 pour les atonies, ou A 7^ 0 pour les molecules diatomiques), soit du spin des electrons s'il existe un electron celibataire. Dans ce cas, le moment magnetique est de 1'ordre du magneton de Bohr :
ou e et me sont respectivement la charge et la masse de 1'electron. Le moment magnetique peut aussi provenir, dans le cas des molecules, de charges localisees ou du spin des noyaux. Alors le moment magnetique est voisin de :
mp etant la masse du proton. Dans le cas des atomes, le champ magnetique separe un niveau J en 2 J + 1 sous-niveaux equidistants d'energie
ou Ej$ est 1'energie du niveau en 1'absence de champ magnetique ; gj est le facteur de Lande
25
qui represente le couplage spin-orbite des electrons et ne differe de 1 que pour les atomes de spin total S ^ 0. Les regies de selection sont AM = 0, M ^ 0 et AM = 1. La raie J + 1 > J se separe : 1. soit en trois composantes : une composante 7r(AM = 0), et deux composantes cr(AM = 1) si S = 0 ; 2. soit en plusieurs composantes ?r(AM = 0) et cr(AM = 1) si S j^ 0. Les composantes TT sont polarisees lineairement parallelement au champ magnetique et passent par un maximum quand la ligne de visee est perpendiculaire a B ; les composantes a sont polarisees circulairement dans le plan perpendiculaire a B. Lorsque la ligne de visee est alignee avec le champ, la composante TT est absente et on n'observe que les composantes a qui sont polarisees en sens inverse 1'une de 1'autre. Ce sont elles qui sont utilisees en pratique dans 1'observation. L'expression du deplacement par rapport a la frequence centrale d'une raie J, J 1 est :
Dans le cas de 1'atome d'hydrogene, Ai/ = 2,8//B-6||/(l A*G), d'ou un deplacement de 1,4 Hz /LtG"1. L'effet est du meme ordre de grandeur pour les raies des molecules OH et CH (voir Bel & Leroy [25]). Des deplacements aussi petits vis-a-vis de la largeur Doppler des raies, qui se compte en kHz, sont evidemment tres difficiles a mesurer. La seule possibilite est de comparer les frequences d'une paire de composantes a en profitant du fait qu'elles sont polarisees circulairement en sens inverse. On mesure alors B\\. Des resultats positifs ont ete obtenus sur des nuages Hi relativement denses, ou des champs magnetiques de 10 a 3000 /zG ont pu etre mesures. Par centre le champ magnetique general, qui est de 1'ordre de quelques /zG seulement, est trop faible pour etre mesurable par cette technique.
2.2.2
Les electrons libres d'un milieu ionise font de ce milieu, en presence d'un champ magnetique, un dielectrique dont 1'indice de refraction est different pour les deux polarisations circulaires opposees. Or une onde polarisee rectilignement, comme 1'est frequemment celle emise par les sources galactiques ou extragalactiques de rayonnement radio synchrotron ou par les pulsars, peut etre decomposee en deux on des polarisees circulairement en sens inverse. La propagation d'une telle onde dans un plasma magnetise conduit done a un dephasage entre ces composantes et a une rotation du plan
26
de polarisation rectiligne, la rotation Faraday, d'angle (Rohlfs & Wilson [413], p. 43)
ou e. et me sont la charge et la masse de 1'electron, v la frequence de 1'onde, n& la densite electronique, B\\ la composante longitudinale du champ magnetique et L la longueur de la ligne de visee. On ecrit souvent 0 = X2RM, ou RM est dit mesure de rotation (Rotation Measure en anglais). On a :
la longueur d'onde A etant exprimee en metres. Seule la valeur moyenne algebrique de la composante longitudinale B\\ du champ magnetique peut ainsi etre mesuree. Pour cela, on effectue des mesures de Tangle de position de 1'onde a au moins trois frequences differentes, pour lever les ambigui'tes par des multiples de n dans la rotation. Mais il faut aussi connaitre la densite electronique. Pour cela on utilise comme source des pulsars, qui emettent des ondes polarisees lineairement par impulsions tres courtes. Le plasma est dispersif, et la difference entre les temps d'arrivee de 1'impulsion aux frequences v\ et v?. (y\ > v?) est :
dont la mesure determine (ne). On peut par ailleurs obtenir independamment la distance des pulsars observes, ce qui permet de cartographier le champ magnetique. L'etude de la mesure de rotation de la polarisation du rayonnement de sources radio extragalactiques, si elle est moins puissante pour determiner la valeur du champ magnetique, fournit des resultats qualitatifs en bon accord avec la methode ci-dessus (voir par exemple Clegg et al. [90]). La composante aleatoire du champ magnetique conduit a une depolarisation du rayonnement des sources qui depend de la frequence. Sa mesure permettrait en principe de determiner cette composante si la modelisation n'en etait pas aussi complexe (Sokoloff et al. [459]).
2.2.3
Les electrons relativistes qui circulent dans le milieu interstellaire (Section 6.1) emettent dans le champ magnetique galactique du rayonnement
11
synchrotron dans le domaine radio (un ouvrage tres complet sur le rayonnement synchrotron est celui de Sokolov & Ternov [460]). Ce rayonnement est fortement polarise lineairement. Le fait que Ton observe dans de nombreuses regions de la Galaxie, et dans les galaxies exterieures, des regions ou le degre de polarisation lineaire atteint ou depasse 70 %, montre que le champ magnetique est sou vent bien ordonne. La direction de la polarisation etant perpendiculaire au champ magnetique, on peut connaitre 1'orientation du champ a condition de la corriger de la rotation Faraday. Si 1'on connait par ailleurs le flux d'electrons relativistes, on peut remonter au module du champ magnetique. L'interet de cette methode est qu'elle est sensible a tout le champ magnetique, et pas seulement a B\\. Pour une distribution isotrope d'electrons d'energie E, la frequence caracteristique du rayonnement synchrotron dans un champ magnetique B est (Lang [280], p. 29)
soit numeriquement
Done un electron de 5 GeV (observable de 1'espace) emet autour de 2 000 MHz (observable du sol) dans le champ galactique typique de 5 /zG. Un spectre d'electrons en loi de puissance
ou 0(7) est un facteur voisin de 1 tabule par Rohlfs & Wilson [413], tableau 9.2. L est la longueur de la ligne de visee en cm. Au voisinage du Soleil :
Le spectre radio du continuum synchrotron de la Galaxie est en loi de puissance, avec une pente de -0,75 qui est en accord avec 1'exposant 7 ~ 2, 5 du spectre des electrons cosmiques. Mais il n'est pas sur que le flux d'electrons cosmiques observe pres de la Terre soit representatif d'une region plus etendue de la Galaxie, si bien qu'il est dangereux de se servir pour obtenir
28
le champ magnetique d'une combinaison directe entre le flux d'electrons relativistes et une determination, d'ailleurs difficile, de la densite d'energie du rayonnement synchrotron. II vaut mieux combiner le rayonnement gamma et le rayonnement synchrotron de la Galaxie. Le flux gamma est proportionnel au produit du flux de protons cosmiques par la densite de la matiere interstellaire (Section 6.2.1), tandis que le flux synchrotron est proportionnel au produit du flux d'electrons cosmiques par B^+l^2. Si on connait la distribution de la matiere interstellaire et si on se donne le rapport des flux des electrons et des protons cosmiques (~ 0,1 a une meme energie, Section 6.1.7) on peut en principe determiner le champ magnetique. Cette methode presente aussi des dangers, et on utilise le plus sou vent, comme on le verra au chapitre 6, le rayonnement gamma pour determiner la densite du milieu interstellaire en se donnant le flux de rayons cosmiques !
2.2.4
On observe une faible polarisation lineaire de la lumiere visible des etoiles, qui est correlee avec 1'extinction de cette lumiere due aux poussieres interstellaires. Ceci suggere que cette polarisation est due a une anisotropie et un alignement partiel sur le champ magnetique des grains responsables de 1'extinction pourvu qu'ils ne soient pas spheriques (pour un article recent voir Roberge & Lazarian [412]). Le materiau qui constitue ces grains est au moins diamagnetique, et peut-etre partiellement paramagnetique ou ferromagnetique si les grains contiennent des elements a electrons celibataires. Par ailleurs, les grains subissent continuellement des echanges avec le gaz interstellaire, qui les mettent en rotation. En eflfet, les collisions avec les atomes et molecules du gaz, mais aussi 1'ejection de la molecule H2 qui peut se former sur leur surface (Chapitre 9), exercent un couple sur les grains. Ceuxci etant generalement charges, la rotation contribue au moment magnetique total M du grain. L'ordre de grandeur de cette contribution est go;a2/2c, ou q et a sont respectivement la charge et le rayon du grain et u; sa vitesse angulaire. Le champ magnetique B exerce sur le grain un couple M x B. Si le moment angulaire J du grain et B ne sont pas alignes, ce couple fait precesser le grain autour de B, ce qui produit globalement un certain alignement des grains, et done une anisotropie optique du milieu. Get alignement est limite par les collisions qui changent la direction et Pamplitude de J, mais on peut montrer que la periode de precession est notablement plus courte que 1'intervalle entre deux collisions, ce qui permet statistiquement 1'anisotropie. Etant donnee 1'incertitude sur les proprietes des grains et 1'origine de leur moment magnetique, il n'est pas possible d'etre quantitatif, ni meme de predire avec certitude si la direction de la polarisation lineaire de la lumiere transmise
29
est parallele ou perpendiculaire au champ magnetique (!'observation suggere cependant qu'elle lui est parallele). Plus recemment, on a detecte la polarisation du rayonnement infrarouge lointain emis par les poussieres interstellaires, ce qui donne egalement des informations sur la direction du champ magnetique.
2.2.5
Resultats
A grande echelle, les observations de la rotation Faraday et, dans une moindre mesure de la polarisation optique et radio synchrotron, montrent qu'il existe un champ magnetique ordonne. Rand & Lyne [399] trouvent, en comparant & des modeles les observations de nombreux pulsars, un champ magnetique regulier de 1,4 ^tG, sensiblement dirige vers la longitude galactique 90, done perpendiculaire a la direction du Centre galactique, ce qui suggere une orientation sensiblement le long des bras spiraux. La direction de ce champ se renverse a 0,4 kpc en direction du Centre galactique, puis a 5,5 kpc. Ce champ ordonne, plus ou moins parallele aux bras, se retrouve dans les galaxies proches, ce qu'on voit clairement grace a la direction de polarisation du rayonnement synchrotron. Au champ ordonne se superpose un champ desordonne de 5 p,G environ, done nettement plus grand (Rand & Kulkarni [398]). Ce champ desordonne domine la polarisation optique des etoiles proches (Leroy [302]). La densite d'energie correspondant au champ magnetique total est de 1 eVcm~ 3 . L'existence d'un rayonnement synchrotron radio dans le halo
FlG. 2.6 - Intensite du champ magnetique dans des nuages sombres (nuages moleculaires) en fonction de la densite. Les points correspondent aux observations, les triangles indiquent des limites superieures. La droite est la relation B oc n(H)' 45 . D'apres Crutcher [98], avec la permission de 1'AAS.
30
de nombreuses galaxies, dont la notre, est une preuve directe de la presence d'un champ magnetique a grande distance du plan galactique. Le champ magnetique est probablement entraine par le gaz ionise ejecte par les explosions de supernovae dans le disque, comme on peut le voir en examinant les cheminees qui partent du disque dans les galaxies vues par la tranche (Chapitre 15 et Planche 31). A 1'echelle des nuages interstellaires dans la Galaxie, 1'intensite du champ magnetique semble croitre avec la densite (dans la mesure ou celle-ci peut etre consideree comme raisonnablement determinee), mais moins vite que ne le predit la conservation du flux magnetique pendant la contraction spherique d'un nuage (Figure 2.6). Si ce flux etait conserve on devrait avoir B oc n 2 / 3 , ce qui n'est pas observe. Ceci montre que le flux magnetique n'est pas conserve lors de la contraction d'un nuage de gaz, ou bien que la contraction n'est pas spherique. Ce point sera discute au chapitre 14. Une certaine confusion regne sur la direction du champ a cette echelle. Elle vient du fait que les mesures de polarisation de la lumiere, seules utilisables dans ce cas, ne peuvent donner de reponse sans ambigui'te. Cependant, dans le cas du Centre galactique, les observations de polarisation en emission de la poussiere dans 1'infrarouge lointain (par exemple Novak et al. [363]), ou de 1'emission synchrotron en radio (par exemple Lang et al. [279]), donnent des renseignements tres precieux sur le champ magnetique et permettent en particulier d'en connaitre la direction sans ambigui'te.
3.1 3.1.1
Considerons un milieu forme d'atonies ou de molecules pour lesquels on peut se contenter de considerer seulement deux niveaux d'energie / (pour lower en anglais, le niveau fondamental) et u (pour upper, le niveau excite), separes par une energie E. Nous nous interessons au transfert du rayonnement a travers ce milieu aux frequences v voisines de VQ = E/h. Un rayonnement
32
d'intensite specifique ! a la frequence v (unite : erg cm~ 2 Hz"1 sterad"1 s~1) arrive sur une tranche du milieu. Sur la distance ds le long de la direction de propagation, le rayonnement a la frequence v est diminue par 1''absorption dans la raie spectrale par ceux des atonies dans 1'etat / qui sont susceptibles d'interagir avec ce rayonnement. Soit n/(z/) la densite de ces atonies. Simultanement, le rayonnement est augmente par Remission spontanee de ceux des atonies dans 1'etat u de densite nu(v) qui rayonnent a la frequence v, et par leur emission stimulee (aussi dite emission induite) a cette frequence. La probabilite de transition vers le haut par unite de temps (excitation radiative) s'ecrit
ou uv 47r/J//c (unite : erg cm 3 Hz 1) est la densite d'energie monochromatique a la frequence v du rayonnement suppose isotrope (cas du champ de rayonnement interstellaire local)1. B\u est le coefficient d'absorption d'Einstein. Inversement, la probabilite de transition vers le bas par unite de temps (desexcitation radiative) est
ou Aui est la probabilite d'Einstein d'emission spontanee et Bui le coefficient d'emission stimulee. Le bilan des transitions radiatives donne 1'equation de transfert
Insistons sur le fait que cette equation est etablie pour une frequence donnee a 1'interieur de la raie spectrale. On sera quelquefois amene a 1'integrer sur le profil de la raie. Defmissons le coefficient d'absorption
et la fonction source
1. Un autre cas important est celui ou le rayonnement est directif, provenant d'une source eloignee, par exemple une etoile. Alors Pintensite est, pour une etoile de rayon R* et de brillance Bv(Teff) a la distance D, lv = (TrR*/D'2)Bl,(Teff) et la densite d'energie du rayonnement est simplement uv = I^/c.
33
Si la fonction source est constante le long de la ligne de visee, 1'equation ci-dessus s'integre facilement pour donner
On notera que ces equations sont generates et n'impliquent rien sur les phenomenes qui regissent les populations des niveaux d'energie. Nous supposons pour le moment que le milieu est a Yequilibre thermodynamique local (ETL) a la temperature T. Ceci signifie que la population des niveaux est entierement determinee par les collisions et obeit a la loi de Boltzmann2
ou gu et gi sont les poids statistiques (nombres de sous-niveaux) des niveaux u et I respectivement3. Si la profondeur optique est tres grande, Iv doit tendre vers 1'intensite du corps noir (fonction de Planck) BU(T] pour la temperature du milieu. Ceci implique que Sv = BU(T}, si bien qu'on a
Flagons nous au centre de la raie (y = VQ) et identifions terme a terme, dans 1'equation 3.6, S^ a la fonction de Planck BVQ(T]
En utilisant 1'equation de Boltzmann, on obtient alors les relations d'Einstein entre les probabilites ou coefficients d'emission et d'absorption
2. En toute rigueur, la loi de Boltzmann s'ecrit nu/ni = (gu/g\] exp(hi>Q/kT], en ne faisant intervenir que les populations totales n; et nu des deux niveaux. II est done necessaire, pour ecrire 1'equation 3.9, de supposer que la forme de la raie spectrale qui resulte de la transition est la meme en absorption et en emission, c'est-a-dire que les distributions de ni(u) et de n u (^) en fonction de la frequence sont identiques. 3. Le poids statistique d'un niveau n dont le moment angulaire total est represente par le nombre quantique J est gn = 2J + 1.
34
et
En remarquant que v est tres voisin de z/o dans la raie, le coefficient d'absorption s'ecrit alors, en fonction de Aui seulement,
On voit done que KV est proportionnel a la densite n. Definissons la densite de colonne des atonies N f n ds (unite : atomescm~ 2 ): c'est le nombre d'atomes dans un cylindre de section unite le long de la ligne de visee. L'epaisseur optique rv (Eq. 3.5) est proportionnelle aN. Remarquons que les equations 3.11, 3.12 et 3.13 sont generates malgre le fait que nous avons fait intervenir 1'ETL dans la demonstration. Cependant la fonction source Sv n'est egale a la fonction de Planck Bv que pour un processus de rayonnement thermique par un milieu a 1'ETL, ceci quelle que soit sa profondeur optique.
3.1.2
Aux frequences radio, et notamment a 1420 MHz (A = 21,1 cm), frequence de la raie de 1'hydrogene atomique dont on parlera au chapitre suivant, hv <C kT si bien que la fonction de Planck (Eq. 3.11) s'ecrit simplement
Au vu de cette solution, les radioastronomes ont pris 1'habitude d'exprimer les brillances de surface ou intensites specifiques en termes de temperature de brillance TB definie par
La temperature de brillance n'a de signification physique qu'a 1'ETL. Mais elle permet d'ecrire, toujours a 1'ETL, la solution de 1'equation de transfert
35
Cette equation indique que si le milieu interpose est plus chaud que la temperature de brillance du fond (T > Te(O)), la raie apparait en emission, tandis qu'elle est en absorption au cas contraire (c'est une propriete absolument generale, valable meme si le milieu n'est pas a 1'ETL). Dans le cas optiquement mince ou rv <C 1, et si le fond T#(0) est faible, on a simplement
Puisque TV est proportionnel a la densite de colonne de matiere N = J nds dans notre hypothese ou Sv est constant, 1'intensite de la raie et TB sont proportionnels a la densite de colonne. Pour un milieu optiquement epais, TB mesure a 1'ETL la temperature cinetique TK du milieu. Les radioastronomes ont aussi 1'habitude de mesurer 1'energie regue par une antenne en termes de temperature d'antenne TA- C'est la temperature a laquelle serait place un corps noir qui entourerait totalement 1'antenne pour donner le signal observe. La puissance captee par 1'antenne est alors Wv = kTA par intervalle unite de frequence (Theoreme de Nyquist}. Si 1'antenne etait parfaite, une region etendue de brillance uniforme representee par une temperature de brillance TB donnerait une temperature d'antenne TA = TB. Cependant les antennes ne sont pas parfaites, et il faut faire intervenir leur rendement. Pour les sources interstellaires qui sont generalement assez etendues, le rendement le plus utile est le rendement en lobe 775 : c'est le rapport entre la temperature d'antenne et la temperature de brillance pour une source qui couvre juste le lobe primaire de 1'antenne (en ne tenant pas compte de 1'absorption par 1'atmosphere). Les temperatures d'antennes corrigees de ce rendement et de 1'absorption par 1'atmosphere terrestre sont appelees temperatures de lobe primaire (pour main beam temperature en anglais) Tmb = TA/r?{,exp(raim\ raim etant 1'epaisseur optique de 1'atmosphere dans la direction de la source. On trouve en general les temperatures d'antenne exprimees en Tmb dans les articles traitant du milieu interstellaire, mais le lecteur doit etre vigilant et considerer soigneusement la definition utilisee par 1'auteur. Tmb TB par definition pour une source couvrant exactement le lobe primaire, mais il y a surcorrection (Tmb > TB) pour une source plus etendue pour laquelle on recupere de 1'energie dans les lobes secondaires. Si la source visee par 1'antenne est plus petite que son lobe primaire, ce qui est frequent notamment dans le cas des observations extragalactiques, TA ou Tmb < TB et on dit qu'il y a dilution de lobe. Pour une discussion complete des problemes de rendement et d'etalonnage des antennes, voir Rohlfs & Wilson [413] et Kutner & Ulich [275]. II est interessant de donner quelques expressions utiles pour comprendre les articles de radioastronomie et d'astronomie infrarouge.
36
La puissance regue d'une radiosource (ponctuelle ou etendue) s'exprime en densite de flux S^, quantite monochromatique dont 1'unite dans le systeme international d'unites est le Wm~ 2 Hz~ 1 . On utilise plut6t un sous-multiple de cette quantite, le jansky :
Pour une source etendue uniforme de brillance Iv sous-tendant un angle solide f2, la densite de flux est Sv = Iv$l. Une antenne de surface equivalente Aeq visant dans 1'axe une source ponctuelle de densite de flux Sv capte la puissance
Si la source est a une distance angulaire #, </> de 1'axe, 1'energie captee Pv(9, </>) est evidemment plus petite que si elle etait dans 1'axe, et est reduite par un facteur Gv(0, 0)/G'I/(0, 0), ou Gv est le gain de 1'antenne defini comme
Le gain exprime les proprietes de directivite de 1'antenne. II est normalise de telle fagon que
Supposons maintenant que 1'on plonge 1'antenne dans une enceinte rayonnant uniformement dans toutes les directions avec une temperature de brillance T. La puissance totale regue par 1'antenne est alors kT par intervalle unite de frequence. L'enceinte rayonne avec 1'intensite specifique (Eq. 3.17)
mais 1'antenne n'etant sensible qu'a une polarisation ne peut capter que la moitie de cette puissance. Dans la direction (#, 0) elle capte dans I'angle solide dl
En integrant sur tous les angles solides et en ecrivant que la puissance totale captee est kT on obtient 1'expression du gain dans 1'axe
Puisque le pouvoir de resolution angulaire d'une antenne circulaire est de 1'ordre de \/D et que sa surface est de 1'ordre de D2, le gain dans 1'axe
37
est voisin de 1'inverse de Tangle solide (en steradian) sous-tendu par le lobe primaire de 1'antenne. En ondes millimetriques et submillimetriques, les radioastronomes ont 1'habitude de conserver la notation en temperature bien que 1'approximation de Rayleigh-Jeans ne soit plus valable, ce qui peut occasionner des confusions. La temperature de brillance reste definie par 1'expression de Rayleigh-Jeans, mais on 1'affecte d'un asterisque pour eviter autant que possible les confusions :
TQ est evidemment different de la temperature d'un corps noir qui emettrait la meme intensite specifique, qui est
3.1.3
Temperature d'excitation
Si Ton desire obtenir 1'intensite totale d'une raie, il faut integrer 1'equation de transfert ou sa solution sur les frequences. II faut pour cela connaitre la distribution spectrale normalisee de 1'intensite de la raie a remission, ^ui(v} tel que
ou nu et HI sont les densites totales d'atomes dans les niveaux u et / respectivement. Si, par analogic avec 1'expression de Boltzmann pour 1'equilibre des populations des niveaux a 1'ETL (Eq. 3.9), on definit la temperature d'excitation Tex par 1'equation
ou i/o est la frequence centrale de la raie, le coefficient d'absorption s'ecrit, en substituant 1'equation 3.31 dans 1'equation 3.30,
38
Dans la pratique, on exprime souvent la forme de la raie en fonction de la vitesse radiale v plutot qu'en fonction de la frequence. Si on appelle At/ (ou At> si on 1'exprime en vitesses radiales) la largeur de la raie a demi-intensite, on a sensiblement 4>ui(vo) ~ 1/Av = C/(VQ&V). L'epaisseur optique TO au centre de la raie s'ecrit en fonction de la densite de colonne NI des atomes dans le niveau I
La temperature d'excitation n'a de sens physique qu'a 1'ETL. Dans le cas general, elle peut prendre des valeurs quelconques et meme negatives, ce qui correspond a une inversion des populations des niveaux, c'est a dire a un effet maser (Section 3.3).
3.2
3.2.1
Dans le cas general, les transitions radiatives ne sont pas negligeables devant les collisions pour peupler les niveaux d'energie. Si 1'on suppose que les populations des niveaux sont statistiquement en equilibre avec le rayonnement et les collisions, on peut ecrire que le nombre de transitions vers le haut par unite de temps est egal au nombre de transitions vers le bas (equation d'equilibre statistique) :
RIU et Rui sont les probabilites d'excitation et de desexcitation radiative (Eq. 3.1 et 3.2). Ciu et Cui sont les probabilites d'excitation et de desexcitation collisionnelles, qui sont evidemment proportionnelles a la densite n des particules responsables des collisions. II existe une relation entre ces quantites que 1'on obtient en se plagant dans le cas de 1'ETL. Alors
et comme on a alors
39
Cette expression ne contient que des parametres atomiques et reste valable dans le cas general a condition de pouvoir definir une temperature cinetique. Revenant au cas general d'un systeme a deux niveaux hors ETL, on peut alors ecrire en explicitant les valeurs de RIU et Rui a partir de la probabilite d'emission spontanee Aui, et en utilisant les relations d'Einstein (Eq. 3.12 et 3.13),
en posant
quantite sans signification physique. On verifie que, si les collisions dominent, TO est grand et Tex ~ TK (equilibre collisionnel ou ETL). Si au contraire les collisions sont negligeables, T0 est petit et Tex ~ TB (equilibre radiatif). On peut ecrire la probabilite de desexcitation collisionnelle comme
oii n est la densite des particules responsables des collisions, v leur vitesse et aui est la section efficace de desexcitation collisionnelle, qui depend de v en general. Les crochets signifient qu'on prend la moyenne sur toutes les vitesses relatives v. II existe une densite critique ncrn ou les transitions collisionnelles et radiatives ont des importances egales. Elle s'ecrit
3.2.2
Un cas interessant ou les transitions sont dominees par le rayonnement est celui des molecules CN et CH presentes dans le milieu interstellaire diffus. CN, par exemple, a une transition J = 1 > 0 a 2,64 mm de longueur d'onde, avec A\Q ~ 10~5 s"1, valeur relativement grande. On peut montrer que
40
la population des niveaux est completement determinee par le rayonnement tant que la densite de H i est inferieure a 103 atomecm"3, ce qui est le cas dans le milieu interstellaire neutre atomique que nous definirons au chapitre suivant. Alors, la temperature d'excitation Tex est egale a la temperature du rayonnement a 2,64 mm. II est possible de sender les populations des niveaux 0 et 1 grace a des transitions electroniques qui partent de ces niveaux. Elles sont dans 1'ultraviolet proche, aux environs de 3874 A (cf. references dans Meyer et al. [344]). En mesurant le rapport d'intensite de ces raies vues en absorption devant des etoiles brillantes, on a pu determiner Tex(l-Q) = 2,8 0,1 K. Le rayonnement cosmologique de 1'Univers a ete decouvert apres les premieres observations de ce phenomene. C'est le rayonnement d'un corps noir a 2,726 0,010 K, et il domine entierement le champ de rayonnement en ondes millimetriques, sauf au voisinage des sources de continuum ou des raies spectrales intenses. On avait done sans le savoir deja decouvert ce rayonnement grace a cette transition de la molecule CN et a d'autres transitions analogues. Une verification interessante de la predominance du rayonnement pour etablir la population des niveaux est le fait que la raie de CN a 2,64 mm est inobservable devant le rayonnement de 1'Univers, aussi bien en emission qu'en absorption.
3.2.3
On a vu que 1'equilibre des niveaux est determine a la fois par la densite locale et par le champ de rayonnement dans la raie. Or ce champ de rayonnement est lui-meme determine par les proprietes des atonies ou molecules emetteurs dans le reste du milieu. II est done en principe necessaire de resoudre simultanement 1'equation d'equilibre statistique et 1'equation de transfert pour 1'ensemble du milieu considere. C'est une operation qui est maintenant a la portee des micro-ordinateurs. Cependant des simplifications analytiques utiles sont possibles dans deux cas. Le premier cas est celui des regions profondes d'un milieu tres optiquement epais. Les particules emettrices de ces regions etant isolees du monde exterieur, une consequence du deuxieme principe de la thermodynamique est que le milieu est en equilibre a la fois avec les collisions et le rayonnement. En consequence Tex = TB = TK quelle que soit la densite. Cependant ces regions n'etant pas observables de 1'exterieur dans la raie, ce cas n'a qu'un interet academique. Le second cas est beaucoup plus interessant. Considerons un milieu emettant une raie localement etroite et dont la largeur 6v est dominee par 1'effet Doppler lie au mouvement des particules emettrices (agitation thermique et eventuellement microturbulence). Supposons d'autre part qu'il y ait des gradients de vitesse importants a grande echelle, dus par exemple a un effondrement ou une expansion d'ensemble du milieu,
41
ou a une macroturbulence importante. Alors, une frequence donnee dans la raie n'est emise que par une region restreinte de la ligne de visee, celle dont la vitesse radiale moyenne correspond a cette frequence. On peut alors utiliser I'approximation du grand gradient de vitesse (approximation LVG, de 1'anglais Large Velocity Gradient], initialement due a Sobolev et developpee dans le cas des raies moleculaires millimetriques par Scoville & Solomon [437] et Goldreich & Kwan [186]. L'approximation LVG implique aussi que le gradient de vitesse, la densite et les temperatures cinetique et d'excitation sont uniformes dans le milieu. Comme il est assez difficile et rarement explicite dans la litterature, nous aliens donner le calcul complet conduisant a une approximation analytique, d'apres Surdej [478]. L'equation d'equilibre statistique local s'ecrit (voir Eq. 3.35, 3.1 et 3.2)
ou (u(r)) est la densite moyenne du rayonnement local dans la raie a la position r etudiee. (u(r)) est lie a la fonction source 5(r') dans 1'ensemble du milieu par la relation
ou K(r r') est une fonction qui depend du champ de rayonnement dans 1'ensemble du milieu et de la propagation de ce rayonnement. Si cependant il existe un grand gradient de vitesse, les photons qui interagissent dans la raie au point r ne proviennent que d'une faible distance / telle que
ou Sv est la largeur locale de la raie, Ay est la gamme totale de vitesse et R la dimension totale du milieu le long de la ligne de visee. Admettons de plus la redistribution complete des frequences, c'est-a-dire qu'un photon absorbe est reemis ( diffuse ) sans garder la memoire de la direction d'arrivee, de la frequence et de la polarisation du photon incident, ce qui est une hypothese assez raisonnable. La raie emise a alors la meme forme que la raie absorbee. On peut considerer la fonction source comme approximativement constante dans un volume de rayon / autour du point etudie, et la densite locale de rayonnement peut s'ecrire simplement
/?(r) etant la probabilite d'echappement d'un photon de la raie au point r. L'expression de la probabilite d'absorption a = 1 (3 d'un photon
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Le premier terme (exponentiel) de cette equation represente la probabilite pour qu'un photon de frequence v atteigne sans etre absorbe le point d'abscisse s dans la direction consideree. Le second terme est la probabilite d'absorption de ce photon entre les points d'abscisse s et s + ds. 0 est le profil normalise de la raie, et le terme (vQ/c)(dvs/ds) dans son argument est Peffet Doppler du au gradient de vitesse sur la ligne de visee. L'integrate est limitee en fait au point d'abscisse s(v) ou le photon sort du profil de raie local. Par hypothese, ce point est assez proche du point d'emission du photon. On peut simplifier 1'equation 3.49 en effectuant les changements de variable suivants :
et
En raison des hypotheses, K(V) et dvs/ds peuvent etre consideres comme constants dans les integrates, et on peut poser
c'est-a-dire
En integrant sur le profil de la raie suppose limite entre les frequences Av et +Az/ (en gros, Az/ est la largeur locale de la raie a demi-intensite), on a
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On notera que
selon le signe de dvs/ds. L'effet Doppler pour le point s(i') a partir duquel on peut negliger 1'absorption est tel que
si bien que
II faut maintenant integrer la probabilite d'echappement dans toutes les directions pour avoir la probabilite d'echappement globale. Considerons pour simplifier le cas plan-parallele. Soit [i le cosinus de Tangle (s, n) entre la direction de visee s et la normale n aux couches du milieu. En ecrivant on a
Posons maintenant
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expression integree sur le profil de raie, z etant la coordonnee normale aux couches du milieu. TO est 1'epaisseur optique moyenne normale du milieu dans la raie. D'autre part
En appliquant 1' approximation d'Eddington qui revient a remplacer fi2 par la valeur moyenne de cos2(s, n) sur toutes les directions du demi-espace, soit 1/3, on obtient le resultat final : la probabilite d'echappement est
On remarquera que (3 > 1 si TO 0 et que (3 > 1/3 TO si r > oo. En reprenant 1'equation d'equilibre statistique (Eq. 3.45), 1'expression de la temperature de brillance dans la raie devient, dans 1'approximation de Rayleigh-Jeans
Le terme permet d'estimer 1'emprisonnement des photons (en anglais photon trapping) dans le milieu. en general pour les raies de CO, ce phenomene revient a remplacer Aui par Aui Dans le cas spherique, la probabilite d'echappement s'ecrit, toujours dans pproximation d'Eddington
de Jong et al. [107] donnent les expression suivantes valables dans le cas plan parallele meme sans gradient de vitesse, qui supposent cependant que le champ de rayonnement en un point n'est fonction que des conditions locales, comme dans 1'approximation LVG
Dans le cas plus complexe d'un milieu inhomogene, ou de forme quelconque, on ne peut pas utiliser 1'approximation LVG et il faut avoir recours a une methode Monte-Carlo, ou on lance des photons dans toutes les directions et on examine statistiquement leur sort dans un modele numerique du milieu. Des exemples de ce traitement sont donnes par Spaans [461] et par Pagani [368].
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3.3
Dans certains cas, on ne peut pas negliger le role des niveaux d'energie autres que ceux qui donnent la raie etudiee dans I'equilibre statistique. II faut alors resoudre 1'ensemble des equations d'equilibre statistique de tous les niveaux en tenant compte de toutes les transitions radiatives et collisionnelles importantes. Lorsqu'on peut admettre que tous les niveaux sont a 1'ETL, la solution est simple. On definit la fonction de partition de 1'atome ou de la molecule comme
ou En est 1'energie du niveau n, et la somme porte sur tous les niveaux appreciablement peuples par collisions. La population nn du niveau d'energie n est done simplement donnee par
ou ntot est la densite totale de 1'atome ou de la molecule. En dehors de 1'ETL, on se reportera a 1'etude de la population des niveaux d'energie faite par Goldsmith & Langer [190], dans le cas des molecules. Un point tres important est que les regies de selection ne sont en general pas les memes pour les transitions radiatives et les transitions collisionnelles. Par exemple pour une molecule diatomique comme CO, seuls les niveaux de rotation consecutifs sont connectes par des transitions radiatives permises : AJ = 1, J etant le moment angulaire total. Par centre, les collisions avec des particules neutres peuvent etre efficaces entre n'importe quelle paire de niveaux de rotation, les transitions AJ = 2 etant sou vent favorisees. Si la temperature est suffisante, le niveau J = 3 peut etre ainsi fortement peuple a partir du niveau fondamental J = 1, et la cascade radiative J = 3 > 2 peut, dans certaines circonstances, surpeupler le niveau 2 par rapport au niveau 1. Ceci occasionne une inversion des populations des niveaux 1 et 2, ce que 1'on peut exprimer par une temperature d'excitation Tex(l-0) negative (Figure 3.1). Le milieu se comporte alors comme un faible maser dans la raie CO (1-0). Get exemple est cependant academique car 1'effet maser ne se produit que si la raie de CO est optiquement mince, alors qu'elle est presque toujours optiquement epaisse dans le milieu interstellaire. Plus interessant est le cas des masers interstellaires effectivement observes. Certains comme les masers E^O sont principalement pompes par collisions comme on vient de 1'expliquer. D'autres comme les masers OH sont pompes radiativement. Le niveau de rotation fondamental de la molecule OH se decompose en deux paires de sous-niveaux, entre lesquels se produisent
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FlG. 3.1 - Temperature d'excitation des 4 premieres transitions de rotation de CO en fonction de la densite des molecules d'hydrogene dans un nuage moleculaire interstellaire. Les populations des niveaux ont ete calculees avec un module simple de collisions CO-H2, pour une temperature cinetique de 20 K. La temperature d'excitation de la raie CO(1-0) est negative pour des densites voisines de 103 molecules cm"3. \Tex\ est alors indique en traits interrompus. D'apres Goldsmith [188], avec la permission de 1'AAS. des transitions radiatives a des longueurs d'onde voisines de 18 cm (frequence 1 660 MHz, Figure 3.2) observees depuis longtemps par les radioastronomes (cf. par exemple Nguyen-Q-Rieu et al. [361]). Ces sous-niveaux sont connectes radiativement avec des sous-niveaux de niveaux de rotation plus eleves, comme le montre la figure 3.2. Les transitions correspondantes ont lieu dans 1'infrarouge lointain, et certaines ont ete observees avec le satellite ISO (Infrared Space Observatory). II est facile d'expliquer par exemple comment un continuum dans 1'infrarouge lointain emis par des poussieres interstellaires peut fournir le pompage des raies a 18 cm. Un champ de rayonnement au voisinage de 119 /um produit des transitions entre le sous-niveau F = 2 de parite + du niveau de rotation fondamental 2 n 3 / 2 (J = 1/2) et le sous-niveau F = 3 de parite du premier niveau de rotation excite 2 n 3 / 2 (J = 5/2) ; la desexcitation ne peut se produire que par le chemin inverse et ne peut pas
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FlG. 3.2 - Les niveaux d'energie les plus bas de la molecule OH. Le niveau est dedouble en deux sous-niveaux A de parite + fondamental et -, chacun d'eux etant lui-meme dedouble en deux sous-niveaux hyperfins dont le nombre quantique F est indique. Des transitions radio au voisinage de 18 cm (1 660 MHz) ont lieu entre ces sous-niveaux ; leurs frequences sont indiquees en ont la meme MHz. Les deux niveaux superieurs structure et sont relies au niveau fondamental par des transitions au voisinage de 119 et de 79 /xm respectivement. Seules les transitions permises sont portees sur la figure. Les probabilites relatives d'emission spontanee de ces transitions sont indiquees. Adapte de Litvak [311]. conduire a une inversion des populations. Par centre les deux sous-niveaux de parite + F = l e t F = 2 d u niveau fondamental sont connectes avec le seul niveau F = 2 de parite du niveau excite, ce qui produit un transfert de population dans le sens indique par les fleches sur la figure 3.2. Un phenomene analogue se produit a 79 /urn entre le niveau fondamental et le niveau excite Le resultat final sur les populations respectives des quatre sous-niveaux du fondamental depend de Pepaisseur optique dans les differentes raies ainsi que du flux relatif a 119 et 79 /mi. II peut tre une absorption augmentee, ou une emission maser. Des effets semblables peuvent egalement resulter du pompage des transitions de vibration de OH par un continuum dans 1'infrarouge proche, ou du pompage par les raies memes de OH dans
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I'infrarouge lointain (raies de rotation) ou dans 1'infrarouge proche (raies de vibration), decalees eventuellement par effet Doppler si elles proviennent d'une autre region du milieu interstellaire. De bonnes etudes de ces phenomenes assez complexes sont dues a Litvak [311] et a Lucas [317]. Montrons de fagon tres simplifiee comment fonctionne un maser interstellaire, d'apres Rohlfs & Wilson [413]. Considerons une molecule a trois niveaux d'energie l,u et 3, et supposons pour simplifier que les poids statistiques des niveaux sont les memes, ce qui implique BIU = Bui = B. Si on appelle simplement A la probabilite d'emission spontanee Aui, 1'equation de transfert pour la raie u, I s'ecrit
Le champ de rayonnement Iv etant tres grand dans un maser, on peut negliger I'emission spontanee devant 1'emission stimulee. La population des niveaux / et u est determinee i) par les collisions de taux Ciu ~ Cui ; ii) par remission induite et 1'absorption que nous representerons par
ou fim est 1'angle solide dans lequel se propage le rayonnement ; iii) par les transitions radiatives des niveaux / et u vers le niveau 3, qui correspondent au pompage represente par Pui et PIU. L'equilibre statistique des niveaux I et u s'ecrit
ce qui se simplifie en
A etant negligeable. Nous ne specifions pas ici le mecanisme de pompage qui peut etre radiatif ou collisionnel, mais il est evident que P\u doit etre plus grand que Pui si on veut realiser 1'inversion des populations qui definit un maser. Si M et C etaient nuls, 1'inversion de population serait :
Si maintenant
3.3 Cas general; masers En substituant ceci dans 1'equation de transfer! (Eq. 3.73), on obtient
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ou
La plupart du temps, on considere e comme une constante et on peut sou vent le negliger. le maser est dit non sature et 1'equation de transfert a pour solution au centre de la raie (v i/o)
ou s est la longueur parcourue dans le maser. Dans la notation en temperature de 1'approximation de Rayleigh-Jeans, cette relation s'ecrit
TB(O) etant la temperature de brillance du fond. Le gain du maser est eas et peut etre tres eleve, atteignant par exemple 1016. Dans ce cas, 1'intensite de la raie est tres sensible aux conditions physiques dans le milieu et peut varier tres rapidement au cours du temps. Si au contraire Iv Is, le maser est sature et la solution de 1'equation de~~ transfert est
ce qui montre que 1'intensite est moins sensible aux conditions physiques. Les masers non satures et les masers satures sont deux cas extremes. Dans la pratique, un maser n'est pas sature pres de la source de continuum de fond, mais se sature progressivement a mesure que 1'intensite augmente (Figure 3.3). II est interessant de voir que la raie devient de plus en plus etroite au fur et a mesure de la progression dans la partie non saturee du maser. Supposons une raie gaussienne au depart :
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FlG. 3.3 - Variation du gain (echelle de gauche) et de la largeur de raie (echelle de droite) en fonction de la distance parcourue par le rayonnement dans un maser interstellaire. Ce rayonnement se propage de gauche a droite. D'apres Rohlfs & Wilson [413], avec 1'autorisation de Springer Verlag.
Une approximation du profil pres du centre de la raie est donnee par le developpement limite
Une source de fond a large bande, done dont la temperature de brillance Tfond ne depend pas de la frequence, donnera done d'apres 1'equation 3.83 une raie de profil
Au cours de la propagation, la raie devient done de plus en plus etroite selon cette equation, jusqu'a ce que le centre de la raie devienne sature. A ce moment, la raie s'elargit a nouveau jusqu'a atteindre la largeur initiale si la saturation est tres forte (Figure 3.3).
4.1
Cette composante est la plus importante en masse du milieu interstellaire. Trois types de raies sont a notre disposition pour 1'etudier : la raie 21 cm de 1'hydrogene atomique, qui trace le principal constituant et permet
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d'en obtenir la temperature, les raies de structure fine dans 1'infrarouge lointain qui sont les principales sources de refroidissement, et les raies d'absorption interstellaires qui fournissent la composition chimique et quelques parametres physiques.
4.1.1
Dans cette section, nous examinerons successivement les mesures de la raie 21 cm en emission et en absorption, et decrirons les resultats principaux qu'elles ont permis d'obtenir sur 1'hydrogene atomique interstellaire.
Generalites, mesures en emission
Cette raie. dont la frequence exacte est de 1,420405751786(30) GHz , correspond a la transition entre les deux sous-niveaux hyperfins de 1'etat fondamental de H 1,1'energie etant plus elevee de 6 10~6 eV lorsque les spins de Pelectron et du proton sont paralleles que lorsqu'ils sont antiparalleles. Le moment angulaire total est F = 0 dans ce dernier cas avec un poids statistique gi = 1, alors que pour le niveau superieur On appelle souvent la temperature d'excitation la temperature de spin Tspin. La transition est fortement interdite et la probabilite d'emission spontanee est de Aui = 2,8710~15 s"1, done la duree de vie radiative est de l/Aui = 1,1107 ans, ce qui est considerablement superieur au temps de collision des atonies H entre eux aux densites interstellaires, qui se mesure en heures : 1'effet du rayonnement sur la population des niveaux ne se fait sentir que pour une densite inferieure a une densite critique ncrn = 10~2 T^ cm~ 3 , TK etant la temperature cinetique du gaz. Les niveaux sont done a 1'equilibre collisionnel avec les atonies d'hydrogene eux-memes, done a 1'ETL, et Oomme 1'essentiel de 1'hydrogene se trouve dans les deux niveaux hyperfins considered, ie niveau immediatement superieur etant a une energie de 10 eV et n'etant pas metastable, on voit d'apres 1'equation 3.37 que la densite totale de H I est
puisque hvo/kTspin <C 1, 1'approximation de Rayleigh-Jeans etant excellente a 21 cm. Dans le cas optiquement mince, on peut ecrire
53
N(R i) est la densite de colonne des atomes d'hydrogene (le nombre d'atomes dans une colonne de section unite, exprimee en atomes cm~ 2 ). On voit done que, dans le cas optiquement mince, 1'intensite de la raie ne depend pas de la temperature, mais seulement de la densite de colonne totale AT(Hi). Les radioastronomes ont 1'habitude d'exprimer le profil de la raie en fonction de la vitesse radiale plutot que de la frequence, ce qui est logique puisque la seule cause d'elargissement de la raie est 1'efFet Doppler, la largeur naturelle etant extremement faible puisque la duree de vie du niveau superieur n'est limitee que par les collisions, rares dans le milieu interstellaire diffus. On a done
ATg etant la temperature de brillance au-dessus du continuum du fond, qui est au moins egal au rayonnement de corps noir de 1'Univers. Dans le cas d'une raie au profil simple (gaussien par exemple), on a approximativement
AT; etant la largeur de la raie a demi-intensite, en kms 1. Si 1'epaisseur optique est grande, il faut utiliser 1'expression complete
ce qui necessite la connaissance de TK- Bien entendu, la determination de JV(Hi) devient tres imprecise si r > 1. Pour les observations galactiques ou des galaxies proches comme M31, la vitesse est generalement donnee par rapport au centre local des vitesses (LSR). La relation entre cette vitesse VLSR et la vitesse heliocentrique (par rapport au centre de gravite du Systeme solaire) Vhei est
ou 19,5 kms l est la vitesse standard du Soleil par rapport au LSR, a et 5 etant les coordonnees equatoriales de la direction visee prises a la m6me epoque que les coordonnees o;0 et d& de 1'apex du Soleil. En coordonnees 1900 (pas 2000 !), 1'apex standard est et on a simplement
54 Mesures en absorption
La raie 21 cm peut se manifester egalement en absorption devant une source de continuum radio ou devant la raie 21 cm emise par du gaz plus chaud. Dans le cas de 1'absorption d'un continuum variant lentement avec la frequence, on peut mesurer directement comme suit 1'epaisseur optique T(V) du nuage Hi interpose. La solution de 1'equation de transfert est alors, le nuage etant suppose uniforme
ou TC est la temperature de brillance du continuum. En general, on effectue les mesures d'absorption avec des interferometres ayant une haute resolution angulaire, qui sont insensibles a remission etendue du nuage. Le premier terme de 1'equation precedente disparait et on a simplement
On se rappellera (Eq. 3.33 ou 3.34) que T est inversement proportionnel a la temperature d'excitation ou de spin (egales dans notre cas a la temperature cinetique) si bien que la densite de colonne ne peut etre deduite des observations en absorption seules. Si on observe les points immediatement adjacents en emission, avec une grande antenne unique ou un interferometre de faible resolution angulaire, on obtient par interpolation Remission attendue (en anglais expected emission) que 1'on observerait dans la direction de la source si elle etait absente. Ceci donne la quantite
Des deux equations precedentes, on peut deduire la temperature cinetique et 1'epaisseur optique, d'ou la densite de colonne du nuage. Cette methode est pratiquement la seule qui permette d'obtenir assez directement la temperature des nuages interstellaires atomiques. Elle presente cependant plusieurs difficultes. L'une est la difficulte de determination de 1'emission attendue si les observations en emission ont une resolution angulaire insuffisante vis-a-vis des fluctuations spatiales de 1'emission. Cette difficulte, importante dans le cas des mesures anciennes faites avec une resolution angulaire insuffisante, tend a disparaitre dans le cas des mesures interferometriques recentes. Mais 1'autre difficulte subsiste : s'il y a un melange de phases tiedes et froides le long de la ligne de visee, ce qui est le cas en general, il est difficile de les separer. Une methode due a Mebold et al. [340] represente de ce point de vue un progres certain et merite d'etre exposee ici. Supposons qu'il y ait melange de H I tiede et froid sur la ligne de visee (nuages froids immerges dans un milieu internuage tiede), et que seul
55
le HI froid contribue appreciablement a 1'absorption. Soit q la fraction de 1'emission due aii gaz tiede, situee devant le gaz froid et done non affectee par 1'absorption. La temperature de brillance T(v) de 1'emission observee a la vitesse v s'ecrit
ou le premier terme represente la fraction d'emission du gaz tiede non affectee par 1'absorption, le second terme remission du gaz froid, et le troisieme le reste de remission du gaz tiede provenant de 1'arriere du nuage froid et affecte par son absorption d'epaisseur optique r(v). Comme Tfroid = 2V,froid[l e -r(v)j^ TK,froid etant la temperature cinetique du gaz froid, on peut rearranger 1'expression precedente comme
La figure 4.1 montre un exemple de spectres d'emission et d'absorption dans la direction de la source continuum N 157b du Grand Nuage de Magellan. Dans la figure 4.2 on a porte T(v) en fonction de 1 e~T^ et on a connecte les canaux spectraux adjacents. Au voisinage des pics d'absorption, on peut mesurer une pente 771(7;) qui est egale a
Cette equation permet d'obtenir TK,froid pour une composante d'absorption a partir de m(v) et Ttifede a condition de faire une hypothese sur la valeur de q. La composante centree a 285 kms"1 a m(v) ~ 0 et T^de 65 K, si bien que Tx^roid 33 K si q = 0,5. Pour 1'autre composante a 260 kms" 1 , on a m(v) ~ 25 K (obtenue comme la moyenne des deux pentes de part et d'autre de la vitesse centrale) et Ttiede 45 K, d'ou T/^froid 39 K si q 0,5. On ne peut malheureusement que faire des hypotheses sur la valeur de g, mais cette methode est neanmoins superieure a la methode classique ou on essaie de retrouver, dans le profil d'emission, celles des composantes gaussiennes qui sont vues en absorption. Resultats La principale application de la raie 21 cm est la mesure de la masse, de la distribution et de la cinematique du gaz atomique dans notre Galaxie et les galaxies exterieures. Pour ce faire, on suppose generalement la raie optiquement mince, si bien que la densite de colonne devient independente de la temperature physique du gaz (Eq. 4.6). Bien qu'a peu pres inevitable puisqu'en general la profondeur optique ne peut pas etre determinee, ceci peut etre dangereux car elle peut n'etre pas petite, et il faut toujours garder a 1'esprit que les masses de H i ainsi estimees sont des limites inferieures.
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FlG. 4.1 - Spectre d'emission 21 cm au voisinage de la source de continuum N 157b appartenant au Grand Nuage de Magellan (en haut), et spectre d'absorption (epaisseur optique) dans la direction de cette source (en has) obtenu avec un interferometre. D'apres Mebold et al. [340], avec 1'autorisation de 1'AAS.
II est impossible ici de donner un apergu meme incomplet des resultats obtenus. On se contentera de rappeler que la phase atomique est presque toujours la composante dominante en masse du milieu interstellaire des galaxies. Les observations en absorption et en emission ont conduit a des resultats tres importants, bien qu'affectes d'incertitudes en raison des difficultes d'interpretation qui viennent d'etre mentionnees. Ces resultats sont les suivants : 1. Le milieu interstellaire atomique est extremement inhomogene. L'emission 21 cm est dominee par des filaments, nappes et coquilles (Planches 3, 4, 5, 6 et 31). Cette structure a un aspect fractal et pourrait etre dominee par la turbulence.
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FlG. 4.2 - Diagramme emission-absorption pour N157b. Les nombres le long des courbes donnent la vitesse radiale heliocentrique en kms" 1 . Explications dans le texte. Un nuage ayant une temperature de spin Tsp (egale a la temperature cinetique) donnee aurait son point representatif sur la droite correspondante passant par 1'origine, qui est labellee par cette temperature. Explications dans le texte. D'apres Mebold et al. [340], avec 1'autorisation de 1'AAS. 2. II existe deux phases du milieu interstellaire atomique : 1'une tiede (plusieurs milliers de degres) et peu dense (0,1-0,3 cm~ 3 ), que Ton ne voit pas en absorption sauf exception (Mebold &; Hills [341]), 1'autre froide (60-100 K) et plus dense (quelques dizaines d'atomes par cm 3 ), qui domine 1'absorption. C'est cette composante froide qui forme principalement les structures complexes qui viennent d'etre mentionnees, la composante tiede etant distribute plus uniformement. La composante froide se trouve egalement dans les enveloppes des nuages moleculaires. La composante tiede contient sensiblement autant
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Chapitre 4 : Le gaz interstellaire neutre de matiere que la composante froide dans la Galaxie mais forme un disque plus epais. Leurs demi-epaisseurs moyennes(|;z|) respect!ves sont 186 et 105 pc pres du Soleil (Falgarone & Lequeux [156], Malhotra [326], Dickey & Lockman [114]). Le chauffage de la composante tiede implique qu'elle est partiellement ionisee (Section 8.1.5). De surcroit, il parait exister du gaz neutre dans le halo, dont la dispersion de vitesse est elevee (60 kms" 1 ) et qui a une echelle de hauteur de 1'ordre de 4,4 kpc (Kalberla et ol. [258]). II pourrait etre en equilibre hydrostatique, et sa densite de colonne en direction des poles galactiques est de 1'ordre de 1,4 1019 atomecmT2, bien inferieure a celle du gaz froid et du gaz tiede, qui sont toutes deux d'environ 1,5 1020 atomecm"2 3. Les structures Hi sont sou vent designees sous le nom de nuages , ce qui n'implique nullement une forme plus ou moins spherique. La distribution de la densite de colonne de ces nuages est qui correspondrait a une distribution de tallies si ces nuages etaient spheriques. La dispersion de vitesse entre ces structures le long d'une ligne de visee est de 1'ordre de 9 kms^ 1 , apres correction de 1'effet de la rotation differentielle. 4. II existe a haute latitude galactique du gaz neutre qui tombe sur le plan de la galaxie avec des vitesses allant de quelques kms" 1 a plusieurs centaines de kms' 1 (Planche 3, en haut). Ces nuages a grande vitesse peuvent etre d'origine extragalactique ou provenir de 1'exterieur du disque de la Galaxie, soit plus probablement proviennent du gaz chaud et ionise ejecte par les supernovae et bulles du disque galactique et qui retombe en se refroidissant et en se recombinant. Nous y reviendrons au chapitre 15.
4.1.2
La plupart des atomes et des ions importants du milieu interstellaire ont leurs niveaux d'energie et particulierement le niveau fondamental, le seul qui soit peuple en pratique, decomposes par 1'interaction dite de structure fine entre le moment orbital total des electrons et leur spin total. Le moment orbital total est represente par le nombre quantique L qui est la somme vectorielle du moment orbital de tous les electrons, et le spin total S est la somme vectorielle du spin de tous les electrons. Le moment angulaire total est J = L + S dans le cas du couplage Russell-Saunders (ou couplage LS), qui s'applique le plus sou vent aux atomes relativement petits. On note dans ce cas les termes du fondamental n = I comme xYj, avec 1, 2, 3 ou 4 ce qui correspond respectivement a un singulet, un doublet, un triplet et un quadruplet, et Y = S,P,D... pour L = 0,1,2.... Les regies de selection pour les transitions dipolaires electriques sont
59
FlG. 4.3 Diagramme des niveaux d'energie de C, C+ et O (ou C i, C II et Oi) illustrant les transitions de structure fine. Les longueurs d'onde des transitions observables sont indiquees. et AJ 0, 1, les transitions avec J = 0 > J = 0 etant interdites. La figure 4.3 montre a titre d'exemple les sous-niveaux de structure fine de C I, C II et O I. Les transitions entre ces sous-niveaux sont interdites (de type dipolaire magnetique), les transitions dipolaires electriques etant interdites parce qu'elles transgressent AL = 1. Les transitions du type qui transgressent de surcroit la regie AJ = 0, 1, sont encore beaucoup plus faibles (quadrupolaires electriques). Le tableau 4.1 donne une liste des transitions interdites les plus importantes dans le milieu interstellaire. Elle contient aussi, arm d'eviter des repetitions, des raies d'ions que 1'on ne trouve que dans le milieu interstellaire ionise, et dont on reparlera a ce propos section 5.1.5. Les valeurs des parametres atomiques sont donnees a titre indicatif et doivent etre verifiees sur les sources les plus recentes. Voici une liste de sites internet ou on pourra trouver des bases de donnees atomiques et moleculaires, generalement bien tenues a jour, souvent avec des liens reciproques ou avec des liens sur d'autres bases :
Center for Astrophysics : http://cfa-www.harvard.edu/amdata/ampdata/ Cloudy (University of Kentucky) : http://www.pa.uky.edu/verner/atom.html NIST : http://physics.nist.gov/PhysRefData/ OPACITY Project : http://vizier.u-strasbg.fr/OP.html IRON Project : http://www.am.qub.ac.uk/projects/iron/ CHIANTI : http://wwwsolar.nrl.navy.mil/chianti.html. Les transitions de structure fine etant fortement interdites, 1'absorption d'un eventuel rayonnement a leur longueur d'onde ne peut pas peupler
60
TAB. 4.1 - Les principales raies interdites observees dans le milieu interstellaire. Seuls C I, C n, O I, Si n, S n et Fe n sont presents dans le milieu neutre. Us sont aussi presents dans le milieu ionise, rnais generalement en plus faibles quantites que les autres ions. Les longueurs d'onde A sont donnees dans 1'air pour les transitions dans le domaine visible, et dans le vide pour les transitions infrarouges/submillimetriques. Les forces de collision fiuz (voir Eq. 4.17) correspondent aux collisions avec les electrons a une temperature de 104 K. Les densites critiques ncrit (voir Eq. 3.44) correspondent aux collisions soit avec les electrons (pour 104 K), soit lorsqu'elles sont entre parentheses avec les molecules fb (pour 100 K). Les valeurs des parametres atomiques sont donnees a titre indicatif et doivent etre verifiees sur les sources les plus recentes. Certaines transitions radiatives inobservables ne sont pas indiquees, mais les transitions collisionnelles correspondantes ne peuvent etre negligees. C'est le cas de la transition 3 ?2 3 Po de Om, avec lui = 0,21, et des transitions semblables pour les ions a trois niveaux.
Ion Transition 1- u
3 3
A urn 609,1354 370,4151 157,741 205,3 121,889 0,65834 0,65481 57,317 63,184 145,525 0,63003 0,37288 0,37260 88,356 51,815 0,50069 0,49589 0,43632 12,8136 15,5551 36,0135 34,8152 0,67164 0,67308 33,4810 18,7130 10,5105 6,9853 8,9914 21,8293 35,3491 25,9882
Aui s~1
Clui
ncrit cm~ 3
(0) 50
(3 0 0 0 ) 4 ( 00 7 3 0) 41 256
Ci Cn Nn
Po- 3 Pi Pi- 3 P2
* l / 2 *3/2
2r>
3
3
2f>
P 0 - 3 Pi
Pl-3P2
3
3
P2-1D2
Pl-1D2
^1/2
7,93 10~8 2,65 10~7 2,4 10~6 2.07 10~6 7,46 10~6 2,73 10~3
9.20 10~4 4 8 10~5 . 8,95 10~5 1.7 10~5
6,3 10~
3
NIII Oi
2p
3 3
2p
^3/2
P2-3Pl P!- 3 P 0
1
On Om
P2- D2
3/2
1.8 106
0,88 0,59 0,39 0,95 2,50 2,50 0,40 0,37 0,60 0,21
7,7 4,7 3,1 4,0 7,9 8,5 2,9 3,1 1,3
1160
2n L>
3/2
P 0 - 3 Pi
Pl-3P2
P l / 2 Ps/2
3
P 2 - 3 Pl
3
2
Pi- 3 Po
2
Pl/2- P3/2
2,17 10~4 2,60 10"4 8.82 10~4 4,72 10~4 2.07 10~3 7,1 10~3 5.3 10~2 3 0 10~2 .8 5,17 10~3 1,57 10~3 2,13 10~3
4o
3
3 2 2 3
83/2 D 5 / 2
^3/2
2T-, i >
- 3/2
Po- 3 Pi
Pl-3P2 Pl/2-2P3/2 Pl/2- P3/2 P 2 - 3 Pi
2
3 Pi- 3 P 0 6 6
(2,2 106)
61
appreciablement le niveau d'energie superieur1. Pour la meme raison, on peut generalement negliger 1'emission stimulee. Si la raie est optiquement mince, le niveau superieur n'est peuple que par collisions. La desexcitation du niveau superieur se fait par collisions et par emission de rayonnement, 1'un ou 1'autre processus dominant selon la densite. Pour une raie optiquement mince, 1'equation d'equilibre statistique s'ecrit done simplement
avec Cui = n(cruiv} (Eq. 3.42), n etant la densite de celles des particules qui sont efficaces pour les collisions, generalement les electrons libres, et C\u = Cui3^ exp(-^-) (Eq. 3.38). On ecrit souvent la probabilite de desexcitation collisionnelle sous la forme
$lui etant la force de collision, parametre pas tres different de 1, qui depend tres peu de la temperature cinetique. La densite dans le niveau superieur est donnee par
On remarquera que le ou les niveaux superieurs des transitions de structure fine etant en general peu peuples, HI est en pratique la densite totale de 1'atome ou ion considere. La densite critique ncrit, au-dela de laquelle les collisions dominent la desexcitation du niveau superieur, est telle que Aui = Cui. Sa valeur approximative, qui depend de T, est donnee dans le tableau 4.1. D'apres 1'equation 3.3, 1'intensite integree d'une raie optiquement mince aux faibles densites est simplement donnee par
Nu etant la densite de colonne des ions dans le niveau d'energie superieur. L'expression exacte, utile pour les fortes densites, s'obtient aisement a partir des equations 4.16 a 4.18 :
62
Les raies de structure fine ont une grande importance pour la physique du milieu interstellaire, ce qui sera etudie plus loin section 8.2.2. En effet la raie de [C il]A157.7 /J*m, tres facilement excitee dans le milieu interstellaire diffus (voir la colonne 6 du Tableau 4.1), est le principal facteur de refroidissement de ce milieu tant que sa temperature n'est pas tres elevee. A temperature elevee, la raie de [O i]A63 /urn participe egalement au refroidissement. II s'y ajoute dans les regions de photodissociation et les chocs les raies de molecules comme H 2 , CO et E^O (Section 8.2.2). Ces raies ont ete observees dans de nombreuses directions au Kuiper Airborne Observatory, avec le satellite CODE, des ballons stratospheriques et avec differents autres satellites, en particulier les satellites ISO et SWAS. ISO a egalement observe la raie de [O l] en absorption dans certaines directions ou il y a de grandes densites de colonne. Cette raie est alors probablement optiquement epaisse, ce qui gene la determination de la densite de colonne de O I.
ou /o est 1'intensite du continuum stellaire de part et d'autre de la raie et I\ 1'intensite dans la raie a la longueur d'onde A. Elle s'exprime en unites de longueur d'onde, generalement en mA. Le niveau superieur de la transition est tres peu peuple, etant a une energie tres elevee, et on peut done negliger les desexcitations spontanees et induites a partir du niveau superieur.
63
cm r est la profondeur optique. Aux faibles valeurs de la densite de colonne JV, la raie est optiquement mince (r <^C 1) et on a
puisque On exprime sou vent la probabilite d'emission spontanee Aui a partir de la force d'oscillateur, egale a 1 pour un oscillateur harmonique et peu differente de 1 pour les raies fortes de resonance qui sont les principales raies observees en absorption interstellaire :
soit numeriquement
Si maintenant la raie n'est pas optiquement mince, il faut considerer son profil. Celui-ci est determine par les mecanismes d'elargissement qui sont 1'elargissement Doppler et 1'elargissement naturel par amortissement. L'epaisseur optique s'ecrit
64
ou <S> designe le produit de convolution entre le premier terme qui correspond a 1'elargissement Doppler et le second qui correspond a 1'elargissement naturel. b est \/2 fois la vitesse quadratique moyenne crv le long de la ligne de visee, incluant la dispersion de vitesses thermique, et u) = Inv la frequence angulaire. Pour un milieu de temperature cinetique TK et en presence de mouvements aleatoires (microturbulence) representes par la quantite (? on a
ou stf est le nombre de masse atomique de 1'element et mp la masse du proton. 7 est le parametre d'amortissement qui est 1'inverse de la duree de vie radiative du niveau superieur. La convolution s'exprime par le profil de Voigt qui decrit la forme de la raie, tel que
avec a = Considerons maintenant plusieurs raies d'absorption de differents elements a differentes longueurs d'onde provenant du meme nuage, que Ton suppose elargies par effet Doppler avec la meme dispersion de vitesses : c'est le cas pour un nuage ou les vitesses sont dominees par la turbulence plutot que par la temperature, ce qui est frequent. Alors I'elargissement Doppler AAo est proportionnel a A et done, pour des raies non saturees, W oc AAo ex: A. Si 1'on construit la courbe de croissance (Figure 4.4) ou 1'on porte log(VF/A) en fonction de log(AAr/), les points representatifs des differentes raies se placent done sur une meme courbe, meme si les raies sont saturees. Ceci n'est plus valable pour des densites de colonne encore plus grandes ou la largeur de raie est dominee par les ailes d'amortissement, car la largeur d'amortissement n'est pas la meme pour les differentes raies. Une autre technique, superieure a 1'utilisation simple de la courbe de croissance, consiste a ajuster le profil des raies observees par un modele ou 1'on introduit des parametres deja connus de la ligne de visee observee. Cette methode est la seule utilisable pour les profils de raie complexes. Resultats 1. Applications a la physique du milieu interstellaire On observe, dans le spectre visible de nombreuses etoiles, un assez grand nombre de raies d'absorption interstellaires atomiques. Toutes sont des raies de resonance partant du niveau fondamental de 1'atome. Les principales sont : 1. le doublet de raies DI et D2 du sodium neutre (5 889-5 895 A). Ces raies sont presque toujours saturees et il est difficile d'en deduire 1'abondance
65
FlG. 4.4 - Profils de raies d'absorption interstellaires et courbe de croissance. En haut, profil schematique d'une raie d'absorption en fonction de la densite de colonne des atonies absorbants (en unites arbitraires) ; les ailes d'amortissement tres larges apparaissent aux grandes densites de colonne. Au milieu, courbe de croissance schematique de la meme raie ou on a porte sa largeur equivalente en fonction de la densite de colonne. Les deux courbes de droite correspondent a des valeurs differentes de la constante d'amortissement. Les chiffres le long de la courbe correspondent aux densites de colonne de la figure du haut. En bas, courbe de croissance observee pour le milieu interstellaire devant 1'etoile C Oph., reproduite d'apres Morton [352] avec 1'autorisation de 1'AAS. Cette fois, on porte log(NfX) en abscisses au lieu de logN et log(VF/A) en ordonnees au lieu de logVF, ce qui fait que les courbes de croissance des differents ions coincident sauf dans la partie amortissement, les constantes d'amortissement etant differentes pour les differentes raies.
66
Chapitre 4 : Le gaz interstellaire neutre de Na. II vaut mieux utiliser a cet effet les raies UV faibles a 3 302,4 et 3303,0 A ; 2. La raie du potassium neutre a 7699 A ; 3. Le doublet des raies H et K du calcium ionise a 3933 et 3968 A ; 4. La raie du calcium neutre a 4 226 A ; 5. Des raies faibles de Li, Ti+, etc.
Ces raies sont souvent multiples, ce qui indique la presence de plusieurs nuages interstellaires de vitesses differentes sur la ligne de visee. Les renseignements obtenus a partir du profil de raie (dispersion de vitesses interne au nuage, mouvements aleatoires d'ensemble) completent bien ce que Ton peut obtenir grace a la raie 21 cm. La co-existence de raies de Ca et de Ca+ permet en outre d'obtenir 1'etat d'ionisation des nuages ou on les observe. On constate que Ca+ est considerablement plus abondant que Ca, ce qui provient de 1'ionisation par le rayonnement ultraviolet aux energies comprises entre 6,11 eV (203,8 nm), le potentiel d'ionisation de Ca, et 13,6 eV (91,1 nm), le potentiel d'ionisation de 1'hydrogene au-dela duquel le milieu interstellaire est opaque en raison de 1'absorption tres forte par les atomes d'hydrogene. L'equilibre d'ionisation du calcium s'ecrit
ou F est la probabilite d'ionisation par seconde du calcium neutre, que 1'on peut estimer connaissant le champ de rayonnement UV, et a la probabilite de recombinaison par seconde ; ne est la densite electronique. a depend de la temperature electronique Te comme T~'7, mais Te est pratiquement egale a la temperature cinetique dont on a une idee grace a la raie 21 cm. On peut done, si 1'on a les densites de colonne du calcium neutre et du calcium ionise, dont le rapport est suppose egal au rapport de leurs densites respectives, estimer la densite electronique, que Ton trouve en general inferieure a 1 electron cm~3. L'essentiel de ces electrons libres dans les nuages interstellaires neutres non opaques au rayonnement ultraviolet provient de 1'ionisation du carbone, 1'element le plus abondant dont le potentiel d'ionisation (11,260 eV) est inferieur a celui de 1'hydrogene. Le domaine ultraviolet est considerablement plus riche en raies d'absorption que le domaine visible, puisque la plupart des atomes et des ions ont des raies dans I'UV, a 1'exception notable de 1'helium. Les difficultes d'interpretation sont les memes qu'en optique : les raies fortes sont saturees et il est difficile d'en deduire des densites de colonne precises. Heureusement certains elements tres abondants comme 1'oxygene ou le carbone ont aussi des raies UV tres faibles non saturees qui peuvent etre utilisees (voir par ex. Sofia
67
et al. [458]). Dans certains cas, on peut observer le meme element sous forme neutre et ionisee ce qui permet de determiner la densite electronique de la meme maniere qu'avec le calcium. On peut aussi quelquefois observer plusieurs raies d'absorption de longueurs d'onde voisines provenant de differents niveaux de structure fine de 1'etat fondamental d'un meme atome ou ion. On obtient alors directement les populations respectives de ces niveaux, ce qui donne des renseignements precieux sur les parametres physiques dont depend cette excitation (essentiellement la densite electronique). Par exemple le carbone ionise donne deux raies, [C n]Al 334,57 et [C ll]*Al 335,70 A, malheureusement souvent saturees, provenant respectivement des deux sousniveaux de structure fine 2 Pi/2 et 2?3/2 du fondamental (Figure 4.3). C'est entre ces sous-niveaux que se produit la transition de structure fine a 157,7 ^m dont on a parle au paragraphe precedent. On peut done determiner en principe le taux de refroidissement du milieu interstellaire diffus, qui est domine par la raie a 157,7 //m, par 1'observation de la raie d'absorption C n*, si Ton parvient a surmonter les difficultes dues a la saturation (Pottasch et al. [388] ; Gry et al. [195]). Ces derniers obtiennent un taux de refroidissement de 3,5^2'i 10~26 erg s"1 par noyau d'hydrogene (H + H + ), en accord avec la determination plus directe de Bennett et al [28], qui est basee sur des observations avec COBE. Le carbone neutre donne de son cote un assez grand nombre de raies d'absorption dans 1'ultraviolet qui partent des trois sous-niveaux de structure fine 3 P 0 , 3Pi et 3P2 du fondamental de 1'atome (Figure 4.3) (Jenkins et al. [244]). Ces niveaux sont souvent designes comme C I, C I* et Ci**. Comme les nombreuses transitions qui partent de chacun de ces sousniveaux ont des forces d'oscillateur tres variees, on peut resoudre aisement les problemes de saturation et obtenir des densites de colonne precises. Les rapports des populations des trois sous-niveaux de structure fine de C I sont fonction de la densite des atonies d'hydrogene qui dominent les collisions et de la temperature cinetique, et sont un bon indicateur de la pression P nkTx, comme 1'ont montre Jenkins & Shaya [243]. A partir de ces mesures, Jenkins et al. [244] trouvent que 1'essentiel du milieu interstellaire diffus est a une pression telle que 103 < P/k < 104 cm~ 3 K, mais qu'il y a des regions de pression encore plus grande ou plus petite. II est done difficile de donner une pression moyenne du milieu interstellaire. Les grandes variations de pression d'un endroit a 1'autre sont dues a 1'agitation constante du milieu interstellaire, et notamment a la turbulence et aux chocs qui le traversent, sous 1'effet des explosions de supernovae, des vents stellaires et de 1'expansion des regions HII.
Resultats 2. Determination de 1'abondance des elements dans le gaz interstellaire
L'utilisation principale des raies d'absorption ultraviolettes est la determination de 1'abondance des elements gazeux dans la phase gazeuse du
68
milieu interstellaire. Ces abondances sont exprimees par rapport a 1'element le plus abondant, 1'hydrogene. La densite de colonne de 1'hydrogene atomique NH s'obtient sans difficulte de principe a partir de la mesure de la forme de la raie Lyman a a 1 215,67 A, puisque cette raie se trouve pratiquement toujours dans la partie de la courbe de croissance dominee par 1'amortissement naturel. Pour des raies dans la partie amortissement de la courbe de croissance, on peut en principe obtenir la densite de colonne de 1'element a partir de la largeur equivalente par la relation
ou 7 est la constante d'amortissement. Mais comme la raie est alors tres large, il vaut mieux ajuster un profil theorique a 1'observation en raison de la difficulte a tracer le continuum de 1'etoile. Pour la raie Lyman a, on peut utiliser 1'expression approximative suivante de 1'epaisseur optique, qui n'est pas valable tres pres du centre de la raie (Bohlin [38]) :
ou ./VH est en atome cm 2 et AO est la longueur d'onde centrale de la raie, A etant exprime en A. On doit evidemment, pour normaliser les abondances, ajouter a la densite de colonne de H17V(H i) le double de celle de 1'hydrogene moleculaire 7V(H2), obtenue a partir de ses raies d'absorption interstellaires a A < 115 nm (Section 4.2.2). Pour les autres elements, un probleme est d'obtenir 1'abondance totale si on n'observe qu'un seul degre d'ionisation. Pour O, N et les gaz rares, ce probleme ne se pose pas, car ces elements ne sont pas ionises dans le milieu neutre . II n'y a pas de difficultes non plus pour la plupart des metaux et le carbone, qui sont essentiellement sous forme une fois ionisee dans le milieu interstellaire neutre , a condition de pouvoir observer 1'ion correspondant. Dans le cas contraire, il faut resoudre 1'equation d'equilibre d'ionisation en utilisant la densite electronique obtenue comme explique plus haut a partir d'une paire ion/neutre, la paire Ca+ - Ca par exemple. Le tableau 4.2 resume les abondances obtenues dans deux lignes de visee caracteristiques, 1'une dans le milieu diffus froid et 1'autre dans le milieu diffus tiede, et les compare aux abondances mesurees dans le Systeme solaire, dans les etoiles B jeunes du voisinage solaire et dans les regions H n. La figure 4.5 montre un exemple de determination de certaines abondances interstellaires, par rapport a celles dans le Systeme solaire. On constate d'abord que le Systeme solaire est plus riche en elements lourds que la moyenne des etoiles (plus jeunes) de notre voisinage. Ceci pose un probleme pour les etudes de 1'evolution chimique de la Galaxie,
69
FlG. 4.5 - Abondances de certains elements en phase gazeuse determines avec le spectrographe ultraviolet GHRS du telescope spatial Hubble dans le milieu interstellaire devant 1'etoile Per. Elles sont rapportees aux abondances dans le Systeme solaire, comme et sont portees en fonction de la temperature de condensation de 1'element. Les symboles pleins correspondent a des abondances determinees a partir de raies faibles, et leur hauteur correspond a une erreur de lcr sur la densite de colonne, les petits traits horizontaux incluant 1'incertitude sur la densite de colonne de 1'hydrogene. Les symboles ouverts correspondent a des determinations a partir de 1'ajustement des ailes d'amortissement de raies tres saturees. L'accord est assez bon pour le carbone et 1'oxygene, mais mauvais pour le magnesium, ce qui indique 1'existence d'erreurs dans les forces d'oscillateur adoptees pour certaines des raies de Mg+. D'apres Cardelli et al. [69], avec 1'autorisation de 1'AAS. car on s'attend a ce que 1'abondance des elements lourds croisse avec le temps. Peut-etre le Systeme solaire est-il anormalement surabondant. Les abondances des regions H n sont proches des abondances du Systeme solaire, mais elles sont assez incertaines sauf pour 1'oxygene. Le fer est sous-abondant dans les regions HII, probablement parce qu'il est surtout dans les grains. On remarque que la plupart des elements sont sous-abondants dans le gaz interstellaire diffus par rapport aux abondances solaires, stellaires ou dans les regions Hli. Des exceptions sont S, Zn et P (Howk et al. [233]), qui ont des abondances solaires dans le milieu neutre tiede ! Ceci montre que les abondances ne sont pas connues avec precision, au moins dans le milieu interstellaire. Les elements manquants sont supposes se trouver dans les grains de poussiere. La sous-abondance d'un element est d'autant plus grande que sa temperature de condensation est plus elevee. La condensation s'est produite
70
TAB. 4.2 - Abondances en phase gazeuse d'elements choisis le long de deux lignes de visees, comparees aux abondances dans le Systeme solaire, les etoiles B, F et G proches et les regions HII. Les abondances sont exprimees comme 12 + log(X/H), X etant le nombre d'atomes de 1'element et H celui de 1'hydrogene. Les deficiences donnees colonnes 6 et 7 sont exprimees par rapport aux abondances dans le Systeme solaire comme Les donnees proviennent principalement de Savage & Sembach [426] et de Snow fe Witt [455]. Dans la ligne de visee vers ^ Colombae, ou les deficiences sont moins grandes par environ 0,3 dex que dans le milieu tiede devant C Ophiuchi, on a [X/H] = +0,05 pour P et +0,10 pour S (Howk et al. [233]). Element
H D He Li B C N O Ne Na Mg Si P
S Ar
K Ca Ti Fe
1
Syst. solaire Etoiles HII 12 + log(X/H) 12,00 12,00 12,00 7,53 10,95 10,99 3,31 2,88 8,33 8,60 8,55 7,82 7,89 7,97 8,66 8,77 8,87 8,03 6,31 7,40 7,58 7,27 7,55 5,57 7,27 7,09 7,31 6,56 5,13 6,34 6,20 4,93 4,81 7,50 7,43 6,59
-1,58 -0,93 -0,41 -0,07 -0,39 -0,95 -1,55 -1,31 -0,50 +0,18 -0,48 -1,09 -3,73 -3,02 -2,27
0,00
-1,31 -1,25
Temperature de condensation a Pequilibre thermique et chimique, appropriee pour la nebuleuse solaire avec une pression de gaz initiale de 10 ~ 4 bar. 2 Dans d'autres lignes de visee que celle de Oph : Linsky et al. [306].
soit dans les enveloppes circumstellaires, soit dans le milieu interstellaire luimeme. La sous-abondance est moins grande dans le milieu neutre tiede, ce qui indique une evaporation des grains, probablement sous 1'effet de chocs et le retour d'une partie des elements a la phase gazeuse. Ces phenomenes seront discutes plus loin au chapitre 15. Finalement, il nous faut signaler la decouverte de raies d'elements tres ionises comme C IV, N v et O VI au moyen de leurs raies d'absorption, et meme d'emission pour CIV. Nous discuterons 1'interpretation de ces observations section 5.3.
71
4.2
4.2.1
La composante moleculaire
Generalites
Jusqu'en 1965, on ne connaissait que trois molecules dans le milieu interstellaire : CH, CH+ et CN, decouvertes par leurs raies d'absorption interstellaires devant des etoiles brillantes et appartenant done plutot au milieu interstellaire diffus. La veritable moisson ne commenga qu'en 1965, date a laquelle OH, NHa et H2O furent decouvertes par leurs raies d'emission dans le domaine radio. De nombreuses autres molecules ont ete decouvertes a partir de 1970 par des observations en ondes millimetriques. Aujourd'hui, on connait plus de 120 molecules differentes dans le milieu interstellaire et dans les enveloppes circumstellaires d'etoiles froides (geantes de la branche asymptotique ou AGB, pour 1'anglais Asymptotic Giant Branch). Un assez grand nombre de molecules que 1'on trouve dans le milieu interstellaire sont aussi presentes dans les cometes. Beaucoup de molecules ont ete egalement detectees dans des galaxies exterieures, notamment CO jusqu'a de tres grands decalages spectraux. Le tableau 4.3 donne une liste des molecules connues fin 2000, en precisant ou elles se trouvent. La grande majorite ont ete decouvertes par leurs transitions de rotation en ondes centimetriques et surtout millimetriques. La figure 4.6 montre une portion du spectre
FlG. 4.6 - Un fragment du spectre submillimetrique du nuage moleculaire d'Orion. Les raies les plus intenses sont indiquees, et la transmission de Patmosphere est portee au-dessus du spectre. Le spectre est extremement complexe, en raison de la temperature relativement elevee du nuage (environ 60 K), qui est telle que des niveaux tres excites de rotation et meme de vibration de certaines molecules sont peuples. Environ 6 % des raies ne sont pas identifiers. D'apres Schilke et al. [432], avec 1'autorisation de 1'AAS.
TAB. 4.3 Liste des molecules interstellaires et circumstellaires connues fin 2000. Les molecules vues egalement dans les cometes sont en gras. Celles qui sont vues seulement dans les cometes sont entre parentheses. Les molecules seulement circumstellaires sont en italiques. c- designe une molecule cyclique, et 1- une molecule lineaire dans le cas ou il y aurait ambigui'te.
4 atomes
5 atomes
6 atomes
7 atomes
8 atomes
>9 atomes
CH CH+
C2H CH2
C6H CH3C2H
C7H CeH2 (C 2 H 6 )
C8H
CH3C4H c-C6H6
Oxygene + hydrogene et/ou carbone CO C20 C30 CO+ HCO HOCO+ OH HCO+ H2CO H30+ HOC+ H20 (H 2 0+) C02 Azote + hydrogene et/ou carbone CN C3N HCN NH HCCN HNC N 2 H+ HCNH+ NH2 H 2 CN NH3
CH3OH HC 2 CHO
HCOCH3 c-C2H4O
HC 5 N CH2CHCN NH 2 CH 3
CH 3 C 3 N
TAB. 4.3 - suite. Azote + oxygene + hydrogene et/ou carbone HNO HNCO NO NH 2 CHO NH 2 CH 2 COOH ?
N20
Molecules soufrees C2S CS SO HCS+ H2S SO+ ocs NS CaS HNCS H 2 CS CHsSH
S02
Molecules diverses SIGN SiO c-SiC-2 SiS MgCN HF SiC MgNC NaCN CP SiC3 SiC SiH
HCl KCl
NaCl
PN SiN AlF
AlCl
SH
74
submillimetrique du image moleculaire d'Orion. On atteint la limite de confusion dans de tels spectres ! Contrairement aux atomes, ou les transitions ne font intervenir que des differences d'energie des electrons, les molecules presentent trois types de transitions : electroniques, vibrationnelles et rotationnelles. Nous les examinerons tour a tour, avec quelques exemples d'application au milieu interstellaire. Mais auparavant voici quelques informations generates. Certaines molecules qui comportent deux noyaux identiques a spin non nul se presentent sous deux formes entre lesquelles les transitions radiatives et meme collisionnelles sont tres fortement interdites : dans la forme ortho, les deux spins nucleaires sont paralleles et dans la forme para les spins sont antiparalleles. C'est le cas par exemple des molecules Une fois la molecule formee dans un de ces etats, elle y est pratiquement gelee et y reste pratiquement indefiniment : par exemple, la probabilite de transition radiative ortho para de H2 a 84,392 //m est seulement 7 ! Le rapport ortho/para temoigne done en principe des conditions de formation de la molecule. Cependant une conversion efficace entre les formes ortho et para de H2 peut survenir a la surface des grains, modifiant considerablement leur rapport (Le Bourlot [288]). Lorsque la molecule est symetrique, son moment dipolaire electrique au repos est nul. Les transitions electroniques sont permises, mais ce n'est pas le cas des transitions de rotation et de vibration. Les transitions dipolaires de rotation, qui correspondent en termes classiques a remission par un dipole tournant, sont interdites. Les transitions de rotation sont done quadrupolaires electriques, done extremement faibles. Les molecules symetriques comme H2, O2, HC=CH, CH4, etc. sont done essentiellement inobservables en rotation (O2 Test un peu moins car c'est un dipole magnetique, mais cette molecule n'a jamais encore ete observee de fagon convaincante dans le milieu interstellaire, probablement parce que son abondance est trop faible). Seule H2 a pu recemment etre observee dans ses raies de rotation en infrarouge moyen, en raison de sa tres grande abondance. Les raies de vibration des molecules symetriques sont egalement tres faibles, mais ont pu neanmoins etre observees pour H2 et quelques autres molecules abondantes. En raison de ces difficultes, la liste des molecules interstellaires presentee dans le tableau 4.3 est certainement tres incomplete en ce qui concerne les molecules symetriques.
4.2.2
Les transitions electroniques des molecules sont 1'equivalent des transitions atomiques. Leur energie est de plusieurs eV et elles se trouvent en general dans 1'ultraviolet lointain : par exemple toutes les transitions electroniques de H2, la molecule interstellaire de loin la plus importante, se trouvent a A < 115 nm. Les autres molecules detectees par leurs transitions electroniques (presque toujours en absorption) sont CO et OH dans 1'ultraviolet lointain,
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CH, CH+ et CN dans 1'ultraviolet proche accessible du sol et 2 et CN dans le proche infrarouge. Peu de molecules simples ont des transitions dans le domaine optique observable du sol, et c'est ce fait qui a retarde la decouverte des molecules interstellaires. Neanmoins les nombreuses bandes d'absorption diffuses observees dans le spectre des etoiles brillantes sont des transitions electroniques de molecules assez complexes, probablement carbonees, qui ne sont pas encore identifiees (Section 4.2.5). Observee a haute resolution, chaque transition electronique d'une molecule correspond a toute une serie de raies distinctes dont chacune provient d'une transition entre sous-niveaux de vibration de chacun des deux etats electroniques. Chacune de ces raies est elle-meme decomposer en raies encore plus serrees correspondant aux sous-niveaux de rotation. Ainsi le spectre electronique peut etre extremement complexe ; a faible resolution, on ne voit pour chaque transition electronique qu'une bande large resultant de la superposition de toutes les raies ro-vibrationnelles. La figure 4.7 montre une fraction du spectre electronique des molecules H2 et CO. La figure 4.8 montre un diagramme ou est portee Penergie d'un certain nombre de niveaux de la molecule H2 en fonction de la distance entre les deux atomes H (courbes de potentiet). Les transitions electroniques de H2 dans 1'ultraviolet lointain ont ete observees par differentes fusees et satellites. L'abondance de H2 est si grande, meme dans le milieu interstellaire diffus, que ses raies les plus fortes sont dominees par les ailes d'amortissement et sont done sur la partie amortissement de la courbe de croissance (Figure 4.7), si bien qu'on peut obtenir sans difficulte des densites de colonne grace a 1'equation 4.35. Si les observations ont une resolution en longueur d'onde suffisante, il est possible de separer les raies d'absorption provenant des differents niveaux de rotation de 1'etat electronique et vibrationnel fondamental (les etats superieurs sont peu peuples en general dans le milieu diffus). On peut ainsi obtenir la population de ces niveaux de rotation que 1'on peut exprimer par des temperatures d'excitation. Un exemple est presente en figure 4.9. On peut egalement determiner le rapport d'abondance entre les formes ortho et para. II a ete egalement possible grace au satellite COPERNICUS de determiner le rapport d'abondance H2/H par 1'observation des raies de H2 et de la raie Lyman a en absorption devant la meme etoile. Le resultat est presente (Figure 4.10) pour un grand nombre de lignes de visee. On voit que le gaz est davantage sous forme moleculaire si la densite de colonne totale est grande. Au-dela de JV(Hi + 2H2) ~ 5 1020 atomecm~ 2 , une proportion importante du gaz est moleculaire. Comme les etoiles observees ne sont pas a des distances tres differentes du Soleil, les lignes de visee ou 7V(Hi + 2H2) est grand correspondent sans doute a la traversee de nuages de densite assez grande, dont on s'attend effectivement a ce qu'ils contiennent plus d'hydrogene moleculaire. Cette idee est confirmee par la determination de la densite a partir de la population des niveaux de rotation de H 2 , qui est de 1'ordre
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FlG. 4.7 - Fragment de spectre electronique d'absorption simule de Ha et des molecules 12CO, 13CO et C18O. On y a ajoute le spectre des raies de Lyman de Phydrogene atomique. Ce spectre resulte de calculs pour un nuage de densite n = 103 cm~ 3 , temperature T = 25 K et epaisseur optique dans le visible Ay = 2 mag. D'apres Warin et al. [513], avec 1'autorisation de 1'ESO. de 100 cm~ 3 (Jura [257]). Les observations avec COPERNICUS montrent egalement que 1'hydrogene moleculaire est plus froid quand la densite est plus grande. Sa temperature est de 1'ordre de 80 K dans les nuages diffus avec atomecm"2, semblable a la temperature du Hi. Ces resultats sont confirmes et etendus par les observations du satellite FUSE (Snow et al [456], Shull et al. [447]).
4.2.3
Les transitions de vibration correspondent a des differences entre niveaux d'energie resultant de la quantification des difFerents modes possibles de vibration : le plus souvent des vibrations d 'elongation (stretch en anglais) correspondant a la variation de distance interatomique, les seules possibles pour des molecules diatomiques, ou des vibrations de flexion (bend)
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FlG. 4.8 - Diagramme d'energie simplifie de H2. L'energie des differents niveaux est portee en fonction de la distance R entre les atomes H en unites atomiques a0 = 0,529 A (rayon de la premiere orbite de Bohr pour 1'hydrogene). Ce sont les courbes de potentiel. La courbe de potentiel inferieure correspond au niveau fondamental electronique. L'energie a son minimum (prise ici comme 1'energie 0) est inferieure de 4,7 eV a 1'energie de deux atomes H isoles dans 1'etat fondamental. La formation de H2 a partir de deux atomes H libere done 4,7 eV. Les traits horizontaux correspondent aux niveaux de vibration dans le fondamental electronique. Chacun de ces niveaux de vibration est decompose en niveaux de rotation plus serres, non representes ici. Deux courbes de potentiel correspondant a des etats electroniques excites sont egalement representees, avec leurs niveaux de vibration respectifs. La fleche verticale montante correspond a 1'absorption d'un photon dans 1'ultraviolet lointain, et les fleches descendantes correspondent soit a une desexcitation sur un des niveaux de vibration du fondamental electronique suivie d'une cascade vibrationnelle (fluorescence), soit a une desexcitation sur un niveau continu au-dessus de 4,7 eV, ce qui conduit a la dissociation de la molecule. Une autre courbe de potentiel est indiquee en traits interrompus. Elle correspond a un etat repulsif : une molecule formee par deux atomes H qui se rapprochent dans leur etat fondamental se trouve dans cet etat repulsif. La transition entre cet etat et 1'etat d'energie plus faible de H2 etant interdite, la molecule ne peut que se dissocier : il est done impossible de former H2 a partir de deux atomes H de faible energie, bien que la reaction soit tres exothermique.
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FlG. 4.9 - Population des differents niveaux J de rotation de Eb determines a partir de 1'observation de transitions electroniques partant de ces niveaux, observees en absorption devant les etoiles C Ophiuchi, Puppis et e Persei. Pour chaque niveau, on porte le logarithme de la densite de colonne N(J) divisee par le poids statistique gj, en fonction de Penergie d'excitation Ej du niveau. A 1'ETL, les points correspondants a une temperature donnee s'alignent alors sur une droite. Devant deux des trois etoiles, il existe du gaz apparemment <i 1'ETL a deux temperatures differentes. La temperature la plus basse est probablement la temperature cinetique du gaz. La composante tiede peut etre due a un choc, aux cascades radiatives suivant une transition vers un niveau electronique eleve par 1'absorption d'un photon UV, ou a la formation de Eb sur les grains et a son expulsion de leur surface dans des etats excites. D'apr6s Spitzer & Cochran [466], avec 1'autorisation de 1'AAS.
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FlG. 4.10 - La fraction d'hydrogene sous forme moleculaire en fonction de la densite de colonne totale de gaz en direction de nombreuses etoiles observees avec le satellite COPERNICUS (points) et le telescope satellise ORPHEUS sur la navette spatiale (cercles). Beaucoup de points provenant de COPERNICUS avec correspondent a des limites superieures. D'apres Savage et al. [424] et Dixon et al. [117], avec 1'autorisation de 1'AAS. ou des vibrations de deformation pour les molecules plus complexes. Leurs energies sont de 1'ordre d'une fraction d'eV et les longueurs d'onde correspondantes se trouvent dans 1'infrarouge proche. Ces transitions sont vues soit en absorption, soit en emission si la temperature est suffisamment elevee. Chaque transition de vibration est decomposee en sous-raies de rotation, formant une bande ro-vibrationnelle. La figure 4.11 montre un exemple astrophysique de spectre de vibration. On peut assez facilement obtenir les longueurs d'onde des transitions vibrationnelles d'une molecule diatomique comme H2 a partir de la courbe de potentiel de 1'etat electronique correspondant (Figure 4.8). Au voisinage du minimum du potentiel electronique V (distance interatomique a 1'equilibre Re), cette courbe est proche d'une parabole et on peut developper le potentiel comme
La solution de 1'hamiltonien de vibration dans ce cas est bien connue et est donnee par 1'oscillateur harmonique. Les niveaux de vibration sont quantifies
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FlG. 4.11 - La bande de vibration-rotation de la molecule CO a 4,7 //m observee en absorption devant trois etoiles tres jeunes enfouies dans un nuage moleculaire. On voit les nombreuses raies de rotation disposees symetriquement par rapport au centre de la bande. On observe egalement des bandes larges de glaces de CO et COa solides deposees sur des grains de poussiere. On constate qu'il y a de moins en moins de CO gazeux et de plus en plus de CO solide du bas en haut de la figure, ce qui montre que le CO gazeux s'est depose sur les grains. D'apres van Dishoeck et al. [504], avec 1'autorisation des auteurs.
et donnes par
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A et B, u le nombre d'onde de la transition et v le nombre quantique de vibration. Cette formule tres simple donne une bonne approximation des niveaux observes et est utile pour predire les frequences de vibration des molecules isotopiquement substitutes. Pour une meilleure precision, on utilise le developpement
Pour 1'oscillateur harmonique, la regie de selection pour les transitions vibrationnelles est , les transitions ou 3 etant beaucoup plus faibles. On peut etendre ces considerations aux molecules polyatomiques, qui ont plusieurs modes de vibration qu'on peut considerer comme independants en premiere approximation. Mais ceci depasse le cadre de cet ouvrage. Les transitions vibrationnelles de H2 sont beaucoup observees du sol et de 1'espace (Planche 17), ainsi que celles de CO et de H^O. Dans les chocs ou les regions de photodissociation, les niveaux excites de vibration peuvent etre peuples soit collisionnellement, soit par fluorescence (cascades radiatives a partir de niveaux electroniques excites par absorption de photons ultraviolets). Les bandes ro-vibrationnelles sont alors vues en emission. Ces bandes peuvent egalement etre observees en absorption devant une source intense de continuum infrarouge, et etre utilisees comme les raies d'absorption ultraviolettes pour determiner les populations des differents niveaux de rotation du fondamental electronique et de vibration.
4.2.4
Les transitions de rotation correspondent a la quantification de la rotation de la molecule. II peut s'agir d'une rotation d'ensemble autour des axes principaux d'inertie, ou d'une rotation interne dans le cas de molecules complexes. Les energies sont cette fois de 1'ordre du meV et les longueurs d'ondes sont submillimetriques, millimetriques ou centimetriques sauf pour H2 et HD. D'autres types de transitions sont a rapprocher des transitions de rotation par leur energie. Par exemple, la molecule d'ammoniac NHa, qui est tetraedrique, peut se retourner comme un gant (c'est le phenomene dit d'inversion) ; 1'energie est legerement differente entre les deux configurations en raison de la partie antisymetrique de la fonction d'onde, et les niveaux de rotation classiques sont tous dedoubles par ce mecanisme. Dans la molecule OH qui possede un electron celibataire, ou d'autres molecules du meme genre comme CH, 1'interaction entre le moment orbital de cet electron et la rotation produit un dedoublement des niveaux d'energie de rotation dit dedoublement A. Les raies de OH, comme d'ailleurs les raies de nombreuses autres molecules comme CN et HCN, sont decomposees de surcroit par interaction hyperfine (Figure 3.2).
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Les molecules interstellaires sont enormement etudiees par leur transitions rotationnelles. Nous examinerons d'abord les molecules diatomiques ou lineaires, les plus simples, puis les molecules polyatomiques non lineaires. Spectre de rotation des molecules diatomiques ou lineaires Pour une molecule lineaire supposee provisoirement indeformable, 1'energie cinetique de rotation est
ou / est le moment d'inertie et J est le moment angulaire. Pour une molecule diatomique, si la distance entre les atomes A et B de la molecule est Re, le moment d'inertie est
ou mr = mArris/(rriA + rns] est la masse reduite. La solution de 1'equation de Schrodinger pour le systeme donne les valeurs propres de 1'energie :
avec . Le nombre quantique J represente le moment angulaire. Cette equation n'est strictement correcte que pour une molecule rigide. En realite les molecules sont deformables et la rotation modifie le moment d'inertie ; 1'expression correcte de 1'energie est
ou le deuxieme terme est du a la distorsion centrifuge. II est plus petit que le premier. La regie de selection pour les transitions radiatives est probabilite d'emission spontanee d'Einstein s'ecrit
fois La
ou IJLUI est 1'element de la matrice du moment dipolaire correspondant a la transition. Pour la transition consideree J + 1 > J cet element est
On en deduit
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ou A est en s"1, v en GHz et IJL en debye, 1'unite habituelle qui vaut 10~18 unites electrostatiques c.g.s. Le point le plus remarquable est la croissance rapide de la probabilite d'emission spontanee vers les niveaux d'energie eleves, due au facteur z/3. A partir de 1'equation 3.32, on obtient directement la relation generate entre la densite de colonne du niveau inferieur, 1'epaisseur optique et la temperature d'excitation de la transition :
v etant la vitesse en km s l. Dans Papproximation de Rayleigh-Jeans (qui n'est applicable qu'en ondes centimetriques et decimetriques) cette equation se simplifie comme
II est assez difficile d'obtenir la temperature d'excitation Tex en general. En toute premiere approximation et si la densite est grande, on peut supposer 1'ETL, done Tex = TK. La molecule CO CO est de loin la molecule la plus observee dans le milieu interstellaire (Planches 2, 5, 6, 7 et 8). Dans le cas de CO, les raies sont presque toujours optiquement epaisses et Tex est la temperature de brillance au centre de la raie. Si Ton observe au centre de la raie CO(1-0) a 2,3 mm (115 GHz) une temperature d'antenne Rayleigh-Jeans T\ (voir la section 3.1.2, Eq. 3.27) au-dessus du continuum du corps noir cosmologique de temperature TBB = 2,73 K, la temperature de brillance est (pour une raie optiquement epaisse)
On peut en deduire aisement 1'expression utile de Tex, soit numeriquement pour la raie CO(l-O) :
Montrons comment on peut alors obtenir la densite de colonne et done 1'abondance de CO. Une maniere simple mais discutable est de supposer que les niveaux importants d'energie de rotation de CO et de ses substitutions isotopiques comme 13CO sont a 1'ETL a la temperature TK = Tex qui vient
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d'etre determinee pour CO. Considerons 13CO, et supposons de surcroit que ses raies sont optiquement minces car cette molecule est beaucoup moins abondante que CO. On peut obtenir la densite de colonne 7V(0) du niveau fondamental de 13CO a partir de la mesure de la temperature d'antenne au centre de sa raie (1-0) (Eq. 4.46 ou Ton remplace Tex par TK)- On peut alors obtenir la densite de colonne totale Ntot de 13CO en utilisant la fonction de partition Q(T] (Eq. 3.71). Dans le cas d'une molecule diatomique a 1'ETL
Comme on a pres du Soleil (Wilson & Rood [523]) on peut estimer Nt0t(l2GO). Puis en supposant qu'environ 20 % du carbone est sous forme de CO on peut en deduire la densite de colonne de H2, -/V(H2) ~ 105iV(CO). Si on soupgonne 13CO d'etre optiquement epais, il faut utiliser une molecule plus rare comme C18O, avec 7V(12CO) = 560 7V(C18O). Bien que tres utilisee notamment pour estimer la densite de colonne de H2 dans les regions denses ou 1'extinction empeche d'observer cette molecule dans 1'ultraviolet, la methode precedente est incertaine et ne peut fournir qu'un ordre de grandeur de la densite de colonne de CO et de H2. Pour faire mieux, il est recommande d'utiliser une analyse LVG. La figure 4.12 montre deux exemples de diagrammes correspondant a deux temperatures differentes, qui montrent comment on peut conduire cette analyse en pratique. Des diagrammes semblables concernant CS se trouvent dans Rohlfs & Wilson [413], p. 403. La difficulte avec cette methode est qu'il faut faire des hypotheses sur la densite et/ou la temperature cinetique, qu'il n'est pas toujours facile de verifier. Si 1'on dispose d'un nombre plus important de raies, on pourra utiliser 1'analyse decrite par Goldsmith & Langer [190]. Une autre methode encore consiste a comparer les observations avec les predictions d'un modele de region de photodissociation, ce qui a un sens car ces modeles montrent que remission des raies de 12CO est dominee par la zone ou CO commence a etre photodissocie (voir le Chapitre 10). Beaucoup d'autres molecules diatomiques ou lineaires peuvent etre soumises au meme traitement. II est utile pour estimer si une transition donnee d'une molecule peut etre au moins grossierement consideree comme a 1'ETL de connaitre la densite critique correspondante. Le tableau 4.4 donne ce parametres et d'autres pour un certain nombre de transitions importantes. La molecule HZ Des raies de rotation de H2 ont ete observees directement par ISO dans des regions relativement tiedes du milieu interstellaire. Les longueurs d'onde
FlG. 4.12 - Analyse par la methode du grand gradient de vitesse (LVG) des deux premieres transition de rotation de CO. Le rapport de X(CO) = n(CO)/n(H 2 ) au gradient de vitesses dV/dR en kms^pc' 1 est en abscisses, la densite d'hydrogene en molcm~ 3 en ordonnees. La temperature cinetique est fixee a 10 K dans le diagramme de gauche et a 20 K dans celui de droite. Les courbes en trait plein donnent la temperature de brillance T|j de la raie CO(1-0) et les courbes en trait interrompu le rapport des temperatures de brillance des raies CO(2-1) et CO(l-O). L'epaisseur optique augmente vers le haut et la droite du diagramme. D'apres Castets et al. [71], avec 1'autorisation de 1'ESO.
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TAB. 4.4 - Parametres de raies de rotation de molecules diatomiques ou lineaires. Seules les raies observables du sol sont indiquees. // est le moment dipolaire de la molecule et Eu/k est 1'energie du niveau superieur de la transition, en K. ncrit est la densite critique des molecules d'hydrogene telles que les desexcitations collisionnelles et radiatives soient comparables lorsque le rayonnement dans la raie est faible : il vaut (voir Eq. 3.44). ncrit est donne pour une temperature de 100 K pour CO et CS, et de 30 K pour HCO+, HCN et HNC. Sa valeur ne doit etre consideree que comme un ordre de grandeur.
Molecule
CO
CS
// Transition debye 0,112 1-0 2-1 3-2 1-0 1,95 2-1 3-2 5-4 4,07 1-0 3-2 1-0, F(2-l) 2,98 3-2 3,05 1-0, F(2-l) 3-2
Frequence GHz 115,271203 230,538001 345,795975 48,990964 97,980 968 146,969049 243,935 606 89,188518 267,557625 88,631847 265,886432 90,663 574 271,981067
Eu/k K 5,5 16,6 33,2 2,4 7,1 14,1 35,2 4,3 25,7 4,3 25,5 4,3 26,1
Aui s"1 7,4 10~8 7.1 10-7 2.6 10~6 1.8 10~6 2.2 10~5 6.1 10~5 2.9 10~4 3,0 10~5 1,0 10~3 2.4 10~5 8.5 ID"4 2.7 10~5 9.2 10~4
ncrit cm~3 3 103 1 104 5 104 1 105 7 105 2 106 8 106 5 1,J 106 3 10 4 106 1 107 4 106 1 107
TAB. 4.5 Longueurs d'onde dans le vide et probabilites d'emission spontanee de transitions de rotation de la molecule H2.
Transition
10~n 10~9 10~8 10~7
et probabilites d'emission spontanee des principaux niveaux de rotation de H2 sont listees dans le tableau 4.5. Les niveaux du para-H2 ont J 0,2,4... et ceux de l'ortho-H2 J = 1,3,5... La raie S(0) a 28,2 yum connecte les niveaux 0 et 2, la raie S(2) a 12,3 /um les niveaux 2 et 4, etc. tandis que la raie S(l) a 17,0 /^m connecte les niveaux 1 et 3 et la raie S(3) a 9,6 /j,m les niveaux 3 et 5, etc. On peut utiliser le rapport entre ces raies qui sont en general optiquement minces pour obtenir la temperature cinetique
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et le rapport d'abondance ortho/para. En premiere approximation, on peut supposer 1'ETL, ce qui permet de calculer facilement 1'intensite des raies de rotation, qui est :
ou x(u) est la fraction de molecules dans le niveau u. A 1'ETL, cette fraction fist don nee na.r
ou le poids statistique gj est 1 pour la forme para (J pairs) et 3 pour la forme ortho (J impairs). Q(Tx) est la fonction de partition
La fonction de partition vaut 1,0 a TK = 10 K, 1,53 a 20 K, 2,67 a 100 K et 12,51 a 500 K. Les trois equations ci-dessus permettent de calculer les intensites des raies, qui dependent enormement de la temperature. Par exemple pour la raie a 28 ^m on a
ou Ay est 1'extinction visuelle liee a la densite de colonne de H2 par la relation galactique standard 2N(H 2 ) = l,871021^4y cm"2 mag"1 (Section 7.1). Meme avec une extinction de 30 mag. correspondant a un nuage moleculaire tres epais, la raie n'est detectable en emission que pour des temperatures superieures a 60-80 K.
Spectre de rotation des molecules polyatomiques
Une molecule non lineaire peut etre en premiere approximation consideree comme un rotor rigide defini par trois moments d'inertie principaux Jaa, avec a = , y, z. L'expression classique de 1'energie cinetique de rotation est
ou <jja est la vitesse angulaire autour de 1'axe a et Ja la composante du moment angulaire sur cet axe. L'expression quantique de 1'hamiltonien est tres semblable :
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ou les Ja sont cette fois les composantes de 1'operateur de moment angulaire -i/iV dans le systeme de reference tournant de la molecule. Ces composantes obeissent a des regies de commutation inverses des regies classiques :
Mais par ailleurs elles commutent avec les composantes du moment angulaire JX,JY et Jz dans le systeme d'axes fixes OXYZ. Ces considerations permettent d'obtenir 1'energie de rotation dans differents cas. Toupie spherique :
Comme J2 commute avec Jz et Jz-, la degenerescence (poids statistique) du niveau J est (2J + I) 2 . Toupie symetrique :
On peut alors trouver les valeurs propres de H, J2 et Jz. L'etat de rotation est defini par deux nombres quantiques, J et K, ce dernier etant le nombre quantique de la projection du moment angulaire sur 1'axe tournant Oz. On obtient alors les valeurs propres de 1'energie
La degenerescence correspondante est Rotateur lineaire. Ce cas a ete etudie au paragraphe precedent. II se deduit de la toupie symetrique en faisant K = 0. Toupie asymetrique. C'est le cas general (exemple : H 2 O). Les trois moments d'inertie sont inegaux, et le hamiltonien ne commute ni avec J2 ni avec Jz. Les expressions des termes de rotation sont coniDlexes. et font intervenir trois nombres auantiaues.
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Si on desire plus de precision sur les energies, il faut developper les termes en serie selon la forme suivante (developpement de Dunham) :
ou les Yim sont des coefficients correcteurs qui dependent du nombre quantique de vibration v et des constantes de rotation. Examinons maintenant quelques exemples de molecules non lineaires et leurs applications au milieu interstellaire. La molecule NHa Les observations radio de plusieurs molecules dont le diagramme de niveaux d'energie est favorable peuvent etre utilisees pour determiner la densite et la temperature. Ce sont par exemple CHaCN, HCaN, CHaOH et NH 3 . Nous discuterons cette derniere molecule a titre d'exemple. NHs est une toupie symetrique dont 1'energie de rotation est done fonction des deux nombres quantiques J et K. La figure 4.13 illustre la structure des niveaux d'energie. Les regies de selection pour les transitions dipolaires electriques sont AK = 0, e t A J = 0,l. En consequence les transitions entre les differentes echelles de K sont interdites, sauf des transitions faibles avec AK = 3. Les niveaux les plus bas de chaque echelle (avec J = K) sont done metastables, tandis que les niveaux superieurs (J > K) ne sont pas metastables et se desexcitent rapidement vers les etats de J inferieur. Les raies correspondantes sont dans 1'infrarouge lointain. En raison des deux orientations possibles du spin des noyaux H, il existe deux especes de NHs : I'ortho-NHs, pour lequel K = 3n, n etant un entier, tous les spins de H etant paralleles, et le para-NHs avec K = 3n 1, les spins n'etant pas tous paralleles. Comme a 1'ordinaire, les transitions ortho-para sont tres fortement interdites mSme collisionnellement. Les collisions permettent toutes les autres transitions entre n'importe quels J et K, les transitions avec AK = 3 etant cependant favorisees. Tous les niveaux de rotation sauf ceux avec K = 0 sont dedoubles par 1'inversion, et toutes les transitions (permises) entre sous-niveaux d'inversion du meme etat de rotation sont dans la gamme de frequence 21-25 GHz. Le moment dipolaire de ces transitions definies par J et K, duquel on deduit facilement la probabilite d'emission spontanee par 1'equation 4.43, est donne par
avec p, 1,476 debye. L'observation de ces transitions, pourvu qu'elles soient a 1'ETL ce qui est sou vent le cas, ou du moins que la densite soit connue, permet
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FlG. 4.13 - Diagramme de niveaux d'energie de rotation de 1'ammoniac NHs dans 1'etat fondamental electronique et de vibration. Le nombre quantique K est en abscisses et 1'energie en ordonnees, en unites de degres K. Les niveaux sont labelles par la valeur des nombres quantiques J et K. Chacun d'eux est dedouble par la transition d'inversion entre les deux configurations de la molecule representees en haut a droite. De plus, chaque transition a une structure hyperfine due a 1'interaction entre le spin du noyau d'azote et les electrons ; cette structure est schematises en bas de la figure, la separation entre les composantes hyperfines etant de 1'ordre de 1 MHz. L'ortho-NH3 a K = 0, 3, 6... (chiffres en italiques) et le para-NH3 les autres valeurs (chiffres droits). D'apres Rohlfs & Wilson [413], avec 1'autorisation de Springer Verlag.
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d'obtenir la population du niveau J, K correspondant. L'epaisseur optique de ces transitions d'inversion peut etre verifiee par 1'observation de leur structure hyperfine qui est facilement resolue. Ce concours de circonstances extremement favorable permet une bonne determination des populations des niveaux J et K, dont on peut deduire la temperature et la densite comme suit. Comme la population des niveaux metastables est entierement definie par les collisions, le rapport entre leurs populations est presque uniquement fonction de la temperature. Par ailleurs, la population des niveaux J d'une meme echelle K est fonction de la densite, leur densite critique etant de 1'ordre de 107 molecules H2 cm~3. La densite critique pour les transitions d'inversion est de 103-104 cm"3, et NHs permet aussi d'explorer cette gamme de densites. Le probleme est qu'il est difficile de calculer les sections efficaces des transitions collisionnelles de NHa avec tb, et aussi que ces sections efficaces sont differentes pour 1'ortho- et le para- H2, dont il faut done connaitre (ou plut6t estimer dans la pratique) le rapport. La molecule H^CO Le formaldehyde H2CO est une toupie asymetrique dont 1'asymetrie est peu marquee, si bien que son diagramme d'energie n'est pas tres different de celui d'une toupie symetrique (Figure 4.14). Elle est decrite par trois nombres quantiques, J, Ka (principaux) et Kc (secondaire) ; a est le long de 1'axe C=0 sur lequel le moment dipolaire de la molecule est aligne, et c est perpendiculaire au plan de la molecule. Possedant deux atonies H, H^CO existe sous deux formes, ortho et para, qui correspondent respectivement aux valeurs impaires et paires de Ka. La premiere transition observee historiquement a ete la raie 3i2-3i3 de la forme ortho a 6 cm, dont la physique est complexe comme on peut 1'imaginer en examinant la figure 4.14 ; elle se presente sou vent comme une transition anti-maser pompee par collisions, dont le niveau inferieur est surpeuple et qui peut done donner une absorption anormalement elevee. On observe aussi les transitions de 1'echelle Ka = 0 (para-H2CO), plus faciles a interpreter mais dont la densite critique est beaucoup plus elevee que celle de la raie a 6 cm. La molecule H 2 O Malgre son apparente simplicite, la molecule d'eau a un spectre de rotation extremement complexe. Ceci provient de ce qu'elle est une toupie asymetrique prononcee, les trois nombres quantiques J, Ka et Kc ayant une importance comparable. De plus, son moment dipolaire est le long de 1'axe b (Figure 4.15) ce qui implique que Ka et Kc doivent changer tous les deux dans une transition permise. Comme les molecules precedentes, t^O existe sous les formes ortho et para. Du point de vue observationnel, H^O est une molecule difficile car 1'atmosphere terrestre en contient de tres grandes quantites et est totalement
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FlG. 4.14 - Diagramme de niveaux d'energie de rotation du formaldehyde H2CO dans 1'etat fondamental electronique et de vibration. Le nombre quantique Ka est en abscisses et 1'energie en ordonnees, en unites de degres K. Les niveaux sont labelles par la valeur des nombres quantiques J, Ka et Kc. La configuration de la molecule est indiquee a droite, avec les axes a et c sur lesquels sont projetes Ka et Kc. D'apres Rohlfs & Wilson [413], avec 1'autorisation de Springer Verlag. opaque pour toutes les transitions de rotation sauf la transition 6ie-523 a 22 GHz et dans une moindre mesure la transition 3i3-22o a 180 GHz, plus difficile a observer. Ces transitions sont toutes les deux maser, si bien qu'on ne peut esperer en deduire une densite de colonne de la molecule. Pour observer les autre transitions, il faut aller dans 1'espace. Meme d'avion ou de ballon, il est difficile d'observer les transitions les plus fortes. Aussi les observations les plus interessantes de H 2 O interstellaire sont faites a partir de satellites. ISO a observe un assez grand nombre de transitions, mais n'atteignait pas les longueurs d'onde superieures a 200 /mi. La transition fondamentale (lnOQO) du para- H 2 O, a 269,5 fim (1113 GHz) n'a pas encore ete observee, et la transition fondamentale de 1'ortho- H 2 O (lio-loi) a 538,6 /urn (557 GHz) vient juste de 1'etre avec le satellite SWAS. Cette derniere observation montre que H 2 O n'est pas une molecule tres abondante dans les nuages moleculaires, probablement parce qu'elle se condense facilement sur les grains de poussiere sous forme de glace.
93
FlG. 4.15 Diagramme de niveaux d'energie de rotation de la molecule d'eau FbO dans 1'etat fondamental electronique et de vibration. Le nombre quantique Kc est en abscisses et 1'energie en ordonnees, en unites de degres K. Les niveaux sont labelles par la valeur des nombres quantiques J, Ka et Kc. La configuration de la molecule est indiquee en haut, avec les axes a et c sur lesquels sont projetes Ka et Kc. A cause des deux noyaux identiques d'hydrogene, le diagramme est separe en deux parties, ortho et para, entre lesquelles les transitions sont inexistantes dans les conditions interstellaires. La frequence des transitions les plus interessantes est indiquee en GHz. Toutes les transitions entre niveaux bas sont dans le domaine submillimetrique. Les transitions indiquees en traits gras sont maser.
4.2.5
En plus des raies d'absorption interstellaires dont nous avons parle section 4.1.3, qui sont toujours tres etroites a 1'exception des raies tres saturees de H et de H2, on voit dans le spectre des etoiles environ 200 bandes d'absorption, la plupart tres faibles, dont la largeur est de 1'ordre de 1 A. On les nomme bandes interstellaires diffuses et on les designe souvent par le sigle de DIBs (de 1'anglais Diffuse Interstellar Bands}. Elles se trouvent
94
FlG. 4.16 - Profil de bandes diffuses interstellaires au voisinage de 5 780 A. Ce spectre est la moyenne du spectre devant 5 etoiles observees avec un excellent rapport signal sur bruit. Les fleches indiquent des structures d'absorption qui pourraient former des bandes de rotation-vibration de molecules. Les structures marquees d'une etoile sont produites dans I'atmosphere terrestre. D'apres Jenniskens et al. [247], avec 1'autorisation de 1'ESO. essentiellement dans le domaine visible, quelques-unes dans I'infrarouge proche (voir Herbig [217] pour une revue generale des bandes diffuses). Bien que les bandes diffuses aient ete decouvertes des 1934, leur origine est encore mysterieuse. On a longtemps considere qu'elles sont dues a 1'absorption par des impuretes dans des grains ou des manteaux de glace sur les grains, mais on pense aujourd'hui qu'il s'agit plutot de bandes d'absorption moleculaires, car on observe pour certaines bandes une structure caracteristique de bandes de rotation-vibration moleculaire (Figure 4.16). Les intensites relatives de beaucoup de bandes diffuses varient d'une direction a 1'autre, ce qui a permis de les classer en families, les differents membres d'une meme famille variant en parallele dans les differentes directions. II existe une nette correlation entre 1'intensite des bandes et 1'extinction Ay (voir la Section 7.1 pour une discussion de 1'extinction). Cette correlation n'a rien de surprenant puisqu'elle est simplement 1'effet de la quantite de matiere interstellaire interposee. Afin de contraindre la nature des absorbants, on a cherche des correlations avec les parametres qui determinent la forme de la courbe d'extinction dans 1'ultraviolet (Section 7.1), avec des resultats plutot decevants. II y a toutefois une correlation mediocre avec la bande d'absorption a 2 175 A et avec 1'exces d'extinction dans 1'UV lointain, ce qui a suggere que les absorbants pourraient etre des molecules carbonees, par exemple des molecules polycycliques aromatiques hydrogenees ou PAH (Section 7.2.3 ; Desert et al. [111]). Effectivement les ions PAH+ ont des
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absorptions dans le visible comprenant des bandes relativement etroites, et quelques identifications de bandes observees au laboratoire ont ete proposees avec des bandes diffuses ; malheureusement il existe trop peu de donnees de laboratoire sur des PAH+ isoles en phase gazeuse pour que cette identification soit sure. D'autres identifications ont ete suggerees, par exemple avec des fullerenes2, mais aucune n'est vraiment convaincante. Pourtant les molecules absorbantes doivent eitre assez abondantes, comme on peut facilement le montrer. La bande la plus intense a 4 430 A a une largeur equivalente W"443o liee a 1'absorption visuelle Ay par la relation W^^o/Ay ~ 0,8 Amag^ 1 . Comme 1'absorbant ne peut avoir une force d'oscillateur / superieure a 1, on voit d'apres 1'equation 4.28 que sa densite de colonne est Nmoi > 4,6 1012 cm~ 2 mag"1 . En utilisant 1'equation 7.5 qui lie la densite de colonne totale d'hydrogene NH et E(B - V), et le rapport Ay/E(B - V) = 3,1, on obtient
relation necessairement vraie quel que soit le porteur. Si 1'on suppose par exemple qu'il y a de 1'ordre de 20 atonies lourds par molecule, le nombre d'atomes absorbants est superieur a 5 10~8 fois le nombre d'atomes H interstellaires. Si maintenant on fait le meme raisonnement pour 1'ensemble des bandes diffuses, dont la largeur equivalente totale est de 1'ordre de 5,2 A par magnitude d'extinction visuelle, 1'abondance des atomes absorbants est superieure a environ 3 10~7 H. C'est plus que ce qui est present dans les molecules interstellaire sauf les plus abondantes comme CO. Mais s'il s'agit de carbone, ceci ne represente que quelques 10~3 de 1'abondance globale de cet element. L'abondance n'est done pas une contrainte importante pour les modeles qui tentent de preciser 1'origine des bandes diffuses.
2. Les fullerenes sont des coquilles spheriques ou ellipsoidales formees de cycles aromatiques hexagonaux ou pentagonaux, dont la plus simple a pour formule CGO et a exactement la structure d'un ballon de football.
98
5.1.1
Considerons des atomes d'une meme espece, dont les niveaux d'energie sont reperes par 1'indice j, 1'indice k designant 1'ensemble des niveaux continus resultant de 1'ionisation, dont 1'energie est evidemment superieure a celle des niveaux j. Soit, en presence d'un rayonnement ionisant, Pjk la probabilite d'ionisation par seconde a partir du niveau j, et HJ la population du niveau j. Soit nk la population du niveau k et Pkj la probabilite pour que 1'electron se recombine sur le niveau j. L'equilibre d'ionisation, que 1'on suppose realise dans les regions Hll, s'ecrit
ou ne est la densite electronique et v la vitesse moyenne des electrons libres, dont la distribution sera supposee maxwellienne a la temperature Te. De meme, si Sj(v] est la section efficace de photo-ionisation a partir du niveau j par des photons de frequence z/, on peut ecrire, nph0t(y] = uvjhv etant la densite des photons de frequence v (uv est la densite d'energie du rayonnement) :
L'equation d'equilibre d'ionisation entre deux especes ioniques successives de degres d'ionisation r et r + I de 1'element considere s'ecrit
Les cascades radiatives des niveaux j vers le niveau fondamental de 1'atome ou de 1'ion etant en general tres rapides, de 1'ordre de quelque 10~9 seconde, et les excitations collisionnelles du fondamental vers les niveaux excites j ne peuplant pas beaucoup ces derniers en general, on peut a juste titre supposer que les ionisations se font seulement a partir du fondamental (j = 1), si bien que
Dans le cas de 1'hydrogene, on a une simplification supplementaire. Comme Phydrogene fournit 1'essentiel des electrons libres, on a ne ~ rij, n^ etant
99
la densite des ions hydrogene. Done no etant la densite d'atomes d'hydrogene neutre et x le degre d'ionisation, si on pose
d'ou
Supposons maintenant un nuage d'hydrogene de densite uniforme nn contenant une etoile ionisante, placee a 1'origine des coordonnees. Le coefficient d'absorption de 1'hydrogene dans le continuum de Lyman s'ecrit
A la distance r de 1'etoile, la profondeur optique dans le continuum de Lyman est, en negligeant 1'absorption par la poussiere
Si no = 1 cm 3, rv(v\) = 1 a 0,05 pc seulement de 1'etoile. L'absorption est done tres rapide si 1'ionisation du milieu n'est pas totale, sauf si la densite est extremement faible. On prevoit done que 1'ionisation sera quasi totale jusqu'a un rayon rs ou ne parviennent plus de photons ionisants, ceux a 1'interieur ayant ete absorbes par les rares atonies neutres provenant des recombinaisons. Le milieu est neutre en dehors de ce rayon, et ionise a 1'interieur, ce qui constitue la sphere de Stromgren. Calculons son rayon rs connaissant la densite totale nn et le flux ionisant SQ emis dans tout 1'espace par 1'etoile. Le flux ionisant S(rs) est nul sur la surface de la sphere de Stromgren. Le nombre d'ionisations par seconde et cm3 est d'apres 1'equation 5.9
100
puisque 1'hydrogene est presque entierement ionise dans la region Hil (x ~ 1). II faut tenir compte du fait que les recombinaisons sur le niveau fondamental produisent un photon qui ionisera le premier atome qu'il va rencontrer, et on ne doit pas les compter. Seules les recombinaisons sur les niveaux superieurs j > 2 comptent, et il faut remplacer le coefficient a de recombinaison par (Hummer & Seaton [234])
avec T4 = T/104K. Le rayon r$ est tel que le nombre de recombinaisons effectives dans le volume interieur est egal au nombre d'ionisations, done
La quantite
qui represente le pouvoir ionisant de 1'etoile est souvent donnee dans des tableaux, exprimee en pccm~ 2 / 3 . Le tableau 5.1 donne le nombre So de photons du continuum de Lyman de 1'hydrogene, et celui S\ du continuum de Lyman de 1'helium (voir plus loin), emis par les differents types d'etoiles chaudes, d'apres les modeles d'atmosphere stellaire de Schaerer & de Koter [431]. On en deduira facilement U. Les resultats de ces modeles sont assez peu differents de ceux, tres utilises, de Panagia [371] en ce qui concerne le continu de Lyman de 1'hydrogene, mais ils en different beaucoup pour le continuum de 1'helium. Les photons d'energie un peu superieure a 13,6 eV sont surtout absorbes par 1'hydrogene. Ceux de plus haute energie peuvent etre absorbes par 1'helium, 1'azote etc. Dans la pratique, 1'element absorbant le plus efficace a une energie de photons donnee est celui dont le seuil d'ionisation est juste un peu inferieur a cette energie. Ceci resulte de la variation rapide en z/~ 3 des sections efficaces de photo-ionisation. II en resulte la formation d'une structure d'ionisation dans une nebuleuse gazeuse relativement uniforme. Les photons d'energie superieure a 24,6 eV, potentiel d'ionisation de 1'helium, produisent une region d'helium ionise dans la zone interieure de la region Hn. Le tableau 5.1 donne le nombre de photons susceptibles d'ioniser 1'helium en fonction du type spectral de 1'etoile centrale. Si cette etoile est suffisamment chaude, la zone He n est co-extensive a la zone HII.
101
TAB. 5.1 - Flux de photons ionisants So NLyc(H-i) et Si = -/V Ly c(Hei) du continuum de Lyman de 1'hydrogene et de celui de 1'helium, pour differents types d'etoiles chaudes avec les abondances solaires. D'apres Schaerer & de Koter [431]. Type Sp. V(naine) logTeJy log So K s-1 4,710 49,85 4,687 49,68 4,676 49,58 4,664 49,48 4,652 49,38 4,639 49,28 4,626 49,17 4,613 49,05 4,599 48,93 4,585 48,80 4,570 48,64 4,555 48,46 4,539 48,25 4,523 48,02 4,506 47,77 Ill(geante) logTeff log S0 K s-1 4,707 49,97 4,683 49,84 4,670 49,78 4,657 49,71 4,644 49,64 4,630 49,56 4,615 49,47 4,601 49,36 4,585 49,24 4,569 40,09 4,553 48,94 4,536 48,76 4,518 48,56 4,499 48,33 4,479 48,11 I(supergeante) logTeff log S0 K s"1 4,705 50,09 4,678 50,02 4,665 49,98 4,650 49,94 4,636 49,88 4,620 49,81 4,604 49,73 4,588 49,64 4,571 49,53 4,553 49,42 4,534 49,29 4,515 49,12 4,495 48,90
log Si s"1 49,42 49,23 49,12 49,01 48,86 48,75 48,62 48,44 48,25 48,05 47,74 47,37 46,92 46,41 45,86
log Si s'1 49,52 49,38 49,32 49,25 49,16 49,05 48,91 48,75 48,53 48,14 47,80 47,40 46,95 46,47 46,03
log Si s"1 49,63 49,56 49,53 49,47 49,35 49,24 49,12 48,91 48,65 48,37 48,05 47,67 47,21
Ceci se produit lorsque Si/So > 0,1, soit pour des etoiles plus chaudes que O8. He ill (54,4 eV) n'est que tres exceptionnellement visible autour des etoiles les plus chaudes (etoiles de Wolf-Ray et). L'oxygene ayant un potentiel d'ionisation tres voisin de celui de 1'hydrogene, la zone O II est co-extensive avec la zone Hil. O m (35,1 eV) ne se trouve que dans les regions centrales sauf si 1'etoile est tres chaude. La description que nous venons de donner est tres idealisee. II est rare de trouver une region HII isolee et spherique, presentant une vraie structure d'ionisation. En realite le milieu ionise par les etoiles a une structure heterogene. De plus les etoiles massives ont tendance a se former dans les zones superficielles des nuages moleculaires, si bien que la region HII va tendre rapidement a crever le nuage et a se repandre a 1'exterieur sous 1'effet de sa pression elevee (P nkT est environ 1 000 fois plus grande dans la region H n que dans le nuage placental, puisque la temperature passe en gros de 20 a 10000 K et n est multiplie par 2 par 1'ionisation). C'est Veffet champagne (Yorke et al. [537], voir la section 12.3.4). La structure d'ionisation d'une telle nebuleuse est difficile a modeliser. Des modeles recents de region H n sont ceux de Stasinska & Schaerer [471] et le modele CLOUDY de G. Ferland et al. [161] (http://www.pa.uky.edu/gary/cloudy). Us supposent une densite uniforme, ou un taux de remplissage du gaz ionise uniforme, ou une densite variant regulierement. Us sont done tres idealises et doivent etre utilises avec precaution dans la comparaison avec 1'observation. Par ailleurs, une partie
102
des photons ionisants peut s'echapper de la region HII vers un milieu tres peu dense. On dit alors que la region HII est bornee par la densite, alors qu'une region Hll ideale dans un milieu infini, ou tous les photons de Lyman sont utilises pour ioniser, est bornee par I'ionisation. Examinons maintenant les differents types d'emission qui caracterisent les regions H n.
5.1.2
Les nebuleuses gazeuses et planetaires presentent un rayonnement continu important a toutes les longueurs d'onde de 1'ultraviolet aux ondes radio, produit par une variete de mecanismes. L'emission libre-libre (free-free, brehmsstrahlung thermique)
L'emission libre-libre (free-free en anglais) est produite par le freinage des electrons libres passant a proximite des ions mais non captures par eux, d'ou son autre nom de rayonnement de freinage (brehmsstrahlung en allemand). Lorsque 1'emission se produit dans un plasma ou la distribution des vitesses des electrons est maxwellienne, ce qui est le cas ici, on la qualifie de thermique (voir Planches 4 et 5 des exemples d'emission radio libre-libre). Dans tous les domaines de longueur d'onde, Yemissivite (energie emise dans tout 1'espace par unite de volume et de frequence) a pour expression, pour une distribution maxwellienne des vitesses des electrons libres a la temperature Te (Lang [280] ; voir la demonstration dans Rohlfs & Wilson [413], Section 9.4, par exemple)
ou nv est 1'indice de refraction du plasma (tres peu different de 1 dans les regions HIT), Z la charge des ions de densite Ui (dans la pratique Z c 1 et Hi ~ ne}. gff(v,Te) est le facteur de Gaunt qui correspond aux limites finies d'integration sur le parametre d'impact de 1'electron passant a proximite de 1'ion. Numeriquement, on a
avec
103
FlG. 5.1 - Dependance en frequence et en temperature du facteur de Gaunt libre-libre gjj multiplie par exp(hv/kT e ] ; ce produit est proportionnel a Pemissivite e^ (Eq. 5.19). Les differentes courbes correspondent aux temperatures 500, 103, 2 103, 4 103, 6 103, 8 103, 104, 5 104 et 105 K. D'apres Beckert et al. [24], avec 1'autorisation de 1'ESO.
pour les conditions habituelles des regions HII. Pour le cas general, ce facteur est donne (Figure 5.1) en fonction de la frequence et de la temperature, apres multiplication par exp(hv/kT e }. Le coefficient d'absorption est donne par
ou -Bj,(Te) est la fonction de Planck et nv ~ 1 1'indice de refraction du milieu a la frequence v. Dans le cas radio (approximation de Rayleigh-Jeans) et en prenant Hi = 1'epaisseur optique s'ecrit
104
La correction a(z/, Te), tres voisine de 1, est tabulee par Mezger & Henderson [347]. L'intensite Iv 6mise par une region H n par unite de frequence decroit done avec la frequence comme z/~ 2>1 aux frequences elevees ou le milieu est optiquement mince. Sa temperature de brillance TB oc I^v2 est presque independante de la frequence. Aux basses frequences ou le milieu est optiquement epais, il se comporte comme un corps noir a la temperature Te (Figure 5.2). Rayonnement libre-lie (free-bound) La recombinaison des electrons libres avec les ions produit un rayonnement continu. La recombinaison sur les differents niveaux de 1'atome d'hydrogene produit differentes discontinuites dans le spectre : la discontinuity de Balmer correspond a la recombinaison sur le niveau n = 2, celle de Paschen sur le niveau n = 3, etc. On trouvera les expressions de 1'emissivite correspondante dans Lang [280], section 1.31 ou dans Beckert et al. [24]. La figure 5.3 donne les coefficients d'emission continue 7^ = ev/(nine} libre-libre + libre-lie et de rayonnement a deux photons de 1'hydrogene (voir le paragraphe suivant) en fonction de la longueur d'onde, dans le domaine visible. La figure 5.4 montre le spectre libre-libre + libre-lie a toutes les longueurs d'onde pour un plasma d'hydrogene a Te 7 103 K, ce qui correspond a une region HII typique. Rayonnement a deux photons L'emission de rayonnement entre deux niveaux d'un atome peut se produire soit directement par un seul photon, soit par 1'intermediate d'un niveau virtuel non quantifie, avec emission de deux photons dont la somme des energies est egale a 1'energie de la transition. La probabilite de cette emission de deux photons est tres faible, mais elle peut devenir la source principale de desexcitation d'un niveau metastable s'il y a peu de collisions. Cette emission existe dans le cas de 1'helium neutre, qui presente deux series d'etats singulets et triplets entre lesquels les transitions sont interdites. Les recombinaisons produisent des quantites comparables de He I singulet
105
FlG. 5.2 - Rayonnement thermique d'une region Hn. (a) Distribution spectrale energetique de 1'intensite en fonction de la frequence (en abscisses), (b) Temperature de brillance en fonction de la frequence. L'epaisseur optique r est portee en abscisses en haut de la figure. La frequence VQ est celle on r I . D'apres Rohlfs fe Wilson [413], avec 1'autorisation de Springer Verlag. et triplet, et les cascades radiatives peuplent les niveaux les plus has, le niveau 2s 3S de la configuration triplet etant 19,81 eV au-dessus du niveau fondamental Is2 ^ de la configuration singulet. Le niveau triplet ne peut se desexciter radiativement que par emission de deux photons, dont 1'energie est comprise entre 0 et 9,9 eV. Ce rayonnement est cependant faible vis-a-vis des autres rayonnements continus des regions Hll. De meme, 1'hydrogene peut se recombiner sur le niveau 22S1/2 qui ne peut se desexciter radiativement que par emission de deux photons, produisant un continuum croissant vers 1'ultraviolet qui, lui, est plus intense que le continuum libre-libre + libre-lie vers 4000 A. II est montre (Figure 5.3) pour 1'hydrogene. Lumiere stellaire diffusee et emission thermique des poussieres Les regions H n contiennent des poussieres qui diffusent la lumiere des etoiles excitatrices et produisent done une certaine brillance dans le visible et surtout dans 1'ultraviolet. Elles absorbent aussi une partie des photons emis
106
FlG. 5.3 Variation avec la frequence des coefficients d'emission continue de Hi, Hei et Heii a une temperature de 104 K. Le coefficient d'emission continue a deux photons de 1'hydrogene 70(2<?) est egalement indique. D'apres Brown & Mathews [62], avec 1'autorisation de 1'AAS.
par les etoiles et du rayonnement Lyman a de la region Hll, et rayonnent 1'energie ainsi absorbee dans 1'infrarouge moyen et lointain, produisant ainsi un continuum thermique. Ces emissions sont quantitativement tres importantes et seront examinees au chapitre 7 (voir par exemple la Figure 7.8).
107
FlG. 5.4 - Le spectre total (libre-libre + libre-lie) d'un plasma d'hydrogene a 7 103 K, normalise a 5 GHz. La ligne en traits et points est la contribution libre-libre. La contribution du rayonnement ci deux photons, qui n'est importante que dans 1'ultraviolet, est negligee ici. D'apres Beckert et al. [24], avec 1'autorisation de 1'ESO.
5.1.3
Ce sont les raies permises de H, He, O, C, etc., qui sont emises par les cascades de desexcitation radiative suivant les recombinaisons sur les niveaux eleves de ces atomes. Des images de regions H n dans la raie de recombinaison Ha de 1'hydrogene se trouvent dans les planches 1, 9, 10, 16, 18 et 29. La planche 17 montre une image dans la raie de recombinaison infrarouge Brackett 7. Le peuplement direct des niveaux atomiques consideres a partir du fondamental par collisions electroniques est negligeable, sauf pour I'helium (Benjamin et al. [27]). Nous n'etudierons ici que les raies de 1'hydrogene. Pour les autres, voir Osterbrock [365]. La figure 5.5 montre le diagramme des niveaux d'energie de 1'hydrogene (diagramme de Grotrian). II est interessant de constater d'emblee que, si la nebuleuse est optiquement epaisse dans les raies de Lyman, toute recombinaison cree necessairement un photon dans une raie ou dans le continuum de Balmer, comme le montre la figure 5.6. Cette propriete est tres interessante car elle permet d'estimer le nombre de recombinaisons done d'ionisations par 1'observation des raies ou du continuum de Balmer (discontinuite, voir les figures 5.3 et 5.4). C'est la methode de Zanstra. Par ailleurs, tout photon Lyman a emis dans une nebuleuse optiquement epaisse aux raies de Lyman est reabsorbe par le premier atome d'hydrogene
108
FlG. 5.5 - Diagramme de niveaux d'energie de 1'hydrogene, avec la nomenclature des differentes series. Le nombre quantique principal n est indique a la gauche de chacun des niveaux. L'echelle des ordonnees est en nombre d'ondes I/A, a multiplier par he pour avoir 1'energie. D'apres Lang [280], avec 1'autorisation de Springer Verlag. neutre qu'il rencontre, lequel reemet aussitot un autre photon Lyman a dans une direction arbitraire. Ces photons se propagent done par marche au hasard (diffusion resonante) jusqu'a ce qu'ils echappent de la nebuleuse ou qu'ils soient absorbed par la poussiere presente dans la region Hil 1 . Le niveau de nombre quantique principal n = 2 peut aussi se desexciter par emission de deux photons, ou une ionisation peut se produire a partir de lui. Calculons maintenant 1'intensite des raies de recombinaison. Comme ces raies sont toujours optiquement minces, ceci revient a calculer la population des niveaux, car on obtient immediatement 1'intensite emise par cm3 qui est nuAuihvui (1'emission induite est negligeable). La frequence de la raie pour un atome hydrogenoi'de est telle que
1. Le probleme de la diffusion resonante se pose aussi dans le milieu neutre, ou les photons de Lyman se propagent par marche au hasard jusqu'a ce qu'ils soient absorbes par les poussieres. Pour un traitement de cette diffusion, voir Neufeld [360] et les references qu'il cite, et pour une application a Pechappement des photons Lyman a d'une galaxie, voir Lequeux et al. [300].
109
FlG. 5.6 - Schema montrant que toute recombinaison dans une region HII produit un photon de Balmer dans le cas B. TAB. 5.2 - Masse atomique, constante de Rydberg et decalage en vitesse des raies de recombinaison de n eleve (raies radio) pour des atomes abondants. Atome
1
2
E He
ou nu et HI sont ici les nombres quantiques principaux des niveaux superieur et inferieur de la transition. RM = -Roo/(l + m e /M) est la constante de Rydberg pour 1'atome de masse M et Z sa charge effective (me est la masse de 1'electron). Z est tres peu different de 1 pour les grandes valeurs de n (> 100) car alors les transitions concernent un electron unique tres eloigne du reste de 1'atome, c'est-a-dire du noyau avec le reste de son cortege electronique : 1'atome est alors hydrogeno'ide. Le tableau 5.2 donne M et RM pour les atomes les plus importants, ainsi que le decalage en vitesse des raies de n tres eleve de ces atomes par rapport a celles de 1'hydrogene. La force d'oscillateur des premieres raies de Balmer (/ = 2) est fa =
110
0,641(w = 3),//3 = 0,119(u = 4),/ 7 = 0,044(w = 5 ) , f s = 0,021(w = 6) et fe = 0,012(u = 3). On en deduira Au<2 par 1'equation 4.26. Pour les expressions generates, voir Lang [280], section 2.12. Pour les raies de recombinaison radio de n eleve, on a quel que soit 1'atome :
On a 1'habitude de definir les populations des niveaux au moyen de coefficients d'ecart a 1'ETL bn qui donnent le rapport de la population reelle a celle qu'on aurait a 1'ETL, donnee par la loi de Saha dont on trouvera la demonstration dans la plupart des traites d'astrophysique ou de mecanique statistique :
avec les poids statistiques gn = 2n2 et ge = 2. II faut done calculer les bn des niveaux interessants, en resolvant les equations d'equilibre statistique qui font intervenir les quantites suivantes : Le taux A//w de transitions radiatives cm~ 3 s~ 1 . On neglige les transitions collisionnelles et on a, en utilisant les equations 3.3, 3.12, 3.13 et 4.26
/ etant la force d'oscillateur de la transition. On utilise souvent pour Iv un rayonnement de corps noir a la temperature effective de 1'etoile excitatrice, dilue par un facteur W = r^/r 2 , r* etant le rayon de 1'etoile et r la distance a 1'etoile. Cependant la distribution spectrale energetique du rayonnement UV lointain d'une etoile differe enormement de celle d'un corps noir, et il est bien preferable d'utiliser le spectre stellaire donne par des modeles comme celui de Schaerer & de Koter [431]. Le taux J\fui de transitions radiatives de u a /. On a, en negligeant 1'emission induite ce qui n'est pas justifies en radio (voir la section suivante),
5.1 Les regions Hll Le taux de recombinaisons, par exemple sur le niveau /
111
ou K est une constante et xi lg potentiel d'ionisation a partir du niveau I (pour les details de 1'etablissement de cette equation, voir Lang [280] Sections 2.10 et 1.31). La resolution de ce systeme d'equations est un probleme assez complexe, mais qui se simplifie dans deux cas : Cas A de Baker et Menzel : 1'etoile n'emet pas dans les raies de Lyman, ce qui est vrai pour les etoiles chaudes normales , et la nebuleuse est optiquement mince dans les raies de Lyman si bien qu'il n'y a pas d'absorption dans ces raies a partir du niveau 1. L'equilibre du niveau n s'ecrit alors :
ou les termes representent respectivement les cascades des niveaux superieurs sur n, les recombinaisons sur n, les cascades a partir de n sur les niveaux inferieurs et les photo-ionisations a partir de n. Cas B de Baker et Menzel : 1'etoile n'emet pas dans les raies de Lyman, et la nebuleuse est optiquement epaisse dans les raies de Lyman. C'est le cas general pour les nebuleuses gazeuses, qui correspond a la figure 5.6. On a alors A/in = Nn\ et 1'equilibre du niveau n s'ecrit :
On neglige en general les photo-ionisations a partir des niveaux n > 2 qui sont bien moins peuples que le niveau n = 1. On obtient ainsi un systeme en principe infini d'equations lineaires en n n , done en bn. On trouvera une solution dans Hummer & Storey [235], Storey & Hummer [474] et les articles qu'ils citent. On y trouvera 1'intensite des raies de Balmer, et aussi le decrement de Balmer c'est-a-dire le rapport de 1'intensite des differentes raies de Balmer a H/3 (raie 4-2). Ce rapport est presque le meme dans les deux cas et ne depend que tres peu des conditions physiques (ne et Te}. Le tableau 5.3 donne la longueur d'onde et 1'intensite relative a H/3 des premieres raies des series de Balmer (n-2), Paschen (n-3), Brackett (n-4) et Pfund (n-5) pour ne = 104 cm~ 3 et Te = 104 K, dans le cas B. Voir
112
TAB. 5.3 - Longueur d'onde en fj,m et intensite relative a H/? des principales raies de recombinaison visibles et infrarouges de 1'hydrogene pour ne = 104 cm"3 et Te = 104 K, dans le cas B. D'apres Hummer & Storey [235].
Ha
E(3 H7 RS He
Pa P0
P7
P6 Pe
Serie de Balmer 0,6563 2,85 0,4861 1,00 0,4340 0,469 0,4101 0,260 0,3970 0,159 Serie de Paschen 0,332 1,875 1,282 0,162 1,094 9,01 ID"2 5,5310-2 1,005 0,9546 3,6510-2
Serie de Brackett Bra 4,05 7,77 1Q-2 Br/9 2,63 4,47 ID"2 Br7 2,17 2,75 ID"2 BrJ 1,94 1,81 10-2 1,82 1,2610-2 Bre Serie de Pfund Pfa 7,46 2,4510-2 4,65 1,5810-2 Pf/3 Pf7 3,74 1,0410-2 Pft 3,30 7,25 10-3 3,04 5,24 1Q-3 Pfe
Hummer & Storey [235] et Brocklehurst [60] pour les raies plus elevees, les raies de He n et pour d'autres valeurs des parametres. L'interet des rapports entre raies de recombinaison, et en particulier du decrement de Balmer, est que la comparaison des rapports observes et des rapports theoriques (Tableau 5.3) peut servir a estimer le rougissement done 1'extinction interstellaire dans la direction de la region H n (Caplan & Deharveng [67]). En particulier 1'extinction visuelle Ay est liee a 1'exces de couleur Ep-a = 2,5\og[Itheor(H/3)/I0b8(H/3)}/[Itheor(Ha)/Iobs(Ha)} par la relation
L'intensite des raies de recombinaison depend de la temperature et est proportionnelle a neni, c'est-a-dire en fait a n2,. On a par exemple pour la raie H/?, dans le cas B, une intensite I(H/5) = 15,4 10~26 n2 unites c.g.s. pour Te = 5 103 K, 8,3 de ces unites pour Te = 104 K et 4,2 pour Te = 2 104 K. Le rapport d'une raie de recombinaison de 1'hydrogene au continuum radio librelibre donne une autre mesure de 1'extinction. Cette determination ne coincide pas toujours avec celle basee sur le decrement de Balmer, un probleme discute en detail par Caplan & Deharveng [67]. Une relation utile est :
ou I(H(3) est en erg cm 2 s l et ICOnt(y] est en erg cm 2 s l Hz 1 ou en 1023 Jy. La comparaison de ce rapport observe avec le rapport theorique
113
peut egalement servir a determiner 1'extinction. Comme il n'y a aucune extinction en radio, on obtient directement 1'extinction a H/3, A(j3) = 1,19Ay. L'observation montre que 1'extinction ainsi determinee est en general superieure a celle qui est determinee a partir du decrement de Baimer, ce qui est surtout un efFet de selection du a 1'inhomogeneite de 1'extinction : 1'extinction mesuree par le decrement de Balmer est relative aux regions relativement transparentes ou on voit a la fois la raie H/5 et la raie Ha, tandis qu'on voit en radio toute remission de la region Hn. Enfin il faut signaler que le rapport de 1'intensite des raies de recombinaison de 1'helium et de 1'hydrogene permet d'obtenir 1'abondance de rhelium, dont c'est la meilleure determination. Cette determination n'est cependant pas sans probleme, comme il est discute en detail dans 1'ouvrage de Pagel [370].
5.1.4
Ces raies correspondent a des transitions entre niveaux de nombre quantique n tres eleve (n > 30 environ). On distingue des raies a (n + 1 > n),/5 (n + 2 > n),7 (n + 3 > n), etc. De tres nombreuses raies de H et de He ont ete observees, ainsi que des raies de C et S. Cependant ces dernieres proviennent plutot des regions de photodissociation que des regions H n, ces dernieres contenant peu d'ions C II et SII car ces elements s'y trouvent surtout sous forme deux fois ionisee. Pour ces niveaux d'energie tres eleves (etats de Rydberg) les atonies se comportent de fagon quasi classique : on peut les considerer comme une charge positive ponctuelle autour de laquelle tourne tres loin un electron unique. Comme la force d'oscillateur des raies de recombinaison decroit comme 1/n2 alors que la section efficace de transition par collision avec les electrons depend peu de n, les transitions collisionnelles sont plus importantes que les transitions radiatives, contrairement a ce qui se passe dans le domaine optique. On peut done supposer 1'ETL en toute premiere approximation. Alors la population des niveaux repond a la loi de Saha (voir Eq. 5.29 avec bn = 1). Dans 1'approximation de Rayleigh-Jeans, on en deduit facilement la population nn du niveau n
Le coefficient d'absorption pour une raie a est (quel que soit 1'atome), en presence du seul elargissement Doppler
ou VQ est la frequence centrale de la raie et Ai/ sa largeur a demi-hauteur. Comme / oc 1/n2 et nn oc n 2 , K ne depend pas beaucoup de n. Si la raie
114
est optiquement mince, ce qui est tres generalement le cas, on a au centre de la raie une temperature de brillance
La raie est toujours superposee au continuum thermique de la region HII, qui est generalement optiquement mince si v > 1 GHz. Le rapport raie/continuum, obtenu en combinant les equations 5.40 et 5.26, est
Le dernier facteur provient de ce que He II et H n contribuent tous deux a ne. Cette relation peut etre utilisee pour determiner la temperature electronique, dans la mesure ou 1'ETL est valable, ce qui est davantage vrai aux frequences elevees. Par exemple on a TQQa/Tcont = 0,245 a 22,364 GHz pour la Nebuleuse d'Orion (Orion A). Avec n(Heii)/n(Hn) = 0,08 et A^1/2 = 25,7 kms" 1 , on trouve Te 8200 K, ce qui parait raisonnable a premiere vue. On note souvent T* les temperatures ETL ainsi determinees. Cependant 1'hypothese de 1'ETL est dangereuse. Bien que les populations soient presque a 1'ETL, de faibles ecarts peuvent avoir un effet important comme on va le voir. En introduisant les coefficients bn d'ecart a 1'ETL, on peut ecrire le coefficient d'absorption sous la forme
Meme si bn et bn> sont voisins, kTe/hv etant 1, le terme entre crochets peut etre tres different de 1 et eventuellement negatif : dans ce dernier cas on a un effet maser. II est done necessaire de calculer les bn avec precision. L'allure de la variation de bn avec n est montree dans la figure 5.7. Pour traiter le problem e correctement, il faut resoudre 1'equation de transfert en tenant compte de ce qu'il y a simultanement emission de la raie et du continuum libre-libre. L'equation de transfert est2
2. La quantite j ( u } est 1'emissivite par steradian, qui est l/4n fois 1'emissivite e^ des equations 5.18 et 5.19.
115
FlG. 5.7 - Coefficients bn d'ecart a 1'ETL (en haut) et leur variation dlfferentielle dlnbn/dn (en has) en fonction du nombre quantique n pour les raies de recombinaison radio, pour une temperature Te 104 K et differentes valeurs de la densite electronique ne. D'apres Walmsley [512], avec 1'autorisation de PESO.
116 De meme :
Pour la raie, on a
itf.aie(y) etant le coefficient d'absorption qu'aurait la raie si elle etait emise a 1'ETL, dont on a vu 1'expression (Eq. 5.39). On en deduit facilement le rapport raie/continuum en resolvant 1'equation de transfert. On peut deduire des equations precedentes la relation entre la vraie temperature electronique Te et la temperature T* determinee a partir de 1'equation 5.41 en supposant 1'ETL (voir Rohlfs & Wilson [413], Sections 13.5 et 13.6) :
avec
Pour les regions H n ce rapport est plus grand que le rapport a 1'ETL, en raison d'un effet maser, mais 1'ecart n'est important qu'aux basses frequences, v < 10 GHz environ. Par exemple, pour la raie H 66a de la Nebuleuse d'Orion, Te = 1,07 T*. D'autre part, la temperature deduite des raies de recombinaison est en general en bon accord avec celle que 1'on deduit des raies interdites optiques, que nous examinerons dans la prochaine section. Elle est plus facile a obtenir, notamment pour des regions obscurcies puisque les ondes radio ne sont pas absorbees dans le milieu interstellaire. Par ailleurs la mesure de la frequence des raies de recombinaison permet d'obtenir la vitesse radiale des regions HII, y compris de celles qui sont invisibles optiquement, ce qui a un grand interet pour la determination de la structure de la Galaxie. Elles ont beaucoup servi a la construction de la figure 1.2.
117
Des raies de recombinaison radio d'autres elements ont aussi ete bien observees. Celles de 1'helium sont utilisees pour obtenir le rapport d'abondance He/H, mais il faut reconnaitre que les resultats obtenus avec les raies de recombinaison optiques sont plus precis. Les autres raies, notamment celles du carbone, sont emises dans les regions de photodissociation qui seront traitees au chapitre 10. Les raies du carbone sont aussi formees dans le gaz atomique diffus (voir pour une discussion Payne et al. [376]). Nous nous contenterons de signaler ici que ces raies sont augmentees par la recombinaison di-electronique (Goldberg & Dupree [185]) : pour un ion complexe une fois ionise, la recombinaison avec un electron peut former un atome doublement excite (c'est-a-dire avec deux electrons excites) qui se desexcite ensuite sur un etat simplement excite (voir Lang [280], Section 2.10.g). Ce phenomene est important pour certains elements et doit etre pris en compte dans une theorie correcte du gaz ionise.
5.1.5
Beaucoup de raies tres intenses emises par les regions Hll ont ete identifiees assez tardivement a des transitions interdites. Nous avons deja presente quelques-unes de ces transitions dans la section 4.1.2. La figure 5.8 montre un spectre optique typique de region HII ou Ton peut voir a la fois des raies de recombinaison et des raies interdites. Un spectre infrarouge se trouve plus loin (Figure 7.8). Des images dans des raies interdites optiques se trouvent planches 9, 16 et 25. La planche 22 montre une image dans une raie interdite dans 1'infrarouge moyen. A titre d'exemple, nous presentons (Figure 5.9) le diagramme d'energie des niveaux les plus bas de O III. Ces transitions, dont les caracteristiques sont donnees parmi d'autres dans le tableau 4.1, sont de trois types. 1. Les transitions dans 1'infrarouge lointain entre les sous-niveaux du triplet de structure fine 3P, 3Pi -*3P0 a 88,4 //m et 3P2 -^3Pi a 51,8 //m (la transition 3?2 -3Po est tres fortement interdite et inobservable, comme on 1'a explique section 4.1.2). On peut aisement calculer le rapport des populations de niveaux 2 (3P2) et 1 (3Po) en ecrivant les equations d'equilibre statistique, simples ici car on peut negliger 1'absorption et 1'emission stimulee, les raies etant optiquement minces :
avec Cji = ne(ajiv} (Eq. 3.42) et dj = Cjigj/gi)exp(-hi/ji/kTe) (Eq. 3.38). Pour une distribution maxwellienne des vitesses des electrons, on a (Eq. 4.17)
118
FlG. 5.8 - Spectre optique de la Nebuleuse d'Orion. La figure du bas montre les raies fortes, et la figure du haut montre les raies faibles, les raies fortes etant ecretees. Les raies principales sont identifiees. Les raies de Nil ne sont pas separees de Ha a cette resolution, de meme que la raie [O m]A4363 de H7. Remarquer les raies elevees de la serie de Paschen n - 3 a droite de la figure. D'apres Baldwin et al. [15], avec 1'autorisation de 1'AAS. Au cas ou on a trois niveaux, la solution s'ecrit
Dans notre cas A^\ ~ 0. La connaissance de n<2/n\ permet d'obtenir immediatement le rapport d'intensite des deux raies :
Ce rapport croit avec la densite jusqu'a atteindre le rapport ETL aux fortes densites. II ne depend par centre que tres peu de la temperature car 1'energie des raies est petite devant kTe. Ceci est illustre figure 5.10. Le rapport d'intensite des raies 88,4 et 51,8 //m est done un excellent indicateur de la densite electronique, et 1'intensite d'une de ces raies donne une bonne mesure de 1'abondance de O in. II est interessant de constater que ces determinations de la densite
119
FlG. 5.9 - Diagramme d'energie des niveaux les plus has de Oin. La valeur des nombres quantiques et la nomenclature des niveaux est indiquee a gauche. Les transitions indiquees, avec leur longueur d'onde, sont toutes interdites et neanmoins tres intenses dans les regions H n.
FlG. 5.10 - Rapport d'intensite des deux raies de structure fine de O in 3?2 > 3 Pi a 52 /xm et 3 Pi > 3P0 a 88 //m, en fonction de la densite electronique ne, pour trois valeurs de la temperature electronique Te. La courbe en traits-points est pour Te = 5 000 K, celle en traits pleins pour 8 000 K et celle en pointilles, presque indiscernable de la precedente, pour 10 000 K. On voit que le rapport ne depend pratiquement pas de Te. D'apres Rubin [415], avec 1'autorisation de 1'AAS. montrent invariablement que les regions HII ne sont pas homogenes mais presentent des fluctuations de densite importantes. Les raies interdites, comme d'ailleurs les raies de recombinaison et le continuum libre-libre et libre-lie, proviennent preferentiellement des regions de forte densite puisque leur emissivite est proportionnelle a n*. 2. Les transitions optiques X D 2 -+3P2 a 5007 A et X D 2 ^3Pi a 4959 A dites raies nebulaires. Ces deux raies partant du meme niveau sont toujours dans le meme rapport, egal a 2,9. L'intensite d'une de ces
120
Chapitre 5 : Le gaz interstellaire ionise raies peut etre utilisee pour obtenir 1'abondance de O in a condition de connaitre la densite et la temperature.
3. La transition optique 1So + 1 D2 a 4363 A dite raie aurorale. Le rapport d'intensite de cette raie a 1'une des raies nebulaires (ou le rapport RQ a la somme des deux raies nebulaires) peut etre calcule par les equations 5.53 et 5.54. En utilisant les valeurs numeriques des C et A, on obtient les relations
et
La valeur obtenue pour Te est evidemment celle qui correspond a la region ou 1'oxygene existe sous forme de O ill. Malheureusement la raie aurorale a 4363 A n'est observable que lorsque la temperature est suffisamment elevee. Au cas contraire, il est difficile d'obtenir la temperature electronique. On peut obtenir des relations analogues pour les raies optiques de N I I :
et
Dans ce cas, la temperature correspond a la zone ou 1'azote est principalement sous la forme de N n. Elle est moins elevee que Te[O in].
5.1.6
Les regions Hn sont des lieux privilegies pour la determination de 1'abondance de ceux des elements qui donnent des raies de recombinaison ou de structure fine observables. La liste de ces elements est cependant limitee pour 1'instant a He, C, N, 0, Ne, S, Ar et Fe. Par centre un grand nombre d'autres elements sont observables dans certaines nebuleuses planetaires comme NGC 7027, dont les raies sont tres intenses (Baluteau et al. [18]). La determination de 1'abondance des elements dans les regions H n pose cependant beaucoup de problemes, qui font 1'objet d'une tres abondante
121
litterature et sont exposes en detail par exemple dans 1'ouvrage de Pagel [370]. II n'est pas possible ici de les discuter de fagon meme simplifiee, mais on peut en donner un bref apergu. 1. Les abondances sont relatives a 1'hydrogene, observable par ses raies de recombinaison. Seuls quelques elements donnent des raies de recombinaison observables, dont la physique est comparable : 1'helium, et aussi le carbone et 1'oxygene dont les raies sont tres faibles. D'autres raies encore plus faibles ont ete detectees, par exemple par Esteban et al. [155]. C et O donnent aussi des raies semi-interdites dans Pultraviolet lointain ([C III Al 909 A et [0 III Al 666 A : voir par exemple Garnett et al. [177]), dont la physique est complexe. Dans ce cas, comme d'ailleurs dans tous les cas, il est necessaire de corriger 1'intensite des raies de 1'extinction interstellaire, qui peut heureusement etre deduite dans une certaine mesure du decrement de Balmer. 2. Les abondances deduites des raies de structure fine dans le domaine visible sont sensibles a la fois a la temperature electronique et a la densite, ce qui en rend 1'interpretation delicate. Dans certains cas comme ceux de O in et de N n discutes au paragraphe precedent, on peut obtenir la temperature de la zone emettrice, ce qui rend la determination d'abondance beaucoup plus sure. Cependant, meme dans de tels cas, les fluctuations de temperature, si elles existent, entrainent des erreurs systematiques dans les abondances, erreurs qui peuvent etre importantes (Peimbert [377]). 3. Les abondances deduites des raies de structure fine dans 1'infrarouge moyen et lointain sont peu sensibles a la temperature electronique et peu affectees par 1'extinction par les poussieres, ce qui est un avantage considerable par rapport aux raies precedentes. On dispose maintenant, grace aux observations avec le Kuiper Airborne Observatory et surtout avec ISO, d'un ensemble important d'observations de telles raies provenant des regions Hll : [Nil], [Nm], [Om], [Neil], [Nein], [Sill], [Siv], [Aril], [Arlll] : voir le tableau 4.1. D'autres sont a venir avec le satellite SIRTF et 1'avion SOFIA. On constate des differences importantes entre les abondances deduites de ces raies et celles deduites des raies visibles, ce qui peut provenir des fluctuations de temperature ou d'erreurs dans certains parametres atomiques. 4. Tous les elements sauf evidemment 1'hydrogene existent sous forme de plusieurs etats d'ionisation dans les regions Hll. Or on ne peut evidemment determiner 1'abondance que des ions observables. Si un tel ion est une espece tres minoritaire, il ne donne aucune information utile car les parametres des regions Hll sont le plus souvent trop incertains pour qu'on puisse resoudre 1'equilibre d'ionisation avec une precision convenable. C'est le cas par exemple de Oi, de Cn, de Sn ou de
122
Chapitre 5 : Le gaz interstellaire ionise Si II. De plus, les raies de ces ions sont emises intensement par les regions de photodissociation qui sont a 1'interface entre les regions HII et le milieu neutre alentour, ce qui peut apporter une confusion dans leur observation dans la region HII. Si 1'ion observe est une espece majoritaire, la situation est plus favorable car on peut esperer calculer plus ou moins precisement 1'abondance des ions non observes. Mais il reste des incertitudes si on demande une bonne precision, comme par exemple dans le cas de rhelium dont une partie peut se trouver sous forme de Hei pratiquement inobservable. Le cas le plus favorable est celui de 1'oxygene dont les etats d'ionisation principaux, O II et O in sont tous deux observables optiquement et pour lequel on peut determiner T e (0ni). Aussi est-ce apres 1'helium 1'element dont 1'abondance est la mieux determinee, au moins si la temperature est suffisante pour que la raie a 4363 A soit mesurable. Si ce n'est pas le cas, on utilise des relations empiriques entre 1'abondance d'oxygene et 1'intensite des raies [O il]AA3 726,3 729 et [O m]AA4 959,5 007 relative a H/? (Pagel [370]), ce qui ne permet pas une grande precision.
5.2
En dehors des regions Hli bien definies, le milieu interstellaire contient du gaz ionise diffus, qui peut provenir des fuites de gaz ionise hors des regions HII par 1'effet champagne, de 1'ionisation du gaz neutre diffus par le rayonnement UV d'etoiles chaudes isolees, et peut etre aussi d'autres mecanismes. Les planches 1 et surtout 10 montrent bien 1'emission de la raie Ha par le gaz ionise diffus dans des galaxies exterieures. Dans notre Galaxie, ce gaz ionise diffus, dont la masse, tres superieure a celle du gaz des regions Hn, est de 1'ordre de 1/3 de celle du Hi, est mis en evidence par differentes methodes d'observation. 1. La dispersion du rayonnement radio des pulsars donne une densite moyenne (ne) ~ 0,03 cm~ 3 dans le milieu diffus. La rotation Faraday du plan de polarisation des radiosources synchrotron donne le produit f neB\\ ds (voir Section 2.2.2), mais est plutot utilisee pour determiner le champ magnetique. La scintillation interstellaire qui affecte le rayonnement radio des pulsars temoigne aussi de 1'existence d'un milieu ionise diffus, mais ne peut en donner la densite car elle depend aussi de la structure de ce milieu. Nous ne discuterons pas la scintillation interstellaire dans le present ouvrage ; pour une revue voir Narayan [358]. Taylor & Cordes [483] ont utilise 1'essentiel des informations disponibles pour construire un modele de la distribution des electrons dans la Galaxie. 2. L'emission des raies de structure fine de N n a 122 et 205 /^m en provenance du milieu diffus a ete vue pour la premiere fois avec
123
le satellite COBE (Wright et al. [530]). Des raies d'absorption ultraviolettes proviennent des trois niveaux correspondants de cet ion (Gry et al. [195]). L'azote ayant un potentiel d'ionisation de 14,534 eV, superieur a celui de 1'hydrogene (13,598 eV), la presence d'azote ionise implique que 1'hydrogene est egalement ionise. 3. L'emission d'un continuum radio libre-libre aux frequences elevees, et 1'absorption libre-libre du continuum synchrotron de la Galaxie et de radiosources extragalactiques aux tres basses frequences (2-10 MHz), ne sont pas limitees aux seules regions Hli mais sont plus diffuses, ce qui montre 1'existence d'un gaz ionise diffus. 4. On retrouve cette propriete pour 1'emission des raies de recombinaison radio de 1'hydrogene a relativement basse frequence, par exemple la raie H166a a 1,44 GHz (voir par exemple Lockman [313]). Les effets non ETL font que ces raies sont relativement plus intenses que celles de haute frequence dans le gaz diffus par rapport aux regions H n. 5. Mais la meilleure methode d'etude du gaz ionise diffus, parce qu'elle permet d'en atteindre la physique, est 1'observation des raies optiques de recombinaison et de structure fine. L'existence d'une emission Ha diffuse en dehors des regions Hli est connue depuis longtemps (Sivan [451]). Malgre leur faiblesse, les raies Ha, [Nil]A6583 et [Sn]A6716 ont pu etre observees a haute resolution spectrale dans de vastes regions du ciel (Haffner et al. [203]). Voici quelques resultats obtenus par cette methode. Aux latitudes galactiques elevees, 1'intensite de la raie Ha decroit quand la latitude galactique croit (Reynolds [404]) :
On peut en deduire la mesure d'emission EM (Eq. 5.24) du gaz ionise diffus par la relation
ou la mesure d'emission est en cm 6 pc. Les equations 5.59 et 5.60 conduisent a une mesure d'emission perpendiculaire au plan galactique de 2,7 cm~ 6 pc. Comme 1'echelle de hauteur du milieu est probablement de 1'ordre de 1 kpc, (rig) 1 / 2 ~ 0,05 cm~ 3 . Comme on a determine par ailleurs (n e ) ~ 0,03 cm~ 3 (voir ci-dessus), on voit que ce milieu est assez uniforme. La temperature du gaz ionise diffus peut etre obtenue en comparant la largeur des raies Ha et [S il]. Ces raies sont elargies par effet Doppler resultant de 1'elargissement thermique, qui est proportionnel a A~1/2, A etant le nombre de masse atomique, (~ 1 pour H et 32 pour S), et de 1'elargissement par
124
turbulence qui ne depend pas de A (voir Eq. 4.30 et 4.31). On en deduit une temperature TK Te de 1'ordre de 8000 K. La non-detection de la raie [Oin]A5007 et 1'abondance relativement basse de He+ (He+/He = 0,3-0,6) montrent que 1'excitation du milieu (c'est-a-dire la fraction de photons UV lointains de tres haute energie) est relativement faible, si bien que 1'azote doit se trouver essentiellement sous la forme de N n et non de N ill qui requerrait une energie de 29,6 eV, le potentiel d'ionisation de NII. Haffner et al. [203] montrent que, dans ces conditions, 1'intensite de la raie [N li]A6 583 est
ou 1'intensite /(R) est exprimee en rayleigh3 (1R = 2,4 10 7 erg cm 2 s l sterad^1 a Ha), T4 est la temperature en unites de 104 K et EM est la mesure d'emission en cm~ 6 pc. Reynolds et al. [406] deduisent de 1'observation de la raie [0 l]A6300 que 1'hydrogene est presque entierement ionise dans le milieu ionise diffus, done n(H + )/n(H io t) ~ 1. En effet la reaction d'echange de charge H+ + O <> H + O + , qui est rapide en raison de la similitude des potentiels d'ionisation de H et de O (respectivement 13,598 et 13,618 eV), produit une certaine quantite d'oxygene neutre a partir de OII, et on a
f(Te] etant une fonction de la temperature donnee par Reynolds et al. [406]. De la mesure de /esoo/^a et connaissant O/H et Te, on peut deduire H/H+ qu'on trouve petit devant 1, si bien que H est fortement ionise. Ce raisonnement a cependant une faille : si une fraction de la raie [Oi]A6300 est produite dans des chocs, le degre d'ionisation est plus faible. Si nous supposons toutefois que le milieu est entierement ionise, y compris les elements de potentiel d'ionisation superieur a celui de 1'hydrogene, il n'y a pas d'azote neutre et N+/Ntot ~ 1. On peut alors ecrire simplement, en utilisant 1'expression donnant 1'intensite de la raie Ha [/#a(R) = 0,364T4"'9'M] :
Ce rapport peut done etre utilise pour obtenir la temperature. On verifie qu'elle est de 1'ordre de 8000 K, et on constate qu'elle est plus grande dans les regions de tres faible densite et qu'elle augmente avec la distance au plan galactique, ce qui suggere la presence d'une source supplementaire de chauffage plutot proportionnelle a ne qu'a n^, peut-etre la dissipation de la
3. Le rayleigh peut etre soit une unite de brillance monochromatique du ciel qui vaut 106/47r photons cm"2 s"1 sterad"1 A -1 (Leinert et al. [295]), soit une unite de brillance integree dans une raie qui vaut alors 106/4?r photons cm~ 2 s"1 sterad"1.
125
turbulence du plasma (Reynolds et al. [407]). Mais ce resultat doit etre revu si le milieu n'est que partiellement ionise. II y a egalement des variations du rapport d'intensite des raies [S n]/[N ll] avec la distance au plan galactique, qu'on peut attribuer a 1'ionisation partielle de SII en S in, plus facile que pour N n car le potentiel d'ionisation de SII n'est que 23,33 eV.
5.3
Le gaz chaud
Des 1956, Spitzer [463] avait suggere 1'existence d'un gaz chaud (T > 106 K) dans la Galaxie, dont la pression maintiendrait en equilibre les nuages H I a grande vitesse du halo galactique. En 1968 Bowyer et al. [55] decouvraient une emission diffuse de rayons X mous (< 1 keV) attribute a ce gaz. En 1974 Jenkins & Meloy [242] et York [534] observaient avec le satellite COPERNICUS les raies d'absorption de 0 VI a 1032 et 1038 A dans un grand nombre de lignes de visee. Ces raies ne peuvent pas provenir d'enveloppes circumstellaires car leur vitesse radiale est sans relation avec celle des etoiles tres chaudes devant lesquelle on les observe. On observe egalement des raies d'absorption interstellaires de N V et de CIV. Enfin, Inoue et al. [239], Schnopper et al. [434] et plus recemment Sanders et al. [423] ont observe en emission des raies X interstellaires de Ovil, de Ovin et d'autres ions. Toutes ces observations montrent, comme nous aliens le voir, 1'existence d'un gaz diffus a des temperatures de quelques 105 K a 107 K, qui provient visiblement des restes de supernova et des bulles (voir plus loin le Chapitre 12) : ces objets contiennent un tel gaz chaud qui se repand dans le milieu interstellaire. L'existence de cette composante, qui s'ajoute aux composantes decrites precedemment a conduit McKee & Ostriker [337] a proposer leur modele a trois composantes du milieu interstellaire dont nous reparlerons section 15.2.
5.3.1
II serait tres difficile d'ioniser radiativement 1'oxygene jusqu'a O VI, car cela necessiterait des photons de 114 eV. Par centre 1'ionisation collisionnelle d'un gaz est possible a haute temperature :alors, le gaz s'ionise spontanement par collisions atomes-atomes. Les electrons ainsi liberes se thermalisent tres rapidement et sont finalement responsables de 1'essentiel de 1'ionisation, qui conduit a des ions multi-charges aux temperatures du gaz chaud interstellaire. Les equations qui regissent 1'ionisation et la recombinaison peuvent etre deduites facilement des equations que nous avons donnees pour les regions H n (mais 1'ionisation etait radiative dans ce cas). L'ionisation collisionnelle peut etre representee par une probabilite par atome et par unite
126
FlG. 5.11 - Structure d'ionisation a 1'equilibre de 1'oxygene en fonction de la temperature. L'abondance des differents ions est portee en fonction de la temperature. D'apres Schmutzler &; Tscharnuter [433], avec 1'autorisation de 1'ESO. de temps Pk, donnee pour un atome hydrogeno'ide par 1'expression semiempirique approchee
ou n est le nombre quantique du niveau a partir duquel se fait 1'ionisation, k designant le niveau continu, et \n est le potentiel d'ionisation a partir du niveau n, en unites de kTe. Inversement, la probabilite de recombinaison sur le niveau n s'ecrit
qu'on obtient en appliquant 1'equation de Saha (voir Eq. 5.29 avec bn I ) . Le calcul et la mesure des sections efficaces d'ionisation et de recombinaison des differents elements et ions importants font 1'objet d'une activite considerable en raison de leur importance pour la physique des plasmas. Pour une revue recente, voir Bohringer [41]. La figure 5.11 montre le resultat de calculs de structure d'ionisation a 1'equilibre pour les ions oxygene multicharges. On voit que les ions 0 VI vus en absorption interstellaire sont
127
FlG. 5.12 - Structure d'ionisation hors equilibre de 1'oxygene pour un plasma en cours de refroidissement. L'abondance des differents ions est portee en fonction de la temperature. Comparer a la figure 5.11. D'apres Schmutzler & Tscharnuter [433], avec 1'automation de 1'ESO. abondants a 3 105 K, et que les ions Ovn et Ovm dont les raies X sont observees en emission indiquent des temperatures plus elevees, de 1'ordre de 106 K. Le fer est un autre element tres important pour 1'etude du gaz chaud, mais les donnees atomiques pour cet element ont ete beaucoup modifiees ces dernieres annees et sont peut tre encore incertaines. Les raies d'ions eleves du fer ont ete bien observees, notamment dans le milieu chaud intergalactique des amas de galaxies. II est certain que les satellites X AXAF-CHANDRA et XMM-NEWTON fourniront des donnees importantes sur le gaz chaud galactique grace a ces raies et a celles d'autres elements comrne Mg, Ne, S, Si et bien entendu O, dont les observations actuelles sont encore quelque peu marginales (voir par exemple Sanders et al [423]). La planche 11 montre une observation recente (imagerie et spectroscopie) de gaz chaud diffus dans le Grand Nuage de Magellan, obtenue avec le satellite XMM-NEWTON. Un probleme pour 1'interpretation des observations est qu'il n'est pas certain que le gaz chaud soit a 1'equilibre d'ionisation. La recombinaison est un processus tres lent aux densites probablement tres faibles du milieu (ne <C 10~2 cm~ 3 ). Par exemple le temps caracteristique pour la recombinaison de Cv en Civ est de 1'ordre de 2 106 ans pour ne = 10~2 cm~ 3 . II pourrait etre necessaire d'utiliser des modeles hors-equilibre, dont certains
128
ont ete deja developpes par exemple par Breitschwerdt & Schmutzler [59]. La figure 5.12 montre un exemple de resultat d'un tel modele pour I'oxygene : la comparaison avec la figure 5.11 montre des differences tres importantes, un diagnostic spectroscopique base sur les raies des ions oxygene (ou autres) conduisant dans ce cas a des temperatures bien plus basses que pour un modele a 1'equilibre. Cette temperature est aussi plus basse que celle que donnerait 1'observation du continuum X du meme gaz. II n'est pas possible avec les donnees actuelles de choisir entre ces modeles.
5.3.2
L'emission de raies X
L'interpretation des spectres X est connue depuis 1917. Dans un atome, les electrons sont arranges en couches designees K,L,M, etc. a partir de la plus profonde qui contient deux electrons. Un electron est ejecte de la couche K, par exemple par 1'absorption d'un photon d'energie suffisante ou par collision electronique. Bien entendu 1'energie du photon ou de 1'electron doit etre superieure a 1'energie d'ionisation a partir du niveau K. S'ils sont illumines par des photons X, les atonies produisent done un spectre d'absorption X avec une discontinuity correspondant a ce potentiel d'ionisation. Mais ils ne produisent pas en X de raies d'absorption semblables aux raies optiques. Le vide laisse dans la couche K par cette ejection peut etre comble par un electron capture des couches plus exterieures, avec emission d'un photon. Les raies Ka, K/3, etc. correspondent a ces retombees a partir des couches L, M, etc. La frequence de la raie Ka d'un element de charge nucleaire Z est donnee par la lot de Moseley
ou R est la constante de Rydberg et ae, la constants d'ecran, a une valeur voisine de 1. En fait le niveau K est simple, le niveau L triple, le niveau M quintuple. La figure 5.13 montre la disposition et la nomenclature de ces niveaux et des raies permises qui les relient : en particulier les raies Ka et K/3 sont doubles (et non pas triples ou quadruples respectivement), en raison des regies de selection. Les ions multi-charges emettent egalement des raies interdites optiques, decouvertes initialement dans la couronne solaire. Certaines ont ete observees dans le gaz chaud present dans les chocs dans les restes de supernova et dans le gaz interstellaire (Planche 11).
5.3.3
Les plasmas chauds produisent une emission libre-libre (free-free, ou bremsstrahlung) et libre-liee (free-bound) semblable a celle des plasmas a ~ 104 K des regions HII.
129
FlG. 5.13 - Diagramme d'energie montrant la nomenclature des raies X et la correspondance des niveaux avec celui des alcalins, d'ou Ton peut deduire les regies de selection. D'apres Born [48].
L'emissivite libre-libre est donnee par 1'equation 5.18 ou 5.19. Le facteur de Gaunt Qff(v,Te) = ^ I n A ~ 0,551nA (Eq. 5.20) est tel pour les energies qui nous interessent que
avec 7 = 1,781. L'epaisseur optique etant toujours faible dans le cas interstellaire, 1'emissivite est en T 1 / 2 exp(hvjkT\ La forme du spectre permet de mesurer la temperature. L'emission libre-liee est egalement importante. On trouvera des tableaux donnant remission continue totale aux energies des X mous (1 A a 30 A, ou 12,4 keV a 0,41 keV) et pour des temperatures de 8 105 K a 108 K dans Culhane [99].
5.3.4
Resultats
Malgre Panciennete relative du sujet, notre connaissance du milieu chaud reste fragmentaire et incertaine, en raison a la fois des difficultes d'observation et d'interpretation. L'hypothese meme de 1'equilibre de pression entre les
130
nuages et le milieu a haute temperature, qui a declenche les recherches et est a la base des modeles de milieu interstellaire comme celui de McKee & Ostriker [337], est controversee. Par ailleurs, comme on le verra section 15.2, la conduction thermique entre le gaz chaud et les nuages plus froids, qui joue un grand role dans ce modele, est incertaine. On connait done mal la fraction du volume du disque galactique qui est occupee par le gaz chaud : d'apres une simulation numerique de 1'evolution des restes de supernova qui sont a 1'origine du gaz chaud, Ferriere [163] estime cette fraction a environ 30 % dans le plan de symetric du disque, une valeur qui augmenterait rapidement avec 1'altitude pour atteindre 80-90 % a 2 kpc. Sur une ligne de visee, on observe dans le continuum X un melange d'emission de regions proches et de rayonnement plus lointain absorbe par des nuages interstellaires interposes. Cependant on peut, dans un certain nombre de directions, observer remission X continue devant un nuage interstellaire que 1'on peut considerer comme opaque au rayonnement X plus lointain. C'est le cas de 1'observation de 1'emission de la Bulle locale devant un nuage situe a 55 pc (de Boer & Kerp [104]). L'analyse du spectre continu de 1'emission X (apres correction de Fabsorption residuelle par le milieu interstellaire local) permet d'obtenir de fac,on assez sure la temperature (Te = 105'9 K), la densite (ne = 0,004 cm~3) et done la pression P (P/k = neTe = 16 500 K cm~3) dans la Bulle locale. Les observations X du halo galactique donnent des resultats difficiles a interpreter (Hurwitz & Bowyer [237]). Un grand progres est en train de se realiser grace au satellite FUSE, avec lequel on a deja realise un assez grand nombre d'observations des raies de O vi devant des sources extragalactiques d'UV lointain. On sait deja que la densite moyenne de O VI dans le plan galactique d'environ 2 10~8 ion cm"3 (Savage et d. [427]), ce qui correspondrait a une densite de gaz chaud (3 105eK) de 1'ordre de 3 10~5 cm"3. Mais il y a aussi du gaz chaud a d'autres temperatures, et la densite reelle dans les regions chaudes est plus grande puisque ces dernieres n'occupent qu'une partie du volume du disque. L'echelle de hauteur du O VI au-dessus du disque est tres grande, environ 2,7 kpc. Celle des ions de plus faible potentiel est encore plus grande : 3,9 kpc pour Nv, 4,4 kpc pour Civ et 5,1 kpc pour Siiv. Par ailleurs, on a observe avec FUSE la presence de O VI associe aux nuages Hi a grande vitesse (Sembach et al. [440]), qui pourrait resulter du chauffage de leur surface par conduction avec le gaz chaud dans lequel ils sont plonges.
5.4
L'absorption X
L'absorption X donnant une information sur la quantite totale de matiere interstellaire plus ou moins independamment de son etat physique, nous la traitons ici separement. Comme explique section 5.3.2, n'importe quelle matiere non completement ionisee interposee devant une source de rayons X absorbe son rayonnement,
5.4 L 'absorption X
131
avec une discontinuite caracteristique de 1'element absorbant. L'absorption du continuum de Lyman de 1'hydrogene atomique, dont la discontinuite est a 911 A, est la premiere de ces absorptions ; la discontinuite de 1'helium neutre est a 504 A, etc. La section efficace d'absorption liee-libre correspondante s'ecrit dans un champ coulombien
ou g/b est le facteur de Gaunt libre-lie, qui est peu different de 1 dans les conditions interstellaires (voir tableaux complets dans Karzas & Latter [261]). Cependant pour les atomes ou ions possedant plusieurs electrons et pour les molecules, le champ electrique n'est plus coulombien et il faut faire intervenir un facteur d'ecran. La section efficace peut alors differer beaucoup de celle donnee par 1'equation 5.68. L'hydrogene moleculaire a une section efficace par atome H superieure de 40 % a celle de 1'hydrogene atomique (Yan et al. [533]). Ces auteurs donnent egalement la valeur des sections efficaces d'absorption X par Hei et Hell. Bien entendu H n et He ill, etant completement ionises, n'absorbent pas en X. En tenant compte des abondances des principaux elements, on obtient la section efficace totale par atome d'hydrogene representee dans la figure 2.5. Cette absorption est extremement grande de 911 A a environ 0,1 keV (124 A), mais on a pu cependant observer entre ces longueurs d'onde des etoiles tres chaudes proches, notamment avec le satellite EUVE. Ce satellite a permis en particulier d'obtenir le degre d'ionisation de 1'helium dans le milieu interstellaire tres local, a partir du rapport des discontinuites d'absorption de Hell a 228 A et de He I a 504 A. On trouve un degre d'ionisation assez variable d'une ligne de visee a 1'autre, mais generalement inferieur a 60 % (Bowyer [56]). Aux energies ou elle a ete initialement mesuree (0,5 a 2 keV), 1'absorption X est dominee par les elements lourds, en particulier C, N et surtout O. Ryter et al. [420] ont montre qu'au voisinage du Soleil 1'absorption X mesuree devant des sources X est proportionnelle a la densite de colonne d'hydrogene atomique iV(Hi) et aussi a 1'exces de couleur E(B V) done a 1'extinction Ay, qui sont proportionnelles a la densite de colonne des poussieres interstellaires (Section 7.1). Us donnent les relations
Dans ces equations, NX est une densite de colonne d'hydrogene obtenue a partir de 1'absorption X en supposant les abondances solaires du tableau 1 de Morrison & McCammon [351], qui sont tres peu differentes des abondances solaires que nous donnons tableau 4.2, colonne 2. La premiere relation est incertaine car la raie 21 cm est assez optiquement epaisse dans plusieurs
132
des directions utilisees et il faut faire une hypothese sur la temperature du gaz pour deduire N(H. i) de 1'intensite de la raie (ici on a pris 100 K). De plus 1'hydrogene moleculaire a ete neglige. La deuxieme relation est plus sure. Elle est peu differente de la relation entre 1'exces de couleur et la densite de colonne totale de 1'hydrogene (incluant H2), qui est deduite plus directement des observations avec le satellite COPERNICUS (voir plus loin Eq. 7.5), ce qui montre que les abondances solaires utilisees ne sont pas tres differentes des abondances interstellaires. Les mesures d'absorption X sont d'un grand interet et ont beaucoup d'avenir pour la cartographic du milieu interstellaire dans la Galaxie.
6.1
Les rayons cosmiques sont des noyaux d'atomes (avec environ 1 % d'electrons) qui circulent dans le milieu interstellaire a des energies relativistes qui peuvent atteindre 1020 eV. Lorsqu'ils parviennent dans le voisinage de la Terre, ils interagissent avec la tres haute atmosphere et produisent des neutrons, etudies depuis longtemps avec les moniteurs a neutrons. Ceux d'energie superieure a 1012 eV generent en outre des avalanches de particules secondaires ionisantes qui sont detectables jusqu'au sol sur plusieurs milliers de m2 ; le flux qui en resulte est d'environ 1 particulecmT2 s"1. L'existence de particules ionisantes capables de decharger un electrometre et dont le flux croit avec 1'altitude, et qui par consequent viennent du ciel, a ete etablie par Hess [220] en 1912. Le terme de rayons n'est done guere approprie pour des particules, mais il est an ere dans 1'histoire. Les rayons cosmiques ont pose depuis le debut le probleme de leur origine, car on doit constater que la nature est capable d'accelerer des particules a des energies extremement elevees avec une facilite inattendue. Les rayons cosmiques qui parviennent au voisinage de la Terre gardent la memoire de leur origine et de leur circulation dans le milieu interstellaire,
134
ou ils ont sejourne plusieurs millions d'annees. Ils ont ensuite affronte 1'environnement solaire (vent solaire et champ magnetique), et se sont finalement heurtes au champ magnetique terrestre. Separer ces interactions de fagon satisfaisante fait encore partie des recherches actuelles. Nous montrerons que les rayons cosmiques sont d'origine galactique et non pas universelle ou metagalactique (Section 6.1.1), et nous presenterons les effets de 1'environnement solaire et terrestre sur leur propagation jusqu'aux instruments de detection (Section 6.1.2). Puis nous discuterons des proprietes des rayons cosmiques galactiques et des abondances observees (Section 6.1.3), et nous evoquerons les particules de tres haute energie (Section 6.1.4) et les electrons cosmiques (Section 6.1.5). Nous terminerons par leur confinement et la duree de leur sejour dans la Galaxie (Section 6.1.6)1.
6.1.1
La question de savoir si les rayons cosmiques sont d'origine galactique ou universelle (c'est-a-dire s'ils baignent tout 1'Univers) a ete posee de fagon recurrente. Elle a pu etre resolue par la mesure du rayonnement gamma qui serait emis par 1'interaction d'eventuels rayons cosmiques provenant du milieu intergalactique avec le milieu interstellaire d'une galaxie proche. II faut pour cela choisir une galaxie qui ne soit capable ni de produire abondamment par elle-meme, ni de confiner des particules de haute energie, comme semble le faire toute galaxie spirale (Section 6.1.6). Le Petit Nuage de Magellan, galaxie proche de faible masse, qui parait en voie de dislocation a la suite d'une collision avec la Voie lactee il y a 200 millions d'annees et qui n'est pas entierement lie gravitationnellement, est bien adapte a cette etude. En effet, comme nous le verrons plus loin (Section 6.2), les collisions des rayons cosmiques avec les noyaux du gaz interstellaire produisent un rayonnement gamma de 1'ordre de la centaine de MeV, d'intensite (en photon cm~ 2 s"1 sterad"1)
ou e7 est 1'emission gamma par atome d'hydrogene et par steradian donnee par 1'equation 6.20, et NH la densite de colonne sur la ligne de visee. Si les rayons cosmiques remplissaient tout 1'Univers, ou tout au moins le Groupe local de galaxies, avec la meme densite que ce qui est mesure dans la Galaxie,le flux de photons gamma de plus de 100 MeV regu du Petit Nuage de Magellan serait de 2,4 10~7 photon cm~ 2 s"1, comme 1'ont montre Sreekumar et al. [470]. Les observations rapportees par ces auteurs donnent 0,5 10~7 photon cm"2 s"1, soit 5 fois moins que ce que 1'on attendrait d'un rayonnement cosmique universel. La densite observee de rayons cosmiques est cependant a peu pres celle que Ton peut attendre de la structure et de la masse du Petit Nuage.
1. On trouvera un expose de base complet, quoique un peu ancien, dans Ginzburg & Syrovatskii [183].
135
Notons encore que la densite d'electrons relativistes rapportee a celle du gaz, telle qu'on la deduit du rayonnement radio, est aussi 5 fois plus faible dans le Petit Nuage de Magellan que dans la Galaxie, ce qui implique un rapport electrons/noyaux cosmiques analogue. Malgre la difficulte des mesures et leur interpretation, 1'ensemble de ces resultats est suffisamment convaincant pour exclure une origine universelle ou metagalactique des rayons cosmiques.
6.1.2
On sait que la couronne solaire n'est pas statique, mais qu'elle s'evapore a un taux de 1'ordre de 10~13 M 0 /an, produisant un gaz ionise en expansion, le vent solaire. Son intensite, qui est conditionnee par 1'activite solaire, varie sporadiquement, mais suit en moyenne le cycle solaire de 11 ans. Pendant les periodes calmes, la densite des particules est de 1'ordre de 5 cm~ 3 , leur vitesse (supersonique) de 300 a 500 kms^ 1 et leur temperature de 1'ordre de 105 K a 1'orbite de la Terre. Pendant les periodes actives, ces nombres peuvent croitre de plus d'un ordre de grandeur. Le champ magnetique qui regne a la surface du Soleil est entraine par ce plasma en expansion, auquel il reste lie. II forme des tubes de lignes de force du meme signe que celui du champ au point d'origine. En raison de la rotation du Soleil, les tubes forment un reseau en spirale d'Archimede. Mais 1'irregularite de 1'activite solaire produit des variations de la vitesse et de la densite du vent qui perturbe cette image simple, dont la structure a grande echelle reflete 1'histoire de 1'activite solaire des quelques semaines ou mois passes. L'intensite du champ magnetique est de 1'ordre de 10 /ugauss au niveau de 1'orbite de la Terre (voir par exemple Encrenaz et al. [153]). L'onde de choc qui marque la limite de la cavite solaire, ou se produit 1'impact du vent solaire sur le milieu interstellaire, pourrait se situer a une centaine d'unites astronomiques, en admettant 1'equilibre des pressions avec T = 7000 K et ne = 0,1 cm~ 3 pour le milieu interstellaire local a I'exterieur de la cavite solaire. Les particules de haute energie qui proviennent du milieu interstellaire ne peuvent atteindre 1'orbite de la Terre que si elles peuvent remonter le vent solaire, ce qui signifie que leur rayon de giration doit etre grand par rapport a la dimension des structures magnetiques interplanetaires (une fraction d'unite astronomique), et partant leur energie2 superieure a 1 GeV/nucleon (GeV/n) (Sections 6.1.6 et 12.4.1). Les particules d'energie plus basse atteignent 1'environnement terrestre par diffusion, avec d'autant plus de difficulte que leur energie est plus faible et que le vent solaire est plus intense ; aux energies inferieures a 100 MeV/n, 1'intensite des rayons cosmiques primaires est fortement reduite. Une anti-correlation entre 1'activite solaire, mesuree
2. On rapporte en general 1'energie des particules au nombre de nucleons qui les composent et on 1'exprime done en GeV/nucleon ou en MeV/nucleon, en abrege GeV/n ou MeV/n.
136
par le nombre de taches solaires, et le flux de rayons cosmiques d'energie de 1 a 2 GeV/n est bien observee au cours des cycles solaires. Ce phenomene est connu sous le nom de modulation solaire. Le comprendre en detail est indispensable a la connaissance du spectre et de la composition du rayonnement cosmique dans le milieu interstellaire (voir par exemple Fisk et al. [167]). Les sursauts solaires sont le plus souvent accompagnes de bouffees de particules chargees emises par le Soleil, dont 1'energie peut atteindre quelques centaines de MeV. Elles sont conduites par le champ magnetique issu du Soleil, et atteignent certainement le milieu interstellaire. Au passage, elles peuvent eitre detectees au voisinage de la Terre. Ce sont les rayons cosmiques solaires. Le champ magnetique terrestre affecte aussi la propagation des particules, mais ce champ est suffisamment bien connu (et peu etendu) pour que ses effets puissent etre prevus et meme exploites pour determiner 1'energie des particules. Sa structure en dipole, en premiere approximation, a pour effet que les particules chargees peuvent toujours atteindre le voisinage des poles magnetiques terrestres. C'est le cas en particulier des electrons acceleres lors des sursauts solaires, qui sont canalises vers ces regions et produisent les aurores boreales et australes. Aux plus basses latitudes /, les particules doivent avoir une energie E superieure a une limite, la coupure geomagnetique, pour etre detectables a proximite de la surface de la Terre. En voici quelques valeurs d'apres Longair [316] :
6.1.3
On denomme traditionnellement rayons cosmiques galactiques ou primaires les particules d'energie comprise entre ~ 1 et ~ 106 GeV/n. Leur energie est sufRsante pour qu'ils atteignent I'environnement solaire, et elle est encore assez faible pour qu'ils soient bien confines dans la Galaxie (Section 6.1.6). Us sont bien detectes par 1'instrumentation de la physique nucleaire, et ont fait 1'objet de nombreuses missions spatiales. L'abondance des particules de numeros atomiques compris entre 1 et 32 (de H a Ge) est representee dans la figure 6.1, conjointement avec 1'abondance standard ou universelle des elements. On constate que 1'abondance relative des noyaux cosmiques suit plus moins approximativement celle des elements, avec de notables exceptions (Li, Be, B) sur lesquelles nous reviendrons un peu plus loin. La figure 6.2 montre le spectre en energie observe de quelques elements du rayonnement cosmique, entre 0,01 et 100 GeV/n. La retombee de 1'intensite vers les basses energies et le dedoublement des courbes montre bien que la modulation depend de 1'etat calme ou actif du Soleil. La remontee aux
137
FlG. 6.1 - Abondance des elements dans le rayonnement cosmique (ligne epaisse) comparee aux abondances galactiques (ligne mince), normalisees a 1012 pour Phydrogene. Remarquer la surabondance considerable de Li, Be et B dans le rayonnement cosmique. Adapte de Lund [322].
energies inferieures a quelques dizaines de MeV/n correspond au flux moyen des rayons cosmiques solaires, et n'a rien a voir avec les rayons cosmiques galactiques. Plusieurs essais ont ete faits pour essayer d'estimer le flux de rayons cosmiques de basse energie en depit de la modulation solaire. Prantzos et al. [389] 1'ont calcule a partir de 1'abondance des elements legers Li, Be et B qui sont produits par 1'interaction des rayons cosmiques de basse energie et des noyaux interstellaires lourds (voir plus loin). Ceci requiert 1'utilisation d'un modele de propagation des rayons cosmiques et d'un modele devolution chimique de la Galaxie. Leur resultat, porte sur la figure 6.2, est en bon accord avec le resultat des calculs de Ip & Axford [240], faits a partir d'une theorie de 1'acceleration des rayons cosmiques. Entre 3 et 300 GeV/n, le spectre d'energie differentiel est represente par une loi de puissance de la forme3
3. Noter que, suivant 1'usage des experimentateurs, le flux de particules est donne par metre carre.
138
FlG. 6.2 - Le spectre d'energie du rayonnement cosmique observe pour les protons (H), les particules a (He) et les noyaux de fer. En dessous de 104 MeV/nucleon, les courbes se divisent, la courbe la plus elevee correspondant au minimum d'activite solaire, la courbe la plus basse au maximum d'activite : c'est la modulation solaire. Aux tres basses energies, la remontee est due aux rayons cosmiques d'origine solaire. La courbe en traits gras est une estimation du spectre des protons en dehors de la cavite solaire, due a Prantzos et al. [389]. Adapte de Silberberg & Tsao [449].
Au-dela de cette energie, le spectre devient plus raide : le module de 1'exposant croit de 0,5. Nous parlerons des particules de tres haute energie dans la section 6.1.4. La pression totale des rayons cosmiques est estimee a 1,3 10~12 dynecm~ 2 , et la contribution des particules de moins de 300 GeV/n en constitue le quart (Holzer [229]). Les particules circulant dans le milieu interstellaire subissent diverses interactions qui les ralentissent. La plus importante, qui affecte surtout les particules d'assez basse energie, inobservables de 1'interieur de la cavite solaire, est 1'ionisation, qui sera traitee section 8.1.2. Le ralentissement par collisions libre-libre et par le rayonnement synchrotron est negligeable (sauf pour les electrons). Les collisions inelastiques avec les noyaux d'hydrogen e du milieu interstellaire sont peu importantes quant au bilan energetique, mais produisent des mesons TT qui se desintegrent chacun en une paire de photons gamma. Ce phenomene sera traite dans la section 6.2, ainsi que le rayonnement de freinage et 1'efFet Compton inverse.
139
Des etudes detaillees sur 1'abondance des rayons cosmiques en fonction du numero atomique montrent aussi que leur source peut etre trouvee tres naturellement dans la Galaxie. On exprime cette abondance relativement a 1'abondance standard des elements (Figure 6.1), meme si des doutes pesent sur la valeur exacte de 1'abondance de certains elements, comme on 1'a vu section 4.1.3. On peut d'emblee relever trois faits remarquables qui sont : 1. une forte surabondance des elements legers, Li, Be, B, par rapport aux abondances standards ; 2. une correlation positive des abondances avec le premier potentiel d'ionisation de 1'atome neutre correspondant ; 3. une abondance relativement elevee et inattendue de noyaux provenant d'atomes lourds generalement inclus dans les poussieres (Chapitre 7). Nous aliens examiner ces trois aspects en detail. Les elements legers La figure 6.1 montre que 1'abondance des noyaux cosmiques Li, Be, B (souvent dits elements L, pour legers) suit de fagon a peu pres reguliere celle des elements de numero atomique voisin, alors que 1'abondance standard de ces elements est plus faible que celle des elements voisins par un facteur de 1'ordre de 106 a 107. Cette constatation nous impose une digression sur la nucleosynthese et I'enrichissement de la Galaxie en elements legers. Les elements L sont fragiles ; ils sont detruits par la capture d'un proton de faible energie en des reactions exothermiques telles que
avec des seuils de reaction inferieurs a 10 keV. II s'ensuit que, lorsque ces elements sont emportes dans les profondeurs de la zone convective des etoiles en formation, ils sont soumis a des temperatures de 1'ordre de 107 K, suffisantes pour les detruire en quelques millions d'annees (voir par exemple Reeves [402]). Les elements L qui existent dans le milieu interstellaire ou les planetes ne peuvent done pas provenir de la nucleosynthese stellaire comme les autres elements, mais doivent avoir une autre origine, que Ton trouve dans des reactions a haute energie. Les collisions d'un proton ou d'une particule alpha rapide circulant dans le milieu interstellaire avec un noyau C, N, 0 produisent des reactions de spoliation qui brisent 1'atome et produisent les atomes plus petits Li, Be, B. La reaction inverse d'un ion rapide C, N, O reagissant avec un atome du milieu interstellaire se produit egalement, mais avec un rendement de 1'ordre
140
FlG. 6.3 Section efficace de production des noyaux de Li, Be et B par spallation d'un noyau de 12C par un proton. Les sections efficaces pour la spallation de 16O et 14 N sont peu differentes. D'apres Parizot (these, 1997, Universite Paris VI), adapte de Read & Viola [401]).
de 20 % de la reaction directe. Le seuil de ces reactions est tres abrupt et se situe vers 50 MeV, energie qui correspond a la plus grande section efficace, puis decrolt ensuite comme le montre la figure 6.3. La plus forte production de ces elements est done liee aux particules cosmiques de faible energie, dont la mesure directe nous echappe a cause de la modulation solaire. Mais 1'abondance des elements L est directement liee a 1'integrate du flux de rayons cosmiques de 50 MeV, multiplie par 1'abondance de C, N, O au cours de la vie de la Galaxie. Apres le travail de pionnier de Meneguzzi et ol. [343], un traitement auto-coherent du probleme a ete entrepris par Prantzos et ol. [389]. II inclut 1'evolution de 1'abondance de C, N, O et de la forme du halo galactique au cours du temps, et prend en compte la duree de vie et les pertes d'energie des rayons cosmiques par ionisation, avec un spectre initial plus plat et plus intense dans le passe en raison du plus grand nombre de supernovae. La longueur d'echappement L 6-10 gcm~ 2 (Section 6.1.6, Eq. 6.5) est deduite de 1'abondance relative (Li,Be,B)/(C,N,0) actuelle dans les rayons cosmiques. Le spectre obtenu est represente dans la figure 6.2 par le trait gras. Malheureusement cette methode ne permet pas de connaltre le flux des rayons cosmiques aux energies inferieures a 50 MeV. Un espoir reside dans 1'observation des raies gamma nucleaires, comme on le verra section 6.3.
141
II est remarquable que ces elements L, qui contrairement a tous les autres elements sont detruits au lieu d'etre produits dans 1'interieur des etoiles, soient crees dans le rayonnement cosmique avec une abondance comparable aux autres elements par 1'interaction avec le milieu interstellaire. II ne faut sans doute voir la qu'une des curieuses coincidences que 1'on rencontre dans 1'etude de 1'Univers. Les autres elements (A > 10) On a remarque depuis longtemps que les abondances dans le rayonnement cosmique par rapport aux abondances standards ont tendance a decroitre avec la valeur du premier potentiel d'ionisation de 1'atome neutre d'ou ils sont issus, comme le montre la figure 6.4. On peut noter en particulier que les protons (noyaux d'hydrogene) et les alphas (noyau d'helium) sont en gros 10 a 30 fois moins abondants que les noyaux plus lourds. Ce phenomene a suggere dans le passe que le materiau dont sont formes les rayons cosmiques est puise dans les couronnes stellaires, et que plus il est facile a ioniser, plus il a de chance d'etre ensuite accelere. Bien entendu, au fur et a mesure que 1'energie des particules accelerees croit, celles-ci sont depouillees des electrons des couches plus profondes et finissent completement nues. Mais ce qui precede ne peut pas s'appliquer aux elements qui sont facilement condensables et sont en general fixes dans les poussieres interstellaires (Tableau 4.2). On sait par exemple que le fer est presque entierement bloque dans les grains, et qu'il n'en reste pas plus de 1 % sous forme atomique ou ionique dans le gaz interstellaire (Tableau 4.2). Pourtant la figure 6.5 montre que les elements relativement lourds et les plus condensables sont parmi les plus abondants, en contradiction apparente avec le point evoque ci-dessus. La resolution de cette contradiction doit etre recherchee dans une etude plus approfondie des mecanismes d'acceleration, qui seront traites dans la section 12.4. Nous dirons seulement ici que les grains de poussiere interstellaire sont en general charges electriquement et que, malgre leur rayon de giration enorme dans le champ magnetique interstellaire, ils peuvent etre acceleres comme des ions tres lourds. En gagnant de la vitesse, ils subissent une erosion (en anglais sputtering) sous 1'impact des atomes du gaz et liberent les elements qui les composent, elements qui sont a leur tour acceleres. On verra plus loin que les explosions de supernova constituent une source d'energie largement suffisante pour alimenter une galaxie en rayons cosmiques. Notons cependant que 1'idee simple que 1'explosion projetterait les elements des supernovae a tres haute energie dans le milieu avoisinant n'est pas tenable, car les abondances provenant de la nucleosynthese explosive ne correspondent pas a celles qui sont observees4. En revanche, on pense depuis longtemps que les ondes de choc qui suivent 1'explosion offrent des mecanismes d'acceleration
4. Seule une certaine surabondance de 22 Ne, 16O et 12C dans les rayons cosmiques suggere une origine dans les supernovae, mais elle peut aussi provenir des etoiles de Wolf-Rayet.
142
FlG. 6.4 - Abondance des elements dans le rayonnement cosmique galactique (GCR) normalisee aux abondances standards, en fonction du premier potentiel d'ionisation (FIP). Les elements representes par un carre noir sont peu volatils et cependant aussi abondants que les plus volatils. D'apres Meyer et al. [345], avec 1'autorisation de 1'AAS.
efficaces, car 1'energie des rayons cosmiques represente un dixieme environ de celle qui est contenue dans les restes de supernova. Ce mecanisme d'acceleration sera traite section 12.4.
6.1.4
On a vu que les rayons cosmiques galactiques suivaient un spectre en loi de puissance jusqu'a une energie de 106 GeV/n (1015 eV/n). Au-dela de 5 106 GeV, 1'indice spectral passe a -3,0 comme le montre la figure 6.6. On constate sur cette figure des disaccords sur les intensites, mais 1'accord est assez bon sur 1'indice spectral. Une particule d'energie E > 106 GeV/n interagissant avec la tres haute atmosphere terrestre produit une avalanche de particules qui sont detectees au sol sur une surface de plusieurs milliers de m2. Les particules secondaires forment une grande gerbe. On peut aussi observer le flash de lumiere Cerenkov emis par le faisceau de particules relativistes dont la vitesse est superieure a la vitesse de la lumiere dans 1'atmosphere terrestre. Le nombre d'impacts au sol et leur temps d'arrivee
143
FlG. 6.5 - Abondance des elements dans le rayonnement cosmique galactique (GCR) normalisee aux abondances standards, en fonction du numero atomique A. La normalisation est pour 1'hydrogene. Les symboles indiquent le caractere plus ou moins volatil de 1'element. On constate que 1'abondance est plus grande pour les atonies lourds, et parmi eux pour les moins volatils. Les lignes en traits discontinus et mixtes correspondent aux predictions d'un modele d'acceleration dont on parlera au chapitre 12, qui fait intervenir 1'acceleration des grains interstellaires charges dans des ondes de choc, dont la vitesse est indiquee. D'apres Ellison et al. [141], avec 1'autorisation de 1'AAS.
permettent de deduire 1'energie de la particule initiale et sa direction. La physique hadronique qui est a 1'ceuvre dans la formation de ces gerbes est mal connue, et la determination du numero atomique ou de la charge de la particule initiale est encore sujette a caution. L'energie est probablement mieux etablie car elle ne depend que du nombre de particules presentes dans la grande gerbe. Les differences entre les temps d'arrivee sur les detecteurs en fonction de leur position permettent de connaitre la direction de la particule initiale.
144
FlG. 6.6 - Spectre des rayons cosmiques de tres haute energie. Ici on trouve en abscisses 1'energie par particule, et non 1'energie par nucleon. Les points correspondent aux flux de protons determines par differentes installations, de meme que les hachures et le pointille qui proviennent d'une analyse differente des gerbes par le groupe de Sydney. Le spectre des elements C, N, O et Fe est indique aux plus basses energies. Remarquer la cassure du spectre a E = 5, 5 106 GeV, ou 1'indice spectral passe a 3 en module. D'apres Hillas [222], avec 1'autorisation d'Annual Reviews, http: //www. AnnualReviews. org. L'existence de particules de 1018 eV (109 GeV) est bien etablie. En admettant qu'il s'agisse de protons, le rayon de courbure de leur trajectoire dans un champ de 5 //G serait de 200 pc, encore compatible avec 1'echelle de hauteur de la Galaxie, 1'extrapolation des modeles du confinement galactique leur donnerait une duree de sejour dans la Galaxie ; de 1'ordre de 100 ans seulement. L'existence de particules d'energie encore plus elevee, atteignant 1020 eV (Takeda et al. [480]) est egalement connue comme le montre la figure 6.6. Notons que la frequence de ces evenements est de 1'ordre de un par km2 et par siecle ! Certains auteurs ont cru voir que les directions d'arrivee s'accumulaient vers les poles galactiques, mais ce point n'est pas admis par tous les chercheurs. Une origine extragalactique a ete frequemment evoquee et discutee. Elle pose des problemes serieux, comme la perte d'energie des particules provenant de sources lointaines due a 1'expansion de 1'Univers. S'il s'agit de protons, les collisions avec les photons du rayonnement de 1'Univers a 2,73 K devrait aussi les detruire en ~ 3 108 annees, ce qui limiterait la distance des sources possibles a 100 Mpc et produirait une coupure du spectre en energie vers 5 1019 eV (voir Cesarsky [74]).
145
Admettre que ces particules sont des noyaux d'atomes lourds en rend 1'explication plus plausible. Par exemple, un atome de fer (masse 56) de 1020 eV ne contiendrait que 2 109 GeV/n, avec un rayon de giration de 1'ordre de 1000 pc, peut-etre encore possible pour une origine galactique. Mais alors le nombre d'evenements est trop eleve pour etre compatible avec 1'abondance du fer dans le rayonnement cosmique extrapolee aux tres hautes energies. On ne peut se defendre de 1'idee que 1'interpretation de ces observations en est encore a un stade assez speculatif. Le projet AUGER, avec un tres grand detecteur dans chaque hemisphere terrestre, pourrait aider a resoudre ces problemes.
6.1.5
On detecte aussi au voisinage de la Terre des electrons d'energie comprise entre 1 et 103 GeV au moins, dont le flux a 10 GeV est le centieme de celui des protons. Le spectre observe dans I'environnement solaire (compte tenu des effets de modulation) peut etre represente par une loi de puissance (Longair [316]) :
La pente du spectre, plus forte que celle des protons, est due pour 1'essentiel aux pertes d'energie par rayonnement synchrotron5. Nous avons donne section 2.2.3 quelques elements et formules utiles concernant le rayonnement synchrotron galactique. Ces electrons sont ultrarelativistes et leur rayon de giration est a peu pres le meme que celui des protons. Les sites privilegies d'acceleration sont les ondes de choc des restes de supernova : le rayonnement synchrotron de ces electrons en trace la morphologie (voir plus loin la section 12.1.6, et les planches 26 et 28). Le spectre deduit des mesures radioastronomiques a un indice de 2,2 environ en module (Webber [517]). La difference avec le spectre dans le systeme solaire donne par Pequation 6.3 provient de la modulation par le champ magnetique et des pertes par rayonnement synchrotron. Environ 1 % des electrons de haute energie sont des positrons. Us proviennent des reactions a haute energie des rayons cosmiques avec le milieu interstellaire.
6.1.6
Bien que les particules de haute energie circulant dans le milieu interstellaire subissent des collisions avec les atomes, les molecules et les poussieres, leurs trajectoires sont dominees par le champ magnetique. L'energie totale d'une particule dont 1'energie par nucleon est En vaut AEn,
5. Les spectres publies dans les annees soixante sont plus durs, sans doute en raison d'une moins bonne discrimination des evenements parasites au-dela de 10 GeV.
146
ou A est le numero atomique. Le rayon de giration r d'une particule relativiste de masse Amp, d'energie par nucleon En a la limite relativiste circulant perpendiculairement a un champ magnetique d'induction B est donne par :
Ainsi, des protons d'energie E c 106 GeV dans un champ 5 = 5 /j,G ont un rayon de giration r ~ 71017 cm (0,2 pc), soit beaucoup moins que 1'echelle de hauteur de la Galaxie, et ces particules sont bien confinees par le champ magnetique. Elles sejournent longtemps dans la Galaxie avant de s'echapper eventuellement. Pour une revue generale et historique du sujet, voir par exemple Cesarsky [73]. La longueur du trajet que les particules efFectuent est generalement exprimee sous la forme
ou L represente la densite de colonne totale de matiere traversee en g cm~ 2 , p(s) etant la densite de masse du milieu au point s. Denommee le grammage, c'est la grandeur physique la plus representative et la plus utile pour etudier les interactions de type nucleaire. Le grammage est lie a la densite de colonne rencontree par la particule par la relation L = N//j,mn, ou H est la masse moleculaire moyenne des particules du milieu. Nous verrons par la suite qu'il est de 1'ordre de 6 a 10 gcm~ 2 . La pression exercee par les rayons cosmiques est de 1/3 de leur densite d'energie, laquelle est 4 10~12 erg cm"3 ou 2,4 eVcrn"3 (Holzer [229]). Elle s'exerce sur le champ magnetique, qui est lie au gaz, lui-meme confine dans la Galaxie par la gravitation (Section 2.2). Si la production de rayons cosmiques etait trop abondante, ceux-ci s'echapperaient necessairement, en entrainant le champ magnetique et le gaz. Ainsi, la gravitation met indirectement une limite a la densite des rayons cosmiques. Sous reserve des effets de la modulation solaire, les directions d'arrivee des rayons cosmiques sont isotropes par rapport au Centre local des vitesses : la faible anisotropie (en anglais streaming) qui est observee est due au mouvement du Systeme solaire. Aucune direction privilegiee qui pourrait indiquer une source n'est decelable. Cette constatation est a premiere vue difficile a admettre, car intuitivement les rayons cosmiques devraient suivre les lignes de force du champ magnetique. Une importante diffusion transversale est cependant possible a cause des irregularites magnetiques (Section 12.4.1), mais elle ne peut pas etre facilement quantifiee car 1'importance et le spectre de ces irregularites dans la Galaxie n'est pas reellement connu. De nombreux auteurs ont aborde cette question, en introduisant entre autres le fait que les rayons cosmiques eux-memes excitent des ondes d'Alfven dans le milieu interstellaire, done des irregularites, qui a leur tour diffusent les particules.
147
II s'etablit done une equipartition de 1'energie entre les rayons cosmiques et le milieu interstellaire. Les particules diffusent le long des structures magnetiques a grande echelle et traversent de nombreuses fois la Galaxie. La diffusion transversale peut les amener dans le halo galactique ; elles peuvent y sejourner un certain temps, puis revenir dans le milieu interstellaire, ou alors s'echapper defmitivement vers 1'espace inter galactique. C'est le modele dit de la botte poreuse (en anglais leaky box). La solution de 1'equation de diffusion indique que la distribution de la longueur des trajets avant echappement est de forme exponentielle, L(x) = e x p ( X / X Q ) , ou XQ est une longueur caracteristique qui decroit avec 1'energie (voir par exemple Berezinskii [29]). Les particules de haute energie s'echappent done plus tot que celles de basse energie. II s'ensuit que le module de 1'indice du spectre moyen des rayons cosmiques dans le milieu interstellaire est superieur de 0,5 a 0,6 environ a celui du spectre a la source (voir par exemple Longair [316]). L'indice du spectre a la source peut theoriquement atteindre 2 en module (Section 11.6.2), alors que Ton observe 2,65 au voisinage du Soleil (Section 6.1.3). Duric et al. [133] ont montre que les observations du rayonnement radio de la galaxie M 33 permettent de verifier ces faits. Admettons que le spectre des electrons relativistes soit le meme que celui des rayons cosmiques, et notons que, si le spectre des electrons suit une loi de puissance d'indice 7, 1'indice spectral du rayonnement synchrotron vaut a = (7 l)/2 (Eq. 2.17). L'indice du spectre radio des restes de supernova dans cette galaxie vaut en moyenne a = 0,6, et celui du milieu interstellaire 0,8 a 0,9. La difference correspondante entre les indices 7 est done bien de 1'ordre de 0,5 a 0,6. Le modele de la boite poreuse est etaye par trois types d'arguments que nous evoquons ici.
Le spectre d'energie
Syrovatskii [479] a presente 1'argument heuristique suivant, qui explique de fagon naturelle le spectre des particules de haute energie en se fondant sur la stationarite et 1'equipartition de 1'energie. Soient ucr la densite d'energie du rayonnement cosmique dans le milieu interstellaire, uturb celle de 1'energie cinetique qui est dominee par les mouvements macroscopiques principalement turbulents, et UB celle du champ magnetique. En raison de ce qui a ete dit ci-dessus, 1'energie se repartit au moins approximativement entre ces trois grandeurs, et Ton a pour la densite de 1'energie totale du systeme utot = ucr + uturb + UB- Supposons que 1'on ait aussi
148
ou nous avons suppose qu'au debut les particules ont toutes la meme energie EQ, et une densite n. La perte d'energie totale du systeme est supposee due uniquement a la fuite dn de particules et est done EQ dn. Mais afin de conserver la relation de 1'equation 6.7, 1'energie des particules restantes doit se reajuster de telle maniere que
L'observation du spectre donne une valeur de 5 proche de 1/2, ce qui montre que 1'equipartition est approximativement satisfaite, comme on 1'a postule. Le spectre en loi de puissance peut se comprendre en remarquant que les rayons cosmiques n'ont pratiquement pas d'interaction entre eux, et par consequent ne tendent pas a s'accumuler autour d'une energie moyenne. Un raisonnement plus rigoureux que celui que nous avons presente se trouve dans Ginzburg &; Syrovatskii [183].
L'abondance des elements legers et la longueur de parcours
La production des elements secondaires formes par spallation depend naturellement de la longueur des trajets effectues par les particules primaires avant de s'echapper, et des sections efficaces de formation. Une modelisation de la distribution des parcours a chaque energie des particules, tenant compte eventuellement des pertes d'energie, permet de determiner le grammage moyen L traverse par les particules en fonction de 1'energie. Seul ce grammage moyen peut etre finalement exploite dans 1'interpretation. Associe aux mesures de 1'abondance des descendants de C, N et O qui sont les elements legers (Li, Be, B), mais aussi a celles des descendants du fer (Sc, Ti, V, Cr, Mn), on peut confirmer (et meme affiner) la distribution exponentielle des
149
parcours des atomes parents et determiner le grammage moyen en fonction de 1'energie. Les resultats different legerement suivant les auteurs, en raison de choix differents des sections efficaces et des distributions. Ce sujet est encore en cours de developpement. Nous mentionnons ici commme representatifs, mais non exclusifs, les resultats de Duvernois et al. [134], ou 1'on trouvera aussi un expose succint de la methode et les references necessaires. Le meilleur accord est obtenu par une distribution exponentielle des longueurs de parcours
On trouve que x0 est de 1'ordre de 7 gcm~ 2 avec une dependance en energie qui se traduit par un pic a 9 gem" 2 vers 300 MeV/n, refletant la variation avec 1'energie de la section efficace de formation. La longueur du trajet correspondant a XQ dans le disque galactique est de 1'ordre de 1000 kpc, soit 50 fois le diametre de la Galaxie. Notons cependant que la fraction du parcours que les particules effectuent dans le halo galactique, ou elles ne subissent pratiquement pas de collisions, n'est pas incluse dans ces 1000 kpc.
Les horloges cosmiques
Parmi les elements formes par spallation, certains sont radioactifs. Si les sections efficaces de formation de ces elements sont connues et si leurs durees de vie sont de 1'ordre du million d'annees, une mesure du rapport d'abondance des elements pere et fils permet de determiner le temps qui separe la formation de Pelement de son observation. L'element le mieux approprie a cette determination est le 10Be, qui se desintegre en 10B en 1,5 millions d'annees (demi-vie)6 par radioactivite /3. 26A1, avec une duree de vie de 0,85 millions d'annees, est aussi un candidat possible, mais il est moins abondant. Simpson & Garcia-Munoz [450], dans leur etude tres complete, trouvent ainsi un temps de confinement moyen de 11 a 22 millions d'annees. Des travaux plus recents tendent plutot a confirmer la limite superieure. En comparant ce chiffre au grammage moyen de 7 gcm~ 2 indique plus haut, on trouve une densite moyenne sur le parcours de 1'ordre de 0,2 atomecm"3. En admettant que la densite du milieu interstellaire proprement dit (dans le disque) soit de 1 atomecm"3, cela signifie que les particules de haute energie passent pres des 4/5 de leur vie dans le halo. La presence de particules de haute energie dans le halo est confirmee par le rayonnement synchrotron du halo, indice de la presence d'electrons relativistes.
6.2
L'interaction des particules cosmiques avec le milieu interstellaire produit des photons gamma par trois mecanismes que nous aliens examiner
6. La valeur de 2,5 millions d'annees que 1'on trouve dans des tableaux un peu anciens n'est plus admise.
150
6.2.1
Les collisions entre les noyaux charges de haute energie du rayonnement cosmique et les noyaux interstellaires produisent des gammas par rintermediaire de mesons 7r. Les protons etant les particules les plus abondantes, on peut negliger en premiere approximation les interactions p-a ou ct-p. L'interaction proton-proton produit des mesons (pions) charges TT^ et des mesons neutres TT. Les pions charges se decomposent en muons i^ et neutrinos, les muons se decomposant finalement en electrons ou positrons selon leur charge, et en neutrinos. C'est ce processus qui est a 1'origine des positrons du rayonnement cosmique. Les pions neutres, qui nous interessent ici, se decomposent en deux photons gamma de meme energie. La reaction p+p a un seuil d'environ 280 MeV. La section efficace totale de cette reaction est de 1'ordre de 2,7 10~26 cm~ 2 pour des energies de protons incidents superieures a 2 GeV. Elle produit un nombre de pions croissant lentement avec 1'energie. Le nombre de pions charges par reaction (multiplicite) est 2('p/GeV)0'25, Ep etant 1'energie du proton, et le nombre des pions neutres est sensiblement la moitie de celui des pions charges. Chacun de ces pions a approximativement 1'energie
soit a peu pres 1/10 de 1'energie du proton incident pour Ep = 10 GeV. Pour des formules plus exactes qui tiennent compte de la distribution d'energie des pions, voir Dermer [109]. Chaque pion neutre TT se decompose en une paire de photons gamma d'energie egale emis dans la direction de propagation du pion. Dans le referentiel du pion, chacun de ces photons a une energie de 1/2 ra^oc2 = 68 MeV, m^o etant la masse au repos du pion. On obtient 1'energie de chaque photon E-y dans le referentiel de 1'observateur par transformation de Lorentz :
ou 7^0 = ' 7r o/(m 7r oc 2 ) est le facteur de Lorentz du pion ; (3no = v/c, v etant la vitesse du pion (en fait peu differente de c), et 9' sa direction par rapport a la ligne de visee. En supposant une distribution isotrope des vitesses des pions, on obtient par integration sur toutes les directions la probabilite conditionnelle d'obtenir
6.2 Le continuum en rayons gamma une paire de photons d'energie E7 ci partir d'un pion d'energie E^o :
151
II faut maintenant integrer sur le spectre d'energie des pions le spectre partiel de photons emis par les pions d'energie Ewo. Si le spectre des pions incidents est cL/V = Af(Ep)dEp, et n la densite du milieu interstellaire, on obtient un taux de production par unite de volume, dans toutes les directions
(6.16) ou ^(Ep^E^o} est la section emcace differentielle de production d'un pion d'energie Eno par collision d'un proton d'energie Ep sur un proton du milieu interstellaire. Cette section emcace est de 1'ordre de 9 10~26 (Ep/GeV) cm2 pour Ep > 1 GeV, la relation entre E^o et Ep etant donnee par 1'equation 6.13. Reste a connaitre les limites d'integration. Dans le cas tres relativiste ou /3jfO ~ 1, 1'energie E-y peut etre atteinte meme par des pions d'energie infinie comme on le voit grace a 1'equation 6.15, si bien que
S1
bien que
L'equation 6.16 permet alors de calculer le spectre gamma emis (Figure 6.7). Si le spectre differentiel des protons cosmiques a la forme en loi de puissance IP(EP) = KpE~r, on trouve que le spectre differentiel des gammas a pratiquement la meme pente : dAf^/dt oc nKpE~r, avec T ~ 2, 75. En fait, des pions et done des gammas sont egalement produits par 1'interaction des rayons cosmiques avec les atonies plus lourds du milieu interstellaire. Une etude detaillee (Dernier [109]) montre que, pour en tenir compte, il faut multiplier le taux de production ci-dessus par un facteur 1,45.
152
FlG. 6.7 - Spectre de 1'emission des rayons gamma de la Galaxie vers 1'interieur (cercles) et vers 1'exterieur (carres) observee avec le satellite COS-B. Elle est comparee avec le spectre theorique deduit du spectre d'energie local des protons et des electrons cosmiques. La somme des spectres des trois mecanismes de production des gammas decrits dans le texte est normalisee au spectre observe vers 1'interieur de la Galaxie vers 1 GeV. Les regions hachurees correspondent aux incertitudes sur le spectre d'energie des particules cosmiques, dues essentiellement a la correction des effets de la modulation solaire. D'apres Bloemen [34], avec 1'autorisation d'Annual Reviews, http://www.AnnualReviews.org. On utilise souvent une emissivite par noyau d'hydrogene et par steradian
L'intensite du rayonnement gamma, mesuree dans une direction ou la densite de colonne des noyaux d'hydrogene du milieu interstellaire est 7VH, est simplement /7 = N^e^ photon cm~ 2 s~ 1 sterad"1, en supposant un flux uniforme de protons cosmiques.
153
6.2.2
L'interaction electromagnetique (diffusion Coulombienne) des electrons cosmiques de haute energie sur les noyaux et les electrons interstellaires produit un freinage de ces electrons, 1'energie correspondante etant emise sous forme de photons gamma (rayonnement de freinage, ou en allemand Bremsstrahlung). C'est la version a haute energie du rayonnement libre-libre (free-free en anglais) etudie section 5.1.2. La section emcace differentielle de production d'un photon d'energie E^ par un electron tres relativiste d'energie Ee interagissant avec le noyau de charge Z d'un atome neutre est donnee par 1'expression simple qui tient compte de 1'effet d'ecran du cortege electronique du noyau :
ou a = e2/he = 1/137,036 est la constante de structure fine, mn la masse du noyau et L la longueur de rayonnement, c'est-a-dire la quantite de matiere traversee telle que 1'energie de 1'electron soit diminuee par e. Elle est exprimee sous la forme d'un grammage et vaut L = 62,8 gcm~ 2 pour 1'hydrogene neutre et 93,1 gcm~ 2 pour 1'helium neutre. Pour les abondances solaires, on a (L} ~ 66 gcm~ 2 et (mn) c 2 10~24 g. Pour les energies plus faibles que la limite de validite de cette expression, soit ~ 70 MeV, voir Blumenthal & Gould [36]. Dans le cas d'un milieu totalement ionise, 1'effet d'ecran des electrons de 1'atome disparait et il faut aussi tenir compte de la diffusion sur les electrons libres, ce qui conduit a augmenter de 30 % la valeur donnee par 1'equation 6.21. Ceci a une importance pratique pour le calcul de 1'emissivite gamma aux latitudes galactiques elevees, en raison de la predominance du gaz ionise diffus a grande distance du plan galactique (Section 5.2). Pour une energie gamma donnee, 1'emission de freinage provient essentiellement des electrons dont 1'energie moyenne est Ee ~ 3"7. L'emissivite Q^(E^} oc n!e(Ee > Ey)/E^, si bien que pour des electrons de spectre en energie Ie(Ee) = KeE~T le spectre des gammas emis a un spectre en loi de puissance semblable : Q7('7) oc n[Ke/(T l)]E~r. Le spectre calcule pour le voisinage du Soleil est indique figure 6.7. On remarque que son intensite est d'environ 1/4 de celle des gammas provenant des interactions nucleaires, mais qu'elle devient progressivement plus importante aux energies faibles.
6.2.3
L'effet Compton est 1'interaction entre photons et electrons libres. Sous sa forme originale, il s'agit de la perte d'energie des photons X diffuses de fagon inelastique sur des electrons de faible energie : d'ou le nom d'effet Compton
154
inverse donne a la diffusion inelastique des electrons de haute energie sur des photons de faible energie, qui nous interesse ici. La section efficace de ce processus est
ou OT = 87re4/(3ra2c4) = 6,65 10~25 cm2 est la section efficace de diffusion Thomson, 7e = Ee/mec2 est le facteur de Lorentz de 1'electron et hv 1'energie du photon. Les photons qui dominent le milieu interstellaire sont, sauf a proximite de sources intenses, ceux du rayonnement de corps noir de 1'Univers, pour lesquels (hv) ~ 6 10~4 eV. L'energie du photon emis est donnee par 1'expression simple
si bien que ce sont des electrons d'energie environ 200 GeV (je ~ 4 105) qui sont responsables de remission de gammas de 100 MeV par interaction avec les photons du corps noir cosmologique. Si le spectre d'energie des electrons est Ie(Ee) = KeE~r le spectre / p i i \ /o Compton inverse a a peu pres la forme Q^(E^} oc nph(hi>)KeE^ . Le spectre calcule pour le voisinage solaire est indique figure 6.7. On voit que 1'effet Compton inverse ne donne qu'une contribution de 1'ordre de 10 % a 1'emission gamma totale. L'emission gamma totale par atome d'hydrogene au voisinage du Soleil est estimee par Dermer [109] a e7 = 1, 22 10~26 photon atome" s"1 sterad"1 pour les photons de plus de 100 MeV. Des valeurs de e7 pour differentes gammes d'energie sont donnees par la figure 5 de Bloemen [34]. D'apres cette reference, e7 2,410~ 26 photon (atome H)^ 1 s-1 sterad"1 pour les photons de 70 MeV a 5 GeV, au voisinage du Soleil. Ce chiffre est un peu plus eleve que celui de Dermer et doit probablement lui etre prefere.
6.3
La production de gammas par le milieu interstellaire est, nous 1'avons vu, proportionnelle a la masse de ce milieu et depend peu de son etat physique : neutre, ionise ou meme solide. L'observation gamma offre done une excellente methode de determination de cette masse. Nous allons I'examiner et la comparer avec d'^iutres methodes. Remarquons d'emblee que la masse du gaz moleculaire obtenue par toutes ces methodes, sauf la derniere, est la masse presente dans les nuages et complexes moleculaires qui emettent aussi les raies de CO, mais pas celle qui est sous forme de molecules H2 presentes dans le milieu diffus H I.
155
FlG. 6.8 - Spectre de remission diffuse du radian central du plan galactique en rayons X et gamma. L'echelle des ordonnees donne le flux multiplie par le carre de 1'energie (en MeV) afin que la figure soit plus lisible. D'apres Purcell et al. [396], avec 1'autorisation de 1'ESO.
6.3.1
Utilisation des observations gamma pour determiner la masse du milieu interstellaire dans la Galaxie
L'emission gamma galactique a ete cartographies par plusieurs satellites, en particulier apres le satellite americain SAS-2 le satellite europeen COS-B et plus recemment le satellite americain GRO (experience EGRET) avec une resolution de 1'ordre du degre (Planche 2). Son spectre a ete obtenu au-dessus de 30 MeV et confirme les mecanismes de production precedents (Figure 6.7). Elle se compose d'une emission etendue a laquelle se superposent des sources plus ou moins ponctuelles, dont certaines coincident avec des regions de formation stellaire. On trouvera une bonne revue critique des resultats de SAS-2 et de COS-B dans Bloemen [34]. La figure 6.8 donne une version recente du spectre gamma de 1'interieur de la Galaxie. L'emission etendue, dont on parlera seule ici, est dominee, comme on peut le voir figure 6.7 par la contribution des interactions nucleaires et du rayonnement de freinage des electrons, qui sont tous deux proportionnels au produit de la densite de la matiere par le flux de particules cosmiques (noyaux + electrons). On peut dans une certaine mesure separer ces deux mecanismes en observant le rayonnement gamma a basse energie (moins de 70 MeV) ou le rayonnement de freinage domine, et a haute energie ou ce sont les interactions nucleaires qui dominent. La contribution de 1'effet Compton inverse est une correction dont il est facile de tenir compte. Le grand interet de remission gamma etendue est, nous 1'avons dit, qu'elle est sensible a la masse du milieu
156
interstellaire sous toutes ses formes, qu'elle soit atomique, moleculaire ou ionisee, a condition que cette matiere soit suffisamment transparente aux photons gamma et soit bien penetree par les particules cosmiques de haute energie qui nous interessent (plus d'une centaine de MeV). Elle offre done la meilleure maniere disponible actuellement pour determiner la masse du milieu interstellaire, et en particulier la masse de la composante moleculaire qui est la plus mal connue. Ceci oblige a supposer connu le flux de particules cosmiques. Mais on peut aussi tenter a Tin verse de determiner ce flux et ses variations spatiales dans la Galaxie, ce qui etait 1'objectif initial des satellites gamma. II y a des difficultes dans les deux cas, qui ont fait 1'objet de controverses et d'une abondante litterature. Ici, nous nous attacherons au premier probleme. L'intensite gamma (definie ici comme le nombre de photons regus par unite d'energie, de surface et de temps d'une direction de visee donnee) est
ou e7(.E7) est 1'emissivite par noyau d'hydrogene et TVn la densite de colonne d'hydrogene sous toutes ses formes. L'utilisation d'une emissivite uniforme sur la ligne de visee suppose que le flux de particules cosmiques est uniforme. Cette hypothese est assez realiste pour les protons, qui diffusent facilement et sans pertes d'energie appreciates loin de leurs sources, mais est quelque peu discutable pour les electrons qui peuvent subir des pertes synchrotron depuis leurs sources (probablement les restes de supernova) jusqu'aux regions observees. II faut aussi supposer que les particules cosmiques penetrent bien toute la matiere interstellaire, ce qui n'est pas completement clair pour les grands complexes moleculaires en raison de leur deviation par le champ magnetique. Par ailleurs, il faut admettre que 1'on a bien soustrait les sources gamma ponctuelles de la carte afin d'obtenir 1'emission du milieu interstellaire seul. Nous supposerons pour 1'instant que ces hypotheses sont verifiees. Par ailleurs il est clair que 1'on ne verra pas remission gamma des regions de tres grande densite de colonne, qui sont optiquement epaisses en gamma. C'est le cas des objets denses relativement gros comme les etoiles, les planetes, etc., ce qui permet d'ailleurs de dire que seule remission du milieu interstellaire est observee. Mais ce peut etre aussi le cas de petits nuages interstellaires tres denses s'ils existent. Nous avons vu section 6.2.2 que 1'emission par rayonnement de freinage devient inefficace en raison de la perte d'energie des electrons au-dela d'une epaisseur traversee de 1'ordre de 66 gcm~ 2 , ce qui correspond a une densite de colonne de 3,3 1025 noyauxcm~ 2 . La propagation des protons de haute energie est egalement limitee par la creation de pions dans le milieu, avec une profondeur de penetration du meme ordre (Section 6.2.1). Les gammas produits a grande profondeur sont detruits par creations de paires electrons-positrons dans le champ des noyaux, avec une profondeur d'interaction caracteristique d'environ 100 gem' 2 dans 1'hydrogene, moins dans les elements lourds (Chupp [89]). II peut done y avoir de la matiere non detectee en gammas au-dela de densites de colonne
157
de 1'ordre de quelque 1025 noyauxcm~2. L'existence de images denses et de grande densite de colonne est une des possibilites evoquees pour expliquer la matiere noire baryonique de 1'Univers (Pfenniger et al. [384]). En depit de ces problemes, on admettra qu'on peut utiliser 1'equation 6.24 ci-dessus. La similarite entre les cartes gamma et les cartes HI et CO de la Galaxie est un element encourageant en faveur de cette idee. Cette equation est utilisee de la maniere suivante pour separer les contributions respectives du milieu interstellaire atomique et moleculaire au voisinage du Soleil dans la Galaxie (on peut negliger en premiere approximation la matiere ionisee si on se limite aux latitudes galactiques faibles). 1. On suppose que 1'intensite de la raie CO(l-O) a 2,63 mm est proportionnelle a la densite de colonne du gaz moleculaire. Cette hypothese repose sur 1'idee que, dans le lobe d'antenne, on voit toujours un certain nombre de nuages moleculaires non resolus plus ou moins semblables les uns aux autres, et que la temperature d'antenne mesuree dans la raie depend surtout du nombre de ces nuages dans le lobe. La justification de cette hypothese est que les profils (complexes) de raies observes dans differentes lignes de visee galactiques dans la raie 12 CO(1-0) et celle de la molecule substitute isotopiquement 13CO(10) sont remarquablement semblables bien que 1'epaisseur optique soit 76 fois plus faible pour la seconde raie (Eq. 4.51). Ceci indiquerait une certaine uniformite dans les proprietes des nuages7. Le recouvrement des differents nuages le long d'une ligne de visee n'est pas un probleme serieux car chaque nuage emet a une vitesse differente, et surtout la rotation differentielle galactique etale les vitesses, si bien qu'a une vitesse donnee dans une raie, on ne voit le plus souvent qu'un seul nuage, au moins dans des directions bien choisies. II est cependant permis d'avoir des doutes sur Pensemble de ces affirmations. 2. On peut alors ecrire 1'equation 6.24 sous la forme
12
CO(2-1) en
On obtient alors e7 (voir la fin de la section 6.2.3), et aussi X, par une analyse de la correlation entre les cartes Hi, CO et 7. Cette methode presente 1'avantage de ne pas faire d'hypothese sur la valeur de e7.
7. Une autre justification qualitative, plus convaincante, est que 1'intensite integree de la raie CO(l-O) croit avec la taille du nuage, ce qui est du a 1'augmentation de la dispersion de vitesses et done de la masse si 1'on admet que les nuages sont en equilibre du viriel et ont des densites semblables (Section 14.1).
158
Chapitre 6 : Le milieu interstellaire aux hautes energies Mais on peut aussi utiliser la valeur de e7 deduite de la mesure du flux de noyaux et d'electrons cosmiques pres de la Terre (Section 6.1) et de parametres mesures en accelerateurs (Sections 6.2.1 a 6.2.3) et ne determiner que X sans faire 1'analyse de correlation complete. Ceci necessite cependant de restreindre 1'analyse aux gammas d'energies elevees, car le rayonnement cosmique local est mal connu aux energies relativement basses en raison de la modulation solaire (Figures 6.2 et 6.7).
L'analyse de correlation des donnees de COS-B par differents groupes donne des valeurs de e7 en accord raisonnable avec les predictions theoriques et des valeurs de X comprises entre 2,3 et 3 1020 mol cm""2 (K km s"1)"1, avec une preference pour la valeur basse. La methode qui utilise la connaissance du flux local de rayons cosmiques donne une valeur un peu plus basse, X ~ 1,51020 molcm~ 2 (Kkms" 1 )" 1 . L'analyse de correlation a ete refaite a partir des observations de EGRET sur le satellite GRO. Les valeurs de X ainsi obtenues (Digel et al. [115, 116], Hunter et al. [236], etc.) sont comprises entre 0,9 et 1,6 1020 molcm" 2 (Kkms" 1 )- 1 . On peut tenter d'aller plus loin et de determiner, dans les differentes parties de la Galaxie, a la fois X et e7, c'est-a-dire finalement le flux de rayons cosmiques, voire meme separement le flux des electrons et des protons cosmiques. Une des methodes utilisees consiste a ajuster aux distributions d'intensite 7 observees un modele de la forme I^(E^) = Z^(-/V"(Hi)i 4- 2XiWco,i)e-y,i(E>y,Ri), ou la somme est sur des anneaux i de rayon galactocentrique ^, e7,i et Xi etant les parametres a determiner par une methode de maximum de vraisemblance. Les resultats, sur lesquels nous ne nous etendrons pas ici et qui ont fait 1'objet de controverses, sont decrits par Bloemen [34] et Hunter et al. [236]. Bien que Ton puisse avoir des doutes sur le fait que 1'intensite integree de la raie 12CO(1-0) represente bien la densite de colonne de la composante moleculaire du milieu interstellaire, le fait qu'on obtienne des resultats coherents dans 1'analyse de correlation Hi/CO/gammas est une justification empirique de cette hypothese. II serait certainement preferable de refaire cette analyse avec une raie beaucoup moins optiquement epaisse comme 12C18O(10), qui est emise dans des zones beaucoup plus vastes des nuages moleculaires, mais les donnees correspondantes seraient longues a obtenir. II est cependant utile de comparer les valeurs de X obtenues plus haut avec celles issues d'autres methodes. C'est ce que nous aliens faire maintenant brievement. Ces methodes sont les suivantes.
6.3.2
Si 1'on suppose que les nuages moleculaires sont en equilibre entre leur propre gravite et la pression dynamique due aux mouvements aleatoires
159
d'ensemble du gaz, qui est tres superieure a sa pression thermique, on peut calculer leur masse en utilisant le theorems du viriel, dont la demonstration et une discussion de la validite seront donnees au chapitre 14. Pour un nuage spherique uniforme, en 1'absence de champ magnetique et de pression exterieure, on obtient
ou A^i/2 est la largeur de la raie de CO a demi-intensite (dont le profil est cense representer fidelement les mouvements internes du nuage, supposes gaussiens), et R son rayon exterieur. Pour des nuages dont la distribution radiale de densite n'est pas uniforme, le facteur numerique est different. II vaut 190 si n oc 1/r, et 126 si n oc 1/r2, qui sont des distributions de densite plus plausibles qu'une densite uniforme (Section 14.1.5 et Figure 14.2). Cette methode fournit des valeurs de X de 1'ordre de 1 1020 mol. cm~ 2 (K km s"1)"1 (MacLaren et al. [325]), en utilisant la largeur de la raie 13CO(1-0) plutot que celle de la raie 12CO(1-0). Elle se heurte cependant a diverses difficultes. L'un d'elles est la definition meme du rayon du nuage, lequel se superpose en general a un fond d'emission CO irregulier.
6.3.3
Comparaison Wco~extinction
Si Ton suppose que la poussiere interstellaire est bien melangee avec le gaz, on peut utiliser 1'extinction qu'elle produit sur la lumiere des etoiles situees derriere le nuage pour obtenir sa densite de colonne, puis en deduire la densite de colonne en utilisant un rapport gaz/poussiere. Cette methode est appliquable a des nuages interstellaires assez proches, pour lesquels la contamination par les etoiles d'avant-plan est faible. On peut soit mesurer le rougissement des etoiles individuelles d'ou Ton deduit 1'extinction (Section 7.1), soit comparer les comptages d'etoiles dans des gammes de magnitudes bien definies avec des comptages dans un champ de reference proche. Si la fonction de luminosite (distribution du nombre nr(m) d'etoiles en fonction de leur magnitude apparente m) est de la forme log nr(m) = a+bm dans le champ de reference, elle est logn c (m) = a + b(m A) dans la direction du nuage ou 1'extinction est A. A est done donnee par
Voir Thoraval et al. [487] pour des raffinements de cette methode. Si Ton dispose de cartes CO du nuage, on peut alors etudier la correlation entre 1'extinction et Wco- Comme on peut s'y attendre puisque les raies de CO sont aisement saturees, Wco atteint une valeur constante des que Ay est de 1'ordre de 3 mag. On ne peut done esperer determiner correctement X ainsi.
160
FlG. 6.9 Comparaison entre 1'extinction visuelle et 1'intensite integree de la raie C18O(1-0) dans le image moleculaire L977. L'extinction est deduite des comptages d'etoiles dans 1'infrarouge proche, en utilisant une courbe d'extinction standard. Au-dela de 10 magnitudes, 1'intensite de la raie n'est plus proportionnelle a 1'extinction, probablement parce que CO se depose sur les grains. D'apres Alves et ol. [9], avec 1'autorisation de 1'AAS. Par centre on observe une correlation avec 1'intensite integree des raies des molecules CO substitutes isotopiquement, la saturation n'apparaissant qu'a des valeurs assez grandes de Ay, de 1'ordre de 10 magnitudes pour C18O(10) (Figure 6.9) ou C17O(1-0). Ceci s'explique par le fait que 1'epaisseur optique de la raie est beaucoup plus faible que pour CO(1-0). La saturation a Ay 10 mag. est probablement due a la condensation de CO sur les grains de poussiere dans les parties profondes du nuage ou ces grains sont tres froids (Kramer et ol. [270]). Neanmoins la grande dynamique de la correlation rend optimiste sur la possibilite de reprendre 1'analyse des observations gamma en utilisant la raie C18O(1-0), si de grandes cartes dans cette raie sont disponibles. Ces etudes comparees de distribution des poussieres et de Wco dans les nuages moleculaires ont apporte une importante surprise : la distribution des poussieres est assez uniforme a petite echelle alors que celle de remission CO est beaucoup plus fragmentee, ce qui est probablement la cause de la dispersion dans la relation extinction/CO de la figure 6.9 (Thoraval
161
et al. [487, 488]). Pour une extinction donnee, WGO peut varier d'un facteur 5. Done, soit il existe un mecanisme capable de decoupler la poussiere du gaz au moins a petite echelle, soit il existe de grandes fluctuations d'abondance et/ou d'excitation de CO (ceci dans des regions de faible densite), soit les deux a la fois. Comparaison Wco-emission submillimetrique de la poussiere Une autre manifestation de la poussiere interstellaire est son emission thermique, qui sera etudiee en detail section 7.2. Cette emission a son maximum de 60 a 300 yum de longueur d'onde selon la temperature, mais on peut admettre qu'a 1,2 mm de longueur d'onde par exemple, la poussiere emet toujours dans le domaine Rayleigh-Jeans. Alors 1'intensite de son emission ne depend que lineairement de sa temperature, alors qu'elle varie a peu pres comme T5 pres du maximum d'emission. Comme son epaisseur optique est toujours faible, la brillance d'un nuage de poussiere en ondes millimetriques est
ou Bv(Td) est la brillance du corps noir a la temperature Td de la poussiere, NH la densite de colonne des atonies d'hydrogene sous forme atomique et moleculaire, et o^ est la section efficace d'absorption de la poussiere par atome d'hydrogene, quantite ou interviennent bien entendu le rapport gaz/poussiere et les proprietes de la poussiere. On peut soit calculer cette quantite a partir d'un modele de poussieres, ce qui est assez incertain, soit la calibrer par 1'observation d'une region ou le gaz est essentiellement atomique et ou on peut raisonnablenient estimer la temperature de la poussiere Td- Cette derniere methode donne, d'apres Neininger et al. [359]
On peut alors appliquer Pequation 6.29 pour determiner NH dans d'autres regions, en particulier dans les nuages moleculaires, toujours en estimant Td et en supposant que les proprietes de la poussiere sont inchangees. C'est une excellente methode car 1'estimation de Td n'est pas tres critique, mais il se peut que la section efficace soit plus grande dans les nuages moleculaires ou la poussiere accrete des manteaux de glace par condensation de molecules (voir plus loin Section 7.4, en particulier le Tableau 7.4). En tenant compte de la brillance due a la composante atomique, on obtient celle due a la composante moleculaire dont on determine ainsi la densite de colonne, d'ou Ton tire X apres observation de la raie de CO. Cette methode four nit des valeurs de X voisines de 1,0 1020 molcm" 2 (Kkms" 1 )^ 1 . II faut remarquer que si a^ est plus grande dans les nuages moleculaires, ceci diminue encore NH done X. Les progres des mosai'ques de bolometres laissent entrevoir un grand developpement de cette methode : voir par exemple Johnstone et al. [249].
162
L'observation a plusieurs longueurs d'onde submillimetriques, qui devient maintenant disponible (voir par example Lis et al. [308]), doit permettre de mieux contraindre o^ et T^. Voir aussi section 7.2.1 une autre determination recente de 1'emissivite submillimetrique de la poussiere. Une methode sembable dans son principe a ete utilisee par Dame et al. [103] pour determiner X a haute latitude galactique, done pres du Soleil. Ils ont compare leurs cartes completes du ciel en Hi et en raie de CO avec la carte de remission infrarouge des poussieres a 100 //m. Dans les regions depourvues d'emission CO, la brillance infrarouge est bien correlee a la densite de colonne H i : Nn/Iwo^m = (0, 90,4)10 20 atomecm"2 (MJy sterad"1)"1. En soustrayant de la carte infrarouge la contribution du H I, ils obtiennent la contribution du gaz moleculaire, qu'ils trouvent bien correlee a remission CO. En supposant la meme relation entre 27V#2 et /loo/xm qu'entre A^H et /loo/^m, ils en deduisent X = (1,8 0,3)10 20 molcm" 2 (Kkms" 1 )- 1 .
6.3.4
Nous avons deja mentionne 1'absorption X en section 5.4 (voir aussi la Figure 2.5) et vu que cette absorption permet d'obtenir indirectement la densite de colonne de E.2- Ryter et al. [420] ont montre que la relation (Eq. 5.70) entre la densite de colonne NX d'atonies H equivalents et 1'exces de couleur E(B V] obtenue au voisinage du Soleil n'est plus verifiee en direction du centre galactique. Les observations en infrarouge proche donnent E(B - V) ~ 9 mag. tandis que Nx = (9 2) 1022 (atonies H equivalents) cm~ 2 mag~ 1 , soit un facteur 1,5 superieur a ce que donne 1'equation 5.70. Ceci peut s'expliquer par une abondance des elements lourds plus elevee dans les regions internes de la Galaxie. Par ailleurs les observations en raie 21 cm donnent seulement NH 2 1022 atonies Hcm~ 2 , ce qui montre qu'une grande partie de 1'hydrogene est sous forme moleculaire. L'utilisation de 1'absorption X est amenee a un renouveau grace aux nombreuses donnees qui seront issues des satellites CHANDRA et XMMNEWTON. De meme, les observations en absorption dans 1'infrarouge moyen devant des sources enfouies dans des nuages moleculaires ou situees derriere offrent de precieuses informations sur la densite de colonne de poussieres absorbantes (Section 7.1). Ici encore, une exploitation systematique des donnees des satellites infrarouges ISO et bientot SIRTF est souhaitable. Cette etude nous montre que la determination de la masse de la composante moleculaire dans le milieu interstellaire de notre Galaxie et des galaxies en general est encore incertaine, mais que des ameliorations sont possibles. De surcroit, si les methodes precedentes, qui utilisent toutes d'une maniere ou d'une autre 1'intensite de la raie CO(l-O), ont pour but de donner les masses respectives de la composante atomique et moleculaire du milieu interstellaire, elles ne donnent pas reellement les masses respectives de 1'hydrogene atomique et de 1'hydrogene moleculaire. Le milieu atomique
163
diffus contient en effet des quantites importantes de H2 sans qu'il y ait aussi du CO, comme 1'ont revele les observations avec Copernicus et plus recemment avec FUSE. Ceci provient de ce que H2 est plus resistant a la photo-ionisation que CO (Section 9.1.5). Pour la meme raison, il y a systematiquement dans les enveloppes des nuages moleculaires des zones contenant fb mais pas CO. L'importance relative de ces zones depend de la metallicite et du champ de rayonnement UV. Nous reviendrons sur ce point au chapitre 10.
6.4
L'interaction des particules cosmiques avec les noyaux interstellaires produit des raies nucleaires resultant de la desexcitation des noyaux, que ce soient des noyaux interstellaires au repos ou des noyaux cosmiques de haute energie. II s'y ajoute des photons gamma issus de la disintegration de noyaux radioactifs, ainsi que des photons a 511 keV crees par 1'annihilation positronelectron. Certaines de ces raies ont ete observees dans le milieu interstellaire (beaucoup plus dans les eruptions solaires), mais 1'astronomie des raies gamma se developpera enormement avec le lancement du satellite INTEGRAL. De bonnes revues sont dues entre autres a Ramaty ei al [397] et a Prantzos [390]. Dans le milieu interstellaire on s'attend a observer les raies suivantes. 1. Raies resultant de 1'excitation de noyaux par des protons ou des particules a (noyaux d'helium). Ces raies sont par exemple : - la raie emise par le noyau excite de carbone 12C* a 4,439 MeV ; - les raies de 14N* a 2,313 et 5,105 MeV ; - les raies de 16O* a 2,741, 6,129, 6,917 et 7,117 MeV ; - les raies de 20Ne* a 1,634, 2,613 et 3,34 MeV ; - les raies de 24Mg* a 1,369 et 2,754 MeV ; - les raies de 28Si* a 1,779 et 6,878 MeV ; - les raies de 56Fe* a 0,847, 1,238 et 1,811 MeV ; etc. Une liste plus complete et les donnees nucleaires se trouve dans Ramaty et al. [397], complete par Dyer et al. [137, 138], Lesko et al. [303] et Tatischeff [482]. Les sections efficaces d'excitation sont maximales pour des energies incidentes d'une dizaine de MeV/nucleon (MeV/n) ; elles decroissent tres rapidement avant 100 MeV/n, energie vers laquelle les noyaux sont brises. Done ces raies seront de bons indicateurs de 1'intensite des rayons cosmiques de relativement basse energie (disons 5 a 50 MeV/n), sur lesquels on ne sait pratiquement rien en raison de la modulation solaire. 2. Raies emises lors des reactions de spallation. Ces reactions, qui synthetisent a partir de 12C, 14N et 16O les elements
164
Chapitre 6 : Le milieu interstellaire aux hautes energies plus legers 6Li, 7Li (en partie), 9Be, 10Be et nBe, ont ete examinees section 6.1.4. Elles produisent aussi a partir d'elements plus lourds que C, N et 0 des elements communs mais qui se trouvent eventuellement dans un etat excite. On s'attend done a la production de raies comme celles de 12C* a 4,439 MeV, et sans doute aussi de raies de Li, Be et B excite, mais on ignore encore la proportion de ces noyaux qui sont formes sous forme excitee. Le seuil d'energie des reactions est, on 1'a vu, plus grand que dans le cas precedent, de 1'ordre de 30 a 100 MeV/nucleon (Figure 6.3). Les raies produites par I'impact des particules cosmiques sur les noyaux lourds interstellaires sont etroites, avec une largeur typique A.E ~ 0, 03E, car la vitesse de ces noyaux reste faible apres Pimpact. En revanche, les raies produites par les noyaux cosmiques lourds sont considerablement elargies, leur vitesse etant grande et peu modifiee par la collision avec des atonies legers. La forme et la largeur des raies dependent de la direction d'arrivee des particules de haute energie si elles sont anisotropes, et de leur spectre. Ce probleme a ete etudie par Kozlovsky et al. [269]. Us rendent compte ainsi d'une emission large (3-7 MeV) observee avec GRO-COMPTEL dans la region d'Orion, qui proviendrait de la desexcitation d'une quantite importante de noyaux de C et 0 dont 1'energie serait de 1'ordre d'une dizaine de MeV/nucleon. Le flux important de particules d'energie > 30 MeV necessaires pour exciter ces noyaux provient probablement d'une explosion recente de supernovae dans un environnement propice a 1'acceleration de ces particules (Parizot [374]).
3. Raies de decroissance de noyaux radioactifs. Les reactions nucleaires dans les etoiles, en particulier les supernovae lors de leur explosion, et les reactions de spallation produisent entre autres des elements radioactifs. L'exemple le plus connu est celui de 26 Al qui se desintegre sur un niveau excite de 26Mg avec une duree de vie de 1,1 106 ans. La desexcitation du 26Mg produit un photon de 1,809 MeV. Cette raie gamma, denommee improprement raie de 26 Al , a ete observee des 1984 en direction du Centre galactique, et les observations avec COMPTEL ont montre que la source est diffuse et done bien interstellaire (Figure 6.10), et que la masse de 26A1 presente a un instant donne dans la Galaxie est de 2 MQ environ. Les sources sont en partie les supernovae massives de type II et les etoiles de WolfRayet (Signore & Dupraz [448], Meynet et al. [346]). Les noyaux de 26 Al produits par 1'explosion ou les vents de ces etoiles ont le temps de se repandre a d'assez grandes distances dans le milieu interstellaire, formant done une source diffuse. On a retrouve dans des meteorites du 26Mg provenant du 26A1 qui etait present dans la nebuleuse protosolaire, mais on a maintenant des doutes sur le fait que cet 26A1 puisse
165
FlG. 6.10 - Carte de la distribution de 1'emission galactique dans la raie a 1,809 MeV (desexcitation du 26 Mg, dite raie du 26A1), en coordonnees galactiques, obtenue avec COMPTEL a bord du satellite GRO. D'apres Knodlseder et al. [266], avec 1'autorisation de PESO.
venir d'une explosion de supernova peu de temps avant la formation du Systeme solaire. La revue de Prantzos [390] donne une liste de raies de decroissance de noyaux radioactifs dont certaines ont deja ete observees dans des restes de supernova. Quelques exemples sont, outre la raie de 26A1 (les raies detectees sont soulignees) : - raies de la chaine de decroissance 56Ni > 56Co > 56Fe a 0,847, 1,771, 1,238 et 2,598 MeV ; - raies de la chaine 57Co -> 57Fe a 0,122 et 0,136 MeV ; - raies de la chaine 44Ti -> 44Sc -> 44Ca a 0,068, 0,078 et 1,156 MeV. - raies de la chaine 60Fe -> 60Co - 60 Ni a 1,173 et 1,173 MeV. Toutes ces raies sont etroites, les noyaux radioactifs ay ant le temps de se thermaliser avant de se decomposer. Leur observation sera d'une grande importance pour verifier les theories de la nucleosynthese, mais aussi pour preciser la localisation des sites de production des etoiles massives dans la Galaxie (Figure 6.10). 4. Raie d'annihilation electron/positron a 511 keV. L'annihilation electron/positron produit deux photons 7 de 511 keV, 1'energie de masse de ces particules. Une emission diffuse de cette raie a ete observee dans la region du centre galactique (Prantzos [390]).
166
Chapitre 6 : Le milieu interstellaire aux hautes energies Les photons produits par 1'annihilation des positrons de haute energie du rayonnement cosmique sont indetectables a cause de la tres grande largeur de la raie. Les positrons qui produisent remission observee proviennent sans doute de la decomposition de produits radioactifs de supernovae, par decroissance j3+. Les noyaux responsables sont probablement 56Co et 44Sc (voir ci-dessus), avec une petite contribution de 26A1. Le taux correspondant de production de positrons est 1,50,5 1043 positrons s"1. La duree de vie pour 1'annihilation dans le milieu interstellaire etant longue, au moins 105 ans, les positrons peuvent diffuser loin de leurs sources.
168
Chapitre 7 : Les poussieres interstellaires 1'infrarouge proche est ainsi absorbee, puis reemise a des longueurs d'ondes bien plus grandes. L'autre moitie est soit non affectee, soit diffusee. Les planches 2, 18, 19, 21, 22 et 23 illustrent 1'emission infrarouge de la poussiere interstellaire.
3. Les atonies ou molecules qui rencontrent des poussieres peuvent etre captures et former a leur surface un manteau de glace ou peuvent se produire des reactions chimiques2. Certaines de ces reactions sont impossibles en phase gazeuse, si bien que les poussieres jouent le role de catalyseurs. Le chauffage ulterieur des poussieres peut evaporer ce manteau et liberer de nouvelles molecules dans le milieu interstellaire. La molecule H2 ne peut se former que sur les poussieres. Ces phenomenes seront traites au chapitre 9. 4. La destruction ou 1'evaporation des poussieres libere des elements lourds dans le gaz interstellaire. Ces elements peuvent a 1'inverse se condenser sur des grains, formant eventuellement des manteaux refractaires. Les petits grains s'agglomerent entre eux dans le milieu interstellaire pour former des grains plus gros. Ceci sera discute au chapitre 15. 5. Les poussieres peuvent liberer des electrons apres absorption de photons UV, par effet photoelectrique. Ces electrons jouent un grand role dans le chauffage du milieu interstellaire. Aux densites superieures a environ 104 atonies ou molecules par cm3, les collisions avec les poussieres commencent a transferer efficacement 1'energie du gaz aux poussieres, et inversement. Ces phenomenes seront traites au chapitre 8. 6. Les poussieres etant chargees, elles peuvent etre accelerees dans les ondes de choc, notamment dans les restes de supernova. Les collisions avec les atomes et ions du gaz et avec d'autres poussieres liberent des elements lourds, qui peuvent etre eux-memes encore acceleres et sont a 1'origine d'une partie des rayons cosmiques : on le verra plus loin a la fin de la section 12.4.4.
7.1 7.1.1
La diminution de la luminosite d'une etoile vue au travers d'un nuage de poussieres est due a deux phenomenes physiques : 1'absorption des photons par le materiau de la poussiere, et la diffusion des photons dans d'autres directions que la direction incidente. L'ensemble de ces phenomenes constitue 1'extinction, quantite qui depend de la composition minerale des poussieres,
2. On designe par le terme de glace Pensemble des produits condenses sur les grains a basse temperature : il peut s'agir de molecules de E^O, de CO, de CO2, de NHa, de CH4, etc.
169
de leur forme, de la distribution de leurs tallies et de la longueur d'onde. L'extinction A\, qui exprime le rapport du flux /(A) apres traversee d'un nuage de poussieres au flux initial /o(A), est donnee en magnitude par :
si bien que 1'epaisseur optique est T\ 0,921^^. La courbe ou 1'extinction est portee en fonction de la longueur d'onde (ou plutot de 1'inverse de la longueur d'onde) est appelee courbe d'extinction ou loi d'extinction. On 1'obtient le plus souvent en comparant dans la plus grande gamme possible de longueurs d'onde la distribution spectrale energetique d'au moins deux etoiles de meme type spectral et classe de luminosite, done supposees identiques, 1'une etant fortement affectee par 1'extinction et done par la presence d'une grande quantite de matiere interstellaire le long de la ligne de visee, et 1'autre peu ou pas. Ceci fournit une courbe d'extinction relative3, qu'il est d'usage de normaliser au rapport des extinctions dans les bandes spectrales larges B (bleue, centree vers 4400 A) et V (visible, centree vers 5500 A) de Johnson : en defmissant Vexc.es de couleur par
la courbe d'extinction est A\/E(B V) en fonction de I/A, qui est generalement exprime en /zm""1. D'autres normalisations sont possibles, par exemple A\/Ay, beaucoup utilisee (Figure 7.1). La courbe d'extinction moyenne de 1'infrarouge proche a 1'ultraviolet (Figures 2.5 et 7.1) est lisse, avec cependant une bande importante et large centree a 2 175 A. Pour cette courbe moyenne, on a R = AV/E(B~V) = 3,1 et done As/E(B-V} = 4,1. La courbe d'extinction dans 1'infrarouge moyen (Figures 2.5 et 7.2) montre des bandes larges a 9,7 et 18 ^/m, qui sont dues a 1'absorption par des silicates. Elles correspondent respectivement aux vibrations d'elongation Si-O et de flexion O-Si-O. Quant a la bande a 2175 A, elle provient de particules carbonees contenant des cycles aromatiques, qui donnent une absorption caracteristique a ces longueurs d'onde. Le tableau 7.1 donne la courbe d'extinction sous forme numerique, utile particulierement dans 1'infrarouge4. II y a de grandes variations dans la courbe d'extinction galactique obtenue dans difTerentes directions, ce qui met en evidence des variations spatiales dans
3. II est tres difficile d'obtenir directement la valeur absolue de 1'extinction, ce qui necessiterait une tres bonne connaissance de la luminosite intrinseque de 1'etoile et de sa distribution spectrale energetique, qui ne sont que rarement disponibles avec securite meme pour les etoiles chaudes. 4. II faut signaler que Lutz et ses collaborateurs [323] trouvent dans la direction du Centre galactique une extinction plus grande dans 1'infrarouge moyen ; leur determination est basee sur les rapports des raies de recombinaison de 1'hydrogene (Section 5.1.3 et Figure 7.2). La difference parait reelle et provient peut-etre de proprietes particulieres de la poussiere dans le Centre galactique.
170
FlG. 7.1 - Courbe d'extinction galactique standard, normalises a 1'extinction visuelle A(V) = Ay. Les cercles correspondent a la determination de Savage & Mathis [425]. La ligne continue epaisse est un ajustement avec un modele a trois composantes dont les contributions sont : trait continu : gros grains cylindriques avec manteau ; trait interrompu : tres petits grains graphitiques ; trait pointille : PAH (Section 7.2.3). D'apres Li & Greenberg [304], avec 1'autorisation de 1'ESO. TAB. 7.1 - Courbe d'extinction interstellaire dans le visible et 1'infrarouge. Les bandes spectrales standards, centrees aux longueurs d'onde de la premiere colonne, sont indiquees. D'apres Rieke & Lebofsky [409] et Draine & Lee [122]. fcm) 0,34 (U) 0,44 (B) 0,55 (V) 0,70 (R) 0,90 (I) 1,25 (J) 1,65 (H) 2,22 (K) 3,5 (K) 4,8 (M) 7,0
A
f|E% 1,64 1,00 0,00 -0,78 -1,60 -2,22 -2,55 -2,74 -2,92 -3,02 -3,04
AX/Ay 1,531 1,324 1,000 0,748 0,482 0,282 0,175 0,112 0,056 0,023 0,015
f|E^ -2,86 -3,03 -3,00 -3,05 -3,07 -3,09 -3,09 -3,09 -3,09 -3,09
Ax/Ay 0,075 0,0186 0,0284 0,0130 0,0058 0,0017 0,00043 0,00014 0,000024 0,000014
les proprietes des grains (Figure 7.3). Ces variations peuvent correspondre par exemple a la coagulation de grains en grains plus gros (Dominik & Tielens [118]), ou inversement a 1'abrasion ou a la destruction des grains (Section 11.3 et Chapitre 15). Fitzpatrick &; Massa [169] montrent que
171
FlG. 7.2 - Loi d'extinction dans Pinfrarouge nioyen. Le rapport de 1'extinction A\ a 1'extinction visuelle Av est portee en ordonnees. La courbe en trait continu est la loi d'extinction du modele de Draine & Lee [122], la courbe en traits interrompus correspond aux observations de Rieke &; Lebovsky [409]. Remarquer les maxima a 9,7 et 18 /zm dus aux silicates. Les symboles correspondent aux determinations de Lutz [323] en direction du Centre galactique, basees sur les rapports d'intensite des raies de recombinaison de 1'hydrogene observees avec le satellite ISO. Noter la grande difference dans la region 4-8 yum. D'apres Lutz [323], avec 1'autorisation de 1'auteur. la courbe d'extinction dans 1'ultraviolet peut etre parametree comme suit5 :
ou ci, 02, cs et 4 sont des constantes pour une ligne de visee donnee. D(X) est la fonction de Drude qui represente la bande a 2 175 A :
ou AQ est la longueur d'onde centrale (ici 2175 A) et 7 un parametre d'elargissement (ici 0,217) ; la largeur du profil de Drude a moitie de 1'mtensite maximaleest7A 0 . Laquantite F(X) = 0,539(A~ 1 -5,9) 2 +0,0564(A~ 1 -5,9) 3 ,
5. Cette parametrisation est valable jusqu'a environ 1 200 A. Aux longueurs d'ondes plus courtes, jusqu'a la discontinuite de Lyman a 911 A, 1'extinction continue a augmenter beaucoup et semble tres variable (Hutchings & Giasson [238]).
172
FlG. 7.3 - Variations dans la loi d'extinction dans la direction de 11 etoiles differentes. Les points correspondent aux observations avec le satellite IUE, les lignes continues a la parametrisation decrite dans le texte. D'apres Fitzpatrick & Massa [169], avec 1'autorisation de 1'AAS. avec F(X) = 0 pour A"1 < 5,9 /urn, defmit la forme de 1'exces d'extinction dans 1'ultraviolet dont Tamplitude est donnee par 4. Une autre presentation de la courbe d'extinction consiste a porter 1'epaisseur optique par unite de densite de colonne totale d'hydrogene
173
(atomique et moleculaire) NU_. C'est la presentation adoptee pour les figures 7.5 et 7.6. On passe d'une presentation a 1'autre en utilisant la relation entre 1'exces de couleur et la densite de colonne totale de 1'hydrogene deduite des observations avec le satellite COPERNICUS par Bohlin et ol. [39]
L'absorption et la diffusion des ondes electromagnetiques par des petites particules a ete traitee de fac,on approfondie dans les ouvrages classiques de van de Hulst [498] et de Bohren & Huffman [40]. Nous ne pouvons ici que donner quelques resultats simples. On a affaire a un phenomene d'interference qui peut etre decrit comme suit. Le champ electrique du rayonnement incident induit un mouvement des electrons peu lies du grain (le mouvement des noyaux atomiques est beaucoup plus faible en raison de leur masse plus grande). Ces electrons a leur tour emettent un rayonnement de meme frequence et localement en phase. Le rapport entre 1'intensite absorbee par un electron et 1'intensite qu'il emet est (87r/3)(e 2 /ra e c 2 ) 2 ou e et me sont la charge et la masse de 1'electron. Par unite de volume du grain, 1'amplitude emise pour un rayonnement incident donne depend de la polarisabilite a du grain pour la frequence du rayonnement (la polarisabilite est telle qu'un champ electrique E produit un dipole p = aE par unite de volume). C'est ce phenomene qui est la cause de 1'indice de refraction (voir les traites de physique). Le rayonnement induit sort du grain avec une phase relative au rayonnement incident qui depend de sa forme, de ses dimensions et de son indice de refraction. L'interference des rayonnements induits provenant des differentes parties du grain entre eux et avec ce qui reste du rayonnement incident produit la diffusion. Pour des particules tres petites devant la longueur d'onde, on peut en premiere approximation remplacer tous les rayonnements induits par celui d'un dipole unique legerement dephase par rapport au rayonnement incident. Si le grain est extremement petit, le dephasage est pratiquement nul, la diffusion est negligeable et 1'extinction est essentiellement due a 1'absorption. Supposons que les grains sont des spheres de rayon a, faites d'un materiau homogene ayant un indice de refraction complexe n = m ik (rappelons que la partie imaginaire de 1'indice de refraction correspond a 1'absorption). On peut definir pour chacun d'eux une section efficace d'extinction ae = aa + crs, ces deux dernieres sections efficaces etant relatives respectivement a 1'absorption et a la diffusion (scattering en anglais). On les ecrit :
les quantites Qa et Qs etant respectivement Yefficacite d'absorption et Yefficacite de diffusion. Vefficacite d'extinction est Qe = Qa + Qs. Pour des particules petites devant la longueur d'onde, le calcul optique (theorie de Mie,
174
FlG. 7.4 Variations de 1'efficacite d'extinction Qe et de Pefficacite de diffusion Qs en fonction de 1'inverse de la longueur d'onde, pour un grain spherique non absorbant d'indice de refraction 1,6 (en haut, ici Qe = Qs), et pour un grain spherique absorbant d'indice de refraction l,6-0,05i (bas, ici Qe est en trait plein et Qs en trait interrompu). En abscisses, on porte la quantite x 2-Tra/A, a etant le rayon du grain et A la longueur d'onde. D'apres Whittet [518], avec 1'autorisation de IOP Publishing Ltd. voir par exemple Lang [280] Section 1.40) donne en posant x = 27ra/A <C 1
On voit done a partir des equations 7.6 et 7.7 que, pour des grains petits devant la longueur d'onde, la section efficace d'absorption aa est proportionnelle a leur volume, et la section efficace de diffusion as au carre de leur volume. A 1'inverse, les grands grains absorbants dont la taille est tres superieure a la longueur d'onde agissent comme un ecran opaque (Qa !) Leur bord diffracte le rayonnement incident et on peut montrer que Qs ~ 1 egalement, au moins tant que la particule n'est pas extremement grande, si bien que Qe ~ 2 independamment de la longueur d'onde et de la forme de la particule. L'aspect general de la variation des efficacites Q en fonction de la taille du grain pour des rayons quelconques est montre figure 7.4. L'albedo est le rapport des sections efficaces de diffusion et d'extinction crs/ere, ou des efficacites Qs/Qe- La fonction de phase g(9] donne la distribution spatiale de la lumiere diffusee, 6 etant Tangle avec la direction
175
du photon incident. La diffusion se fait fortement vers 1'avant, si bien que g(9) est maximum pour 9 = 0. On peut calculer ces quantites dans la theorie de Mie pour des modeles de grains (van de Hulst [498] et Bohren & Huffman [40]) ; une approximation utile de la fonction de phase est celle de Henyey & Greenstein [216]. La diffusion produit aussi une polarisation de la lumiere que nous ne discuterons pas ici. La determination observationnelle de 1'albedo et la fonction de phase est difficile (Mathis [332]). Us peuvent en principe etre obtenus par photometric de surface de nebuleuses par reflexion eclairees par une etoile dont les caracteristiques sont bien determinees, et ou la distribution geometrique de la poussiere par rapport a 1'etoile est supposee connue, ce qui est la principale difficulte (pour un exemple voir Calzetti et al. [66]). L'albedo est voisin de 0,6 dans le visible et 1'UV, sauf autour de 2 175 A ou il diminue fortement. Ceci montre que la bande a 2 175 A est due a 1'absorption, et done a des particules tres petites devant la longueur d'onde.
7.1.2
L'extinction s'obtient en integrant Qe sur la distribution de taille des grains de poussieres. On est amene a considerer que plusieurs especes de grains contribuent a 1'extinction : au moins des grains de silicates amorphes, des grains carbones incluant du graphite ou d'autres materiaux aromatiques, et eventuellement des grains formes d'un noyau de 1'un ou 1'autre de ces produits sur lequel est depose un manteau d'une autre nature (glaces ou materiaux refractaires). On utilise le plus souvent la distribution de tailles de Mathis et al. [330] dite distribution MRN:
ou Ai est une constante de normalisation, drii est le nombre de grains d'espece i de rayon compris entre a et a + da, et nn est la densite de noyaux d'hydrogene, qui sert de reference d'abondance. Mathis et al. [330] estiment amin 0,005 /^m et amax ~ 0, 25 /um. Mais tout ceci est sujet a caution et doit etre utilise avec precaution. On peut ecrire 1'epaisseur optique sous la forme
ou Ni(a,i) est la densite de colonne des grains d'espece i et de rayon a^. Si on ne s'interesse qu'a 1'absorption, on peut ecrire une equation semblable a 1'equation 7.9 en remplagant Qe par Qa. On constatera que, tant que les grains restent petits devant A, Tabs est proportionnel a leur volume total, done a leur masse, dans une colonne de section unite le long de la ligne de visee (Eq. 7.7).
176
FlG. 7.5 - Extinction par atome d'hydrogene calculee par le modele de Draine & Lee [122], comparee aux observations de la courbe d'extinction galactique moyenne (carres). Cette extinction est la somme de la contribution des silicates et du graphite. En raison de 1'anisotropie des cristaux de graphite, 1'extinction se decompose en une composante parallele au plan reticulaire, et en une composante perpendiculaire qui produit la bande a 2 175 A. D'apres Draine & Lee [122], avec 1'autorisation de 1'AAS. On se propose en pratique de reproduire la loi d'extinction observee a partir d'un modele de poussieres et d'une distribution de tallies, car le probleme inverse ne peut etre traite en raison du trop grand nombre de parametres libres. II existe une litterature abondante sur le sujet. Nous nous contenterons de citer ici le developpement par Draine & Lee [122] du modele de Mathis et al. [330]. Une version recente de ce travail, due a Weingartner & Draine [516], differe principalement de la precedente par 1'adjonction de tres petits grains carbones, qui interviennent surtout par leur extinction dans 1'ultraviolet lointain, et aussi par leur emission infrarouge comme on le verra section 7.2.2. Draine & Lee [122] ajustent la courbe d'extinction moyenne de 1'ultraviolet a 1'infrarouge moyen par un melange de particules spheriques de graphite et de silicates obeissant a la distribution de taille MRN donnee dans 1'equation 7.8. L'ajustement, presente dans les figures 7.5 et 7.6, est excellent. II est obtenu en prenant dans 1'equation 7.8 Asuicates = 1CT25'11 cm 2 ' 5 /H, et Acarbone = 10~25'16 cm 2 ' 5 /H. Les grains de silicates, supposes etre de 1'olivine de formule chimique brute Mgi^Feo.gSiO^ contiennent dans ce modele respectivement 90%, 95%, 94% et 16% de 1'abondance totale de Mg, Fe, Si et O, ce qui est en accord global avec ce qu'on sait de la deficience de ces elements dans le gaz interstellaire (Tableau 4.2). Tout le carbone qui est absent dans la phase gazeuse est utilise, et certains auteurs mettent meme en evidence
177
FlG. 7.6 - Courbe d'extinction infrarouge par atome d'hydrogene (multipliee par A) calculee par le modele de Draine & Lee [122], comparee aux observations. Comme dans la figure 7.5, on indique la contribution des silicates, du graphite (total et composantes parallele et perpendiculaire au plan des cristaux). Les symboles marques IRAS, RCS et HS correspondent a des determinations anciennes de 1'opacite dans I'infrarouge lointain. La determination recente de Boulanger et al. [52], basee sur les observations du satellite CODE, n'est pas portee sur cette figure mais est en tres bon accord avec le modele. D'apres Draine & Lee [122], avec 1'autorisation de 1'AAS. un probleme possible, 1'abondance du carbone disponible pouvant n'etre pas suffisante (Snow & Witt [455]). Mais il faut remarquer que les abondances interstellaires posent des problemes en elles-memes (Section 4.1.3), et nous n'aborderons pas ces discussions. Nous remarquerons seulement que des poussieres poreuses ont une efficacite de diffusion done d'extinction plus grande que celle de poussieres compactes de meme masse, ce qui pourrait aider a resoudre ces crises d'abondance si elles sont reelles. Cependant les observations actuelles ne sont pas en faveur d'une grande abondance de poussieres poreuses (Boulanger et al. [52] ; Smith &; Dwek [454]). Le modele de Draine & Lee, comme tous les autres modeles, ne peut pretendre representer exactement la realite : par exemple, il ne considere que des particules spheriques alors que les observations de la polarisation interstellaire montrent 1'existence de particules allongees. Les proprietes optiques des silicates interstellaires, mal determinees en raison du grand nombre de composes possibles, sont en partie ajustees aux observations. D'autres modeles donnent aussi un bon ajustement avec la courbe d'extinction observee, comme celui de Li & Greenberg [304] qui fait intervenir des grains de silicate recouverts d'un manteau refractaire de produits carbones (Figure 7.1). Mais ce modele tend a utiliser beaucoup trop de carbone. En definitive,
178
et compte tenu des incertitudes sur 1'abondance interstellaire des elements, il ne parait pas necessaire d'abandonner le modele simple de Draine &; Lee qui constitue un bon point de depart pour les etudes de la poussiere interstellaire. II est interessant de signaler que Ton peut deduire des relations de Kramers-Kronig, qui lient les parties reelle et imaginaire de la constante dielectrique de n'importe quel materiau, une limite inferieure tres generale de la quantite de poussiere necessaire pour produire une extinction donnee, et aussi une limite inferieure de la temperature des grains dans un champ de rayonnement donne (Purcell [395]). On obtient en particulier une limite inferieure stricte du rapport de la masse de la poussiere et du gaz dans le milieu interstellaire galactique telle que
ou pd et PH sont respectivement les densites de la matiere sous forme de grains et sous forme de gaz, et pg la densite du materiau formant les grains en g cm~ 3 (Aannestad & Purcell [1] ; pour une discussion recente detaillee, voir Kim & Martin [264]). Cette limite n'est que de peu inferieure au rapport pd/pn 0,6 10~2 que donne le modele de grains de Weingartner & Draine [516].
7.1.3
Les poussieres interstellaires diffusent les rayons X dans des directions voisines de la direction incidente. Alors que la diffusion de la lumiere visible par les poussieres n'est pas tres anisotrope en raison de la faible dimension moyenne des poussieres (les poussieres grandes devant la longueur d'onde sont rares), la diffusion des rayons X se fait a de petits angles car la plupart des grains ont des dimensions bien superieures a la longueur d'onde6. Pour une distribution de tailles de poussieres, la superposition des figures de diffusion des grains des differentes tailles se traduit globalement par un halo autour des sources X. De tels halos ont ete recemment bien observes. Comme nous aliens le voir, ce halo depend beaucoup de la distribution de taille des grains les plus gros, qui sont les plus efficaces pour la diffusion, ainsi que de leur composition et de leur densite. Son observation est done susceptible d'apporter des renseignements interessants sur ces parametres et de contraindre les modeles de grains, en particulier en ce qui concerne les grains les plus gros. Meme si cette methode n'a pas encore fourni beaucoup de resultats, elle a un avenir important et il nous a paru utile d'en donner quelques elements, suivant Smith & Dwek [454], article auquel on se reportera pour avoir plus de details. L'angle de diffusion moyen est inferieur par exemple a 10' pour un grain de rayon 0,1 yum, ou a 5' pour un grain de 0,25 ^um, pour des rayons X de 2 keV. L'indice de refraction X est tres different de 1'indice de refraction optique,
6. Rappelons que la diffusion est en fait un phenomene de diffraction, et que la diffraction se fait dans des directions d'autant plus voisines de la direction incidente que 1'objet diffractant - ici le grain - est plus grand vis-a-vis de la longueur d'onde.
179
sa partie reelle m etant legerement inferieure a 17. Les photons X penetrent done entierement dans le grain, la reflexion sur la surface etant negligeable. L'energie des photons X etant considerablement plus grande que 1'energie des ban des electroniques du solide formant les grains, on peut considerer tous les electrons du solide comme libres pour ce processus, et la refraction et la diffusion dependent de la densite electronique totale ne dans le grain (en optique, au contraire, seuls les electrons faiblement lies sont efficaces). Comme m est peu different de 1, les dephasages entre le rayonnement incident et le rayonnement induit sont faibles et on peut souvent les negliger (approximation de Rayleigh-Gans). Aux energies X plus petites que 1 keV environ, il faut cependant tenir compte de ces dephasages pour les gros grains, et le calcul est analogue au calcul de Mie pour la diffusion optique. L'absorption des photons X par le materiau du grain est faible aux energies X superieure a environ 1 keV, mais devient importante aux energies plus petites (Figure 2.5). A titre d'exemple, nous reproduisons (Figure 7.7) 1'intensite du halo de diffusion autour d'une source X ponctuelle en fonction de Tangle avec la direction de cette source, pour la distribution MRN de la taille des grains donnee par 1'equation 7.8. Pour la comparaison avec une observation, voir la figure 7 de Smith & Dwek [454].
7.2
7.2.1
Les grains sont generalement chauffes par absorption du rayonnement UV et visible, et se refroidissent par emission thermique de photons infrarouges. D'autres mecanismes de chauffage ou de refroidissement des grains sont efficaces dans des cas particuliers : les collisions molecules-grains dans les parties profondes et denses des nuages moleculaires, qui vont generalement dans le sens du refroidissement des grains, les grains etant le plus souvent plus chauds que le gaz, et les collisions electrons-grains dans le gaz tres chaud des restes de supernova, qui jouent dans 1'autre sens. Us seront examines section 8.1.7. Un grain de poussiere spherique de rayon a soumis a une densite de rayonnement uv absorbe 1'energie totale
4yra2 etant la surface du grain. En effet, une surface unite du grain absorbe 1'energie Qa(y}TiIv, lv = cuvjkn etant le flux par steradian. Le facteur
7. Une expression approximative pour la partie reelle de 1'indice de refraction pour les rayons X est m = 1 n e r e A 2 /27r, ne etant la densite des electrons dans le materiau et re = 2, 8210~13 cm le rayon classique de Pelectron.
180
FlG. 7.7 - Intensite du halo de diffusion X en fonction de la distance angulaire a une source X ponctuelle, calculee pour un melange de grains de silicates et de graphite avec une composition voisine de celle de Draine & Lee [122] et la distribution de tailles de Mathis et al. [330] (Eq. 7.8). L'intensite relative a celle FX de la source X est donnee par minute d'arc carree et normalisee par la densite de colonne NH des atonies d'hydrogene. Les grains sont supposes etre distribues uniformement entre la source et 1'observateur. Le resultat est donne (a) pour des photons X de 2 keV, et (b) pour des photons de 0,5 keV. Les trois courbes dans chaque figure correspondent respectivement a la theorie simplifiee de Rayleigh-Gans ou tous les electrons du grain emettent en phase le rayonnement diffuse, a la theorie complete ne tenant pas compte de 1'absorption par le grain [Mie (Drude)], et a la meme theorie tenant compte de 1'absorption [Mie (Absorbed)]. Les differences sont importantes aux faibles energies X. D'apres Smith & Dwek [454], avec 1'autorisation de 1'AAS.
181
TT = JQ 2vr cos 9 sin 0 dO (9 etant 1'angle avec la normale a la surface) provient de 1'integration sur le demi-espace. Comme Qa(v] croit vers 1'ultraviolet, 1'energie est essentiellement absorbee dans 1'UV et le visible pour le champ de rayonnement interstellaire habituel ou pres d'une etoile assez chaude. Par ailleurs le grain, dont la temperature est T, emet 1'energie totale
ou Bv(T] est la fonction de Planck. 4-Tra2 est la surface d'emission, Qa est 1'efficacite d'emission et irB,,(T} est la puissance emise par unite de frequence dans le demi-espace par un corps noir a temperature T. Cette fois la temperature etant basse (voir plus loin) remission se fait dans 1'infrarouge moyen ou lointain. L'equation d'equilibre thermique s'ecrit done
dont on peut deduire la temperature d'equilibre T du grain. On peut calculer analytiquement cette temperature pour un modele simple de grain, si I'efficacite d'absorption dans 1'infrarouge moyen et lointain est representee approximativement par
avec (3 ~ 2 8 . D'apres Draine & Lee [122], AQ a /a ~ 1 a lOO^m, ce qui permet de determiner QQ une fois choisie la frequence de reference VQ. Le facteur a dans 1'equation 7.14 provient de ce que le grain est supposee beaucoup plus petit que la longueur d'onde (Eq. 7.7). En posant y = hv/kT et en explicitant la fonction de Planck, on obtient facilement 1'expression du membre de droite de 1'equation 7.13 :
8. La valeur de 1'exposant de 1'emissivite depend de la nature du grain et est assez mal determinee par les mesures en laboratoire, tres difficiles. Une determination observationnelle peut etre faite a partir de la distribution spectrale energetique du rayonnement emis : voir par exemple Lagache et al. [276], 1'equation 7.18 et la figure 7.8.
182
FlG. 7.8 - Spectres d'emission dans differentes parties du nuage moleculaire associe a 1'etoile p Oph. Ces spectres sont ajustes par remission de poussieres a temperature T, dont 1'emissivite en ondes submillimetriques varie comme v~n. Les valeurs de T et de n resultant de ces ajustements sont indiquees. D'apres Ristorcelli et al. [410], avec 1'autorisation de EDP Sciences. Le membre de gauche de 1'equation d'equilibre thermique (Eq. 7.13) peut egalement etre evalue de fagon simplifiee en supposant que les poussieres qui emettent sont tres absorbantes dans le visible et 1'UV, c'est-a-dire que Qa ~ 1, ce qui n'est pas une approximation trop grossiere pour les plus gros grains qui dominent remission en infrarouge lointain, qui ont des dimensions de 1'ordre des longueurs d'onde UV. On trouve alors une temperature de 1'ordre de 20 K pour des grains de rayon a = 0,1 /im dans le champ interstellaire proche du Soleil, variant seulement comme (a/ao)" 1 / 6 . Un calcul plus correct donne 18,8 K pour du graphite et 15,4 K pour du silicate (Draine & Lee [122], Tableau 3). La temperature depend evidemment du rapport <5a(UV, visible)/Q a (infrarouge lointain). Pour obtenir le spectre emis par un ensemble de grains, il faut bien entendu integrer sur la distribution de tailles. Une simplification assez grossiere, mais suffisante pour beaucoup d'applications, est celle utilisee par Desert et al. [110]. Comme on vient de le voir, le spectre emis par les grains depend a la fois du champ de rayonnement, et des proprietes des grains. A titre d'exemple, la figure 7.8 montre des spectres submillimetriques de la poussiere froide observes
183
FlG. 7.9 - Spectre en infrarouge moyen de la Nebuleuse d'Orion (unites logarithmiques). On y observe de nombreuses raies de structure fine identifiees sur la figure, la raie de recombinaison Pfund a de 1'hydrogene, des raies de rotation de H2 en provenance de la region de photodissociation situee a Parriere de la region H n, et les bandes aromatiques classiques en provenance de cette meme region. Le continuum est domine dans le domaine de longueur d'onde presente par 1'emission de la poussiere situee dans la region H n et dans la region de photodissociation. La courbe en trait plein est un ajustement du spectre continu qui est la somme des contributions suivantes : emission de silicates amorphes a 80 K (ligne traits-points fine) et a 130 K (ligne traits-points epaisse) ; emission par du carbone amorphe a 85 K (ligne fine en trait interrompu) et a 155 K (ligne epaisse en trait interrompu). Ces temperatures ne sont pas arbitraires, mais sont les temperatures extremes estimees pour des poussieres de differentes tailles dant le champ de rayonnement connu de la region Hn. La courbe en trait pointille correspond a remission de tres petits grains de carbone amorphe a 300 K. Les exces a plusieurs longueurs d'onde du continuum observe par rapport au modele pourraient correspondre a 1'emission de silicates cristallins. D'apres Cesarsky et al. [77], avec 1'autorisation de 1'ESO. dans differentes directions dans le nuage moleculaire de p Ophiuchi, et la figure 7.9 le spectre infrarouge de la poussiere chaude dans la direction de la region HII d'Orion. On deduit des observations avec le satellite COBE (Lagache et al. [276]) que 1'intensite emise en ondes submillimetriques par la poussiere chauffee par le champ de rayonnement interstellaire dans les regions voisines du Soleil est assez bien representee par la loi
184
7.2.2
Pour un tres petit grain de poussiere dont la capacite calorifique est necessairement faible, 1'energie apportee par 1'absorption d'un seul photon UV ou visible (ou 1'impact d'un seul electron dans un gaz tres chaud) peut conduire a une elevation importante et immediate de la temperature suivie d'un refroidissement rapide, jusqu'a I'arrivee d'un nouveau photon (ou electron). II n'est plus possible de parler d'equilibre thermique, puisque le grain subit des fluctuations temporelles importantes de sa temperature. Si C(T) est la capacite calorifique du grain a la temperature T, la condition pour que les fluctuations de temperature soient importantes s'ecrit
ou vm est 1'energie moyenne des photons absorbes et Teq est la temperature d'equilibre a laquelle serait le grain en 1'absence d'effets quantiques, qui est donnee par 1'equation 7.13. L'absorption d'un photon de frequence v chauffe le grain a une temperature T telle que
ou TO est la temperature initiale du grain. La determination de la capacite calorifique pour ces tres petits grains (ou grosses molecules) est un probleme assez difficile, traite de fagon complete par Draine & Li [129]. Nous en donnerons plus loin une solution approchee. En toute premiere approximation, on peut admettre que 1'energie thermique d'un grain forme de A/" atonies est de 1'ordre de 3MkT , done C(T) ~ 3J\fk. Un photon de frequence v porte done tres rapidement sa temperature a une valeur T ~ hv/3J\fk, en negligeant 1'energie thermique initiale du grain. Par exemple un grain forme de 50 atonies absorbant un photon UV de 1000 A est porte a environ 1000 K ! II emet alors dans 1'infrarouge relativement proche avec un maximum vers 3 /^m et se refroidit rapidement selon la loi :
en emettant evidemment des photons de longueur d'onde de plus en plus grande pendant le refroidissement (Figure 7.10). D'apres la loi de StefanBoltzmann qui dit que la puissance totale emise par un corps noir est
185
FlG. 7.10 - Evolution temporelle de la temperature de grains de differentes tallies soumis au rayonnement des etoiles, et done de 1'intensite qu'ils emettent. Les gros grains (trait horizontal gras, 3) sont en equilibre thermique et leur temperature est invariable. La temperature des grains les plus petits augmente brutalement lorsqu'ils absorbent un photon, et ils se refroidissent tres rapidement en retombant a une temperature tres basse (1). La temperature des grains de taille intermediate s'eleve un peu a 1'absorption de chaque photon, ce qui occasionne des fluctuations de temperature moins prononcees que dans le cas precedent (traits fins, 2). Les echelles sont arbitraires et differentes pour les differents cas. proportionnelle a T4, 1'essentiel de 1'energie est emise a haute temperature, done a des longueurs d'onde peu inferieures a 3 ^m. Le refroidissement se fait en quelques secondes, alors que le temps qui separe deux absorptions successives de photons est de plusieurs mois pour une particule de 50 atonies dans le champ interstellaire local. Une consequence tres importante est que le spectre emis ne depend pas du flux incident tant que le temps separant deux absorptions de photons est notablement plus long que le temps de refroidissement. La temperature maximale, done la forme du spectre, depend cependant de la taille de la particule et de 1'energie du photon absorbe. La figure 7.10 illustre schematiquement la variation temporelle de la temperature pour des grains de differentes tailles. Ce mecanisme a ete initialement propose par Andriesse [10] puis repris par Sellgren [439] pour expliquer 1'emission infrarouge de nebuleuses par reflexion. II a ete modelise en detail par Draine & Anderson [123] et par Guhathakurta & Draine [198] pour de tres petits grains de graphite et de silicate, et aussi par
186
FlG. 7.11 - Distribution de temperature dP/dlnT pour des grains de graphite de differents rayons a exposes au champ de rayonnement interstellaire pres du Soleil. P(T) est la probabilite de trouver un grain a une temperature superieure a T. Remarquer que les gros grains sont approximativement a 1'equilibre a une temperature d'environ 20 K. D'apres Draine & Anderson [123], avec 1'autorisation de 1'AAS. Leger & Puget [294] et Draine & Li [129], qui ont discute le cas des carbures aromatiques polycycliques hydrogenes dont nous reparlerons plus loin. La figure 7.11 illustre les resultats de Draine & Anderson pour le graphite, sous la forme d'une probabilite de distribution de temperatures pour des grains de differentes tailles, et la figure 7.12 sous la forme du spectre emis par le melange silicate/graphite de Draine &; Lee [122], avec un rayon minimale de 3 A. Une meilleure approximation pour la capacite calorifique des carbures aromatiques polycycliques hydrogenes, et plus generalement des molecules carbonees hydrogenees, peut etre obtenue comme suit. Leur contenu E(T) en energie thermique a la temperature T est donne par la formule suivante :
ou N est le nombre d'atomes dans le grain et rj(T) est le rapport entre la chaleur specifique a la temperature T et celle pour T = oo. Tj(T) est donne avec une bonne approximation pour un cristal isotrope par le modele d'Einstein :
(jj etant la pulsation de la vibration des atonies dans le cristal, qui est supposee etre la meme pour tous les atonies. Pour un cristal anisotrope, voir les traites
187
/\\A^HJL;
FlG. 7.12 - Spectre d'emission calcule d'un melange de grains de silicates et de graphite avec differentes distributions de taille, chauffes par le champ de rayonnement interstellaire moyen pres du Soleil. Les courbes sont nominees par la taille minimale amin, la taille maximale etant fixee a amax = 0,25 /^m. Les resultats sont pour la distribution de tallies de MRN avec une pente de 2,2, et pour une distribution de taille favorisant les petits grains avec une pente de 2,3. Cette figure est montree pour des raisons pedagogiques car le spectre de tailles des petits grains de silicates est mal connu, et le spectre total calcule ne correspond pas bien aux observations (Section 7.2.3). D'aprs Draine & Anderson [123], avec 1'autorisation de 1'AAS.
de physique statistique, par exemple Reif [403]. Cette fonction est portee figure 7.13 pour le graphite d'apres d'Hendecourt et al. [113], figure qui donne egalement la meme fonction pour deux molecules aromatiques legeres d'apres les calculs ab initio de Cook & Saykally [94]. On deduit d'une interpolation entre ces deux cas le nombre approximatif d'atomes du grain necessaire pour qu'il soit porte a la temperature T apres absorption d'un photon de longueur d'onde A. Ce nombre est donne par le tableau 7.2 qui donne aussi la longueur d'onde du maximum d'emission d'un corps noir a la temperature T. Ces longueurs d'onde sont choisies pour etre celles des principales bandes d'emission dans 1'infrarouge moyen qui seront discutees dans la prochaine section.
188
FlG. 7.13 Courbes permettant de calculer la chaleur specifique de grosses molecules et de petits grains carbones ; voir le texte pour la definition de r\. La courbe superieure correspond a 1'approximation harmonique pour le graphite, et les deux courbes inferieures a des calculs ab initio pour deux petits carbures aromatiques polycycliques hydrogenes, le coronene et le naphtalene. TAB. 7.2 Nombre d'atomes d'un petit grain carbone porte a la temperature T par absorption d'un photon de longueur d'onde A (colonnes 3, 4 et 5). Le tableau donne aussi colonne 2 la longueur d'onde Aem du maximum d'emission d'un corps noir a la temperature T.
-L Aem <^abs ^abs ^abs
(urn) (1250 A) 12,7 231 11,3 189 7,7 129 6,2 99 3,3 44
(5 OOP A) 80 70 41 29 12_
Nous signalons aussi que de tres petits grains en rotation, s'ils ne sont pas spheriques et s'ils sont electriquement charges, emettent un rayonnement dipolaire dans le domaine radio millimetrique (Draine & Lazarian [127]). Ce mecanisme est une des possibilites pour expliquer un exces de rayonnement observe avec le satellite CODE aux frequences inferieures a 600 GHz environ.
189
FlG. 7.14 - Spectre d'emission de la poussiere interstellaire, observe depuis 1'infrarouge proche jusqu'aux ondes millimetriques, normalise pour une densite de colonne de 1020 atomesH par cm2. La courbe en pointilles represente remission d'un corps noir a 17,5 K multiplies par une emissivite proportionnelle a v2. D'apres Boulanger et al. [54] avec 1'autorisation de Springer Verlag et d'EDP Sciences. On trouvera dans cet article les references aux observations. Comparer avec la figure 2.4, construite avec des donnees plus anciennes.
7.2.3
Le spectre d'emission infrarouge-submillimetrique du milieu interstellaire diffus est maintenant bien connu (Figure 7.14). On n'y voit pas les bandes des silicates a 9,7 et 18 /^m en emission, ce qui montre que les tres petits grains de silicates sont absents ou en faible quantite. Mais d'autre part on observe des bandes d'emission tres intenses a 3,3, 6,2, 7,7, 8,6, 11,3 et 12,7 //m, ainsi que des bandes plus faibles a d'autres longueurs d'onde, qui ne peuvent provenir ni des silicates, ni du graphite. On designe ces bandes dans la litterature astronomique par les sigles UIB (pour Unidentified Infrared Bands) ou IEF (pour Infrared Emission Features), ce qui ne presume en rien de leur nature, ou par le sigle AIB (pour Aromatic Infrared Bands), que nous preferons car il
190
est plus precis, ou enfin sous le nom de bandes PAH (ce sigle sera defini plus loin), ce qui est peut-etre trop precis comme nous le verrons. Les bandes aromatiques emettent une fraction importante du rayonnement de la matiere interstellaire, et on les trouve pratiquement partout ou des photons UV ou meme visibles peuvent les exciter, sauf dans les regions ou le champ de rayonnement UV est tres intense, car leurs emetteurs y sont visiblement detruits. Les regions qui dominent leur emission sont les regions de photodissociation a 1'interface entre regions HII et nuages neutres, ce qui s'explique par le fait qu'on y trouve a la fois beaucoup de matiere et beaucoup de photons UV et visibles (Planches 21 et 22). Ces regions sont discutees au chapitre 10. Mais les bandes aromatiques sont egalement observees dans le milieu H I. On les observe aussi dans de nombreuses galaxies exterieures. La stabilite du spectre dans des conditions tres variees est remarquable (Figure 7.15). Cependant le spectre infrarouge moyen de la matiere interstellaire neutre peut quelquefois etre tres different, un cas extreme etant celui du milieu interstellaire de la galaxie d'Andromede M31 qui sera discute brievement plus loin, section 15.4.2.
Proprietes des bandes aromatiques
Malgre de tres nombreuses observations avec les satellites ISO (europeen) et IRTS (japonais), la nature exacte des emetteurs des bandes infrarouges aromatiques est encore incertaine, du moins a 1'heure ou nous ecrivons. Avant de la discuter brievement, donnons un bref resume de nos connaissances actuelles sur les emetteurs de ces bandes. 1. Les porteurs de ces bandes sont certainement des petits grains ou grosses molecules contenant des cycles aromatiques hydrogenes. On peut assigner les differentes bandes a des modes de vibration caracteristiques des produits aromatiques, a savoir (Allamandola et al. [6]) : - la bande a 3,3 /^m a la vibration d'elongation de liaisons C-H attachees a un cycle aromatique (pour de telles liaisons attachees a un noyau aliphatique, la bande est aux environs de 3,4 /mi) ; - les bandes a 6,2 et 7,7 //m a des vibrations d'elongation C-C dans un solide ou une molecule aromatique ; - la bande a 8,6 //m a la vibration de flexion d'une liaison C-H attachee a un cycle aromatique, dans le plan de ce cycle ; - les bandes a 11,3 et 12,7 //m (et d'autres bandes voisines dans cette region spectrale plutot complexe) a la vibration de flexion d'une liaison C-H attachee a un cycle aromatique, perpendiculaire au plan de ce cycle. La longueur d'onde depend de la presence et du nombre de liaisons C-H adjacentes.
191
FlG. 7.15 - Spectres dans Pinfrarouge moyen de differentes regions du milieu interstellaire soumises a un champ de rayonnement croissant du has en haut de la figure. On constate que les spectres des bandes aromatiques est peu different d'une region a 1'autre. Les deux spectres du haut, pour lequel le rayonnement UV est particulierement intense, montrent des raies d'emission de structure fine a 7, 9, 10,5, 12,8 et 15,5 //m dues respectivement a Am, Ami, Siv, Neil et Nein. La resolution en frequence de ces spectres obtenus avec le satellitelSO n'est que A/AA ~ 40, si bien que ces raies paraissent aussi larges que les bandes aromatiques. Pour les deux spectres du haut, le champ de rayonnement interstellaire est superieur a 104 fois le champ dans le voisinage local, et 1'emission continue des tres petits grains se superpose aux bandes aromatiques. D'apres Boulanger et al. [54], avec 1'autorisation de Springer Verlag.
192
2. La forme des bandes peut tre bien ajustee par une fonction de Lorentz, ou une combinaison de fonctions de Lorentz9
ou Af = (Trr)"1, T etant la duree de vie de 1'etat excite, et v la frequence centrale de la raie (Boulanger et al. [53]). Ceci suggere que 1'energie du photon absorbe est tres rapidement redistribute entre les differents modes de vibration de 1'emetteur, avec un temps caracteristique T de 1'ordre de 10~13 s. 3. Les emetteurs sont chauffes par 1'absorption de photons individuals UV et visibles (Uchida et al. [496] ; Cesarsky et al. [76] ; Pagani et al. [369]) : voir la planche 23 pour le cas de la galaxie d'Andromede M31. La contribution des photons visibles est deja importante dans le milieu neutre atomique proche du Soleil (Figure 7.16). Dans ce cas, remission d'une bande a une longueur d'onde aussi courte que 6,2 //m (la bande a 3,3 yum n'a pas pu encore e-tre observee clairement dans le milieu diffus) implique qu'une partie des emetteurs ne contient pas plus d'une trentaine d'atomes (Tableau 7.2), ce qui, pour des grains compacts, correspond a des rayons de 1'ordre du nanometre : on peut alors presque parler de molecules. 4. L'abondance du carbone contenue dans ces emetteurs est certainement une fraction importante de 1'abondance totale. Elle peut etre estimee si Ton connait le champ de rayonnement excitateur, la section efficace d'absorption des emetteurs par atome de carbone en fonction de la longueur d'onde, 1'intensite de 1'emission des bandes aromatiques et la densite de colonne totale du milieu interstellaire. Par exemple, pour le milieu interstellaire a haute latitude galactique (les cirrus ), on trouve une emission totale, aux longueurs d'onde comprises entre 2 et 15 //m, de 1,6 10~24 erg s-1 par atome H. En admettant une absorption specifique des emetteurs de 2,3 10~20 erg s"1 par atome C pour le champ de rayonnement interstellaire pres du Soleil, d'apres Joblin et al. [248], on obtient une abondance de carbone dans les emetteurs C/H = 7 10~5, soit environ 20 % du carbone total. Dans le cas de la nebuleuse par reflexion Ced201, Cesarsky et al. [78] trouvent une abondance de 1'ordre de 15 % du carbone total. Ces abondances sont incertaines puisqu'on connait mal les valeurs de plusieurs parametres, mais 1'ordre de grandeur est sans doute correct. 5. Les particules responsables des bandes infrarouges pouvant etre excitees par 1'absorption de photons visibles, elles produisent une partie non
9. On utilise aussi un ajustement par des fonctions de Drude (Eq. 7.4) qui decrivent les bandes des solides, mais qui sont peu differentes.
193
FlG. 7.16 - Emission des bandes aromatiques a 6,2 et 7,7 /^m par atome d'hydrogene observee avec ISO, en fonction de 1'intensite du rayonnement ultraviolet a 2 000 A dans le disque de la galaxie d'Andromede M31. Voir Pagani et al. [369] d'ou est tiree cette figure, pour la signification exacte de 1'echelle des ordonnees, dont il suffit de savoir qu'elle est proportionnelle a 1'intensite des bandes et serait semblable a 30 % pres pour les cirrus galactiques. Les regions etudiees sont baignees dans un champ de rayonnement visible sensiblement egal a celui pres du Soleil, qui domine 1'excitation aux faibles intensites UV, jusqu'a environ luv = 2 unites des abscisses. L'intensite UV pres du Soleil correspondrait a une valeur deux fois plus faible. On en conclut que 1'excitation des emetteurs des bandes aromatiques pres du Soleil est dominee par le rayonnement visible. D'apres Pagani et al. [369], avec 1'autorisation de 1'ESO. negligeable de 1'extinction dans la bande V (5500 A), de 1'ordre de 13 % (chiffre seulement indicatif). Elles peuvent egalement produire une grande partie de 1'extinction dans 1'ultraviolet (Figure 7.17). Nature des emetteurs des bandes aromatiques Les bandes aromatiques ont ete initialement attributes par Leger & Puget [294] et par Allamandola et al. [5] a de tres petits grains ou grosses molecules de carbures aromatiques polycycliques hydrogenes ou PAH (de 1'anglais Polycyclic Aromatic Hydrocarbons), chauffes temporairement par 1'absorption de photons UV individuels. Bien que seduisante malgre des aspects contradictoires dont on relevera quelques-uns ici, 1'hypothese des PAH reste une hypothese, principalement en raison de la difficulte que Ton a a fabriquer et a etudier au laboratoire des PAH assez gros pour pouvoir simuler des particules interstellaires.
194
FlG. 7.17 - Section efficace d'absorption par atome de carbone pour un melange de PAH neutres (points, echelle des ordonnees de gauche) comparee a la courbe d'extinction interstellaire moyenne (trait continu, echelle des ordonnees de droite). Le nombre moyen d'atonies de carbone dans les PAH est Nc et T designe la temperature a laquelle le melange a ete evapore depuis un solide. L'absorption est negligeable pour A"1 < 2//m~ 1 (A >5000 A). Ces particules, mais sans doute aussi d'autres particules aromatiques carbonees, peuvent rendre compte de 1'extinction UV, qui est assez bien reproduite si Ton fait exception de bandes entre 2 et 4 yum"1 qui n'existent pas dans le milieu interstellaire. D'apres Joblin et al. [248], avec 1'autorisation de 1'AAS. Pour reproduire les spectres d'emission observes avec des PAH, il faut utiliser un melange de PAH neutres et de PAH ionises positivement (PAH+). Les PAH neutres emettent surtout les bandes a 3,3 yum et a 11,3-12,7 yum 10 , alors que les PAH+ emettent preferentiellement les bandes a 6,2-8,6 yum (Pauzat et al. [375]). Bien entendu, le spectre emis depend beaucoup de la temperature a laquelle est portee la particule, puisque le spectre d'emission est le produit de la section efficace d'absorption par le spectre du corps noir a cette temperature : les bandes de courte longueur d'onde sont preferentiellement emises aux temperatures elevees, et celles de grande longueur d'onde aux temperatures plus basses (voir des exemples dans Cook & Saykally [94]). Le profil de la bande a 3,3 yum est bien reproduit par de tres petits PAH (moins d'une trentaine d'atomes de carbone), pour lesquels on dispose de mesures en laboratoire directement utilisables pour la comparaison. Ces PAH ont une assez grande variete de spectres de 6 a 15 //m. On ne connait pas le spectre des PAH neutres ou ionises plus gros qu'on s'attend a voir dominer remission interstellaire, si bien qu'on ne sait pas si on peut reellement reproduire les spectres interstellaires par 1'emission d'une collection de PAH et de PAH+, comme tentent de le faire Allamandola et al. [7] ou Li & Draine [305].
10. Le spectre des PAH~, que Ton fait parfois intervenir, est assez semblable a celui des PAH neutres.
195
D'autre part la variabilite predite du spectre infrarouge moyen des PAH, qui est liee a leur degre d'ionisation et d'hydrogenation, n'est pas observee dans le milieu interstellaire. Ceci suggere que ce sont des especes plus grosses, dont les proprietes spectrales doivent etre moins sensibles aux conditions physiques, qui produisent les AIB. Par especes plus grosses, on entend des agregats de carbone hydrogenes et partiellement aromatiques. Des nanoparticules de diamants, dont la surface semble couverte de cycles aromatiques, sont des candidats interessants parmi les nombreuses especes possibles (Jones & d'Hendecourt [253]).
7.2.4
Pour rendre compte de 1'emission aux longueurs d'onde intermediaires entre celles des bandes aromatiques et celles ou emettent les gros grains dans un champ de rayonnement modere comme celui du voisinage solaire, on est amene a postuler Fexistence de tres petits grains susceptibles d'emettre un continuum. Au vu des longueurs d'ondes auxquelles ils emettent, ces grains sont necessairement portes a des temperatures de plusieurs dizaines de degres au moins et ne peuvent pas etre a 1'equilibre. Ils sont dans un regime intermediaire entre 1'equilibre, ou le refroidissement du grain est negligeable entre 1'absorption de deux photons consecutifs, et le regime entierement stochastique des emetteurs des bandes infrarouges aromatiques, ou le grain chauffe par absorption d'un photon a le temps de se refroidir completement avant 1'arrivee d'un autre photon (Figure 7.10). Ils se composent done de plusieurs centaines d'atomes. Leur energie thermique est donnee approximativement par 1'equation 7.22. Dans ce cas intermediaire, la forme du spectre emis n'est pas independante de 1'intensite du champ de rayonnement, alors qu'elle Test pour les particules plus petites. On sait tres peu de choses sur la nature de ces tres petits grains, si ce n'est que leur emission est dominee par des grains carbones et non par des silicates : nous avons vu en effet que 1'emission des bandes des silicates n'est visible que dans des champs de rayonnement tres intenses, plus de 104 fois le champ interstellaire pres du Soleil (Figure 7.11), ou elle est alors due a de gros grains. Les petits grains de silicate existent peut-etre, mais leur emission infrarouge est difficile a distinguer de celle des autres grains (Li & Draine [305]). On trouve empiriquement que la temperature maximale qu'atteignent les tres petits grains devient suffisante pour leur permettre d'emettre vers 15 y(/m lorsque le champ de rayonnement est superieur a environ 1000 fois le champ interstellaire pres du Soleil (Contursi et al. [93], voir Figure 7.15).
7.2.5
Les grains plus gros que les precedents sont responsables de 1'essentiel de 1'extinction dans le visible et 1'infrarouge, et de 1'emission a 1'equilibre aux longueurs d'onde superieures a environ 60 jum. Ils contiennent aussi
196
1'essentiel de la matiere solide. Les processus d'echanges entre ces gros grains et les plus petits jouent un role important dans le bilan energetique du milieu interstellaire. Us seront examines au chapitre 15. Le probleme principal que posent les gros grains est de connaitre la nature et I'emissivite des grains qui dominent le rayonnement en ondes submillimetriques (Eq. 7.14, 7.17 et 7.18). Ce point est encore quelque peu controverse.
7.3
Modeles globaux
Depuis longtemps, divers auteurs ont tente de construire des modeles globaux de poussieres interstellaires capables de rendre compte de toutes leurs proprietes, tout en etant compatibles avec les deficiences de certains elements mesurees dans la phase gazeuse du milieu interstellaire (Tableau 4.2). La difficulte principale est de savoir a quoi sont dues les diverses parties de la courbe d'extinction. L'extinction dans le visible varie relativement peu et est due, on 1'a vu, a des grains relativement gros, la distribution de taille MRN (Eq. 7.8) donnant des resultats satisfaisants. II faudrait cependant tenir compte de ce que les emetteurs des bandes aromatiques infrarouges donnent une contribution non negligeable, mais mal connue, a 1'absorption dans le visible (mais aucune contribution a la diffusion puisque leur taille est extremement petite). Les difficultes apparaissent dans 1'ultraviolet, ou 1'on observe des variations importantes de la courbe d'extinction d'une direction a 1'autre et une absence de correlation entre la bande d'absorption a 2175 A, 1'extinction aux longueurs d'onde plus grandes (qui prolonge bien 1'extinction optique en I/A) et 1'extinction aux longueurs d'ondes plus courtes qui est particulierement variable (Figure 7.3). Desert et al. [110] et Li &; Greenberg [304] admettent que la contribution des tres petits grains (carbones) a 1'absorption est la bande a 2 175 A, les PAH dominant 1'exces en UV lointain de la courbe d'extinction, et donnant une partie de 1'extinction visible et UV. Dans le modele de Dwek et al. [136], les tres petits grains sont faits de graphite, avec une distribution de tailles qui prolonge celle des gros grains, et ils sont responsables d'une partie de 1'extinction UV et de la bande a 2 175 A, les PAH prolongeant encore la distribution de taille jusqu'a des molecules avec 20 atonies de carbone. Weingartner &: Draine [516] supposent que la bande a 2 175 A est entierement due aux PAH. Ces hypotheses sont, on 1'a vu, en partie arbitraires et, en fait, la bande a 2 175 A est plutot anticorrelee a 1'emission vers 12 /^m qui pourrait etre due aux PAH (Boulanger et al. [51]). Nous noterons toutefois que tous les modeles cites, y compris celui de Weingartner &; Draine [516], sonc capables de reproduire de fagon satisfaisante les variations observees de la loi d'extinction, y compris celle tres differente des Nuages de Magellan, par des modifications appropriees de la distribution de taille et de 1'abondance des grains. Une autre application des modeles globaux, qui peut eventuellement fournir des informations indirectes sur les proprietes absorbantes et emettrices
197
des grains, consiste a construire im modele simplifie du disque d'une galaxie. On se donne la distribution verticale des etoiles chaudes qui sont responsables de 1'essentiel du chauffage de la poussiere, et de la poussiere elle-meme dont 1'echelle de hauteur, supposee identique a celle du gaz neutre, est plus grande (Section 1.3). On tient compte de la diffusion, eventuellement multiple (Witt & Gordon [524]) du rayonnement stellaire par la poussiere pour finalement calculer le rayonnement infrarouge lointain du disque et le confronter aux observations. Pour un exemple, voir Xu & Helou [532]. En ce qui concerne la propagation du rayonnement dans un milieu inhomogene contenant de la poussiere, on se rapportera utilement a Boisse [42] ou Ton trouvera une solution analytique approchee.
7.4
Lorsqu'une densite de colonne de poussieres importante est interposee devant une source infrarouge suffisamment intense, la poussiere est vue en absorption et on observe des bandes caracteristiques de differents solides. Ce domaine de recherche est en grande expansion grace au satellite ISO et ses successeurs. Par exemple, on a observe dans le milieu diffus et les enveloppes de nuages moleculaires des bandes d'absorption d'hydrocarbures. La bande aromatique a 6,2 /^m a ete observee en absorption avec ISO devant quelques sources (Schutte et al. [435]). Elle est tres vraisemblablement produite par les particules qui emettent les bandes aromatiques. Une autre bande de structure complexe centree a 3,4 /urn a ete observee dans differentes directions, aussi en provenance du milieu diffus (voir par ex. Pendleton [378]). Elle peut etre identified a la vibration d'elongation C-H dans les groupes fonctionnels CH2~ et -CHa des hydrocarbures aliphatiques (la vibration d'elongation C-H des H attaches aux cycles benzeniques des hydrocarbures aromatiques est a 3,3 /um). Elle met done en evidence la presence dans le milieu interstellaire de composes carbones differents des particules aromatiques vues en emission. La bande a 3,4 /um n'est pas visible dans les nuages moleculaires, pour des raisons encore mal comprises. On avait repere aussi depuis longtemps les bandes d'absorption des silicates a 9,7 et 18 /^m et quelques autres bandes, mais c'est le satellite ISO, avec en particulier son spectrographe SWS, qui a donne le plus d'informations. La figure 7.18 montre par exemple le spectre obtenu devant une etoile jeune profondement enfouie dans un nuage moleculaire. On y voit, en plus des bandes des silicates, des bandes de vibration de E^O, CO et CO2 solides, et de divers autres materiaux. Ces glaces proviennent de la condensation de molecules du gaz interstellaire sur les poussieres lorsqu'elles sont suffisamment froides, et eventuellement de reactions chimiques dans ces glaces. Ces phenomenes seront etudies section 9.2.
198
FIG. 7.18 - Spectre dans la direction de 1'etoile jeune massive NGC7538 IRS9 enfouie dans un nuage moleculaire, obtenu avec ISO. Les principales bandes d'absorption sont identifiees. La bande a 6,2 p,m marquee (?) est probablement due en partie a 1'alcool methylique. D'apres Whittet et ol. [519], avec 1'autorisation de 1'ESO. II est interessant de remarquer que le depot d'un manteau de glace sur les grains dans les nuages moleculaires augmente leur taille et modifie la courbe d'extinction dans le visible. Ce phenomene est negligeable dans le milieu diffus ou les grains sont trop chauds pour que la glace puisse s'y condenser efficacement. II est cependant probable qu'en general la coagulation des grains entre eux est plus efficace que la formation d'un manteau pour augmenter la taille des grains, y compris dans les nuages moleculaires (Chapitre 15). Quoi qu'il en soit, le rapport R = Ay/E(B V], dont la valeur habituelle dans le milieu diffus est 3,1, peut atteindre 5 ou 6 dans les nuages moleculaires : ceci implique des grains plus gros en moyenne, dont 1'extinction est done moins dependante de la longueur d'onde que celle des plus petits grains. On peut deduire de 1'intensite d'une bande d'un solide absorbant la densite de colonne N des molecules de ce solide si 1'on connait 1'absorbance integree A dans la bande, qui est exprimee en cm par molecule :
ou Tmax est la profondeur optique au centre de la bande et Ai/ sa largeur en cm"1. Le tableau 7.3 donne les absorbances pour les principales bandes de solides purs. Pour des melanges de glaces, ces absorbances peuvent varier par un facteur allant jusqu'a 2.
199
TAB. 7.3 Principales bandes de vibration dans des glaces, et absorbances dans ces bandes. D'apres Boulanger et al. [54].
Molecule H2O
Mode
Elongation O-H Flexion H-O-H Libration CO Elongation C=O 13 CO Elongation C=O CO2 Elongation C=O Flexion O=C=O 13 CO2 Elongation C=O CH4 Elongation C-H Deformation C-H X-CN(OCN-)Elongation C=N NH 3 Elongation N-H Flexion N-H Parapluie H 2 CO Elongation C=O CH3OH Elongation O-H OCS Elongation C=O
Frequence cm"1 3 280 1 660 760 2 139 2 092 2 343 660,665 2 283 3 012 1 304 2167 3 208, 3 375 1 674 1 070 1 720 3 251 2 040
A fj,m 3,05 6,0 13,1 4,67 4,78 4,27 15,2 4,38 3,32 7,69 4,61 2,96 5,97 9,35 5,81 3,07 4,90
Absorbance cm mol"1 2,0 10~16 1,2 10~17 3,1 10~17 1,1 HT17 1,3 KT17 7,6 HT17 1,1 10~17 7,8 10~17 6,0 10~18 6,4 10~18 2,7 KT17 2,2 10~17 4,7 1(T18 1,7 10~17 9,6 10~18 1,3 10~16 1,5 10~16
TAB. 7.4 - Abondances de glaces relatives a la glace de H2O en direction de trois objets stellaires jeunes enfouis (RAFGL 7009S, NGC 7538:IRS 9, IRAS 19110+1045) et de 1'etoile Elias 16 situee derriere un nuage moleculaire. Pour Elias 16, on donne aussi les abondances en nombre de molecules relatives aux atonies H (isoles ou sous forme de H2). D'apres Boulanger et al. [54] et Schutte [436]. Molecule
H2O CO CO2 13 CO2 CH4 OCN~ H2CO CH3OH
% relatif a H 2 O Abond. rel. a H RAFGL 7009S NGC 7538 IRAS 19110 Elias 16 Elias 16
100 15 21 0,33 3,6 3,7 3,0 30 100 15 12 1,6 0,5 <3 7 100 <1,5 5 100 33,5 14 <5
Le tableau 7.4 donne les abondances de diverses glaces devant trois objets stellaires jeunes enfouis, et devant une etoile situee derriere un nuage moleculaire. Ces dernieres sont plus caracteristiques d'un nuage moleculaire
200
car le rayonnement des objets enfouis chauffe la poussiere au voisinage et modifie les glaces. II existe aussi des bandes d'absorption dans 1'infrarouge lointain. La plus remarquable est une bande tres large centree a 44 /^m, due a la glace H2O amorphe. Dans le cas de 1'absorption devant 1'objet protostellaire IRAS 19110+1045, il s'y superpose une absorption fine a 43 //m due a la glace cristalline. C'est un exemple interessant de transformation de la glace sous 1'efFet du rayonnement de la protoetoile. Nous reviendrons au chapitre 15 sur ces transformations.
7.5
La fluorescence infrarouge
On observe dans de nombreux objets interstellaires, particulierement les regions de photodissociation et les nebuleuses par reflexion, ainsi que dans les nebuleuses planetaires riches en carbone, une bande d'emission centree vers 6500 A et large d'environ 1500 A. Elle est meme observee dans le milieu interstellaire diffus (Gordon et al. [192]). On 1'a longtemps attribute a la fluorescence de produits carbones illumines par un rayonnement ultraviolet, mais cette hypothese se heurte a plusieurs difficultes, notamment le faible rendement de fluorescence de ces produits. L'intensite de la bande implique que 1'emetteur doit avoir un rendement de fluorescence tres eleve, peu inferieur a 1. Les nanoparticules de silicium cristallin respondent a ce critere et sont d'excellents candidats (Ledoux et al. [289], Witt et al. [525]). L'accord des donnees d'observation avec les mesures de laboratoire sur ces particules est remarquable, et la quantite de Si requise est bien inferieure a son abondance totale. Ces nanocristaux ne sont pas necessairement isoles, mais peuvent etre inclus dans une matrice, par exemple de SiC.
202
Les aspects thermiques concernant les poussieres interstellaires ont ete traites au chapitre 7, a 1'exception des echanges thermiques gaz-poussieres qui seront traites ici. Nous ne parlerons pas dans le present chapitre du chauffage et refroidissement par des processus dynamiques comme les ondes de choc et la turbulence, qui seront traites dans les chapitres 11 a 13. Un tel processus dynamique est seul susceptible de chauffer le milieu ionise chaud decrit section 5.3 (Chevalier & Oegerle [81]). On trouvera dans le tableau 1 de Particle de Wolfire et al. [527] une liste assez exhaustive des processus de chauffage et refroidissement du gaz dans le milieu interstellaire neutre diffus. II faut en aj outer quelques autres dans les autres composantes du milieu interstellaire. Dans ce chapitre, nous examinerons tous ces processus en prenant soin de preciser a quelle composante chacun d'eux se rapporte. Suivant 1'usage, nous designerons par F (pour gain) le gain d'energie par unite de volume et de temps, et par A (pour loss, perte en anglais), la perte d'energie par unite de volume et de temps1. L'equilibre thermique s'ecrit evidemment F = A, ce qui determine la temperature apres que ces fonctions, qui en dependent generalement, ont ete calculees.
8.1 8.1.1
La plupart des mecanismes de chauffage du milieu interstellaire font intervenir, nous 1'avons vu, des particules suprathermiques (principalement des electrons), qui se thermalisent rapidement par collisions coulombiennes elastiques sur les electrons du gaz. Le gaz d'electrons ainsi chauffe se met en equilibre avec le gaz d'ions. Puis, si le gaz n'est pas completement ionise, les collisions elastiques entre ces ions et les particules neutres transferent plus lentement 1'energie aux particules neutres jusqu'a ce que Pequilibre thermique soit realise. II est interessant de donner les ordres de grandeur des temps caracteristiques de ces phenomenes. Le probleme de la thermalisation des particules suprathermiques est traite en detail dans le chapitre 2 de 1'ouvrage de Spitzer [467], auquel nous empruntons ce qui suit. Considerons d'abord 1'interaction entre particules chargees, qui est regie par les forces electrostatiques a longue portee. Supposons qu'un electron suprathermique entre dans un gaz partiellement ionise avec une vitesse initiale ve tres superieure a la vitesse d'agitation thermique des electrons (et a fortiori des particules plus lourdes) du gaz. On peut definir un temps
1. La notation est quelquefois ambigue dans la litterature pour F et A. Nous les definirons toujours par unite de volume, et non par atome.
203
ou (Af e ||) est le changement moyen par seconde de la vitesse longitudinale de I'electron incident sous 1'effet de son interaction avec le gaz (son signe est ici negatif puisqu'il y a ralentissement de I'electron). Considerons d'abord 1'interaction avec une particule lourde (ion). Cette interaction ne produit guere qu'une deflexion de la trajectoire de I'electron incident, avec peu de changement de 1'energie cinetique puisque 1'ion peut etre considere comme immobile et non affecte par la collision en premiere approximation. La trajectoire de I'electron est hyperbolique, et on peut voir aisement que la deflexion est de 90 lorsque le parametre d'impact p, qui est la distance la plus petite a laquelle I'electron et 1'ion se trouveraient s'il n'y avait pas d'attraction electrostatique, vaut
ou Zje est la charge de 1'ion. Alors (Av e y} = t>e, ce qui fournit une estimation de tt qui est
HI etant la densite des ions. Ce resultat est cependant tres approche car on n'a pas tenu compte dans 1'estimation de tt des collisions eloignees, dont 1'erTet domine fortement celui des collisions proches2. Le resultat correct (Spitzer [464]) est
ou rii est la densite ionique, AD etant le facteur d'ecran de Debye resultant de 1'ecrantage du champ electrostatique d'un ion par le plasma environnant. Ce facteur vaut, pour des energies inferieures a 40 eV,
ou ne et Te sont respectivement la densite electronique et la temperature electronique du gaz. Par exemple, pour ne \ cm~3 et Te 104 K, In A>=23.
2. On a egalement neglige les pertes d'energie par rayonnement (rayonnement free-free ou bremsstrahlung). Ceci se Justine pour les energies relativement faibles : la perte d'energie relative par bremsstrahlung dans une seule collision n'est importante que si 1'energie de I'electron est tres grande. Elle est de 1'ordre de 30 % a tres haute energie (Section 6.2.2).
204
Comme nous 1'avons dit, le transfert d'energie des electrons suprathermiques aux ions est faible. II n'en est pas de meme avec les electrons du gaz, dont la vitesse est fortement affectee par les collisions avec les electrons suprathermiques. Si la vitesse ve des electrons suprathermiques est tres superieure a la vitesse d'agitation thermique des electrons du gaz, on peut appliquer 1'equation 8.4 ci-dessus a condition de remplacer m par ne et Ton a :
Attention, ne et Te se rapportent au gaz, et ve aux electrons suprathermiques. On peut evaluer de la meme maniere le temps de thermalisation tt(i, e) d'ions suprathermiques de masse m^ (ou Ai en unites atomiques de 1,66 10 ~ 24 g) et de charge Zi& arrivant dans un gaz ionise. On trouve
Les electrons du gaz chauffes par ce processus sont rapidement thermalises, puis les ions se mettent plus lentement en equilibre thermique avec eux. Spitzer [467] montre que la vitesse a laquelle la thermalisation se fait entre le gaz d'electrons chauffes, de temperature Te, et le gaz d'ions de temperature Ti, est donnee par
Le temps caracteristique d'equipartition des energies (ou des temperatures) des ions et des electrons est done de 1'ordre de tt(i,e)/2. II nous faut maintenant evaluer le temps d'equipartition de 1'energie cinetique entre les atonies neutres du gaz et les electrons et les ions. Ici les forces en jeu sont a courte portee et les sections efficaces de collisions elastiques sont plus faibles qu'entre particules chargees. Elles sont en toute premiere approximation de 1'ordre de la section efficace geometrique. Une evaluation correcte necessite des calculs quantiques. Dans ce cas, il faut raisonner sur le transfert de quantite de mouvement. Les collisions entre electrons et particules neutres sont beaucoup moins efficaces que celles entre ions et particules neutres en raison de la faiblesse de la quantite de mouvement des electrons : nous ne considererons done que les collisions entre ions et neutres, mais il serait immediat d'etendre les resultats a tous les types possibles de collisions ne faisant intervenir que des forces a courte portee, en particulier les collisions neutre-neutre. Considerons la vitesse relative vr entre un ion incident de vitesse v^ et une particule neutre du gaz au repos, de vitesse v n . Soit cr(vr) la section efficace
205
de collision. Elle depend en general du module vr de la vitesse relative et des circonstances geometriques de la collision, a cause des effets quantiques : par exemple, les particules peuvent etre temporairement quasi liees et orbiter 1'une autour de 1'autre pendant quelque temps grace a 1'attraction du dipole induit sur le neutre par 1'ion, si vr est faible et si le parametre d'impact a une valeur appropriee. Si on suppose d'abord pour simplifier que vr est la meme pour toutes les particules neutres (ce serait pratiquement le cas pour un ion incident de grande energie), le taux de collisions pour un ion est vrcr(vr)nn, si nn est la densite des neutres. cr(vr) est definie de telle maniere que la perte moyenne de quantite de mouvement de la particule chargee par seconde soit egale au produit de ce taux de collisions par la quantite de mouvement disponible, qui est mrvr, mr etant la masse reduite des deux particules
La quantite de mouvement de 1'une ou de 1'autre des particules est mrvr par rapport au centre de masse. Le changement moyen par seconde (Av^) de la vitesse de 1'ion est alors tel que
II faut maintenant faire la moyenne de cette expression sur les directions et les vitesses des neutres, en supposant une distribution maxwellienne. Toujours en supposant que la vitesse de la particule chargee est tres differente de celle des neutres, on a approximativement dans ce cas
La valeur moyenne de vrcr(vr) est denommee coefficient de mlentissement. Si elle est constante, 1'equation precedente est exacte en raison de 1'isotropie des vitesses v z . (Av^) reste dirigee dans la direction incidente de v^. On peut maintenant evaluer le temps de ralentissement de 1'ion t (z,n) = Vi/Avi a partir des equations 8.9, 8.10 et 8.11:
Comme precedemment, le temps d'equipartition entre deux gaz maxwelliens de temperatures differentes en interaction est tf(z,n)/2. Le meme raisonnement peut etre applique aux collisions entre les grains de poussiere et les atomes ou molecules du gaz. Le grain est presque au repos par rapport aux particules du gaz et Spitzer [467] montre que tt doit alors etre multiplie par 3/4. Le temps de ralentissement du grain par friction sur les neutres est alors donne par
206
ou <r est la section geometrique du grain (a = vra2 pour un grain spherique de rayon a). Revenons aux collisions ion-atome. On a evalue entre autres par des calculs quantiques la section efficace de la collision elastique C+ et H. On la trouve proportionnelle a v~l si bien que vra est independant de vr. On a (vr<j)(C+ H) = 2, 2 10~9 cm3 s~l. Cette valeur est approximativement la meme pour les autres ions lourds positifs, et meme pour les collisions H-H+ a T < 100 K. Pour les collisions entre ions positifs et les atonies He, les valeurs de a sont environ deux fois plus faibles. Recapitulons en prenant 1'exemple du gaz neutre diffus, pour lequel des parametres caracteristiques sont nn 25 cm~ 3 , ne = 310~ 4 riH = 0,0075 cm~ 3 resultant de 1'ionisation du carbone, et T = 100 K. Supposons qu'on chauffe ce milieu avec des electrons d'energie E I eV, dont la vitesse (2'/me)1/2 = 6 107 cms" 1 est tres superieure a la vitesse d'agitation thermique (kT/me)1/2 = 4 106 cms" 1 des electrons du gaz. Les electrons suprathermiques se thermalisent avec les electrons du gaz en un temps caracteristique tt(e,e) = 1,5 106 s (Eq. 8.6). L'equipartition des energies des electrons et les ions carbone se fait en un temps caracteristique tt(i,e)/2 1,7 107 s (Eq. 8.7). Enfin 1'equipartition entre les ions carbone et les atomes d'hydrogene a lieu en un temps caracteristique tt(i,n)/2 = 1, 2 108 s (Eq. 8.12). Tous ces temps sont de 1'ordre de 1'annee (1 an = 3,16107 s). Us sont tres courts par rapport aux temps caracteristiques d'evolution du milieu interstellaire qui sont de 1'ordre de 106 ans, et on peut admettre 1'equipartition dans ce cas. Spitzer [467] montre aussi que les particules du milieu interstellaire ont des distributions de vitesses proches de la distribution maxwellienne. Cependant 1'equipartition des energies peut ne pas etre realisee dans certains phenomenes rapides comme les chocs (Chapitre 10) ou 1'intermittence dans la turbulence (Section 13.2.4).
8.1.2
Des les premieres determinations de la temperature du milieu interstellaire par mesures d'emission/absorption en raie 21 cm (Section 4.1.1), on s'est pose le probleme de ses sources de chauffage. Le mecanisme qui a ete le premier invoque est le chauffage par les particules cosmiques de basse energie (Goldsmith et al. [187] ; nous suivrons de pres cet article). Les rayons cosmiques transferent de 1'energie aux electrons lies des atomes ou des molecules du gaz (ionisation et excitation), et aussi aux electrons libres (collisions coulombiennes et generation d'ondes de plasma). Les electrons ejectes par 1'ionisation, ou acceleres lorsqu'ils sont libres, partagent leur energie cinetique avec les autres particules du gaz, qui est done chauffe. On verra cependant qu'une partie de cette energie sert a 1'excitation des atomes. Les ondes de plasma sont aussi susceptibles de chauffer le gaz, comme on le verra section 8.1.8.
207
Comme les particules cosmiques ont des vitesses tres grandes par rapport aux particules du gaz, les sections efficaces u d'ionisation, d'excitation et d'interaction coulombienne et les taux de collision Ci, C^, et 63 correspondants (C = river ou n est la densite des particules du milieu interstellaire) sont proportionnels 1'un a 1'autre, et ne dependent que de la vitesse v de la particule cosmique. L'energie cinetique E\ de 1'electron libere par 1'ionisation et celle E3 acquise par interaction coulombienne ne dependent pas de v car v est tres grand (v ^> ^/2E^Jm^). De meme, la fraction d'energie f\E\ + f^E^ utilisee pour chauffer le gaz est independante de v. Done, le taux de chauffage fiCiEi + fsC^Es est proportionnel a C\ quelle que soit v. Comme le spectre des rayons cosmiques decroit fortement aux hautes energies (Figure 6.2) il est clair que les particules cosmiques de haute energie n'auront qu'un role negligeable vis-a-vis de celles de quelques MeV qui sont certainement plus nombreuses, bien qu'on connaisse mal leur flux a cause de la modulation solaire (Section 6.1.2). Le taux de chauffage, etant proportionnel a C\, est aussi proportionnel au taux d'ionisation (\ qu'il est d'usage de considerer comme la quantite principale du probleme. Ce taux, par nucleon du milieu interstellaire, est donne par
ou Z represente le nombre de charge des differentes especes constituant le rayonnement cosmique, dont le flux est Iz(v). &ion,z(v] est la section efficace d'ionisation par un rayon cosmique de charge Z et de vitesse v. L'energie cinetique E (definie par nucleon) d'un noyau cosmique est
et on ecrit plutot
I(E,Z) etant exprime en cm~ 2 s"1 erg"1 ster"1. Cette expression ne tient pas compte de 1'ionisation secondaire des atomes et molecules interstellaires par les electrons qui sont liberes par 1'ionisation par les rayons cosmiques. On en parlera plus loin. Pour E > 0,3 MeV, aion(E, Z) est donne par
ou /3 = v/c. Done o-ion(E, Z) = Z'2aion(E, I). En supposant que 1'abondance des ions lourds par rapport a Phydrogene dans les rayons cosmiques est
208
independante de 1'energie et est la meme aux energies qui nous interessent (quelques MeV/nucleon) qu'aux hautes energies ou elle est bien mesuree, on a
On peut ecrire 1'equation 8.17 sous la forme aion(E, 1) ~ v~2<&(E), en negligeant les termes en /?4, ce qui definit la fonction &(E). L'equation 8.16 s'ecrit alors simDlement
($) etant la moyenne de $ sur le spectre d'energie des protons cosmiques. Calculons maintenant le taux de perte d'energie d'une particule cosmique par ionisation et par excitation des atomes ou molecules du gaz. Elle vaut
ou Et est 1'energie totale de la particule et AEt est 1'energie perdue par interaction. Cette perte d'energie est donnee par la formule de Bethe-Bloch
ou AEeff ~ 15 eV est une valeur effective de AEt (en fait le potentiel d'ionisation moyen de la cible, pondere par 1'abondance des elements) et M est la masse au repos de la particule cosmique. n est la densite des particules cibles (H, H2 et He essentiellement) et z leur charge moyenne. Cette expression provient d'un long calcul de mecanique quantique qui n'est que rarement presente de fac,on complete (voir par exemple Heitler [213] pour des references donnant les details). On en trouvera une demonstration simplifiee mais tres physique dans Longair [316], ainsi que les corrections a apporter (qui sont faibles) pour les tres hautes energies et les milieux denses. L'expression de la perte d'energie d'une particule cosmique par son interaction coulombienne avec les electrons libres est simplement obtenue d'apres Ginzburg & Syrovatskii [183] en remplagant dans 1'equation 8.21 n par la densite electronique ne et ^Eeg par hujp, u>p = (47re 2 n e /m e ) 1 / 2 etant la frequence de plasma, ce qui donne
209
Comme les particules cosmiques efficaces ne sont pas relativistes, on peut negliger le terme v2/c2 dans les equations 8.21 et 8.22. Les electrons resultant de 1'ionisation ont une energie 6 de 1'ordre de 35 eV (Spitzer [467]), qui est propice a 1'excitation collisionnelle des particules du milieu interstellaire, si bien que seule une fraction / de leur energie est utilisee pour le chauffage. D'un autre cote, ces electrons produisent aussi, comme on 1'a dit plus haut, des ionisations secondaires des particules du milieu interstellaire ; les electrons secondaires ainsi liberes occasionnent par interactions coulombiennes un chauffage supplemental (Spitzer &; Scott [465]), que Ton inclut dans le terme /. Definissons dans les equations 8.21 et 8.22 les fonctions respectives
Le rapport 0i/02 est de 1'ordre de 0,2, si bien que les deux processus correspondants sont tous deux importants si le gaz est partiellement ionise. Le taux de chauffage par unite de volume s'ecrit
ou les symboles () indiquent une moyenne sur le spectre d'energie des particules cosmiques et sur les differentes sortes de particules. En utilisant 1'equation 8.19 on obtient finalement
La partie electronique peut etre evaluee immediatement pour le chauffage par des protons d'energie donnee, a partir des expressions de 02 et de $ : par exemple pour des protons de 2 MeV, on a TCRG 4,6 10~10ne erg cm"3 s"1. L'autre terme est beaucoup plus difficile a evaluer, en raison de la difficulte a calculer /. Une expression du taux de chauffage directement utilisable, qui tient compte des ionisations secondaires, est proposee par Wolfire et al. [527] :
ou Eh(E,x) est Penergie deposee sous forme de chaleur par chaque electron primaire d'energie E. La figure 3 de Shull & van Steenberg [446] donne Eh/E en fonction de E et de x. Pour E = 35 eV, ce qui est approprie pour le milieu
210
interstellaire general, Eh varie entre 6 et 35 eV en allant d'un gaz neutre a un gas ionise. C depend directement du flux de particules cosmiques de basse energie, qui est fortement affecte par la modulation solaire. Sa determination est done assez imprecise. Le spectre estime des rayons cosmiques presente (Figure 6.2) en trait gras correspond a = 1,810~17 s"1. Alors TCR l,710~ 28 n erg s"1 cm"3 pour un milieu neutre, d'apres 1'equation 8.27. Certains auteurs ont tente d'estimer de fagon semi-empirique. Tous s'accordent sur des valeurs ~ 1 210~ 17 s"1. Un tel taux d'ionisation est de toute maniere beaucoup trop faible pour chauffer le milieu interstellaire diffus aux temperatures observes (100 K ou plus). Goldsmith et cd. [187] avaient utilise une valeur beaucoup plus grande, = 410~ 16 s"1, considered aujourd'hui comme irrealiste dans la Galaxie, sauf peut-etre tres pres des sources de particules cosmiques que sont les restes de supernova. Cependant le chaufFage par rayons cosmiques est le seul efficace dans les profondeurs des nuages moleculaires. Lorsque la densite est assez grande pour que les echanges d'energie grains-gaz deviennent efficaces, il s'y ajoute le chaufFage du gaz a partir des grains (Section 8.1.7).
8.1.3
L'importance de ce processus, qui est le plus efficace pour chauffer le milieu interstellaire diffus froid3, n'avait pas ete realisee a 1'epoque de Goldsmith et al. [187]. II a ete propose initialement par Watson [514] en 1972 et developpe en detail par Draine [120]. Le rayonnement ultraviolet des etoiles frappe les grains de poussiere interstellaire et leur arrache des electrons. Ceux-ci, dont 1'energie est une fraction importante de celle du photon incident, se thermalisent sur les electrons du milieu, produisant le chauffage. Leur energie (quelques eV) est en general trop faible pour produire une ionisation ou une excitation des atonies ou des molecules du milieu, si bien qu'on peut considerer que toute 1'energie du photoelectron sert a chauffer le milieu. Le reste de 1'energie des photons sert a chauffer le grain, mais une partie est egalement perdue par le photoelectron pour franchir la barriere coulombienne due a une eventuelle charge positive du grain. Le grain peut en effet etre charge electriquement, comme il sera discute plus loin. La nature, la dimension et dans une moindre mesure la forme du grain, et surtout sa charge electrique, jouent done un role determinant dans le processus. II est important de remarquer que, dans la distribution de taille des grains MRN qui est de la forme n(a) oc a~3'5 ou a est le rayon des grains (Eq. 7.8), la distribution de la surface des grains a 2 n(a) oc a~ 1>5 est fortement dominee par les plus petits grains. Comme on a vu section 7.2.3, il ne semble pas y avoir de tres petits grains de silicates dans le milieu interstellaire general,
3. Le chauffage par rayons X est tres important pour le milieu atomique tiede, voir plus loin la section 8.1.5.
211
FlG. 8.1 - Determination experiment ale de la section efficace de photo-ionisation par atome de carbone pour un petit PAH a 24 atomes de carbone, le coronene (trait interrompu) et extrapolation a un grain contenant 80 atomes de carbone (trait plein) et a un plan infini de graphite (trait pointille). La section efficace est en unites de Mbarn par atome de carbone, soit 10~18 cm2/C. Les calculs theoriques de Bakes & Tielens [13] pour des grains carbones spheriques donnent des resultats en assez bon accord avec ceux montres ici. D'apres Verstraete et al. [505], avec 1'autorisation de PESO. si bien qu'il suffit de considerer des grains de carbone comme 1'ont fait Bakes & Tielens [13], dont nous suivrons 1'expose. Le taux de chauffage photoelectrique H(N,q) d'un grain de poussiere compose de A/" atomes de carbone et portant la charge q s'ecrit
ou uv est la densite d'energie du rayonnement. Pour un rayonnement isotrope, uv = 4^7^/c, Iv etant 1'intensite du champ de rayonnement4 en ergcm~ 2 s~ 1 sterad"1. On normalise generalement ce champ de rayonnement au champ pres du Soleil en posant lv = X^,G> (Section 2.1.2). &abs QabsKa2, a etant le rayon du grain, est la section efficace d'absorption (Eq. 7.6) qui, pour les petits grains consideres ici, est proportionnelle a M car 1'absorption est due aux electrons TT du carbone (1 electron par atome de carbone), ces grains etant optiquement minces pour le rayonnement ultraviolet. Yion est le nombre de photoelectrons ejectes par photon absorbe. C'est le rapport entre la section efficace de photo-ionisation et la section efficace d'absorption. Une determination experimentale de la section efficace de photo-ionisation par atome de carbone pour de petits PAH et des grains carbones plus gros est montree figure 8.1, qu'il est interessant de comparer
4. Bakes & Tielens [13] considerent un rayonnement directif provenant d'une etoile unique distante et leurs expressions sont differentes. Mais les resultats finaux sont les memes.
212
a la figure 7.17 qui donne la section efficace d'absorption des PAH. On voit que seuls les photons les plus durs (912 a 1 600 A environ) sont efficaces pour ioniser les grains. Pour des grains neutres, Y est assez grand, mais il est reduit par la charge positive eventuelle q du grain et depend done de son potentiel electrostatique ^q. <?(jV, ^q) est la fonction de partition de 1'energie cinetique des photoelectrons. Pour une distribution de masses de grains n(A/r)cW, ou n(N) est le nombre de grains par unite de volume avec un nombre d'atomes de carbone compris entre AT et A/" + dAT, le taux de chauffage photoelectrique par unite de volume est
ou f(N,q) est la probabilite de trouver un grain contenant M atomes de carbone et une charge q. II faut cependant tenir compte du phenomene inverse : la recombinaison des electrons et des ions sur un grain fait perdre de 1'energie au gaz avec un certain taux C(N, q) (perte d'energie (3/2)fcT par recombinaison), si bien que le taux de chauffage net s'ecrit
II est done necessaire d'e valuer la charge des grains. Le probleme est semblable a celui de 1'equilibre d'ionisation des atomes traite section 5.1.1, avec la complication de ce qu'il faut tenir compte des recombinaisons avec deux types de particules, les electrons et les ions (essentiellement H + et C + ). Si f(q) est la probabilite que le grain ait la charge q et si Jpe, Je et Jion sont les taux d'emission des photoelectrons et les taux d'accretion respectifs des electrons et des ions, 1'equation d'equilibre de charge entre deux etats de charge successifs s'ecrit
puisque les ions et les electrons ont des charges de signe oppose. Si le champ de rayonnement est assez grand, (x = 102-104 comme dans une region de photodissociation classique, voir Chapitre 10), Jion est beaucoup plus petit que Jpe et peut etre ignore. La charge des grains peut etre positive, nulle ou meme negative selon les circonstances. Un traitement complet de ce probleme complexe se trouve dans Draine & Sutin [124] en ce qui concerne 1'effet des collisions seul. II est repris par Bakes & Tielens [13] et par Salama et al. [421], qui ajoutent 1'effet photoelectrique. II faudrait sans doute reviser encore le traitement pour tenir compte des reactions chimiques entre PAH et les ions du milieu, en particulier la neutralisation rapide PAH~ + C+ > PAH + C (Bakes & Tielens [14]), et de valeurs revisees de la section efficace de recombinaison
213
des PAH ionises. Nous nous contenterons ici de donner le resultat final de 1'article de Bakes & Tielens [13]. Le taux de chauffage photoelectrique (Eq. 8.29) est donne par 1'expression
ou e est une efficacite de chauffage, qui est le rapport de 1'energie du rayonnement convertie en chauffage du gaz a 1'energie absorbee par les grains carbones. Cette expression suppose done que les grains carbones absorbent en UV au voisinage du Soleil 10~24 erg s-1 par atome d'hydrogene interstellaire, ce qui correspond a 1'energie perdue dans la partie UV de la courbe d'extinction. Mais seul les petits grains (a < 100 A) participent au chauffage. Une approximation analytique de I'efficacite de chauffage est :
ou T est la temperature du gaz et ne la densite electron! que en electron cm~3. e est de 1'ordre de 0,05 aux faibles valeurs du parametre x^1//2/ne, qui est proportionnel au rapport du taux de photo-ionisation et du taux de recombinaison des electrons et qui determine done la charge des grains. II decroit pour les valeurs de ce parametre superieures a 103. La figure 8.2 montre la variation du taux de chauffage par atome d'hydrogene interstellaire Tpe/^H avec x^ 1//2 /n e , pour trois temperatures. On remarque que ce taux est independant du champ de rayonnement pour les grandes valeurs de xT 1 / 2 /n e et est proportionnel a n e nH, car alors e ex x~l- Ceci provient du fait que les grains sont fortement charges positivement, le taux de chauffage etant alors simplement proportionnel au taux de recombinaison des electrons sur les grains. Le chauffage devient alors inefficace, car il n'est pas loin d'etre compense par le refroidissement par recombinaison sur les grains (comparer les Figures 8.2 et 8.3, et voir plus loin la Figure 8.8b). Bakes & Tielens [13] ont egalement calcule le taux de refroidissement Arec par recombinaison des particules chargees sur les grains, que nous reprendrons section 8.2.4. Une expression analytique approchee est
La figure 8.3 montre cette expression sous forme graphique. Le taux de chauffage net du gaz interstellaire par 1'effet photoelectrique sur les petits grains est done Tpe A rec . Si Ton considere les figures 8.2 et 8.3 pour les conditions du milieu interstellaire neutre diffus froid nuage (en gros % = 1, T = 100 K, riH = 25 cm~3 et x = ne/nn = 3 10~4), on constate que le refroidissement par recombinaison sur les grains est negligeable vis-a-vis du chauffage par effet photoelectrique. Le chauffage photoelectrique parait dominer tout
214
FlG. 8.2 Taux de chauffage photoelectrique Tpe/nn par atome d'hydrogene en fonction du champ UV incident Go = %, de la temperature du gaz T et de la densite electronique n e , pour trois valeurs de la temperature, en K. D'apres Bakes fe Tielens [13], avec 1'autorisation de 1'AAS. le chauffage du milieu : il est de 1'ordre de 3 10~26 erg s"1 par atome H d'apres la figure 8.2, valeur voisine du taux observe de refroidissement par la raie [Cn]A158 /mi (Section 4.1.2). Pour le milieu interstellaire diffus tiede internuage (Sections 4.1.1 et 5.2), avec ^ = 1, T = 8000 K, nn = 0,25 cm~ 3 et x 10~2, le taux de chauffage est de 10~26 ergs"1 par atome H d'apres le modele, ce qui est amplement suffisant pour chauffer ce gaz. Le refroidissement par recombinaison sur les grains est cependant important, et devient du meme ordre que le chauffage vers 104 K, produisant un effet thermostatique. Le chauffage photoelectrique est tres efficace dans les interfaces de photodissociation entre les regions H n et les nuages neutres (X ^ 103-105, nH = 103-105 cm~ 3 et x = 310~ 4 ), et le gaz peut atteindre, on le verra, des temperatures de plusieurs milliers de degres a la surface. Bien entendu, ce mecanisme est totalement inefficace dans les nuages moleculaires ou le rayonnement UV ne peut pas penetrer. Pour les regions HII, il est negligeable par rapport au mecanisme dont nous allons parler dans la prochaine section. Quelques remarques sont necessaires a ce point. Le champ de rayonnement interstellaire utilise par Bakes & Tielens provient d'une etude ancienne, mais il est peu different des determinations portees sur la figure 2.3. Certaines quantites comme refficacite d'ionisation des grains et la valeur du flux absorbe en UV par les grains carbones au voisinage du Soleil (10~24 ergs"1 par atome H) sont plus contestables. Ces quantites sont en fait assez mal connues en raison de notre connaissance incomplete de la nature et des proprietes
215
FlG. 8.3 - Taux de refroidissement par recombinaison sur les grains en fonction du champ UV incident Go = x, de la temperature du gaz T et de la densite electronique ne, pour trois valeurs de la temperature. D'apres Bakes &; Tielens [13], avec 1'autorisation de 1'AAS.
d'absorption des grains dans 1'UV, et notamment des emetteurs des bandes infrarouges comme on 1'a discute section 7.2.3.
8.1.4
L'ionisation des atomes et molecules par le rayonnement UV libere des electrons avec une energie qui est la difference entre 1'energie du photon absorbe et 1'energie potentielle d'ionisation hvi. L'energie cinetique moyenne des photoelectrons produits est donnee par
av etant la section efficace de photo-ionisation et uv la densite d'energie du rayonnement. Ce mecanisme est dominant dans les regions HII. L'estimation de uv est compliquee car il faut resoudre 1'equation de transfert pour les raies et pour le continuum et tenir compte de la diffusion du rayonnement. Ceci est traite dans les ouvrages specialises et realise dans les modeles de regions HII. II est cependant utile de savoir que 1'energie moyenne des photoelectrons dans une region HII excitee par une etoile de temperature effective Teff dans 1'UV lointain est de 1'ordre de (E) ~ l,4kTeff (Spitzer [467], Section G.l.a).
216
Dans le milieu interstellaire neutre, le producteur essentiel de photoelectrons est le carbone, dont le potentiel d'ionisation est de 11,2 eV. Comme il n'y a pas de photons d'energie superieure a 13,6 eV, on voit immediatement que 1'energie moyenne des photoelectrons emis est de 1'ordre de (13,6-ll,2)/2 eV, soit sensiblement 1 eV. Etant donnee la section efficace de photo-ionisation du carbone, on trouve que le taux de chaufTage pres du Soleil est d'environ
ou n(C) est la densite d'atomes de carbone. Cette densite est liee a la densite des ions C+ par 1'equation d'equilibre d'ionisation (Eq. 4.33). Avec notre exemple de milieu interstellaire froid diffus (Section 8.1.3), avec ne = 0,0075 cm"3 et le champ interstellaire local, on trouve n(C)/n(C + ) = 2 10~4, done n(C) = 2 10~6 cm"3, d'ou Tc = 4 10~28 ergs"1 cm-3. En comparant avec les resultats donnes section 8.1.3, on voit que ce mecanisme est negligeable dans le milieu interstellaire diffus. L'ionisation de 1'hydrogene moleculaire par les rayons X mous ou 1'UV lointain peut etre une source de chauffage importante dans les chocs (Hollenbach & McKee [224]).
8.1.5
Une emission X est observee dans le milieu interstellaire, provenant surtout du gaz chaud discute au chapitre 5. Elle peut chauffer le gaz interstellaire. Les rayons X arrachent des photoelectrons de la couche K des atonies et des ions (Section 5.3). Comme dans le cas du chauffage par rayons cosmiques, les electrons energetiques primaires ainsi produits peuvent provoquer des ionisations secondaires, done liberer d'autres electrons. Tous ces photoelectrons chauffent le gaz comme dans les mecanismes precedents. Comme dans le cas du chauffage par rayons cosmiques, on utilise le taux d'ionisation comme parametre principal du probleme. Suivant Wolfire et al. [527], ce chauffage n'est important que jusqu'a une certaine profondeur dans les nuages atomiques, qu'on peut generalement considerer comme opaques au rayonnement X mou. La densite de rayonnement X qui doit etre utilisee a la surface du nuage est done seulement 27r/i,/c, Iv etant le flux par steradian dans 1'espace libre. On ecrit le taux d'ionisation (,lx de 1'espece i sous la forme
ou av est la section efficace totale de photo-ionisation par les X et a\, la section efficace de photo-ionisation de Pelement i. Le facteur t~aNv- represente 1'absorption du rayonnement X jusqu'a la densite de colonne TVn- Le taux de chauffage s'obtient en introduisant 1'energie moyenne des photoelectrons
217
dans 1'integrale ci-dessus. La figure 8.4 montre le taux d'ionisation et le taux de chaufFage par atome H du au rayonnement X pres du Soleil (Section 5.4.2) calcules par Wolfire et al. [527], en fonction du degre d'ionisation du milieu et de la densite de colonne. Aux faibles densites de colonne, le taux d'ionisation est bien superieur au taux du aux rayons cosmiques (environ 1,8 10~17 s"1, voir Section 8.1.2), et le chauffage X est tres efficace. Le taux de chauffage est alors de 1'ordre de 10~26 ergs^ 1 par atome H pour le milieu interstellaire non protege du rayonnement X, ce qui n'est pas tres inferieur au taux de chauffage par photo-ionisation des grains. Cependant les rayons X les plus mous, qui sont les plus efficaces, sont rapidement absorbes par le milieu interstellaire (Figure 2.5). L'ionisation et le chauffage diminuent done tres rapidement lorsque la quantite de matiere interposee entre la source de rayons X et 1'endroit etudie croit. Le Soleil se trouvant dans une region presque vide et emettrice de rayons X (la Bulle locale), on peut considerer que le champ de rayonnement X utilise par Wolfire et al. [527], qui resulte des mesures directes faites en satellite, est le champ source non attenue. Ce champ sera plus faible en general dans le milieu interstellaire. II faut remarquer que le champ UV responsable du chauffage par effet photoelectrique sur les grains est egalement attenue par 1'extinction, mais 1'effet est beaucoup plus faible que pour le chauffage par les X : 1'intensite du rayonnement a 1000 A et done en gros le chauffage photoelectrique ne sont attenues que de 2 % par une densite de colonne d'hydrogene de 1019 atome cm~ 2 (Figure 2.5) alors que le chauffage par les X est diminue par un ordre de grandeur (Figure 8.4). Pour resumer, le chauffage par le rayonnement X est en general peu efficace pour le milieu atomique froid ou les densites de colonne sont assez elevees, et peut etre tres efficace pour le milieu atomique tiede, peu dense et ou les densites de colonne sont peu elevees. On peut le negliger dans les nuages moleculaires ou seuls penetrent les rayons X durs, dont 1'intensite est tres faible et 1'effet calorifique negligeable. Bien entendu, la situation peut etre tres differente pres des sources discretes de rayons X, en particulier les restes de supernovae et les etoiles tres jeunes n'ayant pas encore atteint la sequence principale, qui sont souvent des emetteurs X.
8.1.6
ChaufFage chimique
Les reactions chimiques qui se produisent au sein du milieu interstellaire peuvent liberer differents produits avec une certaine energie cinetique susceptible de chauffer le gaz. La plus importante est certainement la reaction de formation de 1'hydrogene moleculaire, qui se produit sur la surface des grains a partir d'atomes H. Cette reaction sera etudiee au chapitre 9. Fortement exothermique, elle libere 4,48 eV qui sont distribues entre 1'excitation vibrationnelle et rotationnelle de H2, le chauffage du grain et 1'energie cinetique de la molecule quittant le grain. La distribution entre ces differentes formes d'energie est assez incertaine. L'energie d'excitation
218
FlG. 8.4 - Taux d'ionisation par atome d'hydrogene du au rayonnement X general (a), et taux de chauffage par ce rayonnement (b). Les ionisations secondaires de H et He sont incluses. Les courbes correspondent a des degres d'ionisation ne/n differents. Les resultats sont portes en fonction de la densite de colonne d'hydrogene qui attenue le rayonnement X. D'apres Wolfire et al. [527], avec 1'autorisation de 1'AAS. serait d'environ 4,2 eV et 1'energie cinetique de 1'ordre de 0,2 eV, 1'energie transferee au grain etant negligeable (Hollenbach &; McKee [224], Section Vic). L'energie cinetique chauffe le gaz, et la desexcitation de la molecule H2 lors des collisions inelastiques avec les atonies ou molecules du gaz leur communique une energie cinetique qui participe egalement au chauffage. Le taux de chauffage est done
ou Rf est le taux de formation de H2 sur les grains et rj est la fraction d'energie d'excitation de H2 qui est utilisee pour le chauffage. Ces quantites sont donnees par Hollenbach & McKee [224] (leurs Eq. 3.8, 6.43 et 6.45). XH est la fraction des particules qui est sous forme d'atomes H. On remarquera
219
que le taux de chaufFage par unite de volume depend du carre de la densite car il s'agit d'un processus collisionnel, contrairement aux processus precedents qui ne dependent que lineairement de la densite. Ce mecanisme est done efficace dans les chocs et les regions de photodissociation denses, mais peu efficace dans les autres circonstances. La molecule H2 peut aussi participer au chauffage d'une autre maniere. L'absorption de photons UV par H2 conduit a des etats vibrationnellement et rotationnellement excites dont la desexcitation collisionnelle transfere de 1'energie au gaz. Ce mecanisme n'est important que dans des regions exposees a des champs UV intenses (Tielens & Hollenbach [490]). Un mecanisme semblable, qui peut etre important dans les nuages neutres denses et chauds, est la desexcitation collisionnelle de la molecule H2O excitee par le rayonnement infrarouge intense des grains (Takahashi et al. [481]).
8.1.7
Si la densite est grande, les collisions entre atomes ou molecules du gaz et les grains peuvent etre suffisamment frequentes pour que le transfert d'energie des uns aux autres soit efficace par rapport aux autres processus, au moins dans le milieu neutre. Dans le milieu neutre diffus, les grains sont toujours plus froids que le gaz si bien que les grains ne peuvent occasionner qu'un refroidissement du gaz. Mais ce processus est negligeable en raison de la faible densite du gaz. A 1'inverse, dans les profondeurs des nuages moleculaires, les grains sont plus chauds que le gaz et peuvent alors le chauffer. Le chauffage des grains par le gaz n'est pas important dans les regions H n ou il reste negligeable devant le chauffage par le rayonnement ultraviolet intense. II est egalement negligeable dans le milieu interstellaire ionise diffus en raison de la faible densite de ce milieu, bien que le chauffage des grains par le champ de rayonnement soit plus faible que dans les regions HII (voir Lagache et al. [276] pour remission thermique des poussieres associees a ce milieu). En revanche, il est dominant dans les restes de supernova oil la temperature du gaz est tres elevee et la densite plus grande. Ce probleme a ete traite par Dwek [135], qui a considere le cas du chauffage par le gaz non seulement des gros grains, mais aussi des tres petits grains hors d'equilibre thermique. Dans les regions profondes des complexes geants de nuages moleculaires, les grains sont chauffes par le rayonnement infrarouge lointain ambiant, rayonnement qui peut y penetrer facilement jusqu'a des profondeurs considerables puisque 1'epaisseur optique a 100 p,m est de 1'ordre de 1 pour une extinction visuelle de 300 magnitudes. De ce fait, la temperature des grains ne descend pas en dessous de 8 K (Falgarone & Puget [157]), et ils chauffent a leur tour le gaz si la densite est sufnsante. Le flux moyen d'energie cinetique d'une particule du gaz qui frappe la surface du grain est E = 2kT pour
220
une distribution maxwellienne, T etant la temperature du gaz5. Les atomes ou molecules qui ont frappe le grain peuvent en repartir avec une energie moyenne differente, qui peut correspondre a une temperature T^ comprise entre T^, la temperature du grain et T. On definit le coefficient d'accomodation des atomes ou molecules sur le grain comme
si bien que chaque collision communique en moyenne au gaz une energie 2ak(Td T). Le taux de collisions par unite de volume est, en supposant pour 1'instant que les particules sont des atomes H,
ou rid et o~d (no?) sont des valeurs moyennes sur la distribution de taille des grains de rayon a, de leur nombre par unite de volume et de leur section efficace geometrique. vth est la vitesse moyenne des atomes. Le taux de chauffage est done donne par
Le coefficient d'accomodation est defini par Burke & Hollenbach [64] de telle maniere que 1'expression de Tgaz^rains ci-dessus soit valable si HH est le nombre total de noyaux d'hydrogene par unite de volume. Si 1'hydrogene est entierement moleculaire, ils donnent a = 0,35. Le taux de chauffage s'ecrit alors
Un calcul plus exact, qui tient compte de la variation de la temperature des grains avec leur taille, est fait par Falgarone & Puget [157]. Tout ceci suppose toutefois que les grains aient les memes proprietes dans les nuages moleculaires que dans le milieu interstellaire general, ce qui n'est probablement pas exact. Cependant 1'ordre de grandeur doit etre correct. II est interessant de le comparer a celui des autres processus importants de chauffage. En combinant les equations 8.43 et 8.32 on trouve, a T = 10 K et pour le champ interstellaire local (x = 1) :
221
L'equation 8.44 montre que les collisions grains-gaz ne sont pas importantes si le champ de rayonnement UV n'est pas tres petit. L'equation 8.45 montre que ce processus est dominant dans les nuages moleculaires au-dela d'une densite de 1'ordre de 2 104 molcm~ 3 .
8.1.8
Les chauffages decrits precedemment reposent sur des processus microscopiques. Mais les mouvements macroscopiques du gaz peuvent aussi produire un chauffage important. Par exemple, I'effondrement d'un nuage sous 1'efFet de sa propre gravite, un processus qui se produit necessairement lors de la formation des etoiles, est une source de chaleur pour le gaz qui doit etre dissipee pour que 1'effondrement ne soit pas arrete. Son expression est donnee par la loi des gaz parfaits :
pour un gaz forme de molecules H 2 , p et P etant respectivement la densite et la pression du gaz. Les explosions de supernovae, les vents stellaires et dans une moindre mesure 1'expansion des regions HII produisent une grande quantite d'energie mecanique qui est dissipee dans le milieu interstellaire soit par rayonnement, soit sous forme d'energie cinetique des atonies, ions et molecules. Les intermediates principaux en ce qui concerne 1'energie cinetique sont les chocs et la turbulence. Nous examinerons ces processus aux chapitres 11 a 13. Le champ magnetique peut aussi produire un echauffement par divers processus. Par exemple la dissipation visqueuse des ondes d'Alfven, qu'on peut considerer comme des mouvements des lignes de force magnetiques entrainant le gaz qui est presque toujours un bon conducteur de 1'electricite, produit un echauffement. Ces ondes peuvent etre engendrees par la propagation des rayons cosmiques dans le milieu interstellaire, mais aussi par d'autres processus comme la rotation differentielle d'un gaz magnetise, qui produit une torsion des lignes de force magnetique (Hartquist [206]). Les mouvements relatifs de la composante ionisee et de la composante neutre d'un plasma (glissement ionique magnetique, designe souvent par le terme de diffusion ambipolaire, qui sera etudiee Section 14.1.7) produit aussi un echauffement visqueux etudie par Scalo [428]. Nous ne parlerons pas davantage dans ce chapitre de ces phenomenes, au demeurant mal connus dans le milieu interstellaire, sauf pour signaler que les ondes magnetohydrodynamiques (MHD) creees par les restes de supernovae peuvent
222
contribuer fortement au chauffage du milieu interstellaire de faible densite (Ferriere et al. [164]). Nous les considererons cependant dans les chapitres suivants quand ils paraissent importants.
8.2
Processus de refroidissement
Les mecanismes de refroidissement du gaz interstellaire peuvent se ranger en deux categories : les uns sont le rayonnement des atonies, ions et molecules excites par collisions, qui transferent done une partie de 1'energie cinetique du milieu en rayonnement. Les autres sont les mecanismes inverses de certains processus de chauffage examines precedemment. Nous les examinerons tour a tour.
8.2.1
Ce processus est dominant presque partout dans le milieu interstellaire, sauf dans le gaz chaud et les regions relativement profondes des nuages moleculaires. D'autres mecanismes sont cependant egalement importants dans les chocs et les regions HII. Les atonies et ions les plus efficaces sont ceux qui sont abondants et qui ont des niveaux de structure fine proches du fondamental, done faciles a exciter. Ce sont essentiellement CII et OI dans le milieu neutre, et O n, O in, N n, N in, Ne n et Ne in dans les regions H n. Le tableau 4.1 liste les priricipales transitions interessantes. Considerons par exemple le milieu neutre. Presque tout le carbone gazeux est sous forme de ClI et presque tout 1'oxygene sous forme de Ol. N i est aussi un element abondant, mais il n'a pas de transitions interessantes pour le refroidissement. Si II, SII et Fe II sont abondants et ont des transitions de structure fine, mais 1'energie necessaire pour les exciter n'est atteinte que par des electrons et des neutres a haute temperature. A temperature basse, seul le niveau superieur de structure fine de C n, qui a une energie qui correspond a 91,2 K, peut etre excite. Le premier niveau excite de structure fine de O I est a 228 K et n'est excite qu'a des temperatures plus elevees que C II. En negligeant la desexcitation collisionnelle, ce qui est justifie aux densites relativement faibles du milieu atomique (Tableau 4.1), 1'equation d'equilibre statistique pour les deux premiers niveaux de CII (Eq. 4.16) se reduit a nu = nidu/Aui. L'intensite de la raie emise a 157,7 /im est Iui = nuAuihv/^-K cm~ 3 sterad"1 (Eq. 4.19) en supposant qu'elle est optiquement mince, ce qui est en general le cas. Le taux de refroidissement est independant de la probabilite d'emission spontanee Aui puisque les collisions determinent le taux d'excitation vers le niveau superieur, done a 1'equilibre statistique le taux de desexcitation du niveau superieur. Le taux de refroidissement par unite de volume s'ecrit
8.2 Processus de refroidissement simplement, dans le cas du carbone ionise excite par les electrons :
223
en utilisant les equations 3.38 et 4.17. Avec les donnees du tableau 4.1, en prenant une abondance de reference de UC/^H = 3,55 10~4 pour le carbone, la deficience du carbone dans le gaz etant dc (Tableau 4.2), et en ecrivant que le carbone est presque entierement ionise (Section 8.1.4) et fournit tous les electrons libres si bien que ne ~ dene, on obtient numeriquement, aux densites inferieures a la densite critique pour la desexcitation collisionnelle ncni ~ 3000 cm"3 (Tableau 4.1) :
On remarque que le taux de refroidissement est proportionnel au carre de la deficience du carbone en phase gazeuse puisque le carbone fournit les electrons libres. Cette deficience est malheureusement assez mal connue. CII est aussi excite par collisions avec les atomes d'hydrogene. Ceci donne (Wolfire et al. [527], Appendice B)
ce qui est plus grand que le taux de refroidissement par excitation electronique, au moins tant que le degre d'ionisation reste faible. Aux temperatures superieures a une centaine de K, on doit tenir compte de 1'excitation, par les electrons et surtout par les atomes H, des autres atomes et ions du milieu, notamment de OI qui est tres important aux temperatures elevees, done dans le milieu interstellaire tiede (Sections 4.1 et 5.2). Les taux d'excitation collisionnelle de Oi par H et He sont donnes par Pequignot [379]. Le resultat du calcul est porte dans la figure 8.5, ainsi que les resultats pour les temperatures plus elevees, ce qui donne ainsi la fonction de refroidissement globale. Un probleme est que les raies de O I sont sou vent optiquement epaisses et que le taux de refroidissement obtenu en supposant qu'elles sont minces est alors surestime. Dans les regions H n , les raies de structure fine excitees par les electrons sont la principale cause de refroidissement. Le calcul du refroidissement par les raies interdites est analogue a celui que nous venons de faire pour 1'excitation electronique de CII, avec la difference qu'il faut souvent tenir compte de la desexcitation collisionnelle et utiliser alors 1'expression complete de 1'equation 4.18 pour la densite des ions dans le niveau superieur de la transition de structure fine. La figure 8.6 montre un exemple simplifie des resultats du calcul de la fonction de refroidissement dans une region H n de faible densite ou Ton peut negliger les desexcitations collisionnelles. Des calculs
224
FlG. 8.5 - Fonction de refroidissement du gaz interstellaire. Les valeurs de A(T)/riH sont portees en fonction de la temperature. Pour T < 104 K, le refroidissement est du a 1'excitation de Cn et de Oi, les differentes courbes correspondent a des valeurs differentes du degre d'ionisation ne/nn- La discontinuity a 104 K correspond au refroidissement par la raie Lyman a de 1'hydrogene. Pour T > 104 K, le refroidissement est du a 1'excitation de diverses raies et au bremsstrahlung ; on a suppose que le milieu est entierement ionise collisionnellement. On a ignore ici le refroidissement par les grains de poussiere et par H2, et on n'a pas tenu compte de la deficience d'abondance du carbone et de 1'oxygene. Les valeurs des parametres atomiques sont quelque peu anciennes et cette figure ne donne qu'un ordre de grandeur, sauf aux temperatures elevees. D'apres Spitzer [467] (lui-mgme d'apres Dalgarno & McCray [101]), avec 1'autorisation de John Wiley & Sons, Inc.
225
complets sont inclus dans les modeles de photo-ionisation (Section 5.1.1). Us tiennent generalement compte non seulement du refroidissement par les raies de structure fine, mais du refroidissement par recombinaison des ions, malgre sa faiblesse (Section 8.2.3). Le continuum libre-libre est important, tandis que le continuum libre-lie et le continuum a deux photons sont negligeables (voir plus loin la Section 8.2.3 pour la justification de 1'absence de refroidissement par le continuum libre-lie). Une relation numerique approchee utile donnant le refroidissement par le continuum libre-libre est
Toutes choses etant egales par ailleurs, la temperature est d'autant plus elevee que 1'abondance des elements lourds est plus faible, puisque ces elements participent tres fortement au refroidissement alors que le chauffage est surtout du a 1'ionisation des elements dominants, 1'hydrogene et 1'helium.
8.2.2
Aux temperatures elevees, d'autres niveaux que les niveaux de structure fine peuvent etre peuples collisionnellement par les electrons, ce qui produit un refroidissement. Le phenomene le plus important est 1'excitation collisionnelle du niveau n = 2 de 1'hydrogene, qui se desexcite en emettant la raie Lya, mais 1'excitation de certains niveaux d'autres atonies et ions peut donrier une contribution. Beaucoup plus importante dans les chocs et les regions de photodissociation est 1'excitation collisionnelle, surtout par les neutres, de molecules comme tb, H^O, CO, SiO, etc. et de leurs substitutions isotopiques. Ce mecanisme est traite en detail par Hollenbach & McKee [224]. Dans les nuages moleculaires, le mecanisme de refroidissement le plus important est 1'excitation des raies de rotation de CO et des molecules isotopiquement substitutes6. La contribution de Cl, dont le premier niveau excite est 23,4 K au-dessus du niveau fondamental, est probablement loin d'etre negligeable (Goldsmith & Langer [189]) : on verra plus loin que les nuages moleculaires paraissent contenir une quantite importante de C I et, a 1'echelle d'une galaxie, le refroidissement par les raies de C I est du meme ordre que celui par les raies de CO (Gerin & Phillips [179]). Le taux de refroidissement correspondant se calcule aisement une fois donnes 1'abondance de C I et la temperature, comme nous 1'avons fait pour CII dans la section 8.2.1.
6. On a longtemps considere le refroidissement des nuages moleculaires par H2O comme important. Les observations recentes avec le satellite SWAS montrent que la raie fondamentale lio-loi de l'ortho-H2O a 539 fj,m (Figure 4.15) est faible dans les nuages moleculaires et que ce refroidissement est inefficace. Probablement 1'essentiel de 1'eau est condense sur les grains sous forme de glace. De meme, le refroidissement par Poxygene moleculaire C>2, considere par Goldsmith & Langer [189], est negligeable car 1'observation montre que cette molecule est tres peu abondante (Section 9.4.2).
226
FlG. 8.6 - Fonctions de chauffage et de refroidissement schematiques dans une region Hn. Les fonctions T/nenp et A./nenp sont portees en fonction de la temperature, pour une region Hil de densite ne < 100 cm~ 3 (pas de desexcitations collisionnelles). Les contributions a A./nenp des principales transitions interessantes sont indiquees, ainsi que le refroidissement par emission libre-libre. La fonction de chauffage est une moyenne pour toute la region H n, supposee limitee par 1'ionisation et chauffee par une etoile de temperature effective de 3,5 104 K dans 1'UV lointain. D'apres Spitzer [467], avec 1'autorisation de John Wiley & Sons, Inc. Plusieurs auteurs, par exemple Goldsmith &; Langer [189] et de Jong et al. [106], [107], que nous suivrons ici, ont traite de fac,on approchee le refroidissement par CO avec le formalisme de la probabilite d'echappement (Section 3.2.3). Dans ce formalisme, la perte d'energie par cm3 par les molecules dans le niveau d'energie J, dont la densite est nj, effectuant la transition J > J 1 est, en utilisant 1'equation 4.41
ou PJ,J-I est la probabilite d'echappement pour cette transition (Section 3.2.3) et Sj,j_i = (2/iz/3 j_i/c 2 )[(0jnj_i)/(0j_inj) - I]'1 est la fonction source (Section 3.1.1). Le terme (Sv Bv}/Sv indique que le taux
227
de perte d'energie est mesure au-dessus du champ de rayonnement de corps noir de 1'Univers, de temperature TBB et de brillance B(VJ^J-I,TBB) a lafrequence de la transition. Si la densite est elevee, on peut considerer en premiere approximation que les niveaux sont thermalises jusqu'a un certain niveau JTO, et la perte totale d'energie est approximativement la somme des pertes d'energie dans tous les niveaux thermalises, car les niveaux plus eleves que JTO sont peu peuples. Toutes les raies thermalisees de CO sont optiquement epaisses, et Sj,j_i = B(vj^-i,T). On a done pour ces raies, en supposant que la temperature T du gaz est nettement superieure a TBB ,
ou la probability d'echappement J3 est donne par 1'une des equations 3.66, 3.68, 3.69 ou 3.70 selon le cas, en fonction de 1'epaisseur optique TQ au centre de la raie, qu'il faut done evaluer. Considerons par exemple le cas d'un nuage avec un gradient de vitesse dv/ds = const = V/R. Dans ce cas, la largeur de raie en un point donne est Ay Av/c = (dv/ds)As/c, As etant la longueur a parcourir pour qu'un photon s'echappe. On peut done ecrire 1'epaisseur optique a partir de 1'equation 3.32 comme
ou on a simplement ecrit v pour vj,j-\. Cette equation permet d'obtenir TQ done (3 pour chaque transition, les nj etant calcules a 1'ETL par 1'equation 3.72, ce qui est correct tant qu'on est en dessous de la densite critique pour le niveau Jm. On remarque que le taux de refroidissement est independant des parametres d'excitation collisionnelle. Cependant pour les raies elevees de J > Jm, dont 1'epaisseur optique est faible et qui ne sont pas a 1'ETL, ces parametres interviennent explicitement, mais ces raies n'apportent qu'une correction assez faible. La figure 8.7 donne le taux de refroidissement AGO par CO pour deux temperatures cinetiques. II est instructif de la rapprocher de la figure 4.12. Falgarone & Puget [157] (Appendice A.1.1) donnent une approximation analytique utile des resultats de Goldsmith & Langer [189], qui sont peu differents de ceux de Castets et al. [71] portes figure 4.12. Pour un gaz moleculaire tres dense, 1'effet maser discute section 3.3 peut etre une source tres efficace de refroidissement, collisionnel ou non selon le mecanisme de pompage. Le mecanisme principal de refroidissement du milieu ionise tiede est 1'excitation collisionnelle par les electrons de raies permises et interdites des differents ions. II s'y ajoute 1'emission libre-libre et les recombinaisons dont
228
FlG. 8.7 - Taux de refroidissement d'un gaz moleculaire par emission des raies de CO, pour deux temperatures. On porte en abscisses la densite du gaz, et en ordonnees le taux de refroidissement par molecule CO. Pour avoir le taux par cm3, multiplier par nco = X(CO)n H2 , X(CO) etant ici 1'abondance de CO, qu'on peut prendre de 1'ordre de 3 1(T5. Les calculs incluent le refroidissement par les substitutions isotopiques 13CO (X = 10~6) et C18O (X = 1(T7), qui contribuent fortement aux densites elevees. Les differentes courbes correspondent a des valeurs differentes de X(CO)/(dv/ds). D'apres Goldsmith & Langer [189], avec 1'autorisation de 1'AAS. on dira un mot dans la section suivante. Ce refroidissement a ete traite par Raymond et al. [400]. La figure 8.5 est basee sur leurs calculs ; les divers processus sont inclus dans les modeles de gaz chaud (Bohringer [41]), mais il est sans doute necessaire de tenir compte du fait que ce gaz n'est pas en general a 1'equilibre d'ionisation (Sections 5.3.1 et 8.3.2).
8.2.3
Bien que les raies et le continuum de recombinaison soient intenses dans les regions H n, leur role dans le refroidissement est negligeable car 1'energie emise provient essentiellement de 1'energie de liaison de 1'atome : les recombinaisons font simplement disparaitre des electrons sans affecter 1'energie moyenne du gaz electronique. Cependant, dans les plasmas a haute temperature, les recombinaisons dielectroniques de He et des elements lourds peuvent apporter une contribution importante. Ce mecanisme est inclus, comme on 1'a dit, dans les modeles de gaz chaud.
229
8.2.4
Le refroidissement par recombinaison des electrons sur les grains charges a ete traite plus haut section 8.1.3 et fait Pobjet de la figure 8.3. Le taux de refroidissement croit rapidement avec la temperature. Le refroidissement par echange thermique entre atomes du gaz et poussieres a ete aborde section 8.1.7. II est generalement negligeable pour le gaz diffus froid. Son importance pour le chauffage des poussieres est minime.
8.3
Nous allons maintenant examiner 1'equilibre thermique des differentes composantes du milieu interstellaire. Le cas des regions de photodissociation et des chocs sera examine aux chapitres 10 et 11 respectivement.
8.3.1
Milieu atomique
Les mecanismes dominants de chauffage sont 1'effet photoelectrique sur les grains (Fpe, Eq. 8.32 et Figure 8.2), aux faibles densites de colonne le chauffage par rayons X (F^, Figure 8.4), et aussi le chauffage hydrodynamique ou MHD que nous ignorerons pour 1'instant. Le mecanisme principal de refroidissement est 1'emission de raies interdites, essentiellement [Cn]A158 /urn pour le milieu froid (Ae,cii + AH,CII, Eq. 8.48 et 8.49). Si on egale les gains (Eq. 8.32) et les pertes par atome d'hydrogene, en ignorant pour 1'instant le chauffage par rayons X on obtient la relation
C'est une equation d'etat, non lineaire. Elle est sensiblement respectee par le gaz atomique froid standard7 (n = 25 cm~ 3 , T = 100 K, ne = HCII) avec A/nn = F/HH = 3 10~26 erg s^1 (atome H)-1. Pour le gaz tiede, il faut utiliser 1'equation 8.47 pour A g n puisque ne ^> ncii et se souvenir que plusieurs mecanismes de refroidissement sont importants. Des calculs complets ont ete effectues par Wolfire et al. [527], qui tiennent compte de toutes les sources microscopiques de chauffage et de refroidissement. La figure 8.8 donne leurs resultats pour 1'equilibre thermique en fonction de la densite, dans le champ de rayonnement interstellaire local. Ces resultats tiennent compte du chauffage par rayons X pour une densite de colonne d'hydrogene de 1019 atomescm~2. Dans la figure 8.8a, on a porte la variation avec la densite de la pression P = nt0tkT ou plus exactement P/k = niotT, ou ntot est la densite totale de particules HH + ^He + 2n e , le facteur 2 devant ne venant de ce qu'il
7. On remarquera que pour le gaz atomique froid relativement dense, la contribution a la densite electronique ne de 1'effet photoelectrique sur les grains est inferieure a celle de 1'ionisation du carbone. En revanche, celle de 1'ionisation par les rayons X peut n'etre pas negligeable (Figure 8.8c).
230
y a autant d'ions que d'electrons. La figure 8.8b montre la contribution des differents mecanismes de chauffage et de refroidissement. On y retrouve approximativement la valeur de A = F = 310~ 26 ergs"1 (atome H)"1 determines plus haut pour le milieu froid standard. II est interessant de signaler que le mecanisme de chauffage par ondes hydrodynamiques de Ferriere et ol. [164] n'augmenterait la pression que de 5 % au maximum de la courbe de la figure 8.8a et n'est done pas tres important pour le milieu diffus. Le taux de refroidissement par [C ll] est connu approximativement par 1'observation directe de 1'intensite de la raie a 158 //m. Les determinations deja anciennes sont discutees par Wolfire et d. [527]. Ces valeurs sont en revision a la suite d'observations plus recentes. La meilleure est probablement celle obtenue avec l'instrument FIRAS a bord du satellite COBE (Bennett et al. [28]) : Fintensite de la raie a 158 /zm aux latitudes galactiques relativement elevees est bien correlee a celle de la raie 21 cm de Hi, et la pente de la correlation donne un taux de refroidissement de (2,65 0,15) 10~26 ergs"1 par atome H, en bon accord avec la prediction pour le gaz froid standard. Les observations avec le satellite ISO, lorsqu'elles seront analysees, devraient permettre de raffiner la mesure du taux de refroidissement dans differentes conditions. II est interessant de comparer la contribution des differentes phases du milieu interstellaire a la production de la raie de C II au voisinage du Soleil. Reynolds [404] estime que 1'intensite aux hautes latitudes galactiques b de la raie de Cn produite par le milieu ionise diffus est de 1'ordre de 3,7 10~7 cosec|6| ergcm~ 2 s~ 1 sterad"1, ce qui est 4 fois moins que ce qui est observe par Bennett et al. [28], (1,43 0,12) 10~6 cosec b\ ergon^s" 1 sterad"1). Ceci justifie 1'utilisation de la relation [C li]-H I pour obtenir le taux de refroidissement par atome H. D'autre part, Wolfire et al. [527] estiment que 1'emissivite de la raie de C II par atome d'hydrogene est environ 8 fois plus faible dans le milieu atomique tiede que dans le milieu atomique froid. Comme les masses de ces deux phases sont sensiblement egales (Tableau 1.1), on voit que la composante atomique froide domine 1'emission de la raie de C n au voisinage du Soleil. La situation pourrait etre differente dans d'autres parties de la Galaxie. Dans ses regions internes, le milieu ionise diffus pourrait dominer (Heiles [210]), et pourrait d'ailleurs avoir une structure differente, beaucoup plus inhomogene que pres du Soleil (Heiles et al. [211]). Les articles de Wolfire et al. [527], [528] contiennent une interessante discussion de 1'effet des differents parametres physiques sur 1'equation d'etat du milieu diffus. II est interessant de remarquer que la relation P-n garde presque partout la forme de la figure 8.8a, avec une partie descendante pour des valeurs de la densite voisines de 1 atome cm~ 3 . Dans cette partie de 1'equation d'etat, la pression diminue quand on tend a augmenter la densite, ce qui correspond a une instabilite. Field [165] a donne une discussion generale de 1'instabilite thermique de milieux dilues comme le milieu interstellaire, la couronne solaire, etc.,
231
FlG. 8.8 - (a) Pression thermique P/k a 1'equilibre en fonction de la densite n dans la matiere interstellaire pres du Soleil (modele standard), le chauffage par les rayons X etant evalue pour une densite de colonne de 1019 atonies cm~ 2 . Dans le cas isobare, le point figuratif d'un milieu hors d'equilibre, a pression trop elevee (au-dessus de la courbe d'equilibre) se deplacerait vers la droite. Celui d'un milieu a pression trop basse (au-dessous) se deplacerait vers la gauche, (b) Contribution des differents mecanismes de chauffage et de refroidissement dans les memes conditions, en fonction de la densite. Chauffage T par atomeH (T/n dans notre notation), en traits interrompus : PE = chauffage photoelectrique sur les grains ; XR = chauffage par rayons X ; CR = chauffage par rayons cosmiques ; C I = chauffage par photo-ionisation du carbone. Refroidissement A par atome H (A/n dans notre notation), en traits pleins (on rappelle que les taux de refroidissement sont proportionnels a n2) : C II = refroidissement par [Cn]A158 p,m ; O I = refroidissement par [O l]A63 /^m ; CI* et CI** = refroidissement par [C i]A609 /JLTD. et 370 ,um respectivement ; Lya = refroidissement par excitation de Lyman a et d'autres transitions ; Rec = refroidissement par recombinaison sur les grains. (c) Degre d'ionisation ne/n en fonction de n, dans les memes conditions, pour trois valeurs de la densite de colonne d'hydrogene, montrant le role des rayons X. (d) Temperature (trait plein) et parametre d'ionisation des grains xT 1/2 /n e en fonction de la densite, dans les memes conditions. D'apres Wolfire et al. [527], avec 1'autorisation de 1'AAS. en ignorant 1'effet de la gravitation. Soit
la fonction de refroidissement generalisee, qui depend de la densite p et de la temperature T du milieu. Pour un milieu uniforme et statique de densite po et
232
de temperature TO, (p,T) = 0. Introduisons une perturbation de densite et de temperature en supposant qu'une certaine variable thermodynamique A, par exemple la pression ou la densite, reste constante. L'entropie S du milieu etant definie par
E etant 1'energie interne du milieu, la perturbation amene un changement SS de 1'entropie et <5 de la fonction de refroidissement tels que la variation de E pendant la duree dt de la perturbation est
Si la perturbation est a volume constant (cas isochore), '1'dS = (Jydl\ ou Uy est la chaleur specifique a volume constant. Si elle est a pression constante (cas isobare), TdS = CpdT, ou Cp est la chaleur specifique a pression constante. Les criteres correspondants d'instabilite thermique s'ecrivent respectivement
La derniere equation suppose que la loi des gaz parfaits s'applique. Le cas isobare correspond a une droite horizontale dans le diagramme de la figure 8.8a. Wolfire et al. [527] ont verifie que le critere d'instabilite s'applique bien partout en dehors de la courbe d'equilibre. Dans tout le demi-espace au-dessus de la courbe d'equilibre, la pression est plus elevee que la pression d'equilibre et le milieu tend a se contracter, son point figuratif sur la figure 8.8a se deplagant done vers la droite au cours du temps jusqu'a ce que 1'equilibre soit atteint. Inversement, dans le demi-espace situe en dessous, la pression est inferieure a la pression d'equilibre et le milieu tend a entrer en expansion, son point figuratif se deplagant vers la gauche jusqu'a 1'equilibre. II existe done aux basses pressions (P/k < 990 K cm~3 dans le modele standard) une seule configuration d'equilibre stable, de faible densite. Aux hautes pressions (P/k > 3600 Kcm~ 3 dans le modele standard), il n'y a egalement qu'une seule configuration d'equilibre, de forte densite. Aux pressions intermediaires, il y a trois configurations d'equilibre : une instable qui a peu de chances d'etre realisee dans la nature, et deux configurations stables de densite
233
respectivement basse et elevee. Ces configurations stables, supposees en equilibre de pression 1'une avec 1'autre, ont ete identifiers par Field, Goldsmith et Habing [166] aux nuages atomiques froids et au milieu atomique tiede internuage respectivement (Section 4.1.1). C'est le models a deux composantes du milieu interstellaire. Plusieurs questions se posent a propos de ce modele : i) La valeur observee de la pression est-elle compatible avec la presence de deux composantes en equilibre ? Nous avons vu section 4.1.3 que 1'analyse des niveaux de structure fine du C I indique que 103 < P/k < 104 cm~ 3 K. L'ordre de grandeur est done compatible avec le modele, mais il y a des regions de pression encore plus grande ou plus petite. ii) L'equilibre de pression peut-il se realiser ? En realite, le milieu interstellaire est agite, principalement par les explosions de super novae, ce qui occasionne des fluctuations de pression avec un intervalle caracteristique de 1'ordre de 4 105 ans en un point donne (McKee &; Ostriker [337]). Ces fluctuations se propagent a la vitesse du son
pour le cas adiabatique, avec 7 = Cp/Cy = 5/3. Elles sont transmises directement aux nuages si leurs dimensions sont suffisamment petites pour que le temps de traversee de la compression soit inferieur a 1'intervalle caracteristique des perturbations. Ceci donne 0,4 pc pour les nuages froids et 4 pc pour les nuages tiedes. Les fluctuations sont moyennees, done attenuees, dans les nuages plus grands. Done les structures denses relativement grandes peuvent etre en equilibre de pression avec le milieu exterieur moins dense, meme si ce n'est pas le cas a plus petite echelle. iii) L'equilibre thermique peut-il se realiser ? Le temps de refroidissement tth (qui est egal au temps de chauffage a 1'equilibre) est dans le cas isobare
si xe <C 1. tth < 105 ans pour le milieu froid, et 1'equilibre thermique peut done etre realise au sein de ce milieu. Par centre, tth pour le milieu tiede est beaucoup plus long, et ce milieu n'est pas necessairement en equilibre thermique. On peut facilement montrer qu'il en est de meme pour 1'ionisation : le milieu froid est generalement a 1'equilibre d'ionisation, alors que le milieu tiede peut ne pas 1'etre. Ceci en complique considerablement 1'analyse. Mais comme le milieu tiede tend evidemment a evoluer vers 1'equilibre, la description du milieu interstellaire neutre comme un milieu a deux composantes a 1'equilibre est valable qualitativement si on considere les conditions d'equilibre comme une moyenne des conditions reelles.
234
8.3.2
Le gaz ionise chaud est initialement produit dans le choc entre 1'enveloppe en expansion rapide ejectee par 1'explosion des supernova et le milieu interstellaire environnant (Section 12.1). II interagit ensuite avec le milieu plus dense et plus froid, qui est comprime par le gaz chaud et chauffe par conduction dans la zone d'interaction, et qui s'evapore eventuellement. Ce qui reste du gaz chaud a la fin de la vie du reste de supernova se repand dans le disque et dans le halo de la Galaxie ; le gaz chaud du halo s'echappe eventuellement de la Galaxie, ou bien se refroidit et retombe sur le plan : c'est le principe de la fontaine galactique. Ces processus, sur lesquels on reviendra aux chapitres 12 et 15, sont decrits par McKee &; Ostriker [337] et par Spitzer [468]. On est encore loin de bien les comprendre. Chevalier & Oegerle [81] ont decrit un processus dynamique pour chauffer in situ le gaz tres chaud, dont I'efficacite n'est pas bien connue. En tout cas, ce gaz se refroidit soit par 1'interaction avec le gaz plus froid, soit par rayonnement. Le taux de refroidissement radiatif est donne par la figure 8.5. Avec des valeurs typiques des parametres du milieu chaud, ne = 10~3 cm~ 3 , T = 3 105 K, le temps caracteristique de refroidissement (3/2)n e fcT/A est de 1'ordre de 104 ans, done extremement rapide (le refroidissement se ralentit cependant tres vite lorsque la temperature tombe en dessous de 104 K, voir Figure 8.5). Done le milieu chaud tend a se condenser rapidement en nuages considerablement plus froids. C'est sans doute au cours de cette phase de refroidissement que la recombinaison forme des ions comme N v, CIV et Si IV, dont la presence a ete observee par leurs raies d'absorption dans le milieu interstellaire. Comme la recombinaison des electrons avec les ions, dont le taux est en T"1/2, est plus lente que le refroidissement, ce milieu n'est probablement pas a 1'equilibre d'ionisation, comme on 1'a signale section 5.3.1.
8.3.3
Regions HII
La determination de la temperature d'equilibre des regions H n est relativement simple dans son principe car seuls quelques processus sont importants. Us sont resumes schematiquement par la figure 8.6. Le chauffage est domine par 1'ionisation, et le refroidissement par 1'emission de raies interdites et par remission libre-libre. Le calcul pratique est cependant assez complexe car il faut tenir compte et du transfert du rayonnement ultraviolet .et d'un assez grand nombre d'especes atomiques et ioniques pour lesquelles on doit resoudre les equations d'equilibre d'ionisation. On trouvera les resultats dans les articles specialises consacres aux modeles de regions Hll. II suffit de dire ici que la temperature, qui est de 1'ordre de 104 K, depend dans une certaine mesure du type spectral de 1'etoile ionisante, mais surtout de 1'abondance des ions responsables du refroidissement. Si ces ions sont sous-abondants, la temperature est evidemment plus elevee puisque le taux de refroidissement est plus faible. Ceci affecte bien entendu
235
en retour le degre d'ionisation des elements. Par exemple, si 1'abondance de I'oxygene, qui est le principal agent de refroidissement, est plus faible, la temperature est plus grande et le degre d'ionisation O + + /O + egalement parce que les recombinaisons sont moins frequentes, leur taux etant proportionnel a T"1/2. T peut atteindre 15000 K ou plus pour les faibles abondances (par exemple dans certaines regions H n extragalactiques). En consequence 1'intensite des raies [O IIIJA4 959+5 007 augmente par rapport a celle des raies de recombinaison comme H/3 a 4861 A, d'autant plus que le niveau superieur de ces transitions est davantage peuple, la temperature etant plus elevee. Le rapport d'intensite [O Hlj/H/3 atteint un maximum, puis diminue quand 1'abondance de I'oxygene devient vraiment tres faible. Par centre 1'intensite des raies [On]A3 727+3 729 diminue continuellement lorsque 1'abondance de I'oxygene decroit.
8.3.4
Nuages moleculaires
Les processus de chauffage et de refroidissement des nuages moleculaires sont assez simples, si 1'on excepte leurs regions superficielles qui sont en fait des interfaces de photodissociation, lesquels seront traites au chapitre 10. Le chauffage des regions profondes de ces nuages est essentiellement du aux rayons cosmiques, et aux collisions gaz-grains si la densite est suffisante. Le refroidissement est du aux raies de CO et de ses substitutions isotopiques, avec probablement une contribution importante des raies interdites de C I. Goldsmith & Langer [189] et d'autres apres eux ont traite le cas ou le chauffage n'est du qu'aux rayons cosmiques et trouvent des temperatures du gaz de 1'ordre de 10 K. Falgarone & Puget [157] traitent le cas ou le chauffage par les collisions gaz-grains s'ajoute au chauffage par rayons cosmiques, en supposant que le nuage moleculaire est place dans un champ de rayonnement infrarouge lointain assez intense. Les taux de chauffage et de refroidissement sont portes dans leur figure 3. Us trouvent des temperatures du gaz inferieures de 5 K environ a celles des poussieres (15 a 20 K dans 1'exemple qu'ils ont choisi) pour une densite de 104 molcm~ 3 , et presque egales a celle des poussieres pour une densite de 105 molcm~ 3 . II faut garder a 1'esprit qu'il s'agit d'un modele specifique, mais les ordres de grandeur sont certainement corrects.
9.1
Les conditions physiques du milieu interstellaire ont des implications profondes sur les reactions chimiques possibles. Aux basses temperatures des nuages moleculaires et du milieu atomique froid, seules les reactions exothermiques sont possibles. De plus certaines reactions, meme exothermiques, presentent une barriere de potentiel (dite aussi barriere d'activation), que doivent franchir les particules reactives avant de se rencontrer : ces reactions sont impossibles si la temperature est trop basse pour que cette barriere soit franchie. La situation est differente dans les regions de photodissociation et surtout dans les chocs, ou les temperatures elevees autorisent certaines reactions endothermiques ou avec barriere d'activation. Nous verrons aux chapitres 11 et 13 que, meme dans le milieu interstellaire diffus, les chocs et la turbulence generent des zones chaudes ou peuvent se produire des reactions impossibles ailleurs.
238
Les reactions ion-molecule sont souvent sans barriere d'activation, et sont done favorisees dans le milieu interstellaire neutre, formant des ions moleculaires de plus en plus complexes. Des molecules neutres sont formees par recombinaison dissociative de ces ions avec des electrons libres. Enfin, en presence de photons ultraviolets les molecules peuvent etre photodissociees en composants plus petits, ou photo-ionisees. Nous aliens etudier les principaux processus dont nous venons de parler. Cette etude n'est pas complete car nous ne ferons que mentionner en passant la dissociation sous 1'effet des collisions et les reactions avec les ions negatifs, qui n'ont pas une importance aussi grande que les autres processus.
9.1.1
Reactions ion-molecule
k Ces reactions sont du type A + + B > C + + D. k est le taux de la reaction, 3 tel que le nombre de reactions par cm et par seconde soit k nA+ HE , n A + et HB etant les densites des partenaires. L 'unite de k est done le cm3 s"1. Un ion qui s'approche d'une molecule neutre y engendre un dipole electrique qui cree une force attractive pour 1'ion, qui peut done etre capture par la molecule. On peut done prevoir que les reactions ion-molecule seront possibles meme a tres basse energie pourvu qu'elles soient exothermiques, et qu'il n'y aura pas de barriere d'activation empechant 1'approche de 1'ion. Si la molecule n'a pas de moment dipolaire permanent (comme fb par exemple), le potentiel d'interaction a grande distance est
a est la polarisabilite de la molecule, telle que (p) = aE, E etant le champ electrique et (p) la moyenne du moment dipolaire induit sur toutes les orientations possibles de la molecule (qu'on peut d'ailleurs considerer comme quasi spherique s'il s'agit de H 2 , N2 etc.). q est la charge de 1'ion et R la distance ion-molecule. Un calcul classique de trajectoire donne la section efficace de collision ion-neutre et, si on suppose que chaque rencontre produit une reaction, permet d'obtenir le taux de la reaction, qui est le taux de Langevin
mr etant la masse reduite des partenaires de la collision (Eq. 8.9). Ce taux est independant de la temperature. Si 1'un de ces partenaires est H2 dont la polarisabilite est a = 4,5ag, ao etant le rayon de Bohr (0,528 A), on trouve une valeur de kL de 1'ordre de 2 10~9 cm3s""1. L'experience conduit effectivement a des valeurs de cet ordre pour les reactions ion-molecule a la temperature ordinaire. A defaut de mesure au laboratoire, on utilisera le taux de Langevin pour les temperatures interstellaires relativement elevees
239
(plusieurs dizaines de degres). A basse temperature cependant, le taux de reaction est tres sensible aux details des surfaces de potentiel entre la molecule et 1'ion, et le taux de reaction peut varier avec la temperature. II est done important de le mesurer pour obtenir des resultats utilisables pour la chimie interstellaire a basse temperature, ce qui est heureusement aujourd'hui possible pour un grand nombre de reactions. Si la molecule neutre cible possede un moment dipolaire permanent, le potentiel d'interaction a grande distance est anisotrope et de la forme
ou MD est le module du moment dipolaire permanent de la molecule et 0 I'angle de ce moment avec la direction ion-molecule. Le calcul de la trajectoire de 1'ion est complexe : il est necessaire de faire des moyennes sur 1'orientation de la molecule et un calcul quantique est necessaire pour les basses temperatures car la fonction de partition des niveaux de rotation de la molecule est affectee par 1'interaction. La theorie predit une augmentation du taux de reaction aux basses temperatures. Une approximation utile du taux est
9.1.2
Association radiative
L'association radiative est la combinaison directe de deux partenaires (neutres ou ionises) avec desexcitation de la molecule formee par emission k d'un photon : A + B > AB + hv. Pour que ce processus fonctionne, il est necessaire que la molecule se forme dans un etat qui a des transitions permises avec le niveau fondamental, afin qu'elle puisse se debarrasser de son exces d'energie par emission d'un photon. Ce n'est pas le cas de H2 qui ne peut done pas se former par association directe de deux atonies H (Figure 4.8). II n'est possible de former H2 par cette association que si un troisieme atome H emporte 1'energie en effectuant une collision pendant que les deux premiers atonies H sont tres proches : ceci correspond a une reaction a trois corps qui requiert une tres haute densite (nn > 1011 cm~ 3 ), ce qu'on ne rencontre guere dans le milieu interstellaire. On peut obtenir une estimation grossiere du taux de reaction de la maniere suivante. Supposons que les deux partenaires A et B soient des atonies neutres. Une expression semi-classique de la section efficace d'association
240
radiative est, en supposant les trajectoires rectilignes et en integrant sur le parametre d'impact 6,
ou Qi est la probabilite que A et B s'approchent selon une courbe d'energie potentielle particuliere, Ai(R) etant la probabilite d'emission spontanee par seconde a partir de cette courbe vers le niveau fondamental de la molecule, et St la duree de 1'interaction. Pour obtenir un ordre de grandeur, on peut ecrire
t ~ 10 14 s est la duree de la collision, 0 < g < 1, et A(Ro) ~ 106 s l pour une transition electronique dipolaire. Trb^ est une section efficace geometrique ou bc est un parametre d'impact critique qu'on peut obtenir par des considerations classiques. Un ordre de grandeur raisonnable est -xb2c ~ 300ag. Alors, dans le cas le plus favorable ou g = 1, ORA ~ 3 lO"6^ valeur tres petite. Le taux de reaction vaut alors k = (V}(JRA 10~17 cm 3 s~ 1 ; 1'association radiative est done un processus lent. II peut cependant etre efficace dans le cas ou 1'un des partenaires est abondant (H ou H2), si aucun autre canal exothermique n'existe. A basse temperature, il peut se former un complexe de longue duree de vie si 1'un des partenaires est une molecule polyatomique. On peut obtenir un ordre de grandeur de cette duree de vie de la maniere suivante. La premiere etape du processus est la formation du complexe :
A 1'equilibre, le taux de formation kf du complexe est egal a son taux de destruction, soit par separation des composants (kd), soit par formation de la molecule stable ( k r ) . Le taux de formation de la molecule etant
on a
241
ou Q' est la fonction de partition par unite de volume (differente de celle de 1'Eq. 3.71 qui ne donne que la partie interne, non translationnelle de la fonction de partition pour une molecule). On trouvera dans Herbst [218] et dans Bates & Herbst [23] comment calculer cette expression. Les determinations experimentales directes sont tres difficiles pour ce processus a cause du fait que les reactions a trois corps, qui font intervenir la collision avec une autre particule pendant la duree de vie du complexe AB*, sont generalement beaucoup plus rapides que sa desexcitation radiative. Cependant, comme il est explique par Herbst [218], la mesure du taux de reaction a trois corps permet indirectement d'obtenir des informations sur le taux de desexcitation radiative. II reste beaucoup a faire dans ce domaine.
9.1.3
Recombinaison dissociative
+
recombinaison k dissociative d'un ion moleculaire avec un electron : AB + e > A+B. La figure 9.1 illustre ce processus. Son etude theorique est complexe, comme on peut 1'imaginer au vu de cette figure, et la mesure au laboratoire est difficile. Des taux de recombinaison dissociative tres importants comme celui de H^", qui joue un role fondamental dans la chimie interstellaire comme on le verra plus loin, sont encore controverses car les nombreuses mesures ont donne des resultats differents les uns des autres. Un autre probleme est celui du rapport de branchement entre les differents produits possibles A et B issus d'une recombinaison dissociative. II est heureusement possible aujourd'hui de mesurer au laboratoire ces rapports pour un certain nombre de molecules (voir par exemple Herbst & Lee [219]).
9.1.4
Reactions neutre-neutre
Les reactions entre atomes ou molecules neutres peuvent jouer un certain role dans la chimie a basse temperature. Elles sont fondamentales aux temperatures elevees des chocs, des regions de photodissociation et des regions d'intermittence du milieu interstellaire turbulent. La difficulte principale de leur etude est la connaissance des potentiels a grande distance. En particulier les faibles forces d'attraction de van der Waals peuvent etre compensees ou depassees par de petites variations de pente de la surface de potentiel entre
242
FlG. 9.1 Courbes d'energie potentielle illustrant la recombinaison dissociative. (a) Dans le processus direct, un electron d'energie E excite une transition de 1'ion stable XY+ vers un etat repulsif de la molecule neutre XY qui croise la courbe d'energie de 1'ion. Get etat repulsif conduit le plus souvent a la dissociation. (b) Dans le processus indirect, 1'electron excite un niveau d'energie d'un etat electronique excite XY* de la molecule neutre, qui croise un etat repulsif de cette molecule conduisant eventuellement a la dissociation. les deux particules incidentes, ce qui se traduit par la presence d'une barriere d'activation Ea- Le taux de la reaction prend alors la forme
Si on parvient a mesurer le taux de reaction a plusieurs temperatures, on peut determiner experimentalement la barriere d'activation. Les reactions entre radicaux libres (molecules dont les liens de valence ne sont pas satisfaits et done pourvues d'un ou plusieurs electrons non apparies) ou entre un radical libre et une molecule non saturee n'ont pas en general de barriere d'activation. Si un de ces radicaux possede un moment dipolaire ou multipolaire, des interactions electrostatiques se produisent a longue distance, un des potentiels d'interaction possibles au moins est generalement attractif et la reaction peut avoir lieu. Le taux de ce type de reaction augmente en general aux basses temperatures, car les deux radicaux peuvent former un complexe de faible energie de liaison au cours de la rencontre. II est crucial pour la chimie interstellaire de mesurer ces taux de reaction a basse temperature, car leur prediction par les methodes de la chimie quantique est souvent incertaine.
9.1.5
Photodissociation et photo-ionisation
Ces mecanismes sont les principaux qui conduisent a la destruction des molecules dans le milieu interstellaire diffus et dans les parties externes des nuages moleculaires qui sont encore penetrees par le rayonnement ultraviolet.
243
Le rayonnement UV produit encore des effets appreciabl.es dans les nuages avec une extinction visuelle totale Ay de 2 a 10 magnitudes. Ce sont les nuages translucides (translucent clouds en anglais), qui ont ete beaucoup etudies (voir par exemple van Dishoeck & Black [502]). Meme dans les regions profondes des nuages moleculaires, des photons ultraviolets sont crees par 1'excitation collisionnelle de H2 ou de He par les rayons cosmiques ou les electrons secondaires, suivie de leur desexcitation radiative (Section 8.1.2 ; Gredel et al. [193]). La photodissociation est representee par un parametre /?, exprime en s"1, qui controle la decroissance de la molecule AB par la reaction AB+hv = A+B
Les definitions et notations pour la photo-ionisation sont semblables. On trouvera une revue assez exhaustive de ces mecanismes dans van Dishoeck [501]. Beaucoup de determinations experimentales en ont ete faites au laboratoire, notamment avec des sources synchrotron de rayonnement UV. En general la photodissociation se fait par 1'absorption du rayonnement UV par un continuum, avec les exceptions tres importantes de H2 et de CO (voir Figure 4.7 pour un fragment du spectre d'absorption UV de ces molecules). La photodissociation de H2 a fait 1'objet de tres nombreuses recherches en raison de son importance astrophysique et theorique. On verra en particulier van Dischoeck & Black [501] et Warin et al. [513] pour les applications astrophysiques. Comme la photodissociation se produit par des raies qui sont done absorbees, le rayonnement UV s'appauvrit considerablement en photons utilisables lorsque ces raies deviennent optiquement epaisses et le milieu se protege alors lui-meme de la photodissociation. Ceci a lieu pour H2, pour CO et pour ses substitutions isotopiques. Le phenomene est moins important pour HD, qui est peu abondant. A 1'inverse, Bi2 est bien protege de la photodissociation dans le milieu interstellaire diffus par la saturation des raies UV et par 1'extinction dans 1'UV due aux poussieres, des que la densite de colonne atteint quelques 1020 atonies Hcm~ 2 , comme on peut le voir figure 4.10. Dans les regions de photodissociation, cette densite de colonne depend de la densite et du champ de rayonnement UV, comme on le verra au chapitre 10. CO est photodissocie plus profondement, et ses isotopes encore plus profondement, car ils sont moins abondants. Nous en verrons les consequences dans les regions de photodissociation au chapitre 10. Une complication est que la photodissociation de H2, de CO et de ses substitutions ne sont pas independantes, en raison de la coincidence d'un certain nombre de raies (Figure 4.7).
244
Le taux de photodissociation d'une molecule H2 isolee, placee dans le champ de rayonnement interstellaire local, est approximativement RQ = 4, 710~n s"1 (Abgrall et al. [3]). A 1'interieur d'un nuage ou d'une region de photodissociation, le champ UV est attenue dans les raies et on peut considerer qu'en premiere approximation cette attenuation est proportionnelle a la racine carree de la densite de colonne Nn2(s) des molecules H2 jusqu'a la profondeur s. En effet, la plupart des raies se trouvent sur la partie amortissement de la courbe de croissance (Eq. 4.34 et Figure 4.4). Le taux de destruction a la profondeur s est done, si Fexterieur du nuage est illumine par un champ UV egal a x fis le champ interstellaire local
ou f3 = 4,5 105 cm l est le parametre d'auto-protection (Jura [256]) et nn2(s) la densite d'hydrogene moleculaire.
9.2
II est maintenant tout a fait clair que la chimie a la surface des grains joue un role tres important dans la formation et la destruction de molecules interstellaires. On sait depuis longtemps que H2 ne peut se former que sur les grains, puisque sa formation en phase gazeuse est impossible comme on 1'a vu section 9.1.2 l. On soupgonnait bien que d'autres molecules se ferment de la meme maniere, mais on avait tendance a negliger ce processus, surtout parce qu'il est mal connu. Ce n'est plus possible aujourd'hui car il existe de nombreuses preuves directes ou indirectes de 1'existence d'une chimie sur les grains. La preuve la plus directe est la presence de CO2 dans les manteaux de glace qui recouvrent les grains dans les parties profondes des nuages moleculaires, alors que cette molecule est peu abondante en phase gazeuse. Une indication indirecte pourrait etre 1'abondance relative considerable des substitutions deuterees de nombreuses molecules (HDO, HDCO, CHaOD, etc.) et meme doublement deuterees comme D 2 CO et ND 2 O (Turner [494], Loinard et al. [314], [315]). On considere souvent que ces molecules ne peu vent que difficilement etre formees en phase gazeuse car 1'enrichissement en deuterium par des reactions d'echange isotopique avec HD, le principal reservoir de deuterium, ne peut se faire qu'a basse temperature. Or on les observe dans les nuages moleculaires chauds (cceurs chauds, en anglais hot cores) comme le nuage moleculaire d'Orion, ou dans des environnements
1. On peut cependant former H2 via 1'ion H~ : H + e > H~ + hv, suivi de H~ + H H2 + e, ou via 1'ion H+ : H+ + H > Hj + hv , suivi de H+ + H > E2 + H. Mais ces mecanismes sont negligeables sauf dans des circonstances ou le degre d'ionisation est exceptionnellement eleve : voir Jenkins & Peimbert [245]. Petrie &: Herbst [380] presentent quelques exemples ou les ions moleculaires negatifs peuvent jouer un role dans la chimie interstellaire.
245
protostellaires. Les grains interstellaires sont (ou ont ete au cours de leur vie) a basse temperature et 1'enrichissement en deuterium sur les grains ne pose alors pas de probleme. Cependant les molecules doublement deuterees pourraient etre formees en phase gazeuse dans un milieu ou CO est fortement deficient (Roueff et al. [414]). De plus des molecules incluses dans les manteaux de glace des grains ne semblent pas enrichies en deuterium (d'Hendecourt, communication privee). Le probleme reste done ouvert. Nous examinerons maintenant la formation de H2 sur les grains, puis d'autres reactions chimiques.
9.2.1
Ce mecanisme a ete etudie des 1971 par Hollenbach & Salpeter [225], puis par Jura [257], Duley & Williams [132], etc. Son principe est tres simple : deux atonies H colles sur un grain de poussiere se rencontrent et forment une molecule H2, 1'energie en exces etant evacuee de fagon non radiative, sous forme de phonons dans le grain puis d'excitation de la molecule H2 formee. Nous avons vu section 9.1.2 que la molecule H2 ne peut pas rayonner 1'exces d'energie, et qu'il n'est done pas possible de la former en phase gazeuse aux densites interstellaires. Les details de la formation de H2 sur les grains sont malheureusement complexes et mal connus. Nous nous contenterons de decrire les principes, d'abord dans le cas irrealiste d'une surface parfaite, en suivant Hollenbach & Salpeter [225] ou 1'on trouvera une etude plus approfondie. Nous verrons ensuite ce qui se passe sur une surface plus realiste. Un atome H arrivant sur un grain a une probability S de s'y coller (physisorption). S depend en principe de la temperature du gaz, de celle du grain et de 1'energie de liaison de 1'adsorption D, done de la nature du grain. Cette energie etant probablement tres superieure a 1'energie cinetique de 1'atome dans un gaz interstellaire froid, la temperature du gaz n'intervient que par le taux de collisions. Le temps moyen pour qu'un atome se colle sur la surface d'un grain de section geometrique o~d = no? est done
ou (VH) = (SfcT/TrmH) 1 / 2 est la vitesse moyenne des atonies H. L'atome colle peut s'evaporer avec un temps caracteristique
VQ ~ 1013 Hz etant la frequence caracteristique de vibration de reseau du solide et T^ la temperature du grain. Mais 1'atome peut aussi se deplacer par petits bonds sur la surface du grain jusqu'a ce qu'il rencontre un autre atome avec lequel il forme une molecule. Ce processus est essentiellement quantique et ne depend que tres peu de la temperature. II est rapide, car les atomes d'hydrogene sont tres mobiles. II faut cependant que I'atome ait le temps de se deplacer appreciablement avant de s'evaporer, ce qui implique
246
que la temperature du grain soit inferieure a une certaine temperature critique Tcrit. Les molecules H2 peuvent alors se former. Des molecules H2 du gaz environnant peuvent aussi se coller sur le grain, et s'en evaporer, 1'evaporation etant regie par une energie de liaison D2 un peu plus grande que celle des atonies H. Le temps d'evaporation des molecules est done teV2 v$l exp(D2/kT). Au-dessous d'une certaine temperature du grain T'crit, la plupart des N sites ou les molecules peuvent se coller sont occupes par des molecules. On obtient T'crit en ecrivant que Ton est alors dans un etat stationnaire ou le temps de collage des molecules ts2 ~ (S2nK2(vK2)(Td}~1 est 6gal a N~Hev2 :
Pour former des molecules, il faut que les atomes H trouvent sur le grain des sites non occupes par des molecules H 2 , done que Tj > T'crit. En effet 1'energie de liaison sur une monocouche de H2 est considerablement inferieure a celle sur une autre surface solide, et I'atome ne peut s'y coller pour former une deuxieme couche que si la temperature du grain est inferieure a 6,5 K, ce qui ne se produit pas dans la pratique (Section 7.2.1). D'autre part, il faut que I'atome ait le temps de se deplacer pour trouver un partenaire avant de s'evaporer, c'est-a-dire que T^ < Tcrit. Dans cette theorie simple, la formation de H2 n'est done possible que dans un creneau assez etroit de temperatures, qui va de 11 K a 13 K dans 1'exemple numerique choisi par Hollenbach & Salpeter [225]. Ce qui se passe sur une surface plus realiste, qui possede des sites privilegies ou les atomes se collent preferentiellement plutot par chemisorption, est plus complexe. Le resultat principal est que Tcrit est plus grand car 1'energie de liaison de ces sites privilegies est plus elevee que 1'energie moyenne D, et est peut-etre de 1'ordre de 25 K. On arrive ainsi a une gamme de temperatures de formation compatible avec les temperatures observees pour les grains interstellaires dans un champ de rayonnement pas trop eleve. II est malheureusement difficile d'arriver a des resultats vraiment quantitatifs en raison de notre mauvaise connaissance de la nature exacte des grains (silicates, graphite, carbures aromatiques polycycliques hydrogenes, manteaux de glaces diverses eventuellement organiques...) et de leur etat de surface (amorphe, cristallins, spongieux...). II n'est pas possible de rendre ici justice aux nombreux travaux qui ont ete effectues sur ce sujet au cours des 30 dernieres annees. II suffira de dire qu'il ne semble pas y avoir de difficulte majeure a rendre compte des rapports H2/H: observes dans le milieu interstellaire. Une etude particulierement claire de 1'equilibre formation/photodissociation de H2 est celle de Jura [256]. Pour une etude experimentale recente, voir Katz et d. [262]. Lorsqu'on est dans la gamme des temperatures favorables, on peut admettre que tout atome H colle formera une molecule H2 avec un partenaire,
9.2 Chimie a la surface des grains de poussiere et le taux de formation de H2 s'ecrit simplement
247
ou rid(a) est la densite de grains de rayon a. On en deduit numeriquement, en integrant sur la distribution MRN de tallies de grains et en adoptant le rapport grains/gaz du voisinage solaire
L'inconnue principale est la probabilite de collage S, pour lequel une valeur de 0,3 a 1 pourrait etre adoptee. Les incertitudes sont si grandes qu'il parait provisoirement preferable d'utiliser le taux de formation determine empiriquement par Jura [256] a partir des observations de la densite de colonne de H et de H2 dans differentes directions. II vaut
Nous utiliserons cette expression au chapitre 10. Une question importante est la distribution de 1'energie liberee par la formation de H2 (4,48 eV) entre les differentes formes possibles. Elle a ete abordee section 8.1.6. En particulier, il serait important de savoir dans quel etat excite se trouve la molecule. Une prediction specifique a ete faite par Duley & Williams [132] dans le cas de la formation de H2 sur des silicates amorphes : ils concluent alors que la molecule se trouve en grande partie dans des etats vibrationnels excites mais dans 1'etat fondamental de rotation, tout en mentionnant que la situation peut etre differente avec d'autres types de grains. Le Bourlot et al. [285] calculent le spectre infrarouge resultant de la desexcitation de H2 dans un nuage moleculaire, avec differentes hypotheses sur son excitation. La confrontation avec 1'observation peut amener des progres, bien que d'autres mecanismes d'excitation (fluorescence UV, excitation collisionnelle dans les chocs) puissent rendre les conclusions ambigues. Des mesures en laboratoire seraient tres utiles.
9.2.2
Bien entendu, beaucoup d'autres molecules peuvent se former sur les grains. Certaines peuvent se former a 1'interieur des manteaux, y sont bloquees et ne sont liberees dans le gaz que par evaporation consecutive au chauffage du grain, ou par destruction totale ou partielle du grain au cours des collisions grain-grain (Chapitre 13) ; d'autres sont formees a la surface, ont une certaine mobilite qui leur permet de participer a d'autres reactions chimiques, et peuvent etre eventuellement evaporees dans le milieu ambiant, ou photo-desorbees sous 1'action d'un photon UV. Une bonne introduction a ces processus est donnee par d'Hendecourt et al. [112]. Les reactions possibles
248
sont essentiellement entre especes neutres, et sont limitees par la presence eventuelle d'une barriere d'activation. Les reactions permises sont avant tout celles qui font intervenir des radicaux libres, encore que certaines comme H + HCO > H 2 CO paraissent avoir une barriere d'activation. Des exemples de reactions permises sont :
II faut noter cependent qu'une barriere d'activation peut etre franchie par effet tunnel. Le temps caracteristique de franchissement d'une telle barriere est
ou VQ ~ 1013 Hz est la frequence de vibration du reseau. a (de 1'ordre de la distance interatomique du reseau, soit ~ 10~8 cm) et Ea sont respectivement la largeur et la hauteur de la barriere, et m est la masse de la particule. Le temps de franchissement est de 1'ordre de 2 10~10 s pour Phydrogene avec une barriere de 350 K. Les reactions avec barriere d'activation faible sont done possibles, mais elles sont beaucoup plus lentes que les reactions faisant inter venir des radicaux libres. Pour que les molecules puissent retourner en phase gazeuse sans destruction totale ou partielle du grain ou sans chauffage exterieur du grain, il faut qu'un processus de desorption existe. Pour H2, une partie de 1'energie de formation sert a ejecter la molecule hors du grain. C'est possible aussi pour les molecules formees a la surface de tres petits grains, car la chaleur de formation transferee au grain peut le chauffer suffisamment pour ejecter thermiquement la molecule. L'arrivee d'un photon UV peut aussi produire une desorption, mais ce processus est mal connu. II est sans doute important dans les regions externes des nuages moleculaires et empeche la formation de manteaux de glace sur les grains. ATinterieur du nuage ce processus est inefficace, mais le chauffage transitoire du grain par un rayon cosmique pourrait produire une evaporation limitee. Enfin 1'energie de reactions chimiques accumulees dans
2. Cette reaction a souvent ete consideree comme ayant une barriere d'activation, mais les observations recentes montrent qu'il n'en est rien : voir section 7.4 et figure 4.11.
249
le manteau du grain pourrait conduire a son explosion et done a 1'ejection de tous ses constituants dans la phase gazeuse. Voir Tielens & Hagen [489] et d'Hendecourt et al. [112] pour une etude de ces processus.
9.3
Apres que Ton ait etabli un reseau aussi complet que possible des reactions chimiques que Ton imagine pouvoir se produire dans un contexte astrophysique donne, et que Ton ait compile les taux de reaction correspondants (lesquels peuvent etre tres incertains dans certains cas), on peut calculer les abondances a 1'equilibre des differentes especes ou, en partant d'une certaine composition initiale, calculer 1'evolution temporelle de ces abondances. Cette derniere methode, presque seule utilisee aujourd'hui, est certainement preferable car des reactions cruciales, comme par exemple certaines reactions d'association radiative, peuvent etre si lentes que 1'equilibre peut n'etre jamais atteint en un temps comparable a la duree de vie du milieu etudie (par exemple de 1'ordre de 106 ans pour un nuage interstellaire). Le traitement a 1'equilibre est relativement simple. Dans une reaction irreversible, 1'etat d'equilibre implique simplement que le taux de formation est egal au taux de destruction. Supposons qu'une molecule X est formee par la reaction A + B > X + ..., et detruite par la reaction X + Z produits. La variation de la concentration de X avec le temps est
De meme, si la destruction de la molecule X est due a la photodissociation avec un taux /?, le taux de destruction est d[K]/dt = /3[X] (Eq. 9.14) et Ton a, a 1'etat stationnaire
Dans une reaction reversible (plus rare dans le milieu interstellaire froid) du type A + B ^ C + D + A, la loi d'action de masse implique, s'il n'y a pas d'autres reactions, que
On a cependant le plus souvent affaire a un reseau complique de reactions. Un exemple interessant est la formation et la destruction de certains ions
250
moleculaires deuteres de type AD+ dans les nuages moleculaires (Guelin et d. [197]). Elle fait intervenir la reaction d'echange isotopique avec HD, qui est le principal reservoir de deuterium :
La destruction de AD + se produit i) par recombinaison dissociative avec les electrons, de taux k^ ; ii) par la reaction inverse de la reaction de formation, de taux fcaexp(AE/kT) ; iii) par d'autres reactions avec des especes i de densite n;, de taux ki. En equilibrant le taux de formation et de destruction, on obtient
Si on connait les taux de reactions, 1'abondance de HD par rapport a H2 (environ 3 10~5, deux fois 1'abondance cosmique du deuterium), les Hi et les AE, on peut deduire de la mesure du rapport d'abondance AD + /AH + la densite electronique ne dans le nuage. Dans le cas stationnaire, on aura simplement a resoudre un ensemble d'equations algebriques comme 1'equation 9.28, ce qui ne presente pas de difficulte. Dans le cas non stationnaire, il faudra resoudre un ensemble d'equations differentielles du type de 1'equation 9.23, ce qui est evidemment plus difficile. Si on tient compte egalement des reactions sur les grains et des echanges gaz-grains, le traitement est encore plus complexe, bien que parfaitement realisable avec des stations de travail modestes. En ce qui concerne la chimie sur les grains, on peut la traiter soit par des equations cinetiques comme celles utilisees pour le gaz, soit par des methodes MonteCarlo ou 1'on simule 1'arrivee des particules sur le grain, leur deplacement, la formation des molecules et leur ejection. Les methodes Monte-Carlo sont plus exactes, mais il est plus difficile de les coupler avec les equations cinetiques du gaz : pour une discussion, voir Shalabiea et al. [442]. II existe de nombreuses compilations des reactions, de leur taux et d'autres parametres utiles, par exemple celle de Hasegawa &; Herbst [207] pour les reactions sur les solides, ou celles de Bettens et al. [31], de Le Bourlot et al. [283], de Warin et al. [513] et de Millar et al. [349] (base de donnees UMIST) pour les reactions en phase gazeuse. Un compendium des resultats de modeles recents de chimie dans les nuages denses est donne par Lee et al. [290].
9.4
Quelques resultats
II est hors de question ici de passer en revue meme superficiellement les travaux faits en chimie interstellaire. Nous nous contenterons de decrire quelques principes s'appliquant au milieu interstellaire diffus et aux nuages
251
moleculaires, laissant pour les chapitres suivants la chimie dans les regions de photodissociation, les chocs et les regions d'intermittence du milieu interstellaire turbulent.
9.4.1
Le milieu interstellaire diffus se caracterise par une densite de quelques dizaines de particules par cm3, une temperature de 1'ordre de 100 K (nous excluons ici le milieu diffus tiede ou la chimie est negligeable en raison de la faible densite) et la presence d'un champ de rayonnement UV. Le carbone est presque entierement ionise et fournit Tessentiel des electrons libres. L'hydrogene moleculaire est present des que la densite de colonne atteint quelques 1020 atonies H cm~ 3 . Mais en dehors de la formation de H2 la chimie sur les grains ne semble pas jouer un role important dans ce milieu. La chimie est done essentiellement une chimie en phase gazeuse qui part done de C+ et de H2 ; pour une etude approfondie, voir van Dishoeck & Black [500]. On ne s'attend pas a priori a trouver des molecules complexes dans le milieu diffus : la duree de vie des molecules simples intermediate, n'est pas assez longue, car elles sont rapidement photodissociees par le rayonnement UV. De fait on trouve dans ce milieu des molecules diatomiques comme H2, CO, CN, CH, CH + , OH, 2, CS et SiO, mais on a eu la surprise d'y rencontrer egalement des molecules plus complexes comme HCO+, N 2 H + , HCN, HNC, C2H, CsH2 et H2CO. L'abondance de ces molecules est generalement bien determinee car on les observe souvent par leurs raies d'absorption, soit dans le domaine UV et visible, soit dans le domaine millimetrique a decimetrique. Une exception est H2CO ou des effets d'excitation compliques affectent les mesures d'abondance. Pour une discussion on verra les articles de Liszt et Lucas, en particulier [309, 310, 319, 320] et les references dans ces articles. Les resultats les plus frappants sont Pexcellente proportionate entre 1'abondance de HCO + et celle de OH et de C2H, molecules qui apparaissent des que H2 est present a une extinction Ay ~ 0,25 mag., et aussi 1'abondance etonnamment elevee de nombreuses especes pluriatomiques. Dans les nuages translucides ou Ay est de 1'ordre de 1 magnitude ou plus, on trouve des especes encore plus complexes (Turner et ol. [495]). Les deux reactions initiales de la chimie du carbone sont des reactions d'association radiatives, done tres lentes :
Le taux de la seconde reaction a fait 1'objet de nombreuses determinations discordantes tant par 1'experience de laboratoire que par le calcul theorique. Malgre ces disaccords, il est certain qu'il ne peut pas etre suffisamment eleve pour qu'aucune des deux reactions precedentes puisse rendre compte de 1'abondance observee de CH+ dans le milieu diffus. Une autre reaction a laquelle on peut penser, C+ + H2 > CH+ + H, est endothermique
252
(AE = 0,4 eV). Une possibilite pour sortir de cette impasse est que CH+ soit forme a haute temperature par cette derniere reaction qui est alors rapide, soit dans des chocs, soit dans des regions d'intermittence de la turbulence (Chapitres 11 et 13). Une fois CH+ forme, on peut former d'autres molecules carbonees sans difficulte. Mais il n'est pas certain qu'on puisse former en abondance suffisante le progeniteur de CsH2, qui est presque certainement CaH^ via la reaction CaH^ + e > CaH2 + H. Les molecules oxygenees comme OH, CO et HCO + doivent partir en principe de H+ et de H^, produits par 1'ionisation par les rayons cosmiques ou les rayons X. OH est le premier produit forme, d'ou sont issus CO et HCO+. On a alors les reactions (van Dishoeck &; Black [500], Viala et al. [508]) : H + + 0 > O+ + H (reaction d'echange de charge), suivie de D'autre part puis Alors et enfin OH est detruit rapidement par une reaction neutre-neutre sans barriere d'activation et H 2 O par diverses reactions rapides meme a basse temperature en raison de son grand moment dipolaire permanent. CO et HCO + sont formes a partir deOH et suivie de et de H. peut aussi etre forme par Finalement est detruit par
Get ensemble de reactions ne reproduit cependant ni les abondances absolues, ni les rapports d'abondance de OH, HCO + , CO et H2 observes (Lucas &; Liszt [318]). Cependant la derniere reaction suffit a rendre compte de 1'abondance de CO, le probleme etant dans la formation de HCO + (Liszt & Lucas [310]). II y a done des difficultes majeures dans la chimie du milieu interstellaire diffus. La solution reside peut etre, comme pour CH + , dans la chimie dans les chocs et dans les regions d'intermittence de la turbulence que nous examinerons plus loin. Mais Liszt & Lucas [310] n'observent pas d'anomalies dans le profil des raies moleculaires du milieu interstellaire diffus (multiplicity, asymetries, ailes larges) qui pourraient temoigner de tels processus dynamiques. Peut-etre ces processus sont-ils tres rapides et tres
253
localises, si bien que les chances de les observer sont faibles alors qu'on peut en voir les produits dont la duree de vie est plus grande. Quoi qu'il en soit, on ne peut pas considerer le probleme comme resolu.
9.4.2
La situation dans les nuages moleculaires denses est tres differente. Ici 1'hydrogene est presque entierement moleculaire, il n'y a pratiquement pas de rayonnement UV et done 1'ionisation directe du carbone est negligeable. La source d'ions et d'electrons est 1'ionisation par les rayons cosmiques de 1'hydrogene moleculaire, de ce qui reste de 1'hydrogene atomique, et de 1'helium, produisant done H^, H+ et He+. La reaction fondamentale a deja ete vue dans la section precedente : La chimie du carbone est alors initiee par Suit une serie de reactions exothermiques :
Cependant la reaction suivante qui part de CH^" est endothermique et on ne peut aller plus loin que par la reaction d'association radiative connue au laboratoire mais dont 1'analyse montre une complexite considerable. On obtient alors le methane par recombinaison dissociative : La chimie ionique de 1'oxygene est semblable a celle que nous avons exposee dans la section precedente pour le milieu interstellaire diffus, mais ici il n'y a pas autant de differences entre les predictions de cette chimie et les observations. On peut aussi produire CO par d'autres voies plutot plus efficaces, comme C + H3O+ -> HCO+ + H2 ou CH+ + 0 -> HCO+ + H2, suivies de la recombinaison dissociative de HCO+. Comme les processus de destruction de CO sont peu efficaces, on s'attend a ce que 1'essentiel du carbone gazeux soit sous forme de CO. Bien que donnant une idee qualitativement correcte de la chimie en phase gazeuse, tout ceci reste schematique. Les figures 9.2 et 9.3 montrent sous forme de diagrammes des versions plus complexes mais encore simplifiees de la chimie du carbone et de la chimie de 1'oxygene, qui sont d'ailleurs fortement couplees. D'autres diagrammes semblables peuvent etre construits pour la chimie de 1'azote, du soufre, etc. Cependant les predictions des modeles de chimie en phase gazeuse, meme dependant du temps, ne sont pas en bon accord avec les observations. Par exemple : 1. 1'etude des raies de structure fine de C I en provenance des nuages moleculaires laisse a penser qu'il y a une quantite importante de carbone
254
FlG. 9.2 - Une version quelque peu simplifiee de la chimie en phase gazeuse du carbone dans des nuages moleculaires denses, et de son couplage avec la chimie de 1'oxygene. Les reactions exothermiques sont representees par des fleches allant du produit de depart au produit resultant, 1'autre partenaire de la reaction etant indique pres de la fleche. D'apres Prasad et al. [391], avec 1'aimable autorisation de Kluwer Academic Publishers. neutre dans ces nuages, alors que les modeles predisent que presque tout le carbone doit etre sous forme de CO ; 2. 1'abondance de C>2 et de H2O est considerablement plus faible que ce que produisent les modeles (en fait O? n'a jamais ete detecte de fagon
255
FlG. 9.3 Une version quelque peu simplifies de la chimie en phase gazeuse de 1'oxygene dans des nuages moleculaires denses, et de son couplage avec la chimie du carbone. Les reactions exothermiques sont representees par des fleches allant du produit de depart au produit resultant, 1'autre partenaire de la reaction etant indique pres de la fleche. D'apres Prasad et al. [391], avec 1'aimable autorisation de Kluwer Academic Publishers. convaincante). Si la faible abondance de t^O peut peut-etre s'expliquer par sa condensation sur les grains, ce n'est pas le cas pour C>2 qu'on ne trouve pas non plus en phase solide. II peut y avoir plusieurs raisons a ces differences. L'une est bien entendu qu'on a neglige les reactions sur les grains. De fait, les modeles qui en tiennent compte donnent des resultats meilleurs (voir par exemple, les modeles de Hasegawa & Herbst [207]), sans cependant resoudre les problemes
256
d'abondance que nous venons de mentionner. Une autre possibilite est que les nuages moleculaires sont tres fragmentes, ce qui laisse penetrer a 1'interieur des photons UV susceptibles de photodissocier CO et done de permettre une abondance notable de Ci. Mais les observations citees section 6.3, qui montrent que la distribution des poussieres dans certains nuages sombres est assez uniforme alors que celle des raies de CO ne Test pas, jettent un doute sur cette idee. Une possibilite interessante est celle d'un melange dynamique (par turbulence) entre les parties superficielles des nuages exposees au rayonnement UV et les parties profondes (Chieze & Pineau des Forets [86], Xie et al. [531]). Dans ce cas, la composition chimique globale du nuage ressemble a celle donnee par un modele standard dependant du temps a des temps relativement courts, de 1'ordre de 105 ans. En particulier, 1'abondance de Ci est grande et celle de O2 et de H 2 O faible, conformement aux observations. Nous y reviendrons plus en detail section 13.4.1, et des resultats seront montres figures 13.3 et 13.4. Pineau des Forets et al. [386] ont etudie les modifications de ce modele quand on tient compte du depot de CO et d'autres especes sur les grains. Enfin il faut signaler la possibilite que la solution des equations chimiques puisse n'etre pas unique, mais que deux solutions puissent exister dans un domaine assez etendu de conditions physiques. On trouvera 1'etude correspondante dans les articles de Le Bourlot et al. [284] et de Lee et al. [292], qui donnent des exemples numeriques. Cette bistabilite a ete quelquefois observee dans la chimie de laboratoire, et parait done exister egalement dans la nature. Dans un modele de nuage dense ou 1'ionisation est due aux rayons cosmiques, 1'une des solutions correspond a un degre d'ionisation x relativement eleve, de 1'ordre de quelques 10~~7, 1'autre a un degre d'ionisation pres de 10 fois plus faible, comme illustre figure 9.4. Ce phenomene est tres sensible a 1'abondance des elements lourds en phase gazeuse et n'apparait que pour les abondances faibles, c'est-a-dire pour un degre important de condensation sous forme de grains. L'abondance du soufre, malheureusement mal connue dans les nuages moleculaires, semble jouer un role primordial. La bistabilite depend aussi du reseau de reactions utilise dans le modele. Mais pour un jeu d'abondances et un reseau donnes, elle ne depend que du rapport C/n, ou C est le taux d'ionisation par rayons cosmiques et n la densite totale des noyaux d'hydrogene. Dans la branche a degre d'ionisation eleve, H + est beaucoup plus abondant que H^ et les reactions de transfert de charge avec H+ sont preponderates. On a entre autres reactions O + OH > O2 + H, comme on 1'a vu plus haut. Mais alors suivie de la recombinaison dissociative ce qui conduit a la destruction de O2- L'abondance de O2 est reduite d'un facteur 30 par rapport a ce qui se passe dans 1'autre solution normale
257
FlG. 9.4 - Bistabilite de 1'equilibre chimique dans un nuage moleculaire. Le degre d'ionisation ne/ntotai est porte en fonction du rapport du taux d'ionisation par rayons cosmiques a la densite. L'echelle superieure des abscisses correspond a C = 10~17 s"1. Deux solutions existent dans la zone limitee par les deux fleches. D'apres Lee et al. [292], avec 1'autorisation de 1'ESO. a faible degre d'ionisation, dans laquelle nous nous etions implicitement places jusqu'ici. H 2 0 et OH sont egalement sous-abondants, et C est surabondant par un facteur 20 car son principal mecanisme de destruction, C + Hg~ > CH+ + H2, est inefficace en raison de la sous-abondance de Hg~. Alors le rapport C/CO peut atteindre 0,1, alors qu'il est beaucoup plus petit dans la branche a ionisation faible. On remarquera que cette hypothese conduit a une abondance reduite de O2 et de H 2 O, et a une abondance augmentee de C I, proprietes obervees dans les nuages moleculaires, comme nous 1'avons dit. L'abondance relative des molecules deuterees est aussi considerablement affectee comme on peut le prevoir au vu de leur sensibilite au degre d'ionisation (Section 9.3 ; Gerin et al. [178]). II apparait done que les nuages moleculaires, ou des fractions d'un meme nuage, peuvent avoir des abondances moleculaires ou atomiques tres differentes les uns des autres. Des variations faibles des conditions initiales peuvent conduire au cours du temps a 1'une ou 1'autre des branches, car il s'agit d'un phenomene chaotique. Les variations temporelles de la composition peuvent etre assez rapides, si bien qu'il est necessaire de considerer des solutions non stationnaires. Des oscillations pourraient meme etre possibles entre les deux solutions d'equilibre, et des ondes chimiques de composition chimique tres differentes se propager dans un nuage. Le Bourlot et al. [286] trouvent que ces proprietes restent vraies si Ton tient compte de 1'influence des grains, bien que les parametres puissent etre quelque peu modifies.
Les regions de photodissociation (PDR, de 1'anglais photodissociation regions) sont les parties du milieu interstellaire oil le rayonnement ultraviolet est suffisamment intense pour produire une dissociation importante des molecules. On les appelle aussi quelquefois regions dominees par les photons (photon-dominated regions), avec le meme sigle PDR. Cette definition generale englobe en fait 1'essentiel du milieu interstellaire, sauf 1'interieur des nuages moleculaires et les regions Hil, qui sont conventionnellement traitees a part. Mais historiquement, ce nom a d'abord designe les interfaces entre les regions H n et les nuages moleculaires, ou la densite et le champ de rayonnement UV sont grands. On les appelle sou vent regions de photodissociation denses . Elles se caracterisent observationnellement par une forte intensite des raies [C IIJA158 //m et [O l]A63 //m ainsi que des raies de rotation-vibration et de rotation de H 2 , et par une forte emission des bandes aromatiques dans 1'infrarouge moyen. C'est a ces regions de photodissociation standard que nous nous interesserons ici. Nous insistons cependant sur le fait qu'il n'y a pas de difference fondamentale entre la physico-chimie de ces regions de photodissociation relativement denses et celle du milieu interstellaire neutre general. De bonne revues des regions de photodissociation denses sont dues a Hollenbach & Tielens [227, 228]. Les planches 9, 16, 17, 20, 21, 22, 24 et 32 montrent des interfaces de photodissociation. Dans une interface, le champ ultraviolet decroit continuellement quand on penetre dans le nuage moleculaire, et Ton peut en observer les effets aux differentes profondeurs. On quantifie generalement la profondeur, a partir de la limite de la region Hn, par 1'extinction visuelle Ay1. On observe schematiquement (Figure 10.1) une structure stratifiee ou Phydrogene passe
1. La densite de colonne de matiere NH a partir de la surface est reliee a Ay par Pequation 7.5, en prenant conventionnellement Ay/E(B V) 3,1. Alors Ay 1 correspond a A/H ~ 1,871021 at.cm" 2 .
260
de 1'etat ionise H + dans la region Hli a 1'etat neutre atomique H puis moleculaire H2, la transition H>H2 se produisant a une profondeur optique TUV ~ 0,6 correspondant a une extinction visuelle Ay ~ 0, 2, pour une densite de 1'ordre de 103 cm~ 3 et un champ UV modere (x ~ 100). Nous verrons plus loin comment cette profondeur varie avec les parametres de la region de photodissociation : voir la figure 10.5. De meme le carbone passe de C ++ dans la region HII a 1'etat C + dans les regions externes de la region de photodissociation. A une profondeur Ay ~ 1, C+ se recombine pour donner C ; puis a une profondeur a peine plus grande, le carbone passe a 1'etat de molecule CO. En realite, comme on le verra plus loin (Figure 10.4), aucune de ces transitions n'est brutale, et il y a coexistence des differentes formes de 1'hydrogene et du carbone dans une certaine gamme de profondeurs. Quant a 1'oxygene, il est partout sous forme atomique O en dehors de la region H n, son abondance diminuant quelque peu vers 1'interieur en raison de la formation de CO (les autres formes que pourrait occuper 0, 02 et H 2 O sont tres peu abondantes, comme on 1'a vu au chapitre precedent). L'emission des raies de [2, de CII, de O I et de CO est tres intense dans ces regions, car la densite et la temperature y sont elevees. Toutes ces raies se trouvent dans le domaine de 1'infrarouge aux ondes submillimetriques. L'energie correspondante est empruntee au rayonnement ultraviolet par le biais de 1'effet photoelectrique sur les grains et de 1'excitation de H2 par des photons dans 1'UV lointain. Ces raies refroidissent considerablement le milieu dont la temperature passe d'environ 104 K dans la region H n a quelques dizaines de K vers Ay 1. Les raies de CO sont tres intenses a cette profondeur et prennent une grande part au refroidissement. L'absorption du rayonnement UV et visible par les poussieres chauffe les grains qui produisent une forte emission infrarouge, aussi bien dans les bandes aromatiques que dans le continuum. L'essentiel de 1'energie emise par les etoiles chaudes dans les regions de formation stellaire se retrouve convertie sous ces differentes formes, et 1'emission des regions de photodissociation domine au niveau d'une galaxie, sauf peut etre en ce qui concerne remission des raies de faible excitation de CO et remission des grosses poussieres dans 1'infrarouge lointain. Une partie substantielle de 1'emission de la raie [C n]A158 /^m peut aussi provenir du milieu, inter stellaire diffus (Section 8.3.1). Les articles de Crawford et al. [96], de Madden et al. [324] et de Pierini et al. [383] discutent ces origines dans diverses galaxies. De nombreux modeles de regions de photodissociation ont ete construits depuis les premieres detections des raies de refroidissement infrarouges, dans les annees 70. Les revues de Hollenbach & Tielens [227, 228] en donnent une liste a jour en 1999. La plupart supposent 1'etat stationnaire, bien que 1'interface de photodissociation penetre en realite plus ou moins vite dans le nuage moleculaire. Cependant les reactions chimiques les plus importantes sont assez rapides, ce qui justifie le plus souventcette approximation. Certains modeles adoptent une geometric plan-parallele, ce qui a 1'avantage
10.1
Presentation generate
261
FlG. 10.1 - Schema de la structure d'une interface de photodissociation. Le rayonnement ultraviolet d'une region Hn penetre depuis la gauche dans un nuage neutre. On rencontre successivement le front d'ionisation, a droite duquel H et O passent a 1'etat neutre tandis que C reste ionise, puis la transition progressive H>H2 (ici schematisee par une ligne verticale), et la transition egalement progressive C + C>CO. Plus profond, le nuage est entierement moleculaire. La temperature du gaz, la densite de colonne du gaz et la profondeur optique dans 1'UV lointain sont indiquees en has de la figure. Les conditions correspondent a un nuage dense soumis a un rayonnement UV intense. D'apres Draine & Bertoldi [128], avec Paimable autorisation des auteurs. de bien mettre en evidence 1'impact des differents parametres, et nous nous contenterons ici d'examiner quelques-uns de ces modeles. D'autres adoptent une geometrie spherique, traitent d'un milieu inhomogene, etc. Certains sont entierement auto-coherents, c'est-a-dire qu'ils incluent un calcul de la temperature. Avant de discuter section 10.3 les resultats de ces modeles, nous aliens examiner les processus de base. Les modeles hors d'equilibre font 1'objet de la section 10.4.
262
10.2
10.2.1
Physico-chimie
Penetration du rayonnement UV lointain et photodissociation
La penetration du rayonnement UV lointain est la cle de la physico-chimie des regions de photodissociation. Son transfert est determine d'une part par 1'absorption et la diffusion par la poussiere, et d'autre part par 1'absorption par les molecules. L'effet de la poussiere est relativement simple si le milieu est homogene (pour une discussion assez complete et des calculs de photodissociation de diverses molecules, voir Roberge et al. [411]). En premiere approximation, on peut alors negliger la diffusion, puisqu'elle se fait principalement vers 1'avant (Chapitre 7), et 1'extinction a une longueur d'onde donnee peut s'obtenir a partir de la densite de colonne de matiere, done de 1'extinction visuelle et de la loi d'extinction (Tableau 7.1, Figures 2.5 et 7.1). L'extinction a la longueur d'onde A est done A\ = k\Ay. La valeur de k\ est un probleme. Les valeurs standards se rapportent plutot au milieu interstellaire diffus, et il y a de grandes variations d'un endroit a 1'autre (Figure 7.3). Si les nuages interstellaires sont fragmentes, la penetration de 1'UV est plus complexe que pour un nuage uniforme (Boisse [42])2. L'UV peut alors penetrer beaucoup plus profondement, et la densite de rayonnement peut presenter de grandes fluctuations spatiales. C'est le cas de la region de photodissociation de M l 7 (Planche 24). Dans les modeles plan-paralleles formant une tranche optiquement pas tres epaisse, il faut tenir compte des photons qui penetrent par 1'autre cote de la tranche ; en general une solution approximative biexponentielle de 1'equation de transfert suffit dans ce cas (Roberge et al. [411]). Bien entendu, le rayonnement UV chauffe la poussiere dont la temperature diminue avec la profondeur dans la region de photodissociation. L'extinction du rayonnement UV due a 1'absorption par les molecules est plus complexe. Cependant seules H2 et CO sont assez abondantes pour jouer un grand role. L'absorption dans ces deux molecules se fait dans des raies correspondant a de multiples transitions electroniques (Figure 4.7). Cette absorption conduit souvent a une photodissociation, environ 1 fois sur 10 pour H 2 . L'epaisseur optique dans les raies conduit a une auto-protection des molecules situees a 1'interieur vis-a-vis de la photodissociation, phenomene surtout important pour H2 en raison de sa grande abondance (Section 9.1.5) : il est deja appreciable a des densites de colonne aussi faibles que 1014 H2 cm~ 2 , et a 1020 H 2 cm~ 2 la protection de H2 est totale. Le traitement numerique de ce phenomene est assez lourd, mais on trouvera des approximations utiles dans Jura [256], Federman et al. [160], van Dishoeck & Black [501], Draine &; Bertoldi [126], Lee et al. [291], etc. pour H 2 , et des tableaux et courbes
2. On peut trailer le probleme approximativement en considerant un melange de milieux d'opacite effective differente : voir Meixner fc Tielens [342].
10.2 Physico-chimie
263
concernant CO dans van Dishoeck fe Black [501] et Lee et al. [291]. On ne peut pas non plus negliger 1'extinction par les poussieres dans 1'etude de la photodissociation de H2 et de CO.
10.2.2
Chimie
La chimie differe de celle qui regne dans le milieu interstellaire diffus froid et dans les nuages moleculaires en raison de temperatures relativement elevees dans les regions de photodissociation denses, qui permettent certaines reactions endothermiques ou possedant des barrieres d'activation, et des reactions faisant intervenir des niveaux excites de H2. Une etude tres complete se trouve dans Sternberg &; Dalgarno [472]. La figure 10.2 montre un schema des reactions les plus importantes pour la chimie de 1'oxygene et du carbone. On notera des ressemblances, mais aussi des differences importantes avec les schemas des figures 9.2 et 9.3 qui se rapportent aux nuages moleculaires. Par exemple, les reactions avec H2 excite (note H 2 ) renforcent la formation de OH grace a la reaction O + Hj > OH + H. De meme, la reaction C+ + H^ > CH+ + H produit davantage de CH + , mais cependant pas suffisamment pour rendre compte de la chimie du carbone (Section 9.4.1). En presence de chocs ou de turbulence, la reaction endothermique C+ + H2 > CH+ + H - 0,4 eV peut etre une autre source importante de CH + , 1'energie cinetique de H2 pouvant etre suffisante pour surmonter 1'endothermicite (Spaans et al. [462] ; voir aussi Falgarone et al. [159]). Certains modeles recents tiennent compte de la chimie des carbures aromatiques polycycliques hydrogenes (Bakes & Tielens [14], Section 9.4.1). Le changement principal lie a cette chimie est le renforcement de 1'abondance des atonies neutres comme C et S, en raison de la neutralisation des ions positifs correspondants avec les PAH~.
10.2.3
Mecanismes de chauffage
Comme dans le milieu interstellaire diffus, le chauffage par effet photoelectrique sur les grains joue un role tres important. II a ete traite section 8.1.3 et ce que nous en avons dit s'applique sans changement aux regions de photodissociation. La formation de H2 sur les grains (Section 8.1.6) est aussi un processus de chauffage important. II faut y ajouter le chauffage chimique par les electrons liberes par la recombinaison dissociative de certains ions (Hj, HCO + , etc.) et par des reactions exothermiques diverses faisant intervenir He+, H+ et Hj (Figure 10.3). Un autre mecanisme de chauffage interessant, que nous avons brievement mentionne section 8.1.6 mais qui est peu important dans le milieu interstellaire diffus, est la desexcitation collisionnelle des niveaux excites de H 2 . L'absorption des photons UV lointains par H2 porte la molecule dans un etat electronique excite, d'oii elle redescend rapidement, soit avec une probabilite d'environ 10 % dans le continuum vibrationnel de 1'etat
264
FlG. 10.2 Les principales reactions de la chimie dans les regions de photodissociation : (a) chimie du carbone ; (b) chimie de 1'oxygene. Comparer aux figures 9.2 et 9.3. D'apres Sternberg & Dalgarno [472], avec 1'autorisation de 1'AAS.
electronique fondamental, ce qui conduit a la dissociation3, soit avec une probabilite d'environ 90 % dans un niveau vibrationnellement excite de 1'etat electronique fondamental. Aux densites faibles, ces niveaux vibrationnels excites se desexcitent radiativement en emettant un spectre de rotationvibration caracteristique dans 1'infrarouge proche, dont nous reparlerons plus loin, et 1'energie qu'ils communiquent aux particules du milieu est negligeable. Mais aux densites superieures a 104 atomes H cm~ 3 , les collisions avec les atonies H ou les molecules H2 peuvent desexciter ces niveaux, 1'energie en exces etant recuperee par 1'atome ou la molecule incident, ce qui conduit a un chauffage du gaz apres thermalisation. Des etudes completes sont dues a Martin et al. [328] et a Le Bourlot et al. [287]. Le chauffage par H 2 et par effet photoelectrique sur les grains sont tous deux importants jusqu'a Ay ~ 0,6 mag, puis le chauffage par H2 diminue beaucoup puisque le taux de photodissociation (et done de formation) de E^ s'effondre en raison de 1'absence de photons UV aux longueurs d'onde requises. La figure 10.3 montre a titre d'exemple la contribution des differents mecanismes de chauffage pour une region de photodissociation de densite
3. Les atomes H resultant de cette photodissociation ont une energie suprathermique, ce qui produit un chauffage. Ce chauffage est generalement peu important par rapport au chauffage par desexcitation collisionnelle.
10.2 Physico-chimie
265
FlG. 10.3 Les differentes contributions au chauffage, en fonction de la profondeur exprimee sous la forme de 1'extinction visuelle Ay, pour une region de photodissociation illuminee par la gauche par un champ de rayonnement UV 1 000 fois plus intense que le champ interstellaire local (% = 1000). La densite est fixee a 1 000 cm~ 3 . La temperature du gaz et des grains est calculee par le modele. Les elements C et O sont supposes etre deficients par un facteur 10. La densite n'est pas assez elevee pour que le chauffage par desexcitation collisionnelle de H2 soit important. D'apres le Bourlot et al. [283], avec 1'autorisation de 1'ESO.
103 cm~ 3 et dont le champ de rayonnement UV est 1000 fois celui au voisinage du Soleil (x = 103). Dans ces conditions, la transition H>H2 se produit a Ay ~ 1 mag et la transition C+-^C vers Ay 2,5 mag.
10.2.4
Mecanismes de refroidissement
Le refroidissement du gaz est domine par les raies de structure fine, par les raies de CO et par 1'excitation collisionnelle des niveaux de rotation de H2- Les temperatures atteintes pouvant etre elevees, 1'emission des raies de [O i]A63 et 146 /im en particulier peut etre importante, et meme celle des raies [Oi]A6300 A, [Sn]A6730 A et [Feii]Al,26 et 1,64 /urn, qui dominent le refroidissement aux temperatures superieures a 4000 K. De meme, 1'emission de raies de J tres eleve de CO peut etre intense. Aux grandes densites, le refroidissement par collisions des atom.es et molecules sur les grains de poussiere plus froids (Section 8.1.7) et par recombinaison des electrons sur les grains charges positivement (Section 8.2.4) peut avoir une certaine importance.
266
Une mention speciale doit etre faite de 1'emission par 1'hydrogene moleculaire. Comme nous 1'avons dit, elle se fait par cascades radiatives depuis les niveaux electroniques excites par absorption de photons UV. Aux faibles densites, la desexcitation collisionnelle des niveaux vibrationnels peuples par ces cascades est negligeable, et le spectre est un spectre de fluorescence pur. Ce spectre a ete observe dans une variete de regions de photodissociation et 1'accord entre theorie et observation est tres bon. Comme nous 1'avons mentionne section 10.2.3, son emission ne correspond pas a une variation d'energie cinetique, done a un chauffage ou a un refroidissement proprement dit. Aux densites superieures a 104 cm~ 3 , la desexcitation collisionnelle intervient et le spectre change d'allure. Ceci correspond au chauffage dont nous avons parle precedemment. Cependant, a 1'inverse, les collisions peuvent peupler des niveaux de rotation plus eleves au detriment de Penergie cinetique des particules incidentes, compensant en partie ce chauffage. Ce refroidissement est pris en compte en meme temps que le chauffage dans les modeles d'excitation de fb. L'emission des raies correspondantes a ete bien observee avec le satellite ISO (voir par exemple Draine & Bertoldi [128]). Le taux de ce refroidissement est donne par Martin et al. [328] ou par Le Bourlot et al. [287] en fonction de la densite et de la temperature. Les atonies presentent egalement d'interessants effets de fluorescence, qui ne jouent cependant aucun role dans le bilan energetique. Par exemple, des raies de 0 I et les raies de Balmer du deuterium ont pu etre observees en emission en direction de la Nebuleuse d'Orion ; elles sont excitees par fluorescence non pas dans la region Hli, mais dans la region de photodissociation situee a 1'arriere (Hebrard et al. [208]). Les raies de Balmer du deuterium devraient pouvoir servir a determiner le rapport D/O, d'ou 1'abondance D/H du deuterium.
10.3
Modeles stationnaires
La construction d'un modele de region de photodissociation necessite un certain nombre de choix et de calculs, a savoir : 1. le choix d'une geometric (plan-parallele illuminee d'un seul cote ou des deux cotes, spherique, etc.) ; 2. le choix d'une distribution de densite et de temperature. Les modeles les plus simples fixent ces quantites au depart, en considerant eventuellement un modele de densite inhomogene ce qui implique en general une methode de Monte-Carlo. D'autres calculent la temperature par iterations, la densite etant fixee. Les plus perfectionnes fixent par exemple la pression, ou considerent un nuage auto-gravitant en equilibre hydrostatique, etc., et calculent tous les autres parametres ;
267
3. le transfer! de 1'UV, qui implique le choix de 1'abondance et des proprietes optiques des poussieres. Pour la photodissociation de H2 et de CO, le calcul du transfert de 1'UV exige des iterations ; 4. la chimie, qui necessite des hypotheses sur les abondances initiales sous forme gazeuse des principaux elements ; 5. le transfert des raies de rotation de CO, et d'autres raies eventuellement optiquement epaisses ; ceci utilise en general le formalisme de la probabilite d'echappement (Chapitre 3), ce qui implique le choix d'une dispersion de vitesses, que Ton obtient en general en considerant la largeur observee d'une raie de CO. Ce choix n'est d'ailleurs pas extremement critique. Examinons maintenant quelques resultats de modeles de regions de photodissociation a 1'equilibre. A titre d'exemple, la figure 10.4 montre les resultats d'un modele plan-parallele a densite uniforme illumine d'un seul cote par un champ UV important, correspondant sensiblement a la region de photodissociation de la barre d'Orion (Planches 9 et 32). En combinant les equations 9.15 et 9.20 ou 9.21, on peut obtenir par exemple la fraction d'hydrogene sous forme de H2 en fonction de la profondeur dans un nuage ou une region de photodissociation. II est interessant de constater que la quantite determinante de ce probleme, comme de beaucoup de problemes concernant les interfaces de photodissociation, est le rapport de la densite au champ de rayonnement UV lointain, n/x- On peut egalement voir que 1'effet de 1'extinction de la poussiere sur 1'abondance de H2 est negligeable pour n/x > 130 cm~ 3 (Pak et al. [367]). La figure 10.5 montre pour des regions de photodissociation de densite uniforme la densite de colonne a laquelle 1'hydrogene est a moitie sous forme moleculaire, en fonction de la densite et du champ de rayonnement UV incident, ainsi que la ligne qui delimite les zones ou la photodissociation de tb est limitee par 1'autoprotection et par 1'extinction par les poussieres, respectivement. Elle montre aussi la profondeur de la transition C + /C/CO. L'etude systematique recente la plus complete des proprietes des regions de photodissociation est celle de Kaufman et al. [263]. Elle concerne des modeles plan-paralleles a densite constante, qui couvrent une gamme de densite de 1 a 107 cm~ 3 , avec des champs de rayonnement allant de x 10~'5 a 106'5. Ces modeles tiennent compte de la chimie des carbures aromatiques polycycliques hydrogenes suivant Bakes & Tielens [14]. L'inclusion de cette chimie a pour effet de produire une temperature du gaz relativement uniforme depuis la surface du nuage jusqu'a la densite de colonne de 1021 atomecm~ 2 ou 1'epaisseur optique dans 1'UV lointain est de 1'ordre de 1 (Figure 10.6). Cette temperature depend bien entendu de x, et decroit aux plus grandes profondeurs. La figure 10.7, ou la densite est en abscisses et le champ de rayonnement incident en ordonnees, illustre les differents regimes d'emission des raies de refroidissement dans une region de photodissociation.
268
FlG. 10.4 Structure d'une region de photodissociation de densite uniforme n = 2 105 cm~ 3 illuminee par un champ UV egal a 105 fois le champ local (% = 105). Ces conditions sont sensiblement celles que Ton trouve dans la Barre d'Orion (Planches 9 et 32). Les quantites sont donnees en fonction de 1'extinction visuelle Ay a partir de la surface illuminee. En haut, 1'abondance relative de 1'hydrogene atomique, de 1'hydrogene moleculaire, et de 1'hydrogene moleculaire H^ excite par FUV ; la transition H<->H2 se produit vers Av = 3 magnitudes. On donne aussi 1'abondance des electrons et du soufre ionise. En dessous, abondance relative de C + , C, CO et S ; remarquer que les transitions C + ^C et C<-+CO se produisent presque simultanement. La temperature du gaz et des grosses poussieres est indiquee. La figure inferieure montre la contribution au refroidissement des raies de structure fine [C n]A158 //m, [O i]A63 et 126 //m, [C i]A609 et 370 /zm, et des raies de CO. D'apres Hollenbach & Tielens [227].
269
log (luv)
FlG. 10.5 - Profondeur des zones de transition H<->H2 et C+^C^-CO dans des regions de photodissociation de densite uniforme, en fonction du champ de rayonnement UV exprime en unites de champ interstellaire local, en abscisses. La profondeur est exprimee sous la forme de la densite de colonne totale du gaz depuis la surface. Une densite de colonne Nn = 1,871021 at.cm" 2 correspond a une extinction visuelle de 1 magnitude. La profondeur est calculee pour differentes densites ; la notation n4.7, par exemple, signifie n = 104'7 cm~ 3 . Les lignes en traits pleins correspondent a HH = 2nn 2 ; 1'hydrogene moleculaire excite par le rayonnement UV existe principalement en dehors de cette limite (Figure 10.4) d'ou la notation H^. Les lignes en traits interrompus ont la meme signification pour la transition C + /C/CO. La ligne pointillee correspond a la limite entre la zone proche de la surface ou H2 est protege de la photodissociation par 1'epaisseur optique de ses raies et celle, plus a 1'interieur, ou 1'extinction par la poussiere domine. D'apres Pak et al. [367], avec 1'autorisation de 1'AAS. A partir des equations 4.16, 4.18 et 4.19, on peut voir que 1'intensite de la raie de [C n] qui emerge d'une region de photodissociation est approximativement donnee par
270
FlG. 10.6 - Temperature du gaz a la surface d'une region de photodissociation, en fonction de la densite et du champ de rayonnement UV incident, represente par GO = X- Cette temperature est approximativement uniforme jusqu'a la densite de colonne de 10 atomecm" ou 1'epaisseur optique dans 1'UV lointain est de 1'ordre de 1. D'apres Kaufman et al. [263], avec 1'autorisation de 1'AAS. ou 7V(C+) est la densite de colonne de C+ dans la region de photodissociation et ncr ~ 3 000 cm~ 3 la densite critique pour les collisions avec les neutres pour la raie (Tableau 4.1). Aux densites plus faibles que ncr ~ 3000 cm"3, qui est sensiblement la densite critique pour les raies [Cn]A158 ^m, [Ci]A370 /urn et CO(l-O), 1'intensite de ces raies, par ion ou atome, est proportionnelle a la densite totale, du moins tant qu'elles sont optiquement minces. Elle devient au contraire independante de la densite totale aux densites plus grandes que ncr puisque les niveaux d'energie sont a 1'ETL (Eq. 4.16 a 4.20). Bien entendu, 1'intensite par unite de volume reste proportionnelle dans les deux cas a la densite des particules emettrices : si leur abondance est constante dans le milieu, le taux de refroidissement par unite de volume est done proportionnel a n2 aux densites n < ncr. et a n si n > ncr. Le taux de chauffage par unite de volume croit toujours plus vite que n, si bien qu'aux densites elevees la temperature est plus grande qu'aux faibles densites, au moins tant que les
10.3
Modeles stationnaires
271
FlG. 10.7 Les differents regimes d'emission des raies de structure fine dans une region de photodissociation. Abscisses et ordonnees comme pour la figure 10.6. La droite verticale n ncr correspond a la densite critique pour 1'excitation par collisions avec les neutres, qui est a peu pres la meme pour les transitions [Cn]A158 /mi, [C l]A370 /um et CO(l-O). La droite Vdrift = ^turbulent montre les conditions ou la pression de radiation entraine les grains de poussiere avec une vitesse egale a la vitesse turbulente du gaz. Au-dessus de cette droite, un etat stationnaire est impossible. La courbe Ts = 92 K indique pour quelles conditions la temperature du gaz a la surface de la region de photodissociation est egale a A.E/fc, AE = he/158 p,m etant 1'energie d'excitation de la raie de C n. Au-dessus de cette courbe, 1'intensite de cette raie depend peu de 1'intensite du champ de rayonnement pour une densite donnee. Enfin la droite N(C+} = 1021xc, xc etant 1'abondance du carbone gazeux, indique les conditions dans lesquelles le carbone est ionise jusqu'a une densite de colonne d'hydrogene de 1021 cm~ 2 . Au-dessous de cette droite, 1'absorption du rayonnement UV par les poussieres est importante, et la densite de colonne de C+ et 1'intensite de la raie a 158 //m dependent beaucoup du champ de rayonnement et de la densite. D'apres Kaufman et al. [263], avec 1'autorisation de 1'AAS. raies ci-dessus dominent le refrpidissement : on peut le voir sur la figure 10.6. Sur la figure 10.7 on a egalement porte la courbe pour laquelle la temperature est 92 K, la temperature d'excitation AE/k de la raie [C li]A158 /im. Aux temperatures inferieures, 1'energie emise dans cette raie depend beaucoup de la temperature done du champ de rayonnement incident, tandis qu'aux
272
FlG. 10.8 - Intensite de la raie [C n]A158 /um emise perpendiculairement a la surface par une region de photodissociation en fonction de la densite et du champ de rayonnement UV incident. L'intensite en ergscm"2 s-1 sterad"1 est portee sur chaque contour. D'apres Kaufman et al. [263], avec 1'autorisation de 1'AAS. temperatures superieures on tend vers 1'ETL et 1'energie emise ne depend plus guere de la temperature done du champ de rayonnement UV. Alors le refroidissement est domine par la raie [O i]A63 fj.ni. La figure 10.8 indique 1'intensite de la raie [Cn]A158 /j,m emise perpendiculairement a sa surface par une region de photodissociation, et la figure 10.9 le rapport d'intensite de la raie [O i] A63 /mi a la raie [C n]A158 /um. La raie de [O l] est generalement optiquement epaisse, et ceci introduit une incertitude notable dans les resultats. L'article de Kaufman et al. [263] contient d'autres diagrammes utiles donnant, en fonction de la densite et du champ de rayonnement, 1'energie dans les raies de [O i]A145 yum et de [C i]A370 et 609 fj,m ainsi que dans les raies (1-0), (2-1), (3-2) et (6-5) (433 yum) de CO. Nous donnons (Figure 10.10) le rapport d'intensite de la raie [C n]A158 /urn a la raie CO(1-0)A2,6 mm, en unites d'energie. II est interessant de remarquer qu'en raison de leur grande epaisseur optique les raies de CO ne nous parviennent que d'une couche relativement fine de la region de photodissociation, les raies des molecules isotopiques moins
273
FlG. 10.9 Rapport entre 1'intensite de la raie [Oi]A63 /xm et celle de la raie [C n]A158 /zm emises par une region de photodissociation en fonction de la densite et du champ de rayonnement UV incident. Ce rapport est note sur chaque contour. La raie de [O i] est optiquement epaisse dans presque tout 1'espace des parametres du diagramme. D'apres Kaufman et al. [263], avec 1'autorisation de 1'AAS. abondantes provenant de couches plus profondes. Ceci est illustre par la figure 10.11. Les figures 10.4 a 10.10 sont etablies en supposant les abondances standards et les deficiences habituelles des elements lourds dans le milieu interstellaire galactique au voisinage du Soleil. Or Fabondance des elements (notamment du carbone) en phase gazeuze joue un grand role dans la physique des regions de photodissociation, de meme que celle des poussieres qu'on prend en general proportionnelle a 1'abondance des elements lourds. Des modeles de regions de photodissociation avec des abondances difTerentes, notamment appropriees aux Nuages de Magellan, se trouvent dans Lequeux et al. [299], Allen et al. [8], Pak et al. [367], Bolatto et al. [43] et Kaufman et al. [263]. La structure des regions de photodissociation joue evidemment aussi un role. Une structure fragmentee, telle que celle qu'on observe dans la region de photodissociation de M17 (Stutzki et al. [475], Stutzki & Glisten [476], voir Planche 24), permet a 1'UV de penetrer plus profondement
274
FlG. 10.10 Rapport entre 1'intensite de la raie [Cn]A158 /um et celle de la raie CO(1-0)A2,63 mm emises par une region de photodissociation en fonction de la densite et du champ de rayonnement UV incident. Le rapport des energies emises dans ces deux raies est note sur chaque contour. D'apres Kaufman et al. [263], avec 1'autorisation de 1'AAS.
dans le milieu (Boisse [42]), augmente la surface effective de la region de photodissociation et favorise remission des raies de [Ci]. Des modeles de regions de photodissociation inhomogenes utilisant des calculs Monte-Carlo de transfert de rayonnement sont presentes par Spaans & van Dishoeck [462].
10.4
Nous avons deja vu dans la section precedente (Figure 10.7) un cas ou Ton ne peut pas supposer 1'etat stationnaire pour la region de photodissociation : celui ou la pression de radiation sur les grains est telle qu'elle les fait deriver fortement par rapport au gaz. Un autre cas est celui ou le champ de rayonnement change rapidement pendant le temps caracteristique de formation de H2, TH2 ~ 10 9 (n/cm~ 3 )~ 1 ans, temps qui domine la chimie. Ceci se produit lorsqu'une etoile massive O ou B s'allume au sein d'un nuage
275
FlG. 10.11 - Contribution des differentes couches d'une region de photodissociation a remission de raies de la molecules CO observees perpendiculairement a la region de photodissociation par un observateur exterieur. Cette contribution est donnee en unites arbitrages proportionnelles au flux, en fonction de 1'extinction visuelle Av, pour une region de photodissociation de densite 104 cm~ 3 illuminee par un champ de rayonnement 10 fois superieur au champ interstellaire pres du Soleil (x=10). Les abondances des elements lourds et des poussieres sont celles du Petit Nuage de Magellan, 10 fois inferieures aux abondances Galactiques. Les courbes en traits pleins sont relatives aux raies 12CO(2-1) et 12CO(1-0), celles en traits interrompus aux raies 13CO(2-1) et 13CO(1-0), les raies (2-1) atteignant des niveaux plus eleves que les raies (1-0). D'apres Lequeux et al. [299], avec 1'autorisation de 1'ESO. moleculaire (voir references dans Hollenbach & Tielens [227] ; une etude detaillee est due a Bertoldi & Draine [30]). Un autre phenomene relie est 1'avancee du front d'ionisation au sein du nuage moleculaire : si le gaz neutre traverse ce front en un temps court par rapport a r H2 , la structure thermique et chimique peut bien atteindre un etat stationnaire, mais elle differe de la structure d'une region de photodissociation a 1'equilibre car les reactions chimiques n'ont pas le temps de se developper completement avant que le gaz ne soit photodissocie et ionise. Ceci se produit notamment pour des petits nuages neutres situes a 1'interieur d'une region H n, comme on en observe par exemple dans la Nebuleuse d'Orion (Storzer & Hollenbach [473]). Nous examinerons ce cas au chapitre 12 (Section 12.3.3).
11.1
Si tous les composants d'un gaz (atonies ou molecules, ions et electrons) ont la meme vitesse d'ensemble v, on peut parler d'un fluide unique. En revanche, il se peut que ces composantes soient partiellement decouplees les unes des autres et aient des vitesses d'ensemble differentes : dans ce cas on parle d'un milieu multi-fluide.
11.1.1
Fluide unique
Le mouvement d'un fluide est defini par la conservation de la masse, de la quantite de mouvement et de 1'energie, ainsi que par les equations de Maxwell s'il est partiellement ou totalement ionise. On supposera ici que le fluide est parfaitement conducteur, et done partout electriquement neutre, ce qui correspond a 1'approximation magneto-hydrodynamique (MHD).
278
Ceci simplifie considerablement les equations de la dynamique, qui s'ecrivent en coordonnees cartesiennes Xj (j 1,2,3) :
Ces equations sont ecrites ici sous forme developpee, en projection sur 1'axe j en ce qui concerne 1'equation 11.2. Elles impliquent la sommation sur 1'indice k 1,2,3, et aussi sur 1'indice j pour 1'equation 11.3. 5 est le symbole de Kronecker habituel (Sjk = 1 si j = fc, Sjk = 0 si j ^ k). p, v et P sont respectivement la densite, la vitesse du fluide et la pression. La pression inclut la pression du gaz Pg = pkT/p:mn, /j, etant la masse moleculaire en unites de la masse de 1'atome d'hydrogene mu = 1,67 1CP24 g, et la pression Pcr des particules de haute energie si elles sont presentes. B est le champ magnetique, et u la densite d'energie totale du fluide : u = (3/2)P + Wmt? ou Uint est la densite d'energie interne sous d'autres formes que la pression. Q est le flux de chaleur du a la conduction thermique, F le flux radiatif et a^ un element du tenseur de cisaillement du a la viscosite. Commentons ces equations tour a tour. L'equation 11.1 est 1'equation de continuite, qui decrit la conservation de la masse pendant le mouvement du fluide. On la demontre facilement en considerant une tranche du milieu d'epaisseur dx et de section unite, perpendiculaire a la vitesse v. II rentre dans ce milieu pendant le temps dt une quantite de matiere pvdt et il en sort une quantite de matiere [p+ (dp/dx) dx\[v-\-(dv/dx) dx\dt, si bien que la tranche a perdu une quantite de matiere (dp/dt)dxdt = [p + (dp/dx)dx][v + (dv/dx}dx]dt pvdt [d(pv)/dx] dxdt. En simplifiant par dxdt, on obtient la version a 1 dimension de 1'equation de continuite. On obtient de la meme maniere 1'equation de la conservation de la quantite de mouvement (Eq. 11.2). Une complication vient de la coexistence de termes scalaires (pression P et pression magnetique S2/87r) et de termes tensoriels (viscosite Oj^ et force de Laplace BjBk/^}. La force de Laplace F# est j x B, j etant la densite de courant electrique. Dans le milieu suppose infiniment conducteur j = V x B/47T, d'apres la premiere des equations
279
de Maxwell ou 1'on neglige le courant de deplacement (approximation MHD) : done FB = B x (V x B)/4?r, dont la composante selon Xj est -(l/^WBjBJ/dxk. L'equation de conservation de 1'energie (Eq. 11.3) se demontre aussi de la meme maniere. L'energie par unite de volume est la somme de 1'energie cinetique (l/2)pt> 2 , de 1'energie du gaz u et de 1'energie magnetique B2/Sir. L'energie magnetique peut provenir du champ magnetique d'ondes de plasma eventuelles, qu'il faudra moyenner dans le temps. Les termes successifs entre crochets correspondent respectivement a la variation de 1'energie precedente, au travail de la force de pression, a Pechauffement visqueux, et au travail de la force de Laplace, du flux de chaleur et du flux radiatif. La divergence de ce dernier flux est V F = A, ou A est le taux net de diminution de 1'energie par unite de volume due au refroidissement (ou chauffage) radiatif. On peut eliminer 1'energie interne Uint de 1'equation 11.3 en utilisant un taux de perte d'energie effectif
A.eff inclut les pertes d'energie associees par exemple a 1'ionisation ou a la dissociation des molecules. Si on utilise Aejy pour e valuer F dans 1'equation 11.3, il suffit alors de remplacer u par (3/2)P dans cette equation.
11.1.2
Milieu multi-fluide
Si Ton considere un milieu multi-fluide, les lois de conservation de la masse, de la quantite de mouvement et de 1'energie peuvent etre ecrites pour chaque composante, en tenant compte des echanges entre les composantes. Pour un fluide a a = 2 composantes, des neutres n et des ions i (les electrons suivent le mouvement des ions), les equations de base deviennent : 1. pour les neutres
2. pour les ions, une equation identique a 1'equation 11.6, obtenue en remplagant 1'indice (n) par (i), P^ etant la pression des electrons
280
Dans ces equations, S^ = S^ est le taux net par unite de volume de conversion des ions vers les neutres (et vice-versa). J-^ est la composante sur 1'axe j du taux net par unite de volume de transfert de quantite de mouvement des ions vers les neutres, incluant les effets de la recombinaison, des collisions elastiques, etc. G^01^ est le taux net par unite de volume de variation d'energie u^ du fluide a due aux effets du fluide /?, par exemple 1'energie cinetique creee par les collisions elastiques ion-neutre.
11.2
Les chocs sont crees dans le milieu interstellaire par une violente augmentation de pression, qui produit des mouvements a une vitesse supersonique. La vitesse du son (adiabatique) est donnee par
ou 7 = 5/3 est le rapport des chaleurs specifiques a pression et a volume constant1 et IJL la masse moleculaire (environ 1,4 pour le gaz atomique, 2,4 pour le gaz moleculaire et 0,7 pour un gaz entierement ionise, en tenant compte de rhelium et des elements lourds). Dans le milieu Hi, cs ~ 1,2 kms" 1 pour T = 100 K, et dans une region Hll cs ~ 14 kms" 1 pour T = 104 K. Les vitesses observees dans le gaz H I sont generalement tres supersoniques ; elles sont de 1'ordre de la vitesse du son ou quelque peu superieures dans les regions Hn. Le gaz des restes de supernova, des bulles et des jets emis par les etoiles en formation atteint des vitesses bien superieures encore, done tres supersoniques. Dans ces conditions, il se cree des discontinuites, c'est-adire des surfaces ou la vitesse et les parametres physiques du gaz subissent
1. 7 est en pratique egal a 5/3 pour le gaz interstellaire atomique et pour le gaz moleculaire, car 1'energie contenue dans la rotation et la vibration de la molecule d'hydrogene est en general tres faible vis-a-vis de son energie de translation : seule une faible fraction des molecules se trouve dans des niveaux de rotation excites. On peut done considerer pour la thermodynamique que H2, qui est de loin la molecule la plus abondante dans le milieu interstellaire, n'a que 3 degres de liberte, comme un atome.
11.2
281
des sauts. Les discontinuites a travers lesquelles il y a un flux de matiere sont les ondes de choc, ou tout simplement chocs. Celles sans flux de matiere sont appelees discontinuites de contact. Pour decrire un choc, il suffit de choisir deux surfaces de controle, de chaque cote de la discontinuity, et de se placer dans un systeme de reference lie au choc. Les surfaces de controle sont done stationnaires par rapport au choc. Tous les changements se produisent entre ces deux surfaces. Bien entendu, la masse, la quantite de mouvement et 1'energie se conservent au cours de la traversee du choc. En designant par 1'indice 1 les quantites en avant du choc, et par 1'indice 2 celles en arriere du choc, et en definissant la direction parallele comme celle perpendiculaire au front du choc, on obtient les conditions aux limites pour un choc stationnaire (c'est-a-dire ou aucune quantite ne depend du temps dans le referentiel lie au choc, done d/dt 0), dans un fluide unique. L'equation suivante exprime 1'egalite du flux de matiere a travers les deux surfaces de controle. Elle est evidente, mais on peut la deduire de 1'equation de continuite (Eq. 11.1) avec d/dt = 0, integree sur la direction parallele
Les deux equations suivantes expriment la conservation du flux magnetique <pB et de la force electromotrice dc^B/dt + v x B a travers le choc
Les deux equations suivantes expriment la conservation du flux de quantite de mouvement. On les deduit de 1'equation 11.2 par integration sur 1'espace, en negligeant la viscosite entre les surfaces de controle
La derniere equation exprime la conservation du flux d'energie et se deduit de 1'equation 11.3 de la meme fagon (noter qu'il n'y a pas de flux d'energie correspondant a vj_)
282
11.2.1
Les chocs ou existe une discontinuity (saut) des proprietes du gaz sont appeles chocs J (pour le mot anglais jump, saut en frangais). C'est le cas pour les chocs sans champ magnetique. Si on peut negliger le champ magnetique, et en negligeant aussi le flux de chaleur et les pertes radiatives (il suffit pour cela de considerer des surfaces de controle tres proches du choc), les expressions precedentes se simplifient en
w (u + P)/p est 1'enthalpie. On a pose pour simplifier v = v\\, car une vitesse transversale v_\_ eventuelle se conserve dans un choc oblique sans champ magnetique et peut etre negligee en deplagant le referentiel le long du front du choc avec cette vitesse. L'equation 11.18 provient de 1'equation 11.15 sans champ magnetique par division de chaque membre par p\v\ = p^v^- J, P et W sont respectivement le flux de matiere, le flux de quantite de mouvement, et le flux d'energie par unite de masse. Pour un gaz parfait, on a
II est commode d'introduire le volume specifique (le volume occupe par 1 g de matiere), V = l/p. A partir des equations 11.16 et 11.17, on obtient la formule generale
qui determine le changement de vitesse, independamment de toute consideration d'energie. Dans un probleme de choc, on se donne ordinairement les parametres du gaz avant le choc, pi,T et PI, et la pression P^ ou la vitesse du choc v\. A partir des equations 11.16, 11.18 et 11.21, on obtient par une manipulation algebrique simple
11.2 Les differents types de chocs d'ou, en supposant la meme valeur de 7 (= 5/3) des deux cotes du choc
283
Ce sont les relations de Rankine-Hugoniot. Dans le cas d'un choc fort (Pi/P\ (7 + l)/(7 1) = 4), on a
Les conditions du choc fort sont tres souvent reunies dans le milieu interstellaire, par exemple dans les restes de supernova. L'elevation de la temperature apres le choc produit differents effets. D'une part elle est la cause d'une ionisation collisionnelle du gaz qui change sa masse moleculaire moyenne et absorbe de 1'energie derriere le choc, ce qui modifie certaines des equations ci-dessus. Un traitement simple de ce phenomene se trouve dans Kaplan [260], p. 44-45. D'autre part 1'elevation de temperature est souvent telle que le milieu cheque emet du rayonnement a la suite de 1'excitation collisionnelle
284
FlG. 11.1 - Structure schematique d'un choc fort a fluide unique. Le milieu avant le choc est a gauche. Les panneaux montrent respectivement de has en haut la vitesse v relative a celle vs du front de choc, la densite p normalisee a la valeur pi avant le choc, et la temperature T normalisee a la valeur T? immediatement apres le choc. On voit que la vitesse est divisee par 4 et la densite multipliee par 4 au passage du choc. La zone radiative derriere le choc envoie du rayonnement dans le reste du milieu, creant un precurseur radiatif dans la zone non choquee qui ionise le gaz, le photodissocie s'il est moleculaire et eleve sa temperature. D'autre part ce rayonnement refroidit progressivement la zone deja choquee jusqu'a thermalisation, tout en affectant sa vitesse et sa densite. D'apres Draine & McKee [125], avec 1'autorisation d'Annual Reviews, http://www.AnnualReviews.org. des atomes, des ions et des molecules, de la recombinaison des ions, etc. Les pertes par rayonnement refroidissent progressivement le gaz derriere le choc. D'autre part, le rayonnement s'echappant de la region emettrice a la vitesse de la lumiere, il se propage dans la zone non encore affectee par le choc sous la forme d'un precurseur radiatif qui chauffe le gaz avant le passage du choc2. La structure d'un choc fort est donnee schematiquement par la figure 11.1, qui illustre les phenomenes qui viennent d'etre discutes. Le calcul numerique de la structure d'un choc radiatif avec precurseur est complexe, necessitant des iterations avant de trouver une solution auto-coherente. On peut cependant obtenir quelques relations simples
2. On trouve dans la litterature une confusion entre choc radiatif proprement dit, ou le rayonnement observe vient du milieu cheque, et choc a precurseur radiatif, ou il vient du milieu amont chauffe par exemple par le rayonnement UV ou X inobservable du milieu cheque. Nous preciserons si necessaire le type dont il s'agit.
285
en considerant deux surfaces de controle situees de part et d'autre de la zone ou est emise et absorbee 1'essentiel du rayonnement. Ces surfaces sont cette fois assez loin du choc. Les equations 11.16 et 11.17 donnant J et V sont toujours valables pour ces surfaces, mais pas en general 1'equation 11.18 faisant intervenir 1'energie. Si 1'etat d'ionisation ou de dissociation des molecules n'a pas change pendant le passage du choc, le milieu retourne a son etat initial loin du choc et Ti = T2 pour ces deux surfaces. Un tel choc est dit isotherme. Mais au cas contraire Ti 7^ T2. Si ces temperatures sont connues par 1'observation, de meme que les densites, on peut en deduire la vitesse v\ du choc radiatif par rapport au milieu initialement au repos : pour un gaz parfait on a
alors que la vitesse du gaz derriere le front (plus precisement derriere la zone radiative) est, par rapport au gaz non cheque au repos
Pour un choc radiatif fort avec un nombre de Mach M = t>/c S)2 = v/y^ykT2/p^mii 3> 1, on a simplement
Cette derniere equation montre que le gaz peut etre comprime jusqu'a une densite tres grande, grace a la perte par rayonnement de 1'energie de compression. Ceci peut se produire dans le gaz interstellaire neutre : en supposant dans ce cas T2 ~ 1000 K, avec //2 = 1,4, on a P2/PI = (u/2,4 kms" 1 ) 2 ; si T2 est plus faible, p2 est encore plus grand. Or la dispersion de vitesses a 1 dimension entre les structures du milieu H I est de 1'ordre de 9 km s"1 (Section 4.1.1). Des collisions entre ces structures doivent frequemment avoir lieu avec des vitesses relatives de cet ordre, produisant des chocs radiatifs forts qui engendrent des regions localisees de densite elevee. II n'est cependant pas aise d'observer ces chocs malgre leur rayonnement. D'autre part, il n'est pas justifie de negliger le champ magnetique dans le milieu Hi. Les effets du champ magnetique dans un milieu faiblement ionise comme le gaz H i seront examines plus loin section 11.2.2. Un point interessant est que la structure d'un choc radiatif, qu'il y ait ou non un precurseur radiatif, est differente de celle d'un choc non radiatif (dans la mesure ou un tel choc existe dans le milieu interstellaire). Ce dernier se reduit a une surface de discontinuite dont 1'epaisseur est de 1'ordre du libre parcours moyen des particules du milieu entre deux collisions,
286
pour 1'hydrogene, ao ^ 0,5 A etant le rayon de la premiere orbite de Bohr. Cette epaisseur n'est pas mesurable en pratique dans le milieu interstellaire. Dans un choc radiatif, on trouve bien cette couche mince a 1'interieur de laquelle s'eleve la temperature des particules lourdes (neutres et ions), sans que la temperature electronique ait le temps d'augmenter autant3.
11.2.2
La presence d'un champ magnetique complique singulierement les proprietes des chocs. Non seulement la pression magnetique s'ajoute a la pression thermique du gaz, mais il faut tenir compte de la variation d'energie magnetique au passage du choc. Plus important encore, la vitesse tangentielle change au passage du choc si le champ magnetique n'est pas parallele a la direction du fluide. On peut le voir sur les equations 11.12 a 11.14. L'angle entre la normale au choc et le champ magnetique joue un grand role : les chocs a champ magnetique transverse sont tres particuliers (nous ne les aborderons pas ici). Une autre complication provient de 1'existence de trois types d'ondes MHD differentes dans un fluide magnetise, dont les vitesses ne sont pas les memes. Les ondes d'Alfven, qui correspondent a des vibrations transversales des lignes de force du champ magnetique semblables a celles des cordes vibrantes, se propagent le long du champ magnetique avec la vitesse
Dans une direction faisant I'angle 9 avec la direction du champ magnetique, on trouve trois types d'onde dites onde magnetosonore lente, intermediaire et rapide, avec des vitesses de phase respectives UL < uj < UR donnees par
(voir les traites de physique des plasmas, ou Priest [393]). On supposera ici que le milieu est fortement ionise. Ce qui se passe dans un milieu faiblement ionise sera decrit dans la section suivante. La dynamique du choc MHD est done determined par la comparaison entre la vitesse du fluide
3. La temperature electronique observee apres le choc est trop elevee dans certains restes de supernova pour resulter de la thermalisation avec les ions chauffes dans le choc ; dans ce cas, il y a vraisemblablement chauffage direct, non collisionnel, des electrons analogue a celui qui a lieu dans les chocs non collisionnels des plasmas du systeme solaire : voir la fin de la section 12.4.4, et Draine & McKee [125] section 2.3. La thermalisation des electrons a lieu dans une couche 10 a 15 fois plus epaisse que le choc. Enfin on a la couche ou le rayonnement a lieu, dont Pepaisseur est encore plus grande. On trouvera dans 1'ouvrage de Kaplan [260], p. 50-58, une discussion simple des proprietes de cette couche. Ces proprietes dependent beaucoup de 1'etat d'ionisation du milieu avant le choc.
11.2
287
et la vitesse de ces ondes. Pour qu'il y ait choc, il faut que la vitesse du fluide soit superieure a la vitesse de phase d'une des ondes avant le choc, et inferieure a cette vitesse apres le choc. On peut done classer les chocs selon la grandeur de la vitesse du fluide a travers le choc comparee aux differentes vitesses ci-dessus (on comprend alors pourquoi les chocs transverses avec 9 90 sont tres particuliers). Pour les chocs rapides (v\\ > UF,I), le champ magnetique augmente apres le choc, tandis que pour les chocs lents (w/ ; i > fy > vs,i), le champ magnetique diminue. Pour les chocs intermediates, il change de direction et peut soit augmenter soit diminuer. II ne nous est pas possible ici de nous etendre davantage sur 1'etude complexe de ces chocs, dont on trouvera des elements dans Kaplan [260] et dans Draine & McKee [125]. La comprehension qu'on en a est d'ailleurs incomplete. Nous nous contenterons de remarquer que les proprietes d'un choc radiatif fort ne sont pas substantiellement affectees par le champ magnetique, si bien que les equations 11.26 a 11.30 restent utilisables pour les chocs forts.
11.2.3
Dans le milieu interstellaire neutre , et notamment dans les nuages moleculaires, il existe toujours une faible ionisation. La composante chargee, meme peu abondante, joue un role important dans les chocs avec champ magnetique car elle est seule couplee avec le champ magnetique ; la dynamique du choc en est affectee. D'autre part, les collisions entre ions et neutres sont rares si la densite ionique est faible et les composantes neutre et chargee doivent etre considerees comme des fluides dynamiquement distincts. Si la frequence cyclotron des ions dans le champ magnetique u^ = eB/(rriic) est tres superieure a la frequence de collision des ions avec les neutres nn(0"u), ou a est la section efficace de diffusion elastique ion-neutre et v la vitesse des ions, on peut considerer que le champ magnetique est gele dans le fluide charge. Les trois types d'ondes de plasma mentionnees precedemment (Eq. 11.36 et 11.37) peuvent se propager dans le plasma ions-electrons. Dans un nuage moleculaire, la vitesse de phase de ces ondes est tres grande dans ce plasma. Le champ magnetique etant de 1'ordre de B K, [nn/(l cm"3)]1/2 //G (Figure 2.6), la vitesse d'Alfven dans le plasma est v^ = B/^Kp^]1/2 & 100(;r/10~4)~1//2 kms" 1 , ou x = Ui/n^ est le degre d'ionisation. Comme la vitesse du son cs est de 1'ordre de 1 kms -1 (ici il n'y a pas lieu de distinguer le milieu neutre du milieu ionise), le milieu ionise peut propager les ondes de plasma rapides et intermediaries qui ont presque la meme vitesse VA cos9 (Eq. 11.36 et 11.37). Une discontinuity peut done affecter le milieu neutre si sa vitesse est supersonique, sans qu'il existe une telle discontinuite pour le milieu ionise a condition que celui-ci soit sub-alfvenique, c'est-a-dire que la perturbation ne soit pas tres forte4. II y a done necessairement une
4. Si la perturbation est tres forte, on est ramene au cas des sections precedentes : il y a discontinuite pour Pensemble du milieu, mais il y a bien separation en vitesse des ions et des neutres dans une couche assez mince derriere le choc.
288
difference entre la vitesse du flux neutre et du flux ionise au voisinage de cette discontinuity. Cette difference systematique de vitesse entre les ions et les neutres est appelee diffusion ambipolaire. Nous 1'etudierons section 14.1.7. Comme 1'information sur les parametres physiques, et notamment sur la presence d'un choc dans le milieu neutre, est transmise rapidement dans la composante ionisee, a la vitesse des ondes de plasma, il y a un precurseur magnetique au choc (Draine [121]) qui affecte la vitesse du milieu pre-choc et commence a separer dynamiquement le milieu neutre et le milieu ionise. La structure du choc peut prendre 1'une des trois configurations illustrees figure 11.2. On suppose dans ces trois cas que la vitesse des neutres est supersonique en amont du choc, tandis que la vitesse des ions y est subalfvenique. Si le fluide neutre reste froid, parce que le choc est faible ou parce que les collisions ions-neutres dissipent efficacement 1'energie, la vitesse du fluide neutre peut rester partout supersonique ; il n'y a alors discontinuity ni pour le fluide neutre ni pour le fluide ionise, dont les vitesses sont cependant differentes : ces chocs sans discontinuity sont nommes chocs C (C pour continu ). Si les collisions ions-neutres, a la suite de la difference de vitesse des deux milieux correspondants, elevent suffisamment la temperature du gaz neutre et done la vitesse du son, le flot peut devenir subsonique. Alors il y a deux possibilites : ou la transition supersonique>subsonique se fait dans une discontinuite (pour le fluide neutre), et on a un choc J ; ou cette transition est douce, ce qui pourrait se produire dans certaines conditions, et le choc est dit choc C* (mais voir plus loin Section 11.3 la remarque sur la non-existence possible des chocs C*). II faut remarquer qu'a une certaine distance en aval du choc, les fluides neutres et ionises se remettent en equipartition, reprennant la meme vitesse en raison du couplage ions-neutres qui correspond a une viscosite5. Cette viscosite produit un echauffement du fluide, qui reste cependant faible en raison de la rarete des ions, si bien que le refroidissement radiatif permet de maintenir la temperature basse. On peut dire que dans ce cas la transition du choc et la zone radiative coexistent. En consequence de cette faible temperature cinetique, les molecules peuvent etre accelerees a des vitesses assez grandes sans etre dissociees. Le rayonnement du choc se produit dans des transitions d'energie relativement faible : raies de structure fine atomique et ionique dans 1'infrarouge moyen ou lointain, et raies de rotation ou de vibration de molecules, notamment raies de rotation de H2- Ces raies sont caracteristiques de ces chocs a deux fluides, et de grands progres dans notre connaissance de ces chocs sont en train de resulter des observations de ces raies avec le satellite ISO.
5. Les relations entre les conditions du gaz loin en amont et loin en aval du choc sont done les memes que pour un choc a un seul fluide, sauf evidemment s'il y a des modifications de la nature chimique du gaz.
types de chocs
289
FlG. 11.2 - Structure schematique de chocs MHD a deux fluides. Le milieu avant le choc est a gauche. La vitesse des neutres (trait plein) et celle des ions (trait interrompu) relatives au front du choc sont portees en fonction de la position. Voir le texte pour 1'explication des trois types de chocs. D'apres Draine &; McKee [125], avec 1'autorisation d'Annual Reviews, http://www.AnnualReviews.org. Le couplage entre les ions et les neutres peut se faire de trois manieres differentes : 1. par diffusion elastique, la force par unite de volume qui affecte 1'espece a sous 1'effet de 1'espece (3 etant
Ai;a/3 etant la vitesse relative des flux de particules de masse ma et mp, et (crv)a/3 ~ 1,910~ 9 cm3 s"1 pour Aua/g < 15 kms" 1 ; 2. par echange de charge de H+ avec H, phenomene important si H+ represente une fraction significative des ions ; la force correspondante est donnee par 1'equation 11.38, mais alors avec ((7v}af3 = 1,610- 8 (T/10 4 K)' 4 cm3 s'1 ; 3. par diffusion elastique sur les grains charges. Les ions et les neutres sont chauffes par ces processus et aussi par des reactions chimiques qui se produisent dans le choc (Section 11.3). II faut aussi
290
tenir compte des echanges d'energie entre les ions et les electrons. L'echange entre les neutres et les electrons est generalement negligeable en raison de la faiblesse de la masse des electrons (Section 8.1.1). Bien que le fhiide d'electrons ait la meme vitesse que celui des ions (c'est la consequence de la neutralite electrique), leur temperature peut etre differente. En consequence, bien qu'il n'y ait lieu de ne considerer en principe que deux fluides en ce qui concerne la dynamique du choc, il faut considerer trois fluides (neutres, ions et electrons) en ce qui concerne les processus chimiques et energetiques, notamment la recombinaison, lesquels reagissent en fait sur les proprietes du gaz et done sa dynamique. La formulation des taux de chauffage et des taux de refroidissement radiatif de ces trois fluides est assez complexe, bien que ne presentant pas de difficulte de principe. On se reportera sur ce point a 1'article de Flower et al. [170]. Pour le role des grains dans I'energetique, voir Draine & McKee [125].
11.3
Dans ce qui precede, on a suppose le choc stationnaire, c'est-a-dire que ses proprietes sont invariables au cours du temps, un etat d'equilibre dynamique ayant ete atteint. On peut legitimement avoir des doutes sur cette hypothese, notamment a cause de la lenteur du couplage ions-neutres. L'abandon de la stationnarite est cause de complications dans le traitement numerique du probleme, ce qui fait qu'elle n'a ete que sporadiquement envisagee dans le passe. II est en particulier necessaire de resoudre simultanement les equations de la dynamique et celles de la chimie, qui sont couplees. Ceci a ete fait dans quelques cas par Chieze et al. [87], dont nous aliens resumer tres brievement les resultats. Dans le cas d'un choc J, c'est le refroidissement du gaz apres le passage du choc qui est le phenomene important le plus lent et qui definit done la condition de stationnarite. Chieze et al. [87] trouvent alors que, pour un choc se propageant a 10 kms" 1 dans un milieu de densite 103 cm~ 3 sans champ magnetique, 1'equilibre thermique est atteint suffisamment vite pour que le choc soit stationnaire 2 000 ans apres le debut de la perturbation. II est vraisemblable que les chocs J des restes de supernovae peuvent etre consideres comme stationnaires. II n'en est pas de meme en presence d'un champ magnetique suffisamment intense pour que le choc soit de type C. Dans les conditions ci-dessus, mais cette fois avec un champ magnetique de 10 /uG, 1'etat stationnaire n'est atteint qu'apres plus de 105 ans (Figure 11.3). Pour construire cette figure, on a suppose que le choc est cree par un piston qui penetre dans le milieu a 10 kms^ 1 ; la figure represente la variation de la temperature des neutres et des ions a 1'avant de ce piston. La structure du choc dans les premieres etapes est interessante. Une discontinuity de temperature et de vitesse se produit dans la composante neutre du gaz, semblable a ce
291
FlG. 11.3 - Evolution temporelle d'un choc C se propageant dans un milieu de densite 103 cm~ 3 , en presence d'un champ magnetique transversal de 10 //G. Les abscisses donnent la distance a un piston situe a gauche qui est suppose pousser le milieu a 10 kms" 1 : la figure est done dans le systeme de reference de ce piston, et la vitesse du choc est un peu superieure a 10 kms" 1 . La temperature des neutres (traits pleins) et des ions (traits interrompus) est portee pour differentes epoques suivant le demarrage du piston. Remarquer la discontinuity dans la temperature du fluide neutre (et aussi dans sa vitesse, non representee), qui disparait au cours du temps. La structure stationnaire est atteinte apres 5 105 ans (traits gras). D'apres Chieze et al. [87], avec 1'autorisation de Blackwell Science Ltd. qui existe dans un choc J. De son cote, la composante ionisee est chauffee et acceleree par le precurseur magnetique dans une vaste zone en aval sans presenter de discontinuite. Le couplage ions-neutres se produit lentement et fait progressivement disparaitre la discontinuite pour les neutres. On a done une gamme de structures intermediaries entre choc J et choc C. Les calculs semblables pour les conditions du milieu diffus (nn = 25 cm~ 3 , vs = 10 kms" 1 , B = 5 p,G) montrent que 1'etat stationnaire est atteint plus rapidement en raison du meilleur couplage ions-neutres, qui est du a un degre d'ionisation plus eleve. Cependant une discontinuite subsiste dans le flot du fluide neutre, done une caracteristique J, et les calculs ne semblent pas confirmer 1'existence de chocs C* ou la transition supersonique>subsonique pour le fluide neutre se ferait sans discontinuite. La non-stationnarite des chocs peut avoir des consequences importantes pour la chimie et 1'excitation des molecules comme H2 (Flower & Pineau des Forets [172]), ce qui pourrait expliquer certaines differences entre les predictions des modeles de chocs stationnaires et les observations, differences
292
qui seront mentionnees dans les sections suivantes. Mais la place nous manque pour developper ce point, qui est d'ailleurs encore dans un etat embryonnaire.
11.4
Les chocs dans le milieu interstellaire neutre ont des consequences importantes sur la chimie. L'elevation de la temperature apres le passage du choc permet de nombreuses reactions impossibles a basse temperature. Si le choc est tres rapide (il s'agit alors d'un choc J, Figure 11.1), H2 peut etre dissocie par les collisions. Ceci necessite des vitesses de choc de 1'ordre de 45 kms" 1 . Cependant H2 se reforme apres le choc quand le gaz s'est suffisamment refroidi, soit par attachement electronique (Section 9.2, Note 1), soit sur les grains. L'article de Wilgenbus et al. [520] contient une etude detaillee de la chimie et de remission de H2 dans des chocs C et J se propageant dans un nuage moleculaire. Les chocs sont souvent invoques pour rendre compte de 1'abondance de CH+ dans le milieu diffus et les nuages translucides, que 1'on ne peut expliquer par des reactions a basse temperature comme nous 1'avons vu section 9.4.1. La reaction endothermique C + + H2 > CH+ + H (AE1 = 0,4 eV) devient alors possible. L'idee que cette reaction est bien a 1'origine de CH+ est confortee par 1'association observee de cette molecule avec la composante tiede de H2 vue en absorption dans 1'UV lointain (Figure 4.9). Cependant CH+ ne semble pas associe a des differences de vitesse entre les ions et les neutres qui devraient etre caracteristiques du choc, si bien que le probleme de 1'abondance de CH+ dans le milieu diffus ne peut pas encore etre considere comme resolu en depit de nombreux efforts theoriques et observationnels. Par centre il est clair que la reaction ci-dessus est importante dans les nuages moleculaires. D'autres molecules peuvent etre formees dans les chocs par des reactions endothermiques ou possedant des barrieres d'activation : par exemple O + H2 -> OH + H (AE = -0,08 eV, barriere de 0,25 eV), suivie de OH + H2 H 2 O + H (exothermique mais avec barriere de 0,13 eV). HCO + est forme a partir de ces molecules (Section 9.4.1). On se trouve ici dans la meme situation que pour CH + . Ces reactions sont certainement importantes derriere les chocs qui peuvent se produire dans les nuages moleculaires et dans les jets moleculaires engendres par les etoiles en formation : on y observe bien les raies de OH et de H 2 0, avec des intensites en accord avec les modeles de choc a deux fluides. Quoi qu'il en soit, la formation de ces molecules et 1'energie qu'elles dissipent dans leurs raies de rotation et de vibration ont une influence considerable sur la thermodynamique du choc. Tout modele realiste doit en tenir compte. De tels modeles ont ete construits par exemple par Flower et al. [170] et autres articles de cette serie, et par Hollenbach & McKee [226] (un article tres detaille). Ces modeles calculent generalement le spectre emis par le choc. Les figures 11.4 et 11.5 illustrent respectivement la structure
293
FlG. 11.4 - Structure et temperature du gaz et des grains dans un choc J rapide (80 kms" 1 ) se propageant dans un nuage moleculaire de densite 105 cm~ 3 . Les abscisses correspondent a la distance au front du choc, exprimees sous la forme de la densite de colonne des atonies d'hydrogene N(H + 2H 2 ), en unites logarithmiques. La temperature du gaz (trait plein) et la temperature des poussieres (trait interrompu) sont en ordonnees. On distingue trois regions a partir du choc : une region chaude etroite a environ 105 K, ou le gaz est dissocie et ionise collisionnellement ; une region de recombinaison de 1'hydrogene, a une temperature de 1'ordre de 104 K, ou sont emises les raies optiques ; une region ou les molecules se reforment, a environ 200 K, ou sont emises les raies de structure fine dans 1'IR moyen et lointain. C'est 1'energie liberee par la formation de E^ qui maintient cette temperature sur une certaine epaisseur du milieu, en depit du refroidissement radiatif. Les modeles montrent que la densite de colonne des deux premieres regions est peu dependante de la densite initiale. A la densite choisie, les grains ne sont que faiblement couples thermiquement au gaz (Section 8.1.7), si bien que la temperature de la poussiere Td < Tgaz. D'apres Hollenbach & McKee [226], avec 1'autorisation de 1'AAS. du milieu cheque et la composition chimique derriere un choc J rapide se propageant dans un nuage moleculaire. Reste que la confrontation avec les observations n'est pas toujours satisfaisante, comme discute par exemple par Draine & McKee [125], section 7.3.
294
FlG. 11.5 Temperature et structure chimique derriere un choc J rapide (80 km s 1) se propageant dans un gaz de densite initiate 105 cm~ 3 (memes conditions que pour la figure 11.4). Les abscisses correspondent a la distance au front du choc, exprimees sous la forme de la densite de colonne des atomes d'hydrogene (N(H + 2H2), en unites logarithmiques. La temperature du gaz est donnee par la courbe en trait plein T (echelle de droite). L'abondance fractionnelle x en nombre de differents atomes, ions et molecules est donnee par rapport a 1'hydrogene total ; celle de H et Hs est donnee comme x/103. La courbe E correspond aux electrons libres. D'apres Hollenbach & McKee [226], avec 1'autorisation de 1'AAS. Un autre effet est la destruction partielle des grains dans les chocs MHD a deux fluides dont la vitesse est superieure a environ 20 km s"1. Si les grains sont neutres, ils sont entraines par le fluide neutre et sont frappes par les ions du fluide ionise, dont les plus efficaces sont les ions He+ en raison de leur masse plus grande que H+ (rappelons que la vitesse moyenne est la meme pour tous les ions dans le choc a deux fluides). Si les grains sont charges, ils ont une difference systematique de vitesse avec les atomes et molecules neutres qui les frappent. L'impact des particules du gaz produit une erosion
295
des grains, en commengant par leur manteau de glaces s'il existe, dans les couches suffisamment profondes des nuages moleculaires (Section 7.4). Les molecules volatiles qui ferment ce manteau sont alors liberees, eventuellement dans des etats excites. Flower et a/.[171] ont montre que ce processus peut rendre compte de la population des etats metastables excites du NHs ainsi libere (Section 4.2.4 et Figure 4.13). II rend compte egalement de la presence de molecules deuterees relativement abondantes dans certaines regions comme le cceur chaud d'Orion, ou regnent des chocs violents (Section 9.2). Si 1'energie cinetique des particules du gaz qui arrivent sur les grains est sumsante pour surmonter 1'energie de liaison des silicates, ce qui necessite une vitesse relative superieure a 40 kms^ 1 , les grains de silicates peuvent etre erodes, liberant du SiO, ou du silicium qui formera SiO en se combinant avec O. SiO est en effet une molecule abondante dans les chocs. Le carbone peut egalement etre libere par erosion des grains carbones a des vitesses relatives semblables, mais les consequences de cette erosion sont difficiles a mettre en evidence. L'erosion des grains de silicates a ete etudiee en detail par May et al. [333], dont le modele est en bon accord avec les observations de SiO dans les flots moleculaires protostellaires. De meme, les chocs paraissent susceptibles de liberer dans le milieu interstellaire diffus des atonies de silicium observes par leurs raies d'absorption ultraviolettes (voir par ex. Gry et al. [196]). II est tres probable que c'est en grande partie 1'effet des chocs qui fait que la composition chimique du gaz dans le milieu diffus tiede montre beaucoup moins de deficiences que dans le milieu neutre dense (Section 4.1.3). Nous y reviendrons section 15.4.
11.5
II n'est guere possible d'observer les chocs directement. Cependant le rayonnement du milieu chauffe par le choc est observable et peut servir de diagnostic de 1'existence d'un choc et de ses proprietes. Pour les chocs J, le rayonnement est bien detectable a partir d'une vitesse de choc de 1'ordre de 50 kms" 1 . Pour les chocs J forts et extremement rapides des restes de supernovae tres jeunes (plusieurs milliers de kms" 1 ), la temperature donnee par 1'equation 11.30 peut depasser 106 K. II y a alors emission de rayons X. Aux vitesses et temperatures inferieures que Ton rencontre dans les phases ulterieures de 1'evolution des restes de supernova, 1'emission se deplace dans 1'UV lointain puis dans le visible. Une complication est que le rayonnement UV lointain ou X mou est rapidement absorbe par le gaz et les poussieres du milieu avant et apres le choc et n'est souvent pas observable : il sert simplement a chauffer le milieu, c'est le precurseur radiatif dont on a parle precedemment. L'emission par les chocs J de vitesse moderee (disons 30150 kms" 1 ) a ete etudiee par differents auteurs (references dans Draine & McKee [125]). Aux vitesses superieures a environ 100 kms -1 , le choc dissocie les molecules eventuelles et ionise les atomes ; il en resulte une production importante de rayonnement UV inobservable, mais donnant un precurseur
296
FlG. 11.6 Intensite integree normale a un choc J rapide des raies de rotation (traits pleins) et de rotation-vibration (traits interrompus) de H2. Le choc se propage dans un gaz de densite initiale 105 cm~ 3 (memes conditions que pour les figures 11.4 et 11.5), et sa vitesse est en abscisses. Pour la nomenclature et les longueurs d'onde des raies de rotation et de vibration de Eb dans le niveau electronique fondamental, voir section 4.2 et tableau 4.5. D'apres Hollenbach & McKee [226], avec 1'autorisation de 1'AAS. radiatif et chauffant le gaz cheque. Si la vitesse est inferieure, seule la dissociation est importante et la production d'UV est moindre. Le calcul des parametres physiques du gaz cheque et de 1'emission de raies qu'il produit est assez complexe. Nous reproduisons (Figures 11.6 et 11.7) quelques-uns des resultats de 1'etude tres complete de Hollenbach & McKee [226], en nous limitant aux raies dans 1'infrarouge moyen et lointain. Dans le domaine visible, les chocs J de vitesse 50-300 kms" 1 emettent des raies de recombinaison et des raies interdites, dont certaines peuvent servir a distinguer spectralement les chocs des regions HII. Les rapports de raies [S n]AA6 717,6 731/Ha et [O i]A6300 sont beaucoup plus grands dans les chocs que dans les regions H n , car le soufre et 1'oxygene sont principalement sous la forme de [S in] et de [O n] ou [O ill] dans les regions H n. A 1'inverse, on observe dans les chocs la coexistence d'une gamme etendue d'etats d'ionisation, et on observe par exemple simultanement les raies de [O i],
11.5
297
FlG. 11.7 Intensite integree normale a un choc J des principales raies de structure fine. Le choc se propage dans un gaz de densite initiale 105 cm~ 3 (memes conditions que pour les Figures 11.4, 11.5 et 11.6), et sa vitesse est en abscisses. Les intensites des raies de S, Fe, Cl et Ni sont des limites inferieures, le reseau de reactions chimiques utilisees etant incomplet pour ces especes. D'apres Hollenbach & McKee [226], avec 1'autorisation de 1'AAS.
[On] et [Oin]. Le rapport de raies [Om]A4363/[Olii]AA4949,5007, qui est un indicateur de temperatures electroniques elevees, est plus grand dans les chocs que dans les regions H n , car la region emettrice de ces raies derriere les chocs a une temperature d'environ 2 104 K, le double de la temperature typique des regions HII. Les raies infrarouges fournissent egalement des diagnostics interessants. Par exemple, le rapport de raies [Feii]Al,64 /im/Br7 A2,17 /mi est plus grand dans les chocs que dans les regions Hn ; la raison en est que, dans les regions HII, le fer est principalement dans des etats d'ionisation plus eleves que Fell. D'autre part, du fer gazeux est apporte par 1'erosion des grains de poussiere dans les chocs. La raie [Ol]A63 /um est tres intense dans les
298
chocs radiatifs, et le rapport [Oi]A63 /^m/[Cil]A158 /um est beaucoup plus grand dans les chocs que dans les regions de photodissociation, fournissant une excellente discrimination entre les chocs et ces regions. Les chocs a faible vitesse et les chocs C n'emettent pas de raies dans le visible car le gaz n'atteint pas des temperatures assez elevees, mais seulement les raies [O i]A63 jum, [C n]A158 /j,m et les raies de rotation et de vibration de H2 (Tableau 4.5) : voir Wilgenbus et ol. [520] pour les raies de H2- Cependant les raies atomiques ou ioniques interdites d'elements plus rares que 0 et C ne sont detectables que si la densite est relativement grande, auquel cas le degre d'ionisation est generalement faible et les effets multi-fluides importants : si la vitesse est faible, on n'a en pratique jamais de choc J dans le milieu interstellaire, mais seulement un choc C. Les raies de rotation de H2 sont alors intenses et sont caracteristiques de ces chocs s'il n'y a pas simultanement emission d'autres raies que celles de [O l] et de [C n] dans 1'infrarouge lointain. Dans les les chocs J, il y a emission de toutes ces raies, toujours accompagnees de nombreuses autres raies dans le visible et dans 1'infrarouge. Bien entendu, les raies provenant des chocs presentent des vitesses anormales , et une largeur souvent grande. Ceci les distingue des raies emises par les regions de photodissociation, qui sont toutes a la meme (faible) vitesse et n'ont qu'une largeur de quelques kms"1. Le continuum infrarouge emis par la poussiere chauffee par les chocs J forts peut etre intense et a ete bien observe dans les restes de supernova (Section 8.1.7 ; Lagage et d. [277] ; Arendt et d. [11]).
11.6
Les chocs sont sujets a differentes instabilites. Une instabilite thermique peut se produire dans les chocs forts, produisant des inhomogeneites de temperature qui compliquent 1'interpretation des raies d'emission observees (Draine & McKee [125], Section 5.1). Diverses instabilites mecaniques peuvent egalement se produire (meme reference, Section 5.2-5.4). Nous nous contenterons ici de parler de Y instabilite de Rayleigh-Taylor. Cette instabilite se produit dans tout fluide dense supporte centre la gravitation par un fluide plus leger situe par dessous, ou pousse par un tel fluide. II est evident par exemple qu'une couche d'eau ne peut pas etre supportee par une couche d'huile plus legere : une instabilite se produit et des globules d'eau tombent dans 1'huile. La situation est souvent analogue derriere un choc. Le choc est generalement cree par un piston qui pousse le fluide a une vitesse supersonique : c'est le cas dans un reste de supernova, ou le gaz ejecte par 1'explosion de 1'etoile, qui forme une enveloppe plus ou moins spherique, pousse vers I'exterieur le milieu interstellaire ambiant a une vitesse supersonique. De I'exterieur a 1'interieur on trouve done le gaz ambiant, le choc, et le gaz cheque plus dense separe du gaz ejecte moins dense formant piston par une discontinuity de contact. C'est au niveau de cette discontinuity
299
que se produit 1'instabilite. Nous allons en faire une analyse simplifiee suivant Spitzer [467]. Assimilons initialement la discontinuity de contact a un plan, et prenonsla comme origine de 1'abscisse z perpendiculairement a cette surface (elle sera ulterieurement deformee par 1'instabilite). L'inertie du milieu cheque se traduit dans ce systeme de reference par une acceleration g selon z analogue a la gravite, que Ton peut decrire par un potentiel $ = gz. On supposera pour simplifier que les fluides au-dessus et au-dessous de la surface sont incompressibles. Us ont pres de 1'interface une vitesse et une pression egales respectivement a va et Pa au-dessus, et a Vb et Pb au-dessous. On admettra egalement que les densites de chaque cote pa et pi, sont independantes du temps t et de z. On negligera le champ magnetique. Le gaz de chaque cote de 1'interface doit satisfaire a 1'equation de continuite de la masse (Eq. 11.1) et a 1'equation de continuite de la quantite de mouvement (Eq. 11.2). Ces equations s'ecrivent dans notre cas, p etant uniforme et constant,
ou le nouveau terme pV3> correspond a 1'acceleration due a 1'inertie du milieu choque. Supposons pour simplifier la suite du calcul que la vitesse derive d'un potentiel ^ v , ce qui n'introduit aucune restriction :
Une solution de cette equation ayant la forme d'une perturbation linearisee et qui satisfait la condition que ^v soit nul aux grands |z|, est
Ka, Kb, cj et k etant des quantites pour 1'instant arbitraires. D'autre part, 1'equation 11.40 donne apres integration sur z, puisque Vv = 0
qui est valable separement au-dessus et au-dessous de 1'interface. La constante d'integration est nulle, puisqu'il doit y avoir equilibre hydrostatique a z = 00, ou dtyv/dt = 0.
300
L'interface est maintenant perturbe, et se trouve a une abscisse Zi dont on peut obtenir 1'expression en integrant sur le temps la composante vz de la vitesse selon z, a 1'aide des equations 11.41 et 11.43
La constante d'integration est nulle puisque Zi et ^v s'annulent ensemble a t = 0 si u est reel et a t = oo si cj est imaginaire. L'equation ci-dessus n'est exacte qu'au premier ordre en tyv, car on a neglige dans 1'exponentielle de 1'equation 11.43 la petite variation de Zi avec le temps. Les conditions aux limites a 1'interface sont que vz et la pression P sont continues. En effet 1'interface n'est pas un choc, mais seulement une discontinuity de contact. La condition de continuite de vz est equivalente a la condition que z^ soit le meme dessus et dessous, ce qui donne
Si on ne s'interesse ici encore qu'aux termes du premier ordre en tyv, on peut evaluer cette equation dans le plan z = 0. Elle devient simplement
Pour determiner uj, on se sert de la continuite de la pression a travers 1'interface. A partir de 1'equation 11.44, on obtient
L'equation 11.45 permet d'exprimer z au premier ordre en $/v. La condition Pa = Pfc, evaluee de nouveau dans le plan 2 = 0, donne en utilisant 1'equation 11.47
Comme pb < pa, cu est imaginaire et 1'instabilite croit. L'instabilite de Rayleigh-Taylor est consideree comme importante lors de 1'expansion des restes de supernova dans la phase finale isotherme (Section 12.1.3). Elle peut etre creatrice de turbulences qui amplifient le champ magnetique. Une difference dans les vitesses tangentielles de chaque c6te d'une interface cree une autre instabilite appelee instabilite de Helmholtz. D'autres instabilites peuvent se produire lorsque la fonction de distribution des vitesses des particules est non maxwellienne, par exemple en presence de particules de haute energie. Nous avons mentionne plus haut 1'existence d'instabilites liees au champ magnetique. L'etude de ces instabilites est complexe, et il n'est pas facile de ne pas en oublier dans une etude dynamique.
12.1
L'evolution des etoiles massives (M > 8 MQ environ) se termine par une explosion qui ejecte a grande vitesse une grande partie de la masse de 1'etoile dans le milieu environnant. Comme 1'etoile avait precedemment ejecte continuellement de la matiere sous forme de vents de plus faible vitesse, les ejecta de 1'explosion interagissent d'abord avec ce milieu circumstellaire, puis avec le milieu interstellaire proprement dit. Ainsi se forme un reste de supernova, qui est essentiellement une coquille creuse. Les supernova resultant de 1'explosion des etoiles massives sont de Type II (SN II), definies par la presence de raies de 1'hydrogene dans leur spectre visible (pour la classification des spectres optiques des supernova, voir par exemple Weiler & Sramek [515]). Les SN Ib, qui ne montrent pas de raies de 1'hydrogene mais qui ont une raie d'absorption de Si II A6 355 A decalee vers le bleu a environ 6 150 A, resultent probablement de 1'explosion d'etoiles massives dans un stade WolfRayet tardif ou 1'hydrogene avait disparu. Dans les deux cas, la matiere non ejectee forme une etoile a neutrons ou un trou noir. L'etoile a neutrons, qui est un pulsar, peut emettre des particules de haute energie apres 1'explosion, apportant un surcroit d'energie au reste de supernova. Dans ce cas, la coquille spherique du reste de supernova est remplie de gaz relativiste dont les electrons emettent du rayonnement synchrotron. De tels restes sont dits plerions. Une naine blanche faisant partie d'un systeme binaire serre peut exploser a la suite de 1'accretion de matiere provenant de 1'autre composante, en donnant une SN la. Les SN la ne montrent ni raies de 1'hydrogene ni la raie du Sin.
302
II n'y a pas de reste compact de 1'explosion dans ce cas, la naine blanche etant totalement detruite, et ces restes de supernova ne peuvent pas etre des plerions. Comme la matiere circumstellaire est absente ou peu abondante dans de tels systemes, les SN la n'interagissent qu'avec le milieu interstellaire. L'energie cinetique totale de 1'enveloppe ejectee est de 1'ordre de 4 1050 ergs dans les differents types de supernova, meme si la luminosite optique apres 1'explosion est tres differente (les SN la sont plus lumineuses que les SN Ib et les SN II). Differents aspects des restes de supernova sont illustres par les planches 4, 11, 25, 26, 27 et 28. Schematiquement, on distingue trois phases successives dans 1'evolution d'un reste de supernova (Woltjer [529]) : 1. une phase d'expansion libre, la densite de la matiere ejectee etant tres superieure a la densite du milieu environnant ; cette phase se termine lorsque la quantite de matiere balayee par 1'enveloppe en expansion est de 1'ordre de la masse initiale de cette enveloppe ; 2. une phase d'expansion adiabatique ; la temperature du gaz choque est si elevee que son rayonnement est relativement faible (Figure 8.5), si bien que les seules pertes d'energie importantes sont dues a 1'expansion adiabatique du gaz ; cette phase se termine lorsque la temperature devient notablement inferieure a 106 K, ou les pertes d'energie par rayonnement deviennent grandes ; 3. une phase isotherme tardive, ou 1'energie est perdue par rayonnement ; cette phase se termine par la dispersion de la matiere de 1'enveloppe lorsque sa vitesse est de 1'ordre de 9 kms" 1 , la dispersion de vitesse des structures du milieu interstellaire. Etudions success!vement ces trois phases, en suivant essentiellement Spitzer [467]. On supposera pour simplifier que le gaz ejecte lors de 1'explosion forme une coquille spherique d'expansion isotrope. C'est une situation hautement idealisee, mais qui permet de faire comprendre la physique de base. Nous verrons plus loin section 12.1.5 ce qui se passe si le milieu ambiant est inhomogene. Les approximations analytiques que nous utilisons ont aussi leurs limites, et une etude realiste necessite des simulations numeriques.
12.1.1
La vitesse d'ejection de la matiere par 1'explosion est tres grande, plusieurs milliers a plusieurs dizaines de milliers de kms" 1 . On pourrait penser que le choc resultant de 1'interaction de cette matiere avec le milieu ambiant se formerait lorsque la matiere ejectee a balaye une distance egale au libre parcours moyen des particules ejectees dans le milieu ambiant. Un calcul simple montre qu'il n'en est rien : avec une vitesse d'ejection de 20 000 km s"1,
303
le libre parcours moyen des protons dans un gaz de densite 1 cm~ 3 est de 1'ordre de 400 pc. Un choc ordinaire ne peut done se former. En revanche, en presence d'un champ magnetique de 5 //G, ces protons ont un rayon de giration inferieur a 1011 cm, ce qui les empeche de s'echapper loin de 1'enveloppe. C'est done un choc MHD qui se forme, dont la nature exacte est mal comprise. Cette phase se termine a un rayon du front de choc r s , lorsque la masse balayee est de 1'ordre de la masse initiale ejectee Mej
ou pi est la densite ambiante. Pour Mej = 0,25 MQ (SN la), p\ 2 10~24 g cm~3 (n w 1 cm~ 3 ), on a rs = 1,3 pc, qui sera atteint 60 ans apres 1'explosion si 1'ejection est a 20000 kms"1. Alors le choc se ralentit appreciablement, a cause de la conservation de la quantite de mouvement. Dans le cas des SN II et SN Ib, 1'expansion se fait dans un milieu circumstellaire forme de matiere ejectee par 1'etoile massive avant son explosion. La theorie correspondante a ete developpee par Chevalier [82] ; voir aussi Rohlfs & Wilson [413]. Nous ne la discuterons pas car les consequences sur le milieu interstellaire sont faibles, la vitesse d'expansion etant a peine ralentie. II est cependant interessant de signaler 1'observation d'une emission synchrotron dans cette phase, signe de 1'acceleration de particules jusqu'a des energies relativistes et de la presence d'un champ magnetique, probablement amplifie par une instabilite Rayleigh-Taylor.
12.1.2
Phase adiabatique
Cette phase est dominee par un choc J non radiatif puisque, comme nous 1'avons dit, la temperature derriere le choc est si elevee que le rayonnement est faible et les pertes d'energie radiatives negligeables. L'energie E liberee par 1'explosion se conserve done et est le parametre principal du probleme. Un traitement detaille se trouve dans 1'ouvrage de Sedov [438]. Sedov a en particulier montre qu'il existe une solution approximative auto-similaire, c'est-a-dire ou la structure du reste de supernova est constante au cours du temps. Dans cette solution, une partie K\E de 1'energie totale est sous forme thermique, 1'autre partie etant sous forme d'energie cinetique, avec K\ = const. = 0,72. Cette solution indique aussi que le rapport K% de la pression P-2 juste derriere le choc a la pression moyenne (P) du gaz chauffe dans le volume spherique interieur au choc est constant, avec K-2 = P^f(P} = 2,13. Le gaz etant assimile a un gaz parfait, la pression est egale aux 2/3 de 1'energie interne specifique u du gaz, P = (2/3)u. On a done
304
en posant K = K\K^ = 1,53. La vitesse du choc vs ~ v\ est donnee par 1'equation 11.27 et vaut
La temperature derriere le choc est donnee par 1'equation 11.29 et vaut, en tenant compte de 1'equation 11.28,
La temperature derriere le front du choc augments vers 1'interieur, parce que le gaz a ete cheque a une epoque plus ancienne ou vs, done T2, etaient plus grands, et parce que le refroidissement est negligeable. Les calculs detailles de Chevalier [79], qui negligent cependant la conduction thermique dans le gaz chaud, montrent que T(r)/T 2 (r s ) oc (r/r s )~ 4 ' 3 , r etant le rayon. Par ailleurs, la densite decroit vers 1'interieur, plus rapidement encore que la temperature n'augmente. La moitie du gaz a 1'interieur du choc se trouve dans les 6,1 % exterieurs du rayon du choc, et les 3/4 dans les 12,6 % exterieurs. La densite et la temperature dans ces couches sont respectivement 0,50p2 et 1,31T2, et 0,28/92 et 1,78T2. p2 est relie a /?i, la densite ambiante, par 1'equation 11.26. C'est dans cette zone que sont emis le continuum et les raies X des restes de supernova. Tout 1'interieur de la cavite du reste de supernova est done rempli de gaz chaud de densite assez faible, qui ne se refroidit qu'adiabatiquement et qui se repandra dans le milieu interstellaire general a la fin de 1'evolution du reste de supernova. La conduction thermique dans le gaz chaud modifie considerablement ces resultats, sans cependant affecter beaucoup la dynamique du choc. D'une maniere generale, le flux de chaleur Q par unite de surface en presence d'un gradient de temperature VT est donne par
ou K est le coefficient de conductivity thermique. En 1'absence de champ magnetique, K est donne par
305
ou I est le libre parcours moyen, vrms = (SfcT/ra)1/2 la vitesse thermique quadratique moyenne, n la densite et ra la masse des particules du gaz. Pour un milieu neutre, / est donne par 1'equation 11.34. Pour un milieu fortement ionise, qui nous interesse ici, le libre parcours moyen est (Lang [280])
avec
Ici, ra est la masse des particules concernees, Z leur nombre de charge, vrms leur vitesse quadratique moyenne, e la charge elementaire, et ne la densite electronique1. La conductivity est due essentiellement aux electrons, et on a en premiere approximation K w 110~6T5/2 erg s""1 deg"1 cm"1. Si on utilise cette valeur, on trouve que la temperature et la densite sont presque uniformes a 1'interieur du reste de supernova (Chevalier [80]). On peut alors obtenir tres simplement la temperature du gaz chaud. Dans la solution autosimilaire de Sedov, 1'energie thermique Eth est 0.72 fois 1'energie totale E de la supernova, si bien que la temperature (T) du gaz a 1'interieur du reste est (McKee & Ostriker [337])
ou n est le poids moleculaire moyen ~ 0,7 et M est la masse du reste, qui est explicitee au second membre a partir de la densite n0 du milieu ambiant et du rayon rs du reste. Cependant, la conduction thermique est tres fortement reduite par un champ magnetique perpendiculairement aux lignes de force, tandis qu'elle est peu modifiee le long des lignes de forces. Le cas precedent est done un cas extreme et la realite doit se trouver entre les deux cas que nous avons decrits. Malheureusement on ne sait que peu de choses sur les proprietes du champ magnetique a 1'interieur d'un reste de supernova. Ce probleme est discute par Spitzer [468], section 2.2. Nous insistons sur le fait que le traitement precedent n'est qu'approximatif et que les transitions entre les differentes phases produisent des effets additionnels (Spitzer [468]). Le plus important est le choc inverse, qui se propage vers 1'interieur dans la matiere ejectee, et qui se produit lors de la transition entre la phase d'expansion libre et la phase d'expansion adiabatique. La pression derriere le choc qui resulte de 1'interaction entre le gaz ejecte
1. On remarquera que I est le rneme pour les collisions electron-electron ou proton-proton pour une temperature cinetique donnee, la masse de la particule s'eliminant entre ra2 et v^ms dans 1'equation 12.8 qui donne I.
306
et le milieu interstellaire est grande et tend a se propager vers 1'arriere dans le milieu ejecte. Comme ce milieu se refroidit par rayonnement, la vitesse du son diminue et la perturbation de pression devient supersonique, formant le choc inverse. L'emission de raies visibles dans les restes de supernova jeunes est en grande partie produite par ce choc. Apres le passage du choc inverse, on se trouve dans la phase adiabatique proprement dite.
12.1.3
Lorsque la temperature T% apres le choc tombe aux environs de 106 K, les noyaux d'elements abondants comme C, N et O commencent a se recombiner avec des electrons. L'excitation collisionnelle des ions ainsi formes et remission subsequente de raies augmentent considerablement le taux de refroidissement du gaz electronique, par environ deux ordres de grandeur (Figure 8.5). La densite est assez grande pour que 1'equipartition de 1'energie entre electrons et ions soit rapide. Le refroidissement du gaz est done efficace et le choc devient radiatif. Sa propagation n'est plus maintenue par 1'energie thermique, qui est rayonnee, mais par la quantite de mouvement du gaz. On appelle souvent ce regime chasse-neige (snow plow en anglais). La transition se produit a un rayon de 1'ordre de 15 pc dans un milieu interstellaire de densite 1 cm~ 3 , avec une vitesse d'expansion de 1'ordre de 85 kms"1. L'age du reste de supernova est alors d'environ 4 104 ans. L'enveloppe comprimee par le choc est bien plus mince que dans la phase adiabatique. En raison de la conservation de la quantite de mouvement, le produit Mvs de la masse totale et de la vitesse moyenne de Penveloppe est constant a partir du moment ou on entre dans cette phase. La masse de 1'enveloppe est alors essentiellement d'origine interstellaire, et croit comme r3. On a done :
ou rrad et trad sont les valeurs au commencement de cette phase, disons quand la moitie de 1'energie initiale de la supernova a ete rayonnee. Le milieu chaud qui remplit le reste de supernova a la fin de la phase adiabatique subsiste, et se refroidit adiabatiquement pendant la phase isotherme. II est cependant encore assez chaud (105 a 106 K) a la fin de la vie du reste de supernova, ou il se repand dans le milieu interstellaire, participant a la phase chaude de ce milieu (Section 15.2). Le milieu chaud interne affecte quelque peu par sa pression la dynamique de la phase isotherme : le traitement ci-dessus est done approximatif. Nous avons egalement ignore 1'effet du champ
307
magnetique qui, dans la phase isotherme, peut jouer un role important pour la dynamique du reste de supernova : voir Spitzer [468], section 2.2. Le reste de supernova se dissipe lorsque la vitesse finale du choc Vf est de 1'ordre de la dispersion de vitesses dans le milieu interstellaire, environ 9 kms" 1 . L'energie cinetique (l/2)M/i^ du reste de supernova a ce moment est communiquee au milieu interstellaire general. Le rayon est alors de 1'ordre de 40 pc et Page de 1'ordre de 106 ans. II est interessant de savoir quelle est 1'efficacite r\ de conversion de 1'energie initiale E de la supernova en energie cinetique du milieu interstellaire. On peut ecrire
ou Mrad et vrad sont les valeurs prises au debut de la phase radiative (isotherme). Nous avons vu que 1'energie cinetique dans la phase adiabatique, done au debut de la phase radiative, est 28 % de 1'energie totale. Comme d'autre part on a MfVf = MradVrad,
Supposons que la transition entre les deux phases se produise lorsque la temperature T2 est de 1'ordre de 105 K. Alors vrad ~ 85 kms" 1 , et
Les restes de supernova identifies sont generalement plus petits que le rayon rrad ou le modele chasse-neige devient applicable. Mais cette phase existe certainement.
12.1.4
Cette evolution a ete traitee par Reynolds & Chevalier [408]. Dans ces restes de supernova, le pulsar central fournit continuellement de 1'energie, avec un taux qui decroit au cours du temps car cette energie est empruntee a son moment cinetique de rotation. Elle se trouve sous la forme d'une bulle plus ou moins spherique et homogene de particules de haute energie et de champ magnetique, que 1'on detecte par 1'emission synchrotron des electrons relativistes. La pression est sensiblement uniforme dans cette bulle, car la vitesse du son dans le fluide relativiste est tres elevee, ce qui amortit rapidement les fluctuations de pression. La bulle est creusee dans la matiere ejectee par 1'explosion, comme on peut le voir dans la Nebuleuse du Crabe par exemple (Planche 25). Son expansion a 1'interieur de la matiere ejectee cree une coquille qui finit eventuellement par balayer toute cette matiere, si le pulsar n'a pas cesse de fournir de 1'energie. Alors 1'acceleration continue jusqu'a la fin de cette production. Si le pulsar a cesse de fournir
308
de 1'energie avant que la coquille ait englouti toute la matiere, 1'expansion se ralentit. L'evolution ulterieure n'est pas differente de celle des autres restes de supernova si le pulsar a cesse de fournir de 1'energie a ce moment. En raison du ralentissement rapide des pulsars, dont la luminosite evolue comme
avec p 2 et T w 300-700 ans, les plerions sont des objets relativement jeunes et de petit rayon. On peut legitimement penser que la phase plerion est assez commune dans 1'evolution initiale des restes de supernova. D'une maniere generate, il faut avouer que nos connaissances sur les restes de supernova sont encore insumsantes a 1'epoque ou nous ecrivons. La theorie exposee plus haut est rudimentaire et parsemee d'incertitudes. Les observations sont encore insumsantes, en particulier dans le domaine crucial des rayons X, ou se trouvent les meilleurs diagnostics de 1'evolution des restes de supernova. Mais la situation devrait rapidement s'ameliorer avec les observations des satellites X CHANDRA et XMM-NEWTON, comme on pourra s'en rendre compte en examinant les planches 11, et 25 a 28.
12.1.5
Les inhomogeneites du milieu interstellaire produisent evidemment des distorsions dans le reste de supernova. Mais les effets les plus interessants se produisent sur les inhomogeneites denses englouties par le reste. Le passage du choc d'un reste de supernova a travers un milieu inhomogene produit une compression des nuages ou filaments. L'augmentation de pression a la surface d'un tel nuage cree un choc interne qui se propage dans le milieu dense a partir de la surface. La densite du milieu est en general suffisante pour favoriser le rayonnement et abaisser la temperature, rendant le choc isotherme. La pression etant plus grande du cote dirige vers 1'interieur du reste de supernova, le nuage est a la fois accelere vers 1'exterieur et aplati. La pression derriere le choc externe de vitesse vs^e est de 1'ordre de peiv^>e (Eq. 11.27) ou pei est la densite a la surface du nuage. Cette pression est a peu pres egale a la pression derriere le choc interne qui se propage a 1'interieur du nuage et y rencontre une densite p e i, si bien que la vitesse vSii du choc interne est de 1'ordre de
De tels chocs isothermes internes produisent une emission de raies visibles et infrarouges.
309
L'acceleration des petites condensations interstellaires preexistantes sous 1'effet de 1'onde de choc du reste de supernova est probablement a 1'origine des petits nuages ayant une vitesse de 1'ordre de 200 kms" 1 que Ton observe dans le reste de supernova Cassiopeia A, nuages qui ont une composition chimique typique du milieu interstellaire. La vitesse d'expansion du reste de supernova, environ 6000 kms" 1 , est mesuree sur d'autres petits nuages dont la composition chimique tres differente montre qu'ils proviennent de la supernova. La theorie et les simulations numeriques montrent que les nuages interstellaires affectes par 1'onde de choc d'un reste de supernova sont, comme on peut s'y attendre, le siege d'instabilites, notamment de Rayleigh-Taylor, qui finissent par les detruire completement, sauf les parties les plus denses. La conduction thermique agit sur celles des structures neutres denses qui ont subsiste apres le passage du choc de 1'enveloppe du reste de supernova. Elles se trouvent alors immergees dans le gaz chaud ou elles peuvent soit s'evaporer, soit accreter de la matiere. Ces phenomenes ont ete etudies par Cowie & McKee [95] et McKee & Cowie [336]. Le taux d'evaporation d'un globule dense spherique de rayon a inclus dans un gaz chaud de temperature Th est, en 1'absence de champ magnetique (McKee & Ostriker [337])
Cependant si le rayon a du nuage est superieur a 0,16(T/i/106K)2n^1 pc, ou rih est la densite dans le milieu chaud, les pertes radiatives excedent le chauffage par conduction et le nuage croit par condensation. Ces phenomenes peuvent affecter profondement la dynamique du reste de supernova et jouent un role tres important dans la physique du milieu interstellaire a trois composantes de McKee &; Ostriker [337], que nous examinerons section 15.2. Mais, comme nous 1'avons vu, le champ magnetique diminue fortement la conduction d'une fagon mal connue, rendant ces processus moins efficaces : voir Spitzer [468], section 3.
12.1.6
Les restes de supernova sont connues depuis longtemps pour etre des sources d'ondes radio tres intenses. Le rayonnement radio est clairement remission synchrotron d'electrons relativistes (Section 2.2.3), comme le montre le spectre decroissant aux hautes frequences, et surtout la presence d'une polarisation lineaire, qui atteint des valeurs tres elevees dans certaines regions, par exemple de la Nebuleuse du Crabe. Plus recemment, on a decouvert que certaines supernova sont des sources de rayons X non thermiques et de rayons gamma pouvant atteindre des energies de plusieurs
310
TeV (references dans Bykov et al. [65]). Ces emissions montrent que les chocs dans les restes de supernova sont des accelerateurs de particules extremement puissants et efficaces. Pour des raisons observationnelles, c'est le rayonnement radio des restes de supernova qui a ete etudie le premier et qui est le mieux connu parmi ces rayonnements non thermiques. Pour les SN II et SN Ib, le rayonnement radio apparait quelques jours apres 1'explosion, atteint un maximum apres une dizaine de jours aux frequences elevees, plus tard aux basses frequences, et decroit ensuite (Weiler &; Sramek [515]). Le diametre apparent de certains restes de supernova extragalactiques a pu etre mesure tot apres 1'explosion avec le Very Large Array et montre une augmentation avec le temps. Le retard de remission aux frequences plus basses est du a 1'epaisseur optique du rayonnement synchrotron, ou a 1'absorption libre-libre du gaz ionise du reste de supernova (Eq. 5.26), qui sont toutes deux plus grandes aux basses frequences. Les SN la n'ont pas de rayonnement radio a ces stades precoces, ce qui montre que le rayonnement synchrotron est du a des electrons et a un champ magnetique respectivement acceleres et crees par un choc dans le milieu circumstellaire present avant 1'explosion, qui n'existe que pour les SN II et les SN Ib (Chevalier [82]). Les restes de SN II ou Ib plus evolues sont aussi des emetteurs radio, par exemple Cassiopeia A (Planches 26 et 27), qui a un age d'environ 330 ans2. Le cas de Cassiopeia A, le plus jeune connu des restes de supernova galactiques, est interessant car cet objet presente une lente decroissance de son flux radio. Shklovsky [443] a suggere, pour 1'expliquer, que le champ magnetique et les electrons relativistes dont on observe le rayonnement ont ete crees peu apres 1'explosion et remplissent la cavite du reste de supernova. Dans ce modele, 1'expansion du reste produit une decroissance du champ magnetique et une perte adiabatique de 1'energie des electrons relativistes, qui contribuent toutes deux a la diminution du flux radio. On trouvera dans Rohlfs & Wilson [413] une reproduction du calcul de Shklovsky, qui presente un grand interet pedagogique. Cependant ce modele n'explique pas pourquoi 1'emission vient de la surface du reste de supernova plutot que de tout son volume, et presente 1'inconvenient que la decroissance du flux devrait rendre inobservable en radio les restes de supernova ages, ce qui est contraire aux observations. Un autre modele ancien, du a van der Laan [499], suppose que 1'emission provient de la compression du champ magnetique interstellaire et des electrons du rayonnement cosmique par 1'onde de choc du reste de supernova. II peut expliquer les restes de supernova ages, mais ne rend pas compte de 1'emission radio tres forte des restes de supernova jeunes car la densite n'augmente que d'un facteur 4 apres le passage du choc J fort, et le
2. Si 1'explosion de la supernova du Crabe et d'autres supernova a ete rapportee dans des annales historiques, ce n'est pas le cas pour celle de Cassiopeia A, probablement en raison de 1'extinction interstellaire considerable devant cet objet. Son age a ete calcule a partir de 1'observation du mouvement propre d'expansion des filaments qui la constituent (Kamper & van den Bergh [259]).
311
champ magnetique ne peut guere augmenter d'un facteur plus grand (sauf phenomenes secondaires dont nous parlerons plus tard). Van der Laan a done suppose que des electrons relativistes supplementaires ont ete crees dans 1'explosion initiale, mais alors son modele se heurte aux memes objections que celui de Shklovsky. II est done certain que des electrons relativistes sont acceleres dans le choc et que le champ magnetique y est fortement amplifie. Ce probleme a ete traite qualitativement pour la premiere fois par Gull [200]. D'apres lui, 1'instabilite de Rayleigh-Taylor dans la discontinuity de contact derriere le choc (Section 11.5) produit une zone turbulente qui enferme et accelere les electrons relativistes qui survivent de la phase initiale ou qui proviennent du milieu interstellaire environnant. Le champ magnetique est aussi amplifie, et 1'interaction forte entre turbulence, champ magnetique et particules relativistes conduit a une equipartition approximative des energies des particules et du champ magnetique avec 1'energie turbulente. Les electrons relativistes et le champ magnetique peuvent aussi provenir d'un pulsar central, dans le cas de plerions comme la Nebuleuse du Crabe. Ce cas a ete traite initialement par Reynolds &; Chevalier [408]. Depuis Gull, des progres considerables ont ete realises dans la theorie de 1'acceleration des particules chargees dans les chocs, et on a realise que cette acceleration est extremement efficace. Nous y reviendrons plus loin section 12.4, a propos de 1'acceleration des rayons cosmiques. II existe des modeles satisfaisants qui permettre de rendre compte de 1'ensemble des proprietes du rayonnement non thermique des restes de supernova a partir de particules accelerees rayonnant par le mecanisme synchrotron, et par rayonnement de freinage (Section 6.2.2), Compton inverse (Section 6.2.3) et interactions nucleaires (Section 6.2.1). II ne nous est pas possible de decrire ces modeles dans le cadre de ce livre : nous renvoyons aux articles de Baring et al. [20] et de Ellison et al. [142].
12.2
Les bulles
L'essentiel du contenu de cette section est emprunte a 1'article de revue de Tenorio-Tagle & Bodenheimer [484]. Le milieu interstellaire contient des coquilles (ou bulles) d'hydrogene neutre ou ionise, vides en apparence et de grandes dimensions (de 100 pc a 1 kpc ou davantage) : voir Heiles [209]. Elles sont bien visibles sur les cartes Hi et les images en raie Ha de galaxies exterieures (Planches 10 et 29), mais elles existent aussi dans notre Galaxie bien qu'elles soient plus difficiles a voir (Planche 3). Un exemple est la Bulle locale. La vitesse d'expansion de ces bulles a pu etre mesuree dans un certain nombre de cas : leur energie cinetique totale peut depasser 1053 ergs, ce qui montre que ces bulles ne peuvent etre des restes de supernova puisque 1'energie totale liberee par une supernova est inferieure a 1051 ergs. Elles resultent certainement de 1'effet collectif de nombreuses supernova, auxquel s'ajoute
312
1'energie des vents stellaires des etoiles massives (Bruhweiler et al. [63]). Un grand nombre de ces objets agissant dans un intervalle de temps relativement court est necessaire. Ceci ne pose pas de probleme particulier dans certaines galaxies exterieures actives en termes de formation stellaire comme le Grand Nuage de Magellan, ou des centaines ou des milliers d'etoiles massives sont formees dans un meme amas ou association en quelques millions d'annees seulement, mais peut en poser dans des galaxies moins actives comme notre Galaxie ou la galaxie d'Andromede M31. Cependant, meme ces galaxies possedent des amas ou associations tres peuples comme NGC 3603 dans la Galaxie (Brandner et al. [57]) ou NGC 206 dans M31. D'autres possibilites pour former les bulles sont 1'expansion d'une region H n supergeante, qui sera examinee section 12.3.4, et la collision entre un nuage de gaz extragalactique et le disque d'une galaxie. Nous ne discuterons pas ici cette derniere possibilite. Etant donne les grandes dimensions des bulles, leur vitesse d'expansion assez faible (quelques dizaines de km s"1) et le fait que leur coquille ne rayonne pas beaucoup en X et est done relativement froide, on peut supposer qu'elles sont dans la phase d'expansion isotherme. En supposant que 1'ensemble des evenements qui a cree la bulle s'est produit pendant un temps court devant 1'age actuel t de la bulle, ce qui est peut- etre raisonnable car t > 107 ans pour une grande bulle, on peut evaluer 1'energie totale EE de ces evenements par le meme calcul qui nous a permis d'evaluer I'efficacite r\ pour une supernova unique (Eq. 12.15). En prenant une masse de la coquille donnee par 1'expression empirique M ~ 8,5(rs/pc) 2 MQ, rs etant le rayon de la bulle, et une vitesse d'expansion de 20 kms" 1 , une bulle de rayon 1 kpc a une energie cinetique de 3,4 1052 ergs ce qui implique d'apres 1'equation 12.15 une energie initiale EE = 5 1053 ergs, soit 1'energie d'environ 1000 supernova. Mais ce calcul ne tient pas compte des vents stellaires. L'energie cinetique totale d'un vent stellaire de 3 10~6 M Q /an ends pendant 3 106 ans avec une vitesse de 2 000 km s"1, valeurs typiques pour une etoile massive, est de 1'ordre de 4 1050 ergs, valeur tout a fait comparable a 1'energie d'une supernova. On peut done diviser par deux environ le nombre de supernova requises, 1'energie totale par etoile progenitrice etant done d'environ 1051 ergs. Un calcul simple peut-etre plus realiste que 1'evaluation precedente est celui de McCray & Kafatos [334], qui suppose que les supernova explosent a un taux sensiblement constant correspondant a un intervalle entre explosions Ar (50/A/*)106 ans, ou TV* est le nombre total d'etoiles massives progenitrices de supernova. La puissance injectee dans la bulle est done E'/Ar = 6,3 1035('/1051 ergs) ergs s"1. On trouve alors que, pour une densite constante no du milieu inter stellaire, le rayon de la bulle est
Cependant la densite diminue quand on s'eloigne du plan galactique, et la pression a 1'interieur de la bulle diminue egalement car la bulle tend a se vider
313
FlG. 12.1 - Simulation hydrodynamique de 1'aspect d'une bulle causee par 1'explosion sequentielle de supernova dans un disque de galaxie dont la densite decroit de fagon gaussienne en z. Les parametres du gaz ambiant du disque sont n ~ 1 cm'3 dans le plan et une echelle de hauteur z0 de 100 pc. L'intervalle entre supernova est de 2 105 ans et Page est de 5,6 106 ans. Chaque supernova fournit une energie de 1051 ergs. Les marques en abscisses et en ordonnees sont distantes de 250 pc. Les contours indiquent la densite dans le plan de symetrie, et les fleches la vitesse. Les structures sont dues a Pinstabilite de Rayleigh-Taylor. D'apres Tenorio-Tagle et al. [485], avec 1'autorisation de 1'ESO. dans le halo. Lorsque le rayon de la bulle atteint 1'echelle de hauteur z0 du gaz dans le disque galactique, on peut admettre la conservation de la quantite de mouvement dans le plan de la Galaxie, ce qui donne approximativement rs(t) z0(t/to)0'25, ou t0 est le temps mis pour que le rayon atteigne ZQ. La bulle est alors observable sous la forme d'un cylindre creux dont les parois montent presque perpendiculairement au plan galactique, formant une cheminee par laquelle s'echappe le gaz chaud qui remplit 1'interieur de la bulle. On retrouve ces resultats dans les simulations numeriques comme celle qui est presentee figure 12.1. De telles cheminees sont observees en raie 21 cm dans des galaxies exterieures vues par la tranche (Planche 31). Dans notre Galaxie, on a observe une structure emergeant du plan galactique qui ressemble beaucoup au champignon forme par une explosion nucleaire aerienne comme celle de Bikini (Planche 31 ; English et al. [154]). Nous n'avons probablement pas affaire ici a une cheminee classique, mais plutot au resultat de 1'explosion d'une supernova unique a une certaine distance du plan galactique.
314
Un autre effet est la deformation des bulles due a la rotation differentielle du disque (Tenorio-Tagle & Palous [486]). Les restes deviennent elliptiques a partir de 107 ans environ. Ces ellipses sont de plus en plus allongees et s'alignent progressivement dans la direction de la rotation. Ces deformations sont effectivement observees dans les galaxies et donnent des contraintes interessantes sur Page des bulles. Enfin 1'interaction entre bulles voisines produit une sorte de mur de gaz dense (Yoshioka & Ikeuchi [538]). Un tel mur a ete observe en raie 21 cm et par son absorption UV et X entre la Bulle locale et une autre bulle (Egger & Aschenbach [139]).
12.3
Au chapitre 10, nous avons examine du point de vue physico-chimique 1'interface entre une region Hll et le gaz neutre qui 1'entoure. Nous aliens maintenant 1'etudier du point de vue dynamique. Un bon article de revue est celui de Yorke [536], mais on trouvera aussi des renseignements interessants dans Kaplan [260], sections 3.11 et 3.15, Spitzer [467], section 12.1, et dans Tenorio-Tagle & Bodenheimer [484]. Ici, nous ne pouvons aborder tous les nombreux aspects du probleme, et ne traiterons pas en particulier de la formation des regions Hll ultracompactes et compactes autour des etoiles jeunes dans les nuages moleculaires, pour lesquelles la rotation de 1'etoile et le vent stellaire jouent un role important. On trouvera quelques elements correspondants dans les references ci-dessus. Le gaz ionise et le gaz neutre autour d'une region H n sont separes par une discontinuity qui progresse dans le milieu neutre car les photons issus des etoiles chaudes centrales ionisent continuellement de nouveaux atonies d'hydrogene dans une mince couche du milieu neutre. De plus, la pression dans le gaz ionise est considerablement superieure a la pression dans le gaz neutre, ce qui conduit a une expansion du milieu ionise. La discontinuity ou front d'ionisation, agit comme un piston qui avance en general a une vitesse superieure a la vitesse du son dans le gaz neutre, et induit done un choc dans ce gaz. Ce choc se propage dans le milieu neutre comme une deuxieme discontinuity.
12.3.1
Le front d'ionisation
Les equations qui regissent le mouvement de ces deux discontinuites sont analogues aux equations generates d'un choc. Considerons d'abord le mouvement du front d'ionisation. Le flux de matiere a travers ce front est fixe par le flux de photons ionisants. Nous supposerons pour simplifier que le milieu neutre n'a pas de mouvements paralleles au front, et nous negligerons le champ magnetique. Ces simplifications sont assez justifiees, sauf en ce qui concerne le champ magnetique a 1'interface avec un nuage moleculaire dense.
12.3 Dynamique des regions Hu L'equation de continuite du flux de masse (Eq. 11.16) devient
315
ou J est cette fois le flux d'atomes d'hydrogene a travers le front, qui vaut (Section 5.1.1)
ou yUi/nH est la masse moyenne qui traverse le front par ionisation elementaire (de 1'ordre de 1,4 ran pour tenir compte de I'helium et des elements lourds), 5(0) est le flux de photons ionisant 1'hydrogene, qui est donne par la tableau 5.1 en fonction du type spectral de 1'etoile, et rs la distance a 1'etoile ionisante (rayon de Stromgren)3. Le facteur exp(r) represente 1'absorption des photons du continu de Lyman par la poussiere dans la region HII. II est incertain car les proprietes de la poussiere aux tres courtes longueurs d'onde sont mal connues, en particulier dans les regions Hu. On le prend souvent de 1'ordre de 0,5. Une expression probablement plus exacte est donnee par Bertoldi & Draine [30]. L'equation de conservation du flux de quantite de mouvement (Eq. 11.17) s'ecrit simplement
ou /ii et jjL-2 sont les masses moyennes des particules du gaz de part et d'autre du front (respectivement 1,4 et 0,7 environ). On devrait en principe ajouter au membre de droite un terme correspondant a la pression de radiation dans la zone de transition, qui est (foz/o/c)[S(0)/47rr 2 ]e~ T , mais ce terme est negligeable vis-a-vis du reste. La discussion des differents types de front d'ionisation est assez compliquee. Nous presentons ici a titre illustratif une version simplifiee d'apres Kaplan [260], qui utilise la condition supplementaire suivante, dite condition du point de Jouguet pour les ondes de detonation, dont les proprietes sont proches de celles des fronts d'ionisation : si la pression dans la region HII n'est pas trop elevee, le gaz juste ionise derriere le front se repand librement dans la region Hil, a la vitesse du son C2 par rapport au front 4 . Nous insistons sur le fait que cette condition n'est pas toujours remplie, et que les cas que nous allons decrire sont des cas limites. Si elle est remplie, on a
3. Bien entendu, s'il y a plusieurs etoiles excitatrices, il faut ajouter leurs contributions. 4. Ici nous utilisons la vitesse du son adiabatique pour simplifier. Cependant, le refroidissement des regions H n etant assez rapide, la vitesse du son est plutot proche de la vitesse isotherme c// = (kTz/^zmH)1/2.
316
En substituant cette equation dans les equations 12.20 et 12.21, on obtient immediatement les valeurs des densites p2 et p\
ou puisque TI <C T2
Le signe correspond a une onde de rarefaction, ou la densite dans la region Hll est inferieure a la densite dans le milieu neutre. Le signe + correspond a une onde de compression ou la densite dans la region Hll est plus grande que celle dans le milieu neutre. Les deux cas existent dans la nature comme nous le verrons plus loin, mais seule 1'onde de rarefaction est rencontree dans les regions H n bien developpees. Les parametres du front d'ionisation sont entierement determines par les equations ci-dessus si les temperatures devant le front TI et derriere le front T2 sont connues. T\ doit etre estime independamment (on verra plus loin comment). T2 joue un role plus important. Si la densite derriere le front est suffisamment grande, ce qui est le cas dans une onde de compression par exemple, la temperature T2 est approximativement egale a celle dans la region H n, qui est determinee par 1'equilibre thermique et est de 1'ordre de 10 000 K. Mais si la densite derriere le front est faible, il faut calculer T2 par 1'equation de conservation du flux d'energie
Le dernier terme de 1'equation rend compte du chauffage du gaz par 1'ionisation, CQ etant 1'energie moyenne communiquee par le photon ionisant au photoelectron, qui depend de la temperature effective de 1'etoile excitatrice.
317
On neglige ici le refroidissement du gaz, puisqu'il est suppose peu dense. On deduit de cette equation, en utilisant les equations 12.20 et 12.22
En egalant cette valeur de v\ a celle donnee par 1'equation 12.28 on obtient une equation permettant de determiner T2, T\ etant donne. On obtient finalement les valeurs de toutes les quantites interessantes comme suit. - Onde de compression (solution critique de type R}5 :
Avec 7 = 5/3, le saut de densite pz/pi est de 8/3 pour un front de compression et peut etre aussi faible que 1/60 pour un front de rarefaction. La vitesse d'un front R est d'environ 26 kms" 1 (mais voir plus loin une valeur plus exacte), celle d'un front D est beaucoup plus faible, de 1'ordre de 0,2 kms" 1 . Un front R est done supersonique, un frontD subsonique. Etant donne la gamme habituelle des valeurs de SQ et de eo (4 a 7 10~12 erg), et en prenant T\ = 1000 K, on trouve des valeurs de la temperature T-2 comprises entre 9000 et 15000 K derriere un front de compression, et entre 3000 et 6000 K derriere un front de rarefaction. Le gaz se rechauffe ou se refroidit ensuite, selon le cas, jusqu'a atteindre la valeur d'equilibre dans la region Hll, qui est de 1'ordre de 10000 K.
12.3.2
Le choc
En vertu des equations 12.31 ou 12.32, la valeur p\ de la densite devant le front d'ionisation est fixee par le flux de photons ionisants et par 1'energie moyenne du photoelectron. Elle n'a rien a voir avec la densite moyenne pQ
5. La notation R signifie gaz rarefie puisque le front rencontre dans ce cas un gaz de faible densite. 6. D est pour gaz dense puisque le front rencontre un gaz plus dense que celui de la region H n.
318
dans le milieu neutre oil progresse le front d'ionisation. On s'attend done a ce que le front d'ionisation soit precede d'une perturbation de densite done de pression, qui est soit une onde de compression si pi > po, soit une onde de rarefaction si p\ < PQ. Ces ondes se propagent a la vitesse du son dans le milieu neutre. Cependant, dans le cas d'un front d'ionisation de compression (front R) dont la vitesse est supersonique, une telle perturbation ne peut se propager que si elle est du type rarefaction et adiabatique, auquel cas elle peut eventuellement atteindre une vitesse plus grande que celle du front. En revanche si le front d'ionisation est un front de rarefaction D, le front est subsonique et une perturbation peut le preceder dans tous les cas. Cette perturbation est generalement une onde de compression, car la compression devant le front d'ionisation est telle que le plus sou vent p\ > PQ. Elle peut devenir supersonique, formant un choc, car la vitesse du son diminue lorsqu'on penetre dans le milieu neutre dont la temperature est notablement inferieure a TI. Tout ceci rappelle le choc inverse que nous avons rencontre dans les restes de supernova (Section 12.1.2). Le traitement analytique de cette configuration est difficile, mais une solution auto-similaire peut etre trouvee pour un fiot plan, dans le cas ou le flux de photons du continu de Lyman est constant : voir Kaplan [260], section 15. Une autre etude approchee, en symetrie spherique cette fois, est celle de Spitzer [467], section 12.I.e. On peut en resumer simplement les resultats de fagon qualitative (Figure 12.2), pour une transition H ii-H I. Le front d'ionisation D est precede d'un choc qui comprime le gaz de la region H I et le chauffe, le gaz restant cependant neutre. La temperature atteinte, qui est la temperature TI en amont du front d'ionisation, est limitee par remission de raies de structure fine, notamment celles de O I, et est probablement de 1'ordre de 1000 K ou un peu plus. Cette temperature determine alors, comme nous 1'avons vu, le rapport de compression du front d'ionisation. Le rapport de 1'epaisseur de la region comprimee au rayon de Stromgren est de 1'ordre de Ti/4T2, soit quelques centiemes. Toute cette region comprimee est en expansion. Dans le modele auto-similaire de Kaplan, sa vitesse par rapport au milieu H I environnant au repos est constante, de 1'ordre de
qui implique que la vitesse du milieu ne peut depasser la vitesse isotherme CTI (kT<2/ nzrrift)1/'2' du son dans le gaz ionise, qui est de 1'ordre de 10 km s"1. On ne confondra pas la vitesse vs du milieu comprime avec i>i, qui est la vitesse relative du gaz comprime et du front d'ionisation, toujours tres faible.
319
FlG. 12.2 - Distribution schematique de la densite p du gaz et de sa vitesse v par rapport au milieu exterieur, dans un systeme consistant en une onde de choc de compression precedent un front d'ionisation de type D (rarefaction). Ces quantites sont portees en fonction du parametre sans dimension 77 = r/(t^/(fcT2)/(/Z2rn,H))t est le temps, les autres quantites sont definies dans le texte. D'apres Kaplan [260]. Devant le front d'ionisation, il y a un flot de gaz juste ionise dont la vitesse decroit a mesure qu'on s'eloigne du front. La densite que 1'on a en moyenne dans la region H n n'est finalement pas tres differente de la densite po dans le milieu interstellaire environnant, ce qui est une consequence normale de la conservation de la masse. II est possible de generaliser ces resultats au cas ou le champ magnetique n'est pas negligeable. Us ne sont pas qualitativement differents.
12.3.3
La structure de gaz comprime qui vient d'etre decrite contient la region de photodissociation qui a fait 1'objet du chapitre 10. Une etude dynamique avec champ magnetique tenant compte de 1'ionisation et de la photodissociation a la surface d'un nuage moleculaire soumis au rayonnement UV d'etoiles chaudes est celle de Bertoldi & Draine [30]. Une autre etude, qui ne tient pas compte du champ magnetique mais inclut les instabilites, est due a Lefloch & Lazareff [293].
320
Une structure semblable existe pres de la surface des globules neutres immerges dans une region Hn. II faut alors en principe effectuer un calcul complet non stationnaire, ainsi que dans le cas de globules denses situes dans un milieu tenu a la surface d'un nuage moleculaire inhomogene. En effet, la composition chimique de la region de photodissociation est alors fortement modifiee parce que les reactions chimiques lentes n'ont pas le temps de se produire. En revanche, dans le cas d'une region HII classique bien developpee, le front d'ionisation ne se propage que lentement dans le milieu neutre (dont la partie interne est aussi la region de photodissociation) car le flux de photons du continuum de Lyman n'est pas tres eleve, et les modeles stationnaires de regions de photodissociation decrits au chapitre 10 s'appliquent. Le petit calcul suivant, d'apres Hollenbach & Tielens [227], montre quelles sont les conditions dans lesquelles il faut faire une etude non stationnaire. Si 1'on suppose pour simplifier 1'equilibre de pression, la temperature etant de 1'ordre de 104 K dans la region H n et de 1000 K dans la region de photodissociation situee a 1'arriere, la densite dans la region de photodissociation (PDR) est HPDR = 2nHii7mi/Tp DR 20nnii (rappelons qu'il y a deux fois plus de particules dans la region H n a cause de 1'ionisation, d'ou le facteur 2). En admettant que 1'evaporation du gaz nouvellement ionise dans la region HII se fait a la vitesse du son isotherme dans le gaz ionise c// ~ 10 kms" 1 , la vitesse du flux de gaz a travers la region de photodissociation est VPDR (^HII/^PDR)C// ~ 0,5 kms" 1 . Le temps que met ce flux a traverser la region de photodissociation est TPDR (-/VPDR/^PDR)/^PDR, ou A^PDR est la densite de colonne dans la partie active de la region de photodissociation, que 1'on peut obtenir par les modeles de regions de photodissociation. En egalant TPDR a TH 2 , le temps caracteristique de destruction de H2, on obtient une vitesse critique du flux de 0,7 kms" 1 , au-dessus de laquelle 1'abondance de H2 est significativement differente de son abondance stationnaire (sans flux de matiere) : en fait elle est plus grande a cause de 1'apport continuel de nouvelles molecules H2. Le fait que la vitesse critique soit aussi proche de la vitesse estimee pour le flux de gaz a travers la region de photodissociation montre que 1'effet de ce flux sur la chimie est important. II a ete etudie de fagon detaillee par Bertoldi & Draine [30] puis Storzer & Hollenbach [473]. En realite, notre hypothese d'une pression uniforme n'est pas exacte. En amont du front d'ionisation se trouve une zone de gaz comprime par la pression du flot de gaz qui vient d'etre ionise, zone dans laquelle se propage le choc dont nous avons parle precedemment. En particulier, 1'augmentation de la pression peut etre forte et soudaine lorsque une region neutre commence a etre exposee a un fort rayonnement UV, par exemple a la suite de 1'allumage d'une etoile ou lorsqu'un fragment dense se trouve expose par la dispersion d'un milieu plus tenu environnant. Cette augmentation de pression cree un choc qui se propage a 1'interieur du milieu neutre.
321
FlG. 12.3 - Structure schematique de la surface d'un globule moleculaire dense expose au rayonnement ionisant et dissociatif d'une etoile chaude. Une couche de gaz neutre dense entre le front d'ionisation et le choc se propage vers 1'interieur du globule, poussee par la pression du gaz ionise qui s'echappe a travers le front d'ionisation, en formant un flot de photo-evaporation. Un front de dissociation est egalement present, separant les zones dominees respectivement par H atomique et par H2. Ce front se trouve ici entre le front d'ionisation et le choc, mais il pourrait se confondre soit avec 1'un soit avec 1'autre. Pour la signification des parametres, voir le texte (VAI et vA2 sont les vitesses d'Alfven dans la zone comprimee et dans le milieu amont, respectivement). D'apres Bertoldi fe Draine [30], avec 1'autorisation de 1'AAS. La figure 12.3 decrit la structure de la surface d'un globule neutre immerge dans un milieu tenu et soumis au rayonnement UV d'une etoile chaude. II est limite par un front d'ionisation de type D, a partir duquel le gaz fraichement ionise s'evapore avec une vitesse proche de la vitesse du son dans la region H n. La region de photodissociation est dans la zone comprimee en amont, et on peut definir un front de dissociation (bien plus epais que le front du choc) ou les abondances de H I et de H 2 sont a peu pres egales. Dans la figure 12.3, ce front est entre le front d'ionisation et le choc, mais dans une phase anterieure le front de dissociation a pu se trouver en amont du choc. Le front de dissociation se propage a 1'interieur du nuage moleculaire a la vitesse
ou rj ~ u,> est la traction ctes pnotons U V incidents qui sont absorDes par H2 (les autres etant absorbes par la poussiere) et fd ~ 0,15 la fraction de ces photons qui conduisent a une photodissociation. FUV est le flux de photons
322
entre 912 et 1110 A, qui est x fis le flux au voisinage du Soleil. Le front de dissociation se ralentit au cours du temps car le flux de photons UV diminue en raison de I'empilement de la matiere en amont. La vitesse du front d'ionisation est donnee par 1'equation 12.33 (voir aussi 1'equation 12.34) et est en general differente de celle du front de dissociation. Si elle est plus grande, le front de dissociation ne peut pas se separer du front d'ionisation et la region de photodissociation ne peut pas se former. Ceci necessite que les etoiles excitatrices soient tres chaudes afin que le rapport du flux dans le continu de Lyman au flux entre 912 et 1110 A soit suffisamment grand. Des fronts confondus ionisation/dissociation pourraient exister a la surface des globules cometaires de la Nebuleuse de Gum, qui sont des petits globules neutres en evaporation localises dans une region H n etendue de faible densite, et qui sont illumines par les etoiles tres chaudes Puppis et 72 Velorum. La Nebuleuse d'Orion contient aussi des globules cometaires (Planche 30) qui sont souvent des disques protostellaires en train de s'evaporer et qui pourraient ne pas former d'etoiles. On s'attend alors a ce qu'il y ait tres peu de H neutre autour de ces globules, et que la chimie soit differente de la chimie habituelle des regions de photodissociation, avec formation de Hj, et aussi de Hj produit par H+ + H2 -> H+ + H. On peut aussi avoir fusion du front de photodissociation et du choc dans certains cas. Mais meme en dehors de ces cas extremes, la physico-chimie de la region de photodissociation peut etre affectee par ces phenomenes non stationnaires et necessiter un traitement dependant du temps : voir Bertoldi & Draine [30] pour details. Les structures non stationnaires que nous avons decrites peuvent etre identifiees aux bords brillants incurves souvent observes a la limite des regions HII, dont certains ressemblent a des doigts ou a des trompes d'elephant (Planches 20 et 22). Leur partie la plus brillante correspond a la couche relativement dense de gaz recemment ionise, dont 1'observation spectroscopique montre qu'elle a une vitesse de 1'ordre de c// ~ 10 kms" 1 par rapport au gaz ionise. Un calcul simple du a Spitzer [467] permet d'obtenir les ordres de grandeur des parametres de ces objets. Soit JQ le flux ionisant a 1'exterieur de la couche ionisee dense (Eq. 12.21), et J le flux ionisant qui parvient sur le front d'ionisation, qui est inferieur a JQ en raison de 1'absorption dans cette couche. Supposons que le front d'ionisation ait un rayon Ri et que le gaz ionise ait une expansion spherique : la densite dans le milieu ionise au rayon R > Ri est, etant donnee la conservation de la quantite de matiere
La difference entre JQ et J est simplement le nombre de recombinaisons dans une colonne de section 1 cm2 a travers la couche ionisee. On a done
323
ou on a effectue 1'integration en utilisant 1'equation 12.36. Le coefficient de recombinaison a est intermediate entre a et a^ donnes respectivement par les equations 5.8 et 5.15, car une partie des photons du continu de Lyman resultant des recombinaisons s'echappe de la couche. De plus 1'equation 12.37 n'est strictement valable que dans la direction de 1'etoile ionisante, et nous supposons pour simplifier qu'elle s'applique a tout I'hemisphere interne. La solution de 1'equation 12.37 en Jo/J est
Prenons Ri = 0, 2 pc, a = 4 10~13 cm3 s"1 et c// = 10 kms" 1 . A 9 pc d'une etoile O7V, pour laquelle le tableau 5.1 donne 5(0), on trouve JQ/J ~ 8 et Hi w 100 cm~ 3 juste derriere le front d'ionisation. D'apres 1'equation 12.24, la densite des atonies neutres juste devant le front est de 1'ordre de 3 104 cm~ 3 . Le gaz a probablement ete comprime par un choc. L'epaisseur de la couche ionisee dense est de 1'ordre de 15 a 20 % de Ri, ce qui correspond assez bien aux observations. L'effet de fusee du gaz ionise du cote expose du nuage neutre I'accelere, la quantite de mouvement echangee par seconde etant de 1'ordre de cudM/dt, ou M est la masse du nuage. dM/dt est egal au taux d'ionisation du gaz et vaut
ou MQ est la masse initiale du globule. II est clair que si la region H n se forme dans un milieu fragmente, les phenomenes ci-dessus donneront des irregularites de densite et des champs de vitesse compliques a 1'interieur de la region Hll, qui subsisteront meme apres que le gaz y a ete entierement ionise. C'est probablement 1'origine des fluctuations de densite souvent importantes qui sont observees dans les regions Hll, mais la turbulence peut aussi jouer une role (Chapitre 13).
12.3.4
L'evolution classique d'une region Hll supposee spherique comporte les etapes suivantes.
Phase de formation
Une etoile (ou plusieurs) commence a emettre des photons ionisants au sein d'un milieu neutre, suppose pour simplifie uniforme et infini. Un front
324
ou S(r) est le nombre total de photons ionisants qui parviennent par seconde au rayon r du front. Ce nombre est relie ail flux ionisant 5(0) de 1'etoile par une equation que Ton etablira facilement a partir des equations de la section 5.1.1. L'integration de cette equation donne
ou TS est le rayon de Stromgren donne par 1'equation 5.16. Quand la vitesse du front tombe en dessous d'une valeur critique de 1'ordre de 2c//, c// etant la vitesse du son dans la region HII, le front d'ionisation devient de type D et une onde de choc le precede. Ceci se produit a un rayon r tel que
On peut verifier que cette valeur critique du rayon n'est inferieure au rayon de Stromgren que de quelques %. Cette transition marque la fin de la phase de formation. Les etudes numeriques detaillees de la phase initiale montrent que la temperature est notablement plus elevee dans le front d'ionisation que la temperature d'equilibre dans le reste de la region HII. Ceci permet le diagnostic de cette phase. Phase d'expansion Cette phase correspond a la configuration front D / choc de compression decrite plus haut. La vitesse de cet ensemble est de 1'ordre de 10 kms" 1 initialement, et est reduite de moitie pour r = Irs- L'expansion se termine soit lorsque qu'un equilibre de pression s'etablit entre la region neutre et la region ionisee (r ~ 5rs), soit lorsque les etoiles centrales terminent leur evolution sur la sequence principale et cessent d'emettre des photons ionisants, ce qui marque le debut de la phase de recombinaison. Phase de recombinaison L'evolution des regions H n fossiles durant cette phase depend de la maniere dont le flux ionisant diminue avec le temps. Yorke [536] fait, a partir des simulations numeriques de differents auteurs, les remarques generates suivantes. La decroissance du flux ionisant cause une retrogradation du front d'ionisation, qui peut etre supersonique si le flux diminue rapidement. En raison de son inertie, le gaz neutre resultant de la recombinaison reste en expansion, precede du choc maintenant maintenu par 1'inertie qui se propage dans le milieu neutre environnant. La region H n garde alors 1'apparence
325
d'une sphere ionisee, entouree d'une coquille epaisse de gaz neutre de densite comparable a celle du gaz ionise, en expansion a quelques kms" 1 . Les deux dernieres phases correspondent a la formation de bulles de gaz neutres qui s'ajoutent a celles que nous avons decrites section 12.2. Elles sont etudiees en detail par Tenorio-Tagle & Bodenheimer [484].
Expansion dans un milieu inhomogene : la phase champagne
Nous avons suppose dans cette section que 1'expansion de la region HII se fait dans un milieu homogene. C'est evidemment une situation hautement idealisee. Ce qui se passe dans un milieu inhomogene a petite echelle a ete examine section 12.3.3. Mais evidemment 1'expansion dans un milieu inhomogene a grande echelle produira des effets spectaculaires. Comme les etoiles massives ont souvent tendance a se former dans les regions superficielles des nuages moleculaires, la region HII initialement plus ou moins spherique qui les entoure va percer la surface du nuage et se vider par le trou ainsi forme dans le milieu de faible densite qui 1'entoure. C'est la phase champagne, par analogic avec ce qui se passe a 1'ouverture d'une bouteille de ce vin. L'expansion du gaz ionise est pratiquement libre et se produit a la vitesse du son dans ce gaz. Elle forme une cloque (en anglais blister) de gaz ionise a la surface du nuage neutre. La region HII est alors limitee par 1'ionisation a I'interieur du nuage et par la densite (manque de matiere) a 1'exterieur. Un exemple de simulation numerique d'un tel flot est montre figure 12.4. Les flots champagne ont une grande importance pratique car ils offrent un mecanisme efficace pour disperser les nuages moleculaires apres qu'ils ont forme des etoiles.
12.4
Avec le developpement de la radioastronomie, il est devenu evident que les ondes de choc produites par les restes de supernova sont capables d'accelerer tres facilement des electrons, et sans doute des ions. Elles vehiculent une energie de 1'ordre de dix fois celle contenue dans les rayons cosmiques, ce qui rend deja 1'hypothese tres attrayante quant au bilan energetique. Bien que 1'on sache que des particules sont aussi accelerees dans les sursauts solaires et stellaires, ceux-ci ne mettent pas en jeu une energie suffisante pour produire les rayons cosmiques galactiques. Nous rappelerons d'abord quelques notions de base sur la propagation des particules chargees dans un champ magnetique moderement inhomogene et en particulier dans le milieu interstellaire, qui est considere comme parfaitement conducteur en raison de son ionisation et de sa faible densite. Le champ electrique y est toujours nul, et le champ magnetique est suppose gele dans le gaz.
326
FlG. 12.4 - Simulation numerique du champ de vitesses et de la densite (a gauche) dans un flot champagne de symetrie cylindrique, a un temps t 6,6 105 ans apres 1'allumage d'une etoile O produisant 7,6 1048 photons du continuum de Lyman par seconde. L'etoile se trouve a environ 1 rayon de Stromgren de la surface du nuage (triangle sur la figure de gauche). Les contours de la figure de gauche indiquent la densite, en unites de logp, en g cm~ 3 . Les fleches indiquent la vitesse, en module et direction (echelle en has a droite). Les croix marquent les positions ou se trouve le gaz qui etait situe initialement sur la surface du nuage neutre. A droite, la brillance calculee dans le continuum radio a l l cm, vue par un observateur situe a 1'infini dans le plan equatorial. Les contours donnent la brillance en 10~18 erg s"1 cm~ 2 Hz"1. La croix est dans la direction de 1'etoile excitatrice. L'origine et 1'echelle des coordonnees sont differentes dans les deux figures. D'apres Yorke et al. [535], avec 1'autorisation de 1'ESO.
12.4.1
Champ magnetique homogene Une particule de charge e, de masse au repos ra et d'impulsion p, circulant a la vitesse v dans un champ magnetique d'induction B parallele a la direction x, est soumise a la force de Lorentz (Jackson [241])
327
ou 113, iii, U2 sont les vecteurs unite respectivement parallele (indice 3) et perpendiculaires (indices 1 et 2) a B. La trajectoire de la particule est une helice de rayon
Le centre de giration se deplace parallelement a 1'axe x. C'est Vaxe ou le centre, de guidage de la particule dont 1'origine est XQ. L'angle du pas de 1'helice vaut <p arctan(i;||/o;r). De fagon plus generale, pour des ions partiellement ionises de numero atomique A et de charge q, on introduit 1'impulsion par nucleon, pn = p/A, et le rayon de giration devient r = cp/qB cpnA/qB. La grandeur cpnA/q est appelee la rigidite. A haute energie, cp E et le rayon de giration des protons, pour p perpendiculaire a B, vaut en unites pratiques :
Considerons un champ magnetique possedant un faible gradient, (l/Bo)(dB/d), ou est la distance le long de n, vecteur unite normal a B. Par faible, on entend que la variation relative de B n'est pas grande
7. Dans le cas non relativists, 7 > 1, u; > (eB/mc) et depend settlement de B. La frequence de Larmor vaut 2,83 MHz/gauss pour les electrons et 1,61 kHz/gauss pour les protons.
328
a 1'echelle du rayon de giration r, ce qui autorise un traitement au premier ordre. On a pour la frequence de Larmor :
Comme nous savons que le centre de guidage se deplace parallelement a B au cours du mouvement de la particule, nous ne considerons que la composante de la vitesse perpendiculaire a B, vj_ = VQ 4- YI , ou 1'on postule que VQ est constante et que YI est petit devant VQ- En introduisant 1'equation 12.51 dans 1'equation 12.45, et en negligeant le terme d'ordre superieur en vi(l/'Bo)(dE/d^)^ on obtient :
ou X est le centre de giration dans un champ uniforme correspondant a BQPrenons X = 0. En substituant 1'equation 12.53 dans 1'equation 12.52 et en negligeant le deuxieme terme d'ordre superieur en vi, on obtient
On s'attend a un mouvement a peu pres circulaire, et dv\/dt est nul en moyenne sur le temps. D'ou
On sait que x0 deer it un cercle de rayon r. Seule la composante de x0 perpendiculaire a n intervient en raison du produit scalaire (n XQ). On a done pour la moyenne
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FlG. 12.5 - Trajectoire d'une particule de charge positive ou negative dans un champ magnetique soumis a un gradient (I/Bo)(dB/d) de direction n normale au champ. On a suppose que la composante de la vitesse parallele au champ est nulle. Le mouvement de la particule est done dans le plan de la figure. Les vecteurs v, n et B forment un triedre oriente positivement. D'apres Jackson [241]. v# est la vitesse de derive du centre de giration. Si r(l/B0)(dB/d} <C 1, il est clair que la vitesse de derive v# est petite par rapport a la vitesse orbitale UJT. Elle est normale a la direction n du gradient et a celle du champ magnetique B. En un tour, le centre de guidage se decale de
La trajectoire de la particule est representee dans la figure 12.5. Champ magnetique a gradient longitudinal Dans un champ magnetique B(z] a gradient longitudinal, les lignes de force se rapprochent en direction du champ croissant. Le moment angulaire J de la particule autour de son centre de guidage est donne par
En 1'absence d'echange d'energie, le moment angulaire J et le module de Pimpulsion p restent constants. Par consequent, la grandeur sin2 6/B(z] doit rester constante au cours du mouvement. On 1'appelle ^invariant adiabatique. Remplagant p_j_ par eB(z)r/c dans 1'equation 12.60, on trouve aussi r2B = constante, ce qui signifie que le flux magnetique circonscrit par la trajectoire de la particule est aussi un invariant. Revenant au cas general ou v est
330
FlG. 12.6 - Trajectoire d'une particule chargee dans un champ magnetique possedant un gradient longitudinal. Lorsque Tangle de pas 9 = Tr/2, la particule est refoulee, et il se constitue un miroir magnetique. Deux configurations analogues opposees forment une bouteille magnetique ou la particule est confinee. D'apres Jackson [241]. quelconque, on a v2 = V?, + v]_. Au point z = 0, posons B(z) = BQ et v2 = v^_0. De 1'equation 12.60 on tire de suite
II s'ensuit qu'une particule qui circule en direction de B(z] croissant ne peut arriver qu'en un point ou la composante longitudinale de sa vitesse v\\ s'annule. Toute 1'impulsion est alors contenue dans la composante transversale. La composante longitudinale s'inverse et la particule est refoulee. Cette disposition constitue un miroir magnetique, et deux configurations analogues opposees forment une bouteille magnetique (Figure 12.6).
12.4.2
Le champ magnetique interstellaire est beaucoup plus complique que les cas elementaires evoques ci-dessus. Dans le cas general d'un champ
331
desordonne, le probleme devient extremement lourd. II a ete aborde par de nombreux auteurs dans le passe. II faut en principe calculer les trajectoires exactement apres avoir defini les proprietes statistiques du champ (voir par exemple Axford [12]). On peut cependant obtenir une description suggestive, sinon quantitative, des mecanismes en abordant le probleme de maniere phenomenologique avec un modele simple ou Ton introduit deux coefficients de diffusion, 1'un parallele et 1'autre perpendiculaire au champ (Drury [130]). Les fluctuations de la composante transversale du champ magnetique moyen BQ sont donnees par
ou (f> represente la direction du champ magnetique, et E(k) est la densite spectrale des fluctuations de nombre d'onde (frequence spatiale) k. On admet souvent, mais pas necessairement, que E(k] oc fc~5/3, c'est-a-dire que la densite spectrale suit une distribution de Kolmogorov caracteristique de la turbulence (Chapitre 13). Au fur et a mesure que la particule decrit sa trajectoire spiralee, son axe de guidage s'inflechit, et apres N tours sa direction a varie d'un angle (p w Nl/2A(p. Lorsque </? est de 1'ordre de 1'unite, on peut considerer que la particule a perdu la memoire de sa direction initiale. En d'autres termes, la fonction de correlation entre les directions initiale et actuelle est devenue nulle. Nous dirons alors qu'elle a subit un choc diffusant. On a done :
Definissons par l\\ K Nr le libre parcours moyen de la particule entre deux chocs diffusants8. Si sa vitesse est v, la frequence des chocs qu'elle subit est z/|| = v/l\\. Introduisons le coefficient de diffusion D d'une quantite de densite n, defini de fagon generale de fagon que
ou 4>z est le flux de cette quantite dans la direction z le long de laquelle existe le gradient dn/dz. En utilisant 1'equation de conservation de la matiere consideree dans une tranche d'epaisseur infinitesimale perpendiculaire a 1'axe des 2, dn/dt = d(j)z/dz, on a aussi en derivant 1'equation 12.65 par rapport a z
8. On aurait plus correctement ( i y ) = 2TrrN(cos0), oii 0 est Tangle de pas et (cosO) = 2/7T. Un facteur ~ 4 est done neglige dans cette approche en ordre de grandeur.
332
Le coefficient de diffusion etant lie aii libre parcours moyen par la relation D = (l/3)lv, on a alors pour le coefficient de diffusion longitudinal (parallele au champ) :
Le deplacement transversal elementaire vaut a chaque diffusion A</?/_L Ac/?r, et le parcours transversal moyen, qui comme ci-dessus annule la fonction de correlation, est donne par l JV^A^r. Comme TV1/2 Ay? 1 (Eq. 12.64), il s'ensuit que /j_ w r. Apres TV revolutions, le centre de guidage de la particule (ou son axe) a parcouru Nl_\_ en un temps T ~ rN/v. Posant z/j_ = 1/r, on obtient pour le coefficient de diffusion transversal, avec l & r et en utilisant 1'equation 12.64
La moyenne geometrique des deux coefficients (D\\D.)1/2 = (l/3)rv est appelee le coefficient de diffusion de Bohm. On voit aussi que D/D\\ = I/TV 2 . La diffusion transversale est done a priori plus faible que la diffusion longitudinale et correspond a la notion intuitive que les particules restent liees a une ligne de champ ou un tube de force magnetique, ce que de nombreux auteurs ont admis comme base de depart. Mais on a rapidement constate qu'elle ne rend pas suffisamment compte de 1'isotropie et de la distribution des rayons cosmiques dans les galaxies (Section 6.1.3). Pour pallier cette difficulte, on a introduit a la fin des annees 60 la notion de diffusion ou de marche au hasard des lignes de champ (en anglais random walk of field lines), qui introduit un transport transversal supplementaire des particules. Ce terme est malheureusement un peu trompeur. II s'agit en fait d'un mecanisme different que nous aliens decrire sans demonstration. Considerons dans un plan perpendiculaire au champ moyen (B) la section droite du cylindre circonscrit par la trajectoire helico'idale d'une particule. Plagons en cet endroit 1'origine d'une coordonnee s le long d'une des lignes de champ. En s = 0, le champ magnetique forme un faisceau (en anglais braided magnetic field] de section a peu pres circulaire, defini par la trajectoire d'une particuletest. En suivant s, la forme de la section droite se deforme en raison de la topographic irreguliere du champ, bien que son aire reste constante en raison de la conservation du flux magnetique. Si les lignes de force s'ecartent dans une certaine direction normale a (J5), elles doivent se rapprocher selon 1'autre direction normale a (B). Le tube de force s'aplatit et tend a former une nappe
12.4 Acceleration des rayons cosmiques de largeur l\\ exp(s/7L) et d'epaisseur Zy exp(S//L), ou
333
C'est une maniere de quantifier 1'echelle des fluctuations AB du champ (Duffy et ol. [131]). Lorsque 1'epaisseur devient inferieure au rayon de giration r, la trajectoire helicoi'dale d'une particule qui a circule le long de s doit necessairement empieter sur les tubes de force voisins, et 1'axe de guidage n'est plus contenu dans le tube de force initial. C'est dans cette region que la diffusion est la plus efficace. Si ensuite la diffusion longitudinale ramene la particule aux environs de s 0, celle-ci revient sur un autre tube de force, et a subi de ce fait 1'equivalent d'une diffusion tranversale. On peut encore aj outer que le milieu interstellaire est parcouru par des ondes d'Alfven qui introduisent un mouvement reel des lignes de force. On peut exprimer tous ces effets globalement par un tenseur de diffusion : voir par exemple Bieber &; Matthaeus [32], qui donnent une theorie elaboree du probleme que nous avons seulement sur vole. Les methodes numeriques ont donne un nouvel essor et beaucoup plus de realisme aux calculs de diffusion. De nombreux travaux continuent de paraitre sur ce sujet, et des etudes recentes ont permis de traiter quantitativement plusieurs problemes, et par exemple d'etablir les valeurs des coefficients de diffusion pratiquement ab initio, sur la seule base des proprietes statistiques du champ magnetique. A titre d'illustration, citons le travail de Giacalone & Jokipii [180], qui montre que D\\/D ~ 0,02 a 0,04 pour des energies inferieures au GeV ou de 1'ordre du GeV. Une realisation du champ a ete construite a partir d'une loi de fluctuation adoptee, et ensuite les trajectoires ont ete calculees exactement. Des exemples suggestifs sont presentes par les auteurs sous forme de figures. L'interet de ces etudes n'est pas seulement academique. Elles sont tres utiles pour interpreter correctement les observations faites en satellites dans le Systeme solaire, ou le champ magnetique est assez incline par rapport aux directions radiales, et ou par consequent la connaissance de la diffusion transversale joue un role determinant pour remonter aux abondances des elements dans le rayonnement cosmique inter stellaire.
12.4.3
Pertes d'energie
Une particule de haute energie circulant dans le milieu interstellaire ionise le gaz par interaction electromagnetique. La perte d'energie qu'elle subit est donnee par la formule de Bethe-Bloch (Eq. 8.21). Cette formule indique que la perte d'energie par unite de longueur dE/dx decroit avec l/v2 aux energies non relativistes, passe par un minimum d'ionisation au voisinage d'une valeur de 1'energie cinetique ~ 2, 7Mc2, ou M est la masse au repos de la particule, puis croit lentement au-dela. II est courant d'exprimer les pertes d'energie
334
en fonction du grammage L, c'est-a-dire de la masse dans une colonne de section unite suivie par la particule, exprimee en g/cm 2 . On a dL = nAm^dx, ou n est le nombre d'atonies par cm3 dans le milieu traverse et A leur numero atomique. Introduisons le facteur de Lorentz 7 = 1/\A ~~ f 2 /c 2 = 1/\A /32 de la particule primaire, et la perte d'energie en MeV/(g/cm 2 ). On definit la fonction caracteristique
ou (Aeff) est le potentiel d'ionisation moyen de la matiere traversee, que 1'on prend en general 15 eV (Eq. 8.21). L'equation de Bethe-Bloch s'ecrit alors
Ici la charge atomique moyenne z et le numero atomique moyen A sont ceux du milieu. Leur rapport vaut 1 pour 1'hydrogene et ~ 1/2 pour les autres elements. Z est la charge de la particule primaire. La fonction 7(7) (Eq. 12.71) est representee dans la figure 12.7, ou (AEeff) est pris egal a 13,6 eV, le potentiel d'ionisation de 1'hydrogene. 12.4.4 Acceleration des particules chargees
Rappel du mecanisme de Fermi Fermi [162] a propose un mecanisme statistique d'acceleration dans le milieu interstellaire, que nous mentionnons pour des raisons historiques. Considerons une particule d'energie initiale E et de vitesse v (/3 = v/c) circulant dans un milieu peu dense penetre par un champ magnetique turbulent. Soit encore une perturbation magnetique de ce milieu (par exemple un nuage) se deplagant selon 1'axe x a une vitesse U. La particule qui rencontre la perturbation est refoulee par un effet de miroir magnetique (Section 12.4.1), et en repart avec le meme angle de pas 0, mais la direction du centre de guidage a ete inversee par 1'interaction. La particule gagne de 1'energie si la collision est frontale (en anglais head-on) ou directe. File en perd dans le cas inverse (en anglais trailing). Appliquant les transformations relativistes classiques pour passer du referentiel fixe a celui de la perturbation (repere par le '), 1'energie et 1'impulsion de la particule deviennent E' = 7^7(E + Upx} et p'x = JU(PX + UE/c2), avec ju = V'-'- ~ U2/c2. U est ici pris negatif car la collision est frontale. Utilisant les memes relations pour retourner dans le referentiel fixe (repere par les " bien qu'il soit superpose au referentiel de depart), apres avoir change p'x en p'x pour tenir compte du renversement de sens, il vient
335
FlG. 12.7 - Fonction caracteristique des pertes d'energie par ionisation, f ( j ) , pour une particule primaire de masse M en fonction de son energie cinetique T/Mc2 = (7 1) (Eq. 12.71). La perte d'energie en MeV par g cm~ 2 pour une particule de charge Z, circulant dans un milieu de numero atomique A et de charge par atome z, est donnee par Pequation 12.72. puis en remarquant que px/E pcos9/E = vcos8/c2,
Les signes + ou correspondent au signe de U et done respectivement au rapprochement ou a 1'eloignement du miroir magnetique, done respectivement a un gain ou a une perte d'energie. Les collisions directes (rapprochement) sont plus probables que les collisions inverses (eloignement) en raison des vitesses relatives. En moyenne, le gain d'energie 1'emporte done sur la perte, et par la repetition des collisions, 1'energie de la particule croit continuellement avec le temps. Dans le cadre (interstellaire) dans lequel le mecanisme a ete propose par Fermi, il est peu efficace, mais le fait que les particules puissent gagner de 1'energie dans des collisions avec des irregularites magnetiques en mouvement reste a la base des theories actuelles.
336
La nature n'est heureusement pas aussi simple que la physique de premiere annee (Drury [130]). On peut montrer qu'une onde de choc se propageant dans un milieu uniforme n'a en soi que peu d'effet sur les particules (Drury [130]). En revanche, nous aliens voir que les irregularites magnetiques qui lui sont associees et qui diffusent les particules de part et d'autre du choc se revelent tres efficaces. Nous admettrons que le champ magnetique general est parallele a 1'axe x et que 1'onde de choc se deplace a une vitesse vs egalement parallele a x. Elle est representee par une zone de transition, supposee mince par rapport au rayon de giration des particules, qui separe un gaz au repos (le milieu interstellaire) d'un gaz plus dense qui la suit a une vitesse V2 (Section 11.2). On considere done que le champ magnetique n'a pas d'effet sur le choc, que nous supposons etre un choc J fort (Section 11.2.2), mais seulement sur les particules chargees. Considerons des particules tests de densite f ( x , p , t ) dans 1'espace des phases, injectees aux alentours du choc dans des directions isotropes a une vitesse v beaucoup plus elevee que les vitesses dans le milieu. Puisqu'il s'agit de particules tests, nous supposons qu'elles ont une densite suffisamment faible pour que leur reaction sur le choc ou le gaz soit negligeable. Une particule test de 1'amont qui est rejointe par le choc le traverse sans encombre, mais se voit implantee par le champ magnetique dans un milieu se deplagant une vitesse voisine de t>2, elle-meme voisine de vs dans un referentiel au repos si le choc est fort. La particule a done gagne de 1'energie par rapport au referentiel 1 (milieu avant le choc). Comme sa vitesse est beaucoup plus elevee que t>2, elle a une certaine probabilite de retraverser le choc et de revenir vers 1'amont. Elle aura alors gagne une energie donnee par 1'equation 12.74, ou il faut ecrire U = v% v\. A nouveau dans le milieu amont, la diffusion reduit sa composante parallele au deplacement du choc et elle peut etre reprise par le choc. Apres une nouvelle diffusion dans le choc, elle se retrouve a nouveau en amont dans le milieu interstellaire avec un nouveau gain d'energie, et ainsi de suite. Pour traiter mathematiquement ce mecanisme, il est commode de choisir comme nous 1'avons fait au chapitre 11 un referentiel constitue par le plan du choc et sa normale x prise parallele a la vitesse du choc. Le gaz forme alors un flot venant de 1'amont (x < 0) a la vitesse v\ ~ u s , traverse le plan, et s'ecoule vers 1'aval a une vitesse v2 < vs (Eq. 11.28). Les vitesses sont maintenant prises par rapport au choc comme au chapitre 11. Par hypothese, le gaz amont et aval est seme d'irregularites magnetiques qui diffusent les particules chargees. Le probleme pose est done celui d'une diffusion dans un fluide en mouvement, avec des vitesses differentes de part et d'autre du choc. Sur le plan mathematique, cela revient a resoudre une equation de
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diffusion-advection au voisinage d'une discontinuity. L'evolution de la densite f ( x , p , t ) des particules dans 1'espace de phase est donne par :
Le second terme du premier membre inclut le mouvement general des centres de diffusion. Le deuxieme terme du second membre exprime la conservation de 1'energie (theoreme de Liouville). Le terme
est le coefficient de diffusion dans la direction x des particules de vitesse v. Ce coefficient est equivalent au D\\ de 1'equation 12.67. Si le champ magnetique est perpendiculaire au front de choc, le probleme est a une dimension et le coefficient de diffusion transversal n'intervient pas. Le choc oblique, ou B n'est pas parallele a x, ne sera pas traie ici : voir par exemple Drury [130]. Le mouvement des centres de diffusion magnetiques dans le courant general, qui est de 1'ordre de la vitesse des ondes d'Alfven (10 a 50 kms" 1 ), est neglige par rapport aux vitesses v\ et v-i, et a fortiori par rapport a la vitesse des particules accelerees. Le rayon de giration r des particules de masse atomique A et de charge q vaut
ou pn est 1'impulsion par nucleon. Le libre parcours moyen est l(r) ~ rT(r), ou 1(r] est la puissance spectrale des irregularites magnetiques. Admettons encore que Z(r) est independant de r et de 1'ordre de 1 (spectre blanc). On a done finalement l(r) ~ r. Le libre parcours moyen ne depend pas de la nature de la particule, mais seulement de son rayon de giration (ou de sa rigidite). Le fait que /(r) w r est assez naturel, car la particule ignore les irregularites petites devant r, et elle ne fait que suivre sans heurt les grandes irregularites. L'equation 12.75 peut etre resolue par un traitement mathematique rigoureux (par exemple Drury [130] et references incluses). Nous aliens cependant suivre la presentation plus suggestive de Bell [26] qui fait bien ressortir la physique a 1'echelle microscopique. Dans le referentiel choisi, il est naturel de rechercher une solution stationnaire. Comme df/dt et dv/dt sont nuls en dehors du choc, 1'equation 12.75 se reduit en aval a
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ou a et b sont des constantes. D(x,p) etant fini, mais x pouvant s'etendre a 1'infini, le second terme diverge. Une solution physique impose done que b soit nul, et done f ( x , p ) constant. Le flot de particules tests en aval loin du choc est egal a V2/(x,p) D ( d f / d x ) , qui est egal a v-2f(Q,p). Cela represente le flux de particules qui echappent du choc a grande distance en aval. On peut estimer que la diffusion etant isotrope, le nombre de particules qui remontent le courant et traversent le choc, puis le retraversent vers 1'aval par unite de temps est (l/4)i>/(0,p). De ces particules, V2/(Q,p) s'echappent, entrainees vers Paval, alors que le reste diffuse a nouveau vers 1'amont. La probabilite d'echapper (faible) vaut done
Lorsqu'une particule d'energie Ek passe de la region 1 a la region 2, son energie devient (voir les equations 12.73 et 12.74)
puis lorsqu'elle revient dans la region 1, son energie est devenue telle que
Dans ces equations, Vk est la vitesse de la particule et les indices 1 et 2 signifient que les particules passent de 1 vers 2, et de 2 vers 1 respectivement9. Si les particules ont ete injectees avec une energie EQ, apres / cycles leur energie est donnee par
En introduisant les valeurs de Ek et Ek+i et prenant le logarithme pour transformer le produit en une somme
9. Bell donne le quotient (sa formule 4, p. 149) et non le produit des deux quantites entre crochets dans Pequation 12.82. II s'agit apparemment d'une erreur d'ecriture qui n'a pas de consequence sur la suite.
339
Pour que le gain d'energie soit appreciable, il faut que / soit au moins de 1'ordre de c/(v\ v-z) que nous ecrivons
ou O( } signifie de Vordre de. Admettons que la vitesse de la particule Vk ~ c, ce qui allege 1'ecriture sans alterer gravement le raisonnement, et qui est de toute fagon legitime aux tres hautes energies. Comme les termes successifs sont peu differents les uns des autres, on peut encore admettre que les sommes peuvent etre remplacees par les produits de la valeur moyenne des termes d'indice 1 et 2 par /, ce qui donne :
Le nombre de particules qui traversent le choc entre 0 et 0 + dO est proportionnel a 2yr sin 6 cos OdO. Le premier terme est negligeable. Faisant la moyenne sur les angles de 0 a Tr/2 pour 1'indice 1 et de TT a vr/2 pour 1'indice 2, developpant le logarithme et se limitant au premier ordre en (v\ 1*2)/c, il vient simplement :
car la moyenne de cos 9 ponderee par 1-n sin 9 cos 9 vaut (4/3) (cos3 0)/(sin Iff), a prendre entre les limites. La probabilite PI qu'une particule ait subit / cycles, et que par consequent elle ait atteint 1'energie EI , est
340
avec
Le terme 1 + O[(v\ V2)/c] est petit et peut etre neglige dans la suite. Le resultat important que nous avons obtenu est que le spectre des particules accelerees a la forme d'une loi de puissance, alors que nous n'avions pas specific la distribution de 1'impulsion des particules tests, f ( x , p ) , (ou de leur vitesse, v). Une distribution initiale arbitraire n'apparait done pas dans le resultat final. La memoire du spectre initial des particules a ete totalement effacee ; c'est la une caracteristique universelle de Pacceleration stochastique derivee du mecanisme de Fermi. Pour un choc J fort dont la vitesse vs est grande par rapport a la vitesse d'Alfven VA, vi/v? K. 4 (Eq. 11.28), d'ou n = 2, qui est voisin de 1'exposant que 1'on observe (en fait un peu inferieur). Ces conclusions tres encourageantes ne doivent pas nous faire oublier les hypotheses et les importantes simplifications que nous avons introduites. 1. Nous avons admis que les particules tests avaient une vitesse initiale plus grande que celle du choc, de telle sorte qu'elles puissent remonter le courant. On peut bien envisager qu'elles proviennent par exemple de la queue supra-thermique de la distribution d'energie des ions dans les couronnes stellaires, mais il faudrait alors que ces ions aient diffuse jusqu'au voisinage des chocs : or les pertes d'energie au cours du trajet sont prohibitives. II semble done necessaire que les chocs soient capables de puiser les particules directement dans la region ou ils circulent (Eichler [140]). La condition est presque satisfaite si 1'on admet que des ions du milieu interstellaire inseres dans le choc y acquierent d'entree de jeu une vitesse relative au moins egale a celle du choc (ce qui correspond a ~ 106 K) en plus de leur vitesse thermique. 2. Le calcul du spectre que nous avons fait est en principe restreint aux particules ultra-relativistes. II est possible de lever cette restriction, mais il reste necessaire que la vitesse initiale des particules soit superieure a celle du choc. On trouve alors que le spectre a la forme (Bell [26])
ou ER = me2 est 1'energie au repos de la particule et TO son energie cinetique. II s'ensuit que la pente des spectres est plus plate par une unite en dessous de ~ I GeV pour les protons, et de ~ 0,5 MeV pour les electrons. 3. Nous n'avons pas pris en compte la reaction des particules accelerees sur la nature et 1'evolution du choc. Elle n'est cependant pas negligeable, car la quantite d'energie contenue dans les rayons cosmiques est d'environ
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1/10 de 1'energie initiale dans les restes de supernova. Les particules qui s'echappent vers 1'avant du choc generent des ondes d'Alfven qui exercent une pression sur le gaz en amont et constituent un precurseur magnetique du choc. Ces ondes interagissent entre elles, deviennent rapidement isotropes, et produisent les irregularites magnetiques diffusantes dont 1'existence a ete postulee. En aval du choc, on observe en effet que le milieu est tres chaud et turbulent. II est interessant de constater que les particules accelerees generent elles-memes les irregularites du champ magnetique qui sont necessaires a leur acceleration. Acceleration dans les chocs modifies Les restrictions qui viennent d'etre mentionnees peuvent etre largement levees par les methodes numeriques, qui permettent entre autres de traiter la diffusion des particules a partir de 1'energie la plus basse, c'est-a-dire depuis le debut de I'acceleration, et de tenir compte de la reaction des particules accelerees sur le profil du choc. Traites de cette maniere, les chocs sont parfois appeles chocs modifies. En se fondant sur les mesures de la sonde ULYSSES dans le milieu interplanetaire, ou le champ magnetique et le spectre des particules sont mesures in situ, Baring et al. ([19] et references incluses) ont montre que le choc est capable d'accelerer les ions du milieu interstellaire lui-meme, sans aucune injection, et que le mecanisme d'acceleration par la turbulence associee aux chocs peut expliquer les observations de fagon satisfaisante. A titre d'illustration, nous aliens presenter plus en detail 1'etude d'Ellison et al. [141] sur 1'origine des rayons cosmiques galactiques. L'interaction entre 1'onde de choc et les particules qui sont accelerees est supposee etre en regime stationnaire. La diffusion des particules est traitee par une methode de Monte-Carlo, en commengant par leur energie thermique : on ne postule aucune injection. De plus, bien que 1'esprit soit le meme, la modelisation du mecanisme d'acceleration est beaucoup plus complete que ce qui est dit au debut de cette section. Les particules ne sont plus des particules tests, mais au contraire la pression qu'elles exercent est prise en compte. On trouve qu'elle repousse et comprime le gaz progressivement vers 1'amont, et que le choc n'est plus une discontinuite, mais une zone ou la vitesse varie progressivement. Le profil des vitesses est represente figure 12.8. L'abscisse x est donnee en unites de IQ = 777*0, ou TO est le rayon de giration d'un proton qui aurait la vitesse vs du choc. On admet 77 1, ce qui signifierait N = 1 dans 1'equation 12.64 et correspondrait a une tres forte turbulence. IQ est done le libre parcours moyen qu'aurait un proton ayant la vitesse du choc. Dans un cas typique ou vs = 400 kms" 1 (trait plein), les particules penetrent pour la premiere fois dans le choc vers x ~ 1010/o- Le rayon de giration initial, et par consequent
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FlG. 12.8 - Distribution de la vitesse U du gaz dans une onde de choc dans le referential de 1'onde, en fonction de la distance au plan du choc, x. Le gaz circule de gauche a droite (vient de x negatif). L'echelle, en unites de lo = rjro (voir le texte), est lineaire de x 5 a -10 IQ, puis logarithmique jusqu'a -logo: = -log(1012). L'echelle verticale donne la vitesse du gaz normalisee a la vitesse du choc (ici v s k ) Les trois courbes correspondent a trois valeurs de la vitesse du choc comme il est indique. D'apres Ellison et al. [141], avec 1'autorisation de 1'AAS.
Pour des particules de masse A, de charge (partielle) <?, une vitesse du choc de 400 km/s et un champ de B = 5 //G, le libre parcours moyen initial est donne par
L'epaisseur de la zone d'acceleration (~ 1010o ~ 8 1018 cm) s'etend done sur une distance de 1'ordre du parsec ou davantage. Le gradient de vitesse indique une compression progressive du gaz. Soit v(x) la vitesse du gaz en un point x en amont du choc. La matiere se deplace done a la vitesse vs v(x]
343
dans le referential du choc ; de part et d'autre, les vitesses v(x Ax), et done la matiere, convergent vers x. II regne la des conditions ideales pour un mecanisme de Fermi efficace ou les particules sont confinees entre deux zones diffusantes convergentes. Cette zone de contraction traverse le choc en quelques centaines d'annees. L'examen de la figure 12.8 per met de saisir intuitivement les consequences que 1'on peut tirer de cette approche. 1. En raison de 1'equation 12.77, les atonies partiellement ionises plus lourds que 1'hydrogene ont un rayon de giration initial (a la vitesse vs du choc, mais avec A/q > 1) plus grand que les protons. Par consequent ils penetrent plus avant dans le choc, rencontrent dans le referentiel du choc une difference de vitesse plus elevee, et subissent done une acceleration plus efficace. Lorsque leur energie croit, ils sont progressivement ionises, et leur rayon de giration, vers 106 GeV/n, est de w 1, 7109/0 (Eq. 12.77, A/q ~ 2). Ils peuvent done encore etre confines dans le choc, et etre acceleres au moins jusqu'a cette energie. A 1'inverse, les electrons thermiques ne voient qu'un tres faible gradient de vitesse a 1'echelle de leur rayon de giration, ce qui pourait expliquer leur faible abondance, 1/100 de celle des protons. Mais ils peuvent etre acceleres jusqu'aux memes energies (ultrarelativistes pour eux) de 106 GeV. 2. Par analogic, on peut admettre que les grains de poussiere, meme legerement charges electriquement et malgre leur masse enorme comparee a celle des ions, peuvent etre acceleres. Cette question est traitee en detail par Ellison et al. [141]. Nous ne faisons qu'en montrer la faisabilite. Le potentiel electrique d'un grain de rayon a portant une charge qe vaut ^ = qe/4:7reoa l,4g/(a/nm) volts. La queue a haute energie des electrons d'un gaz a la temperature T peut atteindre 2, 5fcT, done (Ee/eV) ~ 2,210~ 4 T. En egalant Ee a *, on a q = l,510"4Ta. Pour des particules de a = 100 nm, ^ w 2,2 volts. Cependant, la charge des grains peut etre tres differente suivant les conditions du rayonnement ambiant (Bakes &; Tielens [13]). En admettant une densite de 1 g cm~ 3 , on a :
ou N represente le nombre total de nucleons, tous elements confondus, dans le grain de poussiere, et T est la temperature du gaz. Un grain de 100 nm dans un plasma a 104 K a un rayon de giration initial de 1'ordre de 1016 cm (Eq. 12.94), encore petit par rapport a 1'epaisseur du choc. II peut done etre accelere au meme titre que les ions lourds. Mais les grains ainsi acceleres sont erodes par 1'impact des ions du milieu et liberent progressivement les atonies qui les constituent, certainement sous
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forme d'ions, qui sont done a pied d'oeuvre pour tre immediatement euxmemes acceleres. La possibilite d'accelerer des grains de poussiere, et a partir de la des ions de materiaux refractaires, resout un probleme ancien. II fait que des elements comme le silicium (ou meme le carbone) ou de nombreux metaux, qui ne seraient a priori pas susceptibles d'etre acceleres a partir du milieu interstellaire, le sont aussi facilement que des ions volatils. Les etudes recentes d'abondances dans les rayons cosmiques montrent meme une surabondance relative de certains de ces atomes refractaires par rapport a leur abondance cosmique (Ellison et al. [141], section 6.1.3 et Figure 6.5), ce qui s'explique par la composition des grains. On peut aussi conclure de cette etude qu'une onde de choc est loin d'etre representee par 1'image idealisee d'une discontinuite (un mur separant deux espaces), mais qu'elle doit etre consideree comme un milieu turbulent etendu qui est le siege d'un important gradient de vitesse. La turbulence est probablement creee par des ondes d'Alfven, lesquelles sont engendrees par les particules accelerees elles-memes (Kulsrud & Pierce [274] ; Cesarsky [73]). II est done necessaire de traiter conjointement les ondes de choc et les particules qu'elles accelerent, comme Font entrepris Ellison et al. [141] et references incluses, mais ce que nous n'avons pas fait dans ce chapitre.
13.1
Des que le pouvoir dispersif des observations optiques a permis de mesurer la vitesse du gaz interstellaire en un tres grand nombre de points (de 1'ordre de 10000) avec des precisions de 1'ordre du kms^ 1 (Wilson et al. [522]), il est apparu clairement que les vitesses observees ne sont pas d'origine purement thermique et obeissent a des lois d'echelle. Dans les regions Ho, la quantite ([v(x] v(x + r)]2) moyennee sur une region etendue, v(x) et v(x + r} etant les vitesses radiales mesurees en des points x distants de r, croit avec r comme r^3, avec (3 compris entre 0,8 et 1 (Miville-Deschenes et al. [350] et references citees). Apres les premieres etudes optiques, la detection dans le domaine millimetrique de raies de rotation de molecules revelait que les largeurs de raies
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ne sont pas non plus d'origine purement thermique. Les observations des raies de 12CO et 13CO et aussi des raies de OH ont permis de determiner approximativement la temperature du gaz, comme nous 1'avons explique section 4.2.4. Les temperatures ainsi trouvees sont sou vent infer ieures a 10 K. Or a T = 10 K, la vitesse thermique moyenne d'une molecule 12CO (masse moleculaire /j, = 28) est vth = y/2/cT//^mH = 0,07 kms" 1 soit pres de deux ordres de grandeur plus petite que les largeurs de raie de 12CO observees, qui vont de 1 a 10 kms" 1 . Ces observations ont tres vite suscite un interet considerable, et plusieurs processus physiques ont ete envisages comme origine possible de ces mouvements. L'effondrement gravitationnel des nuages moleculaires a ete elimine car il produirait un taux de formation d'etoiles bien plus eleve que ce qui est observe dans la Galaxie. Un autre scenario, toujours plausible, est celui d'une matiere interstellaire divisee en tres petites structures en equilibre dans les puits de potentiel des etoiles et du gaz. Enfin, il y a la possibilite que ces mouvements suprathermiques soient la signature de la nature turbulente des champs de vitesses interstellaires. Plus recemment, les observations des nuages moleculaires ont fait apparaitre des lois d'echelles remarquables entre la partie non thermique des dispersions de vitesse interne et les tallies des structures observees, ainsi qu'entre leur masse et leur taille. Deux exemples de ces lois d'echelle sont donnes figures 13.1 et 13.2, qui resultent d'une compilation de donnees obtenues par differents groupes sur des nuages moleculaires galactiques. Nous reviendrons plus loin sur les interpretations possibles de ces lois d'echelle, mais disons tout de suite que, bien que ces lois suggerent la turbulence dans le milieu interstellaire, elles n'en constituent pas une preuve. La partie non thermique des dispersions de vitesses internes des structures moleculaires croit approximativement comme
L etant la taille. Dans cette expression comme dans les trois suivantes, il ne faut pas considerer 1'incertitude entre parentheses sur 1'exposant comme une erreur, mais plutot comme une indication de variations reelles de 1'exposant dans differents milieux et dans differentes regions. II faut aussi realiser les difficultes que Ton a a extraire les structures a une echelle donnee de la structure d'ensemble du milieu interstellaire, les structures d'echelle differentes etant emboitees les unes dans les autres. Quoi qu'il en soit, la loi d'echelle de Pequation 13.1 est remarquablement proche des premieres estimations faites sur la Nebuleuse d'Orion il y a des decennies, et des estimations faites des 1981 par Larson [281] sur des structures moleculaires. La masse varie approximativement comme (Elmegreen & Falgarone [148], Heithausen et al. [212])
13.1
347
FlG. 13.1 Dispersion de vitesses non thermiques en fonction de la taille des structures moleculaires identifies dans les regions centrales de la Galaxie (etoiles, triangles vides), dans le 3e quadrant (hexagones), dans la Nebuleuse de la Rosette (croix), dans le nuage de Maddalena (petits carres vides) et dans des nuages proches (autres symboles). Les carres noirs representent des cceurs denses du voisinage solaire.
Le diagramme correspondant est montre figure 13.2. Bien qu'encore une fois la relation de ces lois d'echelle, et plus generalement de la structure du milieu interstellaire, avec la turbulence ne soit pas etablie, il parait interessant d'en dire un peu plus. En combinant les equations 13.1 et 13.2 on obtient
Les relations d'echelle et 1'aspect meme du milieu interstellaire (Planche 7) suggerent que le milieu interstellaire pourrait avoir une structure fractale (voir par exemple Pfenniger & Combes [385] ou Elmegreen & Falgarone [148]). Pour un milieu fractal, c'est-a-dire ou les structures sont geometriquement
348
FlG. 13.2 - Diagramme de dispersion des masses de structures moleculaires en fonction de leur taille. Les masses sont generalement obtenues a partir de Pintensite des raies de 13CO et de 12CO comme explique section 4.2.4. Les symboles ont la meme signification que pour la figure 13.1. La droite en traits pleins a une pente de 2, celle en traits interrompus une pente de 2,3. Les deux droites en pointilles correspondent a des nuages auto-gravitants de temperature 10 et 40 K : c'est peut-etre le cas des coeurs denses. semblables a elles-memes aux differentes echelles, le nombre N(> L) de structures plus grandes qu'une dimension L est donnee par 1'expression
ce qui definit la dimension fractals D. En differentiant cette relation par rapport a L, elle devient
En comparant cette relation avec 1'equation 13.4 on trouve D 2,3(0,3). D est une dimension fractale a trois dimensions. II est remarquable que les simulations numeriques d'un milieu fractal avec une dimension d'environ 2,3 donnent en projection un aspect tout a fait semblable a celui des cartes du milieu interstellaire, par exemple celles en raie de CO dans la region OrionMonoceros : voir la planche 7. En combinant les equations 13.2 et 13.6, on obtient la distribution des masses
349
Avec les valeurs de D et K ci-dessus on obtient n(M) oc M"1'9^0'3). L'observation directe de cette relation conduit a n(M) oc M~ 1>8 en moyenne (voir par exemple Heithausen et al. [212]), avec des incertitudes assez grandes et des variations apparemment assez importantes et peut-etre significatives d'un nuage moleculaire geant a 1'autre. Get exposant est compatible avec certaines theories fractales qui predisent que M oc LD done K = D et n(M) oc M~ 2 quelle que soit la dimension fractale D. Apres cette digression, revenons a notre sujet. Determiner si les mouvements aleatoires et supersoniques du gaz interstellaire, et plus generalement sa structure aux differentes echelles, sont d'origine turbulente est plus qu'un simple probleme academique. La turbulence a en effet des proprietes tres specifiques qui ont un impact considerable sur la physique du gaz comme nous le verrons dans les sections suivantes.
13.2
La turbulence incompressible
Ce qui suit n'est qu'une breve introduction au domaine immense qu'est celui de la turbulence. Le lecteur interesse par plus de details pourra se reporter aux ouvrages de Landau & Lifshitz [278] et de Guyon et al. [201].
13.2.1
Apparition de la turbulence
Considerons une cellule fluide de densite p, de pression P, de vitesse v, soumise a une force exterieure F, par exemple la gravite. En coordonnees euleriennes, 1'equation de continuite de la quantite de mouvement, que nous appellerons pour abreger 1'equation du mouvement (equation de Navier-Stokes), que nous avons deja vue sous une forme un peu differente (Eq. 11.2), s'ecrit pour la composante Vj de la vitesse le long de 1'axe j
ce qui implique la sommation sur 1'indice k = 1,2,3. Deux equations analogues doivent etre ecrites pour les deux autres composantes. Pour les ecrire, on a du supposer que le fluide est incompressible. La quantite v est appelee viscosite cinematique1. Elle est supposee isotrope et constante dans le milieu. Le dernier terme exprime la contrainte provenant de 1'effet de la viscosite sur le mouvement relatif des cellules du fluide. Sous forme vectorielle symbolique, cette equation s'ecrit
1. La quantite (j. = pv est dite viscosite dynamique et s'exprime en poises, symbole P = g cm"1 s"1).
350
le dernier terme (qu'on note aussi quelquefois p^Av) symbolisant le tenseur de contraintes explicite precedemment. Deux ternies expriment le transport de la quantite de mouvement pv, un terme non lineaire dit d'advection pv-Vv et le terme lineaire de diffusion pz/V 2 v. Lorsque dans un ecoulement le rapport de ces deux termes advection/diffusion devient superieur a 100 environ, soit parce que la vitesse de 1'ecoulement augmente, soit parce que la viscosite chute (baisse de temperature par exemple), on constate experimentalement que 1'ecoulement, de laminaire qu'il etait, devient chaotique, avec d'importantes fluctuations de vitesse a toutes les echelles. De plus, 1'ecoulement devient tres sensible aux conditions aux limites. II s'agit d'une transition vers la turbulence ou apparaissent des tourbillons. Le nombre qui caracterise cette transition vers la turbulence est le nombre de Reynolds Re. Bien que la theorie de la turbulence soit incertaine, on peut obtenir des resultats simples par un raisonnement dimensionnel, ce que nous allons faire. L'ordre de grandeur du gradient de la vitesse caracteristique vi a 1'echelle / est vi/l, ce qui se comprend intuitivement en assimilant 1'echelle / a un tourbillon de taille /. L'ordre de grandeur du terme d'advection a 1'echelle / est pvf/l alors que celui du terme de diffusion est pvvi/l2. Le nombre de Reynolds a cette echelle est done Re = Ivi/v. Lorsque ce nombre atteint des valeurs tres grandes devant 100, la turbulence est dite developpee. Cette transition vers la turbulence, observee experimentalement, n'a jamais ete decrite a partir de 1'equation de Navier-Stokes, bien que cette equation soit entierement valable pour decrire les mouvements du fluide.
13.2.2
Une description phenomenologique de la turbulence incompressible est due a Richardson (1922), puis a Kolmogorov [267]. Elle permet de decrire la turbulence developpee comme une cascade d'energie se produisant par destabilisations successives de tourbillons, chacune engendrant des tourbillons plus nombreux de taille inferieure. L'energie cascade done de tourbillons en tourbillons de taille de plus en plus petite, ceci sans dissipation, jusqu'a ce que soient crees des tourbillons de taille si petite que la diffusion domine les autres termes de transport. Les echelles correspondantes sont dites inertielles, ce qui signifie que la dynamique est entierement dominee par le terme d'advection pv- Vv, la dissipation (terme de diffusion) etant negligeable. La cascade opere done entre les grandes echelles dites energetiques ou integrales ou 1'energie est injectee, jusqu'aux echelles dites dissipatives, pour lesquelles le terme de diffusion devient comparable au terme d'advection (Re ~ 1). Cette description a conduit Kolmogorov a supposer (i) qu'il y a invariance d'echelle, ce qui signifie que, dans le domaine inertiel, les proprietes statistiques de 1'ecoulement sont independantes de 1'echelle (auto-similarite), et (ii) que les interactions sont locales dans 1'espace de Fourier, c'est-a-dire que la dynamique d'une echelle / est dominee par celle des echelles de taille voisine.
351
De la premiere hypothese on deduit que le taux e de transfer! d'energie specifique entre echelles (energie par unite de masse) est independant de 1'echelle consideree dans la zone inertielle,
1'energie (cinetique) etant de 1'ordre de v'f par unite de masse. 77 est un temps de transfert, qui est de 1'ordre du temps de vie d'une fluctuation de vitesse, soit du temps de retournement de la vitesse caracteristique d'un tourbillon d'echelle /, TI ~ l/vi. Done e ~ vf/l, d'ou
ou e est invariant dans la cascade. Dans cette description, le taux de dissipation finale d de 1'energie est done egal au taux de transfert e de cette energie d'echelle en echelle, qui est en moyenne uniforme dans 1'espace et dans le temps. L'echelle Id a laquelle la dissipation visqueuse intervient utilise, nous 1'avons dit, le fait qu'a cette echelle le nombre de Reynolds est de 1'ordre de 1'unite, soit
La dissipation visqueuse transforme 1'energie cinetique en chaleur et est d'autant plus importante que le cisaillement du champ de vitesse est grand. Le taux moyen de dissipation visqueuse par unite de masse pour un fluide incompressible s'ecrit (voir demonstration dans Landau & Lifshitz [278], Section 16),
toujours en faisant implicitement la somme sur j et k 1,2,3. Introduisons la vorticite uj = V x v. On peut montrer que 6d est lie a la vorticite par
Une des proprietes essentielles de la turbulence est la correlation des fluctuations du champ de vitesse a toutes les echelles, correlation decrite qualitativement par la Constance de (|ct;|2) aux differentes echelles. Introduisons maintenant, a la place des echelles /, les nombres d'onde k = 27T/I, et considerons le spectre de puissance E(k) de 1'energie cinetique, qui est tel que 1'energie cinetique moyenne par unite de masse contenue dans les nombres d'onde compris entre k et k + dk soit E(k)dk. L'energie specifique totale a 1'echelle / est de 1'ordre de (vf) et est 1'integrale de toutes les energies aux echelles plus petites que I (ou aux nombres d'onde plus grands que k) :
352
Cette energie est de 1'ordre de (cl}2/3 ~ (e/fc) 2 / 3 (Eq. 13.11). En differential, e etant constant, on obtient la loi de Kolmogorov
On voit done que 1'essentiel de 1'energie cinetique est dans les grandes echelles. On demontre aussi que la loi statistique qui relie les moments Mn d'ordre n des increments du champ de vitesse a la separation r (voir le debut de la Section 13.1) est
la moyenne etant prise sur toutes les positions x et directions de r. La theorie de Kolmogorov de la turbulence incompressible predit pour le moment d'ordre 2 (aussi nomme fonction de structure) M2 ex r 2 / 3 , alors qu'on trouve pour les regions Hll M2 ex r'8al (voir 1'introduction de ce chapitre). La difference est en partie expliquable par des effets de projection puisque les regions Hll sont des structures a trois dimensions. La correction correspondante de la loi de Kolmogorov predit M<2 ex r5/3. II apparait done qu'il n'y a pas accord entre la theorie et 1'observation, ce qu'ont deja remarque Wilson et al. [522], voir aussi Miville-Deschenes et al. [350] : ces auteurs suggerent que la turbulence supersonique compressible pourrait donner des resultats en meilleur accord avec 1'observation. Un probleme semblable se pose pour les nuages moleculaires, ou Ton observe M2 ex r ' 86 (> 3 ) (Miesch & Bally [348]). On peut aussi utiliser pour cette dicussion la relation dispersion de vitesse/taille (Eq. 13.1 et Figure 13.1) pour laquelle la theorie de Kolmogorov predit <JV,NT c L1/3, mais 1'interpretation est beaucoup plus incertaine (Scalo [429]).
13.2.3
Un fluide s'ecoulant avec turbulence peut dans une certaine mesure etre decrit comme un fluide qui possede une viscosite de turbulence i>t, qui differe de la viscosite cinematique habituelle, dite aussi viscosite moleculaire pour rappeler qu'elle a son origine dans les collisions entre les molecules (ou atomes) d'un gaz. La viscosite turbulente ne correspond pas directement a une dissipation d'energie. Elle depend de 1'echelle / consideree, done du nombre d'onde A;, et aussi des echelles plus petites. On peut aussi definir une pression turbulente Pt qui depend aussi de 1'echelle et qui est evidemment liee a la vitesse caracteristique de 1'echelle consideree. Une methode puissante a ete developpee pour traiter la dynamique d'un gaz turbulent aux grandes echelles. Elle consiste a calculer des coefficients de transport renormalises qui permettent d'introduire 1'effet des petites echelles I < L (ou k > K] dans 1'equation du mouvement du gaz a 1'echelle L ~ l/K.
353
On definit par cette methode la viscosite turbulente a 1'echelle dont le nombre d'onde est K comme
ou E(k), le spectre de puissance de la turbulence, est relie a la vitesse moyenne au nombre d'onde K par
Ces deux quantites, contrairement a la pression thermique et a la viscosite cinematique, dependent de 1'echelle a laquelle elles sont calculees. L'equation du mouvement du gaz au nombre d'onde K devient alors
La viscosite turbulente est souvent superieure par des ordres de grandeur a la viscosite cinematique moleculaire z/, en particulier dans le milieu interstellaire comme nous le verrons plus loin. Elle peut etre la cause d'un melange par diffusion des differentes parties du milieu. Par exemple si une quantite presente une fluctuation importante a une echelle I, le seul effet de la diffusion turbulente occasionne la disparition de cette fluctuation au bout d'un temps
T = J 2 /"t(0-
La pression turbulente, quant a elle, a pour effet de stabiliser des echelles instables gravitationnellement. Ceci se comprend intuitivement puisque la pression, quelle qu'elle soit, s'oppose a 1'effondrement d'un nuage. L'expression de la pression turbulente, equation 13.19, est semblable a celle de la pression thermique Pth nkTp^ (l/3}pv^h. Done pour un nuage qu'on peut considerer comme isole, il suffit en premiere approximation d'ajouter la pression turbulente correspondant a ses dimensions a la pression thermique pour traiter sa stabilite gravitationnelle globale au moyen du theoreme du viriel, comme nous le ferons section 14.1. C'est approximativement correct parce que, comme nous 1'avons vu, 1'essentiel de 1'energie reside dans les grandes echelles d'une cascade turbulente. Dans la pratique, on se contente d'ajouter quadratiquement la vitesse quadratique moyenne des mouvements macroscopiques provenant de la turbulence (ou d'ailleurs d'autres mouvements d'ensemble) a la vitesse quadratique moyenne d'agitation thermique. Cependant 1'effet est plus complexe si 1'on considere des parties d'un nuage : puisque la pression turbulente est plus faible aux echelles plus petites,
354
les perturbations instables dans un nuage ne sont pas necessairement celles de plus grande longueur d'onde. Nous reviendrons sur ce point important section 14.1.2.
13.2.4
L 'inter mittence
Une autre propriete de la turbulence, postulee des 1959 par Landau et Lifshitz, est son intermittence. Initialement 1'idee de 1'intermitence est nee de doutes sur 1'uniformite dans le temps et dans 1'espace du transfert d'energie avec 1'echelle. Plus tard, on a realise que 1'intermittence correspond a 1'existence ephemere dans 1'espace et dans le temps de regions de fort gradient de vorticite. Les experiences en soufflerie ont montre que les moments des increments de vitesse ne varient pas en fait comme r n / 3 , mais s'ecartent de plus en plus de cette loi statistique quand n augmente. II s'agit la d'une manifestation de 1'intermittence spatio-temporelle de la turbulence a petite echelle : la distribution des gradients de vitesse, des increments et de leurs moments, et done de la vorticite et de la dissipation, ne suit pas une statistique gaussienne. Cette propriete se traduit par des distributions de probablite non gaussiennes de toutes les quantites faisant intervenir le gradient de vitesses, en particulier des increments de vitesses pris entre deux points. Une propriete essentielle de 1'intermittence, egalement observee en soufflerie et dans des mesures faites dans la turbulence atmospherique, est que 1'ecart des distributions d'increments de vitesse par rapport a une distribution gaussienne est d'autant plus marque que la separation entre les points de mesure est petite. L'intermittence correspond a des phenomenes rares, d'amplitude extreme, dont la probabilite d'apparition est bien superieure a ce que predit une loi gaussienne. De nombreux modeles statistiques ont ete proposes pour 1'intermittence, conduisant a des lois d'echelle du type Mn ~ e n / 3 l^" ou Cn 7^ n/3, qui decrivent 1'ecart a la loi de Kolmogorov. Parmi eux, citons le modele de Kolmogorov lui-meme [268] qui attribue une distribution lognormale a la dissipation d'energie moyennee sur une echelle I et qui predit Cn = n/3 (yU/18)n(n 3), ou IJL est un parametre d'intermittence. Dans le modele de Frisch et ol. [174], la turbulence n'est supposee effectivement active que dans un sous-ensemble de 1'espace a trois dimensions d'autant plus restreint que les echelles considerees sont petites. II conduit a C,n = n/3 (///3)(n 3). Dans ce modele, 1'activite turbulente est concentree sur une structure fractale de dimension D (a trois dimensions), et IJL = 3 D. Les processus physiques qui sont a 1'origine de 1'intermittence sont encore aujourd'hui Pobjet de debats tres vifs. L'idee maitresse est celle d'une amplification non lineaire de la vorticite a petite echelle par le cisaillement exerce par les grandes echelles, qui produit un etirement des lignes de vorticite done une augmentation de la vorticite. L'equation devolution de la vorticite
355
dans un fluide incompressible (equation de Helmholtz) s'obtient en prenant le rotationnel de 1'equation de Navier-Stokes :
Une solution d'equilibre pour la vorticite correspond done a une egalite entre la diffusion de la vorticite (v V)u; et 1'etirernent r/V2c<; produit par le champ de vitesse.
13.3
La turbulence interstellaire est bien plus complexe encore que la turbulence incompressible presentee ci-dessus, ceci pour plusieurs raisons. II s'agit d'une turbulence dans un milieu compressible avec champ magnetique, supersonique et peut-etre super-alfvenique dans certains milieux (c'est-adire que les mouvements du gaz excedent a la fois la vitesse locale du son et la vitesse d'Alfven a laquelle se propagent les ondes magnetosonores, voir Section 11.2.2). De plus, dans bien des cas, 1'approximation MHD n'est pas applicable car la diffusion ambipolaire entre les especes neutres et ionisees se fait suffisamment rapidement pour que les deux fluides neutre et ionise doivent etre traites comme distincts. Enfin mais ceci n'a rien a voir avec la turbulence - 1'auto-gravite des structures de gaz rassemblees temporairement dans les chocs, par exemple, peut etre a 1'origine d'instabilites gravitationnelles et amplifier la structuration du milieu. Nous reviendrons sur ces aspects dans la section suivante. Une autre source de difficultes tient au fait que les echelles de dissipation visqueuse sont, dans certains milieux, tres proches du libre parcours moyen des atomes et molecules dans le gaz. L'approximation fluide utilisee dans les modelisations n'est done que marginalement justifiee. Des ordres de grandeur des differentes longueurs caracteristiques sont donnees dans le tableau 13.1. On y voit que, dans le milieu atomique froid, 1'echelle de dissipation visqueuse Id est a peine plus grande que le libre parcours moyen A des atomes d'hydrogene. Une difficulte supplementaire, qui est propre a la turbulence interstellaire, est la multiplicity des sources potentielles d'injection d'energie, d'ou la difficulte a definir une echelle integrate ou 1'energie est injectee. Les sources essentielles sont : (i) la rotation differentielle de la Galaxie qui induit un cisaillement du gaz a grande echelle, de 1'ordre du kpc ; (ii) les explosions de supernovae qui injectent une grande quantite d'energie cinetique dans le milieu a des echelles de 1'ordre de la centaine de pc ; (iii) 1'expansion des regions HII, egalement source d'energie a 1'echelle de plusieurs dizaines de pc, et (iv) 1'injection d'energie due aux flots bipolaires et jets associes a la formation d'etoiles, qui se fait a beaucoup plus petite echelle (celle du dixieme de pc). II est remarquable que ces quatre processus produisent des taux moyens d'injection d'energie comparables dans la Galaxie. II est cependant
356
tres difficile de calculer rigoureusement leur importance respective pour la turbulence du gaz, car le couplage des sources au milieu interstellaire est complexe et depend de nombreux facteurs comme la topologie, 1'intensite du champ magnetique et la porosite du milieu, qui sont encore mal connus. Des simulations numeriques tentent de modeliser ces differents processus. Le tableau 13.1 rassemble des grandeurs qui permettent de caracteriser Penergie contenue dans la turbulence interstellaire des differents milieux. Les trois premieres lignes indiquent la densite moyenne, la temperature cinetique et le champ magnetique caracteristiques des trois milieux consideres, quantites qui sont deduites des observations. La quatrieme et la cinquieme donnent respectivement 1'echelle / et la dispersion de vitesse a/ que nous adoptons assez arbitrairement pour caracteriser la turbulence. Nous avons ete guides dans le choix de ces quantites par les dimensions et dispersions de vitesses caracteristiques qui resultent des observations. Les lignes suivantes donnent des quantites deduites des precedentes. Elles donnent dans 1'ordre : 1. le libre parcours moyen A des particules du gaz2 ; 2. la vitesse du son isotherme 03 ; 3. la vitesse d'Alfven VA ; 4. la viscosite cinematique moleculaire v ; 5. la pression thermique Pth ; 6. le nombre de Reynolds Re (on remarquera que les nombres de Reynolds Re sont tous tres grands, meme dans les cceurs denses ou vi et GS sont voisins, ce qui suggere I'omnipresence de la turbulence dans le milieu interstellaire) ; 7. le taux pe de dissipation de la turbulence par cm3 ; 8. pour comparaison, le taux dominant A de perte d'energie par rayonnement, suppose du dans le milieu atomique a remission de la raie de C + avec un degre d'ionisation x = 10~3, et dans le milieu moleculaire a 1'emission des raies de CO et de ses isotopes ; 9. le taux e d'energie transferee par unite de masse par la cascade turbulente, a comparer a la puissance fournie au milieu interstellaire par le rayonnement UV des etoiles, qui est de 1'ordre de 1 L 0 /M 0 ; 10. 1'echelle Id de Kolmogorov pour la dissipation de la turbulence ;
2. A = 1/ncr, a etant la section efficace de collision elastique entre atonies d'hydrogene (0"H-H ~ 10~15 cm 2 ) ou entre molecules d'hydrogene (crH 2 -H 2 ~ 10~14 cm 2 ), dont nous avons neglige ici la dependance en temperature.
13.4
357
11. 1'echelle AT de Taylor, qui est une echelle moyenne obtenue a partir de Id et de 1'echelle integrate de la turbulence, prise ici egale a 100 pc ; 12. la viscosite cinematique turbulente vt ; 13. la pression turbulente PI. La comparaison des differents termes de transfert d'energie amene a des suggestions interessantes. Tout d'abord on constate que le taux d'energie transfere par unite de volume dans la cascade turbulente est sensiblement le meme dans les trois composantes du milieu froid. Ceci qui suggere fortement que la cascade turbulente ignore les differences physiques (densite, temperature) entre ces composantes, et propage 1'energie d'echelle en echelle independamment de ces parametres. Ce taux, qui est aussi le taux de dissipation de 1'energie turbulente dans le modele de Kolmogorov, est environ 1/20 du taux de refroidissement radiatif. Le chauffage qui provient de la dissipation de la turbulence peut done compenser localement le refroidissement s'il est dissipe dans 1/20 du volume, et est done potentiellement une source importante de chauffage local, mais local seulement. En revanche, 1'energie que transfere la turbulence est negligeable par rapport a 1'energie UV et visible en provenance des etoiles, qui est de 1'ordre de 1 MQ/LQ. On remarque aussi que cette energie chute considerablement entre le milieu atomique froid et les cceurs denses. Cela suggere que la condensation d'une certaine masse de gaz diffus en un cceur dense s'accompagne d'une intense dissipation de 1'energie turbulente initiale, ou meme est declenchee par cette dissipation.
13.4
Nous verrons au chapitre suivant que la turbulence peut stabiliser des echelles instables gravitationnellement, et en general change le caractere de 1'instabilite gravitationnelle. Mais voici d'autres effets de la turbulence interstellaire.
13.4.1
La turbulence occasionne une diffusion importante dans le milieu interstellaire, qui peut en affecter profondement la chimie. Une discussion est donnee par Xie et al. [531], auxquels nous empruntons ce qui suit. Considerons dans un nuage moleculaire turbulent une espece chimique i de densite n^, dont 1'abondance (petite) par rapport a 1'hydrogene moleculaire est fi = Hi/nH 2 , nn2 etant la densite des molecules d'hydrogene. La diffusion est differente pour 1'hydrogene et pour 1'espece i, car 1'espece i subit des reactions chimiques qui dependent du temps et du lieu et a en general un
358
TAB. 13.1 - Grandeurs caracteristiques de la turbulence dans les trois composantes du milieu interstellaire froid : le milieu atomique diffus, les nuages moleculaires calmes hors des regions de formation d'etoiles, et les coeurs denses. Explications dans le texte. Quantite Unite Milieu atomique froid
30 100 10 10 ^3,5
2 0,8 3,4 2,8 1017 4 10~13 5,7 107 2 10~25 5 10~24 1,5 10-3 2,9 0,34 2 1025 3 10~n
Nuages moleculaires
200 40 20 3 1
n TK B I <TI
A = I/no cs = ^kTKj[jL vA = B/^Fp v = \Vth Pth = nkTK Re = lvi/v pvi3/l A e = \v?/l ld \T = /y 3 L 2 / 3 vt = Ivi pt = I^2
cm-3 K ^G pc kms- 1
AU kms" 1 kms" 1 cm2 s-1 erg cm~ 3
erg cm"3 s"1 erg cm"3 s"1 L 0 /M 0 AU pc cm2 s"1 erg cm-3
0,03 0,5 2,0 1,8 1017 10~12 8,1 106 1,7 10~25 4 10~24 1,1 10~4 4,0 0,38 5 1023 2 lO"11
gradient de densite different de celui de H 2 . Ceci occasionne un gradient de composition chimique dfi/dz non nul dans la direction z du gradient de densite. Le flux net fa de transport de 1'espece i dans cette direction s'ecrit done
ou vt est un coefficient de diffusion turbulente que Ton peut definir phenomenologiquement comme la valeur moyenne du produit de la vitesse aleatoire du gaz par une longueur de melange, vt = (vtL). On remarquera que les deux termes entre crochets peuvent etre consideres comme 1'inverse des echelles de hauteur des densites de 1'espece i et de Phydrogene, hi = Hi/(dni/dz} et ^H2 = ~nH2/(dnn2/dz]. Si on pose l/h = ( I / h i ) (1/^H 2 )>
13.4
359
FlG. 13.3 - Evolution avec le temps d'especes chimiques oxygenees dans un nuage isotherme turbulent, a une profondeur correspondant a une extinction Ay = 9 mag. et a une densite nn2 = 3 104 cm~ 3 , soumis au champ de rayonnement UV standard. Les courbes en trait continu correspondent a 1'absence de turbulence, celles en traits tiretes a un coefficient de diffusion turbulent vt = 1023 cm2 s"1, et celles en pointilles a vt = 1024 cm2 s-1, valeur proche de celle que nous avons adoptee tableau 13.1 pour les nuages moleculaires. Remarquer en particulier la forte diminution de 1'abondance de O2 et de H^O due au melange turbulent. D'apres Xie et al. [531], avec 1'autorisation de 1'AAS. 1'equation 13.23 peut se reecrire
La vitesse de diffusion pour chaque espece est done Vd ~ vt/h, et le temps caracteristique de diffusion est TJ ~ h/Vd ~ h^/i/f h depend de 1'espece chimique consideree puisqu'il est fonction du gradient de densite de cette espece.
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FlG. 13.4 - Evolution avec la profondeur d'especes chimiques oxygenees dans un nuage isotherme turbulent, soumis au champ de rayonnement UV standard, pour un temps de 3 106 ans apres le debut de la simulation, ce qui correspond a une situation stationnaire (Figure 13.3). Les courbes en trait continu correspondent a 1'absence de turbulence, celles en traits tiretes a un coefficient de diffusion turbulent Vt = 1023 cm2 s"1, et celles en pointilles a ft = 1024 cm2 s"1, valeur proche de celle que nous avons adoptee tableau 13.1 pour les nuages moleculaires. A la surface du nuage (rayon 3,4 1018 cm), les abondances ne dependent pas de la turbulence. Remarquer en particulier la forte diminution de 1'abondance de O2 et de tbO dans les regions profondes. D'apres Xie et al. [531], avec 1'autorisation de 1'AAS. L'evolution de la densite m de 1'espece chimique i est donnee par 1'equation de continuite
oil Gi et Li represented respectivement le taux de creation et de destruction par reactions chimiques de 1'espece i au point considered
361
Les figures 13.3 et 13.4 montrent a titre d'exemple quelques resultats d'un modele chimique construit dans le cas d'un nuage spherique turbulent. A 1'instant initial, on suppose que tous les elements consideres sont sous forme atomique sauf 1'hydrogene qui est entierement moleculaire. La figure 13.3 montre 1'evolution temporelle de 1'abondance des molecules oxygenees a une certaine profondeur dans le nuage, et la figure 13.4 la variation de 1'abondance avec le rayon dans le nuage lorsqu'un etat stationnaire est atteint, environ 3 106 ans apres le debut de la simulation. On constate que la diffusion turbulente occasionne des changements profonds dans la composition chimique, comparee a ce qu'on predit en 1'absence de turbulence. En particulier les modeles chimiques sans turbulence predisent des abondances elevees d'oxygene moleculaire dans les regions profondes des nuages moleculaires et en revanche tres peu de carbone ionise. Or les observations de ces especes revelent que, contrairement aux predictions, C + est abondant et O2 non detecte avec des limites superieures extremement significatives. Les modeles chimiques comme celui illustre (Figures 13.3 et 13.4) donnent un bien meilleur accord avec 1'observation pour des valeurs de la diffusion turbulente correspondant aux conditions du tableau 13.1. De tels modeles peu vent etre appliques a differentes regions d'un meme nuage ou des fluctuations d'abondances chimiques apparaissent, par exemple du fait des variations des conditions d'illumination par les photons UV par exemple. II existe cependant d'autres explications possibles pour ces anomalies d'abondance, qui ont ete discutees section 9.4.2. 13.4.2 L'intermittence, source de chauffage pour le gaz
Caracteristiques de 1'intermittence interstellaire L'intermittence a ete observee au laboratoire et est trouvee dans les simulations numeriques. Elle existe probablement aussi dans le milieu interstellaire, y compris dans les regions H n (voir pour des nuages moleculaires Pety & Falgarone [382] et les articles cites dans cette reference). L'intermittence de la turbulence dans le milieu interstellaire froid semble presenter les memes caracteristiques statistiques que 1'intermittence de la turbulence incompressible, notamment des distributions non gaussiennes de quantites liees aux increments de vitesse. II est malheureusement impossible d'avoir directement acces a une distribution de vitesses dans le milieu interstellaire. Le seul outil possible pour sender le champ de vitesses est 1'observation a haute resolution spectrale du profil de raies atomiques ou moleculaires. Les quantites observees (les profils de raie) sont done des quantites integrees sur la ligne de visee. Lis et al. [307] estiment que ce handicap n'est pas redhibitoire pour analyser les proprietes de la turbulence interstellaire. En utilisant des simulations de turbulence compressible (Porter et al. [387]), ils montrent que les distributions de probabilite des increments
362
de la vitesse moyenne d'une raie entre deux lignes de visee, qui sont des quantites mesurables, presentent les memes caracteristiques que celles des increments de vitesse entre deux points dans le volume du nuage : ces distributions sont non gaussiennes et 1'ecart a la distribution gaussienne est d'autant plus prononce que les deux lignes de visee sont plus proches 1'une de 1'autre. L'autre point important de ce travail sur les simulations numeriques est que les regions ou les ecarts a la distribution gaussienne sont les plus grands tracent celles ou le module de la partie mesurable de la vorticite sur la ligne de visee est la plus forte. Les composantes mesurables de la vorticite sont necessairement celles qui font intervenir dvx/dy et dvx/dz, ou x est la coordonnee le long de la ligne de visee et y et z sont les coordonnees dans le plan du ciel. Ce sont done les composantes (V x v) y et (V x v}z de la vorticite. Des distributions de probabilites des increments de vitesse ont ete construits sur de tres grands echantillons de raies moleculaires, correspondant a des cartes de pres de 10 000 spectres de nuages moleculaires proches. La figure 13.5 montre les distributions des increments de vitesse pour differentes separations entre les directions visees, dans 1'environnement d'un cceur moleculaire dense observe dans la raie de 1 2 CO(J = 2 1). L'analyse des positions ou les ecarts a la distribution gaussienne sont les plus grands montre qu'elles ne sont pas uniformement distributes sur le plan du ciel mais sont regroupees en petites regions. Ceci laisse penser que la distribution de la vorticite dans la turbulence interstellaire est tres heterogene et qu'il en est de meme de la distribution de la dissipation visqueuse, associee aux regions de forte vorticite.
Dissipation locale de 1'energie par 1'intermittence
Moyennee sur 1'espace et le temps, la dissipation de 1'energie cinetique de la turbulence, meme supersonique, est une source de chauffage negligeable pour le gaz interstellaire comme on peut le voir dans le tableau 13.1. En effet, le taux moyen de transfert d'energie specifique e donne dans cette table peutetre assimilee a une luminosite par unite de masse. Ses valeurs sont toutes tres largement inferieures a 1 L 0 /M 0 , la quantite equivalente fournie par le rayonnement UV moyen des etoiles dans le milieu interstellaire proche. Mais si elle est concentree sur une fraction de 1'ordre de 1 % ou moins de 1'espace ou du temps, cette dissipation peut devenir une source de chauffage localement dominante qui a d'importants effets sur la physique et la chimie du gaz.
L'intermittence de la dissipation visqueuse
L'intermittence spatiale et temporelle des derivees du champ de vitesse engendre une distribution non gaussienne de la vorticite et du tenseur des contraintes visqueuses, done de la dissipation visqueuse. Dans les
13.4
363
FlG. 13.5 Distribution normalisee des increments de vitesses (differences de vitesse) observees entre deux points distants de A, dans une carte en raie de 12 CO(2-1) du nuage moleculaire L 1512 S. A est en unites de 16 secondes d'arc, la moite de la resolution angulaire du radiotelescope CSO utilise pour ces observations. Ceci correspond a 0,012 pc a la distance du nuage (150 pc). Les vitesses sont definies par le centroide (v) = / v'N(v'}dv'/ J N(v')dv' mesure dans le profil de la raie dans chaque direction. Les increments, en abscisses, sont en km s~l. Remarquer la deviation par rapport a une distribution gaussienne des increments aux faibles valeurs de la distance A entre les points de mesure. Cette deviation est une indication de 1'intermittence de la turbulence interstellaire, qui est localisee dans de petites regions de 1'espace puisque la distribution est gaussienne pour les grandes separations A. D'apres Pety [381]. images neutres, la viscosite microscopique (moleculaire) est due aux collisions elastiques entre les neutres, qui sont plus frequentes dans les regions d'intermittence en raison de I'augmentation des cisaillements. II y a done dissipation visqueuse, qui se produit par bouffees dans le temps ou dans 1'espace, d'autant plus rares et intenses que le nombre de Reynolds est eleve. Une solution analytique de 1'equation de Helmholtz pour la vorticite (Eq. 13.25), dite tourbillon de Burgers, a permis une description quantitative de 1'effet de la dissipation visqueuse au voisinage des structures coherentes de vorticite dans le milieu atomique froid. L'interet de cette solution reside dans le fait que le tourbillon de Burgers est entierement defini par deux parametres seulement : le taux d'etirement a de la vorticite par les grandes echelles de la turbulence, et la circulation C
364
de la vorticite n du tourbillon, C /0u;(r) lirrdr, r etant la distance a 1'axe de rotation. Le tourbillon est suppose avoir une distribution gaussienne de vorticite, qui resulte de 1'equilibre entre 1'etirement du tourbillon et la diffusion due a la viscosite :
et
Le taux d'etirement est impose par la turbulence a plus grande echelle, a travers le fait observationnel, retrouve dans des simulations numeriques de turbulence incompressible, que la vitesse maximale de rotation dans les filaments de vorticite est de 1'ordre de grandeur de la dispersion de vitesse de la turbulence ambiante. Le seul parametre libre est done la circulation de la vorticite. Bien qu'il soit tres peu probable qu'une description aussi simple des regions d'intermittence de la turbulence interstellaire soit realiste, il est remarquable de trouver que, si la dissipation visqueuse est concentree dans les regions de fort cisaillement du champ de vitesse a la peripherie des tourbillons engendres par Pintermittence, la temperature du gaz diffus peut s'elever sufHsamment jusqu'a des temperatures de 1'ordre de 1000 K dans des regions de quelques 1014 cm (Joulain et ol. [255]). Des reactions chimiques avec barrieres d'activation ou endothermiques deviennent alors possibles. Ce modele peut resoudre differents problemes rencontres dans la chimie du milieu diffus, comme celui de la grande abondance de CH + , de HCO+ et de OH dans le milieu atomique diffus. Nous avons mentionne ce probleme d'abondance a la fin de la section 9.4.1. Des chocs peuvent cependant conduire aussi au meme resultat, comme nous 1'avons indique dans cette section. Decouplage du gaz et des particules solides Les particules solides que sont les grains de poussieres sont en general tres bien couplees aux mouvements du gaz, ce qui rend tres improbable les collisions entre deux grains, a 1'exception des regions ou le gaz rentre en collision avec lui-meme, c'est-a-dire dans les chocs. La turbulence, mais surtout les regions d'intermittence, jouent cependant un role important dans le decouplage du gaz et des grains. Considerons un grain de section efficace geometrique ag = ?ra2, de masse mg, plonge dans un milieu de densite ?IH dont la masse moyenne par
365
particule est /^TTT-H- Le taux de changement de sa vitesse vg est donne d'apres 1'equation 8.10 par
ce qui tient compte du coefficient d'accomodation a ~ 0,35 des atomes (ou molecules) sur le grain. Vth est la vitesse thermique moyenne des atomes et v la vitesse moyenne du gaz. La solution de cette equation est
avec Tf = 4apg/(3ann/jlmuVth), Pg etant la densite du grain. Pour des temps t longs devant r5, un bon couplage est realise entre les grains de poussiere et le gaz, alors que pour des temps courts devant rg, vg ~ vt/Tf. Un ordre de grandeur de Tf pour un grain de rayon 0,1 /mi et de densite 3 g cm~ 3 , dans un gaz de densite nn 100 cm~3 et de temperature 100 K, est 105 an, ce qui est effectivement court devant les echelles de temps dynamiques habituelles du gaz. La turbulence, qui fait cascader de 1'energie cinetique jusqu'a des echelles spatiales tres petites et done des echelles de temps tres courtes est capable d'induire des vitesses relatives entre le gaz et les grains. De plus, dans la turbulence, la vitesse v du gaz n'est ni constante ni uniforme et on peut supposer qu'un grain est entraine aleatoirement par une succession de tourbillons caracterises par leur vitesse Vk et leur duree de vie Tfc. Volk et al. [509] ont montre qu'un grain regoit un nombre N = Tf/Tk d'impulsions aleatoires de la part des tourbillons de duree de vie Tfc. Leur effet, si TV est suffisamment grand, est d'arreter le grain, car la vitesse du grain (dans un referentiel au repos) resultant de toutes ces collisions aleatoires est, d'apres les equations precedentes
La vitesse relative du grain par rapport a un tourbillon k est done de 1'ordre de Vk- II y a done decouplage du gaz et des grains. Entre les grands tourbillons, dont le temps de retournement Tfc est grand et qui ne permettent pas aux grains de se decoupler du gaz, et les tres petits tourbillons qui contribuent a arr^ter le grain mais ne lui communiquent pas beaucoup de quantite de mouvement, il existe une echelle privilegiee fc* dans la turbulence pour laquelle Tfc* = Tf, qui a une contribution dominante au decouplage. L'effet de 1'intermittence dans la turbulence est d'introduire des echelles de temps encore plus courtes que celles presentes dans un spectre de Kolmogorov. Ces evenements extremement rapides ont pour effet de decoupler le gaz et les grains, meme les tres petits grains qui ont les temps de friction Tf les plus courts. Falgarone & Puget [158] ont montre, en utilisant une statistique
366
de ces evenements obtenue dans une soufflerie (done peu adaptee au milieu interstellaire mais probablement utilisable a cause des proprietes d'universalite de la turbulence) que les tres petits grains se decouplaient efficacement des mouvements du gaz et que les vitesses relatives entre ces petits grains pouvaient etre augmentees de pres d'un ordre de grandeur par rapport a ce qu'elles seraient dans un not turbulent oil 1'intermittence n'est pas prise en compte. Ces processus sont tres interessants pour 1'evolution des populations de grains et surtout de la croissance des grains dans le milieu interstellaire, car ils peuvent transformer les estimations traditionnelles. On sait en eflfet qu'au dessus d'un certain seuil en vitesse relative, 1'effet d'une collision entre grains est une fragmentation et en dessous de ce seuil une coagulation.
14.1 14.1.1
Stabilite et instabilite : le theoreme du viriel Forme simple du theoreme du viriel, sans champ magnetique et sans pression exterieure
Le theoreme du viriel est le theoreme fondamental qui rend compte de 1'equilibre des structures auto-gravitantes dans 1'Univers. Sa formulation la plus simple est due a Clausius (1870) et a Poincare (1911).
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Soit une particule de masse m situee a la position r relative a une origine arbitraire et soumise a une force F. On a
Formons le produit scalaire de cette expression avec r, obtenant ainsi des quantites ayant la dimension d'energies :
La quantite F-r a ete appelee viriel par Clausius. Considerons maintenant un systeme de particules de meme masse m. Le moment d'inertie de ce systeme est
si bien que
S'il s'agit d'un gaz au repos, T est 1'energie thermique Ttherm- Si de surcroit ce gaz est anime de mouvements macroscopiques, par exemple turbulents, T Ttherm + ^nacro, avec Tmacro = (1/2) ) mt;j!ms, vrms etant la valeur quadratique moyenne de la vitesse macroscopique. Ceci suppose que vrms peut etre defini, ce qui pose des problemes s'il s'agit de turbulence. Nous negligerons pour 1'instant les mouvements de rotation globale, car cette rotation est faible pour les nuages interstellaires et ne joue pas de role appreciable dans les premieres etapes de leur evolution. Par contre nous en tiendrons compte pour les etapes suivantes.
369
Le dernier terme ^ F r de 1'equation 14.6 est 1'energie potentielle fJ du systeme. Si la seule force en jeu est la gravite et si on neglige les interactions entre particules autres que la gravite et 1'energie de rotation et de vibration des molecules du milieu, on peut ecrire :
ou j est somme sur toutes les particules du systeme et A; sur toutes les masses interieures et exterieures au systeme. Si ces masses peuvent etre ignorees, soit parce qu'on est en symetrie spherique ou ellipsoi'dale soit parce que le systeme est isole, chaque interaction sera comptee 2 fois dans la somme double, et on a
equation qui regit le comportement dynamique du systeme. La condition d'equilibre est evidemment 7 = 0. Elle s'ecrit done
qui est le theoreme du viriel sous sa forme simple. II exprime le fait que 1'attraction gravitationnelle entre les parties du systeme, qui tend a le faire s'effondrer sur lui-meme, est compensee par 1'agitation des particules (la pression s'il s'agit d'un gaz, laquelle est proportionnelle a T). Pour un nuage spherique homogene de gaz parfait, isole et sans mouvements macroscopiques, 1'energie thermique et 1'energie gravitationnelle s'ecrivent respectivement
14.1.2
En egalant 2T et 0 (Eq. 14.12 et 14.13) et en exprimant R en fonction de M et de la densite n, on obtient un critere d'instabilite. Ce critere
370
predit qu'un nuage spherique isole, homogene, isotherme, sans mouvements macroscopiques, de densite n et de temperature T, est instable si sa masse est superieure a la masse Mcritjh
Dans un gaz moleculaire, en tenant compte des elements plus lourds que 1'hydrogene, // 2,4. On a alors numeriquement
Une autre maniere de traiter le probleme de 1'instabilite est de faire une analyse lineaire de la stabilite gravitationnelle d'un milieu uniforme et infini. Bien qu'un tel milieu n'ait pas de realite physique, il y a suffisamment de faits observationnels correlatifs troublants pour que cette analyse merite d'etre presentee. Elle a ete faite des 1902 par Jeans, dont nous allons donner le raisonnement (en partie incorrect mais instructif). Considerons un milieu isotherme uniforme infini, sans champ magnetique ni mouvements macroscopiques, de densite p. Les trois equations qui decrivent la dynamique de ce milieu sont 1'equation de continuite (Eq. 11.1), 1'equation du mouvement (Eq. 11.2) et 1'equation de Poisson. Nous les ecrivons ici :
$ etant le potentiel de gravitation. La derniere equation n'est pas correcte pour un milieu infini car une densite uniforme donne un potentiel qui diverge a 1'infini. Mais elle apporte une simplification de taille, et cette incorrection n'est pas trop grave car on va seulement considerer une perturbation. En utilisant 1'indice 0 pour les grandeurs a Pequilibre et 1 pour celles perturbees, v = vi, p = po + pi, $ = $0 + $1, et en linearisant les equations ci-dessus, on obtient, avec 1'hypothese supplementaire que la vitesse du son isotherme
14.1 Stabilite et instabilite : le theoreme du viriel GS telle que P/p c| = kpT^/n est une constante
371
En prenant la divergence de 1'equation 14.19 pour eliminer V-fi et V 2 $i avec les deux equations suivantes, on obtient
Pour une perturbation de forme ondulatoire, p\ = Xel^kx+ujt\ on obtient aisement a partir de cette equation la relation de dispersion qui relie la pulsation u et le nombre d'onde k 2yr/A de cette perturbation :
Les modes instables (cu2 < 0, ou uj imaginaire pur) sont ceux dont le nombre d'onde est tel que
La longueur de Jeans est Aj = 27r/kj. La masse comprise dans un cube de cote A est la masse de Jeans Mj = p(2ir/kj}3. C'est la plus grande masse gravitationnellement stable dans un milieu de densite et temperature donnees. On verra que la masse de Jeans est semblable a la masse critique donnee par les equations 14.14 et 14.15, a un petit facteur numerique pres (3,7 au lieu de 1,9 dans 1'equation 14.15). II est interessant de remarquer que la vitesse u/k de propagation de la perturbation s'annule pour k k j . A temperature constante, la masse de Jeans decroit lorsque la densite croit. Un gaz isotherme en effondrement gravitationnel demeure done instable gravitationnellement tant qu'il se refroidit suffisamment pour rester isotherme. Dans le cas d'une equation d'etat du gaz differente du cas isotherme, P oc p7, la dependance en densite de la masse de Jeans est Mj oc p( 3 ^/ 2 - 2 ). Ainsi, des que 7 > 4/3, la masse de Jeans croit avec la densite et la masse en effondrement peut se stabiliser gravitationnellement.
372
Role de la turbulence Dans un gaz turbulent, 1'equation de dispersion (Eq. 14.23) est profondement modifiee (Section 13.2.3). Bonazzola et al. [44] suggerent de remplacer dans cette equation la vitesse du son 03 par une vitesse du son effective dependant du nombre d'onde c|(/c) = c| + (l/3)v2(k), ou v(k] est la vitesse caracteristique de la turbulence au nombre d'onde A;, ce qui donne la relation de dispersion
On peut montrer que les perturbations instables dans un milieu turbulent uniforme et isotherme de densite moyenne p et de temperature TK sont celles de taille X pour lesquelles le nombre d'onde k = 2-rr/A obeit a la relation
ou cs = ^/kTK/f^rnll est la vitesse du son isotherme et E(k) = Ak~a est le spectre de puissance de la turbulence (Eq. 13.15). II existe done une pente critique a = 3 du spectre de turbulence. Pour un spectre turbulent plus raide (a > 3), les echelles instables n'existent que dans un domaine limite [^1,^2] qui depend de PQ. Alors les grandes echelles k < k\ sont stabilisees. Get effet a ete demontre analytiquement par Bonazzola et al. [44, 45]. II est confirme par des simulations numeriques de turbulence compressible et supersonique, qui est plus realiste pour le milieu interstellaire, dans un gaz auto-gravitant (Klessen et al. [265]). Ces auteurs indiquent egalement que le champ magnetique ne modifie pas fondamentalement cette propriete. Elle permet a des condensations proto-stellaires de se former dans un nuage globalement stable en apparence. Nous ignorerons malgre tout la turbulence dans le reste de ce chapitre, tout en emettant les reserves necessaires en certains endroits. Nous remarquerons pour terminer cette section que le theoreme du viriel implique que le systeme est isole. II peut cependant etre soumis a une pression exterieure, et meme a un champ de gravitation exterieur dont on peut tenir compte s'il le faut (Eq. 14.8). Ces quelques lignes directrices sont une introduction aux questions cles de la formation d'etoiles que nous allons maintenant elaborer, comme celles portant sur les criteres d'equilibre stable ou instable d'un gaz en effondrement gravitationnel, ou la capacite de fragments instables de plus en plus petits a s'individualiser dans 1'effondrement de 1'ensemble.
14.1.3
La discussion precedente n'a fait intervenir ni la pression exterieure au nuage, ni le champ magnetique. Pour obtenir une expression plus generale,
373
il est commode de partir de 1'equation du mouvement (Eq. 11.2), que nous ecrirons sous la forme vectorielle
ou v = Dr/Dt, p, P, B et $ sont respectivement la vitesse d'ensemble, la densite, la pression, le champ magnetique et le potentiel gravitationnel. Ici, v est la vitesse macroscopique (par ex. turbulente) du gaz : on tient compte de la vitesse microscopique (thermique) des atomes par la pression P. S'il y a des particules cosmiques, on ajoute a P leur pression PCR = (l/3)wc/z 5 UCR etant leur densite d'energie. Comme dans le cas precedent, on est amene a multiplier scalairement par r 1'equation precedente et on integre le resultat sur le volume V du nuage. Les termes successifs de I'integrale ainsi obtenue sont : 1. Le terme de gauche devient fv pr %jdV = \%i 2Tmacro. En efFet la derivee seconde du moment d'inertie I = fv pr2dV est D2I/Dt2 = 2 fv pr-(Dv/Dt)dV+2 fv pv2dV. Tmacro = (1/2) fv pv2dV est 1'energie cinetique par unite de volume correspondant aux mouvements macroscopiques. 2. Le terme de pression thermique est fv r VPdV = 3 fv PdV fs Pr dS 3V(P Pext)- fs est une integrate de surface et S est le vecteur normal a la surface du nuage. On a suppose que le systeme est en equilibre de pression avec une pression exterieure Pext. P est la moyenne de la pression dans le nuage. En vertu de la relation vectorielle V (Xr) = r VX + X Vr, ce terme de pression s'ecrit bien - /v V (rP)dV + fv FV rdV = - fs Pr dS + 3 Jv PdV. En effet fs r dS = ^V et V r = 3. 3. Le terme de gradient de pression magnetique est -(l/87r) fy r VB2dV = -(l/87r) fs B2r dS + (3/87r) fv B2dV. La demonstration est la meme que pour la pression thermique. 4. Le terme provenant de la tension magnetique donne (1/4-Tr) J y r (B - V)BdV = -(1/47T) fv B2dV + (1/47T) fs(B r)B dS. On a pour ceci utilise les relations vectorielles (B V)(B r) = r (B V)B + B2 et (B V)(B r) = V (B r)B - (B r)(V B) = V-(B-r)B. 5. Le terme fv pr V3> = O, 1'energie potentielle de gravitation.
374
L'equation du viriel complete s'ecrit done, en regroupant les termes de surface et les termes de volume,
ou Pmag = B2/87v Gt P = nkTx est la pression thermique interne. TK est la temperature cinetique. L'equilibre s'exprime par I = 0, ce qui donne en I'absence de champ magnetique la condition :
On peut definir 1'energie interne (sans champ magnetique) comme u = Tmacro + (3/2}MkTK-, M etant la masse totale et TK la temperature cinetique. Si la pression exterieure est nulle, le theoreme du viriel devient 2u + O = 0, autre forme de 1'equation 14.11, et done u = Q/2. L'energie totale du systeme est alors negative : E = u + O = J7/2, puisque fJ est negatif. Nous insistons encore sur le fait que le theoreme du viriel n'est appliquable aisement qu'a un systeme gravitationnellement isole. En particulier, il ne peut pas etre applique a un fragment de nuage interstellaire, surtout s'il y a turbulence.
14.1.4
Etudions pour commencer cette stabilite dans le cas simple d'un nuage spherique, sans pression exterieure ni champ magnetique. A 1'equilibre, on a 2uo + OQ = 0. Une perturbation dR du rayon induit une variation de / telle que
Le systeme sera stable si // < 0 ou encore si IR < 0. Dans ce cas, toute perturbation de / est suivie d'un retour a la configuration d'origine. Ainsi, la condition de stabilite est unique : Idu/dR + dQ/dR < 0, car une perturbation de rayon (augmentation de rayon par exemple, correspondant a une augmentation de /) ne sera suivie d'un retour a 1'etat initial que si I < 0. Illustrons cette condition sur un systeme dont 1'energie interne est purement thermique, u = (3f2)nkTK = 3PV. Supposons que 1'equation d'etat de ce systeme est polytropique :
375
qu'on peut aussi ecrire, a masse constante, PV^ = cste. L'indice n tel que 7 = 1 + 1/n est dit indice polytropique. On a done dP/P = SjdR/R et du/u = dP/P + dR/R = 3(7 l)dR/R. La condition de stabilite ci-dessus s'ecrit done
car dQ/dR = l/R d'apres 1'equation 14.13. On voit que cette condition n'est verifiee que si 7 > 4/3. En particulier, les systemes isothermes virialises (7 = 1) ne sont pas stables lorsqu'ils sont isoles et sans champ magnetique, alors que les systemes adiabatiques (7 5/3) sont stables. On peut exprimer ce resultat en disant qu'un systeme a 1'equilibre du viriel n'est stable vis-a-vis d'une contraction (ou expansion) que si le gaz est capable de recuperer sous forme d'energie interne une partie de 1'energie gravitationnelle regue (ou perdue). Une pression exterieure modifie la condition precedente en 7 > 4/3 47rPeR3/ft ; comme O < 0 1'exposant critique est alors plus grand que 4/3. Ceci illustre, bien que de fagon schematique, 1'importance extreme de 1'equation d'etat d'un gaz dans 1'estimation de sa stabilite virielle. Le probleme est en fait complexe car 1'indice polytropique est susceptible de varier fortement au cours de revolution dynamique, et 1'equation d'etat peut meme ne pas etre polytropique. Introduisons maintenant une pression exterieure. Dans le cas simple d'une sphere isotherme sans mouvements macroscopiques et sans champ magnetique, 1'equation d'equilibre du viriel s'ecrit, d'apres les equations 14.12, 14.13 et 14.29,
On peut considerer cette equation de diverses fagons. Si la masse M et la temperature T sont fixees, on obtient des solutions ou R est fonction de Pext- Si R est tres grand (nuage de faible densite), le terme de gravitation est negligeable et les pressions interne et externe sont egales. Si la pression exterieure augmente, le rayon diminue et le terme de gravitation augmente, ce qui diminue encore le rayon. L'equilibre est done instable vis-a-vis d'une augmentation de pression. Si la pression exterieure depasse une certaine limite, aucun equilibre n'est possible et le nuage s'effondre (Spitzer [467], Section 11.3a). Si au contraire on fixe Pext et T, on obtient une relation M, R representee figure 14.1. La plus grande masse possible a equilibre du viriel est obtenue en differentiant 1'equation 14.33 et en imposant dM/dR = 0. On obtient Mmax = (207rP exi /G) 1 / 2 /? 2 . Le coefficient numerique n'est cependant pas correct dans la pratique car une sphere isotherme en equilibre ne peut pas
376
etre homogene, sa densite etant plus grande dans les regions centrales comme on le verra dans la section suivante. Chieze [84] donne la relation correcte :
avec x* = 0,4466 pour une sphere isotherme. Cette expression a ete utilisee pour construire la figure 14.1. Chieze [84] montre egalement que cette relation reste valable pour tout indice polytropique n pourvu que n < 1 ou n > 3, soit 0 < 7 < 4/3. Alors on a :
Le point de masse maximum separe la branche gravitationnelle de la relation, sur laquelle le terme gravitationnel domine le terme de pression et qui est done instable gravitationnellement, de la branche hydrodynamique stable ou la gravite est negligeable et qui tend vers 1'equilibre de pression (P Pext), avec M oc R3. Dans le plan M, R, la courbe d'equilibre, pour laquelle / = 0, separe une region superieure (grandes masses et grands rayons) ou / < 0 d'une region inferieure (petites masses et petits rayons) ou / > 0. La branche gravitationnelle est done stable vis-a-vis de 1'evaporation ou de 1'accretion, qui correspondent respectivement a une diminution ou a une augmentation de M a R constant. Mais elle est instable pour des perturbations du rayon (compressions) a masse constante comme nous 1'avons vu precedemment (parce que le nuage est isotherme, dans le cas present). A 1'inverse, la branche hydrodynamique est stable pour ce type de perturbation et instable vis-a-vis de 1'evaporation ou de 1'accretion. Faisons maintenant intervenir la dispersion des vitesses thermiques crvjh, toujours en supposant 1'absence de mouvements macroscopiques. L'equation d'equilibre du viriel pour la masse critique (maximum) Mmax = M* s'ecrit
ou 1'asterisque denote les quantites prises a la limite de 1'instabilite gravitationnelle. a* = 0, 7323 est un parametre numerique correspondant a une sphere isotherme reelle, non homogene. En eliminant R* entre les equations 14.34 et 14.36, on obtient
377
FlG. 14.1 - Relation masse-rayon pour des nuages spheriques isothermes sans champ magnetique soumis a une pression exterieure Pext/k = 3800 K cm"3. Le point critique (*) correspond a la masse maximum possible ; son lieu en fonction de la temperature est la droite indiquee, de pente 2. II separe les configurations gravitationnellement stables (courbe en trait plein) des configurations instables (courbe en trait interrompu). D'apres Chieze [84], avec 1'autorisation de 1'ESO. Si on suppose Pext constante, on a done
Ces relations restent valables pour une equation d'etat polytropique. Les indices ai et a^ sont peu sensibles a 1'indice polytropique et ne different des valeurs pour le cas isotherme que par moins d'un facteur 2. a\ est donne par le tableau 1 de Chieze [84]. Si les mouvements macroscopiques sont grands, ce qui est le cas general dans les nuages interstellaires ou ils sont presque toujours superieurs a 1'agitation thermique des atonies ou des molecules, il faut ajouter a 1'equation du viriel le terme 1Tmacro = Mcr%jTnacro (Eq. 14.29). Ce terme a exactement la meme forme que le terme thermique 3MkTK/(fJ<mii) = Ma^ th. Toute 1'etude precedente reste done valable, y compris les valeurs numeriques, a condition
378
que la dispersion de vitesse soit uniforme dans le nuage. II faut cependant 1'utiliser avec prudence pour des nuages turbulents, comme nous 1'avons indique precedemment. Les relations de 1'equation 14.39 sont proches des relations d'echelle observees (Eq. 13.1 et 13.3). Ceci a conduit Chieze et d'autres auteurs a supposer que les structures interstellaires reelles sont generalement a la limite de 1'instabilite gravitationnelle. On peut penser que si un nuage est gravitationnellement instable, il se fragmente plutot que de s'effondrer globalement. En effet pour un gaz isotherme, la masse de Jeans decroit comme n"1/2 lorsque la densite n augmente (Eq. 14.14). La diminution du nombre de particules, done de n, quand tout le Hi se convertit en H2 lorsque la densite et la densite de colonne sont suffisantes, renforce la diminution de la masse de Jeans et favorise 1'instabilite et la fragmentation. Cependant cette propriete n'est pas necessairement vraie pour des equations d'etat differentes de celle dans le cas isotherme. Si 1'equation d'etat est en P oc p7, la masse de Jeans varie avec la densite comme Mj oc p37/2"2. Elle est independante de la densite lorsque 7 = 4/3 et la fragmentation est alors impossible. Dans des cas realistes, il semble cependant que la fragmentation puisse intervenir dans un large eventail de conditions interstellaires. Chieze [84] et d'autres ont suggere qu'elle est a la base de la distribution hierarchique des structures interstellaires et se poursuit jusqu'aux fragments protostellaires (voir aussi Chieze & Pineau des Forets [85]). Les choses sont cependant loin d'etre aussi simples si les nuages sont turbulents, la turbulence pouvant creer des instabilites et done induire la fragmentation meme dans un nuage globalement stable, comme on 1'a vu a la fin de la section 14.1.2.
14.1.5
Un nuage isotherme auto-gravitant a 1'equilibre ne peut avoir une densite uniforme puisque la force de gravite est fonction du rayon r. Le comportement de la densite p(r) est determine par deux equations : - 1'equation d'etat locale, soit pour un gaz parfait
379
Pour resoudre cette equation, on fait le changement de variables p Ae^, r = /? 1 / 2 A~ 1 / 2 ^, A etant une constante arbitraire, et 0 = kT/(4:7rG^mn). L'equation devient une equation differentielle simple,
Les conditions aux limites au centre sont p = pc et dp/dr = 0. Si on choisit A = pc, elles deviennent C = 0 et dC^/d^ = 0. Le probleme est alors completement determine une fois connus T et /z, et choisie la densite centrale A. La solution se trouve dans les traites d'astrophysique, par exemple dans le livre de Chandrasekhar Introduction to the Study of Stellar Structures. On trouve que la densite est sensiblement proportionnelle a r"2, sauf dans les regions centrales. Une sphere isotherme complete a 1'equilibre s'etend a 1'infini en 1'absence de pression exterieure, car e^ done P et p n'ont pas de zeros pour les valeurs positives finies de . Si on applique une pression exterieure, le rayon est fini. Les expressions donnant les differentes valeurs des parametres d'une sphere isotherme bornee par une pression exterieure sont donnes par McCrea [335]. Les valeurs numeriques correspondantes ont ete utilisee dans la section precedente pour corriger les resultats obtenus dans le cas simple mais irrealiste d'une sphere homogene. En realite les nuages interstellaires ne sont pas isothermes car les processus de chauffage et de refroidissement detailles au chapitre 8 conduisent a des gradients de temperature. L'equilibre de nuages plus realistes a ete etudie par Falgarone & Puget [157] et Chieze &; Pineau des Forets [85]. La figure 14.2, d'apres ces derniers, montre a titre d'exemple la structure en densite d'un nuage moleculaire dont la surface est soumise au champ de rayonnement interstellaire standard (x = 1) et a une pression exterieure standard du milieu interstellaire. La densite varie sensiblement comme r"1'3 dans ce modele au lieu de r~2 pour une sphere isotherme. L'equation d'etat du gaz est egalement discutee et reproduite (Figure 14.3) pour differentes conditions. Un resultat interessant de cette etude est qu'une instabilite thermique (Section 8.3) peut se produire dans 1'enveloppe de faible densite des nuages lorsque la temperature est superieure a environ 92 K. C'est probablement cette instabilite qui limite 1'extension des nuages dans certains cas. Mais une fois encore, ces resultats quelque peu academiques sont a reviser si le nuage est turbulent.
380
FlG. 14.2 - Profils de densite pour des nuages moleculaires soumis au champ de rayonnement interstellaire standard non attenue (Av,s 0) et a une pression exterieure Ps/k = 3000 K cm~ 3 . D'apres Chieze & Pineau des Forets [85], avec 1'autorisation de 1'ESO.
14.1.6
L'efFet du champ magnetique sur la stabilite, 1'effondrement gravitationnel et la fragmentation des nuages interstellaires est complexe. Nous suivrons ici 1'expose tres pedagogique de Spitzer [467]. Nous ne tiendrons compte ici que de la pression thermique. Mais bien entendu, s'il y a des mouvements macroscopiques, par exemple turbulents, on doit en inclure 1'efFet, par exemple en remplagant la temperature T dans les equations qui suivent par une temperature fictive plus elevee. Mais ici encore la turbulence peut causer des complications, que nous n'examinerons pas. Si on suppose pour simplifier que le champ magnetique decroit tres rapidement a 1'exterieur du nuage, on peut negliger les termes de surface magnetiques dans 1'equation 14.27, a condition de prendre la surface S a une certaine distance de la surface reelle du nuage. Des calculs plus complets (Spitzer [467]) montrent que cette approximation est assez justifiee. Pour un nuage spherique ou le champ magnetique est uniforme, le terme magnetique
14.1
381
FlG. 14.3 - Equations d'etat a differentes profondeurs optiques dans le visible (exprimees sous forme de Av, qui est indique pour chaque courbe) dans un nuage moleculaire soumis au rayonnement interstellaire local standard. La pression interstellaire standard P/k = 3 800 K cm~ 3 est indiquee cornme reference. La pression a 1'interieur du nuage est necessairement au moins egale a la pression exterieure. Une region d'instabilite thermique se trouve a gauche de la ligne en traits-points. On constate de grandes variations dans la pente de 1'equation d'etat, done dans 1'indice polytropique. D'apres Chieze & Pineau des Forets [85], avec 1'autorisation de 1'ESO. de volume est (47T J R 3 /3)(S 2 /87r), si Men que 1'equation 14.27 peut se mettre sous la forme analogue a celle de 1'equation 14.33 :
Une quantite importante est la masse critique Mc pour laquelle 1'energie magnetique est egale a la valeur absolue de 1'energie gravitationnelle. Elle vaut
382
ou <j)p = TtR2B est le flux magnetique total dans le image, et c\ est un facteur tenant compte de la structure reelle du nuage. Numeriquement, on a
En remplagant (^B par sa valeur dans 1'equation 14.45 et en remarquant que R2 = [3Mc/(47rp)]2/3 on a
L'effbndrement ne peut se produire que si M > Mc et si la pression exterieure Pext est superieure a une certaine valeur critique Pm- Pour obtenir Pm, on considere 1'equation 14.45 en fixant la masse M et en examinant la variation de la pression d'equilibre Pext avec le rayon. On constate qu'elle atteint un maximum pour une certaine valeur du rayon : c'est Pm. La valeur de Pm s'obtient done en differential 1'equation 14.45 par rapport a Pext et R, en ecrivant que dPext/dR = 0 et en exprimant le rayon correspondant en fonction de Mc et de M. On obtient
ou on a insere un autre facteur geometrique c^. On notera qu'une autre possibilite d'effondrement existe s'il y a des mouvements macroscopiques. La decroissance eventuelle de ces mouvements, par exemple par dissipation thermique, occasionne une diminution de la temperature fictive qui remplace dans ce cas T dans les equations 14.45 et 14.49 et conduit a une diminution de Pm, ce qui peut permettre 1'instabilite et la contraction meme si la pression exterieure est constante. Si le champ magnetique est gele dans la matiere, le flux magnetique (J>B se conserve, et le rapport entre 1'energie gravitationnelle et 1'energie magnetique est constant au cours de la contraction du nuage. Done si la pression magnetique n'empeche pas la contraction initiale, elle ne pourra pas s'opposer ensuite a 1'effondrement. Cependant 1'observation montre qu'il n'y a pas conservation du flux magnetique : la figure 2.6 suggere que B oc n'45, d'ou B oc R~l>35 pour un nuage spherique, si bien que BR2 oc jR'7 dans ce cas. Pour un tel nuage, le flux magnetique diminue done au cours de la contraction : ceci provient, nous le verrons plus loin, de 1'evacuation du champ magnetique par la diffusion ambipolaire, qui est un phenomene inevitable si le degre d'ionisation du milieu est faible, ce qui est le cas pour les nuages neutres atomiques et moleculaires. Done la pression magnetique devient de moins en moins efficace pour supporter le nuage au cours de la contraction. Cependant, le nuage peut ne pas rester spherique pendant sa contraction. Si le champ magnetique comporte une composante reguliere, ce qui parait
383
etre generalement le cas, la matiere glisse le long des lignes de force de cette composante et le image tend a s'aplatir. Get aplatissement augmente la valeur absolue de 1'energie gravitationnelle du nuage : ceci diminue 1'effet du champ magnetique au cours de la contraction, par rapport a son effet dans un nuage spherique. Ceci change quelque peu les conditions d'equilibre initiales, done les facteurs c\ et c%. Des calculs exacts ont ete effectues dans ce cas, en negligeant la diffusion ambipolaire, par Mouschovias & Spitzer [354], dont les resultats sont resumes par Spitzer [467]. Us trouvent c\ = 0,53 et c<2 = 0,60. Avec cette valeur de c\ la masse critique est
Avec des conditions pour un nuage diffus standard, en supposant qu'un tel nuage existe (B0 5 /iG, n0 = 20 cm~ 3 ), Mc 6 103 M o . Pour le milieu interstellaire dans son ensemble, avec no ~ 1 cm~3, Mc w 2 106 M 0 . C'est 1'ordre de grandeur de la masse des plus grands complexes interstellaires (mais voir la discussion Section 15.1.2). Pour resumer, les nuages magnetises sous-critiques, c'est-a-dire de masse M < Mc, ne peuvent pas s'effondrer sous 1'effet d'une augmentation de pression exterieure si le flux magnetique est conserve. Leur condensation n'est possible que s'il y a redistribution du champ magnetique par diffusion ambipolaire. Ce phenomene est lent si bien que la contraction est quasi statique. Si le rapport de la pression magnetique a la pression thermique est eleve (nuage moleculaire froid), la masse de Jeans peut etre beaucoup plus petite que la masse du nuage et il y a fragmentation en cceurs denses qui peuvent eventuellement former des etoiles de faible masse. A 1'inverse, les nuages super-critiques peuvent s'effondrer globalement sous 1'effet d'un augmentation de pression exterieure ou d'une diminution de leur pression interne. Le champ magnetique ne peut stopper cet effondrement meme si le flux magnetique est conserve. Ces nuages super-critiques peuvent se former par agglomeration de nuages sous-critiques. Le nuage s'effondre en forme de crepe en s'aplatissant le long de la composante reguliere du champ magnetique. Des fragments de taille comparable a 1'epaisseur de cette crepe peuvent eux-memes etre super-critiques et s'effondrer pour produire un amas d'etoiles massives. Ces idees ont ete developpees par Lizano &; Shu [312] pour rendre compte de 1'existence de deux modes de formation stellaire : une formation lente d'etoiles de petites masses, et une formation rapide d'etoiles de toutes masses. Nous verrons cependant plus loin que ces conclusions sont contestees par certains, et que 1'origine de la formation bimodale des etoiles pourrait etre differente. Pour terminer cette section, nous signalerons les modeles de nuages moleculaires de McKee & Holliman [339] qui incluent plusieurs polytropes
384
superposes qui representent les differents types de pression thermique, turbulente et magnetique).
14.1.7
Dans le paragraphe precedent, nous avons mentionne la possibilite que le flux magnetique ne soit pas conserve lors de 1'evolution de la matiere interstellaire. Ceci signifie que le champ magnetique peut ne pas etre bien couple au gaz, 1'approximation MHD n'etant alors plus valable. Le champ magnetique et les ions sont toujours bien couples. Mais, le gaz etant tres faiblement ionise dans les nuages moleculaires, sa dynamique est essentiellement celle des particules neutres. Le couplage entre le champ magnetique et le gaz se fait done par 1'intermediate des collisions ions-neutres.
Gas quasi-statique
Une demonstration simple de cet effet est donnee par Spitzer [467] et par Shu et d. [445]. Elle suppose implicitement qu'il y a equilibre et que le champ magnetique est quasi-statique. La force de Lorentz qui s'exerce sur le fluide de particules chargees est
j etant la densite de courant, ou 1'on a utilise la loi d'Ampere j = (c/47r)V x B. Cette force occasionne un deplacement relatif des ions et des neutres avec une vitesse moyenne obtenue en egalant la force de Lorentz a la force de freinage par unite de volume due aux collisions ions-neutres :
ou pi et pn sont les densites respectives des ions et des neutres dont les vitesses moyennes sont v^ et v n . 7 est un coefficient de freinage qui depend peu de la nature des ions et des neutres et est de Fordre de quelques 1013 cm3 g^1 s~1. La vitesse v^ de derive des ions par rapport aux neutres est done
Les electrons n'interviennent pas ici car le transfert de quantite de mouvement electron-neutre est negligeable devant le transfert ions-neutres. Les electrons suivent les ions dans leur mouvement global afin que 1'equilibre de charges soit respecte. Les ions sont lies au champ magnetique. L'evolution temporelle du champ magnetique est done donnee par
14.1 Stabilite et instabilite : le theorems du viriel La combinaison de cette equation avec la precedente donne
385
Si le membre de droite de cette equation etait nul, ce qui correspondrait a un degre d'ionisation eleve, le champ magnetique serait bien couple au mouvement des neutres. Le membre de droite correspond a une diffusion du champ magnetique par rapport aux neutres avec un coefficient de diffusion effectif D dont 1'ordre de grandeur est (B2/47rpn)tni, tni = (pil}~1 etant le temps moyen separant deux collisions d'un neutre avec des ions. Si le champ magnetique est sensiblement uniforme dans tout le nuage, le temps caracteristique pour la diffusion ambipolaire est IAD ~ R2/D ~ R/VdCas non statique
Les developpements qui suivent sont inspires de Particle de Kulsrud & Pearce [274], Appendice C. Nous considererons que les ions et les neutres ont des masses differentes, respectivement ^ran et /j,nmn. Soient z^n = nn(av] et vni = Ui(av] les frequences de collisions d'un ion avec les neutres et d'un neutre avec les ions, respectivement, v etant la vitesse de 1'ion et du neutre. La moyenne est prise sur une distribution maxwellienne des vitesses. Notons que si le mouvement relatif d'ensemble des ions et des neutres est faible, (av] c 2 x 10~9 cm3 s-1 est le taux de Langevin (Section 9.1.1). Ecrivons les equations du mouvement pour les ions et les neutres, en negligeant 1'effet du gradient eventuel de pression et de la gravite, car nous ne considerons qu'un volume assez petit :
L'equation devolution du champ magnetique est 1'equation 14.54. La force totale que les ions exercent sur les neutres par unite de volume est bien egale a celle que les neutres exercent sur les ion :
et done par comparaison avec 1'equation 14.52, 7 = (av}/[(^Ln + /Zi)mn]. Nous supposerons dans ce qui suit que les ions sont tres bien couples avec le champ magnetique, ce qui implique que le temps rin necessaire pour devier un ion de sa giration autour du champ magnetique par collision avec les neutres
386
est beaucoup plus grand que la periode cyclotron (ou Larmor) (Eq. 12.46), soit
Supposons que le milieu soit traverse par une onde d'Alfven (transversale) caracterisee par sa pulsation uo et son nombre d'onde k, et que cette onde se propage le long de 1'axe x, la direction du champ magnetique au repos B 0 Sous 1'effet de cette onde, le champ est perturbe. On suppose que B = B 0 +<5B avec 5B selon la direction transversale y, si bien que By = ByQ exp i(kx uit). La perturbation provoque un mouvement local d'ensemble des ions avec une vitesse Vi dirigee selon y. Linearisons les equations 14.56 et 14.57 en remarquant que v; Vvi = 0 car Vvi est parallele a 1'axe des x et done perpendiculaire a Vi. On obtient :
d'ou :
et
L'equation 14.61 permet d'obtenir 1'equation de dispersion cherchee. Introduisons 0;^ = kvAi, la pulsation de 1'onde d'Alfven dont la vitesse de propagation est VAI = -Bo/(47rpi) 1 / 2 . Apres quelques calculs, on obtient 1'equation de dispersion du troisieme degre
En ecrivant 1'equation de dispersion sous cette forme, on considere u comme un nombre complexe. Dans cette description, 1'onde est partout presente et la dissipation fait apparaitre une coupure en frequence. On pourrait aussi supposer que 1'onde est emise par une source, par exemple la collision entre deux nuages, et qu'elle s'attenue au cours de sa propagation, auquel cas a; resterait reel et k serait un nombre complexe. Pour comprendre ce que cette equation contient, etudions tout d'abord les solutions aux basses (o> petit), puis aux hautes frequences.
14.1 Stabilite et instabilite : le theoreme du viriel A basse frequence la relation de dispersion devient
387
ou Ton a introduit la quantite e = pi/pn, supposee <C 1. La solution de cette equation est
Elle fait apparaitre le fait que la propagation n'est pas possible, uj etant imaginaire pur, si cuk > 2^ n j/i/e, ou encore si le nombre d'onde est tel que
Cette fois, il n'y a pas propagation d'ondes pour LU^ < vni/2e, ou encore pour des nombres d'onde tels que
En resume, si le nombre d'onde de 1'onde d'Alfven k = uik/VAi est tel que 1. ujk > vni/1e : les ions ne subissent pas 1'effet des collisions avec les neutres car ces collisison sont rares par rapport a la periode de 1'onde, et dans ce cas a; ~ cu/t car la densite qui intervient dans la propagation de 1'onde est celle des ions ; 2. vni/1e < u)k < 1vnij'\ft : il n'y a pas de propagation, toute 1'energie etant dissipee dans les collisions ions-neutres ; 3. cjfc < Sz/nj/A/e : les neutres se couplent progressivement aux mouvements des ions au fur et a mesure que k diminue. La vitesse de derive vj = viy vny entre les ions et les neutres se deduit de I'equation 14.61. Elle se reduit, dans le domaine des basses frequences, a
388
Cette vitesse de derive tend done vers zero lorsque la frequence de 1'onde devient tres inferieure a la frequence de collision d'un neutre avec les ions. Alors les deux types de particules sont parfaitement couples. Plus le milieu est ionise ou dense, plus vni est grand et mieux les neutres sont couples aux ondes qui se propagent dans le champ magnetique. Le taux de dissipation induit par les collisions entre les ions et les neutres est le produit de la force de friction \Fd\ (Eq. 14.58) par le module de la vitesse de derive vi vn |. On a done par unite de volume
Dans le milieu diffus, en prenant par exemple .6 = 5 //G, nn = 30 cm~ 3 , un degre d'ionisation x = 10~4, 1'ion principal etant C + et done /^j = 12////, on a i/in = 6 10~8 s"1, vni 6 10~12 s""1 et VAI = 50 kms" 1 . Les limites en longueur d'onde entre lesquelles il n'y a pas de propagation possible sont 7 0 U A < A < 0,01 pc. Dans le milieu moleculaire dense, en prenant par exemple B = 50 /iG, nn = 104 cm~ 3 , x = 10~7, 1'ion principal etant HCO+ et done /^ = 28;u//, on a Vin = 2 10~5 s-1 et VAI = 440 kms" 1 . Les longueurs d'onde entre lesquelles il n'y a pas de propagation sont 2 UA < A < 0,01 pc. En toute rigueur, il faudrait aussi considerer les petits grains charges qui participent a la diffusion ambipolaire. Cependant ils ont des periodes cyclotron bien plus longues que celles des ions atomiques ou moleculaires : s'ils se couplent facilement aux neutres, ils sont aussi facilement decouples du champ magnetique. Diffusion ambipolaire et support magnetique Reprenons apres cette digression le probleme de la stabilite des nuages interstellaires. Supposons que le nuage est supporte par le champ magnetique pres de la masse critique et obeit done a Fequation 14.45. S'il s'agit d'un nuage moleculaire, 1'ionisation est due aux rayons cosmiques, a condition que la densite ne depasse pas 108 cm~ 3 auquel cas les rayons cosmiques ne penetrent plus et 1'ionisation n'est plus due qu'a la radioactivite naturelle. Puisque le taux d'ionisation par rayons cosmiques est proportionnel a nn et le taux de recombinaison a riine n?, 1'equilibre d'ionisation implique que pi = Cpn (Eq. 4.33), C variant lentement avec la temperature et etant proportionnel a la racine carree de la deficience des elements lourds. Pour une deficience de 0,1 et une temperature de 10-30 K, on a C = 3 10~16 cm~ 3 / 2 g 1 / 2 . Alors on trouve que le rapport du temps de diffusion ambipolaire au temps de chute libre tf (voir plus loin sa definition Section 14.2.1) est de 1'ordre de
14.2 Effondrement
et fragmentation
389
Avec la valeur numerique choisie pour (7, ce rapport, qui est independant de la masse et du rayon du nuage, est de 1'ordre de 8. Done la diffusion ambipolaire est un phenomene lent lorsque 1'ionisation est due aux rayons cosmiques, et 1'etude simplifiee que nous avons presentee au debut de cette section est valable. II est interessant de considerer 1'equation du mouvement pour les neutres, ou 1'on ne neglige plus la pression et la gravite, que Ton deduira facilement de 1'equation 14.27 (voir aussi 1'equation 14.57) :
Les neutres etant tres dominants, on voit que le support du nuage par le champ magnetique se fait par 1'intermediaire de la force de freinage (qu'on peut aussi appeler la force de couplage ions-neutres) F^. Done pour un milieu tres peu ionise comme un nuage moleculaire, le support magnetique est indissociable de la diffusion ambipolaire.
14.2
Effondrement et fragmentation
Une fois les conditions d'instabilite gravitationnelle remplies, le nuage s'effondre sur lui-meme et le champ magnetique ne peut plus s'opposer a cet effondrement, comme nous 1'avons vu. La masse de Jeans diminue au cours de la contraction et il y a possibilite de fragmentation du nuage. Nous allons maintenant examiner ces phenomenes, toujours avec la reserve que la turbulence pourrait modifier considerablement les conclusions.
14.2.1
On peut obtenir comme suit le temps caracteristique d'effondrement ou temps de chute libre tf (de 1'anglais free fait) pour pour un nuage spherique initialement uniforme de densite po, sans champ magnetique ni rotation (Spitzer [467]). On neglige aussi la pression. C'est bien entendu un cas academique, mais 1'ordre de grandeur du temps que 1'on obtient est correct. L'equation du mouvement d'une couche de rayon r dont le rayon initial etait a s'ecrit
ou M(a) est la masse a 1'interieur du rayon a. La masse a 1'interieur du rayon r reste invariante et egale a M(a). Multiplions 1'equation ci-dessus par dr/dt
390
En definissant la constante d'integration a partir des conditions aux limites et en prenant la racine carree, on obtient
ou 1'on a pris t = 0 au debut de 1'effondrement ou dr/dt = 0. j3 est le meme pour toutes les couches au meme temps t et toutes les couches atteignent le centre au meme moment, ou j3 = vr/2, apres un temps d'effondrement de
Ces equations montrent aussi que la densite croit plus vite au centre qu'au bord du nuage (effondrement inhomogene), a condition evidemment que la densite soit au depart uniforme ou plus grande dans les regions centrales, ce qui est toujours le cas en pratique. Le temps d'effondrement, que Ton prend sou vent egal a I/ ^fGp etant donne les incertitudes, est un ordre de grandeur qui reste utilisable a 1'ordre zero en presence de champ magnetique et pour les differentes formes de nuages, de distribution de densite, etc.
14.2.2
Le calcul qui precede, qui neglige la pression, n'est evidemment qu'un calcul d'ordre de grandeur. II existe un grand nombre d'etudes plus detaillees, analytiques ou numeriques, pour des nuages spheriques isothermes sans ou avec champ magnetique. Sans champ magnetique, les equations qui gouvernent 1'evolution dynamique du systeme sont, sous forme Eulerienne : 1. 1'equation de conservation de la masse
ou M = M(r, t) est la masse interieure au rayon r au temps t et U t/(r, t) est la vitesse du gaz au rayon r et au temps t. Ces relations sont
14.2 Effondrement
et fragmentation
391
FlG. 14.4 - Solution analytique auto-similaire de 1'effondrement d'un nuage spherique sans champ magnetique, avec une equation d'etat P oc p1'20. La densite est portee en fonction du rayon a differentes epoques. D'apres Blottiau et al. [35], avec 1'autorisation de 1'ESO. equivalentes a 1'equation de continuite
II est possible de trouver des solutions analytiques auto-similaires a ce systeme d'equations differentielles : voir par exemple Shu [444] ou Blottiau et al. [35]. Un exemple est presente figure 14.4. Bien entendu le resultat depend quelque peu des conditions initiales. Cependant toutes les configurations initiales realistes, qui ne sont pas trop eloignees de la solution critique que nous avons designee par un asterisque (*) section 14.1.4, conduisent a une densite qui croit fortement vers le centre, formant une sorte de noyau a 1'interieur duquel la densite est sensiblement uniforme (plateau ; voir Figure 14.2). La formation de ce noyau peut d'ailleurs etre acceleree par la formation de 1'hydrogene moleculaire. La matiere qui entoure ce noyau tombe dessus pratiquement avec la vitesse de chute libre donnee par 1'equation 14.81, la densite variant sensiblement comme r~ 3 / 2 dans cette enveloppe si elle est isotherme. Un choc
392
se forme a la peripherie du noyau, tandis que la chute rapide de la matiere interne engendre une region de faible pression a un rayon un peu plus grand. Cette diminution de la pression forme une onde de rarefaction qui se propage vers 1'exterieur a la vitesse du son. Les parties externes de 1'enveloppe ne sont pas influencees au debut par cette onde de rarefaction et leur chute vers 1'interieur est tres lente, d'autant plus lente que le rayon est plus grand : elles obeissent a une solution auto-similaire tant que 1'onde de rarefaction n'est pas arrivee, puis la chute est acceleree par la diminution de pression correspondant a cette onde. Lorsque 1'onde de rarefaction arrive a la limite du nuage, la pression interne devient inferieure a la pression ambiante, ce qui engendre une onde de compression qui se propage vers 1'interieur et forme bientot un choc. Ce choc aide a son tour la matiere a tomber sur le noyau. On voit que meme dans ce cas elementaire les phenomenes sont complexes. De plus, on a neglige ici la possibilite deja mentionnee de fragmentation au cours de 1'effondrement. La fragmentation est naturelle, mais on ne sait pas vraiment quelles sont les conditions pour qu'elle se produise. Pourtant il est certain que la fragmentation existe et est efficace puisque les etoiles tendent a se former en groupe. L'effondrement est difficile a observer en raison de la faiblesse des vitesses. Quelques resultats assez convaincants ont ete cependant obtenus recemment (Williams et d. [521]). La presence de la rotation et du champ magnetique complique evidemment encore le probleme. Nous aliens brievement en resumer les effets.
14.2.3
Role de la rotation
La rotation peut en principe modifier considerablement 1'effondrement. Pour le voir, supposons que le nuage initial de rayon R(Q] tourne avec une vitesse angulaire uniforme u;(0). Si la contraction est homologique, la conservation du moment angulaire J implique
La force centrifuge a 1'equateur uj2R varie done comme 1/R3, tandis que la force gravitationnelle varie comme 1/R2. En consequence, ces forces s'equilibreront a 1'equateur pour une certaine valeur du rayon. A ce moment, le nuage ne peut plus se contracter transversalement a J et evoluera vers une disque aplati. La fragmentation est alors tres differente de ce qu'elle est pour un effondrement spherique, mais elle existe toujours. Les simulations numeriques confirment ces idees dans des cas plus generaux : la contraction n'est pas homologique et seul le noyau central est aplati, 1'enveloppe restant relativement spherique. Le noyau lui meme tend a former un disque (en fait un anneau) en rotation rapide qui se fragmente eventuellement (Figure 14.5) : voir par exemple Boss [49] et 1'article de revue de Bodenheimer [37].
14.2 Effondrement
et fragmentation
393
FlG. 14.5 - Fragmentation d'un nuage en rotation plus ou moins rapide. Les figures a, b et c montrent le resultat de simulations numeriques de nuages en rotation de plus en plus lente, apres environ 10 temps de chute libre. Les contours representent la densite dans le plan equatorial et progressent par un facteur 2 d'un contour au suivant. Le champ magnetique a ete pris en compte, de meme que la diffusion ambipolaire. Le nuage (a) a un rapport de Penergie rotationnelle a 1'energie gravitationnelle de 0,012 et se fragmente en une protoetoile binaire. Ce rapport est de 0,0080 pour le nuage (b) qui forme simplement une barre, et de 0,00012 pour le nuage (c) qui reste presque axisymetrique. Sans champ magnetique, la fragmentation se produit pour des rapports plus faibles, ce qui met en evidence le role du champ magnetique dans 1'evacuation du moment angulaire. La figure (d) represente la temperature du gaz pour le nuage (c), les contours progressant par un facteur 1,3. La temperature au centre est de 25 K, notablement superieure a la temperature initiale de 10 K. L'effondrement devient done adiabatique et I'echauffement n'est pas favorable a une fragmentation ulterieure. D'apres Boss [50], avec 1'autorisation de 1'AAS.
394
Un probleme majeur est que le moment angulaire observe pour les etoiles individuelles est considerablement inferieur a ce qu'on attend de la contraction d'un nuage interstellaire, meme si son moment angulaire est seulement celui de la rotation differentielle galactique. Le moment angulaire doit done etre en partie evacue au cours de la contraction du nuage. Une possibilite est le transfert du moment angulaire de la rotation au mouvement orbital d'etoiles doubles ou multiples. C'est ce qui se passe dans les simulations numeriques de 1'effondrement. La figure 14.5 montre un exemple de resultat de simulation numerique pour des nuages de rotation plus ou moins importante. Elle inclut le champ magnetique discute plus loin, mais les resultats ne sont pas qualitativement tres differents des resultats sans champ magnetique. La fission d'une protoetoile en rotation peut permettre a chacun des fragments de continuer a se contracter. Une autre possibilite, qui est une necessite pour la formation d'etoiles isolees entourees ou non d'un disque protoplanetaire, est le transfert du moment angulaire aux regions exterieures, soit par un couplage turbulent soit par un couplage magnetique. Ce dernier parait plus efficace. Un cas simplifie montre comment il fonctionne, suivant Spitzer [467]. Considerons un nuage spherique en rotation rigide, de rayon R, entoure par un milieu moins dense sans rotation, le tout etant plonge dans un champ magnetique B. B est suppose parallele a 1'axe de rotation (pris vertical) du nuage, de vitesse angulaire u>. La rotation du nuage tord les lignes de force du champ, et on peut montrer que cette deformation se propage le long des lignes de force au-dessus et en dessous du nuage avec la vitesse d'Alfven VA = B/\/4Trp, p etant la densite du milieu exterieur. Elle accelere le milieu exterieur jusqu'a la vitesse angulaire a;, dans un cylindre de rayon jR, le meme que celui du nuage. La quantite de matiere acceleree par seconde dans la portion de ce cylindre de rayon r et d'epaisseur dr est 27rprvAdr, et le moment angulaire communique a cette portion est uir2. En assimilant le nuage a une sphere uniforme rigide, dont le moment d'inertie est 2M/22/5, on a en integrant sur r
Le terme de droite a ete multiplie par 2 pour tenir compte de la propagation de la deformation des deux cotes du nuage. On peut definir un temps de freinage de la rotation
ou on a explicite la valeur de VA- Le rapport M/(BR2} est voisin de (M/M C ) 1/2 G~ 1/2 (Eq. 14.45 a 14.47), Mc etant la masse critique magnetique, et est invariable pendant la contraction du nuage si le flux magnetique se conserve. II reste meme constant s'il y a fragmentation, a condition que le flux magnetique soit divise egalement dans les fragments. Comme M/MC
14.2 Effondrement
et fragmentation
395
n'est pas tres different de 1, IB est peu different du temps de chute libre tf (Eq. 14.81) qui correspondrait a la densite p du milieu exterieur. Cependant, comme la densite dans le nuage est superieure a p, le temps de chute libre est plus petit dans le nuage et ts > tf (nuage) : pour que le mecanisme soit efficace, il faut qu'il se produise dans les phases initiales ou la densite dans le nuage est faible, et qu'il dure pendant un temps egal a plusieurs fois tf. Des calculs plus realistes donnent des temps de freinage plus courts quand le champ magnetique n'est pas parallele a 1'axe de rotation, si bien que la difficulte est attenuee.
14.2.4
Nous avons deja aborde un des effets du champ magnetique dans ce qui precede. L'etude de son role est tres complexe et les resultats souvent controverses. Nous exposerons pour commencer le point de vue de Shu et de ses collaborateurs, mais discuterons d'autres points de vue a la fin de cette section. II convient de distinguer, comme nous 1'avons deja vu, le cas des nuages sous-critiques et celui des nuages super-critiques.
Nuages gravitationnellement sous-critiques
Nous avons section 14.1.6 que ces nuages sont gravitationnellement stables. Puisqu'une faible fraction seulement des nuages moleculaires forme des etoiles massives, il est vraisemblable que la plupart de ces nuages sont sous-critiques dans le point de vue de Shu et collaborateurs. Leur evolution est neanmoins possible grace a la diminution du flux magnetique par diffusion ambipolaire, mais elle est lente, quasi statique. Elle a ete notamment traitee par Lizano & Shu [312], qui incluent le soutien turbulent du nuage centre la gravitation. Us montrent 1'existence d'une seconde masse critique nominee masse umbrale par ces auteurs (d'apres 1'espagnol umbrdl, qui signifie seuil). Si la masse est super-umbrale, la diffusion ambipolaire sera sufHsante pour permettre la formation lente d'un cosur dense qui pourra eventuellement former un etoile. Si la masse est plus faible que la masse umbrale, au contraire, la diffusion ambipolaire creera des lignes de force rectilignes et il n'y aura pas formation d'un cceur dense. Ce scenario est cependant controverse, comme on le verra plus loin.
Nuages gravitationnellement super-critiques
Ces nuages peuvent etre instables et s'effondrer sur eux-memes (Section 14.1.6). Une possibilite pour former ces nuages est 1'agglomeration de nuages sous-critiques pour former un grand complexe, ce qui peut se produire dans les bras de spirales ou dans les regions centrales de certaines galaxies. Ce mode de formation requiert une assez grande densite de materiau moleculaire
396
et peut etre a 1'origine des flambees de formation d'etoiles massives. Un tel image super-critique s'effondre en un systeme aplati, qui peut se fragmenter en morceaux de taille comparable a 1'epaisseur du systeme (Spitzer [467] Section 13.3.a). Une autre possibilite, dans le point de vue de Shu et collaborateurs, est la formation de petits cceurs super-critiques au sein d'un nuage sous-critique en contraction, a partir de fragments de masse superumbrale. Ces cceurs sont susceptibles de former lentement des etoiles de faible masse au sein de nuages moleculaires calmes. La formation et 1'evolution de ces cceurs est relativement mieux comprise que reffondrement direct de nuages super-critiques. Elles ont ete etudiees notamment par Galli & Shu [176] en tenant compte de la rotation et de la diffusion ambipolaire. II ne nous est pas possible ici de resumer leur etude, et nous nous contenterons d'en donner quelques resultats. Us trouvent que 1'allure generate de 1'effondrement n'est pas essentiellement differente de ce qui se passe sans champ magnetique : il y a formation d'un objet central (protoetoile) sur lequel la matiere continue a tomber sensiblement au meme taux avec ou sans champ magnetique. La difference principale est la formation autour de cet objet d'une structure aplatie qui resulte de la deflexion de la matiere accretee par le champ magnetique. Ce pourrait etre le disque qui est souvent observe autour de protoetoiles, et que Ton assimile souvent, peut-etre abusivement, a un disque protoplanetaire. Ces phenomenes ont ete etudies plus recemment dans une serie d'articles de Boss ([50] et les articles cites dans cette reference). Voir aussi Bodenheimer [37].
Autres points de vue
II existe des points de vue differents de celui de Shu et de ses collaborateurs. Par exemple Nakano [357] pense que peu de nuages sont effectivement souscritiques. Pour lui, les nuages seraient tous plus ou moins super-critiques et se contracteraient parce que leur pression deviendrait inferieure a la pression critique Pm en raison de la diminution de la turbulence. C'est le temps de diminution de la turbulence qui determine le taux de contraction puisqu'il regule la pression interne du nuage. Si ce temps est plus long que le temps de chute libre, la contraction done la formation d'etoiles sont relativement lentes. Cependant des similations numeriques recentes (voir par exemple Ostriker et ol. [366] et references dans cet article) suggerent que la turbulence se dissipe plus vite que le temps de chute libre, si bien que le critere habituel decrit section 14.1.6 s'applique si la turbulence n'est pas maintenue par un mecanisme exterieur. Quoi qu'il en soit (Myers [356]), les cceurs denses dans les nuages sombres peu actifs comme les nuages du Taureau semblent tres peu turbulents et sont associes a un petit nombre d'etoiles jeunes de faible masse. Au contraire, les cceurs denses dans les nuages qui forment activement des etoiles sont tres turbulents et sont associes a de nombreuses etoiles jeunes, souvent massives. II est important de remarquer que la difference entre les
14.3 Fm de Feffondrement,
397
degres de turbulence ne peut pas etre seulement due a 1'effet des vents des etoiles jeunes associees. Mais, encore une fois, ces idees sont susceptibles d'etre fortement revisees en fonction des progres dans notre connaissance de la turbulence interstellaire.
14.3
Bien entendu, tout ce qui precede n'est valable que si 1'energie thermique dans laquelle se transforme 1'energie potentielle gravitationnelle et 1'energie turbulente peut etre evacuee vers 1'exterieur. Quand ce n'est plus le cas, c'esta-dire quand 1'enveloppe devient optiquement epaisse dans les raies de CO et d'autres molecules, puis dans le continuum d'emission des poussieres, en raison de 1'augmentation de sa densite de colonne, la temperature du gaz augmente. II en resulte une augmentation de la pression liee a 1'augmentation de la temperature, et eventuellement a la diminution de la masse moyenne JJL des particules due a la dissociation de H2 puis a 1'ionisation de H. L'effondrement devient alors adiabatique. Ce phenomene est susceptible d'arreter la fragmentation d'un nuage. En effet 1'energie rayonnee par un fragment de rayon R ne peut etre superieure a celle d'un corps noir de meme taille a la temperature T du fragment (elle serait egale si le fragment etait opaque a toutes les longueurs d'onde infrarouges). Or 1'energie produite par la contraction vient de 1'energie gravitationnelle, et le taux de diminution de cette energie en valeur absolue est de 1'ordre de GM2/Rtf, ou tf est le temps de chute libre du fragment. La fragmentation s'arrete quand
a etant la constante de Stefan-Boltzmann. On obtient a partir de Pequation 14.33 en 1'absence de pression exterieure GM/R SkT/^mii. En exprimant tf par 1'equation 14.81, et R en fonction de M et de T dans 1'equation 14.33, on obient apres quelques calculs simples la masse minimale des fragments :
pour les conditions des nuages moleculaires. Bien que cette equation soit tres approchee, il semble que la masse des fragments ne puisse pas etre tres inferieure a 0,007 M 0 . Ainsi les naines brunes peuvent etre formees a partir de tels fragments comme les etoiles ordinaires, mais les planetes sont necessairement formees d'une autre fagon, par coalescence de tres petits fragments solides et accretion de gaz.
398
D'une fagon plus generate, le passage au regime adiabatique pendant 1'effondrement d'un nuage stoppe la contraction du noyau et on assiste au debut de la formation d'une etoile. Cependant la matiere de 1'enveloppe continue a tomber sur le noyau et augmente sa masse tant que cette accretion reste possible. D'un autre cote, la masse est diminuee par la formation de jets, phenomene fondamental que nous ne discuterons pas dans cet ouvrage. II faut realiser que le regime adiabatique ne se produit que tard dans reffondrement. En effet 1'energie rayonnee pendant I'effondrement n'est qu'une fraction tres faible de 1'energie gravitationnelle. Pour un gaz parfait, 1'energie degagee par un changement de volume Al/ est PA1/, soit PAp/p2 par unite de masse. L'integration sur le nuage donne
la valeur moyenne etant prise sur la masse M du nuage. Tant que la densite reste faible, AE n'est pas beaucoup plus grand que 1'energie thermique totale MkTI(//me), laquelle est considerablement inferieure a la valeur absolue de 1'energie gravitationnelle pour un nuage moleculaire froid. Au cours de la contraction, 1'energie gravitationnelle se transforme principalement en rayonnement, en energie cinetique des mouvements macroscopiques et en energie magnetique. Ce n'est que dans une etape tardive que A.E peut dominer beaucoup 1'energie thermique. La contraction continue assez lentement en regime adiabatique, la temperature centrale augmente et 1'etoile s'allume lorsque la temperature et la densite atteignent la valeur necessaire pour amorcer les reactions thermonucleaires. Nous n'etudierons pas ces phenomenes qui sortent du cadre du present ouvrage.
14.4 14.4.1
La fonction de masse initiale et son origine Determinations de la fonction de masse initiale et problemes
Les etoiles, au moins les etoiles relativement massives, ne paraissent jamais se former isolement, mais toujours en groupes plus ou moins importants (voir les planches 16 et 32). Leur fonction de masse initiale (IMF, de 1'anglais Initial Mass Function) decrit la proportion relative d'etoiles des differentes masses a leur naissance. On peut la considerer pour un amas ou une association d'etoiles, pour les etoiles de champ a 1'exterieur des amas, ou pour une grande region d'une galaxie, voire pour une galaxie toute entiere. Dans tous les cas, la determination de la fonction de masse initiale est une operation pleine d'embuches. Tout d'abord on n'observe pas directement les masses des etoiles (sauf si elles font partie de systemes binaires tres bien connus), mais seulement leur luminosite et leur couleur, et il faut utiliser des modeles stellaires pour
399
calculer la masse a partir des quantites observees. Pour les etoiles massives, la luminosite et la couleur ne suffisent pas pour determiner la masse des etoiles car il peut y avoir des ambigui'tes, et la classification spectroscopique de ces etoiles est indispensable. II faut aussi s'assurer que les etoiles considerees n'ont pas sensiblement evolue depuis leur naissance, ou alors faire des corrections pour cette evolution si leur age est connu. Enfin et surtout, il faut travailler sur des echantillons complets de distance connue. II est plus facile de determiner la fonction initiale de masse dans les amas ouverts jeunes dont Page est connu, mais meme dans ce cas il peut y avoir segregation de masses du centre au bord de l'amas. Dans le champ en dehors des amas, la determination devient tres difficile, surtout dans la Galaxie en raison de la mauvaise connaissance des distances et de la difficulte de construire des echantillons complets. C'est relativement plus aise dans les galaxies proches, ou au moins toutes les etoiles sont sensiblement a la meme distance. Une bonne revue recente est due a Scalo [430] ; voir aussi Muench et al. [355]. En moyenne, la fonction de masse initiale est assez bien decrite au-dessus de 1 a 2 M0 par une loi de puissance
ou n(M) est le nombre d'etoiles de masse comprise entre M et M + dM. Les observations recentes ont confirme la pente x 1,35 donnee des 1955 par Salpeter [422], pour les masses superieures a environ 1 M 0 , valeur qui peut etre consideree comme Mmin dans 1'equation ci-dessus1. La masse superieure est Mmax ~ 100 MQ ; une discussion de cette masse superieure est donnee plus loin. La fonction devient sensiblement plate aux faibles masses, encore que sa forme exacte soit alors controversee (voir par exemple Hillenbrand & Carpenter [223] et Luhman et al. [321] pour des determinations recentes dans Orion pour les masses relativement faibles). La masse minimale des etoiles lumineuses est un peu inferieure a 0,1 M 0 . Aux masse inferieures, on a les naines brunes, ou les reactions thermonucleaires sont absentes. Meme dans le cas tres bien etudie d'Orion, la multiplicite mal connue de nombreuses etoiles, qui parait plus frequente pour les etoiles massives, pose un probleme (Preibisch et al. [392]). Les observations paraissent a premiere vue indiquer des variations dans la fonction de masse initiale d'un amas a 1'autre. Cependant dans les cas les mieux etudies comme Orion (Planche 32 ; Luhman et al. [321]) ou l'amas 30 Doradus dans le Grand Nuage de Magellan (Planche 16 ; Massey & Hunter [329]), la fonction de masse initiale est parfaitement compatible avec celle de Salpeter. On a egalement suggere des differences entre la fonction de masse initiale des amas et celle du champ ou la pente de la
1. Scalo [430] arrive a une fonction de masse initiale moyenne quelque peu differente, avec une partie de pente 1,7 entre 1 et 10 MQ ; la difference avec la fonction de Salpeter que nous utilisons ici n'est pas considerable.
400
fonction initiale de masse serait plus grande que dans les amas (references dans Scalo [430] et Elmegreen [151]). L'interpretation de ces differences n'est pas sans problemes en raison d'importants effets systematiques, comme des effets d'age, la segregation entre le centre au bord des amas de la masse des etoiles juste formees, et la derive differentielle dans les amas entre les etoiles massives de courte duree de vie et les etoiles de faible masse et de plus longue vie, qui pourraient surpeupler le champ en s'echappant des amas ou associations. En definitive, il n'est pas sur que les differences observees entre les fonctions de luminosites des populations stellaires correspondent reellement a des differences dans la fonction de masse initiale, comme il est discute en detail par Elmegreen [151]. Un autre probleme est la determination de la limite superieure des masses stellaires formees. Ici la difficulte provient de la rarete des etoiles de grande masse, qui fait que la probabilite de trouver une etoile de grande masse dans un echantillon donne depend de la taille de 1'echantillon. La plus grande masse Mmax dont on peut attendre qu'elle soit statistiquement presente dans un echantillon est telle que, dans cet echantillon,
Pour la fonction de masse initiale standard de pente rr, Mmax est relie a la masse totale Mtot de 1'echantillon par
ce qui, pour Mmax = 100 M 0 , correspond deja a la masse d'un tres gros amas stellaire. Pour 1'amas tres jeune qui ionise la Nebuleuse d'Orion, par exemple, on s'attend a partir de ces considerations a la presence d'une seule etoile de plus de 30 MQ : de fait les etoiles les plus massives de 1'amas (les 4 etoiles du Trapeze, voir Planches 9 et 30) ont 45, 20, 17 et 7 M 0 . Mais dans un tres gros amas comme 30 Doradus dans le Grand Nuage de Magellan, ou a 1'echelle d'un grand complexe de 106 MQ formant peut-etre 3 105 Mo d'etoiles, on s'attend a voir des etoiles de masse bien plus grande que 100 MQ, de 1'ordre de 300 MQ dans le dernier cas. Or on ne connait pas d'etoiles plus massives qu'environ 100 MQ (Heydari-Malayeri [221]), sauf peut-etre dans 1'amas 30 Doradus du Grand Nuage de Magellan (Planche 16) ou les etoiles les plus massives pourraient depasser 120 MQ et atteindre peut-etre 150 MQ si elles ne sont pas multiples (Massey & Hunter [329]). Ceci suggere qu'il y a une limite physique a la masse des etoiles. On a suppose a differentes reprises que cette limite provient de la pression de radiation de la protoetoile sur la poussiere, qui arreterait 1'accretion de matiere, mais il n'y a aucune relation
401
entre la masse maximale des etoiles dans les amas et leur metallicite, qui regit elle-meme le rapport poussieres/gaz. Par ailleurs il n'y a pas de limite fondamentale a la masse d'une etoile a sa naissance : les etoiles de masses superieures a quelques M0 sont toutes a la limite d'instabilite d'Eddington a leur naissance, ce qui est sans doute la cause de leur perte de masse importante apres leur formation, mais rien ne parait pouvoir limiter 1'accumulation de gaz au debut de leur formation, surtout si ce gaz forme un disque d'accretion ou si il y a coalescence de plusieurs fragments (Elmegreen [151]). Un autre mecanisme est done necessaire pour limiter la masse.
14.4.2
L'origine de la fonction initiale de masse a ete discutee par de nombreux auteurs. Elle est certainement liee a la fonction de masse des fragments des nuages moleculaires, mais les details sont 1'objet de nombreuses discussions. Des questions mal ou pas du tout resolues sont : comment definir un fragment ? Quelle fraction de la masse d'un fragment forme une etoile ? Quels sont les roles respectifs de la fragmentation et de la coalescence eventuelle entre noyaux de condensation protostellaires ? La formation des premieres etoiles inhibe-t-elle ou favorise-t-elle la formation des suivantes ? Quel est le role des temps caracteristiques des differents phenomenes ? etc. II existe de nombreuses theories concernant 1'origine de la fonction initiale de masse. L'une d'elles (Elmegreen [151], et articles cites dans cette reference) part de la description fractale du milieu interstellaire dont nous avons parle au debut du chapitre 13. Nous allons en donner tres rapidement les grandes lignes pour des raisons pedagogiques, car cette theorie illustre divers phenomenes qui interviennent probablement dans la formation des etoiles. L'idee de base est que la fonction de masse initiale resulte d'un tirage au hasard, dans un milieu fractal, de la masse de ceux des fragments qui formeront des etoiles, fragments dont I'effondrement est declenche par une cause exterieure, par exemple une augmentation de pression due au passage d'un choc (ce declenchement est discute en detail par Elmegreen [150]). II n'est pas necessaire de supposer que la masse de chaque fragment est entierement convertie en etoiles, mais seulement que chaque fragment donne statistiquement des etoiles selon la meme distribution de masse, dont la masse limite superieure est proportionnelle a celle du fragment : ceci n'affecte pas la pente de la fonction de masse initiale si elle est en loi de puissance. Cette hypothese est etayee par les resultats de Motte et al. [353], qui trouvent a partir d'observations du continuum d'emission des poussieres a 1,3 mm que la distribution de masse des fragments dans le nuage de p Ophiuchi rappelle la fonction initiale de masse stellaire (cependant leur suggestion que ces fragments sont directement des fragments protostellaires est controversee). Le modele suppose que le mecanisme aleatoire de fragmentation dans le milieu
402
fractal se produit entre une limite inferieure qui est reliee a la masse de Jeans, et une limite superieure. La distribution de masse initiale des etoiles est cependant un peu differente de la distribution de masse des fragments, parce que les etoiles se forment plus vite dans les petits fragments, qui sont plus denses d'apres 1'equation 13.2, le temps de chute libre etant inversement proportionnel a la racine carree de la densite. II y a aussi une competition entre les differentes masses de la hierarchic fractale : lorsqu'une masse a forme des etoiles, la distribution des masses des fragments restants est modifiee (Elmegreen [149]). Pour les details, voir Elmegreen [151]. Elmegreen [151] attribue la presence d'une masse maximale a un effet temporel. Les etoiles de petites masses se formant assez rapidement, elles consomment vite une fraction du gaz. La structure fractale du gaz restant pourrait se redistribuer, peut-etre par la turbulence creee par les vents emis par les premieres etoiles, avant que le plus gros fragment ait eu le temps de former une etoile tres massive. Ce fragment serait coupe en morceaux plus petits, et aucune etoile de masse extremement grande ne pourrait se former. Tout ceci est evidemment tres incertain et il n'est pas surprenant que des vues differentes soient presentees par d'autres auteurs. Par exemple, Bonnell et al. [46] estiment que la fonction de masse telle qu'elle resulte de la formation des etoiles peut etre considerablement modifiee dans un amas par 1'accretion du gaz residuel sur les etoiles tres jeunes : la masse des etoiles les plus proches du centre de 1'amas, ou la densite du gaz est plus grande, augmente plus vite que celle des etoiles situees a la peripherie. Ceci produit un enrichissement de la fonction de masse en etoiles massives, lesquelles sont situees de preference au centre de 1'amas, en accord avec 1'observation.
1. L'importance relative des milieux neutres froid et tiede peut varier beaucoup dans la Galaxie. Dans les regions internes ou la pression est grande tandis que le champ de rayonnement reste modere, le milieu neutre tiede n'existe probablement pas et le gaz de faible densite est ionise. Au contraire, le gaz neutre est probablement entierement tiede dans les regions externes ou la pression est basse tandis que le champ de rayonnement qui provient des etoiles chaudes locales et du reste de la Galaxie n'est pas tres faible.
404
la composante atomique tiede et partiellement ionisee et le gaz ionise de faible densite ne sont pas claires, comme nous 1'avons discute section 5.2. Et aussi, ou finit le gaz circumstellaire et ou commence le gaz interstellaire ? Au gaz s'ajoute les grains de poussiere interstellaire, qui presentent aussi des variations temporelles et spatiales de leur composition et de leur distribution de tallies. Notre but est de decrire les interactions entre ces composantes et d'en faire le bilan. C'est evidemment une entreprise tres ambitieuse, et beaucoup d'elements qui permettraient une etude quantitative sont encore mal connus, voire meme inconnus. Aussi les conclusions que nous atteindrons ne sont que provisoires et sou vent incertaines. Dans ce chapitre nous utiliserons soit les taux de formation ou de destruction, exprimes en an"1, soit la duree de vie qui est 1'inverse du taux de destruction, exprimee en annees. Ces quantites impliquent en principe des variations exponentielles et correspondent a la multiplication ou a la division de la quantite par un facteur e.
15.1
Les echanges entre gaz interstellaire atomique, moleculaire et ionise tiede (ce dernier ayant une temperature aux environs de 104 K, par opposition au gaz chaud a ~ 106 K qui sera discute plus loin) sont domines d'une part par les effets dissociatifs et ionisants du rayonnement UV des etoiles chaudes d'une part, qui sont relativement bien connus, et d'autre part par les processus de recombinaison, de condensation, et de formation de molecules, qui sont beaucoup plus dimciles a observer et a modeliser.
15.1.1
Le bilan le plus simple a etablir est celui de la creation du gaz ionise a partir du gaz neutre. II suffit en principe pour cela de recenser les etoiles chaudes dans un volume donne et d'ecrire que le nombre de photons du continuum de Lyman qu'elles emettent chaque seconde ionisent autant d'atomes d'hydrogene. Ceci a ete fait pour les quelques kpc autour du Soleil par divers auteurs, notamment Torres-Peimbert et al. [493] et Abbott [2]. Torres-Peimbert et al. ont trouve a cette occasion que la moitie seulement des etoiles O ionisantes sont dans des regions HII classiques, les autres etant isolees dans des regions de faible densite2. Si Ton tient compte du fait que les etoiles O isolees sont le plus souvent simples alors que beaucoup d'etoiles O en groupe sont doubles (Gies [182]), la fraction d'etoiles isolees est d'environ 30 %. Ces dernieres contribuent a 1'ionisation de la phase diffuse decrite section 5.2.
2. Beaucoup de ces etoiles O isolees sont des etoiles dites runaway qui ont ete ejectees a grande vitesse de systemes binaires detruits lors de Pexplosion de 1'autre composante.
15.1
405
Reste cependant a savoir quelle fraction des photons du continuum de Lyman sert effectivement a ioniser le gaz, le reste etant absorbe par la poussiere ou s'echappant de la Galaxie. Si Ton considere 1'ensemble de la Galaxie, les etoiles O ne peuvent etre recensees au dela de quelques kpc en raison de 1'extinction interstellaire. Aussi Smith et al. [453] ont utilise la procedure inverse ou Ton determine quantitativement la distribution du gaz ionise a partir de son emission radio thermique, et ou 1'on tente d'en deduire la distribution des etoiles O et un taux de formation des etoiles massives de la densite des photons du continuum de Lyman. Ici aussi, il faut connaftre la fraction de ces photons qui servent effectivement a ioniser le gaz, fraction qu'ils estiment etre 50 %. Smith et al. [453] obtiennent un taux de formation stellaire de 4 MQan" 1 dans toute la Galaxie, en negligeant les etoiles isolees. Le continu de Lyman est principalement emis par des etoiles jeunes tres chaudes, de masse superieure a environ 10 M0 (la contribution des etoiles evoluees chaudes comme les naines blanches et les noyaux de nebuleuses planetaires est faible). Pour en deduire le taux de formation stellaire, c'est-adire la masse du milieu interstellaire convertie en etoiles par unite de temps, il faut se donner la fonction de masse initiale des etoiles nouvellement formees. Les revisions recentes du taux de formation stellaire avec la fonction de masse initiale standard decrite section 14.4.1 donnent une valeur d'environ 3 M0 an"1 pour toute la Galaxie. L'ionisation des regions HII classiques ne pose pas de probleme. Par contre celle du gaz ionise diffus (Section 5.2) est moins bien comprise. Localement, le taux de recombinaison du gaz ionise diffus peut s'ecrire sous la forme d'un nombre de recombinaisons par seconde dans une colonne de section 1 cm"2 perpendiculairement au plan galactique (Reynolds [408])
ou I(b) est 1'intensite moyenne de la raie Ha a la latitude galactique |6|, exprimee en rayleighs (1 R = 106/47r photons cm"2 sterad"1 s"1), relation que Ton peut etablir a partir des equations de la section 5.1.3. L'observation conduit a TG = 5 106 recombinaisons cm"2 s"1 (Domgorgen & Mathis [119]). Comme toute recombinaison correspond a une ionisation, le taux d'ionisation necessaire est egal a la meme valeur. II est de 30 a 50 % du flux de photons du continuum de Lyman emis par les etoiles O localisees hors des regions HII. Une partie de ces photons est absorbee par les bords de nuages neutres denses, une partie s'echappe de la Galaxie et une partie sert a ioniser le milieu de faible densite. Ce probleme a ete traite par Domgorgen & Mathis dans un modele inhomogene du milieu interstellaire. Us montrent que Ton peut obtenir ainsi une solution satisfaisante. C'est egalement la conclusion de Hoopes & Walterbos [230] dans le cas de la galaxie M33 (Planche 10). La recombinaison du gaz ionise est rapide si la densite est relativement grande, comme dans les regions HII classiques. Celles-ci ne survivent done pas
406
longtemps a la disparition des etoiles ionisantes, qui terminent d'ailleurs leur vie comme supernovae, apres une evolution rapide comme supergeantes rouges et/ou etoiles de Wolf-Rayet. Les restes de supernova et les bulles affectent done ce qui reste de la region H n. La survie du milieu ionise diffus quand la source d'ionisation s'arrete est plus longue. Avec une densite ne ~ 0,03 cm~ 3 , une temperature Te de 8000 K et un coefficient de recombinaison a^ de 2,5 10~13 cm3 s~ T (Eq. 5.15), le temps caracteristique de recombinaison est
Ce temps reste toutefois court vis-a-vis de la plupart des echelles de temps de notre probleme. Mais d'un autre cote le gaz diffus est continuellement reionise par de nouvelles etoiles chaudes, si bien qu'il y a toujours une grande quantite de gaz diffus ionise dans le disque des galaxies. L'ionisation du gaz s'accompagne d'une augmentation de pression qui produit des effets dynamiques sur le milieu interstellaire que nous avons examines section 12.3. Cependant ces effets dynamiques restent secondaires vis-a-vis de ceux crees par les explosions de supernovae et les vents stellaires, a 1'exception de 1'effet champagne qui contribue a la formation de la phase diffuse ionisee et participe a la destruction des nuages moleculaires.
15.1.2
Le gaz moleculaire se forme par condensation gravitationnelle du gaz atomique, tandis que les nuages moleculaires sont detruits par 1'ionisation, les vents des etoiles massives et les explosions de supernovae. Nous examinerons d'abord la condensation du gaz en general et la formation des complexes H I, puis la formation des nuages moleculaires, enfin la destruction des structures neutres.
Condensation gravitationnelle du gaz et formation des structures H I
La stabilite et la condensation gravitationnelle des nuages interstellaires spheriques a ete etudiee au chapitre 14. La stabilite gravitationnelle d'un plan ou d'un disque infini a ete traitee par Spitzer [467] section 13.3.a dans le cas sans champ magnetique. Pour une couche plane gazeuse infinie isotherme de temperature T et de densite p(0) dans le plan de symetrie, 1'instabilite se produit pour des perturbations de nombre d'onde K = 27T/A < Kcrit tel que
h etant 1'echelle de hauteur du disque gazeux. De meme, 1'instabilite gravitationnelle apparait (en tenant compte de la rotation differentielle) dans
15.1 Gaz atomique, gaz moleculaire et gaz ionise tiede un disque en rotation si sa densite excede la valeur critique
407
Cette equation s'applique au disque galactique au voisinage du Soleil, ou pcrit ~ 5 10~24 g cm~ 3 , soit ?IH 2 atonies cm~ 3 (en tenant compte de 1'helium). Ces instabilites ont une echelle tres grande, de dimension comparable a 1'echelle de hauteur du disque comme le montre 1'equation 15.3. Leur masse est de 1'ordre de 106 MQ. Un critere plus elabore est le critere de Toomre (Toomre [492]) qui indique qu'un disque en rotation differentielle est stable gravitationnellement si
ou vrms est la dispersion de vitesse des mouvements aleatoires du gaz, Ke est la frequence epicyclique et a est la densite de surface du gaz. La frequence epicylique est telle que
u(R) etant la vitesse angulaire de rotation au rayon galactocentrique R. Ke est compris entre oj pour un disque en rotation keplerienne et 2u; pour un disque en rotation solide. En realite le disque galactique comprend deux fluides : la matiere interstellaire et les etoiles, qui sont couples gravitationnellement. Ceci conduit a un critere d'instabilite du gaz un peu different (Elmegreen [147]). Le temps de croissance de 1'instabilite est de 1'ordre de vrms/(nGa}, soit environ 5 107 ans localement. Les simulations hydrodynamiques comme celles de Wada & Norman [510] montrent cependant que si le critere de Toomre est utile pour definir la stabilite globale d'un disque, le disque peut etre instable localement meme si le critere de Toomre est respecte, et que des condensations peuvent alors se produire avec formation eventuelle d'etoiles. Ceci jette un doute sur 1'utilite de ce critere en tant que critere de formation stellaire, pour lequel il est cependant souvent utilise. La discussion precedente a neglige le champ magnetique, qui joue pourtant un role tres important. Parker [373] a montre 1'existence d'une instabilite a grande echelle susceptible de former les grands complexes de gaz. Cette instabilite de Parker est probablement le mecanisme dominant dans le disque galactique. II s'agit d'une variante de I'instabilite de Rayleigh-Taylor, qui se produit dans un disque supporte vis-a-vis de sa gravite par la pression du gaz, des rayons cosmiques et du champ magnetique. L'equation d'equilibre hydrostatique du systeme est 1'equation 2.2 et 1'echelle de hauteur est donnee par 1'equation 2.5. Les lignes de force de la composante reguliere du champ
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FlG. 15.1 - Schema illustrant 1'instabilite de Parker. Le systeme gaz conducteur + champ magnetique subit une instabilite qui deforme les lignes de force perpendiculairement au plan galactique. Le gaz glisse le long des lignes de force sous 1'effet de la gravite et s'accumule dans les zones basses, tandis que la pression des rayons cosmiques gonfle les autres regions. D'apres Parker [373], avec 1'autorisation de 1'AAS.
magnetique galactique etant paralleles au plan galactique, 1'instabilite resulte du fait que le gaz est draine par la gravite le long des lignes de force dans toute irregularite du champ ou les lignes de force se rapprochent du plan de symetrie (Figure 15.1). Les condensations de gaz qui en resultent ont des dimensions de 1'ordre de 1'echelle de hauteur du disque et sont separees 1'une de 1'autre par des distances du meme ordre, comme dans le cas d'une instabilite purement gravitationnelle. Le mecanisme de Parker correspond a une augmentation de la gravite effective dans 1'instabilite de Jeans, qui renforce la tendance du milieu interstellaire a prendre une structure inhomogene. Quel que soit le mecanisme exact, la formation de ces grandes structures se fait en un temps comparable au temps d'effondrement qui est de 1'ordre de 4 107 ans pour une densite moyenne de 1 atome cm~ 3 (Eq. 14.81). L'instabilite gravitationnelle, comme 1'instabilite de Parker, est plus efficace dans les bras spiraux qu'entre les bras, pour differentes raisons : la densite plus grande (n^ > 10 cm~ 3 ) raccourcit le temps caracteristique des instabilites (< 107 ans) qui devient plus court que le temps que le gaz met a traverser le bras, et le champ magnetique plus eleve dans le bras (un point cependant controverse) pourrait permettre une evacuation plus rapide du moment angulaire des complexes, qui s'oppose a leur contraction. Ceci a ete etudie par Elmegreen [146] qui montre que 1'instabilite produit des complexes de 1'ordre de 107 M Q separes en gros de trois fois la largeur du bras, ce qui est effectivement observe. La formation des structures plus petites a partir de ces grands complexes est un phenomene mal compris. Un mecanisme possible de condensation
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d'un milieu tenu en nuages plus denses en presence d'un champ magnetique est decrit par Hennebelle & Perault [215]. De fagon generate, la fragmentation gravitationnelle d'un nuage est, nous 1'avons vu au chapitre 14, un phenomene naturel tant qu'il reste froid : en effet, a temperature et a vitesses macroscopiques constantes, la masse de Jeans (Eq. 14.14) diminue quand la densite augmente. Cette propriete reste vraie en presence d'un champ magnetique (Section 14.1.6) et parait favorisee par la turbulence (Section 14.1.2). La densite etant plus grande dans les fragments, le temps d'effondrement d'un fragment est plus rapide que celui du nuage initial (Eq. 14.81). Cependant, si la fragmentation peut jouer un role, il est vraisemblable que 1'action mecanique des supernovae, et a un moindre degre des vents stellaires, est plus importante. On peut s'attendre a ce que les couches accumulees derriere les chocs, notamment les chocs qui entourent les grandes bulles, se refroidissent et forment des nuages sous forme de couches ou de filaments plus ou moins froids selon que la densite est plus ou moins grande. Certaines de ces structures sont auto-gravitantes, d'autres pas, et le tout est probablement turbulent. On observe par ailleurs que les condensations tendent a fusionner pour former des structures plus massives, qui soit s'effondreront, soit seront ulterieurement fragmentees ou detruites. La compression directe du gaz a faible densite ou 1'effet de la turbulence ou du champ magnetique peut aussi former des nuages temporairement stables (pour une revue voir Elmegreen [145]). Une etude numerique recente de ces processus, appliquee aux conditions du Grand Nuage de Magellan, est due a Wada et al. [511]. Elle montre que les instabilites thermiques et gravitationnelles du gaz declenchees par les perturbations mecaniques conduisent a la formation de cavites, de filaments et de condensations qui ressemblent a 1'aspect observe en H I.
Formation et destruction des nuages moleculaires
Les nuages moleculaires se forment naturellement lors de la contraction des nuages Hi, la densite etant suffisante pour une formation efficace de H2 sur les grains. Mais d'autres processus y contribuent egalement et sont probablement plus efficaces. La collision inelastique entre nuages H i conduit a une diminution de la vitesse d'agitation des nuages, 1'energie cinetique etant perdue sous forme de rayonnement, et facilite 1'effondrement gravitationnel a des echelles variees. La collision entre nuages a ete etudiee par de nombreux auteurs, par exemple Chieze & Lazareff [83] et plus recemment Chieze et al. [87]. En 1'absence de champ magnetique, la tendance est plus a la fragmentation qu'a la coalescence, a moins que la vitesse relative ne soit faible. Un champ magnetique tend cependant a renforcer la coalescence parce que les lignes de force des deux nuages se melangent et les interconnectent (Clifford & Elmegreen [91]). Par ailleurs, les nuages peuvent croitre par accretion, notamment dans les chocs. Finalement, Elmegreen [144] conclut que des complexes de nuages de masse comprise entre 102 et 107 MQ peuvent
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se former et s'effondrer jusqu'aux densites typiques des images moleculaires en un temps caracteristique de quelques fois le temps de collision initial entre les sous-structures initiales. Ces phenomenes sont plus rapides dans les bras spiraux des galaxies, ou la densite est plus grande que dans le milieu interbras. On peut en principe expliquer par la coalescence entre des structures plus petites pourquoi les nuages moleculaires geants sont plus nombreux dans les bras (Casoli & Combes [70]). Comme nous venons de le voir, un champ magnetique est necessaire pour que ce processus soit efficace (Elmegreen [143] section 3.2.1 pour le calcul correspondant). La destruction des nuages moleculaires est consecutive a la formation d'etoiles massives a 1'interieur, en particulier lors de la phase champagne (Section 12.3.4). Us sont en partie ionises, en partie photodissocies et de toute fagon fragmentes. La duree de vie des nuages moleculaires qui ont forme des etoiles massives peut etre determinee empiriquement en recherchant 1'age moyen des associations et amas d'etoiles chaudes, apres lequel 1'emission associee dans la raie de CO disparait. Leisawitz et al. [296] trouvent ainsi un temps de destruction de 1'ordre de 3 107 ans. Mais tous les nuages moleculaires ne forment pas d'etoiles massives : dans ce cas, ils peuvent certainement subsister plus longtemps. Quantitativement, le recyclage du gaz dans les nuages moleculaires est tres important. Franco et al. [173] montrent que les etoiles formees avec une fonction de masse initiale standard dans un nuage moleculaire en ionisent en moyenne 25 fois leur masse (une autre partie du nuage est simplement fragmentee et dispersee). Si dans la Galaxie le taux de formation stellaire est de 3 M 0 /an, le taux d'ionisation est done de 75 M 0 /an, ce qui implique que le milieu interstellaire, dont la masse totale est de 1'ordre de 4 109 M 0 , est en moyenne ionise tous les 5 107 ans. Si Ton admet qu'il y a autant de masse dispersee que de masse ionisee, le temps de recyclage est encore reduit d'un facteur 2. Le gaz ionise provenant des regions H I I classiques est sans doute une source majeure pour le gaz ionise diffus (Larson [282]). La recombinaison de ce gaz peut donner le milieu neutre tiede ; mais celui-ci peut aussi etre produit directement par le chauffage et 1'evaporation de nuages (Wolfire et al. [527]). Enfin, les debris des nuages moleculaires non ionises mais simplement photodissocies doivent etre une source majeure de nuages H I de diverses temperatures. D'apres Larson [282], le gaz ionise diffus qui resulterait de 1'ionisation des nuages moleculaires par les etoiles nouvellement formees, et dont 1'epaisseur perpendiculairement au plan galactique est plus grande que celle du gaz neutre en raison de 1'effet champagne, doit retomber en se recombinant et en se refroidissant avec une vitesse de quelques dizaines de kms" 1 . Ceci est effectivement observe en raie 21 cm (voir la Planche 2), et les observations ne sont pas incompatibles avec le flux auquel on s'attend, qui est de 1'ordre de quelques dizaines de MQ par an dans I'ensemble du disque galactique (voir plus haut).
411
Pour conclure cette section, nous remarquerons que le temps d'effondrement des grands complexes de 1 kpc, qui est plus lent que tous les phenomenes qui suivent (fragmentation, formation des nuages moleculaires, formation des etoiles, formation et evolution des restes de supernova), est peu different du temps de destruction des nuages moleculaires. Ceci implique que la masse des deux phases ne pent pas etre tres differente. En fait, 1'observation montre que la masse totale des nuages moleculaires dans la Galaxie n'est que le quart de la masse totale du milieu interstellaire (Tableau 1.1), ce qui montre que le premier temps caracteristique doit etre plus long que le second, en moyenne sur la Galaxie. Mais les incertitudes sont telles qu'il ne nous parait pas utile d'en dire plus.
15.2
Une grande partie du milieu interstellaire est remplie par du gaz chaud et tres peu dense (Section 5.3). Rappelons que 1'existence de ce gaz a ete imaginee par Spitzer [463] pour produire la pression P telle que P/k K 2000 cm"3 K, pression qui semble necessaire pour confiner ceux des nuages H i qui ne sont pas auto-gravitants. Le milieu ionise diffus, pour lequel P/k 0,03 x 8000 = 240 cm~ 3 K s'il est uniforme, est tres insufflsant pour cela3. Nous allons examiner la formation et 1'evolution du gaz chaud. Nos connaissances sur ces phenomenes sont encore tres incompletes en depit de tres nombreux travaux, mais la situation est en train de changer grace aux observations avec le satellite FUSE. Une excellente revue est due a Spitzer [468] ; voir aussi Spitzer [469]. Le gaz chaud est issu des restes de supernova et des grandes bulles. Nous avons explique section 12.1.2 comment il a ete chauffe par le choc dans la phase adiabatique de 1'evolution des restes de supernovae. Ce gaz rencontre et englobe des regions denses (nuages) qu'il comprime, chauffe par compression mais surtout par conduction thermique, et eventuellement evapore ou detruit (Section 12.1.5). II peut finalement se repandre a de grandes distances du plan galactique, formant un halo dont il peut s'echapper, ou duquel il peut retomber apres s'etre refroidi et condense. En fait, tous ces phenomenes se recouvrent tellement qu'il n'est pas facile de les isoler, ce qui rend leur etude particulierement difficile. Le fait que le champ magnetique reduit la conduction thermique et 1'evaporation induit des incertitudes majeures sur la phase isotherme finale de 1'evolution des restes de supernova. Get effet est minimise dans le modele a trois composantes du milieu interstellaire de McKee & Ostriker [337]. Dans ce modele, 1'evaporation contribue beaucoup a augmenter la masse du gaz chaud, qui occupe une fraction considerable du volume du milieu interstellaire.
3. Des observations tres recentes suggerent un facteur de remplissage moindre pour ce milieu et une densite plus proche de 0,1 cm"3, mais c'est encore insumsant.
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Si au contraire la conduction est peu efficace, la fraction occupee par ce milieu est reduite. Cette reduction est renforcee par 1'effet du champ magnetique dans la phase isotherme des restes de supernova. Le champ magnetique produit en effet une reduction de la compression par le choc, avec pour resultat de comprimer moins efficacement le milieu interstellaire neutre. Celuici occupe done une partie importante du volume restant, reduisant d'autant la fraction du volume occupee par le gaz chaud. On pourrait esperer voir ces effets en determinant observationnellement la fraction de volume occupee par le gaz chaud dans le disque galactique. Malheureusement cette determination est aussi incertaine que les predictions de la theorie. De plus, la contribution respective des restes de supernova individuels et des grandes bulles est incertaine. Ferriere [163] considere que celle des bulles est predominante, et donne un facteur de remplissage du gaz chaud de 1'ordre de 30 % dans le plan galactique. Quoi qu'il en soit, les enveloppes conductives en evaporation doivent contenir des atomes tres ionises comme Ovi, Nv, Civ et SiIV, dont les raies d'absorption sont observees dans 1'ultraviolet lointain. Les observations de quelques-unes de ces raies avec le satelliteFUSE (Sembach et al. [440]) montrent la presence de telles enveloppes autour des nuages H i a grande vitesse, qui sont a des distances importantes du plan galactique. On peut calculer la densite de colonne de ces ions dans une enveloppe, ou ils ne sont pas en equilibre d'ionisation (Ballet et al. [16] ; Figures 5.11 et 5.12 pour les differences entre des modeles a 1'equilibre et hors d'equilibre d'ionisation). En 1'absence de champ magnetique, on trouve des valeurs tres superieures a ce qui est observe, ce qui une fois de plus indique que le champ magnetique reduit la conduction, done 1'evaporation. De fait, les modeles qui en tiennent compte (Borskowski et al. [47]) donnent un meilleur accord avec 1'observation. Une autre possibilite pour creer ces enveloppes moyennement chaudes est le melange turbulent entre le gaz chaud environnant et le gaz froid ou tiede observe en raie 21 cm (Slavin et al. [452]). Elles pourraient meme etre des reliques de structures chaudes associees a la formation de la Galaxie (Cen & Ostriker [72]). Le gaz chaud issu des restes de supernova et surtout des grandes bulles peut monter, nous 1'avons dit, a de grandes distances du plan galactique, formant des sortes de cheminees (Section 12.2, Planche 31 et Figure 12.1). Ce gaz peut soit s'echapper de la Galaxie, formant un vent qui a ete observe dans certaines galaxies exterieures vues par la tranche (voir par ex. Dahlem et al. [100]), soit se refroidir et se condenser en nuages qui retombent ulterieurement vers le plan galactique, produisant une fontaine galactique (Figure 15.2, Bregman [58]). La physique du phenomene fait intervenir deux temps caracteristiques. Le premier est le temps caracteristique TS d'equilibre de pression du gaz chaud issu du disque avec le milieu ambiant, qui est de 1'ordre du temps que met
15.2
413
FlG. 15.2 - La fontaine galactique. Le gaz chaud issu du disque galactique monte dans le halo (lignes pointillees avec fleche). La ligne pleine et en trait interrompu illustre le cycle au cours duquel le gaz a une trajectoire ascendante et vers 1'exterieur de la galaxie avant de se condenser par instabilite thermique. II forme alors des nuages ionises puis neutres qui retombent non loin du rayon d'origine. D'apres Bregman [58], avec 1'autorisation de 1'AAS. le son a traverser 1'echelle de hauteur h du halo4 a la vitesse adiabatique cs
en supposant que les temperatures du gaz de la bulle et du halo sont sensiblement egales. L'autre temps caracteristique interessant est le temps de refroidissement par rayonnement TC, qui est
au voisinage de 106K, ou A(T) est la fonction de refroidissement hors d'equilibre (pour des valeurs de la temperature inferieures a 5 105 K, A(T) augmente considerablement : la figure 1 de Houck & Bregman [232] qui donne en fait A/n 2 avec la definition de A de notre Chapitre 8). Si rc <C rs, le gaz se refroidit avant d'atteindre 1'echelle de hauteur ou il serait en equilibre, forme des nuages froids et retombe sur le plan galactique. Si rc ^> rs le gaz atteint 1'equilibre hydrostatique avant de se refroidir et contribue au halo. Mais si des cheminees ont ete ouvertes par 1'expansion de grandes bulles, le gaz se repand directement dans le halo avec une vitesse de 1'ordre de la vitesse du son, et peut eventuellement s'echapper de la Galaxie (Norman & Ikeuchi [362]). Les calculs dynamiques de Houck & Bregman [232] predisent que pour un modele qui rend relativement bien compte des observations, avec un gaz chaud a TO = 3 105 K et no = 10~3 cm~ 3 dans le plan galactique, le gaz se refroidit
4. L'echelle de hauteur pour le halo de gaz chaud est donnee approximativement par Pequation 2.5 ou 1'on prend a = /3 0 et pour (v^) la vitesse quadratique moyenne des protons a la temperature T. Pour T = 106 K, h 6 kpc. C'est nettement plus que les echelles de hauteur mesurees avec FUSE pour differents ions multicharges, voir section 5.4.2.
414
progressivement en montant dans le plan galactique, les nuages se condensant a environ 1,5 kpc du plan. Leur vitesse ascensionnelle est alors encore de 30 km s"1. Us ont ensuite une trajectoire approximativement balistique (c'esta-dire que le freinage visqueux par le gaz ambiant est negligeable) : ils montent encore puis redescendent en atteignant une vitesse de 100 kms" 1 pres du plan galactique. Ils sont alors freines par la viscosite du reste du milieu interstellaire, mais leur effet dynamique est negligeable vis-a-vis de celui des restes de supernova. La recombinaison se produit au cours de ces mouvements. On observe en gros un tel champ de vitesses dans le gaz atomique a haute latitude galactique, en raie 21 cm (Planche 3) ou par les raies d'absorption interstellaires, ce qui donne une certaine confiance dans le modele de fontaine galactique. La fontaine galactique est une source importante de recyclage du gaz interstellaire. Dans le modele de Houck & Bregman, le flux de gaz de chaque cote du plan galactique est de 1'ordre de 0,2 MQan"" 1 , soit 0,4 MQan" 1 au total, ce qu'on peut comparer au taux de formation d'etoiles qui est de 1'ordre de 3 M0 an"1. Si Ton accepte 1'existence d'un halo chaud general a plusieurs kpc du plan galactique, dont le refroidissement radiatif pourrait etre compense localement par 1'energie des supernovae de type la, certaines parties du halo doivent etre sujettes a des instabilites thermiques et retomber sur le plan galactique. Le melange dans le halo de gaz issu de differentes regions du disque, puis sa redistribution dans le disque, peuvent diminuer le gradient radial des abondances des elements chimiques dans le disque galactique. Mais tous ces phenomenes sont encore trop mal connus pour qu'on puisse donner des valeurs numeriques credibles et en deduire des conclusions fermes concernant 1'evolution de la Galaxie. Une complication supplementaire vient de la decouverte d'un gaz neutre qui s'etend jusqu'a une echelle de hauteur de 1'ordre de 4,4 kpc, et qui pourrait etre en equilibre hydrostatique (Kalberla et d. [258]).
15.3
Echanges gaz-poussieres
Les poussieres dans le milieu interstellaire sont sujettes a des processus constructifs ou destructifs qui echangent de la matiere avec le gaz. Les processus constructifs sont la nucleation, la condensation de molecules volatiles, 1'accretion d'atomes et la coagulation entre grains. Ils se produisent generalement dans les regions neutres denses, essentiellement les enveloppes circumstellaires qui ne nous concernent pas ici et les nuages moleculaires. La coagulation entre grains conduit a une modification de la distribution de taille des poussieres, mais pas a un echange avec le gaz. Elle a ete etudiee en detail par Dominik & Tielens [118]. Les processus destructifs sont 1'erosion par Pimpact d'ions ou d'atomes de haute energie, et la desagregation et la vaporisation dans les collisions grain-grain. Ils se produisent principalement dans le milieu diffus ou 1'effet des chocs des supernovae et des vents stellaires
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est dominant. Nous avons vu section 13.3 que la turbulence peut favoriser de fagon importante mais mal connue les collisions entre grains. Au-dessous d'un certain seuil en vitesse relative, 1'effet d'une collision entre grains est une coagulation, et au-dessus de ce seuil une fragmentation voire une vaporisation. Seules 1'erosion et la vaporisation injectent dans le gaz une partie de la masse des poussieres, les autres processus affectant seulement leur distribution de taille. La physique de tous ces processus a fait 1'objet de nombreuses etudes. L'observation montre qu'ils sont efficaces. Les variations importantes d'une direction a 1'autre de la composition du gaz en elements lourds (Section 4.1.3 et Tableau 4.2) montrent indirectement que 1'erosion ou 1'evaporation des grains sont importantes dans le milieu interstellaire diffus et peuvent ejecter une grande partie de leur matiere dans le gaz. Nous avons vu section 7.4 que des manteaux de glace se forment sur les grains dans les profondeurs des nuages moleculaires ; ces manteaux doivent etre detruits lorsque ces nuages se dissipent soit par evaporation thermique, soit par photo-desorption (ejection d'une molecule excitee electroniquement par absorption d'un photon UV), soit par dissipation soudaine de 1'energie chimique accumulee (Section 9.2.2). Enfin nous avons decrit section 11.3 quelques observations qui montrent que les chocs peuvent detruire entierement ou partiellement les poussieres, restituant egalement leur matiere au gaz. Mais il n'est pas aise d'en faire un bilan quantitatif, et beaucoup de points sont encore controverses. Les etudes theoriques de la destruction des poussieres dans les chocs conduisent a des durees de vie de 1'ordre de 106 ans pour les materiaux volatils comme la glace, dont 1'energie de liaison E^ ~ 0,5 eV, et de 1'ordre de 5 108 ans pour les materiaux refractaires comme les silicates ou le graphite, pour lesquels Eb 5 eV (Jones et al. [251], [252]). La duree de vie des materiaux volatils ne pose pas de probleme particulier, car ces materiaux se recondensent dans les nuages moleculaires qui ont une grande duree de vie, quelque 107 ans. En revanche, celle des materiaux refractaires pose un probleme que nous allons examiner. La poussiere refractaire est formee dans les enveloppes d'etoiles froides evoluees, et aussi dans les novae et les supernova : pour des estimations quantitatives, voir le tableau 4 de Boulanger et al. [54]. Le taux de formation de cette poussiere peut etre estime a partir de la densite et du taux de perte de masse de ces objets. D'apres le tableau cite, il est de 8 10~6 a 3 10~5 M0 kpc~ 2 an"1, soit en gros 6 10~3 M0 an"1 dans toute la Galaxie. L'incertitude importante est due a notre mauvaise connaissance de la production de la poussiere par les supernovae. Si la masse des poussieres est de 1 % de la masse du gaz, soit 5 107 M 0 , le temps caracteristique d'injection est de 1'ordre de 5 107/(e x 6 10~3) = 3 109 ans. Meme compte tenu de 1'incertitude sur ce chiffre, il est considerablement plus grand que la duree de vie des materiaux refractaires des poussieres dans le milieu interstellaire. Ceci implique que la poussiere doit etre (re)formee in situ dans le milieu
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interstellaire. II parait difficile d'echapper au probleme malgre les grandes incertitudes sur les temps caracteristiques de formation et les durees de vie. La fagon dont cette reformation se produit n'est pas comprise dans le detail. Greenberg [194] a suggere que les glaces volatiles peuvent etre photolysees par des photons UV en donnant un manteau organique refractaire sur les grains. Ceci peut eventuellement rendre compte de la reformation des grains carbones a partir de CH4 et d'autres molecules carbonees gazeuses ou solides, mais pas des grains de silicates. II est interessant de reprendre le probleme de maniere purement empirique en se basant sur les deficiences mesurees des elements lourds dans le milieu interstellaire. C'est ce qu'ont fait Tielens [491] et Jones [253] ; nous allons donner un apergu de 1'etude de Tielens. Comme la poussiere est detruite dans le milieu diffus et reformee dans le milieu dense, il suffit de considerer deux phases du milieu interstellaire si nous ne nous interessons pas aux manteaux de glace : une phase dense nuage (atomique ou moleculaire) et une phase internuage , de masse respective Mc et Mi. Ces phases se transforment 1'une dans 1'autre avec des taux respectifs ki et &2 tels que
si Ton neglige la matiere qui forme les etoiles et celles rejetee par les etoiles en fin de vie. Etant donnees 1'echelle de temps tres longue pour la formation de la poussiere par les etoiles, on peut negliger ce processus en premiere approximation. Comme nous supposons 1'etat stationnaire, nous pouvons egalement negliger la destruction de la poussiere lors de la formation des etoiles. Les grains sont detruits par les chocs dans le milieu internuage au taux 3, et accretent des atonies ou des molecules dans le milieu nuage au taux 4. Si Ton designe par 5i et 6C les sous-abondances respectives dans le milieu internuage et dans les nuages (c'est a dire la fraction d'elements lourds qui se trouve dans les grains), on a
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La destruction des images a lieu avec une echelle de temps d'environ 3 107 ans, d'ou &2 = 3 10~8 an"1, et k\ = 3 10~7 an"1. Le taux de destruction des grains dans le milieu internuage est estime theoriquement a A^ = 2 10~8 an"1 : c'est 10 fois le taux de l/(5 108 ans) donne plus haut, qui est relatif a Yensemble du milieu interstellaire. A partir des mesures de la sous-abondance dans les nuages et dans le milieu internuage, on peut estimer le taux d'accretion dans les nuages fc4. Cependant le rapport des sous-abondances dans les nuages et dans le milieu internuage est quelque peu different selon 1'element considere. L'equation 15.13 fournit alors des valeurs de k^/ki egales a 0,50,1, 0,140,04 et 0,060,003 respectivement pour Si, Mg et Fe. Les valeurs correspondantes de &4/&i sont 0,60,1, 0,30,2 et 0,80,1, qui ne sont pas significativement differentes les unes des autres. On est done conduit a penser que le silicium est moins resistant aux chocs que le magnesium, lui-meme moins resistant que le fer. Le fait que le silicium soit peu resistant est confirme par la grande abondance du Si gazeux dans les chocs (Section 11.3). On manque malheureusement de donnees comparables pour Mg et Fe. II est interessant de remarquer que la valeur de k$ pour Fe est sembable a celle predite par la theorie pour des materiaux refractaires. Ceci montre que Si et a un moindre degre Mg ne sont pas tres refractaires, et doivent done se trouver sous une forme assez volatile, peut-etre dans un manteau depose dans les nuages sur des grains preexistants. La sous-abondance du carbone dans le milieu diffus est mal connue, si bien qu'il n'est pas possible de dire si les grains carbones sont effectivement concernes par les processus de destruction/reformation ci-dessus. II est interessant de comparer le taux d'accretion k 0, Qki 2 10~7 an"1 determine empiriquement ci-dessus avec une estimation theorique. Le temps moyen pour qu'un atome de densite HI dans le milieu interstellaire se colle sur un grain de rayon a est (Eq. 9.17)
ou S est un coefficient de collage (S < 1) et (v) la vitesse moyenne des atonies. En prenant HI (10~5 - 10~4) HH pour des especes abondantes, (v] = 1 kms" 1 et S = 1, et en ecrivant (ira2) = 1,1 10~21 cm2 par atome H pour une distribution de taille RMN (Eq. 7.7) on a
soit un taux de 3 10~10 nn an"1. L'accretion se produit surtout dans des nuages moleculaires. Si / est la fraction de la masse du milieu interstellaire dans les nuages moleculaires, la comparaison de ce taux avec le taux empirique implique que 3 10~10 fn^ ss 2 10~7, ce qui avec / ~ 0,25 correspond a une densite moyenne de molecules d'hydrogene de 1400 cm~ 3 , une valeur raisonnable. Le taux d'accretion empirique ne pose done pas de probleme reel.
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15.4
Ce theme a ete aborde dans la section precedente. Ici nous aliens donner quelques precisions sur la nature des poussieres telles qu'on les rencontre dans les enveloppes circumstellaires, le milieu interstellaire, dans les environnements protostellaires et dans differents objets du Systeme solaire. Ce champ de recherches est en plein developpement grace aux resultats obtenus avec 1'Infrared Space Observatory (ISO) et au progres de 1'etude des meteorites au laboratoire. L'essentiel du contenu de cette section est emprunte a Boulanger et al. [54], a Jones [254] et a Lequeux [301] ou Ton trouvera les principales references utiles.
15.4.1
Le spectre des enveloppes d'etoiles de masse moyenne (environ 1,5-8 M 0 ) en fin devolution (sur la branche asymptotique des geantes, ou AGB pour 1'anglais asymptotic giant branch) montrent que certaines sont riches en oxygene (O/C > 1), et d'autres, les etoiles carbonees, sont riches en carbone (C/O > 1). La chimie est tres differente dans les deux types d'enveloppes : C et O se combinent preferentiellement en CO, si bien que les premieres contiennent de 1'oxygene libre mais pas de carbone libre, alors que c'est 1'inverse pour les etoiles carbonees. Le spectre des enveloppes des etoiles riches en oxygene montre les bandes caracteristiques a 9,7 et 18 /xm des silicates amorphes solides, et aussi des bandes nombreuses et plus etroites de silicates cristallins : des grains de silicates amorphes et une quantite significative de grains de silicates cristallins se sont done formes dans leur enveloppe. Le spectre des etoiles carbonees ne montre pas les bandes aromatiques qui ont fait 1'objet de la section 7.2.3, mais seulement une bande assez large a 11,3 /^m due a des grains de SiC, avec peut-etre une contribution de grains de carbone amorphe hydrogene. On voit d'ailleurs dans certaines enveloppes une bande a 3,4 /^m due au carbone amorphe hydrogene. Une bande a 21 ^m est probablement due a TiC et une autre, tres large, vers 30 ^m a MgS. Enfin on s'attend a ce que les etoiles carbonees produisent aussi des grains de fer, mais il n'y a malheureusement pas de signature spectrale du fer dans 1'infrarouge, comme d'ailleurs d'aucun metal. Les etapes suivantes de 1'evolution d'une partie de ces etoiles sont la nebuleuse protoplanetaire, ou le materiau de 1'enveloppe circumstellaire en expansion se detache de 1'etoile qui est encore froide, puis la nebuleuse planetaire ou 1'etoile centrale devient tres chaude et ionise en partie la matiere ejectee, a 1'exception dans certains cas de condensations tres denses qui restent neutres. Les bandes des silicates amorphes et cristallins restent visibles dans
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le spectre des objets riches en oxygene5. Des changements spectaculaires se produisent dans le spectre infrarouge moyen des objets riches en carbone. D'abord on observe un spectre tres semblable a celui de carbones amorphes hydrogenes partiellement aromatiques, ou meme de charbons naturels. Puis les bandes infrarouges aromatiques (AIBs) apparaissent. Elles sont intenses dans le spectre infrarouge des nebuleuses planetaires carbonees jeunes comme NGC 7027. Mais les nebuleuses planetaires tres evoluees comme la Nebuleuse de 1'Helice ne montrent plus ces bandes aromatiques, ce qui indique que les emetteurs ont ete detruits par le rayonnement UV de 1'etoile centrale. Les nebuleuses planetaires ne sont done sans doute pas les sites de la formation des emetteurs des bandes infrarouges aromatiques. Les novae et supernova ainsi que certaines etoiles de Wolf-Rayet produisent egalement des silicates et/ou des grains carbones, mais leur contribution a la poussiere interstellaire est tres incertaine.
15.4.2
Nous avons abondamment parle au chapitre 7 et dans la section precedente de la nature des grains interstellaires. On s'attend a ce que les grains formes dans les etoiles en fin de vie, dont nous venons de parler, ne constituent qu'une faible partie des grains interstellaires. Us forment peut-etre surtout des noyaux de condensation. II est interessant de signaler qu'il y a des indices de transformation des grains dans differentes situations interstellaires. Nous avons deja mentionne section 11.3 et 15.3 la liberation de Si dans les chocs. En ce qui concerne les silicates, on constate la disparition des silicates cristallins dans les spectres d'absorption dans 1'IR moyen, comme celui de la figure 7.18. II est possible que les chocs et 1'impact des rayons cosmiques jouent un role dans 1'amorphisation des silicates, mais clairement ceux qui se reforment sur les grains sont amorphes, ce qui est naturel car la cristallisation des silicates necessite une temperature superieure a 1 000 K pendant une duree assez longue. Dans certaines regions H n, on voit cependant reapparaitre une quantite notable de silicates cristallins, ce qui peut s'expliquer par le chauffage des grains par le rayonnement intense des etoiles excitatrices. Les grains carbones subissent aussi des transformations importantes dans le milieu interstellaire. Des indications existent sur la production des emetteurs des bandes infrarouges aromatiques (carbures aromatiques polycycliques hydrogenes ?) a partir de grains de carbone amorphe hydrogene qui produisent surtout un continuum, dans les regions de photodissociation (Cesarsky et al. [78]). Inversement, les emetteurs des bandes infrarouges aromatiques sont clairement detruits par le rayonnement UV. Us peuvent aussi se condenser sur d'autres grains ou s'agglomerer ensemble, ces derniers
5. Certaines nebuleuse protoplanetaires comme le celebre Rectangle Rouge HD44179 montrent a la fois des bandes de silicates et de produits carbones, ce qui indique que la composition de la surface de 1'etoile a change au cours de son evolution et que Ton observe des ejecta produits a differentes epoques.
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processus etant probablement reversibles. Les variations importantes dans les couleurs infrarouges des cirrus, illustrees planches 19 et 21, sont dues a ces phenomenes. La condensation sur les grains et la coagulation des petits grains entre eux sont probablement la cause de la diminution spectaculaire de 1'intensite des bandes infrarouges aromatiques dans les regions ou les (gros) grains sont plus froids que la moyenne, sans doute a cause d'une augmentation de taille due a la condensation ou a la coalescence. Cette augmentation de la taille des grains, jointe a la disparition des petits grains, est necessaire pour expliquer les variations observees dans la loi d'extinction UV (Figure 7.3), et du rapport R = Ay/E(B V] dans les nuages moleculaires, la formation de manteau de glace etant insuffisante pour en rendre compte. Particulierement surprenante est la difference entre les spectres en infrarouge moyen du milieu interstellaire de la galaxie d'Andromede M 31 et de notre Galaxie (Cesarsky et al. [76], Pagani et al. [369]). Dans M31, la bande a 11,3 (Jim est extremement intense par rapport aux autres AIBs. II est difficile d'interpreter cette observation. Au voisinage des regions HII compactes ou ultracompactes qui entourent les etoiles tres jeunes et tres massives, les tres petits grains carbones subissent des transformations variees clairement dues au champ UV tres intense. Ces transformations se traduisent par des variations considerables dans leur spectre infrarouge qui sont encore mal comprises. La disparition des porteurs classiques des bandes infrarouges par photodestruction permet de voir d'autres bandes probablement dues a de tres petits grains de carbone amorphe plus resistants, qui sont aussi responsables d'un fort continuum. Ces grains pourraient etre tres repandus dans le milieu interstellaire. Pour compliquer encore la situation, rappelons la presence de la bande du carbone aliphatique hydrogene a 3,4 //m vue en absorption devant le Centre galactique, bande qui parait due a une autre population de grains presente seulement dans le milieu interstellaire diffus et non dans les nuages moleculaires.
15.4.3
L'observation des disques protostellaires faite dans 1'infrarouge avec ISO a donne des resultats surprenants. Le spectre est domine par 1'emission des silicates et les silicates cristallins ont reapparu, ce qui implique que les grains interstellaires ont ete recuits a une temperature superieure a 1 000 K. Le spectre des cometes du Systeme solaire est tout a fait semblable. On sait que les cometes sont formees de materiau primitif qui n'a pas subi de modifications importantes depuis les quelque 4,6 109 ans que le Systeme solaire existe. Leur spectre montre egalement la bande des carbures aliphatiques hydrogenes a 3,4 [im et la bande aromatique a 3,3 //m, que nous avions toutes deux rencontrees dans le milieu interstellaire. Des grains probablement issus des cometes ont ete collectes dans 1'atmosphere terrestre par des
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avions U2 volant a une altitude d'environ 20 km. La masse collectee jusqu'ici est extremement faible, mais a neanmoins permis une etude mineralogique qui a montre la presence de silicates amorphes et cristallins. Les meteorites sont d'autres restes du Systeme solaire primitif, qui ont cependant subi des phenomenes plus violents que les cometes. Les plus petites (micrometeorites) sont collectees sur ou dans les glaces arctiques et antarctiques. L'interet des meteorites est qu'on en possede des masses importantes et qu'on peut en extraire des composants rares en quantite suffisante pour une analyse detaillee. Les methodes d'analyse mineralogique, elementale et isotopique des meteorites ont atteint un degre de raffinement considerable. Cependant les silicates, composes assez fragiles qui ont d'ailleurs deja ete modifies avant que la meteorite ne tombe sur la Terre, sont perdus pour 1'analyse dans le processus de separation des differents composants des meteorites. Des grains carbones qui sont incontestablement d'origine interstellaire de par leur composition elementale et isotopique ont pu etre separes dans certaines meteorites dites chondrites carbonees (pour des revues voir Anders & Zinner [4] et Hoppe & Zinner [231]). Les grains d'origine interstellaire les plus abondants dans ces meteorites, et de loin, sont des nanoparticules de diamant. Ensuite on trouve des grains de SiC dont certains sont tres gros (10 /mi ou plus). L'analyse de ces gros grains montre qu'ils proviennent surtout des etoiles AGB, une petite partie provenant des supernova. On observe aussi des grains de graphite, a peine moins abondants, dont la provenance est similaire. Certains de ces grains ont un noyau de TiC. Tous ces grains sont ceux, tres rares, qui n'ont jamais ete exposes a 1'effet destructeur des ondes de choc interstellaires et de 1'intermittence, et qui nous proviennent done des sources sans modification. II est malheureusement impossible de savoir quelle est la proportion des grains qui n'ont pas ete modifies par les processus interstellaires. Des grains interstellaires penetrent directement dans le Systeme solaire ; la direction d'arrivee (apex) des tres gros grains est semblable a celle des atonies H et He neutres qui entrent egalement dans le Systeme solaire, et ne sont pas affectes par le champ magnetique. Cette direction, et leur distribution de masse, ont ete mesurees par les sondes spatiales ULYSSES et GALILEO. Des mesures analogues peuvent aussi etre effectuees a partir des echos radar sur le gaz ionise que ces grains produisent le long de leur trajectoire lorsqu'ils penetrent dans 1'atmosphere terrestre. Le spectre de masse (ou de taille), ainsi mesure pour ces tres gros grains de 0,1 a 1 /im, se raccorde bien a 1'extrapolation du spectre MRN (Eq. 7.7) (Frisch et al. [175]), ce qui est une confirmation de leur origine interstellaire. II faut remarquer que des grains aussi gros sont a peu pres indetectables dans le milieu interstellaire par leur extinction ou leur emission. Us le seront peut etre par la diffusion X (Section 7.1.3). Ce sont ces grains, au demeurant assez rares, que 1'on trouve inclus dans les meteorites.
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Planche 1. La galaxie M 51 (NGC 5195) Cette image, qui resulte de la superposition d'une image en bande bleue B, d'une image en bande visible V et d'une image monochromatique dans la raie Hen (en rouge), a etc obtenue avec la camera CCD 12K au telescope Canada-France-Hawaii (CFHT). Les bras de spirale de cette galaxie sont particulierement bien marques et resultent de Faction gravitationnelle du compagnon NGC 5194, situe au Nord. Us correspondent a des zones de compression de la matiere interstellaire. On voit clairement des marques d'absorption dues a la poussiere interstellaire le long des bras, mais aussi ailleurs, notamment dans le compagnon. Les nombreuses regions H u visibles en raie Ha sont preferentiellement situees le long des bras, au bord convexe de la bande de poussiere. Les bras balayent la matiere interstellaire qui y rentre par le cote concave. Elle y est ensuite comprimee et forme des etoiles massives qui apparaissent done du cote convexe et ionisent le gaz. Dans cette planche comme dans toutes les suivantes sauf quelques exceptions indiquees explicitement, le Nord est en haut et 1'Est a gauche. Document aimablement communique par Jean-Charles Cuillandre, CFHT.
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Planche 2. La Voie lactee a diverses longueurs d'onde Ces images montrent 1'aspect d'une bande de 5 de part et d'autre du plan de la Galaxie, a des frequences croissant de haut en has. La direction du centre Galactique est au centre; la longitude galactique / croit de -180 a 180) de droite a gauche. Les principaux mecanismes de rayonnement sont les suivants : - le continuum radio a 408 MHz est du au rayonnement synchrotron ; - la raie a 21 cm est due a 1'hydrogene neutre atomique ; - le continuum radio a haute frequence (2,4-2,7 GHz) est domine par 1'emission libre-libre des electrons du gaz ionise ; - a 115 GHz, la raie de la molecule CO trace le gaz moleculaire ; - 1'emission dans 1'infrarouge lointain a 100 /im (rouge) est due aux gros grains, celle a 12 jitm (bleu) aux tres petits grains et celle a 60 //m (vert) a une contribution des deux ; - dans 1'infrarouge proche, 1'emission est dominee par les etoiles, avec une contribution du gaz ionise et des tres petits grains de poussiere ; - dans le visible, 1'emission est essentiellement due aux etoiles ; - le rayonnement X est du a des objets stellaires et au gaz chaud et dilue dans les restes de supernova, les bulles et le milieu general ; - 1'emission gamma au dessus de 100 MeV resulte de 1'interaction entre les protons cosmiques et la matiere interstellaire. Document NASA/Goddard Space Flight Center.
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Planche 3. L'emission de la Voie lactee dans la raie 21 cm de 1'hydrogene atomique Cartes du ciel provenant d'un releve systematique du ciel avec le radiotelescope de 25 m de Dwingeloo (Pays Bas), resolution angulaire 0,5. Ces cartes sont presentees en coordonnees galactiques et correspondent a differentes vitesses radiales par rapport au standard local des vitesses (LSR). La longitude galactique va de 300 (= -60) a droite a 300 a gauche, et la latitude galactique de -90 en bas a +90 en haut. La partie manquante est inobservable des Pays-Bas. Aux faibles vitesses, remission est dominee par le gaz proche. Pres du plan galactique, aux vitesses elevees en valeur absolue, on observe remission de regions eloignees. Aux hautes latitudes galactiques (surtout positives, vers le haut), on observe aussi aux grandes vitesses negatives du gaz qui tombe sur le plan de la Galaxie. Remarquer la structure filamenteuse du gaz, et les bulles vides de gaz. Document d'apres Hartmann [204] &t Hartmann & Burton [205], aimablement communique par Dap Hartmann.
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Planche 4. Cartes dans le continuum radio a 21 cm et dans la raie 21 cm dans une region du bras de Persee Ces cartes ont ete obtenues dans le cadre du Canadian Galactic Plane Survey avec I'interferometre et le radiotelescope de 26 m de diametre du Dominion Radio Astrophysical Observatory a Penticton (B.C., Canada). La resolution angulaire est de 1'. La longitude galactique est en abscisses et la latitude galactique en ordonnees, en degres. La carte de gauche, dans le continuum a 21 cm, est dominee par le rayonnement synchrotron de trois restes de supernova : SNRG130.7+3.1 = 3C58, en haut a gauche (dont la forte emission produit des artefacts circulaires), SNRG127.1+0.5 = R5, a droite du centre, et SNRG126.2+1.6, plus faible et plus etendue. La distance de ces objets est tres incertaine. Les objets plus ou moins ponctuels qui parsement la carte sont extragalactiques. La carte de droite est dans la raie 21 cm, a une vitesse radiale par rapport au LSR de 35,3 kms" 1 correspondant au bras de Persee. Remarquer la structure filamenteuse du gaz. Un nuage se trouve dans la direction de SNRG127.1+0.5 et pourrait lui etre associe si ce reste de supernova est bien dans le bras de Persee. Une absorption devant 3C 58 est visible (petite tache sombre), montrant que ce reste de supernova doit se trouver dans ou derriere le bras de Persee. Document CGPS, aimablement communique par J. English & R. Taylor.
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Planche 6. Auto-absorption en raie 21 cm et nuages moleculaires En haut, carte d'une region du plan galactique en raie 21 cm a la vitesse de -41 kms" 1 par rapport au LSR, dans le bras de Persee. Cette carte a ete obtenue dans le cadre du Canadian Galactic Plane Survey (resolution angulaire 1'). Les longitudes galactiques vont de 138,3 (a gauche) et 141,1 (a droite) et les latitudes galactiques de -1 (en bas) a +2,2 (en haut). On observe la presence d'auto-absorptions sous la forme de filaments sombres, dues a de 1'hydrogene atomique froid interpose devant de 1'hydrogene plus tiede. En dessous, carte d'une partie de cette region : 1'emission dans la raie 21 cm est en bleu, les nuages moleculaires sont indiques par des contours jaunes et 1'emission de la poussiere a 60 /Ltm par des contours rouges. Certains nuages atomiques vus en absorption correspondent a des nuages moleculaires visibles en emission dans la raie de CO(l-O), d'autres pas. Certains donnent une emission infrarouge mais pas d'emission en CO. En bas, spectre a 21 cm de la region delimitee par un carre blanc (trait plein) avec des spectres de regions proches pour comparaison (trait interrompu) et plus bas le spectre CO. L'auto-absorption 21 cm est indiquee en rouge et correspond a une emission a la meme vitesse en raie de CO (egalement en rouge). Document CGPS d'apres Gibson et al. [181], aimablement communique par A.R. Taylor.
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Planche 8. Carte en raie de 13CO(1-0) dans Orion Cette carte a ete obtenue avec le radiotelescope de 7 m de diametre des AT&T Bell Laboratories avec une resolution angulaire de 1'. La region observee couvre 10 en declinaison. Les couleurs representent la vitesse radiale par rapport au LSR, de 4 km s"1 (bleu) a 13 kms" 1 (rouge). L'ensemble de ces nuages est a une distance d'environ 500 pc. La Nebuleuse d'Orion se trouve dans le nuage du bas, au bas de la partie rouge. Remarquer la structure generalement filamenteuse et les nombreuses condensations, dont certaines sont alignees plus ou moins regulierement le long des filaments. Pour une discussion, voir Bally et al. [17]. Des cartes detaillees dans d'autres raies millimetriques et de 1'emission de la poussiere a 1,3 mm dans une partie du nuage sud se trouvent dans Chini et al. [88]. Document aimablement communique par John Bally.
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Planche 9. La Nebuleuse d'Orion, vue avec le telescope spatial Hubble La plus etudiee des regions Hn, la Nebuleuse d'Orion se trouve a une distance de 550 pc. Cette image en fausses couleurs, dont les dimensions sont de 0,8x0,8 pc environ, resulte de la combinaison de 45 images monochromatiques prises avec la Wide Field and Planetary Camera 2 dans les raies de [O in] (en bleu), Ha (en vert) et [Nil] (en rouge). Un agrandissement de la partie centrale montrant les quatre etoiles excitatrices qui forment le Trapeze est presente planche 30 et une vue infrarouge se trouve planche 32. La Barre situee en bas et a gauche de 1'image est 1'interface de photodissociation entre la region H n et un nuage moleculaire. Le gaz ionise qui resulte de 1'ionisation superficielle de ce nuage presente une structure d'ionisation bien visible : dans la region la plus proche du nuage, les raies de [N n] dominent par rapport aux raies de [Om], alors que c'est 1'inverse plus pres des etoiles excitatrices. La region contient de nombreuses etoiles jeunes a differents stades devolution, dont certaines produisent des jets (1'un d'eux est bien visible pres de la region de photodissociation), et de nombreux disques protoplanetaires vue en emission ou en absorption, peu spectaculaires sur cette image en raison de leur tres petite taille. Document C.R. O'Dell & S.K. Wong, Rice University, NASA.
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Planche 10. Le gaz ionise dans la galaxie M33 Cette image a ete obtenue a travers un filtre centre sur la raie Ha au telescope de Schmidt Burrell. La region Hn la plus intense, au Nord-Est, est NGC604. Remarquer Palignement des regions H n le long des bras de spirale, notamment au sud du centre, les tres nombreuses bulles et 1'hydrogene ionise diffus qui est present partout dans la partie centrale. L'ionisation de ce gaz est due entierement aux etoiles chaudes (Hoopes & Walterbos [230]). Document aimablement communique par Charles Hoopes.
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Planche 11. L'emission X de la region au Sud-Est de 30 Doradus, dans le Grand Nuage de Magellan L'image du haut de la page a ete prise avec 1'instrument EPIC a bord du satellite europeen NEWTON. Les fausses couleurs vont de 0,3 keV (rouge) a 5 keV (bleu). On y voit trois restes de supernovae a differents degres devolution. La coquille bien visible a droite du milieu de la figure est 30 Dor C, un reste de supernova bien developpe. 6' au Sud-Ouest, 1'objet compact est le reste tres jeune de la supernova SN1987A. A 1'Est de 30 Dor C, 1'objet etendu tres brillant est N157 b, un reste de supernova dont les proprietes sont intermediates entre celles d'un reste en forme de bulle et d'un plerion. Les emissions etendues visibles dans presque toute 1'image sont dues au gaz chaud diffus cree par les restes de supernova des generations precedentes. Le spectre du gaz diffus de la region Nord du champ observe est montre dans la figure du bas. On y observe des raies de divers elements fortement ionises. Ce spectre est ajuste par un modele avec une temperature d'environ 0,3 keV (3,5 106 K ; la qualite de Pajustement est indiquee en dessous), et une surabondance de O, Ne, Mg et Si par rapport aux abondances solaires (alors que le Grand Nuage de Magellan est sous-abondant par un facteur 4) : ceci suggere que le gaz chaud est domine par la matiere produite et ejectee par les supernova.
D'apres De.nne.rl et al. 1108], avec I'autorisation de I'ESO.
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Planche 12. Le nuage sombre B 68 dans le visible et 1'infrarouge Deux images composites de ce nuage proche (un globule de Bok typique) sont presentees en haut de la page. En haut, une image composite dans le visible et le tres proche infrarouge en bandes B (bleu), V (vert) et I (rouge), prise avec un des telescopes de 8 m du Very Large Telescope de 1'Observatoire Europeen Austral. Le nuage est totalement opaque et on ne voit aucune etoile dans sa direction, sauf quelques etoiles tres rougies au bord. Au milieu, une image composite en fausses couleurs dans 1'infrarouge en bandes J (1,25 /mi, bleu), H (1,65 /un, vert) et Ks (2,17 //m, rouge) obtenue avec le telescope de 3,5 m NTT de 1'Observatoire Europeen Austral. L'extinction etant beaucoup plus faible dans 1'infrarouge que dans le visible, on voit des etoiles a travers le nuage, surtout en bande Kg. La photometric de ces etoiles permet d'obtenir la carte d'extinction presentee en bas, qui a une resolution angulaire de 10". Le contour exterieur de cette carte correspond a une extinction dans le visible de Ay = 4 magnitudes, les contours suivants etant par pas de 2 magnitudes. L'extinction centrale atteint 35 mag. ce qui correspond a une attenuation de la lumiere visible par un facteur 1014. Document ESO Education and Public Relations Department.
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Planche 14. Le complexe RCW 108 Cette image infrarouge resulte du compositage de 33 images prises avec le telescope de 3,5 m NTT de 1'Observatoire Europeen Austral. Les fausses couleurs correspondent aux bandes J (1,25 /mi, bleu), H (1,65 //m, vert) et KS (2,17 //m, rouge). Les dimensions de 1'image sont 12,8x12,8 minutes d'arc. Le nuage sombre, assez complexe, est tres opaque dans ses regions centrales. Beaucoup d'etoiles d'arriere-plan sont tres rougies, meme dans 1'infrarouge ou 1'extinction est bien plus faible que dans le visible. La region H n est partiellement enfouie dans ce nuage moleculaire : elle est peu apparente dans le visible mais tres brillante dans 1'infrarouge proche. La poussiere chauffee par les etoiles jeunes produit une emission intense dans 1'infrarouge moyen et lointain, ou la region est la source IRAS 16362-4845. Document ESO Education and Public Relations Department.
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Planche 15. La nebuleuse par reflexion 1C 349 dans les Pleiades L'etoile brillante Merope (23 Tauri), qui appartient a 1'amas des Pleiades, a une distance de 120 pc, se trouve en dehors du champ mais produit par diffusion dans la camera WFPC2 du telescope spatial Hubble, avec laquelle cette image a ete prise, les rayons radiaux visibles dans la moitie superieure. Le reste des structures est reel, et correspond a la lumiere de Merope diffusee par des poussieres situees a 0,02 pc de 1'etoile. L'etoile et le nuage interstellaire ont une vitesse relative d'environ 11 kms^ 1 , 1'etoile s'approchant du nuage. La pression de radiation de la lumiere de 1'etoile repousse la poussiere, formant cette structure filamenteuse. Document G. Herbig & Th. Simon, NASA.
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Planche 16. (au-dessus). Etoiles chaudes et matiere interstellaire dans la region de 30 Doradus, dans le Grand Nuage de Magellan Cette image resulte du compositage de nombreuses images obtenues a travers 5 filtres differents avec la Wide Field and Planetary Camera 2 du telescope spatial Hubble. Elle couvre un champ de 4,53'x2,98', soit 68x45 pc a la distance du Grand Nuage de Magellan (52 kpc environ). En bleu, 1'image dans le filtre large U centre a 3360 A. En vert, superposition des images dans le filtre V (large, centre a 5 550 A) et un filtre etroit centre sur la raie Ha. En rouge, superposition des images dans le filtre I (large, centre a 8 140 A) et un filtre etroit centre sur les raies de [S n] vers 6730 A. Get arrangement a Pinteret de montrer les etoiles avec sensiblement leurs vraies couleurs : on voit que 1'amas stellaire principal (30 Dor proprement dit) est constitue uniquement d'etoiles bleues et est done tres jeune, tandis que 1'amas Hodge 301, en bas a droite, est constitue d'etoiles moins bleues et contient plusieurs supergeantes rouges, et est done moins jeune. L'emission diffuse dans cette image est due essentiellement a des raies emises par le gaz ionise par les etoiles de 30 Dor : la raie Ha (en vert) trace 1'ensemble de ce gaz, tandis que le doublet de S n (en rouge) est surtout emis dans les regions de faible excitation, plus profond dans les zones de photodissociation. Les explosions de supernova et les vents stellaires ont forme des bulles presque vides de gaz dans plusieurs regions. Elles contiennent cependant du gaz tres chaud dont 1'emission X est visible en haut et a gauche de la planche 11. La direction du Nord est a un angle de 61,86 du haut de 1'image, dans le sens des aiguilles d'une montre. Document aimablement communique par R. Barbd, J. Maiz-Apelldniz et N. Walborn, Space Telescope Science Institute.
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Planche 17. Emissions dans les raies Brackett 7 et v(l-O) S(l) de H 2 dans la region de 30 Doradus Cette image composite, 4,4'x4,5', resulte de la superposition d'une image negative obtenue dans un filtre etroit centre a 2,16 /urn (617) et d'une image positive obtenue dans un filtre etroit centre 2,12 //m (H2), prises avec le telescope de 1,5 m de PObservatoire inter-americain de Cerro Tololo, au Chili. Les etoiles apparaissent en raison d'une soustraction imparfaite du continuum. Le gaz ionise est done en brun-noir, et 1'emission de H2 en blanc-jaune. On reconnaitra aisement 1'arc ionise sur la planche 16. L'emission de la raie de Eb est due a la fluorescence dans les regions de photodissociation, dont cette raie est un excellent traceur. Dans cette image, contrairement a la precedente, le Nord est en haut. D'apres Rubio et al. [416], avec I'autorisation de I'ESO.
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Planche 18. La Nebuleuse Trifide en optique et en infrarouge moyen La Nebuleuse Trifide est une region Hn associee a un nuage moleculaire. La figure du haut est une image composite obtenue au telescope Canada-France-Hawaii. Dimensions 21'x7'. Deux couleurs : bleu pour la bande V et rouge pour la bande I. On voit 1'absorption des etoiles d'arriere-plan par le nuage sombre qui entoure la region H n, et la lumiere diffusee des etoiles excitatrices (non visibles dans cette image saturee) qui forme un prolongement diffus bleu au Nord. La figure du dessous a gauche est une image en raie Ha prise au telescope de 80 cm de 1'Institut d'Astrophysique des Canaries a travers un nitre etroit. Elle ne montre que le gaz ionise, avec les bandes d'absorption de la poussiere qui la divisent en trois parties. La figure du bas a droite represente le meme champ vu a 12 fj,m avec le satellite ISO (resolution angulaire d'environ 6"). Cette image est dominee par 1'emission de la poussiere et apparait done comme le negatif de 1'image de gauche. Documents Jean-Charles Cuillandre, CFHT, et Agence Spatiale Europeenne.
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Planche 19. La constellation Chamaeleon vue en infrarouge lointain Cette image, qui couvre un champ de 12,5xl2,5 (33x33 pc a la distance de 150 pc ou se trouve pratiquement toute la matiere vue ici), est un compositage de 3 images obtenues avec le satellite IRAS dans 2 bandes : 60 /^m (vert) et 100 /^m (rouge). En dehors de quelques regions d'emission intenses, 1'image est dominee par les cirrus chauffes par le champ de rayonnement interstellaire general. Les variations locales de couleur sont tres importantes et traduisent des changements reels dans la composition ou la distribution de tailles des tres petits grains. Ces changements sont probablement dus au passage d'ondes de choc (Gry et al. [196]). Document IP AC, California Institute of Technology et NASA.
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Planche 20. La region de la Tete de cheval en lumiere visible En bas une photographie provenant de 1'Observatoire Anglo-Australien, en couleurs sensiblement naturelles. La Tete de cheval est une protuberance d'un nuage sombre qui s'etend sur toute la moitie inferieure de la figure. Elle se detache clairement sur un fond rouge qui est du a la raie Ha emise par une region H n diffuse ionisee par 1'etoile chaude (, Orionis (O9.5Ib) situee hors des limites de 1'image. L'objet brillant et bleu en bas a gauche est la nebuleuse par reflexion NGC 2023, qui est illuminee par 1'etoile B1.5V HD 37903, non visible en raison de la saturation de 1'image. Les dimensions angulaires de 1'image sont 30'x33', correspondant a 4,8x5,3 pc a la distance de 550 pc. En haut, une autre image de la Tete de cheval obtenue avec la camera CCD 12K au telescope Canada-France-Hawaii. Deux couleurs : bleu pour la bande V, rouge pour la bande I. Cette image fait ressortir la lumiere diffusee par la surface du nuage sombre et par des filaments isoles a droite de la Tete de cheval, illumines par (, Orionis. Exceptionnellement, dans ces images le Nord est a gauche et 1'Est en bas. Documents Anglo-Australian Telescope et CFHT, aimablement communiques par D. Malin et J.-C. Cuillandre.
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Planche 21. Variations de la composition des tres petits grains dans la region de la Tete de cheval Cette image composite couvre un champ un peu plus etendu que 1'image du haut de la planche 20. Elle a ete obtenue a 7.7 //m (bleu) et a 15,5 /^m (rouge) par la camera ISOCAM du satellite ISO. La poussiere qui absorbe la lumiere visible est cette fois vue en emission, comme pour la planche 18 (en fait il ne s'agit pas entierement de grains de meme taille, 1'extinction visible etant dominee par des grains assez gros tandis que 1'emission dans 1'infrarouge moyen est dominee par des grains beaucoup plus petits). On ne voit en infrarouge que la couche superficielle de la Tete de cheval, les regions du nuage sombre exposees au rayonnement provenant de 1'etoile C Orionis (hors champ), et la nebuleuse par reflexion NGC 2023, cette fois en emission. Une etoile nouvellement formee se trouve a la surface de la Tete de cheval, et deux etoiles tres jeunes sont a la peripherie de NGC 2023. En bas, trois coupes horizontales a travers ce champ, qui montrent les differences entre remission a 7,7 //m, qui est dominee par les bandes aromatiques infrarouges qui proviennent peut-etre de tres petits grains carbones plats, et 1'emission a 15,5 //m qui est due a de tres petits grains carbones a trois dimensions. L'origine des variations observees est mal comprise a 1'epoque ou nous ecrivons. Document aimablement communique par A. Abergel, Institut d'Astrophysique Spatiale.
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Planche 22. Gaz ionise et bandes aromatiques infrarouges dans la region de M 16 Cette image composite a ete obtenue a 7,7 /^m (bleu) et a 15,5 /j,m (rouge) par la camera ISOCAM du satellite ISO. Ses dimensions angulaires sont environ 30'x30', soit 17,5x17,5 pc a la distance de 2 kpc. Elle est centree sur I'amas stellaire jeune M 16 (NGC6611), dont les etoiles chaudes sont a peine visibles sur cette image. Elles ionisent une partie du gaz. On voit en rouge remission de la raie [Nelll] a 15,56 ^m de ce gaz ionise. Les vents stellaires ont creuse des bulles bien visibles dans le milieu interstellaire. Les bords tres nets de ces bulles sont des regions de photodissociation denses ou les tres petits grains responsables de la bande aromatique infrarouge a 7,7 //m sont concentres et excites. Certaines regions de photodissociation se presentent sous la forme de piliers, de doigts ou d'autres structures. Le telescope spatial Hubble a donne des images remarquables de ces piliers dans le visible (voir http://oposite.stsci.edu/pubinfo/PR/95/44.html), ou leur aspect est semblable a celui de la Tete de cheval (Planche 20, en bas). Dans cette image, le Nord est a 58,4 du haut, dans le sens inverse des aiguilles d'une montre. Document ISOGAL aimablement communique par M.J. McCaughrean, A. Moneti et A. Omont.
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Planche 23. Comparaison entre 1'emission en infrarouge moyen et la distribution de 1'hydrogene atomique dans la galaxie d'Andromede M31 L'image correspond a la partie Sud-Ouest de la galaxie d'Andromede M31, a environ 50' (10 kpc) du centre. Les coordonnees sont pour 1'equinoxe J2000. Les fausses couleurs representent 1'intensite de 1'emission vers 7,7 /^m observee avec le satellite ISO avec une resolution angulaire de 6", et les contours 1'intensite de la raie 21 cm observee avec 1'interferometre de Westerbork avec une resolution angulaire de 25". On voit que 1'emission a 7,7 //m, qui est due aux tres petits grains de poussiere chauffes aleatoirement par 1'absorption de photons individuals, suit tres bien la distribution du gaz. Or si le champ de rayonnement visible, qui est comparable au champ interstellaire local pres du Soleil, est assez uniforme dans cette region, il n'en est pas de meme du champ de rayonnement ultraviolet, qui est tres irregulier mais nettement plus faible que pres du Soleil. Ceci montre que le chauffage des tres petits grains est ici du aux photons visibles, et non aux photons ultraviolets. D'apres Pagani et al. [369], avec Vautorisation de I'ESO.
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Planche 24. L'interface entre la region H l l M17 et le image moleculaire adjacent Cette image composite infrarouge a ete obtenue avec le telescope NTT de 3,5 m de 1'Observatoire Europeen Austral. Les fausses couleurs correspondent aux bandes J (1,25 /um, bleu), H (1,65 /mi, vert) et Ks (2,17 //m, rouge). Les dimensions de 1'image sont 5'x5', ce qui correspond a 3,5x3,5 pc a la distance de 1'objet, 2,2 kpc. Un nuage moleculaire occupe la partie droite de 1'image, et absorbe la lumiere de la plupart des etoiles. La partie gauche contient une region H n ionisee par des etoiles situees hors champ a gauche. L'emission diffuse est dominee par le continuum libre-libre et libre-lie du gaz ionise. Le nuage moleculaire est photodissocie et ionise par le rayonnement UV et s'evapore vers la gauche. La region de photodissociation ainsi formee a une structure tres fragmentee qui reflete celle du nuage moleculaire. Elle a ete enormement etudiee a diverses longueurs d'onde : voir par exemple Stutzki et al. [475], Cesarsky et al. [75] et Verstraete et al. [506]. Une region H n ultracompacte, non visible ici, se trouve enfouie dans la region de photodissociation, temoignant d'une formation secondaire d'etoiles (Cesarsky et al. [75]). Document ESO Education and Public Relations Department.
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L'explosion de cette supernova a ete decrite en 1 572 par Tycho Brahe. Son rayonnement X est domine par 1'emission thermique des ejecta chauffes par les chocs. A droite, spectre X obtenu avec trois spectrographes differents de 1'instrument EPIC du satellite XMM-NEWTON : MOS 1 (vert), MOS 2 (rouge) et PN (noir). Les principales raies sont identifiees. La raie marquee Si est un blend du triplet du Si xin entre 1,67 et 2,00 keV. Dans 1'image de gauche en haut, les contours dans ce blend sont superposes a une image du continuum X entre 4,5 et 5,8 keV. La structure en coquille spherique est bien visible, mais il y a des differences entre les distributions du continuum et des raies. L'image dans le continuum est plus reguliere et plus etendue que celle dans les raies. Ce continuum est interprete comme remission du gaz interstellaire ambiant cheque. La structure vue dans les raies est probablement due aux instabilites de Rayleigh-Taylor a la discontinuity de contact entre le materiau ejecte et le milieu ambiant. A gauche en bas, les contours correspondent a 1'emission dans le continuum X entre 4,5 et 5,8 keV, superposee a 1'image radio observee a 22 cm avec le Very Large Array. Ces deux emissions sont limitees au meme rayon (compte tenu de la resolution angulaire moins bonne en X), mais 1'emission radio est bien correlee a 1'emission dans les raies (comparer a 1'image superieure) ce qui confirme 1'importance des instabilites de Ray leigh-Taylor dans 1'acceleration des electrons relativistes et/ou I'amplification du champ magnetique.
D'apres Decourchelle et al. [105], avec I'autorisation de I'ESO.
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Planche 29. La bulle N 70 dans le Grand Nuage de Magellan Cette image composite a ete obtenue avec un des telescopes de 8 m de 1'Observatoire Europeen Austral. Elle resulte de la combinaison d'une image B (en bleu), d'une image V (en vert) et d'une image en raie Ho; (en rouge). Les dimensions de 1'image sont 6,8'x6,8', soit 103x103 pc a la distance de 52 kpc. La structure filamenteuse de cette bulle est spectaculaire. Elle est ionisee par le rayonnement de nombreuses etoiles jeunes et chaudes presentes dans le champ, mais ces etoiles ne peuvent pas etre a 1'origine de la bulle. L'objet ponctuel rouge en haut a gauche de 1'image est probablement une region HII compacte. Document ESO Education and Public Relations Department.
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Planche 30. La region du Trapeze dans la Nebuleuse d'Orion Dans cette image obtenue avec la Wide Field & Planetary Camera du telescope spatial Hubble, on voit les quatre etoiles chaudes qui ionisent la region H I I (voir plus loin la planche 32). Le nord est a environ 45 du haut de 1'image, dans les sens inverse des aiguilles d'une montre. L'etoile du bas a droite, (9 X C Orionis (O6pe), est plus lumineuse et plus chaude que les trois autres. Les structures diffuses filamenteuses correspondent a 1'emission du gaz ionise. Remarquer les nombreux objets quasi-ponctuels avec une queue opposee a cette etoile. II s'agit de disques protostellaires qui s'evaporent sous 1'effet de 1'intense rayonnement UV de cette etoile. De tels objets sont souvent designes par le terme de nebuleuses cometaires. Document J. Bally, D. Devine et R. Sutherland, NASA-HST.
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Planche 31. Cheminees et champignons sortant des disques galactiques A gauche, image en raie Ha de la galaxie NGC 5775 vue par la tranche, a laquelle sont superposes les contours de 1'emission dans la raie 21 cm. Les fleches indiquent des endroits ou le gaz ionise est expulse du disque galactique. Ce gaz est accompagne de gaz neutre. Les morphologies du gaz neutre et du gaz ionise sont incertaines par manque de sensibilite et de resolution angulaire, mais il est probable qu'il s'agit de cheminees produites par des explosions groupees de supernovae dans le disque de la galaxie. A droite, une structure galactique etonnante qui rappelle les champignons atomiques formes par les explosions aeriennes de bombes A ou H, decouverte en raie 21 cm dans le cadre du Canadian Galactic Plane Survey. L'image montre la distribution de 1'hydrogene atomique et s'etend de -1 (en bas) a -6,5 (en haut) de latitude galactique. La longitude galactique du milieu de 1'image est 124. A la distance supposee de 3,8 kpc qui correspond au Bras de Persee dans cette direction, le nuage s'etend au moins a 350 pc du plan galactique. S'il est certain qu'une telle structure ascendante est due a 1'explosion de supernova qui chasse le gaz du plan galactique, les details sont incertains. Une possibilite est que 1'explosion d'une supernova a une certaine distance du plan cree une bulle de gaz chaud qui s'eleve rapidement. Cette bulle laisse derriere elle une zone rarefiee dans laquelle le gaz avoisinant tombe, formant le pied du champignon. La bulle montant a une vitesse supersonique par rapport au gaz ambiant, elle accumule ce gaz en regime chasse-neige derriere un choc radiatif tout en se ralentissant (Section 12.1.3), ce qui forme la tete du champignon. Les autres structures visibles doivent provenir d'interactions avec les differentes composantes froides, tiedes et chaudes du gaz ambiant et avec le champ magnetique. Tout ceci est Pequivalent en un peu plus complexe de ce qui se produit dans les champignons atomiques.
D'apres Collins et al. [92] et English et al. [154]-
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Planche 32. La Nebuleuse d'Orion et son amas d'etoiles jeunes dans 1'infrarouge L'aspect de la Nebuleuse d'Orion dans 1'infrarouge est tres different de son aspect dans le visible (Planches 9 et 30). Cette image infrarouge composite en fausses couleurs a ete obtenue avec un des telescopes de 8 m du Very Large Telescope de 1'Observatoire Europeen Austral en bandes Js (1,24 /im, bleu), H (1,65 //m, vert) et Ks (2,16 /mi, rouge). Elle revele un riche amas comprenant environ 1 000 etoiles jeunes, dont 1'age est d'environ 1 million d'annees. Certaines sont tres rougies, meme dans 1'infrarouge. Seules les plus brillantes, notamment les quatre etoiles du Trapeze (Planche 30) sont facilement visibles optiquement. Les autres sont noyees dans 1'emission de la region H I I et la lumiere diffusee par les poussieres, ou obscurcies par la poussiere residuelle de la matiere ou elles se sont formees. En infrarouge, remission du gaz ionise est reduite a 1'emission libre-libre et libre-liee, plus quelques raies relativement faibles. Remarquer la barre, region de photodissociation qui traverse 1'image en bas a gauche et separe la region H n d'un nuage moleculaire. L'emission diffuse est due au gaz ionise dans cette region, comme ailleurs. Remarquer aussi les nombreuses marques d'absorption dues a des condensations de matiere susceptible de former d'autres etoiles. Document ESO Education and Public Relations Department.
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Symboles
taux d'emission ou d'accretion ou flux de matiere (11, 12) ou flux d'electrons k indice ou constante de Boltzmann ou nombre d'onde (2-rr/A) ou taux de reaction (9, 15) K force (1) ou nombre quantique (4) / indice (niveau inferieur) ou longitude galactique (1) ou echelle de turbulence (13) L longueur ou grammage (6,12) ou echelle de turbulence (13) ra masse ou magnitude apparente (1,6) mr masse reduite M masse ou magnitude absolue (1) Mj masse de Jeans n indice (niveau d'energie) ou densite (en nombre) N densite de colonne M taux de transitions radiatives (5) ou nombre de particules (6, 7) p parametre d'impact ou impulsion (12) P pression Pflux de quantite de mouvement q charge electrique Q fonction de partition Qa-, Qs, Qe efficacites d'absorption, de diffusion, d'extinction r distance, rayon ou indice (degre d'ionisation) jR distance, rayon ou constante de Rydberg (5) Re nombre de Reynolds RS rayon de Stromgren s longueur S flux ionisant d'une etoile ou entropie (8) Sv fonction source t temps T temperature T energie cinetique u indice (niveau superieur) ou densite d'energie energie interne (14) U pouvoir ionisant d'une etoile (5) ou vitesse (11, 14) v vitesse ou nombre quantique de vibration (4) VA vitesse d'Alfven V volume ou potentiel electronique (4) w enthalpie W largeur equivalente (4) ou intensite de raie (6) W flux d'energie x coordonnee ou degre d'ionisation X coordonnee (4) ou facteur de conversion CO/H2
Symboles coordonnee coordonnee (4) coordonnee ou nombre de charge electrique (6, 12) coordonnee (4) ou nombre de charge electrique ascension droite (1) ou polarisabilite (6, 9) ou indice (11) ou coefficient d'accomodation (8) ou coefficient de recombinaison (5, 12, 15) 0 probabilite d'echappement (3, 8) ou v/c (6, 8, 11) ou indice (11) 7 constante d'amortissement (4) ou coefficient d'emission continue (5) ou facteur de Lorentz l/\/l v2/c2 (6, 8) ou Cp/Cy (11, 12, 14) ou coefficient de freinage (14) F taux de gain d'energie par cm3 6 declinaison (1) ou symbole de Kronecker e emissivite ou efficacite de chauffage (8) ou energie (12) ou taux de transfert d'energie (13) C taux d'ionisation par rayons cosmiques 77 rendement, efficacite (3, 12) 9 angle K coefficient de conductivity thermique (12) K,V coefficient d'absorption A longueur d'onde A taux de pertes par cm3 p, cosinus de Tangle avec la normale (3) ou masse moleculaire moyenne v frequence coordonnee (12) p densite (en masse) a section efficace ou dispersion de vitesse (1, 4, 13) ou constante de Stefan-Boltzmann o-jfc, etc. tenseur de cisaillement T epaisseur (profondeur) optique ou temps (10 a 15) 0 angle ou profil de raie (3, 4, 7) (f>B flux magnetique 0i, etc. flux de particules $ potentiel de gravitation (p angle 0 angle ^ potentiel electrostatique uj frequence angulaire (2?r^) ou vitesse angulaire (1, 2, 4, 12) ou vorticite (13) UP frequence (angulaire) de plasma O angle solide (2) ou energie potentielle tlui, etc. force de collision y Y z Z a
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L'electron-volt
Longueur d'onde associee a 1 eV Frequence associee a 1 eV Energie de 1 eV Temperature associee a 1 eV 12 398 A= 1,2398 /xm 2,418 1014 Hz 1,602 10"12 erg 11 604 K
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Unites
Unites et conversions
Longueur metre (unite S.I.) angstrom Masse kilogramme (unit6 S.I.) Energie joule (unite S.I.) Calorie Puissance watt (unite S.I.) Densite de flux jansky (sous-unite S.I.) Force newton (unite S.I.) Pression pascal (unite S.I.) Viscosite dynamique poise Viscosite cinematique stoke Charge electrique coulomb (unite S.I.) Potentiel electrique volt (unite S.I.) Champ electrique volt par metre (unite S.I.) Courant electrique ampere (unite S.I.) Champ ou induction magnetique tesla (unite S.I.) m = 100 cm A = A = 10~8 cm = 10"10 m kg 103 g J = 107 erg cal = 4,1855 107 erg = 4,1855 J (par definition) W = 107 erg s"1 = J s"1 Jy = 10"26 W m~ 2 Hz"1 = 10"23 erg s~l cm"2 Hz"1 N = 105 dyne pascal = N m~ 2 10 dyne cm~ 2 = 10~5 bar P = 1 g cm""1 s"1 stoke = 1 cm2 s"1 C = 2,9979 109 E.S.U. = 0,10 E.M.U. V = 3,3357 10~3 E.S.U. = 108 E.M.U. V/m = 3,3357 10"5 E.S.U. = 106 E.M.U. A - 2,9979 109 E.S.U. T = 104 G (gauss: E.M.U.)
Index
21 cm (raie), 12, 51-58, 131, 410, 414, 442-446, 463, 471 30 Doradus (region Hu, amas), 399, 400, 451, 456 30 Doradus C (reste de supernova), 451 vitesse d', 287, 321, 337, 340, 355, 356, 394 amas stellaire, 312, 383, 398, 400, 402, 410, 456, 462, 472 antenne gain d'une, 36 lobe d', 35 rendement d'une, 35 temperature d', 35, 83 Am, 121 Arm, 121 association radiative, 239241 association stellaire, 312, 398, 410 AUGER (projet), 145 aurorale (raie), 120 auto-protection (parametre d'), 244 auto-similaire (solution), 303, 305, 318, 350, 391, 392
A abondance des elements dans le gaz H i , 67-70, 177, 273 dans le systeme solaire, 70 dans les poussieres, 70 dans les rayons cosmiques, 136, 137, 139, 139-142, 143, 344 dans les regions H n, 70, 120122 absorbance, 198, 199 absorption bande d', 175 coefficient d', 32, 37, 103, 114, 116 efficacite d', 173, 181 en raie 21 cm, 5455 general, 32, 162 par les poussieres, 161, 168, 173, 458 probabilite d', 41-43 raies d'absorption interstellaires, 62-70, 125 section efficace d', 173, 174, 211 acceleration des grains, 141, 143, 168, 343 des particules chargees, 141, 145, 303, 311, 334-344 accomodation (coefficient d'), 220, 365 accretion, 376, 396, 398, 402, 409, 414, 417 activation (barriere d'), 237, 238, 242, 248 advection, 337, 350 AIB voir aussi bandes aromatiques, 189 albedo, 174, 175 Alfven onde d', 146, 221, 286, 333, 341, 344, 386, 387
B B 68 (nuage sombre), 452, 453 B 72 (nuage sombre), 453 Baker et Menzel (Cas A et B de), 111 Balmer continuum de, 109 decrement de, 111-113, 121 discontinuity de, 104 raie de, 108, 109, 111, 112, 441, 449, 456 bandes diffuses, 95 bandes aromatiques, 183, 189-195, 259, 419, 420, 461, 462 bandes de solide, 197-199 bandes diffuses, 93 Bethe-Bloch (formule de), 208, 333, 334 Bohm (coefficient de diffusion de), 332 Bohr (magneton de), 24 boite poreuse (modele de la), 147 Bok voir globule Boltzmann (loi de), 33
480
bouteille magnetique, 330 Brackett (raie de), 108, 111, 112, 297, 457 branche asymptotique des geantes (AGB), 71, 418 branchement (rapport de), 241 Brehmsstrahlung, 102, 128, 153, 203, 224 bulbe galactique, 2, 9 bulle, 125, 311-314, 325, 409, 411, 413, 442, 443, 445, 450, 451, 456, 462, 469, 471 Bulle locale, 9, 21, 130, 217, 311 Burgers (tourbillon de), 363
Index
du gaz, 21, 168, 202-222, 231, 263-265, 266, 270, 289, 362 cheminee, 313, 412, 413, 471 chemisorption, 246 chimie dans les chocs, 252, 292-295 dans les regions turbulentes, 252, 357-361, 364 general, 217-219, 237-257, 263, 264, 322 non stationnaire, 250, 257 sur les poussieres, 244-249 choc C, 288, 290-292, 298 C*, 288, 291 general, 135, 141, 145, 206, 216, 234, 277-344, 391, 392, 409, 412, 415, 421 inverse, 305, 318 isotherme, 285, 308 J, 282, 288, 290-298, 303, 310, 336, 340 modifie, 341 non stationnaire, 290-292 radiatif, 284, 285, 287, 306 chondrite carbonee, 421 chute libre (temps de), 388, 389-390 cinetique chimique, 249-250 cirrus, 420, 459 CN, 39, 62, 71, 75, 81, 251 CO, 14, 45, 46, 62, 71, 74-76, 80, 81, 83-84, 85, 86, 95, 154, 157, 159, 162, 168, 225-228, 235, 243, 245, 251-253, 256, 260-263, 265, 267, 268, 270-272, 274, 275, 346, 348, 356, 363, 410, 418, 442, 445-448 CO 2 , 80, 168, 244 coagulation, coalescence, 170, 366, 397, 401, 409, 410, 414, 415, 420 COBE (satellite), 21, 62, 67, 123, 188 cceur chaud, 244 dense, 348, 356-358, 362, 383, 395, 396 collision avec electrons, 203, 204 avec neutres, 46, 204-206 force de, 61 gaz-grain, 205, 219-221, 294 grain-grain, 414, 415 comete, 420
C+, 251, 356, 361 C 2 , 62, 75, 251 C i, 59, 67, 225, 233, 235, 253, 256, 257, 268, 270, 271, 274 Cn, 59, 62, 67, 121, 222-224, 229, 259, 260, 268-274, 298 Cm, 121 C iv, 70, 125, 130, 234, 412 carbone amorphe hydrogene, 419, 420 carbone, carbone (grain), 176, 192, 211, 295, 417, 419, 421 carbonee (etoile), 418 Cassiopeia A (reste de supernova), 309, 310, 466, 467 Ced 201 (nebuleuse par reflexion), 192 centre local des vitesses (LSR), 11, 53, 146 CFHT, 441, 453, 458, 460, 466 CH, 39, 62, 71, 75, 81, 251 CH+, 62, 71, 75, 251, 252, 263, 292, 364 CH 4 , 168 Chamaeleon, 10, 459 champ magnetique galactique, 5, 29 general, 21-30, 135, 286-287, 326-330, 380-389, 395-397 mesure du, 24-29 champagne (effet), 101, 122, 325, 326, 406, 410 champignon, 313, 471 CHANDRA (satellite), 127, 162, 308, 465, 467 chasse-neige, 306, 471 chaud (gaz), 97, 125, 127, 129, 130, 216, 228, 234, 304, 306, 411-414, 451 chauffage des grains, 179, 219
Index
compression (onde de), 316-319, 392 Compton (effet), 153, 155 conduction thermique, 130, 304, 305, 309, 411 continuite (equation de) voir dynamique (equations de la) COPERNICUS (satellite), 62, 75, 76, 79, 125, 132, 173 COS-B (satellite), 155 Crabe (Nebuleuse du) (reste de supernova), 307, 309, 311, 465 croissance (courbe de), 64, 65 CS, 84, 86, 251
481
dilution de lobe, 35 discontinuity de contact, 281, 298, 299, 311 general, 280, 285, 287, 314 dispersion de vitesse des etoiles, 2, 6, 7, 9 du gaz, 5, 12, 58, 157, 267, 285, 302, 307, 346, 347, 356, 407 disperssion par un plasma voir plasma : disperssion disque d'accretion, 401 galactique, 2, 4, 7-9, 407, 471 protostellaire, 420, 470 dissociation (front de), 321 distance cinematique, 10, 12 des etoiles, 10 du gaz, 10 double (etoile), 394, 404 Draine (champ de rayonnement UV de), 19 Drude (fonction de), 171, 192 dynamique (equations de la), 278280, 370, 390
1_) Debye (facteur d'ecran de), 203 deficience (d'abondance), 69, 70, 176, 223, 295 densite critique, 39, 52, 61, 86, 91, 223, 270, 271 de colonne, 34, 53, 198 de flux, 36 derive (vitesse de), 329, 384, 387 desexcitation collisionnelle, 38, 61, 218, 219, 263,
266
E echange de charge, 124 echappement (probabilite d'), 41, 43, 44, 226, 227 echelle (lois d'), 345-347, 354 echelle de hauteur, 12 du disque de gaz, 13, 58, 123, 130, 144, 313, 406, 413, 414 du disque stellaire, 8, 9 ecran (constante d'), 128 Eddington (approximation d'), 44 effondrement, 221, 371, 372, 380, 382, 389-397, 398, 401, 409, 411 Einstein (coefficient de), (probabilites d'), (relations d'), 32, 33, 39, 82 emission, 187 attendue, 54 induite voir emission stimulee mesure d', 103, 123 spontanee, 32 stimulee, 32 emissivite, 102, 104, 114, 152 emprisonnement des photons, 44
radiative, 32, 241, 243 deux photons (rayonnement a), 104, 106, 107, 225 diamant, 195, 421 diffus gaz ionise, 12, 21, 97, 122-125, 153, 219, 227, 230, 292, 295, 405, 406, 410, 411, 450 gaz neutre, 13, 21, 154, 210, 213, 214, 219, 250, 251-253, 260, 358, 364, 383 diffusion ambipolaire, 221, 288, 355, 382, 383, 384-389, 393, 395 coefficient de, 331-333, 350, 359, 360, 385 des rayons cosmiques, 135, 146, 330-333, 336 efficacite de, 173, 174 par les poussieres, 168, 173, 262, 455 resonante, 108 section efficace de, 154, 173, 174 turbulente, 353, 357, 358
482
epaisseur optique, 32, 175 epicyclique (frequence), 407 equilibre hydrostatique, 8, 23, 299, 378, 413, 414 radiatif, 39 thermique, 179-184, 229-235 thermodynamique local (ETL), 31, 33, 52, 114, 115 erosion, 141, 294, 297, 414, 415 ESO (Observatoire Europeen Austral), 452, 454, 457, 464, 465, 469, 472 etat (equation d'), 229, 375, 378, 381 EUVE (satellite), 131 evaporation, 246, 309, 321, 376, 411 exces de couleur, 131, 169, 173 excitation collisionnelle, 38, 207-209, 223, 224, 225-228, 243 des noyaux, 163 radiative, 32 temperature d' voir temperature extinction courbe d', 169-172, 176, 196, 420 efficacite d', 173, 174 general, 10, 22, 95, 112, 159-161, 168178, 193, 259, 262, 452 loi d' voir courbe d', 262 section efficace d', 22, 173, 176 freinage (rayonnement de) voir Brehmsstrahlung FUSE (satellite), 62, 130, 411-413
Index
G GALILEO (satellite), 421 gamma (rayonnement) general, 28, 134, 149-158, 309, 442 production, 134, 150-154, 155 raies, 163-166 Gaunt (facteur de), 102-104, 129, 131 giration (rayon de), 135, 145, 146, 327, 337 glace, 168, 197-200, 244, 295, 415, 416, 420 globule, 309, 321 cometaire, 322 de Bok, 452 neutre, 319-323 grain destruction, 294, 417 gros, 186, 195, 420, 421, 442 petit, tres petit, 184-188, 189, 191, 193, 195, 196, 213, 219, 248, 388, 420, 442, 459, 461-463 voir aussi poussieres grammage, 146, 148, 153, 334 grand gradient de vitesse (approximation du) voir LVG grande gerbe, 142 graphite, 175, 176, 182, 186, 415, 421 GRO (satellite), 155, 158, 164 Grotrian (diagramme de), 107 Gum (Nebuleuse de) (region Hn, bulle), 322
F Faraday (rotation), 25, 27, 29, 122 Fen, 265, 297 Fermi (mecanisme de), 334, 340, 343 fluorescence, 266 infrarouge, 200 H2 : voir H2 fontaine galactique, 234, 411414 formation d'etoiles, 7, 346, 355, 372, 383, 394, 396, 397-402, 405, 407, 410, 414 fractal dimension fractale, 348, 349, 447 general, 56, 347, 401 fragmentation, 345-349, 366, 378, 380, 389-397, 397, 409, 411, 415 free-free, 203
H Ha, fluorescence, 266, 457 formation, 77, 78, 168, 217, 218, 239, 244, 245-247, 274, 292, 293, 409 general, 28, 62, 74-79, 81, 84, 84-87, 91, 131,154, 163, 183, 219, 225, 238,243, 251, 252, 259-268, 291,292, 296, 298, 320, 321, 457
Index
H 2 CO, 74, 91, 92, 251 H 2 O, 45, 62, 71, 74, 81, 88, 91-92, 93, 168, 219, 225, 252, 254-257, 292, 359, 360 H^, 252, 253, 256, 257, 263, 322 H I I (region) chauffage, 215, 226 dynamique, 314-325 equilibre, 234 evolution, 323-325 general, 4, 12, 13, 20, 97, 97-122, 214, 219, 234-235, 261, 296, 314-325, 345, 420, 441, 449, 450, 454, 464, 469 refroidissement, 223, 226 Habing (champ de rayonnement UV de), 19, 20 halo galactique, 2, 4, 6, 9, 58, 125, 130, 147, 149, 234, 313, 411, 413, 414 HCN, 81, 86, 251 HCO+, 86, 251-253, 263, 292, 364, 388 HD 44179 (Rectangle rouge) (nebuleuse proto-planetaire), 81, 244, 250, 419 helice (Nebuleuse de 1') (nebuleuse planetaire), 419 helium, 97, 100, 101, 104, 107, 113, 117, 121, 122, 131, 153, 225, 243, 253 Helmholtz equation de, 355 instabilite de, 300, 363 HIPPARCOS (satellite), 9 HNC, 86 hydrodynamique, 221-222, 230
483
intermittence voir turbulence invariant adiabatique, 329 ionisant (pouvoir), 100 ionisation collisionnelle, 125-128, 207, 216 equilibre d', 66, 98, 126, 216, 388 front d', 261, 275, 314, 314-317, 319, 321, 324 par rayons cosmiques, 207, 388 pertes d'energie par, 140, 208, 335 IRAS (satellite), 21, 445, 459 IRTS (satellite), 190 ISO (satellite), 21, 46, 62, 84, 92, 121, 162, 190, 191, 266, 288, 418, 420, 458, 461-463, 467 isobare, 232, 233 isochore, 232
J
jansky (unite), 36 Jeans longueur de, 369-371 masse de, 369-371, 378, 383, 389, 409
K
Kolmogorov (loi de), 331, 352, 354 Kramers-Kronig (relations de), 178 L L 977 (nuage sombre), 160 L 1512 (nuage sombre), 363 Lande (facteur de), 24 Langevin (taux de), 238, 385 largeur equivalente, 62 Larmor (frequence de), 327, 328, 386 libre parcours moyen, 302, 305, 332, 337, 341, 355 libre-libre (emission), 102, 103, 106, 107, 123, 153, 225, 226, 310, 405, 442, 464, 472 libre-liee (emission), 104, 106, 107, 128, 129, 131, 225, 464, 472 Lorentz (fonction de), 192 LSR voir centre local des vitesses
A 1C 349 (nebuleuse par reflexion), 455 IEF voir bandes aromatiques instability 298-300 de Helmholtz voir Helmholtz gravitationnelle, 355, 367-389, 406-409 thermique, 409 INTEGRAL (satellite), 163 intensite specifique, 32 interdite (raie) voir structure fine (raie de), 128
484
luminosite (fonction de), 159 LVG (approximation), 40-44, 84, 85 Lyman continuum de, 22, 99-101, 131, 322, 405 discontinuity de, 20, 51, 99, 131, 171 raie de, 68, 75, 108, 224
Index
diatomique, 45, 79, 82, 84, 86 lineaire, 82, 86 liste des molecules interstellaires, 72, 345 polyatomique, 81, 87-92, 93, 240 polycyclique aromatique voir PAH transition d'inversion, 89, 90 transition electronique, 74-76 transition rotationnelle, 8192, 296 transition vibrationnelle, 47, 76-81, 296 vibration d'elongation, 190 vibration de deformation, 79 vibration de flexion, 190 Moseley (loi de), 128 mouvement propre, 12 MRN (distribution de tallies de poussieres), 175, 176, 179, 210, 247, 421 multi-fluide (milieu), 277, 279-280, 287-290, 292, 294, 298
JVl M 16 (region Hu), 462 M 17 (region Hu), 262, 273, 464 M 31 (galaxie), 192, 193, 312, 420, 463 M33 (galaxie), 147, 405, 450 M 51 (galaxie), 441 Mach (nombre de), 285 Magellan (Nuage de) (galaxie), 55, 56, 127, 134, 135, 196, 273, 275, 312, 399, 400, 409, 451, 456, 469 magneto-hydrodynamique (MHD), 221-222,277 magnetosonore (onde), 286, 355 magnitude, 10 maser general, 45-50, 91, 114, 116, 227 non sature, 49 sature, 49 masse critique, 380-397 de la Galaxie, 3 du milieu interstellaire, 4, 5, 122, 154-163, 178, 411 fonction de masse initiale, 398-402 Mathis, Mezger & Panagia (champ de rayonnement UV de), 19, 20 matiere noire, 4 Maxwell (equations de), 278 mesure de rotation, 26 meteorite, 421 MHD voir magneto-hydrodynamique, 279, 289, 355, 384 Mie (theorie de), 173, 175, 179, 180 milieu a trois composantes, 309 miroir magnetique, 330, 334 modele a deux composantes, 233 modele a trois composantes, 125, 411 modulation solaire, 135-137, 145, 207, 210 molecule dedoublement A, 47, 81
IV N157b (reste de supernova), 55, 451 N 2 , 238 N 70 (bulle), 469 N i l , 120-122, 124, 125, 222, 449 NIII, 121, 222 N v , 70, 125, 130, 234, 412 Navier-Stokes (equation de), 349, 350, 355 Nen, 121, 222 Nein, 121, 222, 462 nebulaire (raie), 119 nebuleuse gazeuse voir H u (region) par reflexion, 167, 175, 455, 460, 461 planetaire, 97, 418, 419 proto-planetaire, 418 NEWTON (satellite), 127, 162, 308, 451, 468 NGC206 (region Hu, amas jeune), 312 NGC 2023 (nebuleuse par reflexion), 460, 461 NGC 3603 (region Hu, amas jeune), 312 NGC 5775 (galaxie), 471 NGC 7027 (nebuleuse planetaire), 120, 419 NGC 7538 (nuage moleculaire), 198, 199
Index
NH 3 , 71, 81, 89-91, 168, 295 image a grande vitesse, 58 interstellaire, 58, 156, 309 moleculaire, 4, 158, 198, 210, 214, 219, 235, 244, 250, 253-257, 319, 325, 346-349, 352, 358, 359, 363, 379, 380, 409-411, 417, 445-447, 449, 454, 464 sombre, 10, 396, 452-454, 460, 461 translucide, 243, 251, 292 nucleation, 414 Nyquist (theoreme de), 35
485
Parker (instabilite de), 407, 408 partition (fonction de), 45, 84, 87, 241 Paschen discontinuity de, 104 raie de, 108, 111, 112 Persee (Bras de), 444-447, 471 Pfund (raie de), 108, 111, 112 phase (fonction de), 174, 175 photo-ionisation, 98, 100, 211, 215-216, 225, 242-244 photodissociation general, 242-244, 264, 322 region de, 122, 183, 212, 214, 243, 259-275, 298, 320, 419, 449, 456, 457, 462, 464, 472 region de, non stationnaire, 320, 322 photoelectrique (effet), 168, 210-215 physisorption, 245 Planck (fonction de), 33, 34, 181 plasma dispersion, 26, 122 frequence de, 208 ondes dans un, 206, 279, 287 Pleiades, 455 plerion, 301, 307-308, 311, 451, 465 poids statistique, 33 Poisson (equation de), 7, 9, 370 polarisation par effet Zeeman, 25 par les poussieres, 28 polytropique (indice), 375-377, 381 population stellaire, 6-10 potentiel barriere de, 237 courbe de, 75, 77, 238, 239, 242 poussieres charge electrique, 212, 343, 388 chimie sur les poussieres voir chimie, 217 emission par les, 20, 105, 161, 179-184, 189, 298, 401, 458, 467 general, 160, 167-200, 364-366, 414-421 modele de, 175-178, 196-197 precurseur magnetique, 288, 341 radiatif, 284, 285, 295 pression cinetique, 23 des rayns cosmiques, 23 magnetique, 23 turbulente, 352, 353, 357
O O 2 , 74, 225, 254-257, 359-361 Oi, 59, 61, 62, 121, 124, 222-224, 259, 260, 265, 268, 272, 273, 296, 298 On, 122, 124, 222, 235 Oin, 117-122, 124, 222, 235, 297, 449 O vi, 70, 125, 126, 130, 412 OH, 45, 47, 62, 71, 74, 81, 251, 252, 263, 292, 346, 364 onde de choc voir choc Oort (parametres, ou constantes de), 11, 12 Ophiuchi (p) (nuage moleculaire), 10, 182, 183, 401 Orion, 346 nebuleuse d' (region H\\, amas jeune), 114, 116, 118, 183, 267, 275, 322, 399, 400, 448, 449, 470, 472 nuage moleculaire d', 71, 74, 244, 268, 295, 448 ortho, 74, 86, 90, 91, 93 oscillateur (force d'), 63, 95, 109, 113
P PAH (carbure aromatique polycyclique hydrogene), 186, 190, 193, 194, 196, 211-213 PAH+ 194 PAH", 194, 212, 263 para, 74, 86, 90, 91, 93
486
profondeur optique voir epaisseur optique pulsar, 122, 301, 307, 308, 311, 465
Index
reste de supernova voir supernova Reynolds (nombre de), 350, 351, 356 rigidite, 327, 337 rotation des grains, 28, 188 des molecules voir molecule des nuages, 392-395 Faraday voir Faraday galactique, 3, 10, 11, 407 rougissement voir extinction runaway (etoile), 404 Rydberg etat de, 113 constante de, 109 ^ ^
g Sm m 12g 465
R radiation (pression de), 315, 455 radical libre, 242, 248 ralentissement (coefficient de), 205 Rankine-Hugoniot (relations de), 283 rarefaction (onde de), 316-319, 321, 392 rayleigh (unite), 124, 405 Rayleigh-Jeans (approximation de), 34, 37-39, 44, 49, 52, 83, 113 Rayleigh-Taylor (instabilite de), 298, 303, 309, 311, 313, 407, 468 rayonnement cosmologique, 5, 15-17, 40, 53, 227 extragalactique, 15-17 galactique, 5, 15, 16-21, 214 longueur de, 153 rayons cosmiques confinement, 144, 145149 elements legers, 137, 139, 139-141, 6 ' _. , . _ , , _ electrons, 26, 145-149 . . ' .,_ , ._ -_ galact.ques, 5, 136-142, 325 general, 15, 51, 133-149, 163, engine, 134, 144 primaires 136 solmres 135, 136, 142-145 ROW 108 (r^on Hu), 454 reaction d association radiative ... ?;ojr association radiative, 10 13 . . . .. . . de recombmaison dissociative . . . ,. . . voir recombmaison dissociative, ion-molecule, 238-239 r.^ neutre-neutre, 241-242 . . . recombmaison dielectromque, 117, 228 . . \ ' dissociative, 241, 242, 263 . , ' . . . raie de recombmaison optique, 107 117 193 183 93^ , . . A U < i.i r. i/o, ioo, zoo ,. raie de recombmaison radio, 107-117 123 iu< AA'.i^ refroidissement des grains 179, 185 du gaz, 213, 215, 222-229, 230, 231, 265-266, 270, 306, 413
' ' _ ' ,, . . , ... . 10 1 0 _ Sana (loi de), 110, 113, 126 SAS-2 (satellite), 155 . ,. ' . . ' . , , . ,00 scintillation mterstellaire, 122 c ' Yoo Vo'l
.. ; ~
325 344
shv/S,3^
SIRTF (satellite), 121, 162 , ., , ,' oori son (vitesse du), 233, 280, 356 ,,. . \ . . source (fonction), 32-34, 41, 116 ,. ,. 1 0 _ ' . 1 ._ n ., 0 spallation, 139, 140, 149, 163 A i..,^. stabilite gravitationnelle, 367-389, 406 f . ' thermique, 229235 , , . , , _ 0 00 0 . .. Stromgren (sphere de, rayon de), 98-102, 315,318,324,326 , , ,. .. , , __ structure (tonction de), 352 ^ A ). , . , (' _ co _ structure fine (raie de), 58-62,c67, ii-r io> 100 19^ is-? 101 117-122, 122, 123, 183, 191, ooo OOK oc: OQ 071 007 2J222o. zbo, zoo, 271, 2y/ supernova general, 141, 234, 301, 415, 419, 421, 301-311 325 411 414 442 f"1 ^ 625' 4U ' 414' M2' 444, 451
Index
Supernova de Tycho, 468 SWAS (satellite), 62, 92, 225 synchrotron (rayonnement), 26-28, 29, 145, 149, 303, 309, 310, 442, 444, 465 Systeme solaire, 333, 420, 421 U UIB voir bandes aromatiques ULYSSES (satellite), 341, 421
487
V
Taurus, 10, 396 Taylor (echelle de), 357 telescope spatial Hubble, 62, 69, 449, 455, 462, 470 temperature d'antenne voir antenne, 35 d'excitation, 37-38, 45, 83 de brillance, 34, 83, 114 de lobe primaire, 35 de spin, 52 Tete de cheval (nuage sombre), 460, 461 thermalisation, 202-206 Toomre (critere de), 407 transfert equation de, 31, 114, 262 du rayonnement, 31-50 trifide (Nebuleuse) (region Hu), 458 trompes d'elephant, 322 turbulence, 344, 378 compressible, 352, 355, 361, 372 echelle dissipative de, 350 echelle inertielle de, 350 echelle integrate (ou energetique) de, 350 general, 56, 124, 311, 345-366, 372, 396, 409 incompressible (de Kolmogorov), 349-355,364 intermittence dans la, 206, 354, 361-366, 421 viriel (theoreme du), 158, 367-374 viscosite, 278, 288, 362 cinematique (ou moleculaire), 349, 352, 356 dynamique, 349 general, 414 turbulente, 352, 353, 357 VLA (Very Large Array du NRAO), 310, 465, 466, 468 VLT (Very Large Telescope de I'ESO), 452, 469, 472 Voigt (fonction de), 64 vorticite, 351, 354, 362-364
X X absorption, 20, 130-132, 162, 216 diffusion, 178-179, 180, 304, 421 emission, 21, 51, 125, 128, 130, 155, 216-217, 218, 295, 309, 442, 451, 455, 465, 467, 468 raie, 125, 127-129, 304, 468
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