Visage

zone externe de la partie antérieure de la tête de l'être humain
Vermeer ː portrait d'une jeune femme
Vermeer ː portrait d'une jeune femme

Chanson

modifier

C'est la fleur de l'âge au beau milieu des orties
Une fleur sans âge un peu fanée mais jolie
C'est la fleur de l'âge dans son cortège d'inepties
Juste un beau visage qui a traversé la vie

  • La Fleur de l'âge, Tristan Nihouarn, Matmatah, album La Cerise (2007 chez Barclay).

Littérature

modifier
Ici la nature se renouvelle avec tant de force que l'homme, à côté, paraît sans âge. Les visages durcissent et s'altèrent tout de suite, comme des coins enfoncés au cœur de la bagarre: tannés, cicatrisés, labourés par la barbe, la variole, la fatigue ou le souci. Les plus tranchants, les plus beaux, même ceux des gosses, sont comme si une armée de bottes avait passé dessus. Jamais on ne voit, comme chez nous, de ces visages lisses, ruminants, inexistants à force de santé et sur lesquels tout reste à inscrire.
  • Yougoslavie, années 1950


Italo-grec, je crois. Tiens ! je me l'était figuré tout autrement. C'est un grand Roméo fiévreux en short et en sandales, avec un de ces beaux masques impérieux qui sont si gênants lorsque l'expression ne parvient pas à les remplir. On devine un filet de vie intérieure bien en deçà de ce visage pompeux, comme une humble courette derrière une porte à fronton.


Elle est plutôt ébauchée. Une ébauche de voix, un visage où les yeux, le nez, la bouche sont à peine esquissés, comme dans le dessin d'un enfant qu'on aurait fait gribouiller trop longtemps et qui aurait perdu tout intérêt à l'entreprise.


La nature ne s'était pas mise en frais pour elle et lui avait fabriqué juste pour trois yens d'expression, à peine de quoi remplir son visage minuscule, mais elle a dû beaucoup manger, grandir plus que le Ciel ne l'avait prévu, et ce peu de physionomie qu'elle avait s'est totalement perdu en changeant d'échelle.


Est-ce tout ? Est-ce bien tout ce que je ressentais devant un visage ? Je savais pertinemment que non. Pour que l'univers, à partir de rien, de la matière la plus informe, après tant d'aveugles tâtonnements, ait abouti à un visage, sans cesse renouvelé, chaque fois singulier, il avait bien fallu qu'il y eût un secret caché quelque part. Pour que le visage soit devenu ce réceptacle où se concentrent tous les sons et tous les sens essentiels, il fallait bien qu'à l'origine ait surgi un incommensurable besoin de voir, d'ouïr, de sentir et de dire, et surtout de réunir le tout sous un seul masque sans lequel le voir, l'ouïr, le sentir et le dire ne seraient que des débris. Et à ce masque vient s'accrocher de temps à autre la beauté, ce qu'on appelle « la beauté » pour exercer son pouvoir.


Dao-Sheng enfin avance, sans oser la dévisager. Il présente son bol, attend qu’on le remplisse. Au moment de dire merci, il dirige son regard vers elle et voit, si proche, le visage qu’il a porté en lui durant de si longues années ! Cet éclair lui suffit pour retrouver l’image qu’il chérit. A travers la pâleur, à travers la tristesse, à travers les sourcils légèrement tombants et les joues à peine distendues, il retrouve toute la pureté de lignes de son visage et toute la simplicité de son regard qui jadis lui avait brisé le cœur.


Le visage est ce trésor unique que chacun offre au monde. C'est bien en terme d'offrande, ou d'ouverture, qu'il convient de parler du visage. Car le mystère et la beauté d'un visage, en fin de compte, ne peuvent être appréhendés et révélés que par d'autres regards, ou par une lumière autre. À ce propos, admirons ce beau mot de visage en français. Il suggère un paysage qui se livre et se déploie, et, en lien avec ce déploiement, l'idée d'un vis-à-vis.


Par-delà les paysages et les corps, l’art occidental est parmi tous les arts du monde celui qui a le plus dévisagé le visage, le plus scruté toutes les facettes de son mystère. Mystère de sa beauté émouvante, mystère non moins hallucinant de sa capacité à glisser vers les hideuses grimaces. Entre beauté et hideur se concentre sur un visage toute une gamme d’expressions à travers lesquelles la vie irrévélée cherche à se dire : tendresse, ravissement, jubilation, élan et quête, extase, solitude, mélancolie, colère, désolation, désespoir… Parmi tous ceux qui ont sondé ce mystère, Rembrandt, qui vient après les grands Renaissants, est certainement digne d’occuper la place la plus éminente.


Lorsqu'on regarde un artiste faire un portrait, on voit qu'il commence par dessiner un ensemble de contours, pour que le visage « prenne chair » dans un espace. Vient le moment magique où, au moyen de quelques traits, il fait apparaître les yeux. Alors une percée se fait, et on plonge dans une profondeur insaisissable. Ce que les deux perles reflètent et diffusent est un véritable monde comparable à un ciel marin de Bretagne, inépuisable jeu d'ombre et de lumière. S'y joue un secret sans cesse révélé qui dépasse la dimension de la chair, au sens organique du mot.


Ainsi puis-je me rappeler que Desnos avait les yeux exorbités. Deux huîtres dans leur coquille qui reflétaient, dans leur passivité glauque et rauque, le mouvement de la mer. Au bord, au commencement, de sa mer, il y avait une plage, de sable le jour, de chair la nuit. Sur la lande près de la plage, dans un verger trop fleuri, une fille s’était laissée choir à terre et m’avait demandé de passer l’après-midi entier à lui presser des géraniums entre les seins.

  • « La Période des sommeils », René Crevel, This Quarter vol. 5, nº 1, Septembre 1932, p. 1


Même disponible, même à portée de caresse, le visage aimé manque, et ce manque est la merveille de l'altérité.


Ce n'était pas les traits réguliers et fins de son visage qui en faisaient surtout la beauté. C'était son teint d'un rose mat, puéril et chaud en même temps, qui lui donnait une sorte d'ingénuité ardente, de passion qui s'ignorait elle-même.
Et puis ses yeux d'un gris profond et tendre comme du velours. Il y avait en eux une telle amitié pour l'univers que moi-même en fus ému. Et je ne sais pourquoi je n'osai obéir à mon premier mouvement qui avait été de la souiller.


le visage est ce qui nous interdit de tuer. […]Le visage est signification, et signification sans contexte.


Autrui est visage.


Le visage signifie l'Infini.


Le sang de l'agneau

Marceline Caïn : on eût dit qu'elle était mêlée de cendre, de sable et de sang. C'était un petit visage éteint, triangulaire, têtu ; deux yeux d'un marron très foncé, pailletés de fauve, surtout remarquables par le développement insolite de la prunelle ; une bouche qui rarement se tenait tranquille, des lèvres minces toujours déchirées par les dents trop pointues, peu de menton ; et cela sous une très grande chevelure libre, grise avec des reflets rouges comme du brouillard d'usine flottant à la traîne derrière le cou maigre bosselé de ganglions.


Je ne m’occupai absolument pas de leur visage, car le visage des femmes est source d’ennuis infinis
  • L'auteur est chinois
  • Beaux seins, belles fesses (2001), Mo Yan (trad. N. et L. Dutrait), éd. Seuil, coll. « Points », 2004  (ISBN 9 782020 799096), chap. 51, p. 774


Je vis ses yeux profonds, fixes et adamantins sous les arcades impétueuses de ses sourcils. Sur les nervures de ses ailes déployées étincelait une sorte de givre ; les ailes étaient grises, d'un gris d'une nuance indescriptible, et chaque plume se terminait par un croissant argenté. Son visage, l'ébauche de ses lèvres qui esquissaient un sourire, de son front droit et pur, me rappelaient des traits que j'avais vus sur terre.
  • À propos d'un ange.
  • « Le Mot », Vladimir Nabokov (trad. Bernard Kreise), Le Magazine Littéraire, nº 495, Mars 2010, p. 11


Il fut accueilli par une grande dame pâle,(...) avec une verrue glabre placée près de l'une des narines de son nez bulbeux : l'un de ces visages que l'on décrit sans être capable de dire quoi que ce soit des lèvres ou des yeux car le fait même de les mentionner apparaît comme une contradiction involontaire de leur totale insignifiance.
  • L'enchanteur (1939), Vladimir Nabokov (trad. Gilles Barbedette), éd. Seuil (Points), 1986, p. 32-33


Gérard de Nerval, Les Filles du feu, 1834

modifier

Sylvie

Quelque artiste modeste invité aux chasses princières s'était appliqué à le pourtraire de son mieux, ainsi que sa jeune épouse, qu'on voyait dans un autre médaillon, attrayante, maligne, élancée dans son corsage ouvert à échelle de rubans, agaçant de sa mine retroussée un oiseau posé sur son doigt. C'était pourtant la même bonne vieille qui cuisinait en ce moment, courbée sur le feu de l'âtre. Cela me fit penser aux fées des Funambules qui cachent, sous leur masque ridé, un visage attrayant, qu'elles révèlent au dénouement, lorsqu'apparaît le temple de l'Amour et son soleil tournant qui rayonne de feux magiques.
  • Les Filles du feu (1834), Gérard de Nerval, éd. Maxi-Livres, coll. « Maxi-Poche Classiques Français », 1997  (ISBN 2-8771-4348-1), partie Sylvie — Souvenir du valois, VI. Othys, p. 123


Alain Vircondelet, Charles de Foucauld, 1997

modifier

Le visage de Foucauld dans ces années-là change de traits. Il s'effile encore, ne possède plus cet air à peine poupin et jovial qu'un cliché de 1900 révèle, un collier de barbe, la moustache dévorent son visage, où n'habitent plus que ses yeux, brillants, vifs et mobiles, insoutenables à ceux qui mentent et trichent. C'est un visage qui absorbe, appelle et interroge. Un regard qui, sans qu'on ne lui demande rien, renvoie à sa propre interrogation, un regard qui confesse.


Mais ici je ne suis personne. Je n'ai pas de visage. Cette grande assemblée, vêtue de serge brune, m'a volé mon identité. Nous sommes toutes sans cœur, sans amies. Je vais chercher un visage, un visage calme, un visage monumental, et je le doterai d'omniscience, et je le porterai sous ma robe comme un talisman et après (je le promets) je trouverai un petit vallon dans un bois où je pourrai étaler mon assortiment de trésors curieux. Je me le promets.


Vous pouvez également consulter les articles suivants sur les autres projets Wikimédia :