Les chimiokines (parfois appelées, par anglicisme, chémokines (chemotactic cytokines)[1]) sont une famille de petites protéines, majoritairement solubles, de 8-14 kilodaltons. Les chimiokines sont des cytokines chimiotactiques qui contrôlent les motifs de migration et le positionnement des cellules immunitaires. Il existe donc plusieurs sources de chimiokines, les neurones, les cellules endothéliales ou épithéliales et les leucocytes. Leur action est très locale et elles visent principalement les leucocytes.Leur fonction la plus étudiée est l'attraction (chimiotactisme) et le contrôle de l'état d'activation des cellules du système immunitaire. D'autres fonctions leur ont été aussi attribuées, dans le développement embryologique ou la physiologie du système nerveux par exemple. Elles sont caractérisées par la présence de quatre résidus cystéine en des positions conservées nécessaires à la formation de leur structure tridimensionnelle.

Structure en solution de l'Interleukine 8, une chimiokine de la sous-famille CXC

Ces protéines sont structurellement conservées et adoptent un repli structurel dit de chimiokine avec une extrémité N-terminale et une boucle N flexibles suivies d'une feuille β antiparallèle à trois brins et d'une hélice α C-terminale [2]. Le repli est généralement stabilisé avec quatre cystéines qui forment deux liaisons disulfure. Dans la séquence d'acides aminés. À ce jour, 43 chimiokines, sans compter les isoformes, sont connues chez l'homme [3].

Les chimiokines interagissent avec les récepteurs de chimiokines qui sont aussi récepteurs couplés aux protéines G ou serpentins. Ces récepteurs se trouvent principalement sur les leucocytes.

Les chimiokines sont retrouvées chez tous les vertébrés, certains virus et certaines bactéries, mais aucune n'a encore été décrite chez les invertébrés.

Histoire

modifier

Historiquement, ces protéines ont été connues sous d'autres noms comme la famille SIS des cytokines, la famille SIG des cytokines, la famille SCY des cytokines, la superfamille du facteur-4 plaquettaire ou les intercrines.

Classification

modifier

Les chimiokines sont classées en quatre sous-familles en fonction de l'espacement entre deux de leurs cystéines en position N-terminale.

 
Les quatre familles de chimiokines.

La famille CC ou beta

modifier

Les membres de cette famille possèdent deux premières cystéines adjacentes. Il en existe vingt-huit.

Nom Récepteur Gène Ligands Autres noms
CCL1 CCR8 [4] I-309, TCA-3
CCL2 CCR2 [5] MCP-1
CCL3 MIP-1α
CCL4 MIP-1β
CCL5 RANTES
CCL6 C10, MRP-2
CCL7 CCR2 [6],[7] MARC, MCP-3
CCL8 CCR2 [8] MCP-2
CCL9 MRP-2, CCF18, MIP-1γ
CCL10
CCL11 Eotaxin
CCL12 CCR2 [8] MCP-5
CCL13 CCR2 [8] MCP-4, NCC-1, Ckβ10
CCL14 HCC-1, MCIF, Ckβ1, NCC-2, CCL
CCL15 Leukotactine-1, MIP-5, HCC-2, NCC-3
CCL16 CCR2 [9] LEC, NCC-4, LMC, Ckβ12
CCL17 TARC, dendrokine, ABCD-2
CCL18 PARC, DC-CK1, AMAC-1, Ckβ7, MIP-4
CCL19 ELC, Exodus-3, Ckβ11
CCL20 LARC, Exodus-1, Ckβ4, MIP-3α
CCL21 SLC, 6Ckine, Exodus-2, Ckβ9, TCA-4
CCL22 MDC, DC/β-CK
CCL23 MPIF-1, Ckβ8, MIP-3, MPIF-1
CCL24 Eotaxine-2, MPIF-2, Ckβ6
CCL25 TECK, Ckβ15
CCL26 Eotaxine-3, MIP-4α, IMAC, TSC-1
CCL27 CTACK, ILC, Eskine, PESKY, skinkine
CCL28 MEC

La famille CXC ou alpha

modifier

Les membres de cette famille possèdent un acide aminé entre les deux premières cystéines. Il en existe dix-sept.

Nom Récepteur Gène Ligands Autres noms
CXCL1 Gro-α, GRO1, NAP-3
CXCL2 Gro-β, GRO2, MIP-2α
CXCL3 Gro-γ, GRO3, MIP-2β
CXCL4 PF-4
CXCL5 ENA-78
CXCL6 GCP-2
CXCL7 NAP-2, CTAPIII, β-Ta, PEP
CXCL8 NAP-1, MDNCF, GCP-1
CXCL9 MIG, CRG-10
CXCL10 IP-10, CRG-2
CXCL11 I-TAC, β-R1, IP-9
CXCL12 SDF-1, PBSF
CXCL13 BCA-1, BLC
CXCL14 BRAK, bolekine
CXCL15 Lungkine, WECHE
CXCL16 SRPSOX
CXCL17 DMC, VCC-1

La famille CX3C ou delta

modifier

L'unique membre (la Fractalkine) possède trois acides aminés entre les deux premières cystéines.

Nom Récepteur Gène Ligands Autres noms
CX3CL1 Fractalkine, Neurotactine, ABCD-3

La famille C ou gamma

modifier

Les deux uniques membres (Lymphotactine alpha et beta) ne possèdent que 2 cystéines (le 2e et le 4e résidu).

Nom Récepteur Gène Ligands Autres noms
XCL1 Lymphotactine α, SCM-1α, ATAC
XCL2 Lymphotactine β, SCM-1β

Rôles biologiques

modifier

Toutes les chimiokines exercent leurs fonctions en se fixant sur des récepteurs couplés aux protéines G. Certaines chimiokines sont considérées comme pro-inflammatoires. La sécrétion de ces chimiokines peut être induite lors de la réponse immune afin de favoriser l'arrivée de cellules du système immunitaire au niveau d'un site infectieux (notamment en activant l'intégrine des phagocytes). D'autres chimiokines sont impliquées dans le contrôle de la migration de cellules au cours des processus de maintenance tissulaire ou au cours du développement. Une chimiokine particulière, la fractalkine, est exprimée sous la forme d'une protéine membranaire et présente certaines propriétés dans l'adhérence cellulaire. Cependant, son clivage membranaire est possible libérant la protéine soluble pour une action paracrine.

Notes et références

modifier
  1. Dictionnaire de l’Académie de médecine, “Chémokine”. http://dictionnaire.academie-medecine.fr/search/results?titre=ch%C3%A9mokine
  2. (en) Michelle Miller et Kevin Mayo, « Chemokines from a Structural Perspective », International Journal of Molecular Sciences, vol. 18, no 10,‎ , p. 2088 (ISSN 1422-0067, PMID 28974038, PMCID PMC5666770, DOI 10.3390/ijms18102088, lire en ligne, consulté le )
  3. (en) Catherine E. Hughes et Robert J. B. Nibbs, « A guide to chemokines and their receptors », The FEBS Journal, vol. 285, no 16,‎ , p. 2944–2971 (ISSN 1742-464X et 1742-4658, PMID 29637711, PMCID PMC6120486, DOI 10.1111/febs.14466, lire en ligne, consulté le )
  4. (en) Nasreen S. Haque, Akaash Tuteja et Niloufar Haque, « CC chemokine CCL1 receptor CCR8 mediates conversion of mesenchymal stem cells to embryoid bodies expressing FOXP3+CCR8+ regulatory T cells », PLOS ONE, vol. 14, no 7,‎ , e0218944 (ISSN 1932-6203, PMID 31314754, PMCID PMC6636727, DOI 10.1371/journal.pone.0218944, lire en ligne, consulté le )
  5. Liyang Fei, Xiaochen Ren, Haijia Yu et Yifan Zhan, « Targeting the CCL2/CCR2 Axis in Cancer Immunotherapy: One Stone, Three Birds? », Frontiers in Immunology, vol. 12,‎ (ISSN 1664-3224, PMID 34804061, PMCID PMC8596464, DOI 10.3389/fimmu.2021.771210, lire en ligne, consulté le )
  6. Franci C, Wong LM, Van Damme J, Proost P, Charo IF. Monocyte Chemoattractant Protein-3, But Not Monocyte Chemoattractant Protein-2, Is a Functional Ligand of the Human Monocyte Chemoattractant Protein-1 Receptor. J Immunol (1995) 154(12):6511–7.
  7. (en) Christophe Combadiere, Sunil K. Ahuja, Jo Van Damme et H. Lee Tiffany, « Monocyte Chemoattractant Protein-3 Is a Functional Ligand for CC Chemokine Receptors 1 and 2B », Journal of Biological Chemistry, vol. 270, no 50,‎ , p. 29671–29675 (DOI 10.1074/jbc.270.50.29671, lire en ligne, consulté le )
  8. a b et c (en) Theo A. Berkhout, Henry M. Sarau, Kitty Moores et John R White, « Cloning, in Vitro Expression, and Functional Characterization of a Novel Human CC Chemokine of the Monocyte Chemotactic Protein (MCP) Family (MCP-4) That Binds and Signals through the CC Chemokine Receptor 2B », Journal of Biological Chemistry, vol. 272, no 26,‎ , p. 16404–16413 (DOI 10.1074/jbc.272.26.16404, lire en ligne, consulté le )
  9. (en) Hisayuki Nomiyama, Kunio Hieshima, Takashi Nakayama et Tomonori Sakaguchi, « Human CC chemokine liver-expressed chemokine/CCL16 is a functional ligand for CCR1, CCR2 and CCR5, and constitutively expressed by hepatocytes », International Immunology, vol. 13, no 8,‎ , p. 1021–1029 (ISSN 1460-2377 et 0953-8178, DOI 10.1093/intimm/13.8.1021, lire en ligne, consulté le )