Dentelles et Rangers: Tome 2
Par Marie Fontaine
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À propos de ce livre électronique
Alors qu'elle vogue tranquille sur les eaux roses de son rêve américain matérialisé, entres autres, sous les traits du craquant cracker qu'elle a fini par se mettre sous la dent, Daphné Roussel, la Frenchie pur jus bourrine de corps mais fleur bleue de coeur, va brutalement se confronter à l'amertume de son antithèse, le caillou dans ses Rangers. La folie d'un homme au-dessus de tout soupçon va en effet la couper sans pitié de ceux qu'elle aime (les petites voix qui squattent son ciboulot y compris), ne lui autorisant aucun espoir de les retrouver. Seul son instinct de survie pourrait mettre fin au cauchemar, à condition de passer outre les principes moraux qui policent l'Humain, à condition de se frotter à la part d'ombre dissimulée en chacun de nous...
Marie Fontaine
Marie Fontaine : auteur bilingue dont la langue maternelle est celle de Cervantes mais qui écrit dans celle de Molière. Ses influences : le cinéma asiatique, les films de genre, l'humour de Tarantino et celui d'Audiard. Côté livres, elle affiche une prédilection pour le fantastique de la grande époque du XIXe et voue une admiration sans bornes à l'oeuvre de Frédéric Dard. Sa plume, volontiers cynique mais non dénuée de tendresse, aime à gratter sous le vernis humain, à la recherche de la part d'ombre qui sommeille en chacun de nous. Refusant de se laisser coller la moindre étiquette, elle met au point ses propres recettes d'écriture, mélangeant allègrement tous les genres.
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Aperçu du livre
Dentelles et Rangers - Marie Fontaine
1 Week-end à pommes
Abruptement, le dieu du sommeil me lâche les baskets. Mirettes, ouvrez-vous ! Nuit totale. Zut ! Me suis quand même endormie… mais pas les clichés de notre escapade imminente, so romantic ! Ils reviennent à la charge, émoustillant mon usine à chimères tandis que les paroles d’une célébrissime chanson de James Brown infiltrent mes cellules grises, en harmonie avec la promesse d’évasion, so exciting ! concoctée par Apollon : I feel good, I knew that I would, now, […] So good, so good, I got you…
Ma dextre gît paume à plat au milieu de la zone Liam. Froide. Désertique. Pas encore rentré ? L’assoupissement ne s’est pas éternisé, tant mieux.
Mmh… Si je profitais du retour à l’état de veille pour passer mentalement en revue les mille et un détails à peaufiner en vue de l’expédition ? Liam gérera l’entière logistique, certes, il n’en demeure pas moins que toute nénette qui se respecte se doit de veiller à une logistique bis : la sienne. Et pour commencer, dois-je avertir mon pote Phil ? Oui ! Il risquerait sinon de ne pas digérer la cachotterie et d’entrer, rebelote, dans une vraie colère. L’impair perpétré lors de la singulière séance de maquillage suffit amplement ; hors de question de récidiver.
Un chuintement argentin froisse le silence au moment où je remue bras et jambes pour m’étirer. Quelque chose alourdit mon poignet gauche. Bizarre… À tâtons, j’identifie ce qui semble être une… une menotte ? WTF ? Tirant dessus, je comprends, non sans effarement, qu’elle me garrotte au dosseret.
Oh non, Liam, me dis pas que tu aimes ça, me dis pas que tu fantasmes sur un plan à la 50 Nuances de Grey, de regrets pour ma part, romans et longs-métrages faisant l’apologie d’un érotisme à deux balles pour Desperate Housewives en mal de sensations fortes, frustrées de ne donner la main qu’aux manches de leurs casseroles. Sorry, pas cliente, du tout, du tout, du tout. Arf… tu te désolais de ta tendance à tout régenter, j’espère que tu n’inclus pas nos ébats dans le lot… et que cette menotte ne constitue pas un avant-goût (détestable) de ce que tu as prévu pour nous ce week-end…
Roulade sur le flanc pour allumer le chevet. Le matelas émet un bruissement incongru. WTF ? On dirait qu’il y a du plastique sous le drap-housse. Décidément, je vogue de surprise en surprise, pas vraiment du genre « très agréable ». De plus, où diable est passé le foutu interrupteur de cette foutue veilleuse ? Je ne le trouve pas ! Volatilisé ? Comment se peut-ce ? Une plaisanterie ? Elle n’aurait rien d’amusant… Dans un flash, je visualise Liam rentrant du gala et profitant de mon sommeil pour me jouer son mauvais tour ; plus gamin que lui, tu meurs. Est-il tapi dans le noir, à s’en repaître ?
— Liam… Ça suffit !
Silence opaque, à peine éraflé par mon soupir exaspéré. Où est ce satané bouton ? Le localiser vire à l’idée fixe. Sous la lumière revenue, à coup sûr, tout s’éclaircira.
En proie à un agacement croissant, je me redresse sur mon séant. La manœuvre propulse le sang sous mon crâne à jets puissants, opprimant la tempe gauche et, cerise sur le radeau, assaillant les orbites de pulsations lancinantes. Pour finir, qui débarque dans la croisière en Absurdie ? La nausée. Non, pitié ! Pas une migraine, pas maintenant. Il me faut allumer ! Bravant la douleur, je m’agenouille. Le changement de station déclenche une nouvelle salve de froufrous. Tâtonnant autour de moi à la recherche du commutateur, je parviens à le dénicher au-dessus de la poupe du pieu… WTF ? Pas son emplacement habituel. Je l’actionne en réprimant un haut-le-cœur. À mon grand soulagement, un puissant flot lumineux arrache la pièce à la nuit.
L’apaisement procuré par l’illumination se révèle hélas de courte durée. Rapide scan à 360° et je me fige, couenne hérissée sous la morsure d’une bise polaire : je ne suis pas dans la garçonnière de Liam ; en outre, mon poignet est bel et bien menotté au dossier d’un plumard qui n’est pas le sien… Ces infos intégrées, pas agréées, mes battements cardiaques, après avoir raté une paire de marches, s’affolent à tout berzingue tandis que le flux sanguin, s’emballant derechef, cogne à tout rompre dans les artères. Simultanément, les lames d’un ressac furieux se soulèvent à l’intérieur de mon ciboulot, enflent, roulent et se fracassent contre l’occiput.
À l’instar de nuées de moucherons attirés par des fruits mûrs, voire gâtés, des flottilles de picotis noirs entament une valse chaotique devant mes yeux. Le décor se noie dans un remous obscur, vaporeux, me privant d’éléments solides auxquels me cramponner. Confrontées à une situation ô combien anormale, mes méninges n’ont rien dégoté de plus judicieux que boguer à coups d’hallucinations molles à la Dali ? M’égareraient-elles dans le brouillard afin de me ménager (à défaut de me rassurer) avant de me restituer aux reliefs tangibles, acérés, de la réalité ? Avant de m’infliger l’inimaginable ? L’impensable ? Probable : le cerveau humain regorge de ressources infinies, vouées à amortir les traumatismes les plus violents…
Kidnappée.
Le mot s’extrait péniblement de mes pensées en compote.
Kidnappée…
Comment expliquer sinon que je sois attachée comme un clébard, retenue contre mon gré dans un lieu inconnu ?
Le week-end prochain, je te kidnappe.
De longs serpentins visqueux frissonnent de mes orteils à la racine des cheveux. « Le week-end prochain, je te kidnappe. » C’est bien ce qu’il a dit ? Se pourrait-il que… ? Non ! Non ! Je n’y crois pas une seconde. Et pourtant… Si je m’étais plantée en beauté sur son compte ? À ce point-là ? Suis-je aussi noob ? Bête à manger du foin, à foncer tête baissée, sans réfléchir, dans le panneau éculé de l’amour qui rend aveugle ? Pas possible. Une autre explication à ce cauchemar, logique, existe forcément.
Des parois impersonnelles, blanches, dépourvues de fenêtres, délimitent le périmètre de la boîte de Pandore au fond de laquelle on m’a balancée. À senestre, une ouverture sur une salle grisée de pénombre. Dans le prolongement, un placard et une chaise, métalliques. Face au pageot, une porte, manifestement celle de la sortie. Elle jouxte une baie vitrée, encastrée telles les glaces sans tain des salles d’interrogatoire dans la moitié supérieure du mur.
Ni une ni deux, faisant fi de la migraine à présent bien incrustée, je m’éjecte du lit pour me précipiter vers cette chance d’évasion. Deux trois pas et me voilà stoppée net ; la chaîne de la menotte, trop courte, m’empêche d’aller plus avant. Qu’à cela ne tienne : je gonfle mes poumons à bloc, fais pivoter le lit puis le tire de toute mon énergie. Un grincement sadique, le fer des pieds labourant le carrelage, me perfore les tympans. Exacerbé par l’ardeur insufflée à mes gesticulations, le tam-tam crânien vire au supplice.
Serre les dents, Daphné. Sois courageuse… Plus que quelques centimètres… Tu y es…
Je tressaille à l’irruption d’un reflet sur la vitre, celui d’une créature pâle et échevelée, l’air complètement à l’ouest : moi ! Je remarque que l’on m’a affublée de l’une de ces impossibles blouses d’hôpital, amples, fendues dans le dos ; pratiques pour le personnel soignant, mais si impudiques pour les patients.
Poignée abaissée…
L’instant suivant, je peste en comprenant que mes efforts héroïques ont été vains : la porte est verrouillée !
Front collé contre la baie, je me dévisse le cou pour tenter de distinguer une bouée de sauvetage, une planche de salut par-delà la frontière du verre. Des nèfles ! Le carreau donne sur un couloir noyé de ténèbres. Pas chat qui vive dans les parages.
Gagnée par un affolement difficilement maîtrisable, je fais volte-face et soumets les lieux à une sommaire inspection visuelle. Pêcher un truc, n’importe quoi, qui me permette de sortir de ce trou, qui me rapatrie fissa dans la case du rationnel.
Vite.
La chaise.
Elle fera l’affaire. Je m’en saisis et essaie de la soulever. Argh… Trop lourde ! Pas évident de la manipuler avec un poignet menotté, qui plus est lesté du poids de la chaîne. Il faut pourtant que j’arrive à l’utiliser comme un projectile.
Réfléchis, Daphné, réfléchis…
Je sais ! Cuisses et mollets vont servir de catapulte.
Jetée en travers du lit, genoux pliés ramenés sur le thorax et voûtes plantaires calées sous l’assise du siège, j’agrippe le dossier de ma main libre et vise le centre du carreau, point censé le plus fragile, comme appris lors de ma formation de cascadeuse. Heureusement que le ridicule ne tue plus, qu’aucun témoin n’assistera à l’attaque burlesque d’une vitre… Sans plus attendre, je lâche prise. Les guiboles se détendent d’un coup sec et envoient valdinguer la torpille made in Daphné. Le siège heurte la surface de verre de plein fouet. La vibration de l’impact se propage à tout mon être par ondes brutales. Puis l’obus retombe avec fracas, raclant la pièce de grondements de tonnerre.
La vitre est intacte. Whaaaat ?
La rage décuple mon énergie. Je me saisis à nouveau de la chaise et recommence le manège, han ! la bazardant contre l’insolente paroi qui n’en finit pas de me narguer. Une fois. Deux fois. Trois fois… Han ! Je cesse de compter… Souffle en dents de scie… À bout de vaillance et d’endurance, mon pauvre tambourineur se résout à agiter un drapeau blanc. Trêve accordée. Suspension des bombardements. Je mobilise mes dernières forces pour ramper jusqu’à la baie.
Parvenue à sa hauteur, je sursaute à l’apparition d’une gorgone au faciès sinistre. Narines pincées et babines convulsées, elle me dévisage d’un regard mort : mon reflet, encore lui.
Macérant dans le sauna généré par les manœuvres répétées, mon corps entier est en nage. Les cheveux dégoulinent en cascades gluantes, poissent le front, les joues, tandis que les globes oculaires, éraillés de rouge rubis, larmoient sous les coulées acides de la sueur. Pour couronner le tout, lèvres et gosier sont en train de s’effriter de déshydratation à la vitesse grand V.
Un long moment, je demeure en tête-à-tête avec le double monstrueux, mon unique compagnie. Dans l’intervalle, je tâche de rassembler mes esprits et d’assimiler l’inconcevable, tout en m’intimant de reprendre le contrôle de la situation.
Difficile. Voire impossible.
Je n’y arriverai pas… Soyons lucide. Autant s’escrimer à vider la mer avec un dé à coudre : malgré mon ardeur à la pulvériser, la baie n’arbore pas même une minuscule fêlure. Sûrement du vitrage blindé à toute épreuve, bien ma veine.
Cédant à un début de découragement, je retourne m’affaler sur le lit. À quoi bon continuer à m’acharner ? De toute manière, même si la vitre avait volé en éclats, il est clair que je n’aurais pas pu aller bien loin : je me vois mal, en effet, échapper à ce guêpier en trimballant dans mon sillage le pieu auquel on m’a attachée.
Plus qu’à patienter. À la résidence de Liam, ils vont remarquer ma disparition. Obligé. Le chipset fournira à nos amis les cops les coordonnées de ma géolocalisation, déclenchant le branle-bas d’une opération sauvetage. Ils ne lambineront pas, accourront illico à mon secours. Je me raccroche à cette bouffée d’espoir, bien réelle : touchée, oui, mais pas sabordée, la Daphné.
Machinalement, je palpe la zone où le mouchard a été implanté. Léger picotement. Relevant la manche, je découvre une fine incision, suturée par un film de colle transparent. Mon sang ne fait qu’un tour. Glacée jusqu’à la moelle, je dois me rendre à l'évidence : pas besoin de sortir de Harvard pour piger que la puce m’a abandonnée, que ma meilleure assurance enlèvement vient d’être révoquée sans préavis ni dédommagement.
Le coup de théâtre m’a scié les jambes, si je n’étais pas assise je me vianderais minablement. Je me sens devenir plus molle quʼune portion de nouilles archi-cuites à mesure que le niveau de ma jauge de vie reflue dans les talons. Les tambours résonnent de plus belle dans mon caisson, ma cervelle va imploser…
Sans m’en rendre compte, je glisse là où s’évanouissent toutes les sensations, là où s’anesthésient toutes les peines : dans les limbes de l’inconscience…
En bref : je chute dans les pommes.
2 My Heart Belongs to Daddy
Eh bien… Sacrée soirée ! Après avoir reposé le bouquin pas très folichon de Camus, malgré la ferme intention de snober Morphée, j’ai piqué un roupillon de marmotte, pelotonnée au creux du matelas bien trop vaste sans Liam. L’assoupissement n’a pas pour autant rempli sa fonction censée réparatrice, et pour cause : un cauchemar m’a happée dans lequel je me débattais contre les affres d’une indicible angoisse. Dans ce mauvais rêve, j’étais prisonnière, menottée, un tam-tam douloureux me martyrisait la tirelire, on avait incisé mon biceps et extrait le traqueur.
L’horreur.
Engourdie de sommeil, je fournis un effort surhumain pour m’évader du scénario pour le moins abracadabrant et remonter à la surface rassurante qui sépare la somnolence de l’éveil. La migraine s’est presque dissipée ; les pulsations persistent et signent, sans toutefois dépasser la limite du supportable… Ouvre tes lucarnes… Blottis-toi contre Liam. Ton bogosse a dû rentrer, maintenant… La chaleur de l’amour guérit tout…
Paupières de plomb soulevées à grand-peine, un vertige fulgurant me chavire, m’ébranle, déphase… OMG… ce n’était pas un mauvais rêve ! Je croupis toujours dans la piaule dépourvue de fenêtres, gisant en travers d’un couchage d’hôpital, poignet ligoté et biceps réellement débarrassé du mouchard. On a remis le lit à sa place et la chaise est de nouveau sur ses pieds.
Je ne me suis pas endormie, je suis tombée dans les pommes !
Combien de temps ai-je traîné dans les vapes ? Quelques minutes ? Des heures ?
Basculant sur le flanc, je me hisse sur un coude, poitrine agitée de hoquets comme si j’allais éclater en sanglots. Pour sûr, chialer un bon coup à chaudes larmes soulagerait une Daphné version « piteuse Madeleine en miettes ». Hélas, conséquence de la frousse sans nom qui recommence à me ronger, mes lampions rivalisent de sécheresse avec les reliefs désertiques de la Death Valley, la Vallée de la Mort de sinistre renommée. Je ne suis plus maîtresse d’une réaction organique aussi basique que pleurer. Loin de s’estimer satisfait, l’effroi intensifie son travail de sape. Redoublant de zèle, il s’évertue à annihiler ce qui subsiste de l’armada de mes défenses naturelles, parvient à pétrifier mon corps, à le muer en un copié-collé de parpaing qu’il se délecte à bazarder à la flotte. Résultat : je coule à pic…
Lister des motifs de me cramponner pour enrayer la dégringolade ? Mission on ne peut plus ardue. Il y en a pourtant, dont un particulièrement flagrant : qui que soient mes ravisseurs, ils ne m’ont pas butée. Ils ne m’ont pas non plus maltraitée ; mis à part l’incision pour dégager la puce, absence de marques de violence. Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir ; un adage éculé devient en cette circonstance cauchemardesque l’unique lueur éclairant le trou dans lequel on mʼa précipitée.
Pourquoi suis-je encore de ce monde ? Pourquoi cette pièce évoque-t-elle une chambre d’hôpital ? Pourquoi mʼa-t-on ôté mon pyjama pour m’affubler à la place d’un chiffon ridicule ? Vais-je servir de cobaye aux expériences maudites d’un savant diabolique ? Mais b*$#%¤… ! Quʼattend-on au juste de moi ?
Les réponses à la farandole des questions qui me tarabustent ne vont pas tarder à se matérialiser ; le corridor vient en effet de s’illuminer. J’entends la serrure cliqueter. Mon tam-tam perso, déjà bien bousculé, relance une cavalcade effrénée. Les anneaux d’une terreur sourde se referment sur mes côtes, m’oppressent d’une étreinte écrasante ; euh… plus très sûre de vouloir connaître ce que l’on me réserve.
Pourvu que ce ne soit pas Liam… Pourvu que ce ne soit pas lui… Exaucez ma prière : que ce ne soit pas lui…
Tous les sens en alerte, je me raidis.
La porte s’ouvre… et… un parfait inconnu se présente dans l’encadrement.
Énormissime ouf de soulagement ; ce n’est pas Liam !
L’individu affiche une soixantaine dynamique, rehaussée par la sveltesse de la silhouette. Des cheveux coupés court bordent d’une ligne poivre et sel les traits au scalpel du visage. Derrière les sourcils en broussaille, détail jurant avec le reste de sa physionomie, plutôt distinguée, miroitent des iris d’un bleu infiniment clair, si délavé qu’il en est quasiment sans couleur. L’apparition porte une blouse blanche. L’hypothèse du savant fou grignote du terrain, me glaçant d’épouvante d’autant plus que l’intrus ne bouge pas du seuil, une main dans une poche et l’autre brandissant… un revolver. Je n’en crois pas mes prunelles, irrésistiblement aimantées par la masse de métal argenté, susceptible de blesser ou pire… de donner la mort.
— Bonjour, miss Roussel. Avez-vous bien dormi ?
Le timbre est grave, la locution élégante. Si pareille caste existait, je dirais que j’ai affaire à un spécimen de l’aristocratie ouest-américaine. Piquée, ma curiosité entreprend de se frayer cahin-caha un chemin entre les méandres de l’angoisse.
— Qui… qui… êtes-vous ? Que me… voulez-vous ? parviens-je à bafouiller tant bien que mal.
— Diable, quel empressement à tout savoir, jeune fille ! Tss, tss… L’impatience : principal défaut des gamins d’aujourd’hui. Je décèle en outre un zeste de colère dans votre ton, me trompé-je ?
J’aimerais faire preuve d’un flegme cynique, tel celui qui anime avec tant de naturel les héroïnes du cinéma ou de la littérature, et lui rétorquer, l’air fanfaron : « Non, en effet, vous ne vous trompez pas, cher monsieur. Ça vous étonne ? Mais, me faire enlever sans avoir mon mot à dire, atterrir Dieu sait où, être séparée de ceux que jʼaime, ignorer à quelle sauce je vais être assaisonnée… Vous avouerez, n’est-ce pas ? que ce sont d’excellents motifs de se mettre en colère. »
Oui… mais non. J’enrage en mon for intérieur, car je sais quoi dire, oh oui ! mais me révèle bien incapable de débiter la moindre bribe, stupide et figée tel un lapin surpris par les phares aveuglants dʼune voiture fonçant sur lui à tombeau ouvert. La tirade restera lettre morte et muette.
— Auriez-vous perdu votre langue ? me demande-t-il, un soupçon de moquerie dans la voix.
Il espère une riposte. Seul mon silence paniqué lui répond.
— Comme vous voudrez… Je ne doute pas que vous finirez par me parler. Comme toutes les autres. Cela dit, rien ne presse : vous êtes mon invitée… à demeure. Faites-vous une raison et prenez sans délai les choses avec philosophie, je vous le conseille vivement.
Je me décompose. Littéralement. Il ne manque pas d’air ! Prendre les choses avec philosophie ? Alors quʼil vient de m’informer, sans prendre de pincettes, de mon statut de recluse à demeure ? Son « invitée »… Pff… à d’autres.
Daphné, ma grande, organise une contre-attaque, schnell ! Personne n’a le droit de t’arracher à tes rêves. PERSONNE. Non mais, et puis quoi encore ? Au lieu de moisir dans une chambre sordide sous la menace d’un zigoto se donnant des airs de Dr Jekyll, tu devrais voler tranquilou avec ton Adonis à bord d’un jet à destination d’un îlot paradisiaque. Pas po-ssi-ble ! Oh que non ! Le cauchemar doit cesser. Sur-le-champ. Et toi, tu reprends fissa ton histoire exactement là où ce type s’est permis de débouler, au mépris de ton libre-arbitre. Son ingérence est inacceptable !
Tandis que j’évalue le fâcheux d’un œil critique, la situation bascule soudain sous un angle plus favorable ; je suis Daphné la Badass ou pas ? Pourquoi me laisser impressionner par un toubib de soap opera ? Ridicule ! À y regarder de plus près, pas très grand, le gars ; je le dépasse d’un bon cabochon. Pas très musclé non plus. Je pourrais le maîtriser sans problème. À condition qu’il se rapproche. Oui, mais il a un flingue. Pas grave. Je peux avoir le dessus.
Le lapinou ébloui par les pleins phares commence à se secouer et trépigner d’une sourde colère : c’est vrai, quoi, au nom de quoi s’arroge-t-on le droit de le traiter de la sorte ?
Des flots d’adrénaline se déversent dans mes veines, inhibant rapidement l’angoisse. Mon être n’est plus quʼune puissante palpitation pulsant de la plante des pieds vers le sommet du crâne. Les tempes tambourinent. La respiration s’accélère. Ça fourmille dans les guibolles, le bout des doigts, les lèvres. Une irrépressible envie d’agir me démange. Il ne doit surtout pas le remarquer.
— Je… Je… ne me… sens pas b…
En un battement de cils, je chancelle et m’affaisse, minable marionnette dont on aurait brusquement sectionné les fils.
Il accourt à mon chevet, me palpe le front, les joues, le cou.
— Miss Roussel… miss Roussel ! Allons ! Revenez à vous. Vous évanouir ? Une grande fille