À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTEUR
Klaus Mann est né le 18 novembre 1906 à Munich. Il entre en littérature au début de la république de Weimar. Adversaire du nazisme, il quitte l'Allemagne en 1933 et est déchu de sa nationalité en 1934. Il se suicide à Cannes, le 21 mai 1949. Son talent s'est aussi bien exprimé dans le roman que l'essai, le théâtre et l'autobiographie, avec des oeuvres comme "Contre la barbarie" (2009), "Point de rencontre à l'infini" (2010), "Speed "(2011) et le recueil "Aujourd'hui et demain" (2011), toutes publiées aux éditions Phébus.. Il est aujourd'hui considéré comme l'un des plus importants auteurs allemands.
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Avis sur Contre la barbarie - Tome 1
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Aperçu du livre
Contre la barbarie - Tome 1 - Klaus Mann
LE PREMIER JOUR
8 Uhr-Abendblatt
, Berlin,14 avril 1925.
Aujourd’hui comme hier, un premier jour à Paris est pour tout individu sensible une expérience forte, impressionnante - beaucoup en ont déjà témoigné!
Nous sommes arrivés en avion. En deux heures donc, nous étions de Londres à Paris, de la mégalopole européanisée au lumineux foyer de l’Europe. Et il se peut que cette incroyable soudaineté ait encore accru la fascination. Le vol en soi avait été une aventure dont l’intensité s’était très vite épuisée, dégénérant sur la fin en nausée et en léger ennui. Seul le moment du décollage fut réellement formidable, l’instant où l’on se détache de cette bonne vieille terre avec une audace proprement luciférienne, où les champs s’enfoncent à vous donner le vertige, où le paysage se transforme progressivement en carte géographique. La descente, elle, ne se distingue presque en rien d’une épouvantable chute. Dans une oblique expressionniste, le sol se précipite à votre rencontre. Une ville se précipite à votre rencontre - et Paris est là.
Certaines villes mettent des jours, d’autres des semaines à dévoiler leur spécificité et leur charme. Paris convainc et même subjugue en quelques heures. Dès l’instant où l’on traverse en taxi la renversante étendue de la place de la Concorde, on est émerveillé. Quand, depuis l’arc de triomphe, on a vu la descente des Champs-Élysées, on ne peut se soustraire aux sortilèges de la capitale.
Ensuite, on vous accueille à l’hôtel en vous causant de manière charmante. Encore tout étourdi par le voyage en avion, on s’assied au café, le thé est mauvais, mais servi avec classe. Il règne une incroyable confusion babylonienne, autour de soi on entend toutes les langues. Des Espagnols gesticulent avec rudesse à la table voisine. Des Américains, admirés et raillés, sont fiers de ne pas avoir besoin du français même pour parlementer avec le garçon : on veille à leur confort avec le plus grand zèle car ils ont la réputation d’être très riches. Des Russes, des Nègres, des Turcs et des Japonais sont assis là, silencieux ou en proie à une gaieté exotique et débridée. Des Suisses déploient de louables efforts pour se faire comprendre. Et au milieu de tout cela, les Français, malins, amusés et avides de gros pourboires, prêtent l’oreille à ce vacarme. Quant à nous, nous observons. Et soudain, telle une vision d’épouvante, s’abat sur nous la pensée que tous ces peuples se sont fait la guerre. Ils ont tiré... Il ne s’agit pas d’une théorie pacifiste. C’est une peur, une horreur soudaine qui vous étouffe - et qui n’est compréhensible peut-être que pour celui qui n’a pas vécu le jour de la «mobilisation» en août 1914 parce qu’à l’époque il n’était qu’un enfant. Par la suite, ce jour a pu constituer, pour tous ceux qu’il a bouleversés, une sorte de justification des quatre années de guerre. Mais dans ce café, au milieu de ces peuples, dans cet endroit où toutes les langues se fondent en un brouhaha invraisemblable, nous n’avons plus soudain que cette seule pensée : ils ont tiré... Et que d’aucuns veuillent de nouveau en arriver là, voilà une chose que nous n’osons imaginer.
Empli d’une pieuse curiosité, on visite Notre-Dame. La lumière des magnifiques vitraux, rouge, bleu et vert, traverse les perspectives obliques des allées gothiques. On marche, en réfléchissant.
Mais le soir, je suis sur les hauteurs du vieux Montmartre, et derrière moi, le Sacré-Cœur est blanc dans l’obscurité. À mes pieds, dans la brume surmontée du scintillement mat de la lumière électrique, s’étend l’immensité de la ville. Son bruit ne me parvient qu’assourdi. Un aboiement se détache parfois, un klaxon. Et avec un respect qui est comme une stupeur, je comprends soudain ce que c’est - cette ville, cette grande ville, là en bas, dans le scintillement de la brume et de la lumière électrique.
Que l’Allemagne - et non la France - soit le sol où, après bien des peines et des luttes, l’avenir ait enfin le droit de naître, telle est ma conviction sacrée, car l’Allemagne est le pays qui fait le plus d’efforts. Mais c’est dans cette ville que se concentre - aujourd’hui comme depuis des siècles - la splendeur de l’Europe.
RÉPONSE À UNE ENQUÊTE MENÉE AUPRÈS DE JEUNES ÉCRIVAINS SUR LEURS TENDANCES ARTISTIQUES
Die Kolonne
n°2, février 1930.
De nos jours, tout art sans exception doit être de la propagande politique, dans l’acception la plus large de ce terme. Ce qui signifie se pencher sur notre époque en vue de la rendre meilleure et de rapprocher l’humanité du but auquel elle aspire sans le connaître.
Certes, c’est une méprise très en vogue, surtout à Berlin, que de considérer une œuvre d’art comme légitime, uniquement si elle combat, par exemple, un article de loi dépassé. La valeur militante sert volontiers d’excuse à l’absence la plus flagrante de dimension artistique. Il me semble pourtant que plus une œuvre est passionnée, engagée, «artistique », plus sa faculté d’amender le monde sera grande.
Je souhaiterais n’avoir jamais écrit une ligne qui n’eût pas résulté pour moi - pour moi personnellement - d’une nécessité absolue, qui n’eût pas été une confession mise en forme, organisée, et donc une œuvre d’art. J’aimerais n’avoir jamais publié une ligne qui n’eût, de manière infime, infinitésimale, contribué à éclairer l’énorme confusion que connaît notre époque. Nous ne pouvons faire œuvre utile, faire de la propagande qu’en nous donnant à fond, jamais en bâclant le travail.
L’artiste doit à chaque seconde être conscient de sa mission militante, c’est là son unique vocation. Voudrait-il pour cette raison renoncer à sa qualité d’artiste qu’il se dessaisirait de son outil le plus efficace et le plus important, de son instrument de propagande le plus sacré.
JEUNESSE ET RADICALISME UNE RÉPONSE À STEFAN ZWEIG
Auf der Suche nach einem Weg (En quête d’un chemin), novembre 1930.
Très cher et très honoré Stefan Zweig,
Bien peu d’écrivains de votre rang ont autant d’amis que vous parmi les jeunes. Bien peu s’intéressent d’aussi près à nos aspirations et nous soutiennent aussi judicieusement de leurs conseils et de leur amitié. Si quelqu’un a le droit de s’adresser à «la jeunesse», considérée comme entité, c’est sans conteste vous, cher Stefan Zweig. C’est ce que vous faites dans votre article «Révolte contre la lenteur» que j’ai lu avec le plus grand intérêt. Permettez-moi de vous répondre. Il y a une prétention à tout comprendre, une sorte de complaisance à l’égard de la jeunesse qui va trop loin. Tout ce que fait la jeunesse ne nous montre pas la voie de l’avenir. Moi qui dis cela, je suis jeune moi-même. La plupart des gens de mon âge - ou des gens encore plus jeunes - ont fait, avec l’enthousiasme qui devrait être réservé au progrès, le choix de la régression. C’est une chose que nous ne pouvons sous aucun prétexte approuver. Sous aucun prétexte.
Voilà pourtant ce que vous faites quand vous dites, à propos des effrayants résultats des élections du Reichstag, qu’il s’agit d’une «révolte de la jeunesse, une révolte - peut-être pas très habile mais finalement naturelle et tout à fait à encourager - contre la lenteur et l’indécision de la haute
politique». Je crains que votre belle sympathie pour la jeunesse en soi ne vous empêche de voir en quoi consiste cette révolte. Que veulent les nationaux-socialistes? (Car c’est d’eux qu’il s’agit à cette heure, et non des communistes.) Dans quelle direction se radicalisent-ils? Voilà en fin de compte la question qu’il faudrait se poser. Le radicalisme ne peut être à lui seul quelque chose de positif, surtout quand il manque d’imagination et prend des allures crapuleuses, comme c’est le cas pour nos chevaliers de la croix gammée. Briser des vitrines et menacer les gens avec de l’huile de ricin, c’est à la portée de n’importe qui.
Vous déplorez la lenteur d’escargot de la politique européenne, et nous la déplorons avec vous. Je veux bien faire partie de «ces honnêtes gens» qui partagent avec vous la déception de voir qu’on nous dupe à chaque session de la Société des Nations en remettant à plus tard ce désarmement que nous réclamons à cor et à cri. La seule question est de savoir si les individus qui dirigent le concert de ce pseudo-nationalisme pseudo-social sont aussi déçus que nous. Qu’est-ce qui pourrait bien les décevoir? Souhaitent-ils une Europe pacifique, unie et régie par l’esprit? C’est plutôt l’exact contraire qu’ils veulent. Leur extrémisme n’est pas l’expression d’un quelconque espoir déçu puisqu’ils n’en avaient aucun; et tout ce qui peut se passer de positif à Genève ou ailleurs, se passe malgré eux et contre leur volonté. Il serait peut-être possible d’aller davantage de l’avant si seulement ils n’étaient pas là ou s’ils étaient différents de ce qu’ils sont malheureusement.
Les choses avancent lentement à Genève, abominablement lentement. Nous serions les premiers à saluer toute tentative plus radicale - radicale dans un sens positif. Mais comment trouver sympathique un radicalisme qui va jusqu’à contrecarrer le peu que l’ancienne génération accomplit? Vous dites, Stefan Zweig : «Le rythme d’une nouvelle génération se révolte contre celui du passé. Si seulement c’était ce qui se produit! Mais il me semble au contraire que les plus jeunes trouvent que le rythme de leurs aînés conduirait encore trop lentement à une catastrophe. Ils veulent qu’elles arrivent plus vite, leur chère catastrophe et la «bataille logistique» dont rêvent leurs philosophes hystériques. Appeler à la guerre revancharde et au bain de sang parce que le désarmement ne va pas assez vite? Mais tout cela n’est que pure perversité! Et je récuse toute forme de perversité en politique. Ce qui nous a rapprochés d’un avenir souhaitable - même si ce n’était peut-être qu’un tout petit pas - ce fut le travail réfléchi de Stresemann, et certainement pas les gesticulations et la brutalité de je ne sais quel petit Hitler lançant ses foudres dans tous les azimuts.
Non, je ne veux rien, absolument rien avoir à faire avec cette forme d’extrémisme. Si l’on ne peut faire en sorte que ce rythme d’escargot soit accéléré, alors je préfère encore que les choses restent en l’état (mais on devrait pouvoir l’accélérer). Il est possible que Genève ne nous apporte pas la paix; mais il est certain que les autres nous mèneront à la catastrophe. Je préfère l’incertitude, c’est plus fort que moi.
Ainsi donc, Stefan Zweig, je répudie devant vous ma propre génération, ou tout au moins cette partie de ma génération que vous, justement, vous excusez. Entre ces gens-là et nous,
aucune alliance n’est envisageable; d’ailleurs, ils seraient les premiers à repousser à coups de matraque tout rapprochement avec nous. La psychologie permet de tout comprendre, même les coups de matraque. Mais cette psychologie-là, je ne veux pas la pratiquer. Je ne veux pas comprendre ces gens-là, je les rejette. Je me force à affirmer - bien que cela aille complètement à l’encontre de mon honneur d’écrivain - que le phénomène du néonationalisme hystérique ne m’intéresse même pas. Je le considère purement et simplement comme
dangereux. Voilà en quoi consiste mon radicalisme.
La génération de 1902 pouvait dire : La guerre - ce sont nos parents. Mais qu’en serait-il si la génération de 1920 devait dire; La guerre - ce sont nos frères? C’est alors que nous devrions avoir honte au plus profond de nous-mêmes d’avoir appartenu à une génération dont le pressant besoin d’action, c’est-à-dire le radicalisme, aurait viré d’aussi effroyable façon, et se serait transformé en quelque chose d’aussi négatif.
EST-CE L’AVÈNEMENT DU «TROISIÈME REICH» ?
Die Literatur, Stuttgart/Berlin, avril 1931.
L’actualité semble être un principe politique de la maison d’édition Rowohlt qui, en matière littéraire, ne nous propose que ce qui a le plus d’originalité et de valeur. Elle pousse parfois ce principe trop loin à mon goût. Quoi qu’il en soit, les deux ouvrages qu’elle publie aujourd’hui sont très méritoires. Je préfère celui de Oehme et Caro à celui de Miltenberg.
Il faut connaître l’ennemi avant de lui régler son compte. L’ennemi, ce sont les nazis, ne nous y trompons surtout pas.
Les auteurs Oehme et Caro, qui connaissent le sujet nébuleux sur lequel ils veulent nous éclairer, nous apportent la preuve de ce que nous avions toujours senti : ces héros de la saison politique n’ont pas la moindre rigueur morale. Ici, tout n’est qu’agitation, démagogie, pêche aux voix; rien qui ressemble à un programme, rien, rien, rien, pas même l’antisémitisme ou la haine des Français, auxquels l’habile Hitler renonce si facilement depuis qu’il veut devenir ministre. La confusion est si effrayante qu’il faut vraiment mobiliser tout son sens psychologique pour comprendre comment ce parti a pu devenir le deuxième parti d’Allemagne, en attendant peut-être d’arriver à la première place. Qu’advient-il de la conscience qu’une nation a de son rang quand un Goebbels peut écrire à son Hitler sans sombrer dans le comble du ridicule : «Ce que vous avez dit là est ce qu’on a entendu de plus extraordinaire en Allemagne depuis Bismarck»? La lecture de ce fascicule extrêmement intéressant n’encourage pas précisément la gaieté et l’espoir. Elle laisse un sentiment de vide, qui suscite le dégoût. Que veulent-ils? Le capitalisme ou le socialisme? Et si c’est le socialisme, pourquoi se font-ils financer par la grande industrie? Quelle sinistre imposture! Comme disent les auteurs : «La jeunesse est tombée aux mains des perdants d’une génération intermédiaire.» Quelle triste jeunesse!
La brochure de Weigand von Miltenberg, Adolf-Hitler, Guillaume III, est moins concrète. La première rassemblait un effrayant matériel de faits; la seconde exprime avant tout la souffrance d’un authentique national-socialiste qui a vu le parti de Hitler devenir un parti parlementaire tout à fait ordinaire et perdre de sa dimension anarchiste. Miltenberg me semble appartenir à la famille intellectuelle d’ErnstJünger, mais en même temps, il a fait son apprentissage auprès de quelques journalistes de la grande ville passablement pervertis. Ce mélange n’est pas toujours réjouissant, le style de Miltenberg aurait besoin d’urgence d’un petit bain d’acier. «Quand Mussolini montre les dents... cela a toujours une allure antique.» Est-on vraiment obligé d’endurer cela? Le lecteur bienveillant en est dédommagé par la formidable exaltation virile avec laquelle ce gaillard, à l’allure tout de même très antique, évoque le 1er août 1914 : «Quand les professeurs étrangers et les unions postales universelles prirent leurs jambes à leur cou (quel triomphe pour l’anarchiste prussien!) et que des millions de gars bombèrent le torse... le Contrat social
fut déchiré, du papier toilettes.» Qui ne montrerait pas les dents ici? Je terminai pourtant l’ouvrage et ne le regrettai pas, car cette lecture, pas toujours plaisante, me fit comprendre que le parti national-socialiste, qui semble devenir déterminant pour le destin de l’Allemagne, n’a, intellectuellement pariant, rien sur quoi s’appuyer. Pas même la jeunesse en quête d’une véritable révolution nationale, qui recèle incontestablement des énergies fortes, quoique à mon sens mal orientées, et qui est représentée par des individus comme Weigand von Miltenberg.
NE RIEN FAIRE...
8 Uhr-Abendblatt, Berlin, 19 octobre 1931.
La génération des poètes de 1918 déclarait avec enthousiasme que l’être humain était «bon». À l’heure historique où la guerre se terminait, cette affirmation était assurément d’une magnanimité fort téméraire. Elle était évidemment unilatérale et, à l’examiner de près, aussi intenable que la thèse inverse, qui voudrait que l’être humain soit «mauvais», un prédateur