Le Figurant
Par Éric Chassé
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À propos de ce livre électronique
Un jour, il croise la route d’un ancien copain du secondaire qu’il avait perdu de vue: Nicolas. Ils ont tant de choses à se dire! S’offrant une petite soirée de retrouvailles, Philippe se rend dans le somptueux condo de son vieux chum. Bien que Nicolas évite les questions sur son mode de vie et se fait évasif sur son cheminement professionnel, il est clair que, côté finances, les deux jeunes hommes ne vivent pas sur la même planète.
Le lendemain de cette soirée bien arrosée, Nicolas suggère à Philippe de le rejoindre dans un café: il a une proposition à lui faire. Une offre que son ami ne peut pas refuser et qui pourrait l’éloigner une bonne fois pour toutes de ses soucis monétaires: être figurant pour une agence de casting, disons... particulière.
Dès lors, Philippe mettra le pied dans un engrenage dans lequel l’appât du gain dépasse tout raisonnement. Dans une descente aux enfers qui risque de le consumer, Philippe deviendra le témoin involontaire des pires atrocités. Son nouveau rôle fait-il de lui un complice?
Éric Chassé
Éric Chassé est un musicien professionnel qui vit dans la région de Montréal. La mort en vedette est son premier roman à voir le jour, mais ses disques durs regorgent de récits dans lesquels se distinguent son style franc et son humour noir.
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Aperçu du livre
Le Figurant - Éric Chassé
Partie 1
1
Philippe se tourna sur le côté gauche. Il cherchait la position la plus confortable pour se rendormir, sachant d’avance qu’il échouerait. Il laissa s’échapper un long soupir avant de passer une main sur son front moite. Les couvertures étaient trop chaudes. Il en enleva une épaisseur, puis glissa un oreiller sous son ventre. Calvaire. Rien à faire, il était complètement réveillé. Le jeune homme n’osa jeter un œil au cadran sur la table de chevet. Il craignait ce qu’il y verrait. Selon ses estimations, il devait être environ trois heures du matin. Depuis plus d’une semaine, c’était le même manège. Philippe était tiré du sommeil en plein milieu de la nuit. Il fixa un instant les cheveux de Kim, qui lui tournait le dos. Sa respiration était régulière et paisible. Comment elle fait pour dormir aussi bien ? Manifestement, leurs récents soucis financiers tourmentaient sa blonde beaucoup moins que lui. Pour elle, ce n’était qu’une mauvaise passe à traverser.
— C’est pas la première fois que ça nous arrive, et certainement pas la dernière, avait-elle dit la veille. Arrête de capoter avec ça.
— Je comprends, mais là, il va vraiment falloir qu’on fasse attention à nos dépenses, OK ? lui avait-il fait promettre.
Il était vrai qu’ils avaient parfois de la difficulté à payer les factures à la fin du mois, mais cette fois-ci, Philippe ne voyait pas la lumière au bout du tunnel. Depuis quelque temps, c’était malchance par-dessus malchance. Le coût de la vie ne cessait de croître, et toutes les nouvelles dépenses engagées pour les enfants étaient en train de rendre fou le jeune homme de trente-quatre ans. Et que dire du récent prix de l’essence à la pompe ? Il avait presque doublé en un an. Rien pour les aider. Certes, le couple avait déjà connu certains déboires, mais jamais Philippe n’avait éprouvé pareille sensation. Il avait l’impression d’étouffer et ne pensait dorénavant plus qu’à ses problèmes financiers. Même si l’idée le répugnait, il avait envisagé l’idée de se trouver un deuxième emploi, mais sa blonde était rapidement intervenue. Elle lui avait vite fait comprendre qu’elle n’y arriverait pas toute seule à la maison avec les petites. Kim avait besoin de lui. Et les filles aussi.
Kim lui avait alors suggéré de faire augmenter la limite sur sa carte Visa.
— En tout cas, moi, je l’ai fait. Ça peut te donner un coup de main.
Philippe s’était ratatiné sur son siège. Il avait déjà fait la demande le mois dernier, atteignant ainsi le maximum du crédit qu’on pouvait lui accorder. C’était d’ailleurs grâce à cette avance qu’il allait pouvoir payer le garagiste le lendemain. Au téléphone, ce dernier avait parlé d’au moins trois cents dollars.
— Ça va dépendre de ce que je vais trouver en démontant les pièces, mais si c’est ce que je pense, ça devrait jouer dans ces prix-là. C’est un problème typique avec cette marque de véhicule-là.
L’une des roues du VUS laissait parfois échapper d’inquiétants bruits quand venait le temps de tourner à droite. Un son sec et fort. C’était comme si un morceau (sans doute important, selon Kim) était sur le point de se casser en deux dans la direction. Kim paniquait chaque fois que cela se produisait. Philippe avait tenté à quelques reprises de minimiser le problème, prétendant que ça ne devait être qu’une cochonnerie coincée quelque part, mais Kim refusait d’utiliser le véhicule tant et aussi longtemps que le problème ne serait pas réglé. Elle avait récemment eu peur de perdre le contrôle en allant porter Gaëlle, leur plus jeune fille, à la garderie.
Dans le lit, Philippe se tourna à nouveau. Il avait l’impression d’être une saucisse qu’on virait sans arrêt sur le gril. Il sentit alors une goutte couler le long de sa tempe.
— Il fait donc bien chaud dans la chambre, marmonna-t-il entre ses dents.
Au moment où il s’apprêtait à se mettre sur le ventre, les yeux de Philippe s’ouvrirent bien grands. Oh non ! Comment j’ai pu oublier ça ? Il venait de se rappeler que demain était le jour du prélèvement automatique des frais de garde pour Gaëlle. C’était lui qui gérait ce dossier. Il s’inquiéta soudainement du montant présent dans son propre compte. Il m’en reste-tu assez ? Philippe calcula dans sa tête et comprit rapidement que la réponse était non. Merde. J’aurais dû attendre avant de payer Hydro. Il se promit de téléphoner à la caisse le lendemain matin, dès l’ouverture. Le jeune père de famille allait leur demander d’annuler cette dernière transaction. Il l’avait déjà fait par le passé. C’était un peu compliqué, mais faisable. S’il n’avait pas été insomniaque, il n’y aurait jamais pensé, et des frais supplémentaires seraient venus s’additionner à tout le reste.
— Phil, peux-tu, s’il te plaît, arrêter de jouer avec les couvertes ? marmonna sa blonde à ses côtés. J’arrête pas de me réveiller à cause de ça.
— Désolé.
Philippe se retourna le plus doucement possible sur le côté droit en prenant bien soin de ne pas tirer sur les draps. Son regard tomba alors nez à nez avec son réveille-matin. 4 h 44. Il fut soulagé de constater qu’il avait finalement dormi un peu plus de cinq heures en ligne. Rendu là, aussi bien me lever. Sa nuit était terminée. Il savait d’ores et déjà qu’il ne refermerait plus l’œil de la nuit. Avec des mouvements aussi lents que ceux d’une tortue, il se glissa hors des couvertures. Debout devant la commode, vêtu d’un bas de pyjama, il enfila un t-shirt propre et descendit au sous-sol. Il passa une main dans ses cheveux châtains en bataille. Pour se changer les idées, il allait regarder la télé avant que les filles se lèvent. Ou peut-être jouerait-il de la guitare ? À son dernier anniversaire, sa blonde lui avait offert une paire d’écouteurs de bonne qualité qu’il pouvait brancher dans son amplificateur. Cela lui permettait de monter le volume aussi fort qu’il le désirait, et ce, sans déranger personne. C’est ce qu’il fit.
Pendant plus d’une heure, Philippe répéta un riff qui lui tournait dans la tête depuis quelque temps déjà. S’il avait encore eu son groupe, il était certain que cette mélodie aurait fait un excellent début de chanson. Il avait abandonné la musique – et son rêve d’en vivre un jour – quand il avait eu sa deuxième fille. Manque de temps… et de sommeil. Dans le band, à l’époque, le batteur était également devenu père presque en même temps que lui, ce qui avait mis un terme au projet du quatuor. Les gars venaient tout juste d’entrer en contact avec une maison de disques qui avait montré de l’intérêt pour leurs compositions. Philippe était longtemps resté avec un goût amer dans la bouche. Était-il passé à côté de quelque chose ? Quoi qu’il en soit, le chanteur ne lui avait plus jamais adressé la parole par la suite.
Ce fut Gaëlle qui sortit Philippe de son univers de décibels. Arrivant par-derrière, la petite fille de quatre ans vint tapoter l’épaule de son père. Le musicien lâcha un cri d’effroi et retira son casque en vitesse. Sa cadette avait encore fait pipi au lit.
◆
Étonnamment, c’était Kim qui semblait avoir eu une mauvaise nuit, et non Philippe. Les pieds de la jeune femme s’accrochaient partout dans la cuisine. Vêtue d’une robe de chambre, elle se versa une seconde tasse de café.
— Câline que vous vous levez de bonne heure, les enfants, bâilla-t-elle.
— C’est toi qui se lève tard, maman, riposta Léonie, du haut de ses sept ans, en remplissant son verre.
— OK, ça suffit, le jus d’orange, fit Kim à l’endroit de sa plus grande fille. S’il te plaît, concentre-toi plutôt sur les petits fruits qu’il y a dans ton assiette. C’est ça, le plus important.
— Ta mère a raison, rajouta Philippe en rangeant le sucre dans l’armoire. Surtout que le jus d’orange est quasiment rendu à six piasses maintenant. À partir d’aujourd’hui, on a tous droit à une seule gorgée par jour, OK ?
Personne ne réagit. Léonie leva soudain la tête, l’air de dire : Sérieux, papa ?
— C’est une blague, voyons ! Mais c’est vrai que c’est rendu cher. Bon, je dois aller me préparer, annonça-t-il après avoir consulté sa montre. Toi, Gaëlle, après ton déjeuner, va t’habiller, ma belle. Papa va aller te porter à la garderie avant de se rendre au travail, OK ?
— Ké, fit la petite en engloutissant une cuillère de Corn Flakes dont la moitié se déversa sur son pyjama tout propre.
Celui qu’elle avait souillé cette nuit se faisait déjà nettoyer dans la laveuse, avec un tas d’autres vêtements. Philippe s’était occupé de cette tâche.
— Vas-tu penser à mettre le linge au séchage pendant la journée ? demanda-t-il à sa blonde alors qu’il marchait déjà vers leur chambre à coucher.
— Oui, je vais me mettre une note pour y penser.
Kim, qui allait fêter ses trente ans le mois prochain, était traductrice. Elle travaillait de la maison et elle adorait le concept, contrairement à Philippe, qui, lui, avait besoin de sortir. Après la naissance de Gaëlle, elle avait cédé son bureau pour en faire la chambre du bébé. Elle avait donc descendu ses pénates au sous-sol dans une pièce fermée. Au départ, l’idée de travailler en bas ne lui plaisait guère, mais aujourd’hui, elle ne retournerait pas en arrière. Quand arrivait la fin de la journée, au retour de Philippe et des enfants, Kim montait les rejoindre au rez-de-chaussée et n’avait ainsi plus l’impression d’être sur son lieu de travail.
Vêtu de l’uniforme bleu marin fourni par l’entreprise qui l’embauchait, Philippe revint dans la cuisine quelques minutes plus tard. Kim l’avait toujours trouvé sexy dans ces vêtements. Il semblait invincible et capable de réparer tout et n’importe quoi. Elle déposa sa tasse et vint se lover contre lui, sous l’œil amusé des petites. Le prénom de son chum était écrit sur la poche d’en avant de la chemise, et Résidence Belle Vie était également brodé juste au-dessus. Depuis deux ans, Philippe œuvrait dans ce lieu comme homme à tout faire. De chez lui, à Otterburn Park, il n’avait qu’une dizaine de minutes de voiture à faire pour s’y rendre. Cela payait plutôt bien même si, aujourd’hui, il aurait eu besoin du double de son salaire pour pourvoir à tous les besoins de sa famille. Et l’horaire était de jour, contrairement à son précédent emploi.
— J’ai pu faim, déclara Léonie en quittant la table.
Philippe s’approcha d’elle.
— T’as sept ans, ma chouette. T’es capable d’au moins rapporter ton assiette sur le comptoir, hein ?
Jour après jour, Kim et Philippe devaient lui répéter ces mêmes consignes. Ça allait bien finir par lui entrer dans la tête. Bougonneuse, l’enfant fit ce qu’on lui demandait en tentant de faire pitié le plus possible.
— C’est pas juste, pesta l’enfant. Gaëlle est pas obligée de faire des tâches, elle.
— À quatre ans, toi non plus t’étais pas obligée, lui rappela sa mère. Maintenant, va te préparer pour l’école.
Histoire de ne rien gaspiller, Philippe s’approcha du lavabo et termina au passage les fruits imbibés de sirop d’érable qu’avait laissés Léonie. L’homme déjeunait rarement à la maison. Il commençait habituellement à avoir faim dans le coin de sa première pause à la résidence.
— Gaëlle, dépêche-toi, ma belle, lança-t-il la bouche pleine. On va bientôt y aller.
Une dizaine de minutes plus tard, Philippe, recroquevillé dans l’entrée, laçait ses bottes de travail. Sa boîte à lunch était posée à côté de lui. Kim aidait la fillette de quatre ans à remonter la fermeture éclair de son petit manteau. En arrière-plan, Léonie dessinait, affalée de tout son long sur le plancher du salon. Elle avait encore trente bonnes minutes devant elle avant l’arrivée de l’autobus au coin de la rue.
— Sur mon heure de dîner, je vais aller porter le vus au garage, rappela Philippe à sa blonde. Tu pourras prendre mon auto si t’as à sortir aujourd’hui.
— Merci de t’en occuper, mon amour, lui souffla Kim.
Son chum pensait aux trois cents dollars qu’avait estimés le mécanicien. Il espérait de tout cœur que le montant ne dépasserait pas cette somme. Parfois, ce genre de visite offrait de bien tristes nouvelles. Avant de la quitter, Philippe embrassa sa douce.
— Bon, il faut qu’on file.
Kim se pencha au niveau de Gaëlle et serra la petite dans ses bras, humant son odeur douceâtre. Elle souhaita ensuite une bonne journée à tous les deux.
— À toi aussi, maman.
Alors qu’il franchissait le seuil de la porte, Philippe se tourna vers Kim.
— Oublie pas que c’est la fête des Mères dimanche. Booke-toi rien. On a prévu un petit quelque chose pour toi, les filles et moi.
— Ohh ! D’accord, mes amours. Je vous aime.
— Bye, maman.
Deux minutes plus tard, le véhicule quitta l’entrée de leur résidence. Au coin de la rue, Philippe tourna à droite. Clank !
— Shit ! lâcha Philippe.
Kim avait raison. Le bruit dans la roue avait empiré depuis la semaine dernière.
◆
Philippe croqua dans son croissant au beurre. C’était l’heure de la pause. Assis à son petit bureau improvisé, dans leur local au deuxième sous-sol où traînaient outils et autre quincaillerie, Philippe tournait le dos à son collègue, Yanick. Ce dernier travaillait à la résidence depuis son inauguration, huit ans plus tôt. Du côté des ouvriers de bâtiment, il avait été le tout premier employé de l’établissement et il ne se gênait pas pour le répéter à chacune des personnes fraîchement embauchées. Comme il l’avait fait avec Philippe lors de son premier jour de travail.
— Si tu as des questions, c’est moi la référence, lui avait-il dit. Je connais la résidence sur le bout de mes doigts.
Philippe avait détesté Yanick dès le départ. Ce collègue avait trente-quatre ans, exactement comme lui, mais ils ne pouvaient être plus aux antipodes. Yanick était un sportif, il n’aimait pas la musique, n’avait pas d’enfant et n’en voulait pas. Il avait bien une copine, mais il n’en parlait que très rarement. En fait, il demeurait très évasif à propos de sa vie privée.
Un jour, alors que Kim était venue rendre visite à Philippe sur son lieu de travail, accompagnée par leurs filles, elle avait brièvement rencontré Yanick. Elle l’avait trouvé très condescendant. Philippe lui en avait déjà parlé, certes, mais elle croyait qu’il exagérait à son propos. Or, elle l’avait trouvé pire que ce que décrivait son chum. Yanick dégageait une trop grande confiance en lui qui s’avérait très vite dérangeante. Et pas une seule minute, il ne s’était intéressé aux filles. Il ne les avait même pas regardées, comme si elles n’existaient pas.
Philippe plongea la main dans sa boîte à lunch pour en sortir une banane. Sur une tablette, un vieux poste de radio débitait les nouvelles du jour. Selon Philippe, l’appareil devait fonctionner vingt-quatre heures sur vingt-quatre, car il n’avait jamais vu personne l’éteindre. Quelqu’un avait un jour bricolé un fil de métal autour de l’antenne. Il grimpait le long des étagères et allait terminer sa course quelque part au plafond. Ce système permettait probablement d’améliorer la captation des ondes. Une voix féminine parlait ce matin des terribles inondations qui s’acharnaient sans relâche sur le Pakistan. Selon les experts, c’était du jamais vu. Des millions de sinistrés. Des milliers de morts. La journaliste précisa que selon des scientifiques, à cause du réchauffement de la planète, ce genre de situations allait malheureusement devenir monnaie courante dans cette région au cours des prochaines années. Le Pakistan est loin d’être au bout de ses peines.
— Estie qu’ils me font rire eux autres, s’emporta Yanick, les deux pieds sur son bureau, confortablement assis sur sa chaise à roulettes.
Bon… pensa Philippe en se tournant vers son confrère. Qu’est-ce qu’il va sortir encore ? Yanick, comme toujours, avait les yeux braqués sur son cellulaire. Il ne le quittait jamais du regard. Peu importe la situation. Ce gars-là pouvait tenir une conversation complète avec quelqu’un les pupilles rivées sur son petit écran. Philippe ne s’était jamais habitué à cette manie fort déplacée.
— Les changements climatiques, c’est des cycles naturels, affirma Yanick. Tout le monde le sait. Des fois, y a des périodes glaciaires, d’autres fois y a des périodes de réchauffement. C’est basique. C’est de même depuis la nuit des temps. Ils veulent nous faire peur, nous faire sentir coupables pis responsables de tout ça. Pour nous taxer. Hey, c’est rendu que le monde te regarde de travers quand tu leur dis que t’as pris l’avion. C’est les médias qui rentrent ça dans la tête du monde.
— Ouin, mais il y a des preuves que l’activité humaine y est quand même pour quelque chose, Yanick, nuança Philippe, sachant pertinemment que son collègue ne voudrait rien entendre. Les scientifiques le disent depuis des années. Ils nous prévenaient déjà quand on allait à la petite école. C’est pas d’hier. La déforestation massive, c’est crissement néfaste. Pis les combustibles fossiles aussi. C’est sûr que ça aide pas. Il suffit de regarder les courbes de réchauffement des cent dernières années pis…
— Bullshit, l’arrêta Yanick.
Ce n’était pas la première fois que ces deux-là croisaient le fer à ce propos.
— Tu peux faire dire ce que tu veux aux chiffres, mon chum, poursuivit-il, sûr de lui, en ramenant ses pieds au sol. Ça dépend de la façon dont tu les regardes, les chiffres. Exemple, si tu…
Il stoppa son laïus lorsqu’on toqua à la porte de l’atelier.
— Oui ? firent Yanick et Philippe en même temps.
C’était Francine, la directrice. Elle s’excusa de les déranger pendant leur pause matinale. Elle fit quelques pas et referma derrière elle. Cette femme, à force de fréquenter régulièrement la clientèle âgée de l’établissement, avait fini par adopter leur style vestimentaire. Ancienne gérante d’hôtel, elle était arrivée en poste à peu près en même temps que Philippe. Elle devait aujourd’hui être dans la fin quarantaine. Ni jolie ni laide. Un visage quelconque. Au fil des mois, Philippe avait remarqué l’évolution de la garde-robe de sa supérieure. Elle portait aujourd’hui une blouse avec un pardessus brun ainsi qu’un pantalon gris. Ça ne cadrait pas du tout avec son âge. Même la mère de Philippe n’était pas en âge de se vêtir de cette façon. Bientôt, elle va se déplacer en triporteur pour être dans la gang, songea Philippe en esquissant un petit sourire.
— J’ai eu des nouvelles des plombiers pour la 404, commença-t-elle.
Yanick leva la tête vers elle sans cesser de jeter des coups d’œil furtifs à son téléphone.
— Ils peuvent venir dimanche pour la job dans la chambre de monsieur Lévesque, leur annonça la dame. Ça va me prendre quelqu’un