Patient A.F.
Par Victor Mouton
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À propos de ce livre électronique
Au cour d’une inspection de routine dans l’asile Alfred Fynn dans le nord de San Francisco en 1936, la jeune psychiatre, Solène Brightstone, va être confrontée à une série d’étrangeté passée et présente. Durant les quelques jours qu’elle passera dans cette institution elle devra se battre pour la sauvegarde de sa santé mentale et comprendre où elle est. A travers ses yeux, nous découvrons la vraie nature de cet endroit et l’expérience macabre qui va rendre Solène prisonnière de l’esprit perturbé de Alfred Fynn.
Le sang est rare mais le cœur est déchiré et la conscience mise à rude épreuve. Entre images, symboles et une réalité dont nous soulevons le voile, l’histoire vous emmène vers une introspection qui fera rencontrer certains de nos démons les plus sombres…
À PROPOS DE L'AUTEUR
Victor Mouton - Architecte de formation, passionné d’histoire et d’art, l’auteur a baigné depuis son plus jeune âge dans le monde fantastique de Howard Philips Lovecraft et celui d’Edgar Allan Poe, il complète à l’âge adulte avec les mystères théologiques, les écrits de Jung et de Kandinsky.
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Avis sur Patient A.F.
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Aperçu du livre
Patient A.F. - Victor Mouton
Victor Mouton
Le Patient A.F.
Éditions des Tourments
Prologue
25 Janvier 1937, Je trouve enfin le courage d’écrire ces souvenirs qui me hantent jour et nuit depuis maintenant un an… Les souvenirs des quelques jours passés à « Alfred Fynn » sont gravés à jamais dans ma mémoire.
Je pose ces lignes à l’encre de mes larmes qui coulent encore et toujours le long de mes joues chaque fois que les événements de cette histoire remontent en ma mémoire.
Je m’appelle Solène Brightstone, j’ai vingt-huit ans et j’ai terminé mes études en psychiatrie par un suivi psychiatrique.
Je ne compris qu’après, les véritables raisons de mon voyage vers cet endroit. Ce ne sont pas mes compétences acquises durant mon parcours qui furent mises à l’épreuve, mais ma foi et une capacité que mes maîtres avaient reconnue en moi, mon aptitude à établir des connexions et des associations d’esprit entre plusieurs objets, de pensées, de natures différentes. C’est la définition même de l’analogie…
Il y a cinq jours, la ville de Boca dans l’est était sous -43°…
Chapitre 1
Fin de journée sur une route dans les hauteurs boisées de l’arrière-pays californien.
Une secousse me réveilla brusquement et je sentis la voiture faire une légère embardée sur la route. J’avais dû m’assoupir un instant sur la banquette arrière, enfant, le ronronnement des moteurs me berçait et j’avais conservé cette fâcheuse habitude de dormir sur les trajets un peu longs. Je reprenais doucement conscience de mon environnement direct et me redressais lentement. Je m’étais avachie sans même m’en rendre compte. Regardant machinalement en arrière pour essayer de voir ce qui avait provoqué ce mouvement du véhicule, je ne vis rien de plus que l’obscurité de la route passée et un horizon noir bordé par les hauts conifères dont il était impossible de percevoir la cime. Ils semblaient se balancer d’avant en arrière comme mus par une force irrépressible, celle de la nature et de la violence dont elle peut faire preuve lorsqu’elle se déchaîne. Le vent faisait claquer sur la carlingue une pluie battante. La noirceur de la nuit semblait fuir mon regard. Était-ce moi qui la fuyais ou était-ce elle qui m’engloutissait ? Un jeu de miroir, de perceptions, me fit plisser les yeux comme pour percer cette énigme.
Je revins à la réalité en songeant que le véhicule avait sûrement dû rouler sur un nid-de-poule. Il me vint à l’esprit, que cette route n'était manifestement pas entretenue depuis bien longtemps. Qui aurait voulu s’aventurer dans les terres reculées de l’arrière-pays californien ? Il n’y avait absolument rien par ici et si peu d’habitations que seuls les trappeurs y résidaient à l’année dans de vieilles baraques en bois à l’aspect sordide et délabré. J’eus un léger frisson à la pensée de rester bloquée ici au milieu des bois, seule – avec pour unique compagnie le chauffeur qui n’était qu’une ombre, les animaux sauvages de la région, la pluie, le vent, les éclairs et les légendes indiennes des Wappos. Sans savoir pourquoi, je me faisais peur toute seule, laissant mon imagination effectuer le travail. Je n’étais pas particulièrement timorée de nature, pour autant je n’étais pas sereine.
Je me retournai et baissai les yeux vers mes genoux pour recentrer mes pensées qui viraient clairement au noir et joignis mes mains pour me réchauffer. Je soufflai dans leurs creux et me forçai à sourire et, comme pour expulser ces mauvaises pensées, laissai échapper un frissonnement bruyant.
Ma destination se perchait dans les hauteurs au milieu d'une forêt de sapins de Douglas à environ deux bonnes heures de la ville. Ce n’était pas si loin en fin de compte, mais le sentiment d’être au bout du monde m’étreignit soudainement. Je regardai, encore quelque peu ensommeillée, les gouttes de pluie ruisselantes le long de la vitre passager arrière de la Studebaker Dictator de 1934. Un éclair finit de me réveiller.
Au-delà du caractère purement professionnel de ce voyage, j’éprouvais une certaine fierté à être transportée dans ce modèle, c’était comme un rêve qui devenait réalité. Sans être passionnée, j’aimais ce qui était beau et harmonieux. Aujourd’hui, je tâche de m’en convaincre…
J’ouvris ma sacoche de cuir marron, fidèle compagnon de mission qui arborait les rayures et les écornures comme de fiers trophées sur le flanc, cicatrices de mes succès et de mes échecs passés. Elle m’avait été offerte par un ami proche avec qui j’aurais pu construire un avenir si un tragique accident ne l’avait emporté trop tôt. J’avais alors tenté d’en finir avec la vie, mais je ne dois mon salut qu’au miracle de l’intervention de mon père : pendant un instant, j’avais été morte… Un traumatisme qui me rappellerait chaque jour le bonheur du moment présent et les dangers de la chasse et de l’amour passionnel.
Je sortis un dossier dans lequel figuraient les informations relatives à l’endroit vers lequel je me dirigeais, sans retour possible au vu des conditions météorologiques. Je levai les sourcils en signe de résignation.
Véritable aide-mémoire pour moi, je posai à côté mon calepin de notes et pris entre mes doigts mon Parker « Duofold », un gros stylo de couleur rouge orangé, offert par mon père et qui me suivait dans tous mes déplacements. Encore aujourd’hui, il est mon plus fidèle compagnon, tout comme l’est ma sacoche.
Mes yeux passèrent sur la couverture cartonnée du dossier : « Alfred Fynn ». Je l’ouvris et entrepris de relire les notes afin de tuer le temps, je suppose. Cela me rassurait d’être occupée.
Il s’agissait d’une simple mission d’inspection, une première professionnelle pour moi, qui devait me permettre de mettre à l’épreuve mes connaissances sans avoir besoin de poser un diagnostic. Une visite des locaux, de leur bonne tenue, ainsi qu’une étude des patients et des méthodes curatives employées. Une formalité en somme qui me prendrait quelques jours à peine. Dans la pénombre de la nuit, sur cette banquette arrière, il me fallut un certain effort pour ajuster ma vue à ce qui était écrit. Cela dit, je l’avais tellement lu que seuls quelques mots discernés de-ci de-là me suffirent à comprendre le sens de ce qui était inscrit.
« Alfred Fynn » était une ancienne demeure de maître datant de l’époque victorienne, fin XIXe siècle. Je me la représentais comme construite en bois à base de séquoia et peinte en blanc, comportant trois ou quatre étages avec une tour et un grand porche. D’un style simple contrastant avec les façades tricolores des maisons de San Francisco que j’avais connues durant les dix premières années de ma vie. Un souvenir que je m’étais réapproprié de sorte que seuls les sens me permettaient de la reconstruire. Il était fait des couleurs rehaussant les aspects architecturaux des façades de ces habitations de style victorien ou édouardien, des odeurs d’herbe des parcs, du cuir de vieux livres que mon père collectionnait et des arbres perdant leurs feuilles au gré du vent en automne, des sensations comme celles que procurent les tableaux impressionnistes français. La forme est là, mais les détails et la reconstruction générale appartiennent à celui qui regarde. Comme un premier pas vers l’abstraction. Les images de cette époque défilaient devant mes yeux pour se substituer aux ténèbres de la nuit.
Je me redressai doucement sur la banquette arrière pour me dégourdir un peu et surtout m’extraire de mon état encore quelque peu ankylosé. J’avais dû prendre une mauvaise position durant mon sommeil.